Que signifie « classe contre classe »? (1971)

[Publié dans l’Humanité Rouge, décembre 1971.]

HISTORIQUE

Le mot d’ordre  » CLASSE CONTRE CLASSE  » est apparu pour la première fois dans notre pays dans une  » lettre ouverte aux membres du Parti  » adressée par le Comité central du Parti communiste français, réuni les 9 et 10 novembre 1927.

Il correspondait alors essentiellement à une rectification de la ligne du Parti pour lutter dans tous les domaines contre l’opportunisme de droite. Son application immédiate concernait les rapports avec le Parti socialiste (S.F.I.O.). Dans ce domaine, la question N° 1 était évidemment celle des élections.

Mais que disait exactement cette  » lettre ouverte  » ?

Elle avait d’abord pour objet de souligner que l’aspect électoral de la tactique de  » Front unique  » ne devait être tenu que pour un  » cas particulier  » et non son seul aspect. Il fallait  » hâter le rassemblement des masses laborieuses sous la direction du prolétariat et de son Parti communiste pour une lutte intransigeante contre toutes les fractions de la bourgeoisie « .

Il fallait redonner aux travailleurs une nette conscience de l’opposition irréductible des classes, alors que cinquante années de régime parlementaire bourgeois et de  » pseudo-démocratie  » avait sensiblement obscurci cette réalité inhérente au régime capitaliste. On en était encore à la conception  » des Rouges contre les Blancs « .

Le Parti devait lui opposer désormais la juste conception prolétarienne  » classe contre classe « . 

 » Une telle formule, expliquait la lettre, est d’autant plus indispensable que le Parti apparaît encore aux yeux d’un grand nombre de travailleurs comme le  » PARTI LE PLUS A GAUCHE  » et qu’une tactique mécanique de désistement pour le candidat de  » GAUCHE  » placé avant le militant communiste laisse s’accréditer, en dépit de nos déclarations, l’apparence du Parti communiste  » AILE EXTRÊME DU CARTEL DES GAUCHES « , ou élément participant d’un  » NÉO-CARTEL « .

Or un Parti communiste est un Parti du prolétariat, totalement indépendant des Partis de la bourgeoisie. Il était donc indispensable de dissiper sur le plan électoral, comme sur tous les plans, toute interprétation erronée à ce sujet. Ainsi la  » lettre  » du Comité central proposait-elle aux militants de base de discuter et d’adopter la tactique électorale suivante :

 » Le Parti communiste opposera au second comme au premier tour ses candidats aux candidats bourgeois, radicaux comme réactionnaires.
Le Parti communiste proposera immédiatement au Parti socialiste la formation au second tour d’un bloc ouvrier, en vue du maintien contre TOUS les candidats bourgeois, du socialiste ou du communiste. Le désistement mutuel des deux Partis se réclamant de la classe ouvrière (1) sera conditionné par l’acceptation d’un programme minimum.

Le Parti communiste déclare qu’au cas où le Parti socialiste repousserait sa proposition du Bloc ouvrier et Paysan, le Parti communiste se réserve de maintenir un candidat prolétarien en face de tous les chefs socialistes qui accomplissent une besogne contre-révolutionnaire et qui se déclarent les défenseurs de la démocratie bourgeoise contre le communisme. « 

La lutte entre authentiques communistes et opportunistes de droite s’engagea dans l’ensemble du Parti.

Dans les cellules, la discussion se poursuivit pendant plus de cinq mois, jusqu’après les élections parlementaires d’avril 1928. Au Comité central, la nouvelle tactique ne l’emporta tout d’abord que de haute lutte. Lors de la session suivant celle où la  » Lettre ouverte  » avait été adoptée (mais seulement comme  » proposition  » à soumettre aux militants), en janvier 1928, le Comité central ne ratifia le mot d’ordre  » classe contre classe  » que par 23 voix contre 13.

