Mao Zedong : La Démocratie Nouvelle

Janvier 1940

I. Où va la Chine ?

   Depuis le début de la Guerre de Résistance, notre peuple tout entier vivait dans un climat exaltant, le sentiment général était qu’une issue avait été trouvée, les mines tristes et soucieuses avaient disparu. Mais depuis peu, une atmosphère de compromis nous oppresse à nouveau, la vague anticommuniste s’est une fois de plus déchaînée, et le peuple tout entier est retombé dans la perplexité. Les premiers à en être affectés sont les intellectuels et les étudiants, particulièrement sensibles aux événements.

Et, de nouveau, on s’interroge : Que faire ? Où va la Chine ?

Voilà pourquoi il est peut-être bon de profiter de la publication de La Culture chinoise pour expliquer un peu quel cours prennent la politique et la culture de la Chine. Je suis un profane dans les questions culturelles ; je me suis proposé de les étudier, mais je ne fais que commencer. Heureusement, à Yenan, de nombreux camarades les ont traitées tout au long dans des articles ; aussi l’ébauche que je vais tracer ne peut-elle jouer que le rôle des coups de gong qui annoncent la pièce.

Que les travailleurs culturels d’avant-garde de notre pays considèrent nos observations comme un morceau de brique que nous montrons pour les inciter à sortir leur jade ; n’y en eût-il qu’une seule de valable sur mille, nous espérons qu’une discussion en commun sera entreprise et que des conclusions justes répondant aux besoins de notre nation en jailliront.

C’est la « recherche de la vérité dans les faits » qui est l’attitude scientifique ; « prétendre que l’on détient la vérité » et « se poser en professeur » sont des attitudes présomptueuses qui n’aident à résoudre aucun problème. Notre nation est plongée dans de profonds malheurs ; une attitude scientifique et le sens des responsabilités pourront seuls la conduire sur la voie de la libération.

Il n’y a qu’une vérité ; savoir si on l’a découverte ou non ne dépend pas de vantardises subjectives, mais de la pratique objective. Seule la pratique révolutionnaire de millions d’hommes est la jauge pour mesurer la vérité. Telle doit être, à mon avis, l’attitude de La Culture chinoise.

II. Nous voulons bâtir une Chine nouvelle

   Nous autres communistes, nous luttons depuis des années non seulement pour la révolution politique et économique de la Chine, mais aussi pour sa révolution culturelle ; notre but est d’édifier pour la nation chinoise une société nouvelle et un Etat nouveau, qui comporteront, en même temps qu’une politique et une économie nouvelles, une nouvelle culture.

En d’autres termes, nous voulons transformer la Chine politiquement opprimée et économiquement exploitée en une Chine politiquement libre et économiquement prospère ; de plus, nous voulons transformer la Chine, ignorante et arriérée sous la domination de l’ancienne culture, en une Chine éclairée et avancée, où dominera la culture nouvelle. En un mot, nous voulons bâtir une Chine nouvelle. Edifier une culture nouvelle de la nation chinoise, tel est notre but dans le domaine culturel.

III. Les particularités historiques de la Chine

   Nous voulons une nouvelle culture nationale chinoise, mais quelle doit être au juste cette culture nouvelle ?

   Toute culture (en tant que forme idéologique) est le reflet de la politique et de l’économie d’une société déterminée, mais elle exerce à son tour une influence et une action considérables sur la politique et l’économie de cette société ; l’économie est la base, la politique l’expression concentrée de l’économie.

Tel est notre point de vue fondamental sur le rapport qui existe entre la culture d’une part, la politique et l’économie d’autre part, de même que sur le rapport entre la politique et l’économie. Ainsi, une forme donnée de politique et d’économie détermine d’abord une forme donnée de culture, laquelle, ensuite, exerce à son tour une influence et une action sur cette politique et cette économie.

Marx a dit : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience. » Il a dit encore : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, mais il s’agit de le transformer » Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, ces formulations scientifiques apportent une solution correcte à la question du rapport entre la conscience et l’être, et elles constituent les notions fondamentales de la théorie active, révolutionnaire, du reflet, que Lénine développa par la suite de façon approfondie. Quand nous discutons des problèmes de la culture chinoise, nous ne devons pas oublier ces notions.

   Ainsi posée, la question est très claire : les éléments réactionnaires que contient la vieille culture de la nation chinoise, éléments que nous voulons éliminer, sont indissolublement liés à la vieille politique et à la vieille économie ; de même, la culture nouvelle de la nation chinoise que nous voulons édifier est indissolublement liée à la politique nouvelle et à l’économie nouvelle.

La vieille politique et la vieille économie de la nation chinoise sont la base de sa vieille culture, tandis que sa politique nouvelle et son économie nouvelle seront la base de sa culture nouvelle.

   Qu’entend-on par vieille politique et vieille économie ? Et par vieille culture de la nation chinoise ?

   A partir des dynasties des Tcheou et des Ts’in, la société chinoise devint féodale, tout comme sa politique et son économie. Et la culture prédominante, reflet de cette politique et de cette économie, était une culture féodale.

   Depuis que le capitalisme étranger a pénétré en Chine et que les éléments du capitalisme se sont développés peu à peu au sein de la société chinoise, la Chine est devenue progressivement un pays colonial, semi-colonial et semi-féodal.

Aujourd’hui, elle est coloniale dans les régions occupées par le Japon et pratiquement semi-coloniale dans les régions sous la domination du Kuomintang ; mais, dans les unes comme dans les autres, c’est le régime féodal ou semi-féodal qui prédomine. Tel est le caractère de la société chinoise actuelle, telle est la situation de la Chine d’aujourd’hui.

La politique et l’économie de cette société sont à prédominance coloniale, semi-coloniale et semi-féodale, et la culture qui prédomine, reflet de cette politique et de cette économie, est aussi coloniale, semi-coloniale et semi-féodale.

   C’est contre ces formes politique, économique et culturelle dominantes qu’est dirigée notre révolution. Ce que nous voulons éliminer, c’est cette vieille politique et cette vieille économie coloniale, semi-coloniale et semi-féodale, et la vieille culture qui est à leur service. Ce que nous voulons édifier est tout l’opposé, à savoir la politique, l’économie et la culture nouvelle de la nation chinoise.

   Mais alors, quelles sont la politique et l’économie nouvelle de la nation chinoise ? Et quelle est sa nouvelle culture ?

   Dans le cours de son histoire, la révolution chinoise doit passer par deux phases ; la première, c’est la révolution démocratique, la seconde, la révolution socialiste ; ce sont deux processus révolutionnaires de caractère différent. Ce que nous appelons ici démocratie n’appartient plus à l’ancienne catégorie, n’est plus l’ancienne démocratie, mais relève de la nouvelle catégorie ; c’est la démocratie nouvelle.

   Nous pouvons donc affirmer que la politique nouvelle de la nation chinoise, c’est la politique de démocratie nouvelle ; que son économie nouvelle, c’est l’économie de démocratie nouvelle ; que sa nouvelle culture, c’est la culture de démocratie nouvelle.

   Telle est, à l’heure actuelle, la particularité historique de la révolution chinoise. Tout parti politique, toute personne qui y prend part sans comprendre cette particularité ne pourra guider cette révolution ni la mener à la victoire, mais sera reniée par le peuple et réduite à se lamenter misérablement dans son coin.

IV. La révolution chinoise est une partie de la révolution mondiale

   La révolution chinoise a pour particularité historique sa division en deux phases : la démocratie et le socialisme, la première n’étant plus la démocratie de type ordinaire, mais une démocratie de type chinois, de type particulier et nouveau la démocratie nouvelle. Comment cette particularité historique s’est-elle formée ? Existe-t-elle depuis un siècle ou est-elle apparue plus récemment ?

   Il suffit d’étudier un peu l’histoire de la Chine et du monde pour comprendre que cette particularité n’est pas apparue lors de la Guerre de l’Opium, mais qu’elle a pris forme seulement après la première guerre mondiale impérialiste et la Révolution d’Octobre en Russie. Etudions maintenant sa genèse.

   Du fait que la société chinoise actuelle est de caractère colonial, semi-colonial et semi-féodal, il est évident que la révolution doit s’accomplir en deux phases : la première consiste à transformer cette société en une société indépendante et démocratique ; la seconde, à développer plus avant la révolution et à édifier une société socialiste. La révolution chinoise en est à sa première phase.

   La période préparatoire de cette première phase remonte à la Guerre de l’Opium en 1840, c’est-à-dire au moment où la société chinoise commençait à se transformer de société féodale en société semi-coloniale et semi-féodale.

Puis se succédèrent le Mouvement des Taiping, la Guerre sino-française, la Guerre sino-japonaise, le Mouvement réformiste de 1898, la Révolution de 1911, le Mouvement du 4 Mai, l’Expédition du Nord, la Guerre révolutionnaire agraire et l’actuelle Guerre de Résistance contre le Japon ; ces nombreuses étapes s’échelonnent sur un bon siècle ; elles font toutes partie, en un sens, de cette première phase au cours de laquelle le peuple chinois, dans des circonstances différentes et à des degrés divers, mène la lutte contre l’impérialisme et les forces féodales pour édifier une société indépendante et démocratique, pour accomplir la première révolution.

Et la Révolution de 1911 marque, dans un sens plus complet, le début de cette révolution qui, par son caractère social, n’est pas une révolution socialiste prolétarienne, mais une révolution démocratique bourgeoise. Celle-ci n’est pas achevée, elle exige encore de grands efforts, parce que ses ennemis restent très puissants. Lorsque le Dr Sun Yat-sen dit : « La révolution n’est pas encore achevée, nos camarades doivent poursuivre leurs efforts », il avait précisément en vue cette révolution démocratique bourgeoise.

   Cependant, un changement se produisit dans la révolution démocratique bourgeoise en Chine après qu’eut éclaté en 1914 la première guerre mondiale impérialiste et que la Révolution d’Octobre en Russie eut fondé en 1917 un Etat socialiste sur un sixième du globe.

   Avant ces événements, la révolution démocratique bourgeoise chinoise relevait de l’ancienne catégorie, celle de la révolution démocratique bourgeoise mondiale, dont elle constituait une partie.

   Depuis ces événements, elle est entrée dans une nouvelle catégorie de révolution démocratique bourgeoise, et, par rapport à l’ensemble du front de la révolution, elle fait partie de la révolution socialiste prolétarienne mondiale.

   Pourquoi ? Parce que la première guerre mondiale impérialiste et la première révolution socialiste victorieuse, la Révolution d’Octobre, ont changé tout le cours de l’histoire universelle, dont elles ont inauguré une ère nouvelle.

   A l’époque où le front du capitalisme mondial s’est effondré sur une partie du globe (soit un sixième de la surface terrestre) et où il a révélé pleinement sa décadence partout ailleurs, à l’époque où ce qui reste du monde capitaliste ne peut subsister sans dépendre davantage des colonies et des semi-colonies, à l’époque où un Etat socialiste a été créé et a proclamé sa volonté de soutenir le mouvement de libération dans toutes les colonies et semi-colonies, à l’époque, enfin, où le prolétariat des pays capitalistes se dégage de plus en plus de l’influence social-impérialiste des partis social-démocrates et se déclare prêt à soutenir le mouvement de libération des pays coloniaux et semi-coloniaux, à une telle époque, toute révolution qui, dans une colonie ou semi-colonie, est dirigée contre l’impérialisme, c’est-à-dire contre la bourgeoisie internationale ou le capitalisme international, ne relève plus désormais de la vieille catégorie, celle de la révolution démocratique bourgeoise mondiale, mais de la nouvelle catégorie ; elle ne fait plus partie de l’ancienne révolution mondiale bourgeoise ou capitaliste, mais de la nouvelle révolution mondiale, la révolution mondiale socialiste prolétarienne.

Cette colonie ou semi-colonie en révolution ne peut plus être considérée comme une alliée du front contre-révolutionnaire du capitalisme mondial ; elle est devenue une alliée du front révolutionnaire du socialisme mondial.

   Dans sa première étape ou première phase, la révolution dans une colonie ou semi-colonie reste essentiellement, par son caractère social, une révolution démocratique bourgeoise, et ses revendications tendent objectivement à frayer la voie au développement du capitalisme ; néanmoins, elle n’est déjà plus une révolution de type ancien, dirigée par la bourgeoisie et se proposant d’établir une société capitaliste et un Etat de dictature bourgeoise, mais une révolution de type nouveau, dirigée par le prolétariat et se proposant d’établir, à cette première étape, une société de démocratie nouvelle et un Etat de dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires.

Donc, elle sert en fait à frayer une voie plus large encore au développement du socialisme. Dans sa marche, elle peut parcourir plusieurs stades intermédiaires, en raison des changements intervenus dans le camp de l’ennemi comme dans les rangs de ses propres alliés, mais son caractère fondamental reste inchangé.

   Une telle révolution s’attaque aux fondements mêmes de l’impérialisme, c’est pourquoi ce dernier ne l’admet pas, mais la combat. En revanche, elle est approuvée par le socialisme et reçoit l’aide de l’Etat socialiste et du prolétariat international socialiste.

   Elle devient donc nécessairement une partie de la révolution mondiale socialiste prolétarienne.

   « La révolution chinoise est une partie de la révolution mondiale » ? – cette thèse juste a été formulée dès l’époque de la Première Grande Révolution chinoise de 1924-1927. Elle l’a été par les communistes chinois et elle fut approuvée par tous ceux qui participaient alors à la lutte anti-impérialiste et antiféodale. Cependant, en ce temps-là, on n’a pas su donner à cette thèse toute sa portée, et par conséquent l’idée que les gens en avaient restait vague.

   La « révolution mondiale » n’est plus celle de l’ancien type l’ancienne révolution mondiale bourgeoise est depuis longtemps révolue ; c’est une nouvelle révolution mondiale, la révolution mondiale socialiste. De même, « une partie » ne désigne plus une partie de l’ancienne révolution bourgeoise, mais une partie de la nouvelle révolution socialiste. C’est là un immense changement, un changement qui n’a son pareil ni dans l’histoire de la Chine ni dans l’histoire du monde.

   Cette thèse juste avancée par les communistes chinois est fondée sur la théorie de Staline.

   Déjà, en 1918, dans un article commémorant le premier anniversaire de la Révolution d’Octobre, Staline écrivait :

   L’immense portée mondiale de la Révolution d’Octobre consiste surtout en ceci, qu’elle a :

1° élargi le cadre de la question nationale, l’a transformée, de question particulière de la lutte contre l’oppression nationale en Europe, en question générale de l’affranchissement des peuples opprimés, des colonies et semi-colonies du joug de l’impérialisme ;

2° ouvert de larges possibilités et des voies efficaces pour cet affranchissement, facilitant ainsi considérablement leur libération aux peuples opprimés d’Occident et d’Orient, les entraînant dans la voie commune d’une lutte victorieuse contre l’impérialisme ;

jeté par là même un pont entre l’Occident socialiste et l’Orient asservi, créant contre l’impérialisme mondial un nouveau front de révolutions qui s’étend des prolétaires d’Occident aux peuples opprimés de l’Orient, en passant par la révolution russe.

   Depuis, Staline a maintes fois développé la théorie selon laquelle les révolutions dans les colonies et les semi-colonies se sont dissociées de la révolution de l’ancienne catégorie pour devenir une partie de la révolution socialiste prolétarienne. C’est dans un article publié le 30 juin 1925, à propos d’une controverse avec les nationalistes yougoslaves de l’époque, qu’il a exposé cette théorie avec le plus de clarté et de précision.

Cet article, intitulé « Encore une fois sur la question nationale« , figure dans un livre traduit par Tchang Tchong-che et publié sous le titre Staline sur la question nationale. On y lit le passage suivant :

« Sémitch se réfère à un passage de la brochure de Staline : Le Marxisme et la question nationale, écrite à la fin de 1912. Il y est dit que « la lutte nationale dans les conditions du capitalisme ascendant est une lutte des classes bourgeoises entre elles ».

Sémitch veut apparemment suggérer ainsi que sa formule pour définir la portée sociale du mouvement national dans les conditions historiques présentes est juste. Mais la brochure de Staline a été écrite avant la guerre impérialiste, quand la question nationale n’était pas encore dans la conception des marxistes une question d’une portée mondiale et que la revendication fondamentale des marxistes relative au droit de libre disposition était considérée non comme une partie de la révolution prolétarienne, mais comme une partie de la révolution démocratique bourgeoise.

Il serait ridicule de ne pas voir que, depuis, la situation internationale s’est transformée radicalement ; que la guerre, d’une part, et la Révolution d’Octobre en Russie, de l’autre, ont transformé la question nationale en faisant d’un élément de la révolution démocratique bourgeoise un élément de la révolution socialiste prolétarienne.

Déjà en octobre 1916, dans son article : « Le Bilan de la discussion sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », Lénine disait que le point essentiel de la question nationale relatif au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes avait cessé d’être une partie du mouvement démocratique général, qu’il était déjà devenu partie intégrante de la révolution socialiste prolétarienne générale. Je ne parle même pas des écrits ultérieurs sur la question nationale, dus à Lénine comme à d’autres représentants du communisme russe.

Quelle signification peut avoir la référence de Sémitch à tel passage de la brochure de Staline, écrite dans la période de la révolution démocratique bourgeoise en Russie, maintenant que, en vertu de la nouvelle situation historique, nous sommes entrés dans une nouvelle époque, celle de la révolution prolétarienne ?

Elle peut signifier seulement que Sémitch fait des citations en dehors de l’espace et du temps, sans aucun rapport avec la situation historique vivante, et viole par-là les lois élémentaires de la dialectique, et qu’il ne tient aucun compte du fait qu’une chose juste dans telles circonstances historiques peut se révéler fausse dans telles autres circonstances historiques. »

   D’où l’on voit qu’il y a deux types de révolution mondiale. Le premier appartient à la catégorie bourgeoise ou capitaliste. Son temps est depuis longtemps révolu ; il a pris fin dès 1914, quand éclata la première guerre mondiale impérialiste, et plus particulièrement en 1917, quand eut lieu la Révolution d’Octobre en Russie. Depuis, a commencé le second type de révolution mondiale, la révolution mondiale socialiste prolétarienne.

Elle a pour forces principales le prolétariat des pays capitalistes et pour alliés les peuples opprimés des colonies et des semi-colonies. Peu importe, chez les peuples opprimés, quelles classes, quels partis ou individus participent à la révolution, et peu importe qu’ils soient conscients ou non de ce que nous venons d’exposer, qu’ils le comprennent ou non, il suffit qu’ils s’opposent à l’impérialisme pour que leur révolution devienne une partie de la révolution mondiale socialiste prolétarienne et qu’ils en soient les alliés.

   Aujourd’hui, la portée de la révolution chinoise s’est encore élargie.

Nous sommes arrivés à une époque où les crises économique et politique du capitalisme entraînent de plus en plus le monde dans la Seconde guerre mondiale ; à une époque où l’Union soviétique, parvenue à la période de transition du socialisme au communisme, est capable de diriger et d’aider le prolétariat et les nations opprimées du monde entier dans la lutte qu’ils mènent contre la guerre impérialiste et la réaction capitaliste ; à une époque où le prolétariat des pays capitalistes se prépare à renverser le capitalisme pour édifier le socialisme ; à une époque où, en Chine, le prolétariat, la paysannerie, les intellectuels et les autres fractions de la petite bourgeoisie sont devenus, sous la direction du Parti communiste chinois, une grande force politique indépendante.

Dans une telle conjoncture, ne devons-nous pas estimer que la portée mondiale de la révolution chinoise s est encore accrue ? Je crois que oui. La révolution chinoise est devenue une partie très importante de la révolution mondiale.

   La première étape de la révolution chinoise (étape qui se subdivise elle-même en nombreux stades intermédiaires) est, par son caractère social, une révolution démocratique bourgeoise d’un type nouveau, elle n’est pas encore une révolution socialiste prolétarienne ; néanmoins, elle fait partie depuis longtemps de la révolution mondiale socialiste prolétarienne, elle en constitue même, maintenant, une part considérable et est pour elle une grande alliée.

La première phase ou première étape de cette révolution n’est certainement pas et ne peut être l’édification d’une société capitaliste de dictature bourgeoise ; elle doit s’achever par l’édification d’une société de démocratie nouvelle placée sous la dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires chinoises, à la tête desquelles se trouve le prolétariat chinois ; puis on fera passer la révolution à la seconde étape, celle de l’édification de la société socialiste en Chine.

   Voilà la particularité essentielle de la révolution chinoise actuelle, le nouveau processus révolutionnaire des vingt dernières années (à compter du Mouvement du 4 Mai 1919) et le contenu vivant, concret, de cette révolution.

V. Le système politique de Démocratie Nouvelle

   La nouvelle particularité historique de la révolution chinoise est sa division en deux étapes, la première étant la révolution de démocratie nouvelle. Comment se manifeste-t-elle concrètement dans les rapports politiques et économiques internes de la Chine ? C’est ce que nous allons examiner.

   Avant le Mouvement du 4 Mai 1919 (qui a eu lieu après la première guerre mondiale impérialiste, celle de 1914, et après la Révolution russe d’Octobre en 1917), la direction politique de la révolution démocratique bourgeoise en Chine appartenait à la petite bourgeoisie et à la bourgeoisie (à leurs intellectuels).

A ce moment-là, le prolétariat n’était pas encore entré dans l’arène politique comme une force de classe consciente et indépendante ; en participant à la révolution, il ne faisait que suivre la petite bourgeoisie et la bourgeoisie. Tel a été par exemple son rôle à l’époque de la Révolution de 1911.

   A partir du Mouvement du 4 Mai, bien que la bourgeoisie nationale fût restée dans les rangs de la révolution, la direction politique de la révolution démocratique bourgeoise en Chine n’appartenait plus à la bourgeoisie, mais au prolétariat.

Ce dernier, en raison de sa propre maturité et de l’influence de la révolution russe, était déjà devenu, et très rapidement, une force politique consciente et indépendante. C’est le Parti communiste chinois qui lança le mot d’ordre « A bas l’impérialisme ! » et avança un programme conséquent pour toute la révolution démocratique bourgeoise en Chine ; et il fut seul à mener la Révolution agraire.

   La bourgeoisie nationale chinoise, étant une bourgeoisie de pays colonial et semi-colonial, opprimée par l’impérialisme, garde à certains moments et jusqu’à un certain point – même à l’époque de l’impérialisme – un caractère révolutionnaire dans la lutte contre l’impérialisme étranger et, comme en témoignent la Révolution de 1911 et l’Expédition du Nord, contre les gouvernements des bureaucrates et des seigneurs de guerre de son propre pays ; elle peut s’allier au prolétariat et à la petite bourgeoisie contre les ennemis qu’elle entend combattre.

C’est là ce qui distingue la bourgeoisie chinoise de la bourgeoisie de la Russie tsariste. Comme la Russie tsariste était déjà une puissance impérialiste féodale et militaire, un Etat agresseur, la bourgeoisie russe était dénuée de tout caractère révolutionnaire. Là, le prolétariat avait pour tâche de lutter contre la bourgeoisie et non de s’allier avec elle.

Mais, comme la Chine est un pays colonial et semi-colonial, victime d’agressions, la bourgeoisie nationale chinoise peut avoir à certains moments et jusqu’à un certain point un caractère révolutionnaire. Ici, le prolétariat a pour devoir de ne pas méconnaître ce caractère révolutionnaire de la bourgeoisie nationale, mais de former avec elle un front uni contre l’impérialisme et contre les gouvernements des bureaucrates et des seigneurs de guerre.

   En même temps, du fait précisément que la bourgeoisie nationale chinoise est celle d’un pays colonial et semi-colonial et qu’elle est, par conséquent, extrêmement faible du point de vue économique et politique, elle possède une autre caractéristique, la disposition au compromis avec les ennemis de la révolution.

Même quand elle prend part à la révolution, elle n’entend pas rompre complètement avec l’impérialisme ; au surplus, elle est étroitement liée à l’exploitation qui se pratique dans les campagnes par l’affermage des terres, de sorte qu’elle ne veut ni ne peut s’engager à fond dans la lutte pour le renversement de l’impérialisme, et moins encore des forces féodales. Elle ne peut donc résoudre aucun des deux problèmes fondamentaux, aucune des deux tâches fondamentales de la révolution démocratique bourgeoise.

Quant à la grande bourgeoisie représentée par le Kuomintang, elle s’est jetée dans les bras de l’impérialisme et a fait bloc avec les forces féodales pour combattre le peuple révolutionnaire pendant la longue période qui va de 1927 à 1937. En 1927 et pendant une certaine période après cette date, la bourgeoisie nationale chinoise s’est rangée, elle aussi, du côté de la contrerévolution.

Aujourd’hui, dans la Guerre de Résistance, une fraction de la grande bourgeoisie, représentée par Wang Tsing-wei, a capitulé devant l’ennemi, offrant un nouvel exemple de trahison commise par cette classe C’est là ce qui distingue la bourgeoisie chinoise des anciennes bourgeoisies d’Europe et d’Amérique et spécialement de l’ancienne bourgeoisie française.

Quand la bourgeoisie des pays d’Europe et d’Amérique, et spécialement de France, était encore dans sa période révolutionnaire, les révolutions bourgeoises étaient relativement conséquentes ; en Chine, la bourgeoisie n’a même pas cet esprit de suite.

   D’un côté, sa participation possible à la révolution, de l’autre, sa disposition au compromis avec les ennemis de la révolution, voilà ce qui témoigne de son double caractère : elle « joue deux rôles à elle seule ».

Même la bourgeoisie d’Europe et d’Amérique a eu, dans le passé, ce double caractère : quand elle se heurtait à un ennemi puissant, elle s’alliait avec les ouvriers et les paysans pour le combattre, mais quand la conscience politique s’éveillait chez ces derniers, elle s’alliait avec l’ennemi pour lutter contre eux. C’est une loi générale qui s’applique à la bourgeoisie de tous les pays du monde ; mais ce trait est encore plus prononcé chez la bourgeoisie chinoise.

   En Chine, il est parfaitement clair que quiconque saura conduire le peuple dans la lutte pour renverser l’impérialisme et les forces féodales gagnera sa confiance, car ce sont là ses ennemis jurés, surtout l’impérialisme. Aujourd’hui, quiconque saura guider le peuple pour chasser l’impérialisme japonais et instaurer la démocratie sera son sauveur. L’histoire a prouvé que la bourgeoisie chinoise est incapable de s’acquitter de cette tâche, qui incombe donc inévitablement au prolétariat.

   Ainsi, de toute façon, le prolétariat, la paysannerie, les intellectuels et les autres fractions de la petite bourgeoisie constituent les forces fondamentales qui décident du destin de la Chine.

Et ces classes, les unes déjà éveillées, les autres s’éveillant, deviendront nécessairement les éléments de base de l’Etat et du pouvoir politique de la république démocratique chinoise, avec le prolétariat en tant que force dirigeante.

La république démocratique chinoise que nous voulons fonder aujourd’hui ne pourra être qu’une république démocratique où tous les éléments antiimpérialistes et antiféodaux exercent une dictature conjointe dirigée par le prolétariat, c’est-à-dire une république de démocratie nouvelle, une république des nouveaux trois principes du peuple vraiment révolutionnaires, avec leurs trois thèses politiques fondamentales.

   Cette république de démocratie nouvelle sera différente des républiques capitalistes de l’ancien type européen et américain, à dictature bourgeoise, qui représentent la vieille forme, déjà périmée, de la démocratie ; d’autre part, elle sera différente aussi de la république socialiste du type soviétique, à dictature prolétarienne.

Cette république socialiste fleurit déjà en Union soviétique ; elle s’établira dans tous les pays capitalistes et deviendra indubitablement la forme dominante de l’Etat et du pouvoir dans tous les pays industriels évolués. Mais pendant une période déterminée de l’histoire, cette forme ne convient pas à la révolution dans les pays coloniaux et semi-coloniaux. Par conséquent, dans ces pays, la révolution ne peut adopter qu’une troisième forme d’Etat, à savoir la république de démocratie nouvelle. C’est une forme pour une période donnée de l’histoire, donc une forme transitoire, mais une forme nécessaire, indispensable.

   Les nombreux régimes d’Etat qui existent dans le monde peuvent donc être ramenés à trois types fondamentaux, d’après le caractère de classe du pouvoir politique : a) la république de dictature bourgeoise, b) la république de dictature prolétarienne, c) la république de dictature conjointe de plusieurs classes révolutionnaires.

   Le premier type est représenté par les Etats de vieille démocratie. Aujourd’hui, alors que la seconde guerre impérialiste a éclaté, il n’y a plus trace de démocratie dans nombre de pays capitalistes qui sont devenus ou sont en voie de devenir des Etats où la bourgeoisie exerce une dictature militaire sanglante. Certains Etats placés sous la dictature conjointe des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie peuvent être assimilés à ce type.

   Le deuxième type, qui existe déjà en Union soviétique, est en gestation dans divers pays capitalistes. Dans l’avenir, il deviendra, pour une période donnée, la forme dominante dans le monde.

   Le troisième type est la forme d’Etat transitoire que doivent adopter les révolutions dans les pays coloniaux ou semi-coloniaux. Elles auront nécessairement chacune leurs caractéristiques propres, mais ce seront de petites différences dans une grande ressemblance.

Que la révolution s’accomplisse dans ces pays, la structure de l’Etat et du pouvoir politique y sera forcément la même dans ses grandes lignes, c’est-à-dire qu’il s’agira d’Etats de démocratie nouvelle, sous la dictature conjointe de plusieurs classes antiimpérialistes. Aujourd’hui, en Chine, cet Etat de démocratie nouvelle prend la forme du front uni antijaponais.

Antijaponais et anti-impérialiste, il est aussi le front uni, l’alliance de plusieurs classes révolutionnaires. Malheureusement, bien que la Guerre de Résistance dure déjà depuis longtemps, le travail de démocratisation du pays n’a, en fait, pas encore commencé dans la plupart des régions, c’est-à-dire en dehors des bases démocratiques antijaponaises dirigées par le Parti communiste ; l’impérialisme japonais a profité de cette faiblesse essentielle pour pénétrer à grands pas à l’intérieur de notre pays. Si rien ne se fait dans ce domaine, la nation sera en péril.

   Nous discutons ici du « régime d’Etat ». Cette question controversée depuis plusieurs dizaines d’années, à partir de la fin de la dynastie des Tsing, n’est pas encore éclaircie. En réalité, elle se ramène à la position des diverses classes sociales dans l’Etat.

La bourgeoisie a toujours dissimulé la position des classes sous le vocable de « citoyen », pour exercer en fait sa dictature d’une seule classe. Cette dissimulation n’est aucunement dans l’intérêt du peuple révolutionnaire, disons-le nettement. Le terme de « citoyen » peut être utilisé, mais il ne doit pas inclure les contre-révolutionnaires et les traîtres. Une dictature de toutes les classes révolutionnaires s’exerçant à l’égard des contrerévolutionnaires et des traîtres, voilà le genre d’Etat dont nous avons besoin aujourd’hui.

   Dans les Etats modernes, le système dit démocratique est le plus souvent monopolisé par la bourgeoisie et est devenu un simple instrument pour opprimer le peuple. Par contre, selon le principe de la démocratie du Kuomintang, le système démocratique est le bien commun de tout le peuple, et non quelque chose qu’une minorité peut s’approprier.

   Telle est la déclaration solennelle contenue dans le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang qui s’est tenu en 1924, dans le cadre de la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste. Or, depuis seize ans, le Kuomintang a violé cette déclaration, au point de provoquer la grave crise que traverse aujourd’hui notre pays. Voilà la monstrueuse erreur qu’il a commise ; souhaitons qu’il la corrige dans le feu purificateur de la Guerre de Résistance.

   Quant à la question de la « structure politique », c’est celle de savoir quelle est la structure du pouvoir politique, quelle forme une classe sociale déterminée entend donner à ses organes du pouvoir pour combattre ses ennemis et se défendre. Un Etat ne peut être représenté que par des organes du pouvoir adéquats.

La Chine peut adopter aujourd’hui le système des assemblées populaires, de l’assemblée populaire nationale aux assemblées populaires de province, de district, d’arrondissement et de canton, ces assemblées élisant à tous les échelons les gouvernements respectifs. Mais ce système doit être fondé sur des élections à un suffrage réellement universel et égal pour tous, sans distinction de sexe, de croyance, de fortune ou d’éducation ; seuls les organes du pouvoir ainsi élus pourront représenter chaque classe révolutionnaire, selon la position qu’elle occupe dans l’Etat, exprimer la volonté du peuple, diriger la lutte révolutionnaire et incarner l’esprit de la démocratie nouvelle.

C’est cela le centralisme démocratique. Seul un gouvernement fondé sur le centralisme démocratique pourra permettre pleinement à la volonté de tout le peuple révolutionnaire de s’exprimer, et combattre les ennemis de la révolution avec le maximum d’énergie. Le refus de considérer la démocratie comme « quelque chose qu’une minorité peut s’approprier » doit s’exprimer dans la composition du gouvernement et de l’armée ; sans un vrai régime démocratique, on ne peut atteindre ce but, et la structure politique ne sera pas en harmonie avec le régime d’Etat.

   La dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires comme régime d’Etat, et le centralisme démocratique comme structure politique, voilà ce qui constitue le système politique de démocratie nouvelle, la république de démocratie nouvelle, la république du front uni antijaponais, la république des nouveaux trois principes du peuple avec leurs trois thèses politiques fondamentales, voilà la République chinoise de nom et de fait.

Actuellement, bien que nous ayons une République chinoise, elle ne l’est que de nom et ne l’est pas de fait ; créer une réalité qui corresponde au nom, voilà notre tâche d’aujourd’hui.

   Tels sont les rapports politiques internes qu’une Chine révolutionnaire, qu’une Chine en lutte contre l’envahisseur japonais doit établir et ne peut pas ne pas établir ; telle est aujourd’hui l’unique orientation juste pour le travail de « construction nationale ».

VI. L’économie de Démocratie Nouvelle

   Si la république à fonder en Chine doit être une république de démocratie nouvelle, il faut qu’elle le soit non seulement par son système politique, mais aussi dans son économie.

   Les grandes banques et les grosses entreprises industrielles et commerciales doivent dans cette république devenir propriété d’Etat.

   Toute entreprise, appartenant aux Chinois ou aux étrangers, qui a un caractère monopoliste ou dépasse, par son envergure, les possibilités d’un particulier, comme la banque, les chemins de fer et les transports aériens, doit être administrée par l’Etat, afin que le capital privé ne puisse dominer la vie économique du peuple. Tel est le sens fondamental du contrôle du capital.

   C’est là une autre déclaration solennelle que comporte le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang, tenu dans le cadre de la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste ; elle exprime, en matière de structure économique, la juste politique de la république de démocratie nouvelle.

Dans cette république dirigée par le prolétariat, l’économie d’Etat aura un caractère socialiste et sera la force dirigeante dans l’ensemble de l’économie nationale, mais, du fait que l’économie chinoise est encore très arriérée, la république ne confisquera pas la propriété privée capitaliste, à l’exception de celle indiquée plus haut, ni n’interdira le développement d’une production capitaliste à moins qu’elle ne tende à « dominer la vie économique du peuple ».

   La république prendra certaines mesures indispensables pour confisquer la terre des propriétaires fonciers et pour la distribuer aux paysans qui n’en ont pas ou qui en ont peu, afin de réaliser le mot d’ordre du Dr Sun Yat-sen : « La terre à ceux qui la travaillent », de liquider les rapports féodaux à la campagne et de transférer la propriété de la terre aux paysans. L’existence de l’économie des paysans riches sera admise dans les régions rurales.

Tel est le principe de « l’égalisation du droit à la propriété de la terre », dont la juste interprétation s’exprime dans le mot d’ordre : « La terre à ceux qui la travaillent ». En général, il ne s’agit pas d’établir à cette étape une agriculture socialiste, quoique les diverses formes de coopératives qui se développeront sur la base de ce mot d’ordre contiennent des éléments de socialisme.

   L’économie chinoise doit suivre la voie du « contrôle du capital » et de « l’égalisation du droit à la propriété de la terre », elle ne doit jamais être « quelque chose qu’une minorité peut s’approprier » ; il ne faut pas laisser un petit nombre de capitalistes et de propriétaires fonciers « dominer la vie économique du peuple » ; il ne faut en aucun cas établir une société capitaliste sur le modèle européen et américain, ni permettre à la vieille société semi-féodale de subsister. Quiconque osera s’engager dans une voie contraire n’atteindra jamais son but et donnera de la tête contre un mur.

   Tels sont les rapports économiques internes qu’une Chine révolutionnaire, qu’une Chine en lutte contre l’envahisseur japonais doit établir et qu’elle établira nécessairement.

   Telle est l’économie de démocratie nouvelle.

   Et la politique de démocratie nouvelle est l’expression concentrée de cette économie.

VII. Contre la dictature bourgeoise

   Plus de 90 pour cent de la population du pays sont pour la fondation d’une république dont la politique et l’économie soient de démocratie nouvelle ; il n’y a pas d’autre chemin possible.

   Prendrions-nous celui qui conduit à une société capitaliste de dictature bourgeoise ? Ce fut certes le vieux chemin suivi par la bourgeoisie d’Europe et d’Amérique, mais ni la situation internationale ni la situation intérieure ne permettent à la Chine de s’y engager.

   Ce chemin n’est qu’une impasse dans la situation internationale actuelle, caractérisée essentiellement par la lutte entre le capitalisme et le socialisme, par le déclin du premier et la montée du second. En premier lieu, c’est le capitalisme international, c’est-à-dire l’impérialisme, qui ne permet pas l’établissement en Chine d’une société capitaliste de dictature bourgeoise. En effet, l’histoire moderne de notre pays est celle de l’agression que mènent contre lui les impérialistes, celle de leur opposition à son indépendance et à son propre développement capitaliste.

Etouffées par l’impérialisme, les révolutions antérieures ont échoué en Chine, et d’innombrables martyrs sont tombés, avec l’amer regret de n’avoir pu remplir leur mission. Aujourd’hui, le puissant impérialisme japonais a envahi la Chine dans l’intention de la transformer en colonie, c’est le Japon qui développe son capitalisme en Chine et non la Chine qui développe le sien, c’est la bourgeoisie japonaise qui y exerce sa dictature et non la bourgeoisie chinoise. Il n’y a pas de doute, nous vivons à l’époque des dernières convulsions de l’impérialisme ; celui-ci va bientôt périr, l’impérialisme étant « un capitalisme agonisant ».

Mais c’est justement parce qu’il va bientôt périr qu’il vit plus que jamais aux dépens des colonies et des semi-colonies et ne permettra à aucune d’entre elles d’établir quoi que ce soit de semblable à une société capitaliste de dictature bourgeoise.

C’est parce que l’impérialisme japonais est plongé dans une crise économique et politique grave et se trouve donc sur le point de périr qu’il doit nécessairement attaquer la Chine et la réduire en colonie, lui coupant la route qui mène à l’établissement d’une dictature bourgeoise et au développement d’un capitalisme national.

   En second lieu, c’est le socialisme qui ne permet pas l’établissement en Chine d’une société capitaliste de dictature bourgeoise. Toutes les puissances impérialistes du monde sont nos ennemis ; si la Chine veut l’indépendance, elle ne peut renoncer à l’aide du pays du socialisme et du prolétariat international. Cela signifie qu’elle ne peut se passer de l’aide de l’Union soviétique ni de celle du prolétariat japonais et des prolétariats anglais, américain, français, allemand, italien et autres qui luttent contre le capitalisme dans leur pays.

Bien qu’on ne puisse affirmer que la victoire de la révolution chinoise soit impossible avant la victoire de la révolution au Japon, en Angleterre, aux Etats-Unis, en France, en Allemagne, en Italie, ou seulement dans un ou deux de ces pays, il n’en demeure pas moins certain qu’elle n’est pas possible sans l’apport du prolétariat de ces pays.

L’aide soviétique en particulier est indispensable pour la victoire finale de la Chine dans sa Guerre de Résistance. La refuser, c’est vouer la révolution à la défaite. Les leçons des campagnes antisoviétiques, lancées à partir de 1927, ne sont-elles pas extraordinairement éloquentes ?

Le monde actuel traverse une époque nouvelle, une époque de révolutions et de guerres, l’époque de la fin inévitable du capitalisme et de la montée irrésistible du socialisme. Dans ces conditions, ne serait-ce pas pure sottise que de vouloir établir en Chine une société capitaliste de dictature bourgeoise après la victoire sur l’impérialisme et le féodalisme ?

   Si, après la première guerre mondiale impérialiste et la Révolution d’Octobre, il est apparu encore une petite Turquie kemaliste de dictature bourgeoise, par suite de conditions particulières (la victoire de la bourgeoisie dans la lutte contre l’agression grecque et la faiblesse du prolétariat), en revanche, après la Seconde guerre mondiale et l’achèvement de l’édification socialiste en U.R.S.S., il ne saurait y avoir de deuxième Turquie et encore moins une « Turquie » de 450 millions d’habitants.

En raison de conditions particulières à la Chine (la faiblesse de la bourgeoisie et son esprit de compromis, la puissance du prolétariat et son esprit révolutionnaire conséquent), rien n’y a jamais été obtenu à aussi bon compte qu’en Turquie. Après l’échec de la Première Grande Révolution en 1927, certains éléments de la bourgeoisie chinoise n’ont-ils pas réclamé à grands cris le kemalisme ? Mais où est le Kemal de la Chine ? Où sont la dictature bourgeoise et la société capitaliste chinoises ? Au surplus, la Turquie dite kémaliste a dû finalement se jeter elle-même dans les bras de l’impérialisme anglo-français, se transformant de plus en plus en une semi-colonie, en une part du monde impérialiste, réactionnaire.

Dans la situation internationale d’aujourd’hui, tout « héros », dans les colonies et semi-colonies, doit se mettre soit du côté du front impérialiste, et alors il fera partie des forces de la contrerévolution mondiale, soit du côté du front antiimpérialiste, et alors il fera partie des forces de la révolution mondiale. Il doit choisir l’une de ces deux voies, il n’y en a pas de troisième.

   Au point de vue de la situation intérieure, la bourgeoisie chinoise aurait dû tirer de l’histoire les leçons qui s’imposaient. En 1927, à peine la révolution venait-elle de remporter des victoires, grâce aux efforts du prolétariat, de la paysannerie et des autres fractions de la petite bourgeoisie, que la classe capitaliste chinoise, ayant à sa tête la grande bourgeoisie, repoussa brutalement les masses populaires, s’empara des fruits de la révolution, conclut une alliance contrerévolutionnaire avec l’impérialisme et les forces féodales ; pendant dix ans, elle s’épuisa à mener une guerre d’ »extermination des communistes ».

Mais qu’en est-il résulté ? Aujourd’hui, alors qu’un ennemi puissant a pénétré profondément dans notre territoire et que la Guerre de Résistance se poursuit depuis deux ans, se peut-il qu’on veuille encore appliquer les vieilles recettes de la bourgeoisie d’Europe et d’Amérique ?

Il y a eu « dix ans d’extermination des communistes », mais aucune société capitaliste de dictature bourgeoise n’en est sortie. Songe-t-on encore à une nouvelle tentative ? Il est vrai que des « dix ans d’extermination des communistes » est sortie la « dictature d’un seul parti », mais c’est une dictature semi-coloniale et semi-féodale. De quatre ans d’ »extermination des communistes » (de 1927 à l’Incident du 18 Septembre 1931) est sorti le « Mandchoukouo », et en 1937 après six autres années de cette « extermination », les impérialistes japonais pénétraient au sud de la Grande Muraille.

   Aujourd’hui, si quelqu’un songe à une seconde décennie d’ »extermination », c’est d’un nouveau type d’ »extermination des communistes » qu’il s’agira, quelque peu différent de l’ancien. Ne s’est-il pas trouvé déjà un homme au pied léger qui a devancé tout le monde et s’est hardiment chargé de cette nouvelle entreprise d’ »extermination des communistes » ? Oui, c’est Wang Tsing-wei, le célèbre anticommuniste d’un nouveau genre.

Celui qui veut entrer dans sa bande est parfaitement libre de le faire ; mais alors, ne sera-t-il pas encore plus gênant pour lui de chanter, entre autres, les mérites de la dictature bourgeoise, de la société capitaliste, du kemalisme, de l’Etat moderne, de la dictature d’un seul parti, de la « doctrine unique » ?

Et si, au lieu d’entrer dans sa bande, on veut joindre le camp de la résistance au Japon, s’imaginant pouvoir, une fois la victoire acquise, repousser du pied le peuple qui a combattu l’envahisseur, s’approprier les fruits de cette victoire et établir la « dictature permanente d’un seul parti », n’est-ce pas donner dans les chimères ?

« Résistons au Japon ! » « Résistons au Japon ! » Mais qui résiste en fait ? Sans les ouvriers, les paysans et les autres fractions de la petite bourgeoisie, vous ne pourrez rien faire. Quiconque, du reste, osera leur donner un coup de pied se fera écraser ; n’est-ce pas là du simple bon sens ? Mais les irréductibles de la bourgeoisie chinoise (j’entends les irréductibles seulement) semblent n’avoir rien appris depuis vingt ans. Ne continuent-ils pas à réclamer à cor et à cri la « limitation du Parti communiste », la « désintégration du Parti communiste » et la « lutte contre le Parti communiste » ?

N’avons-nous pas vu se succéder les « Mesures pour la limitation de l’activité des partis hérétiques », les « Mesures pour la solution du problème des partis hérétiques » et les « Instructions pour la solution du problème des partis hérétiques » ?

Mais, bon sang, s’ils continuent à « limiter » et à « résoudre » de la sorte, on se demande quel destin ils réservent à la nation et à eux-mêmes ! A ces messieurs, nous leur conseillons sincèrement ceci : Ouvrez les yeux, regardez la Chine et le monde, voyez ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur du pays, voyez l’état actuel des choses, et ne retombez plus dans les mêmes erreurs ! Si vous persistez, la nation connaîtra un sort désastreux, sans aucun doute, mais je pense que les choses n’iront pas très bien pour vous non plus.

Ce qui est sûr et certain, absolument indiscutable, c’est que, si vous autres, les irréductibles de la bourgeoisie chinoise, vous ne voulez pas vous ressaisir, votre avenir sera loin d’être brillant ; vous serez les artisans de votre propre perte.

Aussi espérons-nous qu’en Chine le front uni antijaponais sera maintenu, qu’il ne sera pas l’apanage d’une clique, mais un front où tous coopèrent pour le triomphe de la cause antijaponaise ; c’est la seule bonne politique, toute autre serait mauvaise. Voilà ce que nous vous conseillons sincèrement, nous les communistes ; vous ne pourrez pas dire que nous ne vous avons pas prévenus.

   Le vieux dicton chinois : « S’il y a de la nourriture, que chacun ait sa part » est plein de vérité. De même que tous doivent combattre l’ennemi, de même tous doivent pouvoir manger, tous ont droit au travail et à l’instruction. « A moi tout le gâteau ! » et « Que personne s’avise de me faire du tort », voilà bien des façons de seigneur féodal, mais ce vieux truc ne prend plus dans les années 40 de notre siècle.

   Nous autres communistes, nous ne repousserons jamais aucun révolutionnaire ; nous maintiendrons le front uni en pratiquant une coopération durable avec toutes les classes et couches sociales, tous les partis et groupes politiques et tous ceux qui sont prêts à combattre le Japon jusqu’au bout.

Mais si l’on veut évincer le Parti communiste, ça n’ira pas ; si l’on veut rompre le front uni, ça n’ira pas non plus. La Chine doit persévérer dans la Résistance, l’union et le progrès. Nous ne tolérerons pas la capitulation, la rupture et la régression.

VIII. Contre les phraseurs « de gauche »

   Si l’on ne suit pas la voie capitaliste de dictature bourgeoise, peut-on alors suivre la voie socialiste de dictature prolétarienne ?

   Non, ce n’est pas possible non plus.

   Il ne fait aucun doute que la révolution en est encore à sa première phase et n’entrera que plus tard, lors de son développement ultérieur, dans la seconde phase, celle du socialisme. La Chine ne connaîtra le vrai bonheur qu’avec le socialisme.

Mais ce n’est pas encore le moment de le réaliser. La tâche présente de la révolution chinoise est de combattre l’impérialisme et le féodalisme ; avant que cette tâche soit achevée, il ne saurait être question de socialisme. La révolution chinoise doit traverser inévitablement deux phases, d’abord celle de la démocratie nouvelle, puis celle du socialisme.

De plus, la première phase sera assez longue, elle ne peut s’achever du jour au lendemain. Nous ne sommes pas des utopistes et nous ne pouvons pas faire abstraction des conditions existantes.

   Des propagandistes malintentionnés confondent à dessein ces deux phases différentes de la révolution et prêchent la prétendue théorie de la révolution unique pour démontrer que toutes les étapes de la révolution se retrouvent dans les trois principes du peuple et que le communisme a, par conséquent, perdu sa raison d’être. Ils se servent de cette « théorie » pour s’élever énergiquement contre le communisme et le Parti communiste, la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée, ainsi que contre la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia.

Leur but est de supprimer carrément toute révolution, de s’opposer à une révolution démocratique bourgeoise conséquente et à une résistance conséquente contre le Japon, et de préparer l’opinion à la capitulation devant l’envahisseur.

Cette campagne est inspirée par les impérialistes japonais et fait partie de leur plan. En effet, après avoir occupé Wouhan, ceux-ci ont compris que la force militaire seule ne saurait asservir la Chine, aussi en sont-ils venus à lancer une offensive politique et à user d’appâts économiques.

L’offensive politique vise à séduire les éléments hésitants dans le front antijaponais, à provoquer la rupture du front uni, à saper la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste. Les appâts économiques prennent la forme de « création d’entreprises industrielles mixtes ».

En Chine centrale et méridionale, l’occupant japonais autorise les capitalistes chinois à prendre une participation de 51 pour cent au capital des entreprises, la part du capital japonais étant de 49 pour cent ; en Chine du Nord, il autorise une participation de 49 pour cent, la part du capital japonais étant de 51 pour cent.

En outre, l’occupant promet de rendre aux capitalistes chinois les biens qu’ils possédaient et de les convertir en actions, sous forme d’apport de capital. Ainsi, des capitalistes qui ont abdiqué toute conscience, ne voyant que le profit et oubliant le devoir, brûlent déjà de l’envie de tenter l’expérience.

Certains d’entre eux, représentés par Wang Tsing-wei, ont déjà capitulé. D’autres, camouflés dans le front antijaponais, songent également à passer à l’ennemi. Mais, avec la mauvaise conscience des coupables, ils craignent que le Parti communiste ne leur barre la route, ils redoutent encore plus que le peuple ne les flétrisse comme des traîtres.

Aussi se sont-ils concertés et ont-ils décidé de préparer d’abord l’opinion dans les milieux culturels et dans ceux de la presse. Le plan décidé, les choses n’ont pas traîné ; ils ont embauché quelques « phraseurs métaphysiciens », flanqués de quelques trotskistes, pour brandir la plume telle une épée, faire du tapage, frapper à tort et à travers.

D’où la kyrielle de bobards destinés à tromper ceux qui ne connaissent pas l’époque dans laquelle ils vivent : la « théorie de la révolution unique » et les allégations pour soutenir que le communisme ne convient pas à la situation de la Chine, que le Parti communiste n’y a pas sa raison d’être, que la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée sabotent la Guerre de Résistance et ne font que se déplacer sans combattre, que la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia est un fief féodal, que le Parti communiste n’obéit pas aux ordres, ne veut pas l’unification, mène des intrigues et fomente des troubles tout cela n’a pour but que de fournir aux capitalistes de bonnes raisons d’empocher leurs 49 ou 51 pour cent et de vendre les intérêts de toute la nation à l’ennemi au moment propice. C’est « voler les poutres les piliers et les remplacer par des pièces vermoulues ».

C’est préparer les esprits ou l’opinion publique à la capitulation. Ainsi, ces messieurs qui prêchent avec le plus grand sérieux la « théorie de la révolution unique » pour combattre le communisme et le Parti communiste ne travaillent en réalité que pour leurs 49 ou 51 pour cent, et quel mal ils se donnent pour cela ! La « théorie de la révolution unique » est la théorie du renoncement à la révolution, voilà le fond du sac.

   Mais il est d’autres gens qui, sans avoir, semble-t-il, de mauvaises intentions, se laissent égarer par la « théorie de la révolution unique », par l’idée purement subjective d’ »accomplir d’un seul coup la révolution politique et la révolution sociale » ; ils ne comprennent pas que la révolution est divisée en étapes, que nous ne pouvons passer à la seconde qu’une fois la première accomplie, qu’il n’existe aucune possibilité de tout « accomplir d’un seul coup ».

Ces conceptions sont également très nuisibles : elles brouillent les étapes de la révolution et affaiblissent nos efforts pour la tâche présente. Il est juste et conforme à la théorie marxiste du développement de la révolution d’affirmer que, des deux étapes de la révolution, la première prépare les conditions de la seconde, que les deux étapes doivent se succéder sans qu’il soit permis d’intercaler une étape de dictature bourgeoise.

Cependant, prétendre que la révolution démocratique n’a pas de tâches qui lui soient propres et ne correspond pas à une période déterminée, mais qu’elle peut, en même temps que les siennes, accomplir des tâches réalisables seulement dans une autre période, par exemple celles de la révolution socialiste, et appeler cela tout « accomplir d’un seul coup », c’est soutenir une vue utopique, inacceptable pour les vrais révolutionnaires.

IX. Contre les irréductibles

   Les irréductibles de la bourgeoisie viennent alors nous dire : « Bon ! vous autres communistes, vous remettez le régime socialiste à une étape ultérieure et vous dites : ’Les trois principes du peuple étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète’. Eh bien ! remisez donc pour le moment votre communisme. » Récemment, de tels propos, camouflés sous l’enseigne de la « doctrine unique », sont devenus une clameur effroyable ; au fond, ce n’est que le hurlement des irréductibles qui aspirent au pouvoir absolu de la bourgeoisie. Mais, par politesse, disons simplement que c’est un manque total de bon sens.

   Le communisme est le système complet de l’idéologie prolétarienne en même temps qu’un nouveau régime social. Cette idéologie et ce régime social diffèrent de toute autre idéologie et de tout autre régime social ; ils sont les plus parfaits, les plus progressistes, les plus révolutionnaires, les plus rationnels de toute l’histoire de l’humanité. L’idéologie et le régime social du féodalisme sont entrés au musée de l’histoire.

Ceux du capitalisme sont, eux aussi, entrés au musée dans une partie du monde (en U.R.S.S.) ; partout ailleurs, ils ressemblent à « un moribond qui décline rapidement, comme le soleil derrière les collines de l’ouest » ; ils seront bientôt bons pour le musée.

Seuls l’idéologie et le régime social du communisme se répandent dans le monde entier avec l’impétuosité de l’avalanche et la force de la foudre ; ils feront fleurir leur merveilleux printemps. L’introduction du communisme scientifique en Chine a élargi l’horizon des hommes et changé la face de la révolution chinoise.

Sans la doctrine communiste pour la guider, la révolution démocratique ne pourra jamais triompher en Chine, ni, à plus forte raison, l’étape suivante de la révolution. Voilà pourquoi les irréductibles de la bourgeoisie demandent à grands cris que l’on « remise » le communisme. En vérité, il n’est pas possible de le « remiser », car la Chine serait perdue. Le communisme est pour le monde d’aujourd’hui l’étoile conductrice, et la Chine ne fait pas exception.

   Chacun sait que, en matière de régime social, le Parti communiste a un programme pour le présent et un programme pour l’avenir, autrement dit, un programme minimum et un programme maximum.

La démocratie nouvelle pour le présent, le socialisme pour l’avenir : ce sont les deux parties d’un tout organique, régies par la seule et même idéologie communiste. N’est-ce donc pas le comble de l’absurdité que de crier qu’il faut « remiser » le communisme parce que le programme minimum du Parti communiste et les idées politiques fondamentales des trois principes du peuple sont pratiquement les mêmes ?

Pour nous communistes, c’est parce qu’ils sont pratiquement les mêmes qu’il nous est possible d’admettre « les trois principes du peuple comme politique du front uni antijaponais », d’affirmer que, « les trois principes du peuple étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète ».

Autrement, cette possibilité serait exclue. Ce que nous avons là, c’est le front uni du communisme et des trois principes du peuple à l’étape de la révolution démocratique, le genre de front uni que le Dr Sun Yat-sen avait en vue lorsqu’il disait : « Le communisme est un grand ami des trois principes du peuple ». Rejeter le communisme revient en fait à rejeter le front uni. C’est justement parce qu’ils veulent appliquer leur doctrine du parti unique et rejeter le front uni que les irréductibles ont fabriqué de telles absurdités pour rejeter le communisme.

   D’ailleurs, la « doctrine unique » est tout aussi absurde. Aussi longtemps qu’il existera des classes, il y aura autant de doctrines que de classes, et même les différents groupes d’une seule classe pourront avoir chacun leur propre doctrine. Puisque la classe féodale a son féodalisme, la bourgeoisie son capitalisme, les bouddhistes leur bouddhisme, les chrétiens leur christianisme, les paysans leur polythéisme, puisque, ces dernières années, il se trouve encore des gens pour préconiser le kemalisme, le fascisme, le vitalisme, la « doctrine de répartition selon le travail fourni », pourquoi le prolétariat ne pourrait-il pas avoir son communisme ?

Puisque les « ismes » sont innombrables, pourquoi à la vue du seul communisme crie-t-on qu’il faut le « remiser » ? A dire vrai, il ne peut être question de le « remiser » ; mieux vaut entrer en compétition. Si le communisme est battu, nous, communistes, nous accepterons la défaite de bonne grâce. S’il ne Test pas, qu’on « remise » au plus vite cette « doctrine unique » contraire au principe de la démocratie.

   Pour éviter les malentendus et pour ouvrir les yeux aux irréductibles, il faut montrer clairement l’analogie et les différences entre les trois principes du peuple et le communisme.

   En comparant les deux doctrines, on constatera aussi bien l’analogie que les différences.

   Premièrement, l’analogie. Elle réside dans le programme politique fondamental des deux doctrines pour l’étape de la révolution démocratique bourgeoise en Chine. Les trois principes politiques révolutionnaires : nationalisme, démocratie et bienêtre du peuple, selon la nouvelle interprétation des trois principes du peuple donnée par le Dr Sun Yat-sen en 1924, sont analogues dans leurs grandes lignes au programme politique communiste pour l’étape de la révolution démocratique chinoise.

Cette analogie et l’application des trois principes du peuple donnèrent naissance au front uni des deux doctrines et des deux partis. C’est une erreur de négliger cet aspect de la question.

   Deuxièmement, les différences :

1) Une différence partielle des programmes pour l’étape de la révolution démocratique. Le programme communiste pour tout le cours de la révolution démocratique prévoit les pleins droits pour le peuple, la journée de travail de huit heures et une révolution agraire radicale, points qui ne figurent pas dans les trois principes du peuple. Si on ne les y incorpore pas et si on n’est pas prêt à les réaliser, il n’y aura qu’une analogie de base entre les deux programmes démocratiques, on ne pourra pas dire qu’ils sont tout à fait les mêmes.

2) Une différence en ce qui concerne la révolution socialiste.

La doctrine communiste prévoit, en plus de l’étape de la révolution démocratique, celle de la révolution socialiste ; c’est pourquoi, outre un programme minimum, elle a un programme maximum, c’est-à-dire le programme pour la réalisation du socialisme et du communisme.

Les trois principes du peuple ne prévoient que l’étape de la révolution démocratique, non celle de la révolution socialiste ; aussi ne contiennent-ils qu’un programme minimum et pas de programme maximum, c’est-à-dire pas de programme pour la réalisation du socialisme et du communisme.

3) Une différence dans la conception du monde. La conception communiste du monde est le matérialisme dialectique et le matérialisme historique, alors que la conception du monde contenue dans les trois principes du peuple, c’est la conception historique qui s’exprime dans le principe du bienêtre du peuple, et elle est dans son essence dualiste ou idéaliste ; les deux conceptions sont opposées l’une à l’autre.

4) Une différence quant à la capacité d’aller jusqu’au bout dans la révolution. Les communistes unissent la théorie à la pratique, c’est-à-dire qu’ils sont des révolutionnaires conséquents. Chez les partisans des trois principes du peuple, exception faite de ceux qui sont tout à fait fidèles à la révolution et à la vérité, l’unité de la théorie et de la pratique n’existe pas et il y a contradiction entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font ; en d’autres termes, ils ne sont pas des révolutionnaires conséquents.

Telles sont les différences entre les deux doctrines, les différences qui distinguent les communistes des partisans des trois principes du peuple. C’est assurément une grave erreur de négliger ces différences, de ne voir que l’unité et non les contradictions.

   Quand on aura compris cela, on saura pourquoi les irréductibles de la bourgeoisie demandent de « remiser » le communisme. Ne pas voir que c’est pour assurer le pouvoir absolu à la bourgeoisie serait totalement de bon sens.

X. Les anciens et les nouveaux trois principes du peuple

   Les irréductibles de la bourgeoisie ne comprennent absolument rien aux transformations historiques ; leurs connaissances sont si pauvres qu’elles sont pratiquement nulles. Ils ne voient les différences ni entre le communisme et les trois principes du peuple, ni entre les anciens et les nouveaux trois principes du peuple.

   Nous, communistes, nous admettons « les trois principes du peuple comme base politique du front uni national antijaponais » ; nous affirmons que, « les trois principes du peuple étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète » ; nous reconnaissons que le programme minimum du communisme et les idées politiques fondamentales des trois principes du peuple sont pratiquement les mêmes. Mais de quels trois principes du peuple s’agit-il ?

De ceux dont le Dr Sun Yat-sen a donné une interprétation nouvelle dans le « Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang » et d’aucun autre. Je voudrais que messieurs les irréductibles parcourent eux aussi ce Manifeste, dans un de ces moments de quiétude satisfaite qui suivent leur travail de « limitation du Parti communiste », de « désintégration du Parti communiste » et de « lutte contre le Parti communiste ».

Le Dr Sun Yat-sen a déclaré dans le Manifeste : « Là est la bonne interprétation des trois principes du peuple du Kuomintang ». Ainsi, ces principes sont les seuls véritables ; toutes les autres versions sont fausses. Seule l’interprétation contenue dans le « Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang » est la « bonne interprétation », alors que toutes les autres sont fausses. Il y a tout lieu de croire que ce n’est pas là un « bobard » communiste, car beaucoup de membres du Kuomintang et moi-même personnellement, nous avons été témoins de l’adoption du Manifeste.

