BR-PCC: Sur l’action contre Gino Giugni (1983)

Mardi 3 mai, un noyau armé de notre organisation a frappé Gino Giugni, rond de cuir du staff des têtes pensantes du « Parti de la Guerre  » dans notre pays.

Nos intentions à l’égard de ce porc étaient et restent claires : la liquidation du personnel impérialiste est un problème que la guerre de classe saura de mieux en mieux affronter!

Qui est Giugni?

Qui est celui-ci et ce qu’est le projet qu’il représente est vite dit : il s’est construit son  » succès « , sur le terrain national et international, comme représentant conscient des intérêts de la bourgeoisie impérialiste sur le terrain des différentes stratégies d’enchaînement de l’antagonisme de classe que la bourgeoisie nomme  » négociation « , ou plutôt conciliabilité (évidemment de son point de vue !) des luttes et des conquêtes prolétariennes dans un cadre de compatibilité avec les intérêts et les exigences capitalistes.

Tout cela dans la tentative d’institutionnaliser et de corporativiser l’antagonisme prolétarien et de l’enfermer dans la logique syndicale de la négociation.

Appartenant aux plus hauts niveaux de la bande à Craxi, traducteur dans la réalité italienne des politiques impérialistes de restructurations antiprolétariennes, cerveau politico-technique au service des divers ministères économiques et, plus généralement, des politiques économiques de l’Etat dans les différents gouvernements, Giugni représente toutes les étapes parcourues par la bourgeoisie depuis plus de vingt ans dans la tentative de mener la lutte de classe selon ses exigences.

Selon les conjonctures politico-économiques, cet  » homme de toutes les saisons  » a chevauché le tigre du mouvement ouvrier, en cherchant de le plier aux limites de la négociation syndicat-bourgeoisie.

Nous l’avons vu à l’œuvre dans les années 69/70, quand un formidable mouvement de luttes ouvrières et prolétaires, au nom de l’égalitarisme et de l’autonomie de classe par rapport au révisionnisme, commençait à détacher les intérêts et les besoins des masses, des nécessités de la production et de raccumulation capitaliste, et arrachait de consistantes conquêtes politiques et matérielles à une bourgeoisie encore en mesure de mettre en œuvre une politique de recherche du consensus à l’égard de l’antagonisme de classe.

Celui que les mass-média présentent comme » le père du Statut des Travailleurs  » n’est pas autre chose que le diligent législateur qui enregistre et institutionnalise un état des rapports de force entre les classes -alors en faveur du prolétariat – en tentant de traduire en des normes écrites, et donc concordantes, ce que le mouvement prolétarien conquiérait en dehors de toute négociation possible.

Ce qu’a toujours théorisé cet individu louche est justement la force non médiable de la lutte de classe et, pour cela, il a toujours travaillé à faire du conflit entre les classes une confrontation calme et « démocratique » entre les « différents » représentants en présence, en désaccord entre eux mais de toute manière unis par une volonté unique : subordonner les intérêts prolétariens aux exigences et aux choix du capital.

Mais si, en 69/70, la bourgeoisie pouvait encore mettre en œuvre une politique réformiste du fait des possibilités économiques et politiques qui lui étaient encore permises (sauf que dans le même temps elle attaquait directement la classe par les massacres et la chasse aux avant-gardes), la crise générale du mode de production capitaliste à l’échelle mondiale a complètement mis à la lumière la nature réelle de classe des différents projets réformistes et syndicaux que Giugni a contribué à élaborer.

Selon les rudes nécessités de la restructuration pour la guerre impérialiste, le prolétariat devrait consciemment accepter la défaite totale de son autonomie de classe et se faire  » représenter  » à la table des négociations, dans le jeu de la confrontation entre ce qu’ils appellent les  » parties « ,

Les résultats sont sous les yeux de tous : les accords sur la cassa-integrazione, l’accord sur les indemnités de départ et sur le coût du travail.

En particulier, l’accord de janvier est la base du projet de « pacte social  » et représente un saut qualitatif dans l’expulsion de la classe des  » négociations  » entre force de travail et capital.

Cet accord a été réalisé grâce, justement, au niveau atteint par le projet de redéfinition de l’Etat et par la fonctionnalisation des partis et du syndicat au plan de plus grand développement du caractère exécutif (esecutivizzazione en italien, NDT) des choix généraux sur le terrain de la politique économique.

Il représente en effet un saut qualitatif par rapport à la négociation traditionnelle entre force de travail et capital, en ce qu’il établit un plan de décisions qui investit tout l’arc de coûts de la reproduction sociale et toutes les normes du salaire social global (assistance, sécurité sociale, etc.).

Cet accord permet le lancement des licenciements de masse, une gestion encore plus rigide du marché de la force de travail, la compression jusqu’à l’invraisemblable des dépenses sociales et des mécanismes de récupération salariale de l’inflation, mais surtout le déplacement de la contradiction hors des usines, des places, des postes de travail : c’est la matérialisation des choix récessifs de la politique économique de guerre qui signifie imposer au prolétariat de travailler toujours plus, de travailler à peu, de travailler pour peu.

C’est l’attaque directe à la baisse du coût de la reproduction de la force de travail, obtenue au moyen de freins des dépenses contractuelles et, plus généralement, aux dépenses sociales qui bloquent pour trois ans et demi les augmentations salariales dans le cadre rigide des  » plafonds anti-inflationnistes  » établis par le gouvernement, la Confidustria et les syndicats.

Selon les plans de ces Messieurs, la lutte ouvrière devrait se réduire à constituer la masse de manœuvre dans le jeu des partis, dans lequel les objectifs à atteindre sont déjà établies au départ par le cadre de compatibilité avec les exigences de « gestion » du cycle de l’accumulation.

C’est la restructuration du marché du travail, qui vise à rendre les conditions de vente de la force de travail telles que le coût en reste bas.

C’est la stérilisation des automatismes et de l’échelle mobile, qui rend aujourd’hui la capacité de revenu prolétarien très en-dessous des nécessités effectives.

C’est la plus grande différenciation entre catégories, contre ce que les patrons appellent  » i’applatissement « .

C’est la réduction des dépenses sociales et leur détournement vers les dépenses militaires et de soutien aux multinationales.

C’est, surtout, l’attaque politique à la classe, pour en annuler les conquêtes, la résistance, les niveaux d’organisation construits par des années de lutte.

L’attaque contre le Prolétariat Métropolitain pour transformer le rapport de force général au plus grand avantage de la bourgeoisie impérialiste mène à une détérioration des conditions de vie des masses et conclut définitivement toute velléité capitaliste de gérer le conflit de classe, en ce sens que les limites de la médiation réformiste avec l’antagonisme se réduisent de manière drastique, ouvrant une phase d’affrontement ouvert.

La seule  » gouvernabilité  » possible serait dans le fait que le prolétariat accepte de participer à un vaste front inter-classiste de soutien aux nécessités de restructuration du capital multinational.

Giugni et ses compères rêvent d’un prolétariat divisé et corporativisé, au sein duquel règne la concurrence pour pouvoir être introduit dans le cycle de production, au prix et aux conditions dictées par les limites restreintes de la crise.

A l’intérieur de la paix contractuelle et de la prévisîonnabilité des objectifs des luttes, la négociation individuelle s’ouvre sur l’accès aux postes de travail disponibles et sur les conditions de l’exploitation dans l’usine et à tous les postes de travail.

Ce que ces accords sanctionnent politiquement est la possibilité pour la bourgeoisie de déclencher une attaque frontale contre tout le prolétariat métropolitain, alors que le mouvement révolutionnaire et antagoniste connaît une relative faiblesse.

Tout accord est en effet le fruit de rapports de force précis entre les classes et constitue un nouveau pas en avant pour renforcer la position de force de la bourgeoisie.

Tout ceci a immédiatement pour effet une détérioration générale des conditions de vie et de la négociation du prix de la force de travail.

Mais il a surtout le sens politique d’une attaque pour liquider l’autonomie de classe du prolétariat et sa politique révolutionnaire.

C’est la stratégie de l’anéantissement de la possibilité historique de transformer la restructuration pour la guerre impérialiste en guerre de classe pour le communisme.

Les désirs des divers Giugni, Merloni, Benvenuto, De Mita, Lagorio ne fonctionneraient que si, dans notre pays, le Prolétariat Métropolitain avait réellement choisi de vivre pacifiquement avec ses exploiteurs et s’était dissocié de la lutte des classes au profit du « pacte social » et néocorporatiste.

Que les choses ne soient pas exactement ainsi ainsi est démontre par les luîtes décomposées des différents syndicalistes de toutes les places d’Italie et par les  » non  » secs opposés par les luttes les plus significatives de ces derniers mois aux choix de politique économique.

La tentative de faire reculer le mouvement antagoniste jusqu’au seuil de la résistance extrême est la tentative révisionniste de canaliser les tensions de classe vers la défense de conditions politiques générales, aujourd’hui indéfendables du fait du niveau atteint par la crise, et par conséquent, des choix obligatoires du capital multinational pour pouvoir continuer à fonctionner comme tel.

Dans le projet de liquidation de toute apparence, même minime, de politique prolétarienne antagoniste (pour ne même pas parler de tout projet révolutionnaire!), l’attaque vise à reconstruire un cadre de rapports entre les classes dans lequel les progrès de restructuration pour la guerre impérialiste soient assurés du maximum de paix sociale.

On ne concède plus rien au prolétariat.

Pour lui, on prévoit seulement le  » privilège  » de contribuer, par une kyrielle de pactisations continuelles, à soutenir les choix de la bourgeoisie impérialiste, dans une position définitivement subordonnée.

Cela n’a été possible que par la rupture de la résistance ouvrière et prolétaire à l’exploitation capitaliste, par le recul des positions d’autonomie politique conquises au cours d’années de luttes et d’organisation prolétarienne sur le terrain révolutionnaire.

Face à l’attaque généralisée de la bourgeoisie, le problème aujourd’hui n’est pas de se river à des positions d' » extrême défense « , mais de reconquérir les conditions politiques et les rapports de force toujours plus favorables, afin de pouvoir briser le niveau des contradictions sur le terrain de l’antagonisme de classe et de situer l’initiative révolutionnaire dans un sens contraire aux projets de pacification entre les classes.

Le Prolétariat Métropolitain n’a rien à défendre si ce n’est la possibilité d’expression de sa politique révolutionnaire, condition pour briser les tentatives de le ravaler aux limites du pacifisme lâche et le transformer en son contraire, pour se libérer définitivement de la chaîne révisionniste qui travaille à la défaite de son autonomie de classe et pour pouvoir faire reculer de manière significative les projets de restructuration pour la guerre impérialiste dans son parcours de libération de l’esclavage du travail salarié.

La fonction de l’Etat dans cette phase et le fait qu’il assume de nouvelles tâches sur le terrain de la politique économique, de la politique contrerévolutionnaire et de la politique extérieure, sa plus grande fonctionnalisation aux exigences de la restructuration profilent encore plus clairement le rôle de l’Etat comme interprète au plus haut niveau des intérêts de la bourgeoisie impérialiste.

La fin de  » l’assistantialisme  » redéfinit l’Etat, non plus comme régulateur du conflit entre les classes, mais comme expression explicite de la domination de la bourgeoisie, comme garant, en termes politiques, économiques, militaires et idéologiques de la restructuration pour la guerre impérialiste.

Tout cela porte en soi l’accélération de la prise de conscience par le prolétariat de la nature politique de l’affrontement, en dévoilant dans le même temps l’inconsistance de toute proposition qui vise à la défense des conditions politiques générales propres à la phase passée.

La capacité de reconstruire la résistance ouvrière et prolétaire aux projets de guerre de la bourgeoisie impérialiste est liée au déchirement révolutionnaire du cadre politique actuel et à la redéfinition du nouveau caractère de l’autonomie de classe.

Cela a été rendu possible aussi par la difficulté croissante qu’ont les révisionnistes à avoir ne serait-ce que le minimum de crédibilité pour pouvoir continuer à  » représenter  » les intérêts, même les plus immédiats, du Prolétariat Métropolitain.

La politique révisionniste est aujourd’hui prise entre deux forces opposées: d’une part la bourgeoisie impérialiste qui tend à la subordonner complètement à ses projets et de l’autre le Prolétariat Métropolitain qui 1’oblige  » à garantir d’une certaine manière ses intérêts.

Ce  » pot de terre  » ne pourra que se briser bruyamment, et avec lui toutes les tentatives de subordonner l’antagonisme prolétarien aux projets de la bourgeoisie impérialiste.

Si la restructuration pour la guerre impérialiste ouvre et aiguise les contradictions entre les intérêts matériels et politiques du prolétariat et sa  » représentation historique « , en la poussant dans une crise de son rôle sans représentation, les forces révolutionnaires doivent favoriser cette crise.

Ce n’est qu’à partir de la désagrégation de ces  » cages  » qu’il est possible de libérer toutes les nouvelles forces prolétariennes produites par l’antagonisme à la restructuration pour la guerre.

II s’agit de favoriser la démystification des contenus et des propositions qui empêchent l’expression de la classe, justement au moment où apparaît leur usure et où leur faiblesse face au projet dans cette phase de la bourgeoisie impérialiste se dévoile.

Il s’agit de contribuer à faire émerger chaque élément qui s’affirme dans la lutte contre le ‘projet dirigé par le  » parti de la guerre « , il s’agit d’appuyer, de soutenir les contenus les plus avancés des luttes du Prolétariat Métropolitain et de recomposer la classe sur le terrain révolutionnaire, en attaquant dans le même temps ceux qui tentent de l’enfermer dans des schémas vieux et perdus d’avance.

Les contenus politiques les plus avancés apparus dans les luttes contre la guerre, contre l’Etat de la torture, contre le projet de la reddition et de la désolidarisation, contre la politique économique du gouvernement, ont encore une fois mis en évidence la capacité du Prolétariat Métropolitain, et en particulier de la classe ouvrière, de notre pays, malgré le déchaînement de la contrerévolu-tion et les erreurs des forces révolutionnaires, à être en mesure de tenir tête aux projets guerriers de la bourgeoisie.

Ceci éclaire déjà les modifications opérées (et surtout celles à venir) dans l’activité générale des masses contre l’Etat et son projet de phase.

La spontanéité prolétarienne s’oppose à la restructuration de l’Etat pour la guerre impérialiste dans les manières par lesquelles elle réussit à s’exprimer, mais cette résistance risque de se fixer à une défense passive et sans issue.

On doit au contraire porter cette résistance à se transformer dans un sens révolutionnaire pour s’opposer victorieusement à la perspective de guerre, en développant les contenus de l’antagonisme prolétarien et l’activité générale des masses en une participation consciente à l’affrontement imposé par la bourgeoisie.

Il s’agit donc de se doter de la politique révolutionnaire apte à œuvrer sur l’ensemble des contradictions, que les plans de l’ennemi de classe déchaînent à l’intérieur du Prolétariat Métropolitain, en dirigeant les luttes et le combat prolétarien contre les articulations du projet de la bourgeoisie dans les différentes conjonctures, et de doter les programmes du plan stratégique révolutionnaire, en visant à atteindre l’objectif politique de phase : la destruction du projet de restructuration pour la guerre impérialiste par la conquête du pouvoir politique par le Prolétariat Métropolitain.

A partir d’aujourd’hui, cet objectif doit vivre et guider l’activité de direction des luttes et du combat prolétarien, en ce sens que les programmes des différentes conjonctures sont liés à la conquête de rapports de force toujours plus favorables au prolétariat, dans le parcours par étapes de la libération de l’esclavage du travail salarié.

La possibilité de vaincre est liée à la capacité de l’avant-garde communiste à identifier clairement les objectifs que l’on entend poursuivre en rapport aux niveaux réels et concrets de conscience et d’organisation des masses.

L’attaque contre Giugni est pour nous le premier moment de la relance de l’initiative révolutionnaire qui identifie le programme des B.R. contre le cœur de l’Etat dans cette conjoncture comme attaque multiforme de tout le Prolétariat Métropolitain contre le  » pacte social « , étape fondamentale pour la mise en œuvre du projet de la bourgeoisie impérialiste de liquidation de la politique révolutionnaire.

L’attaque portée s’insère au niveau le plus élevé des contradictions entre Prolétariat Métropolitain et Etat dans cette conjoncture, et en cela elle constitue un pas avant puissant dans la redéfinition du rapport entre avant-garde communiste et masses prolétariennes, qui va dans le sens de la nécessité de :

Conquérir l’antagonisme prolétarien au programme révolutionnaire!

Conquérir et organiser les avant-gardes pour la stratégie de la lutte armée pour le communisme!

La conjoncture politique internationale actuelle est caractérisée par une accélération marquée de la préparation des conditions politiques et matérielles du déploiement de la guerre impérialiste.

L’Est et l’Ouest accélèrent ce processus en restructurant leurs appareils politiques, économiques, militaires et idéologiques dans le but avoué que les problèmes créés par la crise actuelle ne puissent être résolus que par un conflit armé qui redessine globalement le visage du monde.

Ce qui déchaîne la dynamique conflictuelle entre les deux blocs impérialistes est le fait que les conditions de la reproduction du capital à l’échelle internationale commence à manquer.

La modification de la position de chaque pays à l’intérieur de la division internationale du travail, les termes toujours plus âpres de la concurrence sur un marché mondial qui n’est plus en mesure de s’étendre, les difficultés d’accès aux sources d’énergie et aux matières premières dues à la dégradation de l’ensemble des relations entre les pays, sont les causes qui amèneront la barbarie impérialiste à déchaîner le génocide des prolétaires et la destruction des biens et moyens de production, pour un nouveau partage du monde et pour une plus grande exploitation des peuples.

Cette tendance, aujourd’hui dominante, n’est établie ni par un « destin fatal » ni par un esprit occulte qui élaborerait plans et stratégies [manque une ligne] et militaires, opérées par les fractions du capitalisme les plus fortes pour découper leur propre part de marché, pour augmenter les profits et pour accroître leur propre capital au détriment de ceux plus faibles.

Le mouvement de ces capitaux modifie et redéfinit par rapport à leurs propres exigences les conditions générales de toute la formation économique et sociale, ainsi que les rapports entre les classes, en polarisant les intérêts respectifs.

Ce processus et ses finalités étant, par-delà les différences spécifiques à chaque pays, conformé par de grands facteurs communs, trouve unie toute la bourgeoisie impérialiste occidentale.

Cela est démontré d’un côté par le processus de raffermissement des alliances et des liens entre pays de la même aire et par la création de nouvelles alliances en vue du déploiement final, et de l’autre, par la mise en œuvre de procès de restructuration des Etats nationaux, en cherchant à les rendre fortement exécutifs et dirigés par une fraction politique que nous appelons  » Parti de la guerre « , en mesure de représenter les intérêts de classe bourgeois parmi les intérêts plus généraux de l’ensemble de l’aire.

L’hypothèse d’une guerre entre les deux principales super-puissances est ouvertement discutée dans les mass-média, accompagnée de symptômes sans équivoques de barbarisation politique, telle que la propagande qui vise à présenter l’ennemi potentiel comme un monstre.

Si le terrain des négociations sur la réduction des armements stratégiques est celui auquel on fait le maximum de publicité, il est aussi le moins représentatif des rapports réels en gestation, parce qu’il est le théâtre d’initiatives de propagande continuelles, d’amélioration de l’image internationale des protagonistes.

A presque toutes les époques, les ambassadeurs assis à la table des négociations ont été surpris par les déclarations de guerre!

La mesure réelle des rapports interimpérialistes est au contraire donnée par un ensemble de décisions économico-politico-militaires que les deux blocs impérialistes sont en train de mettre en œuvre, et qui démontrent sans équivoque une volonté de réarmement colossal à court terme.

Pour l’Occident, avec l’avènement de Reagan, la politique extérieure américaine vise au rétablissement de la suprématie US au niveau planétaire, en s’assignant la  » charge  » de défendre et élargir ses propres intérêts  » vitaux  » en toute partie du monde.

 » Nous vivons à une époque où un coup d’Etat, une grève de grandes dimensions, un attentat terroriste ou une guerre entre pays voisins, même loin de nos frontières, peuvent, comme jamais jusqu’à aujourd’hui, déchaîner des conséquences à l’échelle mondiale qui frapperaient notre bien-être national et notre sécurité.

Il est nécessaire que nous ayons une vaste vision stratégique qui insère les problèmes régionaux dans un cadre global.  » (D. Jones, chef d’Etat-major américain.)

L’administration Reagan entend relancer la politique internationale américaine en tentant de récupérer toutes les défaîtes des dernières années, du Vietnam à l’Angola, du Nicaragua à l’Iran.

Une politique impérialiste, donc, qui vise à rétablir le rapport de force général entre les USA et l’URSS de manière résolument favorable aux Américains et qui  » dissuade  » l’URSS d’une politique d’expansion dans des zones dangereuses pour la  » sécurité  » des USA, c’est-à-dire en toute partie du monde!

Dans le développement de cette stratégie, l’installation des euromissiles est essentielle, dans la mesure où c’est en Europe et en Méditerranée que les blocs se confrontent directement.

Mais non seulement cette stratégie veut recouvrer force et agressivité en dépassant le concept de  » discussion réciproque « , c’est-à-dire l’impossibilité (la non-convenance) concrète d’un conflit nucléaire direct, pour au contraire affirmer aujourd’hui concrètement la possibilié d’un conflit nucléaire, limité, mais direct, entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie dans des zones comme l’Europe et la Méditerrannée.

Dans le contexte actuel de la crise, cette politique détermine, aux USA et en Europe, une situation nouvelle, sur le plan intérieur et dans toute l’aire occidentale, par rapport aux décennies passées.

Si avant, les augmentations des dépenses sociales croissaient parallèlement – même avec des volumes différents – à celles des dépenses militaires, il existe aujourd’hui un rapport rigide entre ces deux domaines, et la croissance de Tune se fait au détriment de l’autre.

Cette situation fait que la politique militaire dirigée par les USA dans toute l’aire occidentale rencontre l’opposition et la résistance de vastes mouvements de masse composés de toutes les couches sociales qui sont attaquées par une politique d’atteinte aux dépenses sociales, et qui, par leur valeur  » interne « , se situent objectivement en termes anti-impérialistes, comme le sont subjectivement les mouvements contre la guerre.

Cette politique constitue un choix obligatoire pour l’impérialisme, déterminé par un contexte international caractérisé par une récession économique généralisée qui persiste pour la troisième année consécutive, et dans lequel toutes les mesures et contre-tendances mises en œuvre ne peuvent constituer autre chose qu’un frein temporaire à la tendance dominante.

La  » gestion contrôlée  » de la récession constitue actuellement le  » credo  » de la majorité des pays à capitalisme avancé, et l’aspect phénoménologique qu’elle recouvre est le processus en œuvre dans tout l’Occident que nous appelons « restructuration pour la guerre impérialiste « .

Les choix faits pour chaque pays en matière de politique économique et monétaire, tout en étant cohérents avec les orientations générales et les perspectives de fond, développent de fortes contradictions au niveau économique entre les pays du même bloc, comme par exemple en Europe, entre Europe et USA, USA et Japon, et Europe et Japon.

De ce point de vue, l’exigence du renforcement des liens politico-militaires ne se réduit pas aux exigences spécifiques de chaque pays, mais à la nécessité pour le système impérialiste dans son ensemble de dépasser la crise en s’acheminant vers la confrontation avec le bloc adverse.

Le capitalisme, au stade de l’impérialisme des multinationales, a créé un système de rapports tellement intégré qu’il ne peut se développer qu’en accroissant tant les dimensions que la force de cohésion de l’interdépendance.

En Italie, partie organique du système de relations (chaîne impérialiste) de l’Occident, les caractères généraux de la crise ne diffèrent pas de ceux de l’aire dont elle fait partie : récession productive, inflation, chômage, etc.

Le caractère spécifique se trouve, par contre, dans l’acuité et la gravité particulières de ces phénomènes, qui confirment le rôle de « maillon faible de la chaîne impérialiste  » de l’Italie.

Plus encore que dans d’autres pays, le capitalisme italien voit se restreindre l’éventail des choix possibles, dans un système d’équilibres où la reprise d’un rôle compétitif est encore plus liée à l’aggravation de la crise.

C’est ainsi que les facteurs qui ont concouru à aggraver localement les phénomènes critiques communs à tout le système impérialiste font aujourd’hui partie de la psychologie même de la société italienne et, dans le même temps, sont les principaux obstacles à la reprise  » en temps utile  » de la compétitivité commerciale.

Le plus puissant de ces obstacles est aujourd’hui constitué par la capacité de la classe ouvrière et du Prolétariat Métropolitain à établir des rapports de force généraux qui puissent peser sur la détermination des choix capitalistes.

C’est pourquoi la défaite politique de la classe devient l’un des principaux objectifs delà bourgeoisie impérialiste, en même temps que la redéfinition de la physionomie sociale du système des partis et de l’Etat.

Camarades prolétaires,

La stratégie de la Lutte Armée, comme aspect le plus avancé de la Politique Révolutionnaire, doit savoir conquérir les niveaux divers et différenciés de l’antagonisme prolétarien au programme révolutionnaire qui ne peut être synthétisé comme programme de tout le Prolétariat Métropolitain dans la conjoncture que dans une dialectique concrète avec les mouvements de masse existants sur le terrain de la lutte anti-impérialiste et avec des contenus exprimés dans les luttes de la classe ouvrière.

Conquérir l’antagonisme prolétarien au programme révolutionnaire signifie orienter et diriger les formes et les contenus exprimés dans les luttes des divers secteurs du Prolétariat Métropolitain dans le cadre de la stratégie de conquête du Pouvoir Politique.

Cela signifie réunifier et généraliser les contenus politiques les plus avancés des luttes qui mettent en commun les conditions et les exigences de tout le prolétariat contre les projets de restructuration antiprolétariens de la bourgeoisie.

Les intérêts prolétariens rencontrent le même adversaire dans toute l’Europe, au-delà des différences existantes entre les mouvements qui se mobilisent et entre les contenus qu’ils mettent en avant et qui constituent un ensemble d’antagonisme prolétarien qui investit non seulement les choix que l’impérialisme est en train de faire, mais aussi la substance même de l’organisation capitaliste du travail et de la société.

Le prolétariat a de plus en plus conscience, qu’au-delà de toute solution que la bourgeoisie puisse mijoter pour faire face à la crise, son future dans ce mode de production ne peut être fait que d’une exploitation plus grande et de la misère face, paradoxalement, à un développement de la richesse sociale à la seule disposition de secteurs de classe toujours plus restreints.

Les perspectives sont assez claires : cycles de production de plus en plus automatisés qui réduisent l’emploi, augmentation de l’exploitation de la force de travail qui reste employée, etc.

Tout cela en fonction d’une réduction des coûts de production des marchandises pour favoriser la part d’exportation vers les marchés extérieurs, dans une mesure directement proportionnelle à l’appauvrissement des conditions de vie des masses prolétariennes à l’intérieur.

L’antagonisme que cette conscience développe dans le Prolétariat Métropolitain, à travers mille formes et contenus, doit être synthétisé dans ses aspects politiques les plus avancés en un programme révolutionnaire des avant-gardes communistes, et organisé et dirigé en un affrontement politique four le pouvoir.

La réunification des avant-gardes doit être recherchée dans ce processus, autour du projet politique révolutionnaire et ses formes organisationnelles (système de pouvoir prolétaire armé), qui dirigent l’affrontement de classe en construisant une projectualité révolutionnaire en mesure de poser dans chaque phase les lignes directrices et les objectifs à poursuivre pour conquérir le pouvoir politique, instaurer la dictature ouvrière et prolétaire comme condition pour le déploiement de la Transition au Communisme.

La manière d’apparaître du projet de la Lutte Armée dans le cadre de la Politique Révolutionnaire menée par des millions de prolétaires, se redéfinit aujourd’hui en situant au centre de sa théorie-praxis les contenus politiques les plus avancés et généralisés, comme expression des intérêts généraux du Prolétariat Métropolitain qui, dans la conjoncture, se trouvent en conflit maximum avec les projets de restructuration mis en œuvre par le  » Parti de la guerre « .

Cela permettra de construire les conditions politiques et les rapports de force favorables au Prolétariat Métropolitain pour faire face aux problèmes posés par l’attaque contre-révolutionnaire, non seulement du point de vue des avant-gardes combattantes, mais aussi de toute la classe.

Nous pensons que toutes les pratiques révolutionnaires menées par les avant-gardes qui sont conformées par ces présupposés politiques constituent de réels points de référence pour la construction du Parti Communiste Combattant, dans la mesure où elle n’exprime pas simplement une  » expression « , une  » représentation  » des intérêts du Prolétariat Métropolitain, mais l’une de ses composantes d’avant-garde, qui se trouve en son sein, soumise à sa critique et vérification constantes, et sous la direction de laquelle le Prolétariat Métropolitain peut et doit se constituer en classe dominante.


Camarades,


Les difficultés, les erreurs et les déviations dans le mouvement révolutionnaire ont aussi mis en lumière toute sa faiblesse, en même temps que l’énorme possibilité de relance dej la proposition révolutionnaire dans notre pays.

L’attaque de la bourgeoisie contre les avant-gardes combattantes, la mise en œuvre des plans contre-révolutionnaires de dissociation et de reddition, la tentative d’isoler les communistes du mouvement de classe, ont contraint même les plus réticents à réfléchir sur les erreurs commises, qui ont tant favorisé lès projets de l’ennemi.

Aujourd’hui, pilotées et amplifiées par les mass-media, on assiste aux prises de position les plus diverses qui, sous couvert de  » procès autocritique « , visent à proclamer la faillite de la lutte armée, parfois même par la bouche de quelque illustre  » protagoniste « .

Au-delà des différences de positions qui sont apparues, et qui sont un terrain de débat et de bataille politique entre révolutionnaires, nous voulons mettre au clair que les autocritiques dont sont capables les communistes sont tout autre chose que des théorisations qui n’ont rien à voir avec les problèmes réels du mouvement révolutionnaire.

Ceux qui, aujourd’hui, en se cachant derrière d’élégantes élucubrations sur les nouveautés de l’affrontement, nient la fonction de l’arme de la politique révolutionnaire, la nécessité de la construction du parti, la stratégie de la lutte armée pour le communisme comme unique politique prolétarienne pour la conquête du pouvoir politique, sont le soutien théorique le plus dangereux à la liquidation du patrimoine le plus précieux de ces dernières années qui, même à travers des incertitudes et des erreurs, a puissamment favorisé le mûrissement du mouvement prolétarien le plus fort d’Europe.

Nous voulons dire que les difficiles tâches de cette phase laissent peu d’espace à une cohabitation pacifique entre les différentes positions qui ont mûri dans le mouvement révolutionnaire.

Contre la liquidation

Il faut aujourd’hui mener à fond une bataille politique qui soit en mesure de battre politiquement dans le Prolétariat Métropolitain toute l’influence néfaste de thèses qui visent consciemment à la liquidation de plus d’une décennie de projets révolutionnaires dans notre pays.

Il ne s’agit plus de cohabiter avec les théoriciens de l’antimarxisme viscéral, avec ceux qui reparcourent la stratification de classe en en exaltant les comportements transgressifs de groupe ou même individuels, avec les analyses de type sociologique dans lesquelles tout caractère de classe disparaît, mais de comprendre à fond toute l’influence désagrégatrice qu’ils ont à l’égard du Prolétariat Métropolitain, d’en dénoncer l’ultra-subjectivisme inhérent aux déclarations de guerre auxquelles la classe ne participe pas et les contemplations radicales-chics de ceux qui, selon le sens du vent, font et défont des projets révolutionnaires à leur image et ressemblance.

La dureté des conditions de l’affrontement aujourd’hui met à nu les discriminantes politiques entre ceux qui travaillent à la reconquête d’une configuration stratégique adéquate à la phase de ceux qui visent consciemment à la destruction de toute capacité prolétarienne à s’organiser comme classe contre l’Etat.

Contre toute tentative, plus ou moins camouflée, de trouver la cause de tous les maux dans le fait d’avoir lutté et combattu au cours de ces années, guidés par les armes du marxisme-léninisme, se dresse, puissante, une reprise du mouvement révolutionnaire qui, matérialiste, est hors l’idéalisme et l’ultrasubjectivisme, et qui est en train de se poser de tout autres problèmes : précisément les problèmes liés à la construction de la théorie révolutionnaire dans les métropoles impérialistes, et des instruments politiques, théoriques et militaires aptes à soutenir la guerre de classe contre la bourgeoisie impérialiste.

C’est en référence à ces forces que les B.R. ont travaillé cette année dans les propositions d’autocritique et de reconstruction des premiers éléments de programme politique.

C’est avec ces forces que nous entendons trouver les éléments d’unité sur le plan stratégique de l’attaque au projet dominant de la bourgeoisie, comme expression de la capacité de direction du mouvement antagoniste selon les critères de l’agir en parti pour construire le parti.

Dans ce travail politique, le dernier problème n’est pas celui de combattre, en même temps que les thèses qui prêchent ouvertement la reddition émanant de la petite-bourgeoisie effrayée de ne plus se trouver en [ici manque une ligne, Ndt] ultrarévolutionnaires en paroles qui, aux premiers symptômes de durcissement de l’affrontement, ont déjà démontré toute leur inconsistance et leur fausseté.

Si le mouvement de classe en Italie a dû assister, jusque dans la banque de Turin,- à la faillite des fauteurs de l’offensive à tous prix, cela a mis en lumière toute l’extériorité du subjectisme transgressif aux problèmes réels de l’affrontement entre les classes.

Nous pensons au contraire que la reprise du mouvement révolutionnaire et la possibilité de vaincre sont liées à la capacité des communistes d’entamer un parcours de confrontation et de bataille politique qui, même dans la diversité, vise à revoir de manière critique les limites d’analyse qui nous ont caractérisées dans les dernières années.

Les erreurs commises dans l’évaluation des formes et des contenus des luttes menées par les larges masses sur le terrain du nucléaire, de la guerre, de la politique économique de la guerre, la sous-évaluation de l’élément conscient et un rapport erroné avec la classe, ont mené à dépeindre ces mouvements comme sur le point de descendre sur le terrain de la lutte armée et ont réduit la politique révolutionnaire, d’une part à la proposition armée, d’autre part à d' » inécoutés » appels aux masses à s’organiser immédiatement sur le terrain politico-militaire.

Ce qui a favorisé des erreurs de ce type doit être recherché dans la carence de projet, de programme, de théorie révolutionnaires, qui synthétisent dans chaque conjoncture les passages nécessaires à opérer et les objectifs à atteindre que les contenus des luttes ouvrières et prolétaires, ou bien les rapports de force, rendent possibles.

Il faut ajouter qu’en l’absence de cela, il en découle inévitablement une dispersion de l’initiative combattante qui, en ne se polarisant pas sur l’élément central du programme dans la conjoncture, se fragmente et se replie sur soi, rendant l’affrontement endémique au niveau purement militaire avec la contre-révolution, jusqu’à la défaite.

