Paul Boccara et les nationalisations

Les nouveaux critères ne sont qu’un aspect de la lutte pour la défense des intérêts de l’aristocratie ouvrière. Afin de peser de manière plus forte dans la bataille, Paul Boccara théorisa également la nécessité des nationalisations et de la formation d’un secteur bancaire public.

Cela était bien entendu présenter comme un moyen d’avancer vers le socialisme. Toutefois, très concrètement, cela allait dans le sens du renforcement de l’aristocratie ouvrière, car qui pouvait prendre en main ces nationalisations si ce n’est justement le PCF et la CGT ?

La preuve de cela, s’il en était besoin, c’est que les nationalisations n’étaient nullement considérées comme séparées des entreprises du privé.

Les nationalisations étaient considérées comme devant aller dans le sens d’une amélioration du secteur privé, justement en lien avec cette question des nouveaux critères.

Voici comment la chose est présentée en 1982, dans l’article De nouveaux critères pour l’intervention des travailleurs dans la gestion :

« Des relations nouvelles secteur public – secteur privé peuvent favoriser non pas le pillage du secteur public, ou encore un comportement de type privé des entreprises nationalisées, mais des socialisations et des décloisonnements hardis, permettant des économies d’échelle et des plans audacieux d’innovations concertées.

Cela peut concerner notamment les centres de recherche, la formation des travailleurs, la conjonction des plans de développement des équipements, des produits des marchés.

Ces concertations peuvent s’appuyer sur les contrats passés par les entreprises nationalisées et privées, entre elles, et aussi avec les collectivités publiques et le plan démocratique à l’échelle nationale ou à l’échelle régionale dans le cadre d’une véritable décentralisation, comme en vue de nouvelles relations et coopérations internationales. »

Ce qu’on voit ici dans l’optique de Paul Boccara, c’est qu’il n’y a pas de conflit entre le capitalisme et les nationalisations, mais entre d’un côté les entreprises et les nationalisations, de l’autre le capital financier !

La perspective du PCF et de Paul Boccara, pour ne pas dire leur obsession tout au long des années 1980, est la production pour la production, considérée comme en soi dépassant le capitalisme !

D’où le fait d’accuser les entreprises de gaspiller leur propre capital, de sous-utiliser leurs équipements, de ne pas réaliser des productions de qualité, de ne pas être à la hauteur sur le plan de la recherche et du développement, de ne pas améliorer les qualifications de ses employés, etc.

Et cela est vrai également pour les entreprises nationalisées. Puisqu’il s’agissait en fait de renforcer l’aristocratie ouvrière, il était nécessaire pour Paul Boccara de toujours prôner une meilleure gestion.

Un exemple de cela fut l’ouvrage Intervenir dans les gestions avec de nouveaux critères, publié en 1985, avec comme contenu des analyses critiques des directions de Renault, CIT Alcatel, Normed, etc.

Cela donne par exemple le point de vue suivant :

« La direction néglige le fait que le coût énorme de « non-qualité » qu’elle a pu chiffrer à 6 % du chiffre d’affaires en 1984 (retouches, dépenses de garanties, non-fidélité et baisse des parts de marché, etc) est précisément en bonne partie lié à la recherche prioritaire du rendement véhicule homme.

En outre, les gâchis de coûts et d’investissements fixes matériels sont aussi liés, e partie, à un accent insuffisamment mis sur la meilleure utilisation des matériels, et les économies du temps de non-utilisation des machines.

Cela se relie, entre autres, aux types d’analyse et de calcul de productivité par établissement et atelier, ramenant tous les coûts au coût de l’heure-travail (salaires horaires majorés des coûts de consommations intermédiaires et de coûts fixes).

Ces gâchis semblent liés tout particulièrement aux répercussions des réductions des effectifs et des insuffisances de dépenses de formation, à l’opposé, notamment, des exigences de la maintenance des matériels nouveaux. D’où l’importance de la sous-utilisation des équipements.

Enfin et surtout, il faut souligner que les gâchis financiers liés à la politique d’exportation des capitaux aux États-Unis sont toujours systématiquement niés et aggravés. »

La production serait forcément, en soi, mieux géré par le PCF ; on ne trouve aucun questionnement de la forme de la production, de sa nature, de son sens, de son but, de son rapport à la classe ouvrière, de la propriété des moyens de productions, du pouvoir, de l’orientation générale de la société, etc.

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