Les  » propositions  » découlant de la rectification en cours avaient d’ailleurs été transmises à la Direction du Parti socialiste et rendues publiques dans  » L’Humanité  » dès le 27 novembre 1927, sans attendre la fin de la discussion à la base. Evidemment les opportunistes de droite protestaient contre ce qu’ils gratifiaient de  » violation du centralisme démocratique « . Ces  » Propositions  » préservaient le  » programme minimum  » et précisaient :

 » Classe contre classe, telle est la formule d’action commune que nous vous proposons. Un tel bloc de classe comporterait évidemment, dès à présent, l’adoption de mesures propres à en assurer l’élargissement hors du cadre électoral pour une lutte de tous les instants et sur tous les terrains contre la réaction blanche et tricolore. « 

Les  » chefs  » socialistes et le Populaire (2) répondirent par des injures. Il n’y eut aucun accord, ni électoral ni autre. Alors, sous l’impulsion de Pierre Sémard, le Bureau politique du Parti communiste s’adressa directement aux ouvriers socialistes de base :

 » Notre Parti avec plus de force que jamais se tourne vers les ouvriers socialistes… Les chefs n’ont pas voulu l’entendre. Ils ont considéré que le programme des revendications immédiates pour lesquelles les travailleurs doivent lutter était une  » INSOLENCE  » à leur égard.

Mais les travailleurs, y compris les ouvriers socialistes, sauront réaliser leur front uni de combat pour résister au danger qui les menace « .

Dans  » l’Humanité  » Marcel Cachin écrivait :  » Les communistes se tournent vers les ouvriers pour leur demander avec insistance de réfléchir sur l’attitude présente de leurs chefs. Et puisque ceux-ci ont repoussé, une fois encore, la proposition ferme de front unique des communistes, c’est à ceux de la base que nous renouvellerons notre appel, sûrs qu’il finira par être entendu. « 

Le résultat des élections législatives d’avril 1928 démontra que les travailleurs approuvaient la nouvelle ligne du Parti communiste  » Classe contre classe « . Avec 1 060 334 voix, il progressait de 184 523 voix par rapport au précédent scrutin.

Mais il perdait 11 députés, régressant de 25 à 14. Au passage, signalons que la duplicité du système électoral bourgeois fut particulièrement éclatante lors de ce scrutin : un parti réactionnaire, l’Union Républicaine Démocratique (U.D.R.) recueilli 1 008 244 suffrages. Avec 50 000 voix de moins que le Parti communiste, il obtint 142 députés, soit 128 députés de plus que le Parti de la classe ouvrière !!

En ce sens la tactique  » Classe contre classe  » qui ne visait pas à conquérir des sièges de députés, mais avant tout à réaliser dans la lutte sur tous les plans le bloc de la classe ouvrière, constituait un précieux enseignement pour démasquer l’emploi de l’électoralisme par la bourgeoisie et ses laquais, les chefs socialistes S.F.I.O. et pour combattre les illusions électoralistes encore profondes et tenaces dans les esprits des travailleurs.

Mais la ligne  » Classe contre classe  » fut d’abord appliquée de manière sectaire et dogmatique, les ouvriers socialistes étant confondus avec leurs chefs et traités de  » social fascistes « . Puis, Thorez, devenu secrétaire général, impulsa une première correction qu’il baptisa lui-même  » tournant  » pour ramener l’ensemble du Parti à une pratique plus juste telle qu’elle aurait dû être poursuivie malgré les injures et la politique des chefs socialistes.

Dans  » L’Humanité  » du 6 janvier 1931, il écrivit :

 » C’est à nous, communistes, qu’il appartient de dénoncer quotidiennement, afin de les faire échouer, tous les plans du patronat et des équipes politiciennes, qu’il installe dans les ministères.

C’est à nous, communistes, qu’il appartient de déjouer les manœuvres subtiles des social-réformistes qui feront tout pour briser l’élan prolétarien… C’est à nous, communistes , de rassembler les prolétaires, TOUS les prolétaires, pour une lutte organisée et consciente en faveur des revendications corporatives et contre toutes les manifestations de l’oppression capitaliste.