L’autocritique doit servir à renforcer la stratégie de la lutte armée pour le communisme, en épurant le dispositif révolutionnaire des positions subjectivistes qui nous ont fait perdre de vue les conditions réelles de l’affrontement et qui nous ont empêché de situer notre initiative dans un rapport correct avec le mouvement antagoniste, qui lançait même des messages significatifs sur le terrain révolutionnaire.

Avoir réduit les indications d’avant-garde au seul terrain du combat, en donnant déjà pour établie l’existence d’un système de pouvoir armé déployé sur le terrain de la guerre de classe, nous a empêché de saisir les contenus réels de pouvoir exprimés par de bien plus vastes expressions de l’antagonisme prolétarien contre les projets de la bourgeoisie impérialiste.

Ceci a signifié l’exclusion de l’activité générale des masses de nos programmes, en réduisant nos capacités de proposition au cercle restreint des avant-gardes.

L’erreur n’est pas d’avoir voulu agir en parti, mais exactement l’opposé : elle est de n’avoir pas su matérialiser la fonction de direction qu’un parti révolutionnaire doit exercer à l’égard des luttes et du combat de millions de prolétaires sur le terrain de la transformation révolutionnaire de la société.

Cette fonction n’est pas toujours égale à elle-même, mais doit se transformer selon les différentes étapes du parcours révolutionnaire.

Ne pas avoir compris les tâches nouvelles de direction à la clôture de la phase de la propagande armée, avoir continué à se référer aux niveaux d’avant-garde, en rêvant d’un mouvement de masse révolutionnaire surgi spontanément de la crise du mode de production capitaliste qu’il suffisait de diriger contre les centres périphériques de la domination capitaliste, nous a non seulement séparés du mouvement de classe, mais, surtout, nous a relégués à son arrière-garde.

Avoir donné la forme du combat pour absolue nous a menés à désarmer politiquement notre proposition politique et à ne pas placer au centre de la possibilité de transformation révolutionnaire la globalité des niveaux et la diversité des contenus du mouvement antagoniste, à orienter sur le plan de la participation constante des masses organisées contre la bourgeoisie impérialiste et son Etat.

En ce sens, nos programmes ont recouvert soit le caractère idéaliste de tout communisme par allusion, soit le caractère économiste et empirique de la conquête immédiate de tous ces besoins qui étaient définis comme  » irréductiblement inconciliables  » avec les exigences de l’accumulation capitaliste.

C’est ainsi qu’a été théorisé le caractère irrécupérable des luttes contre la restructuration, sans jamais aborder les les contenus et les formes à travers lesquels ces luttes s’expriment, qui sont les éléments qui permettent d’avancer des points de programme et de ligne politique révolutionnaire.

Ce présumé  » caractère irrécupérable  » est la base sur laquelle s’est construit tout l’édifice baroque du  » système des programmes « , avec la fragmentation de la pratique politico-militaire qui en découlait.

Selon nous, il y a affrontement de pouvoir lorsque les intérêts généraux de la classe entrent en contradiction non médiable avec les intérêts de la bourgeoisie, et qu’autour de ces intérêts généraux se mobilise un mouvement de classe de grande ampleur, constitué de la lutte de millions de prolétaires sur des objectifs qui, dans la mesure où ils sont généraux, communs à toute la classe, sont politiques parce qu’ils rendent antagonistes aux patrons et à leur Etat une masse de prolétaires qui tend objectivement (et, à des niveaux divers, aussi subjectivement) à se comporter comme classe  » pour soi « , comme classe consciente.

Mais ce mouvement antagoniste, qui tend déjà à échapper à la capacité de contrôle syndical et révisionniste, n’est pas lui non plus  » irrécupérable  » en soi, mais constitue uniquement la base réelle sur laquelle peut se développer un processus d’organisation révolutionnaire de la classe.

Ce passage n’est pas donné à l’avance.

Il n’est pas un  » produit objectif de l’aggravation de la crise « , mais un parcours conscient de masse qui prend sa source dans la dialectique entre le mouvement antagoniste et l’avant-garde révolutionnaire.

Le concept même de  » caractère irrécupérable  » est un fruit de l’idéalisme, vu que l’expérience historique enseigne que l’unique chose irrécupérable pour la bourgeoisie est la perte du pouvoir politique et l’édification de la société communiste.

Le programme naît donc de l’affrontement entre l’activité générale des masses et le projet dominant de la bourgeoisie. Il est donc programme de tout le Prolétariat Métropolitain.

Le parti doit lire les contenus généraux qui parcourent de manière diversifiée tous les secteurs de la classe, il doit analyser les étapes possibles que l’affrontement peut parcourir et atteindre, en guidant le développement du processus révolutionnaire dans une direction : la conquête du pouvoir politique.

La généralisation des contenus les plus avancés, l’amélioration des niveaux d’organisation et des formes de lutte, l’identification de plus en plus claire de l’ennemi principal à abattre, sont la concrétisation de la Politique Révolutionnaire comme activité globale et articulée du Système de pouvoir prolétaire armé en construction, qui doit trouver dans les différentes conjonctures du parti et les organismes révolutionnaires des masses en mesure de déterminer correctement les tâches toujours nouvelles, dans la diversité des objectifs à atteindre, en relation avec le niveau réel de conscience et d’organisation des masses.

En ce sens, le programme, né des niveaux de concentration maximum de l’affrontement entre les classes, et synthétisé par le Parti, doit retourner, comme plan unitaire, dans les luttes, dans la mobilisation et dans le combat de tout le Prolétariat Métropolitain, contre les articulations du projet de l’ennemi dans les différentes conjonctures.

Ce programme, en dialectique avec les besoins immédiats, mais surtout avec les besoins généraux du Prolétariat Métropolitain, est soumis aux lois de la guerre : il n’y a pas de conquête permanente pour le Prolétariat Métropolitain, il n’y a que la possibilité de conquérir, non tel ou tel besoin, mais tout son propre destin !

Guerre au pacte social, articulation conjoncturelle du projet d’anéantissement de la Politique Révolutionnaire du Prolétariat Métropolitain!

Guerre à la guerre impérialiste! Guerre à l’OTAN!
Guerre au Parti de la guerre !

Développer l’internationalisme prolétarien contre les choix de guerre de la bourgeoisie impérialiste!

Construire le Parti Communiste Combattant!

Construire le Système de pouvoir prolétaire armé pour la conquête du pouvoir politique!

Liquider les projets de reddition et de dissociation de la lutte de classe !

Battre les lignes erronées dans le mouvement révolutionnaire!

Honneur à Umberto Catabiani  » Andréa  » et à tous les camarades tombés en combattant pour le Communisme !

Pour le Communisme

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Brigades Rouges – Noyaux Armés Prolétaires: Pour l’unité de la guérilla (1976)

Noyaux Armés Prolétaires
Brigades Rouges

Pour l’unité de la guérilla (1er mars 1976)

Camarades,

Les multinationales, Agnelli, Cefis, la Confindustria (Confederazione Générale dell’Industria Italiana) ont déclenché depuis longtemps une grande attaque contre la classe ouvrière, en créant, par des licenciements massifs et le coût de la vie croissant, un climat de terreur avec lequel ils espèrent avoir ensuite carte blanche pour rétablir leurs profits, que les luttes ont définitivement compromis.

Mais ils savent que tout cela ne suffit pas et que leur « ordre » devra être imposé par les armes. Dans ce projet, les carabiniers (CC) représentent la pointe de diamant et le noyau stratégique de la répression armée contre-révolutionnaire.

C’est ainsi que, dernièrement, la pratique de l’homicide contre les prolétaires avec laquelle les CC ont construit leur « lumineuse » histoire, s’est déchaînée dans la tentative de liquider les avant-gardes révolutionnaires.

La mise en marche de tout leur appareil terroriste veut rejoindre l’objectif de décourager et vaincre toute phase de résistance prolétarienne.

La « permission de tuer » de la célèbre loi Reale est devenue un « ordre de tuer » explicite.

La politique suivie par le parti de Berlinguer, qui jusqu’ici pouvait être prise pour une complaisance honteuse avec les patrons » se révèle maintenant être une vraie complicité dans les plans de restructuration de l’ordre impérialiste des multinationales de la classe ouvrière :

– s’organiser sur le terrain de la guerre de classe, de la
lutte armée pour empêcher qu’à travers l’oppression militai
re, l’Etat impérialiste des multinationales décrète sa défaite

– lutter dans n’importe quel milieu pour approfondir la crise de la bourgeoisie, parce que les besoins prolétariens sont, aujourd’hui plus que jamais, antagonistes à ce qu’attendent les patrons, et leur seul intérêt est la Révolution Communiste

– unifier le mouvement ouvrier autour de la stratégie de la lutte armée pour le pouvoir prolétarien en isolant et en
écrasant les paladins du « compromis » et de l' »Intérêt
national ».

L’attaque des casernes des CC n’indique pas un gout de la représaille, mais une ligne de lutte que nous entendons poursuivre avec toutes les autres forces révolutionnaires JUSQU’A LA VICTOIRE !

PORTER L’ATTAQUE CONTRE L’ETAT !

IL NE DOIT Y AVOIR QU’UNE SEULE FORCE ARMEE : LES PROLETAIRES AVEC LE FUSIL A L’EPAULE !

LUTTE ARMEE POUR LE COMMUNISME !

Le 1er Mars 1976 des noyaux armés des B.R. et des N.A.P. ont attaqué simultanément les casernes de CC suivantes, détruisant de nombreux engins militaires :

Milan : commandement de la Compagnie de Rhô, via Buon Turin : caserne de Madonna di Campagna, via Zubrieno
Gêns : commandement de la Compagnie de Sampierdarena, corso L.A. Martinetti n. 7
Rome : 3 casernes de carabiniers ont été attaquées : caserne de Quadraro, celle de via Quintilli 130 et la caserne Garbanella de via Luigi Orlandi 8
Naples: caserne zone Fuorigrotta, via Benedetto Cariteo Florence : caserne du Campo di Marte
Pise : la brigade d’assaut « Dante di Nanni » a attaqué la caserne des carabiniers de via Guido da Pisa.

Camarades,

Le présent communiqué est signé par deux organisations combattantes : Brigades Rouges et Noyaux Armés Prolétariens.

Dans la perspective de la construction du Parti Combattant, il faut oeuvrer pour la réunification de tout le mouvement révolutionnaire, en faisant tous les efforts pour que de chaque expérience de lutte armée naisse une capacité de plus en plus grande, tant du point de vue politique que militaire et d’organisation du prolétariat révolutionnaire.

C’est dans ce sens qu’une confrontation politique est en cours depuis longtemps entre les B.R. et les N.A.P.

Une fois vérifié qu’il n’existe pas de divergences stratégiques substancielles entre les deux organisations, celles-ci permettent toutefois des diversités de praxis politique dues surtout à l’histoire différente des B.R. et des N.A.P. et au chemin différent parcouru Jusqu’ici.

Donc, dans le respect de leur propre autonomie, les B.R. et les N.A.P. peuvent jusqu’à présent pratiquer des luttes communes et réaliser une unité d’action en un front unique de combat.

A la bourgeoisie, qui a tout intérêt à présenter les forces combattantes comme étant divisées, brisées, dispersées, il faut opposer une unité de plus en plus grande des Organisations Révolutionnaires qui combattent pour une société communiste par la stratégie de la lutte armée.

FACE A L’ENNEMI COMMUN, UNITÉ DES FORCES COMBATTANTES !

TOUT LE POUVOIR AU PEUPLE ARMÉ !

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Quatre questions aux Noyaux Armés Prolétaires (1975)

[20 Juin 1975.]

1) COMMENT SONT NES LES NOYAUX ARMES PROLETARIENS ET QUELS OBJECTIFS SE PROPOSENT-ILS ?

Les N.A.P. sont nés d’expériences de masse précises dans différents secteurs, qui ont poussé certains camarades à se poser concrètement le problème de la clandestinité.

Pour nous, clandestinité signifie conquérir des structures politiques et d’organisation qui nous permettent de développer et de consolider toutes ces expériences de lutte violente illégale qui furent et demeurent une période centrale pour la croissance de l’autonomie prolétarienne et de l’alternative révolutionnaire dans la lutte de classe de l’Italie d’aujourd’hui.

Par lutte violente illégale, nous entendons soit des expériences de masse telles que l’occupation de FIAT, S.Basilio, les journées d’Avril à Milan, soit la lutte conduite par des avant-gardes armées clandestines accomplissant toutes les actions qui ne peuvent être organisées à un niveau de masse, bien que répondant à des exigences profondes et générales du mouvement révolutionnaire dans la période actuelle, celle-ci ne pouvant pas, selon nous, être considérée comme pré-insurrectionnelle.

Ces actions sont pour nous les pointes émergeantes d’une pratique politique quotidienne, d’une vraie praxis alternative qui s’est répandue assez massivement ces dernières années en Italie, et représente une première ébauche d’un programme communiste général.

Pour nous, l’unique terrain d’évolution commune et d’homogénéisation fut la construction d’une expérience de lutte armée, période essentielle de notre développement, dont la continuité a été assurée par une croissance permanente de l’organisation.

C’est le seul terrain sur lequel il a été possible de réaliser en nous-même un niveau d’unité non formel.

Les développements des différentes expériences ont amené à la création de noyaux de camarades qui agissent dans des endroits et des situations diverses, de manière totalement autonome et qui conservent entre eux un rapport d’organisation et de confrontation politique.

Nous voyons le sigle « Noyaux Armés Prolétariens », non comme une signature qui caractérise une organisation avec un programme d’ensemble, mais comme une synthèse de caractères propres à notre expérience.

Pour définir encore mieux l’autonomie des différents noyaux, les camarades qui ont répondu à ces questions ont signé leurs actions « Noyau armé 29 Octobre ».

2) QUELS RAPPORTS LES N.A.P. ONT OU VEULENT-ILS AVOIR AVEC LES ORGANISATIONS DE MASSE NON CLANDESTINES ?

Nous pensons que l’on peut, aujourd’hui en Italie, s’organiser et agir efficacement de manière non clandestine.

Il faut cependant garder bien présent à l’esprit que la dureté et la violence de la lutte des classes demandent de la part de tous les camarades révolutionnaires, quel que soit le secteur de la société où ils agissent, qu’ils soient conscients de la nécessité de construire des niveaux de clandestinité qui leur permettent, non seulement de résister à la répression qu’ils auront à subir, mais aussi de pratiquer efficacement, et avec le maximum de sécurité possible, les formes de lutte illégales et violentes que leur travail de masse, quel qu’il soit, réclame.

Sur les rapports que nous avons avec les camarades non clandestins : d’une part, ils veulent mettre à leur disposition les instruments pratiques et théoriques qui nous viennent de notre expérience de la clandestinité, d’autre part, ils nous sont utiles pour trouver, à travers une confrontation la plus large possible, de nouvelles formes à nos actions, de nouveaux objectifs, des éléments qui accélèrent le développement de notre expérience et donc, du mouvement révolutionnaire dont nous sommes une composante.

Naturellement, ces rapports revêtent différentes formes qui dépendent :

a) du niveau réel d’illégalité réclamé par la situation où opèrent les camarades auxquels nous sommes confrontés,

b) de la maturité avec laquelle ils affrontent le problème de la clandestinité et les risques qui y sont liés pour eux et pour nous,

c) de notre pouvoir à nous mesurer réellement avec le niveau de lutte de classe dans les différents secteurs avec lesquels nous entrons en contact, et donc de donner une contribution non formelle à la croissance révolutionnaire dans ce secteur.

Il fauten effet être conscient que les expériences et les situations de militantisme au milieu desquelles on agit dans l’Italie d’aujourd’hui ont encore des caractéristiques assez particulières pour lesquelles il n’est pas dit que les périodes et les formes de la clandestinité qu’il est nécessaire de pratiquer, soient homogènes entre elles. Cependant aujourd’hui déjà, certains mouvements comme les journées d’Avril à Milan constituent une échéance pour le mouvement tout entier et donc aussi pour nous.

C’est ainsi qu’il faut voir notre action à Rome contre Filippo De Jorio, agent du S.I.D. (Service Information de la Défense) et conseiller régional Démocrate Chrétien.

La confrontation pratique et théorique avec les camarades de l’extérieur doit nous faire poursuivre l’objectif d’une réelle unité d’action dans des occasiona comme celle-ci, soit pour les développer au plus haut niveau possible, soit pour expérimenter de nouvelles formes d’action et d’organisation.

3) QU’AVEZ VOUS A DIRE AU SUJET DE L’IMAGE QUE LA PRESSE BOURGEOISE ET NEO-REFORMISTE DONNE DE VOTRE EXPERIENCE ?

En ce qui concerne la presse bourgeoise, la seule chose à dire, c’est qu’elle assume son devoir de provocation et de calomnie contre les avant-gardes révolutionnaires, méritant la paye des patrons.

Certains journalistes et journaux, que nous n’oublierons pas, ont exécuté ce rôle avec un zèle particulier ; en ce qui concerne les presses réformiste et néo-réformiste, dans leur peur de perdre la petite part légale qu’elles se sont créées dans un Etat où la légalité est celle des patrons, elles sont habituées à crier à la provocation chaque fois qu’elles sont confrontées à la violence prolétarienne armée et se conduisent en vrais chacals quand elles subissent des défaites.

Leur rôle (Avant-Garde Ouvrière en tête) se présente objectivement comme provocateur.

Il est tempe que chacun prenne ses responsabilités.

D’une part, des camarades tombés ou arrêtés ont été calomniés, d’autre part, en acceptant pleinement et même en enrichissant de détails inventés de toutes pièces les versions que la police fournissait de nos actions, ils ont introduit un soupçon d’infiltrations pour discréditer un choix et des hypothèses politiques, et les périodes d’organisation qui en découlent.

Tout ceci en faisant étalage d’une attitude professorale et experte en problèmes de clandestinité, attitude profondément ridicule pour tous les camarades qui connaissent le passé de fainéants des aspirants conseillers communaux Corvisieri et compagnie, ainsi que les exploits héroïques des divers « services d’ordre » à commencer par celui d’Avant-Garde Ouvrière, plus connu sous le nom de « brigade lièvre ».

Les Noyaux Armés Prolétariens se sont caractérisés jusqu’ici par la parfaite connaissance réciproque de tous les militants de chaque noyau, qui est autonome politiquement et dans son organisation.

A travers la discussion et le travail politique commun, on tend à avoir le contrôle réciproque maximum sur les militants et les structures.

Cela ne veut pas dire que l’on ne commette pas d’erreurs technico-militaires ou d’évaluation politique dans certaines actions.

Ces erreurs très lourdes de conséquences sont difficiles à éviter quand on fréquente un terrain, celui de la construction d’une organisation clandestine, pour lequel les expériences sont extrêmement limitées.

Nous revendiquons comme notre patrimoine les erreurs commises et tenons comme fondamental de les comprendre : trop de fois nous avons payé pour notre inexpérience et trop de fois aussi pour la légèreté des camarades extérieurs à nos structures, sur lesquels nous n’avons pas eu le contrôle nécessaire.

Pour terminer, les camarades, et spécialement ceux qui agissent ou désirent agir dans la clandestinité, doivent être bien conscients du renforcement qualitatif et quantitatif continuel de l’appareil répressif bourgeois et le coût politique, humain, organisationnel, que cela comporte.

A chacune de nos actions, nous nous renforçons au niveau politique et d’organisation, cependant, nous nous battons avec une répression plus forte et raffinée.

Dans cette situation, il serait illusoire de penser pouvoir éviter les erreurs et les défaites qui peuvent même être fatales pour tel noyau ou tel autre.

La valeur d’une expérience de clandestinité doit être évaluée seulement pour juger si elle se présente ou non comme une composante du projet d’ensemble que le prolétariat est en train d’élaborer actuellement en Italie.

4) SUR LES BASES DE QUELLES ANALYSES ET DANS QUELLES PERSPECTIVES ENTENDEZ-VOUS AGIR ?

Avant tout, précisons que d’après nous, le mouvement révolutionnaire en Italie n’a pas encore atteint un niveau et une généralisation telles pour posséder une réelle analyse qui prévoie sur le plan tactique et stratégique l’époque et les formes du combat de classe, et un programme communiste articulé à tous les aspects de la société.

Il y a sans doute certains points théoriques et pratiques arrêtés qui sont le patrimoine du mouvement révolutionnaire, tels que : le refus du travail dans sa forme actuelle, la lutte violente contre l’oppression capitaliste, le droit de se réapproprier complètement ea propre existence.

Il s’agit plus d’un programme pratique que théorique, programme d’ores et déjà posé en actes à un niveau de masse.

Certains camarades en sont plus conscients et en voient plus clairement les implications, d’autres en ont une conscience théorique moins claire mais leur praxis politique est différente.

La dimension de masse de ces faits et le potentiel révolutionnaire qu’ils peuvent exprimer nous semblent amplement démontrés par des dizaines d’épisodes particuliers de la lutte de classe dans ces dernières années et par les époques générales de lutte auxquelles nous avons été confrontés.

A l’intérieur de ce processus dont nous sommes une composante, nous entendons développer au maximum nos capacités d’intervention, soit pratiques, soit comme contribution théorique sur la base de notre expérience.

Le fait d’avoir amené récemment à leur terme, dans de bonnes conditions, certaines opérations ne nous fait pas penser que nous sommes invincibles.

La mort des camarades Sergio, Luca Vito, la valeur des camarades arrêtés et condamnés, souvent sur la base de fausses preuves, par lesquels nous avons payé toute erreur minime, ne sont pas choses que l’on peut sous-estimer.

Mais nous tenons à répondre par notre action et par nos expériences à une réelle exigeance de la lutte des classes, et à contribuer au développement du programme communiste.

Ce fait et cette perspective justifient les risques que nous courrons.

CREER, ORGANISER 10 100, 1000 NOYAUX ARMES PROLETARIENS

LUTTE ARMÉE POUR LE COMMUNISME 

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Brigades Rouges: Communiqué du 15 mai 1975

[Ce communiqué revendique la « jambisation » de Massimo De Carolis lors de l’attaque menée contre le siège d’Initiative Démocratique à Milan le 15 mai 1975]

Une unité armée des Brigades Rouges a recherché et éliminé un nid démocrate-chrétien situé au 15 de la rue Monte de Pieta : le siège d’Initiative Démocratique, un groupe de provocateurs anti- communistes mieux connu sous le nom de « bande à De Carolis ».

La Démocratie Chrétienne est le dirigeant politique principal du plan pour la réorganisation impérialiste de l’Etat. C’est le centre d’unité pour le regroupement des forces réactionnaires et contre- révolutionnaires qui ont uni Fanfani à Tanassi, Sogno Pacciardi, Almirante et les groupes terroristes.

LA DC EST L’ENNEMI PRINCIPAL DU MOMENT : c’est le parti organique de la bourgeoisie, des classes dominantes et de l’impérialisme.

C’est le centre politique et organisationnel de la réaction et du terrorisme.

C’est la force motrice de la contre-révolution générale et la force directrice du fascisme moderne : le fascisme impérialiste.

Nous ne devons pas nous laisser tromper par les «professions de foi démocratiques et anti-fascistes» qui sont faites de temps en temps par certains leaders de ce parti.

Ces professions de foi sont faites parce qu’elles répondent au besoin tactique de maintenir en vie la dialectique entre «fascisme» et «anti-fascisme» qui permet à la DC de récolter des voix, en faisant croire au peuple qu’en tant qu’opposée au danger «fasciste», la «démocratie réformée», c’est-à-dire l’Etat impérialiste, est une meilleure chose.

Le problème posé aux avant-gardes révolutionnaires est faire toute la clarté sur ce manège, en frappant ses nids cachés, ses connexions, ses connivences et ses plans.

La DC n’est pas seulement un parti, c’est l’âme noire d’un régime qui depuis 30 ans opprime les masses populaires et ouvrières du pays. Cela n’a aucun sens d’être en paroles pour la défaite de ce régime et de proposer en fait un compromis historique avec la DC. Cela a encore moins de sens de bavarder au sujet de la façon de le réformer.

LA DC DOIT ETRE LIQUIDEE, BATTUE ET DISPERSEE.

La ruine de ce régime doit emporter avec elle cet immonde parti et l’ensemble de ses dirigeants, comme cela est arrivé en 1945 au régime fasciste et au parti de Mussolini.

La liquidation de la DC et de son régime est la prémisse indispensable pour atteindre un véritable « tournant historique » dans notre pays. Voilà la tâche principale du mouvement.

Initiative Démocratique est un centre réactionnaire et contre- révolutionnaire étroitement lié aux structures politiques et économiques de la métropole milanaise.

Les hommes de ce centre, qui selon les mots de son leader Massimo De Carolis représentent aujourd’hui « la plus importante force démocrate-chrétienne de la ville et de la région, et numériquement le groupe le plus fort au conseil municipal » sont tous compromis, de façon ouverte ou dissimulée, avec la réaction la plus sinistre.

En ce moment, la bande à De Carolis est en train de préparer dans sa tanière une campagne électorale visant à « drainer les voix des Milanais vers la DC et celles de la DC vers les candidats du parti les plus sûrs ».

Avec cette action, nous avons donné une anticipation du jugement que les prolétaires portent sur lui, ses associés et son immonde parti.

Mais ce n’est qu’un acompte. Le reste il pourra l’encaisser directement dans les quartiers prolétaires s’il essaie d’y poser un seul pied.

Les lois spéciales pour l’ordre public désirées par la Démocratie Chrétienne encouragent l’usage des armes contre la « criminalité politique ». Nous avons, pour une fois, suivi cet avis en tirant dans les jambes d’un des partisans les plus convaincus de ces lois liberticides.

Il méritait certainement plus, mais pour ces choses-là rien ne presse. Nous pouvons très vite serrer la vis et identifier qui sont les vrais « criminels » !

PORTER L’ATTAQUE CONTRE LES TANIERES DEMOCRATES-CHRETIENNES, FOYER DU CRIME DE DROIT COMMUN ET DU CRIME POLITIQUE, DE LA REACTION ET DE LA CONTRE-REVOLUTION.

BRIGADES ROUGES

15 mai 1975.


Nous précisons qu’il n’existe aucun lien organisationnel ou opérationnel entre les Noyaux Armés Prolétaires (NAP) et les Brigades Rouges. Vive la lutte des Noyaux Armés Prolétaires !                          

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Brigades Rouges: Résolution de la direction stratégique (1975)

avril 1975

 » Les Etats-Unis ont choisi d’être l’ennemi mortel de tous les gouvernements populaires, de toutes les mobilisations de la conscience socialiste scientifique partout dans le monde, de tous les mouvements anti-impérialistes de la terre. Leur histoire dans les cinquante dernières années et plus, les caractéristiques intrinsèques de leurs structures fondamentales, leur dynamique politique, économique et militaire, font des Etats-Unis le prototype de la contre-révolution fasciste internationale « .

George L. Jackson

Nous commençons ce texte par une citation du grand combattant afro-américain assassiné par les gorilles impérialistes dans la prison de S. Quentin parce qu’elle saisit dans son essentiel le coeur d’une question fondamentale pour nous: la question de l’impérialisme.

On peut résumer les termes généraux du problème de la façon suivante.

L’impérialisme est un système de domination mondiale au centre duquel se trouvent les Etats-Unis, au milieu desquels siègent les grandes compagnies multinationales et leurs intérêts.

Au cours des années, ce système s’est articulé et stratifié en zones fonctionnelles de production et de consommation qui sont en même temps des zones politiques et militaires. Les pays du « vieux continent » composent une importante aire économique, politique et militaire de l’impérialisme.

Cette aire, d’un point de vue capitaliste substantiellement homogène, est définie en termes stratégiques comme « système démocratique occidentale ».

Récemment, après la victorieuse lutte de libération du Viet-Nam et du Cambodge, après la crise de Chypre et du Moyen-Orient, ce « système » avec le Japon est devenu le banc d’essai du système impérialiste tout entier.

Cela veut dire que c’est principalement en Europe que se joueront toujours plus la permanence et le bouleversement des équilibres mondiaux sanctionnés par la deuxième guerre mondiale.

En d’autres termes, l’unité économique politique et militaire, sous le signe atlantiste, de cette zone, est décisive pour les Etats-Unis.

Et c’est à tel point qu’il n’est pas du tout hasardeux de soutenir que du point de vue « amérikain » (qui n’est pas seulement celui des USA mais aussi celui de ses alliés atlantistes), le « système démocratique occidental  » constitue dans cette conjoncture une totalité stratégique (politique, économique, militaire) qui n’admet pas de mutilations et ne tolère pas de modifications de substance.

L’Italie, en tant que composante organique de ce système et donc du système impérialiste mondial dirigé par les USA, se trouve dans une position extrêmement importante parce que: -avec la crise de régime qui l’afflige, elle forme un facteur de crise du dispositif impérialiste tout entier, -par la grande influence qu’a le PCI (parti communiste italien), elle constitue un point fort du dispositif social-impérialiste et après les récents événements portugais, cela n’est pas négligeable; -par l’énergie assez importante du mouvement révolutionnaire, elle peut se transformer en une zone révolutionnaire explosive de l’Europe.

Cette situation est très favorable pour les forces révolutionnaires de notre pays car, au niveau mondial, l’impérialisme est secoué de violentes convulsions et tout fait penser que le pire n’est pas encore arrivé.

La crise qu’il traverse est sans aucun doute la plus grave depuis la deuxième guerre mondiale, elle est en même temps économique, politique et militaire.

Economique parce c’est une crise cyclique de surproduction en présence d’une inflation galopante et d’un désordre financier et monétaire jamais enregistré; politique puisqu’elle déchaîne les facteurs d’instabilité de certains régimes subalternes et attise la lutte ouvrière, prolétarienne et révolutionnaire des classes opprimées tant aux USA qu’en Europe.

Militaire puisqu’elle détermine un décollement croissant de l’OTAN et la défection de certains pays importants.

Les luttes des peuples et des classes qui avec une détermination révolutionnaire, ont opposé une résistance idéologique, politique et armée à des prétentions hégémoniques planétaires, ont été une force de déchaînement de la crise.

Plus précisément, les contradictions qui ont contraint l’impérialisme à la « crise », à la défensive et donc à entrer dans la phase historique de sa dissolution sont au nombre de trois :

-les pays qui luttent pour leur libération et pour le communisme;

-le social-impérialisme soviétique, lui aussi intéressé par le contrôle des zones stratégiques, le ratissage des matières premières, les nouveaux marchés et les débouchés pour ses investissements;

-les luttes ouvrières et la montée des guérillas prolétariennes dans ses centres industriels et métropolitains.

C’est dans la dialectique complexe entre ces contradictions qui pousse irréversiblement vers une redéfinition des rapports de force entre impérialisme, social-impérialisme et forces révolutionnaires et donc qui alimente, dans le monde capitaliste occidental en général, et en Italie en particulier, des conditions objectivement favorables à la croissance de l’initiative ouvertement révolutionnaire.

Il appartient aux classes révolutionnaires et à leurs avant-gardes politiques et militaires de saisir l’occasion.

Sur la scène européenne, l’impérialisme réagit à sa crise en poursuivant trois objectifs fondamentaux :

-favoriser un processus de contre-révolution globale et ouverte  contre toute force antagoniste,

-mesurer de nouveau à l’intérieur de chaque pays la force de la classe ouvrière et rétablir des rapports de force favorables aux classes dirigeantes locales  » assurément atlantistes « , -décourager les velléités autonomistes qui ont fait leur chemin dans certains pays pour les reconduire sous  » l’aile américaine « .

Manoeuvres économiques et services secrets travaillent assidûment dans cette perspective.

L’utilisation de la « crise du pétrole » en est le dernier exemple même si, à l’épreuve des faits, il s’est montré une arme à double tranchant.

En effet, si d’un côté l’inflation sauvage, la récession économique et le danger d’une vraie dépression ont permis le chantage politique (« si vous voulez combler le déficit pétrolier et remettre en ordre, au moins en partie, les balances des paiements avec nos emprunts, il faut liquider sans hésitation les poussées « communistes » qui érodent à la base la stabilité des régimes politiques »); de l’autre côté, ils ont rendu plus aigués les tensions de classe et ainsi favorisé les poussées révolutionnaires.

Toutefois, il apparaît clairement que « crise de l’impérialisme », dans l’immédiat, ne signifie pas « effondrement » mais contre-révolution impérialiste globale, c’est-à-dire :

a) restructuration des modèles économiques de base;

b) restructuration rigidement planifiée des fonctions économiques à l’intérieur d’une division internationale du travail et des marchés;

c) réajustement des structures institutionnelles, militaires et étatiques des régimes moins stables et plus menacés dans le cadre de l’ordre impérialiste.

Affirmer que l’Italie est le maillon faible du « système démocratique occidental » veut donc aussi dire que c’est le pays où la contre-révolution se déchaînera le plus fort et le système impérialiste entier assumera la responsabilité de ce processus.

Cela signifie que le prolétariat italien, à mesure que la guerre de classe s’intensifie dans le pays, ne se trouvera pas seul pour « régler ses comptes » avec un ennemi interne, mais bien avec l’entière organisation économique, politique et militaire de l’impérialisme.

Cela veut dire, plus généralement, que la guerre de classe révolutionnaire dans les métropoles européennes est immédiatement, aussi, guerre de libération anti-impérialiste, parce que l’émancipation d’un peuple dans un contexte impérialiste doit affronter la répression impérialiste.

Il n’existe pas de « voies nationales » au communisme, parce qu’il n’existe pas actuellement de possibilité de se soustraire de façon singulière au système de domination impérialiste.
Face à la demande de pouvoir qui est à la base des mouvements des forces communistes qui oeuvrent sur le continent européen, la contre-révolution impérialiste assume une spécificité différente seulement par la forme et l’intensité, pas par la qualité.

Quelle différence y a-t-il entre la CDU et la DC?

Strauss est bien semblable à Fanfani!

Pour cet ensemble de motifs, l’internationalisme prolétarien est notre premier étendard de lutte; la zone continentale est le décor général dans lequel sont étudiées « les lois de la conduite de la guerre qui influent sur la situation d’ensemble de la guerre »; le territoire national est le théâtre opérationnel de notre guérilla; les pôles de classe industriels et métropolitains, les points de force et d’irradiation de la guerre civile révolutionnaire.

Aspects économiques de la crise du régime

Si l’on admet que la crise est le résultat de la contradiction qui a opposé les forces productives aux rapports de production capitalistes, donc de l’antagonisme exprimé continuellement par les luttes ouvrières des six dernières années, on en voit la spécificité économique.

La crise économique actuelle présente trois caractères principaux :

– c’est une crise de surproduction ou mieux de sous-consommation: après la forte expansion des années 50/60 (miracle économique à, nous sommes entrés dans une phase caractérisée par un fort déséquilibre entre la quantité de marchandises produites ou productibles et l’absorption du marché. Ceci est l’aspect historique de la crise actuelle;

– c’est une crise en présence d’une forte augmentation des matières premières, dont le pétrole. Ceci a pour effet que, dans la mesure où le prix des machines augmente, en conséquence de l’augmentation du prix,, soient des matières premières qui les composent, soient des matières premières auxiliaires à leur fonctionnement, le taux moyen de profit diminue proportionnellement. L’augmentation du coût des matières premières produit en outre la réduction ou l’arrêt du processus entier de reproduction du capital, soit parce que le produit de la vente des marchandises est insuffisant pour reproduire tous les éléments constitutifs de la marchandise elle-même, soit parce que la continuation du processus reproductif à une échelle correspondant à son élargissement technique est impossible;

-c’est une crise en présence d’une forte chute du taux moyen de profit. Ceci est l’aspect spécifique de la crise économique actuelle. Il est important d’analyser les conséquences que cette forte chute du taux moyen de profit a produit et produira sur la structure économique et politique du système.

