Paul Boccara et le progrès technique

Dans la revue Issues, en 1984, Paul Boccara publia un long article, Nouvelles élaborations sur des critères de gestion pour une issue à la crise. En voici un extrait important, présentant à la fois la démagogie « productiviste » de Paul Boccara, et montrant bien également comment est sous-jacent une conception prenant en compte la technologie, les débuts de l’informatisation.

Considérant le capitalisme comme bloqué, Paul Boccara considérait en conséquence que tout progrès technique allait forcément dans le bon sens, car pour être vraiment réalisé il exigeait une soi-disant modernisation démocratique, impliquant les ouvriers, avec de nouveaux critères, etc.

Le passage suivant est flagrant. On y voit tout à fait des propositions pour aider le capitalisme !

Pourtant Paul Boccara présente cela comme une perspective révolutionnaire, car le capitalisme aurait fait son temps et ne pourrait plus rien assumer !

« Si nous avons pu parler de début de révolution « informationnelle » en la distinguant de la révolution « industrielle » – c’est pour mettre en avant en liaison avec le remplacement matériel des fonctions du cerveau et avec l’informatique, l’importance grandissante et cruciale de toutes les fonctions d’information, y compris au niveau des matériels, et notamment du travail intellectuel, de service, et plus largement d’information spécifique des hommes eux-mêmes (…).

Ces transformations technologiques exigeraient et rendraient possibles, mais pas du tout automatique, le renversement de l’interversion capitaliste du subjectif et de l’objectif : les hommes traités comme des choses et dominés activement par les moyens matériels représentés par leurs monopoleurs.

Par exemple, le contrôle central peut être poussé vers son maximum avec une déconcentration favorisant une centralisation plus efficace car non encombrée, à l’opposé d’une décentralisation développant l’autonomie effective des unités de production.

Mais cela pourrait faire progresser de la sorte à la fois, les déséconomies ou gâchis anti-économiques du monopole à grande échelle et de l’uniformité extrême des impulsions fondamentales des décisions, et, et en même temps, les techniques matérielles et humaines d’un processus véritable de décentralisation.

Ce dernier pourrait commencer à développer les adaptations créatrices de collectifs de travail autonomes sans les déséconomies d’échelle de l’isolement. Il ne s’agit pas d’élever une critique négative et une protestation générale contre la domination du capital.

Il s’agit de mettre en cause de façon concrète la domination des règles et critères de gestion capitalistes par des propositions constructives opérationnelles de portée révolutionnaire.

Ces propositions peuvent viser à faire le lien entre les divers points d’appuis concrets, offerts par le développement nouveau des contradictions sociales en liaison avec l’essor des nouvelles technologies, et une régulation d’ensemble radicalement nouvelle et viable.

Ainsi on pourrait construire dans la réalité phénoménale, à partir des luttes des différentes catégories de travailleurs pour la maîtrise de leur travail, des rapports d’intervention dans la gestion, tendant à court-circuiter leurs exploiteurs et dominateurs communs.

Un des enjeux centraux de cette lutte consiste dans la suppression graduelle des barrières dans le travail et dans la formation entre les différentes catégories de travailleurs (…).

Des ressources financières sont sans cesse retirées de la production pour accroître le potentiel de domination financière en achetant des devises, des titres privés et des titres publics (actions, obligations, etc).

Ces ressources financières sot prélevées notamment pour acheter des entreprises existantes à l’opposé de dépenses de création et de productions nouvelles.

Au contraire, de nouveaux critères de gestion peuvent favoriser l’économie des moyens financiers et matériels ainsi que les débouchés d’une croissance de la production nouvelle, favorable aux dépenses pour les hommes.

Ils peuvent ainsi pousser à des coopérations entre les entreprises, économes en moyens financiers, et à des adaptations techniques en croissance des équipements existants et des effectifs employés (remise en formation etc) à l’opposé des casses matérielles et humaines.

Ces nouvelles coopérations au plan régional, national, international, permettraient d’économiser sur le financement des dépenses de contrôle visant le rachat partiel ou intégral d’entreprises avec rachat de parts de marché accompagné d’une certaine casse des moyens matériels et humains.

Mais elles autoriseraient aussi les économies d’échelle des dépenses de recherche et de formation en commun, tout en favorisant l’autonomie créatrice des unités de production et les débouchés réciproques pour une croissance plus importante et nouvelle de production.

On chercherait graduellement à faire que les hommes dans la mesure où ils travaillent soient ou employés ou en formation, à l’échelle des entreprises, des régions, de la société avec une sorte de protection sociale de la formation et de l’emploi. »

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