C’est à nous, communistes, d’unir aux ouvriers, champions de la lutte contre la bourgeoisie, les couches les plus exploitées de la petite-bourgeoisie urbaine et rurale. C’est à nous, communistes, qu’il appartient de diriger les efforts des combattants ouvriers de telle façon qu’ils aboutissent à la liquidation du régime capitaliste, à la dictature du prolétariat. « 

La ligne du Parti communiste devait être :

 » Lutte plus vigoureuse que jamais contre l’ensemble des organisations socialistes ; main tendue, front unique avec les ouvriers socialistes. « 

Thorez déclarait à cette époque :

 » Il faut arracher le masque de la social-démocratie, le masque de sa prétendue opposition qui trompe encore les ouvriers. « 

On sait malheureusement que ce Thorez-là allait encore bientôt faire place à un autre Thorez. Ce dernier allait  » réviser  » le principe même de la tactique  » Classe contre classe « .

Laissant libre cours à un opportunisme de droite à base d’électoralisme, de parlementarisme et de goût pour la participation aux gouvernements bourgeois, il allait, à l’occasion du Front populaire, substituer à la ligne  » Classe contre classe  » la fameuse ligne sans principe  » Tout pour le Front populaire, tout par le Front populaire « . Depuis lors, la tactique  » Classe contre classe  » a été complètement abandonnée par le PCF.

Une dernière précision s’impose encore, non sans importance :  » Classe contre classe  » résulta de l’application correcte des directives de l’Internationale communiste contenues dans une lettre au Parti Français en date du 2 avril 1927 et concernant les élections législatives prévues pour 1928.

Un nouveau message insista dans le même sens au mois de septembre 1927 et sans doute est-ce à la suite de cette nouvelle démarche de l’Internationale que le Comité central du Parti communiste français décida la publication de sa  » Lettre ouverte aux membres du Parti « , moins de deux mois plus tard.

A la veille des élections législatives, le IXe Plénum de l’Internationale, publia, le 9 février 1928, une longue résolution sur la situation économique et politique en France justifiant la nouvelle ligne adoptée.

Enfin, siégeant du 17 juillet au 1er septembre 1928, le VIe Congrès de l’Internationale communiste s’appuya sur l’exemple français pour étendre à tous les Partis occidentaux la directive  » Classe contre classe « . Il dénonça avec vigueur les partis socialistes :

 » Le processus d’embourgeoisement des cadres supérieurs de la bureaucratie ouvrière est consciemment appuyé et favorisé par la social-démocratie qui a passé de la défense timide à l’appui ouvert et à l’édification active du capitalisme, des phrases sur la lutte des classes à la prédiction de la  » paix industrielle « , de la défense de la patrie à la préparation de la guerre contre l’U.R.S.S. (Kautsky), de la défense en parole des colonies à un appui direct de la politique d’oppression coloniale, du pacifisme petit-bourgeois à la déification de la S.D.N. impérialiste, du révisionnisme faussement marxiste au libéralisme du Labour Party britannique (3). « 

Le VIe Congrès de l’Internationale communiste concluait sur un point capital :

 » Cette tactique modifie la FORME, mais ne change nullement le contenu principal de la tactique du front unique. Le renforcement de la lutte contre la social-démocratie déplace le centre de gravité du front unique VERS LA BASE, mais ne diminue nullement, augmente même encore, le devoir des communistes de faire la distinction entre les OUVRIERS social-démocrates, qui se trompent en toute sincérité, d’une part, et les leaders social-démocrates vils serviteurs de l’impérialisme, d’autre part. « 

CONTENU ACTUEL DU MOT D’ORDRE  » CLASSE CONTRE CLASSE « 

La contradiction fondamentale de la société française n’a pas changé depuis 1927, mais elle est devenue beaucoup plus aiguë. Le capitalisme monopoliste d’Etat dominait déjà la France il y a 45 ans, mais son caractère oppressif était moins généralisé et donc moins ressenti qu’aujourd’hui. Depuis lors, l’antagonisme entre la classe ouvrière et la bourgeoisie capitaliste s’est exacerbé sur tous les plans.