Si la chute tendancielle du taux moyen de profit est une caractéristique fondamentale du processus capitaliste (d’autant plus que le capital constant tend toujours plus à augmenter par rapport au capital variable) en Italie dans cette dernière décennie (1966-1974) cette chute tendancielle a subi un processus d’accélération notable dû surtout au violent jaillissement de l’industrie chimique comme industrie impérialiste multinationale (Montedison).

L’industrie chimique est caractérisée en effet par un taux de plus-value élevé (c’est-à-dire hautes valeurs de la productivité pour chaque ouvrier), mais par un taux moyen de profits très bas.

Ceci entraîne qu’il est de plus en plus difficile pour un capitaliste dans la chimie de repérer à l’intérieur même du processus de production les capitaux nécessaires à la restructuration technologique, et il doit recourir à l’endettement.

Mais, étant donné la grande quantité de capital financier, il devient de plus en plus dur de ratisser ces fonds à l’intérieur du marché financier privé (finance privée et actionnariat), c’est pourquoi il doit recourir aux emprunts d’Etat.

Dans ces conditions apparaît pour le capitaliste de la chimie la nécessité d’établir de bons rapports avec l’appareil d’Etat pour obtenir ces prêts aux conditions les plus avantageuses.

De là à transformer l’appareil d’Etat en une structure étroitement subordonnée à ses exigences de développement, il n’y a qu’un pas et il est même absolument nécessaire.
L’Etat assume donc, dans le camp économique les fonctions d’une grosse banque au service des grands groupes impérialistes multinationaux.

Du moyen par lequel l’Etat/banque ramasse « au niveau social » ces capitaux nécessaires (qui ne sont autres que la plus-value globale « assignée » aux multinationales) naît le fort processus inflationniste caractéristique du développement capitaliste actuel, dominé par les grands, groupes impénalistes multinationaux.

Il est clair que le processus ici simplifié pour le secteur chimique est valable pour tout autre secteur où domine la structure capitaliste multinationale (c’est-à-dire pour Montedison, comme pour Pirelli) et pour toute fonction de l’Etat (économique, politique et militaire).

L’Etat devient l’expression directe des grands groupes impérialistes multinationaux, avec un pôle national.

C’est-à-dire que l’Etat devient une fonction spécifique du développement capitaliste dans la phase de l’impérialisme des multinationales; il devient: Etat impérialiste des multinationales.

Cela signifie aussi que l’Italie tente de rejoindre le modèle germano-américain.

Modifications sur la composante de classe.

Voyons les conséquences que la chute du taux moyen de profit produit sur la structure de classe.

Dans les secteurs où le taux de profit est très bas. on note une diminution absolue de la force-travail utilisée. Par exemple, pour la Montedison, dans les années 66-71. dans le secteur chimique, on a des investissements en installations fixes pour 600 milliards, avec une augmentation notable par rapport aux années précédentes, et une diminution de la force-travail de 70.761 à 70.661 unités.

Cette tendance est aussi plus que confirmée dans les quatre dernières années.

D’autre part, le système capitaliste, aussi en tant que producteur de la marchandise force-travail, produit une forte augmentation de la population globale. Il suffit de penser que, vers 1800, la population de la terre était évaluée à environ 1 milliards d’unités; avec l’avènement du système capitaliste, on assiste en 150 ans à une multiplication par quatre de la population mondiale (actuellement nous en sommes autour de 4 milliards).

De cela on peut tirer une généralisation: la chute tendancielle du taux moyen de profit produit une diminution de la force-travail utilisée par rapport à la population totale: c’est-à-dire que, face à une augmentation constante de la population totale, il n’y a pas une augmentation proportionneDe de la force-travail utilisée.

Nous avons dit précédemment que l’aspect scientifique de la crise économique est la forte chute du taux moyen de profit. Donc, on peut soutenir que la crise actuelle produira une diminution notable de la force-travail utilisée par rapport à la population globale.

Ce phénomène se développera de manière de plus en plus accélérée et sera une caractéristique constante de notre développement économique.

Tout ceci produit et produira sur la composante de classe des modifications stables que l’on peut schématiser ainsi. Par rapport à la population globale, on aura :

a) une diminution continue des salariés ayant un emploi stable;

b) une augmentation de « l’armée de réserve » (réservoir où puiser dans les moments d’expansion), c’est-à-dire des salariés ayant un emploi instable (voir actuellement.l’utilisation de la Caisse d’Intégration)

c) une augmentation de cette partie de la population qui sera éjectée définitivement par le processus capitaliste (les marginaux).

Ce dernier phénomène ne s’était pas manifesté nettement jusqu’à présent grâce à l’émigration qui a signifié pour toute une période, le débouché à la surproduction de force-travail.

Actuellement, étant donné la forte chute du taux moyen de profit, cette soupape de sécurité ne peut plus fonctionner. Les émigrés retournent chez eux pour repeupler le rang des chômeurs totaux ou partiels, c’est-à-dire, en définitive, des marginaux.

Par rapport aux comportements de classe, on peut formuler l’hypothèse suivante:
– salariés ayant un emploi stable –

Une partie de ceux-ci reflète le niveau de conscience immédiate qui est la défense de leur condition de salariés (salaire équitable).

Ceux-là forment la base matérielle du réformisme.

Une autre partie, et c’est la couche la plus productive, celle dont l’exploitation s’accentue de plus en plus (travailleurs à la chaîne), développe une conscience révolutionnaire, c’est-à-dire l’abolition du travail salarié et la destruction de la société capitaliste.

– les marginaux

Les marginaux sont un produit de la société capitaliste dans sa phase actuelle de développement et leur nombre est en constante augmentation. Ils sont utilisés comme consommateurs par la société capitaliste en tant que société de consommation.
Ce sont toutefois des consommateurs sans salaire.

De cette contradiction naît la  » criminalité « .

L’utilisation  » économique  » de la criminalité de la part du capitalisme réside dans le fait que celle-ci contribue à la destruction de la marchandise nécessaire pour continuer le cycle.

Par exemple, on pourrait très bien construire des voitures à l’épreuve des voleurs, mais cela irait contre les intérêts de Fiat.

Une partie des marginaux reflète au niveau immédiat la conscience bourgeoise: individualisme extrême, aspiration à toujours « consommer  » plus.

Une autre partie reflète la conscience révolutionnaire d’abolition de leur condition de marginaux, d’où l’abolition de la société fondée sur le travail salarié.

– l’armée de réserve

En ce qui concerne l’armée de réserve, les niveaux de conscience sont donnés par l’entrelacement des niveaux de conscience rencontrés parmi les salariés ayant un emploi stable et les marginaux.

Le projet politique démocrate-chrétien

Si les années 70/74 ont été caractérisées par de fortes contradictions à l’intérieur de la bourgeoisie (par exemple: duel Montedison-Fiat), contradictions qui ont fendu verticalement la structure de l’Etat, des partis, des forces syndicales, la période actuelle semble caractérisée par une phase d' »armistice » entre les différents groupes capitalistes italiens: c’est-à-dire que face à l’aggravation de la crise les différents groupes capitalistes ont serré les rangs.

Armistice ne signifie cependant pas la fin des contradictions à l’intérieur du front bourgeois, cela signifie simplement un gel momentané de ces contradictions, gel qui se manifeste à travers un accord (lui aussi momentané) sur la répartition du pouvoir entre les groupes bourgeois les plus forts.

C’est au moyen de cette clef qu’il faut interpréter l’accord au sommet de la cofindustria au printemps 74 (Agnelli président et Cefis vice-président), l’unité établie autour de Fanfani des plus forts courants de la DC (Fanfaniens, Dorotéistes, Andreottistes, etc…), l’actuelle composition et la fonction du gouvernement Moro.

Penser que les contradictions qui divisent le front de la bourgeoisie sont des contradictions de caractère antagoniste serait donc une erreur.

Ce sont simplement des tactiques variantes du même projet: la construction de l’Etat impérialiste des Multinationales. L’essence du conflit inter-capitaliste se situe simplement en cela; quel sera le groupe impérialiste multinational qui, en guidant le projet de construction de l’Etat impérialiste, s’assurera la part la plus grosse du pouvoir.

Le projet politique de la DC, qui trouve en ce moment en Fanfani son interprète le plus autorisé, vise à faire de la DC elle-même, l’axe principal de ce projet d’Etat impérialiste.

En se posant à tout moment comme gérant de « l’armistice », la DC cherche à être l’élément de médiation dialectique continue entre les intérêts des différents groupes capitalistes.

Dans les intentions de la DC on devra ainsi réaliser, à l’intérieur d’un processus caractérisé par des contradictions dans le dispositif bourgeois et par une forte opposition entre bourgeoisie et prolétariat, la construction « pièce par pièce » de l’Etat impérialiste et, à la fin de ce processus, une complète intégration entre DC et Etat impérialiste.

Il est clair cependant que ce processus ne se déroulera certainement pas de manière pacifique, mais prendra de plus en plus les caractères de « guerre civile ».

Ceci aussi, et surtout, par la profonde crise d’hégémonie qui contraint la bourgeoisie, ses représentations politiques et les institutions de l’Etat, à résoudre les contradictions de classe de plus en plus au moyen de la force, c’est-à-dire en utilisant l’appareil de coercition tout entier, et seulement celui-là.

Le projet politique démocrate-chrétien, plus particulièrement, soutenu ouvertement aussi par Tanassi, Sogno et Almirante, se propose de construire autour du bloc intégrationniste de la DC, un « bloc historique » plus vaste et articulé ouvertement réactionnaire et contre-révolutionnaire, fonctionnel pour la construction de l’Etat impérialiste.

On joue les élections administratives de juin, et encore plus les prochaines élections politiques, dans cette perspective à long terme.

De même que les thèmes « dominants » de la propagande politique en ces sinistres campagnes électorales n’ont pas un caractère contingent comme paraissent le croire les révisionnistes, mais sont eux aussi une étape de la construction  » pièce par pièce  » de l’Etat impérialiste.

A cet égard la question de « l’ordre public » et de la guerre à la « criminalité politique » fait figure d’emblème, car elle vise moins à une augmentation des voix qu’à la militarisation préventive du territoire et de la lutte de classe, ou bien c’est un instrument direct de la nécessité de reconstruire un cadre des valeurs de masse qui consentent à la restructuration et à la concentration de tous les pouvoirs de l’Etat dans la perspective de la guerre civile contre-révolutionnaire.

Parce que c’est la voie, l’unique voie que la DC indique et suit pour faire front à la crise du régime.

Au-delà des apparences « conciliaires », ce que veut la DC, c’est un conflit entre les forces révolutionnaires et progressistes et le bloc historique contre-révolutionnaire.

Elle cherche une fente verticale qui marginalise et anéantisse les forces hostiles à la restructuration impérialiste de l’Etat du régime.

Elle propose de garantir aux patrons des multinationales impérialistes :

1) un renforcement des structures et de l’organe militaire clans les deux sens de fonctionnalisalion aux projets de l’OTAN et de spécialisation anti-guérilla contre la subversion interne;

2) la création d’une « magistrature de régime » et le raidissement des mesures pénales sur les chapitres particulièrement inhérent à la guerre de classe, de la législation sur la détention d’armes à celle sur la détention préventive, l’arrestation, les frontières, les peines exemplaires pour les militants révolutionnaires;

3) l’adoption de mesures « préventives » comme la militarisation des grandes villes, des institutions, des hommes les plus exposés du régime.

Et plus généralement, justement pour réaliser ces objectifs avec le plus petit nombre de contradictions, elle vise à une réforme constitutionnelle précise, à l’élection directe du président de la république et à une augmentation décisive du pouvoir de l’exécutif: en bref, à la « république présidentielle ».

Restructurer l’Etat pour battre le mouvement ouvrier sur le terrain de la guerre civile, tel est l’essentiel du projet politique démocrate-chrétien.

Le pacte corporatif

La tentative de construire des liens corporatifs entre la classe dirigeante du régime et les organisations syndicales des travailleurs joue un rôle plus important qu’on ne le croit pour la formation de l’Etat impérialiste.

Agnelli en tant que porte-parole du patronat tout entier, l’avait prévu dans son premier discours comme président de la confindustria, quand il soutenait la nécessité d' »en venir à un pacte social qui, trente ans après avril 45, redéfinisse les objectifs nationaux du peuple italien en vue des années 80-90.

Il ne s’agit cependant pas d’un pacte entre syndicats-patronat et gouvernement ».

Il l’a également confirmé cette année: « la dureté de la crise économique, ses complications d’ordre social et l’exigence d’un prompt retour au développement, donnent à l’organisation industrielle des objectifs de caractère général qui sont en grande partie communs aux organisations de travailleurs.

Je pense que les syndicats et patronat se trouvent devant le même problème: celui de la construction d’un cadre général, fait de choix et de directions qui favorisent non pas la consommation passive, les rentes, et l’accumulation parasitaire, mais bien l’initiative et la capacité ».

Donc, selon Agnelli les plus grandes forces industrielles-multinationales du pays devraient assumer une responsabilité plus directe dans la gestion du pouvoir en fixant une série de principes politiques et de solutions techniques pour réaliser une gestion commune de la crise d’aujourd’hui et de la reprise, demain, avec les confédérations syndicales et le gouvernement.

Ce qui nous intéresse, c’est qu’on justifie le « pacte social » non pas dans une fonction « anticonjoncturelle », donc comme accord tactique, mais comme exigence anticipée et, par conséquent, comme projet de stabilisation pour les années 80!

On peut définir ainsi l’opération d’emprisonnement que cela présuppose: incorporation organique de la classe ouvrière dans le capital et dans l’Etat.

Il s’ensuit la logique que la classe ouvrière, pour se sauver, doit sauver le patron; pour sauver le patron, doit sauver l’Etat; pour sauver l’Etat, doit assumer les coûts économiques de la reconversion de la production et les sacrifices de la restructuration impérialiste.

C’est une logique misérable et il faut en tenir compte uniquement parce qu’elle est faite justement par les directions des syndicats et du Parti Communiste.

Les argumentations pour la justification du « pacte corporatiste » sont fausses en ceci :

– on identifie l’intérêt ouvrier avec l’intérêt de développement du grand capital des multinationales, et l’intérêt des multinationales avec l’intérêt national;

– on introduit habilement par une disposition réformiste, l’exigence de reconversion productive du grand capital.

Le « pacte corporatif » en ce qui concerne l’usine veut cacher une réalité que les avant-gardes ouvrières appellent depuis des années « fascisme d’usine », c’est-à-dire une restructuration du cycle et de l’organisation du travail avec ses revers :

a) Rupture de la rigidité de la force-travail (mobilité: destruction systématique des noyaux d’avant-garde; utilisation plus grande des installations; intensification de l’exploitation);

b) Militarisation de l’appareil de domination (corporatisation des dirigeants, des cadres, des chefs; syndicalisme jaune; utilisation des fascistes pour les « travaux de basse oeuvre »; espionnage).

Quant à la lutte ouvrière, une conséquence décisive du « pacte » est donc une conception plus moderne de la répression: syndicaliste et flic, espionnage patronal et contrôle syndical se fondent en un but unique d’anéantissement de l’autonomie et de l’opposition.

La tendance, déjà démontrée dans de nombreuses usines où la lutte autonome est particulièrement incisive, qui voit les représentants syndicaux et les directions du personnel engagés à collaborer pour l’identification des « provocateurs » avec comme objectif spécifique leur élimination par le licenciement ou la dénonciation à la magistrature, cette tendance en est un exemple.

En substance, cette proposition corporatiste est résolument réactionnaire.

Elle préfigure une dictature féroce dans les conflits des forces de classe révolutionnaire; et, dans la mesure où elle s’affirme à l’usine, elle tend à se projeter sur le terrain politique général en fermant tout espace à la guerre de classe révolutionnaire.

Le compromis historique

La gauche officielle ne comprend pas les profondes transformations structurelles et politiques qui s’accomplissent sous l’égide de la DC et de la confindustria à l’intérieur de la contre-révolution globale impérialiste.

Le P.C.I. surtout montre son incapacité à indiquer une stratégie alternative de classe. La ligne rappelée au XTVème Congrès en est une évidente démonstration. Les données de la « stratégie » du Compromis Historique sont rendues caduques pour deux raisons: le caractère partisan de la guerre à outrance de l’impérialisme et le caractère réactionnaire et impérialiste de la DC.

Berlinguer, ce Kautsky de 1916, indique comme tendance au niveau mondiai et même justifie par le comportement des USA, la politique de la « coexistence » et de la « coopération », allant jusqu’à prophétiser « un système de coopération et d’intégration assez vaste pour dépasser progressivement la logique de l’impérialisme et du capitalisme et renfermer les les aspects les plus différents du développement économique et civil de l’humanité entière ».

Pour Berlinguer, il n’y a pas d’antagonisme entre impérialisme, social-impérialisme et révolution, mais des contradictions sur la voie d’une solution « pacifique » et « civile ».

La réalité l’a démenti.

La tendance générale aujourd’hui dans le monde est celle qu’indiquent les camarades chinois: c’est la révolution.

Impérialisme et social-démocratie se trouvent de plus en plus souvent en contradiction ouverte et les guerres de libération des peuples connaissent de nouvelles victoires.

C’est le cas au Viet-Nam, au Cambodge, ou au Portugal.

En ce qui concerne l’Italie, l’idylle philosophico-capitaliste de Berlinguer dépasse les limites de la pudeur.

Avec une opération théorique très éloignée du matérialisme historique et dialectique, il propose le « compromis avec les masses populaires catholiques », c’est-à-dire avec la DC dont il néglige, ou tout simplement, nie le caractère impérialiste, antinational et antipopulaire qui depuis trente ans fait de ce parti l’âme et le cerveau de toutes les poussées réactionnaires et fascistes, de plus en plus croissantes dans le pays.

On déserte le marxisme-léninisme, on s’éloigne de l’analyse de classe à un tel point que la contradiction principale est désormais présentée comme contradiction entre « démocrates » et « antidémocrates »; les premiers étant tous ceux qui agissent dans le milieu constitutionnel, les seconds, tous les autres, peu importe qu’ils soient fascistes, révolutionnaires ou ouvriers, qui poursuivent des objectifs de luttes « particularistes » ou « corporatifs ».

La fonction que s’est assigné le PCI est donc de récupérer à l’intériieur du système « démocratique » toutes les poussées antagonistes du prolétariat en les détournant en termes réformistes.

En effet, le « compromis historique » ne présuppose pas une opposition stratégique à l’égard du programme de réalisation de l’Etat impérialiste (dans l’Etat impérialiste « démocrate-chrétien », il y aura un peu plus de flics, dans celui du PCI un peu moins, mais seulement parce que chacun devra être son propre flic), mais se présente simplement comme une formule différente pour la gestion du pouvoir de ce même pouvoir.

Le « compromis historique » ne correspond pas à un besoin politique de classe, mais, plutôt, au profit opportuniste d’une couche de classe qui tire quelques misérables avantages du renforcement du système capitaliste. Pour cette raison le PCI s’oppose désormais violemment au mouvement révolutionnaire et aux forces de classe dont il tire sa vigueur et ses ressources.

C’est pourquoi les projets révisionnistes échoueront certainement.

Toutefois, il ne faut pas sous-estimer la fonction ambivalente que la ligne du « compromis historique » développe dans la crise du régime en une courte période :

– d’un côté il constitue un puissant facteur de crise politique du régime; il inspire la terreur et accélère les contradictions dans les secteurs les plus conservateurs et les plus réactionnaires.

-de l’autre il évite que le pays devienne ingouvernable, c’est-à-dire qu’il fasse obstacle au développement de la guerre des classes.

En effet, cela signifie que, alors que les secteurs conservateurs ou réactionnaires, préoccupés par la tournure des événements, conçoivent et développent des projets ouvertement contre-révolutionnaires, de larges secteurs du mouvement ouvrier et populaire restent prisonniers du piège paralysant qu’est la ligne du « compromis ».

Et cette ligne, en figeant les forces de classe, retarde et entrave la prise de conscience, au niveau de la masse, de la nécessité de la guerre, et ce, juste au moment où la situation est très favorable aux forces révolutionnaires. Dès qu’on oublie que ce sont les exploités qui doivent vouloir la guerre, on est prêt pour la paix du patron!

Porter l’attaque au coeur de l’Etat

Notre ligne, dans ce cadre général de projets et de contradictions, reste d’unifier et de renverser toute manifestation partielle de l’opposition prolétarienne en une attaque convergente au « coeur de l’Etat ».

Elle commence par la considération évidente, que c’est l’Etat, par son comportement, qui garantit et impose le projet global de restructuration et que, par conséquent, en-dehors du rapport classe ouvrière/Etat, il n’y a pas, comme de reste il n’y a jamais eu, de lutte révolutionnaire.

L’objectif intermédiaire est l’affaiblissement et la crise définitive du régime démocrate-chrétien, prémisse nécessaire pour un « virage historique » vers le communisme.

Le devoir principal de l’action révolutionnaire dans cette phase est donc la plus grande désarticulation politique possible tant du régime, que de l’Etat.

C’est-à-dire le plus grand développement possible de contradictions entre les institutions, à l’intérieur de chacune d’elles entre les différents projets tactiques de solution de la crise, et à l’intérieur de chacun d’eux.

Le passage à une phase plus avancée de désarticulation militaire de l’Etat et du régime est prématurée et donc échoue, pour deux motifs :

1) La crise politique du régime est très avancée, mais nous ne sommes pas encore près du « point de rupture »;

2) L’accumulation des forces révolutionnaires sur le terrain de la lutte armée, même si elle a connu une grande accélération dans les deux dernières années, n’est pas encore assez puissante, par son expansion sur le territoire et sa maturité politique et militaire pour consentir le passage à une nouvelle phase de la guerre.

La destruction de l’ennemi et la mobilisation politique et militaire des forces populaires ne peuvent qu’aller de pair.

En d’autres termes, le renforcement du pouvoir prolétarien est la condition préliminaire du passage à la phase la plus avancée de la désarticulation militaire du régime et de l’Etat ennemi.

La guérilla urbaine

A notre avis, on doit affronter la question à partir de la couche de classe qui plus que toute autre subit l’intensification de l’exploitation due aux projets de restructuration capitaliste et impérialiste.

La théorie révolutionnaire, c’est la théorie des besoins politico-militaires de « libération » de cette couche de classe.

Elle seule en fait exprime en puissance, sinon en conscience (qui signifie « organisation », l’universalité des intérêts de classe.

C’est seulement autour de ses besoins que peuvent être organisés et assumés les besoins des couches sociales marginalisées par le processus de restructuration et que peuvent être battues les résolutions révisionnistes, réformistes ou corporatives de cette partie de la classe ouvrière qui trouve un avantage, même moindre, dans le renforcement du système de domination impérialiste.

La guérilla urbaine joue un rôle décisif dans l’action de désarticulation politique du régime et de l’Etat. Elle atteint directement l’ennemi et fraye un chemin au mouvement de résistance.

C’est dans la guérilla que se constitue et s’articule le mouvement de résistance et le terrain de l’autonomie, et non le contraire.

Elargir ce terrain signifie en premier lieu développer l’organisation de la guérilla, sa capacité politique et militaire.

Toutes les positions qui considèrent la croissance de la guérilla comme une conséquence du développement du terrain légal ou semi-légal de « l’autonomie » sont fausses.

Il est nécessaire de faire la lumière sur ce point. Dans ce qui est défini comme « terrain de l’autonomie » s’entassent des positions très diverses.

Certains, qui situent leur place dans la lutte des classes par la voie « subjective », se reconnaissent comme faisant partie de ce terrain, plus pour lui imposer ses problèmes et ses besoins, c’est-à-dire pour le « récupérer », si bien qu’ils expriment, aujourd’hui, une interprétation très partiale et surtout sectorielle de ses besoins.

A leur source, ils ont constitué un facteur décisif dans le processus de dépassement de « l’esprit de chapelle », mais aujourd’hui ils risquent de finir eux-mêmes dans le cul-de-sac de ce processus.

C’est le « fétichisme de la légalité » qui prédispose à ce danger, c’est-à-dire l’incapacité à sortir de la fausse opposition entre « légalité et illégalité ».

En d’autres termes, les assemblées autonomes ne réussissent pas à poser le problème de l’organisation à partir des besoins politiques, et finissent ainsi par les délimiter dans le type d’organisations légales existantes.

Ce qui correspond à couper le pied pour le faire entrer dans la chaussure!

Certains, plus conscients de la contradiction où ils se débattent, arrivent à admettre un dualisme d’organisation et ainsi à reproposer l’improposable théorie du « bras armé », dans la vieille logique de faillite de la 3ème Internationale.

Mais, dans cette nouvelle situation, sous peine d’extinction de leur fonction révolutionnaire, ils doivent faire un saut dialectique s’ils veulent rester fidèles à l’engagement fondamental d’organiser sur le terrain de la guerre de classe l’opposition de la couche « objectivement » révolutionnaire.

En-dehors de cette perspective, il n’y a que conceptions minoritaires ou inféodés au révisionnisme.

La guérilla urbaine organise le « noyau stratégique » du mouvement de classe, pas le bras armé.

Dans la guérilla urbaine, il n’y a pas contradiction entre penser et agir militairement et donner la première place à la politique.

Celle-ci développe son initiative révolutionnaire selon une ligne de masse politico-militaire.
Pour la guérilla, ligne de masse ne veut pas dire, comme quelqu’un l’a mal compris, « organiser le mouvement de masse sur le terrain de la lutte armée », tout au moins pas pour le moment.

Dans l’immédiat, l’aspect fondamental du problème reste la construction du « Parti Combattant » comme interprète des besoins politiques et militaires de la couche de classe « objectivement » révolutionnaire et l’articulation des organismes de combat au niveau de classe sur les divers fronts de la guerre révolutionnaire.

La différence n’est pas sans importance et cela vaut la peine de l’expliquer, car elle cache une divergence sur une question primordiale: l’organisation.

Cette divergence réside dans le fait que la première thèse aplanit jusqu’à la faire disparaître l’organisation du « mouvement » qui, dans le même temps, gonfle jusqu’à atteindre des dimensions mythiques; la seconde conçoit organisation et mouvement en tant que réalités nettement distinctes en perpétuelle discussion.

Le parti combattant est un parti de cadres combattants. C’est donc une unité avancée et armée de la classe ouvrière, par conséquent distincte et en même temps partie intégrante de celle-ci.

Le mouvement est une réalité complexe et hétérogène où de multiples niveaux de conscience coexistent et se combattent.

Il est impensable, et impossible d’ « organiser » cette multiplicité de niveaux de conscience « sur le terrain de la lutte armée ».

Parce que ce terrain, bien qu’étant stratégique, n’est pas encore le principal, parce que le noyau que constitue le parti combattant, c’est-à-dire les BR, n’a certainement pas mûri les capacités politiques, militaires et d’organisation, nécessaires à son objectif.

Il ne s’agit pas d' »organiser le mouvement de masse sur le terrain de la lutte armée » mais d’enraciner l’organisation de la lutte armée et la conscience politique de sa nécessité historique, dans le mouvement de classe.

Cela reste le principal objectif du parti combattant actuellement dans sa période de construction.

Pour l’ensemble des motifs que nous avons exposé, le niveau de combat adéquat à cette période reste celui de la propagande armée.

Les objectifs principaux de l’action de propagande armée sont au nombre de trois :

– Créer le plus grand nombre possible de contradictions politiques à l’intérieur du système ennemi, c’est-à-dire le désarticuler, l’empêcher de fonctionner.

– Ouvrir la voie au mouvement de résistance en utilisant des terrains de combat souvent inconnus, mais non mois essentiels.

– Organiser le niveau de classe avancé, dans le Parti ou dans des organismes de combat sur les divers fronts de la guerre.

La propagande armée réalisée à travers l’action de guérilla indique une phase de la guerre de classe, et non comme le pense quelqu’un, une « forme de lutte ».

A cette phase succède celle de la « guerre civile en action », où la tâche principale de l’avant-garde armée sera de désarticuler, même militairement, et de briser la machine bureaucratique et militaire de l’Etat.

L’assaut de la prison de Casale pour la libération d’un camarade, éclaire l’idée de la propagande armée de la façon suivante :

– il a produit une désarticulation profonde de l’Etat: renversement de la campagne de propagande, dont la tentative de nous faire passer pour « désespérés »; échec des projets démocrates-chrétiens de « procès exemplaire » durant les élections; accentuation des contradictions entre magistrature et C.C., entre magistrature de Milan et magistrature de Turin, entre grades supérieurs et grades inférieurs de la magistrature, entre DC et autres forces politiques, etc…

– il a ouvert la voie au mouvement de résistance dans les deux sens: avoir réalisé un mot d’ordre du programme révolutionnaire (libération des prisonniers politiques) et aussi avoir crée un climat de confiance dans la masse des prisonniers politiques au-delà des avant-gardes révolutionnaires; avoir exploré un nouveau terrain de combat et en avoir tiré des indications et une expérience décisifs dans un proche avenir.

– il a crée les prémices pour organiser l’avant-garde révolutionnaire, enfermée dans les prisons du régime, sur un programme révolutionnaire d’attaque de l’Etat.

Maintenant il appartient au Parti Combattant de transformer, à l’intérieur et en-dehors des prisons, les prémices en structures, les puissances révolutionnaires libérées, en pouvoir prolétarien armé.

Sur quel terrain doit se développer notre initiative tactique?

On peut le définir en trois mots d’ordre fondamentaux :

1 – rompre les liens corporatistes entre la classe dirigeante industrielle et les organisations de travailleurs

2 – briser la DC, centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme

3 – frapper l’Etat dans ses maillons les plus faibles

Rompre les liens corporatistes entre la classe dirigeante industrielle et les organisations de travailleurs

Sur le terrain de la lutte ouvrière, le noeud à défaire est aussi le point central du programme de lutte, c’est le « pacte corporatif »: le rapport Confindustria-Syndicats-Gouvernement comme axe porteur de la restructuration capitaliste et comme élément fondamental de l’Etat corporatiste impérialiste des multinationales.

Il est très important, bien qu’insuffisant dans cette perspective, d’intensifier les mouvements autonomes de lutte contre tout aspect de la restructuration, comme la caisse d’Intégration, la mobilité du travail, les licenciements et l’intensification forcenée de l’exploitation.

Ces niveaux de lutte se situent dans la direction juste et assument un caractère offensif, dans la mesure où ils réussissent à briser la « cage » syndicale et à mettre en échec, c’est-à-dire à miner, la capacité de contrôle des Confédérations.

Mais l’attaque doit surtout être étendue à la structure politico-militaire du commandement; parce que la Confindustria réformée est le principal centre de l’initiative patronale; parce qu’elle se sert des organisations « syndicales » des dirigeants, des cadres, des petits chefs et des ouvriers à mentalité de patron, comme courroies de transmission de la nouvelle idéologie et comme centres d’organisation corporatiste.

Désarticuler à fond cette « courroie » en en expliquant la structure, les fonctionnements et les liens avec les centres de pouvoir politique et avec le projet général, est une exigence immédiate de la lutte révolutionnaire.

Jusqu’à présent nous avons mené l’épuration au niveau de la production.
Dorénavant, il sera nécessaire d’attaquer également les niveaux administratifs, dirigeants, ou directement les patrons les plus importants.

Désarticuler cette trame veut dire en faire sauter la fonction politique et militaire.

En effet, la tendance corporatiste porte en elle l’exigence et l’organisation de la répression violente contre l’opposition de classe, c’est-à-dire de ceux qui refusent le suicide révisionniste.

En conséquence, la fonction du commando va de plus en plus se spécialisant aussi dans cette direction.

La récolte d’informations sur les noyaux d’avant-garde ouvrière, l’espionnage politique, l’infiltration, la provocation, et tout autre genre de travail contre-révolutionnaire sont amenés à de niveaux d’efficacité.

Il s’agit de ne pas les laisser fonctionner, de les prévoir, de les neutraliser, et de punk avec la dureté opportune quiconque assume la responsabilité de leur fonctionnement.

Briser la démocratie chrétienne, centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme

Sur le terrain politique, c’est la D.C. qu’il faut combattre et vaincre, parce qu’elle est le vecteur principal du projet de restructuration impérialiste de l’Etat, et le point d’unification du faisceau des forces réactionnaires et contre-révolutionnaires qui lie Fanfani à Tanassi, à Sogno, à Pacciardi, à Almirante, aux groupes terroristes.

La démocratie chrétienne est l’ennemi principal.

C’est le parti organique de la bourgeoisie, de la classe dominante, et de l’ impérialisme.

C’est le centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme, c’est le moteur de la contre-révolution globale et le support du fascisme moderne: le fascisme impérialiste.

On ne doit pas se laisser tromper par les professions de foi « démocratique et antifasciste » parfois tenues par certains dirigeants de ce parti, parce qu’elles répondent au besoin tactique de maintenir la substitution dialectique entre « fascisme » et « antifascisme » qui permet à la D.C. de récupérer des voix en faisant croire que la « démocratie réformée », c’est-à-dire l’Etat impérialiste, est le meilleur rempart contre le danger « fasciste ».

Le problème des avant-gardes révolutionnaires est de faire la lumière sur tout le jeu en frappant les liaisons, les complicités et les projets.

La D.C. n’est pas seulement un parti, mais l’âme noire d’un régime qui depuis 30 ans opprime les masses ouvrières populaires du pays.

Déclarer la nécessité d’abattre le régime et proposer dans les faits, un compromis « historique » avec la D.C. n’a pas de sens.

Bavarder sur le moyen de la « réformer » en a encore moins.

Il faut liquider, battre et disperser la démocratie chrétienne. La défaite du régime doit entraîner avec elle cet immonde parti et l’ensemble de ses dirigeants.

Comme cela s’est passé en 45 pour le régime fasciste et le parti de Mussolini.

Liquider la D.C. et son régime est la prémisse indispensable pour arriver à un « tournant historique » effectif dans notre pays.

C’est le principal devoir du moment!

Frapper l’Etat dans ses maillons les plus faibles

La question de l’Etat est celle qui nous différencie le plus des forces révisionnistes et para-révisionnistes qui travaillent inlassablement à perfectionner cette machine anti-prolétarienne.

Avec Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao, nous aussi nous disons que: « Briser la machine bureaucratique et militaire de l’Etat est la condition préliminaire à une réelle révolution prolétarienne ».

La lutte contre le corporatisme, le fascisme et le régime ne peut pas être séparée de l’action directe contre les institutions de l’Etat, et revient, dans cette phase, à leur désarticulation politique maximale.