   Le Manifeste marque la séparation entre deux époques dans l’histoire des trois principes du peuple. Avant le Manifeste, ils appartenaient à l’ancienne catégorie ; c’étaient ceux de l’ancienne révolution démocratique bourgeoise d’un pays semi-colonial, ceux de l’ancienne démocratie, les anciens trois principes du peuple.

   Après le Manifeste, ils appartiennent à la nouvelle catégorie ; ce sont ceux de la nouvelle révolution démocratique bourgeoise d’un pays semi-colonial, ceux de la démocratie nouvelle, les nouveaux trois principes du peuple. Ces derniers seuls sont les trois principes du peuple révolutionnaires de la période nouvelle.

   Ces trois principes du peuple révolutionnaires de la période nouvelle, ces nouveaux, ces vrais trois principes du peuple, ce sont ceux qui comportent les trois thèses politiques fondamentales : alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et soutien aux paysans et aux ouvriers. Dans la période nouvelle, sans ces trois thèses, et n’en manquerait-il qu’une seule, les trois principes du peuple deviennent faux ou incomplets.

   En premier lieu, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement l’alliance avec la Russie. Il est parfaitement clair que, dans la situation actuelle, si l’on n’adopte pas la politique d’alliance avec la Russie, avec le pays du socialisme, on sera forcément réduit à une politique d’alliance avec l’impérialisme, avec les puissances impérialistes. Ne l’avons-nous pas vu déjà après 1927 ?

Lorsque la lutte entre l’Union soviétique socialiste et les puissances impérialistes s’intensifiera, la Chine devra se ranger d’un côté ou de l’autre. Cela est inévitable. Est-il possible qu’il en soit autrement ? Non, c’est une illusion.

Tous les pays du monde seront entraînés dans l’un ou l’autre de ces deux fronts et la « neutralité » ne sera dès lors qu’un terme trompeur. Cela est vrai en particulier pour la Chine : luttant contre une puissance impérialiste qui a pénétré profondément dans son territoire, elle n’a aucun espoir de remporter la victoire finale sans l’aide soviétique.

Si l’alliance avec l’Union soviétique est abandonnée au profit d’une alliance avec l’impérialisme, il faut alors ôter le qualificatif de « révolutionnaires » aux trois principes du peuple, devenus réactionnaires. Disons, en dernière analyse, qu’il n’y a pas de trois principes du peuple « neutres », ils ne peuvent être que révolutionnaires ou contre-révolutionnaires.

Mais ne serait-il pas plus héroïque d’engager un « combat entre deux feux », suivant la formule avancée autrefois par Wang Tsing-wei, et d’avoir une version des trois principes du peuple qui serve ce « combat » ? Le malheur est que l’inventeur de cette formule, Wang Tsing-wei, a lui-même abandonné (ou « remisé ») cette version pour adopter les trois principes du peuple de l’alliance avec l’impérialisme.

Si l’on soutient qu’il y a une différence entre les impérialistes d’Orient et ceux d’Occident, et que, lui s’étant allié avec les impérialistes d’Orient, on va s’allier avec tels ou tels impérialistes d’Occident pour diriger l’attaque vers l’est, n’aura-t-on pas adopté une conduite tout à fait révolutionnaire ? Mais que vous le vouliez ou non, les impérialistes d’Occident sont décidés à combattre l’Union soviétique et le communisme, si donc vous vous alliez avec eux, ils vous demanderont de diriger l’attaque vers le nord, et votre révolution n’aboutira à rien.

Puisqu’il en est ainsi, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement l’alliance avec la Russie, et en aucun cas l’alliance avec l’impérialisme contre la Russie.

   En second lieu, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement l’alliance avec le Parti communiste. On est l’allié du Parti communiste ou on le combat. L’anticommunisme est la politique des impérialistes japonais et de Wang Tsing-wei, et si c’est ce que vous voulez aussi, très bien, ils vous inviteront à entrer dans leur Société anticommuniste. Ne seriez-vous pas alors un peu suspect de collaboration avec le Japon ? Moi, direz-vous, je n’irai pas avec le Japon, mais avec une autre puissance.

C’est tout aussi ridicule. Qu’importé avec qui vous irez, du moment que vous êtes anticommuniste, vous êtes un traître à la nation, parce que vous ne pouvez plus combattre le Japon. J’irai, direz-vous, combattre le Parti communiste indépendamment. C’est pure divagation. Comment les « héros » d’un pays colonial et semi-colonial peuvent-ils s’attaquer à une entreprise contrerévolutionnaire de cette importance sans compter sur les forces impérialistes ?

Pendant dix ans, on a fait appel à presque toutes les puissances impérialistes du monde pour combattre le Parti communiste, sans obtenir aucun résultat ; comment, aujourd’hui, parviendra-t-on soudain à le combattre « indépendamment » ? Il y a, paraît-il, hors de notre Région frontière, des gens qui disent : « Combattre le Parti communiste, c’est bien, mais on ne réussira pas à le battre. » Si la remarque a vraiment été faite, elle est fausse à moitié : en effet, en quoi est-ce « bien » de combattre le Parti communiste ?

Mais l’autre moitié est juste, car il est vrai qu’ »on ne réussira pas à le battre ». La raison essentielle, il faut la chercher non chez les communistes, mais dans le peuple, qui tient au Parti communiste et ne veut pas le combattre. Si vous le combattez à un moment où l’ennemi de la nation a pénétré profondément dans notre territoire, le peuple sera sans pitié pour vous, il vous en demandera compte sur votre vie.

C’est chose certaine, celui qui veut combattre le Parti communiste doit s’attendre à être réduit en miettes. S’il ne tient pas à subir ce sort, il vaut nettement mieux qu’il s’abstienne. C’est le conseil que nous donnons sincèrement à tous les « héros » de l’anticommunisme. Ainsi, rien n’est plus clair : aujourd’hui, les trois principes du peuple doivent comprendre l’alliance avec le Parti communiste, sous peine d’aller à l’échec. C’est pour eux une question de vie ou de mort ; unis au Parti communiste, ils survivront ; opposés au Parti communiste, ils disparaîtront. Qui donc pourrait prouver le contraire ?

   En troisième lieu, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement une politique en faveur des paysans et des ouvriers. Si vous ne voulez pas de cette politique, si vous ne voulez pas soutenir sincèrement les paysans et les ouvriers, si vous ne voulez pas « éveiller les masses », comme le recommande le testament du Dr Sun Yat-sen, vous préparez l’échec de la révolution et votre propre échec. Staline a dit : « …la question nationale est, au fond, une question paysanne. »

Cela veut dire que la révolution chinoise est, au fond, une révolution paysanne, que la résistance que nous opposons au Japon est donc la guerre de résistance des paysans contre le Japon. Appliquer le système politique de démocratie nouvelle revient, au fond, à accorder aux paysans leurs droits. Les nouveaux, les vrais trois principes du peuple sont, au fond, les principes de la révolution paysanne. Le problème de la culture des masses, c’est, au fond, l’élévation du niveau culturel des paysans. La Guerre de Résistance est, au fond, une guerre paysanne.

On applique aujourd’hui le « principe d’aller dans les montagnes » ; là, on organise des réunions, on travaille, on fait la classe, on édite des journaux, on écrit des livres, on joue des pièces de théâtre : tout cela, au fond, est fait pour les paysans. Tout ce qui est nécessaire à la Guerre de Résistance ainsi qu’à notre subsistance est, au fond, fourni par les paysans.

Quand on dit « au fond », cela veut dire « pour l’essentiel », mais cela ne signifie pas qu’on néglige les autres fractions de la population, comme Staline lui-même l’a expliqué. Les paysans constituent les 80 pour cent de la population de la Chine ; même un écolier le sait. Aussi la question paysanne est-elle devenue la question fondamentale de la révolution chinoise, et les paysans en sont-ils la force principale. Après les paysans, il y a les ouvriers, dont l’effectif vient au second rang dans la population chinoise. La Chine a plusieurs millions d’ouvriers industriels et plusieurs dizaines de millions d’artisans et d’ouvriers agricoles.

La Chine ne peut pas vivre sans les ouvriers des diverses industries, parce que ce sont eux les producteurs du secteur industriel de notre économie. Et la révolution ne peut pas triompher sans la classe ouvrière de l’industrie moderne, parce que c’est elle qui dirige la révolution chinoise et qui a l’esprit le plus révolutionnaire.

Dans ces conditions, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comportent nécessairement une politique en faveur des paysans et des ouvriers. S’ils ne comportaient pas cette politique, ne prévoyaient pas un soutien sincère aux paysans et aux ouvriers et ne visaient pas à « éveiller les masses », leur échec serait certain.

   On peut donc déduire que les trois principes du peuple qui s’écarteraient des trois thèses politiques fondamentales : alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et soutien aux paysans et aux ouvriers, n’auraient aucun avenir. Tout partisan honnête des trois principes du peuple se doit d’y réfléchir sérieusement.

   Les trois principes du peuple qui comprennent les trois thèses politiques fondamentales – les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais – sont ceux de la démocratie nouvelle, le développement des anciens trois principes du peuple, la grande contribution du Dr Sun Yat-sen, le produit de l’époque où la révolution chinoise est devenue une partie de la révolution mondiale socialiste.

C’est ceux-là seulement que le Parti communiste chinois considère comme étant « aujourd’hui nécessaires à la Chine », et pour lesquels il « est prêt à lutter » jusqu’à « leur réalisation complète ». C’est ceux-là seulement qui présentent une analogie fondamentale avec le programme politique du Parti communiste chinois pour l’étape de la révolution démocratique, c’est-à-dire avec son programme minimum.

   Quant aux anciens trois principes du peuple, ils étaient un produit de l’ancienne période de la révolution chinoise. La Russie d’alors était un Etat impérialiste et il ne pouvait naturellement y avoir de politique d’alliance avec elle ; en Chine, il n’y avait pas alors le Parti communiste, et il ne pouvait évidemment y avoir de politique d’alliance avec lui.

Le mouvement ouvrier et paysan n’avait pas encore révélé toute son importance politique ni attiré l’attention sur lui et il ne pouvait donc y avoir de politique d’alliance avec les ouvriers et les paysans. C’est pourquoi les trois principes du peuple d’avant la réorganisation du Kuomintang en 1924 appartiennent à l’ancienne catégorie et sont périmés. Le Kuomintang ne pouvait pas avancer à moins d’en faire les nouveaux trois principes du peuple.

Grâce à sa clairvoyance, Sun Yat-sen le comprit et, avec l’aide de l’Union soviétique et du Parti communiste chinois, il donna une nouvelle interprétation des trois principes du peuple, Ceux-ci furent dotés de caractéristiques nouvelles, conformes à l’époque, ce qui permit de réaliser le front uni des trois principes du peuple avec le communisme, d’établir pour la première fois une coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste, d’obtenir l’adhésion de toute la nation et d’entreprendre la révolution de 1924-1927.

   Les anciens trois principes du peuple étaient révolutionnaires dans l’ancienne période, dont ils reflétaient les particularités historiques.

Mais si, dans la nouvelle période, après l’établissement des nouveaux trois principes du peuple, on s’obstine à s’accrocher aux choses périmées, à combattre l’alliance avec la Russie après la naissance de l’Etat socialiste, à s’opposer à l’alliance avec le Parti communiste après la fondation de celui-ci, à lutter contre la politique de soutien aux paysans et aux ouvriers après leur prise de conscience et la manifestation de leur force politique, on fait alors des trois principes du peuple quelque chose de réactionnaire, qui ne répond pas à l’esprit de l’époque actuelle.

La réaction d’après 1927 résulta précisément de la méconnaissance de l’esprit de l’époque. « Qui comprend les signes de son temps est un grand homme », dit un proverbe. J’espère que les partisans actuels des trois principes du peuple s’en souviendront.

   Pour ce qui est des anciens trois principes du peuple, ils ne présentent aucune analogie fondamentale avec le programme minimum communiste, parce qu’ils appartiennent au passé et sont périmés.

S’il s’agit de trois principes du peuple dirigés contre la Russie, contre le Parti communiste et contre les paysans et les ouvriers, ce sont des principes réactionnaires qui non seulement n’ont plus rien de commun avec le programme minimum communiste, mais sont ennemis du communisme ; il n’y a donc aucune base de discussion possible. A cela aussi les partisans des trois principes du peuple feraient bien de réfléchir sérieusement.

   De toute façon, tant que les tâches de la lutte contre l’impérialisme et le féodalisme n’auront pas été achevées pour l’essentiel, aucun homme de conscience n’abandonnera les nouveaux trois principes du peuple. Seuls des gens comme Wang Tsing-wei les ont abandonnés. En dépit de l’ardeur de ceux-ci à faire appliquer leurs faux trois principes du peuple qui sont contre la Russie, contre le Parti communiste et contre les paysans et les ouvriers, il se trouvera toujours des hommes honnêtes, des hommes épris de justice qui continueront à défendre les vrais trois principes du peuple de Sun Yat-sen.

Si, après la réaction de 1927, les vrais partisans des trois principes du peuple, qui continuaient le combat pour la révolution chinoise, étaient encore nombreux, maintenant que l’ennemi de notre nation a pénétré profondément dans notre territoire, il est certain qu’ils sont légion. Nous autres communistes, nous persévérerons dans une coopération à long terme avec tous les partisans sincères des trois principes du peuple et, tout en repoussant les traîtres et les anticommunistes invétérés, nous n’abandonnerons jamais aucun de nos amis.

XI. La culture de Démocratie Nouvelle

   Nous avons expliqué plus haut les particularités historiques du système politique de la Chine dans la nouvelle période, ainsi que la question de la république de démocratie nouvelle. Nous pouvons aborder maintenant la question de la culture.

   Toute culture est, sur le plan idéologique, le reflet de la politique et de l’économie d’une société donnée. En Chine, il existe une culture impérialiste, qui est le reflet de la domination ou de la domination partielle, politique et économique, de l’impérialisme sur la Chine. Cette culture est non seulement entretenue par les institutions culturelles administrées directement en Chine par les impérialistes, mais encore prônée par des Chinois sans pudeur. Toute culture qui porte en elle des idées servîtes entre dans cette catégorie.

En Chine, il existe aussi une culture semi-féodale, reflet de la politique et de l’économie semi-féodales du pays ; ses représentants comprennent tous ceux qui prônent le culte de Confucius, l’étude du canon confucéen, l’ancienne morale et les vieilles idées et qui s’opposent à la culture nouvelle et aux idées nouvelles. La culture, impérialiste et la culture semi-féodale sont deux sœurs très unies qui ont contracté une alliance réactionnaire pour s’opposer à la nouvelle culture chinoise.

Ces cultures réactionnaires sont au service des impérialistes et de la classe féodale et doivent être abattues. Sinon, il sera impossible d’édifier une culture nouvelle. Sans destruction, pas de construction ; sans barrage, pas de courant ; sans repos, pas de mouvement. Entre la culture nouvelle et les cultures réactionnaires une lutte à mort est engagée.

   Quant à la culture nouvelle, elle est, sur le plan idéologique, le reflet de la politique et de l’économie nouvelles, et elle est à leur service.

   Comme nous l’avons exposé dans la section 3, depuis que la Chine a vu naître une économie capitaliste, la société chinoise a peu à peu changé de nature : elle a cessé d’être entièrement féodale pour devenir semi-féodale, bien que l’économie féodale prédomine encore. Par rapport à cette dernière, le capitalisme est une économie nouvelle. En même temps que cette économie nouvelle, capitaliste, apparaissaient et se développaient de nouvelles forces politiques : la bourgeoisie, la petite bourgeoisie et le prolétariat.

Et la culture nouvelle est, sur le plan idéologique, le reflet des nouvelles forces économiques et politiques, et elle est à leur service. Sans l’économie capitaliste, sans la bourgeoisie, la petite bourgeoisie et le prolétariat, sans les forces politiques que représentent ces classes, ni l’idéologie ni la culture nouvelles n’auraient pu naître.

   Les nouvelles forces politiques, économiques et culturelles sont toutes des forces révolutionnaires qui s’opposent à l’ancienne politique, à l’ancienne économie et à l’ancienne culture. Celles-ci se composent de deux parties : d’une part, la politique, l’économie et la culture semi-féodales, proprement chinoises ; d’autre part, la politique, l’économie et la culture impérialistes, qui sont prépondérantes dans l’alliance de ces deux parties.

Elles sont aussi nuisibles l’une que l’autre et doivent être détruites complètement. La lutte entre l’ancien et le nouveau dans la société chinoise, c’est la lutte entre les forces nouvelles, celles des masses populaires les classes révolutionnaires, et les forces anciennes, celles de l’impérialisme et de la classe féodale ; c’est la lutte entre la révolution et la contrerévolution. Elle dure depuis un siècle déjà, si on la fait remonter à la Guerre de l’Opium, et depuis près de trente ans, si on la fait débuter à la Révolution de 1911.

   Mais comme il a été dit plus haut, une révolution elle aussi peut être ancienne ou nouvelle ; nouvelle à une époque de l’histoire, elle devient ancienne à une autre. Les cent ans de la révolution démocratique bourgeoise de Chine se divisent en deux grandes périodes : les quatre-vingts premières années et les vingt dernières.

Chacune possède une particularité historique fondamentale : dans la première, la révolution démocratique bourgeoise appartient à l’ancienne catégorie ; dans la seconde, du fait de l’évolution de la situation politique internationale et intérieure, elle appartient à la nouvelle catégorie. Démocratie ancienne pour les quatre-vingts premières années, démocratie nouvelle pour les vingt dernières années. Cette distinction sur le plan politique apparaît également sur le plan culturel.

   Comment se manifeste-t-elle sur le plan culturel ? C’est ce que nous allons expliquer.

XII. Les particularités historiques de la Révolution Culturelle en Chine

   Sur le front culturel ou sur le front idéologique, la période qui précède le Mouvement du 4 Mai et celle qui le suit constituent deux périodes historiques distinctes.

   Avant le Mouvement du 4 Mai, la lutte sur le front culturel en Chine opposait la nouvelle culture bourgeoise à la vieille culture féodale. Les luttes entre le système scolaire moderne et le système des examens impériaux, entre la nouvelle école et l’ancienne, entre les études à l’occidentale et les études à la chinoise étaient toutes de cette nature.

Par système scolaire moderne, nouvelle école ou études à l’occidentale on entendait essentiellement (nous disons essentiellement, parce qu’il s’y mêlait encore bien des séquelles de la féodalité chinoise) les sciences de la nature et les doctrines sociales et politiques de la bourgeoisie dont avaient besoin ses représentants. A l’époque, l’idéologie de cette nouvelle école joua un rôle révolutionnaire en combattant l’idéologie féodale chinoise ; elle était au service de la révolution démocratique bourgeoise de l’ancienne période.

Toutefois, comme la bourgeoisie chinoise était impuissante et que le monde était déjà parvenu au stade de l’impérialisme, cette idéologie bourgeoise fut repoussée dès les premières rencontres par l’alliance réactionnaire des idées serviles, inculquées par l’impérialisme étranger, et des idées féodales de « retour aux anciens ».

Face à la contre-offensive esquissée par cette alliance idéologique réactionnaire, la nouvelle école roula ses drapeaux, fit taire ses tambours et sonna la retraite ; son âme perdue, il ne resta d’elle que l’enveloppe. Dès l’époque de l’impérialisme, l’ancienne culture démocratique bourgeoise, corrompue, avait perdu toute vigueur ; sa défaite était inévitable.

   Mais à partir du « 4 Mai », les choses ont changé de cours. Une force culturelle toute nouvelle est apparue en Chine, ce sont la culture et l’idéologie communistes, guidées par les communistes chinois, autrement dit, la conception communiste du monde et la théorie communiste de la révolution sociale.

Le Mouvement du 4 Mai se produisit en 1919 ; la fondation du Parti communiste chinois et le début réel du mouvement ouvrier datent de 1921. Ces événements ont eu lieu après la Première guerre mondiale et la Révolution d’Octobre, c’est-à-dire au moment où, sur le plan mondial, la question nationale et le mouvement révolutionnaire dans les colonies prenaient un aspect nouveau Ici, la relation entre la révolution chinoise et la révolution mondiale devient manifeste.

Grâce à l’apparition sur la scène politique chinoise de nouvelles forces politiques prolétariat et Parti communiste, la nouvelle force culturelle, en nouvel uniforme et pourvue d’armes nouvelles, rassemblant tous les alliés possibles et se rangeant en ordre de bataille, lançait une offensive hardie contre les cultures impérialiste et féodale.

Cette force nouvelle a connu une grande expansion dans le domaine des sciences sociales (philosophie, sciences économiques, politiques, militaires, historiques) comme dans celui de la littérature et de l’art (théâtre, cinéma, musique, sculpture, peinture). Depuis vingt ans, partout où elle a porté ses attaques, elle a suscité une grande révolution, aussi bien dans le contenu idéologique que dans la forme (dans la langue écrite, par exemple). Elle a donné une impulsion si forte, fait preuve d’une puissance si considérable qu’elle fut irrésistible. La mobilisation qu’elle a réalisée est d’une ampleur sans égale dans l’histoire de la Chine.

Et Lou Sin est le porte-drapeau le plus glorieux et le plus intrépide de cette nouvelle force culturelle. Commandant en chef de la révolution culturelle chinoise, il est grand non seulement comme homme de lettres, mais encore comme penseur et révolutionnaire.

D’une rectitude inflexible, sans une ombre de servilité ou d’obséquiosité qualité inestimable pour le peuple d’un pays colonial ou semi-colonial Lou Sin représente sur le front culturel l’écrasante majorité du peuple ; il est le héros national le plus lucide, le plus courageux, le plus ferme, le plus loyal et le plus ardent qui ait jamais livré assaut aux positions ennemies.

La voie dans laquelle il s’est engagé est celle de la nouvelle culture du peuple chinois.

   Avant le « 4 Mai », la nouvelle culture chinoise relevait de la culture de l’ancienne démocratie et constituait une partie de la révolution culturelle capitaliste de la bourgeoisie mondiale. Depuis le « 4 Mai », elle relève de la démocratie nouvelle et fait partie de la révolution culturelle socialiste du prolétariat mondial.

   Avant le « 4 Mai », le mouvement de la nouvelle culture, ou révolution culturelle chinoise, était mené par la bourgeoisie, qui jouait encore le rôle dirigeant. Depuis le « 4 Mai », la culture et l’idéologie de la bourgeoisie retardent encore plus que ses institutions politiques et ne sont plus du tout en mesure de jouer ce rôle.

Tout au plus peuvent-elles, en période de révolution et jusqu’à un certain point, faire partie d’une alliance dont la direction revient nécessairement à la culture et l’idéologie du prolétariat. C’est là un fait patent, indéniable.

   La culture de démocratie nouvelle, c’est la culture anti-impérialiste antiféodale des masses populaires ; c’est aujourd’hui la culture du front uni de résistance contre le Japon. Elle ne peut être dirigée que par la culture et l’idéologie du prolétariat, c’est-à-dire par l’idéologie communiste ; la culture et l’idéologie d’aucune autre classe ne peuvent assumer ce rôle. Bref, la culture de démocratie nouvelle, c’est la culture antiimpérialiste et antiféodale, appartenant aux masses populaires et dirigée par le prolétariat.

XIII. Les quatre périodes

   La révolution culturelle est le reflet, sur le plan idéologique, de la révolution politique et de la révolution économique, et elle est à leur service. En Chine, il y a un front uni dans la révolution culturelle comme dans la révolution politique.

   L’histoire du front uni dans la révolution culturelle a connu, au cours des vingt dernières années, quatre périodes. La première couvre les deux années de 1919 à 1921 ; la deuxième, les six années de 1921 à 1927 ; la troisième, les dix années de 1927 à 1937 ; la quatrième, les trois années de 1937 à nos jours.

   La première période va du Mouvement du 4 Mai 1919 à la fondation du Parti communiste chinois en 1921. Cette période a été marquée essentiellement par ce Mouvement.

   Le Mouvement du 4 Mai fut aussi bien antiimpérialiste qu’antiféodal. Sa portée historique exceptionnelle réside dans le fait que, dépassant la Révolution de 1911, il revêt le caractère d’une lutte conséquente et intransigeante contre l’impérialisme et le féodalisme.

Ce caractère provient de ce que l’économie capitaliste chinoise avait fait un pas en avant, et que les intellectuels révolutionnaires chinois, ayant vu s’effondrer trois grandes puissances impérialistes : la Russie, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, et s’affaiblir deux autres : l’Angleterre et la France, tandis que le prolétariat russe fondait un Etat socialiste et que le prolétariat allemand, hongrois et italien était en révolution, en conçurent un nouvel espoir quant à la libération de la nation chinoise.

Le Mouvement du 4 Mai est né à l’appel de la révolution mondiale, à l’appel de la révolution russe, à l’appel de Lénine. Il fait partie de la révolution mondiale prolétarienne de l’époque. Bien que le Parti communiste chinois n’existât pas encore lors du « 4 Mai », un grand nombre d’intellectuels approuvaient déjà la révolution russe et commençaient à avoir des idées communistes. Le Mouvement du 4 Mai était, à l’origine, un mouvement révolutionnaire d’un front uni formé de trois éléments : intellectuels aux idées communistes, intellectuels révolutionnaires de la petite bourgeoisie et intellectuels de la bourgeoisie (ces derniers en formaient l’aile droite).

Son point faible, c’est qu’il se limitait aux intellectuels, les ouvriers et les paysans n’y participant pas. Mais lorsqu’il engendra le Mouvement du 3 Juin, auquel prirent part non plus seulement les intellectuels mais les larges masses du prolétariat, de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie, il devint un mouvement révolutionnaire d’envergure nationale. La révolution culturelle qu’il avait entreprise était un mouvement d’opposition intransigeante à la culture féodale. Il n’y avait jamais eu dans l’histoire chinoise de révolution culturelle aussi vaste et aussi radicale.

Son grand mérite est d’avoir arboré, à ce moment-là, à la fois le drapeau de la lutte contre l’ancienne morale, pour la nouvelle, et celui de la lutte pour la nouvelle littérature, contre l’ancienne. Toutefois, ce mouvement culturel n’avait pas encore la possibilité de s’étendre aux masses ouvrières et paysannes.

Il a certes lancé le mot d’ordre d’ »une littérature pour les gens du peuple », mais ce qu’on entendait alors par « gens du peuple » devait en fait se limiter aux intellectuels de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie des villes, c’est-à-dire à l’intelligentsia urbaine. Le Mouvement du 4 Mai a préparé, sur le plan des idées et dans le domaine des cadres, la fondation du Parti communiste chinois en 1921, ainsi que le Mouvement du 30 Mai 1925 et l’Expédition du Nord. Les intellectuels bourgeois formaient l’aile droite du Mouvement du 4 Mai ; dans la deuxième période, la plupart d’entre eux entrèrent en compromis avec l’ennemi et passèrent à la réaction.

   Dans la deuxième période, marquée par la fondation du Parti communiste chinois, par le Mouvement du 30 Mai et l’Expédition du Nord, le front uni des trois classes constitué pendant le Mouvement du 4 Mai s’est maintenu, il s’est même développé ; la paysannerie y a été entraînée, et toutes ces classes formèrent sur le plan politique un front uni : première coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste.

Le Dr Sun Yat-sen est un grand homme non seulement parce qu’il dirigea la grande Révolution de 1911 (qui était toutefois une révolution démocratique de l’ancienne période), mais aussi parce que, sachant « suivre les courants mondiaux et répondre aux besoins des masses », il formula les trois thèses politiques révolutionnaires fondamentales : alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et soutien aux paysans et aux ouvriers, et donna une nouvelle interprétation des trois principes du peuple, établissant ainsi les nouveaux trois principes du peuple qui comportent ces trois thèses politiques fondamentales.

Jusque-là, les trois principes du peuple présentaient peu d’intérêt pour les milieux enseignants, universitaires et pour la jeunesse, parce qu’ils ne proposaient de mots d’ordre ni contre l’impérialisme, ni contre le régime féodal ni contre la culture et l’idéologie féodales. C’étaient les anciens trois principes du peuple, que l’on considérait comme le drapeau provisoire d’un groupe de gens qui s’en servaient pour accaparer le pouvoir, c’est-à-dire pour accéder à des fonctions officielles, comme un drapeau pour de pures manœuvres politiques.

Mais, par la suite, apparurent les nouveaux trois principes du peuple, avec leurs trois thèses politiques fondamentales, qui, grâce à la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste et aux efforts des membres révolutionnaires des deux partis, furent propagés dans toute la Chine et se répandirent dans une partie des milieux enseignants et universitaires et dans la masse des étudiants.

Ce résultat est dû entièrement au fait que les anciens trois principes du peuple étaient devenus les trois principes du peuple de démocratie nouvelle, anti-impérialistes et antiféodaux, comportant les trois thèses politiques fondamentales ; sans ce développement, la propagation des idées qu’ils contiennent aurait été impossible.

   Pendant cette période, les trois principes du peuple révolutionnaires devinrent la base politique du front uni du Kuomintang, du Parti communiste et de toutes les classes révolutionnaires ; comme « le communisme est un grand ami des trois principes du peuple », les deux doctrines se constituèrent en front uni formé, du point de vue des classes sociales, par le prolétariat, la paysannerie, la petite bourgeoisie urbaine et la bourgeoisie.

Appuyant leur action sur l’hebdomadaire communiste Hsiangtaotcheoupao, sur le quotidien kuomintanien de Changhaï Minkouojepao et sur les journaux de diverses régions, les deux partis menèrent en commun la propagande anti-impérialiste ; en commun, ils se dressèrent contre l’enseignement féodal basé sur le culte de Confucius et l’étude du canon confucéen, contre la littérature et la langue littéraire écrite de l’ancien style féodal, pour préconiser la nouvelle littérature et la nouvelle langue écrite au contenu anti-impérialiste et antiféodal. Au cours des campagnes dans le Kouangtong et de l’Expédition du Nord, ces idées anti-impérialistes et antiféodales furent introduites dans les armées chinoises et devinrent l’instrument de leur réforme.

Parmi des millions et des millions de paysans furent lancés les mots d’ordre : « A bas les fonctionnaires corrompus ! » et « A bas les despotes locaux et les mauvais hobereaux !’ ce qui déchaîna de grandes luttes révolutionnaires paysannes.

Grâce à tout cela, et aussi grâce à l’aide de l’Union soviétique, la victoire fut remportée dans l’Expédition du Nord. Mais aussitôt que la grande bourgeoisie eut accédé au pouvoir, elle liquida cette révolution, et la situation politique entra dans une phase nouvelle.

   La troisième période fut la nouvelle période révolutionnaire allant de 1927 à 1937. Vers la fin de la période précédente, des changements s’étaient produits dans le camp révolutionnaire : la grande bourgeoisie chinoise était passée dans le camp contre-révolutionnaire des impérialistes et des forces féodales, et la bourgeoisie nationale l’avait suivie ; ainsi, des quatre classes du camp révolutionnaire, il n’en restait que trois : le prolétariat, la paysannerie et les autres fractions de la petite bourgeoisie (y compris les intellectuels révolutionnaires).

C’est pourquoi la révolution chinoise entra inévitablement dans une phase nouvelle, au cours de laquelle le Parti communiste chinois fut seul à diriger les masses dans la lutte révolutionnaire. Cette période fut à la fois celle des campagnes « d’encerclement et d’anéantissement » menées par la contrerévolution et celle de la pénétration en profondeur de la révolution. Les campagnes « d’encerclement et d’anéantissement » revêtirent alors deux formes, l’une militaire et l’autre culturelle, la pénétration en profondeur de la révolution prenant deux formes également, l’une agraire et l’autre culturelle.

A l’instigation des impérialistes, les forces contre-révolutionnaires de toute la Chine et du monde entier furent mobilisées pour cette double campagne « d’encerclement et d’anéantissement », qui ne dura pas moins de dix ans et fut d’une atrocité inouïe ; plusieurs centaines de milliers de communistes et d’étudiants furent massacrés et des millions d’ouvriers et de paysans furent l’objet d’une sauvage répression.

Ceux qui étaient responsables de ces campagnes croyaient pouvoir « liquider une fois pour toutes » le communisme et le Parti communiste. Pourtant, c’est le contraire qui se produisit : les deux campagnes se soldèrent par un échec lamentable. La campagne militaire aboutit à la marche de l’Armée rouge vers le nord pour résister au Japon, et la campagne culturelle, au déclenchement du mouvement révolutionnaire de la jeunesse du 9 décembre 1935.

Et le résultat commun des deux campagnes fut l’éveil de toute la nation. Ce furent trois résultats positifs. Mais voici le plus curieux : Alors que le Parti communiste se trouvait absolument sans défense dans toutes les institutions culturelles des régions contrôlées par le Kuomintang, comment se fait-il que la campagne culturelle du Kuomintang ait connu là aussi un échec complet ? Cela ne donne-t-il pas matière à de profondes réflexions ? C’est du reste au cours de cette campagne que Lou Sin, acquis au communisme, est devenu la grande figure de la révolution culturelle chinoise.

   Le résultat négatif de ces campagnes « d’encerclement et d’anéantissement » menées par la contrerévolution, ce fut l’invasion de notre pays par l’impérialisme japonais. Là est la raison principale de la haine, aujourd’hui encore si vivace, que notre peuple tout entier porte à ces dix années de campagne anticommuniste.

   Au cours des luttes engagées durant cette période, les révolutionnaires s’en tinrent fermement à la démocratie nouvelle et aux nouveaux trois principes du peuple anti-impérialistes et antiféodaux des masses populaires, alors que la contrerévolution pratiquait un despotisme fondé sur l’alliance des propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie, alliance placée sous les ordres de l’impérialisme.

Ce despotisme a causé l’échec politique et culturel des trois thèses fondamentales de Sun Yat-sen et de ses nouveaux trois principes du peuple, plongeant ainsi la nation chinoise dans de profonds malheurs.

   La quatrième période, c’est la période actuelle de la Guerre de Résistance contre le Japon. Dans le cours sinueux de la révolution chinoise réapparaît, mais en plus vaste, le front uni des quatre classes. Il comprend en effet, dans la couche supérieure de la société, de nombreux représentants des milieux gouvernants, dans la couche moyenne, la bourgeoisie nationale et la petite bourgeoisie, et, dans la couche inférieure, tous les prolétaires.

Ainsi, les différentes couches sociales de la nation se sont coalisées dans une lutte résolue contre l’impérialisme japonais. La première phase de cette période précède la chute de Wouhan. Un grand élan animait alors la vie du pays dans tous les domaines : on remarquait, sur le plan politique, une tendance à la démocratisation et, sur le plan culturel, une assez large mobilisation des masses.

La chute de Wouhan a inauguré la deuxième phase, marquée par de nombreux changements dans la situation politique : une fraction de la grande bourgeoisie s’est rendue à l’ennemi, tandis que l’autre fraction cherche à liquider au plus tôt la Guerre de Résistance. Ce phénomène se traduit sur le plan culturel par les agissements réactionnaires de YéTsing, Tchang Kiun-mai et autres, ainsi que par l’absence de liberté de parole et de presse.

   Pour surmonter cette crise, il faut combattre résolument toutes les idées opposées à la Résistance, à l’union et au progrès. Pas d’espoir de gagner la guerre si l’on ne détruit pas ces idées réactionnaires. Quel est l’avenir de cette lutte ? C’est la grande question qui préoccupe le peuple dans tout le pays. A en juger par la situation intérieure et internationale, le peuple chinois vaincra, si nombreuses que soient les difficultés qu’il rencontrera sur le chemin de la Résistance.

Dans les vingt années qui ont suivi le Mouvement du 4 Mai, le progrès est plus grand que dans les quatre-vingts années précédentes, plus grand même que ce qui a été accompli durant les millénaires de toute l’histoire de la Chine. N’est-il pas facile d’imaginer jusqu’où ira la Chine en vingt nouvelles années de progrès ?

Le déchaînement furieux des forces ténébreuses de l’intérieur et de l’extérieur a certes plongé la nation dans le malheur, mais ce déchaînement, s’il montre la puissance qui reste encore aux forces ténébreuses, indique aussi que ce sont leurs dernières convulsions et que les masses populaires approchent peu à peu de la victoire. Cela est vrai pour la Chine comme pour tout l’Orient et pour le monde entier.

XIV. Les déviations dans la question du caractère de la culture

   Le nouveau se forge toujours dans des luttes âpres et difficiles. Il en est ainsi de la culture nouvelle qui, depuis vingt ans, suit une voie sinueuse, marquée de trois tournants, marquée d’épreuves où se sont révélés le bon comme le mauvais.

   Les éléments irréductibles de la bourgeoisie se trompent entièrement sur la question culturelle comme sur la question du pouvoir politique. Ils ignorent les particularités historiques de la nouvelle période en Chine et ne reconnaissent pas la culture de démocratie nouvelle des masses populaires. Leur point de départ, c’est le despotisme de la bourgeoisie, qui se traduit sur le plan culturel par le despotisme de la culture bourgeoise.

Une partie des représentants de la culture dits de l’école européenne et américaine (je dis bien une partie seulement), qui en fait ont jadis soutenu la politique d’ »extermination des communistes » pratiquée sur le plan culturel par le gouvernement du Kuomintang, soutiennent maintenant, semble-t-il, sa politique de « limitation » et de « désintégration » du Parti communiste. Ils ne veulent pas qu’en matière politique ou culturelle les ouvriers et les paysans lèvent la tête.

Mais le despotisme culturel des irréductibles bourgeois est dans une impasse ; comme le despotisme politique, il ne trouve ni les conditions intérieures ni les conditions extérieures qu’il lui faut. C’est pourquoi il vaudrait mieux le « remiser ».

   En ce qui concerne l’orientation de la culture nationale, l’idéologie communiste joue le rôle dirigeant, et nous devons nous employer tant à propager le socialisme et le communisme parmi la classe ouvrière qu’à éduquer les paysans et les autres fractions de la masse, de manière appropriée et systématique, dans l’esprit du socialisme. Mais la culture nationale, considérée dans son ensemble, n’est pas encore socialiste.

   Comme la politique, l’économie et la culture de démocratie nouvelle sont placées sous la direction du prolétariat, elles contiennent toutes un facteur socialiste, qui n’est pas un facteur ordinaire, mais un facteur décisif. Cependant, considérées dans leur ensemble, ni les conditions politiques ni les conditions économiques et culturelles ne sont encore celles du socialisme, mais celles de la démocratie nouvelle.

La raison en est que la révolution, dont la tâche principale, à l’étape actuelle, est de combattre l’impérialisme étranger et les forces intérieures féodales, est une révolution démocratique bourgeoise et non une révolution socialiste visant à renverser le capitalisme. Dans le domaine de la culture nationale, c’est une erreur de prétendre qu’à présent elle est ou devrait déjà être entièrement socialiste. C’est confondre la propagation de l’idéologie communiste avec la réalisation d’un programme d’action immédiat.

C’est confondre la position et les méthodes communistes adoptées dans l’examen des problèmes, dans l’étude des différentes disciplines, dans le travail et la formation des cadres avec la ligne à suivre pour l’éducation et la culture nationales à l’étape de la révolution démocratique en Chine. Une culture nationale de contenu socialiste est nécessairement le reflet d’une politique et d’une économie socialistes.

Comme il y a un facteur socialiste dans notre politique et notre économie, notre culture nationale, qui en est le reflet, contient également un facteur socialiste ; mais, à considérer notre société dans son ensemble, nous n’y avons pas encore établi aujourd’hui une politique et une économie entièrement socialistes, et nous ne pouvons donc avoir une culture nationale entièrement socialiste.

Comme la révolution chinoise actuelle est une partie de la révolution socialiste prolétarienne mondiale, la culture nouvelle de la Chine d’aujourd’hui participe de la nouvelle culture socialiste prolétarienne mondiale dont elle est une grande alliée ; certes, à ce titre, elle contient l’important facteur de la culture socialiste, mais si nous considérons l’ensemble de notre culture nationale, ce n’est pas entièrement en qualité de culture socialiste qu’elle fait partie de cette culture socialiste prolétarienne mondiale, mais en qualité de culture de démocratie nouvelle, de culture anti-impérialiste et antiféodale des masses populaires.

Puisque la révolution chinoise actuelle ne peut se passer du rôle dirigeant du prolétariat, la nouvelle culture, elle non plus, ne peut se passer du rôle dirigeant dévolu à la culture et à l’idéologie du prolétariat, c’est-à-dire à l’idéologie communiste. Mais comme ce rôle consiste, à l’étape présente, à guider les masses populaires dans leurs efforts pour mener une révolution politique et culturelle antiimpérialiste et antiféodale, le contenu de la nouvelle culture nationale, considérée dans son ensemble, appartient encore à la démocratie nouvelle et non au socialisme.

   Il est hors de doute que le moment est venu pour nous de propager plus largement encore l’idéologie communiste et de redoubler d’efforts dans l’étude du marxisme-léninisme ; sinon, nous ne pourrons conduire la révolution chinoise à l’étape ultérieure, celle du socialisme, ni mener l’actuelle révolution démocratique à la victoire.

Cependant, nous devons distinguer non seulement la diffusion de l’idéologie communiste et la propagande en faveur du système social communiste d’avec la réalisation du programme d’action de la démocratie nouvelle, mais aussi l’application de la théorie et des méthodes communistes à l’examen des problèmes, à l’étude des différentes disciplines, au travail et à la formation des cadres d’avec la ligne de la démocratie nouvelle fixée pour l’ensemble de la culture nationale. Ce serait indubitablement une erreur de confondre les unes avec les autres.

   Il apparaît donc que le contenu de la nouvelle culture nationale de la Chine, dans la phase actuelle, n’est ni le despotisme de la culture bourgeoise ni le pur socialisme prolétarien, mais la démocratie nouvelle, antiimpérialiste et antiféodale, des masses populaires, le rôle dirigeant étant assumé par la culture et l’idéologie socialistes du prolétariat.

XV. Une culture nationale et scientifique des masses populaires

   La culture de démocratie nouvelle est nationale. Elle lutte contre l’oppression impérialiste et exalte la dignité et l’indépendance de la nation chinoise. Elle est propre à notre nation dont elle porte les caractéristiques.

Elle s’allie avec la culture socialiste ou la culture de démocratie nouvelle de toutes les autres nations et établit avec ces cultures des relations qui permettent un enrichissement et un développement mutuels, afin de constituer une nouvelle culture mondiale. Mais, étant nationale et révolutionnaire, notre culture ne peut absolument pas s’allier avec la culture impérialiste réactionnaire d’aucune nation.

La Chine doit largement assimiler la culture progressiste des pays étrangers et en nourrir la sienne, travail qui a été jusqu’ici très insuffisant. Nous devons assimiler tout ce qui peut aujourd’hui nous être utile et puiser non seulement dans la culture socialiste ou de démocratie nouvelle de notre époque, mais encore dans l’ancienne culture des pays étrangers, par exemple, dans la culture qu’ont connue divers pays capitalistes au siècle des lumières.

Cependant, toutes les choses qui viennent de l’étranger doivent être traitées comme des aliments ; ceux-ci sont mastiqués dans la bouche, puis élaborés dans l’estomac et l’intestin ; sous l’action de la salive et des sucs gastro-intestinaux, ils sont dissociés en deux parties, le chyle qui est assimilé et les déchets qui sont éliminés ainsi seulement nous en tirerons profit ; nous ne devons rien assimiler sans discernement, en avalant tout d’un seul trait.

C’est un point de vue erroné que de préconiser une « occidentalisation intégrale ». L’assimilation purement formelle des choses de l’étranger a jadis causé de grands torts à notre pays. De même, en appliquant le marxisme en Chine, les communistes doivent unir pleinement et de façon appropriée la vérité universelle du marxisme et la pratique concrète de la révolution chinoise ; en d’autres termes, le marxisme ne sera utile que s’il se combine aux caractéristiques de la nation et prend une forme nationale déterminée ; on ne peut nullement l’appliquer d’une manière subjective et formaliste.

Les marxistes formalistes ne font que se moquer du marxisme et de la révolution chinoise ; il n’y a pas place pour eux dans les rangs de notre révolution. La culture chinoise doit avoir sa forme propre, c’est-à-dire une forme nationale. Nationale par sa forme, de démocratie nouvelle par son contenu, telle est notre culture nouvelle d’aujourd’hui.

   La culture de démocratie nouvelle est scientifique. Elle s’oppose à toute idée féodale et superstitieuse ; elle préconise la recherche de la vérité à partir des faits, la vérité objective, l’unité de la théorie et de la pratique. Sur ce point, le prolétariat chinois, avec sa pensée scientifique, peut constituer avec les matérialistes et les hommes de science de la bourgeoisie chinoise encore progressistes un front uni contre l’impérialisme, le féodalisme et la superstition ; mais il faudra se garder de jamais former un front uni avec un idéalisme réactionnaire quel qu’il soit.

Les communistes peuvent établir, avec certains idéalistes, voire avec des croyants, un front uni anti-impérialiste et antiféodal sur le plan de l’action politique, mais ils ne devront jamais partager les conceptions idéalistes ou religieuses de ces derniers. Durant les longs siècles de la société féodale chinoise, il s’est créé une brillante culture.

Elucider le processus de développement de cette culture antique, la débarrasser des scories de nature féodale et en assimiler l’essence démocratique est une condition nécessaire pour développer la nouvelle culture nationale et renforcer la confiance en l’avenir de la nation. Mais il ne faut jamais rien retenir et emmagasiner sans esprit critique. Il faut distinguer tout ce qui est pourri et qui appartient à la classe dominante féodale de l’excellente culture populaire du passé qui, elle, possède un caractère plus ou moins démocratique et révolutionnaire.

Le nouveau système politique et économique de la Chine provient du développement de l’ancien système politique et économique ; de même, la nouvelle culture de la Chine provient du développement de l’ancienne ; aussi devons-nous respecter notre histoire, et non rompre avec elle. Mais ce respect consiste à conférer à l’histoire une place déterminée en tant que science, à prendre en considération son développement dialectique, et non à glorifier le passé pour condamner le présent, ni à louer les éléments féodaux pernicieux.

Quant aux masses populaires et aux étudiants, l’essentiel est de les orienter afin qu’ils ne regardent pas en arrière, mais en avant.

   La culture de démocratie nouvelle appartient aux masses populaires, et partant elle est démocratique. Elle doit être au service des masses laborieuses, ouvrières et paysannes, qui constituent plus de 90 pour cent de la population de la Chine, et devenir progressivement leur propre culture.

Entre les connaissances à donner aux cadres révolutionnaires et celles destinées aux masses révolutionnaires, il faut faire une différence de degré tout en assurant leur unité ; de même il faut faire une distinction entre l’élévation du niveau des connaissances et leur popularisation, tout en les liant l’une à l’autre. La culture révolutionnaire est pour les masses populaires une arme puissante de la révolution. Avant la révolution, elle la prépare idéologiquement ; puis, dans le front général de la révolution, elle constitue un secteur important, indispensable. Et les travailleurs culturels révolutionnaires sont les commandants aux différents échelons de ce front culturel. « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire » ; on voit par là combien le mouvement culturel révolutionnaire est important dans la pratique du mouvement révolutionnaire. L’un comme l’autre relèvent des masses.

Aussi les travailleurs culturels progressistes doivent-ils, dans la Guerre de Résistance, avoir leurs propres bataillons culturels, qui sont les masses populaires. Un travailleur culture] révolutionnaire qui s’écarte des masses est « un général sans armée » ; il ne dispose plus de la puissance de feu qui pourrait abattre l’ennemi. Pour atteindre ce but, il faut réformer la langue écrite dans des conditions déterminées et rapprocher notre langage de celui du peuple, car le peuple est une source intarissable de richesses pour la culture révolutionnaire.

   La culture nationale et scientifique des masses populaires, c’est la culture anti-impérialiste et antiféodale du peuple, la culture de démocratie nouvelle, la nouvelle culture de la nation chinoise.

   Par leur union, la politique, l’économie et la culture de démocratie nouvelle donneront une république de démocratie nouvelle, une République chinoise digne de ce nom, la Chine nouvelle que nous voulons créer.

   La voici déjà à portée de notre vue ; acclamons-la !

   Déjà le mât du navire pointe à l’horizon ; applaudissons-la Chine nouvelle et souhaitons-lui la bienvenue !

   Saluons-la des deux bras : La Chine nouvelle est à nous !

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : De la juste solution des contradictions au sein du peuple

19 juin 1957

Deux types de contradiction de caractère différent

   Notre pays est aujourd’hui plus uni que jamais. La victoire de la révolution démocratique bourgeoise et celles de la révolution socialiste, ainsi que nos succès dans l’édification socialiste, ont rapidement modifié l’aspect de la vieille Chine. L’avenir s’annonce encore plus radieux pour notre patrie. La division du pays et le chaos, abhorrés par le peuple, appartiennent à un passé définitivement révolu.

Sous la direction de la classe ouvrière et du Parti communiste, nos 600 millions d’hommes, étroitement unis, se consacrent à l’œuvre grandiose de l’édification socialiste. L’unification de notre pays, l’unité de notre peuple et l’union de toutes nos nationalités, telles sont les garanties fondamentales de la victoire certaine de notre cause. Mais cela ne signifie nullement qu’il n’existe plus aucune contradiction dans notre société. Il serait naïf de le croire ; ce serait se détourner de la réalité objective.

Nous sommes en présence de deux types de contradictions sociales : les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple. Ils sont de caractère tout à fait différent.

   Pour avoir une connaissance juste de ces deux types de contradictions, il est tout d’abord nécessaire de préciser ce qu’il faut entendre par « peuple » et par « ennemis ». La notion de « peuple » prend un sens différent selon les pays et selon les périodes de leur histoire. Prenons l’exemple de notre pays.

Au cours de la Guerre de Résistance contre le Japon, toutes les classes et couches sociales et tous les groupes sociaux opposés au Japon faisaient partie du peuple, tandis que les impérialistes japonais, les traîtres et les éléments pro-japonais étaient les ennemis du peuple.

Pendant la Guerre de Libération, les ennemis du peuple étaient les impérialistes américains et leurs laquais – la bourgeoisie bureaucratique, les propriétaires fonciers et les réactionnaires du Kuomintang qui représentaient ces deux classes, alors que toutes les classes et couches sociales et tous les groupes sociaux qui combattaient ces ennemis faisaient partie du peuple.

A l’étape actuelle, qui est la période de l’édification socialiste, toutes les classes et couches sociales, tous les groupes sociaux qui approuvent et soutiennent cette édification, et y participent, forment le peuple, alors que toutes les forces sociales et tous les groupes sociaux qui s’opposent à la révolution socialiste, qui sont hostiles à l’édification socialiste ou s’appliquent à la saboter, sont les ennemis du peuple.

   Les contradictions entre nous et nos ennemis sont des contradictions antagonistes.

Au sein du peuple, les contradictions entre travailleurs ne sont pas antagonistes et les contradictions entre classe exploitée et classe exploiteuse présentent, outre leur aspect antagoniste, un aspect non antagoniste. Les contradictions au sein du peuple ne datent pas d’aujourd’hui, mais leur contenu est différent dans chaque période de la révolution et dans la période de l’édification socialiste.

Dans les conditions actuelles de notre pays, les contradictions au sein du peuple comprennent les contradictions au sein de la classe ouvrière, les contradictions au sein de la paysannerie, les contradictions parmi les intellectuels, les contradictions entre la classe ouvrière et la paysannerie, les contradictions qui opposent les ouvriers et les paysans aux intellectuels, les contradictions qui opposent les ouvriers et les autres travailleurs à la bourgeoisie nationale, les contradictions au sein de la bourgeoisie nationale elle-même, etc.

Notre gouvernement populaire est l’authentique représentant des intérêts du peuple, il est au service de celui-ci ; mais entre lui et les masses il y a également des contradictions.

Ce sont notamment celles qui existent entre les intérêts de l’Etat et de la collectivité d’une part et ceux de l’individu de l’autre, entre la démocratie et le centralisme, entre les dirigeants et les dirigés, entre certains travailleurs de l’Etat au style de travail bureaucratique et les masses populaires. Ce sont là aussi des contradictions au sein du peuple. D’une façon générale, les contradictions au sein du peuple reposent sur l’identité fondamentale des intérêts du peuple.

   Dans notre pays, les contradictions entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale sont de celles qui se manifestent au sein du peuple. La lutte entre ces deux classes relève en général du domaine de la lutte de classes au sein du peuple, car, en Chine, la bourgeoisie nationale revêt un double caractère.

Dans la période de la révolution démocratique bourgeoise, elle présentait un caractère révolutionnaire, mais en même temps une tendance au compromis. Dans la période de la révolution socialiste, elle exploite la classe ouvrière et en tire des profits, mais en même temps elle soutient la Constitution et se montre disposée à accepter la transformation socialiste.

Elle se distingue des impérialistes, des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie bureaucratique. Les contradictions qui l’opposent à la classe ouvrière sont des contradictions entre exploiteurs et exploités ; elles sont certes de nature antagoniste.

Cependant, dans les conditions concrètes de notre pays, ces contradictions antagonistes peuvent se transformer en contradictions non antagonistes et recevoir une solution pacifique si elles sont traitées de façon judicieuse. Si les contradictions entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale ne sont pas réglées correctement, c’est-à-dire si nous ne pratiquons pas à l’égard de celle-ci une politique d’union, de critique et d’éducation, ou si la bourgeoisie nationale n’accepte pas une telle politique, elles peuvent devenir des contradictions entre nous et nos ennemis.

   Comme les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple sont de nature différente, elles doivent être résolues par des méthodes différentes. En somme, il s’agit, pour le premier type de contradictions, d’établir une claire distinction entre nous et nos ennemis, et, pour le second type, entre le vrai et le faux. Bien entendu, établir une claire distinction entre nous et nos ennemis, c’est en même temps distinguer le vrai du faux. Ainsi, par exemple, la question de savoir qui a raison et qui a tort – nous ou les forces réactionnaires intérieures et extérieures que sont l’impérialisme, le féodalisme et le capital bureaucratique – est également une question de distinction entre le vrai et le faux, mais elle est différente par sa nature des questions sur le vrai et le faux qui se posent au sein du peuple.

   Notre Etat a pour régime la dictature démocratique populaire dirigée par la classe ouvrière et fondée sur l’alliance des ouvriers et des paysans. Quelles sont les fonctions de cette dictature ? Sa première fonction est d’exercer la répression, à l’intérieur du pays, sur les classes et les éléments réactionnaires ainsi que sur les exploiteurs qui s’opposent à la révolution socialiste, sur ceux qui sapent l’édification socialiste, c’est-à-dire de résoudre les contradictions entre nous et nos ennemis à l’intérieur du pays.

Par exemple, arrêter, juger et condamner certains contre-révolutionnaires et retirer, pour une certaine période, aux propriétaires fonciers et aux capitalistes bureaucratiques le droit de vote et la liberté de parole — tout cela entre dans le champ d’application de notre dictature.

Pour maintenir l’ordre dans la société et défendre les intérêts des masses populaires, il est également nécessaire d’exercer la dictature sur les voleurs, les escrocs, les assassins, les incendiaires, les bandes de voyous et autres mauvais éléments qui troublent sérieusement l’ordre public. La dictature a une deuxième fonction, celle de défendre notre pays contre les activités subversives et les agressions éventuelles des ennemis du dehors.

Dans ce cas, la dictature a pour tâche de résoudre sur le plan extérieur les contradictions entre nous et nos ennemis. Le but de la dictature est de protéger le peuple tout entier dans le travail paisible qu’il poursuit pour transformer la Chine en un pays socialiste doté d’une industrie, d’une agriculture, d’une science et d’une culture modernes. Qui exerce la dictature ?

C’est, bien entendu, la classe ouvrière et le peuple dirigé par elle. La dictature ne s’exerce pas au sein du peuple. Le peuple ne saurait exercer la dictature sur lui-même, et une partie du peuple ne saurait opprimer l’autre.

Ceux qui, parmi le peuple, enfreignent la loi doivent être punis selon la loi, mais il y a là une différence de principe avec la répression des ennemis du peuple par la dictature. Au sein du peuple, c’est le centralisme démocratique qui est appliqué. Notre Constitution stipule que les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté de parole, de la presse, de réunion, d’association, de cortège, de manifestation, de croyance religieuse ainsi que d’autres libertés.

Elle stipule aussi que les organismes de l’Etat pratiquent le centralisme démocratique, qu’ils doivent s’appuyer sur les masses populaires et que leur personnel doit servir le peuple. Notre démocratie socialiste est la démocratie la plus large, une démocratie qui ne peut exister dans aucun Etat bourgeois. Notre dictature est la dictature démocratique populaire dirigée par la classe ouvrière et fondée sur l’alliance des ouvriers et des paysans.

Cela signifie que la démocratie est pratiquée au sein du peuple et que la classe ouvrière, s’unissant avec tous ceux qui jouissent des droits civiques, les paysans en premier lieu, exerce la dictature sur les classes et éléments réactionnaires, et sur tous ceux qui s’opposent à la transformation et à l’édification socialistes. Par droits civiques, on entend, sur le plan politique, le droit à la liberté et le droit à la démocratie.

   Mais cette liberté est une liberté qui s’accompagne d’une direction, et cette démocratie une démocratie à direction centralisée, ce n’est donc pas l’anarchie. L’anarchie ne répond pas aux intérêts et aux aspirations du peuple.

   Certaines personnes dans notre pays se sont réjouies des événements de Hongrie. Elles espéraient que des événements semblables se produiraient en Chine, que les gens descendraient par milliers dans la rue et se dresseraient contre le gouvernement populaire.

De telles espérances sont contraires aux intérêts des masses populaires et ne sauraient trouver leur appui. En Hongrie, une partie des masses, trompée par les forces contre-révolutionnaires du dedans et du dehors, a eu le tort de recourir à la violence contre le gouvernement populaire, ce dont pâtirent l’Etat et le peuple. Il faudra beaucoup de temps pour réparer les dommages causés à l’économie par quelques semaines d’émeutes.

D’autres personnes dans notre pays ont pris une attitude hésitante à l’égard des événements de Hongrie, parce qu’elles ignorent l’état réel de la situation mondiale. Elles s’imaginent que sous notre régime de démocratie populaire, il y a trop peu de liberté, moins que dans le régime démocratique parlementaire d’Occident.

Elles réclament le système des deux partis, tel qu’il existe en Occident, avec un parti au pouvoir et l’autre dans l’opposition. Mais ce système dit bipartite n’est qu’un moyen pour maintenir la dictature de la bourgeoisie, il ne peut en aucun cas garantir la liberté des travailleurs. En réalité, la liberté et la démocratie n’existent que dans le concret, et jamais dans l’abstrait.

Dans une société où il y a lutte de classes, quand les classes exploiteuses ont la liberté d’exploiter les travailleurs, ceux-ci n’ont pas la liberté de se soustraire à l’exploitation ; quand la bourgeoisie jouit de la démocratie, il n’y a pas de démocratie pour le prolétariat et les autres travailleurs.

Certains pays capitalistes admettent l’existence légale de partis communistes, mais seulement dans la mesure où elle ne lèse pas les intérêts fondamentaux de la bourgeoisie ; au-delà de cette limite, ils ne la tolèrent plus.

Les gens qui revendiquent la liberté et la démocratie dans l’abstrait considèrent la démocratie comme une fin et non comme un moyen. Parfois, il semble que la démocratie soit une fin, mais en réalité elle n’est qu’un moyen. Le marxisme nous enseigne que la démocratie fait partie de la superstructure, qu’elle est du domaine de la politique. Cela signifie qu’en fin de compte la démocratie sert la base économique.

Il en est de même de la liberté. La démocratie et la liberté sont relatives et non absolues, elles sont apparues et se sont développées dans des conditions historiques spécifiques. Au sein du peuple, la démocratie est corrélative du centralisme, et la liberté, de la discipline.

Ce sont deux aspects contradictoires d’un tout unique ; ils sont en contradiction, mais en même temps unis, et nous ne devons pas souligner unilatéralement l’un de ces aspects et nier l’autre. Au sein du peuple, on ne peut se passer de liberté, mais on ne peut non plus se passer de discipline; on ne peut se passer de démocratie, mais on ne peut non plus se passer de centralisme.

Cette unité de la démocratie et du centralisme, de la liberté et de la discipline constitue notre centralisme démocratique. Sous un tel régime, le peuple jouit d’une démocratie et d’une liberté étendues, mais en même temps, il doit se tenir dans les limites de la discipline socialiste. Tout cela, les masses populaires le comprennent bien.

   Nous sommes pour une liberté qui s’accompagne d’une direction et pour une démocratie à direction centralisée, mais cela ne signifie nullement qu’on puisse recourir à la contrainte pour résoudre les questions idéologiques et les questions portant sur la distinction entre le vrai et le faux qui surgissent au sein du peuple. Tenter de résoudre ces questions au moyen d’ordres administratifs ou de la contrainte est non seulement inefficace, mais nuisible.

Nous ne pouvons supprimer la religion avec des ordres administratifs, ni forcer les gens à ne pas croire. On ne peut obliger les gens à renoncer à l’idéalisme ni à adopter le marxisme. Toute question d’ordre idéologique, toute controverse au sein du peuple ne peut être résolue que par des méthodes démocratiques, par la discussion, la critique, la persuasion et l’éducation ; on ne peut la résoudre par des méthodes coercitives et répressives.

Mais afin de pouvoir exercer une activité productrice efficace, étudier avec succès et vivre dans des conditions où règne l’ordre, le peuple exige de son gouvernement, des dirigeants de la production et des dirigeants des institutions de culture et d’éducation qu’ils émettent des ordres administratifs appropriés ayant un caractère contraignant. Le bon sens indique que sans ces derniers, il serait impossible de maintenir l’ordre dans la société.

Dans la solution des contradictions au sein du peuple, les ordres administratifs et les méthodes de persuasion et d’éducation se complètent mutuellement. Même les ordres administratifs émis pour maintenir l’ordre dans la société doivent être accompagnés d’un travail de persuasion et d’éducation, car le seul recours aux ordres administratifs est, dans bien des cas, inefficace.

   Ce procédé démocratique destiné à résoudre les contradictions au sein du peuple, nous l’avons résumé en 1942 dans la formule: « Unité – critique _ unité ». Plus explicitement, c’est partir du désir d’unité et arriver, en résolvant les contradictions par la critique ou la lutte, à une nouvelle unité reposant sur une base nouvelle. D’après notre expérience, c’est la méthode correcte pour résoudre les contradictions au sein du peuple.

En 1942, nous l’avons utilisée pour résoudre les contradictions qui existaient au sein du Parti communiste entre les dogmatiques et la masse des membres du Parti, entre le dogmatisme et le marxisme. Les dogmatiques « de gauche » avaient employé dans la lutte à l’intérieur du Parti la méthode « lutter à outrance, frapper sans merci ».