Les évènements de mai-juin 1968 et les formes de lutte violentes souvent pratiquées depuis par les travailleurs annoncent et préparent le dénouement de la contradiction inhérente au système capitaliste parvenu à son stade suprême ; la révolution prolétarienne est de nouveau à l’ordre du jour, même si la France n’est pas encore entrée dans la phase pré-révolutionnaire proprement dite.

Le mot d’ordre  » Classe contre classe  » correspond à cette situation et signifie avant tout :  » Classe ouvrière contre bourgeoisie « . Bien entendu, il faut entendre par  » bourgeoisie  » la bourgeoisie capitaliste, c’est-à-dire l’ensemble du patronat exploiteur et ses laquais, monopoliste ou non monopoliste.

Que comprend la  » classe ouvrière  » ?

Lénine enseigne que la classe ouvrière comporte deux parties distinctes, l’avant-garde et la masse. L’expérience de la révolution bolchévique a montré que le Parti révolutionnaire prolétarien s’était identifié à l’avant-garde pour parvenir à entraîner la masse, c’est-à-dire en définitive la  » classe  » entière.

Mao Tsé-toung, à l’occasion de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine, a souligné que les contradictions au sein de la classe ouvrière ne peuvent pas devenir ou rester antagoniques, parce qu’elles se situent au sein d’une seule et unique classe dont les intérêts objectifs sont les homogènes ; ce sont des contradictions  » au sein du peuple « , donc susceptibles de recevoir de justes solutions.

L’analyse du dirigeant chinois concernait une classe ouvrière vivant sous dictature du prolétariat, mais sa valeur théorique n’en demeure pas moins valable pour une classe ouvrière pour une classe ouvrière vivant sous dictature de la bourgeoisie. ;

Le contenu de classe de la ligne  » Classe contre classe  » implique donc la réalisation de l’unité de la classe ouvrière, dans la lutte de classe.

Les dirigeants révisionnistes parlent sans cesse de l’unité, mais ils ne se préoccupent nullement de développer et consolider par priorité l’unité de la classe ouvrière. Ils cherchent essentiellement à promouvoir une unité sans principe et la plupart du temps seulement au sommet entre les bureaucrates de leur Parti ou de la C.G.T. et différentes formations politiques ou syndicales de la petite et moyenne bourgeoisies.

Le  » Manifeste de Champigny « , le  » Programme pour un gouvernement démocratique d’union populaire  » visent à créer le rassemblement de  » toutes les victimes des monopoles « , en réalisant, dans une lutte illusoire, l’unité des travailleurs, des couches moyennes et du patronat non monopoliste !

Pour les marxistes-léninistes l’unité conserve d’abord son contenu de classe : elle est prolétarienne. A son sujet, Lénine parle de  » la forme SUPREME de l’union de classe des prolétaires  » et il précise que  » le PARTI RÉVOLUTIONNAIRE DU PROLÉTARIAT…(ne) méritera pas ce nom aussi longtemps qu’il ne saura pas lier les chefs, la classe et les masses, en un tout homogène, indissoluble « .

Par  » masses  » Lénine désigne ici les  » masses ouvrières « , comme en atteste le contexte de ce passage extrait de  » La maladie infantile du communisme, le gauchisme « .

En France, aujourd’hui, comme hier, la force dirigeante de la révolution, c’est la classe ouvrière. Elle s’identifie d’ailleurs avec la force principale. En lançant le mot d’ordre  » Classe contre classe « , les marxistes-léninistes reconnaissent et proclament ces deux caractères spécifiques de la classe ouvrière, classe dirigeante et force principale de la révolution prolétarienne.

Mais différents groupes s’autoproclamant  » maoïstes  » n’ont pas une position juste sur cette question théorique décisive. Par exemple, un groupe né d’une scission d’étudiants de  » L’Humanité Rouge  » n’a pas hésité à  » théoriser  » à ce sujet et à contester la ligne  » Classe contre classe  » en la qualifiant de vieilleries du P. »C. »F. des années 30.