« Désarticulation politique » et non pas « érosion propagandiste de la crédibilité démocratique » parce que cet Etat en voie de restructuration est déjà l’Etat de la guerre civile.

Pour cela, il est nécessaire d’obtenir des résultats sur le terrain de la libération des camarades détenus; sur le terrain des représailles contre al structure militaire des prisons; contre l’anti-guérilla dans toutes ses articulations; contre la magistrature du régime; contre ces secteurs du journalisme qui se distinguent dans la « guerre psychologique ».

L’actualité de cette perspective est plus que démontrée à travers les niveaux de l’action contre-révolutionnaire dans nos confrontations et dans les confrontations de toutes les forces qui se sont mobilisées sur le terrain de la guerre de classe; démontrée également à travers les excellents résultats politiques qui ont suivi l’opération Sossi et l’assaut de la prison de Casale Monferrato.

Notre présence dans le mouvement révolutionnaire et notre initiative de guérilla et de construction du pouvoir prolétarien se conformeront à ces lignes.

Mais il est important d’ajouter une dernière chose: il est nécessaire de surmonter toute tension particulariste et tout esprit de secte.

Nous croyons à la nécessité de  » s’unir au peuple pour unir le peuple  » dans la guerre pour le communisme.

Nous combattons et luttons dans cette perspective pour l’unité du mouvement révolutionnaire.

>Sommaire du dossier

Brigades Rouges: Contre le néo-gaullisme, porter l’attaque au coeur de l’Etat

[Avril 1974.]

Parallèlement à l’approfondissement de leur propre crise gouvernementale, un processus contre-révolutionnaire est en train de se dérouler inexorablement, dans lequel l’ensemble de la classe possédante s’unit dans la tentative de détruire les mouvements de lutte et les niveaux autonomes et révolutionnaires d’organisation qu’ils ont produit.

A l’heure actuelle, si dans les usines l’autonomie ouvrière est assez forte et assez organisée pour maintenir un état permanent d’insubordination et même conquérir un espace de pouvoir de plus en plus grand, elle reste par contre trop faible en dehors des usines pour offrir une résistance aux attaques de la contre-révolution.

Pour cette raison, les forces de la contre-révolution tendent à déplacer la contradiction principale en-dehors des usines. Ils s’engagent désormais dans des batailles décisives pour isoler notre lutte pour le pouvoir à l’intérieur des usines, afin d’être capable de la contrôler plus facilement et d’ensuite la détruire.

L’initiative révolutionnaire génère inévitablement son antagonisme organisé : la contre-révolution.

Marx avait déjà fait toute la clarté sur cette loi scientifique qui règle les rapports de classe, en nous avertissant que « ce n’est point par ses conquêtes tragi-comiques directes que le progrès révolutionnaire s’est frayé la voie; au contraire, c’est seulement en faisant surgir une contre-révolution compacte, puissante, en se créant un adversaire et en le combattant que le parti de la subversion a pu enfin devenir un parti vraiment révolutionnaire. »

Néanmoins, la contre-révolution dans cette période ne suit pas un chemin linéaire. En son sein, il y a deux lignes politiques qui se combattent, dont l’opposition est de nature tactique.

L’une est la tendance putschiste, l’autre est la tendance néo-gaulliste pour la « réforme constitutionnelle ». Les deux tendances jouent leur rôle spécifique dans le processus stratégique de la contre-révolution.

La ligne putschiste

Une considération est fondamentale : aussi longtemps qu’il y a aura une place en Italie pour les solutions contre-révolutionnaires qui maintiennent les apparences et la forme de la démocratie bourgeoise, ces solutions prendront le dessus sur les solutions putschistes…

Le plan néo-gaulliste de « réforme constitutionnelle »

L’aggravation de la crise économique, l’incapacité de contrôler les tensions sociales potentiellement explosives et les luttes impérieuses du mouvement ouvrier… démontrent toujours plus clairement que la crise gouvernementale en cours ne peut pas être résolue par de simples changements au sommet du gouvernement.

Ayant écarté l’hypothèse d’un « compromis historique », les groupes dominants de la bourgeoisie n’ont plus qu’un seul choix : « le virage à droite ».

Mais cette fois-ci, le virage à droite doit leur donner toutes les garanties de stabilité, d’organicité et de crédibilité ; il doit affronter tous les problèmes politiques, économiques et d’ordre public à la racine, avec des changements constitutionnels précis, capables de créer une nouvelle base pour l’ensemble du système institutionnel de notre pays.

Ce plan, dont le premier ministre Leone a parlé explicitement pour la première fois dans son discours à la fin de l’année 1973, vise à la transformation de la république née de la Résistance en une république présidentielle.

Les points fondamentaux de ce projet sont : renforcer l’exécutif par l’attribution de plus grands pouvoirs législatifs et administratifs au chef de l’Etat et au président du conseil ; vider progressivement le parlement de son pouvoir législatif ; recourir à la législation directe par le référendum ; réviser la loi électorale pour la faire passer de proportionnelle à majoritaire.

Mais, pour mener  à bien un plan si ambitieux, il faut une direction politique solidement unie et surtout un contrôle de fer sur les mouvements des diverses forces sociales et politiques existantes.

Pour cette raison, le plan néo-gaulliste pour la réforme constitutionnelle doit être un projet armé, et chaque phase de sa réalisation doit aller de pair avec une militarisation croissante du pouvoir.

Le néo-gaullisme est un plan armé

L’objectif principal des forces néo-gaullistes est nécessairement le renforcement de leur contrôle sur les noeuds centraux de l’appareil d’Etat.

Les « corps séparés » de l’Etat, qui jusqu’à maintenant ont opéré indépendamment les uns des autres et souvent contradictoirement, doivent maintenant être soumis à une nouvelle discipline…

Est très révélateur de cela le processus de réorganisation qui se développe dans le pouvoir judiciaire.

Le néo-gaullisme est en train d’essayer ce que même le fascisme n’est pas arrivé à faire : construire une identité stricte entre ses propres intérêts de pouvoir et la « loi ».

L’affrontement politique au sujet du référendum

Le plan néo-gaulliste pour la « réforme constitutionnelle » par l’entremise du référendum, trouve, outre les premiers pas de sa réalisation, l’opportunité de rassembler autour de lui toutes les forces de la droite, du MSI [Mouvement Social Italien] à la DC [Démocratie Chrétienne].

Donc le référendum est une étape fondamentale pour ce plan, une première preuve de la force politique générale de ce nouveau bloc de pouvoir… La stratégie politique de la DC, dans cette phase est de :

– ruiner définitivement la stratégie du centre-gauche

– créer un climat général d’insécurité qui permet à la DC, à la tête des forces néo-gaullistes, de se présenter au public comme la seule force capable de restaurer l’ordre et la tranquillité politique et économique dans le pays…

Il est clair que si la DC venait à gagner le référendum à la tête des forces né-gaullistes, le plan pour la « réforme constitutionnelle » recevrait un énorme élan.

Il deviendrait immédiatement une plateforme « démocratique » pour la « restauration » de l’Etat et le ré-établissement de la domination intégrale de la bourgeoisie…

Jusqu’à aujourd’hui, le mouvement révolutionnaire ne s’est opposé au processus révolutionnaire que sur le terrain restreint de l’anti-fascisme militant.

Mais comme l’initiative contre-révolutionnaire est désormais dirigée personnellement par le bloc de pouvoir interne à l’Etat, alors c’est avant tout contre ces forces que nous devons déchaîner nos coups les plus durs.

Il est temps de percer les brumes du passé et de dépasser les formulations traditionnelles de l’anti-fascisme militant.

Frapper les fascistes par tous les moyens et où qu’ils se trouvent est correct et nécessaire. Mais la contradiction principale aujourd’hui est celle qui nous oppose au faisceau de forces de la contre- révolution.

Car s’il est vrai que la crise du régime et la naissance par conséquent d’une contre-révolution organisée et aguerrie ont été produites par des années de dures luttes de classe ouvrière et populaire, il est encore plus vrai que pour vaincre, le mouvement de masses doit maintenant dépasser la phase spontanée et s’organiser sur le terrain stratégique de la lutte pour le pouvoir.

Et la classe ouvrière ne prendra le pouvoir que par la lutte armée.      

>Sommaire du dossier                

Brigades Rouges: Communiqué de septembre 1971

Nous sommes fatigués des interminables déclarations de principe, de concepts déjà énoncés dans les -C.P.M, -« Sinistra Proletaria », -« Nuova Résistenza ». La nouveauté consiste par dessus tout dans l’opération de systématisation accomplie.

La bourgeoisie, face à sa crise n’a pas d’autre alternative que la militarisation non pas de type fasciste traditionnelle, mais fasciste-gaulliste qui prend une apparence démocratique (prépondérance du premier ministre et du président de la République sous la Constitution de la Verne).

La gauche non réformiste n’est pas préparée à faire face à ce type d’affrontement armé.

Il y a donc deux possibilités :

1°) répondre sur le mode de la troisième Internationale avec des variantes anarcho-syndicaliste ; les « groupes » ont déjà choisi celle-ci.

2°) ou rejoindre l’expression révolutionnaire métropolitaine de notre époque à savoir : les B.R. et ce en référence au marxisme-léninisme, la révolution culturelle prolétarienne sur le modèle d’expériences des mouvements de guérillas métropolitaines.

Nous voulons seulement être le premier point de rencontre des formations du parti armé, qui n’est pas le bras armé d’un mouvement de masse désarmé, mais plutôt le point d’unification le plus élevé.

Nous n’acceptons pas les schémas du P.C européen, surtout en ce qui concerne la question des rapports entre une organisation politique et militaire.

Nous voulons une guérilla !

1°) Comment voyez-vous la phase actuelle de l’affrontement de classe?

La gauche révolutionnaire extra-parlementaire s’est trouvée démunie, pas préparée face à la recherche d’un nouvel équilibre de la part de la bourgeoisie.

Notre expérience politique naît de cette exigence.

2°) Quelles sont les causes à la base de la crise actuelle?

Aujourd’hui on est face à un revirement de prospective politique de la bourgeoisie mise au pied du mur face à l’initiative de la classe ouvrière qui a refusé le réformisme comme projet de stabilisation sociale, mettant à l’ordre du jour la fin de l’exploitation.

3°) Comment va évoluer la situation politique ?

Il n’y a qu’une seule possibilité pour la bourgeoisie : rétablir la situation, moyennant une organisation toujours plus despotique du pouvoir. Le despotisme croissant du capital sur le travail, la militarisation progressive de l’Etat et de l’affrontement de classe, la montée de la répression comme fait stratégique sont les conséquences objectives et inexorables.

En Italie on assiste à la formation d’un bloc de type réactionnaire alternatif au centre gauche, tout ça sous le drapeau de la droite nationaliste qui tend à se réassurer le contrôle de la situation économique et sociale ; c’est-à-dire de la répression de toute forme de lutte révolutionnaire et anti-capitaliste .

4°) Pensez-vous à un retour du fascisme ?

La question ne se pose pas en ces termes. La décision répressive pour le moment vise moins à la liquidation institutionnelle de l’Etat « démocratique » comme l’a fait le fascisme qu’à la répression plus féroce du mouvement révolutionnaire.

En France le « coup d’Etat » de De Gaulle et l’actuel « fascisme » gaullien vivent sous les apparences de la démocratie.

Il serait cependant ingénu d’espérer une stabilisation modérée de la situation économique et sociale en présence d’un mouvement révolutionnaire combatif.

5°) Quels sont donc vos choix?

La réponse de la bourgeoisie par la répression est déjà amorcée et tend à supprimer la capacité de résistance de la classe ouvrière.

L’heure X de l’Insurrection n’arrivera pas, en tout cas pas celle que se figurent de nombreux camarades, à savoir un affrontement décisif entre prolétariat et bourgeoisie, comme ce fut le cas en 1922.

6°) Finalement à quel filon idéologique et historique vous rattachez-vous?

Nos points de repère sont le marxisme-léninisme, la révolution culturelle chinoise et l’expérience d’actes des mouvements de guérilla métropolitaine en un mot : la tradition scientifique du mouvement ouvrier et révolutionnaire international ; ce qui signifie aussi que nous n’acceptons pas en bloc les schémas qui ont guidé les partis communistes européens dans la phase r évolutionnaire de leur histoire, surtout en ce qui concerne la question de l’organisation politique et militaire.

8°) Votre problème est donc celui de commencer la lutte armée ?

La lutte armée a déjà commencé.

C’est la bourgeoisie qui frappe, il faut donc créer l’instrument de classe capable de l’affronter au même niveau.

Les B.R. sont le premier sédiment du processus de transformation de l’avant-garde politique de classe en avant-garde politique armée.

La lutte armée en Italie doit être conduite par une organisation qui soit la directe expression du mouvement de classe, et pour cela nous travaillons à l’organisation des noyaux ouvriers d’usine et de quartiers dans les pôles industriels et métropolitains où il existe une concentration de révolte et d’exploitation.

10°) Vous êtes donc dans une phase de préparation ?

On ne peut en être qu’à ce stade car en fonction de la route que nous avons choisi, il nous faut accumuler expériences et schémas ; mais elle ne constitue pas une phase détachée de la lutte de classe mais se réalise à l’intérieur de celle-ci.

11°) Les B.R. sont donc engagées dans l’affrontement ?

Nous exigeons, à la différence des organisations extra-parlementaires, de nouvelles formes d’organisation de la lutte révolutionnaire : organisation de l’auto-défense, premières formes de la clandestinité, actions directes.

De ces premières expériences de phase tactique nécessaire, nous devons passer à la phase stratégique de lutte armée.

12°) Quelles sont les conditions pour que ce passage se produise?

Il existe deux conditions fondamentales : se mesurer à tous les niveaux avec le pouvoir (libérer les détenus politiques, exiger la peine de morts contre les policiers assassins, exproprier les capitalistes… et bien sûr, prouver qu’on peut survivre à ce stade d’affrontement.

Faire naître un pouvoir alternatif dans les usines et les quartiers populaires.

13°) Qu’entendez -vous par pouvoir prolétaire alternatif ?

La révolution n’est pas seulement un fait technico-militaire ; et l’avant-garde armée n’est pas le bras armé d’un mouvement de masse désarmé, mais son point d’unification le plus élevé, de sa demande de pouvoir.

14°) Quelle direction désirez-vous suivre dans la phase actuelle?

Radicaliser le discours stratégique, casser l’offensive tactique de la bourgeoisie, lier la lutte à tous les aspects de l’organisation capitaliste du travail, ne pas laisser les sbires espions impunis, ni les magistrats qui attaquent le mouvement de classe dans ses intérêts ni ses militants.

Dans l’immédiat cette action doit se maintenir à un haut niveau de mobilisation populaire pour empêcher tout courant pessimiste et défaitiste ; le choc ne peut déboucher par un retour à la situation précédente mais constituer la promesse pour un choc stratégique : la lutte armée pour le pouvoir. 15°) Les B.R. c’est donc un organisme de transition?

Non, car la lutte armée ne peut être envisagée par des organismes intermédiaires comme les comités de base, les cercles étudiants, ouvriers ou des organisations politiques extra-parlementaires ; iI faut une organisation stratégique à la base.

16°) Vous voulez dire un parti ?

Exactement.

Les B.R. sont un premier point d’agrégation pour la formation du parti armé du prolétariat.

>Sommaire du dossier

CPM : Mouvement de masse et organisation révolutionnaire

[Quatrième partie de Lutte sociale et organisation dans la métropole, 1970.]

4. Mouvement de masse et organisation révolutionnaire

Le mouvement des masses en Europe et en Italie a atteint un tournant décisif. Son développement spontané et impétueux a été arrêté par la manœuvre en tenaille de répression policière et de répression syndicale-partidaire. Ce qui s’est passé en France, en Allemagne et en Italie, à différents moments et de différentes manières, n’est pas un « cas défavorable », mais est le résultat de la logique même de la lutte des classes.

Il est nécessaire de comprendre clairement les termes du problème :

– n’a pas été défait le mouvement autonome du prolétariat européen, qui repose sur la contradiction fondamentale entre le développement actuel des forces productives et les rapports de production existant dans le régime capitaliste tardif, mais simplement la spontanéité et l’impulsion du mouvement.

– Les forces conservatrices ont appris de la réalité avant nous. De la répression « spontanée » de la première phase (le simple patron, recteur, questeur qui s’arrangeait pour résoudre ses problèmes spécifiques), le système passa rapidement à une seconde étape, celle de la lutte continuelle, répressive, organisée au niveau national et international contre le mouvement autonome du prolétariat et contre toutes ses expressions directes et indirectes.

– L’autonomie prolétarienne n’a aujourd’hui plus qu’un moyen de se développer : s’organiser. Le saut du mouvement spontané au mouvement organisé n’implique pas l’abandon du contenu de l’autonomie prolétarienne, mais en constitue l’unique possibilité de développement.

– L’exigence d’organisation (perçu par tous) doit se trtaduire en une lutte pour l’organisation, qui doit se faire sur deux fronts : contre la répression globale du système, contre les tendances erronées au sein du mouvement.

– La lutte pour l’organisation doit être menée sur un nouveau terrain : celui de la lutte sociale globale. Le saut de qualité est double : du mouvement spontané au mouvement organisé, de la lutte à l’usine et à l’école à la lutte sociale globale.

L’autonomie prolétaire face au saut qualitatif

L’autonomie n’est pas un mot vide, une auréole sur la tête du prolétariat, un mythe à vendre au marché des idées. L’autonomie s’exprime sous une forme politique, dans une partie définie du prolétariat qui a pu affirmer, au-dessus des divisions syndicales et partisanes, l’intérêt réel de la classe exploitée.

Le mouvement ouvrier traditionnel, du moment qu’il s’est attaqué au noyau politique portant en avant la pratique autonome, a assumé la grave responsabilité historique de briser l’unité réelle du prolétariat (qui s’affirmait dans la lutte), lui substituant une unité fictive, relevant du simple slogan.

Tout en affirmant que « enfin la classe ouvrière est unie contre les patrons », il a tenté d’amputer la classe ouvrière de son d’avant-garde de lutte.

Avec le bâton de la répression et la carotte de la démocratie syndicale, avec les slogans de gauche et la pratique conservatrice, l’offensive syndicale a conduit à la scission entre la droite et la gauche ouvrière.

La gauche ouvrière a tardé à comprendre ce qui se passait, victime elle-même du contenu de « l’unité » qui n’avait pas été suffisamment approfondi sur le plan théorico-pratique. Les noyaux politiques (Cub, Gds, groupes d’étudiants, etc.) ont tenté de se reconnecter spontanément avec la classe ouvrière, mais ont fini par trouver devant eux la droite déployée et organisée.

Un droite qui n’a pas du tout le contrôle réel de la situation, mais qui a su exploiter au maximum le terrain de lutte favorable (la lutte contractuelle) et qui a cyniquement mis en avant son indifférence (sous-estimant les périls à long terme).

La gauche, quant à elle, a commis quelques erreurs : dans certaines situations, elle s’est repliée sur elle-même, renonçant à la lutte, dans d’autres elle a radicalisé le conflit sur des contenus syndicaux, s’auto-isolant, dans d’autres elle a cherché des relations ambiguës avec les syndicats.

Les choses allaient de manière diverse à l’université et dans les écoles. La faiblesse organisationnelle des partis révisionnistes a imposé ici une tactique plus subtile et indirecte, fondée principalement sur les contradictions internes du mouvement étudiant : les contradictions entre le caractère autonome du mouvement et le contrôle exercé sur lui par les groupes bureaucratiques, son « intellectualisme » verbeux et l’absence d’une élaboration théorique au niveau des problèmes actuels, ses victoires tactiques et de l’absence de perspectives stratégiques.

Le PCI et les organisations néo-révisionnistes ont proposé une organisation, une théorie et une stratégie toutes faites. Cela a amené une fracture qui tendra à s’approfondir de plus en plus.

D’une part, la droite du mouvement, qui cache derrière la phrase « révolutionnaire » l’opportunisme objectif de ceux qui acceptent les règles du jeu, se justifiant par le fait que… les masses ne soient pas mûres (les ouvriers parce qu’ils sont sous l’hégémonie des partis et des syndicats, les étudiants parce qu’ils n’ont pas encore acquis la conscience marxiste-léniniste); de l’autre, une gauche qui accepte le défi du système et tend à développer une lutte sociale globale qui a comme terme de référence l’autonomie prolétarienne.

La scission entre la droite et la gauche du prolétariat n’est pas un acte volontariste, qui ne concerne que quelques militants, mais reflète les niveaux non homogènes de la conscience des masses. La lutte décisive et implacable contre la droite prolétarienne est la condition de la conquête des masses à la lutte révolutionnaire.

Il est nécessaire de combattre l’« unitarisme » mal intentionné de ceux qui disent : nous sommes peu nombreux, nous sommes une minorité, alors ne vous battez pas entre vous ; nous acceptons les conditions du plus fort (la droite actuellement), et à l’avenir nous développerons les contradictions.

Dans le même temps, il est nécessaire que la lutte ne soit pas seulement idéologique, verbale ou menée au niveau des intrigues de corridors, mais qu’elle se développe au sein des luttes de masse, qu’elles soient un moment des luttes de masse.

L’extension de l’autonomie prolétarienne de l’usine et de l’école à la société n’est pas une opération quantitative, mais un saut politique fondamental.

La lutte continue contre la paix sociale, contre la légalité répressive, contre l’organisation du consensus, contre la dictature technopolitique social-capitaliste a un seul nom : la lutte révolutionnaire pour vaincre le pouvoir bourgeois.

Lutte révolutionnaire et « révolution »

Le mot même de « révolution » a aujourd’hui un destin particulier : d’une part, il est abusivement employé pour définir tout événement ou toute attitude qui ne se conforme pas aux normes de la le commune bourgeoise (par exemple chez les étudiants), d’autre part le terme même disparaît (par exemple dans la « vieille » classe ouvrière).

Définir a priori un processus révolutionnaire est impossible; en lui confluent tellement d’éléments que préfigurer en détail le développement signifie faire œuvre de mystification plutôt que du travail scientifique.

Mais qui se réclame du marxisme révolutionnaire ne peut pas renoncer à saisir les lignes du processus révolutionnaire dans lesquelles il s’implique, ne peut pas renoncer à tracer une ligne stratégique, à apporter sa contribution à la création d’une théorie révolutionnaire dans la métropole.

Note : au mot d’ordre « sans théorie, pas de révolution », il est nécessaire d’ajouter « sans théorie, pas d’organisation, ou plutôt pas d’organisation révolutionnaire ». Tout le monde est d’accord sur le principe, maiis en pratique aujourd’hui, il y a deux tendances à combattre:

1) La pratique spontanée, qui tend à confondre la théorie avec sa propre pratique politique. C’est ainsi qu’une volonté révolutionnaire subjective se transforme en opportunisme objectif : la mesure de sa propre action devient le succès, réalisé à n’importe quel prix et au prix de n’importe quel compromis.

La lutte, n’importe quelle lutte, est surestimée ; l’étiquette la plus utile s’applique à eux.

On passe ainsi de victoire en victoire, le patron subit des défaites continues, les syndicats et les partis sont maintenant réduits à rien, la révolution est à portée de main !

Mais il est alors découvert que tout cela était un rêve les yeux ouverts ! Alors la crise du désespoir, du pessimisme, du renoncement. D’où sort une nouvelle vague de succès, de victoires, et ainsi de suite.

De cette façon, il est vrai, « on ne s’enferme pas à la maison pour étudier », on n’élabore pas de « théorie sur une la table », mais on pense par lieu commun, on prend pour acquis de misérables parodies de « thèses politiques », on agit avec des yeux bandés terminant dans l’impasse de l’activisme. On finit par « faire de la politique » au lieu de « faire la révolution ».

2) L’idéologisme dogmatique. Cela fonctionne comme ça. La récitation de la litanie: « Marxisme, léninisme pensée de Mao Zedong, adapté aux conditions historiques particulières ».

Après cela, les alternatives sont au nombre de deux : : soit on met le ml-maoïsme dans le tiroir et on navigue dans les eaux les plus calmes de la politique de couloir; ou on adhère à un parti se proclamant le seul véritable héritier de Marx, de Lénine et de Mao, et on s’attend à ce que les masses en soient convaincues.

Ces deux attitudes «théoriques» erronées ont une origine pratique: elles sont à la fois la base du pouvoir de la direction bureaucratique et dirigiste établie de façon parasitaire dans le mouvement de masse.

La croissance pratique et théorique du mouvement, sa transformation en un mouvement révolutionnaire organisé constituerait la fin d’un privilège qui prend souvent la forme de l’exploitation politique.

Nous croyons que le front de la lutte théorique est fondamental pour le développement du mouvement prolétarien.

La lutte est à deux niveaux : pour l’élaboration d’une théorie révolutionnaire dans la métropole (qui n’existe pas actuellement, bien que de nombreuses indications fondamentales soient contenues dans le patrimoine théorique du marxisme révolutionnaire), pour la propagande militante des idées justes et leur application dans l’autogestion des luttes du prolétariat.

Il est nécessaire aujourd’hui de redéfinir le concept même de révolution, à la lumière des conditions objectives et du développement réel du mouvement autonome du prolétariat européen. Deux points semblent importants à souligner:

1) Processus révolutionnaire et non moment révolutionnaire.

Comme l’écrit le révolutionnaire brésilien Marcelo De Andrade : « Avant l’unification du capitalisme mondial par l’impérialisme yankee, le prolétariat avait l’occasion de s’armer par des moyens non armés, c’est-à-dire qu’il pouvait d’abord s’organiser politiquement et développer jusqu’à un certain point la lutte politique et la violence non armée, pour ensuite profiter de la défaite sociale, politique et militaire des classes dirigeantes de leurs pays respectifs, pour s’armer et prendre le pouvoir…

Aujourd’hui, puisque la possibilité d’une guerre inter-impérialiste est historiquement exclue, une alternative prolétarienne de pouvoir doit être, dès le début, politico-militaire, étant donné que la lutte armée est la voie principale de la lutte des classes. »

Il est nécessaire de comprendre de fond en comble cette thèse, car elle est à la base de tous les mouvements révolutionnaires opérant dans le monde.

Dans la conception courante aujourd’hui en Italie du rapport entre mouvement de masse et organisation révolutionnaire, il y a implicitement l’image d’un processus de ce genre : d’abord nous développons la lutte politique, conquérons les masses à la révolution, puis, quand les masses sont devenues révolutionnaires, nous faisons la révolution.

D’où : aujourd’hui, il n’y a pas de conditions révolutionnaires objectives ; il ne reste plus à faire que de la politique d’une manière plus ou moins traditionnelle. L’objectif intermédiaire : la construction du parti marxiste-léniniste.

Est également implicite que la révolution en Europe ne peut que coïncider avec un moment insurrectionnel qui amènera le prolétariat au pouvoir.

Après la prise du pouvoir, se transforme la société. Les révisionnistes objectent : l’insurrection générale est une utopie ; il ne reste alors qu’à s’insérer à l’intérieur des structures du pouvoir bourgeois et à les transformer de l’intérieur.

En effet, l’hypothèse d’une insurrection généralisée est aujourd’hui illusoire. Mais cela ne signifie pas renoncer en tant que tel à la tâche des révolutionnaires.

C’est la réalité même qui nous enlève toutes les suggestions d’une fausse alternative. La dimension sociale de la lutte, et le point le plus élevé de son développement : la lutte contre la répression généralisée, constitue déjà un moment révolutionnaire.

Le processus révolutionnaire tend à se développer dès le départ sur tous les plans: ce n’est pas un choix volontariste, mais une condition imposée par la réalité.

Quand on peut avoir quatre ans de prison pour ne pas avoir agressé un flic, un choix s’impose : soit on se réfugie dans le bourbier du réformisme renonciateur, soit on accepte le terrain révolutionnaire de l’affrontement.

La bourgeoisie a compris de bout en bout la situation et se comporte en conséquence. La bourgeoisie a déjà choisi l’illégalité. La longue marche révolutionnaire dans la métropole est l’unique riposte adéquate. Cela doit commencer aujourd’hui et ici.

2) Processus révolutionnaire métropolitain. Il n’a pas été encore suffisamment compris ce que cela signifie pour développer un processus révolutionnaire dans une aire métropolitaine de développement capitaliste tardif.

Les modèles révolutionnaires du passé ou les zones périphériques sont inapplicables. Notre problème est aujourd’hui de prendre acte de la réalité dans laquelle nous nous trouvons à opérer ; la difficulté de cette recherche ne doit pas nous conduire à faire semblant d’être en Russie en 1917 ou en Chine en 1927. Il semble nécessaire de travailler sur un mode théorico-pratique sur ces points :

a) Dans les aires métropolitaines nord-américaines et européennes, il existe déjà les conditions objectives pour la transition vers le communisme : la lutte est essentiellement la révolte pour créer les conditions subjectives.

Cela implique que le prolétariat doit porter en avant d’un mode direct sa révolution, et qu’on ne peut plus, comme cela est arrivé dans le passé, engager sa propre action sur des objectifs essentiellement bourgeois : la démocratie parlementaire, l’indépendance, l’unité nationale, le développement industriel, etc.

Les révisionnistes ont aujourd’hui assumé la défense de ces valeurs ; notre problème est d’attaquer par rapport un objectif directement révolutionnaire : renverser le système de pouvoir bourgeois et transformer l’essence même du pouvoir (autoritaire, centralisé, hiérarchique, répressif, manipulateur, etc.).

b) Le rapport muté (par rapport au capitalisme classique) entre la structure et la superstructure, qui tend de plus en plus à coïncider, fait que le processus révolutionnaire se présent aujourd’hui comme à la fois global, politique et « culturel ».

Ce qui signifie que mutent substantiellement les rapports entre le mouvement de masse et l’organisation révolutionnaire, et par conséquent viennent également à muter radicalement les principes d’organisation.

Note – S’impose sur ce point une critique au « parti marxiste-léniniste » tel qu’il est compris, ou mal compris.

Se réclamer du marxisme révolutionnaire signifie aujourd’hui développer le patrimoine théorique du mouvement ouvrier et le faire accomplir le saut dialectique que la réalité impose. Selon Marx, le parti politique du prolétariat coïncide avec l’ensemble du prolétariat (qu’il soit « révolutionnaire ou non »).

Cela n’empêcha pas Lénine de développer, en des temps et sous des conditions différentes, la théorie du parti bolchevik qui est l’avant-garde du prolétariat, ni Mao de promouvoir la révolution culturelle qui, dans son essence, est la proposition d’un une nouvelle forme d’organisation prolétarienne.

La tradition marxiste est pour nous un point de référence, un héritage à partir duquel puiser, mais elle ne doit en aucun cas nous paralyser face à nos tâches actuelles.

Pour en venir au spécifique. Les fondements du parti léniniste sont au nombre de trois :

1) distinction entre le moment économique et le moment politique ;

2) distinction entre les luttes de la classe ouvrière et la conscience socialiste dont les intellectuels sont les dépositaires ;

3) distinction entre l’avant-garde et les masses.

Aucun de ces trois éléments n’est présent dans la réalité actuelle de l’aire métropolitaine européenne.

Mais nous devons faire une déclaration claire : le dépassement du parti ne peut pas consister en le retour aux formes que le léninisme a surmontées : l’ouvriérisme, la spontanéité, l’économisme, le terrorisme.

Surmonter le parti n’est pas un travail fait sur le coin d’une table, qui peut être épuisé dans la recherche de formules, mais est une œuvre collective pour la recherche d’une nouvelle forme organisationnelle, le développement et le dépassement des formes organisationnelles embryonnaires actuelles assumées par l’autonomie prolétarienne.

c) Le terrain essentiellement urbain de la lutte. Une donnée objective : en 1961, 14 481 000 Italiens étaient concentrés dans huit zones urbaines ; on s’attend à ce que d’ici 2001 le chiffre soit de 29 153 000 personnes, soit la moitié de la population totale.

Ce chiffre statistique correspond à une donnée politique : la ville est aujourd’hui le cœur du système, le centre organisateur de l’exploitation économico-politique, la vitrine où est exposé le « plus haut point », le modèle qui devrait motiver l’intégration prolétarienne.

Mais c’est aussi le point le plus faible du système: là où les contradictions apparaissent plus aiguës, où le chaos organisé qui caractérise la société capitaliste tardive apparaît comme le plus évident, où les clivages politiques fendent verticalement tout le tissu social.

C’est sur ce terrain que le prolétariat moderne émerge le plus impétueusement, où il prend conscience de son unité.

C’est ici, dans son cœur, que le système est frappé.

La ville doit devenir pour l’adversaire, pour les hommes qui exercent aujourd’hui un pouvoir de plus en plus hostile et étranger aux intérêts des masses, un terrain dangereux : chacun de leur geste peut être contrôlé, tout point de vue dénoncé, toute collusion entre pouvoir économique et pouvoir politique mise à découvert.

« Agir dans les masses comme des poissons dans l’eau » signifie pour nous d’empêcher le pouvoir d’avoir une image précise de sa force, le chasser de sa tanière et se retourner contre lui et ses représentants (ou contre une personne qui assume sur un mode conscience ou inconscient sa défense, et se rend complice) de toute la violence qu’il crache de manière ininterrompue contre la grande majorité du peuple.

À la violence globale d’un système qui tend à contrôler les citadins dans chacun de ses actes publics et privés, il est nécessaire d’opposer l’engagement global du révolutionnaire, capable de transformer chacun de ses geste, chaque lieu de travail ou de résidence en un centre de lutte.

La révolution culturelle d’aujourd’hui fait corps avec la révolution politique : à cette opposition globale qui est capable de transformer en force son immense supériorité politique, culturelle et morale, le système ne peut seulement opposer que le poids de son oppression, de son chantage, de sa corruption.

Avec ces armes, aucun système n’a jamais réussi à survivre.

Le niveau d’organisation dans la situation actuelle

Les caractéristiques de la situation actuelle peuvent être résumées comme suit :

Les luttes particulières, spontanées ont épuisé leur fonction entraînante. La dimension réelle de l’affrontement est aujourd’hui sociale, globale ; son point culminant est la lutte contre la répression, qui est la lutte contre la violence globale du système, et donc déjà directement révolutionnaire.

Les organisations révisionnistes sont incapables de descendre sur ce terrain : l’appel en référence à la Résistance à la légalité constitutionnelle, la tactique défensive, dénonce en pratique la « voie italienne au socialisme » pour ce qu’elle est : une stratégie réformiste pour l’inclusion du prolétariat dans l’aire de l’hégémonie bourgeoisie économico-politique.

Pratiquement, cela signifie qu’à l’avenir, de plus en plus, les organisations syndicales et le parti « ouvrier » apparaîtront aux masses pour ce qu’ils sont et se révéleront incapables de faire face à l’offensive capitaliste.

D’autre part, les forces révolutionnaires subjectives se placent dans l’affrontement dans un état d’extrême faiblesse : cette faiblesse, théorique et pratique, s’exprime d’une manière éclatante sur le plan organisationnel.