C’était une méthode erronée. En critiquant le dogmatisme « de gauche », nous n’avons pas employé cette vieille méthode ; nous en avons adopté une nouvelle : partir du désir d’unité et arriver, en distinguant le vrai du faux par la critique ou la lutte, à une nouvelle unité reposant sur une base nouvelle. C’est la méthode qui fut employée en 1942 au cours du mouvement de rectification. Quelques années plus tard, lors du VIIe Congrès du Parti communiste chinois tenu en 1945, l’unité de tout le Parti fut réalisée, ce qui permit la grande victoire de la révolution populaire.

L’essentiel est ici de partir du désir d’unité. Car s’il n’y a pas subjectivement ce désir d’unité, la lutte une fois déclenchée, les choses finissent toujours par se gâter irrémédiablement. N’est-ce pas là en revenir au fameux « lutter à outrance, frapper sans merci » ? Et que reste-t-il alors de l’unité du Parti ?

C’est justement cette expérience qui nous a conduits à la formule : « Unité – critique – unité ». En d’autres termes, « tirer la leçon des erreurs passées pour en éviter le retour et guérir la maladie pour sauver l’homme ». Nous avons étendu l’application de cette méthode au-delà des limites du Parti.

Dans les bases antijaponaises, nous l’avons utilisée pour régler avec le plus grand succès les rapports entre la direction et les masses, entre l’armée et le peuple, entre les officiers et les soldats, entre les différentes unités de l’armée, entre les différents groupes de cadres. L’emploi de cette méthode remonte à une époque encore plus ancienne dans l’histoire de notre Parti.

Lorsqu’en 1927 nous avons créé une armée et des bases révolutionnaires dans le Sud, nous en usions déjà pour régler les rapports entre le Parti et les masses, entre l’armée et le peuple, entre les officiers et les soldats, ainsi que d’autres rapports au sein du peuple. Seulement, pendant la Guerre de Résistance nous l’avons utilisée plus consciemment.

Après la libération du pays, nous avons adopté cette même méthode « Unité — critique — unité » dans nos relations avec les partis démocratiques et les milieux industriels et commerçants. Notre tâche actuelle est de continuer à en étendre l’application et à l’employer de mieux en mieux dans tout le peuple en exigeant qu’elle serve à la solution des contradictions internes dans toutes les usines, coopératives, entreprises commerciales, écoles, administrations, organisations populaires, bref, parmi nos 600 millions d’habitants.

   Dans les conditions ordinaires, les contradictions au sein du peuple ne sont pas antagonistes. Cependant, elles peuvent le devenir si on ne les règle pas d’une façon correcte ou si l’on manque de vigilance et qu’on se laisse aller à l’insouciance et à la négligence. Dans un pays socialiste, ce phénomène n’est habituellement que partiel et temporaire.

La raison en est que le système de l’exploitation de l’homme par l’homme y est supprimé et que les intérêts du peuple y sont foncièrement identiques. Les actes antagonistes qui ont pris lors des événements de Hongrie une si grande ampleur s’expliquent par le rôle que des facteurs contre-révolutionnaires intérieurs et extérieurs y ont joué.

C’est là également un phénomène temporaire, et pourtant spécifique. Les réactionnaires à l’intérieur d’un pays socialiste, de connivence avec les impérialistes, cherchent à faire aboutir leur complot en exploitant les contradictions au sein du peuple pour fomenter la division et susciter le désordre. Cette leçon des événements de Hongrie mérite notre attention.

   L’emploi de méthodes démocratiques pour résoudre les contradictions au sein du peuple paraît à beaucoup une question nouvelle.

En réalité, il n’en est rien. Les marxistes ont toujours considéré que le prolétariat ne peut accomplir son œuvre qu’en s’appuyant sur les masses populaires, que les communistes, lorsqu’ils déploient leur activité parmi les travailleurs, doivent employer les méthodes démocratiques de persuasion et d’éducation, et qu’il est absolument inadmissible de recourir à l’autoritarisme ou à la contrainte.

Le Parti communiste chinois est fidèle à ce principe marxiste-léniniste. Nous avons toujours soutenu qu’il faut, sous le régime de la dictature démocratique populaire, adopter deux méthodes différentes – la dictature et la démocratie – pour résoudre les deux types de contradictions, différents par leur nature, que sont les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple. Cette idée se retrouve dans beaucoup de documents de notre Parti et a été exposée par nombre de ses dirigeants.

Dans mon article « De la dictature démocratique populaire », j’écrivais en 1949 : « D’un côté, démocratie pour le peuple, de l’autre, dictature sur les réactionnaires ; ces deux aspects réunis, c’est la dictature démocratique populaire. » Je soulignais que, pour résoudre les problèmes au sein du peuple, « la méthode employée est une méthode démocratique, c’est la persuasion et non la contrainte ». Dans mon intervention devant la deuxième session du Comité national de la 1re Conférence consultative politique du Peuple chinois, tenue en juin 1950, je disais aussi :

   L’exercice de la dictature démocratique populaire implique deux méthodes : A l’égard des ennemis, celle de la dictature ; autrement dit, aussi longtemps qu’il sera nécessaire, nous ne leur permettrons pas de participer à l’activité politique, nous les obligerons à se soumettre aux lois du gouvernement populaire, nous les forcerons à travailler de leurs mains pour qu’ils se transforment en hommes nouveaux.

Par contre, à l’égard du peuple, ce n’est pas la contrainte, mais la méthode démocratique qui s’impose; autrement dit, le peuple a le droit de participer à l’activité politique; il faut employer à son égard les méthodes démocratiques, d’éducation et de persuasion, au lieu de l’obliger à faire ceci ou cela.

Cette éducation, c’est l’auto-éducation au sein du peuple ; la critique et l’autocritique en constituent la méthode fondamentale.

   Ainsi, à maintes occasions, nous avons parlé de l’emploi des méthodes démocratiques pour résoudre les contradictions au sein du peuple et nous les avons pour l’essentiel appliquées dans notre travail ; parmi les cadres et le peuple, beaucoup savent d’ailleurs les pratiquer. Pourquoi y a-t-il aujourd’hui encore des gens à qui cette question semble nouvelle ?

C’est que dans le passé la lutte entre nous et nos ennemis du dedans et du dehors était extrêmement âpre et que les gens n’accordaient pas autant d’attention que maintenant aux contradictions au sein du peuple.

   Beaucoup ne savent pas distinguer nettement ces deux types de contradictions, différents par leur caractère – contradictions entre nous et nos ennemis et contradictions au sein du peuple – et les confondent volontiers. Et il faut reconnaître qu’il est parfois facile de les confondre. Il nous est arrivé, dans notre travail, de faire de telles confusions.

Au cours de l’élimination des contre-révolutionnaires, des gens honnêtes ont été pris pour des coupables ; de tels cas se sont présentés et se présentent encore aujourd’hui. Si nous avons pu limiter nos erreurs, c’est que notre politique a été de tracer une ligne de démarcation entre nous et nos ennemis et de rectifier les erreurs dès qu’on en a eu connaissance.

   La philosophie marxiste considère que la loi de l’unité des contraires est la loi fondamentale de l’univers. Cette loi agit universellement dans la nature tout comme dans la société humaine et dans la pensée des hommes. Entre les aspects opposés de la contradiction, il y a à la fois unité et lutte, c’est cela même qui pousse les choses et les phénomènes à se mouvoir et à changer. L’existence des contradictions est universelle, mais elles revêtent un caractère différent selon le caractère des choses et des phénomènes.

Pour chaque chose ou phénomène déterminé, l’unité des contraires est conditionnée, passagère, transitoire et, pour cette raison, relative, alors que la lutte des contraires est absolue. Lénine a exposé clairement cette loi. Dans notre pays, un nombre croissant de gens la comprennent. Cependant, pour beaucoup, reconnaître cette loi est une chose et l’appliquer dans l’examen et la solution des problèmes, une autre.

Beaucoup n’osent pas reconnaître ouvertement qu’il existe encore au sein de notre peuple des contradictions, alors que ce sont précisément elles qui font avancer notre société. Beaucoup refusent d’admettre que les contradictions continuent à exister dans la société socialiste, et, lorsqu’ils se trouvent en face de contradictions sociales, ils agissent avec timidité et ne peuvent manifester aucune initiative ; ils ne comprennent pas que c’est dans l’incessant processus consistant à traiter et à résoudre avec justesse les contradictions que se renforceront toujours l’unité et la cohésion de la société socialiste.

Ainsi, il nous faut entreprendre un travail d’explication parmi notre peuple, et en premier lieu parmi les cadres, afin de les aider à comprendre les contradictions de la société socialiste et de leur apprendre à les résoudre par des méthodes justes.

   Les contradictions de la société socialiste diffèrent radicalement de celles des anciennes sociétés, comme la société capitaliste.

Les contradictions de la société capitaliste se manifestent par des antagonismes et des conflits aigus, par une lutte de classes acharnée ; elles ne peuvent être résolues par le régime capitaliste lui-même, elles ne peuvent l’être que par la révolution socialiste. Il en va tout autrement des contradictions de la société socialiste, qui ne sont pas antagonistes et peuvent être résolues une à une par le régime socialiste lui-même.

   Dans la société socialiste, les contradictions fondamentales demeurent comme par le passé la contradiction entre les rapports de production et les forces productives, la contradiction entre la superstructure et la base économique. Toutefois, ces contradictions se distinguent foncièrement, par leur caractère et leurs manifestations, des contradictions entre rapports de production et forces productives, entre superstructure et base économique dans l’ancienne société. Le régime social actuel de notre pays est de loin supérieur à celui d’autrefois. S’il n’en était pas ainsi, l’ancien régime n’aurait pas été renversé et il aurait été impossible d’instaurer le nouveau régime.

Lorsque nous disons que, par comparaison avec les anciens rapports de production, les rapports de production socialistes correspondent mieux au développement des forces productives, nous entendons par là qu’ils permettent à celles-ci de se développer à des rythmes inconnus de l’ancienne société, grâce à quoi la production ne cesse de s’étendre et satisfait progressivement les besoins toujours croissants du peuple.

Dans l’ancienne Chine dominée par l’impérialisme, le féodalisme et le capital bureaucratique, les forces productives se développaient avec une extrême lenteur. Pendant les cinquante et quelques années qui ont précédé la libération du pays, la production annuelle de l’acier, non compris celle du Nord-Est, n’a pas dépassé quelques dizaines de milliers de tonnes ; et si l’on y ajoute celle du Nord-Est, la production annuelle maximum d’acier fut à peine supérieure à 900.000 tonnes. En 1949, la production de l’acier dans tout le pays n’était que de cent mille et quelques dizaines de milliers de tonnes.

Mais sept ans seulement après la Libération, elle atteignait déjà quatre millions et plusieurs centaines de milliers de tonnes. Nous avons aujourd’hui une industrie mécanique qui existait à peine dans l’ancienne Chine, une industrie automobile et une industrie aéronautique qui n’y existaient pas du tout. Dans quelle voie devait s’engager la Chine, une fois la domination de l’impérialisme, du féodalisme et du capital bureaucratique renversée par le peuple ?

Celle du capitalisme ou celle du socialisme ? Beaucoup de gens n’y voyaient pas clair. Mais les faits nous ont apporté la réponse : seul le socialisme peut sauver la Chine. Le régime socialiste a provoqué le développement impétueux de nos forces productives; même nos ennemis de l’extérieur sont obligés de le reconnaître.

   Mais le régime socialiste vient d’être instauré dans notre pays, il n’est pas encore complètement établi ni entièrement consolidé. Dans les entreprises industrielles et commerciales mixtes, à capital privé et d’Etat, les capitalistes touchent encore un intérêt fixe, il y a donc toujours exploitation ; du point de vue de la propriété, ces entreprises n’ont pas encore un caractère entièrement socialiste.

Un certain nombre de nos coopératives agricoles de production et de nos coopératives artisanales de production ont toujours un caractère semi-socialiste ; et même dans les coopératives entièrement socialistes, il reste encore à résoudre certaines questions concernant la propriété. Entre les différentes branches de notre économie comme en chacune d’elles, des rapports conformes aux principes socialistes s’établissent graduellement en matière de production et d’échange ; et ces rapports trouvent peu à peu des formes relativement adéquates.

Dans les deux secteurs de l’économie socialiste fondés l’un sur la propriété du peuple entier et l’autre sur la propriété collective, ainsi que dans leurs rapports entre eux, l’établissement d’une juste proportion entre l’accumulation et la consommation constitue un problème complexe auquel il n’est d’ailleurs pas facile de trouver d’emblée une solution parfaitement rationnelle.

En résumé, les rapports de production socialistes sont déjà créés et ils correspondent au développement des forces productives, mais ils sont encore loin d’être parfaits et cette imperfection est en contradiction avec le développement des forces productives.

Non seulement les rapports de production correspondent au développement des forces productives tout en étant en contradiction avec lui, mais, de plus, la superstructure correspond à la base économique en même temps qu’elle est en contradiction avec elle. La superstructure – le système étatique et les lois du régime de la dictature démocratique populaire, ainsi que l’idéologie socialiste guidée par le marxisme-léninisme – joue un rôle positif en contribuant au succès des transformations socialistes et en favorisant la mise sur pied d’une organisation socialiste du travail; elle correspond à la base économique socialiste, c’est-à-dire aux rapports de production socialistes.

Mais l’existence de l’idéologie bourgeoise, d’un style bureaucratique de travail dans nos administrations et d’insuffisances dans certains maillons de nos institutions d’Etat est en contradiction avec la base économique socialiste. Nous devons constamment résoudre de telles contradictions, compte tenu des circonstances concrètes. Bien entendu, ces contradictions une fois résolues, de nouveaux problèmes viendront se poser. De nouvelles contradictions demanderont à être résolues.

Par exemple, les contradictions entre la production et les besoins de la société, qui continueront à exister pendant une période prolongée comme une réalité objective, demandent à être réglées par les plans d’Etat suivant un processus constant de rajustement. Dans notre pays, on dresse chaque année un plan économique et on établit un rapport approprié entre l’accumulation et la consommation, afin de parvenir à un équilibre entre la production et les besoins de la société.

Cet équilibre n’est autre qu’une unité passagère et relative des contraires. Un an passe, cet équilibre, considéré dans son ensemble, est rompu par la lutte des contraires; l’unité se modifie, l’équilibre se transforme en déséquilibre, l’unité cesse d’être l’unité, et il faut établir de nouveau l’équilibre et l’unité pour l’année suivante. C’est là la supériorité de notre économie planifiée. En fait, cet équilibre et cette unité sont partiellement rompus chaque mois, chaque trimestre, et cela exige des rajustements partiels.

Parfois, c’est parce que nos mesures subjectives ne correspondent pas à la réalité objective que des contradictions se font jour et que l’équilibre est rompu; c’est ce que nous appelons commettre une erreur. Des contradictions apparaissent sans cesse et sans cesse on les résout, telle est la loi dialectique du développement des choses et des phénomènes.

   La situation actuelle est la suivante : Les vastes et tempétueuses luttes de classe, menées par les masses en période révolutionnaire, sont pour l’essentiel achevées, mais la lutte des classes n’est pas encore complètement terminée ; les larges masses accueillent favorablement le nouveau régime, mais elles n’y sont pas encore très habituées; les travailleurs du gouvernement n’ont pas assez d’expérience, et ils doivent continuer à examiner et à approfondir certaines questions concernant les mesures politiques concrètes.

Cela signifie qu’il faut du temps pour que notre régime socialiste grandisse et se consolide, pour que les masses populaires s’habituent à ce nouveau régime et que nos travailleurs d’Etat puissent étudier et acquérir de l’expérience.

Il est donc tout à fait indispensable que nous soulevions aujourd’hui la question de la limite précise à tracer entre les deux types de contradictions — contradictions entre nous et nos ennemis et contradictions au sein du peuple — ainsi que la question de la juste solution à donner aux contradictions au sein du peuple, afin d’unir toutes les nationalités du pays pour un nouveau combat, la bataille engagée contre la nature, de développer notre économie et notre culture, d’aider toute la nation à traverser d’une façon relativement aisée la période actuelle de transition, de renforcer notre nouveau régime et d’édifier notre nouvel Etat.

L’élimination des contre-révolutionnaires

   L’élimination des contre-révolutionnaires est une lutte qui relève des contradictions entre nous et nos ennemis. Parmi le peuple, il y a des gens qui voient cette question un peu autrement. Deux catégories de gens ont des vues qui diffèrent des nôtres.

Ceux qui ont des vues droitistes ne font pas de différence entre nous et nos ennemis, ils prennent les ennemis pour nos propres gens. Ils considèrent comme des amis ceux que les larges masses considèrent comme des ennemis. Ceux qui ont des vues gauchistes étendent tellement le champ des contradictions entre nous et nos ennemis qu’ils y font entrer certaines contradictions au sein du peuple ; ils considèrent comme des contre-révolutionnaires des personnes qui en réalité ne le sont pas.

Ces deux points de vue sont erronés. Ils ne permettent ni l’un ni l’autre de résoudre correctement la question de l’élimination des contre-révolutionnaires, ni d’apprécier correctement notre travail dans ce domaine.

   Pour apprécier à sa juste valeur notre travail d’élimination des contre-révolutionnaires, examinons les répercussions des événements de Hongrie dans notre pays.

Ces événements ont provoqué un certain remous parmi une partie de nos intellectuels, sans pourtant soulever des tempêtes. Comment expliquer cela ? L’une des raisons en est, il faut le dire, que nous avions réussi à liquider la contre-révolution de façon assez radicale.

   Certes, la solidité de notre Etat n’est pas due en premier lieu à l’élimination des contre-révolutionnaires. Elle est due avant tout à ceci : Nous avons un parti communiste et une armée de libération aguerris par une lutte révolutionnaire de plusieurs dizaines d’années, et un peuple travailleur également aguerri par cette lutte.

Notre Parti et notre armée sont enracinés dans les masses ; ils se sont forgés au feu d’une longue lutte révolutionnaire ; ils sont aptes au combat. Notre République populaire n’a pas été créée du jour au lendemain, elle s’est développée progressivement à partir des bases révolutionnaires.

La lutte a aussi trempé à des degrés divers un certain nombre de personnalités démocrates, qui ont traversé la période d’épreuves avec nous. La lutte contre l’impérialisme et la réaction a trempé un certain nombre de nos intellectuels, et beaucoup d’entre eux, après la Libération, sont passés par l’école de la rééducation idéologique, destinée à leur apprendre à faire une distinction nette entre nous et nos ennemis.

En outre, la solidité de notre Etat est due à nos mesures économiques foncièrement justes, à la stabilité et à l’amélioration progressive des conditions de vie du peuple, à la justesse de notre politique à l’égard de la bourgeoisie nationale et des autres classes, ainsi qu’à d’autres raisons encore.

Cependant, nos succès dans la liquidation de la contre-révolution sont incontestablement une des causes importantes de la consolidation de notre Etat. Pour toutes ces raisons, il n’y a pas eu, lors des événements de Hongrie, d’agitations parmi nos étudiants qui, à part un petit nombre, sont patriotes et favorables au socialisme, bien que beaucoup d’entre eux ne soient pas issus de familles de travailleurs. Il en va de même pour la bourgeoisie nationale, et à plus forte raison pour les masses fondamentales — les ouvriers et les paysans.

   Après la Libération, nous avons éliminé un bon nombre de contre-révolutionnaires. Certains d’entre eux, qui avaient commis de grands crimes, furent condamnés à mort.

C’était tout à fait indispensable, le peuple l’exigeait et on l’a fait pour le libérer de l’oppression que faisaient peser sur lui depuis de longues années les contre-révolutionnaires et toutes sortes de tyrans locaux, autrement dit, pour libérer les forces productives. Si nous n’avions pas agi ainsi, les masses populaires n’auraient pu relever la tête.

A partir de 1956, toutefois, la situation a radicalement changé. A considérer l’ensemble du pays, le gros des contre-révolutionnaires a été éliminé. Notre tâche fondamentale n’est plus de libérer les forces productives, mais de les protéger et de les développer dans le cadre des nouveaux rapports de production.

Ne comprenant pas que notre politique actuelle correspond à la situation actuelle et que la politique appliquée dans le passé correspondait à la situation du passé, certains veulent se servir de notre politique actuelle pour remettre en question les décisions antérieures et cherchent à nier nos immenses succès dans l’élimination des contre-révolutionnaires.

Cela est complètement erroné, et les masses populaires ne le toléreront pas. Notre travail d’élimination des contre-révolutionnaires est marqué essentiellement par des succès, mais des erreurs ont aussi été commises.

Dans certains cas, il y a eu des excès, et dans d’autres, des contre-révolutionnaires ont échappé au châtiment. Notre politique en cette matière est la suivante : « Tout contre-révolutionnaire est à éliminer ; toute erreur est à corriger. » Notre ligne de conduite dans le travail d’élimination des contre-révolutionnaires, c’est la liquidation de la contre-révolution par les masses.

Certes, malgré l’application de cette ligne de masse, des fautes peuvent encore se produire dans notre travail, mais elles seront moins nombreuses et plus faciles à corriger. C’est dans la lutte que les masses s’instruisent. Si elles agissent correctement, elles acquièrent l’expérience des actions correctes ; si elles commettent des erreurs, elles en tirent la leçon.

   Là où des erreurs ont été découvertes dans notre travail d’élimination des contre-révolutionnaires, nous avons pris ou nous prenons des mesures pour les corriger. Celles qui n’ont pas encore été découvertes seront corrigées dès qu’elles viendront au jour.

Les décisions portant disculpation ou réhabilitation doivent être proclamées dans le même cadre que les décisions erronées antérieures. Je propose qu’on procède cette année ou l’année prochaine à une vérification générale du travail d’élimination des contre-révolutionnaires, afin de dresser le bilan de l’expérience acquise, de faire prévaloir ce qui est juste et de combattre les tendances malsaines.

Cette vérification, si elle relève de l’autorité centrale, doit se faire sous l’égide du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale et du Comité permanent du Comité national de la Conférence consultative politique ; et si elle relève des autorités locales, elle doit se faire sous l’égide des comités populaires provinciaux ou municipaux et des comités de la Conférence consultative politique du même échelon. Durant cette vérification, nous devons aider les nombreux cadres et éléments actifs ayant pris part au travail d’élimination, et non refroidir leur zèle.

Il serait faux de les décourager. Il n’en demeure pas moins que les erreurs, une fois découvertes, doivent être corrigées. Telle doit être l’attitude de tous les services de sécurité publique, parquets, départements judiciaires, prisons et établissements de rééducation par le travail.

Nous espérons que les membres du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale, les membres du Comité national de la Conférence consultative politique ainsi que les députés participeront à cette vérification, s’ils en ont la possibilité. Cela nous permettra de perfectionner notre législation et de traiter correctement les affaires relatives aux contre-révolutionnaires et autres criminels.

   Actuellement, en ce qui concerne les contre-révolutionnaires, la situation peut se résumer en ces mots : Il y a encore des contre-révolutionnaires, mais en petit nombre. Ce qu’il faut voir d’abord, c’est qu’il en existe encore. Certains disent qu’il n’y en a plus, que le calme règne partout, qu’on peut dormir sur ses deux oreilles. Cela ne correspond pas à la réalité. En fait, il existe encore des contre-révolutionnaires (naturellement pas partout ni dans chaque organisation) et il est encore nécessaire de poursuivre la lutte contre eux.

Il faut comprendre que les contre-révolutionnaires cachés, donc non éliminés, ne renonceront pas à leurs desseins, qu’ils chercheront toutes les occasions pour créer des troubles. Les impérialistes américains et la clique de Tchiang Kaï-chek ne cessent d’envoyer chez nous leurs agents se livrer au sabotage. Même après l’élimination de tous les contre-révolutionnaires existants, il peut encore en surgir de nouveaux. Si nous laissons s’endormir notre vigilance, nous tomberons dans de graves erreurs qui nous coûteront cher.

Partout où les contre-révolutionnaires font leur sale besogne, il faut les éliminer énergiquement. Mais, bien entendu, si nous considérons l’ensemble du pays, il n’y a plus beaucoup de contre-révolutionnaires. Il serait faux de dire qu’ils sont encore très nombreux en Chine. Admettre une telle appréciation, ce serait également créer de la confusion.

La coopération agricole

   Nous avons une population agricole de plus de 500 millions d’habitants, aussi la situation de nos paysans a-t-elle une importance extrême pour le développement de notre économie et la consolidation de notre pouvoir. J’estime que la situation est bonne pour l’essentiel. L’organisation des coopératives agricoles est chose faite, ce qui a résolu dans notre pays une contradiction majeure, celle entre l’industrialisation socialiste et l’économie agricole individuelle.

La rapidité avec laquelle s’est achevée la coopération agricole a suscité des craintes chez certains, qui se demandaient si des erreurs n’allaient pas en résulter. Il en existe certes quelques-unes, mais elles ne sont heureusement pas très graves ; dans l’ensemble, la situation est saine.

Les paysans travaillent avec beaucoup d’ardeur et, en dépit des inondations, de la sécheresse et du vent qui ont causé des dégâts plus graves l’année dernière qu’au cours des années précédentes, la production des céréales dans tout le pays a augmenté. Certaines personnes n’en ont pas moins soulevé un typhon en miniature : elles déclarent que la coopération ne vaut rien, qu’elle ne présente aucun avantage.

En fait, la coopération présente-t-elle des avantages ? Parmi les documents distribués à la séance d’aujourd’hui, il y en a un sur la coopérative de Wang Kouo-fan du district de Tsouenhoua, dans la province du Hopei ; je vous conseille de le lire. Cette coopérative est située dans une région montagneuse qui a toujours été très pauvre et où l’on vivait chaque année de l’aide en grain fournie par le gouvernement populaire. Lors de sa création, en 1953, elle fut surnommée « Coopérative des Gueux ». On lutta avec acharnement pendant quatre ans, et chaque année la situation s’améliorait ; la plupart des familles ont maintenant des réserves de grain.

Ce que la coopérative de Wang Kouo-fan est capable de faire, d’autres coopératives doivent pouvoir le faire aussi, dans les conditions normales, même s’il leur faut un peu plus de temps. Il n’y a donc aucune raison de dire que la coopération agricole ne vaut rien.

   On voit aussi par là que la création de coopératives exige nécessairement une lutte rude et difficile. C’est à travers les difficultés et les vicissitudes que grandit le nouveau. Ce serait une pure illusion de croire que sur la voie du socialisme on peut avancer sans difficultés ni détours, sans faire le maximum d’efforts, qu’il suffit de se laisser pousser par le vent et que le succès vient facilement. Qui soutient activement les coopératives ? L’écrasante majorité des paysans pauvres et des paysans moyens-pauvres qui constituent plus de 70 pour cent de la population rurale. Les autres paysans, pour la plupart, mettent également leurs espoirs dans les coopératives. Ceux qui sont réellement mécontents ne forment qu’une infime minorité.

Mais beaucoup de personnes n’ont pas analysé cette situation et n’ont pas examiné sous tous leurs aspects les succès des coopératives, ainsi que leurs insuffisances et ce qui en est la cause, elles ont pris tel aspect partiel et isolé pour l’ensemble ; de ce fait, certains ont soulevé un typhon miniature, en prétendant que les coopératives ne présentent pas d’avantages.

   Combien de temps faudra-t-il pour que les coopératives se consolident et qu’on cesse de prétendre qu’elles ne présentent pas d’avantages ? A en juger par l’expérience du développement de nombreuses coopératives, cela prendra probablement cinq ans ou un peu plus.

Actuellement, la plupart des coopératives du pays n’existent que depuis un peu plus d’un an, et il n’est pas juste d’exiger que tout y aille bien. A mon avis, si les coopératives établies au cours du premier quinquennat peuvent être consolidées au cours du second, ce sera déjà très bien.

   Nos coopératives se consolident progressivement. Certaines contradictions restent à résoudre ; par exemple, celles qui se manifestent soit entre l’Etat et les coopératives, soit à l’intérieur des coopératives ou entre les coopératives. Nous devons constamment veiller à résoudre ces contradictions sous l’angle de la production et de la répartition.

Pour la production, d’une part, l’exploitation coopérative doit se soumettre aux plans économiques uniques de l’Etat, tout en conservant une certaine souplesse et une certaine autonomie, sans toutefois porter atteinte à ces plans de l’Etat, ni à la politique et aux lois et décrets de celui-ci ; d’autre part, chaque famille qui adhère à une coopérative doit se soumettre au plan général de sa coopérative ou de son équipe de production, avec cette réserve qu’elle peut elle-même établir des plans appropriés pour sa parcelle individuelle et le reste de son exploitation personnelle.

Pour la répartition, nous devons prendre en considération à la fois les intérêts de l’Etat, de la collectivité et de l’individu. Il faut établir une proportion adéquate entre l’impôt agricole perçu par l’Etat, le fonds d’accumulation de la coopérative et les revenus personnels des paysans, et veiller à effectuer les rajustements nécessaires pour résoudre les contradictions au fur et à mesure qu’elles surgissent dans ce domaine.

L’Etat doit accumuler des fonds, et les coopératives également, mais ces accumulations ne sauraient être excessives. Nous devons faire tout notre possible pour que, dans les années de récolte normale, les revenus personnels des paysans augmentent d’année en année grâce à l’accroissement de la production.

   Beaucoup disent que la vie des paysans est dure. Est-ce vrai ? En un sens, cela est vrai. En effet, comme la Chine a été soumise pendant plus d’un siècle au joug et à l’exploitation des impérialistes et de leurs agents, elle est devenue un pays très pauvre, où le niveau de vie est bas non seulement chez les paysans, mais aussi chez les ouvriers et les intellectuels.

Pour élever progressivement le niveau de vie de tout le peuple, plusieurs dizaines d’années d’efforts ardus sont nécessaires. En ce sens, « vie dure » est l’expression qui convient.

Mais en un autre, elle est fausse, car il n’est pas vrai que dans les sept années qui se sont écoulées depuis la Libération seule la vie des ouvriers se soit améliorée et pas celle des paysans. En fait, pour les paysans comme pour les ouvriers, à l’exception d’un nombre infime de gens, la vie s’est déjà améliorée dans une certaine mesure. Depuis la Libération, les paysans ne sont plus exploités par les propriétaires fonciers et la production se développe chaque année.

Prenons par exemple les céréales. En 1949, la production des céréales dans le pays dépassait de peu 105 millions de tonnes ; or, en 1956, elle a dépassé 180 millions de tonnes, ce qui représente une augmentation de près de 75 millions de tonnes. L’impôt agricole perçu par l’Etat, qui s’élève seulement à une quinzaine de millions de tonnes par an, ne peut être considéré comme lourd.

La quantité de céréales achetée chaque année aux paysans au prix normal dépasse à peine 25 millions de tonnes. Le total de ces deux chapitres s’élève ainsi à une quarantaine de millions de tonnes. D’ailleurs, plus de la moitié de cette quantité est vendue dans les campagnes et dans les agglomérations rurales.

On ne peut donc dire que la vie des paysans ne s’est pas améliorée. Nous comptons stabiliser, durant plusieurs années, au niveau approximatif de quarante et quelques millions de tonnes par an, la quantité globale de grain constituée par l’impôt agricole et les achats faits aux paysans, afin que l’agriculture puisse se développer et les coopératives se consolider.

Ainsi, le petit nombre de familles paysannes qui n’a pas encore assez de grain n’aura plus à souffrir de ce manque et toutes les familles paysannes, à l’exception de certaines exploitations spécialisées dans les cultures industrielles, auront du grain en excédent ou suffisamment pour leurs besoins ; il n’y aura plus de paysans pauvres et tous les paysans connaîtront un niveau de vie égal ou supérieur à celui des paysans moyens. Il n’est pas juste de faire une comparaison superficielle entre les revenus annuels moyens d’un paysan et ceux d’un ouvrier et de dire qu’ils sont trop bas chez l’un et trop hauts chez l’autre.

La productivité du travail chez l’ouvrier est beaucoup plus élevée que chez le paysan, et par ailleurs le coût de la vie pour les paysans est bien moins élevé que pour les ouvriers des villes ; c’est pourquoi on ne saurait affirmer que les ouvriers bénéficient d’avantages spéciaux de la part de l’Etat.

Néanmoins, pour un petit nombre d’ouvriers et de travailleurs de l’Etat, les salaires sont un peu trop élevés, les paysans ont donc des raisons d’en être mécontents ; aussi est-il nécessaire de procéder, selon les circonstances, à quelques rajustements appropriés.

Les industriels et les commerçants

   Dans le domaine de la réforme de notre régime social, on a achevé en 1956, outre l’organisation des coopératives dans l’agriculture et l’artisanat, la transformation des entreprises de l’industrie et du commerce privés en entreprises mixtes, à capital privé et d’Etat.

L’accomplissement rapide et sans à-coups de cette tâche est étroitement lié au fait que la contradiction entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale a été traitée par nous comme une contradiction au sein du peuple. Cette contradiction de classes est-elle entièrement résolue ?

Non, elle ne l’est pas encore ; il faudra une très longue période pour qu’elle le soit tout à fait. Pourtant, il y a des gens qui disent que les capitalistes sont déjà si bien rééduqués qu’ils ne se distinguent presque plus des ouvriers, et qu’ils n’ont plus besoin de poursuivre leur rééducation.

D’autres soutiennent même que les capitalistes sont devenus meilleurs que les ouvriers. D’autres encore déclarent : Si la rééducation est nécessaire, pourquoi la classe ouvrière n’en a-t-elle pas besoin ? Ces opinions sont-elles justes ? Naturellement non.

   Quand s’édifie une société socialiste, tout le monde a besoin d’être rééduqué, les exploiteurs comme les travailleurs. Qui dit que la classe ouvrière n’a pas besoin d’être rééduquée ? La rééducation des exploiteurs et celle des travailleurs sont évidemment de deux types différents, et il ne faut pas les confondre.

Dans la lutte de classes et dans la bataille contre la nature, la classe ouvrière transforme la société dans son ensemble, et elle se transforme elle-même en même temps. La classe ouvrière doit constamment apprendre dans le cours de son travail et progressivement éliminer ses défauts; elle ne doit jamais s’arrêter.

Ainsi, nous par exemple : Beaucoup d’entre nous font quelques progrès chaque année, c’est-à-dire que, chaque année, nous nous rééduquons. Moi-même, j’avais autrefois diverses idées non marxistes ; c’est plus tard que j’ai embrassé le marxisme. J’ai étudié un peu le marxisme dans les livres et fait ainsi ma première rééducation idéologique, mais je me suis surtout transformé dans le cours d’une lutte de classes prolongée.

Et je dois continuer à étudier si je veux faire encore des progrès ; sinon, je me laisserai distancer. Les capitalistes seraient-ils si parfaits qu’ils n’auraient, eux, plus besoin de se rééduquer ?

   Certains disent que la bourgeoisie chinoise n’a plus aujourd’hui son double caractère, qu’elle n’a plus qu’un seul caractère. Est-ce vrai ? Non.

D’une part, les éléments bourgeois sont déjà devenus des membres du personnel administratif des entreprises mixtes et sont en train d’être transformés d’exploiteurs en travailleurs vivant de leur propre travail ; d’autre part, ils reçoivent encore de ces entreprises un intérêt fixe, cela signifie qu’ils n’ont pas encore rompu avec l’exploitation. Leur idéologie, leurs sentiments, leur mode de vie laissent subsister un fossé entre eux et la classe ouvrière. Comment peut-on prétendre alors qu’ils n’ont plus un double caractère ?

Même quand ils cesseront de toucher leur intérêt fixe et ne porteront plus l’étiquette de bourgeois, ils auront encore besoin de poursuivre longtemps leur rééducation idéologique. Si la bourgeoisie n’avait plus son double caractère, comme on le prétend, alors la tâche d’étudier et de se rééduquer n’existerait plus pour les capitalistes.

   Il faut dire que non seulement cette opinion ne correspond pas à la situation réelle des industriels et des commerçants, mais aussi qu’elle ne répond pas aux aspirations de la majorité d’entre eux. Ces dernières années, la plupart des industriels et des commerçants se sont mis volontiers à l’étude et ont obtenu des progrès notables.

La rééducation des industriels et des commerçants ne peut s’effectuer à fond que dans le cours de leur travail; ils doivent travailler dans les entreprises aux côtés des ouvriers et des employés, faire des entreprises le terrain même de leur rééducation. Cependant, il est également important pour eux de modifier par l’étude certaines de leurs vieilles conceptions. Cette étude doit être librement consentie.

Quand ils reviennent dans leurs entreprises, après plusieurs semaines de cours, beaucoup découvrent qu’ils trouvent plus facilement un langage commun avec les ouvriers et les représentants de la participation d’Etat, ce qui est tout au bénéfice du travail commun. Ils comprennent par leur propre expérience que la poursuite de l’étude et de la rééducation leur est profitable. L’idée qu’il n’est plus nécessaire d’étudier et de se rééduquer ne représente donc nullement le point de vue de la majorité des industriels et des commerçants, seuls pensent ainsi un petit nombre d’entre eux.

Les intellectuels

   Les contradictions au sein de notre peuple se manifestent aussi parmi les intellectuels. Plusieurs millions d’intellectuels, qui servaient autrefois l’ancienne société, sont maintenant passés au service de la société nouvelle. La question qui se pose est celle-ci : De quelle façon peuvent-ils s’adapter aux besoins de la société nouvelle et comment les aiderons-nous à y parvenir ? C’est là également une des contradictions au sein du peuple.

   Au cours des sept dernières années, la plupart de nos intellectuels ont fait des progrès notables. Ils se prononcent pour le régime socialiste. Nombre d’entre eux s’appliquent à étudier le marxisme, et certains sont devenus des communistes. Le nombre de ces derniers, quoique encore peu élevé, ne cesse d’augmenter. Evidemment, il y a encore des intellectuels qui continuent à douter du socialisme ou qui ne l’approuvent pas, mais ce n’est qu’une minorité.

   La Chine a besoin que le plus grand nombre possible d’intellectuels se mettent au service de l’oeuvre gigantesque et ardue de son édification socialiste.

Nous devons faire confiance à tous les intellectuels qui sont vraiment désireux de servir la cause du socialisme, améliorer radicalement nos rapports avec eux et les aider à résoudre tous les problèmes qui réclament une solution, afin de leur donner la possibilité de faire valoir pleinement leurs talents.

Nombre de nos camarades ne savent pas rallier à eux les intellectuels, ils se montrent rigides à leur égard, ils ne respectent pas leur travail et, dans le domaine scientifique et culturel, ils se permettent une ingérence déplacée dans les affaires dont ils n’ont pas à se mêler. Nous devons en finir avec tous ces défauts.

   Bien que la masse de nos intellectuels ait déjà fait des progrès, elle ne doit pas pour autant s’abandonner à la suffisance. Pour être pleinement au niveau des exigences de la société nouvelle et faire corps avec les ouvriers et les paysans, les intellectuels doivent poursuivre leur rééducation, se débarrasser progressivement de leur conception bourgeoise du monde et adopter la conception prolétarienne, communiste, du monde.

Le changement de conception du monde est un changement radical, et on ne peut pas dire que la plupart de nos intellectuels l’ont déjà accompli. Nous espérons que nos intellectuels continueront d’avancer et que, progressivement, dans le cours de leur travail et de leur étude, ils acquerront une conception communiste du monde, s’assimileront le marxisme-léninisme et se fondront en un tout avec les ouvriers et les paysans. Nous espérons qu’ils ne s’arrêteront pas à mi-chemin et qu’à plus forte raison ils ne feront pas marche arrière, car cela les conduirait à une impasse.

Les changements intervenus dans notre régime social et la suppression, pour l’essentiel, de la base économique de l’idéologie bourgeoise font qu’il existe pour la masse de nos intellectuels non seulement la nécessité mais aussi la possibilité de modifier leur conception du monde. Toutefois, un changement complet de la conception du monde exige un temps très long. Il nous faut y aller patiemment et éviter toute précipitation.

   En fait, il y aura nécessairement des gens qui, intérieurement, ne voudront jamais accepter le marxisme-léninisme et le communisme. Nous ne devons pas trop exiger d’eux ; tant qu’ils se soumettent aux exigences de l’Etat et poursuivent des activités honnêtes, nous devons leur donner la possibilité de se livrer à un travail approprié.

   Ces derniers temps, on a constaté un fléchissement dans le travail idéologique et politique parmi les étudiants et les intellectuels, et certaines déviations sont apparues. Il en est qui pensent apparemment qu’ils n’ont pas besoin de se soucier de la politique, de l’avenir de leur pays et des idéaux de l’humanité. A leurs yeux, le marxisme aurait fait fureur un certain temps et serait un peu passé de mode maintenant. Etant donné cette situation, il est à présent nécessaire de renforcer notre travail idéologique et politique.

Etudiants et intellectuels doivent s’appliquer à l’étude. Tout en travaillant à leur spécialité, ils doivent faire des progrès sur le plan idéologique et sur le plan politique, et pour cela étudier le marxisme, les questions politiques et les problèmes d’actualité. Sans vue politique juste, on est comme sans âme.

La rééducation idéologique était nécessaire et elle a donné des résultats positifs. Toutefois, les méthodes employées étaient un peu rudes et ont blessé certains. Cela n’est pas bien. A l’avenir, nous devons éviter ce défaut. Tous les organismes et toutes les organisations doivent assumer la responsabilité du travail idéologique et politique.

   Cette tâche incombe au Parti communiste, à la Ligue de la Jeunesse, aux organismes gouvernementaux directement intéressés, et à plus forte raison aux directeurs et aux enseignants des établissements scolaires. Notre politique dans le domaine de l’éducation doit permettre à ceux qui la reçoivent de se former sur le plan moral, intellectuel et physique pour devenir des travailleurs cultivés, ayant une conscience socialiste. Il faut mettre en honneur l’idée de construire notre pays avec diligence et économie.

Nous devons faire comprendre à toute la jeunesse que notre pays est encore très pauvre, qu’il n’est pas possible de modifier radicalement cette situation en peu de temps, que c’est seulement par leurs efforts unis que la jeunesse et tout le peuple pourront créer, de leurs propres mains, un Etat prospère et puissant en l’espace de quelques dizaines d’années.

Le régime socialiste nous a ouvert la voie vers la société idéale de demain, mais pour que celle-ci devienne une réalité, il nous faut travailler dur. Certains de nos jeunes gens pensent que, la société étant devenue socialiste, tout doit être parfait, qu’on peut y jouir d’une vie de bonheur toute faite, sans avoir à fournir d’efforts. Cette façon de voir les choses n’est pas réaliste.

Les minorités nationales

   Nos minorités nationales forment une population de plus de 30 millions d’habitants. Bien qu’elles ne constituent que les 6 pour cent de la population totale du pays, elles vivent dans de vastes régions qui s’étendent sur 50 à 60 pour cent de tout le territoire.

C’est pourquoi il est absolument nécessaire que de bons rapports s’établissent entre les Hans et les minorités nationales. La clé du problème est de surmonter le chauvinisme grand-han.

Il faut en même temps surmonter le nationalisme local partout où il existe chez les minorités nationales. Le chauvinisme grand-han comme le nationalisme local sont préjudiciables à l’union de toutes les nationalités.

Il s’agit là d’une des contradictions au sein du peuple qu’il faut résoudre. Nous avons déjà accompli un certain travail dans ce domaine et, dans la plupart des régions où vivent les minorités nationales, les relations entre nationalités se sont bien améliorées par rapport au passé ; pourtant, il reste des problèmes à régler.

Dans certaines régions, le chauvinisme grand-han et le nationalisme local existent l’un et l’autre à un degré sérieux, et cela appelle notre pleine attention. Grâce aux efforts du peuple des diverses nationalités au cours des dernières années, les réformes démocratiques et les transformations socialistes sont déjà achevées pour l’essentiel dans la plus grande partie de nos régions de minorités nationales.

Au Tibet, les réformes démocratiques n’ont pas encore commencé parce que les conditions n’y sont pas mûres. Conformément à l’accord en dix-sept points conclu entre le Gouvernement populaire central et le Gouvernement local du Tibet, la réforme du régime social y sera réalisée ; cependant, il ne faut pas se montrer impatient, la décision sur le moment où il convient de procéder à cette réforme ne pourra être prise que lorsque la grande majorité des masses tibétaines et des chefs du Tibet le jugeront possible.

La décision a maintenant été prise de ne pas appliquer de réformes durant la période du deuxième plan quinquennal. Quant à la question de savoir si ces réformes seront entreprises au cours du troisième quinquennat, elle ne pourra être résolue qu’à la lumière de la situation du moment.

Planification d’ensemble et dispositions appropriées

   Par planification d’ensemble, il faut entendre la planification qui tient compte de l’ensemble des intérêts de nos 600 millions d’habitants. Lorsque nous établissons un plan, réglons une affaire ou réfléchissons à un problème, nous devons toujours partir du fait que notre pays a 600 millions d’habitants ; en aucun cas, nous ne devons oublier cela.

Pourquoi soulevons-nous cette question ? Y aurait-il encore des gens qui ne savent pas que notre pays a 600 millions d’habitants ? On le sait, mais dans la pratique, certains l’oublient et font comme s’ils pensaient que moins il y a de personnes et plus le cercle est étroit, mieux cela vaut.

Les gens qui sont pour le « cercle étroit » vont à l’encontre de l’idée qu’il faut mettre en œuvre tous les facteurs positifs, rallier tous ceux qui peuvent être ralliés et, dans la mesure du possible, transformer les facteurs négatifs en facteurs positifs pour les mettre au service de la grande cause de l’édification de la société socialiste. J’espère que ces gens élargiront leur horizon, qu’ils reconnaîtront vraiment que notre pays a 600 millions d’habitants, que c’est un fait objectif, que c’est notre capital.

Notre pays a une forte population, c’est une bonne chose, mais, naturellement, cela implique des difficultés. Notre oeuvre d’édification se développe impétueusement dans tous les domaines; nous avons remporté d’importants succès, mais dans la période actuelle de transition, riche en grands changements sociaux, on rencontre encore beaucoup de problèmes difficiles.

Progrès et difficultés – c’est là une contradiction. Or, toute contradiction doit être et peut parfaitement être résolue. Notre principe, c’est de faire une planification d’ensemble et de prendre des dispositions appropriées.

Qu’il s’agisse des céréales, des calamités naturelles, de l’emploi, de l’éducation, des intellectuels, du front uni de toutes les forces patriotiques, des minorités nationales ou de toute autre question, nous devons partir de la nécessité d’une planification d’ensemble pour tout le peuple et prendre des dispositions appropriées, conformément aux possibilités du moment et du lieu, et après avoir consulté les représentants de tous les milieux intéressés.

En aucun cas, nous ne devons tourner le dos au travail, nous plaignant qu’il y a trop de gens, qu’ils sont arriérés et que les choses sont embarrassantes et difficiles à régler.

Ce que je viens de dire signifie-t-il que le gouvernement s’occupera lui-même de toutes les personnes et de toutes les affaires ? Evidemment non.

Les organisations populaires et les masses elles-mêmes peuvent trouver les moyens de s’occuper d’un grand nombre de gens et d’affaires. Elles sont capables de trouver beaucoup de solutions excellentes. Cela aussi entre dans le champ de notre principe de planification d’ensemble et de dispositions appropriées. Nous devons orienter dans cette voie les organisations populaires et les masses de tout le pays.

« Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » et « Coexistence à long terme et contrôle mutuel »

   Sur quelle base les mots d’ordre « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » et « Coexistence à long terme et contrôle mutuel » ont-ils été lancés ? Ils l’ont été d’après les conditions concrètes de la Chine, sur la base de la reconnaissance des différentes contradictions qui existent toujours dans la société socialiste et en raison du besoin urgent du pays d’accélérer son développement économique et culturel.

La politique « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » vise à stimuler le développement de l’art et le progrès de la science, ainsi que l’épanouissement de la culture socialiste dans notre pays.

Dans les arts, formes différentes et styles différents devraient se développer librement, et dans les sciences, les écoles différentes s’affronter librement. Il serait, à notre avis, préjudiciable au développement de l’art et de la science de recourir aux mesures administratives pour imposer tel style ou telle école et interdire tel autre style ou telle autre école.

Le vrai et le faux en art et en science est une question qui doit être résolue par la libre discussion dans les milieux artistiques et scientifiques, par la pratique de l’art et de la science et non par des méthodes simplistes.

Pour déterminer ce qui est juste et ce qui est erroné, l’épreuve du temps est souvent nécessaire. Au cours de l’Histoire, ce qui est nouveau et juste n’est souvent pas reconnu par la majorité des hommes au moment de son apparition et ne peut se développer que dans la lutte, à travers des vicissitudes.

Il arrive souvent qu’au début ce qui est juste et bon ne soit pas reconnu pour une « fleur odorante », mais considéré comme une « herbe vénéneuse ». En leur temps, la théorie de Copernic sur le système solaire et la théorie de l’évolution de Darwin furent considérées comme erronées et elles ne s’imposèrent qu’après une lutte âpre et difficile. L’histoire de notre pays offre nombre d’exemples semblables. Dans la société socialiste, les conditions nécessaires à la croissance des choses nouvelles sont foncièrement différentes, et bien meilleures que dans l’ancienne société.

Cependant, il est encore fréquent que les forces naissantes soient refoulées et des opinions raisonnables étouffées. Il arrive aussi qu’on entrave la croissance des choses nouvelles non par volonté délibérée de les étouffer, mais par manque de discernement.

   C’est pourquoi, pour déterminer ce qui est juste et ce qui est erroné en science et en art, il faut adopter une attitude prudente, encourager la libre discussion et se garder de tirer des conclusions hâtives. Nous estimons que c’est une telle attitude qui permettra d’assurer au mieux le développement de la science et de l’art.

   Le marxisme, lui aussi, s’est développé au cours de la lutte. Au début, il a fait l’objet de toutes les attaques possibles et a été assimilé à une « herbe vénéneuse ». Actuellement encore, en bien des endroits dans le monde, on ne cesse de l’attaquer et de le considérer comme une « herbe vénéneuse ». Il occupe cependant une position toute différente dans les pays socialistes. Mais même dans ces pays, il existe encore des idées non marxistes, voire antimarxistes.

Certes, en Chine, la transformation socialiste, en tant qu’elle concerne la propriété, est pratiquement achevée; les vastes et tempétueuses luttes de classe, menées par les masses en période révolutionnaire, sont pour l’essentiel terminées. Néanmoins, il subsiste des vestiges des classes renversées des propriétaires fonciers et des compradores, la bourgeoisie existe encore, et la transformation de la petite bourgeoisie ne fait que commencer. La lutte de classes n’est nullement arrivée à son terme.

La lutte de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre les diverses forces politiques et entre les idéologies prolétarienne et bourgeoise sera encore longue et sujette à des vicissitudes, et par moments elle pourra même devenir très aiguë. Le prolétariat cherche à transformer le monde selon sa propre conception du monde, et la bourgeoisie, selon la sienne.

A cet égard, la question de savoir qui l’emportera, du socialisme ou du capitalisme, n’est pas encore véritablement résolue. Les marxistes demeurent une minorité aussi bien dans l’ensemble de la population que parmi les intellectuels. C’est pourquoi le marxisme doit continuer à se développer par la lutte. C’est dans la lutte seulement que le marxisme peut se développer: il en a été ainsi dans le passé, il en est ainsi dans le présent, et il en sera nécessairement ainsi à l’avenir.

Ce qui est juste se développe toujours dans un processus de lutte contre ce qui est erroné. Le vrai, le bon et le beau n’existent jamais qu’au regard du faux, du mauvais et du laid, et se développent dans la lutte contre eux. Au moment même où l’humanité rejette quelque chose de faux et accepte une vérité, une nouvelle vérité entre à son tour en lutte contre de nouvelles opinions erronées. Cette lutte ne cessera jamais. C’est la loi du développement de la vérité, et c’est évidemment aussi la loi du développement du marxisme.

   Il faudra encore un temps assez long pour décider de l’issue de la lutte idéologique entre le socialisme et le capitalisme dans notre pays.

La raison en est que l’influence de la bourgeoisie et des intellectuels venus de l’ancienne société existera longtemps encore dans notre pays et y subsistera longtemps en tant qu’idéologie de classe.

Si on ne saisit pas bien cela et à plus forte raison si on ne le comprend pas du tout, on commettra les plus graves erreurs, on méconnaîtra la nécessité de la lutte idéologique. Celle-ci se distingue des autres formes de lutte; on ne peut y appliquer que la méthode patiente du raisonnement, et non la méthode brutale de la contrainte.

Actuellement, le socialisme bénéficie dans la lutte idéologique de conditions extrêmement favorables. Les forces essentielles du pouvoir sont entre les mains du peuple travailleur, dirigé par le prolétariat.

Le Parti communiste est fort et son prestige est grand. Bien que notre travail comporte des insuffisances et des erreurs, tout homme équitable peut voir que nous sommes loyaux envers le peuple, que nous sommes à la fois déterminés et aptes à édifier notre pays de concert avec le peuple, que nous avons déjà remporté de grands succès et que nous en remporterons d’autres, encore plus importants.

Les éléments de la bourgeoisie et les intellectuels issus de l’ancienne société sont en grande majorité patriotes, ils veulent servir leur patrie socialiste en plein épanouissement et comprennent que s’ils s’écartent de la cause du socialisme et du peuple travailleur dirigé par le Parti communiste, ils ne sauront plus sur quoi s’appuyer et ils n’auront plus de brillantes perspectives d’avenir.

   On demandera : Etant donné que dans notre pays le marxisme est déjà reconnu comme idéologie directrice par la majorité des gens, peut-on le critiquer ?

Bien sûr que oui. Le marxisme est une vérité scientifique, il ne craint pas la critique. Si le marxisme craignait la critique, s’il pouvait être battu en brèche par la critique, il ne serait bon à rien. De fait, les idéalistes ne critiquent-ils pas le marxisme tous les jours et de toutes les façons possibles ?

Les gens qui s’en tiennent à des points de vue bourgeois et petits-bourgeois sans vouloir en démordre ne critiquent-ils pas le marxisme de toutes les façons possibles ? Les marxistes ne doivent pas craindre la critique, d’où qu’elle vienne. Au contraire, ils doivent s’aguerrir, progresser et gagner de nouvelles positions dans le feu de la critique, dans la tempête de la lutte. Lutter contre les idées erronées, c’est en quelque sorte se faire vacciner ; grâce à l’action du vaccin, l’immunité de l’organisme se trouve renforcée. Les plantes élevées en serre ne sauraient être robustes.

L’application de la politique « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent », loin d’affaiblir la position dirigeante du marxisme dans le domaine idéologique, la renforcera au contraire.

   Quelle politique devons-nous adopter à l’égard des idées non marxistes ? Quand il s’agit de contre-révolutionnaires avérés et d’éléments qui sapent la cause du socialisme, la question est aisée à résoudre : on les prive tout simplement de la liberté de parole.

Mais quand nous avons affaire aux idées erronées existant au sein du peuple, c’est une autre question. Peut-on bannir ces idées et ne leur laisser aucune possibilité de s’exprimer ? Bien sûr que non. Il serait non seulement inefficace, mais encore extrêmement nuisible d’adopter des méthodes simplistes pour résoudre les questions idéologiques au sein du peuple, les questions relatives à l’esprit de l’homme. On peut interdire l’expression des idées erronées, mais ces idées n’en seront pas moins là.

Et les idées justes, si elles sont cultivées en serre, si elles ne sont pas exposées au vent et à la pluie, si elles ne se sont pas immunisées, ne pourront triompher des idées erronées lorsqu’elles les affronteront. Aussi est-ce seulement par la méthode de la discussion, de la critique et de l’argumentation qu’on peut véritablement développer les idées justes, éliminer les idées erronées et résoudre les problèmes.

   L’idéologie de la bourgeoisie et celle de la petite bourgeoisie trouveront sûrement à se manifester. A coup sûr, ces deux classes s’obstineront à s’affirmer par tous les moyens, dans les questions politiques et idéologiques. Il est impossible qu’il en soit autrement.

Nous ne devons pas recourir à des méthodes de répression pour les empêcher de s’exprimer ; nous devons le leur permettre, et en même temps engager un débat avec elles et critiquer leurs idées de façon appropriée. Il est hors de doute que nous devons soumettre à la critique toute espèce d’idées erronées.

Certes, on aurait tort de ne pas critiquer les idées erronées et de les regarder tranquillement se répandre partout et s’emparer du marché -toute erreur est à critiquer, toute herbe vénéneuse est à combattre-, mais cette critique ne doit pas être dogmatique ; il faut écarter la méthode métaphysique et faire tout son possible pour employer la méthode dialectique. Une analyse scientifique et une argumentation pleinement convaincante sont ici de rigueur.

Une critique dogmatique ne donne aucun résultat. Nous combattons toute herbe vénéneuse, mais il faut distinguer avec soin ce qui est réellement herbe vénéneuse et ce qui est réellement fleur odorante. Nous devons ensemble, les masses et nous, apprendre à faire soigneusement cette distinction et, en nous servant de méthodes correctes, lutter contre les herbes vénéneuses.

   Tout en réfutant le dogmatisme, nous devons veiller à réfuter le révisionnisme. Le révisionnisme ou opportunisme de droite est un courant idéologique bourgeois; il est encore plus dangereux que le dogmatisme. Les révisionnistes ou opportunistes de droite approuvent le marxisme du bout des lèvres et attaquent eux aussi le « dogmatisme ».

Mais leurs attaques visent en fait la substance même du marxisme. Ils combattent ou dénaturent le matérialisme et la dialectique, ils combattent ou tentent d’affaiblir la dictature démocratique populaire et le rôle dirigeant du Parti communiste, ainsi que la transformation et l’édification socialistes.

Lors même que la révolution socialiste a remporté pratiquement la victoire dans notre pays, il y a encore un certain nombre de gens qui rêvent de restaurer le régime capitaliste ; ils mènent la lutte contre la classe ouvrière sur tous les fronts, y compris celui de l’idéologie. Dans cette lutte, les révisionnistes sont leurs meilleurs adjoints. Pris au pied de la lettre, les deux mots d’ordre « Que cent fleurs s’épanouissent » et « Que cent écoles rivalisent » n’ont pas un caractère de classe : ils peuvent être utilisés par le prolétariat aussi bien que par la bourgeoisie et d’autres gens.

Chaque classe, chaque couche sociale et chaque groupe social a sa notion propre des fleurs odorantes et des herbes vénéneuses. Mais alors, du point de vue des larges masses populaires, quels doivent être aujourd’hui les critères nous permettant de distinguer les fleurs odorantes et les herbes vénéneuses ?

Comment déterminer, dans le cadre de la vie politique de notre peuple, si nos paroles et nos actes sont justes ou erronés ? Nous estimons que, d’après les principes de notre Constitution et conformément à la volonté de l’immense majorité de notre peuple et aux positions politiques communes proclamées à diverses occasions par nos partis politiques, il est possible de formuler, dans leurs traits généraux, les critères que voici :

   Est juste

   1) ce qui favorise l’union du peuple de toutes les nationalités de notre pays et non ce qui provoque la division en son sein ; 2) ce qui favorise la transformation et l’édification socialistes et non ce qui nuit à cette transformation et à cette édification ; 3) ce qui favorise le renforcement de la dictature démocratique populaire et non ce qui sape ou affaiblit cette dictature ; 4) ce qui favorise le renforcement du centralisme démocratique et non ce qui le sape ou l’affaiblit ; 5) ce qui favorise le renforcement de la direction exercée par le Parti communiste et non ce qui rejette ou affaiblit cette direction ; 6) ce qui favorise la solidarité internationale socialiste et la solidarité internationale de tous les peuples pacifiques et non ce qui porte préjudice à ces deux formes de solidarité.

   De ces six critères, les plus importants sont celui de la voie socialiste et celui du rôle dirigeant du Parti. C’est en vue de développer et non d’entraver la libre discussion des divers problèmes parmi le peuple que ces six critères sont mis en avant.

Ceux qui ne les approuvent pas peuvent toujours donner leur avis et développer leurs arguments. Cependant, lorsque la majorité des gens disposera de critères nettement définis, on pourra développer la critique et l’autocritique dans une voie juste et déterminer, au moyen de ces critères, si les paroles et les actes des gens sont justes ou erronés, s’il s’agit de fleurs odorantes ou d’herbes vénéneuses.

Les critères énumérés ci-dessus sont des critères politiques. Naturellement, pour déterminer la justesse des thèses scientifiques ou la valeur artistique des œuvres d’art, il faut encore certains critères spécifiques, mais ces six critères politiques sont applicables à toute activité scientifique et artistique. Est-il possible, en effet, que dans un pays socialiste comme le nôtre il y ait une activité scientifique ou artistique utile qui soit en contradiction avec eux ?

   Les points de vue que je viens d’exposer ont pour base les conditions historiques spécifiques de la Chine. Les conditions varient suivant les pays socialistes et les partis communistes, c’est pourquoi nous estimons qu’il n’y a pour ces pays et ces partis nulle obligation de suivre nos méthodes.

   Le mot d’ordre « Coexistence à long terme et contrôle mutuel » est également le produit des conditions historiques spécifiques de notre pays. Il n’a pas été formulé subitement, il s’est élaboré pendant plusieurs années.

L’idée de la coexistence à long terme est depuis longtemps vivante chez nous. L’an dernier, lorsque le régime socialiste a été établi pour l’essentiel, ce mot d’ordre a été clairement formulé. Pourquoi faut-il admettre la coexistence prolongée des partis démocratiques de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie avec le parti de la classe ouvrière ?

Parce que nous n’avons aucune raison de ne pas appliquer la politique de la coexistence à long terme à l’égard de tous les partis politiques qui travaillent sincèrement à l’unité du peuple pour la cause du socialisme et qui jouissent de la confiance du peuple. Je disais déjà en juin 1950, à la deuxième session du Comité national de la 1re Conférence consultative politique du Peuple chinois :

   Si quelqu’un veut vraiment servir le peuple, s’il a réellement aidé le peuple dans ses moments difficiles, s’il a bien agi et continue de bien agir, sans s’arrêter à mi-chemin, le peuple et le gouvernement populaire n’auront aucune raison de le renier et de lui refuser les moyens de vivre et de servir le pays.

   Ce que je disais là constitue précisément la base politique pour la coexistence à long terme des différents partis. Coexistence prolongée du Parti communiste et des partis démocratiques, tel est notre désir, telle est aussi notre politique.

Quant à savoir si les partis démocratiques pourront exister durant une longue période, cela n’est pas simplement déterminé par le seul désir du Parti communiste, cela est aussi fonction du comportement des partis démocratiques et partant de la confiance qu’ils se voient accorder par le peuple. Le contrôle mutuel entre les partis politiques existe également depuis longtemps déjà, en ce sens qu’ils se donnent des conseils et se critiquent mutuellement.

Le contrôle mutuel n’est naturellement pas unilatéral : le Parti communiste peut contrôler les partis démocratiques, et ceux-ci peuvent aussi contrôler le Parti communiste. Pourquoi admet-on le contrôle des partis démocratiques sur le Parti communiste ? Parce qu’un parti, tout comme un individu, a grand besoin d’entendre des opinions différentes des siennes. Chacun sait que c’est le peuple travailleur et les membres du Parti qui exercent principalement le contrôle sur le Parti communiste.

Mais si les partis démocratiques font de même, le bénéfice n’en sera que plus grand. Evidemment, les conseils échangés entre les partis démocratiques et le Parti communiste et la critique réciproque ne joueront un rôle positif dans le contrôle mutuel que s’ils se conforment aux six critères politiques exposés ci-dessus.

C’est pourquoi nous espérons que les partis démocratiques accorderont l’attention nécessaire à la rééducation idéologique et rechercheront avec le Parti communiste la coexistence à long terme et le contrôle mutuel, afin de répondre aux besoins de la société nouvelle.

Les troubles créés par un petit nombre de gens

   En 1956, un petit nombre d’ouvriers et d’étudiants se sont mis en grève dans certains endroits. La cause immédiate de ces troubles était qu’on n’avait pas satisfait à certaines revendications matérielles. Quelques-unes pouvaient et auraient dû être satisfaites, d’autres, déplacées ou excessives, ne pouvaient l’être sur le moment. Mais une cause encore plus importante en était la bureaucratie des dirigeants.

La responsabilité des erreurs engendrées par cette bureaucratie doit être imputée dans certains cas aux organismes supérieurs, et on ne peut rejeter toute la faute sur les échelons inférieurs. Ces troubles avaient encore une autre cause: l’éducation idéologique et politique insuffisante des ouvriers et des étudiants. La même année, les troubles suscités par un petit nombre de membres des coopératives agricoles avaient aussi pour causes principales la bureaucratie de la direction et une éducation insuffisante des masses.

   Il faut reconnaître qu’une partie des masses a tendance à porter son attention sur des intérêts immédiats, partiels et personnels, et ne comprend pas ou ne comprend pas suffisamment ce que représentent les intérêts à long terme, d’importance nationale et collectifs.

Bon nombre de jeunes gens, par manque d’expérience politique et d’expérience de la vie sociale, ne savent pas comparer la nouvelle Chine avec l’ancienne ; ils ont du mal à comprendre à fond quelles luttes extraordinairement dures notre peuple a dû soutenir pour parvenir à se libérer du joug de l’impérialisme et des réactionnaires du Kuomintang et quelle longue période d’efforts acharnés est nécessaire pour construire une société socialiste radieuse.

C’est pourquoi il faut poursuivre sans cesse parmi les masses une éducation politique vivante et efficace, leur dire toujours la vérité sur les difficultés qui surgissent et examiner avec elles les moyens de les surmonter.

   Nous n’approuvons pas les troubles, car les contradictions au sein du peuple peuvent être résolues suivant la formule : « Unité – critique – unité », tandis que les troubles causent toujours des préjudices et ne favorisent pas les progrès du socialisme.

Nous sommes convaincus que les larges masses populaires de notre pays sont pour le socialisme, qu’elles sont hautement disciplinées, raisonnables, et que jamais elles ne participeront aux troubles sans raisons. Cependant, cela ne signifie pas que les possibilités de troubles parmi les masses soient déjà exclues dans notre pays. Sur cette question, nous devons prêter attention aux points suivants :

1) Pour liquider radicalement les causes de troubles, il faut éliminer résolument la bureaucratie, intensifier comme il se doit l’éducation idéologique et politique et régler toutes les contradictions de façon adéquate. Si ces conditions sont remplies, normalement il ne devra plus y avoir de troubles.

2) Si, par suite de notre travail défectueux, des troubles surgissent, il faut ramener sur le bon chemin les masses qui y prennent part, il faut utiliser ces troubles comme un moyen particulier pour améliorer notre travail et pour éduquer les cadres et les masses, et il faut résoudre les questions laissées en suspens. Au cours du règlement des troubles, on doit effectuer un travail minutieux, et non recourir à des méthodes simplistes, ni se hâter de déclarer l’affaire close.

Les meneurs ne doivent pas être congédiés à la légère, à l’exception de ceux qui ont transgressé la loi pénale et des contre-révolutionnaires actifs, lesquels seront traduits en justice. Dans un grand pays comme le nôtre, il n’y a pas lieu de s’alarmer si un petit nombre de gens fomentent des troubles ; ces troubles devraient plutôt nous aider à nous débarrasser de la bureaucratie.

Dans notre société, il y a également un petit nombre de gens qui, au mépris de l’intérêt public et du bon sens, enfreignent la loi et commettent des crimes. Il se pourrait qu’ils utilisent et dénaturent notre politique en présentant délibérément des exigences déraisonnables afin d’exciter les masses, ou bien qu’ils répandent à dessein des rumeurs pour créer des incidents et troubler l’ordre public.

Nous n’avons pas l’intention de laisser ces gens-là agir à leur guise. Au contraire, une action judiciaire doit être intentée contre eux. Le peuple exige qu’ils soient châtiés ; ne pas les châtier serait aller contre sa volonté.

Une chose mauvaise peut-elle se transformer en une bonne ?

   Comme je l’ai dit, dans notre société, les troubles parmi les masses sont une mauvaise chose et nous ne les approuvons pas. Cependant, de tels incidents peuvent nous inciter à en tirer des leçons, à éliminer la bureaucratie et à éduquer les cadres et les masses. En ce sens, une mauvaise chose peut se transformer en une bonne. Les désordres ont un double caractère. Ils peuvent tous être envisagés de ce point de vue.

   Les événements de Hongrie n’étaient pas une bonne chose, cela, chacun le sait. Cependant, ils ont, eux aussi, un double caractère. Parce que nos camarades hongrois ont pris de justes mesures au cours de ces événements, ceux-ci se sont transformés de chose mauvaise en chose bonne. L’Etat hongrois est maintenant plus solidement établi que par le passé, et les autres pays du camp socialiste en ont également tiré une leçon.

   De même, la campagne anticommuniste et antipopulaire menée à l’échelle mondiale dans la seconde moitié de 1956 est naturellement une mauvaise chose. Mais elle a instruit et trempé les partis communistes et la classe ouvrière des différents pays et s’est ainsi transformée en une bonne chose. Dans de nombreux pays, une partie des membres ont quitté, durant cette campagne, les partis communistes. Leur départ a fait diminuer les effectifs des partis, ce qui est naturellement une mauvaise chose. Mais elle a aussi son bon côté.

Les éléments instables n’ont pas voulu rester dans le parti communiste et l’ont quitté, mais la grande majorité de ses membres, qui sont demeurés fermes dans leurs convictions, sont encore plus solidement unis dans la lutte ; n’est-ce pas là une bonne chose ?

   Bref, nous devons apprendre à examiner les problèmes sous tous leurs aspects, à voir non seulement la face mais aussi le revers des choses et des phénomènes.

Dans des conditions déterminées, quelque chose de mauvais peut produire de bons résultats et, à son tour, quelque chose de bon peut en produire de mauvais. Il y a plus de deux mille ans, Laotse disait déjà : « Sur le malheur s’appuie le bonheur et dans le bonheur se cache le malheur. » Lorsque les Japonais ont envahi la Chine, ils ont qualifié cela de victoire. Et les Chinois ont appelé défaite la conquête par l’agresseur de vastes territoires du pays.

Cependant, dans la défaite de la Chine il y avait le germe de la victoire, et la victoire du Japon renfermait la défaite. L’histoire n’a-t-elle pas confirmé cela ? Actuellement, partout dans le monde, on discute de l’éventualité d’une troisième guerre mondiale. Nous devons être préparés psychologiquement à cette éventualité et l’envisager d’une manière analytique. Nous sommes résolument pour la paix et contre la guerre.

Mais si les impérialistes s’entêtent à déclencher une nouvelle guerre, nous ne devons pas en avoir peur. Notre attitude devant cette question est la même que devant tous les désordres : primo, nous sommes contre, et secundo, nous n’en avons pas peur. La Première guerre mondiale a été suivie par la naissance de l’Union soviétique avec une population de 200 millions d’habitants. La Seconde guerre mondiale a été suivie de la formation du camp socialiste qui englobe une population de 900 millions d’âmes.

   Il est certain que si les impérialistes s’obstinent à déclencher une troisième guerre mondiale, des centaines de millions d’hommes passeront du côté du socialisme et il ne restera pas beaucoup de place sur terre pour les impérialistes; il est même possible que le système impérialiste s’effondre complètement. Dans des conditions déterminées, chacun des deux aspects opposés d’une contradiction se transforme immanquablement en son contraire par suite de la lutte entre eux. Ici, les conditions sont importantes.

Sans des conditions déterminées, aucun des deux aspects en lutte ne peut se transformer en son contraire. De toutes les classes dans le monde, c’est le prolétariat qui désire le plus changer de situation, et ensuite, c’est le semi-prolétariat ; car le premier ne possède absolument rien et le second ne possède que bien peu.

La situation telle qu’elle existe aujourd’hui, où les Etats-Unis détiennent la majorité à l’O.N.U. et contrôlent de nombreuses régions du monde, est seulement temporaire. Un jour, elle changera nécessairement.

La situation de la Chine en tant que pays pauvre, auquel les droits sont déniés sur l’arène internationale, changera également : le pays pauvre deviendra un pays riche, l’absence de droits deviendra la plénitude des droits, c’est-à-dire qu’il se produira une conversion des choses en leur contraire. Ici, les conditions qui jouent un rôle décisif sont le régime socialiste et les efforts conjugués d’un peuple uni.

Le régime de stricte économie

   Je voudrais parler ici brièvement de la question du régime de stricte économie. Nous voulons entreprendre une édification de grande envergure, mais notre pays est encore très pauvre — il y a là une contradiction. Un des moyens pour la résoudre, c’est de déployer des efforts soutenus en faveur d’une stricte économie dans tous les domaines.

Dans le mouvement sanfan, en 1952, nous avions lutté contre la corruption, le gaspillage et la bureaucratie, l’effort principal étant porté sur la lutte contre la corruption. En 1955, nous avons préconisé une stricte économie en mettant l’accent sur la lutte contre les dépenses excessives dans les constructions de base de caractère improductif et sur l’économie de matières premières dans la production industrielle, et nous avons remporté de grands succès sur ce terrain.

Mais à ce moment-là, cette ligne de conduite n’était pas encore consciencieusement appliquée dans toutes les branches de l’économie nationale, ni dans les administrations, les unités de l’armée, les établissements d’enseignement et les organisations populaires en général. Cette année, nous demandons qu’on pratique une stricte économie et qu’on lutte contre le gaspillage dans tous les domaines de la vie du pays. Nous manquons encore d’expérience dans l’édification. Ces dernières années, de grands succès ont été obtenus, mais il y a eu également du gaspillage.

Nous devons construire progressivement bon nombre d’entreprises modernes, de grandes dimensions, pour donner à notre industrie l’ossature sans laquelle il serait impossible, en quelques dizaines d’années, de transformer notre pays en une grande puissance industrielle moderne.

Cependant, pour la majeure partie de nos entreprises, ce ne sont pas ces dimensions qui s’imposent : il faut créer davantage d’entreprises petites et moyennes, et aussi utiliser pleinement la base industrielle léguée par l’ancienne société, travailler le plus économiquement possible et faire plus de choses avec moins d’argent.

Après que la deuxième session plénière du Comité central issu du VIIIe Congrès du Parti communiste chinois, tenue en novembre dernier, eut souligné avec encore plus d’énergie le principe de la pratique d’une stricte économie et de la lutte contre le gaspillage, de bons résultats ont été obtenus au cours de ces derniers mois. Le mouvement actuel pour un régime de stricte économie doit être conséquent et durable.

La lutte contre le gaspillage, comme la critique d’autres défauts ou erreurs, peut être comparée avec l’habitude de faire sa toilette. Ne doit-on pas faire sa toilette tous les jours ?

Le Parti communiste, les partis démocratiques, les démocrates sans parti, les intellectuels, les industriels et les commerçants, les ouvriers, les paysans et les artisans, en un mot, nous tous – les 600 millions de Chinois – nous devons nous efforcer d’accroître la production, appliquer le régime de stricte économie et combattre les prodigalités et le gaspillage. Cela est d’une grande importance non seulement au point de vue économique, mais encore au point de vue politique.

Chez beaucoup de nos cadres se développent des tendances dangereuses, qui se manifestent par leur répugnance à partager avec les masses les joies et les peines et par leur souci de renom et de profits personnels. C’est très mauvais.

Au cours du mouvement pour l’accroissement de la production et la réalisation d’économies, nous devons simplifier nos organismes et transférer des cadres aux échelons inférieurs, pour qu’un grand nombre d’entre eux retournent à la production ; c’est l’une des méthodes pour surmonter ces dangereuses tendances. Il faut que les cadres et le peuple aient toujours présent à l’esprit que la Chine est un grand pays socialiste, et en même temps un pays pauvre, économiquement arriéré – c’est là une grande contradiction.

Pour que notre pays devienne prospère et puissant, plusieurs dizaines d’années d’efforts opiniâtres sont nécessaires, et parmi ces efforts, l’application d’une politique de diligence et d’économie dans l’édification du pays, politique qui implique une stricte économie et la lutte contre le gaspillage.

La voie de l’industrialisation de la Chine

   En parlant de la voie de l’industrialisation, j’ai surtout en vue les rapports entre le développement de l’industrie lourde, de l’industrie légère et de l’agriculture. Il faut souligner que l’industrie lourde est le noyau de notre édification économique. Cependant, nous devons en même temps accorder notre pleine attention au développement de l’agriculture et de l’industrie légère.

   La Chine étant un grand pays agricole, dont la population est rurale à plus de 80 pour cent, le développement de l’industrie doit aller de pair avec celui de l’agriculture.

C’est seulement ainsi que l’industrie aura des matières premières et des débouchés, qu’il sera possible d’accumuler des fonds relativement importants pour créer une puissante industrie lourde. Tout le monde sait que l’industrie légère et l’agriculture sont étroitement liées. Sans agriculture, pas d’industrie légère. Ce qui, par contre, n’est pas encore compris très clairement, c’est l’importance de l’agriculture comme débouché pour l’industrie lourde.

On le saisira toutefois mieux quand, avec le progrès de sa refonte technique et de sa modernisation, l’agriculture exigera de plus en plus de machines, d’engrais, d’ouvrages hydrauliques, d’énergie électrique et de moyens de transport, aussi bien que de combustibles et de matériaux de construction pour la population rurale.

Si, dans la période du deuxième et du troisième plan quinquennal, notre agriculture parvient à se développer encore davantage, entraînant un essor correspondant de l’industrie légère, toute l’économie nationale en profitera. Ce développement de l’agriculture et de l’industrie légère assurera des débouchés et des fonds pour l’industrie lourde et en accélérera l’expansion.

Aussi, ce qui, à première vue, peut sembler un ralentissement du rythme de l’industrialisation ne l’est pas en fait et pourrait même se traduire en définitive par une accélération. Il n’est pas impossible qu’en trois quinquennats, ou en une période un peu plus longue, la production annuelle de l’acier dans notre pays passe d’un peu plus de 900.000 tonnes – production annuelle record d’avant la Libération, atteinte en 1943 – à 20 millions de tonnes ou davantage. La population urbaine et rurale ne manquera pas de s’en réjouir.

   Je n’ai pas l’intention de parler longuement aujourd’hui des questions économiques. Nous n’avons pas encore suffisamment d’expérience dans le domaine de l’édification économique, car elle a commencé il y a sept ans à peine, il nous faut donc en acquérir davantage. Pour faire la révolution, nous n’avions pas non plus d’expérience au début, et c’est seulement après avoir fait un certain nombre de culbutes que nous en avons acquis et que nous avons remporté la victoire dans tout le pays.

Maintenant, nous devons faire en sorte que le temps nécessaire pour acquérir de l’expérience dans l’édification économique ne soit pas aussi long que celui dont nous avons eu besoin pour acquérir l’expérience de la révolution, et que cette expérience ne nous coûte pas aussi cher. Il faudra payer, bien sûr, mais espérons que le prix ne sera pas aussi élevé qu’il l’a été dans la période révolutionnaire.

Sachons comprendre qu’il existe ici une contradiction : celle entre les lois objectives du développement économique de la société socialiste et notre connaissance subjective – contradiction qui doit être résolue dans la pratique.

Elle se manifeste aussi comme une contradiction entre les hommes, c’est-à-dire entre ceux qui ont une conception relativement juste des lois objectives et ceux qui en ont une conception relativement fausse ; il s’agit là encore d’une contradiction au sein du peuple. Toute contradiction est une réalité objective, et notre tâche est de la comprendre et de la résoudre le mieux possible.

   Pour transformer la Chine en un pays industriel, nous devons étudier sérieusement l’expérience d’avant-garde de l’Union soviétique. L’Union soviétique construit le socialisme depuis quarante ans déjà, et son expérience est fort précieuse pour nous. Voyons qui a conçu et équipé pour nous tant d’usines importantes. Les Etats-Unis ? Ou la Grande-Bretagne ? Non.

Seule l’Union soviétique fait cela parce qu’elle est un pays socialiste, notre allié. A côté de l’Union soviétique, certains pays frères d’Europe orientale nous ont également donné quelque aide. Il est parfaitement vrai que nous devons étudier l’expérience positive de tous les pays, qu’ils soient socialistes ou capitalistes. Cela est incontestable. Mais l’essentiel est d’étudier celle de l’Union soviétique. Il y a deux manières d’apprendre.

L’une, dogmatique, consiste à emprunter tout, que cela convienne ou non aux conditions de notre pays. Cette manière-là n’est pas la bonne. L’autre consiste à faire travailler nos cerveaux et à apprendre ce qui convient aux conditions de notre pays, c’est-à-dire à assimiler l’expérience qui peut nous être utile. C’est celle-là que nous devons adopter.

   Renforcer notre solidarité avec l’Union soviétique et avec tous les pays socialistes, telle est notre politique fondamentale, là sont nos intérêts essentiels. Ensuite, nous devons renforcer et développer notre solidarité avec les pays d’Asie et d’Afrique, ainsi qu’avec tous les pays et tous les peuples épris de paix.

Unis à ces deux forces, nous ne serons pas isolés. Pour ce qui est des pays impérialistes, nous devons également nous unir avec leurs peuples et chercher à réaliser la coexistence pacifique avec ces pays, à faire du commerce avec eux et à empêcher une guerre éventuelle ; mais nous ne devons en aucun cas nourrir à leur égard des vues qui ne correspondent pas à la réalité.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Décision du Comité central sur la Grande Révolution culturelle prolétarienne (Décision en 16 articles)

8 Août 1966

Attribué à Mao Zedong.

1. Une nouvelle étape de la révolution socialiste

   La grande Révolution culturelle prolétarienne en cours est une grande révolution qui touche l’homme dans ce qu’il a de plus profond.

   Elle représente une nouvelle étape, marquée par une plus grande profondeur et une plus grande ampleur du développement de la révolution socialiste de notre pays.

   A la dixième session plénière du Comité central issu du VIIIe Congrès du Parti communiste chinois, le camarade Mao Tsé-toung a dit : Pour renverser un pouvoir politique, on commence toujours par préparer l’opinion publique et par agir dans le domaine idéologique.

   Cela est vrai aussi bien pour une classe révolutionnaire que pour une classe contre-révolutionnaire.

   La pratique a prouvé que cette thèse du camarade Mao Tsé-Toung est tout à fait juste.

   Bien que renversée, la bourgeoisie tente de corrompre les masses et de conquérir leur cœur au moyen de la pensée, de la culture, des mœurs et des coutumes anciennes des classes exploiteuses en vue de sa restauration.

   Le prolétariat doit faire le contraire : opposer une riposte de front à chaque défi lancé par la bourgeoisie dans le domaine idéologique et transformer la physionomie morale de toute la société avec la pensée, la culture et les mœurs et coutumes nouvelles qui sont propres au prolétariat.

   A l’heure actuelle, nous avons pour but de combattre et d’écraser les responsables engagés dans la voie capitaliste, de critiquer les « autorités » académiques réactionnaires de la bourgeoisie, de critiquer l’idéologie de la bourgeoisie et de toutes les autres classes exploiteuses, et de réformer le système d’enseignement, la littérature, l’art et toutes les autres branches de la superstructure qui ne correspondent pas à la base économique socialiste, ceci pour contribuer à la consolidation et au développement du système socialiste.

2. Le courant principal et les vicissitudes

   Les larges masses des ouvriers, paysans et soldats, des intellectuels révolutionnaires et des cadres révolutionnaires forment la force principale de cette grande Révolution culturelle.

   Un grand nombre de jeunes révolutionnaires, naguère inconnus, y sont devenus de courageux pionniers.

   Ils ont fait preuve de vigueur et de sagesse.

   Sous forme de dazibao et de grands débats, par une large et libre expression d’opinions, par une dénonciation complète et par une critique à fond, ils ont lancé une offensive résolue contre les représentants de la bourgeoisie, qu’ils agissent à découvert ou qu’ils soient dissimulés.

   Dans un mouvement révolutionnaire d’une aussi grande envergure, il est inévitable qu’ils aient telle ou telle insuffisance, mais leur orientation révolutionnaire générale a toujours été juste.

   C’est le courant principal de la grande Révolution culturelle prolétarienne.

   C’est suivant cette orientation générale que se poursuit la grande Révolution culturelle prolétarienne.

   La Révolution culturelle étant une révolution, elle se heurte inéluctablement à une résistance.

   Cette résistance vient principalement de ceux qui, après s’être infiltrés dans le Parti, parviennent à des postes de direction mais suivent la voie capitaliste.

   Elle vient aussi de la force d’anciennes habitudes de la société.

   A présent, cette résistance est encore assez forte et opiniâtre.

   Mais la grande Révolution culturelle prolétarienne est, après tout, une tendance générale irrésistible.

   Un grand nombre de faits ont montré qu’une telle résistance peut être rapidement balayée, pourvu que les masses soient pleinement mobilisées.

   Du fait que la résistance est assez forte, la lune connaîtra des flux et des reflux, voire même des reflux répétés.

   Ces flux et reflux n’ont pourtant rien de nuisible.

   Ils permettront au prolétariat et autres couches laborieuses, notamment à la jeune génération, de se tremper et d’en tirer leçons et expériences, et les aideront à comprendre que la voie révolutionnaire est tortueuse et non sans obstacle.

3. Accorder la primauté à l’audace et mobiliser sans réserve les masses

   L’issue de l’actuelle grande Révolution culturelle dépendra de l’audace de la direction du Parti à mobiliser ou non sans réserve les masses.

   Il existe à présent quatre cas différents en ce qui concerne l’attitude des organisations du Parti aux divers échelons dans leur façon de diriger le mouvement de la Révolution culturelle :

   1. Les dirigeants de l’organisation du Parti se tiennent au premier rang du mouvement et osent mobiliser sans réserve les masses.

   Accordant la primauté à l’audace, ils sont des militants communistes intrépides et de bons élèves du président Mao.

   Ils préconisent les dazibao et les grands débats ; ils encouragent les masses à dénoncer les génies malfaisants de tout acabit, et aussi à critiquer les insuffisances et les erreurs dans leur propre travail.

   Cette juste direction provient de ce qu’ils donnent la primauté à la politique prolétarienne et mettent la pensée-maotsétoung au premier plan.

   2. Pour de nombreux organismes, les responsables comprennent très mal encore leur rôle de dirigeants dans cette grande lutte, et leur direction est loin d’être sérieuse et efficace.

   Aussi se trouvent-ils dans une position faible et s’avèrent-ils incapables.

   Pour eux, c’est la crainte qui prévaut ; ils se cramponnent aux vieux règlements, ne veulent pas rompre avec les procédés routiniers ni aller de l’avant.

   Pris à l’improviste par le nouvel ordre révolutionnaire des masses, ils voient leur direction dépassée par la situation et par les masses.

   3. Dans certains organismes, les responsables ont commis telles ou telles erreurs dans leur travail quotidien.

   Plus que les autres, la crainte les hante.

   Ils redoutent que les masses ne se dressent et ne les prennent en défaut.

   En réalité, s’ils font sérieusement leur autocritique et acceptent la critique des masses, ils pourront bénéficier de la compréhension du Parti et des masses.

   Mais s’ils agissent autrement, ils continueront à commettre des erreurs et deviendront même des pierres d’achoppement pour le mouvement de masse.

   4. Pour certains autres organismes, la direction est contrôlée par des éléments qui se sont infiltrés dans le Parti, détiennent des postes de direction mais s’engagent dans la voie capitaliste.

   Ces éléments au pouvoir ont extrêmement peur d’être dénoncés par les masses ; ils cherchent par conséquent tous les prétextes pour réprimer le mouvement de masse.

   Ils recourent aux manœuvres telles que celles qui consistent à détourner les objectifs ou à faire passer pour blanc ce qui est noir, dans l’espoir de conduire le mouvement dans une mauvaise voie.

   Et quand ils se sentent très isolés et ne peuvent plus continuer à agir de la même façon, ils ont recours à d’autres intrigues en frappant les gens dans le dos, en répandant de faux bruits, en brouillant autant qu’ils le peuvent la distinction entre révolution et contre-révolution afin d’attaquer les révolutionnaires.

   Ce que le Comité central du Parti demande des comités du Parti à tous les échelons, c’est de persévérer dans la juste direction, d’accorder la primauté à l’audace, de mobiliser sans réserve les masses, d’en finir avec cet état de faiblesse et d’impuissance, d’encourager les camarades qui ont commis des erreurs, mais qui veulent les corriger, à rejeter le fardeau de leurs fautes et à se joindre à la lutte, de relever de leurs fonctions les responsables engagés dans la voie capitaliste, et de leur reprendre la direction pour la rendre aux révolutionnaires prolétariens.

4. Que les masses s’éduquent dans le mouvement

   Dans la grande Révolution culturelle prolétarienne, les masses ne peuvent que se libérer par elles-mêmes, et l’on ne peut en aucune façon agir à leur place.

   Il faut avoir confiance dans les masses, s’appuyer sur elles et respecter leur esprit d’initiative.

   Il faut rejeter la crainte et ne pas avoir peur des troubles.

   Le président Mao nous a toujours enseigné qu’une révolution ne peut s’accomplir avec tant d’élégance et de délicatesse, ou avec tant de douceur, d’amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d’âme.

   Que les masses s’éduquent dans ce grand mouvement révolutionnaire, et opèrent la distinction entre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, entre les façons d’agir correcte et incorrecte !

   Il faut utiliser pleinement la méthode des dazibao et des grands débats pour permettre de larges et francs exposés d’opinions, afin que les masses puissent exprimer leurs vues justes, critiquer les vues erronées et dénoncer tous les génies malfaisants.

   De cette façon, les larges masses pourront, dans la lutte, élever leur conscience politique, accroître leur capacité et leurs talents, distinguer ce qui est juste de ce qui ne Test pas et distinguer les ennemis qui se dissimulent parmi elles.

5. Appliquer résolument la ligne de classe du Parti

   Qui sont nos ennemis, qui sont nos amis ?

   C’est là une question d’une importance primordiale pour la révolution, c’est là également une question d’une importance primordiale pour la grande Révolution culturelle.

   La direction du Parti doit exceller à découvrir la Gauche, développer et renforcer les rangs de la Gauche et s’appuyer résolument sur la Gauche révolutionnaire.

   C’est seulement ainsi que l’on pourra, au cours du mouvement, isoler complètement

   les éléments de droite les plus réactionnaires, gagner les éléments du centre, unir la grande majorité et finalement réaliser, par ce mouvement, l’unité de plus de 95% des cadres et de plus de 95% des masses.

   Il faut concentrer les forces pour frapper la poignée de droitiers bourgeois et de révisionnistes contre-révolutionnaires ultra-réactionnaires.

   Leurs crimes d’opposition au Parti, au socialisme et à la pensée-maotsétoung doivent être dénoncés et critiqués à fond afin que ces gens soient isolés au maximum.

   Le mouvement en cours vise principalement les responsables du Parti engagés dans la voie capitaliste.

   Il faut veiller à ce qu’une stricte distinction soit farte entre les éléments de droite anti-parti et anti-socialistes et ceux qui, tout en soutenant le Parti et le socialisme, ont tenu des propos erronés ou commis des actes erronés, écrit de mauvais articles ou des œuvres dont le contenu laisse à désirer.

   Il faut veiller à ce qu’une stricte distinction sort faite entre les savants despotes réactionnaires et les « autorités » réactionnaires de la bourgeoisie d’une part, et ceux qui ont des idées académiques bourgeoises ordinaires d’autre part.

6. Résoudre correctement les contradictions au sein du peuple

   Il faut faire une stricte distinction entre les deux sortes de contradictions de nature différente : les contradictions au sein du peuple et celles entre nos ennemis et nous-mêmes.

   Les contradictions au sein du peuple ne doivent pas être traitées de la même façon que celles qui nous opposent à nos ennemis, tout comme les contradictions entre nos ennemis et nous-mêmes ne doivent pas être considérées comme des contradictions au sein du peuple.

   Il est normal qu’il y art des opinions différentes parmi les masses populaires.

   La confrontation de différentes opinions est inévitable, nécessaire et bénéfique.

   Au cours d’un débat normal mené à fond, les masses populaires sauront affirmer ce qui est juste et corriger ce qui est erroné et parviendront graduellement à l’unanimité.

   La méthode de raisonner avec farts à l’appui et celle de la persuasion par le raisonnement doivent être appliquées au cours du débat.

   Il n’est pas permis d’user de contrainte pour soumettre la minorité qui soutient des vues différentes.

   La minorité doit être protégée, parce que parfois la vérité est de son côté.

   Même si elle a des vues erronées, il lui est toujours permis de se défendre et de réserver ses opinions.

   Dans un débat, on doit avoir recours au raisonnement et non pas à la contrainte ou à la coercition.

   Au cours du débat, chaque révolutionnaire doit savoir réfléchir indépendamment et développer cet esprit communiste qui est d’oser penser, d’oser parler et d’oser agir. Dans le cadre d’une même orientation générale, les camarades révolutionnaires doivent, en vue de renforcer l’unité, éviter les discussions sans fin sur des questions secondaires.

7. Se mettre en garde contre les personnes qui cherchent à ravaler des révolutionnaires au rang de « contre-révolutionnaires »

   Des responsables de certains établissements d’enseignement, organismes ou groupes de travail ont organisé des contre-attaques visant les masses qui les ont critiqués à l’aide de dazibao.

   Ils ont même avancé des slogans selon lesquels s’opposer aux responsables d’un organisme ou d’un groupe de travail, c’est s’opposer au Comité central du Parti, c’est s’opposer au Parti et au socialisme, c’est faire de la contre-révolution.

   En agissant de la sorte, ils frapperont inévitablement des éléments actifs qui sont des révolutionnaires authentiques. C’est là une erreur d’orientation, une erreur de ligne, et cela est absolument inadmissible.

   D’aucuns, qui ont des idées gravement erronées, et, en particulier, des éléments de droite anti-parti et anti-socialistes ont profité de certaines insuffisances et erreurs apparues dans le mouvement de masse pour répandre des rumeurs et des calomnies et provoquer des troubles ; ils ravalent délibérément une partie des masses au rang de « contre-révolutionnaires ».

   Il est nécessaire de se mettre en garde contre ces pickpockets et de dévoiler à temps leurs tours.

   Aucune mesure ne doit être prise contre les étudiants et élèves des universités, instituts, écoles secondaires et primaires à propos de problèmes qui surgissent parmi eux au cours du mouvement, exception faite des contre-révolutionnaires actifs contre qui jouent des preuves évidentes et qui sont coupables de meurtre, d’incendie, d’empoisonnement, de sabotage, de vol de secrets d’Etat, etc., et dont les cas sont à régler conformément à la loi.

   Pour éviter que la lutte sort détournée de son objectif principal, il n’est pas permis d’inciter, sous quelque prétexte que ce sort, une partie des masses à lutter contre une autre partie des masses, un groupe d’étudiants contre un autre groupe d’étudiants ; même s’il s’agit de vrais éléments de droite, leurs problèmes doivent être réglés selon le cas dans la dernière étape du mouvement.

8. A propos des cadres

   Les cadres rentrent grosso modo dans les quatre catégories suivantes :

   1. bons ;

   2. relativement bons ;

   3. ceux qui ont commis de graves erreurs mais qui ne sont pas des droitiers anti-parti et anti-socialistes ;

   4. un petit nombre de droitiers anti-parti et anti-socialistes.

   D’une façon générale, les deux premières catégories (ceux qui sont bons ou relativement bons) constituent la grande majorité.

   Les droitiers anti-parti et anti-socialistes doivent être complètement dénoncés, abattus, mis hors d’état de nuire et discrédités, et leurs influences liquidées. En même temps, il leur sera indiqué une issue, de sorte qu’ils puissent rentrer dans le droit chemin.

9. A propos des groupes, des comités et des congrès de la Révolution culturelle

   Nombre de choses nouvelles ont commencé à apparaître dans le mouvement de la grande Révolution culturelle prolétarienne.

   Les groupes et les comités de la Révolution culturelle ainsi que d’autres formes d’organisation, créés par les masses dans de nombreuses écoles et de nombreux organismes, sont quelque chose de nouveau et d’une grande importance historique.

   Les groupes, les comités et congrès de la Révolution culturelle sont les meilleures formes nouvelles d’organisation dans lesquelles les masses s’éduquent elles-mêmes sous la direction du Parti communiste.

   Ils constituent un excellent pont permettant à notre Parti de maintenir des contacts étroits avec les masses. Ils sont des organes du pouvoir de la Révolution culturelle prolétarienne.

   La lutte menée par le prolétariat contre la pensée, la culture, les mœurs et les coutumes anciennes léguées par toutes les classes exploiteuses durant des millénaires couvrira nécessairement une période extrêmement longue.

   Par conséquent, les groupes, comités et congrès de la Révolution culturelle ne doivent pas être des organisations temporaires, mais des organisations de masse permanentes appelées à fonctionner longtemps.

   Ils conviennent non seulement aux établissements d’enseignement et aux organismes d’État, mais aussi, pour l’essentiel, aux usines, mines et entreprises, aux quartiers de villes et aux villages.

   Il est nécessaire d’appliquer un système d’élection générale semblable à celui de la Commune de Paris, pour élire les membres des groupes et des comités de la Révolution culturelle et les représentants aux congrès de la Révolution culturelle.

   Les listes des candidats doivent être proposées par les masses révolutionnaires après d’amples consultations, et les élections n’auront lieu qu’après des discussions répétées de ces listes par les masses.

   Les masses ont à tout moment le droit de critiquer les membres des groupes et comités de la Révolution culturelle et les représentants élus aux congrès de la Révolution culturelle.

   Les dits membres et représentants peuvent être remplacés par élection ou révoqués par les masses après discussions s’ils se montrent incompétents.

   Les groupes, comités et congrès de la Révolution culturelle dans les établissements d’enseignement doivent être composés essentiellement de représentants des étudiants et élèves révolutionnaires.

   En même temps, ils doivent comprendre un certain nombre de représentants du corps enseignant et du personnel administratif révolutionnaires.

10. Réforme de l’enseignement

   Réformer l’ancien système d’éducation ainsi que les anciens principes et méthodes d’enseignement est une tâche d’une importance extrême de la grande Révolution culturelle prolétarienne en cours.

   Le phénomène des intellectuels bourgeois dominant nos établissements d’enseignement doit complètement prendre fin au cours de cette grande Révolution culturelle.

   Dans tous les établissements d’enseignement, il faut appliquer à fond la politique formulée par le camarade Mao Tsé-toung suivant laquelle l’éducation doit être au service de la politique du prolétariat et se combiner avec le travail productif, afin que tous ceux qui reçoivent l’éducation puissent se développer moralement, intellectuellement et physiquement pour devenir des travailleurs cultivés dotés d’une conscience socialiste.

   La scolarité doit être réduite.

   Le programme d’études doit être réduit et amélioré.

   Les matières d’enseignement doivent être radicalement réformées, certaines d’entre elles doivent tout d’abord être simplifiées.

   Tout en se consacrant principalement aux études proprement dites, les élèves et étudiants doivent apprendre encore autre chose.

   En d’autres termes, ils doivent non seulement s’instruire sur le plan culturel, mais également sur celui de la production industrielle et agricole et de l’art militaire ; et ils doivent participer, chaque fois qu’elles s’engagent, aux luttes de la Révolution culturelle critiquant la bourgeoisie.

11. A propos de la critique faite nommément dans la presse

   En menant le mouvement de masse de la Révolution culturelle, nous devons bien combiner la propagation de la conception prolétarienne du monde, celle du marxisme-léninisme, de la pensée-maotsétoung avec la critique de l’idéologie bourgeoise et féodale.

   Il faut organiser la critique des représentants typiques de la bourgeoisie qui se sont infiltrés dans le Parti et des « autorités » académiques réactionnaires de la bourgeoisie ; elle porte sur toutes sortes de points de vue réactionnaires dans les domaines de la philosophie, de l’histoire, de l’économie politique, de la pédagogie, dans les œuvres littéraires et artistiques, dans la théorie littéraire et artistique et dans les sciences de la nature.

   Toute critique à faire nommément dans la presse doit être soumise aux discussions du comité du Parti au même échelon, et dans certains cas, à l’approbation du comité du Parti à l’échelon supérieur.

12. Politique à l’égard des hommes de science, des techniciens et du personnel ordinaire

   Au cours du présent mouvement il faut continuer à appliquer la politique d’ »unité-critique-unité » à l’égard des hommes de science, des techniciens et du personnel ordinaire, pourvu qu’ils soient patriotes, travaillent activement, ne s’opposent pas au Parti et au socialisme et ne soient pas de connivence avec l’étranger.

   Une attention particulière doit être accordée aux hommes de science et aux membres du personnel scientifique et technique qui se sont distingués dans leur travail.

   Quant à leur conception du monde et à leur style de travail, nous pouvons les aider à se réformer graduellement.

13. Dispositions à prendre pour la combinaison avec le mouvement d’éducation socialiste dans les villes et à la campagne

   L’effort principal du mouvement de la Révolution culturelle prolétarienne en cours porte sur les institutions culturelles et d’éducation et les organes dirigeants du Parti et du gouvernement dans les villes grandes et moyennes.

   La grande Révolution culturelle a enrichi le mouvement de l’éducation socialiste dans les villes et à la campagne et l’a porté à un niveau plus élevé.

   Il faut mener ces deux mouvements en combinant étroitement l’un avec l’autre. Des dispositions doivent être prises à cet effet par les différentes régions et les différents départements, en tenant compte de leurs conditions spécifiques.

   A la campagne et dans les entreprises établies socialiste, on peut ne pas changer les dispositions initiales et poursuivre le mouvement selon ces dispositions, si celles-ci sont adéquates et appliquées de façon satisfaisante.

   Néanmoins, les questions soulevées par la grande Révolution culturelle prolétarienne en cours doivent être soumises, au moment opportun, aux dicussions des masses, en vue de faire rayonner grandement et encore davantage l’idéologie prolétarienne et liquider complètement l’idéologie bourgeoise.

   Dans certains endroits, on prend la grande Révolution culturelle prolétarienne comme axe pour entraîner le mouvement d’éducation socialiste, afin de procéder à l’assainissement sur les plans politique, idéologique, organisationnel et économique.

   Cela peut se faire si le comité du Parti de ces endroits juge convenable cette façon d’agir.

14. Faire la révolution et promouvoir la production

   La grande Révolution culturelle prolétarienne a pour but la révolutionnarisation de la pensée de l’homme, afin que, dans tous les domaines du travail, on puisse obtenir des résultats meilleurs quant à la quantité, la rapidité, la qualité et l’économie.

   Tant que les masses sont pleinement mobilisées et que les dispositions adéquates sont prises, on peut assurer la bonne marche et de la Révolution culturelle et de la production, et garantir la bonne qualité du travail dans tous les domaines.

   La grande révolution culturelle prolétarienne constitue une puissante force motrice dans le développement des forces productives de notre société. Il est erroné d’opposer la grande Révolution culturelle au développement de la production.

15. Les forces armées

   Dans les forces armées, la Révolution culturelle et le mouvement d’éducation socialiste doivent être menés conformément aux instructions de la Commission militaire du Comité central du Parti et du Département politique général de l’Armée populaire de libération.

16. La pensée-maotsétoung est notre guide d’action dans la grande Révolution culturelle prolétarienne

   Dans la grande Révolution culturelle prolétarienne, il faut porter haut le grand drapeau rouge de la pensée-maotsétoung et mettre la politique prolétarienne au poste de commandement.

   Le mouvement d’étude et d’application vivantes des œuvres du président Mao Tsé-toung doit être développé parmi les larges masses des ouvriers, des paysans et des soldats, des cadres et des intellectuels, et la pensée-maotsétoung doit être considérée comme notre guide d’action dans la Révolution culturelle.

   Dans cette grande Révolution culturelle si complexe, il est d’autant plus nécessaire pour les comités du Parti aux différents échelons d’étudier et d’appliquer consciencieusement et de façon vivante les œuvres du président Mao.

   Ils doivent surtout étudier et étudier encore les écrits du président Mao concernant la Révolution culturelle et les méthodes de direction du Parti, tels que : « La Démocratie nouvelle », « Interventions aux causeries sur la littérature et l’art à Yenan », « De la juste solution des contradictions au sein du peuple », « Intervention à la Conférence nationale du Parti communiste chinois sur le travail de propagande », « Quelques questions sur les méthodes de direction » et « Méthodes de travail des comités du Parti ».

   Les comités du Parti aux différents échelons doivent suivre les instructions données depuis des années par le président Mao, appliquer la ligne de masse dite « partir des masses pour retourner aux masses », et se faire d’abord des élèves des masses avant de devenir leurs maîtres.

   Il faut s’efforcer d’éviter les vues unilatérales et bornées.

   Il faut encourager la dialectique matérialiste et s’opposer à la métaphysique et à la scolastique.

   Sous la direction du Comité central du Parti ayant à sa tête le camarade Mao Tsé-toung, la grande Révolution culturelle prolétarienne remportera à coup sûr une victoire grandiose.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : Bon voyage, Leighton Stuart !

18 Août 1949

[John Leighton Stuart, né en Chine en 1876, fut un fidèle agent de l’agression culturelle américaine en Chine. Il commença à travailler comme missionnaire en Chine à partir de 1905 et devint en 1919 recteur de l’Université Yenking, fondée par les États-Unis à Pékin.

Le 11 juillet 1946, il fut nommé ambassadeur des États-Unis en Chine auprès du gouvernement du Kuomintang. Il soutint activement les réactionnaires du Kuomintang dans la conduite de la guerre civile et mena diverse intrigues politiques contre le peuple chinois.

Le 2 août 1949, tous les tentatives de l’impérialisme américain pour entraver la victoire de la révolution populaire chinoise ayant définitivement échoué, Leighton Stuart dut quitter la Chine sans tambour ni trompette.]

   Il est compréhensible que la date choisie pour la publication du Livre blanc américain ait été le 5 août, moment où Leighton Stuart était parti de Nankin pour Washington, mais n’y était pas encore arrivé ; en effet, Leighton Stuart est le symbole de l’échec complet de la politique d’agression des États-Unis.

Leighton Stuart est un Américain né en Chine où ses relations sociales étaient fort étendues ; il a dirigé des années durant des écoles de missionnaires en Chine, il fut mis quelque temps en prison par les Japonais pendant la Guerre de Résistance, il affectait habituellement d’aimer la Chine aussi bien que les États-Unis et il était fort capable de jeter de la poudre aux yeux d’un bon nombre de Chinois. C’est pourquoi il fut choisi par George C. Marshall comme ambassadeur des États-Unis en Chine et devint une des figures les plus en vue du groupe Marshall.

   Aux yeux de ce groupe, il n’a qu’un seul défaut, à savoir que la période tout entière où il a été ambassadeur en Chine, comme représentant de la politique de ce groupe, est précisément la période au cours de laquelle le peuple chinois a infligé à cette politique la défaite la plus complète ; ce n’est pas là une mince responsabilité.

Il est donc tout naturel que le Livre blanc, destiné à éluder cette responsabilité, ait été publié à un moment où Leighton Stuart était en route pour Washington mais n’y était pas encore arrivé.

   La guerre visant à transformer la Chine en une colonie des États-Unis, et dans laquelle ces derniers donnent l’argent et les armes alors que Tchiang Kaï-chek fournit les hommes pour se battre au profit des États-Unis et massacrer le peuple chinois, a constitué une part importante de la politique d’agression mondiale l’impérialisme américain après la Seconde guerre mondiale.

La politique d’agression des États-Unis a plusieurs objectifs, dont les trois principaux sont l’Europe, l’Asie et l’Amérique. La Chine, centre de gravité de l’Asie, est un vaste pays peuplé de 475 millions d’habitants ; en s’emparant de la Chine, l’impérialisme américain mettrait la main sur toute l’Asie.

Son front en Asie une fois consolidé, il pourrait concentrer ses forces pour attaquer l’Europe. Quant à son front en Amérique, il le considère comme relativement solide. Voilà les beaux calculs des agresseurs américains.

   Or, en premier lieu, le peuple américain et les autres peuples du monde ne veulent pas de la guerre. En second lieu, l’attention de États-Unis a été absorbée en grande partie par la prise de conscience des peuples d’Europe, par l’apparition des Démocraties populaire en Europe orientale, et tout particulièrement par l’imposante présence de l’Union soviétique, ce rempart de la paix d’une puissance sans précédent, à cheval sur l’Europe et l’Asie, qui oppose une résistance opiniâtre à la politique d’agression des États-Unis.

En troisième lieu, et c’est là le principal, le peuple chinois a pris conscience ; le forces armées et la force organisée des masses populaires, dirigée par le Parti communiste chinois, sont devenues plus puissantes que jamais. En conséquence, la clique régnante de l’impérialisme américain s’est vue obligée de renoncer à une politique de grandes attaques armées directes contre la Chine et d’adopter une politique consistant à aider Tchiang Kaï-chek à faire la guerre civile.

   Des forces navales, terrestres et aériennes des États-Unis ont, en fait, participé à la guerre en Chine. Il y avait des bases navales américaines à Tsingtao, à Changhaï et au Taïwan. Des troupes américaines étaient stationnées à Peiping, Tientsin, Tangchan, Tsinhouangtao, Tsingtao, Changhaï et Nankin. Les forces aériennes des États-Unis contrôlaient l’espace aérien de toute la Chine et ont photographié toutes les régions stratégiques du pays pour établir des cartes militaires.

A Anping près de Peiping, à Kieoutai près de Tchang-tchouen, à Tangchan et dans la péninsule de Kiaotong, des troupes ou du personnel militaire des États-Unis se sont heurtés à l’Armée populaire de Libération qui, à plusieurs occasions, a fait des prisonniers.

[A la suite de la capitulation du Japon en 1945, des troupes américaines, ayant pour but d’entreprendre une agression contre le territoire de la Chine et de porter atteinte à sa souveraineté ainsi que de s’ingérer dans ses affaires intérieures, débarquèrent en Chine et tinrent garnison à Peiping, Changhaï, Nankin, Tientsin, Tangchan, Kaiping, Tsinhouangtao, Tsinghai, Tsingtao et en d’autres lieux. De plus, elles firent de continuelles incursions dans les régions libérées.

Le 29 juillet 1946, les troupes américaines à Tientsin, coopérant avec les troupes de la bande de Tchiang Kaï-chek, attaquèrent Anping, district de Hsiangho, province du Hopei ; c’est l’incident d’Anping dont il est question dans le texte.

Le 1er mars 1947, des troupes américaines firent une reconnaissance militaire des positions de l’Armée populaire de Libération à Hohsipao, situé entre Tchangtchouen et Kieoutai en Chine du Nord-Est. C’est l’incident de Kieoutai. Le 16 juin 1946, les troupes américaines à Tangchan, province du Hopei, firent un raid contre Songkiaying et d’autres localités ; en juillet, elles exécutèrent un raid contre le village de Sanho, district de Louanhsien, et le village de Sihonan, district de Tchangli, tous deux près de Tangchan.

C’est l’Incident de Tangchan. Parmi les nombreuses attaques contre la péninsule de Kiaotong, les plus connues sont les deux suivantes : l’une lancée le 28 août 1947 par des avions et des navires de guerre américains contre Langnouankeou et l’île de Siaoli, district de Meouping, et l’autre lancée le 25 décembre 1947 contre le village de Wanglintao, situé au nord du district de Tsimo, par des forces américaines coopérant avec les troupes de la bande de Tchiang Kaï-chek.

A tous ces actes d’agression des forces américaines contre les régions libérées, l’Armée populaire de Libération de Chine ou les forces armée populaires locales opposèrent une juste et sévère action de légitime défense.]

   Les escadrilles de Chennault ont pris une large part à la guerre civile.

[Claire Lee Chennault fut conseiller américain auprès de l’armée de l’air du gouvernement du Kuomintang.

Après la capitulation du Japon, il organisa, avec une partie du personnel de la 14° Air Force américaine, des escadrilles de transport aérien pour aider le Kuornintang à faire la guerre civile ; ses escadrilles prirent même une part directe dans les raids criminels de reconnaissance et de bombardement sur les régions libérées.]

Non seulement l’aviation américaine a transporté des troupes pour Tchiang Kaï-chek, elle a aussi bombardé et coulé le croiseur Tchongking qui s’était mutiné contre le Kuomintang.

Dans tous ces cas, il s’agit d’actes de participation directe à la guerre, à ceci près que cette participation n’a pas encore fait l’objet d’une déclaration ouverte, ni n’a pris une grande envergure, la méthode principale d’agression employée par les États-Unis étant d’aider Tchiang Kaï-chek à faire la guerre civile en lui fournissant en abondance d l’argent, des armes et des conseillers.

   Ce qui détermina les États-Unis à recourir à cette méthode, ce fut la situation objective en Chine et dans le reste du monde, et non le fait que le groupe Truman-Marshall, clique régnante de l’impérialisme américain, n’eût pas désiré déclencher une agression directe contre la Chine. En outre, au moment où les États-Unis ont commencé à aider Tchiang Kaï-chek à faire la guerre civile, une comédie fut mise en scène où ils jouèrent le rôle de médiateur dans le conflit qui opposait le Kuomintang au Parti communiste ; ce fut une tentative d’amollir la volonté du Parti communiste chinois, de tromper le peuple chinois et d’arriver ainsi, sans coup férir, à contrôler toute la Chine. Les négociations de paix échouèrent, la tromperie fit faillite et le rideau se leva sur la guerre.

   Libéraux ou « individualistes démocrates » qui nourrissez des illusions sur les États-Unis et avez la mémoire courte, lisez, s’il vous plaît, ces propos d’Acheson :

   « Quand vint la paix, les États-Unis se trouvèrent en Chine devant trois possibilités : 1) ils pouvaient se retirer purement et simplement ; 2) ils pouvaient intervenir militairement sur une grande échelle pour prêter main-forte aux nationalistes dans la destruction des communistes ; 3) ils pouvaient enfin, tout en aidant les nationalistes à asseoir leur autorité sur la. plus grande étendue possible du territoire chinois, s’efforcer d’éviter la guerre civile en travaillant à un compromis entre les deux parties. »

   Pourquoi la première politique ne fut-elle pas adoptée ? Acheson dit :

   « La première possibilité, et je crois que l’opinion publique américaine jugeait alors ainsi, aurait représenté l’abandon de nos responsabilités internationales et de notre politique traditionnelle d’amitié pour la Chine avant que nous eussions fait un effort déterminé qui fût de quelque secours. »

   Il en est donc ainsi : Les « responsabilités internationales » des États-Unis et leur « politique traditionnelle d’amitié pour la Chine » ne sont rien d’autre que leur intervention en Chine. L’intervention est appelée acceptation des responsabilités internationales et témoignage d’amitié pour la Chine ; quant à la non-intervention, il n’en est pas question. Sur ce point, Acheson salit l’opinion publique américaine ; celle dont il parle est « l’opinion publique » de Wall Street, et non l’opinion publique du peuple américain.

   Pourquoi la seconde politique ne fut-elle pas adoptée ? Acheson dit :

   « La seconde politique possible, bien qu’elle puisse, théoriquement et rétrospectivement, paraître séduisante, était totalement impraticable. Les nationalistes avaient été incapables d’anéantir les communistes durant les dix années précédant la guerre.

Or, après la guerre, les nationalistes étaient, nous l’avons déjà montré affaiblis, démoralisés et impopulaires. Ils avaient rapidement perdu le soutien du peuple et leur prestige dans les régions reprises aux Japonais, par suite du comportement de leurs fonctionnaires civils et militaires.

Par contre, les communistes étaient beaucoup plus forts qu’ils ne l’avaient jamais été et contrôlaient la plus grande partie de la Chine du Nord. Étant donné l’incapacité des forces nationalistes, qui devait plus tard être tragiquement démontrée, les communistes n’auraient probablement plus en être délogés que par les forces américaines.

Il est évident que le peuple américain n’aurait pas approuvé un engagement aussi colossal de nos armées, en 1945 ou plus tard. Nous en sommes donc venus à la troisième politique possible… »

   Excellente idée ! Les États-Unis donnent l’argent et les arme et Tchiang Kaï-chek fournit les hommes pour se battre au profit de États-Unis et massacrer le peuple chinois, dans le but d’« anéantir le communistes » et de faire de la Chine une colonie des États-Unis, en sorte que ces derniers puissent s’acquitter de leurs « responsabilités internationales » et mettre à exécution leur « politique traditionnelle d’amitié pour la Chine ».

   Bien que le Kuomintang fût corrompu et incapable, « démoralisé et impopulaire », les États-Unis ne lui en ont pas moins donné de l’argent et des armes pour qu’il fît la guerre. Une intervention directe par les armes était opportune « théoriquement ». Pour les gouvernants américains, elle semble l’être aussi « rétrospectivement ».

C’est qu’une pareille entreprise aurait été vraiment intéressante et pouvait même « paraître séduisante », mais elle n’aurait pas été possible en pratique, car « il est évident que le peuple américain ne l’aurait pas approuvée ».

Ce n’est pas que le groupe impérialiste de Trumann, Marshall, Acheson et autres ne l’eût pas désirée − il la désirait très vivement −, mais la situation en Chine, aux États-Unis et aussi dans l’ensemble du monde (un point dont Acheson n’a pas parlé) ne la permettait pas ; faute de mieux, ce groupe dut prendre la troisième voie.

   Que ceux d’entre les Chinois qui croient qu’« on peut remporter la victoire même sans l’aide internationale » écoutent ! Acheson est en train de vous faire une leçon.

C’est un bon professeur, qui donne des leçons gratuites, il dit toute la vérité avec un zèle infatigable, il ne dissimule rien. Les États-Unis se sont abstenus d’envoyer des forces importantes pour attaquer la Chine, non que le gouvernement des États-Unis ne le désirât pas, mais parce qu’il avait des raisons d’hésiter. Premièrement, il craignait l’opposition du peuple chinois et il avait peur de s’enliser dans un bourbier dont il ne pourrait plus sortir.

Deuxièmement, il craignait l’opposition du peuple américain et il n’osa pas décréter la mobilisation. Troisièmement, il craignait l’opposition des peuples de l’Union soviétique, d’Europe et des autres pays du monde ; il se serait exposé à la condamnation universelle.

   La charmante franchise d’Acheson a des limites, il ne tient pas à parler de la troisième raison. C’est qu’il a peur de perdre la face devant l’Union soviétique, c’est qu’il craint que le plan Marshall en Europe, qui est déjà un échec malgré les allégations contraires, ne finisse lamentablement par s’effondrer tout à fait.

   Que ceux d’entre les Chinois qui sont des libéraux ou individualistes démocrates aux idées confuses et à courte vue écoutent ! Acheson est en train de vous faire une leçon ; c’est un bon professeur pour vous.

Il a balayé d’un seul coup vos rêves d’humanité, de justice et de vertu américaines. N’en est-il pas ainsi ? Pouvez-vous trouver la moindre trace d’humanité, de justice ou de vertu dans le Livre blanc ou dans la lettre d’Acheson ?

   Certes, les États-Unis ont la science et la technique. Mais malheureusement elles sont dans les mains des capitalistes et non dans celles du peuple, et elles sont employées, dans le pays, à exploiter et à opprimer le peuple et, à l’étranger, à perpétrer des agressions et à massacrer.

Il y a aussi la « démocratie » aux États-Unis, mais malheureusement elle n’est qu’un autre nom de la dictature d’une seule classe, la bourgeoisie. Les États-Unis ont beaucoup d’argent, mais malheureusement ils ne veulent en donner qu’à la clique réactionnaire de Tchiang Kaï-chek, qui est pourrie jusqu’à la moelle.

Les États-Unis sont bien disposés, paraît-il, à donner aujourd’hui comme dans l’avenir de l’argent à leur cinquième colonne en Chine, mais ne tiennent pas à en donner au commun des libéraux ou individualistes démocrates, beaucoup trop plongés dans les livres et incapables d’apprécier les faveurs ; naturellement, les États-Unis tiennent encore moins à donner de l’argent aux communistes.

De l’argent, disent-ils, on peut vous en donner, mais il y a une condition. Laquelle ? Marcher avec nous. Les Américains ont répandu un peu de farine de secours à Peiping, Tientsin et Changhaï, pour voir qui se courbera pour en ramasser. Comme Kiang Tai Kong quand il pêchait, ils ont lancé la ligne pour le poisson qui veut se faire prendre. Mais celui qui avale une pitance distribuée avec mépris aura mal au ventre.

[Kiang Tai Kong vécut sous la dynastie des Tcheou. Selon une légende populaire, il allait pêcher sur la rivière Weichouei en tenant une ligne avec un hameçon sans crochet et sans appât à trois pieds au-dessus de l’eau, et en disant : « Que le poisson destiné à être pris morde ! » Voir Récits sur l’expédition du roi Wou contre la dynastie des Yin.

« Pitance distribuée avec mépris » rappelle les aumônes que l’on tend à quelqu’un pour lui faire un affront. C’est une allusion à une anecdote du Livre des rites dans laquelle il est question d’un homme affamé de la principauté de Tsi, qui aima mieux mourir de faim que d’accepter la pitance qu’on lui donnait d’une manière injurieuse.]

   Nous autres Chinois, nous avons du caractère. Beaucoup de ceux qui étaient jadis des libéraux ou individualistes démocrates se sont dressés, face aux impérialistes américains et à leurs valets, les réactionnaires du Kuomintang. Wen Yi-touo se dressa, frappant du poing sur la table, fit face avec colère aux pistolets du Kuomintang et préféra la mort à la soumission. Tchou Tse-tsing, quoique gravement malade, aima mieux mourir de faim que d’accepter des « denrées de secours » américaines.

[Tchou Tse-tsing (1898-1948), homme de lettres chinois et professeur d’université. Après la Guerre de Résistance, il apporta un appui actif au mouvement des étudiants contre la domination de Tchiang Kaï-chek.

En juin 1948, il donna sa signature à la déclaration qui protestait contre la renaissance, encouragée par les États-Unis, du militarisme japonais, et qui exprimait le refus d’accepter la farine du « secours américain ». Il vivait alors dans une grande pauvreté. Il mourut à Peiping le 12 août 1948 de misère et de maladie, mais jusque sur son lit de mort il enjoignit encore à sa famille de ne pas acheter sa ration de farine américaine, distribuée par le gouvernement du Kuomintang.]

Han Yu de la dynastie des Tang a écrit un « Panégyrique de Po Yi » ; il y glorifiait un homme ayant pas mal d’idées « individualistes démocratiques » et qui se déroba à son devoir envers le peuple de son pays, abandonna son poste et s’opposa à la guerre populaire de libération de ce temps-là, conduite par le roi Wou. Han Yu a eu tort de louer Po Yi.

[Han Yu (768-824) fut . un écrivain célèbre de la dynastie des Tang. Le « Panégyrique de Po Yi » est un morceau en prose écrit par lui. Po Yi, qui vivait vers la fin de la dynastie des Yin, s’opposa à l’expédition du roi Wou des Tcheou contre la maison des Yin. Après la chute de la dynastie des Yin, il se réfugia dans le mont Cheouyang et mourut de faim plutôt que de se nourrir du grain des Tcheou.]

Nous devrions plutôt écrire des panégyriques de Wen Yi-touo et de Tchou Tse-tsing, qui ont donné la preuve de l’esprit héroïque de notre nation.

   Qu’importe si nous devons affronter quelques difficultés ! Que les États-Unis nous imposent le blocus ! Qu’ils le maintiennent huit ou dix ans, et alors tous les problèmes de la Chine auront été résolus ! Les Chinois trembleront ils devant des difficultés, alors que la mort· même ne leur fait pas peur ? Lao Tse a dit : « Le peuple ne craint pas la mort, pourquoi l’en menacer ? »

L’impérialisme américain et ses valets, les réactionnaires de Tchiang Kaï-chek, ne nous ont pas seulement « menacés » de mort, ils ont réellement fait mourir beaucoup d’entre nous.

A côté d’hommes comme Wen Yi-touo, ils ont tué de millions de Chinois, au cours des trois années écoulées, avec des arme américaines : carabines, mitrailleuses, mortiers, lance-fusées, obusiers, tanks, avions, bombes. Cette situation arrive maintenant à son terme. Ils connaissent la défaite. Ce n’est pas eux qui lancent main tenant des attaques contre nous, c’est nous qui les attaquons. Il n’en ont plus pour longtemps.

[Wen Yi-touo (1899-1946), célèbre poète chinois, savant et professeur d’université. Animé d’une haine profonde contre la réaction et la corruption du gouvernement de Tchiang Kaï-chek, il prit, à partir de 1943, une part active à la lutte pour la démocratie.

Après la Guerre de Résistance contre le Japon, il s’éleva vigoureusement contre la collusion du Kuomintang avec l’impérialisme américain dont l’objectif était de déclencher la guerre civile contre le peuple. Le 15 juillet 1946, il fut assassiné à Kunming par les bandits du Kuomintang.]

   C’est vrai, les quelques problème qu’ils nous laissent, tels que le blocus, le chômage, la famine, l’inflation et les prix qui montent, sont des difficultés, mais déjà nous avons commencé à respirer plus librement qu’au cours des trois années écoulées. Nous sommes sortis victorieux de l’épreuve des trois dernières années, pourquoi ne pourrions-nous pas surmonter les quelques difficultés d’aujourd’hui ? Pourquoi ne pourrions-nous pas vivre sans les États-Unis ?

   Quand !’Armée populaire de Libération traversa le Yangtsé, le gouvernement de Nankin, ce gouvernement colonial américain, se sauva à la débandade. Mais Son excellence l’ambassadeur Stuart ne bougea point de sa place, l’œil au guet, dans l’espoir de rouvrir boutique sous une nouvelle enseigne ce de faire un nouveau coup de filet.

Or, que vit-il ? A part l’Armée populaire de Libération qui passait devant lui, colonne après colonne, et les ouvriers, paysans et étudiants qui se levaient en foule nombreuse, il vit encore quelque chose : Les libéraux ou individualistes démocrates chinois, sortis en force, criaient des mots d’ordre avec les ouvriers, les paysans, les soldats et les étudiants et parlaient eux aussi de révolution. Bref, il fut laissé à l’écart, « triste et seul, le corps et l’ombre se consolant l’un l’autre ».

[Citation tirée du Mémoire présenté à l’Empereur de Li Mi (224-287).]

Comme il n’avait plus rien à faire, il dut prendre la route, sa serviette sous le bras.

   Il y a encore en Chine des intellectuels et d’autres personnes qui ont des idées confuses et des illusions sur les États-Unis. Aussi devons-nous les convaincre, les gagner à nous, les éduquer et nous unir avec eux, pour qu’ils se rangent aux côtés du peuple, au lieu de tomber dans les pièges tendus par l’impérialisme.

Mais le prestige de l’impérialisme américain parmi le peuple chinois a fait complètement faillite, et le Livre blanc américain est le procès-verbal de cette faillite. Les progressistes doivent faire bon usage du Livre blanc pour éduquer le peuple chinois.

   Leighton Stuart est parti et le Livre blanc est arrivé. Très bien.

   Très bien. Les deux événements méritent d’être célébrés.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : Problèmes stratégiques de la guerre de partisans contre le Japon

Mai 1938

I. Pourquoi posons-nous les problèmes stratégiques de la guerre de partisans ?

   Dans la Guerre de Résistance contre le Japon, la guerre régulière joue le rôle principal, et la guerre de partisans un rôle auxiliaire. Nous avons déjà résolu correctement ce problème. Dès lors, seuls des problèmes tactiques semblent se poser dans la guerre de partisans ; pourquoi posons-nous donc aussi les problèmes de stratégie ?

Si la Chine était un petit pays, où le rôle des opérations de partisans se réduit à appuyer, directement et à courte distance, les opérations des troupes régulières au cours des campagnes, évidemment il ne se poserait que des problèmes tactiques, et il ne serait aucunement question de stratégie.

D’un autre côté, si la Chine était un pays aussi puissant que l’Union soviétique, de sorte que tout envahisseur pourrait en être chassé rapidement ou qu’il ne serait pas en mesure d’y occuper un vaste territoire même s’il y restait plus longtemps, les opérations de partisans ne joueraient également qu’un rôle d’appui au cours des campagnes, et il est évident que seuls des problèmes tactiques se poseraient, et qu’il ne serait pas question de stratégie.

   Cependant, les circonstances suivantes font que des problèmes stratégiques se posent dans la guerre de partisans : la Chine n’est pas un petit pays, elle n’est pas non plus un pays comme l’Union soviétique ; la Chine est un pays grand, mais faible. Ce pays grand mais faible est attaqué par un autre pays, petit, mais fort ; cependant, il connaît actuellement une époque de progrès : là est toute la question.

   En raison de cette situation, notre ennemi a pu occuper un territoire très vaste, et la guerre a pris le caractère d’une guerre de longue durée.

   Le territoire envahi par l’ennemi dans notre grand pays est très vaste, mais du fait que nous avons pour ennemi un petit pays qui n’a pas de forces armées suffisantes et que, dans le territoire qu’il a envahi, beaucoup de régions échappent à son contrôle, la guerre de partisans antijaponaise consistera essentiellement non pas en des opérations à l’intérieur des lignes pour appuyer les opérations de campagne de l’armée régulière, mais en des opérations indépendantes, à l’extérieur des lignes.

   En outre, du fait que la Chine connaît une époque de progrès, c’est-à-dire qu’il existe en Chine une puissante armée et de larges masses populaires dirigées par le Parti communiste, la guerre de partisans antijaponaise sera une guerre non pas de petite, mais de grande envergure. De là naît tout un ensemble de problèmes tels que la défense stratégique et l’attaque stratégique.

Comme la guerre sera longue et par conséquent acharnée, la guerre de partisans doit accomplir un grand nombre de tâches inhabituelles ; ainsi se posent également les problèmes des bases d’appui, du passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement, etc.

   Il en résulte que la guerre de partisans antijaponaise en Chine sort du cadre de la tactique et frappe à la porte de la stratégie ; ainsi, l’examen de la question de la guerre de partisans sous l’angle de la stratégie s’avère indispensable.

Il est à noter en particulier qu’une guerre de partisans aussi étendue et d’aussi longue durée est quelque chose de fort nouveau dans toute l’histoire des guerres, quelque chose qu’on ne saurait séparer de l’époque où nous vivons ? les années 30 et 40 du XXe siècle ? ni de l’existence du Parti communiste et de l’Armée rouge.

   Là est le nœud de la question. Sans doute, notre ennemi caresse encore de beaux rêves en se comparant aux Mongols qui avaient asservi la Chine au temps de la dynastie des Song, aux Mandchous qui avaient assujetti la Chine des Ming, aux Anglais qui avaient pris l’Amérique du Nord et l’Inde, aux conquérants des pays latins qui avaient occupé l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, etc.

   De tels rêves n’ont plus de valeur pratique dans la Chine d’aujourd’hui, car elle présente certains facteurs qui n’existaient pas lors des événements historiques qu’on vient d’évoquer. L’un de ces facteurs est cette guerre de partisans, qui constitue un fait fort nouveau. Si notre ennemi néglige ce facteur, il le paiera cher. C’est la raison pour laquelle les opérations de partisans antijaponaises doivent être examinées sous l’angle de la stratégie, bien qu’elles ne jouent qu’un rôle auxiliaire dans l’ensemble de la Guerre de Résistance.

   Alors, pourquoi n’appliquerait-on pas aux opérations de partisans les principes stratégiques généraux de la Guerre de Résistance ?

   Les problèmes stratégiques de la guerre de partisans antijaponaise sont certes étroitement liés aux problèmes stratégiques de la Guerre de Résistance dans son ensemble et ont avec eux beaucoup de points communs ; mais, d’un autre côté, la guerre de partisans se distingue de la guerre régulière, elle a ses particularités.

   C’est pourquoi la stratégie de la guerre de partisans possède, elle aussi, un grand nombre de caractères spécifiques. On ne peut donc pas transposer tels quels les principes stratégiques généraux de la Guerre de Résistance dans la guerre de partisans du fait des particularités qu’elle comporte.

II. Le principe fondamental de la guerre : Conserver ses forces et anéantir celles de l’ennemi

   Avant de parler concrètement de la stratégie de la guerre de partisans, il faut s’arrêter à la question fondamentale de la guerre en général.

   Les règles de l’action militaire découlent toutes d’un seul principe fondamental : s’efforcer de conserver ses forces et d’anéantir celles de l’ennemi. Dans une guerre révolutionnaire, ce principe est directement lié au principe politique fondamental de la guerre.

Par exemple, le principe politique fondamental de la Guerre de Résistance de la Chine contre le Japon, c’est-à-dire le but politique de cette guerre, est de chasser les impérialistes japonais et de créer une Chine nouvelle, indépendante, libre et heureuse. Cela signifie, sur le plan militaire, défendre la patrie par les armes et chasser les bandits japonais. Pour atteindre ce but, les armées doivent, dans leurs opérations, faire tout leur possible pour conserver leurs forces et anéantir les forces de l’ennemi.

   Mais alors, comment expliquer l’honneur que l’on attache au sacrifice héroïque dans la guerre ? Chaque guerre demande des sacrifices, parfois même des sacrifices énormes. Cela ne serait-il pas en contradiction avec le principe de la conservation des forces ?

En réalité, il n’y a là aucune contradiction ; ce sont, plus exactement, deux aspects contradictoires qui se conditionnent l’un l’autre. C’est que les sacrifices sont indispensables non seulement pour anéantir les forces de l’ennemi, mais aussi pour conserver les siennes propres ; ce renoncement partiel et temporaire à conserver ses forces (les sacrifices, ou, en d’autres termes, le prix à payer) est précisément indispensable pour conserver définitivement l’ensemble des forces.

Du principe fondamental exposé ci-dessus découle toute la série des règles nécessaires à la conduite des opérations militaires, à commencer par celles du tir (se couvrir soi-même et exploiter sa puissance de feu : l’un pour conserver ses forces, l’autre pour anéantir les forces de l’ennemi), et jusqu’à celles de la stratégie, toutes sont inspirées de ce principe fondamental, et toutes sont destinées à en permettre la réalisation, qu’elles se rapportent à la technique militaire, à la tactique, aux campagnes ou à la stratégie.

   Conserver ses forces et anéantir celles de l’ennemi, tel est le principe fondamental de toutes les règles de la guerre.

III. Six problèmes stratégiques spécifiques de la guerre de partisans contre le Japon

   Examinons maintenant quelles lignes de conduite ou quels principes nous devons adopter dans les opérations de la guerre de partisans antijaponaise pour conserver nos forces et anéantir celles de l’ennemi.

   Généralement, dans la Guerre de Résistance (comme d’ailleurs dans toute guerre révolutionnaire), les détachements de partisans se créent à partir de rien et, d’une petite force, se transforment en une grande ; ils doivent donc non seulement conserver leurs forces mais encore les accroître.

   La question se pose par conséquent ainsi : sur quelles lignes de conduite ou sur quels principes faut-il nous appuyer pour arriver à conserver ou à accroître nos forces et à anéantir les forces de l’ennemi ? Voici quelles sont, en termes généraux, les principales de ces lignes de conduite :

1. Initiative, souplesse et plan dans la conduite des opérations offensives au cours d’une guerre défensive, des opérations de décision rapide au cours d’une guerre de longue durée et des opérations à l’extérieur des lignes au cours de la guerre à l’intérieur des lignes ;

2. Coordination avec la guerre régulière ;

3. Création de bases d’appui ;

4. Défense stratégique et attaque stratégique ;

5. Passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement ;

6. Etablissement de rapports justes dans le commandement.

   Ces lignes de conduite constituent tout le programme stratégique de la guerre de partisans antijaponaise et la voie nécessaire pour conserver et accroître nos forces, détruire et chasser les forces ennemies, coordonner la guerre de partisans avec la guerre régulière, et remporter la victoire finale.

IV. Initiative, souplesse et plan dans la conduite des opérations offensives au cours d’une guerre défensive, des opérations de décision rapide au cours d’une guerre de longue durée et des opérations à l’extérieur des lignes au cours de la guerre à l’intérieur des lignes

   Ce chapitre se subdivise en quatre parties : 1) la liaison entre la défensive et l’offensive, entre la guerre de longue durée et les opérations de décision rapide, entre les opérations à l’intérieur des lignes et les opérations à l’extérieur des lignes ; 2) l’initiative dans toute action militaire ; 3) la souplesse dans l’utilisation des forces ; 4) l’établissement d’un plan pour chaque opération.

   Voyons le premier point.

   Dans la mesure où le Japon est un pays puissant et mène l’offensive, et où nous-mêmes sommes un pays faible et sommes sur la défensive, l’ensemble de la Guerre de Résistance se définit du point de vue stratégique comme une guerre défensive et de longue durée. A considérer les lignes où se déroulent les opérations, l’ennemi opère à l’extérieur des lignes et nous à l’intérieur des lignes. C’est là un aspect de la question.

   Mais il y en a un autre, exactement contraire. Bien que l’armée ennemie soit forte (du point de vue de son armement, de certaines qualités de ses effectifs et de certains autres facteurs), elle est numériquement faible ; bien que notre armée soit faible (également du point de vue de son armement, de certaines qualités de ses effectifs et de certains autres facteurs), elle est numériquement très forte ; en outre, il faut tenir compte du fait que l’ennemi, qui envahit notre pays, appartient à une nation étrangère, tandis que nous résistons à l’agression étrangère sur notre propre sol.

   Tout cela détermine la ligne stratégique suivante : tout en appliquant la stratégie de la guerre défensive, on peut et on doit entreprendre des campagnes et des combats offensifs ; en appliquant la stratégie de la guerre de longue durée, on peut et on doit entreprendre des campagnes et des combats de décision rapide ; et en appliquant la stratégie de la guerre à l’intérieur des lignes, on peut et on doit entreprendre, dans les campagnes et les combats, des opérations à l’extérieur des lignes.

   Telle est la ligne stratégique qui doit être appliquée durant toute la Guerre de Résistance. Cela est valable aussi bien pour la guerre régulière que pour la guerre de partisans. La seule différence en ce qui concerne la guerre de partisans se trouve dans le degré et la forme de réalisation.

Dans la guerre de partisans, les opérations offensives prennent généralement la forme d’attaques par surprise. Dans la guerre régulière, bien qu’on doive et qu’on puisse entreprendre aussi des attaques par surprise, on n’arrive à surprendre l’ennemi qu’à un degré moindre.

La guerre de partisans exige, dans une très grande mesure, une décision rapide ; cependant, le rayon de l’encerclement dans lequel les partisans saisissent l’ennemi au cours des campagnes et des combats à l’extérieur des lignes est restreint. Tout cela distingue les opérations des partisans des opérations régulières.

   II en découle que, dans leurs opérations, les détachements de partisans doivent concentrer autant de forces que possible, agir en secret et avec la rapidité de l’éclair, exécuter contre l’ennemi des raids inattendus et obtenir une décision rapide des combats ; il faut éviter par tous les moyens de rester passif dans la défensive et de prolonger les combats, et il faut se garder d’éparpiller ses forces au moment d’engager une action.

Bien entendu, dans la guerre de partisans, on a recours à la défensive non seulement sur le plan stratégique mais aussi sur le plan tactique ; la fixation de l’ennemi et les opérations de protection dans les combats, l’organisation de la défense dans les défilés, dans les lieux d’accès difficile, le long des cours d’eau et dans les agglomérations rurales pour user et épuiser l’ennemi, les opérations de couverture en cas de retraite, etc. sont autant d’éléments de la défense tactique dans la guerre de partisans.

Mais l’orientation essentielle doit y être l’offensive, c’est une guerre d’un caractère offensif plus marqué que la guerre régulière. En outre, l’offensive des partisans doit prendre la forme d’attaques par surprise ; ici plus encore que dans la guerre régulière, il est inadmissible de se trahir par des fanfaronnades bruyantes.

Bien qu’il y ait des cas, dans la guerre de partisans, où les combats se prolongent pendant plusieurs jours, par exemple lors d’une attaque contre un ennemi peu nombreux, isolé et privé d’aide extérieure, on doit, en règle générale, y rechercher plus encore que dans la guerre régulière la conclusion rapide des combats, ce qui est imposé par le fait même que l’ennemi est fort et que nous sommes faibles.

   La guerre de partisans, par sa nature même, se fait avec des forces dispersées, ce qui donne à ses opérations un caractère d’ubiquité. En outre, une série d’autres tâches qui lui sont dévolues, celles de harceler l’ennemi, de l’immobiliser, d’exécuter des sabotages et d’effectuer le travail de masse, exigent la dispersion des forces. Cependant, les détachements et les corps de partisans doivent concentrer leurs forces principales lorsqu’ils se donnent pour tâche d’anéantir les forces de l’ennemi et surtout lorsqu’ils s’efforcent de briser l’offensive de l’ennemi. « Concentrer de grandes forces pour battre de petites unités de l’ennemi » demeure l’un des principes des opérations militaires dans la guerre de partisans.

Il en découle également, du point de vue de la Guerre de Résistance dans son ensemble, que l’on ne peut atteindre les buts de la défensive stratégique et parvenir à la victoire définitive sur l’impérialisme japonais que par l’accumulation d’un grand nombre de campagnes et de combats offensifs tant dans la guerre régulière que dans la guerre de partisans, c’est-à-dire en remportant un grand nombre de victoires dans ces opérations offensives.

Ce n’est qu’en livrant un grand nombre de combats rapides, c’est-à-dire en remportant des succès dans des opérations de décision rapide au cours des campagnes et des combats offensifs, que l’on peut atteindre les buts stratégiques de cette guerre prolongée : d’une part, gagner du temps pour accroître notre capacité de résistance, d’autre part, attendre, tout en hâtant leur venue, des changements dans la situation internationale et l’effondrement interne de l’ennemi pour passer à la contre-offensive stratégique et chasser les bandits japonais hors de Chine.

   Il faut concentrer des forces supérieures dans chaque combat et engager, aussi bien dans la période de la défensive stratégique que dans la période de la contre-offensive stratégique, des opérations à l’extérieur des lignes dans chaque campagne ou combat pour encercler l’ennemi et l’anéantir ; s’il n’est pas possible d’encercler toutes ses forces, il faut en encercler une partie ; s’il n’est pas possible d’anéantir complètement les forces encerclées, il faut en anéantir une partie ; enfin, s’il est impossible de faire prisonnières en masse ces troupes encerclées, il faut infliger à l’ennemi les plus grandes pertes possibles en tués et en blessés.

   C’est seulement en livrant un grand nombre de ces combats d’anéantissement que nous pourrons changer la situation en notre faveur, rompre définitivement l’encerclement stratégique, c’est-à-dire ruiner le plan de l’ennemi qui voulait se battre à l’extérieur des lignes, et, finalement, joignant nos efforts à l’action des forces internationales et à la lutte révolutionnaire du peuple japonais, tomber de tous les côtés sur l’impérialisme japonais et lui donner le coup de grâce.

   Ces résultats, nous les obtiendrons surtout par les opérations régulières, tandis que les opérations de partisans auront à jouer un rôle moins important. Les unes et les autres ont toutefois ceci de commun qu’il faudra accumuler de nombreuses petites victoires pour en faire une grande victoire. C’est dans ce sens que nous parlons du grand rôle stratégique de la guerre de partisans dans tout le cours de la Guerre de Résistance.

   Passons maintenant aux problèmes de l’initiative, de la souplesse et du plan dans la guerre de partisans.

   Qu’est-ce que l’initiative dans la guerre de partisans ? Dans toute guerre, les parties belligérantes s’efforcent par tous les moyens de conquérir l’initiative, que ce soit sur le champ de bataille, dans un théâtre d’opérations, dans une zone de guerre ou même au cours de toute la guerre, car initiative signifie liberté d’action pour une armée.

   Quand une armée a perdu l’initiative et se trouve acculée à la passivité, elle est privée de la liberté d’action et s’expose à être défaite ou anéantie. Sur le plan stratégique, il est évidemment plus difficile de prendre l’initiative dans la guerre défensive et les opérations à l’intérieur des lignes que dans la guerre offensive et les opérations à l’extérieur des lignes. Cependant, l’impérialisme japonais présente deux points faibles principaux : premièrement, ses forces armées ont des effectifs insuffisants et, deuxièmement, il fait la guerre en terre étrangère.

   En outre, la sous-estimation des forces de la Chine et les contradictions à l’intérieur du camp des militaristes japonais ont conduit le commandement japonais à commettre toute une série d’erreurs telles que de n’avoir accru ses effectifs que petit à petit, d’avoir manqué de coordination stratégique, de ne plus avoir, à certains moments, de direction d’attaque principale, d’avoir laissé passer le moment propice pour certaines opérations et de n’avoir pas su anéantir les troupes encerclées, ce qui peut, dans son ensemble, être considéré comme le troisième point faible de l’ennemi.

   Ainsi, les militaristes japonais, en dépit de l’avantage qu’ils ont de faire une guerre offensive et d’opérer à l’extérieur des lignes, perdent l’initiative un peu plus chaque jour, parce que leurs effectifs sont insuffisants (le Japon est un petit pays, sa population est peu nombreuse et ses ressources insuffisantes, c’est un pays impérialiste féodal, etc.), parce qu’ils font la guerre en terre étrangère (et une guerre impérialiste, donc barbare) et parce qu’ils commettent des maladresses dans le commandement.

   Actuellement, le Japon ne veut pas encore terminer la guerre et ne le peut pas. Il n’a pas arrêté son offensive stratégique, mais la situation générale lui interdit de dépasser certaines limites ; c’est la conséquence logique de ses trois points faibles. Avaler toute la Chine est au-dessus de ses forces.

   Le jour viendra où le Japon perdra complètement l’initiative ; déjà on en perçoit les premiers signes. D’un autre côté, la Chine se trouvait, au début de la guerre, dans une position plutôt passive ; mais maintenant qu’elle a accumulé de l’expérience, elle commence à s’engager dans une voie nouvelle, celle de la guerre de mouvement, c’est-à-dire des opérations offensives, des opérations de décision rapide et des opérations à l’extérieur des lignes dans les campagnes et les combats, ce qui, avec la ligne de conduite de développer partout la guerre de partisans, fait passer progressivement l’initiative de son côté.

   Dans la guerre de partisans, le problème de l’initiative est encore plus important. En effet, dans la plupart des cas, les détachements de partisans opèrent dans des conditions difficiles : ils n’ont pas d’arrière, ils sont faibles en face d’un ennemi puissant, ils manquent d’expérience (quand ils sont nouvellement organisés), ils sont isolés les uns des autres, etc. Il n’en est pas moins possible de prendre l’initiative dans la guerre de partisans, à condition surtout de mettre à profit les trois points faibles de l’ennemi indiqués ci-dessus.

   Profitant de l’insuffisance en effectifs des forces ennemies (du point de vue de l’ensemble de la guerre), les partisans peuvent sans crainte englober dans leurs opérations de vastes territoires ; profitant de ce que l’ennemi fait la guerre en terre étrangère et qu’en outre ses méthodes sont particulièrement barbares, les partisans peuvent hardiment s’assurer le soutien de millions et de millions d’hommes ; profitant des maladresses du commandement ennemi, les partisans peuvent donner libre carrière à toute leur ingéniosité. Bien entendu, l’armée régulière doit, elle aussi, utiliser tous ces points faibles de l’ennemi pour en forger les armes de sa propre victoire, mais il importe tout particulièrement aux détachements de partisans de le faire.

   Les points faibles des détachements de partisans eux-mêmes peuvent être éliminés peu à peu au cours de la lutte, et quelquefois ces points faibles sont même ce qui leur permet de prendre l’initiative. Ainsi, c’est justement grâce à leurs faibles effectifs que les détachements de partisans peuvent opérer à l’arrière de l’ennemi, apparaissant et disparaissant comme par magie et enlevant à l’ennemi toute possibilité d’action contre eux. Pareille liberté de mouvement est impossible aux troupes régulières, trop massives.

   Lorsque l’ennemi dirige contre eux une offensive concentrique, en plusieurs colonnes, les détachements de partisans ont beaucoup de difficultés à garder l’initiative et ils la perdent facilement. Dans ces conditions, si l’on n’apprécie pas correctement la situation et si l’on prend des décisions erronées, on risque de tomber dans la passivité et de ne pouvoir briser l’encerclement. Cela peut aussi se produire lorsque l’ennemi se défend et que nous attaquons. Par conséquent, prendre l’initiative n’est possible que si on apprécie correctement la situation (chez soi et chez l’ennemi) et si on prend des décisions militaires et politiques justes.

   Avec une appréciation pessimiste, ne correspondant pas à la situation objective, et avec les décisions de caractère passif qui en découlent, nous nous priverions certainement nous-mêmes de l’initiative et nous nous condamnerions à la passivité. De la même façon exactement, une appréciation exagérément optimiste, ne correspondant pas à la situation objective, et les décisions aventureuses (risques injustifiés) qui en découlent nous feraient perdre l’initiative et nous mettraient finalement dans la même position que les pessimistes.

L’initiative n’appartient en propre à aucun homme de génie ; elle ne peut naître que d’une étude réfléchie et d’une appréciation correcte de la situation objective, des décisions militaires et politiques correctes d’un chef intelligent. Ainsi, l’initiative est le fruit d’un effort conscient, elle n’est jamais donnée toute prête.

   S’il arrive que des erreurs dans l’appréciation ou dans les décisions ou encore une pression irrésistible de l’ennemi aient réduit des unités de partisans à la passivité, le problème consiste pour elles à s’efforcer d’en sortir. C’est de la situation concrète que dépend la façon d’en sortir. Dans bien des cas, il faut « se retirer ». Savoir se retirer est l’une des caractéristiques des partisans. Se retirer est le principal moyen pour sortir de la passivité et pour reprendre l’initiative.

Mais ce n’est pas là le seul moyen. Très souvent, c’est au moment même où l’ennemi exerce sa pression la plus forte et où les difficultés sont pour nous les plus grandes que la situation commence à devenir défavorable pour l’ennemi et favorable pour nous. Il arrive souvent que le retour à une situation favorable et la reprise de l’initiative sont dus aux efforts que l’on fait pour « tenir encore un peu ».

   Venons-en maintenant à la souplesse. La souplesse, c’est la manifestation concrète de l’initiative. La souplesse dans l’utilisation des forces est encore plus nécessaire dans la guerre de partisans que dans la guerre régulière.

   Il faut que les dirigeants de la guerre de partisans comprennent que la souplesse dans l’utilisation des forces est le principal moyen pour changer la situation en notre faveur et pour nous emparer de l’initiative. Les particularités de la guerre de partisans exigent que les forces soient utilisées avec souplesse, conformément aux tâches posées et aux conditions telles que la situation de l’ennemi, la configuration du terrain et les sentiments de la population locale.

   Les principales formes d’utilisation des forces sont la dispersion, la concentration et le déplacement. Le dirigeant de la guerre de partisans se sert des détachements de partisans comme un pêcheur de son filet ; le pêcheur doit savoir jeter son filet et il doit savoir aussi le ramener.

   Lorsqu’il le jette, il faut qu’il connaisse parfaitement la profondeur des eaux, la vitesse du courant, qu’il sache s’il y a ou non des écueils. De même, lorsque les détachements de partisans sont utilisés en ordre dispersé, leur commandant doit veiller soigneusement à ce qu’ils ne subissent pas de pertes dues à une méconnaissance de la situation et aux opérations erronées qu’elle entraîne.

   Exactement comme le pêcheur, pour ramener son filet, doit en tenir fermement les extrémités dans ses mains, ainsi, dans la guerre de partisans, le commandant doit assurer la liaison et les communications avec tous ses détachements et garder en main une partie suffisante de ses forces principales. Pour prendre du poisson, il faut changer souvent de place ; les détachements de partisans doivent aussi se déplacer fréquemment. Dispersion, concentration et déplacement sont les trois formes d’une utilisation souple des forces dans la guerre de partisans.

   En général, la dispersion des forces dans la guerre de partisans, ou, comme on dit, « la division du tout en parties », s’applique principalement dans les cas suivants : 1) lorsque l’ennemi passe à la défensive, qu’il nous est temporairement impossible d’agir avec des forces concentrées et que nous voulons créer une menace pour l’ennemi sur un large front ; 2) dans les régions où les forces de l’ennemi sont faibles, lorsque nous voulons les harceler et les désorganiser partout à la fois ; 3) lorsqu’il n’est pas possible de briser une offensive concentrique de l’ennemi et qu’il y a lieu de distraire son attention pour pouvoir nous dérober ; 4) lorsque les conditions de terrain ou des difficultés de ravitaillement l’exigent ; 5) lorsque le travail de masse doit s’effectuer dans des régions étendues.

   Cependant, quelle que soit la situation, lorsqu’on disperse les forces, on ne doit pas perdre de vue :

1) qu’il ne faut pas disperser les forces également partout, mais en conserver toujours une partie relativement importante dans une région propice aux mouvements, pour être en mesure de parer aux événements imprévus et pour l’employer à la principale des tâches imposées aux forces dispersées ;

2) qu’il faut donner à chacun des détachements séparés une mission bien précise, et lui indiquer son rayon d’action, la durée des opérations, un point de ralliement, les moyens de liaison, etc. La concentration des forces, ou, comme on dit, « l’intégration des parties en un tout », est une méthode employée principalement pour anéantir les forces de l’ennemi lorsqu’il déclenche une offensive. Mais elle peut quelquefois s’appliquer quand l’ennemi est sur la défensive, pour anéantir certaines de ses troupes en station.

   La concentration des forces ne signifie pas une concentration absolue. On concentre les forces principales pour les utiliser dans une direction importante, tandis que, dans les autres directions, on laisse ou on envoie une partie des forces pour fixer l’ennemi, le harceler, exécuter des sabotages ou faire du travail de masse.

La souplesse dans la dispersion ou la concentration des forces, en a port avec la situation, est la méthode principale de la guerre de partisans ; mais il faut également savoir déplacer (ou transférer) les forces avec souplesse. Quand l’ennemi se sent sérieusement menacé par les partisans, il ne tarde pas à envoyer des troupes pour les attaquer ou les écraser.

   C’est alors que les partisans doivent juger de la situation : si le combat peut être livré, il faut le livrer sur le lieu même, sinon, il faut, sans perdre de temps, passer rapidement dans un autre lieu.

Parfois, pour écraser les unités ennemies une à une, il faut, dès qu’on en a anéanti une en un endroit, se porter rapidement en un autre endroit pour en anéantir une seconde ; il arrive parfois aussi que, dans un endroit donné, la situation ne soit pas favorable au combat : il faut alors rompre immédiatement avec l’ennemi et aller livrer combat ailleurs.

   Si la menace de l’ennemi se fait particulièrement pressante, les partisans ne doivent pas s’attarder dans un même lieu, mais se déplacer avec la rapidité du vent et du torrent. En général, le déplacement doit s’effectuer dans le secret et rapidement. Il faut recourir fréquemment à des moyens ingénieux pour tromper l’ennemi, lui tendre des pièges ou le désorienter, par exemple : faire des démonstrations d’un côté pour attaquer de l’autre, se montrer subitement ici et un moment après ailleurs, tantôt attaquer l’ennemi et tantôt rompre le combat, opérer de nuit, etc.

   La souplesse dans la dispersion, la concentration et le déplacement des forces est la manifestation concrète de l’initiative dans la guerre de partisans. La routine et la lourdeur conduisent inévitablement à la passivité et à des pertes inutiles.

   La valeur d’un chef intelligent se révèle non dans sa compréhension de l’importance d’employer les forces avec souplesse, mais dans son aptitude, le moment venu, à disperser, concentrer et déplacer ses forces selon la situation concrète. L’art d’apprécier une situation et de choisir avec bonheur le moment favorable n’est pas chose facile. Seuls peuvent l’acquérir ceux qui font preuve d’objectivité dans l’étude, de persévérance dans la recherche, et de pénétration. Pour que la souplesse ne se transforme pas en action impulsive, un examen sérieux de la situation est indispensable.

   Passons enfin au problème du plan. Pour remporter la victoire dans la guerre de partisans on ne peut se passer d’un plan. Agir au hasard signifie jouer à la guerre de partisans, ou se comporter en profane. Les opérations, aussi bien pour toute une région de partisans que pour un détachement ou un corps isolé, doivent toujours être précédées de l’établissement d’un plan aussi poussé que possible.

C’est le travail préparatoire à faire avant toute action. La connaissance de la situation, la détermination des tâches, la disposition des forces, l’instruction militaire et politique, l’approvisionnement en vivres, la mise en ordre de l’équipement, la recherche de l’appui de la population, etc., tout cela constitue le travail du dirigeant qui doit réfléchir soigneusement à tout, appliquer les décisions et en contrôler l’exécution. Sans cela, aucune initiative, aucune souplesse, aucune offensive n’est possible.

   Il est vrai que les conditions de la guerre de partisans ne permettent pas l’établissement de plans aussi détaillés que celles des opérations régulières, et qu’il serait faux d’espérer élaborer un plan d’une haute précision dans la guerre de partisans, mais dans les limites fixées par la situation objective, il est indispensable d’établir un plan aussi précis que possible. La lutte contre l’ennemi n’est pas une plaisanterie. Il est bon qu’on le sache.

Tout ce qui vient d’être dit sert à illustrer le premier des problèmes stratégiques de la guerre de partisans : initiative, souplesse et plan dans la conduite des opérations offensives au cours d’une guerre défensive, des opérations de décision rapide au cours d’une guerre de longue durée et des opérations à l’extérieur des lignes au cours de la guerre à l’intérieur des lignes.

C’est là le principe stratégique capital de la guerre de partisans. Si ce problème est résolu, la poursuite victorieuse de la guerre de partisans, en ce qui regarde la direction militaire, sera dans une grande mesure assurée.

   On a parlé plus haut de bien des choses, mais tout se rapporte à un seul et même problème : celui des opérations offensives dans les campagnes et les combats. On ne peut avoir définitivement l’initiative que si l’offensive a été victorieuse. Il faut entreprendre des opérations offensives de sa propre initiative, et non parce qu’on se trouve dans l’obligation d’attaquer.

   La souplesse dans l’utilisation des forces répond à un seul problème central : la conduite d’opérations offensives ; de même, le plan est surtout nécessaire pour assurer la victoire dans les opérations offensives. La défense tactique n’a aucun sens si elle ne soutient pas directement ou indirectement une offensive. La décision rapide a trait à la durée de l’offensive, et l’extérieur des lignes à la sphère de l’offensive. L’offensive est le seul moyen pour anéantir les forces de l’ennemi en même temps que le principal moyen pour conserver les nôtres.

La défense et la retraite pures et simples ne jouent qu’un rôle temporaire et partiel pour la conservation de nos forces et ne peuvent être en rien un moyen d’anéantissement des forces de l’ennemi. Le principe ci-dessus indiqué s’applique, dans l’ensemble, aussi bien à la guerre régulière qu’à la guerre de partisans, seule sa forme de réalisation diffère en degré dans l’un et l’autre cas.

Mais pour conduire la guerre de partisans, il est important, indispensable, de pas perdre de vue cette différence, qui fait précisément que les méthodes de la guerre de partisans se distinguent de celles de la guerre régulière. Si l’on ignore cette différence, il est impossible de conduire la guerre de partisans à la victoire.

V. Coordination avec la guerre régulière

   Le deuxième problème stratégique de la guerre de partisans concerne la coordination de celle-ci avec la guerre régulière. Il s’agit de mettre en lumière le lien entre les opérations de partisans et les opérations régulières, en partant du caractère des opérations concrètes des partisans. Pour frapper l’ennemi avec efficacité, il est important de comprendre ce lien.

   Il y a trois sortes de coordination entre la guerre de partisans et la guerre régulière : en stratégie, dans les campagnes et dans les combats. Prise dans son ensemble, la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi, dont le rôle est d’affaiblir ce dernier, de fixer ses forces et d’entraver ses communications, et qui apporte, dans tout le pays, son soutien moral aux troupes régulières et au peuple tout entier, etc. est en coordination stratégique avec la guerre régulière. Prenons pour exemple la guerre de partisans dans les trois provinces du Nord-Est.

Avant le début de la Guerre de Résistance à l’échelle nationale, il ne pouvait naturellement pas être question de coordination, mais aussitôt cette guerre commencée, la signification de cette coordination devint évidente. On peut dire que chaque fois qu’ils tuent à l’ennemi un soldat de plus, obligent l’ennemi à user une cartouche de plus, attirent sur eux un soldat ennemi de plus pour qu’il ne soit pas envoyé au sud de la Grande Muraille, les détachements de partisans opérant dans ces régions contribuent à l’ensemble de la Guerre de Résistance.

   On peut en dire autant de l’action démoralisatrice qu’ils font subir à l’armée et au pays ennemis, et de l’influence heureuse et exaltante qu’ils exercent sur notre armée et notre peuple. En ce qui concerne les opérations de partisans menées de part et d’autre des lignes de chemin de fer Peiping-Soueiyuan, Peiping-Hankeou, Tientsin-Poukeou, Tatong-Poutcheou, Tchengting-Taiyuan et Changhaï-Hangtcheou, le rôle stratégique de la coordination est encore plus évident.

   La coordination de ces opérations de partisans avec les opérations des troupes régulières ne se borne pas au rôle qu’elle joue actuellement dans la défense stratégique, alors que l’ennemi développe une offensive stratégique ; elle fera échouer les opérations de l’ennemi lorsque celui-ci, ayant terminé son offensive stratégique, passera à la consolidation des territoires occupés ; et, lorsque l’armée régulière passera à la contre-offensive stratégique, elle permettra de chasser l’ennemi et de récupérer tous les territoires perdus.

Il serait inadmissible de méconnaître l’énorme importance du rôle que joue la guerre de partisans dans la coordination stratégique. Les dirigeants des détachements de partisans et les chefs de l’armée régulière doivent bien comprendre l’importance de ce rôle.

   En outre, la guerre de partisans joue un rôle dans la coordination des opérations au cours des campagnes. Par exemple, lors de la bataille de Hsinkeou, au nord de Taiyuan, les partisans détruisirent, dans les régions au nord et au sud de Yenmenkouan, la ligne de chemin de fer Tatong-Poutcheou et les routes qui passent par Pinghsingkouan et Yangfangkeou, jouant ainsi un rôle d’appui très important. Prenons un autre exemple.

Après l’occupation de Fenglingtou par l’ennemi, les opérations de partisans étendues à toute la province du Chansi (réalisées essentiellement par des forces de l’armée régulière) ont joué un rôle d’appui encore plus important lors des opérations défensives sur les rives ouest et sud du fleuve Jaune, situées respectivement dans les provinces du Chensi et du Honan. De même, la guerre de partisans, s’étendant à l’ensemble des cinq provinces de la Chine du Nord, apporta un soutien important aux opérations de nos troupes régulières lorsque l’ennemi attaqua le Chantong du Sud.

   Pour réaliser les tâches de coordination au cours des campagnes, les dirigeants des bases de partisans à l’arrière de l’ennemi et les commandants des corps de partisans envoyés temporairement hors des bases doivent disposer leurs forces le plus rationnellement possible. Compte tenu des conditions de temps et de lieu, ils doivent, en adoptant des méthodes différentes, déployer une action énergique contre les points vitaux et les plus vulnérables de l’ennemi, de façon à l’affaiblir, à fixer ses forces, à entraver ses communications et à galvaniser nos troupes qui combattent à l’intérieur des lignes.

   Si chaque secteur de partisans ou chaque détachement de partisans agit seul, sans se préoccuper de la coordination de ses opérations avec celles des troupes régulières au cours des campagnes, il jouera bien un certain rôle d’appui dans l’ensemble de la stratégie, mais la portée en sera réduite.

Tous les dirigeants de la guerre de partisans doivent prêter à cette question une attention particulière. Pour réaliser la coordination au cours des campagnes, il est absolument indispensable de munir de moyens de liaison par radio tous les détachements et corps de partisans de quelque importance.

   Enfin, la coordination dans les combats, c’est-à-dire la coordination sur le champ de bataille, fait partie des tâches de tous les détachements de partisans qui agissent non loin d’un champ de bataille à l’intérieur des lignes ; cela ne s’applique naturellement qu’aux détachements de partisans opérant à proximité des troupes régulières ou à des unités temporairement détachées de l’armée régulière pour des opérations de partisans.

   Les détachements de partisans doivent, dans ce cas, accomplir les missions qui leur sont assignées, sur les instructions du commandement des troupes régulières, et qui consistent habituellement à fixer une partie des forces de l’ennemi, à entraver ses communications, à effectuer des reconnaissances, à servir de guides aux troupes régulières, etc.

Même s’ils n’ont pas reçu d’instructions de ce genre, les détachements de partisans n’en doivent pas moins, de leur propre initiative, accomplir ces tâches. Il serait absolument inadmissible qu’ils restent les bras croisés ou errent à l’aventure sans porter de coups à l’ennemi. les plus vulnérables de l’ennemi, de façon à l’affaiblir, à fixer ses forces, à entraver ses communications et à galvaniser nos troupes qui combattent à l’intérieur des lignes.

Si chaque secteur de partisans ou chaque détachement de partisans agit seul, sans se préoccuper de la coordination de ses opérations avec celles des troupes régulières au cours des campagnes, il jouera bien un certain rôle d’appui dans l’ensemble de la stratégie, mais la portée en sera réduite. Tous les dirigeants de la guerre de partisans doivent prêter à cette question une attention particulière.

   Pour réaliser la coordination au cours des campagnes, il est absolument indispensable de munir de moyens de liaison par radio tous les détachements et corps de partisans de quelque importance. Enfin, la coordination dans les combats, c’est-à-dire la coordination sur le champ de bataille, fait partie des tâches de tous les détachements de partisans qui agissent non loin d’un champ de bataille à l’intérieur des lignes ; cela ne s’applique naturellement qu’aux détachements de partisans opérant à proximité des troupes régulières ou à des unités temporairement détachées de l’armée régulière pour des opérations de partisans.

Les détachements de partisans doivent, dans ce cas, accomplir les missions qui leur sont assignées, sur les instructions du commandement des troupes régulières, et qui consistent habituellement à fixer une partie des forces de l’ennemi, à entraver ses communications, à effectuer des reconnaissances, à servir de guides aux troupes régulières, etc.

   Même s’ils n’ont pas reçu d’instructions de ce genre, les détachements de partisans n’en doivent pas moins, de leur propre initiative, accomplir ces tâches. Il serait absolument inadmissible qu’ils restent les bras croisés ou errent à l’aventure sans porter de coups à l’ennemi.

VI. Création de bases d’appui

   Le troisième problème stratégique de la guerre de partisans contre le Japon concerne la création de bases d’appui. Leur nécessité et leur importance découlent de la longue durée et du caractère acharné de la guerre.

   Jusqu’au moment où la contre-offensive stratégique à l’échelle nationale permettra de récupérer tous les territoires perdus, le front ennemi pénétrera profondément dans la partie centrale de notre pays, le coupera en deux, et près de la moitié, voire la plus grande partie de notre territoire sera entre les mains de l’ennemi et deviendra son arrière.

   Nous devrons développer la guerre de partisans sur l’ensemble de ce vaste territoire occupé et transformer en front de combat les arrières de l’ennemi, de façon qu’il soit obligé de se battre constamment sur tout le territoire qu’il aura occupé. Tant que nous n’aurons pas commencé notre contre-offensive stratégique, tant que nous n’aurons pas repris les territoires perdus, nous devrons poursuivre avec ténacité la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi.

Bien qu’il ne soit pas possible de déterminer avec précision combien de temps durera cette période, il est certain qu’elle sera longue. Cela signifie que notre guerre sera une guerre de longue durée. En même temps, l’ennemi, s’efforçant de sauvegarder ses intérêts dans les territoires occupés, intensifiera nécessairement chaque jour sa lutte contre les partisans, les soumettant à sa répression féroce, surtout lorsque son offensive stratégique aura pris fin.

Ainsi, la guerre sera non seulement longue mais encore acharnée et, sans bases d’appui, il ne sera pas possible de soutenir longtemps la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi.

   En quoi consistent les bases d’appui de la guerre de partisans ? Ce sont des bases stratégiques sur lesquelles les détachements de partisans s’appuient pour accomplir leurs tâches stratégiques et atteindre leurs buts : conserver et accroître leurs forces, détruire et chasser celles de l’ennemi. Sans ces bases, nous ne pourrions nous appuyer sur rien pour accomplir toutes les tâches stratégiques et atteindre les buts de la guerre.

A proprement parler, la guerre de partisans menée à l’arrière de l’ennemi se caractérise par des opérations militaires sans arrière, car les partisans y sont séparés de l’arrière général du pays. Cependant, sans bases d’appui, la guerre de partisans ne saurait durer longtemps ni se développer ; ces bases d’appui sont justement les arrières des partisans.

   L’histoire connaît un grand nombre de guerres paysannes faites suivant la méthode des « hors-la-loi », elles furent toutes infructueuses. En notre siècle de progrès des moyens de communication et de la technique, il serait d’autant plus illusoire de compter sur cette méthode pour remporter la victoire. La mentalité de « hors-la-loi » n’en existe pas moins encore aujourd’hui chez les paysans ruinés, et leurs conceptions, se reflétant dans la conscience des dirigeants de la guerre de partisans, se manifestent par la négation de la nécessité des bases d’appui ou la sous-estimation de leur importance.

   C’est pourquoi, s’orienter vers la création des bases d’appui, il faut commencer par éliminer la mentalité de « hors-la-loi » de la conscience des dirigeants de la guerre de partisans. La question de savoir si les bases d’appui sont nécessaires et comment il faut en apprécier le rôle, en d’autres termes, la lutte entre la conception des bases d’appui et la mentalité de « hors-la-loi », doit apparaître au cours de toute guerre de partisans, et la guerre de partisans contre le Japon ne saurait, jusqu’à certain point, constituer une exception. C’est pourquoi la lutte idéologique contre la mentalité de hors-la-loi est indispensable.

Seules la liquidation complète de cette mentalité, la formulation et l’application d’une politique pour la création des bases d’appui permettront de soutenir avec succès une guerre de partisans de longue durée.

   La nécessité et l’importance des bases d’appui une fois exposées, passons aux problèmes qui en découlent, et qu’il est nécessaire de comprendre et de résoudre lors de la création de ces bases. Ces problèmes sont les suivants : types de bases d’appui, régions de partisans et bases d’appui, conditions pour la création de bases d’appui, consolidation et élargissement des bases d’appui, types d’encerclement réalisés par nous et par l’ennemi.

Section 1. Types de bases d’appui

   Les bases d’appui de la guerre de partisans antijaponaise sont principalement de trois types : bases d’appui dans les montagnes, bases d’appui dans les plaines et bases d’appui dans les régions de rivières, lacs et estuaires.

Tout le monde comprend l’intérêt qu’il y a de créer des bases d’appui dans les régions montagneuses. Les bases qui ont été créées, qui se créent ou qui se créeront dans le Tchangpaichan, le Woutaichan, le Taihangchan, le Taichan, le Yenchan et le Maochan sont de ce type.

[Le Tchangpaichan est une chaîne de montagnes à la frontière nord­est de la Chine. Après l’Incident du 18 Septembre 1931, il devint une base de partisans, dirigée par le Parti communiste chinois, dans la lutte contre les envahisseurs japonais.

Le Woutaichan est une chaîne de montagnes à la limite du Chansi, du Hopei et de l’ancienne province du Tchahar. En octobre 1937, la VIIIe Armée de Route, dirigée par le Parti communiste chinois, a entrepris la création de la base antijaponaise du Chansi­Tchahar­Hopei, centrée sur le Woutaichan.

Le Taihangchan est une chaîne de montagnes à la limite des provinces du Chansi, du Hopei et du Honan. En novembre 1937, il devint le centre de la base antijaponaisedu Chansi du Sud­Est, créée par la VIIIe Armée de Route.

Le Taichan se trouve dans la partie centrale de la province du Chantong et constitue l’une des hauteurs principales de la chaîne montagneuse du Taiyi. Au cours de l’hiver 1937, les détachements de partisans, dirigés par le Parti communiste chinois, ont entrepris la création de la base du Chantong central, centrée sur la région du Taiyi.

Le Yenchan est une chaîne de montagnes à la limite du Hopei et de l’ancienne province du Jéhol. Au cours de l’été 1938, la VIIIe Armée de Route a entrepris la création de la base antijaponaise du Hopei de l’Est, centrée sur la région du Yenchan.

Le Maochan se situe dans le sud de la province du Kiangsou. En juin 1938, la Nouvelle IVe Armée, dirigée par le Parti communiste chinois, a entrepris la création de la base antijaponaise du Kiangsou du Sud, centrée sur la région du Maochan.]

   Ces bases deviendront les points d’appui qui permettront le mieux de poursuivre de façon prolongée la guerre de partisans antijaponaise ; elles deviendront d’importants bastions dans la Guerre de Résistance. Il nous faut développer la guerre de partisans dans toutes les régions montagneuses se trouvant à l’arrière de l’ennemi et y créer des bases d’appui. Les plaines, sous ce rapport, le cèdent naturellement aux montagnes.

Mais cela ne signifie nullement que l’on ne puisse développer la guerre de partisans dans les plaines, que l’on ne puisse y créer aucune base. Dans les plaines de la province du Hopei et dans celles du nord et du nord-ouest de la province du Chantong, la guerre de partisans a déjà connu un vaste développement et cela démontre la possibilité de la développer dans les plaines.

Jusqu’à présent, la possibilité de créer dans ces régions des bases durables n’a pas encore été prouvée, mais il faut noter que la possibilité d’y créer des bases temporaires est déjà établie et que celle d’y créer des bases pour de petits détachements ou des bases de caractère saisonnier semble bien devoir exister.

   Cela, parce que d’une part l’ennemi ne dispose pas de forces armées en suffisance et mène une politique dont la férocité n’a jamais été égalée et que, d’autre part, la Chine a un vaste territoire et une forte population qui résiste au Japon. Il existe donc des conditions objectives pour développer la guerre de partisans dans les plaines et y créer des bases temporaires ; si, de plus, notre commandement est à la hauteur de sa tâche, nous devons évidemment considérer comme possible la création dans les plaines de bases mobiles, mais durables pour de petits détachements.

   Lorsque l’ennemi cessera son offensive stratégique et passera à la consolidation des territoires qu’il aura occupés, il ne fait aucun doute qu’il mènera une offensive acharnée contre toutes les bases de la guerre de partisans, et celles des plaines recevront naturellement les premiers coups.

   Il sera alors impossible aux grandes unités de partisans qui y opèrent de s’y maintenir longtemps et il leur faudra, dans la mesure où la situation l’exigera, se retirer progressivement dans les montagnes. Par exemple, elles se retireront des plaines du Hopei vers le Woutaichan et le Taihangchan et des plaines du Chantong dans le Taichan et la péninsule de Kiaotong.

   Toutefois, on laissera encore un grand nombre de petits détachements de partisans dispersés dans divers districts des vastes plaines ; ces détachements passeront à la tactique des opérations mobiles, en d’autres termes, ils utiliseront des bases mobiles, qui s’installeront tantôt ici, tantôt là. Les conditions de la guerre nationale n’excluent pas cette possibilité. Quant aux opérations de partisans de caractère saisonnier, sous le couvert de la végétation l’été et à la faveur des cours d’eau gelés l’hiver, nul doute qu’elles ne soient possibles.

   Comme l’ennemi n’a pas, à l’heure actuelle, les moyens de s’occuper des partisans et que même dans l’avenir il lui sera toujours difficile de s’en occuper suffisamment, il faut absolument s’orienter à présent, dans les plaines, vers un large développement de la guerre de partisans et vers la création de bases temporaires, et, dans l’avenir, s’orienter résolument vers une guerre de partisans avec de petits détachements du moins, une guerre de partisans de caractère saisonnier, et vers la création de bases mobiles.

Les régions de rivières, lacs et estuaires offrent, par leurs conditions objectives, de plus grandes possibilités que les plaines au développement de la guerre de partisans et à la création de bases d’appui ; et elles ne le cèdent, de ce point de vue, qu’aux régions montagneuses. Les innombrables combats dramatiques menés par les « pirates » et les « bandits des rivières » tout au long de notre histoire et la guerre de partisans soutenue durant plusieurs années dans la région du lac Honghou, au temps où notre armée s’appelait Armée rouge, tout cela montre qu’il est possible de développer la guerre de partisans et de créer des bases d’appui dans les régions de rivières, lacs et estuaires.

Cependant, les partis politiques et les masses qui résistent aux envahisseurs japonais continuent à accorder peu d’attention à ce problème. Bien que, dans ces régions, les conditions subjectives n’existent pas encore, il ne fait pas de doute que nous devons examiner très attentivement cette possibilité et nous mettre au travail.

   Une guerre de partisans efficace doit être organisée dans la région du lac Hongtseh au nord du Yangtsé, dans la région du lac Taihou au sud de ce fleuve, et dans toutes les régions de ports et d’estuaires des territoires que l’ennemi occupe le long des cours d’eau et du littoral, et, en outre, des bases d’appui durables doivent être créées à l’intérieur ou à proximité de ces régions ; ce sera un aspect du développement de la guerre de partisans dans tout le pays.

Perdre cela de vue signifierait offrir à l’ennemi la possibilité d’utiliser librement les communications par eau, ce qui serait évidemment une lacune dans le plan stratégique de la Guerre de Résistance. Il faut combler cette lacune à temps.

Section 2. Régions de partisans et bases d’appui

   Dans la guerre de partisans faite à l’arrière de l’ennemi, les régions de partisans se distinguent des bases d’appui. Les territoires qui sont encerclés par l’ennemi, mais qui ne sont pas occupés par lui ou qui ont déjà été libérés, par exemple certains districts de la région du Woutaichan (c’est-à-dire la région frontière du Chansi-Tchahar-Hopei) ainsi que certains secteurs des régions du Taihangchan et du Taichan, constituent déjà des bases d’appui toutes prêtes.

   En s’appuyant sur ces bases, les partisans peuvent commodément développer la guerre de partisans. Cependant, en d’autres endroits proches de ces bases, la situation est différente, par exemple, dans les parties est et nord de la région du Woutaichan, c’est-à-dire dans certains secteurs du Hopei de l’Ouest et du Tchahar du Sud, ainsi que dans de nombreux secteurs à l’est de Paoting et à l’ouest de Tsangtcheou, où les partisans, à l’étape initiale du développement de la guerre de partisans, ne peuvent pas encore occuper tout le territoire et doivent se limiter ordinairement à des raids.

   Ces régions appartiennent aux détachements de partisans dès qu’ils arrivent et se retrouvent au pouvoir du gouvernement fantoche quand ils s’en vont ; elles ne sont pas encore des bases de partisans, mais seulement ce qu’on appelle des régions de partisans.

Elles ne deviendront des bases d’appui qu’après avoir passé par les étapes indispensables de la guerre de partisans, lorsque des forces importantes de l’ennemi y auront été anéanties ou repoussées, que le pouvoir du gouvernement fantoche aura été balayé, que les masses populaires auront été éveillées à l’activité, que des organisations de masse pour la lutte contre les envahisseurs japonais et des forces armées populaires y auront été créées et qu’un pouvoir de Résistance y aura été instauré. L’adjonction de ces bases nouvelles à celles qui existent déjà constitue ce que l’on appelle l’élargissement des bases d’appui.

   Dans certains endroits, le territoire tout entier où opèrent les partisans a été au début une région de partisans. C’est, par exemple, le cas de la partie orientale de la province du Hopei. Depuis longtemps, des organes du pouvoir fantoche y existaient en même temps qu’y opéraient les forces armées de la population locale insurgée et des détachements de partisans envoyés de la région du Woutaichan. Au début, les partisans ne pouvaient que choisir de bonnes positions dans cette région pour en faire leurs arrières temporaires ou bases temporaires.

   C’est seulement quand les forces de l’ennemi sur ce territoire auront été anéanties et qu’on aura développé le travail pour mobiliser les masses populaires que cette situation caractéristique de la région de partisans prendra fin, et que le territoire deviendra une base d’appui, plus stable.

   On voit par là que la transformation d’une région de partisans en base d’appui est une œuvre qui demande beaucoup d’efforts et qui ne peut se réaliser que dans la mesure où les forces de l’ennemi sont anéanties et les masses mobilisées sur le territoire de cette région.

   Beaucoup d’endroits en resteront longtemps au stade de la région de partisans. L’ennemi fera bien tous ses efforts pour les maintenir sous son contrôle, mais il ne pourra pas y établir solidement le pouvoir fantoche ; de même, nous nous efforcerons de développer par tous les moyens la guerre de partisans, mais nous n’arriverons pas à y établir un pouvoir de Résistance. Les régions proches des voies ferrées et des grandes villes occupées par l’ennemi, ainsi que certaines régions de plaine en sont des exemples.

Quant aux grandes villes, aux gares de chemin de fer et à certaines régions de plaine que l’ennemi contrôle avec des forces importantes, la situation y est autre : les détachements de partisans peuvent seulement s’en approcher, mais ils ne peuvent y pénétrer, un pouvoir fantoche relativement stable y étant établi.

   A la suite d’erreurs dans notre travail de direction, ou sous une forte pression de l’ennemi, le processus inverse peut se dérouler : les bases d’appui se transforment en régions de partisans et les régions de partisans en régions relativement bien tenues par l’ennemi. Cette situation peut se produire, et les dirigeants de la guerre de partisans doivent être sur leurs gardes.

   Ainsi, du fait de la guerre de partisans et de notre lutte contre l’ennemi, le territoire occupé par l’ennemi peut se diviser en régions de trois types différents : le premier type, ce sont les bases d’appui antijaponaises qui sont entre les mains de nos détachements de partisans et sous le contrôle de notre pouvoir ; le deuxième type, ce sont les régions occupées qui restent aux mains des impérialistes japonais et du pouvoir fantoche ; le troisième type, ce sont les régions pour la possession desquelles les deux parties sont en lutte et qu’on appelle les régions de partisans.

   Les dirigeants de la guerre de partisans ont le devoir de faire tous leurs efforts pour élargir les régions du premier et du troisième type et pour réduire les régions du deuxième type. Telle est la tâche stratégique de la guerre de partisans.

Section 3. Conditions pour la création des bases d’appui

   Les conditions fondamentales pour créer une base d’appui, c’est d’avoir des forces armées antijaponaises et d’utiliser ces forces pour infliger des défaites à l’ennemi et soulever les masses populaires. Ainsi, le problème de la création des bases d’appui est avant tout un problème de forces armées.

Les dirigeants de la guerre de partisans doivent employer tous leurs efforts à former un ou même plusieurs détachements de partisans et en faire progressivement, au cours de la lutte, des corps de partisans, et éventuellement des unités et des corps de l’armée régulière. L’organisation des forces armées constitue le maillon essentiel dans la création de bases d’appui.

Sans ces forces, ou avec des forces trop faibles, rien ne pourra se faire. Telle est la première condition. La deuxième condition indispensable pour créer des bases d’appui est d’infliger des défaites à l’ennemi en utilisant les forces armées dans des actions menées en commun avec les masses populaires.

   Toute région contrôlée par l’ennemi est une base d’appui pour lui et non pour la guerre de partisans. Il va de soi qu’il est impossible de transformer une base d’appui de l’ennemi en une base d’appui de la guerre de partisans sans écraser l’ennemi. Et même des régions contrôlées par les partisans tomberont sous le contrôle de l’ennemi, si nous ne brisons pas ses attaques et ne parvenons pas à le vaincre, et alors il sera, là aussi, impossible de créer des bases d’appui.

   La troisième condition indispensable pour créer des bases d’appui, c’est de soulever les masses populaires en vue de la lutte contre les envahisseurs japonais en mettant en œuvre toutes nos énergies, forces armées comprises. C’est au cours de cette lutte qu’il faut armer le peuple, c’est-à-dire créer des forces d’autodéfense et des détachements de partisans.

C’est aussi au cours de cette lutte qu’il faut constituer des organisations de masse ; à mesure que s’accroissent la conscience politique et l’esprit combatif des ouvriers, des paysans, des jeunes, des femmes, des enfants, des commerçants, des membres des professions libérales, il convient de les unir dans les organisations correspondantes de lutte contre les envahisseurs japonais, et d’élargir progressivement ces organisations.

Si les masses ne sont pas organisées, elles ne peuvent pas manifester leur force dans la résistance au Japon. C’est encore au cours de cette lutte qu’il faut liquider tous les traîtres, cachés ou avoués, mais cela aussi n’est possible que si l’on s’appuie sur la force des masses populaires.

   Il est particulièrement important d’amener les masses populaires à créer ou à renforcer dans la lutte même les organes locaux du pouvoir antijaponais. Là où les anciens organes chinois du pouvoir n’ont pas été détruits par l’ennemi, il faut les réorganiser et les renforcer avec l’appui des larges masses populaires. Là où ils sont déjà détruits, il faut faire appel à l’effort des larges masses populaires pour les rétablir.

   Ce pouvoir doit appliquer la politique du front uni national antijaponais. Il doit unir toutes les forces du peuple contre l’ennemi unique : les impérialistes japonais et leurs laquais, les traîtres et les réactionnaires. Une base d’appui de la guerre de partisans ne peut être réellement établie qu’après la réalisation graduelle des trois conditions fondamentales : créer des forces armées antijaponaises, infliger des défaites à l’ennemi et mobiliser les masses populaires.

   Il faut mentionner en outre les conditions géographiques et économiques. Nous avons déjà abordé la question des conditions géographiques plus haut, à la section « Types de bases d’appui », en indiquant les trois catégories de conditions.

Nous nous contenterons de mentionner ici la condition principale : la nécessité d’un vaste territoire. Lorsque nous sommes cernés par l’ennemi des quatre côtés ou de trois seulement, les régions montagneuses nous offrent naturellement les meilleures conditions pour la création de bases d’appui durables ; mais ce qui est encore plus important, c’est l’existence d’un espace permettant aux détachements de partisans de manœuvrer, c’est-à-dire l’existence d’un territoire étendu.

   Si cette condition est remplie, la guerre de partisans peut se développer et se maintenir même dans les plaines, sans parler des régions de rivières, de lacs et d’estuaires. Par suite de l’étendue du territoire chinois et de l’insuffisance de l’ennemi en forces armées, la guerre de partisans en Chine bénéficie déjà en général de cette condition.

   Du point de vue de la possibilité de faire la guerre de partisans, cette condition est importante et même capitale. Dans les petits pays comme, par exemple, la Belgique, où cette condition n’existe pas, la possibilité de poursuivre une guerre de partisans est très réduite, voire nulle. Mais en Chine cette condition n’est pas à créer, elle ne pose pas de problème, nous la tenons de la nature et n’avons qu’à en profiter.

   Pour les conditions économiques en tant que telles, il en va de même que pour les conditions géographiques. Nous examinons pour l’instant le problème de la création de bases d’appui non pas dans les déserts car dans les déserts il n’y a pas d’ennemis mais à l’arrière de l’ennemi ; or, là où l’ennemi peut pénétrer, les Chinois vivent depuis très longtemps et il y existe de toute évidence une base économique de ravitaillement ; par conséquent, la question des conditions économiques permettant de créer des bases d’appui ne se pose pas.

Partout ou vivent des Chinois et où l’ennemi a pénétré, il faut s’efforcer, quelles que soient les conditions économiques, de développer la guerre de partisans et de créer des bases d’appui, permanentes ou temporaires.

   Au point de vue politique, par contre, les conditions économiques posent un problème, celui de la politique économique. C’est un problème d’une haute importance pour la création des bases d’appui. Notre politique économique dans les bases d’appui de la guerre de partisans doit se conformer aux principes du front uni national antijaponais, c’est-à-dire qu’il faut répartir rationnellement les charges de la guerre et protéger le commerce.

   En aucun cas, les pouvoirs locaux et les partisans ne doivent violer ces principes, sous peine d’exercer une influence négative sur la création des bases et sur la poursuite de la guerre de partisans. Une répartition rationnelle des charges de la guerre implique l’application du mot d’ordre « Que celui qui a de l’argent donne de l’argent ». Toutefois, les paysans doivent, dans une certaine mesure, approvisionner en vivres les détachements de partisans.

   La protection du commerce exige que les détachements de partisans observent une stricte discipline ; ils ne doivent absolument pas confisquer les entreprises commerciales, quelles qu’elles soient, à l’exception de celles qui appartiennent à des traîtres dont le crime a été dûment prouvé. C’est une chose difficile, mais cette politique a été décidée et il faut l’appliquer.

Section 4. Consolidation et élargissement des bases d’appui

   Pour enfermer l’ennemi, qui s’est introduit en Chine, à l’intérieur de ses points d’appui peu nombreux, c’est-à-dire dans les grandes villes et le long des principales voies de communication, il faut développer le plus possible la guerre de partisans dans toutes les directions à partir des bases de partisans, et faire pression sur tous les points d’appui de l’ennemi, de façon à menacer son existence et à ébranler le moral de son armée, et, en même temps, à élargir nos propres bases d’appui.

   C’est là une nécessité absolue. Il faut lutter contre l’esprit conservateur dans la conduite de la guerre de partisans.

   Qu’il ait son origine dans le désir d’une vie tranquille ou dans la surestimation des forces de l’ennemi, cet esprit conservateur nuit, dans l’un ou l’autre cas, à la cause de la Guerre de Résistance et exerce une influence négative sur la guerre de partisans et sur l’existence des bases d’appui elles-mêmes.

   En même temps, il ne faut pas oublier de consolider nos bases d’appui, ce qui comporte comme tâches principales la mobilisation et l’organisation des masses populaires, ainsi que l’instruction des détachements de partisans et des forces armées locales. La consolidation des bases d’appui est indispensable à la conduite d’une guerre de longue durée, elle est également indispensable à l’élargissement ultérieur des bases, car il n’est pas possible de leur donner une large expansion sans les consolider.

   Les détachements de partisans qui s’occuperaient uniquement d’élargir les bases d’appui, en oubliant de les consolider, seraient incapables de résister aux attaques de l’ennemi, et, par suite, ils ne perdraient pas seulement le territoire conquis lors de l’élargissement des bases, ils compromettraient encore l’existence même des bases.

Le principe juste est d’élargir les bases tout en les consolidant ; tel est le bon moyen pour s’assurer la possibilité de progresser avec succès dans l’offensive et de se défendre avec succès lors de la retraite.

   Du moment qu’il s’agit d’une guerre de longue durée, le problème de la consolidation et de l’élargissement des bases d’appui se pose en permanence devant chaque détachement de partisans.

   Sa solution concrète dépend des circonstances. Dans telle période, on mettra l’accent sur l’élargissement des bases, c’est-à-dire sur l’extension des régions de partisans et l’accroissement des détachements de partisans. Dans telle autre, on mettra l’accent sur la consolidation des bases, c’est-à-dire sur l’organisation des masses populaires et l’instruction des détachements armés.

   Comme la tâche d’élargissement et celle de consolidation sont de caractère différent, les dispositions militaires et les tâches correspondantes seront différentes, elles aussi. Ce problème ne peut être résolu avec succès que si l’on insiste sur l’une ou l’autre de ces deux tâches suivant le moment et la situation.

Section 5. Types d’encerclement réalisés par nous et par l’ennemi

   Si l’on considère la Guerre de Résistance dans son ensemble, il ne fait pas de doute que nous nous trouvons stratégiquement encerclés, puisque l’ennemi se livre à une offensive stratégique et opère à l’extérieur des lignes, et que nous sommes sur la défensive stratégique et opérons à l’intérieur des lignes. C’est le premier type d’encerclement de nos forces par l’ennemi.

Mais comme, de notre côté, nous adoptons à l’égard d’un ennemi qui, opérant à l’extérieur des lignes, marche sur nous en plusieurs colonnes le principe d’opérations offensives à l’extérieur des lignes dans les campagnes et les combats, nous pouvons encercler, avec des forces supérieures en nombre, chacune des colonnes ennemies qui progressent dans notre direction. C’est le premier type d’encerclement de l’ennemi par nous.

   D’autre part, si l’on considère les bases d’appui de la guerre de partisans situées à l’arrière de l’ennemi, chacune de ces bases isolées est cernée par l’ennemi soit des quatre côtés, comme la région du Woutaichan, soit de trois seulement, comme celle du nord-ouest du Chansi. C’est le deuxième type d’encerclement de nos forces par l’ennemi.

   Toutefois, si l’on considère toutes les bases de la guerre de partisans dans leurs liaisons mutuelles, et chaque base dans ses liaisons avec le front de l’armée régulière, on constate qu’un grand nombre d’unités ennemies sont encerclées par nous. Par exemple, dans la province du Chansi, nous avons déjà cerné de trois côtés (de l’est, de l’ouest et du sud) la ligne de chemin de fer Tatong-Poutcheou, et nous avons complètement investi la ville de Taiyuan ; dans les provinces du Hopei et du Chantong, on trouve également un grand nombre d’encerclements de ce genre.

C’est le deuxième type d’encerclement de l’ennemi par nous. Ainsi, ces deux types d’encerclement mutuel rappellent le jeu de weiki les campagnes et les combats que l’ennemi mène contre nous et que nous menons contre l’ennemi ressemblent à la prise des pions, et les points d’appui de l’ennemi et nos bases de partisans ressemblent aux « fenêtres » sur l’échiquier. La nécessité de se ménager des fenêtres montre toute l’importance du rôle stratégique des bases d’appui de la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi.

   L’examen de cette question au point de vue de la Guerre de Résistance nous montre que les autorités militaires supérieures du pays, d’une part, et les dirigeants de la guerre de partisans dans les différentes régions, d’autre part, doivent mettre à l’ordre du jour le développement de la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi et la création de bases d’appui partout où cela est possible, et qu’ils doivent passer à la réalisation de cette tâche en la considérant comme stratégique.

   Si nous réussissions, par notre action sur le plan international, à créer dans le Pacifique un front antijaponais auquel la Chine participerait en tant qu’unité stratégique et au sein duquel l’Union soviétique et les autres pays qui pourraient s’y intégrer constitueraient d’autres unités stratégiques, nous aurions sur l’ennemi l’avantage d’un encerclement de plus : il se créerait dans la région du Pacifique une ligne extérieure à partir de laquelle nous pourrions encercler et anéantir le Japon fasciste. Cette question n’a évidemment pas encore une portée pratique aujourd’hui, mais une telle perspective n’est pas exclue.

VII. Défense stratégique et attaque stratégique dans la guerre de partisans

   Le quatrième problème stratégique de la guerre de partisans concerne la défense stratégique et l’attaque stratégique. Il consiste à savoir comment, dans la guerre de partisans contre le Japon, appliquer concrètement, dans la défensive comme dans l’offensive, le principe des opérations offensives exposé ci-dessus à propos du premier problème.

   Dans la défense stratégique et l’attaque stratégique (il serait plus juste de dire la contre-attaque stratégique) à l’échelle nationale s’inscrivent la défense stratégique et l’attaque stratégique réalisées à petite échelle dans la région de chaque base d’appui de partisans et autour d’elle.

   Dans le premier cas, il s’agit de la situation stratégique qui se crée lorsque l’ennemi attaque et que nous sommes sur la défensive, et de notre stratégie pour cette période. Dans le second cas, il s’agit de la situation stratégique qui se crée lorsque l’ennemi est sur la défensive et que nous attaquons, et de notre stratégie pour cette période.

Section 1. La défense stratégique dans la guerre de partisans

   Lorsque la guerre de partisans aura commencé et atteint une certaine ampleur, et surtout lorsque l’ennemi aura mis fin à son offensive stratégique contre l’ensemble de notre pays et passé à la défense des territoires occupés, l’offensive de l’ennemi contre les bases d’appui de la guerre de partisans deviendra inéluctable.

Il est indispensable de le comprendre, car dans le cas contraire les dirigeants de la guerre de partisans ne se tiendraient pas sur leurs gardes, et face à une offensive sérieuse de l’ennemi, ils seraient saisis de panique et se feraient battre.

   Pour liquider la guerre de partisans et ses bases d’appui, l’ennemi aura souvent recours à l’attaque concentrique : par exemple, des expéditions punitives » ont déjà été lancées quatre ou cinq fois dans la région du Woutaichan, et pour chacune d’elles, le plan prévoyait une attaque simultanée conduite en trois ou quatre, et même en six ou sept colonnes.

L’ennemi attaquera les partisans et leurs bases d’appui avec un acharnement d’autant plus grand que la guerre de partisans se sera développée plus largement, que les bases d’appui en seront devenues plus importantes par leur position et que ses propres bases stratégiques et voies de communication importantes se trouveront plus menacées.

   Par conséquent, plus les attaques ennemies contre les partisans sont acharnées dans une région, plus les succès de la guerre de partisans s’y avèrent grands et plus sa coordination avec les opérations régulières s’y révèle efficace.

   Dans le cas d’une attaque concentrique de l’ennemi en plusieurs colonnes, le principe des opérations de partisans consiste à briser cette attaque concentrique en passant à la contre-attaque. Il est facile de la briser si les colonnes de l’ennemi qui avance ne représentent chacune qu’une unité, grande ou petite, sans forces d’appui, et s’il n’a pas la possibilité de laisser des garnisons, de construire des fortifications et des routes carrossables le long de sa ligne d’attaque. L’ennemi mène alors des opérations offensives et à l’extérieur des lignes, tandis que nous nous trouvons sur la défensive et opérons à l’intérieur des lignes.

   La disposition de nos troupes doit être calculée de façon à en utiliser une petite partie pour fixer les forces de plusieurs colonnes de l’ennemi, et à lancer nos forces principales contre une seule de ces colonnes, en adoptant dans nos campagnes et nos combats la méthode des attaques par surprise (essentiellement des embuscades) et en frappant l’ennemi pendant qu’il est en marche. Soumis à toute une série d’attaques par surprise, l’ennemi, quoique fort, s’affaiblit et souvent se replie sans avoir pu atteindre ses buts.

A ce moment, les détachements de partisans, tout en le poursuivant, peuvent continuer de l’affaiblir en lui portant des coups inattendus.

   Quand l’ennemi n’a pas encore arrêté son attaque ou qu’il n’a pas encore effectué son repli, il occupe toujours les chefs-lieux de district et les bourgs sur le territoire de nos bases d’appui.

En ce cas, nous devons encercler l’ennemi dans ces chefs-lieux de district ou ces bourgs, le couper de ses sources de ravitaillement et détruire ses voies de communication ; puis, lorsqu’il ne peut plus se maintenir et commence à se replier, c’est le moment à saisir pour le pourchasser. Une fois l’ennemi défait dans une direction, il faut porter rapidement nos forces dans une autre direction, et défaire ainsi par fractions l’ennemi qui se livre à une attaque concentrique.

   Une vaste base d’appui, comme par exemple la région du Woutaichan, constitue une « région militaire » qui se divise en quatre, cinq « sous-régions militaires » ou davantage, chacune comprenant des détachements armés opérant de façon indépendante. En appliquant les méthodes d’opérations décrites plus haut, ces détachements brisent ouvrent en même temps ou successivement les attaques de l’ennemi.

   Dans un plan d’opérations visant à repousser une attaque concentrique, nos forces principales sont généralement disposées à l’intérieur des lignes. Dans le cas où nous disposerions de forces suffisantes, il faut en utiliser une faible partie (par exemple des détachements de partisans de districts et d’arrondissements, et éventuellement, des unités détachées des forces principales) à l’extérieur des lignes pour détruire les voies de communication de l’ennemi et immobiliser ses renforts.

Si l’ennemi se maintient longtemps sur le territoire de nos bases d’appui, nous pouvons adopter une tactique inverse, c’est-à-dire laisser une partie de nos forces à l’intérieur de ces bases d’appui pour investir et harceler l’ennemi, et attaquer avec le gros de nos forces la région d’où il est venu, y développer notre activité militaire et contraindre de la sorte l’ennemi à se retirer de nos bases pour aller attaquer le gros de nos forces. C’est ce qu’on appelle « attaquer la principauté de Wei pour sauver celle de Tchao ».

[En l’an 353 av. J.­C., les troupes de la principauté de Wei assiégèrent la ville de Hantan, capitale de la principauté de Tchao. Le prince de Tsi ordonna à ses généraux Tien Ki et Souen Pin de porter secours à la principauté de Tchao.

Souen Pin, tenant compte de ce que les troupes d’élite de Wei combattaient dans la principauté de Tchao et que la principauté de Wei se trouvait sans défense, attaqua cette dernière. L’armée de Wei revint alors en arrière pour sauver son pays; les troupes du prince de Tsi, profitant de l’épuisement de l’armée ennemie, infligèrent à celle-ci une lourde défaite à Koueiling (dans la partie nord­est de l’actuel district de Hotseh, province du Chantong); ainsi, le siège fut levé devant la capitale de Tchao. Depuis lors, les stratèges chinois appellent toute tactique similaire la méthode d' »attaquer la principauté de Wei pour sauver celle de Tchao ».]

   Durant les opérations visant à briser une attaque concentrique de l’ennemi, les forces d’autodéfense antijaponaises locales et toutes les organisations locales de masse doivent être totalement mobilisées pour prendre part aux opérations ou activités militaires et aider par tous les moyens nos troupes dans la lutte contre l’ennemi.

Pour combattre l’ennemi, il est important de prendre deux mesures : décréter localement l’état de siège et, dans la mesure du possible, « consolider les remparts et vider les champs ». La première mesure est nécessaire pour réprimer l’activité des traîtres à la nation et priver l’ennemi de la possibilité d’obtenir des renseignements, la deuxième pour appuyer les opérations de nos troupes (consolider les remparts) et pour priver l’ennemi de ravitaillement (vider les champs). Par « vider les champs », il faut entendre rentrer la moisson dès qu’elle est mûre.

   Souvent, pendant sa retraite, l’ennemi brûle les maisons dans les villes qu’il abandonne et les villages situés le long de sa ligne de retraite, dans le but de ruiner les bases d’appui de la guerre de partisans, mais ce faisant, il se prive d’habitations et de ravitaillement lors de sa nouvelle attaque et se nuit à lui-même. C’est là un exemple concret qui montre comment une seule et même chose comporte deux aspects contraires.

   Les dirigeants de la guerre de partisans ne doivent pas envisager l’idée d’abandonner leur base d’appui et de passer à une autre, sans avoir effectué des tentatives répétées pour repousser la puissante attaque concentrique de l’ennemi et sans avoir acquis la conviction qu’il est impossible de la briser en cet endroit.

Dans de telles circonstances, il ne faut pas se laisser aller au pessimisme. En général, dans les régions montagneuses, il est toujours possible de briser l’attaque concentrique de l’ennemi et de tenir les bases d’appui, à condition toutefois que le commandement ne commette pas d’erreurs de principe.

Ce n’est que dans les régions de plaine et dans les conditions d’une forte attaque concentrique de l’ennemi qu’il faut, partant de la situation concrète, envisager la solution suivante : laisser dans cette région un grand nombre de petits détachements de partisans en vue d’opérations dispersées et transférer temporairement les grosses unités de partisans dans les régions montagneuses, de façon qu’elles puissent revenir déployer leurs activités dans les plaines après le départ des forces principales de l’ennemi.

   Par suite de la contradiction entre l’étendue du territoire de la Chine et l’insuffisance des forces de l’ennemi, ce dernier ne peut pas, en règle générale, recourir à la méthode de la « guerre de blockhaus », que le Kuomintang a appliquée dans la période de la guerre civile en Chine.

Nous devons cependant considérer que l’ennemi peut, dans une certaine mesure, se servir de cette méthode contre des bases de partisans qui menacent particulièrement ses points vitaux. Nous devons, même dans ce cas, être prêts à poursuivre fermement la guerre de partisans.

   Si nous avons été capables de poursuivre une guerre de partisans même dans les conditions de la guerre civile, il est certain que cela est d’autant plus réalisable dans une guerre nationale. Car même si l’ennemi parvient à mettre en ligne contre certaines de nos bases d’appui des forces d’une supériorité écrasante, en qualité comme en quantité, les contradictions nationales entre l’ennemi et nous n’en resteront pas moins entières et les fautes du commandement des troupes ennemies n’en seront pas moins inévitables.

Nos victoires sont fondées sur un sérieux travail parmi les masses et sur des méthodes de guerre pleines de souplesse.

Section 2. L’attaque stratégique dans la guerre de partisans

   Après que l’attaque de l’ennemi a été brisée et avant qu’il n’en entreprenne une nouvelle, il y a une période où il se trouve sur la défensive stratégique et où nous passons à l’offensive stratégique.

   En une telle période, notre ligne d’opérations ne consiste pas à attaquer un ennemi qui tient fermement ses positions défensives et e nous ne sommes pas sûrs de vaincre, mais à détruire ou à chasser systématiquement hors de régions déterminées les forces ennemies eu considérables et les troupes fantoches dont les détachements de partisans peuvent venir à bout ; de même, nous devons élargir les territoires occupés par nous, soulever les masses populaires dans la lutte contre l’envahisseur, compléter et instruire les détachements de partisans et en organiser de nouveaux.

Si, une fois ces tâches réalisées jusqu’à un certain point, l’ennemi est toujours sur la défensive, nous pouvons entreprendre un nouvel élargissement des régions occupées par nous, attaquer les villes et les voies de communication tenues par des forces ennemies peu importantes et les occuper pour un temps ou pour une longue période, suivant les circonstances.

   Telles sont les tâches de l’attaque stratégique, dont le but est de mettre à profit la période où l’ennemi se trouve sur la défensive pour accroître avec efficacité nos forces armées et la force des masses populaires, ainsi que pour réduire avec efficacité les forces de l’ennemi et pour nous mettre en mesure de briser, par des opérations planifiées et vigoureuses, la nouvelle attaque qu’entreprendra l’ennemi.

   Le repos et l’instruction des troupes sont nécessaires. La période où l’ennemi passe à la défensive est le meilleur moment pour le repos et l’instruction. Mais il ne s’agit pas de s’occuper exclusivement de cela, en se désintéressant de tout le reste ; il faut trouver du temps pour le repos et l’instruction au cours même de l’élargissement du territoire occupé par nous, de l’anéantissement des petites unités ennemies et du travail pour la mobilisation des masses. C’est habituellement à ce moment-là que l’on résout les difficultés dans l’approvisionnement en vivres, vêtements, couvertures, etc.

   C’est aussi le moment de détruire sur une vaste échelle les voies de communication de l’ennemi, de paralyser ses transports et d’apporter par là une aide directe aux troupes régulières au cours de leurs campagnes. Alors, dans toutes les bases de partisans, toutes les régions de partisans et tous les détachements de partisans, se manifeste un enthousiasme général, et les régions saccagées par l’ennemi se relèvent peu à peu des ruines et renaissent à la vie.

Dans les régions occupées par l’ennemi, les masses populaires s’en réjouissent aussi, partout s’étend le prestige des détachements de partisans.

   Dans le camp de l’ennemi et de ses laquais, les traîtres, grandit la panique, s’aggrave la désagrégation, en même temps que s’accroît la haine pour les partisans et les bases d’appui et que s’intensifient les préparatifs contre les partisans C’est pourquoi, lors de l’attaque stratégique, les dirigeants de la guerre de partisans doivent se garder de chanter victoire, de sous-estimer l’ennemi, de négliger le renforcement de l’union dans leurs rangs et la consolidation des bases et des détachements de partisans.

   En un tel moment, ils doivent savoir observer chaque mouvement de l’ennemi et découvrir les signes annonciateurs d’une nouvelle attaque, de façon à pouvoir, dès que celle-ci commence, mettre fin en bon ordre à leur attaque stratégique, passer à la défensive stratégique et briser au cours de celle-ci l’attaque de l’ennemi.

VIII. Passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement

   Le cinquième problème stratégique de la guerre de partisans contre le Japon est le passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement. La nécessité et la possibilité d’un tel passage découlent également de la longue durée et du caractère acharné de la guerre.

   En effet, si la Chine pouvait rapidement remporter la victoire sur les bandits japonais et recouvrer les territoires perdus et si, en conséquence, la guerre n’était pas longue et n’avait rien d’acharné, la transformation de la guerre de partisans en guerre de mouvement ne serait pas une nécessité.

   Mais comme, au contraire, la guerre se révèle longue et acharnée, on ne peut s’y adapter qu’à la condition de transformer la guerre de partisans en guerre de mouvement.

Dans la mesure où la guerre est longue et acharnée, elle permettra aux détachements de partisans d’acquérir la trempe nécessaire et de se transformer peu à peu en unités régulières ; en conséquence de quoi les formes de combat qu’ils utilisent se rapprocheront aussi, peu à peu, de celles des unités régulières, et la guerre de partisans se développera en guerre de mouvement.

   Les dirigeants de la guerre de partisans doivent voir clairement cette nécessité et cette possibilité, alors seulement ils pourront s’en tenir fermement à la ligne de la transformation de la guerre de partisans en guerre de mouvement et la mettre systématiquement en pratique. Actuellement, dans nombre de régions, par exemple dans la région A Woutaichan, la guerre de partisans doit son développement à l’envoi de forts détachements de l’armée régulière. Bien que les opérations militaires dans ces régions soient en général des opérations de partisans, elles contiennent cependant dès le début des éléments de la guerre de mouvement. Pour autant que la guerre se prolongera, ces éléments augmenteront progressivement.

   C’est en cela que consiste l’avantage de la présente guerre de partisans antijaponaise, avantage qui non seulement favorisera son développement rapide, mais encore l’élèvera rapidement à un niveau supérieur ; la présente guerre de partisans se fait dans des conditions nettement plus favorables que n’en ont connu les partisans des trois provinces du Nord-Est.

   La transformation des détachements de partisans, qui font actuellement une guerre de partisans, en des unités régulières, qui feront une guerre de mouvement, exige deux conditions : l’accroissement de leurs effectifs et l’élévation de leur qualité.

Pour accroître les effectifs, outre l’enrôlement direct de la population dans les détachements, on peut fusionner de petits détachements ; l’élévation de la qualité exige qu’au cours de la guerre les combattants se trempent et que leur armement soit amélioré.

   En procédant à la fusion des petits détachements, il faut, d’une part, se garder du régionalisme, qui ne compte qu’avec les intérêts locaux et s’oppose pour cela à cette fusion, et, d’autre part, lutter contre l’esprit purement militaire, qui ne tient pas compte des intérêts locaux.

Le régionalisme se manifeste au sein des détachements locaux de partisans et des organes locaux du pouvoir. Souvent, on s’y préoccupe uniquement des intérêts locaux et on oublie les intérêts généraux, ou bien, n’ayant pas l’habitude de l’action collective, on cherche à agir seul.

Les chefs des forces principales de partisans ou des corps de partisans doivent en tenir compte et appliquer une méthode de fusion progressive et partielle, de façon à laisser aux autorités locales des forces suffisantes pour le développement ultérieur des opérations de partisans. Pour réaliser la fusion des petites unités, il faut tout d’abord leur faire entreprendre des actions concertées, puis les intégrer dans les grandes unités sans toutefois détruire la structure organique de ces détachements et sans changer leurs cadres.

   A l’opposé du régionalisme, l’esprit purement militaire est le point de vue erroné de ceux qui, au sein des forces principales, cherchent uniquement à augmenter leurs unités sans se préoccuper d’aider les forces armées locales.

Ils ne comprennent pas que le passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement ne signifie point l’abandon de la guerre de partisans, mais la formation graduelle, au cours d’un large développement de la guerre de partisans, de forces principales qui soient capables de conduire une guerre de mouvement et autour desquelles doivent continuer à exister un grand nombre de détachements menant une guerre de partisans étendue.

   Ces nombreux détachements de partisans constituent une puissante force auxiliaire autour des forces principales et représentent en même temps une source intarissable pour l’accroissement ultérieur de celles-ci.

   C’est pourquoi un dirigeant de forces principales qui manifesterait un état d’esprit purement militaire, sans tenir compte des intérêts de la population locale et des organes locaux du pouvoir, aurait à surmonter cette erreur, afin qu’aux deux aspects de cette tâche l’élargissement des forces principales et l’accroissement du nombre de détachements armés locaux soit donnée la place qui leur revient.

   Pour élever la qualité des détachements de partisans, il faut effectuer un bon travail politique et d’organisation dans leurs rangs, améliorer leur équipement, leur technique militaire, leur tactique et renforcer leur discipline, en prenant progressivement modèle sur l’armée régulière et en éliminant les habitudes de partisans.

   Dans le domaine de l’éducation politique, il faut s’efforcer de faire comprendre aux commandants et aux combattants la nécessité d’élever les détachements de partisans au niveau des troupes régulières, il faut encourager tout le monde à travailler dans ce sens et assurer la réalisation de cet objectif par le travail politique.

   Dans le domaine du travail d’organisation, il faut pourvoir progressivement les détachements de partisans de tout ce que doit comporter une formation régulière, à savoir un appareil militaire et politique, des cadres militaires et politiques, des méthodes de travail correspondantes et un système permanent d’approvisionnement, de service sanitaire, etc.

   En ce qui concerne l’équipement, il faut améliorer la qualité et augmenter la variété de l’armement, et accroître les moyens de transmission indispensables. Dans le domaine de la technique militaire et de la tactique, il faut élever les détachements de partisans au niveau des corps de troupes régulières.

   Quant à la discipline, il faut en élever le niveau jusqu’à obtenir que des règles uniformes soient observées et que les ordres et instructions soient strictement exécutés ; il faut déraciner le laisser-aller et l’esprit d’indiscipline. L’accomplissement de ces tâches exige de longs efforts et n’est pas l’affaire d’un jour, mais c’est dans ce sens qu’il faut agir.

   C’est le seul moyen pour permettre à chaque base d’appui de la guerre de partisans de constituer des troupes régulières et d’accéder aux formes de la guerre de mouvement capables de frapper l’ennemi avec encore plus d’efficacité. Là où opèrent des détachements ou des cadres envoyés par l’armée régulière, il est relativement facile de parvenir à ce but. Il en résulte que toutes les troupes régulières ont l’obligation d’aider les détachements de partisans à se transformer en unités régulières.

IX. Rapports dans le commandement

   Le dernier problème stratégique de la guerre de partisans contre le Japon porte sur les rapports dans le commandement. Sa solution correcte est l’une des conditions nécessaires pour développer avec succès la guerre de partisans.

   Comme les détachements de partisans sont la forme inférieure d’organisation des forces armées et que leur caractéristique est l’éparpillement des opérations, la guerre de partisans ne permet pas le commandement hautement centralisé propre à la guerre régulière. Si l’on tente de transposer dans la guerre de partisans les méthodes de commandement de la guerre régulière, on restreindra inévitablement la grande mobilité de la guerre de partisans, et celle-ci perdra son dynamisme.

   Le haut degré de centralisation du commandement est en contradiction directe avec cette grande mobilité. Non seulement il ne convient pas, mais encore il est impossible d’appliquer un système de commandement hautement centralisé à la guerre de partisans, caractérisée par sa grande mobilité.

   Cela ne signifie cependant pas que la guerre de partisans puisse se développer avec succès sans aucun commandement centralisé. Dans les conditions où de vastes opérations de partisans et de vastes opérations régulières sont en cours en même temps, une coordination appropriée est indispensable entre elles.

Il faut alors un commandement pour coordonner les opérations régulières avec les opérations de partisans, il faut, en d’autres termes, une direction stratégique unique assurée par l’état-major général et les commandements des zones d’opérations.

   Lorsqu’il existe dans une région ou une base de partisans un grand nombre d’unités de partisans parmi lesquelles il y a d’ordinaire un ou plusieurs corps principaux de partisans (parfois des corps de l’armée régulière y opèrent aussi) et nombre de détachements de partisans, grands et petits, jouant un rôle auxiliaire et qu’il s’y trouve de nombreuses forces armées de la population non détachées de la production, l’ennemi adopte généralement un dispositif unique pour toutes ses forces en vue d’une action concertée contre les partisans.

   C’est pourquoi, dans de telles régions de partisans ou bases d’appui, se pose le problème d’un commandement unique, c’est-à-dire d’un commandement centralisé.

   Il en résulte que le principe du commandement dans la guerre de partisans consiste, d’une part, à s’opposer à la centralisation absolue et, d’autre part, à s’opposer à la décentralisation absolue ; il exige un commandement centralisé en stratégie et un commandement décentralisé dans les campagnes et les combats.

   Le commandement centralisé en stratégie implique : à l’échelle nationale, l’établissement du plan d’ensemble et la direction générale des opérations de partisans, la coordination des opérations de partisans et des opérations régulières dans chaque zone de guerre, et enfin, dans chaque région de partisans et dans chaque base d’appui, la direction unique de toutes les forces armées antijaponaises.

   Ici, l’absence d’accord et d’unité, l’absence de centralisation est nuisible, et c’est pourquoi il faut réaliser par tous les moyens l’accord, l’unité et la centralisation. Pour toutes les questions générales, c’est-à-dire les questions d’ordre stratégique, les échelons inférieurs doivent en référer aux échelons supérieurs et se soumettre à leur direction pour réaliser une coordination efficace.

   Mais la centralisation du commandement doit s’en tenir là. Franchir ces limites, s’ingérer dans le détail concret des affaires des échelons inférieurs, par exemple dans les dispositions spécifiques d’une campagne ou d’un combat, est tout aussi nuisible.

   Les affaires concrètes doivent en fait être réglées en fonction des situations concrètes qui varient selon le temps et le lieu et ne peuvent être connues des échelons supérieurs, fort éloignés. Cela exige la décentralisation du commandement dans les campagnes et les combats. Ce principe s’applique également, d’une façon générale, aux opérations régulières, surtout si les moyens de transmission sont insuffisants.

   En un mot, nous sommes pour des opérations de partisans menées avec indépendance et initiative, sous un commandement stratégique unique. Il se crée, dans les bases de partisans, une région militaire qui se divise en plusieurs sous-régions militaires ; chacune de celles-ci se subdivise en districts et chaque district en arrondissements.

   A cette division correspond un système de subordination respective des autorités, de celles de l’arrondissement à celles du district, de celles du district au commandement de la sous-région militaire, de celui-ci au commandement de la région militaire, et les forces armées sont subordonnées à ces différents échelons suivant leur caractère.

Les rapports entre les échelons ci-dessus s’établissent conformément au principe énoncé plus haut, de façon que la ligne de conduite générale soit fixée car l’échelon supérieur et l’action concrète entreprise, selon les données de la situation concrète, par les échelons inférieurs, qui ont ici le droit d’agir indépendamment.

   Lorsque l’échelon supérieur a des remarques à faire à l’échelon inférieur à propos d’une action concrète, il peut et doit les exprimer sous forme d’ »instructions », mais jamais sous forme d’ « ordres » catégoriques. Plus la région est étendue, la situation complexe et l’échelon supérieur éloigné, plus le commandement local doit avoir de liberté dans l’action concrète, pour adapter celle-ci plus étroitement aux conditions locales et aux exigences de la situation locale.

   Cela est nécessaire pour permettre aux échelons inférieurs et au personnel local de développer leur aptitude à travailler dans l’indépendance, à faire face à des situations complexes et à mener avec succès la guerre de partisans.

Si une unité ou un corps est engagé dans une action unique, les rapports dans le commandement s’y établissent sur le principe de la centralisation, car le commandement supérieur est alors au courant de la situation ; mais si cette unité ou ce corps passe aux opérations dispersées, c’est le principe de la centralisation pour les questions générales et de la décentralisation pour les questions concrètes qui s’applique, car la situation concrète ne peut alors être suivie par le commandement supérieur.

Si ce qui doit être centralisé ne l’est pas, cela indique que les échelons supérieurs ont manqué à leur devoir et que les échelons inférieurs ont outrepassé leurs pouvoirs. Cela est inadmissible dans les rapports d’un échelon supérieur quelconque avec un échelon inférieur, et particulièrement entre échelons militaires. Si ce qui doit être décentralisé ne l’est pas, cela indique que les échelons supérieurs monopolisent le pouvoir et que les échelons inférieurs n’ont pas d initiative.

Cela est également inadmissible dans les rapports d’un échelon supérieur avec un échelon inférieur, et tout particulièrement dans les rapports de commandement dans la guerre de partisans. Le problème des rapports de commandement ne peut être résolu correctement que sur la base du principe exposé ci-dessus.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : A propos des méthodes de direction

1943

1. Il y a deux méthodes que nous, communistes, devons appliquer dans n’importe quel travail : l’une consiste à lier le général au particulier, l’autre, à lier la direction aux masses.

2. Pour l’accomplissement de quelque tâche que ce soit, il est impossible, sans lancer un appel général, d’entraîner les masses à l’action.

   Mais si les dirigeants se bornent à cet appel, s’ils ne s’occupent pas personnellement, de façon concrète et approfondie, dans quelques-unes des organisations, de l’exécution du travail pour lequel ils ont lancé l’appel – en sorte que, après avoir obtenu un premier résultat, ils puissent, grâce à l’expérience acquise, orienter le travail dans les autres secteurs qu’ils dirigent -, ils ne seront pas à même de vérifier si l’appel général est juste, ni d’enrichir son contenu ; et cet appel général risque alors de n’aboutir à rien.

   Ainsi, en 1942, au cours du mouvement de rectification, des succès ont été remportés là où on a su lier l’appel général à une direction concrète dans tel ou tel secteur particulier ; en revanche, là où on n’a pas adopté cette méthode, aucun succès n’a été obtenu.

   En 1943, au cours du même mouvement, les bureaux et sous-bureaux du Comité central, les comités régionaux et préfectoraux du Parti doivent, afin d’acquérir de l’expérience, procéder comme suit :

   Tout en lançant un appel général (le plan du mouvement pour l’année), ils choisiront dans leur propre organisme, ainsi que dans les organismes, les écoles et les forces armées du voisinage, deux ou trois unités (il n’est pas nécessaire d’en prendre beaucoup) qu’ils soumettront à une étude approfondie, pour saisir dans le détail comment s’y déroule le mouvement de rectification et pour examiner de près le cas de quelques membres représentatifs du personnel (là non plus il n’est pas nécessaire d’en prendre beaucoup), examen qui portera sur leur passé politique, leurs caractéristiques idéologiques, leur application à l’étude et la qualité de leur travail ; ils guideront eux-mêmes les responsables de ces unités dans la recherche d’une solution concrète des questions pratiques.

   Les responsables de chaque organisme, école ou unité de l’armée doivent procéder de la même manière, puisque ceux-ci se composent à leur tour d’un certain nombre d’unités plus petites.

   C’est là aussi une méthode qui permet d’apprendre tout en dirigeant.

   Aucun responsable ne peut assumer la direction générale des unités qui lui sont confiées s’il n’acquiert pas l’expérience pratique dans quelques-unes d’entre elles, auprès de certaines personnes et sur des questions déterminées.

   Il faut populariser largement cette méthode, afin que les cadres dirigeants à tous les échelons sachent l’appliquer.

3. L’expérience de 1942 a par ailleurs démontré que, pour assurer le succès du mouvement de rectification, il est nécessaire, au cours même du mouvement, de former dans chaque unité un groupe dirigeant composé d’un petit nombre d’éléments actifs réunis autour du principal responsable et d’assurer la liaison étroite de ce groupe dirigeant avec les larges masses qui participent au mouvement.

   Si actif que soit le groupe dirigeant, son activité se réduirait à l’effort infécond d’une poignée de gens, si elle n’était pas liée avec celle des larges masses.

   Mais, d’autre part, l’activité des larges masses qui n’est pas orientée comme il convient par un fort groupe dirigeant ne peut se maintenir longtemps, ni se développer dans une direction juste et s’élever à un niveau supérieur.

   Les masses, en tout lieu, comprennent grosso modo trois sortes d’éléments : ceux qui sont relativement actifs, ceux qui sont relativement arriérés et ceux qui sont entre les deux.

   C’est pourquoi les dirigeants doivent être capables de réunir autour d’eux le petit nombre des éléments actifs et s’appuyer sur ces derniers pour élever le niveau des éléments intermédiaires et rallier les éléments arriérés. Un groupe dirigeant vraiment uni et lié aux masses se constituera progressivement, dans la lutte même des masses et non à l’écart de celle-ci.

   Dans la majorité des cas, le groupe dirigeant ne doit ni ne peut rester immuable dans sa composition du début à la fin d’une grande lutte ; il faut promouvoir continuellement les éléments actifs qui se sont distingués au cours de la lutte et les substituer aux membres du groupe dirigeant qui sont comparativement moins qualifiés ou qui ont dégénéré.

   L’une des raisons essentielles pour laquelle, en bien des endroits et dans nombre d’organismes, on n’arrive pas à faire progresser le travail, c’est l’absence d’un tel groupe dirigeant, solidement uni, lié aux masses et qui demeure constamment sain.

   Si, par exemple, dans une école d’une centaine de personnes, il n’existe pas de groupe dirigeant constitué en fonction de la situation (et non pas formé arbitrairement), composé de quelques-uns, parfois un peu plus d’une dizaine, des éléments les plus actifs, les plus droits et les plus capables parmi les enseignants, les employés et les élèves, cette école fonctionnera certainement mal.

   L’indication relative à la création d’un noyau dirigeant, formulée par Staline dans la neuvième des douze conditions de la bolchévisation des partis communistes1, nous devons l’appliquer partout, sans exception, dans les organismes, les écoles, les unités de l’armée, les usines, les villages, qu’ils soient grands ou petits.

   Le choix des membres d’un tel groupe dirigeant doit avoir pour critère les quatre conditions qu’a formulées Dimitrov en parlant de la politique des cadres : dévouement le plus profond, liaison avec les masses, capacité de s’orienter par soi-même dans toutes les situations, esprit de discipline2.

   Que l’on accomplisse une des tâches centrales – guerre, production, éducation (mouvement de rectification compris) – ou d’autres tâches, comme le contrôle du travail, la vérification des cadres, il faut, tout en liant l’appel général à une direction concrète dans tel ou tel secteur particulier, assurer la liaison du groupe dirigeant avec les larges masses.

4. Dans toute activité pratique de notre Parti, une direction juste doit se fonder sur le principe suivant : partir des masses pour retourner aux masses. Cela signifie qu’il faut recueillir les idées des masses (qui sont dispersées, non systématiques), les concentrer (en idées généralisées et systématisées, après étude), puis aller de nouveau dans les masses pour les diffuser et les expliquer, faire en sorte que les masses les assimilent, y adhèrent fermement et les traduisent en action, et vérifier dans l’action même des masses la justesse de ces idées.

   Puis, il faut encore une fois concentrer les idées des masses et les leur retransmettre pour qu’elles soient mises résolument en pratique.

   Et le même processus se poursuivra indéfiniment, ces idées devenant toujours plus justes, plus vivantes et plus riches. Voilà la théorie marxiste de la connaissance.

5. Des rapports justes doivent s’établir entre le groupe dirigeant et les larges masses, que ce soit dans une organisation ou au cours d’une lutte ; la direction ne peut formuler des idées justes que si elle recueille les idées des masses et les concentre, puis les retransmet aux masses, afin qu’elles les appliquent fermement ; en mettant en pratique les idées de l’organisme dirigeant, il faut lier l’appel général à une direction concrète dans tel ou tel secteur particulier.

   Au cours du mouvement actuel de rectification, toutes ces conceptions doivent être largement propagées, afin que nos cadres puissent corriger leurs points de vue erronés à propos des méthodes de direction.

   Beaucoup de camarades ne s’attachent pas à unir autour d’eux les éléments actifs pour former un noyau dirigeant ou ne sont pas capables de le faire ; ils ne s’attachent pas à établir un lien étroit entre ce noyau dirigeant et les larges masses ou ne sont pas capables de le faire ; c’est pourquoi leur direction devient bureaucratique et se coupe des masses.

   Beaucoup de camarades ne s’attachent pas à dresser le bilan de l’expérience acquise dans la lutte des masses ou ne sont pas capables de le faire ; se croyant intelligents, ils aiment exposer de manière subjective une foule d’opinions qui se réduisent, en fait, à des paroles creuses et qui n’ont aucun rapport avec la réalité.

   Beaucoup de camarades se contentent de lancer un appel général pour l’accomplissement d’une tâche et ne s’attachent pas à passer immédiatement à un travail de direction particulier et concret ou ne sont pas capables de le faire, de sorte que leur appel reste sur leurs lèvres, sur le papier ou dans la salle de conférence, et leur travail de direction tombe dans le bureaucratisme.

   Au cours du mouvement actuel de rectification, nous devons corriger ces défauts et apprendre à employer, dans notre étude comme dans le contrôle du travail et la vérification des cadres, les méthodes suivantes : lier la direction aux masses et lier le général au particulier. Nous appliquerons ces méthodes dans tout travail que nous ferons.

6. Recueillir les idées des masses et les concentrer, puis les retransmettre aux masses, afin qu’elles les appliquent fermement, et parvenir ainsi à élaborer de justes idées pour le travail de direction : telle est la méthode fondamentale de direction.

   Au cours du processus de concentration des idées et de leur ferme application, il faut lier l’appel général à une direction concrète dans tel ou tel secteur particulier ; cela fait partie intégrante de la méthode fondamentale.

   Il faut, à partir de nombreux cas de direction concrète, formuler des idées générales (appel général), les mettre à l’épreuve dans beaucoup d’unités différentes (non seulement il faut le faire soi-même, mais également inviter les autres à le faire), puis concentrer les nouvelles expériences (en faire le bilan) et élaborer des directives nouvelles pour guider partout les masses.

   Nos camarades doivent procéder ainsi au cours du mouvement actuel de rectification, de même que dans tout autre travail. Une bonne direction découle de l’aptitude des dirigeants à procéder selon cette méthode.

7. Lorsqu’un organisme dirigeant supérieur et ses différents services confient aux échelons inférieurs une tâche quelconque (guerre révolutionnaire, production ou éducation ; mouvement de rectification, contrôle du travail ou vérification des cadres ; travail de propagande, travail d’organisation ou élimination des éléments hostiles ; etc.), ils doivent passer par les principaux responsables de l’organisme inférieur intéressé, pour que ceux-ci prennent eux-mêmes leurs responsabilités ; on parviendra ainsi à une division du travail en même temps qu’à une direction unique (centralisation de l’autorité).

   Il ne faut pas seulement qu’un service d’un organisme supérieur prenne contact avec le service correspondant de l’échelon inférieur (par exemple, un bureau de l’échelon supérieur, chargé de l’organisation, de la propagande ou de l’élimination des éléments hostiles, avec le bureau correspondant de l’échelon inférieur), ce qui laisse dans l’ignorance le principal responsable de l’organisme inférieur (par exemple, le secrétaire, le président, le chef d’un département ou le directeur d’une école) ou l’empêche d’assumer ses responsabilités.

   Il faut que le principal responsable et les personnes responsables qui lui sont immédiatement subordonnées soient tous informés de la tâche assignée et répondent de son exécution.

   Cette méthode de centralisation de l’autorité, qui associe la division du travail à une direction unique, permet, par l’intermédiaire du principal responsable, de mobiliser pour une tâche donnée un grand nombre de cadres, parfois même tout le personnel d’un organisme ; ainsi, on pourra remédier au manque de cadres dans tel ou tel service et faire qu’un grand nombre de personnes deviennent des cadres actifs dans l’accomplissement de cette tâche.

   C’est là encore une manière de lier la direction aux masses.

   Prenons, par exemple, la vérification des cadres.

   Si ce travail se fait isolément, s’il est confié seulement à un petit nombre de personnes d’une section de l’organisme dirigeant comme le bureau d’organisation, il ne sera sûrement pas bien accompli ; mais si, pour procéder à cette vérification, le chef d’un organisme ou d’une école mobilise un grand nombre de personnes de son organisme ou d’étudiants de son établissement, voire parfois tout le personnel ou tous les étudiants, et si le chef du bureau d’organisation de l’échelon supérieur oriente convenablement ce travail et applique le principe qui consiste à lier la direction aux masses, la vérification des cadres sera sûrement faite de façon satisfaisante.

8. Dans une région, il ne saurait y avoir en même temps plusieurs tâches centrales ; pour une période donnée, il ne peut y en avoir qu’une seule, à laquelle s’ajoutent d’autres tâches de deuxième ou de troisième ordre.

   C’est pourquoi le principal responsable d’une région doit, en tenant compte de l’histoire et des circonstances de la lutte dans cette région, accorder à chacune des tâches la place qui lui revient ; il ne doit pas agir sans aucun plan, en passant d’une tâche à l’autre à mesure que les instructions lui parviennent, car cela donnerait lieu à autant de « tâches centrales » et aboutirait à la confusion et au désordre.

   Les organismes supérieurs, pour leur part, ne doivent pas assigner aux organismes inférieurs beaucoup de tâches à la fois sans les classer selon leur degré d’importance et d’urgence et sans spécifier laquelle est la tâche centrale ; car cela désorganiserait le travail des organismes inférieurs et les empêcherait d’obtenir les résultats prévus.

   Un dirigeant doit considérer la situation dans son ensemble, à la lumière des conditions historiques et des circonstances dans une région donnée, déterminer correctement le centre de gravité et l’ordonnance du travail pour chacune des périodes envisagées, puis faire appliquer fermement la décision prise afin que des résultats certains soient obtenus ; cela relève de l’art de diriger.

   C’est également une question de méthode de direction qu’il faut chercher à résoudre lorsqu’on applique les principes : lier la direction aux masses et lier le général au particulier.

9. Nous n’allons pas épuiser ici tous les éléments du problème des méthodes de direction, mais nous espérons qu’à la lumière des principes qui viennent d’être exposés les camarades, dans les différentes régions, se livreront à de sérieuses réflexions et feront appel à leur faculté créatrice.

   Plus la lutte est ardue, plus il importe que les communistes lient étroitement leur travail de direction aux exigences des larges masses et leur appel général à une direction concrète dans tel ou tel secteur particulier, pour qu’on en finisse définitivement avec les méthodes de direction subjectivistes et bureaucratiques.

   Tous les camarades du Parti qui assument une fonction dirigeante doivent, à chaque instant, opposer les méthodes de direction scientifiques, marxistes, aux méthodes subjectivistes, bureaucratiques, et se servir des premières pour éliminer les secondes.

   Les subjectivistes et les bureaucrates ne connaissent pas les principes qui consistent à lier la direction aux masses et le général au particulier, ce qui entrave considérablement le travail de notre Parti.

   Pour combattre ces méthodes de direction subjectivistes et bureaucratiques, nous devons propager largement et faire pénétrer en profondeur les méthodes de direction scientifiques, marxistes.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : Déclaration pour soutenir la lutte des Afro-américains contre la répression par la violence

   Déclaration du camarade Mao Zedong, président du Comité central du Parti communiste chinois pour soutenir la lutte des Afro-américains contre la répression par la violence, 16 avril 1968

   Il y a quelques jours, le pasteur afro-américain Martin Luther King a été soudainement assassiné par les impérialistes américains. II était pour la non-violence. Mais les impérialistes américains ne l’ont pas épargné pour autant ; ils ont, au contraire, usé de la violence contre-révolutionnaire et l’ont fait périr sous les coups sanglants de la répression.

Cet événement a été une profonde leçon pour les masses afro-américaines. Il a déchaîné dans leur lutte contre la violence répressive une nouvelle tempête qui balaie plus d’une centaine de villes américaines ; voilà qui est sans précédent dans l’histoire des Etats-Unis. C’est une preuve manifeste de la prodigieuse force révolutionnaire que recèlent les Afro-américains, qui sont plus de 20 millions.

Qu’une telle lutte fasse rage aux Etats-Unis est une manifestation éclatante de l’ensemble de la crise politique et économique que connait aujourd’hui l’impérialisme américain. C’est un rude coup porté à ce dernier ; qui est aux prises avec de multiples difficultés intérieures et extérieures.

Cette lutte n’est pas seulement une lutte pour la liberté et l’émancipation menée par les Afro-américains exploités et opprimés ; elle est aussi un nouvel appel de clairon dans la lutte de tous les Américains exploités et opprimés contre la féroce domination de la bourgeoisie monopoliste. Elle constitue pour tous les peuples du monde comme pour le peuple vietnamien un puissant soutien et un immense encouragement dans leur lutte contre l’impérialisme américain. Au nom du peuple chinois, j’exprime mon ferme soutien à la juste lutte des Afro-américains.

La discrimination raciale qui sévit aux Etats-Unis est un produit du système colonialiste et impérialiste. La contradiction entre les masses afro-américaines et la clique dominante de ce pays est une contradiction de classes. Ce n’est que par le renversement de la domination réactionnaire de la bourgeoisie monopoliste américaine et la destruction du système colonialiste et impérialiste que les Afro-américains parviendront à une émancipation totale.

Les masses afro-américaines et les travailleurs blancs des Etats-Unis ont des intérêts et des objectifs de lutte communs. Aussi la lutte des Afro-américains bénéficie-t-elle de la sympathie et du soutien d’un nombre toujours croissant de travailleurs et de progressistes blancs du pays. Cette lutte s’unira nécessairement avec le mouvement ouvrier américain : ainsi sera-t-il mis fin, une fois pour toutes, à la domination criminelle de la bourgeoisie monopoliste des Etats-Unis.

Je soulignais, en 1963, dans ma « Déclaration pour soutenir les Afro-américains dans leur juste lutte contre la discrimination raciale pratiquée par l’impérialisme américain », que « l’exécrable système colonialiste et impérialiste, dont la prospérité a débuté avec l’asservissement et la traite des Noirs, disparaîtra avec l’émancipation complète des Noirs ». Je maintiens toujours ce point de vue.

A l’heure actuelle, la révolution mondiale est entrée dans une nouvelle et grande époque. La lutte des Afro-américains pour l’émancipation est une composante de la lutte générale des peuples du monde contre l’impérialisme américain, une composante de la révolution mondiale de notre temps. J’appelle les ouvriers, les paysans et les intellectuels révolutionnaires de tous les pays ainsi que tous ceux qui veulent combattre l’impérialisme américain à passer à l’action et à manifester une puissante solidarité aux Afro-américains en lutte.

Peuples du monde, unissez-vous plus étroitement encore, lancez des attaques violentes et soutenues contre notre ennemi commun, l’impérialisme américain, et contre ses complices ! On peut affirmer que le jour n’est plus éloigné qui verra l’effondrement total du colonialisme, de l’impérialisme et de tous les systèmes d’exploitation, ainsi que l’émancipation complète des peuples et des nations opprimés du monde entier.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : Contre le libéralisme

7 Septembre 1937

   Nous sommes pour la lutte idéologique positive, car elle est l’arme qui assure l’unité à l’intérieur du Parti et des groupements révolutionnaires dans l’intérêt de notre combat. Tout communiste et révolutionnaire doit prendre cette arme en main.

   Le libéralisme, lui, rejette la lutte idéologique et préconise une entente sans principes ; il en résulte un style de travail décadent et philistin qui, dans le Parti et les groupements révolutionnaires, conduit certaines organisations et certains membres à la dégénérescence politique.

   Le libéralisme se manifeste sous diverses formes.

   On sait très bien que quelqu’un est dans son tort, mais comme c’est une vieille connaissance, un compatriote, un camarade d’école, un ami intime, une personne aimée, un ancien collègue ou subordonné, on n’engage pas avec lui une discussion sur les principes et on laisse aller les choses par souci de maintenir la bonne entente et l’amitié.

   Ou bien, on ne fait qu’effleurer la question au lieu de la trancher, afin de rester en bons termes avec l’intéressé. Il en résulte qu’on fait du tort à la collectivité comme à celui-ci. C’est une première forme de libéralisme.

   On se livre, en privé, à des critiques dont on n’assume pas la responsabilité au lieu de s’employer à faire des suggestions à l’organisation.

   On ne dit rien aux gens en face, on fait des cancans derrière leur dos ; on se tait à la réunion, on parle à tort et à travers après. On se moque du principe de la vie collective, on n’en fait qu’à sa tête. C’est une deuxième forme de libéralisme.

   On se désintéresse complètement de tout ce qui ne vous concerne pas ; même si l’on sait très bien ce qui ne va pas, on en parle le moins possible ; en homme sage, on se met à l’abri et on a pour seul souci de n’être pas pris soi-même en défaut. C’en est la troisième forme.

   On n’obéit pas aux ordres, on place ses opinions personnelles au-dessus de tout. On n’attend que des égards de l’organisation et on ne veut pas de sa discipline. C’en est la quatrième forme.

   Au lieu de réfuter, de combattre les opinions erronées dans l’intérêt de l’union, du progrès et du bon accomplissement du travail, on lance des attaques personnelles, on cherche querelle, on exhale son ressentiment, on essaie de se venger. C’en est la cinquième forme.

   On entend des opinions erronées sans élever d’objection, on laisse même passer des propos contre-révolutionnaires sans les signaler : on les prend avec calme, comme si de rien n’était. C’en est la sixième forme.

   On se trouve avec les masses, mais on ne fait pas de propagande, pas d’agitation, on ne prend pas la parole, on ne s’informe pas, on ne questionne pas, on n’a pas à cœur le sort du peuple, on reste dans l’indifférence, oubliant qu’on est un communiste et non un simple particulier. C’en est la septième forme.

   On voit quelqu’un commettre des actes nuisibles aux intérêts des masses, mais on n’en est pas indigné, on ne l’en détourne pas, on ne l’en empêche pas, on n’entreprend pas de l’éclairer sur ce qu’il fait et on le laisse continuer. C’en est la huitième forme.

   On ne travaille pas sérieusement mais pour la forme, sans plan ni orientation, cahin-caha : « Bonze, je sonne les cloches au jour le jour ». C’en est la neuvième forme.

   On croit avoir rendu des services à la révolution et on se donne des airs de vétéran ; on est incapable de faire de grandes choses, mais on dédaigne les tâches mineures ; on se relâche dans le travail et dans l’étude. C’en est la dixième forme.

   On a commis des erreurs, on s’en rend compte, mais on n’a pas envie de les corriger, faisant preuve ainsi de libéralisme envers soi-même. C’en est la onzième forme.

   Nous pourrions en citer d’autres encore, mais ces onze formes sont les principales.

   Elles sont toutes des manifestations du libéralisme.

   Le libéralisme est extrêmement nuisible dans les collectivités révolutionnaires. C’est un corrosif qui ronge l’unité, relâche les liens de solidarité, engendre la passivité dans le travail, crée des divergences d’opinions.

   Il prive les rangs de la révolution d’une organisation solide et d’une discipline rigoureuse, empêche l’application intégrale de la politique et coupe les organisations du Parti des masses populaires placées sous la direction du Parti.

   C’est une tendance des plus pernicieuses.

   Le libéralisme a pour cause l’égoïsme de la petite bourgeoisie qui met au premier plan les intérêts personnels et relègue au second ceux de la révolution ; d’où ses manifestations sur le plan idéologique, politique ainsi que dans le domaine de l’organisation.

   Ceux qui sont imbus de libéralisme considèrent les principes du marxisme comme des dogmes abstraits. Ils approuvent le marxisme, mais ne sont pas disposés à le mettre en pratique ou à le mettre intégralement en pratique ; ils ne sont pas disposés à remplacer leur libéralisme par le marxisme.

   Ils ont fait provision de l’un comme de l’autre : ils ont le marxisme à la bouche, mais pratiquent le libéralisme ; ils appliquent le premier aux autres, le second à eux-mêmes. Ils ont les deux articles et chacun a son usage. Telle est la façon de penser de certaines gens.

   Le libéralisme est une manifestation de l’opportunisme, il est en conflit radical avec le marxisme. Il est négatif et aide en fait l’ennemi, qui se réjouit de le voir se maintenir parmi nous. Le libéralisme étant ce qu’il est, il ne saurait avoir sa place dans les rangs de la révolution.

   Nous devons vaincre le libéralisme, qui est négatif, par le marxisme, dont l’esprit est positif.

   Un communiste doit être franc et ouvert, dévoué et actif ; il placera les intérêts de la révolution au-dessus de sa propre vie et leur subordonnera ses intérêts personnels. Il doit toujours et partout s’en tenir fermement aux principes justes et mener une lutte inlassable contre toute idée ou action erronées, de manière à consolider la vie collective du Parti et à renforcer les liens de celui-ci avec les masses.

   Enfin, il se souciera davantage du Parti et des masses que de l’individu, il prendra soin des autres plus que de lui-même. C’est seulement ainsi qu’il méritera le nom de communiste.

   Que tous les communistes loyaux, honnêtes, actifs et droits s’unissent dans le combat contre les tendances au libéralisme qui se manifestent chez certaines gens, pour les ramener dans le droit chemin ! C’est là une de nos tâches sur le front idéologique.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : Pour l’union jusqu’au bout

Juillet 1940

Le troisième anniversaire du déclenchement de la Guerre de Résistance contre le Japon et le dix-neuvième anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois tombent au même moment. En célébrant aujourd’hui l’anniversaire de la Guerre de Résistance, nous communistes, nous ressentons notre responsabilité avec une force toute particulière.

   La responsabilité d’assurer le salut de la nation chinoise doit être assumée par tous les partis et groupements politiques qui résistent au Japon, par le peuple tout entier, mais nous estimons, nous communistes, que celle qui nous incombe est la plus lourde. La déclaration sur la situation actuelle, publiée par le Comité central de notre Parti, est essentiellement un appel à la résistance et à l’union jusqu’au bout.

   Nous espérons qu’elle sera approuvée par les armées et partis amis et par tout le peuple chinois ; quant aux membres du Parti communiste, c’est à eux, en particulier, qu’il appartient d’appliquer consciencieusement la ligne politique définie par cette déclaration.

   Les communistes doivent savoir que c’est seulement en résistant jusqu’au bout que l’on demeurera unis jusqu’au bout, et inversement. C’est pourquoi ils auront une conduite exemplaire qu’il s’agisse de la Résistance ou de l’union. Nous ne combattons que l’ennemi et les capitulards et anticommunistes endurcis ; nous nous efforçons d’unir à nous tous les autres éléments.

   D’ailleurs, les capitulards et anticommunistes endurcis ne sont partout qu’une minorité. J’ai enquêté sur la composition du personnel d’un organe du pouvoir local. Parmi ses 1.300 membres, il ne s’est trouvé que 40 à 50 anticommunistes endurcis, soit moins de 4 pour cent ; tous les autres veulent l’union et la Résistance.

   Nous ne pouvons évidemment pas nous montrer tolérants à l’égard des capitulards et anticommunistes endurcis : ce serait leur permettre de saper la Résistance et l’union. C’est pourquoi il faut combattre résolument les capitulards et repousser avec fermeté, en légitime défense, les attaques des éléments anticommunistes. Sinon, nous ferions de l’opportunisme de droite, ce qui porterait préjudice à l’union et à la Résistance.

   Cependant, il faut pratiquer une politique d’union à l’égard de tous ceux qui ne sont pas des capitulards ou des anticommunistes invétérés. Certains d’entre eux jouent double jeu, d’autres agissent par contrainte, d’autres encore ont fait momentanément fausse route ; tous ces gens-là, nous devons les gagner à notre cause, afin de maintenir l’union et de poursuivre la Résistance.

   Sinon, nous tomberions dans l’opportunisme « de gauche », ce qui porterait également préjudice à l’union et à la Résistance. Tous les communistes doivent savoir qu’en tant que promoteurs du front uni national antijaponais nous avons le devoir de le maintenir. A l’heure où s’aggravent les malheurs de la nation et où de profonds changements se produisent dans la situation internationale, nous devons assumer la lourde responsabilité de sauver la nation chinoise.

   Nous vaincrons l’impérialisme japonais, nous ferons de la Chine une république indépendante, libre, démocratique, et, pour cela, il est indispensable d’unir le plus grand nombre possible de gens, affiliés ou non à un parti ou groupement politique.

   Toutefois, les communistes ne doivent pas former un front uni sans principe ; aussi est-il indispensable de lutter contre toute manœuvre visant à désintégrer, à limiter, à contenir, à persécuter le Parti communiste, et contre l’opportunisme de droite dans le Parti. Mais, en même temps, il n’est permis à aucun communiste d’enfreindre la politique de front uni du Parti ; les membres du Parti doivent donc unir, sur le principe de la Résistance, tous les éléments qui sont encore disposés à résister à l’envahisseur, et combattre l’opportunisme « de gauche » dans le Parti.

   Ainsi, dans la question du pouvoir, nous nous prononçons pour le pouvoir de front uni ; nous nous opposons à la dictature d’un seul parti, quel que soit le parti qui l’exerce, y compris le Parti communiste, mais nous sommes pour la dictature conjointe de tous les partis et groupements politiques, de tous les milieux et de toutes les forces armées, c’est-à-dire pour le pouvoir de front uni.

   Lorsque, sur les arrières de l’ennemi, nous créons des organes du pouvoir antijaponais après avoir détruit ceux du pouvoir fantoche, nous devons appliquer le « système des trois tiers » selon la décision de notre Comité central. Les membres du Parti communiste n’entreront que pour un tiers dans les organismes tant administratifs que représentatifs, afin que les deux tiers restants soient formés de représentants des autres partis et groupements politiques et des sans-parti qui sont pour la Résistance et la démocratie.

   Quiconque n’est pas partisan de la capitulation et de l’anticommunisme peut travailler dans les organismes gouvernementaux. Tout parti ou groupement politique, tant qu’il n’est pas pour la capitulation et ne combat pas le communisme, a le droit d’exister et de poursuivre ses activités sous le pouvoir antijaponais.

   Au sujet de l’armée, la déclaration de notre Parti précise que nous continuerons à respecter la décision de « ne pas créer d’organisations de notre Parti dans les armées amies ». Là où les organisations locales du Parti n’ont pas strictement appliqué cette décision, il est indispensable de redresser immédiatement la situation.

   Il convient d’avoir une attitude amicale à l’égard de toutes les troupes qui s’abstiennent de provoquer des « frictions » avec la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée. Par ailleurs, il faut rétablir des relations amicales même avec les troupes qui ont provoqué des « frictions », à condition qu’elles aient cessé ce genre d’activité. Telle est notre politique de front uni en ce qui concerne l’armée.

   Pour répondre aux besoins de la Guerre de Résistance, il est indispensable d’appliquer, dans le domaine des finances, de l’économie, de la culture, de l’éducation et de l’élimination des éléments hostiles, la politique de front uni sur la base du rajustement des intérêts des différentes classes, et de lutter contre l’opportunisme, qu’il soit de droite ou « de gauche ».

   Sur le plan international, la guerre impérialiste est en voie de s’étendre au monde entier, et la crise politique et économique extrêmement grave qu’elle engendre fera inévitablement éclater la révolution dans de nombreux pays. Nous traversons une époque nouvelle de guerres et de révolutions.

   L’Union soviétique, qui n’a pas été entraînée dans le tourbillon de cette guerre impérialiste, soutient toutes les nations et tous les peuples opprimés du monde. Toutes ces circonstances favorisent la Guerre de Résistance en Chine.

   Toutefois, le danger d’une capitulation est plus grand que jamais, car l’impérialisme japonais, se préparant à envahir les pays du Sud-Est asiatique, intensifie ses attaques contre la Chine, et il cherchera à amener à la capitulation certains des éléments hésitants de notre pays. La quatrième année de la Guerre de Résistance sera la plus dure. Nous avons pour tâche d’unir toutes les forces qui résistent au Japon, de lutter contre les capitulards, de vaincre toutes les difficultés et de poursuivre avec ténacité la Guerre de Résistance à l’échelle nationale.

   Tous les membres du Parti communiste doivent s’unir étroitement avec les armées et partis amis en vue de réaliser cette tâche. Nous sommes persuadés que, grâce aux efforts conjugués des membres de notre Parti, des armées et partis amis, de notre peuple tout entier, on parviendra à conjurer la capitulation, à surmonter les difficultés, à chasser les envahisseurs japonais et à reconquérir le sol de la patrie. Notre Guerre de Résistance a de brillantes perspectives.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : Pourquoi il est nécessaire de discuter du Livre blanc

28 Août 1949

   Nous avons critiqué le Livre blanc américain et la lettre d’Acheson dans trois articles (« Un Aveu d’impuissance », « Rejetez vos illusions et préparez-vous à la lutte » et « Bon voyage, Leighton Stuart ! »). Nos critiques ont, à travers le pays, éveillé l’attention générale et soulevé d’amples discussions dans tous les partis démocratiques et organisations populaires, dans la presse et les établissements scolaires du pays, ainsi que parmi les personnalités démocrates de tous les milieux ; beaucoup de déclarations, d’interviews et de commentaires justes et utiles ont été publiés.

   Des colloques sur le Livre blanc vont leur train, et toute la discussion est encore en plein développement. Elle porte sur les relations sino-américaines, les relations sino-soviétiques, les relations entre la Chine et les pays étrangers au cours des cent dernières années, la relation mutuelle entre la révolution chinoise et les forces révolutionnaires du monde, la relation entre les réactionnaires du Kuomintang et le peuple chinois, l’attitude à adopter par les partis démocratiques, les organisations populaires et les personnalités démocrates de tous les milieux dans la lutte contre l’impérialisme, l’attitude à adopter par les libéraux ou ceux qu’on appelle les individualistes démocrates à l’égard des relations intérieures et extérieures du pays prises dans leur ensemble, les moyens de venir à bout des nouvelles intrigues impérialistes, etc. Tout cela est fort bien et d’une grande valeur éducative.

   Le monde entier discute maintenant la révolution chinoise et le Livre blanc américain. Ce fait n’est pas dû au hasard ; il montre la grande portée de la révolution chinoise dans l’histoire mondiale.

Quant à nous, Chinois, nous avons remporté ln victoire fondamentale dans notre révolution, mais l’occasion nous a longtemps manqué pour discuter à fond la relation réciproque entre cette révolution et les différentes forces dans notre pays et à l’étranger. Or, une telle discussion est nécessaire, et maintenant nous en avons trouvé l’occasion : c’est l’examen du Livre blanc américain.

   Si l’occasion nous a manqué jusqu’ici pour une telle discussion, c’est que, la révolution n’ayant pas remporté la victoire fondamentale, les réactionnaires chinois et étrangers avaient complètement coupé des régions libérées populaires les grandes villes du pays, et que le développement de la révolution n’avait pas encore mis en pleine lumière certains aspects des contradictions.

Maintenant, la situation est différente. La plus grande partie de la Chine est libérée, tous les aspects des contradictions intérieures et extérieures apparaissent au grand jour, et à ce moment précis les États-Unis publient le Livre blanc ; l’occasion pour cette discussion est donc trouvée.

   Le Livre blanc est un livre contre-révolutionnaire qui montre ouvertement l’intervention de l’impérialisme américain en Chine. A cet égard, l’impérialisme s’est écarté de sa pratique habituelle.

La grande révolution chinoise victorieuse a forcé un groupe ou une faction de la clique impérialiste des États-Unis à publier, pour répondre aux attaques d’un autre groupe ou d’une autre faction, certaines données authentiques sur ses propres menées contre le peuple chinois, non sans en tirer des conclusions réactionnaires ; il ne lui restait, en effet, pas d’autre moyen de se maintenir au pouvoir. La révélation publique substituée à la dissimulation montre que l’impérialisme s’est écarté de sa pratique habituelle.

   Quelques semaines encore avant la publication du Livre blanc, les gouvernements des pays impérialistes, tout en se livrant quotidiennement à des activités contre-révolutionnaires, n’avaient à la bouche ou n’offraient dans les documents officiels que des protestations d’humanité, de justice et de vertu, ou d’autres déclarations plus ou moins analogues, et ils ne disaient jamais la vérité. Cela reste vrai de l’impérialisme britannique, ce vieux rusé, ce maître en fourberie, comme du reste des autres pays impérialistes moins importants.

Combattu d’un côté par le peuple et de l’autre par une faction de son propre camp, le groupe impérialiste américain représenté par ces parvenus aux nerfs faibles, récemment promus au pouvoir, les Truman, Marshall, Acheson, Leighton Stuart et consorts, a estimé nécessaire et possible d’utiliser la révélation publique de quelques-uns de ses agissements contre-révolutionnaires (mais pas tous) pour argumenter contre ses adversaires dans son propre camp sur la question de savoir quelle tactique contre-révolutionnaire est la plus habile.

   Il a essayé par là de convaincre ses adversaires, afin de pouvoir continuer d’appliquer ce qu’il considère comme la plus habile des tactiques contre-révolutionnaires. Deux factions de contre-révolutionnaires sont entrées en compétition. L

’une a dit : « Notre méthode est la meilleure. » L’autre a dit : « C’est la nôtre la meilleure. » Comme la dispute devenait inextricable, une des factions abattit soudain son jeu et livra le secret de bien des tours qu’elle avait dans son sac. D’où le Livre blanc.

   Et voilà comment le Livre blanc est devenu matériel d’enseignement pour le peuple chinois. Durant bien des années, un certain nombre de Chinois (il fut un temps où c’était un grand nombre) ne croyaient qu’à moitié ce que nous communistes, nous disions sur beaucoup de questions, surtout sur la nature de l’impérialisme et du socialisme, et ils pensaient : « Peut-être bien que ce n’est pas comme ça. »

Cette situation a changé depuis le 5 août 1949. En effet, Acheson leur a fait une leçon, où il a parlé en sa qualité de secrétaire d’Etat américain. En ce qui concerne certaines données et conclusions, ce qu’il dit coïncide avec ce que nous disions, nous les communistes et les autres progressistes. Du coup, il n’a plus été possible de ne pas nous croire, et beaucoup de gens ont ouvert les yeux : « C’était donc bien comme ça ! »

   Acheson commence sa lettre à Truman en racontant comment il a préparé le Livre blanc. A l’en croire, son Livre blanc est différent de tous les autres, il est très objectif et très sincère :

   « Voici un témoignage sincère d’une période extrêmement complexe et des plus malheureuses dans la vie d’un grand pays, auquel les États-Unis ont été longtemps attachés par les liens de la plus étroite amitié. Aucun document disponible n’a été omis, même s’il contient des affirmations critiques sur notre politique ou peut servir de base à une critique future. La force inhérente à notre système réside dans la sensibilité du gouvernement à l’égard d’une opinion publique bien informée et à l’esprit critique. C’est précisément cette opinion publique que les gouvernements totalitaires, qu’ils soient de droite ou communistes, ne peuvent supporter et ne tolèrent pas. »

   Certains liens existent en effet entre le peuple chinois et le peuple américain. Grâce aux efforts communs des deux peuples, ces liens pourront se renforcer à l’avenir au point de devenir « la plus étroite amitié ». Mais les obstacles dressés par les réactionnaires chinois et américains ont gêné et gênent encore sérieusement le développement de ces liens.

Bien plus, dans les deux pays, les réactionnaires ont raconté tant de mensonges au peuple et lui ont joué tant de vilains tours, en d’autres termes, répandu tant de propagande pernicieuse et commis tant de mauvaises actions que les liens entre les deux peuples sont bien loin d’être étroits.

   Ce qu’Acheson appelle « liens de la plus étroite amitié », ce sont ceux qui existent entre les réactionnaires des deux pays, non entre les deux peuples. Ici, Acheson n’est ni objectif ni franc, il confond les relations entre les deux peuples avec les relations entre les réactionnaires des deux pays. Pour les peuples des deux pays, la victoire de la révolution chinoise et la défaite des réactionnaires chinois et américains sont les événements les plus réjouissants qu’ils aient jamais connus, et la période actuelle est la plus heureuse de leur vie.

Par contre, c’est seulement pour Truman, Marshall, Acheson, Leighton Stuart et les autres réactionnaires américains, et pour Tchiang Kaï-chek, H. H. Kung, T.V. Soong, Tchen Li-fou, Li Tsong-jen, Pai Tchong-hsi et les autres réactionnaires chinois que cette période est vraiment « une période extrêmement complexe et des plus malheureuses » de leur vie.

   En parlant d’opinion publique, les Acheson ont confondu l’opinion publique des réactionnaires avec celle du peuple.

A l’égard de l’opinion publique du peuple, les Acheson sont incapables de la moindre « sensibilité », ils sont aveugles et sourds. Depuis des années, ils ont fait la sourde oreille à l’opposition exprimée par les peuples des États-Unis, de Chine et des autres pays du monde à la politique extérieure réactionnaire du gouvernement américain.

Qu’est-ce donc qu’Acheson entend par « opinion publique bien informée et à l’esprit critique » ? Ce sont les nombreux instruments de propagande, spécialisés dans la fabrication de mensonges et dans les menaces contre le peuple, tels que les journaux, les agences d’information, les périodiques et les stations de radiodiffusion contrôlés par les deux partis réactionnaires des Etats-Unis, les républicains et les démocrates.

   Acheson a raison de dire que les communistes (et avec eux le peuple) « ne peuvent supporter et ne tolèrent pas » ces choses. Aussi nous avons fermé les services d’information impérialistes, nous avons interdit aux agences de presse impérialistes de distribuer leurs dépêches aux journaux chinois, et nous n’avons pas admis qu’elles continuent à empoisonner à leur guise l’âme du peuple chinois sur le sol chinois.

   Dire que le gouvernement dirigé par le Parti communiste est un « gouvernement totalitaire » est aussi à moitié vrai. C’est en effet un gouvernement qui exerce la dictature sur les réactionnaires chinois et étrangers et n’accorde à aucun d’eux la moindre liberté pour mener des activités contre-révolutionnaires. Les réactionnaires se mettent en colère et vocifèrent : « Gouvernement totalitaire ! »

   Certes, rien n’est plus vrai s’il s’agit du pouvoir du gouvernement populaire de réprimer les réactionnaires. Ce pouvoir est maintenant inscrit dans notre programme ; il sera également inscrit dans notre constitution. Pour un peuple victorieux, ce pouvoir est quelque chose dont il ne peut se passer, fût-ce un seul instant, comme la nourriture et le vêtement.

C’est une chose excellente, un talisman protecteur, une arme magique à transmettre de génération en génération, et dont il ne faut en aucun cas se dessaisir avant la suppression complète et définitive de l’impérialisme à l’étranger et des classes à l’intérieur du pays. Plus les réactionnaires vocifèrent : « Gouvernement totalitaire ! », plus il devient évident que c’est un trésor.

   Mais la remarque d’Acheson est aussi à moitié fausse. Pour les masses du peuple, un gouvernement de dictature démocratique populaire dirigé par le Parti communiste n’est pas dictatorial, mais démocratique. C’est le gouvernement du peuple même. Le personnel en fonction de ce gouvernement doit prêter une attention respectueuse à la voix du peuple et être en même temps l’instituteur du peuple, auquel il apprend à s’éduquer par la méthode de l’auto-éducation et de l’autocritique.

   Quant à ce qu’Acheson appelle un « gouvernement totalitaire de droite », c’est au gouvernement des États-Unis que revient, à ce titre, la première place dans le monde d’aujourd’hui, depuis la chute des gouvernements fascistes d’Allemagne, d’Italie et du Japon.

Tous les gouvernements bourgeois, y compris les gouvernements de réactionnaires allemands, italiens et japonais protégés par l’impérialisme, sont des gouvernements de ce type. Le gouvernement Tito en Yougoslavie est devenu maintenant un complice de cette bande.

   Les gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne sont du type de gouvernement par lequel une seule classe, la bourgeoisie, exerce la dictature sur le peuple. Contraire en tout point au gouvernement populaire, ce type de gouvernement pratique ce qu’on appelle la démocratie pour la bourgeoisie, mais exerce la dictature sur le peuple.

Les gouvernements de Hitler, Mussolini, Tojo, Franco et Tchiang Kaï-chek ont rejeté le voile de la démocratie bourgeoise, ou ne s’en sont pas servis du tout, parce que la lutte de classes avait atteint dans leur pays une intensité extrême et qu’ils ont trouvé plus avantageux de le rejeter ou simplement de ne pas l’utiliser, de peur que le peuple de son côté ne s’en serve à ses propres fins.

   Le gouvernement des États-Unis garde encore un voile de démocratie, mais les réactionnaires américains l’ont tellement coupé qu’il n’en reste qu’un petit morceau, misérablement déteint, et bien loin d’être ce qu’il était au temps de Washington, Jefferson et Lincoln. La raison en est que la lutte de classes est devenue plus intense. Quand elle le deviendra encore plus, le voile de la démocratie américaine sera inévitablement jeté aux quatre vents.

   Chacun peut voir quelle quantité d’erreurs Acheson commet, dès qu’il ouvre la bouche. Cela est inévitable, puisqu’il est un réactionnaire. Quant à savoir dans quelle mesure le Livre blanc est un « témoignage sincère », nous pensons qu’il est sincère tout en ne l’étant pas. Les Acheson sont francs quand ils s’imaginent que leur franchise profitera à leur parti ou à leur faction. Sinon, ils ne le sont pas. Feindre la franchise est une ruse de guerre.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : Le tournant de la Seconde Guerre Mondiale

12 octobre 1942

   La bataille de Stalingrad a été comparée, par la presse britannique et américaine, à la bataille de Verdun, et le « Verdun rouge » est maintenant connu du monde entier. Cette comparaison n’est pas heureuse.

   L’actuelle bataille de Stalingrad diffère, par son caractère même, du Verdun de la Première guerre mondiale. Un point cependant leur est commun : aujourd’hui comme alors, beaucoup de gens sont abusés par les opérations offensives de l’Allemagne et s’imaginent qu’elle peut encore remporter la victoire.

   La Première guerre mondiale s’est terminée dans l’hiver 1918 ; en 1916, l’armée allemande lança plusieurs offensives contre la place forte française de Verdun.

   Le Kronprinz conduisait lui-même les opérations, et les forces jetées dans cette bataille étaient l’élite de l’armée allemande. La bataille fut décisive.

   Les furieux assauts des Allemands ayant échoué, tout le camp germano-austro-turco-bulgare se trouva dans une situation sans issue ; ses difficultés ne cessèrent d’augmenter, la rébellion gagna ses rangs, la désagrégation s’y installa, et finalement ce fut l’effondrement.

   Mais à l’époque le camp anglo-américano-français ne comprenait pas cette situation, il croyait l’armée allemande encore très forte et ne se doutait pas que sa propre victoire était à portée de la main.

   Dans l’histoire de l’humanité, toute force réactionnaire au seuil de sa perte se lance nécessairement, dans un ultime sursaut, contre les forces de la révolution ; et souvent, des révolutionnaires sont un moment induits en erreur par cette force apparente qui masque la faiblesse intérieure, ils ne voient pas ce fait essentiel que l’ennemi approche de sa fin et qu’eux-mêmes sont près de la victoire.

   Or, la montée de l’ensemble des forces fascistes et les guerres d’agression qu’elles mènent depuis quelques années constituent justement cet ultime sursaut des forces réactionnaires et, dans la guerre actuelle, l’attaque sur Stalingrad marque l’ultime sursaut des forces fascistes elles-mêmes.

   Face à ce tournant de l’histoire, beaucoup de gens au sein du front mondial antifasciste se sont aussi laissé abuser par l’aspect féroce du fascisme et n’en ont pas discerné la réalité interne.

   Des combats d’une âpreté sans précédent dans l’histoire se sont déroulés pendant quarante-huit jours, depuis le 23 août, date à laquelle les troupes allemandes achevèrent de franchir la boucle du Don et déclenchèrent une attaque générale contre Stalingrad, jusqu’au 9 octobre, jour où le Bureau d’Information soviétique annonça que l’Armée rouge avait brisé l’encerclement allemand du quartier industriel qui occupe le nord-ouest de la ville et dans lequel une partie des troupes allemandes avait fait irruption le 15 septembre.

   La bataille fut finalement gagnée par les forces soviétiques.

   Pendant ces quarante huit jours, les nouvelles provenant quotidiennement de cette ville sur le déroulement de la bataille ont tenu en haleine des dizaines et des centaines de millions d’hommes, leur apportant tantôt l’affliction, tantôt l’allégresse.

   Cette bataille est non seulement le tournant de la guerre germano-soviétique, ou encore de la guerre mondiale antifasciste, elle est aussi un tournant dans l’histoire de toute l’humanité.

   Pendant ces quarante-huit jours, l’attention des peuples du monde entier était fixée sur Stalingrad, plus fortement encore qu’elle ne l’avait été sur Moscou, en octobre dernier.

   Avant qu’il eût remporté ses victoires sur le front ouest, Hitler semblait faire preuve de prudence. Dans ses attaques contre la Pologne, contre la Norvège, contre les Pays-Bas, la Belgique et la France et contre les Balkans, il concentrait toujours ses forces sur un seul objectif, sans oser en détourner son attention.

   Mais après ses victoires à l’ouest, il fut grisé par le succès et tenta de vaincre l’Union soviétique en trois mois.

   De Mourmansk, dans le nord, à la Crimée, dans le sud, il déclencha une offensive générale contre cet immense et puissant pays socialiste, et ce faisant, il dispersa ses forces. L’échec de son offensive contre Moscou en octobre de l’an dernier mit fin à la première phase de la guerre germano-soviétique ; le premier plan stratégique de Hitler avait fait faillite.

   L’Armée rouge arrêta l’offensive allemande de l’année dernière et, au cours de l’hiver, passa à la contre-offensive sur tout le front ; ce fut la deuxième phase de la guerre germano-soviétique. Hitler dut battre en retraite et se mettre sur la défensive.

   Entre-temps, il limogea le commandant en chef des opérations von Brauchitsch, assuma lui-même le commandement, décida d’abandonner son plan d’offensive générale et se prépara, en rassemblant toutes les forces dont il pouvait encore disposer en Europe, à lancer sur le front sud une offensive limitée, mais qu’il tenait pour décisive, afin de frapper les secteurs vitaux de l’Union soviétique.

   Comme cette offensive avait un caractère décisif, et que le sort même du fascisme en dépendait, Hitler massa des forces énormes, engageant même sur ce front une partie des avions et des chars qui opéraient en Afrique du Nord.

   Avec l’attaque allemande sur Kertch et Sébastopol en mai dernier, la guerre entra dans sa troisième phase.

   Ayant rassemblé une armée de plus de 1.500.000 hommes, appuyée par le gros de ses forces aériennes et blindées, Hitler lança une offensive d’une violence inouïe en direction de Stalingrad et du Caucase.

   Il tenta de s’en emparer rapidement, visant deux buts : couper la Volga et prendre Bakou, afin de marcher ensuite vers le nord contre Moscou et de percer au sud jusqu’au golfe Persique.

   En même temps, les fascistes japonais devaient concentrer leurs forces en Mandchourie en vue d’une offensive en Sibérie, après la chute de Stalingrad.

   Hitler croyait pouvoir affaiblir la puissance de l’Union soviétique à tel point qu’il pourrait dégager du front soviétique les forces principales de l’armée allemande afin de parer sur le front ouest à l’éventualité d’une offensive anglo-américaine, de s’emparer des ressources du Proche-Orient, d’effectuer la jonction avec l’armée japonaise, tandis que le gros des forces japonaises se retirerait du nord et se dirigerait vers l’ouest et le sud, contre la Chine, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, sans que les armées allemandes et japonaises eussent à se soucier de leurs arrières.

   Voilà comment il comptait remporter la victoire pour le front fasciste.

   Or, que s’est-il passé au cours de cette phase ? Hitler se heurta au plan soviétique qui lui fut fatal. Ce plan visait à attirer d’abord l’ennemi loin à l’intérieur du territoire et à lui opposer ensuite une résistance opiniâtre.

   En cinq mois de combats, l’armée allemande n’a pu ni pénétrer dans les champs de pétrole du Caucase ni prendre Stalingrad, et Hitler s’est vu obligé d’arrêter ses troupes au pied de hautes montagnes et devant les murs d’une cité imprenable, sans pouvoir ni avancer ni reculer, subissant des pertes énormes et s’engageant dans une impasse.

   Nous voici en octobre et l’hiver arrive ; la troisième phase de la guerre touche à sa fin, la quatrième va commencer.

   De tous les plans d’attaque stratégiques de Hitler contre l’Union soviétique, il n’en est pas un qui n’ait échoué.

   Pendant cette période, se rendant compte que son échec de l’été de l’an dernier était dû à l’éparpillement de ses troupes, Hitler concentra ses forces sur le front sud. Mais comme il cherchait toujours à atteindre d’un seul coup le double objectif de couper la Volga à l’est et de s’emparer du Caucase au sud, il divisait quand même ses forces.

   Il n’a pas vu dans ses calculs quelle distance séparait ses desseins de sa force réelle, et ainsi, comme « un porteur qui voit sa charge glisser des deux bouts d’une palanche sans point d’arrêt », il s’est trouvé dans l’impasse actuelle.

   Par contre, plus l’Union soviétique combat, plus elle devient forte.

   Par sa brillante direction stratégique, Staline s’est assuré entièrement l’initiative et pousse partout Hitler vers sa ruine.

   La quatrième phase de la guerre, qui commencera cet hiver, conduira Hitler à sa perte.

   Si l’on compare la situation où se trouvait Hitler au cours de la première et au cours de la troisième phase de la guerre, on verra qu’il est au seuil d’une défaite définitive.

   Actuellement, tant à Stalingrad que dans le Caucase, l’Armée rouge a déjà arrêté, en fait, l’offensive allemande ; Hitler est à bout de souffle et il a échoué dans son offensive contre Stalingrad et le Caucase.

   Les quelques forces qu’il a réussi à rassembler au cours de toute la période d’hiver, de décembre à mai derniers, sont déjà épuisées.

   Maintenant que, dans un mois à peine, l’hiver va s’installer sur le front germano-soviétique, Hitler devra passer en toute hâte à la défensive. La région entière située à l’ouest et au sud du Don sera pour lui la plus dangereuse, car l’Armée rouge y lancera sa contre-offensive.

   Cet hiver, sous la menace d’une issue fatale, Hitler essayera une fois de plus de regrouper ses armées. Il lui sera peut-être encore possible, en rassemblant le reste des forces, de former quelques nouvelles divisions ; en outre, il appellera à la rescousse ses trois partenaires fascistes, l’Italie, la Roumanie et la Hongrie, et leur demandera de lui fournir de la chair à canon pour faire face à la situation critique sur les fronts est et ouest.

   Mais il doit s’attendre à des pertes énormes au cours de la campagne d’hiver sur le front est et à l’ouverture d’un second front à l’ouest, tandis que l’Italie, la Roumanie et la Hongrie, accablées devant les perspectives d’un effondrement inévitable de Hitler, s’éloigneront de lui chaque jour davantage.

   Bref, après le 9 octobre, une seule voie reste ouverte à Hitler, celle de l’anéantissement.

   Il y a quelque chose de commun entre la défense de Stalingrad par l’Armée rouge pendant ces quarante-huit jours et sa défense de Moscou l’année dernière : la défense de Stalingrad a fait échouer le plan de Hitler de cette année comme celle de Moscou son plan de l’année dernière.

   La différence réside dans le fait que l’Armée rouge, malgré la contre-offensive d’hiver qu’elle entreprit immédiatement après la défense de Moscou, dut subir encore cette année une offensive d’été de l’armée allemande, parce que, premièrement, il restait encore à l’Allemagne et à ses partenaires européens des forces disponibles et que, deuxièmement, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis retardaient l’ouverture du second front.

   Mais, après la bataille pour la défense de Stalingrad, la situation sera entièrement différente.

   D’une part, l’Union soviétique déclenchera une seconde contreoffensive d’hiver d’une ampleur exceptionnelle, la Grande- Bretagne et les Etats-Unis ne pourront plus différer longtemps l’ouverture du second front (bien qu’il ne soit pas possible d’en préciser la date exacte) et les peuples d’Europe, à leur tour, seront prêts à répondre par des soulèvements.

   D’autre part, comme l’Allemagne et ses partenaires européens n’ont plus la force d’entreprendre une offensive de grande envergure, Hitler se verra contraint de passer entièrement à la défense stratégique.

   Or, si Hitler est contraint de passer à la défense stratégique, le sort du fascisme est réglé.

   En effet, un Etat fasciste comme celui de Hitler a, dès sa naissance, fondé toute sa vie politique et militaire sur l’offensive, et son offensive une fois enrayée, son existence prend fin.

   La bataille de Stalingrad arrêtera l’offensive fasciste ; elle est décisive.

   Et ce caractère décisif déterminera tout le cours de la guerre mondiale.

   Hitler a devant lui trois ennemis puissants : l’Union soviétique, la Grande-Bretagne avec les Etats-Unis, le peuple des régions qu’il occupe.

   Sur le front est, l’Armée rouge se dresse telle une forteresse inébranlable, et elle poursuivra ses contre-offensives toute la seconde saison d’hiver et au-delà ; voilà la force qui décidera de l’issue de la guerre et du destin de l’humanité.

   Sur le front ouest, même si la Grande-Bretagne et les Etats-Unis continuent à adopter une politique d’attente et d’atermoiement, ils ouvriront tôt ou tard le second front lorsqu’il leur sera donné de s’attaquer à un tigre déjà mort.

   Il existe en outre un front intérieur contre Hitler : c’est le grand soulèvement populaire qui se prépare en Allemagne, en France et dans d’autres parties de l’Europe. Dès que se déclenchera la contre-offensive générale de l’Union soviétique et que tonneront les canons du second front, les peuples d’Europe répondront par l’ouverture d’un troisième front.

   Une offensive convergente contre Hitler sur ces trois fronts sera le grand fait historique qui suivra la bataille de Stalingrad.

   La carrière politique de Napoléon s’est terminée à Waterloo, mais c’est sa défaite à Moscou qui avait décidé de son sort.

   Aujourd’hui, Hitler marche sur les traces de Napoléon, et la bataille de Stalingrad a scellé son destin.

   Cette situation aura des répercussions directes sur l’Extrême-Orient.

   L’année qui vient ne promet rien de bon non plus au fascisme japonais.

   Avec le temps, ses maux de tête iront croissant, jusqu’à ce qu’il descende au tombeau.

   Tous ceux qui tirent des conclusions pessimistes des événements mondiaux devraient modifier leur point de vue.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : De la pratique

1937

La relation entre la connaissance et la pratique – le savoir et l’action.

[Il a existé dans notre Parti des camarades, tenants du dogmatisme, qui, pendant longtemps, ont rejeté l’expérience de la révolution chinoise, nié cette vérité que  » le marxisme n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action « , et n’ont fait qu’effrayer les gens à l’aide de mots et de phrases isolés, extraits au petit bonheur des textes marxistes.

Il a existé également d’autres camarades, tenants de l’empirisme, qui, pendant longtemps, se sont cramponnés à leur expérience personnelle, limitée, sans comprendre l’importance de la théorie pour la pratique révolutionnaire ni voir la situation de la révolution dans son ensemble. Ils ont eu beau travailler avec zèle, leur travail se faisait à l’aveuglette.

Les conceptions erronées de ces deux groupes de camarades, en particulier les conceptions dogmatiques, ont causé, au cours des années 1931-1934, un préjudice énorme à la révolution chinoise.

En outre, les dogmatiques, parés de la toge marxiste, ont induit en erreur nombre de nos camarades. Le présent ouvrage a pour but de dénoncer, en partant des positions de la théorie marxiste de la connaissance, les erreurs subjectivistes commises par les partisans du dogmatisme et de l’empirisme, et en particulier du dogmatisme, au sein de notre Parti.

Comme l’accent est mis sur la dénonciation de cette variété du subjectivisme, le dogmatisme, qui méprise la pratique, cet ouvrage est intitulé De la pratique. Les conceptions développées ici par Mao Tsé-toung ont été exposées dans un cycle de conférences qu’il a faites à l’Ecole militaire et politique antijaponaise de Yenan, en juillet 1937.]

Le matérialisme prémarxiste considérait le problème de la connaissance sans tenir compte de la nature sociale des hommes, sans tenir compte du développement historique de l’humanité et, pour cette raison, il était impuissant à comprendre que la connaissance dépend de la pratique sociale, c’est-à-dire qu’elle dépend de la production et de la lutte des classes.

Les marxistes estiment, au premier chef, que l’activité de production des hommes constitue la base même de leur activité pratique, qu’elle détermine toute autre activité.

Dans leur connaissance, les hommes dépendent essentiellement de leur activité de production matérielle, au cours de laquelle ils appréhendent progressivement les phénomènes de la nature, ses propriétés, ses lois, ainsi que les rapports de l’homme avec la nature ; et par leur activité de production, ils apprennent également à connaître, à des degrés différents et d’une manière progressive, les rapports déterminés existant entre les hommes.

De toutes ces connaissances, aucune ne saurait s’acquérir en dehors de l’activité de production.

Dans la société sans classes, tout individu, en tant que membre de cette société, joint ses efforts à ceux des autres membres, entre avec eux dans des rapports de production déterminés et se livre à l’activité de production en vue de résoudre les problèmes relatifs à la vie matérielle des hommes.

Dans les sociétés de classes, les membres des différentes classes entrent également, sous des formes variées, dans des rapports de production déterminés, se livrent à une activité de production dirigée vers la solution des problèmes relatifs à la vie matérielle des hommes.

C’est là l’origine même du développement de la connaissance humaine.

La pratique sociale des hommes ne se limite pas à la seule activité de production ; elle revêt encore beaucoup d’autres formes : lutte des classes, vie politique, activités scientifiques et artistiques ; bref, en tant qu’être social, l’homme participe à tous les domaines de la vie pratique de la société.

C’est ainsi que dans son effort de connaissance, il appréhende, à des degrés divers, non seulement dans la vie matérielle, mais également dans la vie politique et culturelle (qui est étroitement liée à la vie matérielle), les différents rapports entre les hommes.

Parmi ces autres formes de pratique sociale, la lutte des classes, sous ses diverses manifestations, exerce en particulier une influence profonde sur le développement de la connaissance humaine.

Dans la société de classes, chaque homme occupe une position de classe déterminée et il n’existe aucune pensée qui ne porte une empreinte de classe.

Les marxistes estiment que l’activité de production de la société humaine se développe pas à pas, des degrés inférieurs aux degrés supérieurs ; en conséquence, la connaissance qu’ont les hommes, soit de la nature soit de la société, se développe aussi pas à pas, de l’inférieur au supérieur, c’est-à- dire du superficiel à ce qui est en profondeur, de l’unilatéral au multilatéral.

Au cours d’une très longue période historique, les hommes n’ont pu comprendre l’histoire de la société que d’une manière unilatérale, parce que, d’une part, les préjugés des classes exploiteuses déformaient constamment l’histoire de la société, et que, d’autre part, l’échelle réduite de la production limitait l’horizon des hommes.

C’est seulement lorsque le prolétariat moderne est apparu en même temps que des forces productives gigantesques – la grande industrie – que les hommes ont pu atteindre à une compréhension historique complète du développement de la société et transformer cette connaissance en une science, la science marxiste.

Les marxistes estiment que les hommes n’ont d’autre critère de la vérité de leur connaissance du monde extérieur que leur pratique sociale.

Car, en fait, c’est seulement en arrivant, dans la pratique sociale (dans le processus de la production matérielle, de la lutte des classes, des expériences scientifiques), aux résultats qu’ils attendent que les hommes reçoivent la confirmation de la vérité de leurs connaissances.

S’ils veulent obtenir des succès dans leur travail, c’est-à-dire arriver aux résultats attendus, ils doivent faire en sorte que leurs idées correspondent aux lois du monde extérieur objectif ; si tel n’est pas le cas, ils échouent dans la pratique.

Après avoir subi un échec, ils en tirent la leçon, modifient leurs idées de façon à les faire correspondre aux lois du monde extérieur et peuvent ainsi transformer l’échec en succès ; c’est ce qu’expriment les maximes :  » La défaite est la mère du succès  » et  » Chaque insuccès nous rend plus avisés ».

La théorie matérialiste-dialectique de la connaissance met la pratique à la première place ; elle estime que la connaissance humaine ne peut, en aucune manière, être coupée de la pratique et rejette toutes ces théories erronées qui nient l’importance de la pratique et coupent la connaissance de la pratique.

Lénine a dit :  » La pratique est supérieure à la connaissance (théorique), car elle a la dignité non seulement du général, mais du réel immédiat (1).  »

La philosophie marxiste – le matérialisme dialectique – a deux particularités évidentes. La première, c’est son caractère de classe : elle affirme ouvertement que le matérialisme dialectique sert le prolétariat ; la seconde, c’est son caractère pratique : elle met l’accent sur le fait que la théorie dépend de la pratique, que la théorie se fonde sur la pratique et, à son tour, sert la pratique.

La vérité d’une connaissance ou d’une théorie est déterminée non par une appréciation subjective, mais par les résultats objectifs de la pratique sociale.

Le critère de la vérité ne peut être que la pratique sociale. Le point de vue de la pratique, c’est le point de vue premier, fondamental de la théorie matérialiste-dialectique de la connaissance (2).

Mais de quelle manière la connaissance humaine naît-elle de la pratique et comment sert-elle, à son tour, la pratique ?

Pour le comprendre, il suffit d’examiner le processus de développement de la connaissance.

Dans le processus de leur activité pratique, les hommes ne voient, au début, que les côtés apparents des choses et des phénomènes, leurs aspects isolés et leur liaison externe.

Par exemple, des gens de l’extérieur sont venus enquêter à Yenan.

Le premier jour ou les deux premiers jours, ils ont vu la ville, sa topographie, ses rues et ses maisons, ils sont entrés en contact avec beaucoup de personnes, ont assisté à des réceptions, des soirées, des meetings, entendu différentes interventions, lu divers documents ; ce sont là les côtés apparents et des aspects isolés des phénomènes, avec leur liaison externe.

Ce degré du processus de la connaissance se nomme le degré de la perception sensible, c’est-à-dire le degré des sensations et des représentations.

En agissant sur les organes des sens des membres du groupe d’enquête, ces différents phénomènes rencontrés à Yenan ont provoqué des sensations et fait surgir dans leur cerveau toute une série de représentations, entre lesquelles s’est établi un lien approximatif, une liaison externe : tel est le premier degré de la connaissance.

A ce degré, les hommes ne peuvent encore élaborer des concepts, qui se situent à un niveau plus profond, ni tirer des conclusions logiques.

La continuité de la pratique sociale amène la répétition multiple de phénomènes qui suscitent chez les hommes des sensations et des représentations.

C’est alors qu’il se produit dans leur cerveau un changement soudain (un bond) dans le processus de la connaissance, et le concept surgit.

Le concept ne reflète plus seulement l’apparence des choses, des phénomènes, leurs aspects isolés, leur liaison externe, il saisit les choses et les phénomènes dans leur essence, dans leur ensemble, dans leur liaison interne.

Entre le concept et la sensation, la différence n’est pas seulement quantitative mais qualitative.

En allant plus loin dans cette direction, à l’aide du jugement, de la déduction, on peut aboutir à des conclusions logiques.

L’expression du San kouo yen yi (3) :  » II suffit de froncer les sourcils et un stratagème vient à l’esprit  » ou celle du langage ordinaire :  » Laissez-moi réfléchir  » signifient que l’homme opère intellectuellement à l’aide de concepts, afin de porter des jugements et de faire des déductions. C’est là le second degré de la connaissance.

Les membres du groupe d’enquête qui sont venus chez nous, après avoir réuni un matériel varié et y avoir  » réfléchi « , pourront porter le jugement suivant :  » La politique de front uni national contre le Japon, appliquée par le Parti communiste, est conséquente, sincère et honnête.  »

S’ils sont, avec la même honnêteté, partisans de l’unité pour le salut de la nation, ils pourront, partant de ce jugement, aller plus loin et tirer la conclusion suivante :  » Le front uni national contre le Japon peut réussir.  »

Dans le processus général de la connaissance par les hommes d’un phénomène, ce degré des concepts, des jugements et des déductions apparaît comme le degré le plus important, celui de la connaissance rationnelle.

La tâche véritable de la connaissance consiste à s’élever de la sensation à la pensée, à s’élever jusqu’à la compréhension progressive des contradictions internes des choses, des phénomènes tels qu’ils existent objectivement, jusqu’à la compréhension de leurs lois, de la liaison interne des différents processus, c’est-à-dire qu’elle consiste à aboutir à la connaissance logique.

Nous le répétons : La connaissance logique diffère de la connaissance sensible, car celle-ci embrasse des aspects isolés des choses, des phénomènes, leurs côtés apparents, leur liaison externe, alor que la connaissance logique, faisant un grand pas en avant, embrasse les choses et les phénomènes en entier, leur essence et leur liaison interne, s’élève jusqu’à la mise en évidence des contradictions internes du monde qui nous entoure, et par là même est capable de saisir le

développement de ce monde dans son intégrité, dans la liaison interne de tous ses aspects.

Une telle théorie, matérialiste-dialectique, du processus de développement de la connaissance, fondée sur la pratique, allant du superficiel à ce qui est en profondeur, était inconnue avant le marxisme.

C’est le matérialisme marxiste qui, pour la première fois, a résolu correctement ce problème, en mettant en évidence, de façon matérialiste et dialectique, le mouvement d’approfondissement de la connaissance, mouvement par lequel les hommes, dans la société, passent de la connaissance sensible à la connaissance logique au cours de leur pratique, complexe et sans cesse répétée, de la production et de la lutte des classes.

Lénine a dit :  » Les abstractions de matière, de loi naturelle, l’abstraction de valeur, etc., en un mot toutes les abstractions scientifiques (justes, sérieuses, pas arbitraires) reflètent la nature plus profondément, plus fidèlement, plus complètement (4).  »

Le marxisme-léninisme estime que les deux degrés du processus de la connaissance ont ceci de particulier qu’au degré inférieur la connaissance intervient en tant que connaissance sensible, au degré supérieur en tant que connaissance logique, mais que ces deux degrés constituent les degrés d’un processus unique de la connaissance.

La connaissance sensible et la connaissance rationnelle diffèrent qualitativement, elles ne sont toutefois pas coupées l’une de l’autre, mais unies sur la base de la pratique. Comme le prouve notre pratique, ce que nous avons perçu par les sens ne peut être immédiatement compris par nous, et seul ce que nous avons bien compris peut être senti d’une manière plus profonde.

La perception ne peut résoudre que le problème des apparences des choses et des phénomènes ; le problème de l’essence, lui, ne peut être résolu que par la théorie.

La solution de ces problèmes ne peut être obtenue en aucune façon en dehors de la pratique.

Quiconque veut connaître un phénomène ne peut y arriver sans se mettre en contact avec lui, c’est- à-dire sans vivre (se livrer à la pratique) dans le milieu même de ce phénomène.

On ne pouvait connaître d’avance, alors que la société était encore féodale, les lois de la société capitaliste, puisque le capitalisme n’était pas encore apparu et que la pratique correspondante faisait défaut.

Le marxisme ne pouvait être que le produit de la société capitaliste.

A l’époque du capitalisme libéral, Marx ne pouvait connaître d’avance, concrètement, certaines lois propres à l’époque de l’impérialisme, puisque l’impérialisme, stade suprême du capitalisme, n’était pas encore apparu et que la pratique correspondante faisait défaut ; seuls Lénine et Staline purent assumer cette tâche.

Si Marx, Engels, Lénine et Staline ont pu élaborer leurs théories, ce fut surtout, abstraction faite de leur génie, parce qu’ils se sont engagés personnellement dans la pratique de la lutte de classes et de l’expérience scientifique de leur temps; sans cette condition, aucun génie n’aurait pu y réussir.

 » Sans sortir de chez lui, un sieoutsai (5) peut savoir tout ce qui se passe sous le soleil  » n’était qu’une phrase vide dans les temps anciens où la technique n’était pas développée ; bien qu’à notre époque de technique développée cela soit réalisable, ceux qui acquièrent vraiment du savoir par eux-mêmes sont, dans le monde entier, ceux qui sont liés à la pratique.

Et c’est seulement lorsque ces derniers auront acquis du  » savoir  » par la pratique et que leur savoir lui aura été transmis au moyen de l’écriture et de la technique que le sieoutsai pourra, indirectement,  » savoir tout ce qui se passe sous le soleil « .

Pour connaître directement tel phénomène ou tel ensemble de phénomènes, il faut participer personnellement à la lutte pratique qui vise à transformer la réalité, à transformer ce phénomène ou cet ensemble de phénomènes, car c’est le seul moyen d’entrer en contact avec eux en tant qu’apparences ; de même, c’est là le seul moyen de découvrir l’essence de ce phénomène ou de cet ensemble de phénomènes, et de les comprendre.

Tel est le processus de connaissance que suit tout homme dans la réalité, bien que certaines gens, déformant à dessein les faits, prétendent le contraire.

Les plus ridicules sont ceux qu’on appelle les  » je-sais-tout  » et qui, n’ayant que des connaissances occasionnelles, fragmentaires, se proclament les  » premières autorités du monde « , ce qui témoigne tout simplement de leur fatuité. Les connaissances, c’est la science, et la science ne saurait admettre la moindre hypocrisie, la moindre présomption ; ce qu’elle exige, c’est assurément le contraire : l’honnêteté et la modestie.

Si l’on veut acquérir des connaissances, il faut prendre part à la pratique qui transforme la réalité. Si l’on veut connaître le goût d’une poire, il faut la transformer : en la goûtant.

Si l’on veut connaître la structure et les propriétés de l’atome, il faut procéder à des expériences physiques et chimiques, changer l’état de l’atome.

Si l’on veut connaître la théorie et les méthodes de la révolution, il faut prendre part à la révolution. Toutes les connaissances authentiques sont issues de l’expérience immédiate.

Toutefois, on ne peut avoir en toutes choses une expérience directe ; en fait, la majeure partie de nos connaissances sont le produit d’une expérience indirecte, par exemple toutes les connaissances que nous tenons des siècles passés et des pays étrangers.

Pour nos ancêtres, pour les étrangers, elles ont été, ou elles sont, le produit de leur expérience directe, et elles sont sûres si au moment où elles ont fait l’objet d’une expérience directe, elles ont répondu à l’exigence de l' »abstraction scientifique  » dont parle Lénine et ont reflété scientifiquement la réalité objective ; dans le cas contraire, elles ne le sont pas.

C’est pourquoi les connaissances d’un homme se composent uniquement de deux parties : les données de l’expérience directe et les données de l’expérience indirecte.

Et ce qui est pour moi expérience indirecte reste pour d’autres expérience directe.

Il s’ensuit que, prises dans leur ensemble, les connaissances de quelque ordre que ce soit sont inséparables de l’expérience directe.

La source de toutes les connaissances réside dans les sensations reçues du monde extérieur objectif par les organes des sens de l’homme ; celui qui nie la sensation, qui nie l’expérience directe, qui nie la participation personnelle à la pratique destinée à transformer la réalité n’est pas un matérialiste.

C’est la raison pour laquelle les  » je-sais-tout  » sont si ridicules. Il y a un vieux proverbe chinois : « Si l’on ne pénètre pas dans la tanière du tigre, comment peut-on capturer ses petits ? »

Ce proverbe est vrai pour la pratique humaine, il l’est également pour la théorie de la connaissance. La connaissance coupée de la pratique est inconcevable.

Pour mettre en évidence le mouvement matérialiste-dialectique de la connaissance – mouvement de l’approfondissement progressif de la connaissance – qui surgit sur la base de la pratique transformant la réalité, nous allons donner encore quelques exemples concrets.

Dans la période initiale de sa pratique, période de la destruction des machines et de la lutte spontanée, le prolétariat ne se trouvait, dans sa connaissance de la société capitaliste, qu’au degré de la connaissance sensible et n’appréhendait que des aspects isolés et la liaison externe des différents phénomènes du capitalisme.

Il n’était encore que ce qu’on appelle une  » classe en soi « .

Mais dès la seconde période de sa pratique, période de la lutte économique et politique consciente et organisée, du fait de son activité pratique, de son expérience acquise au cours d’une lutte prolongée, expérience qui fut généralisée scientifiquement par Marx et Engels et d’où naquit la théorie marxiste qui servit à l’éduquer, il fut à même de comprendre l’essence de la société capitaliste, les rapports d’exploitation entre les classes sociales, ses propres tâches historiques, et devint alors une  » classe pour soi « .

C’est la même voie que suivit le peuple chinois dans sa connaissance de l’impérialisme. Le premier degré fut celui de la connaissance sensible, superficielle, tel qu’il fut marqué, à l’époque des mouvements des Taiping (6), des Yihotouan (7) et autres, par la lutte sans discrimination contre les étrangers.

Le second degré seulement fut celui de la connaissance rationnelle, lorsque le peuple chinois discerna les différentes contradictions internes et externes de l’impérialisme, lorsqu’il discerna l’essence de l’oppression et de l’exploitation exercées sur les larges masses populaires de Chine par l’impérialisme qui s’était allié avec la bourgeoisie compradore et la classe féodale chinoises ; cette connaissance ne commença qu’avec la période du Mouvement du 4 Mai 1919 (8).

Considérons maintenant la guerre. Si la guerre était dirigée par des gens sans expérience dans ce domaine, ils ne pourraient, au premier degré, comprendre les lois profondes qui régissent la conduite d’une guerre donnée (telle notre Guerre révolutionnaire agraire des dix dernières années).

Au premier degré, ils ne pourraient acquérir que l’expérience d’un grand nombre de combats dont beaucoup, du reste, se termineraient pour eux par des défaites.

Néanmoins, cette expérience (l’expérience des victoires et surtout des défaites) leur permettrait de comprendre l’enchaînement interne de toute la guerre, c’est-à-dire les lois de cette guerre déterminée, d’en comprendre la stratégie et la tactique et, par là même, de la diriger avec assurance.

Si, à un tel moment, la direction de la guerre passait à un homme dépourvu d’expérience, celui-ci aurait, à son tour, à subir un certain nombre de défaites (c’est-à-dire à acquérir de l’expérience) avant de bien comprendre les lois réelles de la guerre.

Il nous arrive souvent d’entendre des camarades, qui hésitent à se charger de tel ou tel travail, déclarer qu’ils craignent de ne pouvoir s’en acquitter. Pourquoi ce manque d’assurance ?

Parce qu’ils n’ont pas saisi le contenu et les conditions de ce travail selon les lois qui les régissent, ou bien ils n’ont jamais eu l’occasion de s’occuper d’un tel travail ou bien ils ne l’ont eue que rarement ; il ne peut donc être question pour eux d’en connaître les lois. Mais lorsqu’on aura fait devant eux une analyse détaillée de la nature et des conditions du travail, ils commenceront à être plus sûrs d’eux-mêmes et accepteront de s’en charger.

Si, au bout d’un certain temps consacré à ce travail, ils acquièrent de l’expérience, et s’ils veulent bien, sans parti pris, examiner à fond l’état de la situation, au lieu de considérer les choses d’une manière subjective, unilatérale et superficielle, ils seront capables de tirer par eux-mêmes les conclusions concernant la manière dont il convient de s’y prendre, et ils se mettront à travailler avec bien plus d’assurance.

Seuls les gens qui ont une vue subjective, unilatérale et superficielle des problèmes se mêlent de donner présomptueusement des ordres ou des instructions dès qu’ils arrivent dans un endroit nouveau, sans s’informer de l’état de la situation, sans chercher à voir les choses dans leur ensemble (leur histoire et leur état présent considéré comme un tout) ni à en pénétrer l’essence même (leur caractère et leur liaison interne) ; il est inévitable que de telles gens trébuchent.

Il apparaît, en conséquence, que le premier pas dans le processus de la connaissance, c’est le contact avec le monde extérieur : le degré des sensations.

Le second, c’est la synthèse des données fournies par les sensations, leur mise en ordre et leur élaboration : le degré des concepts, des jugements et des déductions.

C’est seulement lorsque les données sensibles sont en grand nombre (et non pas fragmentaires, incomplètes), conformes à la réalité (et non pas illusoires), qu’il est possible, sur la base de ces données, d’élaborer des concepts corrects, une logique juste.

Il faut souligner ici deux points importants.

Le premier, dont il a été question précédemment et sur lequel il convient de revenir une fois de plus, est la dépendance de la connaissance rationnelle à l’égard de la connaissance sensible. Toute personne qui considère que la connaissance rationnelle peut ne pas provenir de la connaissance sensible est un idéaliste.

L’histoire de la philosophie a connu une école  » rationaliste  » qui n’admet que la réalité de la raison et nie celle de l’expérience, qui croit que l’on ne peut se fonder que sur la raison et non sur l’expérience sensible ; l’erreur de cette école est d’avoir interverti l’ordre des choses.

Si l’on peut se fier aux données de la connaissance rationnelle, c’est justement parce qu’elles découlent des données de la perception sensible ; autrement, elles deviendraient un fleuve sans source, un arbre sans racines, elles seraient quelque chose de subjectif, qui naîtrait de soi-même et auquel on ne pourrait se fier.

Du point de vue de l’ordre du processus de la connaissance, l’expérience sensible est la donnée première, et nous soulignons l’importance de la pratique sociale dans le processus de la connaissance, car c’est seulement sur la base de la pratique sociale de l’homme que peut naître chez lui la connaissance, qu’il peut acquérir l’expérience sensible issue du monde extérieur objectif.

Pour un homme qui se serait bouché les yeux et les oreilles, qui se couperait complètement du monde extérieur objectif, il ne pourrait être question de connaissance.La connaissance commence avec l’expérience, c’est là le matérialisme de la théorie de la connaissance.

Le second point, c’est la nécessité d’approfondir la connaissance, la nécessité de passer du degré de la connaissance sensible au degré de la connaissance rationnelle, telle est la dialectique de la théorie de la connaissance (9).

Estimer que la connaissance peut s’arrêter au degré inférieur, celui de la connaissance sensible, estimer qu’on ne peut se fier qu’à la connaissance sensible et non à la connaissance rationnelle, c’est répéter les erreurs, connues dans l’histoire, de 1′  » empirisme « .

Les erreurs de cette théorie consistent à ne pas comprendre que, tout e;n étant le reflet de certaines réalités du monde objectif (je ne parlerai pas ici de cet empirisme idéaliste qui limite l’expérience à ce qu’on appelle l’introspection), les données de la perception sensible n’en sont pas moins unilatérales, superficielles, que ce reflet est incomplet, qu’il ne traduit pas l’essence des choses.

Pour refléter pleinement une chose dans sa totalité, pour refléter son essence et ses lois internes, il faut procéder à une opération intellectuelle en soumettant les riches données de la perception sensible à une élaboration qui consiste à rejeter la balle pour garder le grain, à éliminer ce qui est fallacieux pour conserver le vrai, à passer d’un aspect des phénomènes à l’autre, du dehors au dedans, de façon à créer un système de concepts et de théories ; il faut sauter de la connaissance sensible à la connaissance rationnelle.

Cette élaboration ne rend pas nos connaissances moins complètes, moins sûres.

Au contraire, tout ce qui, dans le processus de la connaissance, a été soumis à une élaboration scientifique sur la base de la pratique, reflète, comme le dit Lénine, d’une manière plus profonde, plus fidèle, plus complète, la réalité objective.

C’est ce que ne comprennent pas les  » praticiens  » vulgaires qui s’inclinent devant l’expérience et dédaignent la théorie, si bien qu’ils ne peuvent embrasser le processus objectif dans son ensemble, n’ont ni clarté d’orientation ni vastes perspectives et s’enivrent de leurs succès occasionnels et de leurs vues étroites.

Si ces gens dirigeaient la révolution, ils la conduiraient dans une impasse.

La connaissance rationnelle dépend de la connaissance sensible et celle-ci doit se développer en connaissance rationnelle, telle est la théorie matérialiste-dialectique de la connaissance.

En philosophie, ni le  » rationalisme  » ni l' » empirisme  » ne comprennent le caractère historique ou dialectique de la connaissance, et, bien que ces théories recèlent l’une comme l’autre un aspect de la vérité (il s’agit du rationalisme et de l’empirisme matérialistes et non idéalistes), elles sont toutes deux erronées du point de vue de la théorie de la connaissance considérée dans son ensemble.

Le mouvement matérialiste-dialectique de la connaissance, qui va du sensible au rationnel, intervient aussi bien dans le processus de la connaissance du petit (par exemple, la connaissance d’une chose, d’un travail quelconque) que dans le processus de la connaissance du grand (par exemple, la connaissance de telle ou telle société, de telle ou telle révolution).

Néanmoins, le mouvement de la connaissance ne s’achève pas là.

Si on arrêtait le mouvement matérialiste-dialectique de la connaissance à la connaissance rationnelle, on n’aurait parlé que de la moitié du problème, et même, du point de vue de la philosophie marxiste, de cette moitié qui n’est pas la plus importante. La philosophie marxiste estime que l’essentiel, ce n’est pas de comprendre les lois du monde objectif pour être en état de l’expliquer, mais c’est d’utiliser la connaissance de ces lois pour transformer activement le monde.

Du point de vue marxiste, la théorie est importante, et son importance s’exprime pleinement dans cette parole de Lénine :  » Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire (10). « 

Mais le marxisme accorde une grande importance à la théorie justement et uniquement parce qu’elle peut être un guide pour l’action.

Si, étant arrivé à une théorie juste, on se contente d’en faire un sujet de conversation pour la laisser ensuite de côté, sans la mettre en pratique, cette théorie, si belle qu’elle puisse être, reste sans intérêt.

La connaissance commence avec la pratique ; quand on a acquis par la pratique des connaissances théoriques, on doit encore retourner à la pratique.

Le rôle actif de la connaissance ne s’exprime pas seulement dans le bond actif de la connaissance sensible à la connaissance rationnelle, mais encore, ce qui est plus important, il doit s’exprimer dans le bond de la connaissance rationnelle à la pratique révolutionnaire.

Ayant acquis la connaissance des lois du monde, on doit la diriger de nouveau vers la pratique de la transformation du monde, l’appliquer de nouveau dans la pratique de la production, dans la pratique de la lutte révolutionnaire de classe et de la lutte révolutionnaire pour la libération de la nation, de même que dans la pratique de l’expérience scientifique.

Tel est le processus de vérification et de développement de la théorie, le prolongement de tout le processus de la connaissance.

La question de savoir si une théorie correspond à la vérité objective n’est pas et ne peut être résolue entièrement dans le mouvement de la connaissance sensible à la connaissance rationnelle dont il a été parlé plus haut.

Pour résoudre complètement cette question, il est nécessaire de diriger de nouveau la connaissance rationnelle vers la pratique sociale, d’appliquer la théorie dans la pratique et de voir si elle peut

conduire au but fixé.

Nombre de théories des sciences de la nature sont reconnues vraies non seulement parce qu’elles ont été considérées comme telles lorsque des savants les ont élaborées, mais parce qu’elles se sont vérifiées ensuite dans la pratique scientifique.

De même, le marxisme-léninisme est reconnu comme vérité non seulement parce que cette doctrine a été scientifiquement élaborée par Marx, Engels, Lénine et Staline, mais parce qu’elle a été confirmée par la pratique ultérieure de la lutte révolutionnaire de classe et de la lutte révolutionnaire pour la libération de la nation.

Le matérialisme dialectique est une vérité générale parce que personne, dans sa pratique, ne peut sortir de ce cadre.

L’histoire de la connaissance humaine nous apprend que de nombreuses théories étaient d’une vérité incomplète, et que c’est leur vérification dans la pratique qui a permis de la compléter.

Nombre de théories étaient erronées, et c’est leur vérification dans la pratique qui a permis d’en corriger les erreurs.

C’est pourquoi la pratique est le critère de la vérité.  » Le point de vue de la vie, de la pratique, doit être le point de vue premier, fondamental de la théorie de la connaissance (11).  »

Staline s’est exprimé d’une manière remarquable à ce sujet :

 » … la théorie devient sans objet si elle n’est pas rattachée à la pratique révolutionnaire ; de même, exactement, que la pratique devient aveugle si sa voie n’est pas éclairée par la théorie révolutionnaire (12).  »

Est-ce là que s’achève le mouvement de la connaissance ?

Nous répondons oui et non. Quand l’homme, dans la société, s’adonne à une activité pratique en vue de la modification d’un processus objectif déterminé (qu’il soit naturel ou social) à un degré déterminé de son développement, il peut, grâce au reflet du processus objectif dans son cerveau et à sa propre activité subjective, passer de la connaissance sensible à la connaissance rationnelle, élaborer des idées, des théories, des plans ou des projets qui correspondent, dans l’ensemble, aux lois de ce processus objectif ; il peut ensuite appliquer ces idées, théories, plans ou projets à la pratique de la modification du même processus objectif ; s’il parvient au but fixé, c’est-à-dire s’il réussit, dans la pratique de ce processus, à réaliser, au moins dans leurs grands traits, les idées, théories, plans ou projets préalablement élaborés, le mouvement de la connaissance de ce processus déterminé peut alors être considéré comme achevé.

Par exemple, dans le processus de modification de la nature, la réalisation d’un plan de construction, la confirmation d’une hypothèse scientifique, la création d’un mécanisme, la récolte d’une plante cultivée, ou bien, dans le processus de modification de la société, le succès d’une grève, la victoire dans une guerre, l’accomplissement d’un programme d’enseignement, signifient que chaque fois le but fixé a été atteint.

Néanmoins, d’une manière générale, il est rare, tant dans la pratique d’une modification de la nature que dans celle d’une modification de la société, que les idées, théories, plans ou projets, préalablement élaborés par les hommes, se trouvent réalisés sans subir le moindre changement.

C’est que les gens qui transforment la réalité sont constamment soumis à de multiples limitations : ils sont limités non seulement par les conditions scientifiques et techniques, mais encore par le développement du processus objectif lui-même et le degré auquel il se manifeste (les aspects et l’essence du processus objectif n’étant pas encore complètement mis en évidence).

Dans une telle situation, par suite de l’apparition dans la pratique de circonstances imprévues, les idées, théories, plans ou projets se trouvent souvent partiellement et parfois même entièrement modifiés.

En d’autres termes, il arrive que les idées, théories, plans ou projets, tels qu’ils ont été élaborés à l’origine, ne correspondent pas à la réalité, soit partiellement soit totalement, et se trouvent être, partiellement ou totalement erronés.

Bien souvent, c’est seulement après des échecs répétés qu’on réussit à éliminer l’erreur, à se conformer aux lois du processus objectif, à transformer ainsi le subjectif en objectif, c’est-à-dire à parvenir, dans la pratique, aux résultats attendus.En tout cas, c’est à ce moment que le mouvement de la connaissance des hommes concernant un processus objectif déterminé, à un degré déterminé de son développement, peut être considéré comme achevé.

Toutefois, si l’on considère le processus dans son développement, le mouvement de la connaissance humaine ne s’achève pas là.

Tout processus, qu’il soit naturel ou social, progresse et se développe en raison de ses contradictions et luttes internes, et le mouvement de la connaissance humaine doit également progresser et se développer en conséquence.

S’il s’agit d’un mouvement social, les véritables dirigeants révolutionnaires doivent non seulement savoir corriger les erreurs qui apparaissent dans leurs idées, théories, plans ou projets, comme cela a été dit précédemment, il faut encore, lorsqu’un processus objectif progresse et passe d’un degré de son développement à un autre, qu’ils soient aptes, eux-mêmes et tous ceux qui participent à la révolution avec eux, à suivre ce progrès et ce passage dans leur connaissance subjective, c’est-à-dire qu’ils doivent faire en sorte que les nouvelles tâches révolutionnaires et les nouveaux projets de travail proposés correspondent aux nouvelles modifications de la situation.

Dans une période révolutionnaire, la situation change très vite ; si les révolutionnaires n’adaptent pas rapidement leur connaissance à la situation, ils seront incapables de faire triompher la révolution.

Il arrive souvent, néanmoins, que les idées retardent sur la réalité, et cela parce que la connaissance humaine se trouve limitée par de nombreuses conditions sociales.

Nous luttons dans nos rangs révolutionnaires contre les entêtés dont les idées ne suivent pas le rythme des modifications de la situation objective, ce qui, dans l’histoire, s’est manifesté sous la forme de l’opportunisme de droite.

Ces gens ne voient pas que la lutte des contraires a déjà fait avancer le processus objectif alors que leur connaissance en reste encore au degré précédent.

Cette particularité est propre aux idées de tous les entêtés. Leurs idées sont coupées de la pratique sociale, et ils ne savent pas marcher devant le char de la société pour le guider, ils ne font que se traîner derrière, se plaignant qu’il aille trop vite et essayant de le ramener en arrière ou de le faire rouler en sens inverse.

Nous sommes également contre les phraseurs  » de gauche « . Leurs idées s’aventurent au-delà d’une étape de développement déterminée du processus objectif : les uns prennent leurs fantaisies pour des réalités, d’autres essaient de réaliser de force, dans le présent, des idéaux qui ne sont réalisables que dans l’avenir ; leurs idées, coupées de la pratique actuelle de la majorité des gens, coupées de la réalité actuelle, se traduisent dans l’action par l’aventurisme.

L’idéalisme et le matérialisme mécaniste, l’opportunisme et l’aventurisme se caractérisent par la rupture entre le subjectif et l’objectif, par la séparation de la connaissance et de la pratique.

La théorie marxiste-léniniste de la connaissance, qui se distingue par la pratique sociale scientifique, doit forcément livrer un combat résolu contre ces conceptions erronées.

Les marxistes reconnaissent que, dans le processus général, absolu du développement de l’univers, le développement de chaque processus particulier est relatif, et que, par conséquent, dans le flot infini de la vérité absolue, la connaissance qu’ont les hommes d’un processus particulier à chaque degré de son développement n’est qu’une vérité relative.

De la somme d’innombrables vérités relatives se constitue la vérité absolue (13).

Dans son développement, un processus objectif est plein de contradictions et de luttes, il en est de même d’un mouvement de la connaissance humaine.

Tout mouvement dialectique dans le monde objectif trouve, tôt ou tard, son reflet dans la connaissance humaine.

Dans la pratique sociale, le processus d’apparition, de développement et de disparition est infini, également infini est le processus d’apparition, de développement et de disparition dans la connaissance humaine.

Puisque la pratique des hommes, qui transforme la réalité objective suivant des idées, des théories, des plans, des projets déterminés, avance toujours, leur connaissance de la réalité objective n’a pas de limites.

Le mouvement de transformation, dans le monde de la réalité objective, n’a pas de fin, et l’homme n’a donc jamais fini de connaître la vérité dans le processus de la pratique.

Le marxisme-léninisme n’a nullement épuisé la vérité ; sans cesse, dans la pratique, il ouvre la voie à la connaissance de la vérité. Notre conclusion est l’unité historique, concrète, du subjectif et de l’objectif, de la théorie et de la pratique, du savoir et de l’action ; nous sommes contre toutes les conceptions erronées,  » de gauche  » ou de droite, coupées de l’histoire concrète.

A l’époque actuelle du développement social, l’histoire a chargé le prolétariat et son parti de la responsabilité d’acquérir une juste connaissance du monde et de le transformer.

Ce processus, la pratique de transformation du monde, processus déterminé par la connaissance scientifique, est arrivé à un moment historique, en Chine comme dans le monde entier, à un moment d’une haute importance, sans précédent dans l’histoire de l’humanité – le moment de dissiper complètement les ténèbres en Chine comme dans le monde entier, et de transformer notre monde en un monde radieux, tel qu’on n’en a jamais connu.

La lutte du prolétariat et du peuple révolutionnaire pour la transformation du monde implique la réalisation des tâches suivantes : la transformation du monde objectif comme celle du monde subjectif de chacun – la transformation des capacités cognitives de chacun comme celle du rapport existant entre le monde subjectif et le monde objectif.

Cette transformation a déjà commencé sur une partie du globe, en Union soviétique.

On y accélère actuellement le processus. Le peuple chinois et les peuples du monde entier sont engagés dans ce processus de transformation ou le seront.

Et le monde objectif à transformer inclut tous les adversaires de cette transformation ; ils doivent passer par l’étape de la contrainte avant de pouvoir aborder l’étape de la transformation consciente.

L’époque où l’humanité entière entreprendra de façon consciente sa propre transformation et la transformation du monde sera celle du communisme mondial.Par la pratique découvrir les vérités, et encore par la pratique confirmer les vérités et les développer.

Partir de la connaissance sensible pour s’élever activement à la connaissance rationnelle, puis partir de la connaissance rationnelle pour diriger activement la pratique révolutionnaire afin de transformer le monde subjectif et objectif.

La pratique, la connaissance, puis de nouveau la pratique et la connaissance.

Cette forme cyclique n’a pas de fin, et de plus, à chaque cycle, le contenu de la pratique et de la connaissance s’élève à un niveau supérieur.

Telle est dans son ensemble la théorie matérialiste-dialectique de la connaissance, telle est la conception que se fait le matérialisme dialectique de l’unité du savoir et de l’action.

NOTES

1. V. I. Lénine, Notes sur La Science de la logique de Hegel, livre trois, troisième section :  » L’idée  » dans  » Résumé de La Science de la logique de Hegel  » (septembre-décembre 1914).

2. Voir K. Marx :  » Thèses sur Feuerbach  » (printemps 1845) et V. I. Lénine : Matérialisme et empiriocriticisme (second semestre 1908), chapitre II, section 6.

3. Son kouo yen yl (Le Roman des Trois Royaumes), célèbre roman historique dont l’auteur est Louo Kouan-tchong (fin du XIVème siècle-début du XVème).

4. V. I. Lénine : Notes sur La Science de la logique de Hegel, livre trois :  » Science de la logique subjective ou la théorie du concept  » dans  » Résumé de La Science de la logique de Hegel « .

5. A partir de la dynastie des Tang, les examens Impériaux de la Chine féodale furent organisés à trois échelons : national, provincial et du district (ou tcheou). Celui qui réussissait aux examens de district s’appelait sieoutsai.

6. Mouvement révolutionnaire paysan du milieu du xixème siècle dirigé contre la domination féodale et l’oppression nationale de la dynastie des Tsing.

En janvier 1851, Hong Sieou-tsiuan, Yang Sieou-tsing et d’autres chefs de ce mouvement organisèrent un soulèvement dans le Kouangsi et proclamèrent la fondation du Royaume céleste des Taiping.

En 1852, l’armée paysanne quitta le Kouangsi et se dirigea vers le nord, traversant le Hounan, le Houpei, le Kiangsi et l’Anhouei.

En 1853, elle prit Nankin, centre urbain du Bas-Yangtsé. Une partie de ses forces continua sa marche vers le nord et poussa jusqu’aux abords de Tientsin, grande ville de la Chine du Nord.

Comme l’armée des Taiping omit d’établir de solides bases d’appui dans les territoires qu’elle occupait, et que son groupe dirigeant, après avoir fait de Nankin la capitale, commit de nombreuses fautes politiques et militaires, elle ne put résister aux attaques conjointes des troupes contre- révolutionnaires du gouvernement des Tsing et des pays agresseurs, la Grande-Bretagne, les Etats- Unis et la France, et elle fut vaincue en 1864.7. 11 apparut en 1900 dans le nord de la Chine; ce fut un mouvement de lutte armée dirigé contre l’impérialisme.

Ce mouvement groupait principalement les larges masses de paysans et d’artisans qui, organisées en sociétés secrètes et utilisant les croyances religieuses et les superstitions comme moyen de liaison, combattirent vaillamment les forces coalisées d’agression de huit puissances impérialistes : Etats- Unis, Grande-Bretagne, Japon, Allemagne, Russie, France, Italie et Autriche.

Ces forces réprimèrent sauvagement le mouvement après s’être emparées de Pékin et de Tientsin.

8. Mouvement révolutionnaire anti-impérialiste et antiféodal qui éclata le 4 mai 1W19. Dans la première moitié de l’année, la Grande-Bretagne, la France, les Etats-Unis, le Japon, l’Italie et d’autres puissances impérialistes, victorieuses dans la Première guerre mondiale, avaient tenu à Paris une conférence pour partager le butin de guerre et décidé que le Japon prendrait possession des droits privilégiés de l’Allemagne dans la province chinoise du Chantong.

Les étudiants de Pékin furent les premiers à exprimer leur ferme opposition en organisant des meetings et des manifestations le 4 mai. Le gouvernement des seigneurs de guerre du Peiyang exerça une répression contre eux et opéra plus de trente arrestations.

En signe de protestation, ils déclenchèrent une grève à laquelle un grand nombre d’étudiants d’autres endroits firent écho.

Le 3 juin, le gouvernement des seigneurs de guerre du Peiyang procéda à des arrestations massives à Pékin, et, en deux jours, environ 1 000 étudiants furent arrêtés. Les événements du 3 juin accrurent encore l’indignation du peuple tout entier.

Le 5 juin, les ouvriers et les commerçants commencèrent à faire grève à Changhaï et en de nombreux autres endroits.

Ce mouvement patriotique qui, au début, englobait surtout des intellectuels, prit bientôt une ampleur nationale avec la participation du prolétariat, de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie.

Parallèlement à son développement, le mouvement de la culture nouvelle contre le féodalisme, pour la science et la démocratie, déclenché avant le  » 4 Mai « , se transforma en un puissant mouvement révolutionnaire culturel dont le contenu principal était la propagation du marxisme-léninisme.

9. V. I. Lénine, Notes sur La Science de la logique de Hegel, livre trois, troisième section :  » L’idée  » dans  » Résumé de La Science de la logique de Hegel  » (septembre-décembre 1914), où Lénine dit: « Pour comprendre, il faut commencer à comprendre, à étudier empiriquement, s’élever de l’empirique au général ».

10. V. I. Lénine : Que faire ? (automne 1901-février 1902

11. V. I. Lénine : Matérialisme et emplrlocritlclsme, chapitre II, section 6.

12. J. Staline : Des principes du léninisme (avril-mai 1924), partie III :  » La théorie « .

13. Voir V. I. Lénine : Matérialisme et empiriocriticisme, chapitre II, section 5.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : A propos du suicide de Mademoiselle Chao

Mao Zedong, Hunan Da Dong Bao, 16 novembre 1919

Quand un évènement se produit dans la société, il ne faut pas le considérer comme un fait sans importance. Derrière un évènement, il y a toujours un enchevêtrement de causes.

La mort s’explique de deux façons : la première répond à une logique biologique et physique, « mort de vieillesse » entre dans cette catégorie ; la deuxième est contraire à la logique de la biologie et de la physique, « mort prématurément », « mort violente » font partie de cette autre catégorie. La mort de Mademoiselle est un suicide, il s’agit d’une mort violente et appartient donc à la deuxième catégorie.

Le suicide d’une personne est entièrement déterminé par les circonstances qui l’entourent. L’intention de Mademoiselle Chao était-elle de mourir ?

Bien au contraire, son intention était de vivre. Si Mademoiselle Chao a fini par chercher la mort au lieu de la vie, c’est parce que des circonstances l’y ont amenée.

Dans le cas de Mademoiselle Chao, les circonstances sont les suivantes : (1) la société en Chine (2) la famille Chao de la rue Nanyang à Changsha (3) La famille Wu de Ganziyuan à Changsha, la famille du mari dont elle ne voulait pas. Ces trois facteurs sont comme trois tiges de fers qui forment une sorte de cage triangulaire.

Une fois Mademoiselle Chao prise dans ces trois tiges de fer, son désir de vivre n’a pu trouver aucun moyen de s’exprimer.

Il n’existait aucun moyen de continuer à vivre, et l’opposé de la vie étant la mort, alors Mademoiselle Chao est morte.

Si un seul de ces trois facteurs n’avait pas été une tige de fer, ou si l’une de ces tiges de fer avait rompu, Mademoiselle Chao ne serait certainement pas morte.

(1) Si les parents de Mademoiselle Chao n’avaient pas eu recours à la coercition et respecté le libre choix, elle ne serait certainement pas morte.

(2) Si les parents de Mademoiselle Chao n’avaient pas eu recours à la coercition et lui avaient permis d’expliquer son point de vue à la famille de son futur mari, d’expliquer les raisons de son refus, et si la famille de son futur mari avait accepté son point de vue et respecté sa liberté individuelle, Mademoiselle Chao ne serait certainement pas morte.

(3) Même si les parents de Mademoiselle Chao ou ceux de la famille de son futur mari avaient refusé d’accepter son libre choix, si dans la société il avait existé un groupe puissant d’opinion publique pour la soutenir, s’il existait un monde nouveau où le fait de s’enfuir de la maison de ses parents pour trouver refuge autre part n’était pas considéré comme quelque chose de déshonorant mais au contraire honorable, alors dans ce cas aussi, Mademoiselle Chao ne serait certainement pas morte.

Si Mademoiselle Chao est morte à présent, c’est à cause des trois tiges en fer (la société, sa famille et celle de son futur mari) qui l’emprisonnaient.

Le désir de vivre s’est avéré impossible à accomplir et c’est celui de mort qui l’a emporté.

L’an dernier, à Tokyo au Japon, une comtesse et son chauffeur, qui s’aimaient profondément, se sont suicidés ensemble [1]. Les journaux de Tokyo ont publié des numéros spéciaux sur cette affaire et de nombreux lettrés et érudits en ont débattu pendant plusieurs mois.

L’évènement d’hier est très important.

Derrière cet évènement, il y a en cause le système des mariages arrangés, les ténèbres du système social, l’impossibilité d’une pensée indépendante, l’impossibilité de l’amour vécu en toute liberté.

Nous qui vivons sur les lieux de cet évènement devons en discuter.

Comme deux articles hier ont servi d’introduction [2], j’ai donné à mon tour mon opinion. Il est à espérer que les personnes intéressées discuteront de tous les aspects de cette affaire, en commençant par appeler « innocente » cette jeune femme qui s’est sacrifiée pour la liberté et l’amour véritable.

NOTES

[1] Il s’agit de la comtesse Yoshikawa Kamako, fille du vice-président du Conseil privé, assemblée de conseillers travaillant auprès de l’empereur du Japon de 1888 à 1947.

[2] Deux articles intitulés « Les mariages traditionnels répandent leur poison » et « Victimes de la réforme du mariage » étaient parus la veille.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Importants entretiens du président Mao Zedong avec des personnalités d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine

   En mai et juin 1960, le président Mao Zedong a reçu successivement à Tsinan, Tchengtcheou, Wouhan et Changhaï des délégations et des amis venus d’Amérique latine, d’Afrique, du Japon, d’Irak, d’Iran et de Chypre, en visite dans notre pays. Au cours des réceptions, le président Mao Zedong a fait plusieurs déclarations.

   Le 3 mai, le président Mao Zedong a reçu à Tsinan des délégations syndicales, de femmes, et des déléguées, venues de 14 pays et régions d’Amérique latine et d’Afrique.

   Le président Mao Zedong s’est entretenu cordialement avec ces amis et les a assurés du ferme soutien des 650 millions de Chinois aux actuels mouvements nationaux et démocratiques du peuple cubain et de tous les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, et leur a exprimé ses remerciements pour le soutien et l’aide qu’ils ont apportés à la Chine nouvelle.

   Le président Mao Zedong a notamment déclaré : Notre ennemi commun est l’impérialisme américain, nous nous trouvons tous sur un même front, et nous devons nous unir et nous soutenir les uns les autres. Les peuples du monde entier, y compris le peuple américain, sont nos amis, a-t-il dit. Il affirma également au cours de l’entretien son soutien à la Conférence au Sommet des quatre puissances.

Les amis de ces pays ont parlé eux aussi de la lutte menée actuellement dans leurs pays respectifs contre l’impérialisme et pour la conquête et la sauvegarde de l’indépendance nationale et de la démocratie, et ont exprimé leur résolution de surmonter toutes les difficultés et de lutter pour la victoire finale, et leur confiance.

   Le 7 mai, le président Mao Zedong a reçu à Tcheng-Tcheou des hommes publics, des combattants de la paix et des délégations syndicales, de jeunes, d’étudiants, ainsi que des délégués, venus de 12 pays et régions d’Afrique.

   Au cours de la réception, toutes les délégations, dans des exposés pleins de chaleur, ont évoqué toutes les souffrances subies depuis de longues années sous l’oppression et le joug de l’impérialisme, leurs luttes antiimpérialistes et anticolonialistes ; elles ont exprimé leur résolution et leur confiance dans une victoire complète, leur profonde amitié pour le peuple chinois et leur respectueuse affection pour le président Mao Zedong.

   Le président Mao Zedong a exprimé, au nom des 650 millions de Chinois, toute sa sympathie et son appui total à la lutte héroïque des peuples d’Afrique contre l’impérialisme et le colonialisme. Le président Mao Zedong a également exprimé sa sympathie et son soutien à la juste lutte patriotique du peuple sud-coréen et du peuple turc contre l’impérialisme américain et ses chiens couchants. Le président Mao Zedong estime que cette lutte des peuples sud-coréen et turc prouve que la tempête des luttes des peuples opprimés d’Asie contre l’impérialisme et ses chiens couchants éclatera avec une vigueur nouvelle.

   Cette lutte constituera un soutien pour le juste combat que mènent les peuples d’Afrique et d’Amérique latine ainsi que les peuples du monde entier. Le président Mao Zedong a dit que les justes luttes des peuples du monde entier se soutiennent toutes mutuellement. Le président Mao Zedong a remercié les amis d’Afrique pour leur profonde amitié envers le peuple chinois, il a salué la grande solidarité entre le peuple chinois et les peuples d’Afrique et a affirmé qu’il était convaincu que la victoire finale serait certainement remportée dans la lutte commune contre l’impérialisme et le colonialisme.

   Le 8 mai, le président Mao Zedong a reçu à Tcheng-Tcheou des amis de 8 pays de l’Amérique latine.

   Au cours de l’entretien, le président Mao Zedong a tout d’abord souhaité chaleureusement la bienvenue aux amis d’Amérique latine et leur a fait connaître les expériences du peuple chinois dans la lutte révolutionnaire et dans l’édification socialiste.

   De leur côté, les amis de 8 pays d’Amérique latine ont fait part au président Mao Zedong de leurs impressions sur leur visite en Chine. Ils ont chaleureusement applaudi les succès que le peuple chinois a remportés, dans ses entreprises et ont exalté la ligne générale pour l’édification du socialisme, le grand bond en avant et les communes populaires de Chine, ainsi que la contribution du peuple chinois à la cause de la paix mondiale et du progrès de l’humanité. Ils ont également parlé des liens historiques entre les peuples d’Amérique latine et le peuple chinois et de leur amitié qui se développe de jour en jour.

   Ils ont dit que les peuples d’Amérique latine et le peuple chinois ont un ennemi commun, l’impérialisme américain. Ils ont parlé de la lutte que mènent le peuple cubain et les peuples des autres pays d’Amérique latine contre l’impérialisme américain. Ils ont déclaré que la victoire finale sera certainement remportée dans la lutte contre l’impérialisme, si les peuples d’Amérique latine s’unissent ensemble et avec le peuple chinois et les peuples du monde entier.

   Le président Mao Zedong a remercié ces amis pour leur amitié envers le peuple chinois. Le président Mao Zedong a dit que, comme les peuples d’Amérique latine, le peuple chinois a été longtemps opprimé et exploité par l’impérialisme. Le peuple chinois, fort de l’unité de ses propres rangs et grâce à l’aide des peuples des autres pays, a pu mener une longue et âpre lutte et a fini par renverser la domination de l’impérialisme, du féodalisme et du capitalisme bureaucratique en Chine. A l’heure actuelle, il est en train d’édifier son pays, afin de transformer son aspect « de pauvreté et de dénuement culturel ».

   Le peuple chinois est pleinement confiant de pouvoir mener à bien l’édification de son pays, il lui faut donc du temps, la paix et des amis. Le Président a dit que le peuple cubain, les peuples d’Amérique latine, ainsi que les peuples du monde entier sont les amis du peuple chinois, alors que l’impérialisme et ses chiens couchants sont nos ennemis communs et ne forment qu’un très petit nombre. Il a dit que c’est principalement par la lutte des peuples des différents pays que s’obtient la paix mondiale.

   Le président Mao Zedong a exprimé son admiration pour la lutte héroïque du peuple cubain contre l’impérialisme américain. La lutte du peuple cubain et des autres peuples d’Amérique latine, a-t-il dit, a aidé le peuple chinois, et la lutte du peuple chinois a aidé également le peuple cubain et les autres peuples des pays d’Amérique latine.

   Le peuple est le facteur décisif ; en nous appuyant sur l’union et la lutte du peuple, nous pourrons à coup sûr vaincre l’impérialisme et ses chiens couchants et obtenir une paix durable dans le monde.

   Le 9 mai, le président Mao Zedong a reçu à Tcheng-Tcheou les amis qui font partie de la délégation culturelle et de la délégation ouvrière irakiennes, de la délégation syndicale iranienne et de la délégation de la Fédération du Travail de Chypre.

   Le président Mao Zedong s’est entretenu avec les amis, d’Irak, d’Iran et de Chypre de la situation de la lutte des peuples des différents pays contre l’impérialisme et ses chiens couchants ainsi que des expériences acquises.

   Le président Mao Zedong a dit qu’à l’heure actuelle le plus grand impérialisme du monde, c’est l’impérialisme américain, qui a des chiens couchants dans de nombreux pays. Ceux que les impérialistes soutiennent sont précisément ceux que les grandes masses populaires répudient. Des individus tels que Tchiang Kaï-chek, Syngman Rhee, Nobosuke Kishi, Batista, Nouri Saïd, Mendérès sont soit déjà renversés par le peuple, soit sur le point de l’être. Le soulèvement des peuples de ces pays contre les chiens couchants des impérialistes américains et autres constitue également une opposition à la domination réactionnaire des impérialistes.

   Le président Mao Zedong a dit que le peuple japonais est passé à l’action et qu’actuellement la grande masse populaire japonaise est en train d’organiser des manifestations encore plus amples que par le passé contre le traité d’alliance militaire, de caractère agressif, signé par le gouvernement Kishi avec les impérialistes américains. Le peuple chinois soutient fermement cette lutte du peuple japonais.

   La juste lutte des peuples du monde, a-t-il dit, bénéficie et continuera à bénéficier du ferme appui des 650 millions de Chinois. Il a dit que l’existence de l’impérialisme ne sera plus bien longue. Les impérialistes ont commis tous les méfaits possibles, les peuples opprimés du monde entier ne pourront absolument pas leur pardonner. Le président Mao Zedong a dit que pour vaincre la domination réactionnaire des impérialistes, il faut former un large front uni, s’unir avec toutes les forces possibles, à l’exclusion des ennemis, et poursuivre une âpre lutte.

   Les amis d’Irak, d’Iran et de Chypre ont remercié le président Mao Zedong pour sa réception et pour les paroles qu’il avait prononcées et ont exprimé leur volonté de lutter en commun avec le peuple chinois et les peuples du monde entier contre l’impérialisme. Enfin, le président Mao Zedong a levé son verre pour souhaiter une union plus solide encore entre les peuples du monde et formuler le vœu que la lutte du peuple japonais aboutisse à la victoire et que la victoire soit également remportée par les peuples du monde dans leur lutte contre l’impérialisme et ses chiens couchants.

   Le 14 mai, le président Mao Zedong a reçu à Wouhan des amis du Japon, de Cuba, du Brésil et d’Argentine.

   Le président Mao Zedong a tout d’abord souhaité la bienvenue aux amis japonais, cubains, brésiliens et argentins, à l’occasion de leur visite en Chine. Le président Mao Zedong a manifesté son intérêt pour la lutte que mène le peuple japonais contre le traité d’alliance militaire nippo-américain. Il a dit que le nouveau « pacte de sécurité » nippo-américain vise à opprimer les grandes masses populaires japonaises.

   C’est un traité d’alliance militaire de caractère agressif, hostile à la Chine et à l’Union Soviétique et aux peuples d’Asie. Il constitue une grave menace pour la paix en Asie et dans le monde et sera nécessairement cause de grands malheurs pour le peuple japonais. Les peuples chinois et japonais, les peuples d’Asie, ainsi que les peuples épris de paix du monde entier doivent s’opposer au traité d’alliance militaire nippo-américain.

   Le président Mao Zedong a dit que l’impérialisme américain est l’ennemi commun des peuples chinois et japonais, en même temps que celui des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, et de tous les peuples épris de paix du monde entier. Les impérialistes ont élevé à leur propre intention des chiens couchants dans de nombreux pays. Les peuples de ces pays n’aiment pas ces chiens couchants. Le gouvernement Nobosuke Kishi, au Japon, est un gouvernement de ce genre.

   Les patriotes éclairés du Parti libéral-démocrate japonais ont exprimé également leur mécontentement à l’égard de la politique réactionnaire de Nobosuke Kishi. A l’heure actuelle, le peuple japonais mène une lutte d’une grande ampleur contre le traité d’alliance militaire nippo-américain. Dans la lutte contre le traité d’alliance militaire nippo-américain, la conscience du peuple japonais s’élève de jour en jour et ceux qui prennent conscience deviennent de plus en plus nombreux. Le président Mao Zedong a ajouté que le peuple japonais a beaucoup d’espoir.

   Le peuple chinois a soutenu, soutient et soutiendra avec fermeté la lutte patriotique et juste du peuple japonais. Le peuple cubain et les autres peuples d’Amérique latine soutiennent la lutte du peuple japonais, et le peuple japonais soutient également la lutte du peuple cubain et des autres peuples de l’Amérique latine.

   Le président Mao Zedong dit que les Etats-Unis ont envoyé récemment un avion de type U-2 pour s’introduire en Union Soviétique, afin de s’y livrer à des activités d’espionnage ; il a été abattu et les Soviétiques ont eu tout à fait raison.

Cet incident a mis à nu une fois de plus le vrai visage des impérialistes américains qui, sous l’enseigne hypocrite de la paix, se livrent aux préparatifs d’une guerre d’agression, et il a une fois de plus prouvé au monde entier cette vérité : On ne doit pas conserver d’illusions, pas d’espoir qui ne correspond pas à la réalité, sur les impérialistes.

   Certaines personnes avaient décrit Eisenhower comme un homme fort attaché à la paix, je souhaite que ces personnes soient pleinement éclairées par ce fait.

   Le président Mao Zedong a dit : Nous soutenons la convocation de la Conférence au Sommet, que ce genre de conférence aboutisse ou non à des résultats ou quelle que soit l’importance des succès obtenus. Cependant, pour obtenir la paix dans le monde, il faut s’appuyer principalement sur la lutte résolue des peuples de tous les pays.

   Le président Mao Zedong a encore parlé de l’essor grandissant des mouvements nationaux et démocratiques en Asie, en Afrique et en Amérique latine. Il a dit que ce que les impérialistes craignent le plus, c’est la prise de conscience des peuples d’Asie, d’Afrique et de l’Amérique latine, c’est la prise de conscience de tous les peuples du monde. Nous devons nous unir pour chasser les impérialistes américains de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine et les renvoyer chez eux.

   Les amis du Japon, de Cuba, du Brésil et d’Argentine ont remercié le président Mao Zedong pour la réception et l’entretien cordial qu’il leur a accordés et ont exprimé leur volonté de s’unir pour lutter unanimement contre l’impérialisme et pour remporter la victoire dans la lutte nationale et démocratique.

   Pour terminer, le président Mao Zedong a levé son verre à l’union des peuples du monde entier, à la victoire du peuple japonais, à la victoire des peuples d’Amérique latine et à la victoire des peuples de tous les pays du monde.

   Le 21 juin, le président Mao Zedong et le premier ministre Chou En-laï ont reçu à Changhaï la délégation des hommes de lettres japonais conduite par Hiroshi Noma, et des entretiens cordiaux se sont déroulés dans une atmosphère pleine d’amitié.

   Le président Mao Zedong a indiqué que la lutte victorieuse du peuple japonais contre l’impérialisme américain et ses agents au Japon, pour l’indépendance nationale et pour les libertés démocratiques constituait un très grand soutien apporté à la lutte du peuple chinois et des peuples du monde contre l’agression des impérialistes américains et pour la sauvegarde de la paix mondiale.

   Le président Mao Zedong a dit que la conscience du peuple japonais s’est beaucoup élevée par rapport à ce qu’elle était il y a quelques années, les larges masses populaires japonaises ont compris que l’impérialisme américain est l’ennemi commun des peuples chinois et japonais et des peuples épris de paix et de justice du monde entier.

   Cette lutte aurait été difficilement concevable dans le passé, en raison de son ampleur, de son étendue et de sa longue durée. Il apparaît que le peuple japonais a découvert une bonne méthode, dans la situation présente, pour s’opposer au nouveau « traité de sécurité nippo-américain » et aux bases militaires des États-Unis, et pour chasser les forces d’agression de l’impérialisme américain, et cette méthode réside dans l’union des forces les plus larges, à l’exception de l’impérialisme américain et de ses agents, pour mener une lutte de masse à l’échelle de la nation entière contre l’impérialisme américain et ses agents.

   Le chef de la délégation, Hiroshi Noma, a indiqué que la grève générale nationale du 4 juin, à laquelle ont participé des millions de Japonais, et dont les ouvriers ont été le noyau, a montré que la lutte du peuple japonais pour l’indépendance et la démocratie est entrée dans une nouvelle étape. Les forces du peuple japonais opposées à l’impérialisme américain et à ses agents au Japon se sont unies et la lutte ne cessera nullement, elle continuera à progresser et à se développer.

   Le président Mao Zedong a dit ensuite qu’il ne croyait pas qu’une nation aussi grande que le Japon puisse être longtemps victime de la domination étrangère. Il a estimé qu’il existait des perspectives pleines d’espérance pour l’indépendance et la liberté du Japon. L’indépendance et la paix seraient assurées pour le Japon après l’abolition du « traité de sécurité nippo-américain » et la suppression des bases militaires américaines.

   Le président Mao Zedong a fait remarquer que la victoire se gagne étape par étape et que la conscience des masses s’élève également progressivement. Le président Mao Zedong a souhaité de plus grands succès encore au peuple japonais dans sa juste lutte patriotique contre l’impérialisme américain. II a exprimé le respect que lui inspire le sacrifice héroïque de Michiko Kanba. ll a dit que Michiko Kanba était devenue une héroïne nationale japonaise célèbre dans le monde entier.

   Enfin, le chef de. la délégation, Hiroshi Noma, et tous les membres de la délégation, ont exprimé leurs remerciements sincères et leur joie pour l’énorme soutien accordé au peuple japonais par le président Mao Zedong et le peuple chinois.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : Entretien avec le journaliste anglais James Bertram

25 Octobre 1937

Le Parti communiste chinois et la Guerre de Résistance contre le Japon

James Bertram : Quelle a été la position concrète adoptée par le Parti communiste chinois avant qu’éclaté la guerre sino-japonaise et après ?

Mao Tsé-toung : Avant que cette guerre éclate, le Parti communiste chinois a averti maintes fois toute la nation que la guerre avec le Japon devenait inévitable, que les propos des impérialistes japonais sur un prétendu règlement pacifique ainsi que les belles phrases de leurs diplomates n’étaient qu’un écran de fumée destiné à camoufler leurs préparatifs de guerre.

Nous avons fait remarquer à plusieurs reprises qu’il est impossible de triompher dans la guerre de libération nationale sans renforcer le front uni et sans appliquer une politique révolutionnaire.

Dans cette politique, il est un point particulièrement important : le gouvernement chinois doit procéder à des réformes démocratiques, afin d’entraîner les masses populaires dans le front antijaponais.

Nous avons signalé à maintes reprises les erreurs de ceux qui croyaient aux « garanties de paix » japonaises et pensaient que la guerre pourrait être évitée, ou de ceux qui croyaient à la possibilité de résister à l’envahisseur sans mobiliser les masses populaires. Le fait même que la guerre a éclaté et la façon dont elle se déroule depuis ont prouvé la justesse de nos vues.

Le lendemain de l’Incident de Loukeoukiao, le Parti communiste a lancé un manifeste à la nation, appelant tous les partis et groupements politiques, toutes les couches de la population à faire cause commune pour résister à l’agresseur japonais et à renforcer le front uni national.

Peu de temps après, nous avons publié le Programme en dix points pour la résistance au Japon et le salut de la patrie, dans lequel nous avons défini la politique que devrait suivre le gouvernement chinois dans la Guerre de Résistance.

Quand le Kuomintang et notre Parti ont établi leur coopération, nous avons publié un autre manifeste important. Tout cela atteste notre ferme attachement à ce principe que, pour résister au Japon, il faut renforcer le front uni et appliquer une politique révolutionnaire. Notre mot d’ordre fondamental dans la présente période est : « Résistance générale de toute la nation ».

La situation militaire et les leçons de la Guerre de Résistance

Question : D’après vous, quels sont jusqu’à présent les résultats de la guerre ?

Réponse : Ils sont principalement de deux ordres. D’une part, par la prise de nos villes et l’occupation de nos territoires, par les violences contre les femmes, les pillages, les incendies et les massacres dont ils se sont rendus coupables, les impérialistes japonais ont fini par placer le peuple chinois devant le danger de se voir asservi.

D’autre part, la majorité des Chinois a acquis la profonde conviction que la crise ne peut être surmontée sans une union plus étroite et sans une résistance de toute la nation. En même temps, la guerre a commencé à rendre les pays pacifiques du monde conscients de la nécessité de résister aux menaces du Japon. Tels sont jusqu’à présent les résultats de la guerre.

Question : Quels sont, à votre avis, les objectifs du Japon ? Dans quelle mesure ont-ils déjà été réalisés ?

Réponse : Le Japon compte s’emparer, dans une première phase, de la Chine du Nord et de Changhaï et, dans une seconde phase, d’autres régions de la Chine.

Quant à la réalisation de ses plans, l’envahisseur a déjà occupé en peu de temps les provinces du Hopei, du Tchahar et du Soueiyuan, et il menace le Chansi ; la raison en est que la guerre de résistance de la Chine n’a été menée jusqu’ici que par le gouvernement et l’armée. La seule issue à cette situation dangereuse est que les masses populaires et le gouvernement poursuivent la résistance en commun.

Question : Pensez-vous que la Chine ait déjà remporté quelques succès dans la Guerre de Résistance ? Et si l’on peut parler des leçons de la guerre, en quoi consistent-elles ?

Réponse : Je voudrais m’arrêter un peu plus longuement sur cette question. Tout d’abord, des succès, nous en avons eu, et de très grands. Voici en quoi ils consistent : 1) Depuis que l’agression impérialiste a commencé en Chine, il n’y a jamais rien eu de comparable à la Guerre de Résistance actuelle. Celle-ci est vraiment, au sens géographique, une guerre nationale. Elle a un caractère révolutionnaire.

2) La guerre a eu pour effet de donner à notre pays divisé une unité relative, qui repose sur la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste.

3) La guerre du peuple chinois a gagné la sympathie de l’opinion mondiale. Ceux qui méprisaient la Chine pour sa non-résistance la respectent maintenant pour sa résistance.

4) La guerre a causé de lourdes pertes à l’envahisseur japonais. Elle lui coûte, paraît-il, vingt millions de yens par jour. Et ses pertes en hommes, bien qu’on n’ait pas encore de chiffres, sont sûrement très lourdes aussi. Alors qu’il a pu s’emparer des quatre provinces du Nord-Est presque sans coup férir, l’agresseur n’est plus à même aujourd’hui d’occuper de territoire chinois sans livrer de combats sanglants.

L’impérialisme japonais comptait assouvir en Chine son féroce appétit, mais notre résistance prolongée finira par l’amener à sa ruine. Ainsi, la Chine résiste non seulement pour son propre salut, mais aussi pour assumer ses grandes responsabilités au sein du front antifasciste mondial. Par là également la Guerre de Résistance manifeste son caractère révolutionnaire.

5) Nous avons tiré des enseignements de cette guerre. Ils ont été payés de notre sol et de notre sang.

   Les leçons, elles aussi, sont grandes. En quelques mois, la guerre a révélé un grand nombre des points faibles de la Chine, surtout dans le domaine politique.

Bien que, géographiquement, tout notre pays soit engagé dans cette guerre, ce n’est pourtant pas la nation entière qui la fait. Les mesures restrictives du gouvernement empêchent toujours la grande masse du peuple de participer à la guerre qui, pour cette raison, n’a pas encore un caractère de masse.

Et tant qu’elle n’aura pas ce caractère, la guerre contre l’agression de l’impérialisme japonais n’aura aucune chance d’être victorieuse. Certains disent : « La guerre a déjà un caractère général ».

Certes, mais uniquement du point de vue géographique ; car du point de vue des forces qui y participent, elle reste toujours partielle, parce qu’elle est faite seulement par le gouvernement et l’armée, et non par le peuple. Là réside la cause principale de la perte de vastes territoires et des nombreux revers militaires subis au cours des derniers mois.

Ainsi, la Guerre de Résistance actuelle est révolutionnaire sans l’être tout à fait, parce qu’elle n’est pas encore une guerre des masses.

C’est là aussi une question d’unité. Bien que les partis et groupements politiques du pays soient maintenant plus unis que par le passé, il s’en faut de beaucoup que l’unité voulue soit réalisée. La plupart des détenus politiques n’ont pas encore été relâchés, l’interdit sur les partis politiques n’est pas encore entièrement levé.

Quant aux rapports entre le gouvernement et le peuple, l’armée et le peuple, les officiers et les soldats, ils demeurent très mauvais ; il ne s’y manifeste que de l’éloignement et point d’unité. Or, c’est là une question primordiale. Tant qu’elle n’est pas résolue, il est inutile de songer à la victoire.

En outre, les fautes commises sur le plan militaire sont également une cause importante de nos pertes en hommes et en territoire. Dans la plupart des engagements, l’armée chinoise a laissé l’initiative à l’ennemi, c’est ce qu’on appelle, en termes militaires, « la défense pure ».

Cette façon de se battre ne peut conduire à la victoire. Pour vaincre, il faut adopter une ligne politique et militaire radicalement différente de celle qui est appliquée actuellement. Telles sont les leçons que nous avons dégagées.

Question : Quelles sont alors les conditions politiques et militaires que vous jugez indispensables ?

Réponse : Sur le plan politique, voici ce que nous devons faire : Premièrement, transformer le gouvernement actuel en un gouvernement de front uni, auquel participeront les représentants du peuple. Ce gouvernement sera à la fois démocratique et centralisé. Il appliquera la politique révolutionnaire qui s’impose.

Deuxièmement, donner au peuple la liberté de parole, de presse, de réunion et d’association, ainsi que le droit de prendre les armes pour résister à l’ennemi, afin que la guerre ait un caractère de masse.

Troisièmement, élever le niveau de vie du peuple, ce qui est une nécessité, en supprimant les impôts exorbitants et les taxes multiples, en réduisant les fermages et le taux d’intérêt des prêts, en améliorant les conditions de vie des ouvriers, des officiers subalternes et des soldats, en accordant un traitement de faveur aux familles des combattants de la Guerre de Résistance, en portant secours aux victimes des calamités naturelles et aux réfugiés de guerre, etc.

Les finances du gouvernement devront reposer sur une répartition équitable des charges, c’est-à-dire sur le principe : « Que celui qui a de l’argent donne de l’argent ».

Quatrièmement, adopter une politique extérieure active.

Cinquièmement, réformer notre politique en matière de culture et d’éducation. Sixièmement, liquider impitoyablement les traîtres à la nation. Cette question est d’une gravité extrême à l’heure actuelle. Les traîtres ont le champ libre. Au front, ils aident l’ennemi ; à l’arrière, ils sèment le désordre. Certains même, se posant en partisans de la Résistance, font arrêter des patriotes comme traîtres.

Une répression effective des traîtres à la nation n’est possible que si le peuple se lève et coopère avec le gouvernement. Sur le plan militaire, nous devons entreprendre une réforme complète et, avant tout, rejeter la défense pure en stratégie et en tactique pour adopter le principe de l’attaque active ; transformer les armées de type ancien en armées de type nouveau ; remplacer la méthode de l’enrôlement forcé par celle de l’agitation pour engager le peuple à aller au front ; remplacer le commandement non unifié par un commandement unique ; mettre fin à l’indiscipline qui règne dans l’armée et qui l’isole du peuple, et instituer une discipline qui sera observée de façon consciente et qui ne tolérera pas la moindre atteinte aux intérêts du peuple ; passer de la situation actuelle où l’armée régulière combat seule à une guerre populaire de partisans largement développée qui appuie les opérations de l’armée régulière ; etc.

Toutes ces conditions politiques et militaires ont été énoncées dans le Programme en dix points que nous avons publié. Elles sont conformes à l’esprit des trois principes du peuple du Dr Sun Yat-sen, de ses trois thèses politiques fondamentales et de son testament. La guerre ne peut être gagnée que si elles sont réalisées.

Question : Que fait le Parti communiste pour appliquer ce Programme ?

Réponse : Notre tâche est d’expliquer inlassablement la situation présente, de nous allier avec le Kuomintang et avec tous les autres partis et groupements patriotiques pour élargir et consolider le front uni national antijaponais et pour mobiliser toutes les forces du pays en vue de remporter la victoire dans la Guerre de Résistance.

Il est indispensable d’élargir le front uni dont le cadre actuel est encore très restreint ; en d’autres termes, il faut « éveiller les masses populaires », comme le recommande le testament du Dr Sun Yat-sen, en mobilisant le peuple à la base afin qu’il participe au front uni. La consolidation du front uni suppose l’application d’un programme commun qui engage tous les partis et groupements politiques.

Nous acceptons les trois principes du peuple révolutionnaires du Dr Sun Yat-sen, ses trois thèses politiques fondamentales et son testament comme programme commun du front uni de tous les partis politiques et de toutes les couches sociales. Mais, jusqu’à présent, ce programme n’a pas été reconnu par tous les partis, et le Kuomintang, en particulier, n’a pas encore reconnu et proclamé un programme aussi complet.

Il a partiellement réalisé par sa résistance à l’envahisseur le principe du nationalisme du Dr Sun Yat-sen, mais non le principe de la démocratie ni le principe du bien-être du peuple, d’où la sérieuse crise actuelle dans le déroulement de notre Guerre de Résistance. Face à une situation militaire aussi critique, il est temps que le Kuomintang applique entièrement les trois principes du peuple ; s’il tarde encore, il sera vain pour lui de s’en repentir.

Le Parti communiste a le devoir d’élever sa voix pour faire auprès du Kuomintang et dans le peuple tout entier un travail inlassable d’explication et de persuasion, afin que les trois principes du peuple authentiquement révolutionnaires, les trois thèses politiques fondamentales et le testament du Dr Sun Yat-sen soient appliqués intégralement et de façon radicale dans tout le pays, et que le front uni national antijaponais soit ainsi élargi et consolidé.

La VIIIe Armée de Route dans la Guerre de Résistance

   Question : Parlez-moi, je vous prie, de la VIIIe Armée de Route à laquelle s’intéressent beaucoup de gens par exemple, de sa stratégie et de sa tactique, du travail politique qu’on y fait.

  Réponse : Depuis que la VIIIe Armée de Route − nouvelle dénomination de l’Armée rouge − est partie pour le front, beaucoup de gens en effet s’intéressent à ses activités. Je vais vous en donner une idée générale.

   Commençons par les opérations militaires. Sur le plan stratégique, la VIIIe Armée de Route prend, comme centre de ses opérations, le Chansi.

Elle a remporté, ainsi que vous le savez, de nombreuses victoires ; des exemples en sont fournis par la bataille de Pinghsingkouan, la reprise de Tsingping, Pinglou et Ningwou, les opérations pour recouvrer Laiyuan et Kouangling, l’occupation de Tsekingkouan, les opérations qui ont permis de couper trois des principales voies de ravitaillement de l’armée japonaise (de Tatong à Yenmenkouan, de Yuhsien à Pinghsingkouan et de Chouohsien à Ningwou), l’attaque des arrières japonais au sud de Yenmenkouan, la reprise, par deux fois, de Pinghsingkouan et de Yenmenkouan et les opérations récentes pour recouvrer Kiuyang et Tanghsien.

Les troupes japonaises qui ont pénétré dans le Chansi sont, à l’heure actuelle, stratégiquement encerclées par la VIIIe Armée de Route et d’autres forces chinoises.

Nous pouvons affirmer avec certitude que désormais elles se heurteront en Chine du Nord à la résistance la plus opiniâtre. Si elles persistent à vouloir opérer comme bon leur semble dans le Chansi, elles iront assurément au-devant de difficultés plus grandes que jamais.

   Je passe maintenant à la question de la stratégie et de la tactique. Nous faisons ce que les autres armées chinoises n’ont pas fait : nous opérons principalement sur les flancs et à l’arrière de l’ennemi. Cette méthode de combat est très différente de la défense purement frontale. Nous ne sommes pas opposés à l’emploi d’une partie des forces dans des opérations de front, car cela est indispensable.

Mais il faut utiliser le gros des forces contre les flancs de l’ennemi, recourir à l’encerclement et aux mouvements tournants, attaquer l’ennemi en toute indépendance et en faisant preuve d’initiative, pour conserver ses propres forces et anéantir celles de l’ennemi.

De plus, il est particulièrement efficace d’utiliser une partie des forces pour des opérations à l’arrière de l’ennemi, car elles désorganisent ses lignes de ravitaillement et ses bases d’appui. Même les troupes qui combattent de front doivent recourir principalement à des « contre-assauts » et non à la tactique de la défense pure. Une raison importante des revers militaires de ces derniers mois réside dans l’emploi de méthodes opérationnelles inadéquates.

La méthode de combat qu’utilisé la VIIIe Armée de Route est celle que nous appelons guerre de partisans et guerre de mouvement menées avec indépendance et initiative. Elle est, quant à ses principes fondamentaux, la même que celle qui a été appliquée au cours de la dernière guerre civile, tout en comportant certaines différences.

A l’étape actuelle, par exemple, si nous dispersons nos forces plus souvent que nous ne les concentrons, c’est pour pouvoir mieux attaquer par surprise, sur un territoire étendu, les flancs et les arrières de l’ennemi.

Puisque l’armée chinoise considérée dans son ensemble possède une grande importance numérique, il faut qu’une partie en soit employée à la défense de la ligne de front, une autre à des opérations de partisans en ordre dispersé, tandis que le gros des forces doit toujours être concentré sur les flancs de l’ennemi. Le premier principe de la guerre, c’est de conserver ses propres forces et d’anéantir celles de l’ennemi.

Pour y parvenir, il faut mener avec indépendance et initiative la guerre de partisans et la guerre de mouvement et éviter toute passivité et rigidité dans la conduite des opérations. Si des forces massives sont jetées dans la guerre de mouvement et que la VIIIe Armée de Route les appuie de ses opérations de partisans, notre pays tiendra certainement la clé de la victoire.

   J’en viens à la question du travail politique. Une autre particularité extrêmement importante et évidente de la VIIIe Armée de Route, c’est son travail politique, lequel repose sur trois principes fondamentaux. Premièrement, le principe de l’union des officiers et des soldats, qui implique l’abolition des pratiques féodales dans l’armée, l’interdiction des châtiments corporels et des injures, l’institution d’une discipline observée de façon consciente et la création d’un genre de vie où officiers et soldats partagent leurs joies et leurs peines, ce qui fait que l’armée est étroitement unie. Deuxièmement, le principe de l’union de l’armée et du peuple.

Il implique que la discipline ne tolère pas la moindre atteinte aux intérêts des masses, que l’armée fasse de la propagande parmi elles, qu’elle les organise et les arme, qu’elle allège leurs charges financières et qu’elle châtie les traîtres à la nation qui portent préjudice au peuple et à l’armée elle-même ; ainsi elle est unie au peuple et partout bien accueillie.

Troisièmement, le principe de la désagrégation des forces de l’ennemi et de la clémence à l’égard des prisonniers de guerre.

Notre victoire ne dépend pas seulement des opérations de nos troupes, mais aussi de la désagrégation des forces de l’adversaire. Bien que l’application de ce dernier principe n’ait pas encore donné de résultats tangibles, elle portera certainement ses fruits dans l’avenir.

En outre, conformément au deuxième principe, la VIIIe Armée de Route complète ses effectifs non en recourant à la contrainte mais en encourageant la population à aller volontairement au front. Cette méthode est de beaucoup la plus efficace.

   La perte du Hopei, du Tchahar, du Soueiyuan et d’une partie du Chansi ne nous a nullement découragés ; nous appelons avec une ferme détermination notre armée à opérer en coordination avec toutes les troupes amies et à se battre avec acharnement pour défendre le Chansi et recouvrer les territoires perdus.

La VIIIe Armée de Route agira de concert avec les autres troupes chinoises et poursuivra résolument la résistance dans le Chansi ; cela est d’une très grande importance pour tout le cours de la guerre, en particulier pour les opérations en Chine du Nord.

   Question : A votre avis, ces qualités de la VIIIe Armée de Route peuvent-elles être acquises par les autres troupes chinoises ?

  Réponse : Certainement. L’armée du Kuomintang avait un esprit semblable, dans l’ensemble, à celui qui anime aujourd’hui la VIIIe Armée de Route. C’était en 1924-1927. A ce moment-là, le Parti communiste chinois et le Kuomintang avaient créé conjointement une armée d’un type nouveau.

Comprenant au début, en tout et pour tout, deux régiments, cette armée sut rallier autour d’elle de nombreuses troupes et remporta une première victoire en battant Tchen Kiong-ming. Par la suite, elle accrut ses effectifs, devint un corps d’armée et rangea sous son influence un plus grand nombre de troupes encore, ce qui rendit possible l’Expédition du Nord.

Une atmosphère nouvelle y régnait : en général, les officiers et les soldats étaient unis, de même que l’armée et le peuple ; les troupes étaient pénétrées d’un esprit révolutionnaire qui les portait sans cesse en avant. On y institua le système des délégués du Parti et des départements politiques, inconnu jusqu’alors dans l’histoire de la Chine, système qui donna à cette armée une physionomie toute nouvelle.

Depuis 1927, c’est l’Armée rouge, aujourd’hui la VIIIe Armée de Route, qui a hérité de ce système et l’a développé. Pendant la période révolutionnaire de 1924-1927, l’armée, animée de cet esprit politique nouveau, employait naturellement des méthodes de combat correspondantes : elle n’opérait plus d’une manière passive et rigide, mais avec initiative, dynamisme et esprit offensif ; aussi remporta-t-elle la victoire dans l’Expédition du Nord. C’est d’une telle armée que nous avons besoin actuellement sur les champs de bataille.

Elle ne doit pas forcément compter des millions d’hommes ; pour vaincre l’impérialisme japonais, il suffit d’avoir un noyau de quelques centaines de milliers de combattants.

Nous tenons en grande estime toutes les troupes du pays pour leurs sacrifices héroïques depuis le début de la Guerre de Résistance, mais nous devrions tirer des combats sanglants qu’elles ont livrés les leçons qui s’imposent.

Question : Ne vous semble-t-il pas qu’avec la discipline qui règne dans l’armée japonaise, votre politique de clémence envers les prisonniers de guerre puisse se révéler inopérante ? Par exemple, les prisonniers que vous relâchez pourraient être exécutés à leur retour par le commandement japonais, et alors l’armée japonaise dans son ensemble continuerait à ignorer le sens de votre politique.

Réponse : C’est impossible. Plus le commandement ennemi en fera exécuter, plus les soldats japonais auront de la sympathie pour l’armée chinoise.

On n’arrivera pas à cacher notre politique à la masse des soldats japonais. Nous persisterons à l’appliquer. Par exemple, l’armée japonaise a déjà fait savoir ouvertement qu’elle emploierait les gaz contre la VIIIe Armée de Route ; eh bien, même dans ce cas, nous n’abandonnerons pas notre politique de clémence à l’égard des prisonniers.

Nous continuerons à traiter avec générosité les prisonniers japonais − les soldats et ceux des officiers subalternes qui ont dû se battre contre nous par contrainte −, nous leur épargnerons les affronts et les injures, nous leur expliquerons la communauté d’intérêts de nos deux peuples et nous les renverrons chez eux.

Ceux qui ne voudront pas rentrer auront la possibilité de servir dans la VIIIe Armée de Route. Et s’il se forme une « brigade internationale » sur le théâtre d’opérations de la Guerre de Résistance, ils pourront en faire partie et prendre les armes pour combattre l’impérialisme japonais.

L’esprit de capitulation dans la Guerre de Résistance

   Question : II paraît que les Japonais, tout en poursuivant la guerre, font courir à Changhaï des bruits de paix. Quels sont donc les buts du Japon ?

   Réponse : Parvenu à une certaine étape de l’exécution de son plan, l’impérialisme japonais va de nouveau se servir de l’écran de fumée de la paix pour réaliser les trois objectifs suivants :

1) consolider les positions qu’il a déjà conquises, afin d’en faire des bases stratégiques pour de nouvelles offensives ;

2) rompre le front antijaponais en Chine ;

3) disloquer le front mondial de soutien à la Chine.

Les rumeurs de paix qu’il répand aujourd’hui signifient simplement qu’il a commencé à tendre son rideau de fumée.

Le danger, c’est qu’il y a en Chine des éléments hésitants, prêts à se laisser prendre au piège de l’ennemi et que, de plus, les traîtres s’agitent parmi eux, font courir toutes sortes de faux bruits et cherchent à amener la Chine à capituler devant l’envahisseur.

   Question  : A votre avis, à quoi peut conduire ce danger ?

   Réponse : Il n’y a que deux issues possibles : ou bien le peuple chinois viendra à bout de l’esprit de capitulation, ou bien celui-ci l’emportera, et alors la Chine sera plongée dans le désordre, et le front antijaponais rompu.

 Question  : De ces deux issues, laquelle est la plus probable ?

Réponse : Le peuple chinois tout entier exige que la Guerre de Résistance soit menée jusqu’au bout. Si une fraction du groupe dirigeant de la Chine prenait le chemin de la capitulation, le reste, demeuré ferme, s’y opposerait certainement et poursuivrait la Résistance aux côtés du peuple. Il va sans dire qu’une telle capitulation serait un malheur pour le front antijaponais en Chine. Mais je suis certain que les capitulards n’auront pas les masses avec eux, que les masses vaincront l’esprit de capitulation, poursuivront la guerre avec persévérance et remporteront la victoire.

Question : Puis-je vous demander comment on peut vaincre l’esprit de capitulation ?

   Réponse : A la fois par la parole, pour en signaler le danger, et par l’action, en organisant les masses populaires en vue de mettre fin aux activités de capitulation. L’esprit de capitulation tire sa source du défaitisme national, ou pessimisme national, c’est-à-dire de l’idée que la Chine, ayant perdu quelques batailles, n’a plus la force de résister au Japon.

Les pessimistes ne comprennent pas que la défaite est la mère du succès et que les leçons tirées des défaites sont à la base des victoires futures. Ils ne voient, dans la Guerre de Résistance, que les défaites et non les succès ; à plus forte raison, ils ne savent pas que dans nos défaites se trouvent déjà les éléments de la victoire, et dans les victoires de l’ennemi les éléments de sa défaite.

Il faut montrer aux masses populaires nos perspectives de victoire dans cette guerre et leur faire comprendre que nos défaites et nos difficultés ne sont que des phénomènes passagers, et qu’à condition de combattre sans fléchir, nous remporterons sûrement la victoire finale. Privés de l’appui des masses, les capitulards ne réussiront pas dans leurs machinations, et le front antijaponais se verra renforcé.

La démocratie et la Guerre de Résistance

   Question  : Que signifie « la démocratie » dans le programme proposé par le Parti communiste ? N’est-elle pas incompatible avec un « gouvernement de guerre » ?

  Réponse : Pas du tout. Dès le mois d’août 1936, le Parti communiste lançait son mot d’ordre pour une « république démocratique ». Politiquement et au point de vue de l’organisation, ce mot d’ordre signifie :

1) L’Etat et le gouvernement ne doivent pas être ceux d’une seule classe, ils doivent être fondés sur l’alliance de toutes les classes qui sont pour la Résistance, à l’exclusion des traîtres à la nation, alliance qui doit comprendre les ouvriers ainsi que les paysans et autres éléments de la petite bourgeoisie.

2) Ce gouvernement sera organisé selon le centralisme démocratique ; à la fois démocratique et centralisé, il unira sous une forme déterminée deux principes apparemment contradictoires : la démocratie et le centralisme.

3) Le gouvernement accordera au peuple toutes les libertés politiques indispensables, et notamment la liberté de s’organiser, de s’entraîner et de s’armer pour se défendre. Sous ces trois aspects, la république démocratique n’a rien d’incompatible avec ce que l’on appelle un gouvernement de guerre. Elle est précisément le régime d’Etat et le système de gouvernement qui favorisent la Guerre de Résistance.

 Question : L’expression « centralisme démocratique » n’est-elle pas contradictoire en elle-même ?

  Réponse : Il ne faut pas s’arrêter à l’expression, mais voir la réalité. Il n’y a pas d’abîme infranchissable entre la démocratie et le centralisme, tous deux sont nécessaires à la Chine.

D’une part, le gouvernement que nous voulons doit pouvoir vraiment être l’interprète de la volonté du peuple ; il doit jouir de l’approbation et du soutien des masses populaires de toute la Chine, et le peuple doit avoir toute latitude de le soutenir et toute possibilité d’influer sur sa politique. Telle est la signification de la démocratie.

D’autre part, la centralisation du pouvoir exécutif est nécessaire ; dès lors que la politique exigée par le peuple sera transmise, par le canal de ses organes représentatifs, au gouvernement élu par lui, celui-ci l’appliquera, et il pourra le faire sans difficultés tant qu’il ne violera pas la ligne adoptée en accord avec la volonté du peuple. Telle est la signification du centralisme.

Ce n’est qu’en adoptant le centralisme démocratique qu’un gouvernement devient réellement fort, et c’est ce système que le gouvernement chinois de défense nationale doit adopter dans la Guerre de Résistance.

   Question : Mais cela ne correspond pas au régime d’un cabinet de guerre, n’est-ce pas ?

   Réponse : Non, cela ne correspond pas au régime de certains cabinets de guerre comme on en a vu dans l’histoire.

  Question : Il y a donc eu des cas où cela correspondait ?

   Réponse : Oui. Les régimes politiques du temps de guerre peuvent, en règle générale, être de deux sortes, selon le caractère de la guerre : l’une est le centralisme démocratique, l’autre, le centralisme absolu. Les guerres de l’histoire peuvent se diviser en deux catégories selon leur caractère : les guerres justes et les guerres injustes. Par exemple, la Grande Guerre qui a éclaté en Europe il y a plus de vingt ans fut une guerre injuste, impérialiste.

Les gouvernements des Etats impérialistes, allant à l’encontre des intérêts du peuple, l’obligeaient à se battre pour les intérêts de l’impérialisme ; il fallait, dans ces conditions, des gouvernements comme celui de Lloyd George en Grande-Bretagne.

Lloyd George opprimait le peuple britannique, lui interdisant d’élever la voix contre la guerre impérialiste, il n’admettait l’existence d’aucune organisation ou assemblée exprimant le sentiment populaire contre la guerre ; le Parlement continuait certes à exister, mais il n’était que l’organe d’un groupe d’impérialistes et son rôle se bornait à voter docilement le budget de guerre. L’absence d’unité du gouvernement avec le peuple, dans une guerre, donne naissance à un gouvernement absolument centralisé, qui n’a besoin que de centralisme et non de démocratie.

Mais il y a eu aussi, dans l’histoire, des guerres révolutionnaires, comme, par exemple, en France, en Russie et, actuellement, en Espagne. Dans une guerre de ce genre, le gouvernement ne craint pas la désapprobation du peuple, parce que celui-ci est tout disposé à faire une telle guerre ; fort du soutien populaire spontané, le gouvernement, loin de craindre le peuple, s’emploie à le soulever et l’encourage à exprimer son opinion afin qu’il prenne part activement à la guerre.

En Chine, la guerre de libération nationale a l’approbation pleine et entière du peuple, et elle ne peut être victorieuse sans sa participation ; le centralisme démocratique est donc une nécessité. Si l’Expédition du Nord en 1926-1927 a été victorieuse, c’est aussi grâce à la mise en pratique du centralisme démocratique. Ainsi, quand les buts de la guerre sont l’expression même des intérêts du peuple, plus le gouvernement est démocratique, plus il est facile de mener la guerre.

Un tel gouvernement n’a aucune raison de craindre que le peuple se dresse contre la guerre ; au contraire, ce qui devrait l’inquiéter, ce serait plutôt l’inactivité du peuple et son indifférence à cet égard. Le caractère de la guerre détermine les rapports entre le gouvernement et le peuple ; c’est là une loi de l’histoire.

   Question : Mais alors comment comptez-vous procéder pour instituer le nouveau régime politique ?

 Réponse : Cela dépend avant tout de la coopération du Kuomintang et du Parti communiste.

   Question : Pourquoi ?

   Réponse : Depuis quinze ans, les rapports entre le Kuomintang et le Parti communiste ont été déterminants dans la situation politique en Chine. La coopération des deux partis, de 1924 à 1927, a permis à la première révolution de remporter ses victoires.

Leur rupture en 1927 a engendré la situation fâcheuse de ces dix dernières années. Mais nous ne sommes pas responsables de cette rupture ; nous avons été contraints de résister à l’oppression du Kuomintang, et nous avons tenu fermement le glorieux étendard de la libération de la Chine.

Maintenant nous en sommes à la troisième étape, et la résistance au Japon pour le salut de la patrie exige la pleine coopération des deux partis sur la base d’un programme déterminé. Grâce à nos efforts inlassables, la coopération est enfin établie ; la question est maintenant que les deux côtés reconnaissent un programme commun et agissent en le prenant pour base. L’instauration d’un nouveau régime politique est une part essentielle de ce programme.

  Question : Comment le nouveau régime peut-il être établi par la coopération des deux partis ?

Réponse : Nous proposons en ce moment la refonte de l’appareil gouvernemental et du système militaire. Pour faire face à la situation critique actuelle, nous proposons la convocation d’une assemblée nationale provisoire.

Le choix des délégués à cette assemblée devra être, pour l’essentiel, conforme à ce que le Dr Sun Yat-sen préconisait en 1924, c’est-à-dire qu’ils seront désignés, dans des proportions déterminées, par les partis politiques, les forces armées, les organisations de masse et les milieux de l’industrie et du commerce acquis à la Résistance.

Cette assemblée assumera les fonctions de l’organe suprême du pouvoir d’Etat, elle devra décider la politique à suivre pour le salut de la nation, adopter un programme constitutionnel et élire le gouvernement.

Nous estimons que notre Guerre de Résistance est arrivée à un tournant critique où seule la convocation immédiate d’une telle assemblée, investie de pouvoirs réels et capable d’exprimer la volonté du peuple, peut changer la physionomie politique de notre pays et nous permettre de sortir de la crise actuelle. Nous procédons en ce moment à un échange de vues avec le Kuomintang au sujet de cette proposition et nous espérons obtenir son accord.

  Question : Le Gouvernement national n’a-t-il pas déclaré que la convocation de l’assemblée nationale était rapportée ?

Réponse : C’est ce qu’il fallait faire, car il s’agit de l’assemblée nationale projetée jadis par le Kuomintang. A en juger par ce qu’il avait prévu, l’assemblée en question ne devait disposer d’aucun pouvoir, et son mode d’élection, par surcroît, était en désaccord complet avec la volonté du peuple.

Pas plus que les autres secteurs de la société, nous n’acceptons la convocation d’une telle assemblée.

L’assemblée nationale provisoire que nous proposons actuellement diffère radicalement de celle à laquelle on vient de renoncer.

Sa convocation donnera du pays un aspect tout nouveau et créera la condition préalable, indispensable, pour réorganiser l’appareil gouvernemental et l’armée et pour mobiliser le peuple. C’est de tout cela que dépend l’apparition d’un tournant favorable dans la Guerre de Résistance.

=>Oeuvres de Mao Zedong