De tels faits témoignent d’une lutte en cours pour ou contre le rôle dirigeant hégémonique de la classe ouvrière dans la préparation de la révolution prolétarienne en France.

Il paraît que pour ces jeunes militants étudiants, la ligne  » Classe contre classe  » serait une ligne sectaire. Cette idée est erronée.

Si son application pratique correspond correctement à son contenu, la ligne  » Classe contre classe  » ne signifie pas plus aujourd’hui qu’en 1927,  » Classe ouvrière contre couches moyennes ou petite bourgeoisie « .

Soyons donc clairs et précis. Ce qui est principal, prioritaire pour le mouvement révolutionnaire, c’est la réalisation de l’unité de classe de la masse ouvrière, sous la direction de son avant-garde organisée, c’est-à-dire du Parti révolutionnaire prolétarien. C’est ce qu’on appelle encore la réalisation du  » Front unique  » de la classe ouvrière (5).

Toutefois cette tâche n’exclue nullement ce qui est secondaire, à l’étape actuelle, mais va devenir principal à une étape ultérieure : l’unité d’action (4) avec les couches sociales non prolétariennes, mais objectivement intéressées par la révolution prolétarienne : petite-bourgeoisie (6), paysans pauvres et semi-prolétaires, paysans moyens endettés.

Voilà pourquoi les marxistes-léninistes portent d’abord tous leurs efforts vers les entreprise, qu’elles soient grandes (monopolistes ou  » nationalisées  » à la mode bourgeoise), moyennes ou petites, et doivent aussi, secondairement, consacrer une grande attention à gagner les couches non prolétariennes au juste combat  » Classe contre classe  » dirigée par la classe ouvrière et son Parti de classe.

FORME TACTIQUE DU MOT D’ORDRE << CLASSE CONTRE CLASSE >>

La réalisation de l’unité de classe de la classe ouvrière ne se décrète pas du sommet d’un parti ou d’une confédération syndicale. Elle résulte d’une longue et patiente bataille de classe pour arracher les masses ouvrières aux influences idéologiques du système capitaliste. Dans notre pays, l’idéologie bourgeoise domine encore la classe ouvrière sous des formes variées, tels que l’esprit petit-bourgeois ou la mentalité révisionniste.

Aujourd’hui, le Parti  » communiste  » français se proclame lui-même  » Parti de la classe ouvrière « . Mais cette prétention est accueillie avec ironie ou scepticisme par de nombreux travailleurs, qui le tiennent désormais pour un  » Parti de la bourgeoisie « , ayant pris le relais historique du Parti socialiste dans sa fonction anti-communiste et contre-révolutionnaire.

Le Parti  » socialiste  » a conservé l’épithète  » socialiste « , mais il y a plusieurs décennies qu’il s’agit là d’une usurpation malhonnête. Le Parti  » communiste  » français conserve de même l’épithète  » communiste « , mais depuis 1956 sa dégénérescence révisionniste l’a définitivement vidé de tout contenu  » communiste  » et révolutionnaire.

Néanmoins le P. »C. »F. conserve une influence néfaste certaine sur la classe ouvrière. Or le  » Front unique  » ou véritable unité de classe du prolétariat ne peut pas se réaliser en dehors de la base. La  » classe « , ce sont les  » masses  » ouvrières. C’est pourquoi le mot d’ordre  » Classe contre classe  » est étroitement lié à la forme tactique de réalisation du  » Front unique  » A LA BASE. Il nécessite fondamentalement  » L’UNITE A LA BASE ET DANS L’ACTION « .

C’est ici que surgissent, aujourd’hui, les difficultés. Car les marxistes-léninistes sont amenés à livrer une véritable bataille de classe justement au sein de la classe ouvrière elle-même.  » Arracher la classe ouvrière à l’influence du révisionnisme moderne  » est une entreprise historique indispensable, elle exige une lutte de tous les instants sous des formes multiples, cachées ou publiques, dans les syndicats comme de l’extérieur des syndicats, dans les entreprises d’abord mais aussi dans les quartiers ouvriers et les bidonvilles, en un mot partout où se trouvent, au travail ou dans leur vie quotidienne, les masses ouvrières.