L’« attente du Parti » paralysante et la pratique essentiellement spontanéiste constituent un cercle vicieux qui s’exprime dans la fausse alternative entre :

– La controverse institutionnalisée, c’est-à-dire les luttes particulières qui sollicitent des solutions particulières, les « révolutions culturelles » qui s’appuient sur la tolérance du système, les manifestations « ordonnées et pacifiques » derrière les slogans pseudo-révolutionnaires masquant le reddition au réformisme.

– L’extrémisme spontanéiste qui s’exprime par la radicalisation du contenu politique réformiste lui-même.

Ils demandent plus d’argent, plus de liberté à l’usine, plus d’énergie dans la lutte contre la répression, dans l’illusion de battre les syndicats et le parti dans cette « course aux surenchères ».

Ces positions sont justifiées par un seul argument : que les masses ne sont pas préparées à affronter le niveau de confrontation au niveau imposé par le capital.

Évaluation qui contient une double erreur : d’une part, une mythification des masses, les considérant capables de faire spontanément face (un jour ou l’autre) à la lutte révolutionnaire ; de l’autre, la sous-estimation des masses, les considérant incapables de comprendre les termes d’une lutte révolutionnaire, qui est la tâche à entreprendre par l’avant-garde.

Note – il est nécessaire de distinguer entre :

Masses : elles sont constituées par la soi-disant « majorité silencieuse » manipulée et manipulable, victimes d’une oppression qui les ramène au niveau de « l’opinion publique », principal champ d’intervention de l’organisation du consensus.

[Le socialiste Pietro] Nenni, par exemple, a justifié le centre-gauche avec un argument plus ou moins de ce genre : les masses d’aujourd’hui veulent atteindre un niveau de consommation plus élevé, et elles ont peur de changer radicalement la société ; moi-même, socialiste, qui suis toujours avec les masses, j’œuvre à créer la société du bien-être.

Mouvement de masse : c’est l’élément dynamique dans lequel la lutte de classe s’exprime immédiatement en termes de conflictualité entre la force de travail et les donneurs de travail, entre les classes dirigeantes et les subordonnés, entre les oppresseurs et les opprimés.

Par rapport au mouvement de masse, les attitudes peuvent être de deux types : ceux qui exploitent le mouvement, restant essentiellement à sa queue, ceux qui interprètent les besoins les plus profonds, encore latents et inexprimés, et œuvrent subjectivement à un débouché révolutionnaire de la lutte.

C’est la distinction, ancienne comme le mouvement ouvrier, entre réformistes et révolutionnaires. L’alibi des réformistes a toujours été : les masses ne sont pas mûres. En réalité, il est absurde de demander aux masses une maturité que la soi-disant « avant-garde » ne parvient pas à exprimer.

Organisation révolutionnaire : c’est l’organisme politique exprimé par les contenus le plus avancés du mouvement de masse, son plus haut degré de conscience collective.

Qu’il ne puisse pas et ne doive pas « se détacher des masses » est bien entendu évident ; mais il est également vrai que cette unité masse – organisation révolutionnaire est une unité dialectique, le fruit d’une lutte, non une donnée existant a priori amenant à manquer à celle-ci en restant stagnant.

Se soumettre à la spontanéité du mouvement, c’est rester en fait stagnant. Il peut être important de se rappeler que pendant la Révolution chinoise, l’ancienne incitation des officiers « Allez de l’avant », a été remplacée par la plus correcte « Venez en avant ».

Le corps politique qui n’est pas en mesure de se tourner vers les masses avec la devise « Venez de l’avant » est la parodie ridicule, verbalement révolutionnaire, des partis révisionnistes.

Nous devons poser le problème en des termes concrets.

Quel niveau d’organisation est aujourd’hui possible et nécessaire? Il est utile de comparer ce moment avec la phase initiale des luttes spontanées de 1968-1969.

Comme alors devaient « s’inventer » les voies et les outils organisationnels capables de contenir et d’exprimer le nouveau discours politique de l’autonomie, de sorte qu’aujourd’hui se réalise un saut qualitatif nécessaire dans le développement des structures organisationnelles, capable de correspondre à la nouvelle perspective de lutte : la lutte sociale généralisée contre la société capitaliste.

L’outil organisationnel, pour ne pas devenir un joug bureaucratique, doit toujours être fonctionnel par rapport au contenu et aux objectifs politiques que l’on veut poursuivre.

Les Cubs, les Gds, les mouvements d’étudiants de base, etc. avaient une fonction : être les instruments de la renaissance du mouvement autonome du prolétariat, à travers des luttes autodéterminées et auto-dirigées.

L’aire politique de cette lutte était essentiellement dans l’école et dans l’usine, c’est-à-dire dans les institutions. L’outil organisationnel ne pouvait donc pas être interne à cette aire.

Alors que les luttes se sont généralisées et que beaucoup de contenus politiques de l’autonomie ont été acquis (au point que les syndicats et les partis sont contraints de faire semblant), alors que les luttes n’ont plus comme point politique de référence politique seulement l’usine et l’école, les outils organisationnel internes, sectoriels, n’ont plus de véritable fonction politique et sont à juste titre dépassées par les luttes mêmes qu’ils ont générées.

Développer l’autonomie prolétarienne signifie aujourd’hui surmonter les luttes sectorielles et les organismes sectorielles.

Un tel dépassement ne peut se faire que par la lutte contre les tendances « conservatrices » présentes au sein du mouvement, qui confondent l’autonomie avec son premier niveau d’expression organisée : à savoir les Cubs, les Gds, le MS.

Quel est le véritable espace politique des organismes de base aujourd’hui?

L’expérience des luttes contractuelles et la paralysie du mouvement étudiant démontrent que l’espace politique au sein de la lutte revendicatrice s’est rétréci au point que si l’action des organismes sectoriels est fonctionnelle pour le développement de la lutte, elle l’est dans la même direction et vers les mêmes objectifs que les syndicats des partis.

En d’autres termes, avec ces structures organisationnelles sectorielles, nous finissons par renforcer la gestion syndicale-parlementaire des luttes prolétariennes.

La dimension sociale de la lutte requiert des organismes de base au niveau social.

En ce qui nous concerne, la principale unité de base de notre travail politique est la zone métropolitaine de Milan.

Il ne s’agit donc pas de faire un saut de’une organisation de base à une organisation supérieure, ni d’étendre quantitativement un réseau de liens en constituant une sorte de fédération de groupes de base, mais de construire des organismes politiquement homogènes pour intervenir dans la lutte sociale métropolitaine.

Le dépassement de l’ouvriérisme et de l’étudiantisme (les tendances conservatrices du mouvement) ne peut, à notre avis, se produire à travers l’union spontanée, sporadique et apolitique des ouvriers et des étudiants (ou la remise au mythique parti marxiste-léniniste), mais à travers le création de noyaux organisationnels qui se placent au niveau des problèmes sociaux globaux.

La confluence en eux des ouvriers, des étudiants et des techniciens n’est pas un fait mécanique, de type organisationnel étroit et mécanique, mais le fruit de la conscience des nouveaux contenus et des nouveaux objectifs qui s’imposent au mouvement.

>Sommaire du dossier

Sinistra Proletaria : La Gauche Prolétarienne et la crise politique actuelle (1970)

Dans un document apparu en janvier 1970 de la part du Collectif Politique Métropolitain (Lutte sociale et organisation dans la métropole), le projet social-capitaliste était ainsi schématisé brièvement de la manière suivante :

« Cette nouvelle phase de l’organisation sociale capitaliste tend à réaliser une vieille utopie de la bourgeoisie : la possibilité de planifier le comportement des prolétaires tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’usine, au moment de la production comme dans celui de la consommation et dans toutes les expressions de la vie sociale et des rapports humains.

Dans la phase actuelle de développement, la vieille combinaison de réforme et de répression, composée à l’intérieur de la démocratie formelle bourgeoise, ne suffit plus.

La centralisation du pouvoir nécessaire à la gestion du capitalisme avancé réduit toujours davantage les espaces de pouvoir réel à « concéder » aux cadres dirigeants subordonnés, le dynamisme vertical élimine les couches intermédiaires et le choc de classe tend à se produire sur un mode net et radical entre une bourgeoisie qui a épuisé toute possibilité d’expression sociale globale (c’est-à-dire ne plus plus se présenter comme « porteuse » des idéaux démocratiques, nationaux, de valeurs éthiques ou culturelles) et un prolétariat urbain qui s’étend à la majorité de la population active.

Sur ce point il est nécessaire pour le système que la contestation sociale soit organisée et canalisée, préparant une solution qui sauvegarde les présupposés non renonciables de la société de l’exploitation et accueille en même temps les exigences populaires de mutation du cadre institutionnel général.

Cela signifie d’un côté la reconnaissance ouverte de la dynamique de classe, et de l’autre l’institutionnalisation de la lutte de classe, la réduction des intérêts antagoniques dans le cadre d’une logique de conflictualité interne. »

Il est assez facile de voir comment c’est sur une telle base que s’est construite une convergence objective des intérêts syndicaux et patronaux, comme deux contributeurs – d’une manière relativement autonome et par moments conflictuelle – à une profonde restructuration économique, politique et culturelle de la société capitaliste qui a pour objectif le maintien et le perfectionnement de l’exploitation économique, politique et culturel du prolétariat moderne, dans un rapport mutuel de pouvoir entre les forces institutionnelles existant aujourd’hui.

Le conflit entre les patrons et le mouvement ouvrier bourgeois ne regarde pas la nature du pouvoir, ni la structure salariale, mais un équilibre divers de pouvoir à l’intérieur du système (…).

Le contrôle du salaire n’est pas un pas en direction de la réfutation du système salarial ; au contraire : c’est un pas gigantesque en direction de la consolidation du système capitaliste salaires-profit.

Le syndicat, tirant partie des intérêts vivants et immédiats du prolétariat (l’habitation, la santé, etc.), a conçu la propre conquête du pouvoir à travers le contrôle du cycle entier de la force de travail, en utilisant le salaire, gérant les retraites et proposant une structure organisationnelle politique nouvelle, réellement enracinée dans la base ouvrière, capable de garantir la direction et le contrôle de toutes les luttes : les délégués représentatifs des départements productifs (..).

Le « Conseil des délégués » n’est pas, par conséquent, le terrain le plus favorable pour une « bataille politique tournée vers la construction d’une organisation de masse capable d’exprimer l’autonomie de la classe ouvrière, la poussée combative des travailleurs, l’affermissement des valeurs prolétaires, comme le disent les néo-révisionnistes de luxe comme Pino Ferraris et comme les « idéologues » du « Manifesto » (…).

Le caractère inconciliable des deux moments moments « d’attaque aux structures politiques du salaire » et de « médiation et marchandage légal de cette attaque » est un fait que seules les idéologues néo-révisionnistes les plus consommés peuvent prétendre ne pas voir (…).

La question des « groupes ouvriers homogènes » doit être uniquement compris dans le sens des indispensables prémisses au discours qui tend à configurer la recomposition du mouvement de classe, non sur une base stratégique de lutte (et d’organisation), mais sur des configurations objectivistes infondés qui donne aux formes d’organisation le caractère décisionnaire des discriminants entre une ligne révolutionnaire et les autres lignes.

L’unité de la classe ouvrière ne vient ainsi pas comme unité sur la ligne prolétaire émergée et émergente de la pratique générale du conflit mondial entre prolétariat et capital, et l’organisation n’est pas conforme au contenu général de lutte implicite à une telle stratégie, mais se retrouve comme miroir inversé de la pyramide social étatique, régional, d’usine, de département productif.

>Sommaire du dossier

Lotta Continua: tracts de Nichelino

TRAVAILLEURS DE NICHELINO,

L’heure est venue de donner une riposte aux patrons.

S’ils nous ont entassés dans cette ville c’est pour pouvoir nous exploiter dans l’usine avec des salaires de misère et des horaires prolongés et pour pouvoir récupérer une bonne partie du salaire avec le loyer qu’ils nous font payer pour les quatre murs dans lesquels nous dormons.

Dans beaucoup d’immeubles de Nichelino. les comités de locataires ont déjà refusé tous ensemble les augmentations de loyer et les charges abusives.

Sur cette base, ces mêmes comités appellent à

– UNE GRANDE MANIFESTATION DE PROTESTATION POUR LE BLOCAGE IMMEDIAT DES LOYERS

– L’ARRET TOTAL DES EXPULSIONS.

C’est une première étape vers le REDUCTION DES LOYERS. Mais notre lutte n’est pas isolée ; unissons-la avec celle que les ouvriers de la Fiat sont en train de mener.

Il ne faut plus permettre aux patrons de récupérer avec les augmentations de loyer, les augmentations de salaire que nous leur arrachons dans l’usine.

Voilà pourquoi la lutte des locataires de Nichelino est la même que celle des ouvriers de la Fiat, la même que celle des ouvriers de toutes les autres usines.

Rejoignons tous les comités de locataires et PARTICIPONS EN MASSE A LA MANIFESTATION pour faire connaître notre lutte et pour la faire reprendre par tous les travailleurs de Nichelino et des autres villes.

LA MANIFESTATION PARTIRA A 18 H. DU CARREFOUR VIA TORINO ET VIA XXV APRILE, VENDREDI 13 JUIN

A partir de 17 heures à la maison du Peuple, via Primo Maggio 18, fonctionnera une garde d’enfants pour que toutes les femmes puissent participera la manifestation.

10 Juin 1969

Les ouvriers, les étudiants et les comités de locataires de Nichelino

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LES TRAVAILLEURS DE NICHELINO OCCUPENT LA MAIRIE

A la fin d’une grande manifestation de protestation ouïes mots d’ordre étaient : « Dans l’usine, à la maison, un même patron », « Blocage des loyers », « Arrêt des expulsions », les ouvriers et les étudiants de Nichelino ont occupé la mairie.

L’occupation de la mairie, c’était le meilleur, moyen pour renforcer la lutte que les comités de locataires avaient commencée dans chaque immeuble contre l’augmentation des loyers.

C’est aussi le meilleur moyen pour que cette lutte soit reprise par tous les travailleurs de Nichelino.

Une assemblée qui s’est tenue dans la mairie occupée a exprimé clairement les revendications suivantes : blocage immédiat des loyers, arrêt des expulsions dans toute la ville de Nichelino.

Ce matin, une délégation se rendra à la préfecture pour exiger un décret immédiat ordonnant le blocage des loyers et l’arrêt des expulsions.

Les travailleurs de Nichelino ont compris qu’il ne suffisait pas de conquérir les salaires plus élevés en se battant dans l’usine si les mêmes patrons récupéraient sur le loyer les augmentations de salaire.

C’est pourquoi les travailleurs de Nichelino ont porté la lutte jusqu’au dehors de l’usine en formant des comités dans les immeubles et dans les quartiers pour se défendre à chaque instant contre les patrons, pour attaquer leur pouvoir d’une manière organisée.

La lutte a commencé.

Il faut la continuer.

FORMONS DES COMITES DE LOCATAIRES DANS TOUS LES IMMEUBLES.

DISCUTONS ENTRE NOUS ET ORGANISONS-NOUS DANS LES USINES.

CE N’EST QU’UN DEBUT, CONTINUONS LE COMBAT.

14 juin 1969

Les ouvriers, les étudiants
et les comités de locataires de Nichelino

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L’OCCUPATION DE LA MAIRIE DE NICHELINO CONTINUE :

OUVRIERS DE LINGOTTO :

Après cinq jours d’occupation de la mairie, la lutte des travailleurs de Nichelino fait tache d’huile.

Leur lutte se développe pour le blocage des loyers, contre les expulsions, pour une réduction progressive des charges.

Hier, les ouvriers de trois usines ont fait une grève de solidarité avec les travailleurs qui occupaient la mairie.

Aujourd’hui, d’autres usines font la même chose ; la grève va s’étendre à toutes les usines de Nichelino.

En effet, plus de 5.000 travailleurs qui vivent à Nichelino sont des ouvriers de la Fiat, et parmi eux, beaucoup travaillent à Lingotto.

Ces travailleurs discutent avec leurs camarades de Rivori, Collegno, Brugliato [municipalités de la banlieue de Turin] et de toutes les autres communes : les conditions d’exploitation des travailleurs sont toujours les mêmes, dans l’usine ou à l’extérieur.

Ainsi la lutte s’étend, elle concerne tout le monde.

Si nous prenons cette lutte pour exemple, c’est qu’elle nous permettra de défendre nos augmentations de salaire, d’avoir des organisations ouvrières dans l’usine et au dehors.

C’est pourquoi nous vous appelons à faire des débrayages, des assemblées d’atelier, à faire démarrer à Lingotto la grande lutte qui recommence à Mirafiori.

Nous vous appelons à lutter pour des loyers plus bas en dehors de l’usine, pour des salaires plus élevés à l’intérieur.

C’est aussi pourquoi nous appelons à transformer en assemblée les débrayages à propos des loyers :

– pour discuter des revendications propres à Lingotto,

– pour commencer ici aussi la lutte directe contre le patron, la juste lutte de nos camarades du 54 à Mirafiori.

Ils ont repris le combat.

Ce qu’ils veulent c’est :

1) classe II pour tous sans essai au bout de 6 mois

2) 50 lires de plus sur le taux de base, et qui ne soit pas une avance sur le prochain contrat

3) 50 lires de plus sur la prime de poste qui doit être donnée à tout le monde.

Si nous savons généraliser la lutte dans la Fiat et la lutte dans tous les immeubles où nous vivons nous saurons frapper le patron de tous les côtés nous empêcherons qu’il continue à nous voler d’une main ce qu’il nous donne de l’autre.

ETENDONS A TOUTE LA FIAT LA LUTTE DE MIRAFIORI !

ETENDONS A TOUTES LES VILLES FIAT LA LUTTE DES TRAVAILLEURS DE NICHELINO !

Turin, 17 juin 1969


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HUITIEME JOUR D’OCCUPATION DE LA MAIRIE DE NICHELINO

IMPOSONS:

L’ARRET DES EXPULSIONS POUR TROIS ANS LE BLOCAGE DES LOYERS ET L’ANNULATION DES AUGMENTATIONS DEPUIS LE 1er JUIN 69

Hier soir, l’assemblée de travailleurs de Nichelino s’est réunie dans la mairie occupée.

Elle a redit sa volonté de continuer la lutte.

Elle a prouvé qu’elle savait riposter aux manoeuvres des patrons qui font traîner en longueur les négociations en se contentant de faire des promesses verbales pour la construction de H. L. M. et en refusant de répondre aux revendications précises des travailleurs.

A part cette promesse d’H. L.M. , ce qui nous intéresse, c’est que tous les loyers soient « modérés » et notre réponse est claire : l’occupation de la mairie est toujours plus utile comme RIPOSTE ORGANISEE des locataires aux augmentations de loyer.

De nouveaux comités de lutte dans les immeubles se forment tous les jours, il y en a déjà 19.

Mais le fait le plus important, c’est que la mairie occupée est devenue l’endroit où les ouvriers de Nichelino qui travaillent à Mirafiori, à Lingotto et dans toutes les usines de Turin organisent le combat dans l’usine.

Mercredi, les ouvriers de la Bocca et de Malandroni [quartiers de Nichelino] ont formé dans la mairie occupée un COMITE OUVRIER.

Ce comité a mis immédiatement sur pied un programme de revendications pour l’usine.

Hier après-midi, les ouvriers de l’atelier 33, département 331, de Mirafiori, qui avaient débrayé pendant une heure à la première équipe ont décidé d’exiger 50 lires sur le taux de base, 50 lires sur la prime de poste (non intégrables au prochain contrat) et la classe II pour tous, sans essai, au bout de 6 mois.

Hier soir, les ouvriers de la deuxième équipe des ateliers 11 et 14 de Lingotto ont décidé, après discussion, comment commencer la même lutte que leurs camarades de Mirafiori.

Voilà la réponse ouvrière aux manoeuvres des patrons et de leurs valets :

ORGANISER LA LUTTE AUSSI BIEN DANS L’USINE QU’A L’EXTERIEUR.

DANS L’USINE POUR DE MEILLEURS SALAIRES, AU DEHORS POUR DES LOYERS PLUS BAS.

C’est pourquoi les travailleurs qui occupent la mairie demandent à tous leurs camarades non seulement leur solidarité, mais des initiatives concrètes de lutte CONTRE LE MEME PATRON.

Pendant ces huit jours d’occupation, nous avons édifié notre force.

Les patrons ne pourront plus nous la reprendre. Même si ces patrons font appel à la police pour arrêter l’occupation, l’organisation de lutte que nous nous sommes donnée demeurera.

Elle continuera à nous servir pour la lutte dans l’usine, pour la lutte contre les loyers, et cette lutte se fera toujours plus dure, avec des formes nouvelles, la grève des loyers par exemple.

CE SOIR A 21 H., PARTICIPONS TOUS A L’ASSEMBLEE dans la mairie occupée.

Le maire viendra nous donner la réponse du gouvernement, et nous pourrons voir comment le gouvernement des patrons essaie désespérément d’échapper aux justes revendications des travailleurs de Nichelino, qui seront dans peu de temps les revendications de tous les travailleurs de la banlieue de Turin.

VIVE LA LUTTE DES TRAVAILLEURS DE NICHELINO

– VIVE LA LUTTE DES OUVRIERS DE LA FIAT.

Les ouvriers, les étudiants et les comités de locataires de Nichelino

20 juin 69


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ONZIEME JOUR D’OCCUPATION DE LA MAIRIE DE NICHELINO

La lutte continue pour imposer
1) l’arrêt des expulsions pour 3 ans
2) blocage de loyers et annulation des augmentations
depuis le 1er janvier 69

LES PATRONS SONT DANS L’EAU JUSQU’AU COU !

ACHEVONS LE CHIEN QUI SE NOIE !

Les patrons de Nichelino c’est ces mêmes individus démocrate-chrétiens qui étaient assis il y a peu de temps à la table du conseil municipal.

C’est eux les gros propriétaires, ils n’ont pas cessé d’augmenter les loyers, c’est eux les véritables vampires.

Ces vautours qui n’ont jamais levé le petit doigt sinon pour nous voler toujours plus ont l’audace de venir écrire sur un tract que les étudiants qui luttent au côté des travailleurs de Nichelino sont payés pour le faire.

A l’assemblée populaire, le maire est venu nous faire des tas de belles promesses.

Hier, ce traître et sa clique patronale avec leurs tracts de démocrates-chrétiens ont essayé de baver sur la juste lutte des travailleurs de Nichelino.

Mais ces travailleurs ne sont plus seuls.

La lutte fait tache d’huile.

La classe ouvrière de Turin et de la banlieue s’apprête à porter un coup aux patrons : LA GREVE GENERALE.

Cette grève sera utile aussi aux ouvriers de la Fiat qui sont en lutte depuis plus d’un mois déjà dans quelques ateliers pour soulever l’usine entière, pour obtenir des augmentations de salaire importantes.

Dans les autres usines, cette grève générale permettra :

DE COMMENCER LA LUTTE A L’INTERIEUR D’ARRACHER PLUS D’ARGENT AUX PATRONS.

La grande force que les travailleurs de Nichelino viennent d’ôdifier dans la lutte ne laisse plus d’autre possibilité aux patrons que la lâcheté des calomnies.

L’assemblée POPULAIRE dans la mairie occupée est une grande victoire.

C’est là où les travailleurs discutent de leurs problèmes, c’est là qu’ils prennent leurs décisions : que les patrons et leurs valets viennent un peu y soumettre leurs salades au jugement populaire !

COMMUNIQUE

Tous les locataires, tous les membres des comités sont invités à participer à l’assemblée générale qui se tiendra dans la mairie occupée
MARDI 24 JUIN A 21 HEURES pour discuter de LA POURSUITE DE LA LUTTE DES NOUVELLES FORMES DE LUTTE A ADOPTER

CAMARADES TRAVAILLEURS !

Nous n’avons de comptes à rendre à. personne, et surtout pas à nos ennemis.

Pas de trêve pour les patrons, gui recourent à la calomnie quand ils sont dans l’eau jusqu’au cou.

Tous unis dans la lutte jusqu’à la victoire !

ACHEVONS LE CHIEN QUI SE NOIE

22 juin 1969

Les ouvriers et les étudiants des comités de lutte de Nichelino

>Sommaire du dossier

Lotta Continua: Prenons la ville!

La vie politique italienne est plus encore que par le passé dans la plus grande confusion. Face aux tensions sociales et à la difficulté manifeste de leur trouver une solution dans le cadre du régime bourgeois, la bourgeoisie tente d’enlever à la classe ouvrière l’hégémonie qu’elle avait conquise l’année dernière sur le terrain social et de la rejeter, comme une couche sociale parmi d’autres, dans le marais du système bourgeois.

LA SITUATION DANS LES USINES

La situation actuelle dans les usines ne peut porter au pessimisme que ceux qui voient la lutte comme un processus linéaire, comme une succession d’attaques et de contre-attaques, par lesquelles, pas à pas, l’enjeu de l’affrontement se déplace et s’élève.

Or, bien que divisée par ses propres différenciations et contradictions internes, la bourgeoisie reste maîtresse du pouvoir et dispose contre son ennemi de classe, le prolétariat, d’un arsenal d’armes utilisables à tout moment.

Le prolétariat est la classe qui doit conquérir le pouvoir. Il forge les armes de sa victoire dans le cours même de la lutte et de façon collective.

Pour produire le « décret » [train de mesures fiscales et para-fiscales édictées en 1970 pour lutter contre l’inflation], il a suffi de réunir une poignée de ministres ; mais il faut des mois et des années pour que les ouvriers s’unissent et poursuivent leurs objectifs de façon autonome.

Si un décret peut annuler les conquêtes économiques de la classe ouvrière, il ne peut certainement pas annuler ses conquêtes politiques ; si les camarades oublient cette différence fondamentale entre la façon d’agir des capitalistes et celle du mouvement prolétarien, ils risquent de dévier sur des positions aventuristes ou désespérées et, donc, de devenir étrangers aux masses, de rester prisonniers de la logique que la bourgeoisie s’efforce d’imposer au mouvement de classe.

LE DÉCRET

Le décret a montré, mieux encore que l’augmentation générale des prix, par quelles escroqueries, politiques et économiques, la bourgeoisie pense pouvoir annuler les conquêtes arrachées par l’offensive ouvrière : « La lutte ne paie pas, se dresser contre les règles du système ne peut qu’empirer votre condition dans le système.»

Il ne faut pas sous-estimer les effets économiques de cette escroquerie sur les conditions de vie matérielle des masses. Là où il n’y a pas de luttes ouvertes, en premier lieu à la Fiat, la double journée de travail est une pratique normale de la majorité des ouvriers : l’horaire hebdomadaire réel atteint le chiffre impressionnant de 60 à 70 heures, sans compter les transports.

La misère et la gêne matérielle les plus cruelles en matière de logement, de santé et d’instruction, sont la réalité quotidienne de la vie des prolétaires, particulièrement dans les grandes concentrations urbaines et dans les zones à taux de chômage élevé.

C’est dans ce cadre que s’inscrivent la répression patronale à l’usine, les licenciements, les mutations massives, les lock-out et les mises à pied, bref le durcissement patronal contre toute forme d’initiative ouvrière, l’utilisation de bandes fascistes et le financement massif d’initiatives syndicales para-fascistes, etc.

La classe ouvrière est conduite soit à baisser la tête, soit à s’épuiser en réactions défensives aux provocations patronales qui cherchent à décimer les avant-gardes.

L’initiative ouvrière est ainsi acculée, réduite soit à une sourde lutte quotidienne contre l’intensification de l’exploitation, soit à l’absentéisme, aux absences massives et prolongées, soit aux luttes partielles dont le coût est sans rapport avec les objectifs. Il s’agit là d’explosions de combativité plus que de programme de lutte. Mais attention : il faut bien voir la réalité que recouvre une apparente passivité, une apparente faiblesse : une très forte politisation de masse, la conscience et la conviction que l’ennemi, c’est le gouvernement et l’Etat des patrons, qu’une organisation prolétarienne générale est nécessaire pour se mesurer avec cet ennemi, que toute lutte qui n’a pas la révolution pour perspective est une lutte perdante.

Paradoxalement, c’est justement ce haut niveau de conscience des masses prolétariennes qui freine et fait obstacle aux initiatives immédiates de luttes; aujourd’hui, les ouvriers exigent de savoir quelle organisation est en mesure de garantir la généralité de la lutte, son rapport avec les luttes sociales.

Les grèves spontanées et les grèves organisées contre la production sont un acquis du passé ; aujourd’hui, on veut autre chose.

Ainsi, l’augmentation des prix, le décret, la répression provoquent le contraire de ce que à quoi tendaient ces mesures : non pas un retour au fatalisme et à la résignation individuelle mais une maturation et une extension de l’horizon politique prolétarien.

La bourgeoisie a produit peu d’hommes « d’Etat » aussi insignifiants que Colombo, mais peu ont, comme lui, nourri avec autant de force et d’imagination les rêves des chasseurs de prolétaires.

Face à cette situation, nous courons le risque qu’une intervention unilatérale de notre part, exclusivement occupée à pousser de façon artificielle à la reprise de la lutte à l’usine, ne nous rende étrangers aux masses et ne se transforme en un facteur de frustration et de découragement pour les masses et pour les militants eux-mêmes; notre présence, interprétée comme un appel continuel à la lutte, à la grève, devient non pas une expression des exigences ouvrières mais une espèce de réprobation gratuite, venant de l’extérieur, contre la faiblesse des prolétaires.

Ce problème ne se pose pas aujourd’hui dans les seules situations (notamment à la Fiat) où il n’y a pas de lutte ouverte, mais également, de façon tendancielle, dans toutes les situations qui sont actuellement caractérisées par la lutte ; ce problème influe sur le contenu des interventions dans les luttes elles-mêmes.

LES LUTTES SOCIALES

A côté de la permanence de fortes tensions dans les usines, qui s’étendent même à des zones où la maturation autonome des ouvriers a été plus réduite, les luttes explosent aujourd’hui sur le terrain social, qui est probablement décisif dans cette phase.

De la poussée impétueuse des contradictions sociales dans le sud aux luttes pour le logement et les transports et aux luttes étudiantes dans les grandes villes, les peu glorieuses mobilisations syndicales pour les réformes ont fait place à une initiative prolétarienne croissante contre la misère matérielle et morale de la vie sociale.

C’est sur ce terrain que la lutte de la classe ouvrière pourra surmonter ses difficultés actuelles, retrouver des perspectives qui lui rendront vigueur et confiance dans son efficacité.

Il ne fait pas de doute que la socialisation grandissante des luttes prolétariennes est davantage une conséquence indirecte des grandes luttes ouvrières contre la production, qu’un prolongement direct de celles-ci.

Ce n’est pas encore l’organisation ouvrière autonome formée dans la lutte d’usine qui débouche sur le terrain social, orientant la lutte sur les conditions de vie et établissant un rapport direct entre objectifs d’usine et objectifs sociaux : ce sont plutôt les contenus généraux et le niveau de conscience des luttes ouvrières qui s’expriment à nouveau de façon diffuse dans la société, à travers une quantité d’initiatives qui ne parviennent pas encore à s’unifier dans un programme et une organisation communes.

C’est en grande partie inévitable : une liaison immédiate entre luttes d’usine et luttes sociales n’est possible que sous la forme faussée, bureaucratique et contre-révolutionnaire des épisodiques mobilisations syndicales.

Il se produit, aujourd’hui, sur le terrain social, quelque chose de comparable à l’explosion qui a secoué les usines italiennes il y a deux ans : un développement spontané de l’initiative prolétarienne, encore partielle et fragmentée, encore concentrée sur des affrontements particuliers et non pas organisée en un programme général.

Elle doit être appuyée à fond, parce que seule sa généralisation permettra de rendre à la lutte ouvrière d’usine le souffle politique dont elle a aujourd’hui besoin.

Nous ne sommes aujourd’hui qu’au début de ce processus, mais il est important que nous en mesurions jusqu’au bout la portée stratégique ; il est important surtout d’éviter certaines erreurs qui nous guettent :
a) Dissocier l’intervention sur le plan social, dans les quartiers et les régions, de l’intervention dans l’usine, en supprimant le rôle dirigeant que les avant-gardes ouvrières peuvent et doivent avoir dans la socialisation de la lutte, et donc
b) Noyer dans un concept général de « prolétariat » les caractéristiques propres des couches prolétariennes pour finir dans une agitation populiste et misérabiliste ;
c) Réduire l’intervention sociale pour n’y voir qu’un stimulant à l’organisation de luttes partielles, encore moins capables que les luttes d’usine de permanence politique.

PRENONS LA VILLE

Avec un mot d’ordre bien plus vivant et riche que nos expressions bureaucratiques sur le « travail de quartier » ou « l’organisation territoriale », un camarade ouvrier a exprimé ce nouveau programme de lutte : PRENONS LA VILLE.

Que veut dire ce mot d’ordre ? Ce n’est pas par hasard qu’il est particulièrement bien adapté aux grandes concentrations du nord, à Turin, à Milan, où la présence massive des immigrés et la domination de l’usine sur la ville font des prolétaires des étrangers à la ville. Ce mot d’ordre n’a évidemment rien à voir avec l’odieuse caricature administrative de la démocratie qui s’incarne dans les comités de quartiers à gestion révisionniste, sous-produits gratuits des administrations communales.

La ville, les prolétaires ne peuvent ni ne doivent la gérer, pas plus qu’ils ne peuvent ni ne doivent gérer l’usine.

Ils peuvent et doivent gérer la lutte de classe dans la ville comme dans l’usine.

Qu’a signifié pour la classe ouvrière, dans les grandes luttes de ces dernières années, le mot d’ordre « prendre l’usine » ? Non pas, bien sûr, « gérer » ou bien « contrôler » la production, ni « participer » à la direction ou aux bénéfices des usines ; mais renverser la gestion capitaliste de l’usine, transformer l’unité objective de la production salariée en unité subjective, politique, dans la lutte contre la production.

L’usine est devenue le lieu où, à travers les débrayages, les assemblées, les défilés, l’unité de classe des ouvriers s’est recomposée et organisée.

De même, « prendre la ville » veut dire en finir avec la désagrégation du prolétariat, avec le contrôle exercé sur les masses par la solitude, l’exploitation économique, l’idéologie bourgeoise, pour produire leur contraire, l’unité prolétarienne complète, non plus seulement contre la production capitaliste, mais pour le droit de tous à une vie sociale communiste libérée du besoin, saine et heureuse.

« Prendre la ville » veut dire dépasser l’isolement « syndical » des mobilisations puissantes et riches de sens mais privées de perspectives à cause de leur caractère partiel (que ce soit sur le problème du logement ou celui de l’école ou celui de la santé) ; cela veut dire lier entre eux ces moments de lutte, mais surtout lier chacun d’entre eux à un programme complet de vie sociale émancipée.

Tout ce qui existe est le fruit du travail prolétarien et est retourné contre le prolétariat ; le problème, c’est de se le réapproprier dans la lutte et, en premier lieu, de se réapproprier l’identité de classe, c’est-à-dire de découvrir collectivement, à partir des besoins des masses les plus exploitées, les mécanismes de division et de sélection qui agissent sur le terrain social ; de tracer, sur la base de la lutte, des lignes de démarcation entre les oppresseurs, leurs complices et les prolétaires.

Lutter pour le logement, contre toute forme de délégation réformiste, par l’initiative directe des masses, signifie connaître par son nom et son prénom son ennemi, des grandes sociétés immobilières aux sociétés publiques de construction, des grands spéculateurs privés aux escrocs des hôtels, des foyers, liés à l’industrie et à l’administration publique; cela signifie connaître et résoudre les contradictions au sein du prolétariat, entre ceux qui vivent dans des baraques et ceux qui habitent les maisons populaires, entre les locataires des maisons privées et les propriétaires d’un ou de deux appartements, entre les « hôtes » des pensions prolétariennes et ceux des foyers d’étudiants.

C’est cette gigantesque analyse de classe collective qui produit progressivement les conditions nécessaires pour l’organisation politique du prolétariat dans les villes ou les campagnes, qui réalise progressivement l’unification autour de la gauche, autour de ceux qui ne sont pas toujours les plus malheureux mais les plus exploités et les plus conscients, ceux qui, dans les grandes villes, coïncident objectivement avec la gauche de la classe ouvrière d’usine : les jeunes ouvriers immigrés des chaînes, des entreprises et des chantiers, pour les unir aux autres couches prolétariennes.

Et cela dans la bataille prolétarienne pour l’école ou pour la santé, ou contre le scandale des prix, des impôts ou des transports. 

Ce qui compte, c’est de dégager et d’affirmer pleinement le contenu fondamental de cette lutte : la conscience collective que cette vie que les capitalistes nous font maudire peut être belle, que le programme de la lutte prolétarienne, ce n’est pas une vie « meilleure » mais une vie radicalement différente; la conscience en particulier que l’organisation des prolétaires n’est pas simplement un moment de leur vie, nécessaire pour atteindre certains objectifs, mais qu’elle est la seule possibilité de vaincre la misère matérielle et morale de la vie quotidienne, de ne plus être seul, malheureux et désespéré.

C’est là que, véritablement, la lutte de classe fait un pas en avant décisif, non pas en ce sens qu’elle étend son front, mais parce qu’elle détruit la politique comme activité séparée, comme spécialisation, comme moment syndical ; et cela signifie aujourd’hui, pour nous, savoir supprimer l’esprit de spécialisation et le bureaucratisme dont nous sommes objectivement affectés, savoir modifier notre langage, notre méthode de travail, cesser de mesurer nos progrès au nombre de réunions « fermées » et s’unir aux masses là où elles se trouvent, sur les places, dans les rues, dans les cafés, dans les maisons.

Les assemblées populaires, les manifestations de rue, les piquets sur les marchés, les occupations de transports publics, les garderies où les enfants des prolétaires ne sont pas surveillés militairement, misérablement et pour un prix élevé mais disposent librement d’eux-mêmes, les écoles ouvertes aux sièges de l’organisation prolétarienne, les locaux où les prolétaires discutent, rédigent et financent les instruments de leur information et de leur organisation, des tracts aux journaux, aux affiches, voilà les instruments de notre travail.

Et ce refus de la spécialisation, ce refus d’une politisation fausse parce que unilatérale, doit se refléter jusque dans la façon dont nous posons le problème de l’illégalité révolutionnaire.

L’illégalité, la violence révolutionnaire et son organisation ne sont pas la prérogative d’une avant-garde transformée en escouade militaire débile et pathétique ; elle sont partie intégrante de l’expérience de masse du prolétariat : le refus des expulsions, l’auto-défense contre la police, la prétendue délinquance juvénile, la violence politique qui explose dans les occasions les plus diverses et apparemment incompréhensibles comme dans les stades et les spectacles.

Avoir un rôle d’avant-garde sur ce terrain comme sur tous les autres ne veut pas dire assumer des tâches dont les masses ne peuvent être chargées dans tel cas précis de la préparation à la lutte illégale, mais s’identifier à l’expérience quotidienne qu’ont les masses de la violence révolutionnaire.

Inutile de dire que seul l’enracinement dans les masses pourra permettre d’affronter le choc avec l’appareil répressif bourgeois jusqu’aux niveaux les plus élevés ; sans quoi il ne faudra pas beaucoup de temps pour venir à bout de nos velléités.

La tâche générale dans cette phase n’est donc pas d’inventer des « foyers de révolte prolétarienne », mais de fondre les différents moments de révolte dans un programme complet, dans une organisation complète. La lutte des étudiants n’a aujourd’hui de sens que dans cette perspective, hors de laquelle il n’existe pas de « stratégie des luttes étudiantes ».

UNE ALTERNANCE DANGEREUSE

Le danger le plus grave que nous courons est de voir notre intervention osciller continuellement entre deux pôles opposés, qui finissent par être constamment séparés au gré des flux et reflux du mouvement de classe et des situations particulières dans lesquelles il nous est donné d’agir; il en est souvent ainsi pour le rapport usine-luttes sociales, ou pour le rapport entre objectifs matériels de la lutte et programme politique général.

Quand, par exemple, la lutte ouvrière d’usine est la plus enflammée, c’est elle qui absorbe toutes nos forces ; inversement, quand la lutte ouvrière est dans une phase moins aiguë, nous sommes poussés à concentrer nos forces sur le travail extérieur à l’usine.

De cette manière, nous allons à l’aveuglette ; dans le premier cas, parce que nous ne savons pas mettre à profit l’incitation générale à la lutte prolétarienne contenue dans les luttes ouvrières les plus avancées; dans le second, parce que nous ne savons pas voir que seul le lien avec une dimension générale et sociale de lutte et d’organisation peut garantir la croissance continue de l’autonomie ouvrière organisée dans l’usine.

Ou encore, par exemple, quand nous privilégions de façon unilatérale la valeur mobilisatrice des objectifs matériels, nous risquons de nous retrouver, même après une lutte puissante et radicale, devant le reflux et la désagrégation.

Inversement, quand nous insistons arbitrairement sur la propagande politique générale, nous risquons de tomber dans l’idéologie, qui est toujours étrangère aux besoins et à la conscience des masses.

Aujourd’hui, toutes les conditions sont réunies pour échapper à cette alternance appauvrissante : c’est précisément le progrès de la lutte de classe qui les a créées : jamais autant qu’aujourd’hui un plan général d’objectifs n’a su unifier et exprimer les besoins fondamentaux des masses, dont la condition est rendue encore plus homogène par la contre-offensive capitaliste et gouvernementale; jamais autant qu’aujourd’hui n’est apparue clairement la valeur d’un plan qui n’alterne pas entre un catalogue de revendications et un programme politique exhaustif.

Ce ne sera pas une plate-forme unique qui produira l’unification et la généralisation immédiate des luttes. Mais c’est avant tout par rapport à un programme et à ses contenus que la classe ouvrière mesure aujourd’hui la valeur des luttes partielles qu’elle est en train de mener.

Ce sont surtout les contenus et la signification générale de ce programme, y compris la perspective de la révolution et du communisme, et non pas ses termes revendicatifs immédiats, qui qualifient aujourd’hui notre intervention et notre présence parmi les masses.

Le point sur lequel il faut insister est le suivant : aujourd’hui, organiser les masses dans l’usine et au dehors signifie les organiser une fois admis ces contenus ; les formalistes équivoques de la « démocratie de base » dans laquelle ont pu coexister révisionnistes et révolutionnaires, camarades et jaunes, ont été écartés par la maturation de la lutte de classe et les contradictions qu’elle a aiguisées dans l’appareil politique et économique bourgeois.

C’est justement dans cette période où ils renoncent à la lutte de la façon la plus éhontée, que les syndicats relancent l’arsenal démodé de la démocratie formelle : l’unité syndicale, la fin des commissions internes, les conseils de délégués – boîtes vides que la bureaucratie bourgeoise se chargera de remplir.

C’est le moment de se décider à traiter à fond la question de l’organisation de masse.

Nous disons non aux syndicats anciens et nouveaux, non au statut des assemblées, non aux conseils de délégués. Nous disons oui à une organisation de masse rigoureuse, avec ses structures de décision, de liaison et de représentation, d l’usine et au dehors, mais à la condition de prendre pour point de départ la définition des contenus de cette organisation.

Cette organisation n’est pas seulement l’organisation « démocratique » des ouvriers et des prolétaires, c’est l’organisation démocratique des ouvriers conscients et des prolétaires qui se reconnaissent dans un programme politique précis.

Ce programme n’est pas la revendication maximaliste de la prise du pouvoir mais il n’a de sens que dans la perspective de la prise du pouvoir. C’est pourquoi il exclut les syndicats favorables à la productivité et aux réformes de Colombo, et le PCI d’accord avec le décret.

12 novembre 1970.

>Sommaire du dossier

Lotta Continua: A propos du programme «Prenons la ville»

I. LES DÉBOUCHÉS POLITIQUES

Pour nous, « prenons la ville » n’est pas seulement un mot d’ordre mais un programme qui doit nous permettre d’interpréter toute une phase de la lutte de classe et de lui donner une orientation politique.

La lutte ouvrière a atteint un « plafond ». Dans les formes où elle s’est développée jusqu’à présent, l’autonomie ouvrière risque d’être étouffée par ses propres conquêtes. Les ouvriers ont pris conscience de leur force, de leurs intérêts matériels, de leur unité de classe.

Sur le plan des conquêtes matérielles, les patrons sont décidés à ne plus rien céder désormais. Sur le plan des rapports de force entre ouvriers et patrons, le capital a déchaîné sa contre-offensive. La crise, provoquée par l’offensive ouvrière contre la productivité patronale, se retourne sous nos yeux en une initiative du capital qui tend à étouffer l’autonomie ouvrière en lui reprenant le terrain de la lutte d’usine sur lequel elle a grandi et s’est consolidée.

Certains camarades (Potere Operaio) entrevoient une issue à cette situation dans une perspective directement insurrectionnelle. L’offensive ouvrière contre la production, disent-ils, ne suffit plus. La lutte de classe ne peut progresser que sur le terrain d’un affrontement direct entre prolétaires et patrons, qui mette en jeu le pouvoir d’Etat.

Les conquêtes de l’autonomie ouvrière sont, jusqu’à ce jour, aux yeux de ces camarades, un point de départ suffisant pour affronter le problème de la prise du pouvoir et du renversement du mode de production capitaliste. Pas pour nous.

Pour nous, la révolution est un processus de longue durée. 

Nous considérons que les masses en ont parcouru ces dernières années la première étape mais cela ne signifie pas que la prise du pouvoir et l’insurrection soient aujourd’hui à l’ordre du jour. L’unité, la conscience et la puissance que le pouvoir ouvrier a atteintes ces dernières années sont loin de constituer une base suffisante pour que la lutte armée en vue de détruire l’Etat bourgeois soit le premier point à l’ordre du jour.

D’autres camarades (Il Manifesto) qui sont d’accord avec nous pour prévoir un processus révolutionnaire à longue échéance, recherchent le « débouché politique » au niveau surtout institutionnel. Ils mesurent le développement de la lutte de classe à l’établissement et à la consolidation d’institutions nouvelles. Pour eux, la lutte de classe doit donner naissance – dans les usines, les écoles et les quartiers – à un réseau de contre-pouvoirs faisant pièce au pouvoir de l’Etat et des patrons. Dans cette conception, le problème de l’affrontement violent avec l’appareil répressif de l’Etat et de l’impérialisme n’est jamais posé, et sans doute s’imagine-t-on pouvoir l’éluder.

Nous ne sommes pas d’accord. Pour nous, les structures organisationnelles sont toujours les instruments d’une ligne politique et leur valeur se mesure aux tâches que la situation politique nous permet, à chaque fois, de définir. Ce que nous mettons au premier plan, parce que cela nous permet de fixer des échéances et des objectifs, cc sont les rapports de force entre ouvriers et patrons, c’est-à-dire les possibilités et les instruments dont disposent les uns et les autres pour combattre leur ennemi de classe.

LA « FONDATION DU PARTI »

Ces deux conceptions ont en commun (avec une troisième qui ne nous intéresse pas ici parce qu’elle voit le problème du parti complètement coupé des rythmes de la lutte des classes) une vision statique et bureaucratique du parti conçu comme une chose qui n’existe pas aujourd’hui et qui existera à un certain moment. C’est pourquoi une des étapes que doit atteindre la lutte est, selon elles, la « fondation » du parti.

Pour nous, au contraire, la fondation du parti n’est rien d’autre que la formation d’une direction politique révolutionnaire au sein de la lutte de classe, c’est-à-dire la capacité, à chaque phase, de faire progresser la lutte en direction de la prise du pouvoir et du communisme. Cette capacité doit croître et se donner des tâches toujours plus générales, sans qu’on puisse dire à tel moment : crac, ça y est, à partir de maintenant le parti existe.

Pour nous, le « débouché politique » de ces luttes doit être avant tout une extension progressive de l’initiative ouvrière et prolétarienne à tous les domaines de la vie sociale, de manière à transformer tout l’éventail des rapports sociaux en terrain d’affrontement et de lutte des classes. C’est sur ce plan que nous mesurons le développement ultérieur de la lutte de classe.

Dans l’usine aussi bien que dans certaines situations exemplaires – qui ont été jusqu’à ce jour le terrain privilégié sur lequel s’est développée l’autonomie du prolétariat – les ouvriers et les prolétaires ont pris l’initiative ces dernières années : ils ont su reconnaître leurs intérêts de classe, ils les ont fait passer avant les exigences de la production, les impératifs de la technique, les lois du marché, c’est-à-dire les intérêts du patron.

Mais dans bien d’autres domaines, l’initiative reste solidement tenue en mains par les patrons, soit que les ouvriers et les prolétaires, bien qu’ils aient reconnu ces domaines comme des terrains de lutte, ne sont pas encore en mesure de lutter pour les exploiter, soit qu’ils ne sont pas assez forts, soit qu’ils n’ont pas su résoudre les contradictions entre eux, soit qu’ils n’ont pas su traduire leur force et leur conscience en lutte et en organisation. Soit enfin pour toutes ces raisons réunies.

C’est là la limite majeure de leur autonomie et tant que cette limite ne sera pas surmontée, le patron conservera intactes ses possibilités de récupération ; il se servira du terrain sur lequel c’est encore lui qui décide et a l’initiative pour isoler et étouffer l’autonomie ouvrière dans les secteurs où il a perdu l’initiative.

IL Y A DEUX VOIES EN TOUTES CHOSES

L’école, la maison, les prix, les rapports entre les sexes, entre jeunes et vieux, entre parents et enfants ; le problème de l’information, la manière de se guérir des maladies, l’administration – et la conception – de la justice ; la manière de vivre, d’être en société, de s’amuser, d’employer son temps, le sens à donner à la vie : tout cela, sans parler de la division du prolétariat en couches diverses, forme l’ensemble des domaines dans lesquels les patrons gardent l’initiative, imposent leurs solutions que les prolétaires admettent et souvent font leurs. Mais ces solutions ne sont pas neutres.

Dans n’importe quel domaine, il y a deux voies, deux manières de poser et de résoudre les problèmes : une voie prolétarienne et communiste, l’autre bourgeoise et révisionniste. La première libère la créativité des masses, les rend protagonistes de la lutte de classe. La seconde livre les masses désarmées à l’ennemi, au patron ; et celui-ci ne reste pas les bras croisés mais exploite toute occasion qui lui est offerte pour combattre, diviser et abuser les prolétaires.

Il y a chez beaucoup de camarades la conviction que ces problèmes sont étrangers à la lutte de classe, ou du moins secondaires par rapport à un terrain privilégié qui serait aujourd’hui la lutte d’usine et, dans un avenir plus ou moins lointain, la lutte armée. C’est faux.

C’est faux parce que cette conviction naît d’une conception schématique, livresque et économiste, selon laquelle la lutte de classe ou la « politique » sont des choses séparées de la vie.

C’est faux par rapport à la manière dont s’exerce concrètement le pouvoir des patrons qui tirent précisément de la « société », de la façon dont ils ont organisé la vie des prolétaires, la force d’imposer leur domination dans l’usine et par l’Etat.

C’est faux par rapport à la conscience et au comportement des masses qui donnent autant, sinon plus d’importance à leur vie sociale qu’à leur travail.

Bien sûr, il existe une manière et une orientation par lesquelles se développe l’autonomie prolétarienne, laquelle part du point où les rapports d’exploitation sont les plus directs et immédiats et y trouve la force nécessaire pour investir tous les autres domaines.

C’est la raison pour laquelle, dans la lutte de classe, l’hégémonie et la direction politique reviennent à la classe ouvrière qui a la relation la plus directe et la plus brutale avec l’exploitation capitaliste.

Mais cela ne veut pas dire que tout le reste n’est pas important et décisif pour le développement d’un processus révolutionnaire.

LES PROLÉTAIRES DOIVENT SE TRANSFORMER AVANT MÊME DE PRENDRE LE POUVOIR

D’autres camarades pensent que ces problèmes sont importants, bien sûr, mais que cela n’a pas de sens de les aborder avant la prise du pouvoir.

Aujourd’hui, selon eux, toute initiative dans ces domaines, ne peut que déboucher sur le réformisme, c’est-à-dire sur une manière différente et moins contradictoire d’organiser l’exploitation et la domination de classe.

Cela aussi est faux. C’est vrai seulement si l’on pense qu’aborder ces problèmes, c’est les résoudre, adopter des solutions dans lesquelles les prolétaires trouvent la satisfaction de leurs besoins et qui atténuent, au lieu de les accentuer, les contradictions qui les opposent à la société capitaliste.

C’est le rêve éternel du réformisme : une exploitation dont toute le monde soit satisfait.

Mais c’est faux si nous comprenons qu’affronter ces problèmes, c’est les englober dans la lutte de classe, élargir la conscience qu’ont les prolétaires de leurs intérêts, séparer les solutions bourgeoises et individualistes des solutions prolétariennes et communistes, accroître l’autonomie des prolétaires face aux patrons.

Tant qu’il y aura des patrons, tant que l’exploitation subsistera, jamais les prolétaires ne seront « bien » et aucune lutte, ni à l’usine ni sur le plan social, ne pourra aboutir à une amélioration substantielle de leur condition, à une amélioration qui ne soit précaire et partielle.

C’est pourquoi toutes les luttes doivent être appréciées en fonction de la force, de la conscience, de l’unité, de l’autonomie que les prolétaires y acquièrent, c’est-à-dire en fonction des pas en avant effectués en direction de la prise du pouvoir.

Ce qui, pour nous, est fondamental dans le programme « prenons la ville », c’est qu’il ouvre une seconde phase : il représente l’unique direction dans laquelle peut se développer l’autonomie prolétarienne (c’est-à-dire l’unité, la force et la conscience communiste du prolétariat), tandis que le pouvoir des patrons est réduit et rendu plus précaire (c’est-à-dire que leur capacité d’intervenir dans notre vie diminue).

C’est seulement de cette manière que l’on peut espérer créer un point d’appui organisationnel et politique pour la défense duquel les prolétaires se voient contraints à un affrontement armé avec les patrons.

L’accroissement de l’autonomie prolétarienne dans tous les domaines de la vie sociale est une phase nécessaire et une voie obligatoire pour que se créent les conditions de la lutte armée, pour que le problème de la prise du pouvoir ait une base de départ.

LES « BASES ROUGES »

Construire une « base rouge » dans la société capitaliste ne peut vouloir dire, comme en Chine, au Viêt-nam et dans bien d’autres pays où la révolution a triomphé ou est en train de triompher, soustraire des zones au contrôle militaire de l’ennemi et y ouvrir la voie à la construction d’un pouvoir alternatif.

Les conditions historiques et sociales dans lesquelles se déroule la révolution en Europe sont différentes, et une chose de ce genre est impensable pour nous.

Mais la construction de « bases rouges », c’est-à-dire d’arrières politiques et organisationnels à partir desquels développer la lutte armée, est indispensable pour quiconque voit la révolution comme une « guerre du peuple », comme un processus de longue durée et non pas comme un soulèvement insurrectionnel qui attend la crise du pouvoir bourgeois au lieu de la provoquer.

Construire une « base rouge » dans la société capitaliste ne veut pas dire éliminer toutes les interférences du pouvoir bourgeois sur celle-ci, mais les réduire toujours plus jusqu’à contraindre les patrons à n’exercer ces interférences que sous la forme brutale et découverte de l’occupation militaire, toute forme de contrôle politique, idéologique et même économique se heurtant à la force organisée de tous les prolétaires.

C’est à partir de ce niveau que le problème de l’auto-défense débouche, pour les prolétaires, sur celui de la destruction de l’appareil répressif de l’Etat et de l’impérialisme qui se trouve absorbé toujours plus dans une tâche qu’il ne parvient pas à assumer.

Cette « base rouge », cet arrière de la lutte armée ne peut être l’autonomie ouvrière dans les formes dans lesquelles elle s’est développée jusqu’à ce jour, c’est trop peu pour que les prolétaires éprouvent le besoin de prendre les armes pour la défendre.

Elle est trop précaire pour résister à toutes les attaques que lance le patron en faisant usage du pouvoir qu’il a sur toute la société ; elle est trop limitée, comparée aux forces prolétariennes que la révolution devra mobiliser pour vaincre.

II. – LUTTE OUVRIÈRE ET LUTTE SOCIALE

Le programme « prenons la ville » pose le problème du rapport à établir entre la lutte ouvrière – telle qu’elle s’est exprimée jusqu’ici et telle qu’elle peut se développer – et la lutte de classe sur le terrain social.

On nous a reproché de vouloir abandonner le terrain des luttes d’usine, centre de gravité de l’offensive prolétarienne, en faveur d’un programme fumeux de lutte sociale infiniment plus pauvre dans ses contenus. Ces reproches sont faux.

C’est dans les usines que se réalise l’unité de la classe ouvrière.

La lutte d’usine, l’attaque contre la production restent pour nous la base et la condition indispensable de tout développement ultérieur de la lutte de classe ; et il en sera ainsi jusqu’à la prise du pouvoir. Cela pour deux raisons fondamentales :
C’est dans l’usine avant tout que se réalise l’unité de la classe ouvrière et que se présentent les conditions d’une direction ouvrière – c’est-à-dire d’une force sociale en antagonisme total avec la façon dont est organisée la société capitaliste – sur tout le reste du prolétariat.
Si la classe ouvrière perd du terrain ou se laisse diviser dans l’usine, elle ne pourra pas non plus être unie dans la société ni, a fortiori, imposer sa direction aux autres prolétaires.

L’attaque contre la production ruine le pouvoir patronal.

La lutte d’usine, l’attaque ouvrière contre la production sont décisives pour qui veut établir un nouveau rapport des forces dans l’ensemble de la société.

La lutte d’usine paralyse le développement capitaliste, détruit les possibilités d’accumulation du capital, réduit la liberté de manoeuvre des patrons, met en crise leur domination de classe en s’attaquant à sa racine : l’exploitation du travail salarié.

Dans tous les domaines, elle ouvre un champ immense à l’initiative du prolétariat : car le terrain que les patrons sont contraints à céder dans les usines pourra être occupé et exploité, mais aussi longtemps seulement qu’il leur sera interdit de rétablir leur pouvoir sur la classe ouvrière.
Pour deux raisons fondamentales au moins, l’usine doit donc demeurer au centre de nos préoccupations et de notre travail politique. Mais il nous faut comprendre aussi que si la lutte ouvrière ne déborde par le cadre de l’usine, la lutte d’usine risque d’être asphyxiée et de perdre le rôle que nous voulons lui voir jouer. Et cela pour deux raisons au moins:

Les patrons veulent battre les ouvriers sur le plan politique.

En premier lieu, les patrons semblent se désintéresser de la reprise immédiate de la production.

Ils sont aujourd’hui disposés à perdre des milliards et à se servir de la crise pour infliger une défaite à la classe ouvrière, pour en détruire l’autonomie, pour en casser l’organisation interne, pour rétablir le pouvoir despotique de la hiérarchie sans lequel l’usine capitaliste ne fonctionne pas.

Pour tenir tête à cette attaque patronale, il faut que les usines et leurs luttes cessent d’être isolées ; elles rompront leur isolement grâce, d’une part, à des liens directs et de masse entre les différents secteurs de la classe ouvrière ; d’autre part, en offrant aux ouvriers qui se battent dans les usines une perspective qui aille au-delà des luttes qu’ils ont déjà menées et des objectifs qu’ils ont déjà adoptés ou qu’ils savent ne pouvoir imposer que dans le cadre d’un affrontement plus général.

Seul un programme général peut consolider une organisation ouvrière de masse.

En second lieu, l’organisation de masse des ouvriers à l’intérieur des usines, indispensable pour défendre et développer le niveau d’autonomie qu’ils ont déjà atteint, ne peut croître que si elle se donne une perspective plus vaste.

C’est dans la mesure seulement, où ils savent utiliser l’unité et la force forgées dans l’usine dans une lutte embrassant tous les aspects de leur condition d’exploités, que les ouvriers ressentiront le besoin et l’importance d’une meilleure organisation, d’une attaque qui, partant des usines, ne vise pas seulement leur propre patron mais investit des objectifs plus généraux. (C’est là ce qui commence à se produire avec les luttes des « pendolari » [habitants des banlieues et cités-dortoirs contraints à des trajets quotidiens d’autant plus longs et coûteux que les transports collectifs sont misérables ou inexistants] de Milan et de Turin, par exemple, luttes qui sont souvent organisées directement à l’usine.)

Tels sont les thèmes sur lesquels peuvent se développer et se consolider les organismes de masse dans les usines et l’action d’avant-garde que nous accomplissons au sein de ceux-ci. Si nous n’attaquons pas ces problèmes, les organismes de masse restent une réalité épisodique : ils fonctionnent et se développent dans les moments de lutte ouverte mais sont voués à dépérir et a refluer dès que la lutte s’arrête.

Les objectifs ouvriers de l’usine à la société.

Le rapport entre usine et société implique les contenus de toute la lutte de classe ; c’est en diffusant et en développant les contenus qui s’expriment dans l’autonomie ouvrière que l’on étend la direction ouvrière à toutes les luttes sociales et donne à celles-ci une orientation anti-capitaliste, révolutionnaire et communiste, orientation sans laquelle elles risquent constamment d’être exploitées par les révisionnistes et par les bourgeois, voire par les fascistes.

Les grèves organisées pour réclamer les réformes, la révolte de Reggio Calabria montrent comment la combativité du prolétariat peut être utilisée contre les ouvriers lorsqu’elle est dépourvue d’autonomie et de direction politique.

La classe ouvrière et la direction politique dans la lutte de classe.

Mais le rapport entre lutte d’usine et lutte sociale n’est pas seulement une question de contenus. La question est avant tout de savoir qui est le protagoniste de la lutte.

Ce sont les ouvriers qui constituent la colonne vertébrale d’une organisation prolétarienne, dans les quartiers et dans le pays, capable de diriger la lutte sociale et de lui donner une continuité, d’y investir toute l’expérience et l’autonomie acquises dans l’usine, de relier entre elles les différentes luttes en se servant pour cela de l’usine.

Et ce sont les ouvriers immigrés, les ramifications de leurs familles et de leurs amitiés, leurs déplacements d’une ville à l’autre à travers l’Europe qui constituent le lien le plus puissant entre les luttes prolétariennes, le facteur de généralisation et d’unification des thèmes de lutte entre le « nord industrialisé » et le « sud sous-développé ».

La classe ouvrière immigrée a été durant toutes ces années le foyer central de toute la lutte de classe.

Objectifs prioritaires d’un programme.

Ce lien très étroit entre lutte d’usine et luttes sociales nous permet de fixer des échéances et des priorités dans notre programme « prenons la ville »; de ne pas considérer ce programme comme un fourre-tout donnant la même importance à tous les problèmes ; de ne pas glaner au hasard des occasions et des exemples de luttes sociales mais de distinguer au sein de celles-ci des protagonistes effectifs, une logique, une ligne de développement partant des problèmes qui, aujourd’hui, sont à la portée de l’initiative ouvrière, pour s’étendre progressivement à tous les autres domaines.

Nous sommes contre le « travail de quartier » fait au petit bonheur et qui consiste à s’implanter dans un endroit donné et d’aller à la pêche des occasions de lutte.

Nous sommes contre l’agitation et la propagande autour de certains thèmes – comme, par exemple, la « liberté sexuelle » et la libération de la femme – non seulement parce que leurs contenus sont le plus souvent abstraitement intellectuels et bourgeois mais surtout parce qu’ils ne tiennent pas compte des protagonistes réels de cette lutte, qui sont les masses prolétariennes dans la mesure où elles trouvent dans la classe ouvrière une direction politique effective et un pôle organisationnel.

Il y a une façon toute intellectuelle – ou paternaliste, selon les cas – de faire face à ces problèmes et il y a d’autre part une façon prolétarienne. Et celle-ci consiste à tenir compte des protagonistes de la lutte de classe, à savoir mesurer à chaque moment leur capacité d’initiative et leurs besoins les plus urgents, à savoir évaluer les forces disponibles, bref à regarder les problèmes avec les yeux des prolétaires eux-mêmes.

Contre le réformisme.

En troisième lieu, le programme « prenons la ville » soulève la question de notre attitude face à la politique des réformes et, plus généralement, du réformisme. La lutte ouvrière d’usine est déterminante pour l’établissement d’un rapport des forces entre prolétaires et patrons, mais elle n’est pas en mesure de couvrir tous les rapports d’exploitation et d’oppression sur lesquels se fonde la société capitaliste.

En en donnant des interprétations différentes, tantôt « de gauche » – quand les réformes sont conçues comme un moyen de mettre en crise les mécanismes de l’Etat bourgeois – et tantôt « de droite » – quand les réformes sont considérées comme un moyen d’ajuster la politique du pouvoir aux besoins des masses – le mouvement ouvrier a plus d’une fois proposé une politique de réformes qui était censée couvrir les terrains de la lutte de classe au dehors des usines et des lieux de travail.

Révolutionnaires et réformistes se sont trouvés d’accord pour mobiliser les masses autour du thème des réformes : les premiers utilisaient ces thèmes comme moyens d’agitation, les seconds utilisaient la mobilisation comme un argument dans la négociation.

Encore maintenant ce problème resurgit continuellement, au sein de la gauche révolutionnaire italienne, de manière plutôt confuse : il s’agit d’un problème qui – tout comme celui de l’attitude envers le syndicat, le parlementarisme, la nécessité de la lutte armée – doit être clarifié en traçant des lignes de démarcation précises.

Les masses luttent et les patrons décident.

Car tant dans sa version « de gauche y que dans sa version « de droite », la politique des réformes a un aspect fondamental : elle enlève l’initiative directe aux masses et transporte l’affrontement entre prolétaires et patrons sur un terrain où les masses n’ont aucune possibilité de gérer leur propre lutte, remettant ainsi l’initiative entre les mains des patrons, des bureaucrates et de l’Etat.

A cela on objecte que l’objectif des réformes vaut dans la mesure où il est porté par une mobilisation de masse et où les masses sont directement partie prenante dans son élaboration ; de cette façon, dit-on, il est possible de faire croître une organisation aux ramifications multiples prenant racine là où les masses vivent leurs contradictions quotidiennes.

Voilà ce que disent aussi bien les réformistes que beaucoup de révolutionnaires. Mais cette conception relève d’une vision de la lutte de classe dans laquelle l’initiative des masses se borne à exercer une pression – qui peut aller jusqu’à la rupture ouverte – sur les institutions du pouvoir bourgeois ; l’on ne conteste pas à l’Etat bourgeois le droit et le pouvoir de décider la façon dont les masses doivent vivre et satisfaire leurs besoins. Les masses luttent et les patrons décident.

La lutte ouvrière ne peut être mesurée par les objectifs qu’elle réussit à atteindre. 

La façon dont la lutte ouvrière – et pas ouvrière seulement – s’est développée jusqu’ici nous prouve que les choses ne se passent pas ainsi.

La liberté et le pouvoir que les ouvriers ont conquis, au cours de ces dernières années, dans les usines, ne découle pas d’un nouveau système contractuel ni d’une nouvelle forme d’organisation que les patrons auraient été contraints à appliquer – comme voudraient le faire croire les syndicalistes, les réformistes et les théoriciens du contre-pouvoir – mais du fait que les ouvriers se sont changés eux-mêmes, qu’ils ont non seulement des idées beaucoup plus claires au sujet de leurs intérêts et des mécanismes sur lesquels repose le pouvoir des patrons, mais qu’ils ont plus d’audace, plus d’initiative, plus de liens entre eux, plus d’expérience, une plus grande capacité d’agir et de lutter collectivement : c’est là qu’est leur force.

Les objectifs pour lesquels ils se sont battus ont servi à leur renforcement politique et organisationnel non pas parce que les patrons les ont accordés – ils n’ont rien accordé du tout – mais parce qu’ils ont été un formidable moyen d’unification de masse.

Les concessions que le patron a faites, les changements qu’il a effectués dans l’usine et dans la structure des salaires ne représentent pas en eux-mêmes une victoire ouvrière : ce ne sont jamais que des tentatives de rétablir à un niveau différent le contrôle sur la classe ouvrière ; c’est là leur but.

Toutes les tentatives d’imposer à travers un accord une nouvelle organisation de la vie dans l’usine ou une nouvelle organisation du travail se sont révélées bientôt des pièges patronaux destinés à détruire la force que les ouvriers avaient conquise : la triste fin qu’ont connue les délégués est typique à cet égard ou, pire encore, l’exemple de la plate-forme syndicale de la Fiat, qui devait imposer « une nouvelle façon de construire des voitures ».
Cela ne signifie évidemment pas que nous sommes contre les luttes et les mobilisations pour des objectifs généraux, où la partie adverse n’est pas un patron particulier ni l’ensemble des patrons mais l’Etat et le gouvernement bourgeois.

Les objectifs clairs et généraux ont toujours été le plus puissant instrument dont disposent les prolétaires pour unifier et généraliser la lutte. Mais nous savons qu’à eux seuls les objectifs ne suffisent pas à faire croître la force et l’autonomie du prolétariat. L’enjeu de toute lutte est la capacité des prolétaires à étendre leur initiative, à faire les choses par eux-mêmes, à prendre ce qu’ils veulent.

Tel est, sur le terrain social également, le critère selon lequel nous évaluons le développement de l’autonomie prolétarienne.

Les exemples dont nous disposons sont éloquents. Les luttes des prolétaires pour faire baisser ou ne pas payer les loyers, pour occuper les immeubles ; pour faire baisser ou ne pas payer les prix des transports ; les luttes pour occuper des zones vertes ou contre la pollution, les nuisances, la ghettoïsation de quartiers entiers ; les luttes étudiantes pour utiliser l’école comme centre d’organisation et de discussion ouvert à tous les prolétaires ; les mobilisations de masse pour chasser les fascistes et détruire leurs locaux, toutes ces actions, si épisodiques et limitées soient-elles, sont des pas infiniment plus importants vers l’émancipation des prolétaires que toutes les manifestations et initiatives organisées d’en haut et même que les grèves pour les réformes, et doivent leur importance et leur utilité non pas, certes, à leurs objectifs mais au fait que les prolétaires se sont trouvés unis dans les luttes et ont pu prendre conscience de leur force.

III. PRENONS LA VILLE

Que signifie alors « prenons la ville » ? Comment cette position doit-elle se refléter dans l’organisation de notre travail ? La propagande à l’usine et les noyaux d’une organisation prolétarienne autonome.

Avant tout, il faut savoir profiter de la lutte d’usine, des occasions qu’elle offre continuellement pour commencer par poser, discuter et propager ces thèmes et les objectifs qui les traduisent, au fur et à mesure qu’ils prennent une actualité pour les ouvriers dans leur lutte.

Il en va ainsi du problème des prix, de la hausse continuelle du coût de la vie, du logement, des loyers lesquels représentent le prélèvement le plus important sur le salaire ouvrier, du transport qui ne grève pas seulement le salaire mais allonge aussi la journée de travail.

Et il en va ainsi de l’école, de la qualification professionnelle et des différences de salaires entre ouvriers et employés ; du rapport entre jeunes et anciens, entre ouvriers, entre gens du nord et immigrés et des différentes raisons qui poussent ou retiennent les uns et les autres à lutter, raisons qui sont un réel facteur de division de la classe ouvrière.

II en va encore ainsi du problème des fascistes et de la nécessité de l’auto-défense, du problème de la violence pendant les luttes, de la nécessité de démasquer, de juger publiquement et de frapper les chefs, les jaunes de toutes sortes, la hiérarchie de l’usine qui sont autant d’instruments directs de l’oppression de classe.

Il en est de même des réformes, de la tentative d’opposer l’initiative de l’Etat et de la bourgeoisie à la volonté qu’ont les masses de faire face à tous leurs problèmes par la lutte.
Il en est ainsi du problème de la santé qui ne se pose pas seulement à l’usine mais aussi au dehors, pour nos femmes et nos enfants et renvoie au problème de notre alimentation, de notre mode de vie, du pouvoir des médecins sur nos corps.

Il en va ainsi du problème de l’information, de la presse bourgeoise et de la TV, etc. Tous ces problèmes doivent être discutés en partant des exigences de la lutte à l’usine, de ses contenus et de ses objectifs, en commençant par distinguer les solutions des patrons et celles des prolétaires.

Ces discussions n’auront évidemment pas une portée immédiate mais elles s’accumuleront dans la conscience des prolétaires et ne tarderont pas à revenir à la surface sitôt que l’occasion s’en présentera.

La liaison entre les luttes.

En second lieu, il s’agit d’être présents, d’orienter et de relier entre elles les initiatives que les ouvriers prennent spontanément à l’extérieur de l’usine : par exemple les luttes des usagers des transports et certaines luttes contre les loyers, les occupations d’immeubles, etc,.

Toutes initiatives qui ont été organisées directement à l’usine ou qui reflètent le degré d’autonomie, de confiance en soi que la lutte d’usine a produit.

Relier les luttes veut dire organisation, généralisation, propagande sur les mêmes thèmes. Ce sont là les premiers exemples d’organisation ouvrière autonome dépassant les murs de l’usine, la colonne vertébrale d’une organisation ouvrière territoriale à venir.

Mais relier les luttes veut dire avant tout utiliser l’usine comme caisse de résonance de ces luttes ; comprendre que celle-ci est le terrain où certaines initiatives peuvent être comprises et généralisées ; voir que le plus souvent c’est à l’usine, dans l’accueil que les ouvriers font à certaines luttes, que réside la puissance de celles-ci et l’impossibilité pour le patron de les briser.

La liaison entre usines.

En troisième lieu, il s’agit d’organiser des liens stables entre usines dont les fils soient directement entre les mains des ouvriers.

L’intervention aux portes des autres usines, le contact avec une réalité ouvrière différente sont la première forme de l’engagement propre des ouvriers eux-mêmes, de l’action militante de masse à l’extérieur.

Tous en ressentent fortement le besoin aujourd’hui, car l’isolement des luttes est l’obstacle le plus immédiat que doit surmonter la classe ouvrière. L a liaison territoriale.

Mais la forme la plus stable et durable de liaison est assurée par la capacité des ouvriers d’une même usine et de différentes usines de se réunir, de s’organiser sur le plan territorial pour faire face, avant tout, à leurs propres problèmes, et c’est là aussi le seul moyen de gagner à l’organisation, au travail politique et au travail militant une masse énorme d’ouvriers qui ne peuvent s’arrêter à la sortie de l’usine.

L’ouverture de sièges ou même simplement le choix de lieux de réunions réguliers est une condition indispensable pour récolter les fruits, sur le plan organisationnel, d’un « travail de porte » qui risque autrement de ne pas laisser de trace durable.

Il s’agit là aussi d’un moyen fondamental d’offrir un pôle de référence à l’immense masse d’ouvriers et de prolétaires des petites entreprises qui ne peuvent organiser de luttes spécifiques sur leurs lieux de travail ou n’y parviennent que très difficilement, mais sont disponibles pour la lutte et pour l’organisation et qui peuvent finalement trouver, par leur lien avec les ouvriers et les luttes des grandes usines, leur champ d’initiative autonome.

Enfin, c’est là le moyen d’offrir aux étudiants un lien direct avec les prolétaires des quartiers qu’ils habitent, de sorte que leur travail en dehors de l’Ecole puisse être, dès le départ, non pas une initiative extérieure par rapport à la masse, mais une action se développant sur la base d’une connaissance réelle des problèmes et des luttes prolétariennes.

Là où la classe ouvrière n’est pas la force hégémonique.

Dans la ville ou dans les quartiers où il n’y a pas d’usines ou où la classe ouvrière ne peut être de façon directe le pôle de référence de tous les prolétaires, ces noyaux d’organisation prolétarienne autonome naissent et se développent par la liaison entre les avant-gardes des luttes prolétariennes – luttes pour le logement, contre les conditions de transport, mais aussi mobilisations anti-fascistes, batailles de rues, etc. – parce que la liaison avec la classe ouvrière n’est pas immédiate et que l’usine n’est pas le terrain d’unification des expériences.

Le travail de discussion, d’éducation, de clarification des perspectives de la lutte de classe doit alors nécessairement avoir un champ beaucoup plus étendu.

Les sièges.

Avoir un siège, un lieu fixe où se retrouver est une chose indispensable non seulement pour nous-mêmes, pour nous enraciner de plus en plus profondément dans une situation locale, mais surtout pour les masses qui ont besoin d’un centre auquel se référer pour lotis les problèmes qu’elles rencontrent, où elles puissent se rencontrer, se connaître, passer leur temps libre, et aussi apprendre à se divertir de façon différente, non bourgeoise.

Sans ce réseau de contacts et de liens il ne peut y avoir d’organisation prolétarienne autonome. C’est pourquoi ces sièges territoriaux, s’ils doivent fonctionner, doivent être entre les mains des masses – et entre les nôtres seulement dans la mesure où nous sommes complètement enracinés et intégrés dans la masse – financés, gérés et utilisés par les prolétaires pour tous leurs besoins. Il n’y a pas d’activités privilégiées réservées au siège et d’activités privées qui en sont bannies.

Les sièges ne doivent pas servir seulement de lieux de réunion et de discussion mais aussi pour faire des choses : organisation de la contre-information – tracts, journaux prolétariens, affiches, pancartes – activités culturelles, livres, journaux projections, cours et débats.

Les activités qui peuvent sembler « paternalistes » ne le sont que si elles sont organisées d’en haut et non sous le contrôle, par la force et le concours directs de tous : écoles maternelles, cours de rattrapage ou de perfectionnement, crèches, infirmeries prolétarien tics, assistance juridique, collectes, toutes ces activités doivent être accomplies au siège, ou à l’intérieur de l’organisation prolétarienne, avec le concours direct des prolétaires.

Le siège doit aussi être un lieu de détente. Nous n’y installerons jamais une machine à sous mais nous sommes tout à fait d’accord pour que garçons et filles y viennent pour se rencontrer, faire connaissance et organiser leurs fêtes.

De même les anciens, dont cette société ne sait que faire et dont elle souhaite qu’ils meurent le plus vite possible, peuvent trouver en notre siège un lieu pour se réunir, se rendre et se sentir utiles et surtout pour mettre enfin à la disposition des jeunes leur capital d’expérience que les patrons aimeraient faire oublier au plus vite.

L’enquête.
Nous ne devons pas faire les enquêtes nous-mêmes mais les confier aux masses, car c’est leur expérience, leur vie quotidienne à l’usine et dans les quartiers qui doit fournir les critères pour distinguer les ennemis et permettre de réunir pour chaque groupe, chaque famille, chaque individu les éléments nécessaires à la définition de sa position de classe et à son mode d’insertion dans la lutte.

Par l’enquête et par l’action dont celle-ci doit fournir la matière, la vie d’un quartier, d’une usine, d’une école doit tomber dans le domaine public, tous doivent sentir sur eux les yeux des prolétaires, savoir qu’ils peuvent compter sur ceux-ci pour toute cause juste et qu’ils doivent les redouter s’ils se rendent coupables.

A quoi sert l’enquête ? A identifier la « gauche », les couches, groupes et individus les plus combatifs, ceux qui vivent les contradictions les plus fortes, d’un côté, et d’un autre côté à isoler les ennemis, les chefs, les parasites, les exploitateurs, les jaunes, les agents de l’ennemi. Pour pouvoir dénoncer publiquement ceux-ci, il s’agit de tracer une ligne de démarcation nette entre amis et ennemis.

Dénonciation et justice populaire.

L’enquête n’a aucun sens si elle reste confinée dans un groupe restreint. La dénonciation systématique des conditions d’oppression dans lesquelles vivent les prolétaires et des instruments de leur exploitation – en descendant jusqu’aux cas individuels – est la, méthode la plus efficace pour arracher les prolétaires à leur isolement, pour leur faire comprendre qu’ils peuvent compter sur quelqu’un qui connaît et partage leur sentiment et qu’ils sont dans la voie juste s’ils luttent et apprennent à corriger leurs erreurs.

Une action de dénonciation systématique de l’ennemi de classe doit viser les patrons et ceux qui gouvernent et englober toute l’armée de leurs serviteurs et parasites : chefs d’équipe, chefs d’atelier, hommes de main, jaunes, tauliers, négociants, firmes et entreprises qui exploitent le peuple, juges, professeurs, instituteurs, maires et conseillers communaux (professionnels de la politique), fonctionnaires du parti, syndicalistes, dirigeants et jusqu’aux individus qui habitent les quartiers et les maisons des prolétaires mais ne font pas partie du prolétariat.

De la sorte, les prolétaires apprennent à distinguer leurs propres intérêts et à ne pas les confondre avec ceux de leurs exploiteurs ; de la sorte, on interdit à l’ennemi de classe aux cent visages de s’abriter derrière le mur de silence, de mystère et d’esprit de clan qui entoure ses actions.

On le force à se montrer à découvert, a avoir peur, à perdre l’initiative.

Manifestes, inscriptions sur les façades – celles de leurs maisons – tracts, journaux prolétaires, brochures et assemblées exposant leurs méfaits et leur vie privée doivent être les instruments de cette action quotidienne et doivent avoir pour résultat que les murs d’une entreprise, d’une école, d’un quartier, les choses dont parlent les prolétaires qui y vivent, prennent finalement une coloration de classe.

Sitôt que tout cela sera fait systématiquement, les prolétaires eux-mêmes prendront l’initiative et fourniront spontanément les matériaux et les informations qui permettront d’aller de l’avant.

C’est pourquoi il est nécessaire que cette action ne soit pas désordonnée, qu’elle se concentre périodiquement sur des initiatives spectaculaires comme des procès publics faits par les masses aux principaux responsables du notre exploitation ou à une catégorie particulière de ceux-ci, par exemple les chefs dans les usines.

C’est sur cette base seulement qu’une lutte juste et nécessaire contre le parlementarisme et les élections peut trouver les moyens d’aller de l’avant. Car une campagne anti-électorale ne peut être menée seulement sur la base de principes abstraits ; et ne pas la mener signifie ne pas s’attaquer à l’un des principaux instruments d’oppression et d’exploitation : le système de clientèle sur lequel s’appuie la politique bourgeoise.

Identifier, dénoncer et isoler les institutions, les intérêts matériels et les personnes qui font partie de l’appareil de l’Etat bourgeois et organisent l’adhésion à celui-ci – des fascistes aux révisionnistes – est une condition indispensable pour tracer une ligne de démarcation entre l’ennemi et nous, et pour amorcer une analyse concrète des bases sociales du révisionnisme.

L’Assemblée prolétarienne.

En plus du siège, les prolétaires doivent disposer d’un instrument de classe dans lequel ils puissent se reconnaître et auquel ils puissent se référer. C’est pourquoi il faut que, partout ou nous travaillons, l’habitude soit établie de tenir périodiquement et à date fixe des assemblées où la parole soit donnée aux masses.

Peu importe si, au début – ou même pendant longtemps – peu de gens se rendent à ces assemblées dont la convocation doit être l’objet du maximum d’efforts. Ce qui importe, c’est que l’assemblée ait toujours lieu, à date fixe, et que les prolétaires soient informés de ce qui s’y dit.

A mesure que notre travail progresse ils apprendront à la considérer comme un moyen qui leur est offert pour exprimer leurs besoins, pour faire leurs propositions, pour s’éclaircir les idées.

Donner la parole aux masses n’est pas chose simple. Des siècles d’oppression leur ont désappris à s’exprimer en public, à écouter ce que disent les autres, à discerner le coeur des problèmes.

Pour aider les masses à s’exprimer, il faut que les assemblées soient dirigées, qu’elles soient centrées sur un problème et qu’elles se terminent par une décision qui engage tout le monde ou, au moins, par une clarification.

Deux écueils doivent être évités : l’assemblée ne doit pas être une succession désordonnée d’interventions isolées consacrées à des problèmes divers et individuels ; et la nécessité de tirer des conclusions ne doit pas la transformer en une manifestation à sens unique dans laquelle les nouvelles interventions seront étouffées sous un plan préétabli.

Dans une réunion on peut dire beaucoup plus de choses – et des choses parfois plus justes – que dans une assemblée ; mais elle n’ont pas la même portée.

Le but d’une assemblée est d’apprendre aux masses à s’exprimer et à décider, à se sentir les protagonistes et à se rendre compte que leurs problèmes sont importants pour tout le monde.

L’assemblée de quartier est le lieu où des prolétaires de condition différente – ouvriers, étudiants, employés, femmes, chômeurs, ouvriers travaillant ailleurs que dans les usines – peuvent se rencontrer, prendre conscience de leurs problèmes respectifs, discerner ce qu’ils ont en commun et ce qui les divise, préparer le terrain et élaborer des objectifs pour des luttes communes.

A défaut d’un moyen d’auto-éducation de ce genre, chaque prolétaire n’aura jamais de la société et du prolétariat lui-même qu’une connaissance de seconde main.

L’assemblée est, en outre, le principal instrument dont disposent les prolétaires pour contrôler la vie du quartier, pour dénoncer ou approuver chacune des initiatives qu’on y prend.

C’est pourquoi il importe que les prolétaires apprennent à reconnaître l’assemblée comme leur légalité, comme le lieu où ils décident ce qui est juste et ce qui n’est pas juste.

L’auto-défense.

Les heurts de plus en plus fréquents avec la police et, surtout, les mobilisations prolétariennes contre les fascistes – pour les chasser et détruire leurs sièges – nous montrent à quel point les masses prolétariennes sont déjà prêtes à l’action directe.

Ce potentiel d’intervention ne doit pas se manifester au gré du hasard ou de la pure spontanéité ; dès maintenant, il faut l’organiser, le discipliner et le développer au maximum, de manière à lui donner une continuité et une direction politique.

Car pour beaucoup de jeunes et beaucoup de prolétaires la lutte de classe est comprise avant tout comme un recours à la force. Il ne s’agit pas là d’une erreur ou d’une déformation : mais d’un aspect fondamental de la spontanéité des masses qui doit être comprise et organisée politiquement.

Offrir aux prolétaires d’une usine, d’une école, d’un quartier la possibilité de s’organiser militairement est une tâche indispensable : cette organisation ne doit pas être une force brute « au service » d’une ligne politique qui lui demeure étrangère, mais une des formes par lesquelles prend corps l’autonomie et la conscience de classe des masses.

C’est à nous de la promouvoir et d’y être totalement impliqués pour lui donner une orientation politique juste.

Le recours à la force ne peut avoir, chez les prolétaires, qu’un caractère défensif ; la question de la destruction de l’appareil répressif de l’Etat – destruction qui est la tâche de la guerre révolutionnaire – n’est pas et ne peut pas être à l’ordre du jour.

Mais cela ne signifie pas que l’on se défend seulement lorsqu’on est attaqué.

Se défendre veut dire qu’il faut sauvegarder par la force notre autonomie, notre liberté de nous organiser, la possibilité de prendre des initiatives à la mesure de la capacité de mobilisation des masses ; et pour ce faire, il nous faut nous organiser sur ce plan-là également.

Il y a toute une gamme d’objectifs en vue desquels peut se développer aujourd’hui une organisation permanente de masse, base nécessaire d’une future armée prolétarienne : auto-défense – et offensive – contre les groupes fascistes ; service d’ordre dans les manifestations ; organisation de la défense contre les perquisitions et les arrestations dans les quartiers ; expéditions punitives contre les ennemis du peuple dénoncés et identifiés publiquement…

La solidarité active.

Les prolétaires doivent avoir confiance en leur propre force et pour cela ils doivent retrouver cette estime réciproque que le capitalisme cherche continuellement à saper.

Tout ce qui tend à mettre en valeur la personnalité des prolétaires, à ne pas les laisser galvauder leur créativité, leur intelligence, leur temps ; à leur permettre de se sentir utiles, à se mettre à l’oeuvre, à vaincre les difficultés du moment, à résister au chantage et à l’humiliation, tout cela – même s’il s’agit seulement d’actions limitées ou exemplaires – a la plus grande importance.

Aussi faut-il que, dans les usines, les écoles, les quartiers, il se crée un réseau de solidarité entre prolétaires, fondé sur des actes et non pas seulement sur des paroles.

S’organiser sur ce plan, cela veut dire faire des choses, avec persévérance, méthode et esprit de continuité : par exemple des collectes pour aider ceux qui en ont besoin ou pour éviter que des gens se vendent ou deviennent briseurs de grève parce qu’ils sont sur le point de crever.

Il y a aussi les dispensaires organisés par des camarades, pour montrer que l’on peut se guérir autrement qu’en s’humiliant jour après jour devant un médecin, ou pour commencer à analyser collectivement les causes de nos maladies.

Il y a l’assistance juridique pour nous éviter d’être escroqués par les patrons, par les aigrefins, par les assureurs, par l’Etat et même par les avocats, ou pour aider les prolétaires qui risquent de pourrir pendant des années en prison pour une vétille.

Il y a les crèches pour permettre aux femmes prolétariennes de consacrer un peu de temps à elles-mêmes et à la politique, de ne pas être enchaînées à leurs enfants et à leur foyer, de travailler et de gagner leur vie, et pour faire comprendre à tous, hommes et femmes, que l’on peut s’occuper des enfants de manière collective et communiste, pour le plus grand bien des enfants et des parents.

Il y a la possibilité donnée aux vieux de se sentir utiles et de faire profiter les autres de leur expérience, en enseignant l’histoire de leur vie.

Il y a les activités post-scolaires et les cours de rattrapage par lesquels les enfants – mais aussi les adultes – s’aident mutuellement à apprendre et choisissent eux-mêmes ce qu’il leur paraît important de savoir.

Il y a la possibilité offerte aux jeunes de lier connaissance, de ne pas être seuls, de trouver des amis avec lesquels s’amuser sans qu’il soit besoin pour cela de quitter le quartier.

Il y a les centres d’accueil pour organiser les prolétaires débarquant du sud et les aider à trouver un logement, un emploi, des amis, sans qu’ils aient besoin pour cela de subir l’escroquerie et l’exploitation politique à laquelle se livrent sur eux les chacals qui s’en occupent actuellement, etc.

Toutes ces initiatives ne peuvent être mises en train que lentement, en surmontant maintes difficultés et contradictions. Elles sont essentielles pour la lutte de classe, car elles substituent l’initiative consciente et collective des prolétaires aux solutions imposées par les patrons dans toute une série de domaines où la lutte de classe n’a pas pénétré jusqu’ici de manière consciente et organisée.

Les luttes.

Toutes ces initiatives ne sont pas des fins en soi ; elles servent à préparer les luttes, à les organiser, à les rendre continues et politiquement signifiantes afin de donner aux actions une base organisationnelle qui permette de consolider à tous les niveaux l’autonomie conquise par les ouvriers.

Tout comme la lutte d’usine, la lutte prolétarienne sur le terrain social a ses objectifs propres qui sont d’autant plus valables qu’ils sont plus généraux, unificateurs, égalitaires, antagonistes par rapport à la façon dont les patrons ont organisé la vie des prolétaires.

Beaucoup de ces objectifs ont déjà été clairement définis au cours des luttes prolétariennes de ces dernières années, mais ils peuvent être rendus plus précis encore et des objectifs nouveaux seront mis en avant à mesure que la lutte s’étend et que l’autonomie prolétarienne s’affirme dans tous les domaines.

Il ne peut y avoir de division de principe entre objectifs d’usine et objectifs sociaux car la lutte de classe ne petit être divisée en compartiments étanches.

Nombre des objectifs que les ouvriers ont mis en avant au cours des luttes d’usine ne peuvent être effectivement poursuivis que par une généralisation de l’affrontement, reliant les différentes usines entre elles et embrassant d’autres secteurs du prolétariat.

D’une façon plus générale, à mesure que l’autonomie du prolétariat se développe, on voit s’effacer et disparaître la distinction entre usine, société et « vie privée », distinction qui est un produit de la société capitaliste, une arme des patrons pour perpétuer leur domination. Quels sont ces objectifs ?

Les objectifs.

S’emparer des choses, ne pas se faire exploiter doublement, tel est l’objectif de la lutte pour le logement, de la grève des loyers, de l’occupation des immeubles vides, de la lutte pour les transports ou contre l’augmentation des tarifs, de la grève des tickets, des luttes étudiantes contre les frais de scolarisation ou pour transformer l’Ecole en centre d’organisation ; le nombre de mobilisations dans le sud contre le paiement de l’impôt ; les luttes ouvrières et étudiantes pour des cantines gratuites, etc.

Tel est aussi le sens de beaucoup de luttes ouvrières contre les heures supplémentaires, pour la réduction de la durée du travail, contre les cadences, contre la nocivité du milieu de travail. etc.

Tel est le sens d’une lutte contre la hausse des prix et la tentative d’affamer les prolétaires ; de la lutte pour imposer la distribution gratuite – ou à des prix décidés par les prolétaires – des produits de première nécessité, et cela non pas de manière anarchique, par des pillages faits au hasard, mais sous la forme de réquisitions ordonnées et continues pour lesquelles les prolétaires ne se sentent pas encore assez forts, mais qui sont pourtant inévitables.

Défendre son droit de vivre, ne pas le laisser dépendre des exigences des capitalistes. Tel est l’objectif de toutes les luttes que mènent les journaliers agricoles pour ne pas être rayés des listes d’embauche ; des luttes que mènent les paysans pour des prix garantis ; des luttes que mènent les chômeurs pour obtenir des allocations, pour obtenir que les fonds des organismes publics servent à garantir le salaire de tous ; des luttes des ouvriers mis en congé et qui revendiquent l’intégralité de leur ancien salaire ; des luttes des étudiants qui réclament le pré-salaire indépendant de leurs performances.

Tel est, sous sa forme la plus générale, l’objectif des ouvriers réclamant que leur salaire ne soit pas lié à la productivité ; mais la tentative de traduire cet objectif en la revendication du salaire unifié garanti à tous – ou salaire social, ou salaire politique, etc. – s’est révélée trop abstraite par rapport à la spécificité des situations réelles : il s’agit non pas d’un objectif unificateur mais d’un mot d’ordre en l’air.

Car la force des objectifs réside dans leur capacité à faire fond sur des situations concrètes ou sur des formes sur lesquelles les prolétaires savent pouvoir compter.

Défendre son temps, afin d’avoir du temps pour soi-même et non seulement pour les patrons. C’est là l’objectif de la réduction de la durée du travail, des luttes contre la lenteur des transports, contre les temps morts, contre les queues devant les guichets et les dispensaires, des luttes prolétariennes pour des services collectifs efficaces, pour des crèches, etc., des luttes étudiantes contre les programmes surchargés…

Défendre sa santé. Lutte contre la nocivité du travail d’usine, qui porte sur tout le processus de travail, car tout travail fait pour un patron est nocif; luttes dans les quartiers contre la pollution, la saleté, le bruit, les taudis; luttes pour des soins convenables dans les hôpitaux et les dispensaires; l’objectif des prolétaires est toujours de ne pas tomber malades plutôt que d’être mieux soignés pour leurs maladies.

La destruction systématique de leur santé, dans les usines et les quartiers, leur fait prendre conscience de leur exploitation et leur volonté de mettre au premier plan leur droit de bien vivre, d’être en bonne santé est l’aspect le plus fondamental de la contradiction qui les oppose à l’exploitation capitaliste.

S’opposer à tout ce qui divise, différencie et met les prolétaires en concurrence les uns avec les autres.

Dans les luttes contre les classifications et la cotation par poste ; dans les luttes des employés contre les cotes d’amour ; dans les luttes des étudiants contre la sélection, les concours, les examens, les « diplômes au rabais » ; dans les luttes des chômeurs contre les indemnités liées au lieu de résidence, l’égalitarisme, puissamment affirmé par l’autonomie ouvrière, s’est révélé le plus puissant facteur d’unification des prolétaires, la substance même de leur force préfigurant la société communiste.

Cet égalitarisme – et c’est là son sens – consiste à affirmer inconditionnellement les besoins des prolétaires contre les exigences de la production, du marché, du mode de vie que le capitalisme cherche à imposer pour diviser les prolétaires.

On ne parviendra à comprendre la nature de classe des révoltes méridionales contre l’Etat, les partis, les barons de la politique que si l’on y distingue le besoin de tracer une ligne de démarcation nette vis-à-vis de l’ennemi.

C’est pour la même raison que les ouvriers cherchent à chasser les chefs et les dirigeants des usines.

Le fait que cette exigence se soit exprimée de manière déformée et ait souvent offert aux pires ennemis du prolétariat – par exemple aux fascistes à Reggio de Calabria – un terrain idéal pour prendre pied, ce fait montre les limites de la spontanéité prolétariennes abandonnée à elle-même et dépourvue de direction politique.

Ne pas comprendre cette composante fondamentale de la lutte de classe, la refuser ou ne pas savoir l’assumer – au nom d’une défense de principe de la « démocratie bourgeoise » – peut seulement conduire à se couper de plus en plus profondément de la lutte de classe et de ses exigences fondamentales.

La ville aux mains des prolétaires.
Dans quelle situation se trouvera le prolétariat au terme de cette seconde phase que nous avons résumée par le mot d’ordre « prenons la ville »?

Par l’extension de la lutte à tous les domaines et sa radicalisation, le prolétariat se sera conquis lui-même, son propre mode d’être, de vivre, de se dresser contre la société et l’exploitation capitalistes.

La société sera coupée en deux : d’un côté les prolétaires, leurs besoins non satisfaits, leurs intérêts de classe désormais clairs et bien perçus, leur force accumulée par des années d’expérience, de lutte, de discussion, leur organisation éprouvée dans sa capacité de faire face à tout problème ; de l’autre côté la bourgeoisie, les patrons, le pouvoir despotique de l’Etat bourgeois, les mécanismes d’exploitation désormais mis à nu, la force brute, devenue l’instrument unique sur lequel repose leur domination de classe.

Ce processus ne sera évidemment pas plus linéaire que ne l’a été la phase de la conquête de l’autonomie dans les usines.

Il subsistera des différences de niveau tranchées, des zones « en retard » et « en avance » du point de vue de l’autonomie prolétarienne, des phases de progrès et des périodes de stagnation et de reflux comme nous en avons connu durant les années écoulées.

Surtout, il n’y aura pas un moment précis où l’on pourra dire que ce processus est arrivé à son terme et qu’une nouvelle phase de lutte s’ouvre aux masses, sauf dans l’appréciation des avant-gardes à qui revient la tâche de réunir les indications fournies par les masses et de donner une stratégie à tout le mouvement.

Mais un changement fondamental sera intervenu dans la conscience et dans l’attitude de masse des prolétaires et c’est par rapport à lui qu’il faut savoir mesurer le développement de la lutte de classe : les prolétaires ne se sentiront plus étrangers dans un monde qui ne leur appartient pas, ils ne seront plus des hôtes mal venus dans une société qui ne les tolère que pour pouvoir les exploiter, des marchandises asservies aux intérêts des autres.

Ils se sentiront chez eux, maîtres de leur vie et de leur destin, capables de le dominer et ils ressentiront l’exploitation et la domination non pas comme la condition naturelle de leur vie, mais comme une contrainte arbitraire et un obstacle à la réalisation de leurs aspirations.

A partir de ce moment, seule la force brute, l’appareil répressif de l’Etat, l’occupation militaire des zones où les prolétaires se sont organisés pour lutter, pourra maintenir les vieux rapports d’exploitation.

Et c’est à partir de ce moment – en partant de ce nouveau rapport de forces entre prolétaires et patrons, rapport de forces qui interdit aux patrons et à l’Etat toute initiative autre que de répression militaire – que la violence de masse pourra devenir offensive et que l’objectif de la lutte pourra être la destruction de l’appareil répressif de l’Etat.

Mais sur ce point également il faut se garder du schématisme : tous les prolétaires ne seront pas d’un côté ni tous les bourgeois de l’autre. S’il en était ainsi le destin de ceux-ci serait déjà scellé.

Les phases de la lutte de classe – il faut le répéter – seront déterminées par ses combats les plus avancés, dans la mesure où ceux-ci ne seront pas des faits exceptionnels mais le reflet d’une tendance embrassant tout le prolétariat.

Comme dans toute nouvelle avancée de la lutte de classe, les lignes du front ne resteront pas inchangées lors du passage à la nouvelle phase, mais les nouvelles tâches du prolétariat – la lutte armée – feront apparaître des divisions profondes.

Et – il faut le répéter – seule une ligne de masse nous permettra de surmonter ces divisions et d’arracher continuellement de nouvelles forces au camp de l’ennemi.

Nous en aurons les moyens si nous avons fait du bon travail jusque-là. Le prolétariat et ses avant-gardes pourront alors compter sur une organisation de masse dans laquelle les masses sauront se reconnaître et qui sera seule à leur offrir une perspective d’avenir.

1971

>Sommaire du dossier

Lotta Continua: Brochure de juillet 1969

Est-ce que la lutte est terminée ?

Nous sommes maintenant à la veille des vacances, et nous attendons tous avec impatience le moment de quitter cet enfer.

Pour ceux qui depuis plus d’un an se crèvent de fatigue, ce désir est parfaitement justifié.

Mais que le patron ne s’imagine pas avoir imposé dans l’usine son « rythme de vie ».

Pour nous, la lutte n’est pas terminée.

Nous n’avons pas obtenu ce que nous voulions, mais nous n’avons pas dit notre dernier mot.

Nous avons obtenu une grande victoire : en deux mois de lutte, nous nous sommes unis, nous avons pris conscience de notre force, nous nous sommes organisés tout seuls, à notre façon.

Le patron essaie bien de se venger, de reprendre le contrôle de nos luttes, de récupérer la production en augmentant les cadences et en menaçant les camarades les plus actifs ou en mettant ses menaces à exécution : mais tout cela ne se passe plus en douceur comme avant.

Il y a beaucoup d’équipes et d’ateliers qui débrayent chaque fois que la production augmente ou quand les cadences sont trop rapides ; dans certains ateliers, les ouvriers étaient tellement unis que la direction a été obligée de battre en retraite sur les mesures disciplinaires (aux ateliers 54 et 53, par exemple).

Ça veut dire que l’accord-bidon signé par les syndicats contre notre volonté, ou le chantage au manque d’argent pour les vacances, ça ne marche plus.

Ça veut dire que la lutte continue.

Mais la période qui nous sépare encore des vacances ne doit pas servir seulement à répondre aux contre-attaques du patron ou à l’augmentation de la production et à la répression.

Elle doit nous servir aussi à consolider notre organisation, et ànous préparera affronter les mois d’automne où nous reprendrons les grèves avec tous les autres ouvriers italiens.

En Septembre commencera la lutte pour le contrat national de travail des métallos, et tout de suite après pour celui des ouvriers de la chimie et du bâtiment.

La grande majorité des ouvriers sera en grève au même moment.

Nous savons ce que représentent les contrats pour les patrons et pour les syndicats.

Ce sont des accords pour une durée de trois ans, concernant le salaire de base, le nombre d’heures de travail, la classification et d’autres points importants pour nous.

Comme ça, les patrons veulent être sûrs que les ouvriers ne luttent qu’une fois tous les trois ans pour l’augmentation du salaire de base, les réductions d’heures de travail, etc.., au moment choisi par les capitalistes et les syndicats, et puis qu’après, ils restent bien tranquilles sans rien dire.

C’est-à-dire que le contrat est une espèce de cage dans laquelle on enferme à double tour la lutte des ouvriers, et les syndicats sont chargés de surveiller la cage pour qu’elle reste bien fermée.

Mais la lutte des ouvriers ne se laisse pas enfermer, ni par les patrons, ni par les syndicats.

Les ouvriers n’attendent pas le signal du patron pour lutter. Ils le font quand ils l’ont décidé.

Et de fait, à Mirafiori, nous n’avons pas attendu l’automne pour demander les augmentations de salaire et la classe supérieure ; nous avons commencé la lutte quand nous avons eu la force suffisante.

C’est exactement ce qu’ont fait les ouvriers de beaucoup d’autres usines italiennes, Pirelli, Olivetti, Fatme à Rome, Piaggio à Pontedera, Rese à Pordenone, Dalmine à Bergame et beaucoup d’autres.

Alors, la première chose à dire, c’est que:

Nous refusons de nous engager, avec les contrats, à planifier nos luttes sur le calendrier des patrons et des syndicats.

Les contrats, c’est des chiffons de papier, et rien de plus.

Ceci dit, nous devons ajouter que l’échéance des contrats est une occasion exceptionnelle pour notre lutte.

Si, jusqu’à maintenant, nous avons lutté chacun de notre côté, en automne, nous lutterons en même temps que tous les autres ouvriers.

Et rien que ça, ça veut dire que nous aurons une force extraordinaire.

Les patrons et leur gouvernement unis contre les ouvriers unis et leur organisation autonome : voilà en quels termes se pose la lutte de l’automne.

Mais pour utiliser véritablement cette force, il ne faut pas que nous attendions le dernier moment, il faut que nous nous préparions dès maintenant.

C’est-à-dire que nous devons discuter des objectifs que nous voulons atteindre en luttant, la façon dont nous voulons lutter, comment nous pouvons nous organiser mieux entre nous, et comment nous pouvons nous unir avec les ouvriers des autres usines et des autres villes.

A partir d’aujourd’hui et jusqu’aux vacances, nous devons tous nous engager à discuter de tout ça, dans l’usine et àl’extérieur de l’usine.

Ça aussi, c’est une façon de lutter.


Les objectifs des syndicats et ceux des ouvriers

La première chose à faire, c’est de décider, nous autres ouvriers, quels sont les objectifs de la lutte, sans laisser aux syndicats la possibilité de décider à notre place.

Au cours de notre dernière lutte, nous avons eu une nouvelle fois la preuve que les syndicats non seulement ne servent pas nos intérêts, mais qu’ils s’opposent à la lutte ou qu’ils cherchent à la faire dévier vers des objectifs qui ne nuisent pas du tout au patron ou qui lui sont même utiles.

Par exemple, leur revendication au sujet de l’augmentation du nombre des délégués.

D’une façon plus général e, nous avons constaté encore une fois que les syndicats sont ennemis de l’autonomie ouvrière, parce qu’ils ne s’occupent que d’aménager la façon dont le patron nous exploite.

Mais pour ce qui est de l’existence même des patrons et de l’exploitation, ils disent que ce n’est pas leur rayon.

Les syndicats acceptent les lois de l’organisation du travail telles que les ont faites les capitalistes, ils acceptent les lois de la productivité, les lois de la programmation patronale.

En revanche, les ouvriers, tous autant qu’ils sont, ne veulent qu’une seule chose : briser ces lois qui, pour la classe ouvrière, n’ont qu’un seul sens, toujours le même : misère et esclavage.

Tout cela est évident si on regarde la plateforme revendicative que les syndicats ont préparée en commun pour les contrats.

Il faut dire tout de suite que, comme d’habitude, les syndicats ont décidé des revendications de leur côté.

Aujourd’hui, ils font semblant de venir nous consulter en nous distribuant des bouts de papier sur lesquels nous pouvons répondre par oui ou par non aux questions auxquelles ils ont déjà répondu.

Comme ça, ils pourront dire qu’ils expriment nos désirs.

Comme si c’était nécessaire de faire des référendum par écrit pour connaître notre volonté alors que nous l’avons déjà exprimée très clairement, et pas chacun de son côté,avec un stylo à bille, mais tous ensemble, en débrayant, en faisant des assemblées, des manifestations, en luttant.

Le référendum des syndicats ne nous intéresse pas : ils le font pour mieux nous posséder.

Ces messieurs qui se disent nos représentants, parlent d’augmentations de salaire, mais ils se gardent bien de nous dire de combien elles doivent être, ces augmentations.

Ils n’ont pas le courage de venir nous dire qu’ils sont prêts à accepter des augmentations de cinquante lires, parce qu’ils savent bien que cinquante lires, ça nous fait rigoler.

Ils parlent d’augmentations, et ils refusent de demander une augmentation égale pour tous.

Comme ça, ils continuent à diviser les ouvriers au lieu de les unir.

Ils continuent à être partisans de la classification, et même, ils se préparent à inventer une nouvelle sous-classe, qu’ils appellent super, extra ou « sprint ».

Ils parlent de réglementer les heures supplémentaires, mais ils se gardent bien de parler de l’abolition des heures supplémentaires.

Es parlent des 40 heures, mais ils acceptent de les obtenir trois, quatre ans ou même plus après la signature du contrat.

Ils parlent de réajustement progressif avec les employés, ils se gardent bien de parler d’égalité.

Le réajustement qu’ils demandent ne s’applique qu’à quelques détails, et pas à l’essentiel.

Ils parlent de démocratie dans l’usine, mais ce qu’ils veulent, c’est des privilèges pour les syndicalistes.

iLs parlent de lutte, et ce qu’ils veulent dire par là, c’est deux ou trois journées de grève purement symboliques.

Tout ça, ça nous est étranger, c’est contraire à nos intérêts.

Nous, nous ne pouvons pas nous contenter de pleurnicher contre les syndicats, ou de les critiquer.

Nous avons démontré que nous sommes capables d’organiser nous-mêmes notre lutte, de décider de nos objectifs, de choisir la façon la plus efficace de lutter.

Et cela ne s’est pas passé seulement à Mirafiori, mais dans beaucoup d’autres usines italiennes.

C’est pourquoi aujourd’hui nous pouvons et nous devons décider nous-mêmes quels sont les objectifs que nous voulons atteindre en luttant en automne.

AUGMENTATIONS DE SALAIRES

Nous devons tous d’abord décider combien nous demandons.

Justement parce que nous ne sommes pas à la foire aux bestiaux, et parce que nous n’avons pas du tout l’intention de demander des augmentations qui sont tout de suite reprises par l’augmentation effrénée du coût de la vie, ça ne nous suffit pas de parler vaguement d' »augmentation », mais nous devons préciser de combien il faut qu’elle soit.

Et puis, ça sert à rendre les choses plus claires, et la clarté renforce la lutte.

Ensuite : les augmentations doivent être égales pour tous.

Ça, c’est ce que les ouvriers ont demandé au cours de toutes les luttes récentes les plus importantes.

Nous sommes tous exploités de la même façon, et le pain coûte le même prix pour tout le monde.

En ne nous augmentant pas tous de la même façon, le patron nous divise.

En demandant des augmentations égales pour tous, nous nous unissons, et nous nous renforçons.

Ensuite : toutes les rubriques différentes de la feuille de paye doivent être réduites aune seule : le taux de base.

En ce moment, la feuille de paye est divisée en un tas de colonnes : c’est bien utile au patron pour nous embrouiller et pour mieux nous voler.

La plupart du temps, pour comprendre sa feuille de paye, il faut être spécialiste.

Alors, le patron en profite pour nous embobiner.

Mais le plus important, c’est que nous ne travaillons pas pour avoir telle prime de vacances, telle classe, telle prime de nocivité, tel boni, tel salaire de base et ainsi de suite.

Nous sommes obligés de travailler tout simplement pour avoir un salaire, et pour qu’il soit aussi élevé que possible, compte tenu de nos exigences et de notre force organisée.

Le fait que notre salaire soit aussi fragmenté est une arme formidable dans les mains du patron.

Le forfait et la prime de production, par exemple, ne sont pas autre chose qu’une façon de nous rendre complices de l’exploitation que nous subissons : c’est une course suicide aux cadences qui augmentent toujours, et qu’on nous fait faire pour quelques lires de plus.

Autre exemple : quand on est au chômage « technique » – ça ne dépend pas de nous, mais du patron – les patrons font des économies sur notre dos.

Mais en étant payé au taux de base seulement, tel qu’il est maintenant, personne ne peut s’en tirer : d’autre part, la production, ça n’intéresse que le patron, sûrement pas nous.

Nous, ce qui nous intéresse, c’est le salaire.

Prenons encore un autre exemple : étant donné que le patron se fout complètement que nous crevions ou que nous nous esquintions la santé, la nocivité de certains travaux reste sans changement, et en échange de notre peau, on nous donne quelques lires de plus.

Comme ça, ils espèrent nous convaincre que nous sommes quittes: quatre sous de plus en échange de la silicose, d’une infirmité ou de la dépression nerveuse, et justice est faite.

Ils réussissent à envoyer trois couillons sur la lune, mais ils n’arrivent pas à éliminer la nocivité du travail.

Là aussi, il n’y a qu’une seule réponse : non âla nocivité, et en attendant, réduction des heures de travail, intégration des primes au salaire.

C’est comme ça que nous nous renforçons et que le patron s’affaiblit.

L’exploitation et la domination que le patron nous impose sont étroitement liés à la façon dont le travail est organisé, à l’utilisation qu’en fait le patron, pour contrôler et écraser les ouvriers : le salaire de poste, les augmentations au choix, les diverses indemnités, les forfaits, les primes et ainsi de suite.

Que tout ça soit intégré au salaire de base, ça veut dire s’opposer concrètement à la liberté de manoeuvre du patron sur notre dos.

TEMPS DE TRAVAIL

Nous voulons les 40 h. , nous les voulons sans perdre une seule lire, nous les voulons tout de suite.

On avait déjà demandé ça il y a 6 ans, pour les contrats de 1962, et on n’a encore rien vu venir.

La diminution des heures de travail est une revendication fondamentale, qui nous permet de nous unir concrètement avec les ouvriers des autres usines, et tout d’abord à ceux des usines que la logique capitaliste condamne au chômage croissant.

La diminution des heures de travail est une bonne façon de riposter à l’intensification du travail telle que nous la subissons à Fiat, et en même temps au chômage.

Mais tout d’abord, il faut dire que les 40 heures ne doivent pas servir au patron.

Les capitalistes les plus avancés sont tout à fait disposés à donner les 40 heures en échange d’une restructuration de la semaine de travail.

Par exemple, ils voudraient – comme l’a dit Pirelli – nous enlever le dimanche férié, et nous donner deux jours par semaine à tour de rôle.

Comme ça, ils peuvent faire fonctionner la production sans interruption pendant sept jours par semaine, dimanche compris, et utiliser les machines au maximum.

Pour nous, il n’y aurait plus de jours fériés, sauf quand le patron le voudrait bien.

Ou bien encore, toujours dans le même but, ils voudraient faire faire l’équipe de nuit à tous les ouvriers.

Mais la nuit est faite pour dormir.

Non seulement, nous n’accepterons pas de faire les équipes de nuit, mais nous demanderons partout où c’est possible l’abolition des équipes de nuit.

Cela ne doit plus se produire.

Mais nous savons aussi que la diminution des heures de travail, pour être effective, doit être liée à la question des heures supplémentaires.

Déjà maintenant les ouvriers italiens ne font pas les 43 ou 44 heures dont on parle dans les contrats.

Ils en font beaucoup plus.

Demander les 40 heures et ne pas supprimer les heures supplémentaires, ça veut dire se foutre de nous.

Maintenant, les patrons réussissent à nous imposer les heures supplémentaires – mis à part ceux qui les font uniquement parce qu’ils sont des salauds – parce que le salaire est trop bas et ne nous permet pas de nous en tirer.

C ‘est pourquoi toutes nos revendications sont liées :

– augmentations de salaire importantes

– les 40 heures

– suppression des heures supplémentaires

Il est inadmissible que dans les usines comme Fiat, où les conditions de travail sont épouvantables, il y ait des ouvriers qui fassent dix, onze heures de travail ou plus.

Il est inadmissible que cette surexploitation – qui rapporte énormément au patron et qui est payée une misère si ont tient compte des retenues – serve au patron à ne pas embaucher d’autres ouvriers.

Il est inadmissible que le patron se serve régulièrement des heures supplémentaires pour récupérer ce qu’il perd à cause des grèves que nous faisons.

CLASSIFICATION

Compte tenu de la production de l’usine, les classes n’ont pas de sens : nous sommes tous capables de tout faire.

Leur seul but est de nous diviser et de nous dresser les uns contre les autres, les jeunes contre les vieux, les ouvriers récemment embauchés contre les plus anciens, les ouvriers contre les ouvrières et ainsi de suite.

Nous devons avoir pour but de supprimer les classes, et, en attendant, demander la suppression des classes inférieures.

EGALITE COMPLETE AVEC LES EMPLOYES

Les employés et les ouvriers sont les esclaves du même patron.

Mais le patron réserve un « traitement de faveur » aux premiers, sur certains points, pour qu’ils continuent à croire qu’ils sont différents des ouvriers, et qu’ils se comportent en conséquence.

C’est exactement le même jeu que les patrons jouent aux Etats-Unis avec les ouvriers blancs et les ouvriers noirs.

Mais toutes les différences créées artificiellement par le patron doivent disparaître ; non seulement les différences de condition, mais les différences de salaire.

Commençons tout de suite par faire disparaître les différences de condition : cela doit donc signifier les mêmes droits pour les ouvriers et les employés (et pas seulement le vague « rapprochement » dont parlent les syndicats) ; cela doit signifier les mêmes droits pour tous : les vacances, les arrêts de travail, les indemnités et, non seulement en cas de maladie ou d’accident, mais tout le temps.

UNE LUTTE PROLONGEE

Voilà les objectifs qui- doivent être au centre de notre lutte et que nous ne sommes pas disposés à marchander contre d’autres concessions .

Bien sûr, ça ne veut pas dire qu’il n’y a plus de problèmes : ça veut dire tout simplement que c’est sur la base de ces objectifs, du fait qu’ils répondent à nos besoins et à notre force, que l’organisation autonome des ouvriers peut grandir en ce moment.

Et cette organisation est bien celle qui nous permet d’affronter les autres problèmes, ceux qui ne peuvent être résolus après une seule lutte.

Elle s’est déjà constituée, bren que d’une façon encore incomplète, à Fiat.

C’est le cas pour le problème des cadences qu’aucune négociation ne permettra de résoudre.

Ce problème ne pourra être réglé que par une lutte prolongée et organisée, dans l’usine, pas seulement contre les augmentations de production, mais pour la réduction de la production.

C ‘est le cas pour le problème de la lutte à l’extérieur de l’usinera où le patron récupère ce que nous lui arra-chons par nos luttes, en augmentant les prix, là où le patron essaie de nous isoler et de nous imposer ses idées.

L’organisation que nous créons dans l’usine est le point de départ pour nous unir en dehors de l’usine aussi, là où nous habitons, pour lutter contre les loyers, contre l’augmentation des prix, contre l’école bourgeoise.

Nous voulons construire des formes d’organisation qui uniront les ouvriers de toutes les branches, les étudiants, les autres travailleurs, pour avoir toujours l’initiative.

Corso Traiano [Avenue de Turin où, le 3 juillet 1969, ouvriers et étudiants de la ville ont tenu tête à la police pendant près de 24 heures] et Nichelino en sont deux beaux exemples.

LES FORMES DE LUTTE

Il ne suffit pas de savoir pourquoi nous nous battons, il faut aussi savoir comment.

L’époque de la passivité, celle où nous attendions que les syndicats décrètent un jour de grève pour en faire un jour de congé, au mieux faire un tour aux piquets, cette époque-là est terminée.

En automne il est possible, c’est même sûr,que les luttes démarrent dans beaucoup d’usines, sans attendre le coup d’envoi des syndicats.

De toute façon, les grèves des syndicats nous serviront à expérimenter notre force.

Mais ces grèves que les syndicats ont l’intention de nous faire faire sont celles qui nous coûtent le plus cher.

Ce sont celles qui coûtent le moins au patron : il est prévenu si longtemps à l’avance qu’il a le temps de s’organiser pour les récupérer.

Ce sont celles qui nous sont le moins utiles pour nous unir et nous organiser.

Pendant la lutte de Mirafiori, comme pendant celle de Pirelli à Milan, et celles des luttes récentes les plus avancées, les ouvriers ont remporté une grande victoire.

Si le patron nous rassemble dans l’usine, c’est pour produire des profits ; pour celui qui regarde notre organisation et notre lutte, il se sert de tout pour nous diviser, il nous arrive de travailler côte à côte pendant huit heures et de ne pas arriver à échanger trois mots, encore moins d’arriver à nous connaître .

Notre lutte nous à fait comprendre que si l’usine est le centre du pouvoir patronal, elle peut et elle doit devenir le centre de notre force.

Nous avons compris que le fait de mener la lutte dans l’usine nous permet de nous unir, de discuter entre nous, de nous organiser, tout cela dix fois plus que pendant les grèves à l’extérieur.

Nous avons compris qu’avec cette organisation, en faisant passer la lutte d’un atelier à l’autre, nous pouvions porter des coups encore plus sévères au patron avec le minimum de pertes.

Les luttes de l’automne seront un occasion unique pour généraliser, grâce aux luttes à l’intérieur de l’usine, l’organisation autonome qui existe déjà dans quelques ateliers.

Ce sera une occasion unique pour renforcer la capacité de lutte dans les usines italiennes où elle est encore insuffisante.

C’est seulement la lutte dans l’usine qui nous permet d’envisager un combat prolongé contre le patron ; c’est là qu’il est le plus faible, là qu’il paie le prix fort.

Qu’il soit bien clair, à partir de maintenant, que nous n’accepterons plus d’arrêter des luttes pour des négociations, pour donner au patron une belle occasion de planifier les grèves comme il l’entend.

C’est pendant le déroulement de la lutte qu’on discute.

Bien entendu, ça ne veut pas dire qu’il faut enfermer la lutte entre les murs de l’usine, mais ça veut dire qu’il faut utiliser l’usine comme point de départ, comme l’endroit où se construit la force qui nous permet d’en sortir au bon moment, avec les formes correctes et en bon ordre.

Ça veut dire également que nous pourrons trouver la riposte ouvrière la plus efficace à toutes les tentatives du patron pour reprendre le dessus : le lock-out ou les licenciements par exemple.

La riposte, ce sera l’intensification de la lutte dans l’usine et l’occupation s’il le faut.

Agnelli, comme tous les autres capitalistes, préfère sûrement que les ouvriers aillent faire des dégâts Piazza Statuto.

Là au moins il peut leur envoyer ses bandes de flics.

Mais s’ils s’emparent de l’usine, les choses à détruire sont beaucoup plus précieuses.

Pendant la lutte de la Fiat et pendant bien d’autres luttes prolétariennes en Italie, c’est la masse des ouvriers qui a fait preuve d’une conscience révolutionnaire élevée en montrant qu’ils savaient qu’il n’y avait pas de solution à leurs problèmes de classe en dehors de la destruction du capitalisme, en dehors de la destruction des classes.

Dans l’étape actuelle, le problème qu’il nous faut résoudre, c’est de traduire cette richesse révolutionnaire en processus de lutte, en formes organisationnelles.

Pendant les luttes de l’automne, ce n’est pas le problème du combat entre les prolétaires et les forces armées du capital pour la conquête du pouvoir qui se posera.

Le problème qui se pose, c’est celui de l’organisation autonome des ouvriers.

Et pour cela, la lutte à l’intérieur de l’usine joue un rôle décisif.

SIGNIFICATION DE LA LUTTE

Quand des millions d’ouvriers partent ensemble au combat, comme c’est le cas pour le renouvellement des contrats collectifs, le danger est toujours énorme pour les patrons.

Mais ceux-ci espèrent bien s’en tirer en signant avant ou après un accord avec les syndicats.

Ensuite, ils collaboreront pour ‘le faire respecter » : c’est-à-dire pour réduire « les pertes » au minimum et pour arrêter toutes les luttes au nom de la signature.

Mais cette fois, le danger est plus grand que jamais pour les patrons.

Ces derniers temps, les ouvriers ont appris non seulement à mener une lutte prolongée,mais encore à lutter d’une manière autonome, à décider eux-mêmes pourquoi et comment lutter.

A la Fiat, comme dans beaucoup d’autres usines, c’est pour cela qu’ils ont commencé à s’organiser et à mener des luttes sans accepter quelque contrôle que ce soit.

Et dans ces luttes, les ouvriers ne sont pas seuls.

Depuis deux ans, les étudiants se battent contre les mêmes ennemis.

Les paysans et les ouvriers agricoles, en ce mo – ment même, mènent de dures batailles.

Même les employés et les agents techniques qui paraissaient jusque là les plus dociles au patron ont commencé à se mobiliser dans certaines usines de Milan et à la Fiat elle-même (grèves de la mécanographie, par exemple).

Ainsi, les patrons savent que ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement quelques lires d’augmentation en plus ou en moins.

Ils savent que ce qui est en jeu, c’est leur pouvoir.

Ils savent que pour la première fois depuis des années peut surgir de ces luttes une union organisée des travailleurs, capable de leur tenir tête et de balayer tous les compromis des syndicats et des partis.

C’est pourquoi ils utiliseront tous les moyens à leur disposition pour nous faire plier la tête et pouvoir nous narguer ensuite : « vous avez vu, vous vouliez n’en faire qu’à votre tête et vous avez pris une raclée ».

Ils ont beaucoup de moyens à leur disposition : l’Etat, la police, les tribunaux qui sont à leur solde.

Les syndicats ne mettent pas longtemps à se mettre d’accord pour freiner eux aussi la lutte des travailleurs au prix de quelques concessions : ces dernières semaines, à la Fiat, nous l’avons bien vu.

Ce sera donc un rude combat.

Mais nous sommes décidés à nous battre jusqu’au bout, parce que, dans ce combat, une seule victoire vaut plus que toutes celles du passé.

Nous pouvons sortir de cette lutte en ayant obtenu,non seulement plus que ce que nous voulions – et nous en avons bien besoin -, mais encore une force organisée qui soit vraiment la nôtre , et qui nous servira pour toutes les grèves que nous déciderons.

Cette force, elle ne se fait pas d’elle-même.

Elle est comme le combat futur : un combat dur et prolongé ; la victoire ne vient pas « d’elle-même », en comptant seulement sur l’élan spontané des masses.

Il faut que les ouvriers les plus conscients, les plus décidés ne s’arrêtent pas à quelques augmentations, mais pensent à l’objectif final : le renversement du pouvoir du patron. Qu’ils prennent la tête des luttes.

Il faut que des groupes de travailleurs se forment pour préparer la lutte, pour donner toutes les explications nécessaires à leurs camarades, pour les convaincre et les mobiliser.

D’une usine à l’autre, d’une ville à l’autre, il faut que ces groupes s’unissent.

C’est pourquoi, avant les vacances, nous avons organisé une rencontre nationale des travailleurs en lutte de différentes villes d’Italie : ce congrès sera un premier pas vers l’unité.

Turin

22 Juillet 69

Ouvriers et étudiants

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Brigades Rouges : A l’occasion de la mort de Mara Cagol

Aux camarades de l’organisation, aux forces sincèrement révolutionnaires, à tous les prolétaires. Est tombée en combattant MARGHERITA CAGOL, « MARA », dirigeante communiste et membre du comité exécutif des Brigades Rouges.

Sa vie et sa mort sont un exemple qu’aucun combattant pour la liberté ne pourra oublier.

Fondatrice de notre organisation, « MARA » a fait une inestimable contribution d’intelligence, d’abnégation et d’humanité à la naissance et la croissance de l’autonomie prolétaire et de la lutte armée pour le communisme.

Commandante politico-militaire d’une colonne, « MARA » a su guider victorieusement quelques unes des plus importantes opérations de l’organisation. Il y a notamment la libération d’un de nos camarades [Renato Curcio, dirigeant et compagnon de Mara Cagol, le 18 février 1975] de la prison de Casale Monferrato.

Nous ne pouvons pas nous permettre de verser des pleurs sur des nôtres qui sont tombés, mais devons apprendre de la leçon de loyauté, cohérence, courage et héroïsme !

C’est la guerre qui décide, en dernière analyse, de la question du pouvoir : la guerre de classe révolutionnaire. Cette guerre a un prix : un prix certainement haut, mais pas si haut pour faire préférer l’esclavage du travail salarié, la dictature de la bourgeoisie dans ses variantes fasciste ou social-démocrate.

Ce n’est pas le vote qui décide de la question du pouvoir ; ce n’est pas avec un bulletin que se conquiert la liberté.

Que tous les révolutionnaires sincères honorent la mémoire de « MARA », en méditant l’enseignement politique qu’elle a su donner avec son choix, avec son travail, avec sa vie.

Que mille bras se lancent pour saisir son fusil ! Nous, comme ultime salut, nous disons : « Mara » [c’est-à-dire Marguerite, comme la fleur] une fleur a fleuri, et cette fleur de la liberté les Brigades Rouges continueront à la cultiver jusqu’à la victoire !

LUTTE ARMÉE POUR LE COMMUNISME

Brigades Rouges

5 juin 1975

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Brigades Rouges: Condamnation de Roberto Peci (1981)

1juil1981

Brigades Rouges: Condamnation de Roberto Peci

LA RÉVOLUTION NE PEUT PASSER EN PROCÈS : LE PROLÉTARIAT FAIT LE PROCÈS DE LA BOURGEOISIE !

CONSTRUIRE LE PARTI COMMUNISTE COMBATTANT ET LES ORGANISMES DE MASSE RÉVOLUTIONNAIRES !

RÉPÉRER ET ANÉANTIR LES AGENTS DE LA CONTRE-RÉVOLUTION INFILTRÉS DANS LE MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE !

ATTAQUER LES APPAREILS DE GUERRE QUI PLANIFIENT LA CAPTURE ET LA TORTURE DES PROLÉTAIRES, ANÉANTIR SANS MÉDIATIONS LES FORCES CONTRE- RÉVOLUTIONNAIRES QUI LES GÈRENT !

L’UNIQUE RAPPORT DE LA RÉVOLUTION PROLÉTAIRE AVEC LES TRAÎTRES EST L’ANÉANTISSEMENT !


Camarades, prolétaires,

Avec la capture du traître Roberto Peci et le procès prolétaire auquel il est soumis, cette insidieuse stratégie contre-révolutionnaire qui se centre sur le « projet repentis » se trouve attaquée, démantelée et frappée au coeur.

Dans les plans des stratèges de la contre-révolution préventive (les Dalla Chiesa, Caselli, Neppi Modona, les Beria d’Argentine, les Pecchioli…), ce projet devait frapper la guérilla et la mettre en crise de l’intérieur, il devait représenter le « début de la fin » d’un processus historique désormais profondément enraciné et consolidé dans notre pays : la lutte armée pour le communisme.

1. CE PROJET INFÂME A DÉJÀ FAILLI PARCE QUE LES FORCES RÉVOLUTIONNAIRES SONT EN TRAIN DE LE BALAYER !
LE PROJET REPENTIS EST AUJOURD’HUI UNE CONTRADICTION DE PLUS POUR LA BOURGEOISIE, QUI DOIT PAYER LES CONSÉQUENCES DE SES SALES COMPLOTS ! ! !

Roberto Peci a eu un rôle précis dans le projet contre- révolutionnaire impérialiste, une fonction précise et de graves responsabilités.

Roberto Peci est un traître à la révolution. Les misérables déclarations de son infâme frère et de la famille ne peuvent plus cacher une vérité scandaleuse et les assassinats de communistes pour défendre, jusqu’au bout, un peu de tranquillité bourgeoise.

Tous les moyens de la contre-guérilla psychologique ne suffisent plus à couvrir l’immonde projet que les carabiniers ont planifié et mis en oeuvre avec la pleine collaboration des deux poux de la maison Peci. Le mouvement révolutionnaire et le prolétariat métropolitain ont aujourd’hui la possibilité d’imposer la justice prolétaire.

2. ROBERTO PECI EST UN TRAÎTRE, MORT AUX TRAÎTRES À LA RÉVOLUTION PROLÉTAIRE !
ROBERTO PECI EST UN AGENT DE LA CONTRE-RÉVOLUTION INTÉGRÉ AU PROJET REPENTIS. LES REPENTIS NE SONT QUE DES DÉLATEURS STIPENDIÉS. LES REPENTIS DOIVENT ÊTRE ANÉANTIS PAS LES FORCES RÉVOLUTIONNAIRES !

Dans le délire des contre-révolutionnaires, comme dans leurs rêves, le monde semble renversé.

C’est la révolution qui se charge de les remettre tous sur leurs pieds, bien ancrés en terre, et de mettre les contradictions en évidence de manière explosive.

Le projet « repentis » se révèle aujourd’hui tel qu’il est réellement : une tragique farce de foire dans laquelle les rôles et les fonctions sont définis depuis longtemps.

D’une part, une poignée de lâches traîtres, qui ont toujours vécu en marge et à la traîne du mouvement révolutionnaire, qui ont prétendu réduire la complexité et la richesse du processus révolutionnaire aux limites bornées de leur propre subjectivisme et de leur propre individualisme, et qui, face à l’élévation du niveau de l’affrontement de classe, ont cru pouvoir se vendre impunément à l’ennemi. Ces délateurs stipendiés doivent être repérés, démasqués et anéantis.

D’autre part, un régiment toujours plus vaste de stratèges et d’exécutants des projets de la contre-révolution préventive. Rien n’arrête ces vautours, comme le démontrent clairement les « deux arrestations » du pou Patrizio Peci et les assassinats de via Fracchia.

Contre ces louches personnages qui sont au centre du complot contre-révolutionnaire, la guérilla doit intensifier ses attaques et pratiquer continuellement une stratégie d’anéantissement qui ne laisse sur pied aucune de leurs constructions.

La structure intégrée des carabiniers, policiers, magistrats, avocats et experts qui planifient la capture et la torture des forces révolutionnaires doit être continuellement attaquée et démontée pièce après pièce. Aucune médiation, aucun retard n’est plus permis dans la guerre à la stratégie différenciée de l’impérialisme, qui recouvre des aspects toujours plus agressifs. Les opérations Peci, les opérations Buonavita ne doivent plus être possibles.

3. CE NE SONT PAS SEULEMENT LES BRIGADES ROUGES QUI RENDRONT LA SENTENCE À L’ÉGARD DU TRAÎTRE ROBERTO PECI, MAIS TOUT LE MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE ET LE PROLÉTARIAT MÉTROPOLITAIN.

Camarades, prolétaires,

Le problème de la délation et de la trahison n’est pas un problème des seules Brigades Rouges, mais un problème du mouvement révolutionnaire tout entier et de tout le prolétariat métropolitain. Parce qu’il n’existe pas le problème de « Roberto Peci : le traître », mais celui de « Roberto Peci : un traître », et qu’il apparaît derrière le problème historico-politico-militaire de fond.

Si aujourd’hui, la trahison est savamment construite et exploitée par la bourgeoisie, qui en a fait un axe portant de son projet de contre-révolution préventive, à travers un lent et constant travail de construction subjective du « repenti », il n’en est pas moins vrai qu’elle s’enracine profondément dans un terrain objectif qui a sa consistance historique dans la reproduction de l’idéologie bourgeoise à l’intérieur du prolétariat, et jusqu’au sein de son avant-garde et de sa direction historique : le Parti.

Vit aussi à l’intérieur du prolétariat et du parti lui-même la dialectique fondamentale de l’affrontement de classe entre l’affirmation de la conscience révolutionnaire et sa négation, entre l’affirmation de la juste ligne et la re-proposition de pratiques déviantes, subjectivistes, militaristes et organisativistes.

Et quand l’affrontement entre révolution et contre-révolution avance, quand les raisons de la révolution commencent à prendre corps, la trahison devient l’arme ultime aux mains de la bourgeoisie.

La crise du capitalisme accélère la restructuration impérialiste et élève le niveau de l’affrontement de classe. La stratégie de l’État impérialiste des multinationales est la contre- révolution globale préventive. Elle envahit chaque zone de la formation sociale et s’infiltre dans le processus révolutionnaire pour le détruire de l’intérieur.

La trahison a une explication historique et c’est celle-là ! C’est dans l’infiltration de l’idéologie bourgeoise dans le prolétariat, dans sa reproduction à l’intérieur du parti, que doivent être recherchées les causes politiques de la trahison et du sordide marché qu’il y a derrière.

LA LUTTE IDÉOLOGIQUE EST L’ARME PRINCIPALE CONTRE LA TRAHISON !

À travers la lutte idéologique, à travers la clarté et la fermeté sur la juste ligne, les armes de la critique contre l’infiltration de l’idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise doivent être affinées et renforcées, afin de donner une juste résolution politico-militaire au problème.

Seul un débat à travers l’ensemble du mouvement révolutionnaire et à travers tout le prolétariat métropolitain sur ces questions pourra ramener le traître Roberto Peci à sa juste dimension politique, et seulement de cette manière, la sentence émise à son égard pourra exprimer cette humanité qui caractérise la justice prolétaire.

C’est dans la dialectique parti-masses que prennent place les éléments concrets de la croissance du pouvoir prolétaire armé, de l’avancée du processus révolutionnaire. Et c’est seulement en agissant en parti qu’il est aujourd’hui possible de faire vivre cette dialectique dans ces justes termes.

Agir en parti, cela signifie, entre autres choses, faire vivre dans le programme tactique de conjoncture les contenus essentiels du programme général de transition au communisme, c’est-à-dire la désarticulation des projets contre-révolutionnaires de la bourgeoisie et la construction du système du pouvoir prolétaire armé. Parce qu’il ne peut y avoir désarticulation sans, dans le même temps, construction.

Aujourd’hui, la Campagne Peci s’articule selon ces lignes directrices, parce que, dans le même temps qu’elle désarticule, en attaquant en profondeur le projet repentis, elle construit, en posant la question des traîtres dans sa juste dimension politique, elle éclaire et renforce la lutte idéologique.

Nous avons dit que le mouvement révolutionnaire dans son ensemble et chaque secteur du prolétariat métropolitain devaient s’exprimer sur le débat en cours et, en conséquence, sur le sort qui en découle pour le traître Roberto Peci, dans la mesure où le problème de la délation intéresse chaque détermination du prolétariat métropolitain et chacune de ses instances organisées, précisément du fait de son caractère d’attaque globale au processus révolutionnaire.

Pour éviter toute confusion, et surtout pour empêcher que se greffent sur cette dialectique les habituelles sordides manoeuvres de la bourgeoisie, il vaut mieux être extrêmement clairs : nous faisons ci-après la liste des instances qui doivent s’exprimer sur le sort du traître Roberto Peci, et dont les évaluations et décisions doivent être intégralement publiées dans les organes de presse et dans les autres moyens de communication sociale.

a) Les communistes qui viennent d’être jugés et qui sont encore en procès au tribunal spécial de guerre de Turin ;

b) Les prolétaires prisonniers des Comités de Lutte, enfermés dans les prisons du régime, en lutte contre la stratégie différenciée, pour l’affirmation du pouvoir prolétaire armé (CdL de Nuoro, CUC de Palmi, CdL de Messina, CdL de Pianosa, CdL de Trani, CdL de Fossombrone, CdL de Cuneo, CdL de Rebbibia) ;

c) Les chômeurs organisés et le prolétariat marginal en lutte à Naples et à Rome contre la restructuration du marché du travail, pour la construction des organismes de masse révolutionnaires et du pouvoir prolétaire armé (les Chômeurs Communistes pour le Pouvoir Prolétaire de Naples et les organismes de lutte du prolétariat marginal dans l’aire métropolitaine romaine) ;

d) La classe ouvrière : les ouvriers en lutte contre les licenciements, le chômage partiel, l’exploitation, la nocivité des pôles industriels de Turin, Milan, Porto Marghera, Naples ; les ouvriers en lutte contre les licenciements et le chômage partiel à la Fiat de Turin, à l’Alfa Romeo d’Arese et à l’Alfasud de Pomigliano D’Arco, à la Pétrochimie de Porto Marghera (le Comité des Travailleurs de la Pétrochimie).

Un seul obstacle se pose à l’émission d’une juste sentence prolétaire : le ridicule black-out que l’Exécutif veut imposer, et que la presse de régime accepte passivement, sur les contenus et les objectifs de la Campagne Peci.

À tous, patrons et valets, politiques et militaires, les Brigades Rouges rappellent encore une fois une seule chose : seule la publication intégrale des communiqués et des déclarations du traître Roberto Peci peut permettre que s’exprime à son égard cette humanité qui caractérise la justice prolétaire !!!

POUR LE COMMUNISME !

Brigades Rouges. Front des Prisons. 1er juillet 1981 

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