Collectif des prisonniers révolutionnaires des Brigades Rouges : L’Union Soviétique est une formation sociale de type capitaliste

[Après la grande bataille politique de la seconde moitié des années 1970, les Brigades Rouges se retrouvaient coincées : si elles avaient rejeté en pratique le révisionnisme du Parti « Communiste » italien, elle étaient loin d’avoir une base idéologique suffisamment développée pour être à même de le remplacer au cœur des masses.

Or, ne pas y parvenir, c’était basculer dans le militarisme et le subjectivisme. C’est dans ce cadre que les membres emprisonnés des « BR » rédigent en 1980 leur grand ouvrage d’économie politique, intitulée L’abeille et le communiste, sur le base du marxisme-léninisme reconnaissant Mao Zedong comme son représentant le plus avancé.

Le présent document appartient à ce contexte ; deux points sont aussi à souligner.

Tout d’abord, de manière propre à l’Europe de l’ouest alors, la thèse maoïste du capitalisme bureaucratique et du semi-féodalisme est inconnu.

A l’opposé de la Fraction Armée Rouge allemande qui considère que l’URSS a un rôle révolutionnaire passif et a un impact positif pour les « Etats nationaux » et leur développement, les BR voient bien que cela ne va pas du tout et que le social-impérialisme soviétique est une force d’exploitation et d’oppression.

Mais elles ne parviennent pas à voir autre chose qu’une « exportation » du « modèle soviétique », tout en comprenant en même temps que cela ne serait pas valable pour l’Italie capitaliste : c’est ici la problématique semi-coloniale des pays opprimés qui n’est pas vu.

Le second point concerne la restauration du capitalisme en URSS. Tout comme les autres forces progressistes en général en Europe de l’Ouest alors, les br ne connaissaient pas les débats idéologiques et culturels concernant le matérialisme dialectique lors de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ; c’est Gonzalo au Pérou qui a compris la question de la bataille idéologique et culturelle pour la superstructure.

Partant de là, les BR devaient reculer la date des problèmes en URSS et en Chine populaire, jusqu’à basculer dans le gauchisme traditionnel considérant que le « ver est dans le fruit » à la base, dès les années 1920, etc.

Cela fut l’un des aspects du basculement dans le gauchisme, un autre étant la réduction de la crise générale du capitalisme à une surproduction du capital.]

Collectif des prisonniers révolutionnaires des Brigades Rouges,
prison de Palmi, février 1980

L’Union Soviétique est une formation sociale de type capitaliste

Le sujet de notre travail n’est pas l’analyse-critique de l’U.R.S.S. « en tant que Pays socialiste » comme si l’Union Soviétique était une formation socio-économique inconnue et inexplorée encore à l’heure actuelle: en réalité une étude avec des prémisses pareilles rentre dans des domaines différents de ceux que nous posons à la base de notre enquête politique.

De ce point de vue, la critique pratique des camarades chinois, indépendamment des aboutissements contre-révolutionnaires de la Révolution chinoise, représente aujourd’hui encore un patrimoine, non seulement pas encore atteint ailleurs, mais définitivement acquis.

Et ce n’est pas non plus l’analyse du « social-mpérialisme », parce que même en y recourant, nous ne considérons pas la catégorie du « social-impérialisme » comme une catégorie valable, capable de rendre compte, de façon exhaustive, de la complexité de la formation soviétique.

Qu’est que c’est en effet, que le « social-impérialisme » ? Pour les camarades chinois, qui en premier ont utilisé ce terme, le « social-impérialisme est socialisme dans les paroles et impérialisme dans les faits ».

Cette définition est inadéquate au moins sous deux aspects: en premier lieu parce qu’elle laisse entendre que l’impérialisme est une politique, un comportement, et non comme il l’est, dans la réalité, une phase du développement du capitalisme (celle de la surproduction du capital).

Ce n’est donc pas par hasard que la critique chinoise du « modèle soviétique » soit devenue, surtout après la mort de Mao, une critique de la politique étrangère de l’U.R.SS., qui s’enracine et trouve ses motivations dans l’agressivité traditionnelle de l’« Ours russe » (sic !).

En second lieu parce que cette définition reconnaît comme principale contradiction de la formation soviétique celle entre une structure économique de type capitaliste et une superstructure idéologique de nature socialiste, ce qui, au moins, simplifie excessivement une réalité bien plus complexe et beaucoup moins schématique.

Même si l’idéologie joue, en U.R.S.S., un rôle dominant et spécifique, le fait de réduire l’originalité du « modèle soviétique » à la contradiction entre l’idéologie (à son tour conçu comme « Le parti ») et l’économie veut dire résoudre le problème de la restauration du capitalisme en Russie en faisant appel à la théorie bourgeoise du « complot », de la « conjuration de palais », qui aurait amené, par le seul meurtre de Staline et par la prise pure et simple du pouvoir à l’intérieur du Parti, à remplacer la dictature du prolétariat par celle de la bourgeoisie.

Même si cette interprétation saisit une partie de la vérité, elle est néanmoins largement insuffisante, en considérant que le matérialisme historique n’est pas une « théorie marxiste des coups d’Etats »….

Quel est, alors, l’objet de notre travail ?

Nous nous proposons, fondamentalement, d’analyser comment le mode de production capitaliste opère dans la formation socio-économique soviétique; dans quelles conditions spécifiques et avec quelles formes originales.

Du point de vue de la méthode, donc, notre enquête a pour but la démonstration d’une thèse politique qui représente à la fois notre point de départ et notre point d’arrivée: c’est-à-dire que l’U.R.S.S. est une formation de type capitaliste.

Mais tout cela n’est pas encore suffisant pour distinguer notre travail d’un travail avec des finalités purement théoriques, si nous n’ajoutons que la tache principale que nous nous posons est celle d’analyser comment le capitalisme agit en Union Soviétique, avec quels mécanismes et avec quelles caractéristiques.

A l’intérieur de cette problématique, une place centrale est occupée pas la question de la crise, en particulier le rapport entre l’existence de la crise et sa façon de se manifester. C’est, en fait, à partir de la compréhension de la nature de ce rapport qu’il devient possible de donner à notre étude sur le capitalisme en U.R.S.S. une orientation qui le rende fonctionnel aux intérêts et eux exigences politiques de la lutte révolutionnaire aujourd’hui dans notre pays.

Tachons de mieux nous expliquer.

Certains camarades pourraient répliquer que la question du « social-impérialisme » ne représente pas une question décisive pour la révolution en Italie, au moins parce que notre principal ennemi est l’impérialisme et que de toute façon notre pays ne rentre pas dans la sphère d’influence Soviétique.

Cette remarque, apparemment fondée et irréprochable, oublie en réalité soit que le cours de la lutte de classe en Italie dépend de mesure toujours croissante du cours de la crise capitaliste au niveau international et par conséquent de l’affrontement entre les deux superpuissances (mieux, entre les deux zones capitalistes fondamentales, celle dominée par les États-Unis et celle sous hégémonie de l’U.R.S.S. ), soit que la révolution doit forcement avoir une capacité de prévision, et partant d’anticipation de telle manière à pouvoir permettre, a travers une analyse rigoureusement marxiste, de repérer ce que sont les ennemis futurs, même s’ils n’apparaissent pas aujourd’hui en tant que tels.

En substance ce qui justifie notre intérêt pour l’U.R.S.S. est soit la certitude, fondée de manière marxiste, que la guerre inter-impérialiste, indépendamment des formes concrètes qu’elle prendra, sera le débouché inévitable à la crise actuelle de surproduction et que cet événement, directement ou pas, est destiné à nous impliquer; c’est-à-dire la conviction, appuyée sur l’expérience historique du prolétariat international, qu’il est illusoire de penser pouvoir battre un impérialisme en feignant que l’autre n’existe pas, ou encore pire en s’appuyant sur lui.

Ces prémisses une fois affirmées, il devient maintenant plus aisé de tracer les lignes générales de notre schéma concret de travail.

Il y a deux orientations que nous voulons privilégier: la première concerne le domaine de la théorie économique soviétique dans son processus contradictoire de formation; la seconde les étapes les plus significatives du déroulement historique de la formation sociale et politique russe.

La nécessité de définir ces domaines d’enquête principaux ressort de la complexité et en même temps de la spécificité du « modèle soviétique », comme de l’étroite interdépendance entre politique et économie, superstructure et structure qui se réalise originellement à l’intérieur de ce modèle (l’exemple soviétique est un exemple pratique non seulement de la relative autonomie de la sphère de la superstructure, mais aussi et surtout du caractère décisif qu’elle peut prendre dans des périodes déterminées dans des situations historiques déterminées).

En ce qui concerne le premier domaine de recherche, notre attention sera concentrée sur la catégorie de la planification et sur la façon dont elle opère concrètement en Union Soviétique. Ce choix n’est pas arbitraire, mais il dérive de notre intention de critiquer le révisionnisme soviétique en partant de son point de vue même et en retournant contre lui les mêmes instruments théorico-politiques qu’il utilise pour se justifier et pour se préserver.

Il est connu que les économistes soviétiques, ceux qui font partie de la dictature du prolétariat comme les économistes actuels, repèrent dans le plan la différence substantielle entre une économie capitaliste (dominée par l’anarchie de la production et du marché) et une économie de transition (économie planifiée).

S’il est vrai que c’est sa possibilité de planification qui contre-distingue une économie socialiste (ici et ailleurs nous utilisons indifféremment le terme « socialiste » et celui de « transition », même si seulement ce dernier nous apparaît correct vu que le socialisme existe seulement comme « phase inférieure du communisme », comme transition du capitalisme au communisme, donc il n’y a pas de sens à parler ni de société « socialiste » ni encore moins de « mode de production socialiste »), cela signifie que les économistes russes considèrent comme la contradiction principale et spécifique de tout mode de production celle entre production et consommation: tandis que dans le capitalisme cette contradiction opère réellement comme telle, dans le socialisme elle ne peut pas jouet un rôle décisif parce que le plan en étouffe les effets, en exerçant une fonction d’équilibre.

Ce genre de position théorique est tirée d’une lecture incorrecte et partielle du « Capital » de Marx et sous-tend une conception de la crise vue comme une « crise de disproportion » et non pas de surproduction absolue de plus-value – capital.

C’est à cause de cela que notre recherche partira des schémas de reproduction élargie et d’accumulation du IIe livre du « Capital », que nous étudierons avec le but de lire, dans l’interprétation qui a été donnée d’eux par les épigones de Marx et par les révisionnistes soviétiques, l’origine des modèles économiques qui sont appliqués en U.R.S.S., en vérité avec peu de succès.

Nous récupérerons aussi, en outre des schémas marxiens du IIe livre, les catégories de « valeur » et de « valeur d’usage », « composition technique et composition en valeur » et « fétichisme » pour voir dans quelle manière elles ont été interprétées et utilisées concrètement en Union Soviétique.

Mais comment voulons nous finaliser ce type de recherche-récupération des instruments fondamentaux de l’analyse marxiste?

Nous voulons démontrer qu’une économie basée sur la production de valeur d’échange et donc sur l’extraction de plus-value du travail salarié n’étant pas planifiable, celle soviétique est dans la réalité (et non seulement dans la conscience que ses théoriciens en ont) une économie capitaliste et par conséquent passible de crises périodiques de surproduction.

Le problème de repérer comment les crises se manifestent (et dans quels secteurs productifs) introduit et renvoie à l’exigence de saisir les racines structurelles de l’expansionnisme soviétique. L’impérialisme n’étabt pas une « politique », mais une nécessité économique, on en tire qu’il doit exister un rapport entre crises économiques internes et recrudescence de l’agressivité internationale de l’U.R.S.S. : ce réseau critique est utile soit pour la compréhension du passé (invasion de la Hongrie, de la Tchécoslovaquie, de l’Afghanistan, etc.), soit pour la prévision du futur, c’est-à-dire des temps, des formes et des zones géographiques où se manifesterons les tentatives de pénétration soviétiques.

La question de la crise, nous disions, se rattache i la question de la politique étrangère russe.

Nous tâcherons d’aborder ce dernier sujet en n’ayant pas recours aux armes de la critique moraliste (nous ne reprocherons donc pas à l’U.R.S.S. d’entretenir des rapports économiques privilégiés avec l’Argentine de Videla ou des liens diplomatiques avec la clique fasciste de Lon Nol : ces critères de jugements sont appropriés aux idéalistes et malheureusement, aux camarades chinois qui, justement, les voient maintenant se retourner contre eux mêmes), mais plutôt à celles du matérialisme historique.

Comme tout impérialisme, de même l’impérialisme soviétique avec le capital excédant exporte aussi un modèle de société (et les contradictions qui lui sont propres). Le rapport préférentiel avec les Pays du Tiers Monde, rapport qui fait de certaines zones géographiques déterminées autant de zones de pénétration pour l’impérialisme soviétique, se justifie tout à fait avec la nature de ce modèle, avec sa supériorité, du point de vue des exigences et des problèmes des pays en voie de développement, par rapport aux modèles capitalistes « traditionnels ».

Le « modèle soviétique » est à la fois un modèle de développement économique accéléré et intensif, d’équilibre social et fortement justifié idéologiquement.

L’U.R.S.S., en fait, exporte sa propre expérience historique d’accumulation originaire (celle qu’un économiste russe des années 1920 -E. Preobrajenski – définit comme « accumulation socialiste ») valable, compte tenu des résultats obtenus, pour tous les pays qui veulent parcourir à marches forcées la voie de l’industrialisation sans dépendre des aides économiques de l’impérialisme occidental.

La supériorité du modèle soviétique, en outre, est donnée par sa stabilité sociale (par rapport aux Etats à « démocratie bourgeoise », ceux à soi-disant « démocratie populaire » sont indéniablement beaucoup plus « gouvernables » et beaucoup moins sujets aux déchirantes tensions de classe) et par le fait d’ être, du point de vue de la crédibilité et de l’organisation du consentement, idéologiquement motivé : ce n’est pas par hasard d’ailleurs que les dirigeants des Pays du Tiers Monde pro-soviétiques sortent des luttes de libération anticolonialistes et anti-impérialistes.

Mais, avec un modèle, l’ U.R.S.S. exporte aussi les contradictions qui lui sont propres, en premier lieu la tendance à la guerre qui naît du déséquilibre dû à la présence d’une industrie lourde développée de façon hypertrophique, périodiquement au-delà de la limite de la surproduction : Cuba, le Yémen du Sud, l’Éthiopie, la Libye, le Vietnam en étant que des confirmations.

Nous nous n’étendrons pas davantage sur ce sujet. qui sera l’objet d’une recherche spécifique. Néanmoins, avant de procéder plus loin, nous jugeons bien d’aborder un problème dont l’approfondissement sera notre tâche : si celles que nous avons esquissées auparavant, à grands traits, sont les caractéristiques du « modèle soviétique », comme il est exporté sur les tourelles des chars d’assaut russes, il est immédiatement évident que ce modèle est tout à fait inadéquat pour les pays capitalistes où le développement des forces productives a atteint des niveaux très élevés.

C’est-à-dire, si on avait une pénétration soviétique, par exemple en Europe, et en Italie en particulier, cette pénétration ne pourrait pas se dérouler par l’exportation du « modèle soviétique » désormais traditionnel, mais devra assumer d’autres formes, différentes même de celles « classiques » de l’impérialisme occidental (à cause du niveau très bas de l’industrie soviétique sur le marché international et de la présence presque inexistante du capital financier russe à l’étranger).

En d’autres termes, un groupe dirigeant national dans les pays occidentaux ne pourra probablement pas être attiré par l’exemple soviétique, pour ainsi dire, librement, sans être contraint avec la force des armes, c’est-à-dire, sans une occupation militaire de la part des envahisseurs. Mais celle-ci est seulement une hypothèse, qu’on doit vérifier ou qu’on doit démentir à partir de la démonstration d’une thèse alternative.

En résumé, en conclusion: notre enquise, sur la façon dont l’existence et la domination du capitalisme en U.R.S.S. se manifeste se concentrera surtout sur le problème de la planification (en termes théoriques cela entraînera de reprendre les schémas du deuxième livre du Capital et de les comparer à l’interprétation incorrecte que les économistes soviétiques en ont donnée, en répondant aux questions: une économie planifiée est elle exempte de crises ? Est-ce qu’on peut planifier une économie fondée sur la valeur d’échange ?) pour s’étendre à la question de la crise, des formes et de la périodicité de sa manifestation et à la détermination des secteurs productifs qui, avant les autres et plus directement, sont impliqués.

Il ne nous intéresse pas, par conséquent, de radiographier l’économie soviétique en soi, sinon dans la mesure où cela se révèle fonctionnel à la compréhension et à l’explicitation des thèmes que nous avons indiqués comme centraux et prioritaires.

Du point de vue historico-politique une position convaincante sur l’étude du capitalisme en U.R.S.S. doit, nécessairement, tenir compte, à partir des prémisses, de la question de comment a été possible la restauration de la domination de classe de la bourgeoisie après et malgré la révolution d’ Octobre, sans tomber dans l’historiographie « alternative » ou dans la reconstruction sans buts précis de la dégénérescence progressive de la « formation idéologique bolchevique ».

Tour cela dit, nous estimons d’importance fondamentale le fait de saisir les mécanismes et les moments de changement qui, à notre avis, sont décisifs pour comprendre correctement comment des limites objectives et des erreurs théoriques ont, par la suite, mené à la direction du pays les cliques révisionnistes de Khrouchtchev d’abord et de Brejnev-Kossyguine après.

En ce sens, le point de départ de notre enquête sera l’analyse de la nature et de la composition de classe du groupe dirigeant soviétique actuel, dont nous chercherons de reconstruire, remontant dans le temps, les lignes essentielles de formation et d’auto-reproduction.

Cette couche privilégiée est représentée par une bourgeoisie monopoliste bureaucratique (ce sera notre tache particulière que de motiver l’emploi et le sens de cette catégorie) qui connote la machine de l’État et qui occupe une position dominante dans le parti, dans le gouvernement et dans l’armée.

Du point de vue idéologique, la bourgeoisie soviétique a élaboré, en déformant le marxisme-léninisme, une conception qui la nie en tant que classe et qui affirme le franchissement des contradictions de classe par le concept de « peuple » à l’intérieur de la « nation ».

Dès maintenant, de toute façon, nous reconnaissons dans cette bourgeoisie bureaucratique-monopoliste trois composantes principales: l’appareil de l’année, important pour ses relations avec les secteurs de l’industrie plus directement reliés à la production de guerre (les scientifiques inclus): l’appareil du parti qui, en tant qu’instrument de la dictature du prolétariat est, d’une partie, le lien privilégié où se manifeste la lutte de classe entre la ligne capitaliste et la ligne socialiste (comme Mao disait: « …la bourgeoisie est même dans le parti communiste, ce sont les éléments au pouvoir au sein du parti qui se sont engagés dans la voie capitaliste et qui poursuivent leur chemin… »), et de l’autre, en tant que « dépositaire unique de l’idéologie », l’auteur principal et actif de la restauration capitaliste.

De ce dernier point de vue il faudra tenir compte de la critique théorico-pratique de quelques thèses caractéristiques de la formation idéo logique soviétique à l’époque de Staline, qui ont constitué les prémisses pour la reconquête du pouvoir par la bourgeoisie, même sur ce terrain.

C’est-à-dire: la thèse qui établit une identité entre les formes juridiques de propriété et les rapports réels de production pendant le socialisme; la thèse qui attribue aux forces productives et non pas à la lutte de classe le rôle de « moteur de l’histoire », et la thèse qui justifie le renforcement de l’Etat soviétique non pas à travers le durcissement de l’engagement de classe à l’intérieur, mais au contraire à cause de la menace extérieure de l’impérialisme et de l’encerclement international.

Et, finalement l’appareil d’Etat, surtout les techniciens et les managers.

Il est préliminaire et introductif dans ce genre de travail de recourir nécessairement à quelques catégories fondamentales du matérialisme historique, c’est-à-dire celles de « mode de production », de « formation économique-sociale déterminée », de « classe sociale », de « bureaucratie », de « société de transition » et de structure – superstructure ».

D’autre part, nous sommes conscients que la critique historique-politique-idéologique du « modèle soviétique » a atteint, sur les traces et à partir de l’exemple chinois, des niveaux relativement avancés et exhaustifs, en comparaison desquels notre contribution particulière risquerait de se révéler complètement insignifiante si elle se limitait à rabâcher les thèmes et les sujets déjà abordés abondamment par d’autres avant nous.

En réalité, nous répétons que notre objectif n’est pas de critiquer les thèses sur l’U.R.S.S. en tant que « pays à socialisme réalisé », mais plutôt de repérer les mécanismes et les modalités de fonctionnement (et par conséquent mime les contradictions pratiques) de la société soviétique.

Sur le plan de la méthode, nous formulons, comme hypothèse de départ, cette périodisation historique:

– 1926 – Débat sur l’industrialisation en U.R.S.S..
Le socialisme dans un seul pays.

– 1928-’32 – Premier plan quinquennal.

– 1936 – Approbation de la nouvelle constitution de l’U.R.S.S..

– 1946-’50 – Quatrième plan quinquennal.
– Le problème de la reconstruction de l’économie.

– 1953-’56 – Mort de Staline et coup d’Etat révisionniste.
XXe Congrès.

– 1961 – Adoption du troisième programme du P.C.U.S..
– Programme d’édification du communisme.

– de 1965 – Approbation de la loi sur la nouvelle réforme économique (réforme Kossyguine).
Chute de Khrouchtchev.

Cette schématisation rend nécessaire deux éclaircissements.

Avant tout, elle est tirée pas une périodisation plus générale entre la période de la dictature du prolétariat (de la Révolution d’Octobre jusqu’à la mort de Staline) et la période de la restauration bourgeoise (du XXe Congres jusqu’à présent).

En deuxième lieu les dates dont elle est formée ne sont pas choisies arbitrairement, mais elles correspondent aux moments décisifs de transformation de la formation socio-économique soviétique. Plutôt que de vérifier ce qui arriva dans ces périodes déterminées, il nous préoccupe d’étudier la cause de cela, quels furent les processus mis en mouvement et quel autres, au contraire, furent interrompus.

A l’intérieur de ces deux époques fondamentales, en outre, nous concentrons notre attention sur deux périodes de considérable importance : la période des années ’20-’30 à l’époque de la dictature du prolétariat ; celle après 1965 à l’époque de la dictature de la bourgeoisie.

Les années ’20-’30 sont décisives pour la constitution de la bourgeoisie soviétique en tant que classe, pour son développement et renforcement, pour son accès aux leviers essentiels de la direction économique, pour l’accroissement de son influence idéologique et politique : dans toute cette période la ligne suivie par le parti produisait et conservait en grande partie le terrain qui devait nourrir la bourgeoisie d’Etat actuellement au pouvoir.

Les années suivantes 1965 sont au contraire les années pendant lesquelles les réformes économiques à peine introduites commencent à obtenir une réalisation pratique : l’appareil productif soviétique est impliqué par la restauration capitaliste dans ses aspects plus qualifiants comme le profit, l’économie de marché, la libre fixation des prix, l’exploitation etc.

C’est pendant cette période que la bourgeoisie soviétique se consolide définitivement au pouvoir et commence à être en concurrence réciproque avec les positions de suprématie des groupes impérialistes occidentaux sur les marchés mondiaux.

L’extrême complexité des sujets que nous nous proposons d’aborder nous suggère maintenant de ne pas aller plus loin : celles que nous avons esquissées, plutôt que les lignes concrètes de notre travail sont nos intentions générales de départ d’où elles devraient jaillir et mieux se préciser (ou peut-être aussi se modifier) au fur et à mesure que notre activité d’étude et de recherche avancera et fera des progrès.

Si notre contribution limitée aidera de quelque sorte même un seul militant à prendre conscience d’une partie seulement, même si importante, des taches théoriques et pratiques que les forces révolutionnaires aujourd’hui dans notre pays doivent accomplir, alors nous pourrions dire d’avoir atteint le but que nous nous étions fixé au préalable.

>Sommaire du dossier

BR-PCC: Replacer l’activité générale des masses au centre de l’initiative (1983)

[Rome, 17 janvier 1983, les militants des Brigades Rouges pour la contruction du Parti Communiste Combattant.

Arreni Renato, Bella Enzo, Braghetti Laura, Gallinari Prospero, Iannelli Maurizio, Novelli Luigi, Padula Sandro, Pancelli Remo, Petrella Marina, Piccioni Francesco, Ricciardi Salvatore, Seghetti Bruno.]

Ce n’est pas un hasard si ce procès a été préparé en toute hâte à la suite de la libération de Dozier, des trahisons et des arrestations de masse, alors que jusque là, il semblait ne jamais devoir se dérouler.

L’Etat, qui, avant cela, n’avait pas la force politique d’affronter le procès du moment le plus significatif de 12 années de lutte armée, saisit l’occasion pour tenter de sanctionner de façon éclatante la défaite des B.R. et avec elles, de la lutte armée pour le communisme.

Cet objectif a envahi tous les raisonnements mis dans la bouche des traîtres, toutes les interventions de la partie civile: il est le coeur-même de chaque acte du procès et des déclarations du procureur Amato.

Un refrain obsessionnel qui voulait devenir un lieu commun, une vérité indiscutable acceptée par tous.

La nature de cet objectif est cependant de plus vaste portée. Il est une partie importante d’une attaque bien plus complexe que la bourgeoisie a porté à la classe ouvrière et au prolétariat métropolitain.

En ce sens, la ratification de la défaite des B.R. devait représenter un moment important pour réussir à effacer de la mémoire historique-même du prolétariat, la conscience de la révolution comme événement possible et nécessaire, le seul qui soit capable d’apporter une solution réelle aux besoins et aux intérêts prolétariens.

La publicité la plus grande au refrain de la défaite est garantie par l’amplification démesurée du moindre balbutiement du traître de service.

La thèse commune à tous les vautours qui se sont jetés sur la « pâture » politique que représente ce procès est celle selon laquelle « les B.R. sont un groupe au service de quelqu’un de bien plus important ». Chacun tente d’apporter de l’eau à son moulin.

Et actuellement, c’est l’histoire, le patrimoine, les militants-mêmes de la lutte armée qui constituent un butin sur lequel les diverses forces de la bourgeoisie mettent la main pour en tirer tout ce qui peut être utile à leurs propres jeux de pouvoir.

C’est ainsi que nous avons entendu une anthologie des thèses complotardes selon lesquelles les B.R. seraient des marionnettes au service des projets les plus divers.

A en croire les socialistes et une partie de la D.C., nous ne serions que des russes parlant bien l’italien car, comme le disait alors déjà Craxi: « il n’est pas pensable que les B.R. s’entraînent dans les basses-cours.

Pour le F.C.I., nous étions évidemment des agents de la C.I.A., puisque Moro avait été l’instrument suprême de son insertion dans l’aire du consensus de la majorité gouvernementale.

On a fait parier différents trai très afin de soutenir, partiellement, les diverses thèses complotistes en vogue. Mai s-même eux n’ont pas été très utiles.

C’est ainsi que chaque parti bourgeois a continué à fournir sa propre vérité.

Ce pour quoi les traîtres ont été le plus utilisés a été, par contre, la construction d’une campagne diffamatoire et provocatrice contre le peuple palestinien et les forces révolutionnaires qui luttent en Europe et en Méditerranée contre l’impérialisme américain.

Ce n’est pas un hasard, et nous l’avions dénoncé dans cette salle d’audience avant que cela ait lieu, si la campagne menée en Italie et en Europe contre le peuple palestinien a précédé l’invasion génocide du Liban par l’impérialisme, grâce aux bouchers sionistes et phalangistes.

Dans les faits donc, ce procès est un procès de guerre; une attaque, non seulement contre les B.R., mais aussi contre toute hypothèse politique révolutionnaire dans ce qui, pour les projets de l’impérialisme américain, doit être un terrain d’opérations pacifié à l’intérieur et agressif vers l’extérieur.

C’est un procès de guerre, parce que toutes les « entorses » faites à la législation courante, avec le5

diverses lois spéciales, ont trouvé un champ d’application dans ce procès, et ont par là ratifié un bouleversement global de la sphère juridique dans le sens d’une législation de « guerre civile ».

C’est un procès de guerre parce que, dans cette salle d’audience, la torture et les disparitions de prisonniers ont été officialisées, reconnues et revendiquées par l’Etat comme méthode « légale » d’enquête.

En effet, alors qu’un de nos camarades inculpé dans ce procès était séquestré et torturé plusieurs jours durant dans les locaux de la DIGOS, la Cour et le Procureur, tout en sachant cela, continuaient le procès, couvrant de la loi du silence ce qui était en train de se passer.

Après cela, l’ouverture par la Cour d’une soit disante enquête sur cet épisode n’en était qu’une couverture supplémentaire: à tel point que les photographies qui témoignaient des lésions subies par le camarade ont déjà disparu du dossier.

C’est un procès de guerre, parce qu’est devenu évident dans cette salle le rapport qu’établit l’Etat avec la société civile et les prolétaires en particulier.

Ce système n’offre plus aucune perspective d’expansion de la richesse sociale ni d’évolution des valeurs morales et culturelles.

L’évolution du politique vers la barbarie sanctionne l’isolement progressif de la bourgeoisie et de son Etat, son retranchement sur la défense de son pouvoir et de ses privilèges.

Elle ne peut plus rien garantir au prolétariat.

Le seul rapport que la bourgeoisie parvient à établir est représenté par les misérables figures qui servent à jeter de la boue sur l’histoire de la révolution prolétarienne: la trahison!

L’Etat bourgeois fait « l’acquisition » de quelques traîtres afin qu’ils « parlent » à la classe, qu’ils la dissuadent de la possibilité de la révolution prolétarienne. L’Etat bourgeois encense la figure de l’espion, en fait la figure utile idéale, un « modèle de vie ».

La misère humaine que met en évidence cette politique ne peut que renforcer la conscience prolétarienne de la nécessité d’abattre cet Etat.

MAIS QUELLE EST LA VERITE SUR L’AFFAIRE MORO?

Nous pensons que la seule vérité soit la vérité historique, qui est légitimée aux yeux des masses par l’avancement du processus historique réel.

Tout le reste n’est que bavardage, versions de parti, suivisme d’agitateurs. La vérité d’Amato et de Savasta peut-elle être considérée comme une nouveauté?

Que Moro ait été séquestré par hasard?

Soyons sérieux!

Ce n’est là qu’une version pour les Imbéciles, tout juste bonne à cacher le seul fait certain: la « Campagne de Printemps » a été l’exploitation d’un projet politique révolutionnaire mis en oeuvre par des avant-gardes communistes combattantes, qui visait à désarticuler le projet politique développé par la bourgeoisie sous le nom de « solidarité ».

Ce projet bourgeois se donnait pour objectif la pacification réactionnaire de l’affrontement social, par l’utilisation de l’appareil politique révisionniste comme contrôleur, constructeur du consensus par la force et espion à l’égard de l’antagonisme de classe.
Comme cette farce de procès semble ridicule, face à ces années de lutte de classe et de lutte armée!

Une farce construite autour de via Gradoli, au cours de fébriles réunions de parlementaires -autour des tables bancales de quelque devin en quête de réussite et, d’une manière générale, autour des fantasmes créés par le « syndrome du complot ».

Aujourd’hui, la vérité historique est sous les yeux de tous! Le projet de « solidarité nationale » est définitivement mort et enterré avec son créateur; emporté, non tant simplement par l’action militaire, que par les dynamiques de classe qui ont motivé cette action et qui, à partir d’elle, ont permis la maturation d’un développement plus avancé.

La mise en cage de la classe, de ses tensions et de sa force n’a pas été possible: le projet a échoué!

Et avec cet échec s’est développé toujours d’avantage dans la conscience de la classe qu’aucun compromis n’est possible entre exploiteurs et exploités, que le seul rapport entre prolétariat et bourgeoisie est l’affrontement de classe!

Nous revendiquons cependant le fait que les B.R. ai ent parti ci pé et contri bue de façon décisive à la destruction de ce projet politique antiprolétarien.

Il est donc indéniable que la Campagne de Printemps constitue un moment important du processus révolutionnaire en Italie et en Europe.

L’objectif de ce procès est maintenant de nier cela, ce qui s’est avéré impraticable.

Nous voulons être clairs sur un autre fait, relatif au mandat assigné à l’un de nos avocats de confiance dans ce procès.

Chacune de nos pratiques a pour effet de produire préoccupation et confusion chez la bourgeoisie.

Cela s’est vérifié quand quelque chose s’est mis à ne plus touner rond, après huit mois de déroulement des audiences.

Ce quelque chose, c’est la nouveauté du fait qu’un avocat, même de manière limitée, soit en condition d’intervenir sur des aspects déterminés présentés par ce procès.

Cette préoccupation et cette confusion se sont manifestés par la présence de gros bonnets de la contre-révolution notoires et importants et par la rumeur officieuse que ce que faisait notre avocat de confiance dans la salle d’audience constituait un délit.

Voilà qui est significatif du peu de solidité des nerfs de la bourgeoisie face à ce qui va dans une direction opposée à la sienne.

A partir de là, deux questions se sont posées: si cela constituait une nouvelle « stratégie » des B.R. dans les procès, ou bien si c’était un retour en arrière vers la pratique du « procès guérilla ».

Disons tout de suite que les B.R. n’ont jamais eu de stratégie de procès, mais qu’elles appliquent dans les situations concrètes et spécifiques, et donc aussi dans les procès, leur ligne politique.

Une ligne politique qui n’a jamais été et ne peut être la somme de stratégies particulières.

En effet, dans la phase où l’avant-garde devait affirmer la lutte armée comme rupture politique, et la guérilla comme moment de cette rupture, nous développions dans les tribunaux une pratique tendant à désarticuler l’appareil juridique de l’Etat.

Une pratique que nous avons appelée « procès guérilla », qui répondait aux objectifs fixés par la ligne politique dans la phase de la « propagande armée ».

Le changement du cadre politique général, et les tâches différentes découlant de la lutte entre prolétariat et bourgeoisie, imposent une redéfinition de la ligne politique et de l’activité de l’avant-garde dans toutes les situations concrètes, et donc aussi dans les procès.

Face à cette situation, et en présence de nouvelles tâches, le « procès guérilla » ne parvient à avoir une incidence efficace, ni sur le plan de la disfonctionnalisation du procès, ni sur celui de la propagande et de l’agitation: ainsi se réduit-il, justement parce que les conditions ont changé, à un simple témoignage du passé.

Au contraire, il s’agit dans les procès, tout en étant conscients de leur rôle secondaire, non de manifester un antagonisme idéaliste et abstrait, incompréhensible à la classe, mais d’être un point de référence concret, politiquement clair et reconnaissable par le prolétariat; une force révolutionnaire sachant utiliser sa capacité antagoniste non médiatisable avec les intérêts de l’Etat, pour être une indication de lutte et de programme.

Les procès peuvent donc être, même dans les conditions nouvelles, un moment significatif de l’affrontement politique avec la bourgeoisie.

Pour cela, il est nécessaire d’assumer la pratique de la politique révolutionnaire, en profitant de toutes les occasions pour ramener l’attention de la classe sur les problèmes concrets de la lutte de classe et de son développement, l’avant-garde se sert donc aussi des procès pour intervenir efficacement et désarticuler la manière dont la bourgeoisie voudrait actuellement les mener, en cherchant à donner d’elle-même une image de puissance et d’efficacité-.

Et pour, réciproquement, donner une image de défaite de l’avant-garde révolutionnaire et de la possibilité révolutionnaire-même.

Tout cel a peut être mené dans les procès par une présence politique active et articulée sur plusieurs niveaux, capable d’entrer dans le vif des contradictions que produit la nature politique-même de ces procès.

Nous clarifierons par la suite, afin qu’il n’y ait pas d’équivoques, qu’il ne s’agit pas d’accepter les lois de la bourgeoisie ni de se perdre dans les mécanismes juridiques et de procédures; mais de déterminer, à chaque fois, l’opportunité d’une intervention en fonction des diverses contradictions qui se présentent.

Le processus révolutionnaire, dans chaque pays et à chaque époque, ne suit jamais un parcours linéaire, géométriquement croi ssant, mais il est continuellement marqué par des sauts politiques, qui se traduisent par des ruptures avec les formes précédentes de l’affrontement.

Des moments où la classe et son avant-garde, porteurs d’un patrimoine consolidé de luttes et d’initiatives, doivent affronter une phase nouvelle de de bataille politique, d’expérimentation. Telle est aussi notre expérience.

La lutte armée naquit en Italie au début 70, comme hypothèse révolutionnaire pour le communisme. Elle naquit donc comme rupture subjective de quelques avant-gardes communistes d’avec 20 ans de révisionnisme, comme construction d’un point de référence stratégique révolutionnaire enraciné dans la classe.

La légitimation de ce choix stratégique provenait de la maturité de l’affrontement de classe qui, après les deux années 68-69, avait vu croître, d’une part, le besoin stratégique de la classe d’apporter une réponse au problème du pouvoir et, de l’autre, la nécessité de répondre à la violente contre-attaque bourgeoise mise en oeuvre pour réprimer le mouvement de classe (licenciements d’avant-gardes ouvrières, les massacres d ‘ Etat et les « chasses aux subversifs » qui s’en suivirent).

Ce choix de rupture se manifestait comme initiative combattante pour propager et enraciner dans le prolétariat la conscience de la nécessité et de la possibilité de la lutte armée pour le communisme.

Il s’agissait donc d’enraciner une idée-force parmi les avant-gardes de classe; d’une bataille politique parmi les communistes pour définir les contours essentiels d’un projet politique révolutionnaire absent depuis 20 ans.

Dans ce cadre, les B.R. ont repris les catégories fondamentales du marxisme-léninisme et mis au centre de leur initiative, justement, le fait d’agir en parti, tout en n’étant évidemment pas un parti; ainsi que la centralité de la classe ouvrière, comme expression du plus haut niveau d’antagonisme contre le capital.

Cela n’avait rien à voir avec une nostalgie livresque, mais était une réalité quotidienne et visible.

C’est en effet à partir du potentiel de lutte et de la conscience politique de la classe ouvrière, accumulés au cours de ces années dans les grandes usines du Nord, de la Pirelli à la Fiat, que s’exprime et se concrétise le saut à la lutte armée, le passage nécessaire pour porter cette force à problème du pouvoir.

Centralité ouvrière donc, comme synthèse de deux éléments de fond de notre analyse: la méthode marxiste-léniniste, qui considère comme centrale la production capitaliste de plus-value, et donc comme centrale la classe ouvrière au sein du prolétariat métropolitain; et l’accumulation matérielle de force et de capacité politique de proposition, exprimée par les luttes au cours de ces années, à leur point le plus élevé.

Cette capacité de rupture et d’affirmation d’une idée-force a marqué dès lors ces 12 dernières années de lutte.

Cette capacité, que nous avons appelée « propagande armée », est un patrimoine prolétarien que personne ne peut nier ni liquider.

L’accumulation de force réalisée à l’intérieur de l’usine par la rupture avec le révisionnisme imposait un nouveau saut politique pour porter cette force accumulée à un stade supérieur.

Un saut permettant de dépasser les limites des thématiques d’usine et les diverses déviations de l’opéraisme et du syndicalisme armé qui existaient aussi dans le mouvement révolutionnaire au cours de ces années.

Un saut politique qui transforme ce potentiel en projet global de pouvoir contre l’Etat.

La mise en évidence du projet néo-gaulliste et la séquestration de Sossi matérialisèrent pour la première fois le mot d’ordre d' »attaque au coeur de l’Etat », par lequel la lutte armée dépassa l’idée-force pour devenir hypothèse politique stratégique, point de référence révolutionnaire pour l’ensemble du prolétariat, en plus que pour la classe ouvrière.

S’il faut relever l’aspect positif de cette période de propagande armée: avoir posé au centre de l’initiative, l’axe stratégique d’attaque « au cœur de l’Etat »; en revanche, on négligea alors le problème de la tactique et d’une stratégie révolutionnaire qui puisse, dans ce contexte, orienter concrètement l’affrontement de classe.

Ou encore, on se limitait à une riposte au coup par coup contre les projets de l’ennemi, sans cependant expliciter un quelconque projet prolétarien.

Pendant ces années, cette limite était peu perceptible, du fait de la nature-même des tâches que la guérilla se fixait. Elle est devenue explosive après 1978.

Dans les années précédant la Campagne de Printemps, on assista à un développement incessant de l’antagonisme prolétarien.

Dans toutes les grandes villes italiennes, ce développement s’effectua hors des formes d’organisation prolétariennes traditionnelles et institutionnelles.

Ce phénomène, que nous avons appelé « autonomie ouvrière », allait bien au-delà du mouvement politique autonome.

Au cours de ces années, la propagande armée entra en un large rapport dialectique avec les avant-gardes prolétariennes de tous les secteurs de classe, en en influençant le débat, la formation politique, les pratiques politiques de lutte.

Les luttes ouvrières qui sortaient fréquemment des limites de l’usine, et le mouvement de 77, -avec la multiplicité et la radicalité de ses formes, donnaient corps et vitalité à un mouvement antagoniste et à un mouvement révolutionnaire de vastes dimensions.

Dans le même temps la bourgeoisie, aux prises avec la crise économique et la forte présence de l’antagonisme prolétarien, mettait au point un projet politique articulé permettant d’affronter la nécessité d’une restructuration globale de la production, en cherchant à contrôler l’affrontement de classe par toutes les médiations possibles.

C’est à cela que servait l’insertion des révisionnistes, à qui était confiée la tâche de construire le consensus prolétarien autour des choix du capital, en échange d’un « parfum » de participation au gouvernement.

En d’autres termes, en plus que dans la conscience subjective des B.R., c’est la réalité-même de l’affrontement qui mit sur le tapis l’exigence prolétarienne de « faire sauter » le projet néo-corporatiste baptisé « solidarité nationale » et de construire la force politique révolutionnaire de toute la classe, capable de rassembler autour d’une stratégie, tout le potentiel révolutionnaire existant-.

Avec la Campagne de Printemps, les B.R. opèrent la synthèse politique et la rupture subjective nécessaires permettant de donner une solution à ces deux exigences.

La D.C. est l’âme noire du système d’exploitation et de pouvoir en Italie, l’ennemi reconnu et attaqué lors de 30 années de lutte prolétariennes.

Moro était le stratège le plus important du projet de « solidarité nationale ».

Comment la bourgeoisie a-t-elle réagi pendant la Campagne de Printemps?

Elle était coincée entre deux possibilités, qui toutes deux étaient des défaites.

La Campagne de Printemps avait déjà détruit « le projet de « solidarité nationale ».

Pour cette rai son, toute possibilité de « sauver ou non Moro » n’était plus fonction que des différentes batailles en cours entre les partis pour récupérer, chacun à son profit, le « cadavre » de la « solidarité nationale ».

Avec la Campagne de Printemps, la capacité de désarticulation atteinte est telle qu’elle exalte et amplifie le rôle politique de la lutte armée: au point que de nombreuses avant-gardes, au sein desquelles sont représentées diverses couches du prolétariat métropolitain, font leur la pratique combattante, comme formé de lutte permettant de donner plus de force à leur « capacité contractuelle ».

L’ample développement de la pratique combattante et des luttes autour des B.R. crée un climat de profonde attente politique.

A la lumière de la Campagne de Printemps, les thèses qui défendent la lutte armée pour des secteurs de classe antagonistes particuliers, ou comme coordination de la guérilla diffuse, apparaissent clairement inadéquates.

Mais, plus que la bataille politique interne au mouvement révolutionnaire, le fait qui compte est que la critique de masse au révisionnisme et à la ligne liquidatrice du « compromis historique », posait le problème de la construction du Parti Communiste Combattant et de la définition d’une stratégie qui, mettant au centre l’intérêt général de la classe, engendre une tactique révolutionnaire adaptée au nouveau contexte.

La Campagne de Printemps posait donc le problème de dépasser la configuration limitative d’O.C.C., pour pouvoir commencer à occuper, grâce à une stratégie et une tactique révolutionnaires adéquates, l’espace politique que la conscience de classe elle-même, à des niveaux de maturité divers, avait contribué à ouvrir.

L’espace pour une force politique révolutionnaire et combattante en mesure de diriger l’ensemble de la classe et non seulement les avant-gardes déjà militantes.

Pour paraphraser Lénine, nous disons qu’une force politique démontre son sérieux en mettant en lumière sans réticences les erreurs’qu’elle a commises, sans craindre l’instrumentalisation que l’ennemi pourrait faire de cette autocritique.

Notre devoir révolutionnaire à l’égard du mouvement de classe est de faire ce bilan, afin que se construise une dialectique donnant vie aux contenus les plus avancés de cette expérience politique.

Il est de notre devoir de défendre ce patrimoine contre tous ceux qui veulent le liquider, quand bien même en se dissimulant derrière une phraséologie pseudo-transgressive, extrémiste, anarchiste.

La conclusion de la Campagne de Printemps nous a mis devant un très vaste antagonisme de classe, différencié par ses niveaux de conscience, ses pratiques de lutte et ses formes organisées, qui se tournait vers nous comme moment de référence et comme possible direction révolutionnaire.

Un mouvement qui nous demandait: « Que faire? » Nous avons répondu à cette question en lançant le mot d’ordre: « conquérir les masses sur le terrain de la lutte armée ».

Ou plutôt, non avons proposé à toute la classe les mêmes critères et formules organisationnels qui avaient caractérisé notre bataille politique parmi les avant-gardes communistes.

Nous avons simplement proposé l’extension quantitative de la lutte armée, selon une conception essentiellement guérillériste du développement du processus révolutionnaire dans notre pays.

La lutte armée dans les métropoles revêt certainement la forme de la guérilla, mais ne doit pas en assumer la conception. Assumer cette conception dans notre pays a été une erreur.

SUR QUOI REPOSAIT CETTE ERREUR?

La désarticulation complète du projet politique de « solidarité nationale » avait remis en question les équilibres entre les bourgeois et entre les classes.

Au-delà des déclarations belliqueuses des notables de la D.C., il apparaissait clairement que personne n’était en mesure de postuler au rôle de médiateur entre les coteries internes.

Mais surtout, personne n’était capable de formuler une proposition politique de longue haleine. Au cours des années suivantes, en effet, la « solidarité nationale » a toujours plus été un « esprit », évocateur d’un projet politique mort et enterré.

C’était un fait concret et indiscutable. Tout comme l’était la fin de l’illusion berlinguérienne. Une donnée de fait que nous interprétions cependant comme l’épuisement de l’usage de la médiation politique interclassiste par la bourgeoisie.

Nous en arrivions à dire: « dans les conditions nouvelles créées par la Campagne de Printemps, la bourgeoisie est contrainte de transférer ouvertement sur le terrain militaire le contrôle qu’elle réussissait jusque là à exercer à travers les appareils politico-syndicalo-idéologiques ».

Cette façon de raisonner revenait à nier que l’Etat, même gravement défait sur un projet politique précis, n’en continuait pas moins à remplir la fonction de régulateur bourgeois de l’affrontement soci al, grâce à un savant dosage d’interventions tant politiques que militaires.

Au point que la bourgeoisie, bien que ne réussissant pas à définir un projet politique global, réussissait malgré tout à prendre des initiatives, quand bien même contradictoires et à court terme, sur les noeuds des politiques économique et institutionnelle; et à rétablir l’unité des forces politiques autour des soi-disant lois « antiterroristes » ou sur l’ensemble des mesures d’attaque tant contre la lutte armée que contre les formes consolidées de l’antagonisme prolétarien (telles que la mobilisation de rue).

C’est ainsi que nous avons perdu toute capacité de découvrir et d’attaquer le projet politique constituant le véritable « coeur de l’Etat » et nous nous sommes engagés dans la voie de l’attaque aux structures de l’Etat, au réseau de ses articulations et de ses appareils.

Cette conception a produit deux erreurs symétriques et complémentaires: sur le terrain de la pratique combattante où elle a intensifié et fragmenté l’initiative, la conduisant à reproposer l’intervention contre la D.C., les corps militaires et les chefs d’ateliers; sur le terrain de la direction du mouvement antagoniste, où elle a limité aux niveaux uniquement des mouvements qui pratiquaient déjà des formes de lutte armée, la possibilité concrète d’une dialectique politique qui s’offrait à nous.

C’est ainsi que nous ne placions pas au centre de notre activité politique tous ces niveaux de conscience et d’organisation prolétariennes qui, tout en n’assumant pas encore de pratique armée, se situaient toutefois comme mouvement hors et contre les représentations parlementaires actuelles, hors et contre la politique bourgeoise.

Le rapport entre ceux qui, comme les B.R., agissaient en parti révolutionnaire et la classe, se dégradait et se limitait au rapport organisation-mouvement révolutionnaire; un rapport ne parvenant pas à concevoir le rôle décisif des masses dans l’affrontement politique général.

Notre analyse erronée de la crise capitaliste contribuait organiquement à cela. La vision de la crise comme crise irréversible, permanente, servait de toi le de fond à la fin de la fonction de la politique dans le rapport d’affrontement entre les classes.

La dégradation imminente des conditions de vie aurait contraint la classe à empoigner spontanément les armes pour défendre ses besoins immédiats.

Cela mène en fin de compte à une vision de la lutte armée comme le tout de la politique révolutionnaire dans la métropole. A la fin de cette pente idéaliste, on aboutit à cette conception déformée de la réalité actuelle comme « guerre sociale totale », si bien illustrée par la pratique du « Parti-Guérilla ».

C’est à ce point que l’idéalisme subjectiviste trouve à s’affirmer au sein des B.R. également.

Un fois perdue la possibilité de cerner le projet politique dominant de la bourgeoisie, la ligne politique « conquérir les masses sur le terrain de la lutte armée » se concrétise comme pratique combattante pour les besoins prolétariens particuliers, comme propagande pour vaincre sur ces besoins.

Un tel dispositif théorique a produit la conception dite du « système du pouvoir rouge ».

La caractéristique constante de toute cette construction théorique était la pratique armée, ce qui nous a amené à osciller continuellement entre le fait d’assumer comme réfèrent unique les aires de mouvement déjà combattantes, et le fait de considérer les mouvements de masse qui s’opposaient et s’opposent aux processus de restructuration de la bourgeoisie, comme « sur le point de s’armer ».

En d’autre termes, en parlant à tort et à travers de masses armées, nous nous limitions à des structures combattantes plus ou moins restreintes, ou bien nous voyions ces dernières comme l’anticipation du parcours qu’auraient emprunté les masses.

TEL N’EST PAS LE PARCOURS DE LA REVOLUTION DANS LES METROPOLES.

Concevoir la lutte armée comme une « forme de lutte », comme une méthode pour vaincre sur des besoins particuliers, est la base théorique qui a mené d’abord au morcellement des initiatives politiques, puis aux scissions organisationnelles. Voyons pourquoi.

Le prolétariat n’est pas une totalité homogène, une somme de figures indistinctes et équivalentes, mais un ensemble de figures différenciées par leur position propre dans le procès de production et reproduction des rapports sociaux capitalistes.

Ce sont des différences qui pèsent dans la compréhension des rapports réels existants, la disposition de chaque couche de classe particulière.

Chaque couche du prolétariat a donc un ensemble d’exigences matérielles, culturelles et politiques (que l’on appelle généralement besoins) qui, d’une part, l’identifient et la socialisent de manière précise et, de l’autre, la différencient de toute autre couche.

Le fait de mettre au centre de l’initiative les « besoins », plutôt que l’attaque au projet politique dominant, conduit à diviser les initiatives elles-même, en les calquant sur les différentes particularités.

C’est ce qui s’est vérifié.

A partir de 1980, chacune des colonnes de l’organisation situées dans les pôles métropolitains a abordé le problème de l’enracinement dans les situations en assumant certaines contradictions qui s’exprimaient localement; contradictions différant d’une ville à une autre. Un plus grand enracinement et la désagrégation de la ligne politique allèrent de pair.

Privée d’une ligne politique qui saisisse la contradiction principale (celle entre mouvement de classe et pratique de la bourgeoisie), et l’aspect principal de cette contradiction : le projet politique dominant dans une conjoncture donnée; privée donc d’une identité de ligne, de stratégie générale, mesurée sur une situation concrète, l’Organisation Brigades Rouges a fini par revêtir autant d’identités qu’il y avait de pôles principaux d’intervention.

Les scissions de 1981 sont le couronnement organisationnel d’un processus de fragmentation politique en œuvre depuis longtemps.

Pour renverser ce processus de désagrégation, il était donc nécessaire d’établir un rôle politique de direction qui se fonde principalement sur la détermination du projet politique dominant de la bourgeoisie.

Celui-ci se saisissant dans l’aggravation de la crise de l’impérialisme, contraignant celui-ci à une attitude toujours plus agressive dans les différentes aires de la chaîne impérialiste.

On déterminait donc à partir de la fonction de l’O.T.A.N, en Europe et en Italie, la fonction de ses liens politico-militaires, en particulier dans notre pays, qui devenaient par conséquent celle d’augmenter les dépenses militaires aux dépens des dépenses sociales et, d’une manière générale, celle d’attaquer les conditions d’existence du prolétariat.

Il a certainement été correct de jouer, avec l’opération Dozier, un rôle d’avant-garde qui a permis de restituer une identité politique aux « B.R. pour la construction du P.C.C. », et aussi parce que cette opération a eu lieu en liaison dialectique étroite avec les initiatives combattantes développées par les autres forces révolutionnaires dans toute l’Europe.

Mais, en attaquant l’OTAN, en privilégiant, conformément à l’ancienne orientation, le seul aspect de la désarticulation du projet ennemi, sans nous rapporter concrètement et politiquement à l’activité générale des masses, nous avons épuisé notre initiative dans un affrontement frontal (et dans ce cas perdant) avec l’appareil impérialiste.

Et sans assumer non plus la direction des mouvements de lutte qui, dans les usines et dans la rue, commençaient à revêtir une physionomie précise, objectivement anti-impérialiste. L’opération naquit et mourut dans la mer de problèmes mal posés qui l’accompagnait.

La défaite subie avec l’opération Dozier et la vague d’arrestations qui s’ensuivit grâce aux traîtres, la disparition simultanée d’autres hypothèses de guérilla, nous ont obligé en tant qu’O.C.C., à remettre en question l’ancienne configuration politique générale, des noeuds théoriques à la ligne politique.

En bref, la définition du rôle que doit avoir la lutte armée dans l’organisation et dans la direction du processus révolutionnaire en Italie.

Au cours de la dernière année, les « B.R. pour la construction du P.C.C. » ont commencé à prendre conscience de l’épuisement de la validité et de l’inadéquation générale d’une configuration théorico-politique qui, dans la pratique sociale, a laissé du champ aux principales variantes de l’idéalisme subjectiviste.

Elles ont donc commencé à rechercher le « Que faire? » pour construire une nouvel le configuration, en critiquant dans les faits le caractère linéariste et progressif de l’ancienne et en se réappropriant le concept de processus révolutionnaire ininterrompu et par étapes.

Un processus qui connaît des victoires et des défaites, des reculs et des avancées; un processus qui ne peut se mesurer uniquement au développement de la forme-guérilla.

D’une manière générale, nous n’avons pas placé au centre de l’autocritique les « écrits de l’Organisation », mais nous avons plutôt relu notre pratique sociale, notre rapport avec les masses, notre élaboration théori que, à partir de la réappropriation révolutionnaire du marxisme-léninisme.

L’initiative combattante est, aujourd’hui plus que jamais, la condition de l’existence et du déploiement de la politique révolutionnaire, justement parce que l’initiative armée, si elle se réfère exclusivement à la forme-guérilla, à ses projet et contenus révolutionnaires, n’a pas de capacité offensive concrète.

A la longue, elle devient endémique et peut donc être facilement anéantie par l’Etat.

Ce n’est pas un hasard si toutes les formes de guérilla qui ont glissé sur la pente de l’idéalisme subjectiviste, quand ce n’est pas tout bonnement du terrorisme pur et simple, ont été complètement anéanties, et si leur activité a été durement critiquée par le mouvement révolutionnaire et considérée comme étrangère par le mouvement antagoniste de masse.

Pour pouvoir construire une configuration théorique et politique et une nouvelle ligne, les « B.R. pour la construction du P.C.C. » ont proposé la « retraite stratégique » pour replacer au centre de l’initiative l’activité générale des masses.

La proposition de « retraite stratégique » était cependant adressée aux O.C.C. et non à la classe, justement parce qu’on en avait constaté l’arriération, et donc l’absence de direction réel le de ces organisations, à l’intérieur desquelles, comme le dit Lénine, « il y a des gens qui sont prêts à présenter les insuffisances comme des vertus, et même à tenter de justifier théoriquement leur propre soumission servile à la spontanéité ».

Une retraite, donc, d’une position qui n’était pas réellement avancée (comme on a pu bêtement le penser), qui était une position concrètement inadéquate aux nouvelles tâches de la phase et donc, en dernière instance, à la traîne des masses.

Se retirer dans les masses n’a cependant jamais signifié « se dissoudre dans le mouvement pour repartir a zéro », ni abandonner la stratégie de la lutte armée pour le communisme.

Cela signifie au contraire reconquérir la confiance et la solidarité de la classe.

Cela signifie lutter contre les projets de dissociation et de reddition, reconstruire une direction politico-militaire au sein de la classe, en se rapportant aux différents niveaux de l’antagonisme, sans pour autant perdre l’autonomie relative de notre Organisation.

Cela signifie éviter des erreurs encore pi us graves que celles commi ses précédemment en abandonnant une configuration qui, ne plaçant pas au centre l’activité générale des était évidemment arriérée par rapport à la croissante de direction révolutionnaire objectivement par le mouvement antagoniste.

En ce sens, l’Organisation a entamé un processus de critique-autocritique-transformation au sein du mouvement révolutionnaire et du mouvement antagoniste du prolétariat métropolitain.

Elle a analysé la nature des erreurs pour chercher à les dépasser et pour se mesurer, à travers la définition d’une politique révolutionnaire, à la réalité concrète dans laquelle vit, et dans laquelle est possible et nécessaire, le développement de la révolution prolétarienne.

Dans la dialectique continuité-rupture par rapport à la pratique sociale, l’Organisation a donné, ces dernières années, la priorité à la rupture, pour l’abandon d’une configuration théorico-politique traversée de profonds vices d’idéalisme subjectiviste, et qui n’était pas basée sur l’analyse concrète de la réalité concrète.

La rupture avec les erreurs du passé implique aussi de rétablir la continuité avec l’histoire des B.R., avec leur pratique sociale de combat, qui a marqué ces dix années de lutte de classe en Italie, par la réapropriation en particulier de cette pratique ô combien significative et efficace politiquement que fut la Campagne de Printemps, qui a donné force et originalité aux possibilités de développement du processus révolutionnaire dans la métropole impérialiste.

Cela ne veut pas dire continuer sur la ligne de la propagande armée, pratique dont cette campagne a marqué l’épuisement objectif.

Cela signifie réévaluer et exalter la force politico-militaire que représente le fait de porter l’attaque « au coeur de l’Etat dans cette conjoncture, de désarticuler un cadre politico-institutionnel .

Ce patrimoine ne peut être anéanti par la reddition d’une poignée de traîtres, et encore moins par la ligne ‘ liquidatrice portée par un régiment de « gurus » convertis au rôle de « nouveaux philosophes ».

On ne peut pas annuler un parcours historiquement déterminé de la lutte de classe gravé dans la mémoire du prolétariat.

Telle est la signification de notre choix de « retraite stratégique », pour reproposer aujourd’hui un dispositif actif et combattant au sein des tâches nouvelles et complexes de cette phase du processus révolutionnaire.

Les éléments acquis au cours de ce débat suffisent à permettre la reprise d’une initiative politique et combattante mettant au centre l’activité générale des masses.

Avant de poser des points de référence pour un projet politico-révolutionnaire, il faut entrer au coeur de l’analyse de cette phase, en analysant les vieilles confusions et approximations.

La crise actuelle est une crise générale du mode de production capitaliste.

C’est une crise de surproduction absolue de capital qui dure depuis plus d’une décennie.

La crise générale caractérise donc la phase historique actuelle, dans laquelle l’exigence capitaliste d’une reprise de l’accumulation, et en conséquence le saut de la composition organique du capital qui permette de valoriser au maximum la révolution technologico-industriel le contemporaine (déjà en oeuvre, du reste), ne peuvent être donnés que par la destruction des forces productives en surplus et des moyens de production dépassés, tant en termes de valeur qu’en termes physiques.

Les exigences du capital, mises à nu par la crise, induisent dans le système impéri ali ste une série de réponses économiques, politiques et militaires: en un mot, de projets politiques globaux visant à dépasser la crise même.

La mise en pratique de ces réponses globales provoque des oppositions et des affrontements qui témoignent de l’aiguisement de la contradiction principale entre bourgeoisie impérialiste et prolétariat international, et de toutes les contradictions interimpérialistes et, parmi elles, celle surtout entre l’aire à domination américaine et le social-impérialisme.

Un fois encore, la tentative bourgeoise de dépassement de la crise générale du capital prend la forme de la guerre; et donc aujourd’hui, de la perspective de la guerre interimpérialiste.

Si telle est la tendance, l’issue obligée, la perspective dans laquelle se meuvent l’ensemble des dynamiques de restructuration capitalistes dans cette crise, cette affirmation demande cependant à être précisée, en indiquant à quel stade de mûrissement de la perspective de guerre on se trouve.

En effet, la guerre n’est pas une explosion de violence improvisée et imprévisible, mais la conclusion obligée d’un processus complexe au cours duquel les caractéristiques fondamentales de chaque formation économico-sociale se modifient globalement-.

En d’autres termes, chaque guerre mûrit dans cet ensemble de modifications, même si le motif- de déclenchement ou le lieu d’explosion sont fortuits, non prémédités par les parties en cause.

Il est fondamental de définir en termes conjoncturels l’état concret de mûrissement de la tendance à la guerre pour esquisser une stratégie révolutionnaire et une tactique se basant sur l’analyse concrète d’une situation concrète.

Quand nous parions de « tendance à la guerre », nous entendons la guerre entre l’impérialisme à dominante américaine et l’aire à dominante soviétique-.

Nous estimons donc que toute concepti on pariant d’une guerre entre « système impérialiste mondi al » et « prolétariat mondial » est absurde et déviante.

Non parce qu’un impérialisme serait préférable à l’autre, mais parce que l’essence de l’impérialisme est d’être « l’époque de la guerre entre les grandes puissances pour l’intensification et l’accroissement de l’exploitation des peuples et des nations » (Lénine).

En considérant les éléments qui caractérisent la conjoncture internationale actuelle, nous constatons que c’est la récession productive qui constitue le principal phénomène économique.

Qui dit récession dit annulation, voire inversion, du taux de croissance des activités productives.

Et donc, diminution relative et absolue de la masse des marchandises produites, des usines en activité, des ouvriers employés, du capital opérant comme tel.

Une récession aggravée par la restructuration technologique contemporaine et par les politiques de réduction de l’inflation.

La gestion contrôlée de la récession est actuellement le « credo » économique de l’immense majorité des pays capitalistes avancés.

Comme toutes les politiques « anticycliques », elle peut aussi, dans l’immédiat, jouer un rôle de frein; mais à long ,terme, elle amplifie et multiplie les caractères fondamentaux de la tendance dominante: la guerre impérialiste.

La majeure partie des procès de restructuration en cours dans tout l’Occident, constitue un ensemble contradictoire d’initiatives dont la réalisation fait, de toute façon, effectuer des sauts en avant concrets dans la perspective de la guerre.

Nous le définissons comme « procès de restructuration en cours pour la guerre impérialiste ».

C’est donc un procès qui naît de la nécessité, pour chaque capital particulier, de se tailler sa propre part de marché et de profits dans le cadre d’une concurrence plus impitoyable et, pour cela, d’abaisser ses coûts à un ni veau moyen permettant de continuer à exister comme capital.

Mais dans le même temps, ce procès n’est pas purement spontané: il se ressent d’une concertation internationale sur les éléments fondamentaux des flux du commerce et des marchés financiers-.

Les Etats sont donc les centres névralgiques où les diverses fractions de la bourgeoisie (autochtone et multinationale), et les représentations plus ou moins institutionnalisées du prolétariat médiatisent leurs intérêts contradictoires en définissant les conditions générales, le « milieu économique » le plus favorable à l’exploitation de la classe ouvrière et l’extension de la concurrence.

La « restructuration pour la guerre impérialiste » n’est donc pas exclusivement économique, mais globale: elle bouleverse tout l’équilibre des formations économico-sociales de l’aire impérialiste.

En Italie les nœuds sur lesquels se définit le sens général de ces procès sont représentés par une restructuration de l’Etat:

– sur le plan économique: l’adoption d’une politique déflationniste détruisant les mécanismes de défense automatique des conditions d’existence du prolétariat (comme l’échelle mobile); une politique économique qui inverse la priorité des dépenses, en réduisant de manière drastique toutes les dépenses d’assistance, de la santé aux retraites, des allocations à la « cassa inteqrazione », dans le cadre d’une réduction des dépenses publiques et d’une augmentation, dans le même temps, des dépenses militaires et des investissements pour la restructuration.

– sur le plan militaire : le rôle impérialiste actif joué en Méditerranée, au Moyen-Orient et dans la Corne de l’Afrique.

Ce qui implique, en plus de l’augmentation des dépenses militaires, la redéfinition d’une stratégie internationale de

l’Italie.

– sur le plan institutionnel: des modifications conformes à la nécessité de rendre de telles transformations générales opérationnelles.

Ce qui signifie la fin de la politique de médiation interclassiste entre accumulation et distribution sociale; ce qui se traduit immédiatement par un attaque générale contre la classe pour la battre, tant sur le terrain de ses conditions de vie que sur le terrain politique.

Cet aiguisement de l’affrontement a des conséquences sur le cadre politique institutionnel et bouleverse la structure même des institutions étatiques , la sphère juridique, le rôle des appareils préventive-répressifs, etc..

En conséquence, le scénario politique connaît lui aussi une polarisation autour des stratégies possibles.

D’un côté, nous voyons apparaître toujours plus clairement un amas de coteries qui se rassemblent autour d’une ligne politique globale en harmonie avec les exigences générales de l’impérialisme.

Le rapport entre cette ensemble et la politique reaganienne n’est pas, comme nous l’avons simplifié par le passé, un rapport de dépendance mécanique.

Il consiste plutôt à faire siens les intérêts impérialistes globaux, à tenter d’imposer dans la formation économico-sociale italienne les modifications déjà conformes à ces intérêts, à mettre sur pied un projet politique articulé.

Il ne s’agit cependant pas d’un groupe de « fonctionnaires de l’empereur », mais d’un personnel politique qui se propose comme régent et allié fidèle. C’est cet ensemble que nous appelons « parti de la guerre ».

Non qu’il soit identifiable à un parti ou banalisé en une série de structures et d’institutions.

Mais parce qu’il se polarise autour de quelques éléments généraux du projet politique grâce auquel il est possible d’harmoniser la politique italienne avec la perspective dominante, accélérée par la politique américaine actuelle.

Nous identifions dans les divers Merloni, De Mita, Craxi, Lagorio, Benvenuto, les chefs de file du « parti de la guerre »: certes pas en tant que secrétaires d’un « super-parti », mais comme les dirigeants politiques principaux qui, autour du projet impérialiste luttent (entre eux aussi) pour imposer l’hégémonie d’une ligne particulière.

La conquête du leadership du « parti de la guerre » est une bataille où tous les coups sont permis, et qui trouve un terrain fondamental dans le rapport privilégié avec l’administration Reagan, et avec la Maison Blanche, une destination de pèlerinage quotidien.

A ce jeu, De Mita et son équipe se taillent la part du lion; tout comme le P.S.I., qui en a même trop fait en attisant les polémiques sur les « pistes de l’Est ».

Sur le front intérieur, la D.C., alors qu’elle cherche un rapport organique avec le grand patronat et trouve en Merloni un répondant idéal, est à son tour contrainte de se restructurer comme parti et comme système de pouvoir; à pas comptés car elle doit rompre avec dix ans de recherche de la gouvernabilité par le consensus.

A ce tournant, elle impose au P.S.I. de se situer sur le fond, en l’attaquant et en lui rognant le terrain sur lequel Craxi et sa bande avaient fondé leurs prétentions au rôle de régents: le rapport privilégié avec la grande bourgeoisie financière et industrielle.

Les contenus essentiels du programme autour duquel se rassemble ce « parti de la guerre » sont sous les yeux de tous.

En effet, le gouvernement Fanfani lui-même, après une première fanfaronnade programmatique, n’a pas du tout fait marche arrière en opérant des médiations, mais il a réalisé au contraire, par de savants dosages, un pas en avant consistant dans le démantèlement de l’Etat providence.

Si, d’une part, ces dosages sont rendus nécessaires par la forte opposition de classe (avec qui l’affrontement de classe est toutefois anticipé et recherché); de l’autre, ils jouent le rôle de médiation avec la nécessité de sélectionner soigneusement les aires et les intérêts à frapper au sein même des blocs sociaux qui soutiennent les partis de gouvernement.

L’augmentation des dépenses militaires éclaire parfaitement la nature et la direction dans laquelle s’engagent les procès de restructuration en cours.

On cherche à construire une société « austère », où les coûts de reproduction sociale du prolétariat soient comprimés au maximum, et dont l’unique perspective soit la participation active à la guerre interimpérialiste.

L’armée italienne elle-même est conçue, dans cette perspective, comme une armée d' »expéditions » parfois sous l’étiquette de la « paix », et non plus comme les lignes arrières de l’O.T.A.N. avec pour tâche la « défense des frontières ».

Dans la logique du « parti de la guerre », la politique de la Confindustria et la politique du gouvernement tendent à coïncider dans leurs finalités et à se coordonner réciproquement dans leur gestion des compétences.

L’irrésistible affirmation du « parti de la guerre » a contraint la gauche institutionnelle à régler ses comptes avec la défaite de la ligne du « compromis historique », ligne qui a provoqué des dégâts incalculables dans le tissu prolétarien, en se faisant complice d’une furieuse attaque contre l’antagonisme prolétarien et la politique révolutionnaire qui, dans cette conjoncture, orientait la classe contre la D.C. et le projet néocorporatiste.

Cette nouvelle disposition du cadre politique déterminera et sera déterminée par l’affrontement de classe. Elle s’aiguisera sous la poussée des procès de restructuration.
La nouvelle stratégie du P.C.i, est l’alternative démocratique.

Cette hypothèse se base, dans son imprécision, sur la possibilité technique que s’affirme, dans le cadre des alliances de l’O.T.A.N, une ligne européenne, autonomiste et « de gauche », capable de pousser à ce que prévale une politique de détente entre l’Est et l’Ouest, pour rompre avec la bipolarisation.

Sur le plan inté-rieur, les éléments de programme, de politique économique, etc. contenus dans cette hypothèse, prétendent « faire face en créant, en même temps, des conditions nouvel les pour le développement des forces productives.

En substance, alors que l’on repropose les « réformes » (peut-être une nouvelle fois de « structure »), on part à la recherche d’une nouvelle disposition des forces pour les soutenir.

Pour ce faire, le P.C.I. pousse, d’un côte, à la recherche d’un rapport unitaire avec le P.S.I.; et de l’autre, il met en oeuvre des initiatives visant à récupérer les tensions du prolétariat et des mouvements antagonistes qui lui érodent la base sociale.

Le P.C.I. se trouve porté d’un côté, à reprendre un rapport avec le P.S.I., et de l’autre, à tenter d’hégémoniser, en soutien à son hypothèse,les mouvements et les contenus qu’ils expriment.

Et ceci, tant sur le terrain de l’opposition à la politique économique du gouvernement, que sur le terrain des contenus antiimpérialistes (paix, désarmement, etc.).

C’est ainsi que dans l’hypothèse même d’une alternative, un ensemble de contradictions se meut dès à présent, qui commencera bien vite à mûrir à l’intérieur du P.C.I., et entre le P.C.I. et les autres forces de la gauche institutionnelle, mais surtout entre le P.C.I. et la classe.

Du point de vue de la classe, la nouveauté qu’une telle situation politique introduira dans l’affrontement pour les prochaines années, doit être comprise et suivie. En premier lieu parce que la défaite (historique, celle-là) du compromis avec la D.C. imposera au P.C.I. et à une partie du syndicat une politique d’affrontement sur les nœuds principaux.

L’effritement simultané de la chape de plomb représentée par la solidarité nationale, créera des conditions favorables au développement de l’autonomie ouvrière, en ouvrant des espaces objectifs pour une politique révolutionnaire sachant définir son programme autour de ces noeuds et déterminer la force prolétarienne avec laquelle se dialectiser sur les terrains de l’affrontement actuel.

Dans le cadre général de l’attaque politique et matérielle portée par le « parti de la guerre » contre le prolétariat, l’affrontement de classe va donc au-delà des différents sectoriels de couches prolétariennes particulières, pour se situer au niveau où se redéfinit le rapport entre l’Etat et la classe.

C’est là une donnée objective que la classe a saisi ces jours-ci, en déplaçant l’affrontement du terrain spécifique de l’usine à celui de l’opposition générale à la bourgeoisie, pour construire un rapport de force qui pèse réellement sur l’ennemi principal en ce moment: la politique économique du gouvernement.

Face à l’attaque politique contre tout le prolétariat, la classe, et principalement la classe ouvrière, répond sur un terrain politique de pouvoir, fait apparaître dans la prati que la nécessité de s’opposer en tant que classe, et non en tant que secteurs particuliers et dispersés.

Contre les aspects immédiats de la restructuration politico-militaire, et donc contre les conséquences concrètes découlant du rôle confié à l’Italie dans le dispositif de l’O.T.A.N., un vaste mouvement de masse contre l’installation des euromissiles et le doublement des dépenses militaires s’est formé aussi en Italie.

Par sa valeur objecti vement anti impérialiste, ce terrain apparaît comme un obstacle important dressé par les masses devant la poli tique impérialiste dans la zone, et donc en opposition à l’Etat.

De ce fait, il est en même temps un terrain fondamental de développement d’une politique de classe révolutionnaire et antiimpérialiste, parce qu’il ne peut y avoir de stratégie qui ne tienne compte de l’appartenance à l’O.T.A.N., et donc qui ne mûrisse en son sein et dans la classe, la conscience que tout processus de libération du prolétariat métropolitain de l’exploitation ne peut intervenir que par une dure et longue lutte contre la guerre et la barbarie impérialistes, pour faire sortir l’Italie de la chaîne impérialiste.

Ce terrain est aussi celui où se reconstruit un authentique internationalisme prolétarien qui, par les caractéristiques de masse qu’il peut et doit recouvrir, ne peut être contenu et circonscrit dans les seules formes combattantes.

Le procès de restructuration en cours traverse aussi, évidemment, la sphère répressive-préventive, bouleversant le droit bourgeois lui-même, introduisant la torture et organisant la police et les carabiniers en bandes spéciales.

Cette redéfinition des appareils répressifs et préventifs est aujourd’hui dirigée contre le mouvement révolutionnaire. Mais elle sera orientée, dans l’affrontement de classe et en des termes différenciés, contre toute la classe.

Cette redéfinition dirige aujourd’hui ses initiatives vers la prison en particulier et oeuvre à la liquidation de l’hypothèse révolutionnaire de la lutte armée pour le communisme.

Le plan sur lequel se déroule l’affrontement est donc un plan politique général.

Par le contenu des politiques contre lesquelles lutte la classe, c’est un plan qui objectivement est un plan de pouvoir.

La conscience avec laquelle la classe descend sur ce terrain est cependant déterminée par la position politique qui y est encore hégémonique, et donc par le P.C.I. qui tente d’orienter la lutte prolétarienne vers le terrain démocratico-réformiste, voué à la faillite étant donné le cadre des relations intérieures et internationales.

Pour la classe, vaincre ou échouer dans cette conjoncture se mesure par sa capacité de généralisation de la résistance à l’attaque d’une part, par sa capacité, d’autre part à entraver et à s’opposer au projet de restructuration actuel afin qu’il ne passe pas.

Dès aujourd’hui donc, la spontanéité prolétarienne exprime son activité générale en luttant contre les mesures spécifiques de la restructurati on pour la guerre: contre la politique économique de l’Exécutif, contre le doublement des dépenses militai res, l’installation; des euromissiles et la perspective de la guerre ».

On peut prévoir l’aiguisement, dans un proche avenir, de l’affrontement de classe sur ces terrains étant donné que les mesures contre lesquelles on lutte aujourd’hui ne sont que des aspects d’une restructuration qui est encore toute à déployer comme attaque à venir contre l’emploi, le coût du travail et les dépenses sociales; des mesures qui auront pour contrepartie la multiplication des bases de l’O.T.A.N. et des bases de missiles, ainsi que la croissance de la militarisation et du contrôle social.

L’autre aspect auquel se mesurent les victoires et les défaites de la classe est la capacité de l’avant-garde communiste combattante à intervenir dans cette résistance pour faire effectuer un saut au mouvement de classe contre la politique impérialiste.

Agir dans cette résistance signifie en premier lieu cerner le projet politique dominant de la bourgeoisie impérialiste et la manière dont il se matérialise dans la conjoncture.

L’initiative combattante doit être dirigée contre ce projet, pour recomposer tout l’antagonisme prolétarien actuellement fractionné en divers mouvements aux contenus spécifiques et différenciés.

On peut et on doit réunifier et orienter le mouvement prolétarien antagoniste, afin qu’il s’oppose consciemment et unitairement à ce projet même contre lequel il lutte actuellement de manière partielle et sur des aspects spécifiques.

La politique révolutionnaire est alors précisément cette capacité à exercer une direction politique en plaçant au centre l’activité générale des masses, et en agissant sur les contradictions à partir de la pratique combattante.

Le travail parmi les masses ne doit donc plus partir de l’indication: « conquérir les masses sur le terrain de la lutte armée ».

Il se propose au contraire d’orienter toutes les pratiques de lutte possibles et déjà expérimentées ‘par la classe, en généralisant et reproposant les plus mûres d’entre elles dans leurs formes de masse, contre la contradiction principale dans la conjoncture.

La politique révolutionnaire est donc un ensemble complexe de pratiques différentes, comprenant le combat, la critique, l’élaboration théorique, l’agitation, le travail d’organisation des niasses aux niveaux et dans les formes historiquement possibles, etc.

Mais elle est un ensemble de pratiques révolutionnaires parce que se situant toutes et unitairement dans une stratégie de conquête du pouvoir politique et dans la tactique conjoncturel le qui en découle.

Le caractère global des procès de restructuration fait en sorte que, sous la poussée de la sphère économique, le « politique » tende, avec toujours plus de force, à assumer le caractère dominant: ainsi, alors que le rapport entre classe et Etat se transforme, ce dernier se profile avec netteté sur le devenir de l’affrontement, opposant avec clarté les intérêts impérialistes aux intérêts prolétariens.

Pour cela nous réaffirmons que, dans cette phase, la question de l’Etat se pose avec force et clarté, et donc aussi la question de la construction d’une stratégie révolutionnaire pour la conquête du pouvoir politique.

C’est justement cette prédominance du caractère politique de l’affrontement qui nous fait réaffirmer avec d’autant plus de force la validité et la nécessité pour la lutte prolétarienne révolutionnaire de construire le Parti Communiste Combattant.

Avec ces points synthétiques, points d’analyse de la phase et de la conjoncture, nous ne prétendons pas épuiser la compréhension des tâches révolutionnaires, et donc les assumer nous seuls, dans le cadre d’un projet défini et articulé à lancer aux masses.

Nous voulons plus simplement, avec une tangibilité révolutionnaire, établir un rapport avec les masses, avec leurs avant-gardes de lutte et avec le mouvement révolutionnaire: un rapport nouveau au sein duquel construire une proposition politique révolutionnaire adaptée à la phase, pour interpréter l’antagonisme prolétarien et l’orienter vers l’unique solution positive et historiquement possible: la conquête du pouvoir politique.

Nous voulons donc être extrêmement clairs sur ce point: notre Organisation ne constitue pas le « noyau fondateur du P.C.C., même si elle agit, et veut agir activement pour en promouvoir la constitution.

Multiples sont les forces et les aires révolutionnaires qui reconnaissent la nécessité d’un parti authentique du prolétariat métropolitain, et avec lesquelles la confrontation politique est non seulement possible, mais nécessaire.

Les formes et les structures du Parti découlent des tâches stratégiques et tactiques d’un processus révolutionnaire historiquement déterminé dans le maillon-Italie.

Il s’agit donc d’un Parti dont la pratique sociale et combattante générale est basée sur la politique révolutionnaire nécessaire pour donner vie au général dans chaque « particulier » de l’activité de la classe: c’est-à-dire pour faire vivre dans le prolétariat métropolitain un programme général qui, faisant siens les intérêts politiques généraux avancés par les masses, dirige et organise, dans chaque conjoncture, la lutte et le combat prolétariens contre les aspects principaux de la « restructuration pour la guerre impérialiste ».

Un programme qui, dans chaque conjoncture, construise et atteigne une étape du processus révolutionnaire.

En tant que militants des « B.R. pour la construction du Parti Communiste Combattant », nous proposons à une vaste aire de forces révolutionnaires et d’avant-gardes de la classe, une confrontation politique visant à redéfinir une politique révolutionnaire capable concrètement de généraliser et de réunifier les luttes prolétariennes; de développer et de renforcer les mouvements de masse; et d’orienter l’activité générale des masses contre les piliers fondamentaux de la « restructuration pour la guerre impérialiste » et contre le « parti de la guerre ».

Il s’agit, en pratique, de faire assumer par les masses un programme révolutionnaire et antiimpérialiste cohérent.

Et donc de réussir à synthétiser ce qui émerge et vit, même de manière dispersée, dans les mille expressions de lutte et dans les mots d’ordre spontanés des cortèges prolétariens.

Il s’agit de contribuer à construire une politique révolutionnaire capable d’intervenir avec un programme général dans les mille rigoles des spécificités en lesquelles s’exprime la conflictualité prolétarienne: pour que rien ne soit dispersé des potentialités de la classe dans ce moment où la bourgeoisie impérialiste cherche à en fragmenter la résistance; pour que même la plus petite miette de résistance prolétarienne contribue à exercer sa force maximum contre les pivots centraux de la politique de l’ennemi principal.


TRAVAILLER A L’UNITE DES COMMUNISTES POUR LA CONSTRUCTION DU PARTI COMMUNISTE COMBATTANT!

LUTTER ET COMBATTRE POUR REPOUSSER L’ATTAQUE CONTRE LA POLITIQUE REVOLUTIONNAIRE!

TRAVAILLER A UNIR, ORGANISER, ORIENTER LA LUTTE DE LA CLASSE ET LA PRATIQUE COMBATTANTE CONTRE LA POLITIQUE ECONOMIQUE DU GOUVERNEMENT, CONTRE LES POUSSEES AU REARMEMENT ET LES DEPENSES MILITAIRES, DANS LA PERSPECTIVE DE LA CONQUETE DU POUVOIR POLITIQUE!

>Sommaire du dossier

BR-PCC : déclaration n°1 à l’occasion du procès Moro (1982)

COMMUNIQUÉ N° 1 AU PROCÈS MORO – 10 mai 1982


À TOUT LE MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE,

À TOUTES LES ORGANISATIONS COMMUNISTES COMBATTANTES,

Ce qui se trouve dans cette salle, malgré tous les efforts que la bourgeoisie fait pour la nier, est une terrible contradiction politique.

Une contradiction qui, du point de vue de la bourgeoisie, ne peut trouver de solution : l’affirmation dans la métropole impérialiste de la stratégie de la lutte armée pour le communisme, en tant qu’antagonisme mortel au mode de production et au système de domination capitaliste.

Dans d’autres procès intentés aux Brigades Rouges, en d’autres moments historiques, on cherchait à faire le procès de l’« idée-force » de la guérilla comme stratégie révolutionnaire en condamnant des «individus» dont on voulait masquer l’identité de classe.

Le « procès » en cours représente et une continuité et une rupture avec ceux-ci, justement parce qu’avec la capture d’Aldo Moro la guérilla a cassé d’être une simple « idée force » pour devenir une force politique révolutionnaire, un projet politique global qui entre dans le vif de l’histoire comme proposition de pouvoir du prolétariat métropolitain.

L’histoire de ces dernières années de lutte prolétarienne dans notre pays le démontre de toute évidence.

Ce sont des années au cours desquelles le système bourgeois a assisté impuissant, tout en étant férocement barricadé dans la défense de ses intérêts, à l’avancée de la lutte armée qui a conquis des points d’appui fondamentaux sur lesquels construira le système de pouvoir prolétaire.

Ce sont des années au cours desquelles, avec d’inévitables hésitations, limites et aussi erreurs, le projet de la guérilla a réussi à pénétrer dans le tissu prolétarien, à tel point qu’il n’est désormais plus possible de l’en déraciner.

La guérilla a pu poser d’aussi profondes racines parce que, issue du prolétariat métropolitain, elle s’est développée, depuis sa naissance parmi les ouvriers de la Pirelli, à travers Sossi, Coco, etc., en tendant à être un projet politico-militaire global pour la CONQUÊTE DU POUVOIR.

C’est au cours de ces dernières années que la guérilla a concentré son offensive sur le terrain de l’affrontement politique avec l’État impérialiste.

Conjoncture après conjoncture, elle a déterminé le cœur vital, le projet dominant qui a guidé les pratiques contre-révolutionnaires de tout l’appareil de la bourgeoisie.

En déclenchant l’attaque contre le projet global de restructuration impérialiste, la guérilla a touché le « cœur de l’État ». Une fois déterminé l’aspect dominant de la contradiction entre bourgeoisie et prolétariat, plus rien n’a été épargné par l’attaque de la guérilla.

Depuis le pivot délégué pour mener politiquement la restructuration de l’État, l’immonde Parti de la D.C. ; depuis les structures économiques qui devaient piloter cet État sur les rails obligés de la vorace et insatiable nécessité d’accumulation du capital multinational ; depuis l’ensemble des appareils militaires, avec leurs sales mercenaires déchaînés dans une pratique terroriste et meurtrière ; jusqu’à l’ensemble des moyens de la « désinformation sociale », tant indispensables à la contre-révolution préventive et à l’obscurcissement de la conscience des prolétaires, pour faire du mensonge et de la manipulation idéologique la philosophie de ce régime.

Dans les principales zones prolétariennes où ce projet de domination s’est articulé, il a trouvé sur sa route la guérilla, comme point le plus élevé du mouvement prolétaire de résistance offensive.

L’indiscutable force de la guérilla au cours de ces années n’a donc pas été, ni seulement, ni principalement, de type militaire, mais réside dans sa capacité à exister et à se présenter comme projet politico-militaire pour la conquête du pouvoir.

Ce n’est donc pas la somme des épisodes singuliers qui constitue l’essence de notre force, mais la proposition globale d’alternative de pouvoir.

La « Campagne de Printemps » de 78 constitue une étape fondamentale de ce parcours, comme authentique moment décisif dans l’histoire de la guérilla en Italie et pour l’ensemble du mouvement révolutionnaire dans notre pays.

Elle clôt une phase, en en ouvrant dans le même temps une autre.

Elle indique et trace les lignes directrices essentielles du parcours que le mouvement révolutionnaire doit entreprendre pour la construction du pouvoir prolétaire armé.

Elle fonde les critères essentiels de l’agir en Parti par le biais de l’Organisation combattante, sur lequel construira la direction politico-militaire du mouvement révolutionnaire.

Dans cette période, le projet de refondation de l’État impérialiste trouve sa substance dans l’ambitieuse tentative d’agréger autour de la D.C. un tas de forces et de partis, capable de gérer la crise en fonction des exigences du capital multinational et avec des intentions anti-prolétariennes déclarées.

C’est le regroupement d’un arc de forces qui comptera le parti de Berlinguer dans ses rangs, en plus des représentants traditionnels de la bourgeoisie.

Bien que semblant être une nouveauté absolue par rapport aux alchimies habituelles de la classe politique au pouvoir, ceci correspond en réalité au vieux rêve de dévitaliser l’antagonisme social, par la co-responsabilisation de ses présumés représentants institutionnels.

À un P.C.I. avide de ronger l’os d’un pouvoir dont il est exclu depuis toujours, on assigne le rôle de contrôleur, de gendarme de l’État infiltré dans la classe ouvrière.

Une fois déclenchée l’attaque contre la force politique principale, contre la D.C., et capturé le principal stratège de cet infâme projet, celui-ci commence irrémédiablement à agoniser le jour-même où il est inauguré.

L’action de la guérilla, en attaquant le niveau le plus élevé du plan contre-révolutionnaire, enferre la bourgeoisie dans un dilemme qui n’a qu’une seule solution : SUBIR LA DÉFAITE !

C’est une défaite qui met en crise tout le dispositif des forces contre-révolutionnaires, qui en désagrège la cohésion, qui en défait irrévocablement les équilibres, qui réouvre des conflits d’intérêts qui étaient en train de se résoudre autour de la D.C.

Aujourd’hui encore, ici, dans cette salle, nous pouvons le vérifier.

Dans le même temps, la guérilla se met en évidence dans toute sa portée stratégique, elle se projette, par ses mots d’ordre, comme solution gagnante pour l’ensemble du prolétariat métropolitain.

C’est à partir de ce moment que la guérilla conquiert la dimension générale d’un projet politique pour une alternative de pouvoir : un pouvoir prolétarien, révolutionnaire et communiste.

C’est dans l’attaque victorieuse au « cœur de l’État » que la guérilla conquiert pour la première fois des rapports de force favorables au prolétariat.

En conquérant le terrain de l’affrontement politique avec l’État, la guérilla vise à la destruction et à la liquidation du pouvoir de la bourgeoisie, se présente comme projet possible et crédible de construction du système du pouvoir prolétarien.

En ce sens, la « Campagne de Printemps » marque un point de passage et de dépassement.

La lutte armée cesse d’être une stratégie prolétarienne possible, mais encore à vérifier, pour devenir l’unique stratégie révolutionnaire gagnante.

La guérilla dépasse son caractère de propagande de la nécessité historique de la lutte armée, et commence à être un projet politique global pour la conquête du pouvoir par le prolétariat.

Face à ce résultat, la bourgeoisie reste effrayée et terrorisée.

Parce que c’est à partir de ce moment que la guérilla, comme projet de pouvoir, devient l’ennemi mortel de la bourgeoisie impérialiste.

Détruire par tous les moyens l’organisation de la guérilla devient l’obsession de la contre-révolution dans les années qui suivent.

Mais, désormais, la porte de la révolution prolétarienne dans les métropoles impérialistes a été grand ’ouverte.

En franchir le seuil devient possible. La tâche de la guérilla dans la phase qui s’ouvre est d’occuper le gigantesque espace qui s’entrouvre au-delà de cette porte.

De nombreux et très importants pas ont déjà été faits dans cette direction, mais il faut en effectuer d’autres, encore plus exigeants, pour que le système de pouvoir prolétarien se consolide et développe la guerre civile pour une société communiste.

Mais ici, en ce moment, il nous faut souligner que qui veut battre le projet guérillero, que qui veut liquider la possibilité qu’aie mouvement révolutionnaire de se constituer en système de pouvoir prolétaire armé, doit à tous prix nous faire croire que c’est depuis la « Campagne de Printemps » et l’opération Moro qu’a commencé le déclin de la guérilla et que, delà, elle s’est engagée sur le chemin de la défaite.

Ceci n’est qu’un exorcisme de sorciers spécialistes en propagande et en mystification. Nous affirmons que c’est depuis la « Campagne de Printemps » que la guérilla a finalement commencé à vaincre.

C’est pour cela que nous, militants de l’Organisation communiste combattante Brigades Rouges, revendiquons non seulement chaque plus petite action combattante qui nous est attribuée de manière si généreuse et flatteuse dans cette salle, mais aussi la justesse de l’ensemble de la ligne politique pratiquée par notre Organisation jusqu’ici.

Nous revendiquons aussi les limites et les erreurs qui font partie de notre parcours, conscients qu’une ligne politique juste s’affirme aussi à travers le dépassement des obstacles qui surgissent inévitablement dans la croissance non linéaire de la révolution.
Que tout cela soit vrai, l’ennemi de classe nous le confirme involontairement.

Malgré toute la puissance qu’il déploie, il se sent et est constamment assiégé, perpétuellement encerclé, il sait qu’il ne peut battre politiquement la guérilla.

Les tentatives de l’anéantir ont jusqu’à maintenant été vaines, même si des succès militaires tactiques leur ont été possibles, comme cela arrive dans toute guerre.

Les efforts pour la résorber, comme cela s’était jusque-là toujours passé pour toute autre hypothèse faussement révolutionnaire dans notre pays, ont été infructueux et puérils.

Pour la guérilla, la référant social ne peut qu’être la prolétariat ; et la classe ne peut voir la stratégie pour sa propre libération que dans la lutte armée.

Seul le prolétariat, porteur des raisons sociales qui l’érigent en classe mûre pour être dominante, peut voir dans la guérilla sa politique. Une politique prolétarienne apte à réaliser les transformations sociales pour lesquelles elle n’a jamais cessé de combattre.
La guérilla a finalement établi une ligne de démarcation au-delà de laquelle il ne peut y avoir que la destruction de la bourgeoisie comme classe et l’instauration de la dictature du prolétariat comme étape historiquement nécessaire pour la transition au communisme.

Pour cela, quels que soient les efforts, la bourgeoisie ne parvient pas à récupérer ni à déformer quoi que ce soit de ce patrimoine et de cette proposition.

Une proposition stratégique qui ne tolère ni ne subit aucune médiation et aucun conditionnement sur ses propres finalités et objectifs : la révolution prolétarienne pour une société communiste.

La bourgeoisie ne peut que tenter de la nier, en créant des mythes, en falsifiant la réalité, en présentant des phantasmes.

Mais, plus elle dépeint la guérilla comme une pratique sanguinaire et insensée, et plus nous enrichissons notre humanité et notre intelligence collective, capable de projet social.

Plus elle affirme l’isolement de notre proposition, et plus nous vérifions qu’elle s’est profondément liée aux motivations et aux besoins du prolétariat.

Plus elle tente de liquider l’identité de la guérilla par des exorcismes mystifiants et rassurants, comme ce procès, et plus nous sommes sûrs d’avoir fait mouche !

Chers Messieurs,

Il vous est impossible d’effacer la guérilla, en la niant vous ne manifestez que votre peur et votre faiblesse politique !

Voilà le pourquoi de votre fébrile besoin de construire une « vérité » à vous sur ces dernières années d’histoire de la lutte armée.

Vous avez continuellement besoin de construire ce qui doit être rappelé et comment le rappeler.

De là naît votre prétentieuse tentative d’effacer jusqu’à la mémoire historique du prolétariat.
Elle correspond à la nécessité qui est la vôtre de démolir les conquêtes politiques de ses luttes et la conscience que les prolétaires ont d’elles.

Détruire et démolir la mémoire historique du prolétariat est la condition pour en étouffer les poussées révolutionnaires.

Et c’est là l’objectif le plus ambitieux que la bourgeoisie poursuit dans cette salle.

Notre tâche ne peut donc être que de contribuer à reconstruire et à rendre vivante et utilisable la mémoire de classe, notre patrimoine d’expérience.

Ceci est indispensable pour faire les pas suivants.

Cependant que la bourgeoisie, à la recherche fébrile de sa « vérité », tordue et obscure parce que visant à maintenir l’oppression et l’exploitation, ne réussit pas à sortir de manière convaincante de l’enchevêtrement de mensonges qu’elle a elle-même construit.

Notre vérité, nous l’avons déjà dite, et c’est celle du point de vue du prolétariat.

Limpide et complète comme l’imposent les exigences de libération de la révolution prolétarienne, sans secrets ni mystères.

Une vérité, donc, qui ne craint jamais, même aujourd’hui dans cette salle, de se présenter pour ce qu’elle est, dans l’intégrité de son propre parcours et dans le fait de dévoiler le vrai visage de son propre ennemi.

Aucun doute, nous sommes ici pour remémorer !

Avec la modestie et l’orgueil de militants des Brigades Rouges, pour ce qui nous revient et au maximum de nos possibilités, nous contribuerons, face au mouvement révolutionnaire, à répéter et à consolider les éléments théoriques et politiques qui ont guidé la pratique militante de notre organisation au cours de ces années.

Ils constituent les fondements à partir desquels la guérilla est déjà en train de se redéfinir pour les nouvelles tâches que la phase lui impose.

De fait, la guérilla ne s’est pas arrêtée à Moro !

Delà, avec l’élan et la conscience d’avoir réalisé une victoire, elle a affronté les nouvelles tâches qui se posaient à elle. Et ce sont ces quatre dernières années.

Quatre années de lutte armée caractérisées par un enracinement toujours plus réel dans les masses, caractérisées par un parcours dur, contradictoire, mais extrêmement riche et propositif, années qui, alors qu’elles ont ratifié la validité historique et l’actualité de la lutte armée pour le communisme, ont construit dans la pratique une première synthèse, commençant à dissoudre les nœuds politiques du passage de l’adolescence à la maturité.

Avec la Résolution de la Direction stratégique de 1980 et son explication consécutive dans la «Campagne D’Urso», la guérilla met en relation les contenus politiques exprimés par l’antagonisme prolétaire avec l’attaque « au cœur de l’État ».

Elle réussit donc à traduire en programme de pouvoir les contenus présents dans les luttes développées par une strate de classe, en faisant vivre dans une synthèse, dans un dessein unitaire, le mot d’ordre : « Accepter la guerre, attaquer le cœur de l’État, organiser les masses sur le terrain de la lutte armée ».

La « Campagne D’Urso », bien que s’articulant dans le particulier d’un strate de classe, relance le projet de la guérilla en Italie, touche un aspect de la contradiction principale qui réunifia ce strate à tout le prolétariat métropolitain.

Le rapport antagoniste entre le « plan » de l’État et les motivations sociales qui soutiennent les luttes prolétariennes trouve dans la « Campagne D’Urso » une formidable première synthèse du rapport parti/mouvement de masse pour le saut dans la construction du système du pouvoir prolétaire.

C’est avec ce nouveau saut que la guérilla centre l’essence politique de l’affrontement de classe, au moment où la bourgeoisie, étranglée par sa crise, attaque toujours plus durement non seulement les aspirations, les besoins et la volonté de changer de millions de prolétaires, mais aussi pèse sur leurs conditions mêmes, les ramenant en arrière par rapport aux conquêtes de plus d’une décennie.

Se crée donc la possibilité historique, en plus de la nécessité pour le prolétariat, de transformer, de faire éclater comme lutte politique révolutionnaire, comme affrontement de pouvoir, les principales tensions vécues par la classe et sur lesquelles elle s’affronta à l’État.

Dès lors, la tâche de l’avant-garde révolutionnaire est de se rapporter à la lutte de masse, d’en faire émerger les éléments qui réunifient les divers strates du prolétariat métropolitain et qui, nécessairement, se situent sur le terrain de la conquête du pouvoir.

C’est le saut que nous devons faire accomplir à la lutte des masses, un saut possible qui rende actuelle la victoire du prolétariat sur l’unique terrain où elle puisse être conquise.

Ne pas faire cela, s’attarder dans la continuation de la vieille phase de la propagande armée, où l’« attaque au cœur de l’État », par rapport à l’organisation des masses, se limitait, en désarticulant le pouvoir, à parcourir la piste du mouvement prolétaire de résistance offensive, à travers le recrutement des avant-gardes d’un côté, et la propagande de l’idée-force de la guérilla de l’autre, signifierait aujourd’hui opérer une réduction « militariste » de l’agir en Parti.

Dans cette phase de passage vers la guerre civile, il y a les conditions objectives pour diriger les luttes de masse à l’intérieur d’une stratégie pour la conquête du pouvoir politique.

Le projet de la classe dominante a sa propre complexité qui vit dans les formes d’oppression du prolétariat, et non en une seule force de manière prédominante, comme c’était par exemple la cas en 1978 avec la D.C.

Mais les forces de ce projet n’ont pas toutes le même poids et, par conséquent, les luttes spontanées sur les besoins immédiats du prolétariat n’ont pas toutes la même valeur politique dans la tactique révolutionnaire.

En effet, alors que l’antagonisme prolétarien se développe dans la lutte sur les besoins matériels, le « plan » du capital par le biais de l’État suit des priorités politiques qui ne sont pas le reflet des luttes prolétaires, mais découlent de sa dynamique interne qui, aujourd’hui est la tendance à la guerre.

Tendance opposée et contemporaine à la tendance à la révolution prolétarienne qui vit dans la lutte des masses.

De ce fait, l’antagonisme prolétarien ne devient rupture révolutionnaire, dans la construction d’un système de pouvoir, que si, en son sein, l’avant-garde révolutionnaire a la capacité de saisir la stratégie différenciée qui conforme tous les « plans » contre-révolutionnaires et fait vivre l’élément général dans le particulier.

La tâche est donc de déterminer dans chaque lutte, dans chaque besoin qui s’exprime de manière concrète et antagoniste, l’aspect qui l’oppose de manière irréductible à la concrétisation, dans le spécifique, de la politique dominante de l’impérialisme.

Rendre ces aspects conscients, en exalter le caractère intrinsèque de critique radicale de la société, constitue le parcours qui permet de définir le programme révolutionnaire de la classe, de sédimenter la conscience prolétaire en système de pouvoir révolutionnaire.

Le fait de ne pas avoir assumé avec la clarté nécessaire les tâches qui se posaient à l’avant-garde révolutionnaire dans la nouvelle conjoncture, a mené, dans la dernière période, à subir des défaites tactiques, que la bourgeoisie et certains de ses paladins ont confondu avec la faillite historique de la lutte armée.

Ces erreurs se sont aussi manifestées dans notre organisation, en tant que partie vivante et active du mouvement révolutionnaire.

Elles tournent autour d’une conception qui conçoit l’attaque au « cœur de l’État » comme une simple désarticulation de ses appareils centraux et non, au contraire, comme une ligne politique qui, s’articulant en des formes d’organisation et de lutte adéquates, traversa des niveaux de conscience prolétaire différents ; et non, donc, comme indication stratégique essentielle pour l’organisation des masses dans le système de pouvoir révolutionnaire.

C’est une erreur qui se présente sous deux formes dans l’actualité historique : la réduction « militariste » et la substitution « économiste » aux luttes des masses.

C’est une erreur qui renonce au rôle de parti politique, à la recomposition, à travers l’attaque à la politique dominante de la bourgeoisie, du prolétariat métropolitain comme classe consciente qui lutte sur un programme politique de prise du pouvoir.

Dans ce contexte, le concept de réajustement, comme il en est pour le concept maoïste de « retraite stratégique », ne signifie pas pour nous (comme a pu le croire quelque petit-bourgeois superficiel et plein d’espoir) une attente de « temps meilleurs », un « refuge défensif parmi les masses », ou la « redécouverte sénile de la guérilla diffuse », etc.

Il signifie au contraire concentrer et redéfinir les forces pour privilégier les objectifs prioritaires de l’affrontement, ou plutôt les objectifs qui caractérisant le rôle du Parti, qui définissent l’axe autour duquel réunifier la classe.

Comme après 1905 en Russie, comme dans la situation qui, en Chine, amena les communistes à entreprendra la Longue Marche, les défaites tactiques ont, en réalité, révélé la maturité historique de la question centrale : la nécessité du saut de la guérilla au Parti pour la conquête du pouvoir politique et pour l’instauration de la dictature du prolétariat, étape indispensable pour la transition au communisme.

Du côté de la bourgeoisie, la politique dominante, qui pénètre toutes les sphères de la condition prolétarienne, est mise en avant par des forces qui s’assignent le rôle de direction de la société vers la guerre inter-impérialiste. Cet ensemble est bel et bien un parti « inter-forces », le parti de la guerre impérialiste.

« Parti » qui impose désormais sa logique dans tout programme de restructuration, en la rythmant selon des temps et des modes dont les priorités sont celles de la préparation à la guerre.

Le saut que la contre-révolution a effectué se situe dans cette dynamique pré-guerrière. Un saut auquel la combativité et la solidité interne de la guérilla l’a contrainte, mais qui a dans le même temps mis à nu les carences globales des forces révolutionnaires.

Un saut marqué d’une empreinte militaire, par le déploiement d’une stratégie qui prévoit la torture, la trahison, la dissociation et la reddition. Mais ces problèmes, avec lesquels nous devons aujourd’hui régler les comptes, sont des problèmes de croissance.

Pour cela, forts de notre patrimoine, que nous réaffirmons ici, il est possible de regarder le futur avec l’assurance de pouvoir assumer les tâches auxquelles nous sommes confrontés.

Construire le Parti Communiste Combattant !

Organiser les masses dans le système du pouvoir prolétaire armé pour la conquête du pouvoir politique !

Contre le « parti de la guerre impérialiste », porter l’attaque au cœur de l’État !

Guerre à l’impérialisme ! Guerre à l’O.T.A.N. !

Pour tous ces motifs, pour l’identité politique, que nous revendiquons, de militants des « Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant », nous estimons absolument superflue la présence d’avocats de la défense.

La révolution prolétarienne n’a à se défendre de rien, parce qu’elle est elle-même une accusation et une condamnation du système de pouvoir et de production existant.

Nous révoquons donc le mandat de nos défenseurs.

Nous défions quiconque de prendre la parole en notre nom.

Nous considérons les défenseurs commis d’office, qui assumeraient éventuellement cette charge, comme des collaborateurs actifs de ce régime.

La guérilla les considérera de la même manière que les « défenseurs d’office » qui ont fourni, par leur seule présence, une couverture «légale» aux pratiques de torture à l’égard des communistes capturés.

Couverture et complicité qu’ils paieront de l’unique manière qu’ils soient en mesure de comprendre : avec le plomb !

Rome, 10 mai 1982

Les militants de l’Organisation Communiste Combattante
Brigades Rouges
pour la construction du Parti Communiste Combattant


Arreni Renato, Bella Enzo, Braghetti Anna Laura, Cacciotti Giulio, Gallinari Prospero, Guagliardo Vincenzo, Jannelli Maurizio, Moretti Mario, Piccioni Francasco, Ponti Nadia, Ricciardi Salvatore, Seghetti Bruno.

>Sommaire du dossier

Parti Guérilla du Prolétariat Métropolitain: communiqué n°1 au procès Moro (1982)

PARTI GUÉRILLA DU PROLÉTARIAT MÉTROPOLITAIN

COMMUNIQUÉ No 1 AU PROCÈS MORO: FAIRE LE PROCÈS DE LA RÉVOLUTION EST IMPOSSIBLE !

(26 avril 1982)

Le procès que la bourgeoisie impérialiste estime aujourd’hui devoir et pouvoir célébrer est une étape fondamentale du procès de refondation de l’État impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale contre le prolétariat métropolitain.

La bourgeoisie impérialiste s’illusionne de pouvoir, de cette manière, liquider définitivement la stratégie de la lutte armée !

Depuis désormais des mois, un message est martelé à travers les scribes de régime, en un crescendo continu, à l’égard de tous les prolétaires : «La guérilla est désormais liquidée!»

Cela serait démontré — selon la propagande bourgeoise — par les centaines d’arrestations de ces derniers mois : la guérilla serait maintenant isolée des masses.

La Campagne de Printemps aurait été « le début de la fin ».

À partir de là, les ruptures se seraient succédées et, en conséquence, même les secteurs de mouvement les plus proches de la guérilla auraient progressivement abandonné l’hypothèse stratégique lancée par les Brigades Rouges avec la Campagne de Printemps et synthétisée dans les deux mots d’ordre : « Porter l’attaque à l’État impérialiste des multinationales », et « Unifier le mouvement révolutionnaire en construisant le Parti communiste combattant ».

Pour exagérer les défaites tactiques de la lutte armée, la bourgeoisie se fait forte des saloperies écrites par les traîtres que les médias bourgeois obstinent à appeler « repentis ».

Le « projet repentis », qui s’articulait uniquement autour de l’usage du tristement célèbre article 4, a été profondément désarticulé par une vaste et incisive initiative qui s’est développée à l’intérieur du mouvement révolutionnaire et des mouvements de masse contre les infâmes de tout acabit (de l’exécution de Waccher à celle de Viele), qui a culminé avec la Campagne Peci et a ensuite été développée par les prolétaires prisonniers de Cuneo avec l’exécution du crocodile infâme Soldati.

Pour cela, la bourgeoisie redéfinit aujourd’hui sa tentative de battre la guérilla de son sein autour d’un nouveau projet : la stratégie de reddition.

Les formes de la dissociation et de la collaboration active s’articulent ainsi du « projet repentis » jusqu’à la « solution politique au terrorisme », entendue comme tractation entre État et individus, entre État et Organisation communiste combattante.

Et c’est ainsi que les traîtres et les rendus sont utilisés pour soutenir les thèses de la bourgeoisie sur la liquidation de la guérilla : de Savasta à Buonavita, de Peci à Buzzati.

L’État confie à chacun d’eux un rôle précis pour la reconstruction d’une mémoire sur les Brigades Rouges et sur le mouvement révolutionnaire qui doit démontrer la faillite et l’absence totale de perspectives de la stratégie guérillera.

Nous ne connaissons que trop bien la rengaine : le bilan que les infâmes et les rendus tracent à partir de la mémoire hallucinée de leur expérience dans les Organisations communistes combattantes doit démontrer que la guérilla s’est totalement détachée des motivations sociales qui l’ont produite.

Une soudure gagnante entre initiative de Parti et mouvement de masse serait impossible, et pour cela la seule issue resterait la tractation de la reddition à travers la négociation politique avec l’État.

La bourgeoisie veut à tout prix démontrer l’impossibilité de la transition au communisme comme unique perspective pour le prolétariat métropolitain de sortir de la crise.

Pour opérer cette mystification, elle utilise tous les instruments qu’elle a à sa disposition et elle n’a pas manqué de les mettre en œuvre à l’occasion de ce procès.

Nous laissons aux idiots leurs illusions : le mouvement révolutionnaire et le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain se chargeront de démontrer quelle est la réalité.

Dans cette conjoncture, la refondation de l’État impérialiste des multinationales est le programme à travers lequel la bourgeoisie impérialiste redéfinit — par une série d’interventions économiques, politiques, militaires, etc. — son État en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain.

La contre-offensive bourgeoise qui s’incarne dans ce projet est la réponse à la maturité politique atteinte par les mouvements de classe de notre pays et à la crise économique et sociale qui les produit, dans le cadre de la crise plus générale qui, de manière croissante, est en train de secouer violemment l’impérialisme et le social-impérialisme.

Le projet de refondation de l’État impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain est profondément défensif.

En effet, il accentue encore plus les contradictions, tant au niveau économique — en reproduisant à une échelle toujours plus grande les contradictions produites par la crise historique générale que nous sommes en train de traverser — qu’au niveau social, puisque la crise de l’impérialisme agonisant dans la phase de la domination réelle totale du capital se manifeste comme inimitié absolue entre bourgeoisie et prolétariat dans tous les rapports sociaux.

Les puissantes causes objectives qui poussent la bourgeoisie impérialiste à anéantir le prolétariat métropolitain travaillent pour la révolution sociale totale et poussent le prolétariat métropolitain à anéantir la bourgeoisie.

De la Campagne de Printemps 78 aux Campagnes Printemps-Été 81, la bourgeoisie est contrainte à suivre l’initiative révolutionnaire !

En cela, la refondation de l’État a un caractère irrémédiablement défensif.

Le projet de refondation de l’État impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain, justement parce que son contenu est profondément défensif, recouvre des formes extrêmement offensives.

Comme dit Mao : « Tous les réactionnaires ont une double nature : ils sont en même temps de vrais tigres et des tigres de papier. »

Le programme du gouvernement Spadolini, en particulier dans le saut de qualité développé en janvier, a montré et montre encore les « dents d’acier » du vrai tigre.

En effet, de janvier à aujourd’hui, ce ne sont pas peu de cartes qui ont été jouées :

— l’institutionnalisation de la torture donnant carte blanche aux corps spéciaux antiguérilla ;

— l’extension maxima de la différenciation et de l’isolement des prisonniers à partir de l’application de l’article 90 dans les prisons spéciales, à l’isolement prolongé pour les nouveaux arrêtés, à l’abolition de fait de l’institution de l’avocat défenseur ;

— la plus grande articulation de la différentiation dans les usines à travers l’usage calibré et raffiné de la cassa integrazione, des licenciements, de la mobilité territoriale ;

— le développement toujours plus raffiné de la contre-guérilla psychologique à travers la création de faux repentis et l’utilisation des saloperies des infâmes ;

— la mise en vigueur de la super-instruction pour insurrection armée contre l’État, gérée pour le compte de l’Exécutif par les diligents magistrats de guerre du Parquet de Rome qui ont la prétention d’instruire un procès définitif de la guérilla métropolitaine afin d’émettre une sentence de mort à l’encontre de la guerre de classe pour le communisme.

Mais, à la dialectique crise-restructuration-destruction-anéantissement de la bourgeoisie impérialiste s’oppose la dialectique destruction-construction du prolétariat métropolitain.

Dans la destruction du système de pouvoir bourgeois vit la construction du système du pouvoir rouge !

Dans la construction du système du pouvoir rouge se concrétise la destruction du pouvoir bourgeois !

Pour battre la contre-offensive de l’État impérialiste des multinationales, relancer l’offensive révolutionnaire !

Reprendre l’offensive pour organiser la transition au communisme et construire le système du pouvoir rouge !

De nouveaux mouvements de masse se sont développés dans les derniers mois, produits par la radicalisation de la crise de l’impérialisme.

Le tournant dans la politique économique engagée par Reagan, centrée sur le soutien au dollar, a mené les U.S.A. à décharger sur les « alliés » les coûts de la crise.

Notre pays, comme anneau faible de l’impérialisme, se retrouve à payer les prix les plus lourds et à subir les contradictions les plus déchirantes.

Tout cela produit des mouvements de masse qui, par-delà leur apparente absence d’homogénéité et les différents niveaux d’antagonisme qu’ils expriment, se définissent comme des mouvements durables et unitaires, parce qu’unifiés par la cause objective qui les produit : la crise historique générale du mode de production capitaliste actuel.

De Turin à Naples, de la multinationale Fiat à celles de l’État, du cœur de la classe aux marginaux, des grandes maisons d’arrêt métropolitaines au circuit des prisons spéciales, les mouvements de masse s’annoncent plus vivaces que jamais en ce printemps 82 : cela en dépit des velléités de l’État qui voudrait assécher l’eau dans laquelle nage le poisson rouge de la guérilla, en dépit des funérailles que les infâmes voudraient faire au mouvement révolutionnaire, le plus vite possible.

Ces mouvements se définissent potentiellement comme mouvement de masse révolutionnaire en ce qu’ils s’opposent de manière offensive au mouvement de restructuration-destruction du capital, en le bloquant ; en ce sens, ils se situent directement sur le terrain du pouvoir.

C’est à partir de leur pratique que nous saisissons les aspirations profondes du prolétariat métropolitain, auxquelles seul le communisme, en tant que mouvement réel qui abolit l’ordre établi, peut donner une réponse.

C’est à ces mouvements que nous nous adressons dans notre pratique sociale qui vit dans cette salle dans les formes du procès guérilla, et qui, de cette manière, contribue à construire le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain.

En pratiquant le procès-guérilla, nous faisons vivre, aujourd’hui ici, dans le concret de la pratique sociale, le mot d’ordre reprendre l’offensive et nous dialectisons avec l’initiative de la guérilla qui, avec l’attaque contre ce bunker dans lequel vous êtes réduits à célébrer le procès, a plus que jamais démontré sa vitalité.

Reprendre l’offensive signifie développer les trois lignes directrices au long desquelles se réalise le Programme politique général de conjoncture :

— l’attaque au cœur de l’État, c’est-à-dire l’attaque au projet stratégique de la bourgeoisie impérialiste, dans sa dimension conjoncturelle.

Ce qui signifie aujourd’hui désarticuler et détruire le projet de refondation de l’État impérialiste des multinationales, en liquidant et dispersant le parti-régime, la D.C. La D.C. est l’axe porteur de la refondation de l’État impérialiste des multinationales.

Désarticuler et liquider la D.C. veut dire attaquer la refondation de l’État impérialiste des multinationales !

— la recomposition du prolétariat métropolitain dans la construction du système du pouvoir rouge. Ce qui signifie, aujourd’hui, dialectiser l’initiative de parti avec les mouvements de masse du prolétariat métropolitain, en construisant l’anneau manquant du système du pouvoir rouge — les organismes de masse révolutionnaires.

— la redéfinition pratique d’un authentique internationalisme prolétarien, à partir du développement de la révolution dans notre pays. Ce qui signifie aujourd’hui, contre les asphyxiantes théorisations sur l’internationalisme combattant, développer la dialectique entre Parti et mouvement de masse qui lutte contre l’impérialisme et le social-impérialisme. Construire l’unité des guérillas qui combattent au cœur des métropoles pour le communisme. Soutenir la lutte des peuples et des pays qui luttent contre l’impérialisme et le social-impérialisme. Anéantir tout type d’impérialisme.

Ou il y aura le communisme pour tous, ou il n’y aura de communisme pour personne !

Consolider le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain, aller au-delà de l’agir en Organisation communiste combattante.

Dans le mouvement révolutionnaire, les derniers mois ont été riches de transformations et de développements.

Nous avons assisté à la défaite du militarisme qui, à cause de son réductionnisme, ne peut que se vriller sur lui-même dans la reproduction d’actions qui se préoccupent uniquement d’attaquer l’appareil de la bourgeoisie impérialiste, à des niveaux toujours plus élevés, en niant la dialectique entre parti et besoins immédiats du prolétariat métropolitain.

À partir de la défaite politique et militaire subie avec l’action Dozier, le militarisme campe sur la « retraite stratégique », en se faisant l’illusion que l’unique possibilité de définir une riposte adéquate à la contre-offensive bourgeoise soit en se « retirant », en se dissolvant au sein des masses et en arrêtant sa propre initiative pour élaborer une théorie révolutionnaire adéquate.

Ces camarades ne comprennent pas que l’unique théorie révolutionnaire ne peut naître et vivre que dans la dialectique constante avec la praxis révolutionnaire. Ils ne comprennent pas que la praxis est vérification de la théorie, mais aussi procès de transformation de la réalité et, en ce sens, procès de transformation du parti lui-même pour l’adapter aux tâches complexes de transformation de la matière sociale.

Il n’y a pas de praxis révolutionnaire sans théorie révolutionnaire !

Il n’y a pas de théorie révolutionnaire sans praxis révolutionnaire !

Mais, il y a plus : dans la métropole impérialiste, il n’existe pas de zones de neutralité ni de zones libérées dans lesquelles la guérilla pourrait se retirer.

Là où le pouvoir rouge n’arrive pas à détruire le pouvoir bourgeois, le pouvoir bourgeois croît en extension et en profondeur !

L’existence de la guérilla dans la métropole ne peut être donnée que par sa capacité à être constamment à l’offensive et à la tête des mouvements de masse du prolétariat métropolitain.

Il n’existe donc pas, pour la guérilla dans la métropole, de possibilités de se retirer dans le cours de la guerre de classe pour la transition au communisme et la construction du système du pouvoir rouge.

Dans la métropole, la retraite — à plus forte raison si elle est retraite stratégique — est la mort pour le prolétariat ! Mort de ses rapports sociaux en transformation, mort des besoins évolués qui mûrissent dans les luttes, acceptation de la rationalité nécrophile du capital, jusqu’à la véritable mort physique

La perspective de la retraite stratégique dans la métropole n’est donc pas la condition de la reprise de l’offensive, comme elle pouvait l’être lors de la révolution chinoise, mais le plan incliné qui mène nécessairement à la liquidation du projet guérillero.

Au cours de ces mois, nous avons assisté à l’immobilisme forcené des lignes qui se sont arrêtées à l’agir en Organisation communiste combattante, en s’arrêtant dans le processus de construction du système du pouvoir rouge.

Cet immobilisme est dû à l’incapacité-impossibilité d’affronter et de trancher les nœuds que la guerre de classe met à l’ordre du jour, à travers les lignes subjectivistes — oscillant constamment entre économisme et militarisme — ou même des lignes néo-révisionnistes.

Ces lignes finissent, en fait, par enfermer sa propre pratique sociale dans des secteurs de classe particuliers, à l’intérieur desquels elles réussissent sûrement à consolider une dialectique concrète et propositive par rapport aux mouvements de masse particuliers — par exemple le prolétariat prisonnier, ou même des secteurs particuliers de la classe ouvrière — sans cependant réussir à pratiquer le terrain aujourd’hui indispensable pour être parti : l’attaque au cœur de l’État à l’intérieur de la recomposition du prolétariat métropolitain pour la construction du système du pouvoir rouge, dans la guerre de classe pour la transition au communisme.

La ferme critique de Parti à ces lignes erronées, « d’Organisation communiste combattante », est aujourd’hui le présupposé pour construire l’unité de toutes les forces sincèrement révolutionnaires, en les positionnant sur la ligne aujourd’hui la plus avancée.

Mais l’élément aujourd’hui dominant dans le mouvement révolutionnaire est le saut de qualité que la guérilla a accompli au cours de ces mois en commençant à affirmer avec clarté l’identité politique du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain !

La ligne de Parti, même si elle vit parmi mille difficultés, s’est construite à partir de la Campagne d’Urso, à travers les Campagnes Cirillo et Peci, en se caractérisant par la continuité de l’attaque au cœur de l’État, en se caractérisant par la multi-dimensionnalité de sa pratique sociale, en se caractérisant par sa capacité à être le parti qui construit le parti en constante interaction dialectique avec les mouvements de masse et les organismes de masse révolutionnaires du prolétariat métropolitain, en se caractérisant enfin par l’importance qu’elle assigne à l’étude de la conception matérialiste de l’histoire, du matérialisme dialectique et de son développement dans le cours de la révolution prolétarienne, comme base indispensable à la construction d’une adéquate théorie révolutionnaire et de parti.

Dans la lutte contre les lignes erronées, au cours de la dernière année s’est construit un collectif de cadres communistes qui a dirigé les pratiques sociales les plus mûres des Campagnes Printemps-Été 81 et qui, à partir de cela, a déjà commencé à effectuer le saut de Organisation communiste combattante à Parti.

Comme il n’y a pas eu de continuité linéaire entre la naissance et l’explosion du mouvement de masse de 68/69, la naissance et la croissance des « groupes », la naissance de la lutte armée et des Brigades Rouges en particulier en 1970, de même aujourd’hui, il n’y a pas de linéarité dans le saut de Organisation communiste combattante à Parti !

Avec la rupture opérée par la ligne de Parti vis-à-vis des lignes erronées, dans le feu de la pratique sociale des Campagnes Printemps-Été 81, l’avant-garde communiste n’a bien sûr pas construit le Parti, mais elle a démarré un processus de fondation-construction du Parti à partir d’un corps de thèses organiques.

La Résolution de la direction stratégique de 81, journal no 4 des Brigades Rouges, qui synthétise de manière organique ce corps de thèses, est pour nous un point d’arrivée décisif dans la bataille politique contre les lignes erronées, en particulier militaristes, organisativistes, subjectivistes et néo-révisionnistes. Elle est un instrument indispensable pour la fondation du Parti.

Le saut de qualité est un processus de construction qui a un point de départ historiquement défini, objectif et subjectif.

En ce sens, la rupture par laquelle nous avons affirmé la fin historique du cycle d’Organisation communiste combattante est déjà le début du Parti : le parti qui construit le Parti !

Après la rupture que représente la première étape du saut au parti, il y a le parti, mais il est encore une Organisation communiste combattante en ce sens qu’il représente le nouveau qui vit encore dans l’ancien.

Saisir le nouveau qui avance et détruire le vieux qui n’est pas encore mort et ne peut être mort, non seulement dans le rapport entre Parti et Organisation communiste combattante, mais aussi dans le Parti lui-même ! Rien ne doit subsister de l’agir en Organisation communiste combattante !

Combien est longue et complexe la route pour atteindre cet objectif, le démontrent les défaites tactiques que la guérilla a subi après la grande offensive des Campagnes Printemps-Été.

Ces défaites n’arrêtent pas la croissance du mouvement révolutionnaire, elles ne peuvent interrompre la construction du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain, elles ne sont que des batailles perdues, des défaites tactiques inscrites dans le saut que l’ensemble du mouvement révolutionnaire, à partir de son avant-garde communiste, a fait et continue de faire.

En 81, un cycle du processus révolutionnaire dans notre pays s’est clos par une rupture avec le passé : les Brigades ont démontré, dans leur pratique sociale, la capacité à être parti, en se posant comme direction du mouvement révolutionnaire et en déterminant les lignes directrices portantes du Programme politique général de conjoncture.

Le saut d’Organisation communiste combattante à Parti ne peut être refait à l’envers, il est définitivement fixé dans la pratique sociale et dans la théorie des Brigades Rouges.

Le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain a commencé à parcourir sa route pour organiser la transition au communisme et construire le système du pouvoir rouge !

Les défaites tactiques sont des moments inévitables qui doivent être transformés en moments de réflexion et de croissance sur le plan stratégique.

La défaite tactique de janvier n’est pas le fruit d’erreurs techniques, militaires, mais la démonstration que le parti n’avait pas encore résolu les problèmes essentiels de son identité-capacité de projet.

Apprendre de cette vague d’arrestations momentanée a signifié pour nous consolider le parti, en faisant un saut de qualité dans le processus de sa construction.

Comme dit Mao : « Découvrir la vérité à travers la pratique et à travers la pratique développer la vérité et le point de vue de la vie, de la pratique, doit être le point de vue premier et fondamental de la théorie de la connaissance. »

La défaite tactique de janvier 9 est le fruit d’un rapport incorrect entre théorie et praxis qui vivait dans le parti. En ce sens, la consolidation du parti n’est pas un moment organisationnel, mais un saut dialectique qui redéfinit un rapport correct entre théorie et praxis.

Aux vautours idiots de la bourgeoisie impérialiste, à ceux qui croient pouvoir désarmer le prolétariat métropolitain et abattre les Brigades Rouges, nous rappelons que l’occupation et le déménagement de Santa Maria Capua Vetere et l’attaque contre ce bunker menée par des détachements armés de notre parti représentent la continuité et la relance de la guérilla à partir de la réaffirmation de la validité du Programme politique général de conjoncture, sanctionné par la Direction stratégique de 1981.

Comme le disent justement les camarades dans le tract du 14 avril, « le cycle commencé en 68 ne peut maintenant continuer qu’en accomplissant un saut de qualité : de premiers noyaux de guérilla, les Brigades Rouges deviennent maintenant Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain ».

Ce qui est en cours de manière permanente est le procès de la révolution à la contre-révolution !

Comme le disent encore les camarades : « Avec le « procès Moro », la bourgeoisie impérialiste a tenté de libérer ses propres songes de l’assaut de la guerre de classe. Le « procès Moro » devait et veut être non seulement le procès des Brigades Rouges, de la guérilla métropolitaine et du mouvement révolutionnaire, mais aussi le procès d’une hypothèse révolutionnaire, la guerre de transition au communisme.

Le « procès Moro » devait ratifier et sanctionner l’acte de mort de la révolution, mais le procès de la révolution est impossible ! »

Le procès d’Aldo Moro ne s’est pas conclu il y a quatre ans, parce qu’il était en réalité le procès d’une classe politique et du projet que celle-ci gère pour le compte de la bourgeoisie impérialiste.

Le procès d’Aldo More a continué avec le procès Cirillo et continue sans interruption depuis quatre ans, même si les formes du projet ont changé : en 78, c’était le projet d’unité nationale autour de l’embrassade interclassiste D.C.-P.C.I., aujourd’hui c’est le projet de la refondation de l’État impérialiste des multinationales en État pour la guerre totale au prolétariat métropolitain, autour de l’inamovibilité forcenée confirmée par des culs-de-pierre démochrétiens.

Le procès de cette classe politique qui gère le projet de la bourgeoisie impérialiste vit aujourd’hui dans le pays, comme il vit dans les formes du procès guérilla à l’intérieur de cette salle d’audience.

Tout comme le « procès Moro » est un moment de la refondation de l’État, notre procès guérilla est un moment de la construction du parti !

Pour nous, aujourd’hui, pratiquer le procès guérilla ne signifie pas uniquement donner la parole aux mouvements de masse et relancer les mots d’ordre que la guérilla lance avec son initiative externe.

Procès guérilla, pour nous, aujourd’hui, signifie être un point de référence clair pour la classe en développant une pratique sociale de guerre jusqu’à l’intérieur de cette salle d’audience.

À l’intérieur des rapports de force plus généraux entre bourgeoisie et prolétariat, reprenons l’offensive contre l’éphémère contre-offensive ennemie !

Nous travaillerons dans cette salle d’audience pour reconstruire une mémoire prolétaire de 12 années de lutte armée : c’est à partir de ce terrain que notre présence dans ce bunker recouvre un caractère offensif et fait peur aux esclaves de la bourgeoisie, en ce qu’il détruit le projet de l’État qui voudrait nier l’histoire, l’identité et les motivations sociales de la guérilla, en la réduisant à une histoire de crimes sans perspectives !

Le pouvoir sur la mémoire est un aspect fondamental du contrôle social dans la métropole.

La mémoire est fonction de la projetualité et, pour cela, l’issue de la révolution sociale dans la métropole dépend aussi de la solution de la lutte de classe sur ce terrain.

La mémoire bourgeoise tente de programmer les comportements prolétaires avec l’objectif précis de rendre les tensions de classe compatibles, mais cette tentative butte inexorablement contre l’irréductibilité de l’antagonisme prolétarien, fruit du caractère irrésolvable de la crise.

Le génocide de la mémoire prolétaire est pour la bourgeoisie la condition du contrôle préventif des comportements du prolétariat métropolitain.

C’est la mémoire du possible pour ce mode de production, et non de celui de la transformation révolutionnaire qui avance sur le mot d’ordre : l’impossible pour ce système est notre possible !

Le Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain, au contraire, doit être capable de stimuler la construction des multiples interconnexions entre Parti et mouvements de masse, entre les divers mouvements de masse, entre les divers organismes de masse révolutionnaires, en construisant la communication sociale transgressive et en reconstruisant à l’intérieur de ces riches connexions, à partir et en fonction de celles-ci, une mémoire prolétaire de la lutte armée.

Cette mémoire est un instrument indispensable pour transformer l’antagonisme prolétarien en une stratégie politico-militaire, pour la construction du pouvoir-savoir social du prolétariat métropolitain.

Cette mémoire n’est donc pas uniquement reconstruction historique de notre passé : elle est mémoire tournée vers le futur.

Plus encore : elle est mémoire d’évènements futurs !

Elle est un instrument indispensable à la capacité de projet du parti, ou mieux, à sa capacité à résoudre le problèmes stratégiques de la transition et les problèmes des masses à travers la définition des programmes.

Elle est un se rappeler pour transformer, non pour conserver ; se rappeler pour accélérer et massifier la transition au communisme.

Combattre contre l’usine bourgeoise de la mémoire collective et audiovisuelle, contre les rapports sociaux de sa production-circulation, pour une autre mémoire, est une question vraiment décisive.

Cela signifie construire un rapport avec le passé tourné vers la transition révolutionnaire au communisme, en reconnaissant dans notre passé les germes des événements futurs !

C’est à partir de cette mémoire qu’aujourd’hui nous voyons la grande et victorieuse Campagne de Printemps 78 comme l’offensive qui a posé les présupposés pour le saut à une phase plus avancée de la guerre de classe pour la transition au communisme : de la phase de la propagande armée à la phase de la construction du système du pouvoir rouge, et en particulier du Parti et des organismes de masse révolutionnaires.

La Campagne de Printemps est contemporainement un point d’arrivée et un point de départ.

Un point d’arrivée de huit ans au cours desquels l’avant-garde guérillera, avec à sa tête les Brigades Rouges, a su enraciner la stratégie de la lutte armée dans le prolétariat métropolitain, à partir de la classe ouvrière des grandes usines, en s’étendant progressivement au prolétariat marginal et extralégal et en abattant le mur qui divisait les prisons du reste de la société.

Un point de départ pour de nouveaux pas en avant accomplis par la guérilla de 78 à aujourd’hui et synthétisés avec une évidence particulière dans les Campagnes de Printemps-Été 81.

C’est la Campagne de Printemps qui posa les éléments pour son propre dépassement, en imposant un saut de qualité dans le rapport masses-parti-masses et en mettant à l’ordre du jour le problème de la continuité de l’attaque à l’État, entendue comme continuation du procès d’Aldo Moro dans ses plus profonds contenus.

Ce sont justement les résultats politiques obtenus par la Campagne de Printemps et développés au cours des années suivantes que la bourgeoisie veut effacer avec ce procès.

L’unique chose que cette cour puisse faire est administrer des siècles de prison ! Les seules qui puissant réaffirmer la vérité révolutionnaire sont les Brigades Rouges : c’est cette vérité que nous voulons revendiquer dans ce procès, contre le génocide de la mémoire prolétaire perpétré parla justice bourgeoise !

Dans cette salle d’audience, unis au mouvement révolutionnaire, nous continuons le procès du régime et de ses esclaves.

Pour cela, nous n’avons aucun besoin d’avocats puisque nous n’avons à nous défendre de rien.

Nous révoquons donc le mandat de nos avocats de confiance et nous défions quiconque de parler en notre nom !

Relancer l’offensive prolétarienne sur le terrain du Programme politique général de conjoncture, pour battre la contre-offensive de l’État impérialiste des multinationales !

Rome, 26 avril 1982

Les militants du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain

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Union des Communistes Combattants : Action contre Da Empoli (1986)

(février 1986)

Le vendredi 23 février, un noyau armé de notre organisation a attaqué et blessé Antonio Da Empoli, responsable et dirigeant du « bureau des affaires économiques » du Palais Chigi [Siège de la présidence du conseil des ministres et du conseil des ministres du gouvernement italien].

Antonio Da Empoli a joué, sous sa parure de « coordinateur » du staff d’experts économiques de Craxi [Secrétaire du parti socialiste italien, président du conseil des ministres dans deux gouvernements de coalition entre démocratie chrétienne, parti socialiste italien, parti socialiste démocratique italien, parti républicain italien et parti libéral italien, du 4 août 1983 au 29 juin 1986 et du 2 août 1986 au 3 mars 1987], un rôle essentiel dans l’élaboration de la loi financière, loi qui constitue un des instruments les plus importants de la politique économique du gouvernement bourgeois.

Notre noyau armé suivait des consignes précises: blesser et non pas tuer Antonio Da Empoli (comme cela a été fait); laisser la vie au sale sbire qui l’escortait (ce qui s’est traduit dans le fait d’avoir tiré dans les pneus et non sur le chauffeur).

Au cours de l’opération, Wilma Monaco Roberta, dirigeante de notre organisation, communiste engagée depuis des années dans la lutte armée et dans le mouvement de classe en Italie, a été tuée suite à la réaction de l’agent des services spéciaux.

L’Union des Communistes Combattants rend avant tout honneur et respect à sa militante tombée en combattant pour le communisme et invite tout le prolétariat révolutionnaire à méditer sur la signification du sacrifice de Roberta.

Cela dit, procédons par ordre.

Hurlements, bruits, tapage

Les classes dominées en Italie sont depuis longtemps habituées à d’inconvenants spectacles: chaque jour, la classe politique des partis bourgeois met en scène une nouvelle bouffonnerie.

Au cours de ces derniers mois encore, litiges et bagarres se sont succédés dans tous les domaines: de la politique extérieure à la paternité du drapeau, de l’actualité des religions aux choix économiques, du Conseil Supérieur de la Magistrature à la RAI TV.

Pour ces hommes pourtant habitués à la bagarre, au croc-en-jambe réciproque et à la lutte intestine, cela n’est évidemment pas de tout repos.

Craxi blesse De Mita [Secrétaire de la démocratie chrétienne jusqu’en février 1989, actuellement président du conseil des ministres du gouvernement en place depuis le 14 avril 1988], et celui-ci à son tour le poignarde dans le dos; Spadolini [Secrétaire, durant des années, du parti républicain italien, il fut ministre des affaires étrangères des gouvernements Craxi 1 et 2] joue des coudes de manière encombrante pour souligner sa grasse présence, s’élevant de temps à autre jusqu’à quelqu’aboiement pudique dans la maison libérale et la maison social-démocrate.

Existe-t-il un gouvernement en Italie?

Confrontés à une telle souveraine irresponsabilité, face à l’incompétence généralisée des hommes politiques qui occupent les sièges du pouvoir, on en arrive parfois à se le demander…

Bien qu’il soit vrai que la politique bourgeoise dans notre pays se réduit le plus souvent à une incursion de palais, il est vrai « aussi que les classes laborieuses ne se retrouvent guère, dans cette ronde infernale, dans cet incessant carrousel, et qu’elles en restent souvent dégoûtées.

Le sentiment qui domine, c’est celui d’être aux prises avec un tumulte permanent et irritant dont le sens reste inconnu: hurlements, bruits, tapage, justement.

Les faits

On ne peut pas nier, à la fin des fins, qu’il est vraiment difficile de s’orienter dans le panorama des partis italiens: ils changent si souvent de position, ils attaquent et font si rapidement la paix, ils sont tellement privés de toute ligne cohérente qu’ils laissent aussi perplexes l’observateur politique le plus averti que le partisan des travailleurs le plus expérimenté.

Pour le prolétariat, il conviendra donc de se référer aux faits, aux faits nus, aux faits crus, aux faits têtus qui toujours en disent plus que toute proclamation, que toute déclaration d’intention vendue pour vraie par l’orateur de service.

Et les faits, en vérité, parlent clairement: ils parlent si clairement qu’ils dissipent en un clin d’œil cette impression de vacarme envahissant propre au système politique bourgeois italien. Incapables et voyous, oui: mais au pouvoir.

Ignorants et maquereaux, oui: mais des idées claires quant à leur fonction.

Il existe un gouvernement: deux années et demie de gouvernement Craxi, deux ans et demi de « stabilité » garantie par ce strong man, ont fait cadeau à la classe ouvrière de trois lois financières, l’une pire que l’autre;

d’un décret-escroquerie (celui de février 1984) qui réduisit de force le salaire ouvrier; de quelques dévaluations décidées au moment ad hoc pour favoriser les grands groupes industriels et pénaliser le pouvoir d’achat des travailleurs;

d’une politique industrielle qui, bien que privée en apparence de toute cohérence, a sans conteste privilégié les restrictions d’emploi et les fermetures d’entreprises (notre Da Empoli en sait quelque chose);

de missiles américains sur notre territoire, et d’un acquiescement systématique aux choix bellicistes de Reagan- dans les confrontations et d’un renforcement du rôle réactionnaire de l’Italie dans la Méditerranée.

Mais ce n’est pas encore assez: dulcis in fundo [last but not least (ndlr)], Craxi et ses complices préparent l’adhésion en sourdine à la « guerre des étoiles » des Docteur Folamour américains.

Nul besoin d’être prophètes pour prévoir qu’après Sigonella [Base de l’OTAN, située près de Catane, en Sicile], ils seront bien peu brouillés avec les gars du Pentagone: Attention, notre Foster Dulles en seizième, l’âne Spadolini, veille sur le solide investissement « atlantique » du Beau Pays.

Aussi risible et incompétente qu’elle soit, la classe politique italienne a donc adopté en bloc une direction de gouvernement assez précise, une orientation particulièrement réactionnaire, tant en matière de politique économique que dans le domaine de la politique extérieure.

Tant et si bien que ce qui se profile nettement, c’est précisément l’ombre d’un sourd projet de restauration autoritaire et conservatrice qui fatalement remettra en question de nombreuses conquêtes affirmées du mouvement ouvrier, qui mènera sans cesse plus l’Italie vers une politique extérieure agressive et impérialiste, qui restreindra substantiellement les espaces déjà fort peu confortables de l’opposition sociale.

Le pourquoi

Le pourquoi est simple à sa manière. Le capitalisme est en crise et à la recherche d’une nouvelle « identité »: cela fait désormais bien longtemps que les conditions dans lesquelles l’accumulation a pu célébrer ses fastes les plus importants du second après-guerre se sont irrémédiablement évanouies.

« Reprise » et « petite reprise », – et cela est largement admis -, n’ont guère entamé la caractéristique essentielle d’une période historique profondément marquée par la récession, les difficultés du marché et la suraccumulation des capitaux,

Aujourd’hui, on cherche une solution.

Mais la solution du capitalisme est basée sur l’agressivité, sur l’accentuation de la compétition entre monopoles, sur la mise au point d’un énorme bond de recomposition organique – de reconfiguration générale – de l’organisation productive, recomposition dont le prix est représenté par des milliers et des milliers de licenciements.

Aujourd’hui, les équilibres mondiaux se négocient.

Mais la concertation des pays impérialistes se mène sur la base du chauvinisme, de la politique de puissance, d’agressions permanentes et systématiques dirigées contre les jeunes nations engagées dans une voie de développement non capitaliste.

Les U.S.A. de Reagan marchent en tête, mais, que l’on ne croie pas que des nations telles que la France, la Grande-Bretagne et l’Italie jouent un rôle de simples comparses: du Liban au Tchad, des Malouines à la Corne d’Afrique, la nature impérialiste de la politique extérieure européenne est bien évidente, même pour l’observateur le plus démuni.

C’est cela la réalité de la crise du capitalisme: les grands groupes financiers et monopolistes, qui ont besoin de commandes et de marchés, deviennent les meilleurs alliés des castes militaires; les classes politiques se font progressivement sensibles au rappel de l’autorité, et caressent des projets conservateurs.

En général, c’est un climat symptô-matique de restauration qui se répand, climat dans lequel des valeurs précédemment disqualifiées font à nouveau irruption avec une insolence renouvelée, tant dans le langage courant que dans les choix quotidiens des classes dominantes.

La société bourgeoise est toujours la même: la logique du profit prévaut sur tout le reste.

Et en temps de crise, en Italie comme dans le monde, pour faire du profit il faut licencier, réduire les salaires, trancher dans l’assistance et les services publics; en temps de crise, en Italie comme dans le monde, pour faire du profit il faut des gouvernements agressifs, des expéditions « punitives » contre les pays et les peuples qui ne se plient pas à la logique de l’impérialisme, des budgets militaires plus élevés et finalement la « guerre des étoiles ».

Quelqu’un voudrait nous convaincre que nous sommes à l’ère « post-industrielle »?

A l’époque de l’obsolescence des classes? Allons, nous ne sommes pas si naïfs.

Du Nicaragua au Salvador, des Philippines à l’Azanie, de la Palestine occupée au Sud-Liban, la lutte des classes brûle impétueusement à travers le monde; et dans notre pays même, il y a deux ans, c’est la classe ouvrière tout entière qui s’est engagée dans la lutte pour mettre en déroute l’autoritarisme gouvernemental et patronal.

Vraiment, la société bourgeoise, l’impérialisme, sont toujours les mêmes: le capitalisme, de même qu’il produit des marchandises, produit la lutte des classes; l’impérialisme, de même qu’il exporte le capital et l’oppression, réveille la conscience des peuples.

Que faire?

Avant tout, que ne pas faire. Ne pas faire confiance au parti communiste italien, se défier de ce parti qui non seulement est incapable de défendre les intérêts premiers et immédiats des travailleurs, mais encore – et lui-même l’admet explicitement – n’a pas la moindre intention de modifier réellement la société actuelle.

Qu’a fait le P.C.I. de Natta pour bloquer la loi financière? Il s’est contenté d’appuyer sur les boutons de Montecitorio, il a assuré l’opposition « constructive »! [Montecitorio est le lieu où siège la chambre des députés de la république italienne, où ces députés se prononcent au moyen de boutons électroniques.]

Que propose Boutique Obscure face à la situation italienne? [Boutique Obscure désigne la rue où se situe le siège du comité central et de la direction du parti communiste italien.]

Le gouvernement « de programme », gouvernement qui se constitue avec les sots de la démocratie chrétienne, avec les amérikains du parti républicain italien et avec la bande de brigands qui occupent la Via del Corso! [Siège du comité central et de la direction du parti socialiste italien.]

Le P.C.I. est l’aile gauche de la bourgeoisie, l’atout que cette dernière garde en réserve pour maintenir sous contrôle les ouvriers: cela fait maintenant quarante ans que ce parti réchauffe les bancs du parlement alors que, plus le temps passe, plus il est évident aux yeux des masses que rien ne peut changer en croupissant dans cette chambre fétide.
Alors se mobiliser.

Se mobiliser dans chaque poste de travail, dans chaque usine et dans chaque quartier, contre le gouvernement de la bourgeoisie, contre ses décrets et ses lois, contre sa politique conservatrice et autoritaire tant dans le domaine économique qu’en politique internationale.

Dans les classes dominantes, dans les milieux qui comptent du grand capital, dans les cercles dirigeants des partis politiques, souffle un vent de réaction et se répand une volonté de revanche.

Les projets de réforme institutionnelle sont une partie organique de cette tendance, en ce qu’ils tendent à renforcer l’autorité, le pouvoir et la liberté de manœuvre de l’exécutif au détriment du parlement.

La promulgation de la loi financière n’est donc pas seulement la dernière – chronologiquement – d’une longue série de fraudes perpétrées par un gouvernement et un patronat toujours plus déterminés à humilier le prolétariat dans ses intérêts et ses aspirations.

Il faut se mobiliser, en tout lieu, contre cette tendance, il faut s’opposer de manière décidée à cette véritable redéfinition réactionnaire de la société italienne.

Il faut, par des grèves, des manifestations, par la propagande et l’agitation de masse, unifier tout le mouvement prolétarien et mettre le dos au mur la bureaucratie syndicale et les pompiers de Natta, il faut, en usant de toutes les formes de lutte possibles, contrer les agissements de la bourgeoisie, mener ses ambitions autoritaires à la faillite et couler à pic son gouvernement réactionnaire.

La lutte armée

Mais cette lutte demande une direction; le mouvement de masse a besoin d’un guide énergique.

Tout le cours des événements politiques et économiques de ces dernières années révèle avec une extraordinaire cohérence le caractère du tournant amorcé aujourd’hui en Italie: les classes dominantes dérapent peu à peu vers des positions de plus en plus réactionnaires. De grands mouvements de masse sont nés spontanément pour contrer cette tendance et ont démontré à plusieurs reprises la potentialité de lutte innée du prolétariat italien; mais ces mouvements ont besoin d’une direction, d’un guide capable d’orienter la mobilisation vers des objectifs généraux.

Ce guide est la lutte armée, la lutte armée des vrais communistes qui s’opposent ouvertement au gouvernement de la bourgeoisie. Aux premières lignes dans la lutte contre la politique économique et extérieure du gouvernement, aux premières lignes dans la défense des intérêts vitaux de la classe ouvrière et dans le soutien d’avant-garde aux mouvements de masse, les communistes combattants ne s’arrêtent pas pour autant aux exigences immédiates du prolétariat: par leur action énergique et cohérente, ils indiquent la voie pour la solution réelle des problèmes et combattent avec de justes moyens pour y parvenir effectivement.

La lutte armée communiste ne se limite pas à « dire » pourquoi les choses ne vont pas; elle attaque l’Etat et les patrons, pour affaiblir l’ensemble, elle ouvre des brèches dans révolution politique des rapports entre les classes, elle démontre concrètement aux plus larges masses prolétariennes qu’il existe une alternative globale à la pourriture parlementaire, à l’exploitation quotidienne, à la politique agressive dirigée contre les peuples opprimés et les jeunes nations réellement indépendantes de l’impérialisme. Cette alternative, c’est le socialisme, la dictature du prolétariat.

Quelqu’effort que puisse consacrer le P.C.I. à détourner les masses de cette aspiration éternelle, le cours même des événements amène la classe ouvrière tout entière à prendre conscience de son rôle historique.

Toute arrogante qu’elle soit, la bourgeoisie impérialiste n’a rien d’autre à proposer à des millions d’hommes qu’anarchie dans la production, insécurité, sous-développement, guerre et mort; le prolétariat, guidé par son parti combattant, pourra mettre fin à cet indécent massacre d’énergie humaine.

Camarades, prolétaires,

Depuis de nombreuses années dans notre pays se développe une lutte armée contre la bourgeoisie et ses gouvernements corrompus.

C’est une lutte pour le socialisme, une lutte pour la conquête du pouvoir politique du prolétariat.

De nombreuses expériences ont été accomplies, mettant en évidence des enseignements significatifs.

Aujourd’hui il faut relancer cette lutte et il faut le faire dans une juste perspective: il faut consolider le rôle dirigeant de cette lutte dans le mouvement de masse tout en travaillant à l’élargissement des rangs clandestins et disciplinés des communistes combattants au sein de chaque réalité productive et sociale.

Chaque élément avancé, chaque avant-garde prolétarienne qui lutte quotidiennement dans les masses, défendant de manière cohérente leurs intérêts immédiats comme leurs intérêts généraux, doit guider la mobilisation vers cette forme avancée de lutte praticable par le mouvement entier, sans jamais oublier ses devoirs de communiste: il faut lutter pour le pouvoir politique, pour la dictature du prolétariat!

Il faut avant tout organiser la lutte armée, affaiblir l’ennemi dans son ensemble!

Dans chaque usine, dans chaque quartier, dans chaque poste de travail, dans chaque réalité prolétarienne, la tâche des communistes est avant tout celle de s’organiser pour la lutte d’avant-garde, et non plus de s’identifier à la masse.

Notre organisation appelle résolument à la réunion dans ses rangs organisés et éclairés par un point de vue réellement marxiste, de toutes les avant-gardes prolétariennes et ouvrières, de tous les éléments avancés, de tous les révolutionnaires qui, dans les conditions actuelles, se posent la question d’une lutte cohérente pour le socialisme.

Relancer la lutte armée en lui imposant une direction marxiste: voilà le devoir actuel des vrais communistes!

La mort de la camarade Wilma Monaco Roberta

Wilma Monaco Roberta, dirigeante de notre organisation, est née dans les grands quartiers populaires que le prolétariat romain connaît bien: Testaccio et Primavalle sont les lieux qui ont connu son enfance et accompagné sa maturité.

Très jeune, elle était déjà aux premières lignes dans les luttes populaires et prolétariennes: dans les luttes contre le chômage, dans les luttes pour le logement et pour de meilleures conditions de vie que celles que réserve le capitalisme aux classes dominées dans les métropoles.

Cette expérience restera toujours une constante du militantisme de Wilma: le problème de la classe ouvrière était très vivant en elle, tout comme la nécessité de savoir interpréter les aspirations réelles de millions de travailleurs.

Mais Wilma ne fut pas seulement une avant-gardiste de masse: elle fut avant tout une communiste combattante.

Dès 1977, âgée de 19 ans seulement, elle s’engagea dans la lutte armée et elle se rallia en 1979 aux Brigades Rouges en travaillant sous leur direction.

Comme celle de beaucoup d’autres militants, son histoire personnelle coïncida dès lors avec celle du mouvement révolutionnaire italien, avec celle des Brigades Rouges.

Wilma comprit toujours l’importance fondamentale de ce mouvement, de l’expérience des Brigades Rouges: jamais, même dans les moments les plus sombres, elle ne mit en doute le choix de la lutte armée, jamais elle ne prêcha la conciliation comme tous ceux qui ont abandonné la lutte.

Et en même temps Wilma fut une marxiste cohérente: elle comprit l’importance que revêt le socialisme scientifique dans la lutte des classes et s’engagea totalement dans la relance de la lutte armée dans cette juste perspective générale.

Wilma apporta une contribution essentielle à la fondation de l’Union des Communistes Combattants: une contribution faite de raison et de détermination, d’humanité et d’intransigeance. Dans nos rangs elle devint rapidement une dirigeante.

Aujourd’hui, alors que l’information bourgeoise spécule effrontément sur le sacrifice de Wilma, au moment où l’on tente de nier que ce sont les balles de l’Etat qui l’ont tuée, tout le prolétariat révolutionnaire doit méditer profondément la signification de la mort de cette communiste: par sa dernière contribution, elle a montré le chemin, la voie de la lutte armée cohérente et marxiste.

Cette indication fructifiera partout car le sacrifice de Wilma sert d’exemple aux nouvelles générations révolutionnaires, car son intégrité de révolutionnaire et de combattante peut éclairer tous ceux qui s’éveillent aujourd’hui à la conscience de classe!

Camarades, prolétaires,

Celui qui meurt pour la liberté ne meurt jamais en vain car vers la liberté se dirige inéluctablement l’Histoire.

Mais un communiste qui meurt dans l’accomplissement de son devoir est certain de se sacrifier moins vainement encore car son parti poursuivra la lutte, éclairé par les mêmes principes, avec la même rigueur et la même détermination que celles dont il a fait preuve.

Les classes dominantes se réjouissent de cette mort, mais elle ne fait que renforcer notre volonté de lutte et nos convictions: le souvenir et l’exemple de Wilma Monaco Roberta vivront éternellement dans les années à venir, lui rendant l’honneur et le respect de tout le prolétariat italien!

NON A LA LOI FINANCIERE!

DEHORS LE GOUVERNEMENT CRAXl!

HONNEUR A LA CAMARADE WILMA MONACO ROBERTA TOMBEE EN COMBATTANT POUR LE COMMUNISME!

EN AVANT LA LUTTE ARMEE POUR LE SOCIALISME!

>Sommaire du dossier

Union des Communistes Combattants : Manifeste et thèses de fondation (1985)

(Octobre 1985)

En Italie, la lutte révolutionnaire reprend naissance dans les années 1968-1969, sur base de la poussée politique effectuée par les vastes mobilisations ouvrières, prolétariennes et étudiantes.

Après de nombreuses années d’hégémonie révisionniste indiscutée sur la classe prolétarienne, après des années durant lesquelles le mouvement ouvrier ne s’éleva pas au-delà d’une lutte trade-unioniste, d’une lutte dans les limites de la société bourgeoise, le mot d’ordre de la conquête du pouvoir politique et de la dictature du prolétariat redevint d’une actualité brûlante.

Dès l’explosion initiale des luttes de masse, un problème apparaît comme primordial aux yeux des véritables avant-gardes: comment donner au mouvement de classe une direction politique qui forgerait les formes d’action révolutionnaire en mesure de guider les travailleurs vers la prise du pouvoir d’Etat?

En effet, toute lutte de classe est une lutte politique et le but de cette lutte, qui se transforme inévitablement en guerre civile, est le monopole du pouvoir politique.

Le cours des événements, marqué en 1968-1969 par le développement impétueux du mouvement de masse et aussi par la réaction et la contre-attaque de la bourgeoisie, mit précisément au grand jour la nature inconciliable de l’antagonisme existant entre capital et travail, et montra que les classes combattent, en dernière instance, pour conquérir le pouvoir d’Etat.

En résumé, l’histoire de ces années imposa au prolétariat et à ses avant-gardes conséquentes, un devoir pratique et urgent: créer un parti de type nouveau, un parti réellement communiste, capable de combattre sans réserve pour la dictature du prolétariat, sans se laisser attirer par les sirènes de la démocratie bourgeoise.

Mais le prestige du Parti Communiste Italien (P.C.I.) était grand dans les masses, et par conséquent aussi grand était le dégât que causait son évolution révisionniste et la politique pacifiste honteuse dont ce parti usait quotidiennement dans les salles du parlement bourgeois.

Une telle trahison ne pouvait être considérée comme un accident, et l’on ne pouvait pas non plus différer un examen responsable de révolution apparue dans le rapport entre les classes, dans les institutions politiques de la société bourgeoise et dans les expériences acquises par les mouvements révolutionnaires.

En somme, la recherche de voies nouvelles s’imposait, de voies propres à relancer la révolution dans le contexte des nouvelles conditions du second après-guerre.

L’organisation des Brigades Rouges se saisit de ce problème avec précision et exactitude et réussit à y répondre de manière extrêmement conséquente au niveau pratique grâce à sa décision d’initier la lutte armée contre l’Etat de manière systématique et continue.

Constituées en 1970, les Brigades Rouges durent d’abord naviguer à contre-courant: en effet, non seulement elles se trouvaient confrontées à de nombreux groupuscules pseudo-révolutionnaires qui, – s’ils étaient disposés à prendre part aux explosions violentes de la lutte de masse -, battaient en retraite dès qu’il s’agissait de se mettre à la tête du mouvement de manière organisée et conséquente, dès qu’il s’agissait de remplir une fonction politique et de direction dans la lutte spontanée du prolétariat; mais, pire encore, les Brigades Rouges rompaient sciemment avec une masse de préjugés ancrés dans les milieux révolutionnaires, préjugés qui considéraient la lutte armée comme impossible en dehors d’un contexte insurrectionnel et qui trouvaient, bien que de manière détournée, une signification immédiate dans la grande tradition de l’Internationale Communiste.

Pourtant, c’est la justesse même de cette vision politique – commencer la lutte armée en créant ainsi les bases du regroupement pour la fondation du parti du prolétariat – qui fut à la base du fait que les Brigades Rouges eurent raison, de manière décisive, de ces tendances retardataires et opportunistes.

Très vite, les Brigades Rouges se sont étendues dans les principales villes italiennes, dans les principaux pôles industriels; très vite, le sens et la signification de leur choix subjectif d’avant-garde devinrent évidents; et très vite, par leur juste action de lutte contre l’Etat, elles conquirent pour la lutte armée communiste un rôle central dans le panorama politique italien; et d’autres groupes commencèrent à suivre leur exemple.

Marxistes-léninistes dans leur réfèrent théorique, fortement enracinées dans la classe ouvrière et dans les couches les plus combatives du prolétariat des villes, les Brigades Rouges s’affirmèrent donc comme détachement d’avant-garde avant tout parce que leur proposition s’avéra être la réponse politique concrète à une situation historique concrète.

Si d’un côté l’inutilité du parlementarisme en ce qui concerne l’activité révolutionnaire était apparue absolument clairement, d’un autre côté les communistes risquaient bien malgré eux de se transformer en propagandistes stériles, extrémistes dans la lutte économique mais incapables d’influer sur l’évolution politique du rapport entre les classes.

Or les groupes qui ne savent pas imposer à la société toute entière les exigences politiques du prolétariat, les groupes qui ne savent pas s’opposer aux institutions bourgeoises à l’aide des moyens adaptés pour affirmer ces exigences, les groupes qui n’oeuvrent pas à la conquête de conditions générales plus favorables au développement de la révolution, ne sont certainement pas des groupes communistes et n’exercent certainement pas une fonction dirigeante dans la lutte des classes.

Les communistes sont les interprètes conscients d’un processus inconscient: telle est la thèse incontestable du socialisme scientifique.

Et par l’intermédiaire de l’initiative politico-militaire, l’avant-garde retrouva place dans la vie politique nationale et se conduisit précisément comme le représentant conscient des intérêts du prolétariat: elle s’éleva au-dessus de la lutte économique des masses, au-dessus du bourbier groupusculaire, et elle s’opposa clairement aux agents de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier.

A travers la pratique de la lutte armée, les Brigades Rouges montrèrent clairement que l’objectif de la classe ouvrière n’est pas telle ou telle réforme partielle, mais la prise violente du pouvoir politique, le bouleversement complet de la société toute entière; et ainsi, dans les faits, dans l’action concrète conforme aux spécificités de notre situation historique, les Brigades Rouges se rattachèrent au contenu réel, à la substance immortelle de la tradition communiste.

En quelques années en effet, il apparut clairement que le parti des Brigades Rouges constituait l’avant-garde du prolétariat italien, sa direction politique révolutionnaire.

Sur base d’une activité combattante intense et d’un travail constant de pénétration dans les masses, les Brigades Rouges purent légitimement déclarer, en 1978, la clôture de la première phase de leur lutte politico-militaire: suite à la Campagne de Printemps de cette année-là, à la séquestration et à l’exécution d’AIdo Moro, président de la Démocratie Chrétienne (D.C.) et principal instigateur de la politique dite du « compromis historique » entre la D.C. et le P.C.I., la lutte armée s’affirmait définitivement comme un point de référence obligatoire et déterminant pour tout révolutionnaire et, en même temps, comme l’unique opposition politique cohérente face au gouvernement bourgeois et aux manœuvres des partis contre les plus larges masses.

L’unité du politique et du militaire dans l’attaque au coeur de l’Etat, l’initiative combattante du parti comme direction politique consciente de la lutte des classes vers la prise du pouvoir politique, se présentait donc comme la conquête historique, comme le résultat essentiel de cette période.

L’Histoire cependant ne va pas en ligne droite.

Elle a certes une direction, une direction nécessaire, mais cette direction se présente précisément comme le résultat d’un parcours qui n’a rien de facile, plat et direct: c’est à travers d’innombrables sacrifices et aussi d’erreurs, à travers de grandes offensives et aussi des retraites désagréables, qu’une classe opprimée parvient à connaître la voie de son émancipation.

S’il est manifeste et irréfutable que les Brigades Rouges ont rendu au prolétariat italien la capacité politico-pratique d’organiser la lutte révolutionnaire contre l’Etat bourgeois (et cela constitue leur inestimable valeur historique), il est aussi vrai que, dans leurs actions, elles se basaient sur une conception politique éclectique, qui ne peut être définie comme marxiste que dans une certaine mesure.

La transposition à la situation sociale d’un pays impérialiste des schémas révolutionnaires propres aux pays dépendants, la sous-évaluation du rôle spécifiquement politique de l’avant-garde communiste, les nombreux mélanges entre le Marxisme-Léninisme et des idéologies anti-matérialistes d’origine purement petite-bourgeoise, telles sont les plus marquantes des diverses erreurs commises sur le plan théorique par les Brigades Rouges.

Et, dans la lutte des classes, à chaque erreur théorique correspond une erreur pratique: d’une part, de telles fautes théoriques provoquèrent l’incapacité d’exploiter pleinement les conquêtes réelles que l’expérience elle-même avait apportées aux communistes; et d’autre part, elles conduisirent à l’exaltation d’aspects secondaires, tout à fait étrangers à la lutte armée en tant que politique révolutionnaire.

Les Brigades Rouges avaient réussi à jouir d’un énorme prestige politique, un prestige et une autorité de parti; elles avaient réussi à créer une machine organisationnelle très puissante, une machine qui constituait un des plus importants facteurs politiques de la société italienne.

Mais cette machine était à l’intérieur politiquement faible, il lui manquait une solidité théorique et un centre dirigeant fort, capable de bâtir une cohérence idéologique et pratique dans les diverses institutions de l’organisation.

Précédée d’un balancement entre économisme et militarisme, de scissions symptômatiques et éloquentes, de premières défections et collaborations avec l’ennemi de classe, la défaite tactique de 1982 ne fut donc que le résultat logique d’une accumulation de contradictions qui, bien que clairement liées à la période qui suivit 1978, trouvaient indubitablement leur origine bien auparavant.

La vision théorique particulière, la manière de penser et d’agir qui accompagnèrent la naissance et le premier développement de la lutte armée dans notre pays attribuèrent ainsi à son bilan même certaines erreurs essentielles, certaines faiblesses politiques fondamentales.

Mais on peut parler de faiblesses pour ainsi dire nécessaires; d’erreurs et de faiblesses que le mouvement communiste, pour se frayer un chemin et acquérir de l’expérience, ne pouvait pas ne pas commettre; d’erreurs et de faiblesses par ailleurs facilement compréhensibles, étant donné le cadre historique dans lequel a surgi la lutte armée comme forme de la politique révolutionnaire et dans lequel elle a trouvé ses premiers référents idéologiques.

Donc, s’il n’y a aucun doute que dans notre pays une période de la lutte armée révolutionnaire s’est achevée, il est encore plus vrai que ce qui s’est achevé là n’est que la période de jeunesse de la lutte armée, la période au cours de laquelle il était avant tout impératif d’affirmer la lutte armée comme caractère fondamental et obligatoire de l’activité de parti.

Pendant ces quinze dernières années, la lutte de classe a, donc, finalement découvert par elle-même la formule politique adaptée à la relance de l’activité communiste dans notre période historique.

Elle l’a découverte à travers de nombreuses contradictions, elle l’a découverte tant dans les erreurs que dans l’ingénuité, mais au moins elle Ta découverte! Et c’est l’essentiel.

C’est pourquoi toute la période historique qui va de 1978 à 1982 est extraordinairement instructive pour la révolution. Durant ces années, à travers l’expérience accumulée par les Brigades Rouges, il est apparu nettement que la lutte armée est la méthode décisive de la lutte politique communiste contemporaine, le caractère fondamental et obligatoire de l’activité de parti.

En outre, tous les travailleurs isolés, les éléments avancés du prolétariat, les révolutionnaires sincères et les groupes organisés ont pris connaissance et vu à l’œuvre toutes les principales tendances depuis toujours présentes dans l’arène de la lutte politique comme reflet mis en avant du mouvement plus général des classes; ils ont pu en évaluer la portée et en observer la parabole théorique et pratique, examiner leur rapport réciproque et ils ont appris à discerner une ligne réellement marxiste, réellement révolutionnaire, de ses habiles contrefaçons.

Tout cela constitue indéniablement un patrimoine immense pour le mouvement communiste, une contribution énorme à la théorie et à fa pratique de la révolution prolétarienne, non seulement pour notre pays mais aussi pour toute l’aire du centre impérialiste.

Tout cela, surtout, représente indubitablement les bases réelles de tout progrès ultérieur.

En même temps cependant, l’expérience de la période traversée a sans aucun doute prouvé que sans une vision scientifique et organique de notre révolution, sans une conception marxiste des devoirs et du rôle du parti, même les plus grandes conquêtes de la lutte de classe risquent de rester inopérantes, de la même manière que les plus grands succès peuvent s’évanouir, engloutis par les pièges de l’Histoire.

Années de gigantesques défis et de courageux choix d’avant-garde, ces années passées ont consacré la lutte armée comme forme de la politique révolutionnaire.

Aujourd’hui, le point principal est d’apprendre à perfectionner cet enseignement, à faire plus et mieux pour dépasser les résultats obtenus, afin que la ligne révolutionnaire puisse être portée plus avant sans la moindre hésitation.

Cependant la situation requiert des choix appropriés, des choix précis capables de se traduire en pratique.

En effet, non seulement les Brigades Rouges se montrent actuellement incapables de progresser, mais elles ne peuvent s’élever au niveau politique requis par l’évolution des choses elles-mêmes; et ce alors que dans des secteurs plus inexpérimentés et disséminés du mouvement révolutionnaire, se profile déjà clairement le développement d’une tendance révisionniste, laquelle consiste de manière marquante en la théorisation (explicite ou sous-entendue) de l’abandon de la lutte armée.

La situation d’actuelle désorientation existant dans le mouvement de classe; le danger croissant de voir disparaître les plus grandes conquêtes de ces quinze dernières années de lutte d’avant-garde; la nécessité de battre définitivement, dans la théorie et dans la pratique, les orientations subjectivistes qui ont causé tant de dommages à la potentialité politique de la lutte armée; le devoir de défendre avec intransigeance, face à la bourgeoisie et face à ses laquais, la justesse du chemin parcouru par les communistes ces dernières années et de transmettre aux nouvelles générations révolutionnaires l’expérience accumulée; et enfin l’évolution du contexte national et international, qui montre l’imminence de batailles décisives pour le prolétariat; toutes ces données posent clairement à l’ordre du jour le problème – et font un devoir – de la construction d’un nouveau groupe politique, capable de se baser sur la grande expérience des Brigades Rouges et sur le Marxisme-Léninisme pour déterminer une théorie et une pratique révolutionnaires réellement adaptées à la situation italienne.

C’est sur base de toutes ces considérations, ainsi que sous l’impulsion ou à l’initiative de quelques ex-militants des Brigades Rouges expulsés de cette organisation suite à leur bataille pour l’adoption des thèses politiques énoncées dans la dite Seconde Position , que s’est constituée au mois d’octobre 1985 l’Union des Communistes Combattants, qui a adopté les thèses suivantes.

1. L’Union des Communistes Combattants est une organisation marxiste-léniniste. Comme telle, elle donne pour guide de l’action la doctrine du matérialisme historique et dialectique, et reconnaît comme ses propres principes incontournables la dictature du prolétariat et le pouvoir des Soviets, c’est-à-dire la substance de cette doctrine.

L’Union des Communistes Combattants n’a donc pas d’intérêts différents de ceux du prolétariat tout entier; elle ne s’en distingue pas puisque, possédant une vision d’ensemble du chemin historique que cette classe doit nécessairement parcourir, elle s’efforce de défendre, dans tous les méandres de la lutte des classes, non pas les intérêts de groupes ou professions particuliers mais les intérêts de la classe ouvrière dans sa totalité.

2. L’Union des Communistes Combattants, avant-garde consciente de la classe ouvrière, œuvre pour transformer toute lutte réduite ou partielle en une lutte générale pour le renversement de l’ordre capitaliste.

Elle organise et dirige la lutte du prolétariat dans le but précis de le conduire jusqu’à l’insurrection armée contre l’Etat bourgeois, jusqu’à l’affrontement direct pour la conquête du pouvoir politique.

Pour pouvoir s’émanciper de l’esclavage du travail salarié, pour pouvoir instaurer sa dictature sur les autres classes sociales et organiser le socialisme – stade inférieur du communisme -, la classe ouvrière doit avant tout conquérir le pouvoir politique dans son pays et détruire sans hésitation la machine de l’Etat bourgeois.

D’autre part, à travers leur mouvement spontané, les masses prolétariennes ne sont pas en mesure de s’élever à la conscience achevée de leurs propres intérêts, à la conscience de l’irréductible antagonisme qui existe entre elles et toute l’organisation politique et sociale contemporaine.

C’est précisément en cela que consiste le rôle de l’avant-garde communiste: rendre le prolétariat capable de réaliser sa grande mission historique, l’organiser en parti politique autonome – comme détachement d’avant-garde opposé à tous les partis bourgeois et principalement à l’Etat -, diriger toutes les manifestations de la lutte des classes vers leur nécessaire aboutissement: la dictature du prolétariat.

L’Union des Communistes Combattants, qui sait que le devoir fondamental des communistes est de rester toujours en contact le plus étroit possible avec toutes les couches du prolétariat, affirme cependant la ferme conviction que les concepts de parti et de masse doivent être rigoureusement séparés.

Le parti est une part de la classe, mais il s’en distingue: il en est le noyau d’avant-garde, conscient et organisé.

Dans toutes les phases de la lutte, il sait être, par sa nature, à la tête de la mobilisation, comme guide des éléments les meilleurs et les plus dévoués du prolétariat: c’est à lui qu’incombé la responsabilité de faire avancer la révolution, de hâter la crise des classes dominantes, et non de s’aligner sur le niveau de la masse.

Par conséquent, toute dévaluation dans la théorie et dans la pratique du rôle conscient du parti, toute concession au spontanéisme et au trade-unionisme, qui conduit inévitablement (et principalement dans les pays impérialistes comme le nôtre) à adopter des positions révisionnistes, à dénaturer la fonction même du communisme, doit donc être combattue comme le pire des ennemis de la cause prolétarienne.

3. L’Union des Communistes Combattants adopte la lutte armée en tant que méthode avancée et décisive de la lutte politique communiste.

Structurée avec cohérence comme organisation armée et clandestine, qui réunit dès maintenant le rôle politique et le rôle militaire dans l’action générale comme dans l’action de chacune de ses institutions et de chacun de ses militants particuliers, l’Union des Communistes Combattants s’oppose à toutes les conceptions qui, proposant une division des rôles entre organismes militaires et politiques, minent à la base l’unité d’action, la cohérence, et la nature communiste de l’avant-garde contemporaine.

L’époque révolutionnaire exige des communistes l’utilisation de méthodes de lutte aptes à concentrer toute l’énergie du prolétariat jusqu’à la dernière de ses conséquences logiques: l’affrontement direct, la guerre ouverte avec la machine d’Etat bourgeois.

D’une part, il est absolument nécessaire que chaque travailleur particulier sache bien clairement la différence qui existe entre les vraies avant-gardes communistes, qui luttent pour conquérir le pouvoir politique, et les vieux partis officiels qui, dans leur pacifisme parlementaire, ont honteusement trahi le drapeau de la classe ouvrière.

D’autre part, il est évident qu’à l’époque actuelle, marquée dans nos pays par le développement et la consolidation maximale du contenu réactionnaire de fa démocratie bourgeoise, le centre de gravité de la vie politique se déplace de manière totale et définitive en dehors des limites du parlement, qui n’est plus que la façade formelle de la dictature de la bourgeoisie en même temps qu’un moyen efficace pour enfermer dans les limites de la légalité capitaliste chaque poussée réelle d’opposition prolétarienne.

Dans un tel contexte historique, l’indépendance politique du prolétariat, sa vocation historique à la dictature, se lient indissolublement au refus des circuits institutionnels et de l’action parlementaire.

Le terrain de la lutte d’avant-garde, de la lutte des communistes, se place ailleurs: dans la lutte armée, dans l’action autonome et énergique d’un parti combattant qui, tout en représentant les intérêts généraux de la classe laborieuse en opposition à l’Etat bourgeois, sait néanmoins influer sur l’évolution politique du rapport entre les classes, examiner et accentuer la crise politique de la bourgeoisie en contrecarrant ses menées réactionnaires et donner en même temps une claire indication révolutionnaire aux plus larges masses.

L’Union des Communistes Combattants, instruite opar l’expérience pratique accomplie jusqu’ici par le mouvement révolutionnaire national et international, comme par la théorie du socialisme scientifique, défend et affirme les intérêts généraux du prolétariat par le combat contre l’Etat et considère donc l’utilisation actuelle de la lutte armée (la lutte armée d’avant-garde dans des conditions non révolutionnaires) comme la principale et fondamentale distinction politique et pratique entre les vrais et les faux communistes, entre les vraies et les fausses avant-gardes du prolétariat.

4. Pour atteindre la révolution, l’avant-garde
communiste doit conquérir une influence prédominante dans les masses prolétariennes, condition pour pouvoir les guider effectivement à la prise du pouvoir politique et au renversement de l’Etat bourgeois.

Il est démontré dans les faits par toute l’histoire de la révolution prolétarienne que, dans sa lutte pour la dictature, cette classe n’obtiendra la victoire que quand – dans des conditions objectives précises – ses couches politiquement déterminantes se seront alignées du côté du communisme et disposeront de forces suffisantes pour briser la résistance de la réaction bourgeoise.

D’où la nécessité inconditionnelle du respect du principe qui veut que, dans la bataille constante et quotidienne contre les déviations opportunistes et économistes présentes dans le
prolétariat, les communistes révolutionnaires arrivent à conquérir la direction politique des masses et de leurs mouvements de lutte.

L’Union des Communistes Combattants – qui affirme son propre rôle combattant pour le socialisme à travers la lutte armée et conserve en toute occasion son autonomie politico-organisationnelle, quelle que soit la direction que prennent les événements et quelle que soient les formes du mouvement – se pose explicitement comme but, dès le premier jour de sa constitution, non pas la création d’une secte de propagande, non pas une activité politico-militaire exclue de la dynamique et du contexte réels de la lutte entre les classes, mais bien la participation consciente à ce conflit, l’intervention d’avant-garde sur la scène politique et la conduite de la lutte prolétarienne selon une direction communiste.

Son objectif déclaré est d’élever, au cours de la lutte, le prolétariat à la conscience accomplie de ses propres intérêts, en en conquérant la direction politique pour le mener à la prise du pouvoir.

5. L’Union des Communistes Combattants rejette catégoriquement toute conception subjectiviste qui prétend possible la révolution prolétarienne sans un travail adéquat de conquête des masses laborieuses à la ligne politique du communisme.

C’est précisément pour que ce travail soit efficace, c’est précisément pour empêcher le balancement néfaste entre extrémisme et économisme, c’est précisément pour combattre la tendance erronée qui voudrait la conquête du soutien de masse immédiate et sans obstacles, qu’il est nécessaire d’établir un juste rapport entre l’avant-garde et le mouvement prolétarien dans son ensemble.

L’agitation communiste en direction des masses prolétariennes, la ligne de masse de l’avant-garde, doit être conduite de manière à ce que les travailleurs en lutte soient portés à reconnaître par leur propre expérience notre organisation comme le guide énergique et fidèle de leur mouvement commun.

Pour y parvenir, il est nécessaire, avant tout, que l’avant-garde intervienne par son action combattante en syntonie et en apogée des mouvements généraux du prolétariat, qu’elle les soutienne et les guide en les dirigeant contre les gouvernements et l’Etat bourgeois, qu’elle soit capable de généraliser avec vigueur les mots d’ordre politico-organisationnels les plus avancés, jaillis des luttes et de la situation générale.

D’autre part, dans chacune des phases de la lutte politique et économique, les communistes doivent répandre au sein du prolétariat la connaissance de ce que ces mouvements ne constituent qu’une partie, qu’une étape dans la lutte des classes plus générale, qui est une lutte pour le pouvoir politique de l’Etat.

Jamais ils ne devront renoncer à leur trait distinct et particulier, à la proposition du renversement complet de l’ordre social existant; jamais ils ne devront abdiquer leur rôle spécifique: affirmer l’intérêt général du prolétariat et faire progresser la situation politique.

C’est à travers ce travail, absolument nécessaire, qu’un groupe communiste peut devenir l’avant-garde réelle de millions de prolétaires; en guidant les masses laborieuses dans la lutte constante contre les exactions du capital, il sera possible – et c’est aussi un devoir – de rendre compréhensible et actuel le lien qui existe entre la vie quotidienne, entre le mouvement de toutes les classes et de tous les partis politiques d’une part et le mot d’ordre de la dictature du prolétariat de l’autre.

L’Union des Communistes Combattants qui, en tant qu’organisation armée et clandestine ne peut pas ne pas se fixer des limites précises et infranchissables dans les moyens par lesquels se déploie sa propre activité vers les masses, reconnaît en tout cas pleinement l’importance fondamentale que revêt ce travail dans la perspective de la révolution. Guider, élargir, approfondir les actuelles luttes générales du prolétariat et, en conformité avec le cours de leur développement et de l’expérience pratique acquise par les masses elles-mêmes, les transformer en luttes politiques finales, est et reste en somme le critère à suivre dans ce travail.

Mais cela ne sera enfin possible que quand l’Union des Communistes Combattants, autonome et en mesure de combattre les institutions bourgeoises et leurs politiques en toute circonstance de la lutte des classes, saura éviter tant le sectarisme que le manquement aux principes.

6. L’Union des Communistes Combattants se base organisationnellement sur le centralisme démocratique, dont les principes essentiels sont: l’éligibilité des organes supérieurs à partir des inférieurs, le caractère absolument impératif de toutes les directives des organes supérieurs aux inférieurs, l’existence d’un centre dirigeant fort dont l’autorité et les décisions, dans les intervalles entre les congrès, ne peuvent être mises en discussion par personne.

Il va de soi que, dans les conditions de clandestinité dans lesquelles se développe la lutte, le principe électif peut néanmoins souffrir de limitations: les organismes dirigeants ont donc le droit de coopter dans leurs propres effectifs des militants particuliers si la nécessité pour l’organisation s’en fait sentir.

7. L’Union des Communistes Combattants reconnaît comme sienne la cause de la fondation du Parti Communiste Combattant du prolétariat italien.

En travaillant dans ce sens, elle s’efforce aussi d’affirmer, de consolider et de renforcer la tendance communiste révolutionnaire contre toutes les déviations aventuristes et contre toutes les tentations liquidatrices – qui s’expriment aujourd’hui dans le refus de l’utilisation de la lutte armée – et appelle résolu ment dans ses rangs organisés les marxistes militants de notre pays.

Dans la période actuelle, caractérisée par un état de désorientation particulière du mouvement révolutionnaire, il est nécessaire de mener un travail décisif d’orientation politique, théorique et pratique, tendant à clarifier tant la nature de la stratégie, des principes et des tactiques du parti révolutionnaire, que celle de l’éventail des forces intéressées à sa fondation.

L’Union des Communistes Combattants, qui reconnaît comme ses interlocuteurs premiers les forces et les groupes marxistes qui se placent déjà sans hésitation sur le terrain de la lutte armée, est en tout cas animée par la conviction que l’unité des communistes dans le parti doit se baser sur la clarté de vue et que cette clarté, à l’heure actuelle, ne peut naître que d’une réelle et approfondie confrontation interne sur les questions principales que l’expérience pratique de fa révolution prolétarienne a mises à l’ordre du jour dans notre pays.

L’Union des Communistes Combattants souligne en outre l’importance fondamentale de la bataille anti-révisionniste.

Il doit en effet être clair pour chaque révolutionnaire qu’une préparation, même seulement préliminaire, du prolétariat au renversement de la bourgeoisie n’est pas possible sans une lutte inévitable, systématique, large et ouverte, contre les vieux partis officiels – et en particulier contre le P.C.I. – qui détiennent toujours des positions fortes dans le mouvement ouvrier, et qui, dans leur pacifisme parlementaire, illusionnent les masses sur la nature réelle de la démocratie bourgeoise.

Enfin, l’Union des Communistes Combattants s’aligne fermement aux côtés de la lutte communiste combattante menée dans les pays capitalistes avancés et aux côtés des luttes de libération nationale qui se développent dans les pays dominés par l’impérialisme. Dans ses aspirations à atteindre l’émancipation complète de la classe ouvrière, et sachant que la révolution prolétarienne est par sa nature même internationaliste, elle ne ménage aucun effort pour contribuer à l’unité des communistes et des travailleurs de tous les pays.

>Sommaire du dossier

Brigades Rouges: Les vingt thèses finales

Tiré de L’ape e il comunista – l’abeille et le communiste – qui est le document le plus approfondi des Brigades Rouges, écrit par le Collectif des prisonniers révolutionnaires des Brigades Rouges et publié en décembre 1980. 

DÉSARTICULER L’ETAT !

CONSTRUIRE LE PARTI COMMUNISTE COMBATTANT ET LES ORGANISMES RÉVOLUTIONNAIRES DE MASSE !

CONQUÉRIR LES MASSES À LA LUTTE ARMEE POUR LE COMMUNISME !

Nous sommes les dirigeants et les organisateurs de la guerre révolutionnaire et également les dirigeants et les organisateurs de la vie des masses. Nos deux devoirs sont : organiser la guerre révolutionnaire et améliorer les conditions de vie des masses.

MAO ZEDONG

1. L’actuelle conjoncture politique se trouve entre deux phases : nous ne sommes plus dans la phase de la propagande armée et pas encore dans celle de la guerre civile. Il s’agit ainsi d’une conjoncture de transition.

Nous devons accorder une grande attention aux particularités et aux contradictions caractérisant cette conjoncture et ne pas sous-estimer le fait que la transition de l’une à l’autre peut également être prolongé dans le temps.

Cette conjoncture de transition dépend de fait tant de l’évolution structurelle de la crise capitaliste/impérialiste, que de la capacité subjective du prolétariat métropolitain à se constituer en Parti Combattant et de condenser son antagonisme en un Système du Pouvoir Révolutionnaire, autonome, articulé et diffus dans tous les secteurs de la classe et dans tous les pôles.

Le problème central de l’actuelle conjoncture est la conquête des masses à la lutte armée, et cela pose en premier lieu la question des Organismes Révolutionnaires de masses.

2. Les organismes révolutionnaires de masses sont sortis et sortiront en conséquent du devenir objective de la crise – restructuration – internationalisation du capitalisme, qui modifie la composition de la classe et qui pousse des secteurs spécifiques du prolétariat métropolitain à vivre de manière toujours plus accentuée un rapport antagonique avec le mode de production et avec l’État.

De l’autre côté, à ce mouvement objectif s’est entrelacé l’initiative de la Propagande armée qu’ont incessamment développé dans la dernière décennie les Organisations Communistes Combattantes afin d’enraciner dans le prolétariat la conscience de la nécessité et de la possibilité de la révolution communiste dans la métropole impérialiste.

Aujourd’hui, cette initiative n’est plus adéquate aux nouvelles conditions objectives et suggestives, et l’avant-garde politico-militaire, pour correspondre à la fonction qui est la sienne, doit obtenir la position d’organiser et de diriger d’entiers secteurs et couches de la classe sur le terrain de la lutte armée pour le communisme.

Le saut qualitatif, de l’Organisation Communiste Combattante au Parti, se déroule sur ce plan et pas tant dans la confrontation directe entre organisations. Ou, plus précisément, cette confrontation de lignes politiques doit s’immerger et vivre en premier lieu à l’intérieur des organismes révolutionnaires de masse que se donne le prolétariat métropolitain se donne pour exprimer ses intérêts, ses besoins, ses aspirations qui lui sont propres, son pouvoir.

Il doit être compris que si notre organisation n’a pas jusqu’à aujourd’hui réalisé le saut au Parti, cela ne doit pas être ramené au fait que n’a pas été construite, à travers une confrontation directe, l’unité avec les autres formations de guérilla, confrontation qui dans des formes diverses et contradictoires s’est toujours poursuivie.

La cause profonde est à rechercher dans le développement encore embryonnaire des conditions objectives et subjectives du processus révolutionnaire, qui ne permet pas le « saut » de l’avant-garde politico-militaire, qui stabilise essentiellement un rapport de « propagande » avec les masses, à l’avant-garde politico-militaire organique, qui dirige, organise la lutte politique et militaire des couches de la classe.

Forcer cette situation serait du pur volontarisme. Une telle possibilité se situe dans l’actuelle phase de transition. En fait, la construction du Parti Communiste Combattant procède ensemble, s’interpénètre avec le processus de l’organisation des masses sur le terrain de la lutte armée, et il ne peut pas y avoir l’un sans l’autre.

3. Le Travail de Masse de notre organisation, toutefois, ne doit pas s’épuiser à l’intérieur des organismes révolutionnaires de masse.

La complexité du prolétariat métropolitain requière que notre initiative s’accomplisse dans de multiples formes politiques, organisationnelles, militaires, idéologiques, théoriques, afin d’atteindre et de lier à soi tous les éléments communistes, de consolider sa présence d’avant-garde à tous les niveaux, de renforcer nos structures, d’étendre nos ramifications complexes dans tous les secteurs du prolétariat métropolitain.

4. Ces dernières années, il y a eu l’organisation d’une aire de comportements antagoniques, que nous avons appelé le Mouvement Prolétarien de Résistance Offensive.

Ces comportements, sans les réduire à cela, ont assumé diverses formes d’organisations politico-militaires, et une dialectique incertaine les lie aux Organisations Communistes Combattantes davantage consolidées.

Dans l’actuelle conjoncture, nous ne pouvons nous limiter à constater cette hétérogénéité magmatique, mais nous devons multiplier nos efforts pour saisir quelles sont les tendances destinées à grandir et quelles sont condamnées à périr.

Les critères qui permettent d’effectuer un tel bilan de l’expérience sont ceux que nous avons toujours adopté dans toute notre histoire : tout ce qui exprime le mouvement réel de la classe, même partiellement, tout ce qui est suscité par les profondes causes objectives, est le nouveau qui croît et se renforce ; au contraire, les initiatives des groupes déracinés, quelques formes qu’ils assument, en tant que c’est volontariste et subjectif, ne réussiront en aucun cas à s’alimenter à résister dans les nouvelles conditions.

Le travail de masse de l’Organisation ne doit pas négliger une telle dialectique, si il ne veut pas aplatir le Mouvement Prolétarien de Résistance Offensive à une totalité homogène, privée de contradictions, de vie.

Il doit aider le nouveau à grandir et le vieux à mourir.

5. Comment est-ce que doit être entendu le travail de masse de l’Organisation à l’intérieur des organismes de masse révolutionnaires, qui expriment les mouvements de classe réels, même si partiellement, ou, plus généralement, à l’intérieur des couches prolétariennes qui incubent des niveaux de conscience révolutionnaire ou qui manifestent des comportements antagoniques, même si encore à un stade embryonnaire ?

En premier lieu, il convient de préciser que les organismes de masse révolutionnaires ne doivent pas être compris comme des « organismes du parti » ou des « courroies de transmission », mais comme des instruments du pouvoir des masses à l’intérieur duquel le Parti travaille ensemble avec les militants révolutionnaires et les autres éléments les plus avancés et les plus combatifs de la classe.

On doit toujours avoir en vue que la guerre civile est la guerre que le prolétariat révolutionnaire déchaîne pour conquérir le pouvoir et affirmer sa dictature. Il ne s’agit pas d’une « guerre communiste » ni d’une « dictature communiste ». Les communistes luttent non pas pour pour s’affirmer comme « Parti », mais pour affirmer les intérêts du prolétariat et de sa dictature.

Lénine dit :

« Une des erreurs les plus grandes et les plus dangereuses que commettent les communistes, c’est de se figurer que la révolution peut être accomplie par les mains des seuls révolutionnaires. L’avant-garde ne remplit sa mission que lorsqu’elle sait ne pas se détacher de la masse qu’elle dirige, lorsqu’elle sait véritablement faire progresser toute la masse. »

Les organismes de masse révolutionnaire, autrement dit, sont les organismes politico-militaires de combat que les prolétaires se donnent à partir de leurs besoins réels et immédiats. Le caractère politico-militaire prend son origine du fait que la crise politique et économique de notre formation sociale a rejoint le point que même la lutte pour les objectifs immédiats entrent en contradiction ouverte avec le processus de restructuration que la bourgeoisie impérialiste tente d’importer par tous les moyens.

La lutte avec laquelle les prolétaires tissent leurs besoins immédiats se trouvent immédiatement en contrepoint à la résistance de l’État, qui intervient avec tous ses appareils, syndicaux, politiques, manipulatoires, policiers…, pour neutraliser et écraser.

D’où la nécessité, pour chaque lutte prolétaire qui entend affirmer les besoins vitaux des masses, d’assumer un caractère de pouvoir, et de réaliser une synthèse entre les raisons économiques et les conditions politico-militaires qui ne consentent pas à la satisfaction.

Certes, une telle tendance se manifeste encore de manière contradictoire, mais c’est justement de ce caractère contradictoire du réel que l’Organisation doit partir pour « exister comme Parti », croître et continuer à exercer sa fonction d’avant-garde politico-militaire.

Outre le travail de l’organisation des masses dans les organismes de masse révolutionnaires, le Parti effectue également un travail direct « en tant que tel » au sein des masses, avec comme finalité de les radicaliser et de les renforcer à être elles-mêmes.

C’est un travail avec les éléments les plus avancés et les plus combatifs du prolétariat qui partagent le programme pour la construction des organisations « de masse » du Parti, du maillage pour assumer diverses tâches : de la propagande à l’appui logistique, de l’infiltration de l’ennemi au recrutement.

Le « saut » au Parti se définit aujourd’hui dans la capacité pratique de faire émerger le général du particulier et de faire vivre le général du particulier.

Construire le Parti communiste combattant et les organisations permanentes du pouvoir des masses ne sont pas deux processus séparés dans l’espace et le temps, mais deux faces du même problème : la consolidation du Système du Pouvoir Rouge.

6. Cela introduit une autre question : la Ligne de Masses de l’Organisation, à savoir la question du Programme de Transition au Communisme, de ses Formes Conjoncturelles et de ses Formes Immédiates.

Sans un Programme de Transition au Communisme, qui explique les objectifs sociaux de la guerre, il n’est pas possible de localiser toutes les composantes prolétariennes qui y sont objectivement intéressés.

Ce programme, d’autre part, ne naît pas de rien, mais de dix années de luttes prolétariennes, de critique pratique et radicale de l’usine et de la formation sociale capitaliste, il dispose de grandes lignes qui ont été esquissées dans son contenu essentiel, que nous pouvons résumer ainsi :

– réduction du temps de travail : travailler tous, travailler moins ; libération massive du temps social et construction des conditions sociales pour son utilisation évoluée ;

– recomposition du travail manuel et du travail intellectuel, de l’étude et du travail, pour chaque individu et pour tout son temps de vie ;

– renversement de l’exercice du pouvoir et des flux de conception de la finalité collective, à tous les niveaux de la vie sociale :

– restructuration de la production, du rapport homme-nature, sur la base des valeurs d’usage collectivement définis et historiquement possibles ;

– remise à plat de notre formation sociale suivant les principes d’un internationalisme prolétarien effectif.

Les conditions d’un tel programme est le dépassement des rapports capitalistes de production, de la production fondée sur la valeur d’échange.

Il n’y aucun rapport avec l’utopie. Il s’agit ici d’un programme qui, comme le dirait Marx, « ne laissent pas intacts les fondements de la maison », étant déjà entièrement mûri quant à ses fondements.

Il s’agit d’un programme continuellement amené des luttes des sujets prolétaires les plus conscients, qui rompent violemment avec les tendances immanentes et conservatrices du développement capitaliste et se placent de manière antagonique avec l’État.

Il s’agit malgré tout d’un programme incomplet qui recherche dans la lutte révolutionnaire son identité la plus mature. La croissance du pouvoir prolétarien coïncide avec cette recherche et il revient à toutes les organisations révolutionnaires de le faire progresser. C’est la tâche décisive du fait d’agir en tant que Parti dans cette conjoncture !

C’est une tâche difficile, parce qu’il s’agit de recomposer le prolétariat métropolitain en une entité unitaire de transformation sociale, il faut garder les yeux ouverts sur la multiplicité présente des figures le composant et qui historiquement ont construit des parcours séparés, voire même des « identités » séparées.

Cela doit être qui plus est traduit, pas à pas, en un Programme Politique Générale de Conjoncture interne, faisant grandir les conditions subjectives et les niveaux organisationnels nécessaires, dans la prospective du passage à la Guerre Civile Anti-impérialiste de Longe Durée.

La lutte révolutionnaire est fait en même temps contre l’État impérialiste et le mode de production qu’il défend, et pour le communisme.

Un Programme Politique condensant les aspirations fondamentales et s’articulant par rapport aux secteurs variés du prolétariat métropolitain est ainsi un programme de destruction et de construction.

Comme l’affirme Mao Zedong :

« Sans destruction, pas de construction. Détruire signifie critiquer, signifie faire la révolution. Pour la destruction, il est nécessaire de raisonner; raisonner c’est construire. La destruction venant en premier lieu, elle sera tout naturellement accompagnée de la construction. »

La mise au point d’un programme politique général de conjoncture pour la transition à la guerre civile est indispensable afin de consentir à l’initiative « du Parti » dans chaque secteur spécifique du prolétariat métropolitain visant à les articuler de manière homogène dans un programme politique immédiat et par là unir les masses dans un dessein stratégique unitaire, dans un projet commun de construction du Pouvoir Rouge.

Le programme politique général doit synthétiser, avec des mots d’ordre efficaces et clairs, la contradiction principale dans la présente conjoncture, sur laquelle est portée toute la force concentrée du Parti, des organismes révolutionnaires de masse et du mouvement des masses révolutionnaires.

Le programme politique immédiat doit plutôt individuer les aspects spécifiques, particulier, que la contradiction principale assume pour chacun des secteurs du prolétariat métropolitain.

La relation entre le Programme Général et le Programme Immédiat n’est pas celle d’une séparation, mais vit plutôt une dialectique précise. Cela signifie que, conjoncture après conjoncture, le premier vit sa réalisation et sa concrétisation dans le second, aussi bien que dans la pratique directe du Parti, des organismes révolutionnaires de masse et du mouvement des masses révolutionnaires.

Le programme immédiat n’est pas, comme l’imaginent les spontanéistes, la représentation immédiate des intérêts les plus urgents que chaque secteur prolétarien a la nécessité de résoudre. Cela exprime plutôt les intérêts réels, stratégiques, que les rapports de pouvoir conquis consentent à mettre à l’ordre du jour.

Ce n’est pas non plus comme l’imaginent les économiques une plate-forme revendicative. En d’autres termes, le programme immédiat ne privilégie aucunement la lutte économique, la résistance aux capitalistes pour dire comme Engels, à la lutte politique, lutte qui a comme objectif spécifique le pouvoir politique, le pouvoir d’État.

Marx et Lénine se sont exprimés clairement à ce sujet :

« Le mouvement politique de la classe ouvrière a naturellement pour but final la conquête du pouvoir politique pour elle, et pour cela est naturellement nécessaire une organisation préalable de la classe ouvrière, organisation ayant atteint un certain point de son développement et issue directement de ses luttes économiques. » [Karl Marx, Lettre à F. Bolte, 23 novembre 1871]

Et Lénine d’ajouter :

« Il ne suffit pas de dire que la lutte des classes devient réel, conséquente, développée, seulement quand elle embrasse le champ politique… Le marxisme reconnaît que la lutte de classe est complètement mature, « nationale », seulement non seulement elle embrasse la politique, mais de la politique l’élément essentiel : la structure du pouvoir d’État. »

Il est encore un point qu’il est bien d’éclaircir : celui sur le rapport entre la lutte économique et la lutte politique. Tous les économistes ont toujours effectué une grande confusion à ce sujet, dérivant directement de l’économie la politique de la classe. Mais la lutte politique n’est pas, comme l’a dit Lénine, seulement une « forme plus développée, ample et active de la lutte économique.

Elle a un objectif spécifique : l’État.

Il ne s’agit pas non plus de « donner à la lutte économique un caractère politique » mais d’affirmer le primat de la lutte politique sur la lutte économique. Cela veut dire, hier comme aujourd’hui, que « les intérêts essentiels, décisifs, de la classe, ne peuvent seulement solidifiés par la transformation politique radicale ».

Marx encore une fois :

« …tout mouvement dans lequel la classe ouvrière s’oppose aux classes dominantes en tant que classe et cherche à les contraindre par la pression de l’extérieur est un mouvement politique.

Par exemple, la tentative de forcer des capitalistes, au moyen de grèves, etc., dans telle ou telle usine ou branche d’industrie, à réduire le temps de travail, est un mouvement purement économique ; au contraire, le mouvement ayant pour but de faire édicter une loi des huit heures, etc., est un mouvement politique.

Et c’est ainsi que partout les mouvements économiques isolés des ouvriers donnent naissance à un mouvement politique, c’est-à-dire un mouvement de la classe pour réaliser ses intérêts sous une forme générale, une forme qui possède une force générale socialement contraignante.

Si ces mouvements supposent une certaine organisation préalable, ils sont tout autant à leur tour des moyens de développer cette organisation.

Là où la classe ouvrière n’est pas encore allée assez avant dans son organisation pour entreprendre une campagne décisive contre la force collective, c’est-à-dire la force politique des classes dominantes, elle doit en tout cas être éduquée en vue de cela par une agitation continue contre l’attitude hostile à notre égard qu’observent en politique les classes dominantes.

Dans le cas contraire, elle reste aux mains de celles-là une balle à jouer. » [Karl Marx, Lettre à F. Bolte, 23 novembre 1871]

Le programme politique immédiat doit être compris comme Programme de Pouvoir qui exprime un rapport de pouvoir, qui a comme objectif le pouvoir étatique.

Pour cela, elle constitue l’esprit révolutionnaire qui fait vivre l’organisation du pouvoir de la classe, les Organismes Révolutionnaires de Masse, outre la contingence, outre l’immédiat, outre la partialité, se mouvant entre la dialectique décisive entre révolution et contre-révolution.

7. Dans cette conjoncture de transition, la caractéristique dominante du programme politique général est la conquête des masses à la lutte armée et leur organisation sur ce terrain, les deux étant des conditions essentielles pour le passage à la phase de la guerre civile général.

Ce passage n’apparaît pas comme objectivement possible sans que soient patiemment formés tous les instruments organisationnels que la situation requiert. C’est-à-dire tant que le prolétariat métropolitain n’a pas conquis la capacité politico-militaire de manifester sa force dans un mode unitaire, mais également dans ses formes multiples que sa structure complexe revendique.

Le système du Pouvoir Prolétaire est justement la manifestation organisée, autonome et offensive de cette unité du multiple.

La croissance du pouvoir rouge dans la métropole impérialiste s’opère à partir de trois points décisifs, qui définissent par là leur originalité historique respective, par exemple par rapport aux expériences soviétique et chinoise.

A. Il s’est consolidé dans les lieux de condensation maximum du pouvoir ennemi, comme sa négation antagonique organisée. Il n’a pas de territoire libéré particulier, parce qu’il fait face à l’ennemi à l’intérieur de son propre territoire et dans ses propres institutions : dans les usines capitalistes, dans les quartiers, dans les prisons, dans l’école.

Il n’est pas « légal », mais tire sa légitimité du consensus que son action collecte dans les masses prolétaires.

B. Il se manifeste sous la forme de bases rouges invisibles, des réseaux clandestins de masses, qui agissent dans les centres vitaux de la formation sociale capitaliste, assument l’ensemble des devoirs requis d’une révolution prolétaire qui veut être social, et qui investissent tous les rapports sociaux, à partir de celui de la production, qui est fondamental.

Tandis qu’il attaque, use, désarticule et brise l’appareil d’État existant, il construit les institutions stables de la dictature du prolétariat, de l’État prolétarien, et exerce cette dictature dans les formes théorique, politique, coercitive de manière toujours plus décisive et étendue.

C. Le pouvoir rouge est donc processus, rapport, système.

Processus, parce que dans la destruction du pouvoir ennemi il construit et se renforce lui-même.

Rapport, parce qu’il existe seulement en tant que négation/destruction vivante de l’État impérialiste et du mode de production que celui-ci garantit.

Système, parce que de manière interne il se stratifie, dans une dialectique articulée et complexe, de multiples niveaux de conscience et d’organisation, expression des figures multiples qui forme le prolétariat métropolitain ainsi que de leur histoire.

Le système du pouvoir rouge est de fait la manifestation organisée, autonome, articulée et offensive de cette « unité du multiple » et ne soutient pas la réduction unilatérale à l’une ou l’autre de ses composantes essentielles, qui sont : le Parti Communiste Combattant en formation, les organismes révolutionnaires de masse, le mouvement des masses révolutionnaires.

Il ne soutient pas, en outre, la séparation entre le « politique » et le « militaire » de quelque forme que ce soit, parce que le contenu et la forme, dans la guerre de classe prolétarienne de longue durée pour le communisme, coïncident.

La défense de ce principe essentiel, dans chaque phase de la lutte révolutionnaire et dans chaque organe du système du pouvoir rouge, constitue une condition de classe à laquelle on ne peut nullement renoncer pour la victoire.

Encore à critiquer est la thèse qui soutient que le système du pouvoir prolétaire se construit de lui-même et non pas plutôt dans le rapport au pouvoir ennemi, le pouvoir de la bourgeoisie.

En substance, cette thèse nie que le lieu de fondation du pouvoir réside dans le camp de la pratique des classes en lutte. Elle ne comprend pas que le pouvoir est un rapport de force entre les classes, ou dit de manière meilleure, un ensemble de rapports qui sont reliés dialectiquement, à tous les niveaux de la formation sociale capitaliste, les classes sociales dans leurs intérêts antagoniques.

Un pouvoir prolétaire « séparé », « indépendant » du pouvoir de la bourgeoisie n’existe à aucun niveau, ni économique, ni idéologique et encore moins politique. Le pouvoir d’une classe est en fait sa capacité de réaliser ses propres intérêts spécifiques à l’intérieur du rapport de domination et de subordination qui est déterminée et duquel elle est déterminée. Le pouvoir de la classe est donc l’ensemble des pratiques organisées qu’elle sait développer dans le rapport avec les autres classes, pour affirmer et imposer ses intérêts.

Les pratiques organisées pour réaliser les intérêts économiques, politiques, idéologiques.

Les pratiques organisées contre les autres pratiques organisées pour nier ces intérêts et pour en imposer d’autres.

C’est en cela que consiste l’essence de la guerre de classe et c’est pour cela qu’elle définit comme ses sujets d’un côté l’État, qui est le « centre d’exercice du pouvoir » politique, militaire et également toujours plus idéologique et économique, de la bourgeoisie impérialiste ; de l’autre le Système du Pouvoir Rouge.

Construire le pouvoir prolétarien veut dire lutter contre le pouvoir de la classe adverse. Hors de cette relation, dans la société capitaliste métropolitaine, il n’y a pas pour le prolétariat aucune pratique de pouvoir qui peut effectivement aboutir à la libération.

C’est dans l’attaque au cœur de l’État que s’ouvre l’horizon de ses intérêts de classe, fondant toujours plus pleinement son programme politique général, renforçant et étendant son autonomie.

8.Les organismes révolutionnaires de masse, parce qu’ils sont la manifestation du pouvoir prolétarien, expriment une légalité en tant que telle, qui se place directement face à la « légalité démocratique ».

Dans un tel état de choses, la « défense de la légalité bourgeoise » vient à être définitivement exclue de la perspective du prolétariat métropolitain.

En d’autres termes, les organismes révolutionnaires de masse s’auto-légalisent en exerçant et en imposant leur force organisée.

Le concept de « clandestinité de masse » se pose donc en référence aux forces au moyen duquel s’exprime cette légalité prolétaire.

Si d’une part, en fait, les organismes révolutionnaires de masse doivent exister de manière clandestine, afin de se protéger des attaques de l’État et de s’assurer les meilleures conditions d’attaques, de l’autre côté ils imposent, avec leur propre offensive politico-militaire, un rapport de force et par conséquent une légalité révolutionnaire propre, forçant aussi l’ennemi à des niveaux de clandestinité proportionnels à leur force.

9. L’Organisation, dans son travail de masse à l’intérieur des organismes révolutionnaires de masse, doit éviter deux déviations toujours menaçantes, qui sont :

– la non prise en considération du caractère dynamique de ces organismes, à savoir ne pas voir que la direction de leur développement est celle définie dans la phase successive, suivant la guerre civile anti-impérialiste déployée (déviation économiste) ;

– la confusion entre la conjoncture de transition et la phase non encore mature de la guerre civile, ce qui contient une sous-évaluation des caractéristiques dominantes du Programme Politique Générale aujourd’hui (conquête des masses pour la lutte armée) et une interprétation subjective et aventuriste des actuels organismes révolutionnaires de masse comme éléments déjà opérants de l’armée rouge (déviation militariste).

10. La définition de nos tâches actuelles ne peut cependant pas être clivée par la définition des caractéristiques dominantes des phases successives, étant donné que notre conjoncture est celle d’une transition.

Dans la guerre civile anti-impérialiste, la caractéristique dominante du Programme Politique Générale sera l’anéantissement des forces politico-militaires de l’ennemi et la conquête du pouvoir politique.

La fonction dominante des organismes révolutionnaires de masse dans la phase de la guerre civile anti-impérialiste sera de ce fait celle de l’Armée Rouge.

Définir les organismes révolutionnaires de masse, dans l’actuelle conjoncture de transition, comme éléments en formation de l’armée rouge, c’est souligner le caractère dynamique de ces organismes politico-militaires du pouvoir prolétarien et la tendance objective qui caractérise le mouvement politique de la classe dans notre époque, qui est celle de la tendance à la guerre civile.

11. DESARTICULER L’ETAT IMPERIALISTE

Dans la Résolution de la direction stratégique des Brigades Rouges de février 1978, il est déclaré que :

« Le principe tactique de la guérilla dans cette conjoncture est la désarticulation des forces de l’ennemi.

Désarticuler les forces de l’ennemi signifie porter une attaque dont l’objectif principal est encore celui de mener la propagande pour la lutte armée et sa nécessité, mais avec le principe tactique de la phase suivante commençant déjà – la destruction des forces de l’ennemi.

Une telle attaque doit propager la ligne politique de l’avant-garde politico-militaire et en même temps désarticuler la nouvelle forme que l’État impérialiste va assumer ».

Les nouvelles tâches imposent un approfondissement de cette thèse.

Soutenir que l’aspect principale de l’initiative guérillera dans la conjoncture actuelle de transition est encore la propagande armée, ne signifie poser des limites d’intensité et de forme aux attaques armées.

Cela signifie plutôt dire que la cible de ces attaques – pour sa fonction objective dans les appareils de la contre-révolution impérialiste, pour la particularisation et la précision de son choix, pour son contenu symbolique, pour la résonance avec les attentes de larges couches du prolétariat – doit prêter à la clarification, avec le maximum de limpidité, le Programme Politique Général.

Mais cela n’est pas le seul aspect du problème.

Les déterminations essentielles de la propagande armée dans cette conjoncture sont, en fait, au nombre de deux :

* La désarticulation efficace des dispositifs centraux de transmission du pouvoir, c’est-à-dire ces charnières qui sont les centres nerveux qui permettent à la bourgeoisie impérialiste d’élaborer ses projets économiques, politiques, de contrôle social, et de les traduire en pratique contre-révolutionnaire.

* L’agrégation efficace du Mouvement Prolétaire de Résistance Offensive, c’est-à-dire la capacité de favoriser le travail partidaire en direction d’une accumulation toujours plus vaste des forces révolutionnaires organisées et de leur mobilisation autour des mots d’ordre du Programme Politique Général et du Programme Politique Immédiat, avec l’objectif de désarticuler les liaisons plus périphériques de tous les instruments qui transmettent- imposent le pouvoir bourgeois.

12. La désarticulation des « dispositifs centraux » et des « liaisons périphériques » au moyen duquel la bourgeoisie impérialiste élabore, transmet et impose ses projets de domination et de développement et développe ses pratiques contre-révolutionnaires, ce n’est pas une somme d’actions militaires, mais un art très difficile qui exige des stratégies spécifiques pour chaque secteur particulier d’exercice du pouvoir.

Notre expérience a enseigné l’importance d’effectuer chacune de ces stratégies spécifiques de désarticulation par Campagne.

En général, par Campagne, nous entendons une action offensive diversifiée, qui frappe à différents niveaux la chaîne du pouvoir, qui s’étend dans l’espace, qui se prolonge dans le temps, qui est centrée sur une cible principale et est liée à la tension profonde, latente ou manifeste, qui bouillonne dans le prolétariat métropolitain.

Surmonter la phase des actions plus ou moins liées c’est se Mouvoir par Campagne, répondre à la nécessité précise de cette conjoncture particulière, et c’est une acquisition inévitable de la guérilla dans les métropoles.

Se Mouvoir par Campagne veut dire certaines choses précises qui peuvent être résumées de la manière suivante :

– relier l’initiative partidaire en tant que telle à l’intérieur et au point culminant du Mouvement Prolétaire de Résistance Offensive ;

– traduire en pratique de combat offensive, organisée et continue le potentiel révolutionnaire dispersée à l’intérieur de la classe ouvrière et dans les différents secteurs du prolétariat métropolitain ;

– donner la continuité à l’initiative de l’avant-garde, de façon à permettre une accumulation élargie des effets de désarticulation et pousser au niveau maximum le processus d’usure, de scission et de désagrégation du pouvoir ennemi.

Notre expérience a enseigné que la Continuité est le facteur décisif.

Ouvrir un Front de Combat avec quelques actions ou une Campagne signifie, en fait, lancer une directive, susciter une attente, promouvoir dans le tissu moléculaire de la classe des discussion intenses sur la signification stratégique et tactique des coups portés, et donc laisser se perdre le discours déclenché aboutit de manière inévitable au sens d’une autocritique politique. Comme si l’on disait : nous nous sommes déployés sur une ligne de combat erronée et pour cette raison, nous l’avons abandonnée.

La continuité de l’action ne signifie pas pour autant porter « un coup après l’autre ». Il s’agit bien plutôt de donner aux campagnes le rythme des vagues, afin d’accumuler les effets de la propagande, les effets de désarticulations et les effets d’usure par vagues successives.

Nous voulons dire, en bref, qu’une fois ouverte, un front de combat ne doit plus être abandonné et notre action partidaire doit consister en promouvoir, diriger et organiser des Campagnes offensives par vagues successives, de telle sorte que soit concentrée toute la force accumulée aux différents niveaux du système de pouvoir prolétarien et de la projeter, suivant des stratégies adéquates et spécifiques, contre les cibles-hommes, lieux, repaires, structures qui matérialisent la contradiction qu’il nous intéresse de frapper dans la conjoncture.

13. Attaque sélective et anéantissement.

Dans cette conjoncture de transition, toute stratégie spécifique de désarticulation implique nécessairement une Logique Sélective dans les attaques, une « main de chirurgien », et cela pour le simple fait que c’est la voie magistrale pour la maximisation des résultats politiques.

Il est facile de comprendre que tous les personnels ou espaces n’ont pas la même importance stratégique pour l’État impérialiste, que toutes les attaques pensables – possibles n’approfondissent et ‘étendent pas de la même manière les contradictions internes à l’ennemi.

Ouvrir des contradictions au sein de l’ennemi, empêcher leur recomposition, aiguiser cela par une action offensive implacable, continue, écrasante, sont les objectifs inévitables, qui ne peuvent atteints que par des attaques sélectives.

Il faut maintenant supprimer une équivoque qui est apparue au sujet du concept d’Anéantissement.

Le concept d’anéantissement, en soi, dans sa pure détermination militaire, rappelle seulement la forme de l’action et ne qualifie ni la phase de la propagande armée, n celle de la guerre civile, bien que dans ce dernier cas il s’agit du contenu dominant.

Plutôt, nous avons toujours soutenu qu’il n’y a pas de contradictions entre propagande armée et opérations d’anéantissement, comme il n’y a pas de contradiction entre guerre civile ouverte et anéantissement.

Le fait qu’il n’y a pas de contradiction ne signifie toutefois pas que le recours à de telles formes d’action militaire suive les mêmes lois des deux phases.

Dans la phase de la propagande armée, les opérations d’anéantissement s’inscrivent à l’intérieur de la stratégie de désarticulation, dominée par le principe tactique de la Sélectvité.

C’est-à-dire que ceci implique que leur cible concentre le flux maximum de la haine prolétarienne, ou bien que la fonction objective de la cible sur le terrain de la contre-révolution soit tellement évident que cela permette une compréhension immédiate et univoque de la part des masses.

Dans cette phase, les « excès » se configurent comme véritables erreurs politiques en propre, parce qu’ils permettent à la contre-guérilla psychologique de masquer le message principal qu’il était l’intention de lancer et donc de confondre et d’annuler l’objectif qu’on avait l’intention de poursuivre.

Ces propos, dans ses grandes lignes, restent valables également pour l’actuelle conjoncture de transition, qui cependant évolue à pas rapides vers une nouvelle phase.

Les opérations d’anéantissement rentrent parfaitement dans les campagnes de désarticulation qui doivent être menées dans cette conjoncture et qui s’inscrivent également dans la stratégie dominée par le principe tactique de la sélectivité.

A la différence des phases précédentes, cependant, c’est la Fonction Objective qui prévaut sur le Rôle Subjectif (et sa dimension symbolique) porté par tel ou tel fonctionnaire de la contre-révolution impérialiste, parce que la guérilla, bien qu’elle n’ait pas encore rempli ses tâches de propagande, se met déjà à démolir les Jointures Stratégiques qui permettent à l’État impérialiste d’imposer sa domination.

Cela exige que le recours à de telles formes d’actions militaires se conjuguent avec le maximum de rigueur politique dans l’individualisation des cibles, et avec le minimum d’« excès », afin de mettre une pierre dans la bouche de toutes les spéculations intéressées que les opportunistes de tout type ne perdront pas l’occasion de tenter.

Toute action d’anéantissement est un fait-message et pour cela, au sein de la métropole impérialiste, plus l’action d’anéantissement est audacieuse et profonde, plus doit être limpide le message politique qui l’accompagne.

En fait, dans la métropole impérialiste, où les mass-médias et les centres de la contre-guérilla psychologique vivisectionne toutes les opérations révolutionnaires afin d’utiliser à mauvais escient la moindre interstice, la rigueur politique dans la définition des campagnes et une action incessante, prolongée, capillaire, conçue comme instrument, de clarification dans les masses, à travers l’agitation et la propagande combative, sont déterminants.

Le fusil seul ne parle pas un langage suffisamment clair aux masses prolétariennes !

14. La rapidité avec laquelle évolue le processus de crise – restructuration – internationalisation et la résistance offensive et tenace du prolétariat métropolitain oblige la bourgeoisie à lancer dans cette conjoncture une attaque à vaste échelle, à tous les niveaux de vie des masses.

Dans ce contexte, la lutte pour la défense des Intérêts Immédiats devient également toujours plus antagoniste avec les besoins de valorisation du capital et assume de fait toujours plus le caractère d’une confrontation de pouvoir.

Le fil conducteur de l’offensive générale de la bourgeoisie impérialiste est le contenu du Plan Triennal, et plus précisément l’ambitieux dessein de réglementation des mouvements économiques et sociaux qui sont préconisés et les conditions institutionnelles que cela réclame.

C’est autour de cet axe économie – État, et par rapport à celui-ci, que vont du reste se redéfinir, ensemble avec les fonctions de l’État, d’un côté les rapports de force entre les partis, et de l’autre les rapports de force entre les classes.

C’est une expérience désormais diffuse dans tout le prolétariat que l’appareil d’État en entier fait face à toute simple lutte, quand celle-ci franchit les limites tracées par le « Plan ».

L’unanimisme de l’univers politique, de ce lui-ci avec les syndicats, et de ceux-ci avec la police et la gendarmerie, est l’histoire de tous les jours, ne nécessitait pas d’être racontée encore une fois.

Du côté du prolétariat, le sabotage du plan de restructuration, la lutte politico-militaire contre le régime qui veut l’imposer, l’attaque contre les institutions coercitives qui sont en charge de militariser à tous les niveaux l’affrontement entre les classes, se relient de manière toujours plus inextricable.

Cela constitue la base d’une ligne de combat qui se propose d’organiser des couches sociales entières sur le terrain de la guerre civile anti-impérialiste, sans effectuer une séparation mécanique – économiste et/ou militariste avec les soi-disant besoins immédiats et les besoins stratégiques du communisme.

L’articulation de chaque mouvement de classe spécifique sur cette ligne amène à définir le Programme Immédiat, qui recueille les tensions politiques les plus radicales et donc aussi les plus immédiatement antagonistes à l’État.

Il n’est pas difficile de comprendre que la lutte contre les contraintes imposées aux besoins immédiats par le « Plan Triennal », outre le besoin de communisme, rend possible d’articuler une intervention politico-militaire des usines aux services, aux quartiers, aux prisons, remontant finalement au sommet de l’État.

Cela nous permet ainsi de relier l’action de désarticulation des dispositifs centraux à celle de désarticulation des charnières périphériques.

15. Détruire la démocratie-chrétienne, parti – régime, axe portant de la contre-révolution impérialiste dans notre pays

La DC, au pouvoir depuis plus de trente ans, s’est construite comme Système de Pouvoir, capable de régénérer et consolider, au-delà de toute idéologie, sa propre base économique et sociale.

La DC n’est pas que l’expression politique d’une classe, la bourgeoisie et toute ses strates, mais également le Parti – entrepreneur et et le Parti – Etat. Ce sont les caractéristiques qui en font un parti particulier : le Parti Régime.

Il n’existe pas de centres nerveux dans notre formation économico-sociale qui échappent au contrôle et au commandement de l’hydre DC. Ses tentacules pénétrèrent tous les postes clefs de l’économie, de l’administration d’État et de la bureaucratie, des mass-médias.

La désarticulation et la destruction de la DC sont les moments essentiels de la désarticulation et la destruction de l’État

L’initiative des forces révolutionnaires doivent se caractériser comme une véritable et correcte Ligne de Combat, stable, avec une continuité précise. Mais, afin que les attaques soient véritablement efficaces, en mesure de produire des contradictions stratégiques, elles doivent se concentrer sur les hommes et les structures du parti qui :

– est l’expression des factions de la bourgeoisie impérialiste privée et d’État, qui sont la fraction dominante ;

– joue le rôle et la fonction centrale de commandement, gestion et élaboration politique, tant dans le parti que dans l’État.

Le lien entre DC et « Plan Triennal » est évident. La DC est l’âme politique de ce « Plan ». Elle a fourni les cerveaux pour son élaboration, les techniciens pour son dimensionnement, les bureaucrates pour sa mise en œuvre.

Elle a donné carte blanche aux appareils coercitifs pour la répression de quiconque le conteste.

Les interconnexions entre le « Plan », la DC et l’Etat constituent tous les centres de la cible.

Si c’est la ligne directrice fondamentale sur laquelle doit s’articuler l’intervention révolutionnaire, cela ne veut pas dire que notre initiative ne doit pas aller à se mesurer aussi avec les aspects de la contradiction principale qui, si sur le plan général ils ne sont absolument pas dominant, acquièrent un caractère de prédominance dans la réalité spécifique du mouvement.

La capacité à articuler notre intervention à tous les niveaux et en tous lieux où la classe vit son rapport d’exploitation et d’oppression par la bourgeoisie et ses laquais, est en fait le facteur décisif pour la naissance, l’organisation et le développement d’un fort mouvement révolutionnaire de masse.

La construction du Pouvoir Rouge passe aussi par là !

16. Anéantir les appareils de la contre-révolution économique !

Briser les anneaux de la direction patronale !

Démanteler le pouvoir des syndicats néo-corporatistes !

La stratégie anti-prolétarienne condensée dans le « Plan Triennal » est élaboré et dirigé en des espaces bien précis et se transmet à travers une chaîne articulée qui pénètre l’usine et investit chaque aspect de la vie des prolétaires.

Ces espaces, véritables réseaux nerveux du pouvoir exécutif, doivent devenir des objectifs privilégiés de l’initiative révolutionnaire.

En attaquant leurs dirigeants, en balayant la mini-patrouille des « cerveaux » qui mettent au point la ligne anti-ouvrière, décourageant avec dureté les collaborateurs qui se camouflent dans les universités de la péninsule, il est possible d’amplifier au maximum les contradictions internes du front bourgeois et de mettre en échec un des instruments les plus délicats de la domination impérialiste.

Le ministère du trésor et la Banque d’Italie sont, sur le terrain de l’économie ; le coeur battant de l’initiative contre-révolutionnaire contre classe ouvrière et les luttes de tous les secteurs du prolétariat métropolitain.

Faire qu’il ne bat plus est la tâche du moment.

A cul de pierre, coeur de plomb !

C’est le mot de passe de tous les combattants communistes !

Le contenu anti-prolétarien du « Plan Triennal » sont transmis à travers une chaîne articulée jusqu’aux usines. Ses anneaux principaux sont : [le syndicat patronal] Cofindustria – [les syndicats des organes étatiques que sont la holding de Participations et de Financement des Industries Manufacturières et l’Institut de reconstruction industrielle] Intersind – les syndicats.

La Cofindustria – Intersind a comme tâche de mettre en œuvre la médiation entre les intérêts particuliers et la politique économique de l’Exécutif : médiation ensuite imposée dans les usines par les hiérarchies d’entreprise.

Ces endroits d’où partent toutes les directives patronales, tant vers l’Exécutif que contre la classe ouvrière, constituent un point cardinal essentiel de la contre-révolution économique et, par conséquent, doivent être attaqués avec le maximum d’énergie, tant de la part des Organisations Communistes Combattantes que des organismes révolutionnaires de masse.

Cette attaque doit aussi s’étendre aux hiérarchies d’entreprises qui transmettent le diktat du commandement jusqu’aux lignes les plus éloignées, permettant par là de sucer également, ensemble avec la plus-value, également la vie aux prolétaires.

Briser les anneaux du commandement patronal !

Tel est le mot d’ordre de toutes les avant-gardes prolétariennes.

Les syndicats sont appelés à faire ingurgiter à la classe ouvrière le « Plan Triennal » et les lignes de la Confindustria qui y sont relatives.

Les « fumeurs de pipe » [c’est-à-dire les syndicalistes] ont, dans l’immédiat, comme rôle de gérer la restructuration de la force de travail : à savoir la réforme des salaires, la mobilité, les licenciements… Le pacte néo-corporatiste atteint ainsi sa conclusion logique ; les syndicats sont employés et utilisés comme courroie de transmission de l’État.

Cette incorporation est la condition imprescriptible pour l’actualisation des politiques économiques centrales, mais n’est pas sans contradictions réelles, de par les forces accumulées par la classe ouvrière.

En mettant en discussion, en pratique, les« limites de compatibilité du système » et la légitimité des syndicats, les luttes ouvrières autonomes font revêtir à leur antagonisme spontané une dimension politique.

Tout mouvement autonome de la classe assume le caractère d’une attaque contre l’État et doit pour cela être réduit en bouillie.

Abandonnant progressivement les intérêts réels des couches ouvrières les plus opprimées, se reposant sur les dirigeants, techniciens, aristocrates ouvriers, autre que leur propre appareil de Nouvelle bureaucratie, les syndicats assument directement les fonctions de briseurs de grève et de délation, en stricte coordination avec les directions des usines et les forces anti-guérilla.

C’est précisément ici, dans la protection de la production directe de plus-value, des grandes usines urbaines, que se trouve la charnière la plus faible de la domination de la bourgeoisie impérialiste exercée sur la classe ouvrière au moyen de l’État et de son articulation syndicale.

Et c’est ici que les comptes doivent être réglés !

La construction du pouvoir prolétarien passe à travers le démasquage, l’isolement, l’expulsion de ces infâmes sbires !

Démanteler le pouvoir des syndicats néo-corporatistes est la condition pour la construction du pouvoir rouge !

La lutte contre les appareils de commandement et de contrôle signifie – à partir des lignes de combat déjà consolidés dans le patrimoine de la conscience de classe : le sabotage.

Le sabotage, non pas comme forme de lutte existentielle et subjective, mais comme lutte de masse organisée, comme une des articulations de la lutte armée dans l’usine. Le sabotage individuel est une vieille constante quant au travail et à l’exploitation, c’est une forme spontanée de résistance et de défense contre le travail capitaliste.

Mais, tant qu’elle ne vient pas à visée et organisée, elle ne saurait avoir d’incidence dans les rapports de force entre les classes.

Le sabotage des ouvriers guérilleros doivent suivre des tactiques appropriés, aussi sur le plan de l’organisation, pour être en mesure de déployer sa puissance.

Il doit savoir homogénéiser et collecter les éléments les plus avancés de la classe, afin d’impliquer tous ou presque tous les ouvriers d’une usine.

Le sabotage des ouvriers guérilleros doit être scientifique, doit s’appliquer contre tout ce qui signifie l’isolement et qui empêche la lutte, lutte qui doit s’appliquer contre la machine de commandement, contre la structure de contrôle, contre les lieux et les choses où se coagulent et se concrétisent l’activité contre-révolutionnaire.

Le sabotage des ouvriers guérilleros doit construire dans cette attaque l’organisation de masse du Pouvoir Rouge.

Le mot d’ordre est celui que la classe ouvrière la plus mature, celle de la Fiat et d’Alfa-Roméo, a déjà lancé :

Amener et étendre la guérilla dans l’usine !

17. Désarticuler et détruire les appareils du contrôle social total !

Dans la phase de transition, désarticuler et saboter le processus d’intégration dans un système cohérent, totalitaire et totalisant de contrôle entre la direction technico-politique de l’Exécutif et le système afférent différencié des réseaux spéciaux, exige une ligne de mouvement articulé sur quatre points essentiels.

En premier lieu : faire de la politique et compter sur les masses.

Cela veut dire s’unir aux masses pour les unir dans les Organismes Révolutionnaires des Masses, qui assument la lutte contre l’organisation totalitaire du contrôle social, partout.

S’unir aux masses pour sensibiliser l’intégralité du prolétariat métropolitain pour promouvoir la connaissance des transformations qui ont lieu et des stratégies, des techniques, des instruments et des hommes qui en sont les artisans.

En second lieu : « frapper au centre ».

Annihiler le réseau criminel entier qui structure « l’organisme consultatif permanent ». Lobotomiser l’Exécutif avec méthode, sans exception.

En troisième lieu : désarticuler et saboter les réseaux spéciaux de la gendarmerie en premier lieu, de la magistrature, des prisons, des médias.

Contre les hommes et les appareils de ces réseaux, l’action devra être implacable, continue, martelée et se définissant dans les différentes conjonctures en rapport aux questions posées dans la croissance du mouvement révolutionnaire.

Enfin : frapper à tous les niveaux les analystes et les programmateurs des centres d’informations, les « techniciens clefs » dans le jargon militaire.

Bombarder à coups de bazookas les systèmes informatiques, les banques de données et les réseaux de calculateurs… qui constituent la base matérielle « technique » de l’information et du contrôle total.

Quand c’est possible, infiltrer des taupes rouges parmi le personnel spécialisé.

S’il est vrai que l’informatique ne peut pas atteindre les objectifs « impensables » que la bourgeoisie impérialiste affamée et excitée s’assigne (c’est politiquement impossible, en plus que techniquement, sans compter que la « réduction mathématique » du réel que cela comporte amène dans un cul-de-sac le système en entier), il est vrai aussi que cela constitue un puissant instrument de guerre pour ses performances immédiatement répressives.

Au-delà de la machine… Il y a l’homme qui doit devenir objet de l’intérêt le plus précis du mouvement révolutionnaire.

18. Attaquer les révisionnistes

Soulever contre eux les masses prolétariennes

Provoquer une différenciation dans leurs rangs

Les isoler au degré maximum

Dans le devenir de l’État impérialiste, le système des partis est venu à se transformer en articulation particulière de l’Exécutif.

Composante de l’État, les partis ses configurent comme ses innervations, alignés sur les classes sociales, afin de servir de médiation et d’imposer les intérêts de la bourgeoisie impérialiste et de construire, à partir de là, un contrôle efficace des tensions et des luttes.

Dans cette métamorphose, les partis considérés comme « historiques » du Mouvement Ouvrier abandonnent également toute ligne de classe, subissant le même inexorable destin et, quelle que soit leur conscience, les « représentants » de la classe ouvrière se transforment en instrument du capital multinational.

Du parti de la classe ouvrière dans l’État, le PCI devient le parti de l’État dans la classe ouvrière !

La complicité des révisionnistes, cependant, ne peut pas être échangée par une collaboration sans contradictions, à savoir qui met sur le même plan la Démocratie Chrétienne et le PCI.

Dans le système des partis, la DC, en tant que parti-régime, assume un rôle dominant, et il ne reste plus qu’au PCI un rôle de complément, qui sanctionne sa collaboration subordonnée et conflictuelle à l’intérieur de l’État impérialiste.

Cela ne veut toutefois pas dire qu’il ne représente pas un ennemi.

Il est, en fait, une articulation subalterne de l’aspect principal de la contradiction qui oppose la bourgeoisie au prolétariat, il entre de plein droit dans la mire des forces révolutionnaires.

Les révisionnistes contribuent d’une manière fondamentale à ce que s’affermisse l’initiative contre-révolutionnaire, avec une fonction spécifique bien particulière.

Leur tâche est d’organisation la contre-révolution sociale préventive, à savoir la construction d’un bloc social de soutien à l’État impérialiste, l’opposition à l’avancée du processus révolutionnaire.

A cette fin, d’un côté ils assument en nom propre la gestion de la restructuration dans l’usine et se transforment en policiers de la production pour discipliner, contrôler, attaquer toute survenue d’antagonisme prolétarien ; de l’autre, ils se font les paladins de « l’ordre démocratique », à savoir l’organisation de la délation de masse et le fichage, atelier par atelier, logement par logement, de toutes les avant-gardes révolutionnaires.

Pour remplir cette fonction laide, les révisionnistes doivent développer et consolider leur pénétration dans les couches sociales de la petite-bourgeoisie, des techniciens, de l’aristocratie ouvrière, de la bureaucratie des usines… Activer les organismes de liaison entre parti et masse, comme les Conseils d’usine et de quartier.

Mais ce « service », s’il est d’un côté nécessaire à la bourgeoisie impérialiste, est source de contradictions de l’autre, parce que les sycophantes révisionniste visent, en utilisant les fruits de la délation démocratique, à construire leur propres liaisons directs avec des secteurs de l’appareil d’État, afin de pousser leur avantage dans le système des partis et les rapports de force, se rendant toujours plus « indispensables » et érodant ainsi, petit à petit, le pouvoir de la Démocratie Chrétienne.

Du côté prolétarien, la contre-révolution sociale préventive organisée par le PCI doit être neutralisé avec la détermination maximale et attaquée suivant une stratégie politico-militaire opportune.

Cela se fonde sur la distinction entre les charnières entre les institutions d’État et le PCI et les canaux de liaison du PCI dans les masses.

Les premiers ont un caractère stratégique, ils sont les présupposés et l’objectif des seconds. A travers les charnières-hyènes, en fait, les révisionnistes se faufilent dans les caves du palais, s’accrochant à la pathétique espérance d’accéder au banquet des plans supérieurs !

Mais, parce qu’il ne s’agit pas seulement d’un événement de la branche de [Enrico] Berlinguer [le secrétaire général du PCI], et les avant-gardes prolétariennes payant un dur prix pour une telle sordide action, il appartient à la guérilla de frustrer une telle espérance, d’attaquer et d’anéantir de telles charnières-hyènes.

Il s’agit des juges, sbires, hauts fonctionnaires de l’État, managers, « experts », journalistes-consultants, et merdes similaires. Les ennemis reconnus et politiquement indéfendables aux yeux du prolétariat révèlent l’intrigue :

Leur anéantissement militaire
est également immédiatement leur anéantissement politique !

Et on peut être certain qu’aucun prolétaire ne pleurera leurs carcasses !

En ce qui concerne les « canaux de liaison » entre le PCI et les masses, les problèmes sont plus complexes.

Il faut avoir à l’esprit que ces agents révisionnistes vivent au milieu du prolétariat et profitent parfois d’un prestige injustifié. Il est prioritaire de ce fait que la guérilla fasse une claire politique dans les luttes, pour les isoler, les discréditer, les mettre au pilori, démasquer leur complot et leur complicité, c’est-à-dire, en un mot, les défaire politiquement d’abord plutôt que militairement.

Il va de soi que la dialectique entre les deux plans d’action est décisive, dans le sans que le premier terrain d’attaque est l’imprescriptible condition politique du second ; il est ainsi fondamental, même si les deux sont nécessaires.

Battre les révisionnistes et leur projet de contre-révolution sociale préventive est la condition nécessaire pour la conquête des masses sur le terrain de la lutte armée et pour la construction du Pouvoir Rouge.

La bataille ne peut pas être reportée !

19. Frapper au centre !

Encercler les encercleurs !

Il faut affronter le processus de militarisation de l’usine, du territoire et de toute la vie sociale, les reliant aux restructurations anti-prolétariennes de l’économie et de l’État, également afin de démonter l’image perverse diffusée par la propagande du régime qui attribue au « terrorisme » la fonction de cause.

L’attaque des appareils de militarisation n’est en fait pas un problème séparé des luttes sociales, et c’est pourquoi elle regarde sur un mode exclusif les avant-gardes combattantes.

C’est une dimension essentielle de chaque mouvement partiel, des luttes ouvrières et de celles des services, des luttes territoriales à celle des prisons.

La fonction dirigeante du Parti consiste à relier et à organiser l’action systématique de désarticulation des appareils centraux et périphériques avec l’action également systématique des organismes révolutionnaires de masse.

Dans cette phase, où la crise, par le niveau atteint d’acuité, amène le système impérialiste dans une situation extrêmement critique, la tendance à la guerre assume un caractère central, tant dans le devenir des contradictions impérialistes que dans la croissance des contradictions de classe.

Les forces révolutionnaires doivent ici relier à l’intérieur de cette perspective la pratique de désarticulation des appareils centraux contre-révolutionnaires qui est la leur.

Une prémisse est nécessaire : il faut amener de la clarté quant à l’illusion qui existait ou existe à l’intérieur du mouvement révolutionnaire international, qui considère le « camp socialiste » comme une base arrière des armées révolutionnaires qui surgissent dans la métropole impérialiste, et subordonne de fait la stratégie de celles-ci à la stratégie mondiale du « camp socialiste ».

C’est un fait que le « camp socialiste » mythique a perdu depuis de nombreuses années ses racines matérielles, dans une réalité qui n’a plus rien de socialiste : le capitalisme de l’État soviétique et de ses alliés, dans sa phase social-impérialiste.

Nous voulons être le plus explicite concernant ce point : l’impérialisme et le social-impérialisme sont deux variantes spécifiques du mode de production capitaliste dans cette phase – le capitalisme privé et le capitalisme d’État.

Ils forment un système impérialiste où il y a tant unité que contradiction : unité du mode de production capitaliste, contradiction entre ses formes historiquement déterminées.

Si les forces révolutionnaires peuvent et doivent exploiter ici les espaces ouverts par le parcours de la lutte inter-impérialiste, des contradictions entre impérialisme et social-impérialisme, cela ne doit en aucun cas se traduire en une quelconque forme de collusion avec l’un pour combattre l’autre.

La désarticulation des appareils centraux dans cette phase doit atteindre le coeur pulsant de la contre-révolution impérialiste : l’OTAN.

L’OTAN signifie la guerre externe et la guerre interne.

C’est, dans cette dimension qu’ils réorganisent leurs armées, les mettant en adéquation aux nouvelles caractéristiques de la guerre inter-impérialiste et de la guerre de classe. La formation de la task – force à l’intérieur des forces armées italiennes répond à cette double exigence.

Une quantité toujours plus majeure d’unités de l’armée, de la marine de l’aviation et des fincements sont transformées en Unités Spéciales de Contre-guérilla, et constituent l’ossature portant d’une véritable armée de profession en tant que tel, allant aux côtés des Unités Spéciales des Carabiniers, qui en constituent le nerf.

Nous devons initier le sabotage de cette machine de mort qui signifie pour le prolétariat métropolitain, dans cette phase, la contre-révolution préventive. Nous devons désarticuler cela, en attaquer les hommes et les repaires, ses déterminations nationales restructurées en fonctions de contre-guérilla.

L’OTAN, c’est la guerre impérialiste et la contre-révolution préventive !
Guerre à l’OTAN !
Guerre aux corps spéciaux de la contre-guérilla !

Nous devons construire, sur la base de ce mot d’ordre, l’unité internationaliste avec tous les peuples et toutes les forces révolutionnaires qui combattent contre l’impérialisme.

Les organismes révolutionnaires de masse, chacun sur leur terrain de combat, et les structures du Parti, doivent porter en avant une offensive de martèlement visant à encercler les articulations périphériques – les hommes, les repaires, les instruments – des appareils de militarisation et de contrôle social.

C’est dans cette offensive, en fait, que vit le Programme Immédiat dans les masses, contribuant à consolider le Pouvoir Rouge.

Aucune action centrale, disjointe de l’initiative conduite également par l’avant-garde à l’intérieur des organismes révolutionnaires de masse, ne peut avoir comme ambition de construire et d’élargir les espaces de pouvoir que la guerre de classe poursuit.

La militarisation croissante est un point faible de l’ennemi. L’exposition de ses forces, terroriste au moins dans ses intentions, donne aussi la mesure de son embourbement.

En fait, plus la militarisation s’élargit infiltre les anfractuosités de la société, plus l’ennemi se fractionne et se fragilise.

Forcé de contrôler tout et tout le monde, cela crée les conditions plus favorables pour unifier la mobilisation de masse contre le régime.

Dans l’encerclement des unités détachées de l’État et des agents du régime dans chaque quartier, dans chaque usine, dans chaque prison, se construisent les organismes du Pouvoir Rouge.

L’encerclement de l’encercleur doit assumer la forme de milliers de petits encerclements.

Il s’agit de construire partout où il y a des concentrations prolétariennes significatives, à partir des plus grandes et des plus rebelles, une base rouge invisible, un détachement de prolétaires armées, un organisme révolutionnaire de masse, une articulation du Pouvoir Rouge, en mode de « tenir en otage », encerclant dans leurs repaires et leur logement les agents de l’ennemi, qu’ils soit visibles ou masqués.

Il s’agit d’organiser l’encerclement suivent les caractéristiques d’un siège stable. Il s’agit de ne pas laisser l’ennemi respirer, de lui faire ressentir l’hostilité profonde des masses prolétariennes, la haine de classe qui l’entoure.

Il doit se sentir chaque jour plus traqué, attaqué de toutes parts, même de son intérieur. Il doit être systématiquement désarmé. Il doit se sentir épié de la part de ceux qu’il veut épier, prisonnier de ceux qu’il veut emprisonner, attaqué de ceux qu’il veut attaqué, anéanti de ceux qu’il veut anéantir.

Ses communications et ses liaisons doivent être sabotés. Pour lui, cela doit être le couvre-feu. Les pièges les plus mortels doivent être prêt à mis en place à chaque fois qu’il s’aventure hors de ses repaires dans la jungle métropolitaine. Les embuscades les plus terroristes doivent scander ses journées et ses heures.

Conquérir le contrôle des grandes usines, des périphériques prolétariens des grands centres urbains, est une étape nécessaire vers la guerre civile.

C’est un pas indispensable, et qui ne peut pas être remis, sur la voie de la construction du Pouvoir Rouge.

Plus nous saurons renforcer ce contrôle, meilleurs seront les espaces et la capacité de manœuvre.

Meilleurs seront la capacité de manœuvre et les espaces de la guérilla, plus durs et décisifs pourront être ses coups au cœur de l’État !

Frapper au centre, avec des coups plus durs, plus rapides et plus soudains !

Obliger l’ennemi à se fractionner sur tout le territoire !

Encercler, épuiser, démoraliser chacun de ses détachements périphériques et les avaler morceau par morceau !

20. Briser l’anneau-Italie de la chaîne impérialiste !

Assumer la position du non-alignement !

Pratiquer la collaboration de tous les peuples sur une base paritaire !

Développer l’internationalisme prolétarien !

Sur l’aire méditerranéenne se déploie toujours plus entre les grandes puissances un espace vaste et contrasté : l’espace du non-alignement. Il n’est pas intéressant de savoir quelles sont ses facettes politiques complexes et contradictoires, son caractère essentiel se référant à la rupture que les pays émergents opèrent dans la division mondiale du travail sanctionné à Yalta.

C’est également ici que notre pays et doit trouver sa place pour reconstruire, dans le cadre d’un internationalisme prolétarien effectif, une autre qualité dans le processus de croissance des forces productives et une transformation radicale, qu’il n’est désormais plus possible de remettre à plus tard, des rapports de production, dans la direction d’une société communiste.

En fait, la structure même de l’appareil productif italien est autant inconciliable avec le devenir de la crise et de l’impérialisme que compatible avec l’économie des pays émergents.

De nombreux de ses aspects qui représentent un handicap insurmontable pour notre développement dans l’aire « occidentale » sont des caractéristiques précieuses dans la perspective de collaboration avec tous les pays les plus exploités (qu’ils appellent le « tiers-monde »), dans la perspective du non-alignement et de la pratique de l’internationalisme prolétarien.

Nous avons une vaste présence dans les technologies intermédiaires et c’est ce dont ces pays ont tout de suite besoin ; puis, nous avons tout le potentiel et la capacité pour également développer celles qui sont plus avancées, des micro-processeurs aux satellites en tant que tel – un potentiel et une capacité que l’impérialisme castre – et que nous sommes déjà en train de produire.

Cela nous permet aussi de donner une perspective de longue durée au développement.

En outre, nous somme en possession d’une quantité de connaissance générale à mettre à disposition de tous ces peuples, de telle manière à leur assurer une impulsion remarquable dans leur croissance.

Au contraire, aujourd’hui, l’impérialisme (dans ses deux variantes : américain et soviétique) mesure de manière stricte ces flux de connaissance, pour imposer et maintenir sa domination particulière et ses propres privilèges.

Les pays émergents ont quelque chose de tout à fait précieux : les matières premières (énergétiques ou non), qui nous manquent à tous, et qui sont indispensables pour garantir un passage graduel, et non excessivement traumatisant, de notre formation économico-sociale, de la phase ultime du capitalisme, à la transition socialiste.

C’est le maintien même de la base productive, le développement des forces productives, des nouveaux rapports de production qui sont latents, dans la direction de notre sortie du camp impérialiste pour se placer aux côtés des pays émergents, dans un projet commun anti-impérialiste et anti-social-impérialiste.

Pour réaliser cela, il est nécessaire de rompre le nœud coulant qui chaque jour devient plus pesant et plus étroit.

Briser l’anneau-Italie de la chaîne impérialiste !

Assumer la position du non-alignement !

Pratiquer la collaboration de tous les peuples sur une base paritaire !

Développer l’internationalisme prolétarien !

C’est aujourd’hui possible !

C’est notre tâche !

>Sommaire du dossier

Brigades Rouges: Crise, guerre impérialiste et guerre de classe

[Il s’agit du 7e point du chapitre intitulé « Sur la crise » du livre « l’Abeille et le Communiste » écrit par le collectif des prisonniers des BR, en décembre 1980.]

Une des thèses fondamentales soutenues dans la « résolution stratégique » de février 1978 est la suivante : « Le moyen par lequel l’impérialisme a toujours historiquement résolu ses crises périodiques de surproduction est la guerre.

En effet la guerre permet avant tout aux puissances impérialistes victorieuses d’élargir leur base productive aux dépens des vaincus.

Mais surtout, qui dit guerre dit destruction de capitaux, de marchandises, de force de travail et donc la possibilité d’une reprise du cycle économique pour une période de temps assez longue. Dans cette phase, le drame récurrent de la production capitaliste se présente de nouveau à l’impérialisme : étendre sa zone d’influence pour pouvoir élargir sa base productive.

En effet, rester plus longtemps « confiné » dans l’aire occidentale, signifie pour l’impérialisme accumuler des contradictions toujours plus déchirantes : la concentration des capitaux croît de façon accélérée, le taux de profit atteint des valeurs très basses ; la base productive se restreint de plus en plus, le chômage augmente de façon inquiétante.

A de brefs et apparents moments de reprise succèdent immanquablement des phases de récession toujours plus graves et ainsi se détermine, de fait, un processus de crise permanente (ces dernières années le démontrent amplement).

La nécessité toujours plus impérative d’élargir sa zone d’influence se pose donc à l’impérialisme. Mais cet élargissement ne peut se réaliser qu’aux dépens du social-impérialisme (l’URSS et les pays du pacte de Varsovie) et conduit donc de façon inévitable à l’affrontement USA-URSS.

Dans cette phase où la crise, par le niveau de gravité qu’elle a atteint, jette le système impérialiste dans une situation extrêmement critique, la tendance à la guerre revêt un caractère central, aussi bien pour le devenir des contradictions inter- impérialistes que pour l’approfondissement des contradictions de classe.

Les forces révolutionnaires doivent donc être capables de placer leur pratique à l’intérieur de cette perspective.

Il faut avant tout, tirer au clair cette illusion passée et présente au sein du mouvement révolutionnaire international qui considère le « camp socialiste » comme la ligne arrière des armées révolutionnaires surgissant dans la métropole impérialiste et qui subordonne de fait la stratégie de ces dernières à la stratégie mondiale du « camp socialiste ».

C’est un fait que le mythique « camp socialiste » tire (depuis de nombreuses années) ses racines matérielles d’une réalité qui n’a rien de socialiste : le capitalisme d’Etat soviétique et ses alliés, dans leur phase social-impérialiste.

Une position stratégique de ce genre, par ailleurs, est certainement possible et même praticable ; de plus, il ne faut pas négliger le fait que certains secteurs révisionnistes dans notre pays restent, plus ou moins clandestinement, liés à celle-ci.

Mais, ceci dit, il n’en reste pas moins qu’il ne s’agit plus là de révolution communiste.

Nous voulons être très explicites sur ce point : impérialisme et social-impérialisme sont deux variantes spécifiques du mode de production capitaliste dans cette phase : capitalisme privé et capitalisme d’Etat.

Ils forment un système impérialiste, où se trouve à la fois unité et contradiction : unité dans le mode de production capitaliste, contradiction entre ses formes d’existence géographiquement et historiquement déterminées.

Si donc les forces révolutionnaires peuvent et doivent mettre à profit les espaces ouverts par le devenir de la lutte inter- impérialiste et de la contradiction entre impérialisme et social- impérialisme, cela ne doit en aucun cas se traduire par une quelconque forme de collusion avec l’un pour combattre l’autre.

Ces deniers temps, on peut déjà déceler les premiers positionnements pour la troisième guerre mondiale inter- impérialiste.

Qu’est-ce d’autre, en effet, que les aventure africaines de Moscou, de Paris (plus discrètes mais non moins efficaces) et l’appui occidental renouvelé à l’Afrique du Sud raciste ?

Et la concentration massive d’armes et de troupes dans tout le Moyen-Orient ; depuis l’invasion soviétique en Afghanistan, jusqu’au soutien américain croissant au sionisme et au fantoche Sadate et à l’envoi de troupes dans toute la péninsule arabe !?

Et l’accroissement de la tension en Extrême-Orient, depuis l’invasion du Cambodge jusqu’à la suspension du retrait américain en Corée du Sud !?

Et la préparation de corps spéciaux d’invasion, aux USA, en France et ailleurs !?

Et le réarmement vertigineux en Europe, à l’Est comme à l’Ouest !?

Et les menaces d’invasion explicites, proférées par le ministre de la guerre des USA, avec l’incursion ratée en Iran !?

Il n’y a qu’une conclusion : le processus de la troisième guerre mondiale a déjà commencé. La tâche des communistes est donc de se placer dans cette perspective.

La précipitation de la crise accélérant encore cette dynamique, nous devons poser rapidement de problème aussi, au centre de notre attention, de notre analyse, de notre intervention.

Il faut cependant faire très attention de ne pas tomber dans le catastrophisme ni dans l’immédiatisme. Il est nécessaire d’approfondir l’analyse marxiste de la réalité.

Toutes les guerres présentent des caractéristiques fondamentales qui dépendent : – du type de contradictions qui les déterminent ; – du niveau atteint par les forces productives ; – des forces en jeu. Eclaircissons tout de suite un point : ce qui caractérise la phase actuelle par rapport au conflit 39-45 n’est pas tant la puissance des moyens de destruction que l’extension désormais mondiale de la guerre de classe, la présence de la guérilla communiste, et l’existence de conditions favorables à son développement dans toutes les parties du monde et en particulier dans les métropoles.

Ceci a une importance décisive : en effet pendant la seconde Guerre Mondiale aussi, la capacité destructive était énorme. Les gaz toxiques et les armes bactériologiques (diffusion artificielle de maladies très graves) étaient déjà très au point.

Mais à quelques exceptions sporadiques près à la fin du conflit, elle ne furent pratiquement pas utilisées. Même les deux bombes atomiques lâchées par les américains sur le Japon doivent être considérées comme le coup d’envoi, sans risque, de la guerre froide avec l’URSS, plutôt que comme la fin de la seconde Guerre Mondiale.

Et ceci, naturellement, non par la bonté d’âme des diverses bourgeoisies en lutte, mais parce que cela aurait signifié le déplacement des termes de l’affrontement sur le terrain de l’anéantissement généralisé qui les aurait impliqué inévitablement, au lieu de permettre la redéfinition des rapports de force entre elles par la destruction de prolétaires et de moyens de production en quantité, favorisant ainsi la reprise ultérieure du cycle de l’accumulation capitaliste.

Ainsi aujourd’hui, les accords entre grandes puissances sur l’utilisation des armes nucléaires, en particulier les armes orbitales (contre lesquelles pratiquement aucune contre-mesure n’est possible) répondent à cette exigence de maintenir la contradiction dans ses termes réels : une confrontation- affrontement pour la redéfinition permanente des sphères respectives d’influence, en évitant cependant le risque d’anéantissement réciproque et de destruction totale.

Evidemment, par le fait même que de tels moyens de destruction existent, on ne peut exclure absolument ce risque, mais aucune classe n’a de penchant réel pour le suicide.

La bourgeoisie non plus ; même si, pour exorciser ses peurs, il lui arrive de les mettre en scène au cinéma et dans les livres de politique-fiction.

C’est dans ce contexte, qui n’a pas changé de façon substantielle ces quarante dernières années, que s’insère un élément qualitativement nouveau : la guerre de classe à l’échelle mondiale.

L’impérialisme a commencé à s’embourber dans les sables mouvants de la défaite.

Tous ses mouvements, toutes ses expéditions, toutes ses manoeuvres répressives se retournent contre lui, l’enfoncent toujours plus, lui ouvrent de nouvelles contradictions.

Tout cela réduit progressivement sa capacité de mouvement et diminue son pouvoir d’intimidation même sur les pays et les peuples les plus petits, comme le Nicaragua.

Il y a 40 ans, sur le front intérieur, la plupart des pays, en particulier les plus puissants, étaient complètement pacifiés, et dans les autres, les forces prolétariennes se trouvaient sous la direction d’une fraction de la bourgeoisie contre une autre.

Aujourd’hui le font intérieur est l’objet d’inquiétudes dans les congrès internationaux et la guerre de classe enlève à la bourgeoisie impérialiste, jour après jour, son sommeil et sa vie.

Nous sommes arrivés au point où le risque d’une « insurrection du pétrole » est passé si près des USA que Carter a pris le risque de couler l’économie de ses alliés (avec les subventions aux importations de pétrole brut), à seule fin d’éloigner, même un peu, ce spectre.

Mais c’est justement la puissante reprise du mouvement prolétarien dans les métropoles ces dernières années, qui s’est chargé d’enlever de nombreuses illusions de la tête des bourgeois.

La guerre de classe n’avance pas dans la périphérie de leur sphère d’influence, comme en Italie, en Turquie, en Espagne, en Corée du Sud.

Mais c’est désormais en son coeur même qu’explosent les contradictions.

La Grande-Bretagne, la France, les USA, la Suède, la Suisse et même la très militarisée et très informatisée RFA, sont secouées par des mouvements très durs et incontrôlables.

Des sidérurgistes lorrains aux Noirs de Miami et de Bristol ; des sympathisants de la RAF de Brême ou Berlin aux métallurgistes anglais ; des mineurs et des « chicanos » américains jusqu’aux nouvelles figures du prolétariat, fils des métropoles et de la crise à Zurich comme à Stockholm ; ainsi se constitue partout, maillon après maillon, la chaîne prolétarienne qui entravera, immobilisera, étouffera le monstre impérialiste.

La censure préventive et l’inoculation scientifique de mensonges par les mass-média ne parviendra plus à dissimuler la réalité des avant-gardes armées et des grands mouvements de masse qui convergent, se dialectisent et donnent vie toujours plus souvent à de puissants mouvements de masse tendanciellement armés et s’organisent sur le terrain du pouvoir.

Voilà l’élément nouveau qui conditionnera toujours plus la marche vers la troisième guerre inter-impérialiste.

Avec la guerre de classe qui s’étend à l’intérieur de tous les pays, quelle bourgeoisie pourra se permettre d’affronter un conflit prolongé ?

D’engager toutes ses ressources dans une guerre extérieure, d’armer des millions de prolétaires ? Aucune !

Combien d’interventions contre d’autres peuples, sans solution à très court terme et sans la possibilité d’un engagement minimum de forces, pourront résister à l’usure d’une guérilla intérieure et extérieure ? Aucune !

Et en effet, les caractères spécifiques des conflits actuels commencent à se dessiner : escarmouches, incursions limitées ou temporaires, opérations de corps sur-spécialisés, etc…

L’emploi des soldats du contingent est toujours plus limité, alors que se généralise l’utilisation de troupes de carrière : véritables mercenaires de l’époque moderne.

Toutes ces spécificités pourront se modifier avec le temps. Mais ce sera toujours la contradiction principale, celle qui oppose le prolétariat à la bourgeoisie, qui les déterminera.

L’élément décisif du conflit sera toujours la guerre de classe, la force du prolétariat.

Dans cette situation, la tâche des forces révolutionnaires du monde entier, notre tâche, est de mettre ne pratique une fois de plus le mot d’ordre léniniste : « Transformer la guerre impérialiste en guerre de classe ! »

L’Etat italien est désormais prisonnier de cette inexorable logique de guerre. L’Italie, en tant que partie intégrante du front militaire impérialiste dont l’OTAN est le moteur principal, a une importance fondamentale.

Ceci aussi bien par sa place centrale dans l’échiquier méditerranéen que par son rôle de charnière sur le versant Sud-Est de l’Europe occidentale.

Tout le développement du potentiel guerrier italien, dès les premières années de l’après- guerre, s’est effectué sous l’égide de l’OTAN et de sa composante la plus puissante : les USA.

L’OTAN, avec sa puissance politico-militaire tentaculaire et pénétrante, est le trait d’union de la politique belliciste de l’impérialisme des multinationales dans l’échiquier stratégique de notre pays.

Fondée sur la base d’un traité en 1949, l’OTAN est une organisation supra-nationale de défense militaire des intérêts économiques et politiques de la structure économique et productive multinationale qui s’est développée dans la zone occidentale de l’Europe au cours de ces années précisément.

Elle se propose d’impulser et de favoriser l’intégration économico-socio-culturelle des nations qui en font partie, sous la domination des pays les plus forts bien sûr.

En particulier, cette armée multinationale de la contre- révolution impérialiste tend à construire et à renforcer un système global de défense qui, autrement, serait dispersé en divers échiquiers géographiques séparés et confiés à de simples forces nationales.

Dans la zone méditerranéenne, l’OTAN a entrepris depuis sa naissance l’édification d’une chaîne défensive englobant les points névralgiques, de l’Espagne à la Turquie.

Le rôle joué par l’Italie dans cette chaîne défensive est clair : celui de maillon central et de ligne arrière logistique principale.

Plus le processus de développement vers la troisième guerre impérialiste s’accélère, plus le prolétariat italien se trouve confronté aux implications nationales de l’OTAN.

Celle-ci, prise entre la nécessité de préparer la guerre et de maintenir la paix sur ses lignes arrières, a engagé un vaste processus de transformation des différentes armées nationales en de véritables impérialistes d’occupation.

En réalité, elles ont déjà assimilé depuis longtemps ces aspects qui les transforment toujours davantage en force agissante « sur le front intérieur » et qui, dans le même temps, les mettent dans l’obligation d’assumer les escarmouches avec les armées du social- impérialisme.

Dans ce cadre, l’Italie se trouve directement impliquée dans le processus de concentration du potentiel dissuasif de l’OTAN.

En effet, une série de fonctions intégrées de commandement au niveau européen sont concentrées sur notre territoire (« Afsouth » à Naples, « Comelandeouth » à Vérone) ainsi que d’autres structures directement subordonnées aux USA, comme le « Centre d’Etude et d’Expérimentation » de La Spezia sous le commandement de Norfolk (Virginie, USA).

Sans compter, naturellement, la myriade de bases et de dépôts répartis un peu partout et qui ont une importance stratégique.

Il suffit de penser à l’aéroport de Decimomannu (le plus grand et le mieux équipé de tout le secteur), ou à l’île de La Maddalena, base d’appui vitale des sous-marins nucléaires américains.

Ce n’est pas par hasard si maintenant nous devrons être les premiers, avec la Grande-Bretagne et la RFA à accueillir quelques centaines d’exemplaires des nouveaux missiles américains, devenant ainsi l’objectif privilégié des ripostes, nucléaires ou non, du social-impérialisme.

D’autre part, cette organisation supra-nationale est en train d’uniformiser, de modeler et de diriger les diverses armées nationales selon le projet de construction d’une armée impérialiste unique, capable d’intervenir et d’évoluer dans n’importe quel pays, même éloigné de ses bases naturelles.

En effet, depuis le début des années 70, une restructuration profonde des forces armées italiennes est en cours sur la ligne indiquée et imposée par l’OTAN.

Celle-ci organise d’ailleurs depuis longtemps déjà des opérations combinées inter-armées où, aux côtés du potentiel stratégique nucléaire, interviennent des « task force » directement offensives, avec les tactiques de déploiement rapide d’unités spéciales extrêmement mobiles, afin de concentrer la violence terrorisante maximum sur le point faible de l’ennemi.

C’est la tactique expérimentée à Entebbe et Mogadiscio et développée massivement par Israël.

Ces unités non traditionnelles constituent l’ossature à partir de laquelle s’effectue la restructuration des armées de l’OTAN.

L’armée italienne a récemment démontré sa pleine adhésion à ces exigences bellicistes en commençant à envoyer des hélicoptères au Liban, en tant que contingent de l’ONU chargé de protéger les frontières d’Israël.

Dans le même mouvement, la formation de « task force » à l’intérieur des forces armées italiennes répond à la nécessité de plus en plus urgente pour l’Etat impérialiste de faire face au développement énorme de la guerre de classe dans notre pays.

En effet, un nombre croissant de régiments sont transformés en unités spéciales anti-guérilla, composées en majorité d’officiers et de sous-officiers de carrière et de volontaires.

Ces unités sont la structure portante d’une véritable armée de métier et s’ajoutent aux détachements spéciaux de carabiniers qui en constituent le système nerveux.

Les stratèges des commandements militaires eux-mêmes font la propagande de cette évolution dans leurs revues spécialisées : « Il faut constituer le plus grand nombre possible de centres d’entraînement non traditionnels, où le personnel choisi dans la police et dans l’armée devrait recevoir l’entraînement sur- spécialisé dont il a absolument besoin (…). La formation de petites unités entraînées de façon particulière et jouissant d’un haut niveau d’autonomie et de liberté d’action doit être le premier pas dans la bonne direction.

Une fois constituées ces unités spéciales, comment faut-il les utiliser ? Le principe des actions de guérilla réside dans la brièveté et la puissance du coup porté ; la seule réponse valable est donc dans une action du même genre. »

On ne peut pas dire que les impérialistes, quand ils sentent le poids se la force révolutionnaire qui progresse, ne soient pas clairs !

La conclusion est que les forces révolutionnaires doivent en tirer est claire : l’OTAN est synonyme de guerre extérieure et intérieure.

C’est dans cette perspective qu’elle réorganise ses armées, les adaptant aux nouvelles conditions de la guerre inter- impérialiste et de la guerre de classe.

Nous devons commencer à saboter cette machine de mort, qui signifie pour le prolétariat métropolitain, contre-révolution préventive à l’intérieur et guerre d’agression à l’extérieur.

Nous devons désarticuler, en attaquant ses hommes et ses repaires, les lignes militaires restructurées en fonction de la contre- guérilla.

Nous devons développer la plus grande mobilisation politique possible sur le mot d’ordre : l’OTAN c’est la guerre impérialiste et la contre-révolution préventive.

Guerre à l’OTAN, guerre aux corps spéciaux anti-guérilla !

Il faut, sur ce mot d’ordre, construire l’unité internationaliste de tous les peuples et de toutes les forces révolutionnaires qui combattent l’impérialisme !

>Sommaire du dossier

Brigades Rouges: Seconde réflexion théorique

[Janvier 1973.]

Comment jugez-vous les choix faits par votre organisation, après deux ans de travail ?

Il nous semble que le développement de la situation politique italienne a bien confirmé le choix fondamental qui a été le nôtre dans les premiers mois de 1970.

La crise gouvernementale n’a pas du tout été résolue dans un sens réformiste et elle n’a pas de perspective dans un futur proche.

Au contraire, la formation d’un gouvernement de centre-droit excluant les sociaux-démocrates, la relance des fascistes en tant que « force parallèle », l’attaque frontale contre le mouvement ouvrier et la militarisation de plus en plus arrogante des conflits sociaux et politiques, tout cela démontre que le front politique bourgeois poursuit avec un entêtement accru l’objectif de la restauration totale de sa dictature et donc d’infliger une défaite politique sans réserve à la classe ouvrière.

Mais, est-ce que l’assassinat de Feltrinelli et les attaques contre les Brigades Rouges ne démontrent pas au contraire la faiblesse, ou plutôt l’immaturité d’un tel choix ?

Non, parce qu’on ne peut pas dériver la faiblesse d’une ligne politique à partir de la corrélation de forces relative que l’organisation représentant cette ligne a été à même d’établir dans sa phase initiale.

L’attaque que la bourgeoisie a déchaînée contre nous au mois de mai provenait de leur conviction erronée qu’elle pouvait neutraliser l’impact de la proposition stratégique de lutte armée pour le communisme, simplement en exploitant la faiblesse organisationnelle qui nous caractérisait.

Cette évaluation politique erronée, c’est exactement ce qui a causé l’échec de l’opération policière, et nous nous sommes renforcés.

En fait, en refusant le terrain de « l’affrontement frontal » entre les Brigades et l’appareil d’Etat armé qui nous était proposé, nous gardions tout notre temps pour contre-attaquer « silencieusement » contre des cibles économiques.

Le résultat, ce fut le renforcement de notre infrastructure organisationnelle, qui prouvait en même temps la faiblesse politique de l’Etat policier même s’il est pourvu de fortes structures militaires.

L’accusation de terrorisme a été portée contre vous, de la part de différents secteurs, qu’en pensez-vous ?

Le « terrorisme » dans notre pays et dans cette phase de la lutte est une composante de la politique menée par le front des patrons, qui commence avec la massacre de la Piazza Fontana [à Milan en 1969, cet attentat sanglant et aveugle fut commis par les fascistes et attribué aux révolutionnaires].

Son but est d’acculer à la retraite générale le mouvement ouvrier et d’aboutir à une restauration complète de l’exploitation à ses anciens niveaux. La classe dominante a spécifiquement recherché la réalisation de trois objectifs fondamentaux avec cette politique.

1. encourager la croissance du bloc réactionnaire aujourd’hui au pouvoir, et en particulier de ses composantes les plus fascistes, avec la perspective de reprendre le contrôle de la situation dans les usines et dans le pays.

2. écraser les menées révolutionnaires et canaliser les luttes qui avaient mûri ces années-là dans une direction social-pacifiste, en exhibant le spectre de la lutte armée comme un « saut dans les ténèbres ».

3. discréditer les organisations révolutionnaires et accuser la gauche de provocation fascistes et anti-classe ouvrière, en suivant la formule « les extrêmes se rejoignent » et en rendant équivalentes entre elles toutes les manifestations de violence.

Notre engagement dans les usines et les quartiers a toujours été depuis le début d’organiser l’autonomie ouvrière pour la résistance à la contre-révolution en mouvement aujourd’hui, et de résister à la liquidation des menées révolutionnaires par les opportunistes et les réformistes.

Organiser la résistance et construire le pouvoir prolétarien armé sont les slogans qui ont guidé et qui guident notre travail révolutionnaire. Qu’est-ce que cela a à voir avec du « terrorisme » ?

Par conséquent, dites-nous quel est la ligne directrice de votre intervention dans cette phase ?

Avec l’édification des Brigades Rouges, nous voulions créer un centre stratégique capable de  prendre en main les problèmes les plus urgents soulevés par le mouvement de résistance prolétarienne.

Nous n’avons pas créé un nouveau groupe, mais nous avons travaillé à l’intérieur de chaque manifestation de l’autonomie de classe à unifier sa conscience autour de la proposition stratégique de la lutte armée pour le communisme.

Aujourd’hui nous pouvons dire que la bouteille jetée à la mer a été saisie avec son message : le problème de l’organisation  prolétarienne armée a été pris en main par l’ensemble du camp révolutionnaire.

Donc maintenant il s’agit de faire un pas en avant ; imposer dans la lutte la ligne politique pour la construction du pouvoir prolétaire armé, contre les tendances militaristes et toutes les tendances erronées.

Militariste est la déviation de ceux qui pensent qu’il est possible de mettre en mouvement la classe ouvrière par la vertu de l’action armée, entendue seulement comme action exemplaire.

Groupiste est la déviation qui attribue les fonctions et la tâche de la lutte armée à un noyau de samouraïs.

Ces deux déviations ont un dénominateur commun : l’absence de confiance en la capacité révolutionnaire du prolétariat d’Italie.

Nous croyons que l’action armée est le point culminant d’un vaste travail politique par lequel l’avant-garde prolétarienne, le mouvement de résistance, est organisé directement en vue de ses besoins réels et immédiats.

En d’autres termes, l’action armée pour les Brigades Rouges est le point le plus haut d’un processus profond d’auto-organisation au sein de la classe : sa perspective de pouvoir.

Par conséquent, nous sommes convaincus qu’avancer sur le chemin de la lutte armée est nécessaire aujourd’hui pour mener à bien la tâche d’unification politique de toutes les avant-gardes politico-militaires qui évoluent à l’intérieur de cette perspective.

Est-ce que vous avez l’intention de travailler à l’unité politique entre les groupes révolutionnaires ?

Les groupes sont une réalité du passé, des reliques survivantes qui ne correspondent plus au développement objectif du processus révolutionnaire.

L’unité que nous cherchons à construire, c’est celle de toutes les forces qui se meuvent dans la perspective de la lutte armée pour le communisme.

Pouvez-vous être plus précis ?

A l’intérieur de la gauche non réformiste, il y a en ce moment 3 tendances à l’oeuvre.

La première est une tendance liquidationniste qui prend pour argent comptant l’idée de la défaite politique de la classe ouvrière.

Cette tendance se prépare à faire un travail de « parti » pour mener la « retraite » pendant une longue période de crise.

Ceux qui dirigent cette tendance tournent leurs pensées vers le développement organisationnel en interne, et commettent une lourde simplification des choses en identifiant la croissance du processus révolutionnaire avec la croissance de leur propre groupe.

Alors que les patrons ont choisi le terrain d’une guerre civile rampante, les liquidationnistes s’en accommodent en menant leurs activités sur le terrain de l’agit-prop légale.

De cette erreur découle la re-proposition d’un modèle « troisième- internationaliste », que nous considérons comme une répétition inoffensive d’une expérience historique que la classe ouvrière a déjà épuisé hier et qui n’a pas de sens pour demain.

La deuxième tendance est une déviation centriste qui, même si elle ne voit pas la défaite de la classe ouvrière comme une certitude, formule sa ligne d’action comme une série de batailles successives, qui ne sont jamais envisagées comme parties prenantes d’un plan de guerre unique.

Cette tendance est représentée par les organisations autonomes d’usine et de quartier, qui épuisent leur existence dans de la lutte tactique, s’illusionnant sur leur capacité à construire une alternative politique stratégique autour de politiques « au jour le jour ».

Concrètement, le problème que ces camarades ont encore à résoudre est contenu dans cette question : « organisations autonomes » ou « organisations de l’Etat prolétarien » ?

La troisième tendance c’est la résistance qui ne reconnaît en aucune façon la défaite de la classe ouvrière comme un fait établi.

C’est la tendance qui sait reconnaître les nouvelles formes de l’initiative prolétarienne et travaille à les projeter le long de la piste stratégique de la lutte armée pour le communisme.

Sur le terrain de la guerre révolutionnaire de classe.

La ligne de construction du pouvoir prolétaire armé se base principalement sur cette dernière tendance.

L’unité que nous cherchons à construire c’est donc en premier lieu celle des forces qui forment le camp de la résistance : les forces qui depuis 1945 ont toujours été placées sur les marges des lignes officielles du mouvement ouvrier communiste, et les forces plus jeunes d’une tradition récente qui a enrichi l’héritage de l’autonomie prolétarienne avec les luttes de 1968 et 1969.

Jusqu’à maintenant, vous n’avez pas dit un mot sur le Parti Communiste italien. Pourquoi donc ?

Le Parti Communiste est une grande force démocratique qui poursuit une stratégie exactement opposée à la nôtre.

Il ne nous semble pas justifié ni important de continuer à l’attaquer sous une avalanche de paroles.

Sur le terrain révolutionnaire, la lutte idéologique doit aussi se baser sur la capacité à rendre nos convictions politiques vivantes dans l’histoire.

Donc nous sommes convaincus qu’avec la consolidation politique et organisationnelle dans le mouvement ouvrier de la ligne de résistance, de pouvoir prolétarien et de lutte armée, les éléments communistes qui font encore confiance à ce parti sauront certainement comment se décider.

Lorsque vous parlez de résistance, comment voyez-vous le développement des forces révolutionnaires dans le Sud ?

Un développement révolutionnaire en Italie est impensable sans la participation active des prolétaires du Sud.


Malheureusement, le chemin révolutionnaire des masses méridionales est rendu tortueux aujourd’hui, surtout à cause du ressentiment de masse vis-à-vis de l’échec de la stratégie réformiste.

La bourgeoisie fasciste a temporairement réussi à gagner à sa cause des couches populaires de nombreuses zones du Sud, en organisant leur « colère » autour d’objectifs qui ne sont en rien révolutionnaires.

Aujourd’hui, c’est au tour des forces d’avant-garde de la classe ouvrière du Nord de rouvrir la discussion sur l’unité politique avec le Sud. C’est une tâche urgente.

Nous devons faire très attention à empêcher que l’action de la bourgeoisie dans le Sud ne se tourne contre la classe ouvrière dans le Nord.

Mais comment est-il possible de travailler suivant ces lignes étant donné la fragilité des structures politiques révolutionnaires dans le Sud ?

Dans le Sud les menées révolutionnaires ne manquent pas, bien au contraire ; en fait, d’un certain point de vue, elles expriment un niveau très avancé.

La bourgeoisie sait pertinemment que si les mécanismes de contrôle social se brisaient, le courant révolutionnaire avancerait avec une grande impétuosité.

Pour cette raison, l’Etat, le gouvernement et les capitalistes encouragent tous le « méridionalisme », c’est-à-dire le régionalisme du Sud dirigé par les fascistes, qui se pose comme une tendance subversive/criminelle face à l’Etat.

En fait, ils ne sont subversifs que face aux luttes ouvrières. [Ce passage concerne bien sûr les mafias du Sud et leur rôle contre-révolutionnaire]

Nous voulons dire que les réformistes contribuent à la confusion en défendant « l’Etat démocratique » italien , qui pour le Sud ne signifie que la répression et l’exploitation par le Nord.

Ceci aide la droite à établir son hégémonie sur les forces prolétariennes du Sud qui tendent à se mouvoir contre le système.

Etant donné que les choses se présentent comme cela, qui peut commencer à renverser cette tendance ?

Autant être clairs : certainement pas ces groupes intellectuels de la gauche méridionale qui passent leur temps à étudier « les phases du développement capitaliste dans le Sud » ou « les différences historiques entre le Nord et le Sud », qui pendant ce temps continuent à grandir.

Même ces groupes qui ont tout concentré sur l’agitation et la propagande ont peu de chance de fournir une voie stratégique pour faire avancer l’élan révolutionnaire en cours dans le Sud.

Pour débloquer la situation, il est nécessaire que la consolidation de l’avant-garde armée sache s’y prendre pour unir la nouvelle classe ouvrière, les journaliers, les chômeurs et le sous- prolétariat dans la lutte contre les fascistes, les bourgeoisies locales et les organes répressifs d’Etat.

Dans quels domaines avez-vous l’intention de développer votre activité dans un futur proche ?

Il y a deux types d’activité que nous menons, du même pas et avec continuité et détermination : l’organisation de la clandestinité et l’organisation des masses.

Par travail clandestin, nous entendons la consolidation d’une base matérielle économique, militaire et logistique qui garantisse une pleine autonomie à notre organisation et qui soit une base arrière stratégique pour le travail parmi les masses.

Par travail d’organisation des masses, nous entendons la construction des liaisons de l’Etat prolétarien dans les usines et des quartiers populaires : un Etat souterrain et armé qui se prépare à la guerre.

Pouvez-vous clarifier ce dernier point ?

Le problème que nous devons résoudre, c’est de donner à ces poussées révolutionnaires provenant du mouvement de résistance une dimension de pouvoir.

Ceci demande un développement organisationnel dans toute la classe qui sache respecter les différents niveaux de conscience qui y existent, mais qui sache en même temps les unifier et forcer leur évolution révolutionnaire vers la perspective stratégique de la lutte armée pour le communisme.

Les Brigades Rouges sont le premier noyau de guérilla à travailler dans cette direction.

Pour cette raison, les militants communistes qui se penchent sur la construction du parti armé du prolétariat s’organisent autour d’elles.

Quels critères guident votre pratique dans la lutte des classes en cette période ?

Nous avançons avec une vue sur le long terme ; nous savons que nous ne sommes pas dans la phase de guerre et justement pour cette raison nous travaillons à créer ses fondations subjectives et organisationnelles.

Voilà notre critère. Toutes nos actions visent ce but.

Le mouvement de résistance populaire est en partie caractérisé par un désir généralisé de combattre la bourgeoisie et par une incapacité tout aussi généralisée à mener ce combat sur le terrain qui lui est imposé.

Notre pratique montre la direction à prendre pour résoudre cette contradiction.

Nous ne recherchons pas la publicité d’actions exemplaires, mais à la place, et avec les avant-gardes prolétariennes, nous posons ces problèmes :

–    celui d’une GUERRE CONTRE LE FASCISME, qui n’est pas l’apanage des chemises noires d’Almirante, mais aussi le fascisme en chemise blanche du premier ministre Andreotti et de la Démocratie Chrétienne ;

–    celui d’une RESISTANCE DANS LES USINES, pour frapper les ennemis, saboteurs et liquidateurs de l’unité et du pouvoir ouvrier et combattre du tac au tac l’offensive des patrons cherchant depuis des décennies la défaite politique des ouvriers ;

–    celui de la RESISTANCE A LA MLITARISATION DU GOUVERNEMENT, ce qui ne veut pas dire lutter pour la défense des espaces démocratiques- bourgeois, mais pour la destruction des structures armées de l’Etat et de ses milices fascistes parallèles.

Une dernière question : est-ce que vous vous envisagez le développement du processus révolutionnaire en terme national ou continental ?

Parvenir à une dimension européenne et méditerranéenne de l’initiative révolutionnaire est un objectif très important. Il nous est imposé par les structures supra-nationales du capital et du pouvoir.

Travailler à sa maturité implique avant tout de développer la guerre de classe dans son propre pays, mais aussi d’être prêt à soutenir les initiatives de soutien concret exigées par le mouvement révolutionnaire et le mouvement communiste international.      

>Sommaire du dossier              

Historique des Brigades Rouges

[Article paru dans la revue Front Social n°19, 2001.]

1.L’Italie et la lutte des classes

L’Italie a eu un passage au capitalisme qui fut difficile en raison de la force des structures féodales. Il n’y eut pas de révolution bourgeoise comme en France ; des éléments du féodalisme, comme le Vatican, se conjuguèrent finalement au capitalisme. Un déséquilibre se fit sentir dans l’économie : le nord de l’Italie est ainsi industriel tandis que les régions méridionales sont historiquement marquées par la petite production et l’agriculture.

Après la première guerre mondiale impérialiste de 1914-1918, le mouvement des masses italiennes fut relativement puissant, permettant l’émergence d’un mouvement révolutionnaire fort. Les classes dominantes soutinrent alors le mouvement fasciste de l’ex-socialiste Mussolini, qui écrasa le mouvement ouvrier et pris le pouvoir en 1922.

Le tout jeune Parti Communiste, né en 1921, dut alors s’organiser dans l’illégalité, son principal théoricien Antonio Gramsci croupissant en prison. En le condamnant, le juge dira:  » Il faut empêcher ce cerveau de penser pour au moins vingt ans « .

Aidé dans sa tâche par l’Internationale Communiste, le PC réussit à se développer et à guider le mouvement de masse dans une large résistance armée face au fascisme dès que celui-ci passa sous la coupe allemande (1943-1945).

Mais l’intervention américaine, qui s’alliera à la mafia pour contrecarrer le PCI et aider la bourgeoisie italienne, empêchera grandement une prise de pouvoir par les masses populaires, et cela d’autant plus que la direction du PC était gangrenée par le révisionnisme. Tout comme Thorez en France, Togliatti avait en fait abandonné les principes essentiels du marxisme-léninisme.

Ainsi, alors que les  » brigate d’assalto  » et les travailleurs occupaient les usines et que les patrons s’enfuyaient en Suisse, les dirigeants du P.C.I. enjoignirent ceux-ci à revenir et  » à prendre leurs responsabilités « .

L’Etat bourgeois italien put donc continuer à vivre, s’appuyant sur les acquis structurels des années de fascisme, sur un prolétariat du nord industriel contrôlé par un PCI gagné au partenariat social et sur une paysannerie au sud qui transforma la démocratie-chrétienne en mouvement de masse.

Il va de soi en effet que les modernisations monopolistes effectuées par les fascistes ne furent pas remises en cause. Ni même le fascisme d’ailleurs: de nombreux plans de putsch étaient prévus, et les attentats -massacres fascistes furent nombreux (place Fontane en 1969, gare de Bologne en 1980, train Bologne-Florence en 1984…). C’est ce que les révolutionnaires ont appelé  » la stratégie de la tension  » effectuée par l’Etat.

Le prolétariat combatif ne se laissera pourtant pas abattre par les fascistes et le réformisme de type révisionniste du P.C.I.. Il continua de s’organiser et de lutter, apprenant grandement des expériences internationales.

C’est l’époque de la Chine révolutionnaire, de la lutte de libération au Vietnam…

A cela s’ajoute l’activité d’intellectuels qui, menant des  » enquêtes prolétaires « , redéfinissent la lutte de la classe ouvrière, constatant qu’elle développe des formes de luttes  » différentes « , apparemment  » nouvelles « . De plus en plus en effet se généralisent le sabotage, l’absentéisme, les grèves dures, le refus du travail salarié exploité.

2.Les révoltes des années 60 et le mai rampant

1966 est l’année d’une grande grève des métallos. Des débrayages ont lieu à Rome, Milan, Naples, Gênes et Trieste, avec à chaque fois un débordement des syndicats et des combats de rue.

Les revendications sont également intercatégorielles. La grève se fait à tour de rôle, afin de pouvoir durer, et des consiglia de fabbrica (conseil d’usine) se développent, notamment à Milan chez Siemens.

En 1967 c’est à Cutro et sur l’île de Capo Rizguto que les paysans et les chômeurs se révoltent. Les licenciements dans les usines textiles de Vibo et Catane, la domination de l’administration locale par les clans, l’absence d’électricité et de produits pharmaceutiques, la mauvaise distribution des terres… sont autant de raisons à cette révolte.

Dans la ville de Masse les travailleurs de chez Olivetti réduisent eux-mêmes leur temps de travail, et obtiennent de meilleurs accords, grâce notamment au travail local du noyau toscan de Potere Operaio (Pouvoir Ouvrier), qui va devenir l’un des premiers grands mouvements révolutionnaires de masse.

En 1968, il y a tout d’abord le conflit textile à Veneto (Mazatto / Valdagno). La région dominée par les petites entreprises voit apparaître l’accélération des cadences, la réorganisation capitaliste, le chômage… en février c’est la grève et en avril l’explosion. Voitures incendiées, maisons bourgeoises pillées… Les unités spéciales interviennent.

Dans les facultés c’est l’ébullition, surtout depuis l’arrivée à Rome, Milan et Naples d’étudiantEs d’origine populaire. La liaison étudiantEs – classe ouvrière provient plus d’une situation sociale que d’un présupposé idéologique. Pourtant, même des facs élitistes comme Pise ou la sociologie à Trento sont touchées.

Et les thèmes développés sont de classe, même si la gauche catholique-social tente d’intervenir. On parle du Vietnam, du marxisme-léninisme, de la révolution culturelle en Chine populaire.

Des groupes étudiants révolutionnaires vont ainsi lutter contre l’influence des catholiques et celle des travailleurs sociaux des  » initiatives de citoyens « .

En avril 1968, c’est la grève quasi-permanente chez FIAT. Les revendications : la semaine des 40 heures, la paie immédiate, mais également le refus des heures sup, du contrôle de la vitesse et de la quantité de travail.

Là aussi les grèves ne durent que quelques heures par jour. A Cosenza les paysans se révoltent et sont rejoints par des travailleurs journaliers.

En décembre 1998 les travailleurs journaliers feront grève à Avola/Siracusa. Les routes nationales sont bloquées, des barricades montées, la grève générale suit. Les unités spéciales sont repoussées, puis tirent pendant 25 minutes, faisant deux morts.

Lorsqu’en 1969 le président des USA Nixon vient à Rome, les manifestations anti-impérialistes sont nombreuses, il y a des combats de rue. En avril c’est la révolte à Battipaglia/Salerno (25.000 habitantEs), lorsque la dernière usine ferme. La police tire : 2 morts, plus de 100 blessés, une caserne est brûlée.

Mais c’est également l’ébullition à Caserta et Pescara, dans une moindre mesure à Palerme, Cagliari, Melfi, Naples. Le PCI (en italien prononcer  » pichi « ) s’oppose à ces luttes du Sud, y voyant l’œuvre de brigands et de  » teppisti  » opposés au développement économique. Sa nature révisionniste est claire.

En automne, c’est la grève générale au niveau national, contre les accords passés entre le patronat et les syndicats.  » Lavorare meno – lavorare tutti !  » – Travailler moins, travailler tous, tel est le mot d’ordre.

Les sabotages se font en masse, les hiérarchies sont brisées, les employés et techniciens rejoignent les ouvriers. Des occupations de maison ont lieu ( » Vogliamo tutto ! Prendiamoci la citta !  » – Nous voulons tout ! Prenons la ville !).

L’économisme des syndicats et le réformisme perdent leur hégémonie.

Des CUB ( » Comitati Unitari di Base  » – Comités Unitaires de Base) se forment, ainsi que des groupes d’employés et de techniciens ( » Gruppi di Studio  » – Groupe d’étude) et d’étudiants ( » Movimento Studentesco « ).
Les années 1968-1969 vont amener la naissance de groupes révolutionnaires puissants, dont le principal sera  » Potere Operaio  » (Pot.op.),  » Pouvoir Ouvrier « , dont sortira très vite  » Lotta Continua  » (LC).

3.Potere Operaio

Potere Operaio ne tombe pas du ciel; l’organisation est issue d’un travail profond dans le prolétariat. Les premières connections se sont faites autour des revues  » quaderni rossi  » (cahiers rouges, 1961) et  » la classe  » (sous-entendue ouvrière, 1969).

Il s’agit principalement d’intellectuels et de techniciens analysant le processus de production. Sont étudiées les évolutions techniques et les restructurations. La relation capital/travail n’est plus considérée statiquement et après coup ; il s’agit à la fois de coller à l’ouvrier de base et à l’évolution générale.

En 1961/1962 sont ainsi apparues les  » inchiesta proletaria « , les enquêtes prolétaires, qui questionnent l’ouvrier dans son quotidien, et qui constatent comment les luttes pratiques se développent malgré la pression des révisionnistes.

Les partisans du futur potere operaio prennent le nom d’opéraistes (en français le terme serait  » ouvriériste « , mais il n’est pas tout à fait exact car il n’a pas sa connotation économiste).

Pour eux/elles, la lutte part de la subjectivité ouvrière : volonté de refus du travail et des cadences, volonté qu’il s’agit de transformer en pratique révolutionnaire.

Pour les opéraistes, le niveau politique est moins à lire idéologiquement, qui est tronqué, que dans le niveau d’absentéisme, de sabotages, de grève, d’insubordination, etc.

Dans le document de 1971 intitulé « Che cos’è Potere Operaio » (Qu’est-ce que Potere Operaio), il sera ainsi dit:

 » Le slogan que nous avons propagé durant toutes les années 1960,  » plus d’argent moins de travail « , signifiait justement cela : avec une intention précise et subjective provoquer la crise capitaliste, c’est-à-dire opposer à la stabilité du capital l’irréductibilité des besoins de la classe ouvrière.

Nous avons fait l’expérience suivante : eu égard un capital ayant réduit ses contradictions intérieures à un minimum, nous avons tenté de faire jouer jusqu’au bout la contradiction principale, qui reste insoluble – la contradiction entre travailleur et capital – et d’organiser cela par rapport du rapport de production « .

L’objectif des opéraistes, qui partent de l’ouvrier-masse, c’est-à-dire de l’ouvrier des grandes usines d’alors, est d’unifier la classe avec comme axes principaux le refus du travail, le refus des différents échelons de salaires.

Contre l’inflation, le chômage, il s’agit d’exiger les mêmes augmentations pour tous, et, qui plus est,  » un revenu garanti pour tous, qui travaillent ou pas, ou s’y préparent ; en plus de la semaine des 36 heures, le paiement des heures de transport pour aller au travail et l’abolition de la mobilité « .
L’objectif de Potere Operaio est ainsi d’unifier les classes populaires, de la femme de ménage à l’étudiant, tout en défendant  » l’hégémonie des luttes des ouvriers sur les étudiants et les prolétaires « .

Mais beaucoup d’autres questions se posent, car en définitive Potere Operaio n’était que l’expression d’un besoin des éléments avancés des masses de s’organiser. De plus, l’influence de l’école de Francfort est grand, et Potere Operaio est assez proche de la conception révisionniste comme quoi le capitalisme arrive à  » surmonter  » ses crises en se réorganisant. Il est parlé du groupe des  » professeurs « , puisque les dirigeants sont plus proches du monde universitaire que de la classe ouvrière (Toni Negri, Franco Piperno, Oreste Scalzone).

Une frange est très vite sortie de Potere Operaio, quasiment dès le départ, pour former  » Lotta Continua  » (LC). LC prônait la radicalisation des luttes partielles : lutte dans les villes, les prisons ( » les damnés de la terre « ), l’armée ( » prolétaires en uniformes « ), et développement de la contre-information. Le succès de LC est notable, en raison de son aspect plus politique.

Mais la politique de LC consiste principalement en une contestation révolutionnaire, pas en une politique révolutionnaire. Et c’est ainsi ailleurs au sein de cette nouvelle gauche que les éléments les plus avancés de rassemblent, cherchant des réponses chez Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong.

4.La naissance du CPM (1969)

Le 8 septembre 1969 se forme dans cette mouvance de la « nouvelle gauche » un nouveau groupe, le CPM, c’est-à-dire le Collettivo Politico Metropolitano.

Issu de groupes ouvriers (Sit-Siemens, IBM, Pirelli…), particulièrement dans le  » triangle de fer  » (Turin, Milan, Gênes), le CPM entend amener de nouveaux fondements pour la lutte révolutionnaire.

Leur stratégie consiste en effet à  » enraciner la lutte armée à partir des luttes de l’ouvrier-masse des grandes concentrations industrielles « .

Dans un texte de décembre 69, intitulé  » lutte sociale et organisation dans la métropole « , le CPM prône l’autonomie ouvrière, c’est-à-dire  » le mouvement de libération du prolétariat de l’hégémonie globale de la bourgeoisie « , la rupture totale avec les institutions.

Le CPM ne prône pas, comme en général les mouvements pour l’autonomie, la fédération de groupes de base,  » d’associations spontanées, sporadiques et apolitiques « , mais la construction d’une organisation révolutionnaire, avec des structures illégales selon le principe léniniste, et visant le renversement de l’Etat.

La propagande du CPM diffère donc également des groupes prônant l’organisation de groupes armés pour l’éventualité d’un coup d’Etat, comme les Groupes armés partisans de l’éditeur Feltrinelli, qui se veulent issus de la résistance des années de guerre. Il s’agit ici de mener une guerre populaire, de classe.

En juillet 70, le CPM prend le nom de sa revue,  » sinistra proletaria « , la gauche prolétarienne.

Ce nom est clairement une allusion au groupe révolutionnaire français du même nom, qui développe une lutte à la base dans les usines.

Le 17 septembre 1970 les brigate rosse (brigades rouges) apparaissent en revendiquant l’incendie d’une voiture d’un manager de Siemens – c’est en fait le CPM qui en est à l’origine.

En avril 1971, la revue change de nom et devient  » nuova resistenza « , nouvelle résistance, avec comme symbole un marteau et une faucille entrecroisé d’un fusil.

On peut y lire dans le n°2 que :

 » La révolution moderne n’est plus une révolution propre (…), elle recrute ses éléments en pêchant en eau trouble. Elle avance par des voies détournées et elle se trouve des alliés en tous ceux qui n’ont aucun pouvoir sur leur propre vie et le savent (…).

Dans l’attente de la grande fête révolutionnaire où tous les expropriateurs seront expropriés, le geste criminel isolé, le vol, l’expropriation individuelle, le saccage d’un supermarché ne sont qu’un avant-goût et un signe de l’assaut futur contre la richesse sociale ».

5.La parenthèse semi-révisionniste armée des Groupes d’Action Partisane

Les GAP, ce sont les  » gruppo d’azione partigiana « , terme repris aux groupes d’action partisane opérant en 1944 contre le fascisme.

Ces groupes d’action partisane ont été fondé en 1970 par l’éditeur Giangiacomo Feltrinelli, un très grand éditeur (comme Gallimard, avec en plus une quinzaine de grandes librairies), qui avaient appelé en 1969 à la formation de structures illégales. Ces groupes clandestins naissent à Milan, Turin et Gênes.

La ligne des GAP oscille entre celle de la Fraction Armée Rouge allemande et celle de la résistance armée au fascisme. D’un côté les GAP sont là pour défendre les structures démocratiques le cas où. Il est vrai que l’Italie des années 1960-1970 est marquée par de nombreux attentats-massacres organisés par les fascistes (ainsi ceUX de la Place Fontane, de Brescia, du train Rome-Brenner).

Mais la ligne qui devient dominante considère que l’Italie devient la colonie de l’OTAN, et que cela fait partie d’un processus de fascisation. Il faut donc des  » bases rouges « , tout en considérant le bloc de l’Est comme un arrière-pays passivement  » positif  » même si révisionniste.

Les luttes sociales ne sont pas mises en avant, à l’opposé de l’anti-impérialisme.

La ligne est de fait celle de la RAF : il s’agit de libérer le pays de l’emprise de l’impérialisme, principalement américain. Pour Feltrinelli, puisque l’Italie avait une situation sociale chaude, il fallait s’attendre à ce que l’OTAN impose des transformations brutales. Ce qui se passera de fait en Turquie quelques années plus tard, à ceci près que ce pays était réellement une néo-colonie.
La radio-pirate  » RADIO-GAP  » explique que :

 » La voie de la révolution communiste, la voie de la libération définitive du prolétariat et des travailleurs italiens de la domination et de l’exploitation par le capital italien et étranger nécessite une guerre dure et longue. Mais les brigades de partisans, les camarades travailleurs italiens se sont à présents mis sur cette voie. La voie de la libération, la voie des partisans, marchant en avant-garde de la révolution communiste.

Travailleurs, journaliers et étudiants révolutionnaires ensemble et unis pour la victoire définitive sur le capitalisme et l’impérialisme « .
Il s’agit d’organiser  » une participation toujours plus large et intensive à la guerre anti-impérialiste internationale « .

Feltrinelli dira à ce sujet que :

 » Qui considère la guerre révolutionnaire cubaine comme terminée se trompe sur la réalité, même s’il la voie, et comprend vraiment très peu de la stratégie révolutionnaire. La guerre révolutionnaire, le processus révolutionnaire est continental dans le faits et ne peut que terminer par une victoire définitive sur l’impérialisme en Amérique latine « .

C’est-à-dire qu’il fait la même erreur stratégique que le Che, et qui sera vigoureusement critiqué par les maoïstes, notamment après la catastrophe bolivienne. Cette position est similaire à la RAF, qui considérait également le processus révolutionnaire comme immédiatement totalement international.

Feltrinelli a la même position à ceci près qu’il va encore plus loin puisqu’il fait une transposition de l’analyse de l’Amérique latine de Guevara :

 » La gauche européenne a comme devoir de trouver des solutions tactiques qui correspondent à la réalité de chaque pays européen (pris dans sa particularité).

Dans le déroulement des différents processus révolutionnaires qui – et même si cela est timide – apparaissent au grand jour dans les pays du vieux monde, une stratégie continentale prendra sa forme et sa substance, et aura une fonction décisive dans notre guerre de longue durée « .

Feltrinelli fut à l’origine de la publication de très nombreux documents ; il succomba à l’explosion de sa bombe en 1972 (visant à détruire un grand pylône électrique). Les GAP s’écroulèrent aussitôt. La ligne des GAP aura toujours été très critiqué par les groupes armés d’Italie, qui l’interprétaient comme réformiste armée.

6.1970/1973 : la naissances des BR

Les BR sont donc nées de l’activité théorico-pratique du CPM, et ne forment au départ qu’un petit groupe, avec lequel les membres des plus grandes organisations sympathisent. Le groupe Lotta Continua, alors l’une des plus grandes organisations, ira jusqu’à proposer aux BR de devenir leur bras armé.

Lotta Continua tente en effet d’encadrer ce qu’elle a souhaité théoriquement mais n’assume pas en pratique.

Ainsi, lors de la grande révolte de la ville de Reggio en Calabre (juillet 1970-février 1971) à l’annonce que la ville ne serait pas capitale provinciale (et qu’il n’y aurait ainsi pas d’aides pour résorber le chômage, alors que seulement 30% des emplois étaient  » normaux « ), la lutte armée avait commencé, et Lotta Continua affirmait la soutenir.

Les masses populaires (avec l’aide des ouvriers des usines Omeca et des milliers de paysans pauvres) se retranchent dans les petites rues des quartiers populaires, érigent des barricades en ciment, désarment les carabinieri (les gendarmes italiens), pillent les commissariats, détruisent la mairie, la gare, les sièges des partis politiques et des banques.

La lutte alterne manifestation et dynamite, mais est écrasée au moment de son extension en Sicile et en Calabre par l’intervention de l’armée.

Le journal de Lotta Continua du 30 octobre y consacra 6 pages ( » Reggio proletaria, Reggio rossa « ) :

 » Menons la. Ce qui est nécessaire : ne plus payer de loyers, de tickets, d’impôts, ne plus faire le service militaire, ne plus voter, s’organier en rassemblement de quartier (…). Dans une partie de l’Italie, à Reggio en Calabre, la lutte armée a commencé (…). Contre l’Etat, contre les patrons, contre l’exploitation, contre le chômage, contre l’émigration « .

Lotta Continua mène la même politique que la Gauche Prolétarienne en France, avec le même soutien théorique à la violence populaire qu’elle ne sait ni organiser ni comprendre stratégiquement. Potere Operaio mène également le débat, le congrès de 1971 (le troisième) débat également de l’illégalité. Il a même été créé un éphémère FARO (Fronte Armato Rivoluzionario Operaio) qui mènera quelques attentats à l’explosif.

A l’opposé, les BR mènent ainsi de 1970 à 1973 ce qu’elles appellent la propagande armée. Se concentrant sur les grandes usines, notamment à Milan et Turin (Fiat), les brigadistes distribuent des listes d’indics et de chefs qui doivent être  » frappés de la vengeance prolétaire  » en raison de leurs liens avec les patrons.

Ce fut en 1970 le début d’une série d’actions systématiques consistant en ce que les prolétaires faisaient eux-mêmes de temps en temps: bastonnade des capi (contremaîtres), sabotages, etc. En automne 70 les BR menèrent des actions contre les fascistes et les provocateurs dans les usines, contre les cadences et pour la remise en cause du lien entre hausse de la productivité et hausse des salaires.

Après avoir incendié la voiture du chef de la sécurité de Pirelli (27.11.70) et du chef du personnel (8.12.70), elles incendient huit poids lourds de chez Pirelli, afin de « présenter la facture  » aux patrons pour les licenciements.

Dans leur sixième communiqué les BR affirment que les patrons sont allés trop loin pour qu’un compromis soit encore possible. Des techniques de sabotage furent diffusées, montrant par là que les brigadistes avaient des gens sur place.

En septembre 71 sortit le premier texte programmatique, sous la forme d’une auto-interview (de la même manière donc que les Tupamaros uruguayens). Les BR y expliquent qu’il est nécessaire de choisir la stratégie de la lutte armée pour le communisme, critiquent les politiques  » défensives  » , et affirment ne pas être un  » bras armé  » mais un  » point de rencontre  » des révolutionnaires.

Les actions continuent alors jusqu’à l’enlèvement le 3 mars 72 d’Idalgo Macchiarini, top manager de chez Siemens et responsable de l’organisation du travail. Les br le gardent 20 mn pour un procès symbolique puis le libèrent (sous  » conditions « ).

Dans un tract les BR le traitent de  » fasciste en chemise blanche « . C’est le début des slogans qui marquent:  » Frapper et s’enfuir ! Rien ne restera impuni! En frapper un pour en éduquer cent! « . Cette action fut populaire dans l’extrême-gauche, un peu de la même manière que les actions  » violentes non armées  » de la Gauche Prolétarienne en France.

Ce genre d’action est en effet aisément compréhensible par tout travailleur, ne nécessite pas de connaissance idéologique au préalable. D’autant plus que le prolétariat est dans une situation précaire. Chez SIP (télécommunication), 20.000 travailleurs sont en CDD ou au noir!

Néanmoins la gauche  » officielle  » et les patrons attaquent les BR dès le départ, et les diffamations sont nombreuses. De faux attentats signés  » BR  » sont effectués, et la répression fut grande. Cela, et les affrontements entre manifestants et la police à Milan lors de la manifestation du 9 mars 1972, poussent les BR à passer dans la clandestinité totale.

 » Ce fut l’offensive du pouvoir mené le deux mai contre l’organisation qui enleva tout doute au fait que la clandestinité soit une condition sine qua non à la survie d’une organisation politico-militaire opérant à l’intérieur des métropoles impérialistes « . Les brigadistes attaquèrent alors des banques et organisèrent de nouvelles  » colonnes « .

Le 26.11 et le 17.12.1972, ils/elles incendient les voitures des responsables de la sécurité et de la surveillance de chez FIAT à Turin. Le 11 janvier 73 ils/elles pillent un bureau du syndicat fasciste la CISNAL à Turin également, et le 15.1.73 à Milan le bureau d’une union d’entreprises liée à la démocratie-chrétienne.

L’hiver fut rude: affrontements très violents de manifestants contre la police à l’occasion d’une réunion du parti fasciste le  » MSI « , et licenciements massifs à la FIAT de Turin où presque 200 000 travailleurs se sont mis en grève.

Le 12.2.73 les BR enlèvent alors Bruno Labate, secrétaire de la CISNAL de Turin, et l’enchaînent dans l’usine avec un panneau rempli de slogans, ce après l’avoir interrogé pendant quatre heures. Pas un seul ouvrier rentrant dans l’usine ne le libérera.

En mars 73, à la FIAT de Mirafiori, l’usine fut occupée et défendue une semaine par les travailleurs contre la police et les fascistes.

C’est ce qu’on a appelé le  » parti de Mirafiori « , le mouvement offensif et spontané des travailleurs. Mais avec les accords passés par les syndicats la tension retomba. Les BR répondirent à cette dépendance ouvrière par un papier théorique, à nouveau sous la forme d’un auto-interview.

A l’opposé, une frange spontanéiste se développe au sein du mouvement pour l’autonomie ouvrière, et refuse le principe d’une organisation d’avant-garde menant la lutte armée.

7.La multiplication des BR (1973-1974)

Pour les BR les prolétaires veulent mettre à bas la bourgeoisie, mais ne savent pas comment. Il s’agit de résoudre cette contradiction par trois lignes d’offensive:  » guerre au fascisme; résistance dans les usines; résistance contre la militarisation du régime « .

De son côté le système met en avant la  » repubblica conciliare « , la république de la conciliation. Les brigadistes tentent dans cette période de toucher la base du P.C.I. qui, si elle est sincère,  » comprendra certainement quel choix il faudra faire  » pour la prise du pouvoir. La direction du P.C.I., qui développe le compromis historique, est par contre considérée comme ennemie.

Le mouvement de masse est lui énorme : autoréductions massives dans les supermarchés à Naples, Milan, Rome, mais également du téléphone, du gaz, de l’électricité… Occupations de logements vides, sabotages des téléphones des quartiers bourgeois, aides des médecins et des infirmierEs à l’avortement…

Il faut dire qu’en 1973/1974, le loyer prend 50% des salaires ; il y a 10 à 60.000 familles sans logement par ville. Il y a 11.413 cas de typhus, 278 de choléra, 40.000 hépatites, 3.000 méningites, 73.000 mortEs par maladies infectieuses (seulement 12.489 reconnuEs comme tel). 4.000 communes sont sans eau, 2.000 sans canalisation, un million de personnes vivent dans des baraquements, la mortalité infantile est de 50 pour 1.000.

Des boycotts s’organisent, rassemblant de 50 à 100.000 personnes par million de payeurs/payeuses (le prix au Kw est 6 fois plus cher que pour les entreprises).

Le grand mouvement de contestation dura deux années, afin de se ralentir, mais a bouleversé le paysage politique révolutionnaire, d’autant plus que les femmes s’investissent énormément (un référendum autorise d’ailleurs le divorce).

Le groupe d’extrême-gauche  » lotta continua  » disparaît peu à peu, son réformisme n’ayant plus cours.

Potere Operaio, mouvement fondateur du principe d’autonomie de la classe ouvrière, se dissout également, de manière spontanéiste, contribuant à la naissance de l’autonomia operaia., l’autonomie ouvrière dite  » autonomie organisée « , qui coexiste avec l’autonomie en général (revues  » Viola « ,  » Désir « ,  » Neg/azione « ,  » A/traverso « ,  » Zut « …).

Les NAP, noyaux armés prolétaires, se forment dans les prisons, et mènent des actions conjointement avec les BR.

Le 28 juin 73 Michele Mincuzzi, ingénieur de chez Alfa Roméo, est enlevé, interrogé puis libéré. Ici ce sont encore les cadences qui sont attaquées. Le 10.12.73 c’est le chef du personnel de FIAT qui est enlevé.

Ettore Amerio, directeur du personnel de la FIAT, est également enlevé.

La convergence patronat / syndicat / PCI est ici attaquée de plein fouet. Les BR le gardent huit jours et émettent des revendications très précises (réintégrations des licenciés, dévoilement des indics, informations dans la presse quant à l’action, etc.).

Le futur maire de Turin parle alors des BR comme de  » personnes cliniquement malades et droguées « , le journal l’Avanti parle de  » néo-fascistes  » et les trotskystes, toujours à la pointe de l’anticommunisme, affirment qu’il s’agit d’un  » complot des services secrets « .

Après cette phase caractérisée par la propagande armée, considérée par les BR comme un  » début « , la lutte sur le terrain de l’usine cède la place à l’attaque contre l’Etat. L’attaque au cœur de l’Etat doit être au niveau de l’antagonisme prolétaire.

De fait, début 74, les BR se sont élargies aux villes industrielles. Les groupes les plus forts sont:

o la colonne milanaise, avec ses trois brigades (Sit siemens, Alfa Roméo, Pirelli),
o la colonne Vénétie, avec des brigades à Padoue et Porto Maghera,
o la colonne turinoise chez FIAT dans les sections Meccanica, rivalta, presse et lingotto,
o la colonne de Gênes, avec au moins une brigade.

Les BR sont en grande majorité composées d’ouvriers, ce qui ne les empêchent pas de développer des analyses extrêmement poussées des phénomènes modernes (informatisation, militarisation…). Le prestige de l’organisation est très grand.

Le 18 avril 74, le jour où Agnelli est nommé patron des patrons, les BR mettent en pratique le slogan  » Sossi, fasciste, tu es le premier sur la liste ! « . Elles enlèvent à Gênes le procureur Mario Sosssi, et rend public le document intitulé  » Contre le néo-gaullisme, mener l’attaque au coeur de l’Etat! « , où les restructurations étatiques sont considérées comme la cible n°1.

La résistance doit, selon les BR, passer à un niveau stratégique. Sossi est libéré en l’échange de la promesse de libération de prisonniers. Libération qui n’est pas faite, au lieu de cela la police écrase par les forces armées les révoltes dans les prisons (six morts).

Le 28 mai 74 les fascistes font un attentat à une réunion syndicale. Les brigadistes réagissent en attaquant le 17 juin 74 un bureau du MSI. Il y aura deux morts, sans que les BR l’aient initialement voulu.

Cet  » incidente sul lavoro « ,  » accident  » lors du travail effectué, ne pose pas vraiment de problèmes de conscience, même s’il ne s’agissait pas de dirigeants.

Le 1er octobre les Noyaux Armés Prolétaires (NAP) font sauter des mur des prisons de Poggioreali, Rebibbia et S. Vittore, et laissent des magnétophones munis de hauts-parleurs:

 » Attention ! Restez à l’écart, cet équipement et cet endroit sont minés et exploseront à la moindre tentative d’interrompre cette communication.

Camarades prisonnières et prisonniers en taule, cette communications vous est destinée par les Noyaux Armés Prolétaires, qui se sont formés clandestinement en-dehors des prisons, afin de continuer la lutte des prisonniers contre le camp de l’Etat bourgeois et de sa justice. C’est un appel à la reprise des luttes dans les prisons, qui nous ont uni avec le prolétariat de 1969 à aujourd’hui.

Contre le capitalisme violent des entrepreneurs, contre l’Etat des entrepreneurs et son gouvernement.
La réponse de l’Etat bourgeois à 5 ans de dures luttes a été la répression grandissante et une série de mesures fascistes comme le doublement des détentions préventives, et le creusement définitif de la réforme des prisons, qui est tellement prisée la propagande du gouvernement.

Le doublement de la durée est supportée par la peau de notre couche prolétarienne, avec l’active participation des révisionnistes. Maintenant et venu le moment de montrer que nous ne laisserons aucun répit à l’application de cela ; que notre volonté et notre capacité de lutter n’a malgré tout pas disparu, et qu’en-dehors des prisons les noyaux armés prolétaires sont nés pour cela : soutenir et être au côté des luttes des prisonniers, répondre aux meurtres et aux bains de sang et à la répression de l’Etat.

Camarades prisonniers prolétaires, pour nos droits, contre la violence de l’Etat dans les prisons, les usines, les quartiers, les écoles et les casernes, contre le renforcement de la répression, révolte générale dans les taules !

Nous refusons la manière de vivre à laquelle nous force la bourgeoisie au moyen de l’exploitation, de la misère et de l’oppression.

Nous refusons d’être plus longtemps l’alibi pour les structures policières anti-prolétariennes de l’Etat. Camarades, la répression contre nous apporte de l’aide et perfectionne le fascisme des lois de l’Etat, confirme que le pouvoir écrase de ses pieds les droits des prolétaires les plus faibles et se prépare à ainsi à écraser et pulvériser la liberté de tout le prolétariat.

Nous n’avons pas le choix : ou alors se rebeller, et lutter, ou mourir lentement dans les camps, les ghettos, dans les asiles, auxquelles nous force la société bourgeoise, de la manière violente. Contre l’Etat bourgeois, pour son renversement, pour notre contribution au processus révolutionnaire du prolétariat, pour le communisme.

Révolte générale dans les prisons et lutte armée des noyaux à l’extérieur !

Révolte et lutte armée comme refus de tolérer la répression, qui devient un génocide social permanent de notre couche prolétarienne. Révolte et lutte armée contre l’existence des prisons, et comme réponse à des dizaines d’années de torture, à des centaines de meurtres, qui sont faits sans peur de punition par les bourreaux du système dans les prisons, les asiles, les maisons de redressement.

Les Noyaux Armés Prolétaires ont comme centre des camarades qui ont supporté la taule, avec une expérience combattante et politique. Ils l’ont supporté comme nous, camarades, couchés de force dans les quartiers d’isolement, ils ont supporté les mauvais traitements des geôliers et les tortures des prisons psychiatriques, et ils n’ont pas oublié !

Camarades prisonniers, les crimes des larbins de l’Etat qui torturent ne seront plus impunis : aux bourreaux fascistes, aux exécuteurs de la répression des taules et des asiles, nous ferons le procès, ils seront condamnés selon la justice prolétarienne.

Contre toutes les violences qu’endurent les prolétaires emprisonnés, nous devons répondre avec le seul slogan de classe dans toutes les situations d’oppression et d’exploitation du prolétariat : la reprise de notre lutte de masse ! Hors des taules ceux qui luttent pour le communisme, pour les riches les cloaques.

Contre le fascisme de l’Etat, la violence organisée du prolétariat emprisonné !

Camarades, n’oubliez pas que les fascistes sont les mêmes porcs qui réclament avec acharnement le rétablissement de la peine de mort, la revalorisation générale des peines de leur infâme code pénal, des traitements durs dans les taules, et ils font toujours les premières propositions les plus réactionnaires et liberticides.

Camarades, n’oubliez pas cela chez ceux qui sont proches de vous, isolé, et tapez les fascistes, et souvenez-vous que nos bourreaux sont aussi les matons, la police, les vigiles et les capitalistes.

Camarades prisonniers, dans cette phase de la lutte de tout le prolétariat contre le pouvoir bourgeois, qui tente de réaliser sa plus haute tentative réactionnaire et anti-prolétaire, dans la mesure où il entreprend une attaque à la base des conditions de vie et des libertés prolétaires dans les usines et les quartiers d’habitation, dans le cadre d’une crise économique et politique de l’impérialisme mondial, dans la mesure où le chômage s’accroît, où la répression et la police se renforcent, et en conséquence le nombre de prolétaires emprisonnés s’agrandit.

Cela, notre cadre de lutte, signifie l’unité avec la lutte de tout le prolétariat, et propose de chercher une relation avec un pouvoir victorieux et une stratégie qui voit la classe ouvrière à la tête de la confrontation de toutes les couches du prolétariat.

Notre plate-forme vise la poursuite de ces buts :
Lutter contre les lois fascistes comme moment d’unité politique du prolétariat contre un instrument de pouvoir à la base comme conditionnement oppresseur ;

Lutter pour la démocratisation interne des prisons et pour l’application de réformes radicales qui considèrent le système en entier, la possibilité réelle et effective d’user de ses droits politiques et humains inaliènables que la plate-forme a cité.
Autogestion, démocratisation, comme aboutissement capable de développement de notre lutte pour les masses emprisonnées, qui ne peuvent passer que dans une pratique de lutte de masses amorphes et instrumentalisables à des masses conscientes de leur droits et devoirs de classe par rapport au processus révolutionnaire général.
Nos buts immédiats sont :

Abolition des prisons psychiatriques, qui sont de véritables camps nazis et une vengeance terroriste sur les prolétaires emprisonnés ;

Abolition des camps de redressement, lieux d’origine de la violence contre la jeunesse prolétaire, qui par leur programme assure au pouvoir bourgeois la continuité de cette délinquance dont elle a à tout prix besoin pour justifier l’appareil policier et la justice d’Etat ;

Amnistie générale et sans conditions sauf pour la mafia et les bourreaux nazis, comme petit adoucissement des dommages subis avec les lois fascistes ;

Abolition immédiate de la notion de  » récidiviste  » ;

Mise en place d’une commission non-parlementaire par des camarades meneurs de luttes d’usine et de quartier, afin d’enquêter sur les tortures, les mauvais traitements et les meurtres qui ont été commis dans les taules et qui continuent à être commis ;

La vérité sur les camarades exécutés à Florence, et sur le bain de sang que le pouvoir a ordonné à ses bourreaux à Alessandria.

Camarades, pour la poursuite de ces buts, les Noyaux Armés Prolétaires contribuent dehors par des actions, qui sont toujours plus nécessaires. Ces actions de propagande pour les luttes ont été mené par un noyau externe du mouvement des prisonniers.

Vive le communisme !
Vive la lutte des prisonniers ! « .


Le 14 octobre 74 la police procède à des arrestations dans les BR grâce à un infiltré (permis par sa  » publicité  » dans la presse qui l’a fait passé pour un militant internationaliste).

Le 25 octobre les NAP pillent le siège de l’union des employeurs chrétiens-démocrates.

Le 29, Luca Mantini et Sergio Romeo sont tués dans une attaque de banque à Florence. Deux militants sont grièvement blessés et arrêtés, un camarade s’enfuit. La police, au courant de l’opération, avait préparé un piége pour liquider les militantEs.

Le 30 octobre 4 sympathisants sont arrêtés.
Alors que jusqu’en février 75 les BR ne mènent plus que de petites actions, à cause de la répression, les NAP continuent, en pillant par exemple le 20 décembre le siège de la Démocratie-Chrétienne à Naples.

8.1975-1978 : apogée de l’autonomie ouvrière et maturation des BR

Le 6 février les NAP détruisent la voiture du magistrat De Matteo, responsable d’une proposition de loi sur la détention.

Le 18 février 75 les BR lancent un commando, mené par Mara Cagol, une membre du noyau historique, contre la prison de Casale Monferrato. Renate Curcio, autre membre historique, est notamment libéré.

Suit une  » résolution stratégique  » , qui définit l’Etat comme  » Etat impérialiste des multinationales « , et qui montre le rôle central de la DC (démocratie-chrétienne).
La gauche est comprise comme  » gauche du capital « , le système est considéré comme un nouveau fascisme, propre à la période impérialiste.

Pour les BR, le mouvement autonome, qui se développe parallèlement, est insuffisant car seulement légal ou semi-légal. Il est temps selon elles de rompre les liens entre la classe ouvrière et les organisations institutionnelles, d’attaquer la DC comme centre de la réaction, de frapper l’Etat dans ses points faibles. L’Etat réagit vivement.

Les perquisitions sont facilitées par de nouvelles lois et les policiers obtiennent le droit de tuer quasi légalement  » dans l’exercice de leurs fonctions « . Ce qui amena un nombre considérable de tués chez les jeunes  » voleurs « , ou encore des  » passants  » à proximité des manifs.

Le 23 février les NAP attaquent un poste de police. Un militant est arrêté.

Deux camarades s’évadent de la prison de Murate (Florence) mais sont repris deux semaines plus tard (prenant au passage 3 et 4 ans de prison pour évasion).

Le 11 mars, Vitaliano Principe meurt dans l’explosion de sa bombe, Gentile Schiavone est grièvement blessé mais interrogé pendant 14 heures.

En avril c’est une grande répression contre les NAP. En prison un militant est blessé par un fasciste et tous les témoins mis en isolement. Le 22 le magistrat Di Gennaro, membre de la cour de cassation et du service de recherche sur la prévention et les peines au ministère de la justice, est enlevé par les NAP.

Après avoir fait croire pendant quelques jours à une histoire amoureuse, l’Etat accorde les revendications des NAP, à savoir celles de trois militants barricadés dans une prison après une tentative d’évasion, ainsi que le passage d’un communiqué à la télévision, à la radio (cela sera fait à 7H25 du matin) et dans la presse.

Libéré, Di Gennaro ne collabore pas avec les carabinieri, qui font sauter sa voiture devant sa maison (pour  » raisons de sécurité « ).

Il donne des interviews où il explique que la lutte armée a des causes politiques et sociales. Il participera néanmoins par la suite à la répression, notamment lors de l’écrasement de la révolte de la prison de Trani.
Le mois d’avril 1975 est également celui de l’apogée de l’autonomia operaia, qui est présente de manière organisée dans la rue pendant une semaine.

Les affrontements avec les fascistes et les carabinieri font 4 mortEs à gauche.

En avril 1975 paraît également une résolution de la direction stratégique des BR. L’objectif central y est expliqué :

 » Rompre les liens corporatistes entre la classe dirigeante industrielle et les organisations de travailleurs ;

Briser la DC, centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme ;

Frapper l’Etat dans ses maillons les plus faibles « .

Les BR affirment que  » la DC n’est pas seulement un parti, mais aussi l’âme noire d’un régime qui depuis 30 ans opprime les masses ouvrières du pays. Déclarer la nécessité d’abattre le régime et proposer dans les faits un compromis ‘historique’ avec la DC n’a pas de sens. Bavarder sur le moyen de la ‘réformer’ en a encore moins. Il faut liquider, battre et disperser la démocratie-chrétienne « .

Et sur la guérilla urbaine :

 » A notre avis, on doit affronter la question à partir de la couche de classe qui plus que tout autre subit l’intensification de l’exploitation due aux projets de restructuration capitaliste et impérialiste.

La théorie révolutionnaire, c’est la théorie des besoins politico-militaires de  » libération  » de cette couche de classe.

Elle seule en fait exprime en puissance, sinon en conscience (qui signifie  » organisation « ) l’universalité des intérêts de classe.

C’est seulement autour de ses besoins que peuvent être organisés et assumés les besoins des couches sociales marginalisées par le processus de restructuration et que peuvent être battues les résolutions révisionnistes, réformistes ou corporatives de cette partie de la classe ouvrière qui trouve un avantage, même moindre, dans le renforcement du système de domination impérialiste.

La guérilla urbaine joue un rôle décisif dans l’action de désarticulation politique du régime et de l’Etat. Elle atteint directement l’ennemi et fraye un chemin au mouvement de résistance. C’est dans la guérilla que se constitue et s’articule le mouvement de résistance et le terrain de l’autonomie, et non le contraire.

Elargir ce terrain signifie en premier lieu développer l’organisation de la guérilla, sa capacité politique et militaire.
Toutes les positions qui considèrent la croissance de la guérilla comme une conséquence du développement terrain légal ou semi-légal de  » l’autonomie  » sont fausses. Il est nécessaire de faire la lumière sur ce point.

Dans ce qui est défini comme  » terrain de l’autonomie  » s’entassent des positions très diverses. Certains, qui situent leur place dans la lutte des classes par la voie  » subjective « , se reconnaissent comme faisant partie de ce terrain, plus pour lui imposer ses problèmes et ses besoins, c’est-à-dire pour le  » récupérer « , si bien qu’ils expriment, aujourd’hui, une interprétation très partiale et surtout sectorielle de ses besoins.

A leur source, ils ont constitué un facteur décisif dans le processus de dépassement de  » l’esprit de chapelle « , mais aujourd’hui ils risquent de finir eux-mêmes dans le cul-de-sac de ce processus.

C’est le  » fétichisme de la légalité  » qui prédispose à ce danger, c’est-à-dire l’incapacité à sortir de la fausse opposition entre  » légalité et illégalité « . En d’autres termes, les assemblées autonomes ne réussissent pas à poser le problème de l’organisation à partir des besoins politiques, et finissent ainsi par les délimiter dans le type d’organisations légales existantes.

Ce qui correspond à couper le pied pour le faire entrer dans la chaussure !

Certains, plus conscients de la contradiction où ils se débattent, arrivent à admettre un dualisme d’organisation et ainsi à de nouveau proposer l’improposable théorie du  » bras armé « , dans la vieille logique de faillite de la IIIème Internationale.

Mais, dans cette nouvelle situation, sous peine d’extinction de leur fonction révolutionnaire, ils doivent faire un saut dialectique s’ils veulent rester fidèle à l’engagement fondamental d’organiser sur le terrain de la guerre de classe l’opposition de la couche  » objectivement  » révolutionnaire.
En-dehors de cette perspective, il n’y a que conceptions minoritaires ou inféodés au révisionnisme.

La guérilla urbaine organise le  » noyau stratégique  » du mouvement de classe, pas le bras armé. Dans la guérilla urbaine, il n’y a pas contradiction entre penser et agir militairement et donner la première place à la politique. Celle-ci développe son initiative révolutionnaire selon une ligne de masse politico-militaire.

Pour la guérilla, ligne de masse ne veut pas dire, comme quelqu’un l’a mal compris,  » organiser le mouvement de masse sur le terrain de la lutte armée « , tout au moins pas pour le moment.

Dans l’immédiat, l’aspect fondamental du problème reste la construction du  » Parti Combattant  » comme interprète des besoins politiques et militaires de la couche de classe  » objectivement  » révolutionnaire, et l’articulation des organismes de combat au niveau de classe sur les divers front de la guerre révolutionnaire.

La différence n’est pas sans importance, et cela vaut la peine de l’expliquer, car elle cache une divergence sur une question primordiale : l’organisation.

Cette divergence réside dans le fait que la première thèse aplanit jusqu’à la faire disparaître l’organisation du  » mouvement  » qui, dans le même temps, gonfle jusqu’à atteindre des dimensions mythiques ; la seconde conçoit organisation et mouvement en tant que réalités nettement distinctes en perpétuelle discussion.

Le parti combattant est un parti de cadres combattants. C’est donc une unité avancée et armée de la classe ouvrière, par conséquent distincte et en même temps partie intégrante de celle-ci.

Le mouvement est une réalité complexe et hétérogène où de multiples niveaux de conscience coexistent et se combattent. Il est impensable, et impossible d' » organiser  » cette multiplicité de niveaux de conscience  » sur le terrain de la lutte armée « .

Parce que ce terrain, bien qu’étant stratégique, n’est pas encore le principal, parce que le noyau que constitue le parti combattant, c’est-à-dire les BR, n’a certainement pas mûri les capacités politiques, militaires et d’organisation, nécessaires à son objectif.

Il ne s’agit pas d' » organiser le mouvement de masse sur le terrain de la lutte armée « , mais d’enraciner l’organisation de la lutte armée et la conscience politique de sa nécessité historique, dans le mouvement de classe « .

Le 15 mai 75, à Mestre près de Venise, les BR pillent le bureau de la DC; à Turin elles mettent le feu à plusieurs voitures de syndicalistes de la CISNAL; à Milan elles attaquent un bureau de l’iniziativa democratica (organisation de l’aile droite de la DC), où un responsable de ce groupe est jambisé.

Les BR préviennent: elles liquideront la DC et vont  » alzare la tiro « , serrer la vis contre la DC,  » moteur de la contre-révolution « .
En juin 75 c’est l’enlèvement de l’industriel Vittorio Gancia; les policiers découvrent la cache et interviennent, liquidant à bout portant Mara Cagol.

De mai à septembre de nombreuses arrestations ont lieu, dont l’ensemble du noyau historique.

En juillet Anna Maria Mantini des NAP se fait exécuter lors de son  » arrestation « .

Le 17 octobre 75 les BR jambisent Luigi Salera, médecin chez FIAT participant aux licenciements, puis enlèvent des dirigeants de Singer le 21 ainsi que le chef du personnel de Ansaldo Meccanico à Gênes le 22. Les BR attaquent également des banques: le 14 juillet 75 la banca populare de Lonigo, le 8 octobre la filiale de la Cassa di Risparmio à Gênes. Le 21 octobre c’est un dirigeant de l’usine de Singer qui est enlevé.

L’année 1976 est marquée par l’explosion du mouvement de la jeunesse. Des centres de jeunesse apparaissent, ainsi que de grands festivals (comme celui de parco lambro) où les jeunes vont par dizaines de milliers, pratiquant sur place la  » spesa proletaria  » dans les supermarchés.

Des rondes prolétaires, menées par des  » circoli proletari giovanili  » sont menées contre les entreprises.

Les jeunes quittent de plus en plus la campagne au profit de la ville, et s’affrontent à la culture ambiante et aux institutions. C’est également l’explosion des radios libres, l’apparition d’un nouveau langage, opposée à la culture de l’ouvrier-masse.

L’autonomia operaia analyse cela comme  » le besoin de communisme « , et s’éloigne de plus en plus de la lutte révolutionnaire contre l’Etat.

L’affaiblissement de la lutte ouvrière des très grandes usines à cause de la mobilité pousse l’autonomia operaia (aut.op.) à expliquer la situation autrement, et l’un de ses principaux théoriciens, Toni Negri, explique que la  » révolution est déjà faite « , que la  » pluralité des sujets  » révolutionnaires est positive, car les travailleurs sociaux doivent s’exprimer différemment que dans le capitalisme.

C’est la ligne des  » freaks « , c’est-à-dire de la marginalité comme  » espace révolutionnaire « , que les flics s’empressent de casser par la diffusion massive d’héroïne et l’étranglement de l’approvisionnement en drogues douces.

Seule l’autonomia organizatta (Rome, Padoue, Milan…) tente de maintenir les liens au sein du mouvement autonome, mais c’est globalement l’échec, à part pour un temps et dans un sens armé avec les CoCoRi (Comitati Comunisti Rivoluzionari) ou le Movimento Comunista Organizzato (MCO), issu du Colletici Politici del Veneto per il Potere Operaio (CPV), lui-même issu de Potere Operaio, qui eux aussi succombent à la répression en raison de leur caractère semi-légal.

Le mouvement de l’autonomie ouvrière part dans tous les sens, perdant toute cohérence, à l’opposé des BR qui se présentent comme le seul courant réellement révolutionnaire.
Le 14 avril 76 un dirigeant de FIAT Mirafiori est jambisé, le 28 avril un bureau patronal est pillé à Gênes.

Le 8 juin 76, les BR exécutent Francesco Coco, qui dirige le premier procès contre des brigadistes ainsi que la répression dans les prisons. Les brigadistes sont regroupés dans des cages lors des procès qui se veulent une démonstration de force du système. Cette exécution est considéré comme  » un saut dans la guerre de classe « .

Les BR attaquent au cœur de l’Etat. Le 7 octobre 1976 les NAP jambisent un maton de la prison de S. Vittore (Cosimo Ventich,  » ami et protecteur des mafiosi, protégé par le directeur de l’établissement « ). Le 8 une entreprise exploitant les prisonniers est attaquée.

En décembre 76 le brigadiste Walter Alasia est tué à bout portant.

Le 12 janvier 77 les BR enlèvent l’industriel Pietro Costa, qui est libéré au bout de 81 jours. Le 18 le directeur du personnel de FIAT Turin est jambisé. Le 29 ce sont les NAP qui jambisent le juge Pietro Margariti, qui est d’après le Corriere  » l’homme le plus haï des 32.000 prisonniers italiens « , le responsable du placement dans les  » prisons de l’horreur  » et celui qui couvre les attaques contre les prisonniers communistes.

Il y a également le même mois les occupations des facultés de Palermo, Sassari, Salerno et Napoli.

Le 9 février les NAP exécutent le meurtrier d’Anna Maria Mantini. Les flics et les fascistes attaquent la fac de Rome, tirant sur de nombreux étudiantEs. Un mouvement se lance et s’élargit, quasiment toutes les facs sont occupées par des précaires, des étudiants, des chômeurs.

Le chef du syndicat CGIL, Lama, arrive avec 1.000 militantEs du PCI pour tenir un discours à la fac de Rome : ils sont accueillis par 10.000 révolutionnaires qui les chassent manu militari. La fac est vidée le jour même par la police qui occupe de nombreux quartiers. La mobilisation culturelle est énorme à Bologne, Rome et Naples.

En mars 77, des combats de rue ont lieu dans toutes les grandes villes. Le 11, l’étudiant Francesco Bruno se prend des balles dans le dos, la manif nationale tourne à l’émeute, les magasins, les supermarchés et les armureries sont pillés.

Le 12 mars à Rome 100.000 manifestantEs extrêmement bien organiséEs brisent les cordons policiers et défilent une journée (des armes sont distribuées puis reprises).

Mais le soir, la pression retombe, les tanks sont présent dans les manifs suivantes, et l’autonomia operaia s’écroule définitivement à son congrès de Bologne en octobre 1977.

Pour les autonomes, il n’y alors plus le choix et il s’agit d’opérer un saut qualitatif.

Se forme ainsi par exemple le groupe  » Action Révolutionnaire « , influencé par la RAF et le situationnisme, et actif dans diverses régions (Lombardie, Piémont, Toscane, Ligurie), qui ne durera que jusqu’en 1979 où ses restes rejoignent Prima Linea, comme le feront certainEs des Prolétaires Armés pour le Communisme (PAC, 1977-1979) (les autres formant les  » Rapinatori Comunista  » !).

Ou encore les Unités Communistes Combattantes, qui dureront jusqu’en 1979, les Squadre Proletarie di Combattimento per l’Esercito di Liberazione Comunista (Equipes Prolétariennes de Combat pour l’Armée de Libération Communiste) jusqu’en 1978, les Noyaux Communistes Territoriaux et les Reparti Comunisti d’Attaco jusqu’en 1980.

Prima Linea, fondée en 1976, est la véritable guérilla de l’autonomie organisée. Elle s’est formée pour appuyer les luttes.  » Première ligne  » est issue des courants de Lotta Continua qui prônaient l’armement de masse, ainsi que de militantEs de Potere Operaio. Prima Linea (PL) n’est en tant que tel pas réellement un nouveau groupe combattant, mais une sorte d’agglomération de différents groupes.

Le sigle apparaît en tant que tel le 29 avril 1976, lorsque est exécuté Enrico Pedenovi, conseiller provincial du parti fasciste le MSI. Le premier congrès de PL se tient en avril 1977 à San Michele a Torri, avec des représentants des villes de Milan, Bergamo, Florence, Turin et Milan.

Les BR deviennent le point de confluence des groupes les plus avancés ; les rejoignent ainsi la  » Brigate d’Assalto Dante di Nanni « , responsable de nombreuses attaques armées, mais aussi la  » Brigate Proletaria Erminio Ferretto en 1974, beaucoup de membres des Formations Communistes Armés en 1975, ou encore des Noyaux Communistes.

Le 1er mars les NAP et les BR agissent en commun contre des casernes de carabinieri à Milan, Turin, Naples, Florence, Rome, Pise.

Le 5 mars dans la prison de Poggioreale 10 militants des NAP se barricadent après une tentative ratée d’évasion. Ils réclament la diffusion d’un communiqué, et libèrent les otages 12 heures après, leur demande de déplacement ayant été accepté. Leur procès est fait le 12 mars, trois prisonniers dénoncent la torture subie. Les prisonniers prennent deux ans en plus chacun, une voiture piégée explose devant le tribunal.

Le 12 mars toujours, à la suite d’affrontements de manifestants avec la police, un bâtiment de la DC est attaqué à Rome. En avril les BR incendient les voitures de politiciens de la DC et jambisent un chef de FIAT à Turin.

Le 28 avril 77 le président de la chambre des procureurs Croce est exécuté. Le 8 mai les NAP blessent grièvement le juge Dell Annua, notamment responsable du procès de l’exécution d’Anna Maria Mantini. Le 11 mai deux membres des NAP prennent 19 et 15 ans de prison.

Le 1er juin 77 le vice-directeur du journal de Gênes  » il secolo XIX  » est jambisé, le lendemain c’est au tour du fondateur d’il Giornale à Milan, Indro Montanelli, et enfin le 3 juin à Rome d’Emilio Rossi directeur de la rédaction des informations de la RAI.

Il y aura jusqu’en juillet 7 autres jambisations. Le 20 août 11 prisonniers des NAP s’évadent du camp de Lecce.

Il y a 5 jambisations en automne. Le 16 novembre à Turin les BR exécutent Carlo Casalegno, vice-président de la Stampa (qui fait partie de la presse contrôlée par Agnelli).

Le 22 novembre les NAP attaquent le chef antiterroriste Noce et son escorte. Le militant des NAP Zichitella est exécuté après l’action.

Début 78 d’autres jambisations sont menées, contre le chef de section de la FIAT de Turin, contre un responsable de la compagnie des téléphones à Rome, contre un responsable de Siemens à Milan, contre un fonctionnaire de la DC à Gênes.

Le 29 janvier deux militantes des NAP s’enfuient de la prison de Poggioreale de Naples, dont Franca Salerno (arrêté en été 1976 alors qu’elle était enceinte, son compagnon étant exécuté).

Le 16 février 78 un membre de la cour de cassation est exécuté par les BR. Le 10 mars c’est un officier des carabinieri qui est tué par les BR.

Le 16 c’est Aldo Moro qui est enlevé ; un dirigeant de prison et un dirigeant policier sont exécutés le même jour. Le 9 mai le cadavre d’Aldo Moro est retrouvé dans une voiture à mi-chemin des bâtiments centraux de la DC et du PCI. Par cette action les BR frappent au plus haut niveau. Elles visaient le  » compromis historique « , alliant le PCI et la Démocratie-Chrétienne.

La ligne était passé entre le 13ème (début 1972) et le 14ème (début 1974) congrès du PCI, et visait à la rationalisation de l’économie en 5 ans. En attaquant Moro les BR attaquent de front sa réalisation, ébranlent le système politique, et partant de là leurs propres structures.

9.L’attaque au cœur de l’Etat (1978/1979)

Il y a en 1978 au moins 638 actions armées révolutionnaires, dont 106 menées par les BR. Les autres groupes se comptent par centaines .

Il y a également une réorganisation qui se fait ; ainsi, Prima Linea et les Formations Communistes Combattantes créent un commandement national unifié. La lutte contre la répression est quasiment centrale ; est ainsi exécuté le 11 octobre 1978 à Naples Alfredo Paolella, responsable de l’anthropologie criminelle à la prison de Pozzuoli.

On notera également des actions contre des vendeurs d’héroïne, par le Movimento Proletario di Resistenza Offensiva – Nucleo Antieroina, qui prendra par la suite le nom de Guerriglia Comunista.

Mais  » l’attaque au coeur de l’Etat  » a mené les BR à un autre niveau de lutte, ouvrant de nouveaux espaces. Si de 1972 à 1977/78 les BR n’étaient qu’un groupe au sein d’un large mouvement social, l’écroulement du mouvement autonome en 77 faute de débouchés politiques pour les larges masses et l’ampleur de la répression contre toute la sphère légale fait que les BR deviennent centrales dans la lutte pour le communisme.

Les prisonniers brigadistes pourront ainsi dire en 1980 que  » la situation politique présente se trouve entre deux phases : nous ne sommes plus dans la phase de propagande armée, et pas encore dans celle de la guerre civile « .

Pour comprendre ces deux années, il faut comprendre ce qui se révélera en décembre 1980, avec la publication de  » l’Ape e il comunista « ,  » l’abeille et le communiste « , qui rassemble des  » Eléments pour la critique marxiste de l’économie politique et pour la construction du programme de transition au Communisme « .

Ce document, véritable pavé rassemblant les thèses brigadistes, a été écrit par un collectif de prisonniers, qui ne reflète qu’une tendance existante dans les BR alors, une tendance plus mouvementiste, plus guérillera.

Ainsi, les  » XX thèses finales  » mettent en avant les concepts de  » système de pouvoir rouge  » et d' » organismes de masse révolutionnaires  » que l’on retrouvera plus tard au centre du futur projet du Parti-Guérilla du Prolétariat Métropolitain.

Mais quoi qu’il en soit, au niveau stratégique pour les BR il s’agit désormais d’effectuer la tâche de  » destruction des forces politico-militaires de l’ennemi et de la conquête du pouvoir « .

Les BR catalysent à ce moment là l’essentiel de la guérilla. Les autres groupes ont échoué par incapacité théorique et technique. Ainsi les militantEs de Prima Linea -1ère ligne, guérilla issue et membre de l’autonomie- se font exécuter en plein jour par les forces de répression à cause de leur statut de semi-légalité. Quant à la direction arrêtée, elle brade tout ( » il n’est jamais trop tard pour sortir du communisme  » ira jusqu’à dire l’un d’eux).

Rien qu’en 78 les BR mènent 25 exécutions. Il y a également l’appui d’autres groupes pour les campagnes, comme les formations communistes combattantes, qui exécutent le procureur de Frosinone le 8 novembre 1978 et oscillent idéologiquement entre PL et les BR.

L’Etat joue alors intelligemment avec les  » pentiti « , les repentis, qui voient leur peine minimisée s’ils parlent. Patrizio Peci est le plus connu d’entre eux et responsable de nombreuses arrestations ; il est issu des PAIL (Proletari Armati in Lotta, 1973-1975), un groupe ayant rejoint les BR. L’Etat n’hésite pas à payer des opérations de chirurgie esthétique et à dépenser beaucoup d’argent pour défendre sa bourgeoisie.

C’est également en 1978 que les BR développent le thème du MPRO, le Mouvement Prolétaire de Résistance Offensive :  » Nous appelons MPRO l’aire du comportement de classe antagonique suscité par l’aggravation de la crise économique et politique ; l’aire des forces, des groupes et des noyaux révolutionnaires qui donnent un contenu politico-militaire à leur initiative de lutte anticapitaliste, anti-impérialiste, anti-révisionniste et pour le communisme « .

A partir de mars 79 les BR appellent  » à isoler les Berlingueristes [Berlinguer est le secrétaire du PCI] de la classe ouvrière, à les exclure, à les traiter comme les pires ennemis du prolétariat « .

De fait, le 24 janvier 79 les BR avaient exécuté un syndicaliste membre du PCI pour avoir dénoncé à la police un de leurs  » messagers « . Le PCI assume très bien son statut de contre-révolutionnaire et appelle à la défense de la république contre le  » terrorisme « .

Plus tard, une brigatista, Raffaelle Fiore, est arrêtée le 19 mars 79.

Le 18 juillet 1979 Prima Linea exécute le patron du bar Angelo de Turin, qui avait donné à la police des militantEs de PL immédiatement exécutés par la police (Barbara Azzaroni  » Carla  » et Matteo Caggegi  » Charlie « ).
Le 29 janvier 1979 PL avait également exécuté un juge spécialisé dans les structures des organisations révolutionnaires.

Les BR lancent ensuite une campagne contre la DC à l’occasion des élections parlementaires italiennes et européennes. Le 29 mars 79 un commando de la colonne romaine exécute un fonctionnaire de la DC et un haut représentant de FIAT.

Un policier est tué par la suite. Le 3 mai 79 un commando de 15 brigatisti pille à 10 heures du matin un siège de la DC, affrontant au passage quelques carabinieri.

L’Etat italien trouve alors une réponse tactique pour casser la résonance des BR, consistant en l’arrestation du théoricien de l’autonomie, Toni Negri, le plus grand critique des BR, pour l’accuser d’en être le chef.

L’Etat entend ainsi diviser le mouvement de masse, d’autant plus que les BR, n’ayant pas trouvé (ni pratiquement ni théoriquement) les moyens d’agir en terrain ouvert, sont forcément en retrait par rapport à ce nouveau processus.

En effet, pour une fraction de l’autonomie, les brigadistes ne sont pas des  » camarades se trompant tactiquement, mais des prolétaires se trompant stratégiquement « .

Les heurts entre ces autonomes anti-guérilla (et critiquant ainsi plus que non solidairement les autonomes pro-guérilla) et les BR se feront nombreux au fur et à mesure, et encore plus lorsque la répression tombe sur les anti-guérilla (à cause soi-disant des pro-guérilla).

L’arrestation le 7 avril 79 de Toni Negri et de 21 personnes de l’autonomia provoque donc plus que des remous entre partisans de la prise du pouvoir à la Lénine et défenseurs du  » travailleur social  » et des marginaux comme nouveaux sujets révolutionnaires.

Toni Negri ne démordra pas, et sera longtemps prof de fac à Paris VIII. Il trouve régulièrement un nouveau sujet révolutionnaire à chaque mouvement social, en 95 on a ainsi eu droit au « salarié bio-politique » (?!). Reparti en Italie, où ses livres sont disponibles partout depuis longtemps, il est arrêté, puis mis en semi-liberté.

La revue autonome  » Rosso « , issu du Gruppo Gramsci passé dans l’autonomie, explique les différences entre autonomes [anti-guérilla] et les BR:  » les autonomes sont pour le parti de Mirafiori, les br pour l’attaque au cœur de l’Etat « . En 1978 la rupture est consommée.

Après les élections, Prospero Gallinari, un membre important des BR, est arrêté après une fusillade le 24 septembre 79. Les BR sont quasiment les seules à mener des actions armées fin 79; seule existe encore la guerriglia diffusa, la guérilla diffuse des autonomes pro-guérilla mais non-organisés. 5 policiers sont tués ainsi que trois surveillants de prison.

Prima Linea,  » la  » guérilla autonome, développe son action. Entre autres, un gruppi di fuoco occupe une école de gestion de Turin, rassemble toutes les personnes dans une salle, choisit cinq responsables de FIAT et Olivetti et les cinq plus vieux étudiants, les font se mettre à genoux et tirent dans les jambes.

Un ingénieur de FIAT, responsable de la planification et de la logistique, est également exécuté.

Début 80, 5 brigadistes sont exécutés par les unités spéciales. Le 12 février 80 le vice-président de la plus grande association de la justice italienne est exécuté à Rome par les BR.

Le 5 février 1980 Prima Linea exécute un responsable d’Icmesa, une usine de Seveso responsable d’une grave pollution toxique.

Le 16 mars 80 c’est au tour du procureur en chef de Salerno, Nicola Giacumbi, exécuté par un groupe indépendant sous le nom de  » Brigades Rouges colonne Fabrizio Pelli  » (le groupe rejoignant par la suite, en prison, les BR).

Le 18 c’est le cas de Minervini, membre de la cour de cassation et fonctionnaire du ministère de la justice. Le 19 c’est Prima Linea, groupe de feu Valerio Tognini qui exécute le juge Guido Galli, expert de la contre-guérilla. Le 28 mars 80 à Gênes la police exécute les brigadistes Lorenzo Betassa, Piero Panciarelli, Anna Maria Ludmann, Riccardo Dura.

Le 1er avril 80 la colonne milanaise Walter Alasia va à une réunion électorale de la DC, choisit parmi les trente personnes présentes 7 fonctionnaires de la DC et les jambise. Après deux actions similaires à Rome la colonne Vénétie exécute à Mestre le 12 mai 80 un membre de la DIGOS (la police spéciale).

Le 29 avril 80 Roberto Sandolo de Prima Linea était arrêté à cause d’un leader de PL repenti, William Vaccher, qui sera exécuté par PL. Mais Sandolo se repent aussi et le dernier commando de PL est démantelé par le police.

Le 19 mai 1980 la colonne napolitaine exécute Pino Amato, conseiller municipal de la DC.

A Milan se forme un nouveau groupe, la Brigata XXVIII Marzo, du jour de l’exécution par la police de quatre camarades. Ce groupe revendique la jambisation le 7 mai 80 du rédacteur de la Repubblica. Le 29 mai le groupe exécute Tobagi, reporter de la Corriere della Serra, et président de l’association lombarde des journalistes. Les membres du groupe seront arrêtés en septembre.

En octobre 1980 est publié une nouvelle résolution stratégique.

Le  » prolétariat métropolitain  » y est clairement présenté comme le sujet révolutionnaire.

Le 12 décembre le juge Giovanni D’Urso est enlevé, la libération de prisonniers politiques exigée.

Le 28 décembre a lieu une révolte dans la prison spéciale de Trani, en soutien à l’action des BR. Le 30 la police intervient et torture les prisonniers.

Le 31 les BR exécutent en réponse le général carabinieri Galvagli, bras droit de Dalla Chiesa, responsable de la coordination des forces de sécurité et des prisons.

Pour les BR D’Urso est condamné à mort, mais décident de laisser les prisonniers décider. Ceux-ci demandent sa libération, ce qui est fait le 15 janvier 85, après la publication dans les journaux d’une interview des BR, du protocole du jugement fait par les BR et d’articles sur ce qui s’est passé à Trani.

10.1981 : les BR sont seules

1981, c’est l’année de la solitude pour les BR après l’échec définitif de la guerriglia diffusa, la  » guérilla diffuse « . Prima Linea n’a également pas tenu le choc ; des militantEs se sont dissociéEs, et les différents congrès de l’organisation n’arrivent pas à inverser la tendance.

Une partie rejoint les BR , une autre forme un  » pôle organisé « , finalement est formé le groupe des COLP,  » Comunisti Organizzati per la Liberazione Proletaria « .

Ne restent donc plus que les BR, qui s’appuient surtout sur:
o la colonne romaine,
o la colonne napolitaine,
o la colonne Vénétie,
o la colonne Walter Alasia de Milan.

Cette dernière a exécuté en automne 80 deux managers de chez Marelli & Falk, et pratique un  » réformisme armé « . Elle profite de l’arrivée de militants des NAPO (Nuclei Armati per Il Potere Operaio).

De multiples actions sont menées. En Janvier à Milan, la colonne Walter Alasia, qui prend de plus en plus le large avec la direction des BR, exécute le directeur du grand hôpital, la  » Policlinico « . Son mot d’ordre :  » construisons le Parti Communiste Combattant « . A Rome, les BR exécutent le général de gendarmerie Enrico Galvaligi. Le 7 avril, deux policiers sont tués.

Les BR lancent alors une offensive simultanée, qui va montrer les différentes conceptions des colonnes. L’offensive est générale, mais chaque colonne considère les choses selon son point de vue.

o La colonne napolitaine
Le 27 avril la colonne de Naples exécute l’escorte du député Cirillo et enlève celui-ci.

Responsable démocrate-chrétien de la région Campania, Cirillo se voit exiger de nouveaux logements et le paiement d’indemnités pour le tremblement de terre en Italie du sud de novembre 80. La colonne a ici comme stratégie d’élever le niveau de lutte des chômeurs et des sans-logis :  » contre la restructuration du marché du travail, soutenir les luttes du prolétariat marginal et illégal, et construire les organisme de masse révolutionnaire « .

La ligne de la colonne se veut clairement mouvementiste, et un document est même signé :  » Front des Prisons, Colonne de Naples. Pour le Communisme, Brigades Rouges « .

o La colonne Vénitie
Le 20 mai la colonne Vénétie enlève Talierco, directeur de l’usine Montedison de Mestre, par le commando  » Ana Maria Ludmann « . Il est considéré comme responsable des restructurations et des licenciements chez Montedison.

o La colonne milanaise
Le 1er juin la colonne Walter Alasia enlève l’ingénieur et directeur de l’organisation du travail chez Alfa-Roméo, Sandrucci, et exige l’abandon du licenciement prévu de 500 travailleurs de chez Alfa-Roméo.

Les documents publiés par les BR montrent une connaissance parfaite des restructurations, révélant par là même que les BR ont des sympathisants chez les cadres. Y sont analysés la situation de l’entreprise, le développement technologique, et constatés que la rationalisation de la production ne va pas dans le sens d’une humanisation, mais dans celle de l’intensification du travail salarié.

Le 30 octobre est arrêté le chef présumé de la colonne. Il a 25 ans, travaillait chez Alfa-Roméo depuis 1977, était délégué depuis 1979 ainsi que membre de la commission exécutive du Conseil d’Usine, et est passé en 1980 dans la clandestinité.

o La colonne romaine
Le 11 juin c’est la colonne romaine qui donne le ton, en enlevant et exécutant le frère de Patrizio Peci, Roberto, qui est lui-même un repenti (Patrizio Peci, arrêté en février 1980, étant le repenti ayant balancé le plus de noms à la police). Le 19 juin l’avocat de Patrizio Peci est jambisé. La colonne revendique les actions au nom du  » front des prisons ».

La colonne romaine est très proche de la ligne mouvementiste, en raison de son origine : elle provient notamment de deux groupes de la  » guérilla diffuse  » : les « Formations armées communistes « , créées en 1974 et les  » Unités Combattantes Communistes « .

Ce dernier groupe avait tenté en 1976, en enlevant un négociant de viande, de faire vendre 70 tonnes de viande à bas prix dans des quartiers prolétaires de Rome.

Les  » résultats  » diffèrent selon les colonnes.

Cirillo est ainsi libéré après la reconstruction des maisons et la distribution d’allocations chômage.

Le  » porc Talierco  » est par contre exécuté par la colonne Vénétie.

Sandrucci est lui libéré après 51 jours suite à une distribution de tracts brigadistes dans l’usine, la publication de l’interrogatoire de Sandrucci et l’abandon des licenciements.

Les positions au sein des BR commencent donc à devenir sérieusement divergentes. Les multiples activités sur le plan militaire ont amené à une dérive militariste.

En juillet, la colonne Walter Alasia de Milan publie ainsi un document de 21 feuillets où elle critique ce qu’elles considèrent comme des  » déviations  » au sein des BR. En automne c’est la colonne vénitienne qui éclate. La majorité conserve le nom de  » Anna Maria Ludmann  » et prépare l’enlèvement du général américain Dozier, conservant l’orientation générale.

Une partie rejoint elle les positions mouvementistes, qui aboutiront à la constitution du  » Parti-Guérilla  » et se prépare à attaquer la prison de Rovigo, d’où elle fera s’évader Suzanna Ronconi et trois autres militantes.

Une partie prend le nom de Colonne 2 août (en référence à des affrontements sanglants entre ouvriers et policiers à Porto-Marghera le 2 août 1970).

La scission se consomme alors définitivement, avec la publication de deux textes théoriques, représentatives des deux tendances principales existantes dans les BR.

Deux différentes  » Résolutions de la direction stratégique  » paraissent en décembre.

Celle de la minorité tout d’abord. Le document  » Crise, guerre et internationalisme prolétarien « , qui fait à peu près 300 pages, a été écrit par la  » Brigade de Palmi  » des BR, constituée du noyau historique emprisonné, notamment Renato Curcio.

Une nouvelle organisation se forme le 16 décembre 1981, se référant à la ligne de ce document : les Brigate Rosse – Partito Guerriglia del proletariato metropolitano (Brigades Rouges – Parti Guérilla du Prolétariat Métropolitain).

Les BR-PGPM sont principalement issues du fronte carceri (front des prisons) romain et napolitain ; le petit groupe  » potere proletario armato  » appuiera cette ligne.

Leur activiste principal est Giovanni Senzani, qui considère que le système a intégré la classe ouvrière et qu’il faut s’appuyer sur le  » proletariato extralegale « , prolétariat des travaux illégaux et au noir, pour former la guérilla, seule force libératrice dans les métropoles.


Les BR-PGPM considèrent que  » le mode de production capitaliste n’est plus régulé par la loi de la valeur-travail « , et qu’il faut donc  » déclencher la guerre sociale totale « . Le terme de Parti-Guérilla provient d’un communiqué des Brigades rouges du 4 avril 1971, distribué à l’usine Pirelli de Milan et repris dans le journal  » Nouvelle Résistance « , où est parlé de  » l’édification du Parti-Guérilla « .

La ligne majoritaire des BR est refusée et qualifiée de  » néo-révisionniste armée « . 

Le second document est intitulé  » Deux années de lutte politique  » et fait précisément 184 pages. Il sera joint au communiqué numéro 2 de l’enlèvement du général américain Dozier et retrace la lutte pour la ligne au sein des br.

La majorité des brigadistes, qui se reconnaît dans le texte, prend le nom de Brigate Rosse per la costruzione del partito comunista combattente (brigades rouges pour la construction du parti communiste combattant).

Le 17 janvier 1983, les BR-PCC publieront un texte décrivant leur stratégie générale, intitulé  » Replacer l’activité générale des masses au centre de l’Initiative « .

Elles partent du fait que de très graves problèmes internes ont désagrégé les BR :

 » A partir de 1980, chaque colonne de l’Organisation située dans les pôles métropolitains a affronté le problème de l’enracinement dans les situations en assumant certaines contradictions qui s’exprimaient localement, contradictions différentes d’une ville à une autre. Un plus grand enracinement et la désagrégation de la ligne politique sont allés de pair.

Privée d’une ligne politique qui saisisse la contradiction principale (celle entre mouvement de classe et pratiques de la bourgeoisie) et l’aspect principal de cette contradiction, c’est-à-dire le projet politique dominant dans une conjoncture donnée, privée donc d’une identité de ligne, de stratégie générale, mesurée sur la situation concrète, l’Organisation Brigades rouges a fini par assumer autant d’identités qu’il y avait de pôles principaux d’intervention. Les scissions de 1981 sont le couronnement organisationnel d’un processus de fragmentation politique en oeuvre depuis longtemps. »

Un autre document, intitulé  » Politique et révolution  » et écrit par des membres dirigeants des BR-PCC, résume la problématique des années 1979-1980, c’est-à-dire l’incapacité à assumer le dépassement de la phase de propagande armée, dépassement devant être une conséquence de l’offensive du printemps 1978.

L’option était alors de  » Frapper au cœur le projet de la bourgeoisie qui, avec la Démocratie Chrétienne et Moro, se proposait, par le biais du compromis historique avec le PCI, de pacifier le prolétariat et de vider les luttes de celui-ci de leur contenu « .

L’organisation communiste combattante devait alors se transformer en Parti, ce qui fut empêché par l’enracinement foncièrement local de chaque colonne brigadiste et l’absence d’unité conséquente à cela.

Les BR-PCC lancent alors une offensive, pour reprendre l’initiative.

Le 17 décembre la colonne Vénétie enlève à Vérone le chef de l’OTAN pour l’Europe méditerranéenne, le général US James Lee Dozier.

Cette action est dirigée contre le  » projet de guerre réalisée par l’OTAN, le plan économico- politico- militaire de la bourgeoisie impérialiste de préparation d’une troisième guerre mondiale « . La répression est organisée par l’Etat italien, la CIA, l’armée US et des experts de R.F.A.. Les arrestations sont très nombreuses, et pour se protéger les BR-PGPM coupent tous les ponts avec les BR-PCC.

11.La défaite de 1982

Le 3 janvier 82 la colonne deux août libère quatre brigadistes de prison ; les COLP et le Noyau des Communistes libèrent quatre prisonniers de PL.

A Rome Ennio di Roco et Stefane Petrella sont arrêtés et parlent sous la torture. Le 9 janvier 82 Giovanni Senzani, le leader du PGPM, est arrêté; fin janvier tout le centre de l’Italie est contrôlé et les arrestations sont légion.
Le 27 janvier 82 un brigadiste est arrêté, le 28 Dozier est libéré par les unités spéciales, les brigadistes Emanuela Frascella, Antonio Savasta, Cesare Di Leonardo, Emilia Libera et Giovanni Ciucci  » arrêtés « , torturés, puis officiellement arrêtés au bout de quelques jours. Seul Leonardo ne parle pas sous la torture.

Environ 1000 personnes eurent alors maille à partir avec la justice pour  » participation aux activités d’un groupe terroriste « .

A Rome, le vice-directeur de la police anti-terroriste de Rome est grièvement blessé.

A Rome, la colonne napolitaine (BR-PGPM) attaque une caserne dans le sud de la ville, s’emparant de 2 mortiers de 60, 2 lance-roquettes, 4 fusils-mitrailleurs, 20 fusils d’assaut et 6 pistolets-mitrailleurs.

Mais la situation est difficile. En trois mois, il y a eu plus de 200 arrestations de brigadistes ; près de 30 bases ont été découvertes. Et en mars, les BR-PCC annoncent l’ouverture d’une phase de retraite stratégique.

 » L’avant-garde doit apprendre à pratiquer la retraite stratégique, se retirer au sein des masses et construire parmi elles le système de pouvoir prolétaire armé « .  » Dans la retraite stratégique, l’avant-garde, en étroite dialectique avec les masses, prépare l’offensive « .

La défaite de l’action contre Dozier trouve sa source dans un  » écart entre les contenus des luttes « , c’est-à-dire le niveau de conscience de la classe, et le  » subjectivisme  » qui s’est développé dans l’organisation et a éloigné celle-ci de l’affrontement réel.

Le PGPM attaque alors violemment les br-pcc, considérées comme allant vers la reddition. La distance séparant les deux organisations se montrent dans l’attitude des prisonnierEs au procès Moro, en avril.

Les partisanEs du PGPM écrivent un  » communiqué n°1 « , signé:  » des militants du PGPM « , et appellent à  » reprendre l’offensive « , à travailler à la  » recomposition du prolétariat métropolitain dans la construction du système de pouvoir rouge « , à la  » redéfinition pratique d’un authentique internationalisme prolétarien « .

A l’opposé, les  » militants de l’Organisation Communiste Combattante Brigades Rouges pour la Construction du Parti Communiste Combattant  » écrivent un  » communiqué n°1  » qui défend la position de la retraite stratégique.
Dehors, la répression continue. 34 brigadistes du PGPM se font arrêter à Rome.

Francesco Lo Bianco, membre de la direction stratégique et dirigeant de la colonne génoise des BR, est également arrêté.

Cela porte à trois (avec Mario Moretti, Giovanni Senzani) le nombre des membres de la direction stratégique incarcérés.

Le PGPM accentue la pression. Il mitraille un car de police (trois blessé graves) devant le tribunal du procès Moro. La colonne napolitaine du PGPM exécute le conseiller régional démocrate-chrétien Raffaele Del Cogliano, délégué au travail.

A Rome, deux policiers sont exécutés et délestés de leurs armes. En juillet, c’est l’exécution d’Antonio Ammaturato, chef de la brigade mobile de Naples. A la prison de Trani, un repenti est tué, Ennio Di Rocco.

Les derniers groupes autres que les BR-PCC et le PGPM disparaissent au fur et à mesure. En avril c’est la défaite pour les NAC (Nuclei Armati Comunisti), issus des NAPO et qui menaient la lutte armée depuis 1980 ; en prison les prisonnierEs des NAC se rallieront aux BR-PCC.

En mai, la situation continue de se durcir. Le PGPM subit des arrestations : 3 à Rome, 5 à Naples.

Un chef de la colonne Toscane des BR, Umberto Catabiani, est tué au cours d’une fusillade avec la police anti-terroriste. A Rome, Marcello Capuano, dirigeant de la colonne Romaine du PGPM, est arrêté.

A Milan, un noyau armé de la colonne Walter Alasia perd un brigadiste dans un affrontement armé (il y a en plus deux brigadistes blessés et un policier tué).

En août, le groupe  » prima posizione  » exécute un carabinieri. Quelques jours plus tard, le PGPM lance un commando de dix brigadistes, dont trois femmes, attaquer un dépôt d’armes de l’armée de l’air dans la banlieue de Rome ( » volant  » en même temps une dizaine de fusils automatiques).

A Salerne c’est une caserne qui est attaquée. Quinze brigadistes, dont trois femmes, ouvrent le feu sur un convoi militaire : un policier est tué, deux blessés, deux militaires grièvement blessés. Le commando s’enfuit avec plusieurs armes automatiques.
En septembre un commando du PGPM vole quarante revolvers chez un armurier de Reggio de Calabre.

En octobre, un commando du PGPM exécute un carabinier, en blesse grièvement un autre et prennent leurs armes.
Cette dérive se cristallise dans une action discréditant totalement le PGPM : l’expropriation de la banque de Naples, à Turin. Deux vigiles sont exécutés alors qu’ils avaient été désarmés.

Les BR-PCC attaquent violemment le PGPM en raison de cette action dans le texte  » Sur l’action de Turin « . Puis, en décembre, le  » noyau historique  » à l’origine du projet de PGPM se dissocie de l’entreprise. Prenant le nom de  » collectif ce n’est que le début « , il regroupe Renato Curcio et 18 autres brigadistes, à l’origine pour la plupart de  » L’abeille et le communiste  » (décembre 1980) et de la  » Résolution de la direction stratégique  » de décembre 1981, intitulée  » Crise, guerre et internationalisme prolétarien « .

Le PGPM continue à subir la répression : en octobre Vittorio Bolognesi et dix autres membres de la colonne napolitaine sont arrêtés. Cinq importantes caches du Parti-Guérilla sont découvertes dans la banlieue de Naples. Natalia Ligas (24 ans), chef  » militaire  » de la colonne napolitaine du PGPM, est capturée à Turin ; en Novembre c’est une catastrophe : 19 arrestations dont celle d’Antonio Chiocchi, l’un des chefs de la colonne napolitaine du PGPM. Puis c’est l’arrestation de brigadistes à Milan : au total 32 depuis le début de novembre, de 4 membres de la colonne turinoise.

L’année 1982 est en fait celle de la débâcle. 915 militantEs arméEs de divers organisations ont été arrêté. Sur le plan militaire la régression est patente : il y aura 580 attentats, contre 849 en 1981, 1264 en 1980, 2366 en 1979. 26 militantEs ont été tué, comme en 1981. 1523 membres des BR sont en prison, sans compter les membres d’autres groupes et organisations.

12.La tentative de réorganisation (1983)

L’année marque un tournant pour les BR. En janvier tout d’abord, la colonne milanaise Walter Alasia, en cours de reconstitution, est anéantie par la répression. Le noyau des communistes, actif depuis sa sortie de Prima Linea en 1981, est également anéantie.

Les restes des brigadistes publient un texte intitulé  » Encore un pas… « , qui attaque le PGPM pour son action à Turin ( » une provocation contre-révolutionnaire « ) et constitue une autocritique ( » Nous n’avons pas su dépasser la grille des usines »).

Quelques jours plus tard, Adrinao Carnelutti, un historique des BR clandestin à Milan, se fait arrêté, puis en février c’est le tour de Dario Facceo, fils d’un député du parti Radical.
L’activité politico-militaire se réduit au profit de nombreux débats.

Renato Curcio écrit un texte au nom du  » Vatican collectif « , groupe mouvementiste de détenus de Palmi. On peut y lire que  » le cycle de lutte révolutionnaire armée commencé en 1978 est achevé « .
Le PGPM a été une expérience qui a échoué, mais l’objectif reste  » la révolution sociale totale dans la métropole impérialiste « . Il faut s’adapter aux conditions nouvelles.  » La guérilla des années 80 devra rechercher et développer dans sa pratique les langages métropolitains de la transition vers le communisme « .

Renato Curcio effectue alors une série de recherches sur la nature du prolétariat métropolitain, et les moyens de le faire agir.

Avec Franceschini, un autre  » historique « , il publie le très difficile texte  » Gouttes de soleil dans la cité des spectres… « , où la guérilla est considérée comme le dernier espoir de l’humanité noyée dans le capitalisme.
Le document commence ainsi :

 » Les routes que nous avons suivies nous ont fait finalement  » monter de la terre jusqu’au ciel  » et nous aventurer dans le château enchanté de l’idéologie.

Nous en avons dévoilé le jeu perfide des miroirs, inspecté les passages secrets, dessiné la carte.

Maintenant que les monstres sont apprivoisés, nous pouvons revenir sur terre et affronter les labyrinthes fantasmagoriques de la vie : la métropole, désert peuplé de spectres, lieu de l’aliénation totale et de la révolte radicale, produit du capital dans la phase mourante de la domination réelle totale.
Ghost town, justement, comme le titre de l’hymne reggae de la révolte de Brixton. Vivisectionnons la bête « .

Curcio et Franceschini disent en fait que la situation a changé depuis Marx ; celui-ci pouvait dire que  » l’ouvrier travaille pour vivre. Pour lui-même, le travail n’est pas une partie de sa vie, il est plutôt un sacrifice de sa vie. C’est une marchandise qu’il a adjugé à un tiers. C’est pourquoi le produit de son activité n’est pas non plus le but de son activité… La vie commence pour lui où cesse cette activité, à table, à l’auberge, au lit « .

Mais selon Curcio et Franceschini, cela n’est plus vrai aujourd’hui : le prolétaire est désormais également au service du capitalisme même quand il ne travaille pas, par la consommation.

La thèse principale est la suivante :  » Nous appelons domination réelle totale cette phase dans laquelle le capital a occupé tous les interstices de la formation sociale en les pliant à ses besoins.

Aujourd’hui, il a non seulement construit  » un mode de production sui generis « , mais une  » formation sociale sui generis  » : la métropole informatisée (…).

Ce qui signifie une modification qualitative profonde, une révolution capitaliste des besoins, des goûts, de la mentalité, de la morale… en un mot, de la conscience. Et une production des appareils, des instruments nécessaires à cela.
C’est ainsi que naît une nouvelle branche de la production,  » l’usine de la conscience « , avec ses fonctionnaires correspondants ; usines des modèles de consommation, des systèmes idéologiques, des systèmes de signes ayant pour but la réalisation-reproduction de la plus-value relative, du rapport social dominant.

La production n’est plus seulement production indirecte de consommation (dans le sens que toute production présuppose une consommation), mais elle se constitue aussi aujourd’hui comme  » production directe de consommations  » : à côté de la production d’objets marchandises, il y a la production de besoins-consommations-conscience-idéologie ; en même temps que la production de plus-value relative, il y a la production spécifiquement capitaliste de ses conditions de réalisation.

 » Production de marchandises  » et  » production de systèmes idéologiques  » sont aujourd’hui concrètement, visiblement, les deux côtés, les deux aspects du même processus : le travail en tant qu’activité conforme à un but. Elles sont produites et vivent simultanément dans le même espace-temps ; pour se reproduire, le capital doit reproduire simultanément les deux déterminations (…).

La métropole est l’usine totale.

L' » usine à objets-marchandises  » est seulement l’un de ses secteurs, tout comme l’est l' » usine à idéologie « . Il faut alors caractériser la composition de classe, le prolétariat, non seulement en relation avec l' » usine partielle  » mais aussi avec l' » usine totale « , la métropole dans sa globalité. Il doit être vu non seulement comme force de travail, capacité de travail, mais aussi comme consommateur conscientisé, idéologisé.
Toute distinction mécaniste entre force de travail et formes de sa conscience tombe donc d’elle-même : le prolétariat dans la métropole est en même temps force de travail du capital et consommateur-conscience de celui-ci, son produit programmé et finalisé.

Tout réductionnisme à un seul des deux termes, toute séparation plus ou moins rétro-agissante de ceux-ci, mène aujourd’hui inévitablement soit vers les bachotages laborieux de l’empirisme ouvriériste-usiniste, soit vers les envolées du subjectivisme idéaliste, interdisant la compréhension de la complexité des mouvements sociaux actuels « .

La conclusion pratique est la nécessité de la violence révolutionnaire :

 » Dans les conditions de la métropole, détruire les formations fétiches dans tous nos rapports sociaux est un impératif de la vie. C’est une thérapie sociale, la seule solution à la condition schizo-métropolitaine.

Devoir exercer la violence explosive devient une nécessité absolue !

Sans la pratique de la violence révolutionnaire, la simple survivance ne peut même pas être garantie, et surtout il n’y a aucune possibilité de re-fusion unitaire, dans un processus collectif de libération, de sa propre conscience éclatée. Exercer sa violence contre les fétiches du capital est l’acte conscient qui exprime le plus haut niveau d’humanité possible dans la métropole, parce que c’est au travers de cette pratique sociale que le prolétariat, en s’appropriant ainsi le processus productif vital, construit son savoir et sa mémoire, ce qui veut dire son pouvoir social, son identité « .

A l’extérieur, quelques actions ont lieu. Une gardienne de la prison de Rebibbia à Rome est exécutée après un  » procès populaire « , puis une gardienne de la prison de Poggioreale, à Naples. Ce seront les dernières actions du PGPM.

Le 3 mai 83 un  » noyau armé  » des BR jambise Gino Giugni, professeur d’université et cadre de l’Etat (il a notamment plaidé le gel des salaire et est très proche de Craxi). Cette action forme selon les BR-PCC  » le premier moment de reformation de l’initiative révolutionnaire « .

Dans ce premier communiqué depuis la débâcle de 1982 la thèse du parti guérilla est vivement critiquée. Pour le parti guérilla l’antagonisme dans les rapports sociaux est spontané, suinte de lui-même, et amène des mouvements de masse toujours plus grands contre la réalité métropolitaine.

Or, les BR-PCC refusent de  » suivre  » le prolétariat métropolitain, ne se veut ni  » expression  » de lui ni encore son  » représentant « , seulement une  » composante « , un  » élément « .  » Avant-garde dont la direction peut et doit permettre au prolétariat de se former comme classe dominante « .
Il s’agit de  » mener à fond une bataille politique qui soit en mesure de défaire politiquement, dans le prolétariat métropolitain, toutes les influences néfastes de thèses qui visent consciemment à la liquidation de plus d’une décennie de projets révolutionnaires dans notre pays « .

Un groupe d' » irréductibles  » emprisonnés, rassemblant Andréa Coi, Prospero Gallinari, Francesco Piccioni et Bruno Seghetti, publie alors  » politique et révolution « .

Pour ce groupe, l’objectif est de  » Retrouver une mentalité scientifique, politique, gagnante, majoritaire, attentive aux grands nombres, en enterrant la mentalité de ghetto idéal-désirante, existentialiste, sectaire, minoritaire et obnubilée par de micro-conventicules de « sujets d’avant-garde »  » .

13.BR-PCC et UdCC (1984-1987)

C’est l’année de la disparition des COLP, après de nombreuses actions (dont des expropriations en France, où tombera Ciro Rizzato).

En mars, les BR-PCC publient la Résolution stratégique N° 19 ( » Analyse de la situation, la lutte de la classe ouvrière et la situation politique générale italienne « ), un texte de 61 pages.

Au sein des BR-PCC, qui rassemble l’ensemble des derniers brigadistes puisque le PGPM n’existe plus, les débats continuent.

Une grande question est l’attitude vis-à-vis de l’Union Soviétique, alors que les USA de Reagan lancent une grande offensive.

Deux positions existaient, grosso modo. La première était celle de  » l’Ape et il comunista « , qui considérait de manière maoïste l’URSS comme un social-impérialisme, aussi dangereux que les USA.

La seconde, celle du  » groupe d’élaboration – 16 mars du camp de Trani « , disait à l’opposé qu' » on ne peut exclure par principe l’opportunité d’appuyer tactiquement aussi les forces qui font référence à l’URSS ou au soi-disant camp socialiste, bien qu’il soit clair que ce choix tout à fait contingent a lieu sans perdre de vue la tendance générale et stratégique, par rapport à laquelle le social-impérialisme constitue un impérialisme montant et dans la plus absolue et complète autonomie politique et organisationnelle « .

A cette divergence importante va en succéder une autre, qui concerne l’interprétation même du rôle de la guérilla.

Tout d’abord, il y a l’exécution le 15 février 84 du général US et commandant en chef des troupes de l’O.N.U. dans le Sinaï, Ray Leamon Hunt.

Hunt est  » l’un de ces fonctionnaires consciencieux qui, placés dans le monde entier, organise des saloperies innombrables  » au service de l’impérialisme US et au dépens des peuples luttant pour le droit à l’autodétermination et l’indépendance.

Les BR-PCC propose une ligne générale double, se voulant dialectique et interdépendante: l’attaque au cœur de l’Etat, le front anti-impérialiste.

Cette ligne est contestée par une minorité des BR-PCC, qui est exclue en 84. On parlera désormais des deux positions.

La première, dont les partisans gardent le nom de BR-PCC, s’orientent selon une option guérillera.

L’utilisation des armes ne se décide pas selon le jour J de l’insurrection,  » il s’agit d’une stratégie politico-militaire conduisant le processus révolutionnaire du début à la fin « . Le parti ne se construit pas parallèlement aux mouvements de masses, mais consiste en un  » parti communiste combattant  » montrant l’alternative, unifiant la classe par ses actions contre les stratégies de l’impérialisme.

Les partisanEs de cette position défendent l’héritage des BR-PCC. Ils/Elles critiquent la déviation du PGPM, influencé par  » Prima Linea  » (la guérilla semi-légale des autonomes pro-guérilla) et par les élucubrations du professeur de Padoue [Toni Negri],  » abandonnant le prolétariat métropolitain dans sa globalité comme sujet révolutionnaire et s’obnubilant sur ses franges extra-légales et sur les prisonniers « .

L’année 1982 est vu comme une année importante, nécessitant la  » retraite stratégique « .


En mars, les BR-PCC publient la Résolution stratégique N° 19 ( » Analyse de la situation, la lutte de la classe ouvrière et la situation politique générale italienne « ), un texte de 61 pages.
Au sein des BR-PCC, qui rassemble l’ensemble des dernierEs brigadistes puisque le PGPM n’existe plus, les débats continuent.
Une grande question est l’attitude vis-à-vis de l’Union Soviétique, alors que les USA de Reagan lancent une grande offensive.

Deux positions existaient, grosso modo. La première était celle de  » l’Ape et il comunista « , qui considérait de manière maoïste l’URSS comme un social-impérialisme, aussi dangereux que les USA.

La seconde, celle du  » groupe d’élaboration – 16 mars du camp de Trani « , disait à l’opposé qu' » on ne peut exclure par principe l’opportunité d’appuyer tactiquement aussi les forces qui font référence à l’URSS ou au soi-disant camp socialiste, bien qu’il soit clair que ce choix tout à fait contingent a lieu sans perdre de vue la tendance générale et stratégique, par rapport à laquelle le social-impérialisme constitue un impérialisme montant et dans la plus absolue et complète autonomie politique et organisationnelle « .

A cette divergence importante va en succéder une autre, qui concerne l’interprétation même du rôle de la guérilla.
Tout d’abord, il y a l’exécution le 15 février 84 du général US et commandant en chef des troupes de l’O.N.U. dans le Sinaï, Ray Leamon Hunt.
Hunt est  » l’un de ces fonctionnaires consciencieux qui, placés dans le monde entier, organise des saloperies innombrables  » au service de l’impérialisme US et au dépens des peuples luttant pour le droit à l’autodétermination et l’indépendance.
Les BR-PCC propose une ligne générale double, se voulant dialectique et interdépendante: l’attaque au cœur de l’Etat, le front anti-impérialiste.

Cette ligne est contestée par une minorité des BR-PCC, qui est exclue en 84. On parlera désormais des deux positions.
La première, dont les partisans gardent le nom de BR-PCC, s’orientent selon une option guérillera.

L’utilisation des armes ne se décide pas selon le jour J de l’insurrection,  » il s’agit d’une stratégie politico-militaire conduisant le processus révolutionnaire du début à la fin « . Le parti ne se construit pas parallèlement aux mouvements de masses, mais consiste en un  » parti communiste combattant  » montrant l’alternative, unifiant la classe par ses actions contre les stratégies de l’impérialisme.

Les partisanEs de cette position défendent l’héritage des BR-PCC. Ils/Elles critiquent la déviation du PGPM, influencé par  » Prima Linea  » (la guérilla semi-légale des autonomes pro-guérilla) et par les élucubrations du professeur de Padoue [Toni Negri],  » abandonnant le prolétariat métropolitain dans sa globalité comme sujet révolutionnaire et s’obnubilant sur ses franges extra-légales et sur les prisonniers « .

L’année 1982 est vu comme une année importante, nécessitant la  » retraite stratégique « .

 » La campagne de répression les déchaînée par l’Etat contre le mouvement révolutionnaire a, pour ainsi dire, seulement révélé et mis en évidence dans toutes leurs implications les symptômes d’une profonde crise politique qui existait avant cette période de tortures, des trahisons et des arrestations en masses « . Il faut donc  » relancer l’activité révolutionnaire dans notre pays sur des bases théoriques, politiques et organisationnelles plus solides et plus pures que par le passé « .

Mais, en tout cas  » en Italie ce n’est pas la lutte armée pour le communisme qui a été défaite, mais ses conceptions idéalistes et immédiatistes ont prévalu dans le mouvement révolutionnaire et dans les Brigades rouges même « .
Par rapport à la seconde position s’étant développé dans les BR-PCC, la Résolution stratégique N° 20 dit que  » les brigades rouges n’ont rien exclu d’autre qu’une tentative révisionniste de liquider les conquêtes politiques de 15 années de lutte révolutionnaire « .

Que nous dit la seconde position ?

Elle refuse le  » subjectivisme  » et  » l’aventurisme  » de la première position, son  » éclectisme théorique « . Elle met en avant le léninisme, rejette les thèses sur la  » guerre populaire prolongée « , et forme un nouveau groupe : l’Unione dei Communisti Combattente.

Pour l’UdCC il s’agit de faire de la propagande semi-légale; la lutte armée n’est pas une stratégie mais juste une  » méthode décisive « . Il n’y a pas de  » guerre populaire prolongée « , seulement une connexion tactique avec les masses à organiser, et ce dans le but de la révolution. Tout le discours sur le prolétariat métropolitain disparaît. A la guérilla des BR-PCC l’UdCC oppose la  » ligne de masse « , reliée à l’utilisation tactique de la lutte armée.

Au niveau international cette coupure fera grand bruit. Les BR-PCC travailleront avec la RAF pour un  » front anti-impérialiste  » en gardant leur spécificité (alors que la RAF et Action Directe adoptent une position totalement commune).

L’UdCC aura elle un bon écho chez les Cellules Communistes Combattantes (CCC) de Belgique, elles-mêmes proches du PC d’Espagne [reconstitué] dans leurs analyses.

En décembre, les BR-PCC attaquent un fourgon de transport de fonds. Un brigadiste est tué, sont blesséEs une brigadiste, deux gardiens et un passant. Les membres du commando disparaissent dans les HLM de la banlieue de Rome.
Début 1985, quelques actions sont menés pour se procurer des fonds, coûtant la vie à deux jeunes brigadistes. Un responsable anti-terroriste est exécuté.

Le 27 mars 1985 les BR-PCC exécutent le fonctionnaire dirigeant du syndicat CISL, Tarantelli. Ce dernier avait été conseiller de la banque centrale italienne, expert économique de la CISL, bras droit de Craxi, et avait travaillé à l’attaque contre la scala mobile (l’échelle mobile indexant les salaires sur l’inflation).

Après l’opération est diffusé le communiqué commun RAF/Action Directe, avec le communiqué de l’action des BR-PCC, où l’on peut lire que  » les Brigades Rouges ont l’intention de travailler au renforcement et à la consolidation du Front de lutte contre l’impérialisme occidental qui a trouvé ces derniers temps une vigueur renouvelée (…) par une campagne unitaire contre l’OTAN de la guérilla européenne en liaison dialectique avec l’exceptionnelle mobilisation de masse contre les missiles américains dans les métropoles européennes « .

En été 85 c’est l’apparition officielle de l’UdCC, qui rend public en octobre le  » manifeste et thèses de fondation de l’Union des communistes combattants « .

Les BR sont critiquées comme n’ayant pas su, après 78, construire une forte direction interne, pour ne pas être assez marxistes, pour avoir de graves manquements idéologiques et pratiques. Il s’agit pour l’UdCC, suivant le marxisme-léninisme,  » de se placer à la pointe du prolétariat et de mener la lutte jusqu’à la prise du pouvoir « .

Mais il faut attendre l’année 1986 pour que l’activité des deux organisations soient d’un niveau fort. Deux documents marquent cette année : la reparution de  » politique et révolution « , et la parution du livre  » Le prolétariat ne s’est pas repenti « , rassemblant 214 documents sur le problème des repentis.

Le ministre de l’intérieur reparle lui du  » retour de l’état d’urgence « .

En effet, les BR-PCC et l’UdCC vont effectuer un retour en force, et ce alors que la RAF, Action Directe et les CCC belges agissent et remplissent l’actualité.

Le 10 février 86 à Florence les BR-PCC exécutent Lando Conti, ancien ministre de la défense, proche du chef du parti républicain et ancien maire de la ville.
Conti est accusé d’être  » membre de la direction politico-entreprenante chargée de relier les intérêts économiques du secteur militaire aux intérêts généraux de l’impérialisme occidental « .

Les BR-PCC opèrent, comme dans les années 70, sur la relation entre crise et guerre.
Le 21 février un commando de l’UdCC jambise Antonio Da Empoli, membre du cabinet du premier ministre, chargé des affaires économiques et sociales. La militante Wilma Monaco (27 ans) est tuée dans l’opération.

En octobre l’UdCC publie un texte, où l’objectif annoncé est d’être  » l’avant garde consciente de la classe ouvrière « ,  » le détachement d’assaut de l’insurrection armée « .

En 1979, il y avait eu 2513 attentats en Italie; 1502 en 1980. Il y en a 30 en 1986. En 1980, le  » terrorisme  » fait 125 morts, 236 blessés. En 1986, 1 mort, 2 blessés. Il y a eu, en 1979 et 1980, entre 1500 et 1800 attentats par an, et 30 en 1986.

De 1969 à 1986, il y aura eu plus de 14600 attentats, 415 morts, 1180 blessés.

En janvier 1987 a lieu une fusillade à Rome, et trois militantEs de l’UdCC (dont deux jeunes sont totalement inconnuEs de la police) sont arrêtéEs : Paolo Casseta, Fabrizio Melario, et Geraldina Colotti.

Début février est publié un auto-interview des prisonniers Prospero Gallinari, Francesco Lo Bianco, Francesco Piccioni et Bruno Seghetti, militants des br-pcc.

 » Le fondement de toutes nos estimations est l’expérience concrète des br. Leurs résultats pratiques,  » historiques « , avant et au-delà du  » projet « , c’est-à-dire de la ligne politique par laquelle les résultats ont été matériels. C’est une découverte parce que la lutte armée n’avait jamais auparavant été pratiqué ou théorisé avec ces concepts, ni avec les mouvements de guérilla, ni par les partis communistes de la IIIème Internationale.

C’est de plus une découverte au sens que la véritable pratique et les dynamiques objectives, qui ont été mené par elle, indique selon nous une stratégie politico-militaire victorieuse qui va au-delà de la fixation théorique sur les buts qui ont été à l’origine ou ont orienté cette pratique « .

Le document met en valeur le principe découvert par les BR : l’attaque au cœur de l’Etat, et appelle à une réflexion sur le parcours mené jusque là.  » Seul un bilan politico-historique du rôle que la lutte armée des BR a joué dans l’histoire de l’affrontement de classe de ce pays peut contribuer à ce que soit défini scientifiquement une stratégie politico-militaire contemporaine « .

 » La ‘découverte’ stratégique essentielle qui a été faite par les BR est sans aucun doute ‘l’attaque au cœur de l’Etat’. L’expérience et la réflexion à ce niveau forment le véritable axe stratégique à partir de laquelle s’est produite l’identité politique et historique des br. En un certain sens les br ‘sont’ l’attaque au cœur de l’Etat. Sans ce centre de gravité de l’activité politico-militaire, la lutte armée en Italie n’aurait été qu’une apparition passagère, avec une signification politique beaucoup plus réduite.

Nous pensons par exemple à l’absence de signification historique de l’activité de Prima Linea, malgré qu’elle ait trouvé une certaine résonance et qu’elle ait mené de très nombreuses actions « .
Le 14 février 87 les BR-PCC attaquent un convoi et récoltent un milliard de lire.

Le 17 février, des prisonnierEs des BR-PCC diffusent un document au procès Moro-ter, où il est notamment dit que  » La stratégie de la lutte armée, la pratique de la guérilla, leur rôle historique est irremplaçable pour le prolétariat révolutionnaire, dans le cadre d’une lutte de classes prolongées pour écraser l’Etat et fonder la société socialiste « .
 » Cela unit chaque jour davantage les intérêts de notre révolution à ceux de tous le peuples et forces révolutionnaires qui combattent dans l’espace méditerranéen et au Proche-Orient contre un même ennemi, l’impérialisme occidental aux ordres des Etats-Unis.

Aux côtés de la guérilla européenne (…) les BR-PCC ont l’intention de développer leur processus révolutionnaire, avec la conviction que leur victoire dépend étroitement du renversement du rapport des forces, et de la défaite de l’impérialisme dans cette région (…)
– Renforçons le front anti-impérialiste en Europe Occidentale et autour de la Méditerranée !
– Solidarité avec le combat du peuple Palestinien !
– Guerre à la guerre ! Guerre à l’OTAN !
– Contre la guerre impérialiste, guerre de classes pour affirmer le pouvoir et la dictature du prolétariat ! « .

Le 21 février 87 l’UdCC exécute le général Licio Giorgeri, responsable des armements aéronautiques et spatiaux de l’armée de l’air.

Puis publie un document de 14 pages, distribué simultanément à Rome, Milan et Gènes, et un texte de 149 pages :  » Comment sortir de la situation d’urgence « . L’UdCC y donne comme mots d’ordre :  » Non à l’adhésion italienne à la guerre des étoiles !  » ;  » L’Italie hors de l’Otan  » ;  » Non à la politique de gendarme de l’Italie en Méditerranée ! Unité à la base de toutes les forces opposées aux néo-dictatures des gouvernements bourgeois !  » ;  » Hommage à la Camarade Wilma Monaco « Roberta » « .

Mais l’UdCC doit faire face à une répression dure. Elle a perdu beaucoup de membres jusqu’en juin, où est arrêtée à Rome l’ensemble de sa direction : Claudia Gioia, Massimiliano Bravi, Francisco Maïetta (leader de la colonne romaine, déjà arrêté en France dans le cadre d’une enquête sur Action Directe), Danielle Menella (archiviste du ministère de l’Intérieur), Paolo Persichetti, qui sera étudiant à Saint-Denis en France.

Des bases sont découvertes, 14 militantEs sont arrêtéEs en tout, puis 4 autres, puis finalement à Paris Maurizio Locusta (37 ans, en possession de faux papiers et de 70.000F.), un des leaders de l’UdCC, avec 3 autres militants.
Arrestation ensuite de 6 autres militantEs à Rome dont Aldo Balducci, 30 ans, employé au ministère des Travaux Publics, et Maurizio Falcone, chauffeur d’un Préfet au Ministère de l’Intérieur !

D’autres arrestations suivent, portant fin août à 30 le nombre de militantEs arrêtéEs. 11 autres sont arrêtés en septembre, 3 en novembre.

L’UdCC est définitivement démantelée.
Seules restent les BR-PCC, d’autant plus que certains de leurs leaders historiques emprisonnés abandonnent la lutte armée, et que le noyau historique des BR originelles s’est lui-même dissocié de la lutte armée : Renato Curcio, Mario Moretti, Maurizio Janelli et Piero Bertolazzi écrivent une  » lettre ouverte  » au quotidien  » Il Manifesto  » où est expliqué que  » les conditions internationales qui avaient favorisé cette lutte sont désormais dépassées  » et qu’une amnistie était nécessaire.

En octobre est publié un document de Barbara Balzerani, Luigi Novelli, Giuseppe Scirocco, Piero Vanzi, où est dit que  » Les transformations politiques et sociales à l’intérieur du pays, tout comme l’évolution des relations internationales, rendent caduques notre projet révolutionnaire et la stratégie qui l’appuyait « .

Qui plus est,  » Là où la révolution ne triomphe pas, c’est la bourgeoisie qui résout en sa faveur les contradictions de la société et ce d’autant plus aisément quand il en découle un quelconque développement social « .

13.Le front anti-impérialiste combattant (1988)

Le 16 avril 88, le sénateur de la DC Roberto Ruffili, grand ami du nouveau chef du gouvernement De Mita nommé trois jours auparavant, est exécuté par les BR-PCC, qui attaquent le  » projet de réforme néo-autoritaire des organes étatiques « .

Mais le mois d’avril est également marqué par un texte très important, qui va permettre la fermentation de tout un nouveau courant politique qui culminera avec l’exigence de construction d’un  » (nouveau)Parti communiste italien.
Le texte, écrit par un groupe de révolutionnaires, s’intitule  » Cristoforo Colomba  » ; pour ces camarades, les BR ont été comme Christophe Colomb : croyant aller quelque part, arrivant ailleurs mais ne le sachant pas.

Le groupe critique d’abord très fortement les multiples déviations subjectivistes, pour mettre en avant la question du Parti. D’une certaine manière on peut dire qu’il s’agit d’une critique contre l’éclectisme des références (Marighella, les Tupamaros, Cuba, l’OLP, IRA, ETA, les Black Panthers etc.) qu’aurait le mouvement révolutionnaire, pour un retour à une politique tel qu’un parti peut la mener. Il s’agit d’une remise en cause des aspects criants du gauchisme ayant dominé les BR avec la ligne voulant élever les masses au niveau de la lutte armée, considérant l’Etat comme  » Etat impérialiste des multinationales « , etc.

On peut dire que la ligne des partisanEs du (nouveau)Parti Communiste italien provient historiquement de cette position, pour qui les BR n’ont été en fin de compte que le meilleur produit du mouvement des masses dans les années 1970, et pour qui la question de la construction du Parti doit être au centre des préoccupations.

En septembre, c’est l’écriture du document unitaire RAF/BR-PCC, qui est diffusé en mars 89 sous la forme de tract à Rome et Naples à l’occasion de l’attaque de la RAF contre Tietmeyer, responsable économique allemand.
Voici le document :


 » Le saut à la politique du front est possible et nécessaire pour les forces révolutionnaires, afin d’amener la confrontation à l’acuité adéquate.

Pour cela, toutes les positions idéologiques-dogmatiques existantes encore à l’intérieur des forces combattantes et du mouvement révolutionnaire doivent être combattues et dépassées, parce qu’elles divisent les combattants, et parce que ces positions ne peuvent pas atteindre le niveau dont on a besoin pour amener les luttes et les attaques à leur acuité politique nécessaire.

Les différences historiques dans le développement et la définition politique de chaque organisation, les différences (secondaires) dans l’analyse, etc., ne peuvent et ne doivent pas être un obstacle à l’unification nécessaire des multiples luttes et activités anti-impérialistes dans une attaque consciente et ciblée contre la puissance de l’impérialisme.

Il ne s’agit pas d’une fusion de chaque organisation en une seule ; le front se développe en Europe de l’Ouest dans un processus de reconnaissance direct et organisé, sur la base de l’offensive pratique, dans la mesure où les prochains moments rendent mûre l’unité entre les forces combattantes.
L’organisation du front révolutionnaire combattant signifie l’organisation de l’offensive.

Il ne s’agit ni d’une catégorie idéologique ni d’un modèle de révolution.
Il s’agit au contraire du développement de la force politique et pratique qui combat la puissance de l’impérialisme de manière adéquate, qui approfondit la rupture dans la métropole impérialiste et en arrive au saut qualitatif de la lutte prolétarienne.

Notre expérience commune montre comment, sur la base de la décision subjective de chaque organisation, malgré l’existence de différences et de contradictions, il est possible de développer le front ; nous n’avons dans la discussion commune jamais perdu des yeux l’élément unitaire de l’offensive contre l’impérialisme.

L’Europe de l’Ouest est le pivot du conflit entre le prolétariat international et la bourgeoisie impérialiste.
L’Europe de l’Ouest est, par son caractère historique, politique et géographique, la coupure où se dessinent les trois lignes de démarcation : Etat/société, Nord/Sud, Est/Ouest.

L’aggravation de la crise du système impérialiste et le déclin de la puissance économique des USA sont les fondements principaux qui amènent, ensemble avec d’autres facteurs politiques, à une perte relative du poids politique des USA, et qui mettent en avant le développement des processus d’intégration économique, politique et militaire.
Dans ce rapport la fonction de l’Europe de l’Ouest croît pour le management impérialiste de la crise.
Au niveau économique, l’Europe de l’Ouest développe un plan synchronisé de politiques économiques à l’intérieur des managements impérialistes de la crise, comme soutien et tampon des contradictions économiques.

Au niveau militaire, il y a l’obligation de l’intégration politico-militaire à l’intérieur de l’OTAN avec les projets politico-économiques de réarmement dans la nouvelle stratégie militaire impérialiste pour la confrontation avec l’Est, avec l’intervention politico-militaire intégrée contre les conflits s’envenimant dans le tiers-monde, en premier lieu les régions de crise au Proche-Orient.

Au niveau contre-révolutionnaire, il y a le réarmement et l’intégration des appareils de police et de renseignements contre le développement du front révolutionnaire, contre les luttes révolutionnaires en général et contre l’élargissement et l’aggravation des antagonismes de masse.

Il y a la réorganisation et l’intégration pour une intervention politique ciblée contre la guérilla, comme par exemple les projets de « solution politique  » dans différents pays ouest-européens.
Au niveau politico-diplomatique, il y a les projets de  » dialogue politique  » pour désamorcer les conflits et consolider les positions de force impérialistes.

Ces initiatives ont aussi comme fonction de renforcer les processus de formation de l’Europe de l’Ouest à l’intérieur du système global.
Ces différents niveaux sont mutuellement liés et poussent en avant la formation politique de l’Europe de l’Ouest, un mouvement dont aucun pays n’est exclu.

Aucune force révolutionnaire combattante ne peut, dans son activité révolutionnaire, mettre cela de côté.
Ces éléments politiques forment le cadre où le front est, en Europe de l’Ouest, possible et nécessaire.

Le niveau historiquement atteint par la contre-révolution impérialiste a fondamentalement modifié le conflit entre l’impérialisme et les forces révolutionnaires. Cela signifie devenir conscient du poids croissant de la subjectivité dans la confrontation des classes et du fait que le terrain révolutionnaire ne peut pas être un simple réflexe aux conditions objectives.

L’attaque du front ouest-européen contre les projets stratégiques actuels de formation politique, économique et militaire de l’Europe de l’Ouest vise l’affaiblissement du système impérialiste, afin d’entraîner la crise politique globale.
Notre offensive commune se dirige :

Contre :
La formation des politiques économiques et monétaires ouest-européennes, qui sont conçues dans le système impérialiste global comme soutien et tampon vis-à-vis des érosions économiques pointues, et qui en coordination avec les politiques des USA et du Japon, veulent imposer les intérêts (en terme de profits et de puissance) des banques et des multinationales, sur le dos du tiers-monde, et empêcher l’écroulement du système financier international.

Contre :
Les politiques de formation ouest-européenne qui visent au renforcement des positions impérialistes ; actuellement elles interviennent au Proche-Orient, sur le dos des peuples palestinien et libanais, afin de stabiliser cette région.
L’attaque unitaire des lignes stratégiques de la formation de l’Europe de l’Ouest ébranle le pouvoir impérialiste.

Organiser la lutte armée en Europe de l’Ouest.
Construire dans l’attaque l’unité des forces révolutionnaires combattantes : organiser le front.
Lutter ensemble « .


6 bases et 20 membres des BR-PCC sont découverts et arrêtés en septembre 88. C’est un coup très dur pour l’organisation, que beaucoup considèrent alors comme démantelée.

13.BR-PCC, NCC-PCC, NTA, NIPR (1989-2001)

L’année 1988 a été une année charnière ; la destruction par l’Etat italien des structures des BR-PCC joue un rôle psychologique très fort. La propagande étatique et révisionniste affirme que les derniers Mohicans ont été arrêté, que l’histoire de la guérilla est désormais close non seulement théoriquement mais également pratiquement.

Les faits prouvent pourtant le contraire, ce qui semble donner raison aux BR-PCC qui parlent de  » processus révolutionnaire non-linéaire « . Le 29 mars 1989 le mur extérieur de la prison spéciale de Novara est attaquée, l’action est revendiquée par téléphone par les BR.

En 1991 sont diffusés des documents écrits par les prisonnierEs; en 1992 apparaît un groupe reconnaissant l’activité centrale des BR-PCC et se nommant Nuclei Comunisti Combattenti per la costruzione del Partito Comunista Combattente. Ces noyaux communistes combattants attaquent le 17 octobre 1992 la Cofindustria (rassemblement patronal) à Rome.
Des militantEs des BR-PCC sont arrêtéEs pendant quelques années en France.

Début 1993 c’est la Cofindustria d’Udine qui est attaquée à l’occasion de la visite du ministre de l’industrie par des  » militanti rivoluzionari per la costruzione del PCC « .

Le 2 septembre de la même année les BR-PCC attaquent la base américaine d’Aviano, et le 28 octobre des tracts de soutien aux membres des BR-PCC arrêtéEs quelques jours auparavant sont distribuées durant des manifestations ouvrières à Monfalcone, Trieste, Udine et Pordenone par des  » militants révolutionnaires pour la construction du PCC « .

Le 10 janvier 1994 les NCC-PCC attaquent le NATO defense college à Rome (il s’agit d’une école de formation des cadres de l’OTAN) au moment d’une réunion de l’OTAN à Bruxelles. Dans les différents procès des militantEs des BR-PCC, une scission est visible suite à l’action contre la base d’Aviano, une partie critiquant la vision seulement anti-impérialiste du communiqué de l’action.

On notera également la publication de différents textes, notamment par la Cellule pour la constitution du PCC, défendant la construction d’une organisation de lutte armée. La cellule, qui produit de nombreux textes (production allant jusqu’à aujourd’hui) et qui n’a jamais revendiqué d’actions, oscille perpétuellement entre les BR-PCC néanmoins considérées comme subjectivistes et l’UdCC défunte, de qui elle est au final sans doute plus proche.

En 1995 apparaissent les Nuclei Territoriali Antimperialisti (NTA) qui mènent des actions contre l’OTAN ; par la suite des actions seront menées à Rome, Bologne et Milan, et un premier long texte sort en 1997.

Le 20 mai 1999, un commando des BR-PCC exécutent Massimo D’Antona, conseiller du ministre du travail. La revue française  » L’express  » dit que  » le choix de la victime constitue également une signature : spécialiste du droit du travail, D’Antona, homme de gauche, peu connu du grand public, jouait cependant – et les Brigades Rouges en étaient parfaitement conscientes – un rôle de premier plan dans la politique de réformes sociales du gouvernement, notamment en matière de flexiblité de l’emploi et de réglementation des grèves « .

Ces  » nouvelles  » brigades rouges sont en fait issues des NCC-PCC, et le communiqué des BR-PCC est très long et possède le caractère d’une résolution stratégique.

 » Le 20 mai 1999, à Rome, les Brigades Rouges pour la Construction du Parti Communiste Combattant ont frappé Massimo D’Antona, conseiller législatif du Ministre du Travail Bassolino et représentant du bureau à la table permanente du « Pacte pour l’occupation et le développement ».

Avec cette offensive les Brigades Rouges pour la Construction du Parti Communiste Combattant reprennent l’initiative combattante, en intervenant dans les nœuds centraux de l’affrontement pour le développement de la guerre de classe de longue durée, pour la conquête du pouvoir politique et l’instauration de la dictature du prolétariat, en portant l’attaque au projet politique néo-corporatif du « Pacte pour l’occupation et le développement » « .

Les BR-PCC frappent au moment où l’impérialisme intervient militairement en Yougoslavie ; cela et la réorganisation du rapport entre les classes par l’impérialisme en Italie nécessitent d’intervenir :

 » Un cadre politique général qui impose au prolétariat et à ses avant-gardes révolutionnaires d’assumer la responsabilité politique de construire l’alternative de pouvoir historiquement proportionnée à ces projets, à travers la reprise de l’attaque révolutionnaire, soit au cœur des politiques qui permettent à cet État de jouer son rôle impérialiste « 


 » La proposition politique des BR-PCC se concrétise donc en deux aspects: d’un côté en organisant les avant-gardes les plus conscientes autour de la stratégie politique de l’organisation; de l’autre en représentant l’élément de référence d’avancée et de fixation pour les instances les plus mûres de la lutte de classe en se rapportant à elles avec le programme politique.
Finalement, l’autre axe sur lequel les BR-PCC entendent développer leur propre programme politique est sur le plan de la contradiction impérialisme/anti-impérialisme, afin d’affaiblir et de réduire la domination impérialiste, en construisant l’offensive commune contre ses politiques centrales, avec les forces révolutionnaires et anti-impérialistes qui opèrent dans la zone Europe – Méditerranée – Moyen-Orient.

Les BR-PCC mettent donc au centre de leur propre projet politique la promotion et construction du Front Combattant Anti-impérialiste, dans lequel la recherche de l’unité politique-militaire entre forces anti-impérialiste de la zone permette de construire les alliances politiques nécessaires à affaiblir la domination impérialiste, à partir de les différences historique-structurelles de la lutte de classe des formations économique-sociales uniques dans lesquelles existent et mûrissent les expériences et les forces révolutionnaires et anti-impérialiste, mais aussi à partir du rôle unique et unitaire que déroulent les État dominants de la chaîne impérialiste.

Concevoir la nécessité politique de construire un Front Combattant Anti-impérialiste ne signifie pas exclure la reconstruction d’une Internationale Communiste, mais signifie ne pas négliger d’activer toutes les forces disponibles contre l’ennemi impérialiste, au-delà des différences entre les étapes révolutionnaires et les conceptions que soutiennent les forces anti-impérialistes, et construire aussi une condition favorable à la poursuite de l’objectif de l’International Communiste qui présuppose une unité supérieure dans les caractères de classe, dans les buts et dans les conceptions des forces y appartenant « .

Les  » nouvelles  » BR-PCC ont la même idéologie que les « anciennes  » BR-PCC :
· il s’agit de suivre la guerre de classe de longue durée, dans le cadre de la retraite stratégique ;
· la guérilla agit en tant que Parti pour construire le Parti, nécessairement combattant ;
· dans le processus de guerre de classe de longue durée il y a discontinuité dans le processus révolutionnaire (en raison de l’ampleur de la contre-révolution préventive ;
· il est nécessaire d’organiser un front anti-impérialiste combattant dans la zone Europe – Méditerranée – Moyen-Orient.

Comme d’habitude le flou est de rigueur au niveau des références. Il faut attendre de très nombreuses pages avant de voir une référence positive aux révolutions russe et chinoise et la revendication du marxisme-léninisme comme idéologie.

Une thèse néanmoins cette fois explicitement mise en avant est celle voulant que la fin de l’URSS soit quelque chose de négatif.

Il est parlé de  » pays socialistes  » ou  » en transition « , trahis par les révisionnistes et attaqués par l’impérialisme. La fin de l’URSS fermerait un cycle ouvert avec la révolution de 1917, ce qui est grosso modo la même position que la RAF. A l’opposé des Brigades Rouges initiales, les BR-PCC ne considèrent donc pas l’URSS comme social-impérialiste .
L’action des BR-PCC a un grand écho, mais suscite également de vigoureuses critiques.

De nombreuses  » personnalités  » historiques, et non des moindres comme Gallinari, rejettent l’utilisation du terme  » BR-PCC  » par le groupe ; à l’opposé les prisonnierEs des BR-PCC saluent l’initiative.

Le Parti Communiste d’Espagne (reconstitué), qui appuie la guérilla des GRAPO, attaque également violemment les BR-PCC, accusées de ne faire l’action qu’en raison de la construction du  » (nouveau)Parti Communiste Italien « .

Le (n)PCI se construit à partir de l’illégalité, et critiquera vigoureusement les BR-PCC comme subjectiviste, dans le texte  » Martin Lutero « . Pour les partisanEs du (n)PCI, la tâche prioritaire est la reconstruction du Parti.
Si les BR-PCC n’ont rien revendiqué depuis, de nombreuses actions armées ont tout de même eu lieu.

Il y a ainsi notamment l’attaque à l’explosif à la mi-mai 2000 contre le siège de la Commission d’étude et de surveillance des normes anti-grèves, et le 10 avril 2001 l’action contre l’institut de recherche sur l’économie mondiale et une association pour les relations italo-US à Rome, revendiquées par les NIPR (Nuclei di Iniziativa Proletaria Rivoluzionaria ; noyaux d’initiative prolétaire révolutionnaire). En septembre 2001 c’est la cellule Barbara Kistler qui avait attaqué l’Institut du Commerce Extérieure de Trieste.

Par la suite, les NTA sortiront un communiqué saluant l’action des NIPR ; les NIPR comme les NTA considèrent les BR-PCC comme l’avant-garde. Des documents des NIPR et des BR-PCC seront expédiés à de nombreux représentants syndicaux et dans des usines.

 » Voici, les graffitis, théâtre de la vie. Egratignures, griffures, lacérations, qui gravent sur les territoires de la mort, sur les surfaces claires et nettes de la métropole, des signes de révolte et de libération. Gouttes colorées d’un désir souterrain qui cherche ses volumes dans l’univers hyper-réel saturé de vide.
Qui déploie un discours de poésie dans la rude culture de la rue.

Qui émerge dans le monde hétéroclite de l’a-communication totale, avec une voix limpide, vierge, sans histoire.

Qui nomme l’innommable et par cette transgression se porte à la vie sociale, violant le contexte programmé pour sa négation. Poésie de multiples poètes, voix sans visage qui regarde ses interlocuteurs sans en avoir aucun, mais qui parle intensément à tous ceux qui lui offrent leur regard. Et à chaque nouveau regard renouvelle les inépuisables scènes du théâtre de la vie « .

 » Chacun écrit dans sa propre zone de rencontre : mur, banc, cabine téléphonique, banquette de métro ; on marque son propre territoire. De cette façon celui-ci est délimité, indiquant aux autres la présence d’un groupe, son nom, sa musique préférée ou son style de vie. Un style de vie qui a dans la transgression, dans la rupture de la normalité de communication, son propre signifiant : projet de modification suivant son goût propre, son esthétique personnelle, quasiment d’aménagement de la ville où l’on habite, sur un autre mode « .

 » Pas toujours. Parfois les graffitis sportifs, érotiques, politiques, rock, nous regardent avec l’oeil poussif d’une solitude féroce. Ils implorent une quelconque identification, quelle qu’elle soit, une appartenance quelconque.

Hard Rock, Juventus, Punk, peut importe.
Ils gueulent à l’autre – ennemi immédiat – CREVE-CREVE-CREVE, et semblent en jouir. Mais ce sont les angoisses, les peurs, les phantasmes qui prennent ici la forme de signes et lacèrent les murs. SOS désespérés de naufragés important à la dérive. Pissotières comme bouteille à qui est confiée une solitude folle, « seuls les emmerdes me tiennent compagnie / je n’ai pas d’amis / je n’ai jamais fait l’amour / je n’arrive pas à trouver un cul / je veux quelqu’un pour m’aimer ».

Paroles de latrines. Hululées dans la pénombre d’un sexe castré. Epanchements délirants qui cherchent un oeil lubrique. Excréments sémiotiques qui, dans l’odeur des ghettos, planent sur les excréments des corps. Ecriture de décharge des mille tensions frustrées. Langage vomit par le besoin. Non par désir.

Le désir parle des signes chaudes d’un peuple invisible qui se reproduit et se multiplie hors des réseaux canalisés par les flux déments des rythmes métropolitains. Signes de création qui brûlent l’indifférence de l’espace froid, saturé de mots, boueux, pollué, des lieux frigorifiques de l’acom-……… des lieux frigorifiques où l’a-communication multi-médiatique génère comme effet délirant des corps qui aboient seuls dans les rues et sombrent toujours plus dans l’affabulation désespérée de paroles sans écho. Corps sans visage ni voix, aphasiques, indifférents, étrangers, aliénés.

Débris incapables d’exprimer d’une façon ou d’une autre leur propre dévastation « .

Texte de Renato Curcio, l’un des fondateurs historiques des BR

>Sommaire du dossier

BR-PCC / RAF, document unitaire

Le saut à la politique du front est possible et nécessaire pour les forces révolutionnaires, afin d’amener la confrontation à l’acuité adéquate.

Pour cela toutes les positions idéologiques-dogmatiques existantes encore à l’intérieur des forces combattantes et du mouvement révolutionnaire doivent être combattues et dépassées, parce qu’elles divisent les combattants, et parce que ces positions ne peuvent pas atteindre le niveau dont on a besoin pour amener les luttes et les attaques à leur acuité politique nécessaire.

Les différences historiques dans le développement et te définition politique de chaque organisation, les différences (secondaires) dans l’analyse, etc., ne peuvent et ne doivent pas être un obstacle à l’unification nécessaire des multiples luttes et activités anti-impérialistes dans une attaque consciente et ciblée contre la puissance de l’impérialisme.

il ne s’agit pas d’une fusion de chaque organisation en une seule; le front se développe en Europe de l’Ouest dans un processus de reconnaissance direct et organisé, sur la base de l’offensive pratique, dans la mesure où les prochains moments rendent mûrs l’unité entre tes forces combattantes.

L’organisation du front révolutionnaire combattant signifie l’organisation de l’offensive.

Il ne s’agit ni d’une catégorie idéologique ni d’un modèle de révolution.

Il s’agit au contraire du développement de la force politique et pratique qui combat la puissance de l’impérialisme de manière adéquate, qui approfondit la rupture dans la métropole impérialiste et en arrive au saut qualitatif de la lutte prolétarienne.

Notre expérience commune montre comment, sur la base de la décision subjective de chaque organisation, malgré [existence de différences et de contradictions, il est possible de développer le front; nous n’avons jamais perdu des yeux dans la discussion commune l’élément unitaire de l’offensive contre l’impériasme.

L’Europe de l’Ouest est le pivot du conflit entre le prolétariat international et la bourgeoisie impérialiste.

L’Europe de l’Ouest est par son caractère historique, politique et géographique la coupure où se dessinent les trois lignes de démarcations: Etat/Société; Nord/Sud: Est/Ouest.

L’aggravation de ta crise du système impérialiste et le déclin de la puissance économique des USA sont les fondements principaux qui amènent, ensemble avec d’autres facteurs politiques, à une perte relative du poids politique des USA, et qui mettent en avant le développement des processus d’intégration économique, politique et militaire.

Dans ce rapport la fonction de l’Europe de l’Ouest dans le management impérialiste de la crise croît: au niveau économique:

l’Europe de l’Ouest développe un plan synchronisé des politiques économiques à l’intérieur des managements impérialistes de la crise comme soutien et tampon des contradictions économiques.

au niveau militaire: l’obligation de l’intégration politico-militaire à l’intérieur de l’OTAN avec les projets politico-économiques de réarmement dans la nouvelle stratégie militaire impérialiste pour la confrontation avec l’Est, et avec l’intervention militaro-politique intégrée contre les conflits s’envenimant au tiers-monde, en premier lieu les régions de crise au Proche-Orient.

au niveau contre-révolutionnaire: le réarmement et l’intégration des appareils de police et de renseignements contre le développement du front révolutionnaire, contre les luttes révolutionnaires en général et contre l’élargissement et l’aggravation des antagonismes de masses.

La réorganisation et l’intégration pour une intervention politique ciblée contre la guérite, comme par exemple les projets de  » solution politique  » dans différents pays ouest-européens.

au niveau politico-diplomatique: les projets de  » dialogue politique  » pour désamorcer les conflits et consolider les positions de force impérialistes.

Ces initiatives ont aussi comme fonction de renforcer les processus de formation de l’Europe de l’Ouest à l’intérieur du système global.

Ces différents niveaux sont mutuellement liés et poussent en avant te formation politique de l’Europe de l’Ouest, un mouvement dont aucun pays n’est exdu.

Aucune force révolutionnaire combattante ne peut, dans son activité révolutionnaire, mettre cela de côté.

Ces éléments politiques forment te cadre où te front est, en Europe de l’Ouest, possible et nécessaire.

Le niveau historiquement atteint par la contre-révolution impérialiste a fondamentalement modifié te conflit entre FimpériaSsme et les forces révolutionnaires.

Cela signifie devenir conscient du poids croissant de la subjectivité dans la confrontation des classes et du fait que le terrain révolutionnaire ne peut pas être un simple réflexe aux conditions objectives.

L’attaque du front ouest-européen contre les projets stratégiques actuels de formation politique, économique, et militaire de l’Europe de l’Ouest, vise l’affaiblissement du système impérialiste, afin d’entraîner la crise politique globale.

Notre offensive commune se dirige:

contre:

la formation des politiques économiques et monétaires ouest-européennes, qui sont conçues dans le système impérialiste global comme soutien et tampon vis-à-vis des érosions économiques accentuées, et qui, en coordination avec les politiques des USA et du Japon, veulent imposer les intérêts (en terme de profits et de puissance) des banques et des multinationales, sur le dos du tiers-monde et empêcher l’écroulement du système financier international.

contre:

les politiques de formation ouest-européenne, qui visent au renforcement des positions impérialistes; actuellement elles interviennent au Proche-Orient sur le dos des peuples palestinien et libanais, afin de stabiliser la région.

– L’attaque unitaire des lignes stratégiques de la formation de l’Europe de l’Ouest ébranle le pouvoir impérialiste

– Organiser la lutte armée en Europe de l’Ouest

– Construire dans l’attaque l’unité des forces révolutionnaires combattantes: organiser le front

Lutter ensemble

rote armee fraktion (RAF)

brigate rosse (per la costruzione del partito comunista combattente) (BR-PCC)

[1988.]

=>Sommaire du dossier La bataille anti-révisionniste en Italie (1960-1980)

=>Retour au dossier sur la révolte allemande

BR-PCC: Action contre Hunt (1984)

Transformer la guerre impérialiste en révolution prolétarienne

Le 15 février 1984, un noyau armé de notre organisation a justicié Ray Leamon Hunt, directeur général de la « Force Multinationale d’Observation » dans le Sinaï, constituée afin de garantir les Accords de Camp David, stipulés entre l’Egypte et Israël sous le contrôle direct des USA.

Ce porc pouvait se vanter d’une longue « expérience » dans le sale travail que les impérialistes yankees effectuent quotidiennement dans chaque partie du monde. Son « curriculum vitae » en témoigne de manière éloquente ; de Jérusalem à la Turquie, de Ceylan à l’Ethiopie, de Costa Rica au Liban, il parvient à occuper la charge de vice-assistant de Kissinger en 1974.

En 1976, il est à Beyrouth, et il s’occupe alors de manière particulière des problèmes moyenorientaux, en occupant enfin la charge de directeur général d’une force militaire occidentale, directement organisée et financée par les USA.

Ce sont précisément ces « diligents. fonctionnaires », lâchés à travers le monde, qui organisent les nombreuses saloperies que l’impérialisme US commet aux dépens des neunlec en lutte pour une autodétermination et une indépendance réelle.

Ce sont ces gens qui sont derrière les pires massacres perpétrés par l’impérialisme, de Tall el-Zaatar à Sabra et Chatila, jusqu’aux canonnades de la New Jersey. Avoir mis un terme à la misérable existence de ce sale esclave de l’impérialisme constitue un honneur pour notre organisation et, dans le même temps, un devoir à l’égard du mouvement révolutionnaire international.

Pourquoi avons-nous frappé Ray Leamon Hunt ? Qu-elle est la fonction et la signification de la Force Multinationale d’Observation (FMO) ?

La fonction de cette force militaire – à laquelle ce n’est pas un hasard que participe un contingent italien – est de garantir la sauvegarde des intérêts américains au Moyen-Orient à travers un accord entre I’Egypte et Israël, soutenu par des milliards de dollars, aux dépens du peuple palestinien.

La signification politique est d’une importance considérable dans l’évolution des relations internationales, vers le déchaînement de la guerre entre les deux « blocs », en ce que d’un côté il ratifie formellement, avec des structures de caractère international apparemment légales, les intérêts et les influences régionales occidentaux, et que de l’autre il introduit une pratique particulière, qui a déjà trouvé une suite dans la formation d’une seconde force multinationale, au Liban cette fois, en dehors de l’ONU, et qui laisse clairement entendre une poursuite en ce sens dans des régions comme l’Amérique centrale.

Camarades, prolétaires,

L’évolution récente des relations internationales démontré sans aucun équivoque que les principales puissances impérialistes sont en train d’aller vers l’affrontement militaire. Les peuples du monde entier assistent à une menaçante course au réarmement, nucléaire et conventionnel, que le cynisme effronté des gouvernements bourgeois voudrait justifier par des motifs de défense et de sécurité.

Les dépenses militaires augmentent de manière évidente dans chaque nation, en pesant ainsi sur les conditions de vie des masses. Comme si cela ne suffisait pas, c’est le condamné lui-même qui paie le prix de son supplice !

La tension internationale croissante se manifeste de plus en plus fréquemment dans les soi-disants « conflits régionaux » où, à chaque fois, se concentrent et explosent violemment les contradictions qui, propres à un contexte régional donné ; s’insèrent toutefois dans un cadre général caractérisé par l’opposition profonde des deux principaux blocs impérialistes.

Dans ce scénario, qui précède traditionnellement l’éclatement de la guerre directe entre les impérialismes, l’hypocrisie de la bourgeoisie et des ses gouvernements est sans fond : chaque administration se plaint de l’agressivité de l’autre, chaque « bloc » fait profession de pacifisme et de bonne volonté autour du problème du désarmement et, en général, par rapport à l’orientation de sa politique extérieure. Dans les faits, les choses sont bien différentes.

La profonde crise économique qui investit l’ensemble du monde capitaliste accroît démesurément la compétition entre les grands groupes monopolistes et financiers et, par contrecoup, celle entre les Etats. L’exigence se fait pressante d’un élargissement des marchés et d’un strict contrôle des matières premières qui visent à une relance générale de la production capitaliste.

L’affrontement militaire entre impérialismes s’impose comme la solution obligée, le débouché objectif, de la crise actuelle qui, durant dans sa substance depuis le début des années soixante-dix, a mis en cause les formes mêmes d’accumulation recouvertes par le capital à l’échelle internationale depuis la fin de la seconde guerre jusqu’à aujourd’hui.

En substance, la bourgeoisie ne peut éviter la guerre, puisque son système social en produit les causes de fond.

Que les choses soient ainsi, on le voit en prêtant attention à l’impuissance progressive de l’ONU face aux nombreux foyers de guerre et à la croissance de la tension internationale dans l’ensemble du monde. Cette organisation, qui devrait représenter la volonté générale des gouvernements des pays membres de s’abstenir de l’usage de la guerre comme moyen de résolution des conflits internationaux, a assisté impuissante, quand ce n’est pas en acquiesçant, à la guerre des Iles Malouines, à l’agression israélienne au Liban, à l’occupation yankee de Grenade, …

Cette organisation assiste encore – en s’amusant, au maximum avec des « résolutions de condamnation » savamment négociées par de diplomatiques effrontés – aux continuelles provocations de l’administration Reagan à l’égard du Nicaragua, au sale et révoltant travail des racistes sud africains contre l’Angola et le Mozambique, aux ingérences du « socialiste » Mitterrand au Tchad, à l’occupation soviétique prolongée de l’Afghanistan.

L’impuissance absolue et grotesque des Nations Unies est l’indice on ne peut plus éloquent de la détérioration des relations internationales, et nous renvois en mémoire au cadavre de la « Société des Nations », piétiné par Nünich, par la « conciliation » anglo-française, et finalement écrasé par le talon nazi-fasciste.

On dirait que revient d’actualité le fameux adage qui veut que l’histoire se répète toujours deux fois, la première en tragédie, la seconde en farce.

Les raisons qui sont à la base de la constitution de la Force Multinationale d’Observation pour le Sinai sont l’exemple concret de comment se manifeste la tendance générale exposée juste au dessus.

Ici, on voit de manière très significative, et qui concerne de près aussi le prolétariat italien, comment les puissances impérialistes passent superbement par dessus l’ONU lorsque leurs intérêts sont en jeu et lorsqu’il s’agit d’asséner un coup décisif aux mouvements de libération nationaux et aux peuples qui se battent contre l’oppression et contre l’exploitation.

La F.M.O. pour le Sinaï est en effet une force militaire constituée en dehors de l’ONU pour garantir l’application des Accords de Camp David de 1978 qui, comme on le sait, représentent un dur coup à la cause palestinienne et, plus généralement, à l’opposition à l’impérialisme sioniste.

L’écaillement du front arabe avec la trahison de Sadate, le renforcement du prestige de l’entité sioniste, légitimée à poursuivre la bestiale politique d’annexion des territoires occupés en Cisjordanie et à Gaza, la réduction générale de l’influence soviétique au Moyen Orient, ne sont que quelques-uns des résultats atteints par les USA et les sionistes à la suite de Camp David : ceux ci sont autant de pièces d’une plus ample mosaïque qui prévoit une redisposition générale de l’aire moyen-orientale qui soit en mesure d’assurer aux USA le contrôle complet de cette région vitale, déjà dangereusement remis en cause par la pénétration soviétique en Afghanistan, par l’Iran shiite et par les caractéristiques démocratiques-populaires de la révolution palestinienne.

En ce sens, il y a une continuité évidente et criminelle entre Camp David et l’opération « Paix en Galilée » de juin 1982, il existe un lien patent entre la F.M.O. pour le Sinaï et l’actuelle, plus fameuse, « Force Multinationale de Paix » au Liban. Elles sont toutes deux des représentants armés de l’impérialisme occidental, garants et agents d’un équilibre fonctionnel aux intérêts stratégiques des USA et de l’OTAN au Moyen-Orient.

Malgré l’impressionnante masse de propagande nauséabonde, la position des gouvernements européens sur cette question est claire : ils sont en première ligne dans la course à une solution de la question du Moyen-Orient qui, une fois sauvées les relations avec les pays arabes modérés, permette la meilleure exploitation des ressources économiques, en premier lieu énergétiques, dans le cadre politique stratégique garanti manu militari par le sionisme.

Comment expliquer l’abstention de la France, de la Grande Bretagne, de la RFA et de l’Italie à l’ONU sur le problème de la convocation de la « Conférence internationale sur la question de la Palestine », sinon comme un assentiment tacite au votre contraire éhonté des USA et d’Israël ? 

Cela n’est il pas un soutien criminel et philistin aux saloperies sionistes ? Et encore, comment interpréter le soutien français à l’Irak de Saddam Hussëin et les colossaux contrats militaires allemands avec l’Arabie Saoudite ?

Enfin, la France, l’Italie et la Grande-Bretagne sont-elles ou non engagées dans des missions militaires clairement impérialistes ? Les puissances impérialistes européennes ne sont en effet pas « neutres » au Moyen Orient.

Elles font au contraire preuve de beaucoup, d’activisme, engagées comme elles le sont aux côtés de l’impérialisme américain et sioniste dans une action générale visant à contenir l’influence soviétique et à la dénaturation globale dés caractéristiques démocratiques populaires du sentiment national palestinien.

Et n’est pas neutre le gouvernement italien, n’est pas neutre notre bourgeoisie ; qui, au cours d’une seule année, 1982, participe à bien deux actions militaires au Moven-Orient, la F.M.O, dans le Sinaï et la Force de « Paix » à Beyrouth, en se préoccupant d’héberger à Rome le quartier général de la première.

On a bonne mine à se déclarer amis des Palestiniens lorsque l’on contribue à garantir l’application des Accords de Camp David, qui permettent aux sionistes l’annexion forcée des terres des Palestiniens.

Le gouvernement italien peut remplir un avion entier d’enfants palestiniens et les ramener en visite gratuite dans notre pays, le prolétariat international et les peuples qui luttent contre l’impérialisme savent bien que les troupes italiennes piétinent le sol libanais en complices des USA et des fascistes locaux, que les dragueurs battant notre drapeau font respecter un accord fondé sur la trahison d’un « pharaon » qui a payé ses ambitions de sa vie.

Comme ils savent que sur notre territoire sont installés des missiles à têtes nucléaires dont le premier objectif n’est pas l’Est européen, mais surtout les jeunes nations qui s’opposent aux menées impérialistes occidentales.

Le gouvernement italien veut faire de notre pays’ lé gendarme de la Méditerranée, il veut accroître son sale prestige international en étouffant les aspirations légitimes et progressistes des peuples affranchis de la domination coloniale et de ceux qui se battent pour la libération nationale, mais la lutte conjointe du prolétariat italien avec le prolétariat international et avec les peuples progressiste du monde entier fera faillir ce dessein en faisant ravaler à Craxi et à ses pareils leurs intentions.

Le mûrissement accéléré de la crise capitaliste impose aux gouvernements bourgeois des choix de fond et de substance en ce qui concerne leur politique globale. La bourgeoisie italienne, en particulier, se trouve face à une alternative très nette ; une redéfinition de la société dans un sens autoritaire et belliciste en mesure de la maintenir au nombre des grandes puissances, ou bien une progressive régression dans le cercle des pays soi disants « de série B. ».

Les grands groupes monopolistes et financiers n’ont aucun doute : seule une politique intérieure de type autoritaire conviennent à la restructuration et au saut technologique dans lesquels l’économie italienne est engagée et dont le coût social est représenté par les milliers de licenciements, par le chômage et par l’accroissement de l’exploitation dans lés usines.

Et les classes dirigeantes ont déjà fait leurs choix : le « nouveau rôle de l’Italie » dans l’OTAN et dans l’échiquier méditerranéen, de l’installation des missiles à Comiso jusqu’à l’engagement militaire au Moyen-Orient, est la brutale réponse à cette interrogation.

Spadolini, chef du gouvernement au moment de l’envoi des troupes dans le Sinaï et à Beyrouth et fervent soutien de l’installation des missiles, siège triomphant au ministère de la Défense du gouvernement Craxi, comme pour symboliser la continuité belliciste qui anime les cabinets des dernières coalitions gouvernementales.

Elle est de ces derniers jours la nouvelle de l’approbation par le Sénat de crédits militaires pour presque mille milliards de lires, crédits alloués en dehors du budget de la Défense, tout comme ceux attribués pour le contingent italien au Liban. Même les fascistes du MSI ont voté pour la proposition gouvernementale.

Camarades, prolétaires,

Un vaste mouvement de masse s’est développé dans notre pays en opposition aux choix bellicistes du gouvernement Craxi. II est animé par la conscience précise de l’absolue nécessité de bloquer la course au réarmement et de retirer des mains d ’une poignée de crapules le destin de nombreux millions d’hommes et de femmes.

De ce point de vue, il s’agit d’un mouvement qui s ’oppose à l’impérialisme et qui lutte pour battre le projet gangster et belliciste de la bourgeoisie impérialiste.

Autant il est juste et important d’appuyer de toutes nos forces et de participer à ce mouvement, autant il est nécessaire de clarifier que seul le prolétariat peut gagner la lutte contre la guerre impérialiste, parce que seule cette classe sociale peut modifier radicalement les mécanismes qui provoquent la compétition entre les nations jusqu’à les entraîner dans la guerre.

La lutte contre la guerre impérialiste doit alors se souder à la lutte de là classe ouvrière contre l’exploitation, les licenciements et la politique économique du gouvernement en un front prolétarien unique et compact, conscient de la tâche historique qu’il est appelé à accomplir dans cette conjoncture critique.

Nous devons en finir avec la vague optique inter-classiste pour conquérir la direction prolétarienne de ce mouvement, l’unique direction qui soit en mesure d’assurer une perspective réelle aux aspirations de paix qui existent dans l’immense majorité du peuple italien.

Les Brigades rouges pour la construction du Parti communiste combattant son engagées à fond dans ce travail. Notre organisation est en première ligne dans la lutte contre l’impérialisme et contre le gouvernement Craxi, son représentant.

Par cette initiative combattante, les Brigades rouges s’insèrent au centre de l’affrontement social en cours dans le pays, en interprétant de manière claire et sans équivoques les intérêts généraux de la classe prolétaire.

Dans le même temps, cette initiative politique est une parole claire, notre parole et celle du prolétariat révolutionnaire, à l’égard de tous ceux qui voudraient enterrer la politique révolutionnaire dans le musée des antiquités, en mendiant ainsi plus facilement pitié aux pieds de la bourgeoisie.

Face aux mouvements de masse en lutte contre l’impérialisme, face à la mobilisation ouvrière contre le décret-escroquerie du gouvernement, enfant bâtard de l’accord du 22 janvier, que sont finalement les pleurnicheries coquines de quelques révolutionnaires d’opérette ? Tous ceux là sont déjà en train d’entrer dans les poubelles de l’Histoire.

Il est nécessaire d’intensifier la lutte contre le gouvernement pour le retrait immédiat de toutes les troupes italiennes du Moyen-Orient,-pour le refus des missiles nucléaires à Comiso, pour faire sortir notre pays de l’OTAN. Il est nécessaire d’étendre la mobilisation de masse et d’avant-garde sur ce programme politique, en unité avec la classe ouvrière et ses luttes et sous la direction du prolétariat révolutionnaire.

Le scénario que le prolétariat international a en face de lui est très précis : le capital s’apprête à lui faire payer l’addition la plus salée que ce système social est contraint à présenter périodiquement aux masses qu’il exploite et opprime : la guerre.

Mais un grand mot d’ordre unit tous les exploités : transformer la guerre impérialiste en révolution prolétarienne pour le Communisme !

Dans le mûrissement accéléré de la crise capitaliste vers la guerre, une occasion exceptionnelle s’offre au prolétariat international : celle de marquer un puissant pas en avant dans le procès global de la révolution prolétarienne mondiale, en conquérant le pouvoir politique dans un ou plusieurs pays capitalistes.

En particulier, la possibilité de vaincre la bourgeoisie dans les pays capitalistes avancés et d’asséner ainsi un coup de portée décisive à tout l’impérialisme est aujourd’hui complètement mûre.

Mais pour y parvenir, pour ne pas se trouver impréparés devant la précipitation des événements, il faut développer l’unité objective des luttes du prolétariat du monde entier dans l’unité consciente de son avant-garde communiste.

Il faut que les communistes de tous les pays se situent résolument sur la voie de la construction de la nouvelle Internationale Communiste, fondée rigoureusement sur les principes du marxisme-léninisme.

De cela, notre organisation est profondément convaincue et considère qu’il s’agit là d’un objectif historique fondamental et irrévocable à atteindre pour le mouvement communiste international.

Les Brigades rouges souhaitent et favorisent par tous les moyens à leur disposition la confrontation militante entre communistes de tous pays et se posent, avec la modestie qu’il se doit, mais aussi avec une ferme volonté, comme point de référence de ce processus politique essentiel.

Unité du prolétariat avec les peuples progressistes dans la lutte contre l’impérialisme !

Intensifions et organisons la lutte contre la politique belliciste et antiprolétaire du gouvernement Craxi !

Etendons la mobilisation de masse et d’avant-garde sur ces mots d’ordre : • Retrait immédiat des troupes italiennes du Moyen-Orient ! • Non aux missiles à Comiso et au réarmement ! • L’Italie hors de l’OTAN !

Février 1984

Pour le Communisme

Brigades rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant

>Sommaire du dossier

Noyaux Armés Prolétaires: Premier Communiqué

[1er octobre 1974.]

Attention ! Restez à l’écart, cet équipement et cet endroit sont minés et exploseront à la moindre tentative d’interrompre cette communication.

Camarades prisonnières et prisonniers en taule, cette communication vous est destinée par les Noyaux Armés Prolétaires, qui se sont formés clandestinement en-dehors des prisons, afin de continuer la lutte des prisonniers contre le camp de l’Etat bourgeois et de sa justice.

C’est un appel à la reprise des luttes dans les prisons, qui nous ont uni avec le prolétariat de 1969 à aujourd’hui.

Contre le capitalisme violent des entrepreneurs, contre l’Etat des entrepreneurs et son gouvernement.

La réponse de l’Etat bourgeois à 5 ans de dures luttes a été la répression grandissante et une série de mesures fascistes comme le doublement des détentions préventives, et le creusement définitif de la réforme des prisons, qui est tellement prisée la propagande du gouvernement.

Le doublement de la durée est supportée par la peau de notre couche prolétarienne, avec l’active participation des révisionnistes.

Maintenant et venu le moment de montrer que nous ne laisserons aucun répit à l’application de cela ; que notre volonté et notre capacité de lutter n’a malgré tout pas disparu, et qu’en-dehors des prisons les noyaux armés prolétaires sont nés pour cela : soutenir et être au côté des luttes des prisonniers, répondre aux meurtres et aux bains de sang et à la répression de l’Etat.

Camarades prisonniers prolétaires, pour nos droits, contre la violence de l’Etat dans les prisons, les usines, les quartiers, les écoles et les casernes, contre le renforcement de la répression, révolte générale dans les taules !

Nous refusons la manière de vivre à laquelle nous force la bourgeoisie au moyen de l’exploitation, de la misère et de l’oppression.

Nous refusons d’être plus longtemps l’alibi pour les structures policières anti-prolétariennes de l’Etat.

Camarades, la répression contre nous apporte de l’aide et perfectionne le fascisme des lois de l’Etat, confirme que le pouvoir écrase de ses pieds les droits des prolétaires les plus faibles et se prépare à ainsi à écraser et pulvériser la liberté de tout le prolétariat.

Nous n’avons pas le choix : ou alors se rebeller, et lutter, ou mourir lentement dans les camps, les ghettos, dans les asiles, auxquelles nous force la société bourgeoise, de la manière violente.

Contre l’Etat bourgeois, pour son renversement, pour notre contribution au processus révolutionnaire du prolétariat, pour le communisme.

Révolte générale dans les prisons et lutte armée des noyaux à l’extérieur !

Révolte et lutte armée comme refus de tolérer la répression, qui devient un génocide social permanent de notre couche prolétarienne.

Révolte et lutte armée contre l’existence des prisons, et comme réponse à des dizaines d’années de torture, à des centaines de meurtres, qui sont faits sans peur de punition par les bourreaux du système dans les prisons, les asiles, les maisons de redressement.

Les Noyaux Armés Prolétaires ont comme centre des camarades qui ont supporté la taule, avec une expérience combattante et politique.

Ils l’ont supporté comme nous, camarades, couchés de force dans les quartiers d’isolement, ils ont supporté les mauvais traitements des geôliers et les tortures des prisons psychiatriques, et ils n’ont pas oublié !

Camarades prisonniers, les crimes des larbins de l’Etat qui torturent ne seront plus impunis : aux bourreaux fascistes, aux exécuteurs de la répression des taules et des asiles, nous ferons le procès, ils seront condamnés selon la justice prolétarienne.

Contre toutes les violences qu’endurent les prolétaires emprisonnés, nous devons répondre avec le seul slogan de classe dans toutes les situations d’oppression et d’exploitation du prolétariat : la reprise de notre lutte de masse !

Hors des taules ceux qui luttent pour le communisme, pour les riches les cloaques.

Contre le fascise de l’Etat, la violence organisée du prolétariat emprisonné !

Camarades, n’oubliez pas que les fascistes sont les mêmes porcs qui réclament avec acharnement le rétablissement de la peine de mort, la revalorisation générale des peines de leur infâme code pénal, des traitements durs dans les taules, et ils font toujours les premières propositions les plus réactionnaires et liberticides.

Camarades, n’oubliez pas cela chez ceux qui sont proches de vous, isolé, et tapez les fascistes, et souvenez-vous que nos bourreaux sont aussi les matons, la police, les vigiles et les capitalistes.

Camarades prisonniers, dans cette phase de la lutte de tout le prolétariat contre le pouvoir bourgeois, qui tente de réaliser sa plus haute tentative réactionnaire et anti-prolétaire, dans la mesure où il entreprend une attaque à la base des conditions de vie et des libertés prolétaires dans les usines et les quartiers d’habitation, dans le cadre d’une crise économique et politique de l’impérialisme mondial, dans la mesure où le chômage s’accroît, où la répression et la police se renforcent, et en conséquence le nombre de prolétaires emprisonnés s’agrandit.

Cela, notre cadre de lutte, signifie l’unité avec la lutte de tout le prolétariat, et propose de chercher une relation avec un pouvoir victorieux et une stratégie qui voit la classe ouvrière à la tête de la confrontation de toutes les couches du prolétariat.

Notre plate-forme vise la poursuite de ces buts :

Lutter contre les lois fascistes comme moment d’unité politique du prolétariat contre un instrument de pouvoir à la base comme conditionnement oppresseur ;

Lutter pour la démocratisation interne des prisons et pour l’application de réformes radicales qui considèrent le système en entier, la possibilité réelle et effective d’user de ses droits politiques et humains inaliènables que la plate-forme a cité.

Autogestion, démocratisation, comme aboutissement capable de développement de notre lutte pour les masses emprisonnées, qui ne peuvent passer que dans une pratique de lutte de masses amorphes et instrumentalisables à des masses conscientes de leur droits et devoirs de classe par rapport au processus révolutionnaire général.

Nos buts immédiats sont :

Abolition des prisons psychiatriques, qui sont de véritables camps nazis et une vengeance terroriste sur les prolétaires emprisonnés ;

Abolition des camps de redressement, lieux d’origine de la violence contre la jeunesse prolétaire, qui par leur programme assure au pouvoir bourgeois la continuité de cette délinquance dont elle a à tout prix besoin pour justifier l’appareil policier et la justice d’Etat ;

Amnistie générale et sans conditions sauf pour la mafia et les bourreaux nazis, comme petit adoucissement des dommages subis avec les lois fascistes ;

Abolition immédiate de la notion de  » récidiviste  » ;

Mise en place d’une commission non-parlementaire par des camarades meneurs de luttes d’usine et de quartier, afin d’enquêter sur les tortures, les mauvais traitements et les meurtres qui ont été commis dans les taules et qui continuent à être commis ;

La vérité sur les camarades exécutés à Florence, et sur le bain de sang que le pouvoir a ordonné à ses bourreaux à Alessandria.

Camarades, pour la poursuite de ces buts, les Noyaux Armés Prolétaires contribuent dehors par des actions, qui sont toujours plus nécessaires.

Ces actions de propagande pour les luttes ont été mené par un noyau externe du mouvement des prisonniers.

Vive le communisme !

Vive la lutte des prisonniers !

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Brigades Rouges : la seconde position (1984)

[Le document suivant consiste en de longs extraits de différents documents italiens d’octobre-novembre 1984, notamment de celui intitulé « Une bataille politique importante au sein de l’avant-garde révolutionnaire italienne ».

Tous appartiennent au courant de la « seconde position », regroupant une partie significative des Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant (br-pcc) : environ un tiers des militants, la majorité de la direction.

Les « militants de la seconde position » à l’origine de ces textes expriment leur opposition à la majorité (la « première » position) au sujet de l’interprétation de la nature des Brigades Rouges.

Une première tentative de « dépassement » avait déjà eu lieu dans un sens de la « guerre sociale totale », prônée par le Parti Guérilla du Prolétariat Métropolitain, théorisée notamment dans Gouttes de soleil dans la cité des spectres, de Renato Curcio et Alberto Franceschini. L’effondrement de ce courant fut extrêmement rapide.

La seconde position tente pareillement un « dépassement », mais dans un sens pragmatique-machiavélique, le parti clandestin fonctionnant selon des normes, des principes, des méthodes qui forment son identité, et étant résolument séparé des masses en raison de la différence du niveau de conscience.

C’est une réduction du Parti à une technique et la révolution à une méthode, et inversement.

Pour cette raison, la seconde position considère comme erronée l’interprétation d’un Parti comme expression synthétique de l’antagonisme vivant dans le prolétariat, interprétation qu’elle lit comme une dégradation utilitariste du Parti.

Elle rejette par conséquent l’insistance mise sur le Parti comme fruit de la rupture subjective dans le cadre d’un système capitaliste asséchant autant que possible l’antagonisme.

Elle n’admet pas que cette subjectivité soit en mesure de s’élever jusqu’à un positionnement antagonique au cœur de de ce qui serait alors un système formant le processus révolutionnaire, comme mouvement anti-système.

La seconde position donnera naissance à l’UdCC, ainsi qu’à une petite structure dénommée Noyau pour la fondation du Parti Communiste Combattant rejetant l’UdCC comme aventuriste.

L’UdCC s’effondrera dans la seconde partie des années 1980, le Noyau cédant la place à la Cellule pour la constitution du Parti Communiste Combattant, qui aboutira à la formation d’un Parti Communiste Politico-Militaire au début des années 2000.]

Dans cette phase du rapport révolution / contre-révolution, le processus révolutionnaire ininterrompu en étapes signifie que le processus révolutionnaire s’ouvre avec les forces révolutionnaires ayant obtenu leur maturité dans les luttes, qui sont prêtes, à se confronter immédiatement avec l’État.

La lutte armée n’est plus la dernière forme de lutte, qui serait propre à la phase finale de la confrontation, mais une stratégie politico-militaire, qui conduit, dans cette époque historique, la révolution prolétarienne du début à la fin.

La forme de l’attaque « finale » contre l’État n’est en fait plus un problème actuel, à moins qu’on ne veuille l’inventer (…).

L’erreur principale de l’Organisation et son abandon du marxisme-léninisme peuvent être résumés dans la perte de substance des trois moments centraux qui distinguent les BR du « combattisme » des années 1970 :

1. La question de l’État, 2. la question du Parti et 3. la centralité de la classe ouvrière.

La conception du Parti en particulier, de se construire parallèlement et en même temps aux organismes révolutionnaires de masse, nie l’essence du principe léniniste du Parti comme unité de l’avant-garde et de la conscience, qui se situe à l’extérieur du prolétariat (…).

Il appartient au Parti de trouver et d’indiquer les objectifs vers lesquelles tendent la lutte et la lutte armée, et les étapes qui doivent être atteintes.

Plus précisément, il s’agit d’indiquer les points focaux politiques principaux où se concentrent momentanément le caractère antagonique entre la classe et l’État.

Le programme doit prévoir la modification des rapports de force, la désarticulation des projets dominants de la bourgeoisie, l’Organisation de l’avant-garde révolutionnaire pour la stratégie du Parti, la conquête de l’antagonisme pour le programme révolutionnaire, et par la pratique, qui s’évalue par rapport aux succès concrets, dans la mesure où il s’agit de la pratique de la direction de l’avant-garde et de la classe que d’utiliser politiquement et militairement les contradictions et les failles de l’ennemi.

En ce qui concerne la bourgeoisie, il est facile de comprendre que c’est son projet central que de faire avancer, avec le meilleur résultat possible d’une paix sociale atteignable, son projet (redéfinition pour le renforcement du pouvoir du gouvernement, redéfinition politique, économique et militaire du caractère du rapport classe / État, des relations avec les syndicats jusqu’aux réformes institutionnelles, afin de mettre en œuvre la « rénovation » et l’intégration réorganisée dans le champ impérialiste (…).

L’Italie est un pays impérialiste et les principales classes en quoi notre société se partage sont la bourgeoisie et le prolétariat ; la dictature de la classe bourgeoise sur le prolétariat a la forme d’une démocratie parlementaire, qui s’appuie sur des élections générales.

La nature de l’étape de notre révolution est par conséquent la révolution prolétarienne et la seule classe sociale intéressée à cela est exclusivement le prolétariat ; pour cette raison, le prolétariat et son parti révolutionnaire ne peut pas faire d’union avec d’autres classes ou d’autres fractions de classe, car ils doivent profiter de chaque occasion afin de former une hégémonie de la classe prolétarienne sur les fractions de classe ou groupes sociaux hésitants ou instables (…).

Les principaux points de référence pour la révolution prolétarienne restent comme auparavant la Commune de Paris et avant tout la révolution prolétarienne d’Octobre 1917 en Russie.

Les reculs momentanés de la révolution en URSS ne portent atteinte en rien la valeur des leçons provenant de cette expérience.

Une attention particulière doit de plus être porté sur l’expérience de l’Internationale Communiste dans les pays impérialistes et en particulier en Allemagne de 1919 à 1933.

Dans les pays impérialistes et dans la situation historique présente, le vide en théorie politique qui existe essentiellement dans le mouvement communiste depuis la dissolution de l’Internationale Communiste, ne peut être dépassé que par un approfondissement théorique et pratique des leçons de la pensée révolutionnaire spécifiquement léniniste (…).

S’il est nécessaire de soumettre à la critique l’aspect négative de la théorie du soulèvement de l’Internationale Communiste, est également expressément à rejeter la théorie de la « guerre de classe de longue durée », qui avec différentes variantes est celle de toutes les expériences de la guérilla urbaine communiste.

Dans les pays impérialistes, pour une longue période, c’est la dimension des luttes de classe qui l’emportent et la tâche principale du Parti marxiste révolutionnaire est et reste d’amener à un niveau plus élevé la conscience et l’organisation révolutionnaire des masses (…).

Il doit être affirmé très clairement que la lutte armée n’est pas une stratégie, ce n’est qu’une méthode décisive de lutte dans les mains du Parti Communiste Combattant, depuis le début du processus révolutionnaire.

La raison pour laquelle le Parti promeut les initiatives combattantes est l’éducation des masses à l’idée de la nécessité de la confrontation violente avec la bourgeoisie, et en même temps de préparer les conditions militaires pour la victoire de la révolution.

Autrement dit, le Parti utilise parmi ses méthodes de lutte la lutte armée, afin de remanier au profit du prolétariat les lois de la politique suivant les lois de la guerre, dès que la situation révolutionnaire commence (…).

La lutte armée doit, pour cette raison, se rapporter aux grandes questions politiques et sociales au centre de la vie de notre pays et ne peut pas anticiper les périodes objectives de la révolution, même s’il en est un élément subjectif important de ces périodes.

La seule vraie stratégie dans les mains du prolétariat, c’est, une fois pour toutes, le marxisme-léninisme.

Il est pour cette raison nécessaire de repenser la vision que les Brigades Rouges avaient de la politique révolutionnaire (…).

Deux ans et demi après la défaite de 1982, un bilan autocritique de notre expérience n’est pas que nécessaire, mais aussi possible, afin de réaliser une théorie et une pratique révolutionnaires qui ont connu leur maturité au milieu de la confrontation, y compris avec les erreurs commises (…).

Les Brigades Rouges sont apparues en Italie après vingt années de paix sociale relative, caractérisée par le cycle de diffusion du capital après la seconde guerre mondiale et par l’administration révisionniste de l’antagonisme prolétarien, qui vise à continuer une situation de réconciliation entre les intérêts de classe, qui lui permet une légitimation de sa position comme force politique « démocratique », qui puisse progressivement se placer dans les rangs des forces gouvernementales (…).

La diffusion, la maturité, la durée et le caractère prolétarien fortement marqué, qui se sont exprimés dans notre pays dans ce cycle de lutte, forment la condition pour la formation d’un mouvement révolutionnaire large (…).

Dans cette situation, les Brigades Rouges ont réalisé la rupture historique concrète tant avec le pacifisme qu’avec le vélléitarisme de groupes et les postures ML impotentes, et ont placé en pratique sur un plan marxiste-léniniste la substance de l’alternative prolétarienne révolutionnaire contre le système bourgeois des partis – malgré des limites évidentes d’une expérience venant de se former.

Et elles firent cela avec la proposition stratégique de lutte armée pour le communisme, comme condition imprescriptible dans cette époque historique, pour mener la politique révolutionnaire, pour fournir aux luttes de masses une perspective et une percée qui ait du succès (…).

L’état de pacification que la bourgeoisie a assuré dans les pays les plus forts de la chaîne [impérialiste] est la preuve la plus claire de comment la résolution des vagues et des cycles de lutte antagoniques, y compris violentes, est possible sur une base économique à l’intérieur d’un cadre d’union avec les besoins capitalistes et les besoins bourgeois.

Et cela, malgré que les faits concrets prouvent bien quel futur l’impérialisme a à proposer au prolétariat international : une nouvelle guerre mondiale.

Dans ce cadre, la lutte armée pour le communisme n’est pas un moyen de propagande, afin de pouvoir être mené ensuite, ce n’est pas la dernière forme de lutte, qui est propre à la phase finale de la confrontation, mais c’est la stratégie qui du début à la fin conduit la confrontation nécessairement prolongée avec l’appareil d’État bourgeois (…).

Une grande clarté est nécessaire : ce n’est pas la lutte armée pour le communisme qui a été vaincu en Italie, mais ses concepts idéalistes et ses conceptions « immédiatistes », qui l’ont emporté dans le mouvement révolutionnaire et même à l’intérieur des Brigades Rouges (…).

L’adéquation d’une structure stratégique et de la construction de cadres du parti ne peut pas être évaluée selon sa pureté théorique abstraite, mais vérifiée par l’ancrage des principes marxistes-léninistes vérifiés et vérifiables dans la pratique concrète du processus révolutionnaire, dans la compréhension et dans la capacité d’utilisation du critère prolétarien et révolutionnaire de critique – autocritique – transformation (…).

La formation d’un mouvement révolutionnaire ne va pas de paire avec la conquête de l’ensemble du prolétariat pour les objectifs de la guerre de classe.

Si c’est le cas, c’est le but de la phase de la dictature du prolétariat et du renforcement de l’État prolétarien, lorsque les masses, l’ensemble du prolétariat, sont impliqués dans la continuation de la lutte de classe.

Cela, parce que le mouvement prolétarien ne se conçoit pas comme unité, mais comme résultat de différents niveaux de conscience, qui ne se recoupent pas et ne doivent ainsi pas être aplanis et être remplaçables les uns par les autres.

Le critère général est qu’un Parti doit avoir une influence profonde sur les dynamiques de la lutte des classes, à l’intérieur de l’ensemble du prolétariat par conséquent, mais comme il représente son élément conscient et organisé, il ne peut pas aplanir ses propositions au niveau moyen atteint par les « masses combattantes », mais fixe le niveau le plus mature comme base réelle, sur laquelle le développement du processus révolutionnaire de la classe est possible et nécessaire (…).

Les étapes avec lesquelles se divisent la guerre révolutionnaire dans la métropole dépendent par conséquent de l’ensemble des nécessités politiques, qui sont conditionnées par l’activité dynamique de l’avant-garde / la lutte des masses / l’État contre-révolutionnaire, et pas par la « capacité de feu » que les avant-gardes sont en mesure d’exercer, ni par la violence exercée par les masses.

Justement comme la lutte armée n’est pas un instrument, il est nécessaire d’en arriver aux buts généraux pour l’ensemble de la classe qui permettent de « calibrer » et de régler l’activité de la lutte.

Et cela est encore plus vrai dans les pays impérialistes, en raison des propriétés structurelles dans lesquelles se manifestent la confrontation de classe (…).

Une autre propriété fixée de la guerre de classe dans les pays impérialistes est qu’elle se déroule au cœur de la domination bourgeoise, c’est-à-dire qu’elle vit et se développe dans les métropoles.

Elle ne se sert pour cette raison pas de processus comme l’encerclement du pouvoir ennemi, comme l’attaque depuis une « base arrière » où elle se replie jusqu’à l’offensive finale.

C’est-à-dire que ne sont pas possibles, dans les métropoles, les « bases rouges », les zones libérées, où les forces révolutionnaires peuvent exercer un contre-pouvoir réel dans les conditions de rapports de force favorables.

La lutte armée dans les métropoles, qui vit toujours en « contact étroit » avec la contre-révolution, ne peut pas compter sur « ses territoires », car de par les forces ennemies de plus grand poids, elle serait anéanti en un éclair » (…).

« Avec sa re-proposition persévérante du Marxisme-Léninisme, les Brigades Rouges ont, par la mise en pratique de la conception de l’attaque au cœur de l’État, gagné une bataille importante contre le spontanéisme armé et accéléré le fait de démasquer le révisionnisme (…).

De la proposition « conquérir les masses pour la lutte armée » découle le principe idéaliste selon lequel « il n’y a pas de Parti sans organisation révolutionnaire de masse, il n’y a pas d’organisation révolutionnaire de masse sans le Parti ».

Avec ce principe, la formation du Parti se déforme dans la nécessité d’organiser les masses en même temps sur les terrains politiques, militaires et organisationnels, quelque chose qui est propre aux avant-gardes.

Ce principe amène à confondre l’organisation révolutionnaire des masses avec le noyau des avant-gardes qui étaient étroitement liées aux Brigades Rouges, se mobilisaient sur les mots d’ordre des Brigades Rouges et apparaissaient dans les domaines ouvriers et prolétariens comme représentation tragique des tâches des avant-gardes révolutionnaires et des masses organisées (…).

C’est sur les théories nébuleuses et « fascinantes » sur l’époque post-industrielle, sur la fin de la validité de la valeur-travail, sur les travailleurs sociaux, que se fonde l’idéologie entièrement subjectiviste du rejet de la fonction historique du prolétariat métropolitain, du fait de guider le processus révolutionnaire de destruction de l’État et du mode de production capitaliste, où les changements possibles ultra-révolutionnaires sont rêvés comme se produisant dans les rapports de production dominant, et leur validité s’appuyant sur les transgressions violentes de différentes composantes ou subjectivités.

Avec cette logique, le mode de production capitaliste disparaît tout simplement, et avec lui toute l’ordure des rapports sociaux qu’il a produit. Le rapport entre base et superstructure se renverse et avec cela, c’est la gradualité temporelle nécessaire du processus révolutionnaire qui disparaît (…).

La tendance à la guerre apparaît comme une nécessité objective, comme contre-tendance principale à la crise de superproduction ; ce n’est en effet que dans la destruction de capital, de force de travail, de marchandises et de forces productives en excès que les vainqueurs peuvent rendre possible un « nouveau développement en grand style », garantir des parts de marché, l’accès aux matières premières, finalement un repartage des marchés et du travail sur la base d’un nouvel ordre économique mondiale, plus favorable au capital le plus fort (…).

Pour son activité, le Parti révolutionnaire doit entreprendre le renversement du rapport de forces, la désarticulation des principaux projets de la bourgeoisie, l’organisation des avant-gardes révolutionnaires pour mener la stratégie du Parti, la conquête de l’antagonisme pour le programme révolutionnaire ; et cela avec une pratique, qui est évaluée par les succès concrets et qui vise à former des rapports de force favorables momentanés, permettant d’être victorieux et d’avancer sur des positions plus évolué (…).

Le concept de « social-impérialisme » employé par Mao Zedong pour montrer que l’attitude soviétique était « du socialisme dans les mots et l’impérialisme dans les faits », est inapproprié au sujet au moins de deux aspects :

1. Cette définition donne à comprendre que l’impérialisme serait une politique, une attitude. Ce n’est pas un hasard que la critique du modèle soviétique se transforme en une critique de la politique extérieure de l’URSS et de son agressivité.

2. De plus, la définition de Mao Zedong donne comme contradiction principale de la formation soviétique celle entre la structure économique capitaliste et la superstructure idéologique socialiste, ce qui donne une avance à la propagande révisionniste, selon laquelle le passage au communisme serait possible par une révolution technico-scientifique finale et un développement plus grand des forces productives.

En réalité, les choses sont plus complexes. Le développement capitaliste en URSS devait tenir compte des structures économico-productives héritées de la période révolutionnaire qui, étant donné qu’elles reposaient sur l’étatisation des moyens de production et l’économie planifiée, empêchaient que – tout comme dans les autres pays capitalistes et par conséquent du point de vue capitaliste – que soit atteint le niveau productif et technologique des pays occidentaux (…).

Nous ne pouvons ici nous confronter avec le problème théorique complexe et la spéculation marxiste-léniniste quant au passage échoué au communisme en URSS et comme en Chine (…).

Le monde est divisé en deux grands systèmes de rapports impérialistes, qui sont poussés à la confrontation directe par la crise. La tendance à la guerre inter-impérialiste est aujourd’hui la contradiction principale.

Et précisément l’existence de ces facteurs amène la possibilité de placer la révolution à l’ordre du jour, tout comme la convergence des raisons d’alliance entre le prolétariat international et les peuples en lutte contre la mise impérialiste en esclavage (…).

En ce sens, il doit être dit qu’en raison de l’acuité de ses contradictions et en raison de la crise de surproduction de la chaîne occidentale sous domination des Etats-Unis, cette chaîne est l’ennemi principal du prolétariat international et des peuples du tiers-monde, parce que les raisons pour sa course à l’armement et une politique agressive sont davantage « vitaux ».

Cela ne doit pas nous amener à sous-estimer la nature du concurrent et à penser de manière « maligne », quelle qu’elle soit, qu’on pourrait « l’utiliser » pour les objectifs de la révolution prolétarienne (…).

Nous proposons une conception pour le travail et la discussion, qui reposent sur :

I. Une mise en participation authentiquement internationaliste des organisations, qui se construit dans l’alliance et la solidarité militante avec tous les peuples et forces progressistes du monde qui luttent contre l’impérialisme.

II. Travailler à la construction de l’Internationale Communiste, sur le base de définitions précises :

a) sur la base idéologique et théorique du marxisme-léninisme,

b) par la reconnaissance du caractère stratégique de la lutte armée pour le communisme, dans l’acceptation de la différenciation de son utilisation selon les conditions sociales-politiques-idéologiques différentes,

c) avec une redéfinition – en raison des changements révolutionnaires – du champ des Partis Communistes révolutionnaires, qu’ils soient au pouvoir ou pas (…).

Au début des années 1980, en particulier en 1982, il y a une sévère césure dans la continuité du processus de construction qui s’était déroulé de manière essentiellement sans interruption pendant les dix premières années d’activité de notre organisation.

De ce difficile test, l’organisation s’en est sortie avec un nombre fortement réduit de membres, puissament affaiblie dans le domaine des moyens politiques et organisationnels à sa disposition, affaiblie en influence et en prestige dans les masses.

Il s’est avérée de plusieurs parts que la campagne de répression lancée tous azimuts par l’État contre le mouvement révolutionnaire n’a fait que révéler et développer des enchevêtrements et des symptômes d’une crise politique profonde, qui existait déjà avant les tortures, avant la trahison et avant les arrestations de masse.

Rien qu’un regard superficiel sur ce qui se passe dans les prisons et les tribunaux parmi les prisonniers politiques de notre pays le confirme : à part les véritables traîtres, la large majorité de ceux et celles qui ont été ces dernières années une partie du mouvement révolutionnaire rejettent ses propres choix et souhaitent le début de négociations avec l’État, afin d’être libérés dans un proche avenir.

Il est désormais vraiment impossible de fermer les yeux sur cette pénitence à Canossa monumentale et en même temps ridicule – tragique d’anciens combattants, qui se courbent devant les pires valeurs de la société bourgeoise, livrent aux masses prolétariennes de notre pays un spectacle déshonorant, dont nous allons payer le prix encore longtemps (…).

Immédiatement après la libération du général américain Dozier, notre Organisation a considéré comme nécessaire de dresser un bilan profond de tout l’arc de notre expérience et a proposé pour cette raison à l’ensemble du mouvement révolutionnaire la « retraite stratégique », c’est-à-dire la nécessité d’un laps de temps pour, après les coups encaissés, en arriver à une redéfinition générale des avant-gardes révolutionnaires.

Une fois de plus, l’histoire a pris sur elle de confirmer la validité du principe léniniste, selon lequel on doit évaluer le sérieux d’un parti politique avec sa capacité de se confronter à ses erreurs : nos critiques d’alors de « gauche », en particulier ce pouilleux « Parti-Guérilla du prolétariat métropolitain », qui a prôné et mené des actions militaires éhontées dans toute l’Italie, qui nous accusait de trahir la lutte des classes, a désormais disparu comme force organisée et a découvert dans les prisons, avec retard, l’individualisme, la beauté de la vie sociale et même, comme perle des perles, la religion (…).

Cette période de réflexion critique générale qui dure depuis 1982 et qui n’a également pas empêche aux Brigades Rouges de lutter à un niveau qui est politiquement et militairement le plus haut de son histoire, en est désormais arrivée à son point décisif.

Deux positions, qui concernent les problèmes théoriques et politiques importants de l’ordre du jour de nos discussions internes, se confrontent ; on se sépare au sujet des questions de stratégie et de tactique, sur l’évaluation du passé, tout comme sur l’art et la manière de l’activité future.

Mais pourquoi, pourrait-on se demander, est-ce qu’une organisation décimée par les arrestations et restées pratiquement toute seule dans la lutte avec les armes contre l’État, voudrait encore plus s’affaiblir par une scission interne ?

De quoi s’agit-il avec ces différences de points de vue ?

Avec la plus grande ouverture il faut reconnaître qu’avec notre confrontation, il en va de deux conceptions totalement différentes aujourd’hui à l’intérieur des Brigades Rouges, quant au processus révolutionnaire et la tâche de l’avant-garde.

Une conception se fonde sur l’idée qu’elle croit possible – à partir de l’activité du parti révolutionnaire – de mener une « guerre de classe de longue durée » dans un pays impérialiste comme l’Italie, et c’est une thèse qui, grosso modo, était celle de notre organisation depuis sa fondation et qu’on peut également appeler « stratégie de la lutte armée ».

L’autre conception, partant d’une évaluation concrète des effets que cette thèse employée a produite dans la réalité italienne (bien entendu les effets positifs comme négatifs) et dans la prise en considération de certaines leçons fondamentales du marxisme et du léninisme, est d’avis que la forme que prend la guerre révolutionnaire dans notre pays est tendanciellement celle de l’insurrection, et que les tâches du Parti consistent à guider les masses, par son activité révolutionnaire, à cette réunion historique.

Que chaque politique révolutionnaire est essentiellement, mais pas exclusivement, alignée sur la lutte armée.

On pourrait poser le problème ainsi : considérée de manière essentielle, est-ce que les leçons de la révolution d’octobre dans un pays impérialiste sont encore valables, ou bien les choses se sont-elles développées jusqu’au point où ce serait un effort vain et même contre-productif que de se rapporter à cet événément fondamental ?

Bref, il en va de la chose suivante : est-ce que la conception que Lénine avait de la révolution doit être approfondie, ou bien au contraire faut-il la dépasser ? (…)

La thèse affirmée dans le travail suivant est qu’il faut approfondir le léninisme et non pas le dépasser.

De notre point de vue, la définition connue que Staline donne dans son œuvre « Sur les fondements du léninisme », comme quoi le léninisme est le marxisme de l’époque impérialiste et de la révolution prolétarienne, est totalement valable, également soixante ans après sa formulation.

L’idée d’une « guerre prolongée », qui est un point cardinal de base pour la révolution de nouvelle démocratie et pour la libération nationale des pays opprimés par l’impérialisme, doit être rejetée par conséquent dans les pays impérialistes, parce qu’elle alimente le subjectivisme et l’aventurisme petit-bourgeois (…).

En ce qui concerne, aucune activité révolutionnaire se comprenant comme marxiste-léniniste n’est pensable en dehors des Brigades Rouges, car il n’y a que notre Organisation qui est mesure de tirer le bilan scientifique et militant (c’est-à-dire capable de le transformer en pratique révolutionnaire) des contributions et des limites de l’expérience révolutionnaire qui a été faite au cours des années 1970.

Et qui est capable, avec précision, de savoir quels sont les éléments positifs qui ont été conquises ou sont encore à conquérir dans le patrimoine historique du mouvement communiste international, et de définir clairement les concepts d’une véritable stratégie et tactique révolutionnaires.

Ici, la leçon principale tirée de l’expérience des années 1970 est celle qui est la source de notre Organisation : que la lutte armée est la partie décisive dans la question de la politique révolutionnaire d’un parti marxiste, également dans une situation non révolutionnaire.

En second lieu doit être expliqué ce que nous comprenons par approfondissement de la conception léniniste de la révolution et pourquoi nous l’opposons à la ligne théorique et pratique de son dépassement.

L’application de la théorie de Mao Zedong d’une « guerre populaire prolongée » à la réalité sociale et historique dans les pays impérialistes amène selon nous inévitablement à une distorsion profonde du léninisme, jusqu’à atteindre son noyau dur.

Cela est de fait facile à montrer et notre historique l’a montré en toute clarté : même si l’on essaie le plus possible d’être de sincères marxistes-léninistes, autant qu’on veuille éviter les schématisations, si l’on veut appliquer cette théorie dans les pays du capitalisme moderne, on en arrive de manière forcée à une optique non-léniniste concernant le rapport conscience – spontanéité et la mise en pratique de la lutte politico-économique.

On en arrive à sous-estimer le rôle éducateur et politique du parti révolutionnaire et on le transforme, d’un sujet conscient de la lutte pour le pouvoir, en un simple organisateur d’une disponibilité révolutionnaire des masses considérée comme certaine.

Et finalement, comme on se place à l’extrême du contre-pôle, on renverse l’idée marxiste-léniniste de « l’exception » de la réunion des conditions objectives et subjectives pour les révolutions socialistes prolétariennes, et on assume une sorte de philosophie moderne de la pratique, finalement un héritage raffiné du marxisme « critique » (…).

En ce sens, la collision politique qui existe aujourd’hui dans notre Organisation se manifeste également comme collision de points de vue théoriques et finalement comme collision de deux méthodologies différentes (…).

La rupture avec le révisionnisme – et avec le révisionnisme le plus fort en Europe – a pris des caractéristiques de radicalité révolutionnaire et d’enracinement dans la société, qui sont inconnues dans les autres pays : l’Italie a fait l’expérience d’une lutte de classe aiguisée, qui ont modifié de manière profonde certains traits de notre société et ont mis dans les mains du prolétariat une accumulation d’un énorme patrimoine d’expériences, au sujet desquelles il en va de réfléchir et dont il est possible de tirer des leçons utiles (…).

Nous rejetons la position qui considère qu’il est possible de séparer notre histoire de l’histoire générale du mouvement communiste international, en raison d’une prétendue « originalité » (…).

S’il est juste que la lutte armée modifie le rapport de forces entre les classes, elle ne réalise cela que dans le sens communiste, parce qu’elle contribue à élever la conscience et l’organisation révolutionnaire.

Autrement considéré, le problème n’aurait que deux autres solutions et les deux ne sont pas marxistes :

1. la lutte armée modifie le rapport de force, parce qu’il améliore les conditions de vie des masses : « interprétation réformiste » ;

2. la lutte armée modifie le rapport de force, parce qu’il renforce le pouvoir des masses : cette interprétation, dans un pays comme l’Italie, où avant la conquête du pouvoir politique le vrai seul pouvoir aux mains des masses consiste en leur conscience et leur organisation révolutionnaire, sous-tend de manière inévitable à la pensée d’un « pouvoir croissant, un contre-pouvoir », un « système de pouvoir », qui n’a ici aucune base concrète à part dans le paradis hospitalier des idéologies dont nous cherchons – péniblement – à nous sortir (…).

Si l’on se base là-dessus, alors on doit reconnaître, que ces enseignements [de Lénine], appliqués à la réalité italienne de notre époque, une réalité donc qui a évolué par rapport à la Russie de 1917, amènent à ce que la forme que prend la guerre révolutionnaire dans notre pays est tendanciellement celle d’une insurrection.

Une insurrection il est vrai, qui est celui correspondant à la présente situation, qui se confronte à un Etat qui est autrement et d’une manière supérieure politiquement et militairement que l’État tsariste d’avant 1917, mais c’est toujours une insurrection.

Et si la polémique entre les représentants de l’insurrection et ceux de la guerre prolongée dérange, alors il faut expliquer que derrière les mots se cache entièrement l’art et la manière avec lesquels est conçu l’activité politique du Parti Communiste Combattant à fonder.

Bref, cela cache deux manière antagoniques d’interpréter le rapport marxiste entre théorie et pratique (…).

Que l’on apprécie ou non, la théorie de la guerre prolongée, de la stratégie de la lutte armée, etc., n’est pas une application marxiste-léniniste à la réalité italienne, mais précisément le contraire : c’est la conséquence idéologique d’une pratique considérée comme juste tel un présupposé.

C’est le triomphe de l’éclectisme sur tout effort visant à aborder le problème de la révolution prolétarienne dans notre pays de manière sérieuse (…).

En ce sens, la signification historique de l’expérience des Brigades Rouges est d’avoir montré que la question de la lutte armée est une partie du problème de la politique révolutionnaire d’un parti marxiste moderne.

Que la lutte armée est la méthode de lutte fondamentale et décisive d parti révolutionnaire, qu’elle est également dans une situation non révolutionnaire un excellent moyen pour élever la conscience et l’organisation révolutionnaire des masses exploitées.

En ce sens et en ce sens seulement, on peut dire que notre expérience est une critique militante aux manques de la théorie de l’insurrection de l’Internationale Communiste : l’Internationale Communiste concevait le soulèvement comme le couronnement militant d’une longue phase d’activités politiques légales qui s’appuyait sur l’action parlementaire ; et du moment où le centre de gravité de l’activité politique s’est déplacée au parlement, le problème du soulèvement a été pratiquement perdu des yeux.

Autrement dit, les frontières qui séparent la phase politique de la confrontation sociale de la phase militaire, la frontière qui sépare la situation révolutionnaire de la situation non-révolutionnaire, a été considérée comme une séparation, alors que pour la dialectique une frontière n’existe qu’en ce qu’elle met en relation les deux réalités, qui laisse couler l’une dans l’autre et qui forme dans des situations historiques particulières une unité des contraires (…).

Cependant, le prix payé en tribut au révisionnisme, en ce qui concerne la solidarité théorique avec ce choix [ la lutte armée avec comme objectif la construction parti révolutionnaire moderne], a été haut.

Dans la tentative de se différencier des pratiques bureaucratiques ou conciliatrices du parti communiste révisionniste, de ce représentant officiel de « l’orthodoxie », beaucoup des arguments théoriques de notre Organisation se sont développés en-dehors du marxisme-léninisme ; même la référence au socialisme scientifique était ambiguë, discontinue, indécise ; les dérapages théoriques étaient la conséquence inévitable de ces contradictions.

Il s’agit sans conteste de problèmes qu’ont en commun toutes les avant-gardes qui se sont formés dans les pays européens au cours des années 1970 (…).

La lutte contre l’éclectisme théorique, dont les implications s’étendent sur toute la durée de l’activité révolutionnaire [des Brigades Rouges] est la condition fondamentale pour pouvoir fonder le Parti Communiste Combattant (…).

La crise économique actuelle est une crise générale du mode de production capitaliste, qui accélère le développement des contradictions dans le monde entier et pressent les puissances impérialistes à l’intensification de la course à l’armement et aux préparatifs de guerre.

Ainsi se rapproche indubitablement le temps où se mettent violemment en branle les mouvements sociaux et qui est définie comme la grande occasion pour la révolution dans chaque pays.

Eu égard à cette situation, qui est difficile et compliquée, comme également plein de développement positif potentiel, le mouvement révolutionnaire et progressiste du monde marche séparément et sans aucune direction.

En particulier, le rôle des véritables communistes, des marxistes-léninistes cohérents, apparaît parfois comme faible et secondaire, et parfois il n’y a même pas une trace d’eux et la lutte des classes et du peuple repose principalement dans les mains des partis révisionnistes, nationalistes et même réactionnaires (…).

L’interruption du développement en URSS et sa transformation de pays socialiste en pays capitaliste amènent encore aujourd’hui de grands problèmes pour tout révolutionnaire conséquent, en ce qui concerne la compréhension théorique, tout comme de nombreuses difficultés sur le plan pratique (…).

Ce qui doit être avant tout clair, c’est que l’URSS est une puissance impérialiste. Une puissance impérialiste qui a il est vrai encore des traits de l’époque socialiste en soi, et qui justifie ses actions par une phraséologie marxiste, mais reste pourtant une puissance impérialiste (…).

La bataille révolutionnaire contre l’impérialisme soviétique et contre les « voies pacifiques nationales au socialisme » des Tito, Togliatti, Thorez, etc. a commencé de manière ouverte et cohérente par Mao Zedong dans les années 1960.

Au cours de cette bataille, Mao Zedong a fourni une première interprétation valable sur les événements en URSS et est entre autre parvenu à la définition de la théorie de la continuation de la révolution dans le cadre de la dictature du prolétariat, et à une analyse profonde et scientifique du rôle de la contradiction dans la période séparant le capitalisme du communisme.

La vision des problèmes du socialisme, en plus d’être un critère irremplaçable pour la formation d’un jugement dans l’évaluation de l’expérience soviétique, a été mis en pratique et vérifiée par Mao Zedong et les éléments révolutionnaires à l’intérieur du Parti Communiste de Chine durant la grande révolution culturelle (…).

Ce qui est clair dans notre esprit et doit être explicite, est que la contribution effectuée par Mao Zedong quant à la question révolutionnaire et la guerre populaire prolongée dans les pays opprimés par l’impérialisme, celle des écrits sur le matérialisme dialectique et celui déjà cité sur la continuation de la lutte des classes dans le socialisme, restent un approfondissement fondamental du marxisme-léninisme et sont à ce titre à défendre et à utiliser dans la continuation du développement critique pour le mouvement communiste international (…).

De notre point de vue, il doit être expliqué que sont en dehors de ce processus [révolutionnaire], de manière catégorique et sans appel, tous les groupements « marxistes-léninistes » dont le dogmatisme est le meilleur alibi pour ne rien faire.

Tout comme une bataille politique intense doit être menée contre les forces – comme Action Directe et la RAF, etc. – qui, bien qu’elles combattent leur propre bourgeoisie de manière armée, ne reconnaissent pas la direction du marxisme-léninisme pour leur propre activité (…).

Etant donné qu’il est fixé que la révolution ne peut qu’être violente, il s’en conclut que la situation révolutionnaire tend à définir la guerre civile.

La guerre civile peut se caractériser comme guerre révolutionnaire, lorsque les idées ou thèses révolutionnaires existent et sont prises par les masses opprimées.

Par guerre révolutionnaire, nous entendons la situation sociale où l’élément militaire prédomine sur les autres dans la confrontation de classe ; naturellement, les événements restent également, dans la situation de la guerre révolutionnaire, défini par la situation existante entre la bourgeoisie et le prolétariat : notre société est divisée en classes, donc chaque phénomène a un caractère de classe précis.

Nous rejetons catégoriquement toute autre interprétation du concept de guerre révolutionnaire : la guerre révolutionnaire, pour être elle-même, doit se baser sur les masses, doit comprendre les masses sur le terrain de l’affrontement militaire (…).

Le but direct du parti marxiste révolutionnaire qui repose sur la théorie du socialisme scientifique est la conquête du pouvoir politique et la destruction violente de l’État bourgeois par les masses prolétariennes.

C’est pourquoi le but direct du parti marxiste révolutionnaire est concrètement l’insurrection armée des masses prolétariennes contre l’État bourgeois.

Les masses prolétariennes ne sont pas en mesure d’en arriver par leur mouvement spontané à la conscience du caractère inconciliable de l’antagonisme entre leurs intérêts et ceux de l’Établissement social et politique d’aujourd’hui : cette conscience ne peut provenir que de l’extérieur et seul le parti marxiste révolutionnaire peut remplir ce rôle.

Il doit être expliqué qu’à l’intérieur de la société capitaliste, il n’existe pas de réel pouvoir du prolétariat, et que le seul véritable pouvoir dont dispose le prolétariat, c’est sa conscience révolutionnaire (…).

L’expérience pratique de ces quinze dernières années dans notre pays nous enseigne que la méthode décisive de la lutte politique communiste du Parti du prolétariat est la lutte armée (…). Le Parti Communiste qui fait utilisation des armes ne peut être que combattant et par conséquent un parti clandestin.

Chaque militant doit, comme cadre du Parti Communiste Combattant, être prêt à la lutte et vérifié dans le cadre des besoins du Parti sur ce terrain (…).

L’initiative du combat (dans une situation non-révolutionnaire) n’est pas une « action de guerre », mais une action fondamentalement politique qui, dans la mesure où elle s’exprime par l’utilisation des armes, amène naturellement des conséquences particulières, que le Parti doit prendre en compte avec le plus grand sens des responsabilités, mais également avec une détermination absolue.

Bien que soit considéré le concept de « stratégie » dans d’une « perspective générale que le Parti a du processus révolutionnaire et de comment la conquête du pouvoir politique est à obtenir », la lutte armée n’est pas une stratégie : c’est une méthode de lutte décisive de la politique révolutionnaire du parti marxiste, également dans la situation non-révolutionnaire (…).

Les camarades de la « première » position disent essentiellement : le soulèvement armé ne se pose pas, pour trois raisons : entre autres, parce que le système démocratique bourgeois est en mesure d’absorber les initiatives antagonistes de la lutte de classe, des « institutionnaliser ».

Ensuite, parce qu’il y a la contre-révolution préventive. Troisièmement, parce qu’il y a une énorme dépendance mutuelle entre les bourgeoisie des différents pays, dont les forces militaires sont prêtes à se coaliser contre d’éventuelles poussées révolutionnaires.

C’est pourquoi, continuent les camarades, il est « possible et nécessaire » de commencer le processus de la guerre prolongée et d’ainsi engager la phase révolutionnaire et, par l’activité politico-militaire des avant-gardes, de viser à ce que soit atteint l’étape du « développement de la guerre de classe » dans une dynamique marquée par des « sauts et ruptures » continus (…).

Si, cependant, la « contre-révolution préventive » (qui n’est rien d’autre que l’expression concrète de la conscience relative, que la bourgeoisie et sa force politique organisée, l’État, ont de la lutte des classes et de ses possibles développements) est conçue comme « constante structurelle fixe » de l’action de l’État, et même comme capacité de destruction « la légitimité même de la révolution prolétarienne », et si l »action communiste en soi ouvre la « phase révolutionnaire » et commence une « guerre », qui même s’il se veut particulier a en tout cas la « particularité » de n’exister que dans la volonté subjective des combattants, alors il faut reconnaître que les camarades de la « première » position interprètent le matérialisme d’une manière – comment dire – légère, et se présentent la lutte de classe comme lutte entre des sujets entièrement conscients et l’activité communiste comme étant en mesure de « décider » comme elle l’entend du déroulement de la révolution.

Un peu comme dans les « war games » !

Bref, la vision que nous propose la « première » position sur le processus révolutionnaire est volontariste dans ses motivations, aventurière dans ses conclusions politiques et idéaliste-subjectiviste sur le plan théorique.

C’est justement la critique du subjectivisme qui est le socle pour la vision d’ensemble que la « seconde position » propose quant à notre révolution (…).

En fin de compte, la signification sur le plan du contenu de la polémique « guerre prolongée – insurrection armée » est celle d’un choc entre idéalisme et matérialisme (…).

Il ne devrait pas être difficile de remarquer qu’entre les deux positions il y a constamment une polémique quant à la question absolument importante : la fonction des avant-gardes communistes aujourd’hui est-elle « d’éduquer » les masses, d’élever leur conscience et leur organisation, ou bien est-elle autre ?

Les camarades de la « première » position se débarrassent de la question dans la mesure où ils prétendent que « il n’en va pas du problème de la transmission de la conscience des communistes aux masses dans leur ensemble, mais de la nécessité et la possibilité de l’existence d’une politique révolutionnaire en soi ».

Et pendant qu’ils présentent leurs réflexions, ils résument souvent nos positions comme ridicules, les définissant comme « dépassées », « dogmatiques », « étrangères aux expériences des Brigades Rouges », etc. (…).

Nous avons déjà eu l’occasion de constater qu’avec cette manière de considérer les choses [propres à la première position], les communistes ne guident pas la révolution, mais la font, ou mieux : les communistes sont la révolution (…).

Selon nous, et nous prenons le risque d’apparaître impopulaires, l’un des grands mérites des Brigades Rouges est précisément de s’être « coupées » des masses, de s’être élevé plus haut que le niveau de conscience et d’organisation des masses, en tant que force marxiste révolutionnaire.

Ce n’est qu’en se « coupant » des masses que les Brigades Rouges ont pu apparaître en 1970 et ce n’est qu’en restant coupées des masses qu’elles ont pu imposer la lutte armée dans notre pays, qu’elles ont pu prendre Aldo Moro en otage et le juger, qu’elles ont pu concrètement conquérir la grosseur d’un Parti révolutionnaire (…).

[Les partisans de la première position disent:] « Le système démocratique bourgeois (…) a posé et pose de nouveaux problèmes en rapport avec la signification accrue que l’élément subjectif prend dans la dialectique / l’objectivité. »

C’est là « l’utilisation » la plus claire, la plus démasquée et finale qu’il est possible d’avoir du subjectivisme (…).

Ainsi apparaissent deux visions totalement différentes de l’histoire : la « première » position considère la lutte armée comme stratégie, la « seconde » position définit la lutte armée comme méthode décisive de la lutte politique du Parti Communiste (…).

Après la campagne du début de l’année 1978, les Brigades Rouges ont été ainsi obligées de réaliser ce saut qualitatif : passer du niveau de l’Organisation de la propagande armée à celui de Parti révolutionnaire qui fait de la politique par la lutte armée.

Il est connu que l’orientation prise par l’Organisation alors a été totalement autre : comme elle pensait se situer dans la phase de transition de la propagande armée à la guerre civile se développant, elle a vu dans la mise en participation progressive des masses dans le choc militaire les conditions pour parvenir à la prochaine phase.

En raison de cette considération s’est développée un débat intéressant et compliqué, qui s’est conclu par la formulation en septembre 1980 d’une ligne politique particulièrement « compacte », dont l’expression la plus complète est aujourd’hui encore dans le livre « L’abeille et le communiste » (…).

Ce que nous voulons souligner, c’est qu’alors que les Brigades Rouges croyaient en 1980 que le moment était venu d’organiser les masses sur le terrain de la lutte « en partant de leurs besoins », elles se sont tournées vers le principe directeur de la « stratégie » de la lutte armée : étendre autant que possible le choc militaire jusqu’à l’écrasement et la destruction de l’État bourgeois, ériger par étapes un pouvoir alternatif jusqu’au rassemblement des forces nécessaires pour tout écraser.

C’est exactement de cette décision que les Brigades Rouges ont perdu toujours plus leur caractérisation politique et ont oscillé de manière permanente entre spontanéisme et militarisme (…).

Et si quelqu’un grimace encore devant le mot « méthode de lutte », il ne fait que donner la meilleure preuve pour sa pauvreté politique et avant tout la substance subjective qu’il trimballe.

Il n’y a pas de « manière » d’« être » communiste, il n’y a pas à « montrer » le problème, comment on est vraiment révolutionnaire.

Il y a un Parti Communiste qui utilise des méthodes, des moyens, des formes de lutte et de travail définis, afin de mener sa politique révolutionnaire (…).

Pour quoi engageons-nous nos énergies ? Cela est rapidement dit avec trois mots d’ordre :

Réévaluer l’expérience des Brigades Rouges !
Continuer de manière décidée à mener la lutte armée !
Fonder le Parti Communiste Combattant !

Les militants de la « seconde » position
Novembre 1984

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Sur la bataille anti-révisionniste en Italie

Si l’Allemagne et les États-Unis connaissent une vague anti-révisionniste issue d’un syndicat étudiant lié aux socialistes, en Italie le schéma est très proche de celui de la France, avec cependant une qualité bien supérieure, de par la liaison bien plus importante à la classe ouvrière.

On a à la base une contestation au sein du Parti Communiste italien, aboutissant sous l’égide d’Ugo Duse et Enzo Calo à la naissance en 1962 du journal Vive le léninisme, de la maison d’éditions Edizioni Oriente en 1963.

En mars 1964 est alors publié le mensuel Nuova Unità, allusion directe au quotidien du PCI, l’Unità. La question de savoir si seulement la direction est corrompue ou le parti dans son ensemble aboutit cependant à ce que la parution cesse en 1965.

Se fonde alors une Lega dei comunisti marxisti-leninisti (Ligue des communistes marxistes-léninistes), avec comme périodique Il Comunista, choisissant la voie de l’entrisme dans le PCI. Elle rejoindra ensuite la tendance du Manifesto dans le PCI et se soumettra en général au PCI, sauf une petite partie s’alliant avec d’autres faire apparaître, en juillet 1966, une Federazione marxista-leninista d’Italia, avec comme journal Rivoluzione Proletaria.

D’autres réactivèrent par contre la Nuova Unità, refusant l’orientation vers les rangs du PCI, ce qui amena la naissance d’un Movimento Marxista-Leninista Italiano (Mouvement Marxiste-Léniniste italien). Est alors fondé, les 14, 15 et 16 octobre 1966, au théâtre Goldoni de Livourne, comme le PCd’I historique en 1921, le Partito Comunista d’Italia (marxista-leninista).

Son secrétaire général était un ancien commandant partisan et cadre du PCI, Fosco Dinucci. Sa reconnaissance est internationale et en 1968, deux de ses cadres, Dino Dini et Osvaldo Pesce, rencontrent Mao Zedong en Chine populaire.

Si le PCd’I (m-l) connaît alors une croissance, ce n’est pas le cas de la Federazione marxista-leninista d’Italia, devenue Federazione dei Comunisti (m-l) d’Italia en septembre 1967.

Les scissions s’y multiplient. Le première donne le journal la Tribuna rossa, la seconde un Partito Comunista Rivoluzionario (m-l) dirigé par Giuseppe Maj. La troisième donne une Avanguardia Proletaria Maoista, qui elle-même va connaître une scission avec l’émergence du Partito comunista marxista-leninista-maoista italiano.

Pour compliquer ce panorama, une partie de Falce e Martello, une organisation trotskyste, abandonne le trotskysme en apparence pour fonder l’Unione dei Comunisti Italiani (m-l), qui aura une grande influence dans le mouvement italien. Il prendra ensuite, en 1972, le nom de Partito Comunista (m-l) Italiano.

Mais étant donné que le PC d’I (m-l) avait l’hégémonie, sans pour autant d’analyse profonde de la société italienne ni d’idéologie suffisamment développée, il se cassa littéralement en deux, la direction étant accusée par une fraction d’opportunisme de droite et de néo-révisionnisme.

Le congrès extraordinaire du premier décembre 1968 amena une séparation et le 10 décembre 1968 il y eut deux Nuova Unità. Le dirigeant de la nouvelle organisation était, par ailleurs, lui aussi un ancien commandant partisan, Angiolo Gracci.

L’ancien PCd’I (m-l) connaît alors une nouvelle scission, avec un PCd’I (m-l) – Lotta di lunga durata (lutte de longue durée, du nom de son organe de presse).

En sont ensuite expulsé des gens formant l’Organizzazione dei Comunisti (m-l) d’Italia, avec comme journal Linea proletaria. D’autres quittent encore l’organisation, pour fonder l’Organizzazione Comunista Bolscevica Italiana marxista-leninista, dirigé par Giovanni Scuderi, issu de la « gauche » de la démocratie chrétienne. Cela donnera par la suite le Partito Marxista-Leninista Italiano (PMLI).

Apparaît alors également, de manière éphémère, une Organizzazione dei Comunisti Italiani (m-l), publiant La Voce Rivoluzionaria ; on a également une Stella Rossa – Fronte rivoluzionario m-l qui apparaît, puis une Organizzazione Proletaria m-l avec comme organe Il proletario, et encore une Lega m-l d’Italia, avec comme organe Lotta di classe. A cela il faut ajouter le groupe Viva il Comunismo.

Cette approche ne sut pas réellement s’ancrer et s’effaça rapidement devant deux autres courants qui eurent un impact dévastateur dans la société italienne, en s’appuyant sur un ancrage concret dans celle-ci.

Le premier courant est celui dit de l’operaisme, ou « ouvriériste » ; l’operaisme considère que le capitalisme avancé multiplie ses restructurations aux dépens de la classe ouvrière et qu’il faut par conséquent lutter contre le travail.

Apparu au tout début des années 1960 avec les revues Quaderni Rossi (1961) et Classe Operaia (1963), l’operaisme réussit à se transformer en mouvement de masse en visant la rébellion.

Cela produisit les organisations Potere Operaio (1967-1973) et Lotta Continua (1969-1976) tout d’abord, l’Autonomia Operaia ensuite.

Ce dernier mouvement, rassemblant des lignes hétérogènes – culte de la marginalité, des drogues, de la jeunesse ouvrière, de l’expropriation, de la révolte allant jusqu’à la lutte armée – culmina en 1977 et laissa de profondes marques comme culte du spontanéisme « alternatif ».

Le second courant est celui qui entend assumer la position maoïste de la lutte armée pour la prise du pouvoir. Son point de départ est le Collettivo Politico Metropolitano (CPM), le Collectif Politique Métropolitain fondé à Milan en septembre 1969.

S’appuyant sur un efficace réseau d’union étudiant et ouvrière (usines de Pirelli, Sit-Siemens, IBM, Alfa Romeo, Marelli, etc.), le CPM entend promouvoir un mouvement de masses en partant du principe de l’autonomie par rapport à l’État et les institutions en général, qu’elles soient idéologiques, culturelles, politiques.

Dès l’année suivante le CPM interviendra comme Sinistra Proletaria (Gauche Prolétarienne) proposant une nuova resistenza (une nouvelle résistance), puis en tant que Brigate Rosse. Partant à l’assaut de l’État principalement à partir de 1978, les Brigate Rosse feront ensuite une retraite stratégique en tant que Brigate Rosse – pour la construction du Parti Communiste Combattant.

Dans ce cadre, elles se considéreront comme comme une guérilla de longue durée dans un processus non linéaire et expulseront la « seconde position » partisane de former un parti où la lutte armée est une méthode.

Du côté de la perspective marxiste-léniniste opposée tant à l’opéraïsme qu’aux Brigades Rouges, seules trois organisations subsistèrent :

– le PMLI subsistant en étant surtout basé à Florence, sur une ligne ultra-légaliste ;

– les Comitati di Appoggio alla Resistenza – per il Comunismo (Comités d’Appui à la Résistance – pour le Communisme), fondés en 1992 et dirigés par Giuseppe Maj, s’orientant vers la défense des acquis considérés comme disparaissant unilatéralement avec la crise ; 

– le Parti Communiste Maoïste, né en 2000, issu de Rossoperaio lui-même issu du collettivo comunista di Agit Prop de Tarente des années 1970, ayant comme ligne la formation d’un syndicalisme alternatif.

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