Mais la lutte contre le révisionnisme ne doit pas faire oublier celle tout aussi nécessaire contre la bourgeoisie elle-même. Les armes du pouvoir, la participation, l’électoralisme, etc. ne sont pas efficacité. Et souvent c’est en se montrant les meilleurs contre le gouvernement capitaliste qu’on parvient à gagner les travailleurs encore trompés ou influencés par le révisionnisme moderne.

 » L ‘unité à la base et dans l’action  » voit déjà et verra jaillir des formes multiples, nées de l’esprit créateur des masses ouvrières et du peuple. Là où les meilleures de ces formes, c’est-à-dire les plus efficaces, naissent et naîtront de la pratique. Ainsi dans la Russie du début du siècle, de 1905 à 1917, se précisa et s’enrichit la forme des Soviets (Conseils). Ces unités de base du peuple révolutionnaire étaient placées d’abord sous la direction des  » menchéviks  » et des  » socialistes révolutionnaires  » mais passèrent enfin sous celle des meilleurs combattants de la cause prolétarienne, les  » bolchéviks « .

Les marxistes-léninistes observent une attitude de principe vis-à-vis des  » masses  » ouvrières. Ils savent qu’elles ont un intérêt objectif à la révolution prolétarienne, mais qu’elles sont encore trompées subjectivement. Pour les gagner, les marxistes-léninistes doivent recourir exclusivement à l’explication, à la persuasion, à la conviction. Mais jamais à la contrainte ou à la tromperie. Le succès ne vient pas sans de longs efforts prolongés. Mais il viendra inéluctablement.

Vis-à-vis des militants de base du Parti révisionniste, il faut reprendre les enseignements de 1927, car ils occupent aujourd’hui, vis-à-vis des marxistes-léninistes, la place qu’occupaient alors les ouvriers socialistes vis-à-vis des membres du P.C.F.

La tactique du front unique classe contre classe consiste à faire passer la ligne de démarcation entre les communistes marxistes-léninistes unis à tous les ouvriers acceptant la lutte de classe conséquente, membres ou non de la C.G.T. et du P. »C. »F. d’une part, et la bourgeoisie comprenant ses commis infiltrés au sein de la classe ouvrière, les dirigeants révisionnistes du P. »C. »F. et de la C.G.T. d’autre part.

Voilà pourquoi les marxistes-léninistes soutiennent tout responsable ou militant C.G.T. ou membre du P. »C. »F. quand il développe et poursuit une action sous le signe de la lutte de classe. Voilà pourquoi les marxistes-léninistes démasquent sans ambiguïté tout responsable ou militant C.G.T. ou membre du P. »C. »F. quand il pratique la collaboration de classe.

Evidemment comme les  » chefs  » socialistes en 1927-1930, les dirigeants révisionnistes du P. »C. »F. et de la C.G.T. méritent d’être stigmatisés sans nulle équivoque et sans trêve, parce que leur ligne fondamentale est passée désormais au service de la bourgeoisie, au service de l’ennemi de classe du prolétariat.

CARACTERE STRATEGIQUE DE LA LIGNE  » CLASSE CONTRE CLASSE « 

La classe ouvrière est  » la classe révolutionnaire jusqu’au bout « .  » En s’émancipant, elle émancipera les autres classes exploitées « . Ce sont là des enseignements fondamentaux de Marx et Engels. Ils ont valeur de principes, qui restent parfaitement valables aujourd’hui.

Le printemps révolutionnaire de 1968 comme toutes les luttes actuelles témoignent de cette réalité historique : seule la classe ouvrière est capable de s’opposer victorieusement à la bourgeoisie capitaliste. Le pouvoir ne redoute pas les mouvements non prolétariens et parvient toujours à les dominer, si violents soient-ils.

Mais il éprouve une véritable terreur à l’idée de voir le prolétariat se dresser dans la lutte. En ce sens, le spectre séculaire de la Commune de Paris hante la quiétude des ministres, des banquiers, des industriels, des hobereaux. En ce sens, la création du P.C.M.L.F. le 30 décembre 1967 et l’explosion révolutionnaire de 1968 les a tous brutalement réveillés.

Si la classe ouvrière engage la lutte révolutionnaire, si son Parti révolutionnaire prolétarien l’entraîne à la préparation de la révolution, alors tous les rapports de classes vont entrer en mouvement. Tout aiguisement de la contradiction fondamentale de notre société influera aussitôt sur les contradictions secondaires.

Les oppositions entre la petite-bourgeoisie, les couches les plus opprimées de la paysannerie d’une part, et la bourgeoisie capitaliste d’autre part, vont se modifier et s’aiguiser. Les hésitations de ces couches sociales intermédiaires vont se trouver confrontées avec une situation plus radicale et contrainte de se fixer sur un engagement plus décisif.

Les contradictions insurmontées entre les groupes révolutionnaristes petits-bourgeois voleront en éclat et leurs étudiants, intellectuels et autres représentants n’auront plus qu’à suivre le prolétariat en renonçant définitivement à vouloir le diriger.

Dans la situation actuelle, la combativité de la classe ouvrière conditionne celle des autres couches et leur ralliement plus massif au mouvement révolutionnaire de masses. La mission historique de la classe ouvrière, c’est de conduire à la révolution non seulement les travailleurs mais aussi les petits-bourgeois et les paysans ayant intérêt à la destruction du système et de l’Etat capitalistes. Mais dans cette voie il ne peut pas y avoir d’autre classe dirigeante que la classe ouvrière.

En ce sens, la ligne  » Classe contre classe  » présente un caractère stratégique d’une extrême importance. Et c’est justement cet aspect que trahit délibérément la ligne révisionniste de  » rassemblement majoritaire des masses  » préconisée par le Parti  » communiste  » français pour conduire à la  » démocratie avancée « , étape présentée comme préalable à l’ouverture d’une voie vers le socialisme.

Ce  » rassemblement majoritaire  » reprend la vieille tactique du  » Tout pour le Front uni « , qui amena l’échec de la classe ouvrière avec la trahison et l’effondrement du Front populaire, dont le Parti communiste n’avait pas assumé la direction en s’appuyant d’abord et avant tout à la base sur les masses ouvrières.

C’est la même ligne que celle qui prévaut actuellement au Chili, où la direction du  » passage pacifique  » au socialisme est assumée par des politiciens et partis de la petite-bourgeoisie, et non par un Parti de classe du prolétariat.

Face à la trahison révisionniste du rôle hégémonique de la classe ouvrière, la ligne  » Classe contre classe  » apparaît, comme en 1927, à l’opposé de l’opportunisme de droite qui a débouché maintenant sur la capitulation et la soumission des dirigeants du P. »C. »F. vis-à-vis de la petite-bourgeoisie.

 UNITÉ A LA BASE ET DANS L’ACTION !

CLASSE CONTRE CLASSE !

 8 décembre 1971 

(1) Contrairement à sa situation présente, à cette époque le Parti socialiste (S.F.I.O.) comptait encore de nombreux militants ouvriers.

(2)  » Le Populaire « , quotidien central du Parti socialiste (S.F.I.O.), dirigé par Léon Blum.

(3) La S.D.N. : Société des Nations

(4) Cette unité d’action débouchera sur un Front uni. Mais c’est là un autre sujet fondamental à traiter.

(5) Ce  » Front unique  » n’a rien à voir avec le  » Front unique ouvrier  » préconisé par l’AJS, dont le contenu est une alliance de sommets entre les Partis socialiste, révisionniste, PSU et évidemment l’AJS, et les deux confédérations syndicales CGT et FO (à l’exclusion de la CFDT)

(6) Y compris évidemment les étudiants et intellectuels progressistes qui ne constituent pas, en eux-mêmes, une classe ou une couche sociale.

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Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe