Gonzalo : de la pensée guide à la pensée par la jefatura

Dans son document Sur la pensée Gonzalo de 1988, le Parti Communiste du Pérou présente l’émergence de la pensée guide et sa signification. Voici le début du document :

« Au cours du processus de son développement toute révolution qui lutte pour le prolétariat comme classe dirigeante et, surtout, pour le Parti Communiste, ce défenseur des inaltérables intérêts de classe, engendre un groupe de chefs et, principalement un qui la représente et la dirige, un chef doué d’une autorité et d’un ascendant reconnus.

Dans notre réalité cela s’est matérialisé, par nécessité et par hasard historiques, en la personne du Président Gonzalo, le chef du Parti et de la révolution.

Mais, de plus, et ceci représente le fondement de toute direction [=jefatura], les révolutions engendrent une pensée qui les guide et qui est le résultat de l’application de la vérité universelle de l’idéologie du prolétariat international aux conditions concrètes de chaque révolution.

Cette pensée guide est indispensable pour obtenir la victoire et conquérir le Pouvoir et, plus encore, pour poursuivre la révolution et maintenir toujours le cap sur l’unique et grandiose but : le Communisme.

Cette pensée guide, quand elle réalise un bond qualitatif d’importance décisive pour le processus révolutionnaire qu’elle dirige, s’identifie au nom de l’homme qui l’élabora théoriquement et pratiquement.

Dans notre cas, ce phénomène fut d’abord spécifié comme pensée guide, puis comme pensée guide du Président Gonzalo et, postérieurement, comme pensée Gonzalo, parce que c’est le Président qui l’a engendrée en appliquant, d’une façon créative, le marxisme-léninisme-maoïsme aux conditions concrètes de la réalité péruvienne, dotant ainsi le Parti et la révolution d’une arme indispensable qui garantit le triomphe.

La pensée Gonzalo s’est forgée au long de longues années d’une intense, tenace et incessante lutte en arborant, défendant et appliquant le marxisme-léninisme-maoïsme, reprenant le chemin de Mariátegui et le développant, reconstituant le Parti et, principalement en entreprenant, maintenant et développant la guerre populaire au Pérou en servant la révolution mondiale et en faisant que le marxisme-léninisme-maoïsme, principalement le maoïsme, soit, en théorie et dans la pratique, l’unique guide aux commandes de la guerre populaire au Pérou. »

Un peu plus loin, on lit :

« La pensée guide étant arrivée à un bond qualitatif d’importance décisive pour le Parti et la révolution, elle devint pensée Gonzalo marquant ainsi un jalon dans la vie du Parti. »

On a ici une mise en perspective qui laisse possible deux cas de figures.

Lorsqu’on prend le premier extrait, on a en apparence un parcours de trois moments. On a ainsi, disons une personne X, dont l’expression idéologique-théorique / concrète-pratique passe par les étapes de la pensée guide, de la pensée guide de X, puis de la pensée X.

Cependant, le second extrait n’intercale pas le second moment, puisqu’on passe de la pensée guide à la pensée X.

Comment faut-il envisager la chose ? Il y a ici deux interprétations possibles. L’une est correcte, matérialiste dialectique, la seconde est mécanique-formelle.

L’interprétation mécanique-formelle

En quoi consiste l’analyse mécanique-formelle ? Elle prend sans intelligence dialectique le mouvement en trois parties du premier extrait et elle dit : voilà le cheminement. Elle se focalise sur le fait que, dans le premier extrait, il soit parlé pour la seconde étape non seulement de la pensée guide de X, mais en fait de la pensée guide du Président X.

Pourquoi Président ? Car il existe des territoires libérées et que le dirigeant du Parti est devenu, concrètement, également le dirigeant de ceux-ci, devant assumer par-là même l’orientation concrète du Pouvoir, de son application révolutionnaire.

Conséquemment, cela signifie que l’étape d’avant est celle de la pensée guide où il n’y a pas encore de territoires libérées, ni même possiblement de guerre populaire ; au sens strict même, la guerre populaire étant fondée sur le principe de la libération de territoires pour former des bases, c’est une conséquence inévitable de l’emploi ici du concept de Président dans le document du Parti Communiste du Pérou.

Puis, on a donc la dernière étape marquée par l’utilisation directe du nom de la personne accolée au terme « pensée ». Cela signifie ici que, auparavant, la pensée guide concernait des points théoriques et des points concrets, mais sans atteindre encore la qualité permettant d’amener une direction générale sur le long terme, pour toute la période révolutionnaire.

Quelle est la raison, dans cette interprétation mécanique-formelle, permettant le saut qualitatif à l’étape finale de la pensée ? Qu’est-ce qui a permis dans la pensée guide le « bond qualitatif d’importance décisive pour le Parti et la révolution » ?

C’est la guerre populaire, c’est-à-dire le second moment (ou plus exactement ce qu’il est sensé être).

L’interprétation mécanique-formelle est faussement dialectique. On a :

1. la pensée guide [=thèse] 2. la pensée guide du Président (d’un territoire, donc issu du succès de la guerre populaire [anti-thèse] 3. la pensée X [synthèse]

Pourquoi cette interprétation est-elle pseudo-dialectique ? Car elle plaque une lecture dialectique formelle sur la réalité, sans reconnaître sa dignité, et l’interprète qui plus est mécaniquement.

La question de l’incarnation

En réalité, le premier extrait ne fait qu’exposer l’affirmation au Pérou de la Pensée Gonzalo, le document racontant d’ailleurs toutes ses batailles politiques-idéologiques. Il n’y a nulle part marqué qu’il y aurait forcément trois étapes et, d’ailleurs, le second extrait ne le mentionne pas.

L’interprétation mécanique-formelle méconnaît, en fait, le principe de jefatura, concept absolument clef pour le Parti Communiste du Pérou.

On peut traduire jefatura de manière sommaire (ou caricaturale) par « cheffature », de manière plus subtile par « commandement » ou direction. Dans le document en français, il est traduit par direction.

Cependant, c’est n’est pas une direction en général : le terme espagnol de jefatura implique une direction incarnée. La direction n’est pas un « principe » qu’on pourrait aménager selon ses exigences (par exemple avec une « collégialité ou quoi que ce soit de ce genre). Elle est portée par une personne.

Pourquoi cela ? Il en va de la dignité du réel.

De par la contradiction de l’universel et du particulier, c’est un particulier qui retrouve l’universel dans un particulier, pour retrouver l’universel.

Concrètement, une personne (le particulier) retrouve l’universel (le communisme) dans le particulier (un pays donné) et par là retrouve l’universel (le marxisme-léninisme-maoïsme).

C’est comme cela que Gonzalo a pu saisir que le maoïsme était la troisième étape du marxisme. En définissant une pensée guide dans les conditions concrètes du Pérou, c’est-à-dire en adoptant une position de communiste saisissant le mouvement communiste de la matière au Pérou, Gonzalo a été en mesure par son activité d’obtenir un point de vue général. D’où la compréhension meilleure du marxisme et la saisie de l’universalité des apports de Mao Zedong.

Le caractère désincarné de l’interprétation mécanique-formelle

L’interprétation mécanique-formelle ne saisit rien de tout cela. Elle rejette le principe d’incarnation ou plus exactement, elle le renverse. Au lieu d’avoir le marxisme-léninisme-maoïsme incarné par Gonzalo, on a Gonzalo incarné par le marxisme-léninisme-maoïsme.

L’interprétation mécanique-formelle pose la chose suivante : Gonzalo est arrivé, il a posé une pensée guide, c’est-à-dire une analyse correcte de la situation. Il est devenu Président par la guerre populaire. C’est par la guerre populaire qu’on arrive à la pensée Gonzalo.

Donc, ce n’est pas la pensée qui fait la guerre populaire, mais la guerre populaire la pensée. Comme évidemment cela ne se tient pas debout, car il y a une pensée guide au début du processus… l’interprétation mécanique-formelle en conclut qu’il n’y a qu’une seule pensée, celle de Gonzalo, qui était en même temps déjà la pensée guide du départ du processus.

C’est là une lecture militariste, tout d’abord, et c’est l’aspect principal, car c’est l’aspect pratique. L’interprétation mécanique-formelle aboutit nécessairement à la liquidation du matérialisme historique pour chercher uniquement à pousser en avant la violence, comprise de manière littéralement syndicaliste révolutionnaire. On en revient aux thèses de Georges Sorel sur la « violence ». Ici, le mythe de la « grève générale » est remplacée par celui de la « guerre populaire ».

Sa conséquence inévitable est également – c’est l’aspect secondaire, car c’est l’aspect théorique – la réfutation de la validité universelle du principe de pensée guide, pourtant affirmée par le Parti Communiste du Pérou. On aurait un parcours individualisé de Gonzalo par la guerre populaire – et Gonzalo devient alors en tant que tel un classique du marxisme-léninisme-maoïsme… de manière totalement désincarnée.

Pour « retrouver » ce Gonzalo ici désincarné, il faudrait simplement adopter le principe de guerre populaire et reprendre tous les principes appliqués au Pérou. C’est là une sorte de fétichisme intellectuel empêchant la saisie du marxisme-léninisme-maoïsme comme universel et la pensée guide comme particulier portant l’universel.

L’interprétation matérialiste dialectique

En réalité, c’est la pensée guide qui aboutit à la guerre populaire, car c’est la synthèse théorique-idéologique permettant la détermination – elle ne peut être que portée que par un particulier l’assumant concrètement, comme particulier (c’est-à-dire comme simple personne) se confrontant à l’universel (c’est-à-dire la société), comme communiste (et donc universel) se confrontant au particulier (le pays donné).

Il n’y a pas de pensée Gonzalo abstraite, hors histoire, fournissant des recettes techniques pour une perspective militariste-idéaliste. Il y a la pensée Gonzalo comme application concrète du marxisme-léninisme-maoïsme dans les conditions concrètes du Pérou, particulier s’élevant par là à l’universel et ayant l’honneur d’être le premier historiquement à avoir saisi le maoïsme comme troisième étape du marxisme, après le léninisme.

La pensée guide reflète un processus historique, qui lui-même porte et ainsi contient déjà en son noyau la guerre populaire – la contradiction est interne et c’est en sens qu’il faut comprendre cette description fournie par le Parti Communiste du Pérou :

« La pensée guide étant arrivée à un bond qualitatif d’importance décisive pour le Parti et la révolution, elle devint pensée Gonzalo marquant ainsi un jalon dans la vie du Parti. »

Il n’y pas d’intervention « extérieure » à la pensée, pas de « phénomène » jouant le rôle de « moteur » mettant en branle la pensée vers une nouvelle étape. La pensée est le produit de l’Histoire et produit, dialectiquement, l’Histoire.

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Le quatrième congrès de la seconde Internationale et l’impérialisme

Le quatrième congrès aborda dans une très longue résolution la « question économique et industrielle ». L’objectif est présenté comme tel :

« la socialisation de tous les moyens de production, de transport, de distribution et d’échange »

« des mesures bien définies de socialisation, de nationalisation et de communalisation »

C’est là la dimension « sociale ». La dimension « démocrate » est contenue dans la précision suivante :

« le tout devant être contrôlé par une organisation complètement démocratique dans l’intérêt de la communauté toute entière, de manière à émanciper la classe ouvrière et le peuple tout entier de la domination du capitalisme »

La dimension internationale de la question est considérée comme toujours plus importante…

« vue la disparition de la concurrence libre et de la croissance rapide des monopoles nationaux et internationaux contrôlés par des organisations vastes de la classe capitaliste »

Ce que le congrès constate, c’est ce que Lénine définira comme le passage à l’impérialisme du capitalisme : le capitalisme se maintient comme base, mais il dispose d’une superstructure impérialiste.

De manière très intéressante, une résolution du quatrième congrès aborde le phénomène de l’émigration et de l’immigration, en soulignant le grand danger politique qui existe avec ce que le congrès de 1893 de Zurich désignait comme « le caractère cosmopolite de leurs populations » :

En raison des grandes émigrations d’Europe en Amérique et autres continents : ce qui donne à un capitalisme extrêmement concentré le moyen de réduire les salaires et de triompher des résistances des ouvriers à l’oppression et à la dégradation; En vue aussi du fait que beaucoup d’émigrants qui étaient auparavant attachés aux partis ouvriers et aux organisations des pays d’où ils venaient, n’arrivent généralement pas (surtout à cause de leur ignorance de la langue anglaise) à entrer en relation avec des groupes ouvriers de leur pays d’adoption, de sorte que les forces perdues pour le mouvement européen par l’immigration sont de même complètement perdues pour le mouvement international ;

Le Congrès recommande que l’on s’arrange entre l’Europe et l’Amérique et les continents transocéaniques pour la distribution parmi les émigrants dans les ports européens et à bord des bateaux pour les émigrants, de bulletins contenant les informations nécessaires, et aussi pour les agitateurs socialistes dont ces continents peuvent demander le concours, afin d’organiser la partie étrangère de leur prolétariat.

Face à cette question impérialiste, le congrès ne fait toutefois pas la même réponse que Lénine fera par la suite. Cela va littéralement sceller le destin de la seconde Internationale. Le congrès affirme en effet qu’il faut attendre l’organisation de la totalité des ouvriers avant que quelque chose puisse être mis en œuvre.

Il est dit en même temps que cette organisation ne peut pas encore exister, même qu’elle est très difficile et qu’une grève générale internationale est impossible en raison des disparités selon les pays. Il faut toutefois aller dans le sens d’une organisation internationale des syndicats de travailleurs.

On a ici la matrice de la ligné légaliste, réformiste-possibiliste qui finira par triompher. La résolution sur la « question économique et industrielle » fait ainsi du Parti l’appendice de l’organisation syndicale de masse.

Voilà comment la chose est expliquée, avec en gras la phrase capitale, fatidique :

La lutte économique et syndicale des ouvriers est indispensable pour combattre la toute-puissance du capital et pour améliorer la situation des ouvriers dans la société actuelle. Pas de syndicats ouvriers, pas de salaires suffisants, pas de réduction des heures de travail.

Mais cette lutte économique ne peut pas supprimer l’exploitation capitaliste, elle ne fait que l’adoucir. L’exploitation des ouvriers ne prendra fin que lorsque la société elle-même aura pris possession de tous les moyens de production, y compris le sol et les moyens de transport.

Cette socialisation des moyens de production a comme condition sine qua non tout un système de mesures législatives. Ces mesures ne seront réalisées que si la classe ouvrière possède le pouvoir politique.

Mais ce pouvoir politique ne peut être conquis qu’au fur et à mesure que la classe ouvrière sera organisée. Les syndicats constituent la classe ouvrière en puissance politique en organisant les ouvriers.

L’organisation de la classe ouvrière est incomplète et insuffisante, tant qu’elle n’est organisée que politiquement. Mais la lutte syndicale des ouvriers exige aussi l’action politique de la classe ouvrière.

Ce que les ouvriers ont conquis par la lutte syndicale contre leurs exploiteurs, ils doivent toujours l’assurer par des mesures législatives pour le maintenir définitivement. Dans d’autres cas, les réformes législatives conquises évitent des conflits économiques.

Ces thèses sont très précisément le contraire de ce qu’est le bolchevisme avec Lénine…. Et donc, forcément, des thèses social-démocrates traditionnelles à ce sujet, celles du programme d’Erfurt de la social-démocratie allemande.

Cette tendance, issue du compromis réalisé pour faire face à l’anarchisme et maintenir une unité y compris avec des variantes non social-démocrates, allait fournir la base de la vague révisionniste ébranlant la seconde Internationale à la toute fin du XIXe siècle.

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Le quatrième congrès de la seconde Internationale et l’unité d’action

Si la seconde Internationale tint le choc face aux menées anarchistes, à la pression pro-syndicalisme, c’est que sur le plan culturel, un solide fond avait été mis en place. Le point sur l’éducation et le développement physique est ici tout à fait représentatif de la morale social-démocrate.

La résolution à ce sujet, tout à fait dans l’approche marxiste, affirme en effet que :

« Dans le système actuel d’exploitation capitaliste, les enfants des masses ouvrières sont arrêtés dans leur croissance physique, dépourvus de tout loisirs, – condition expresse d’un développement harmonieux, enfin privés de toute accession à l’éducation et aux connaissances scientifiques, héritage commun de toute la race humaine. »

La seconde Internationale se situe dans la dénonciation de la déchéance du prolétariat ; elle veut l’émancipation des ouvriers, c’est-à-dire la mise au niveau sur le plan culturel, scientifique, l’épanouissement du corps et de l’esprit.

Cette tradition, authentiquement social-démocrate, est le véritable noyau dur de la seconde Internationale, sa valeur essentielle. C’est elle qui pousse à aller de l’avant, à former une identité commune.

Constatant justement que les congrès forment désormais une tradition mais que la structuration internationale est en retrait, le congrès appela à la création d’un « comité international permanent avec un secrétaire responsable, comité qui siégerait dans la partie de l’Europe la plus propre à son action ».

C’est de fait la ville de Londres, lieu du congrès, qui fut choisie. Dans le même esprit d’unité plus avancée, une conférence interparlementaire est mise en place, avec un délégué par pays. C’est le Français Édouard Vaillant qui sert d’interface. Tout cela fut cependant un échec et le congrès suivant reprit tout à zéro, mais l’orientation était établie.

Un réel effort programmatique fut également fait, avec ainsi une résolution sur l’action politique particulièrement dense :

L’action politique.

1. Le Congrès entend par action politique la lutte organisée sous toutes les formes, pour la conquête du pouvoir politique et son usage législatif et administratif, dans l’État et la commune, par la classe ouvrière, pour son émancipation ;

2. Le Congrès déclare que la conquête du pouvoir politique est, pour les travailleurs, le moyen par excellence par lequel ils peuvent arriver à leur émancipation, à l’affranchissement de l’homme et du citoyen, par lequel ils peuvent établir la République socialiste. Il fait appel aux travailleurs de tous les pays et les invite à s’unir en un parti distinct de tous les partis politiques bourgeois et à revendiquer :

Le Suffrage Universel de tous les adultes ;

Le droit de vote pour chaque adulte ;

Le scrutin de ballotage ;

Le droit d’initiative et le referendum, local et national ;

3. Le Congrès déclare aussi que l’émancipation de la femme est inséparable de celle du travailleur, et il fait appel aux femmes de tous les pays à l’effet de s’organiser politiquement avec les travailleurs ;

4. Le Congrès se déclare en faveur de l’autonomie de toutes les nationalités. Il exprime sa sympathie aux travailleurs de tous les pays, souffrant actuellement sous le joug du despotisme militaire ou national et de tout autre despotisme ; et il fait appel aux travailleurs de tous les pays pour combattre côte à côte avec la classe ouvrière de tous les pays et s’organiser avec elle, afin de jeter bas le capitalisme international, et d’instituer la démocratie socialiste internationale;

5. Le Congrès déclare que, quel que soit le prétexte religieux ou soi-disant civilisateur, de de la politique coloniale, elle n’est que l’extension du champ d’exploitation capitaliste dans l’intérêt exclusif de la classe capitaliste.

On a ici les fondamentaux politiques de la seconde internationale. En fait, tant que les succès étaient là, la base culturelle suffisait à maintenir l’unité et même à la renforcer en maîtrisant davantage les fondamentaux. Mais de par le caractère éclectique du mouvement et même au sein de certains regroupements comme en France, tout retrait devait provoquer une certaine instabilité.

Le changement d’époque, avec l’émergence de l’impérialisme, allait précisément en dessiner les traits.

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Le quatrième congrès de la seconde Internationale et le risque d’implosion

Le quatrième congrès de la seconde Internationale se déroula à Londres, du 27 juillet au 1er août 1896, trois ans après le précédent. La veille de l’ouverture, 150 000 personnes manifestèrent, avec notamment 50 orchestres, pour une mobilisation antimilitariste.

Parmi les orateurs prenant la parole à la fin, dans le parc au centre de Londres nommé Hyde Park, on trouvait notamment les Allemands August Bebel et Wilhelm Liebknecht, les Français Paul Lafargue et Jean Jaurès, le britannique Henry Hyndman, l’Autrichien Victor Adler.

Dans la salle du congrès, à l’endroit où s’asseyaient la présidence organisant sa tenue, avait été placé un portrait de Karl Marx encadré de guirlandes de fleurs et de branches vertes.

L’ordre du jour du congrès fut le suivant :

– la question agraire ;

– l’action politique ;

– l’éducation et le développement physique ;

– l’organisation ;

– la guerre ;

– l’action économique et industrielle ;

– les atteintes aux libertés ;

– les conditions d’admission au prochain congrès.

La situation politique avait connu des changements importants en raison des lois anti-socialistes en Allemagne, contre le droit de la presse et aux manifestations en France, contre les anarchistes en Italie, alors qu’aux États-Unis la grève des cheminots fut écrasée par l’armée.

Dans une lettre à l’Autrichien Victor Adler du 17 juillet 1894, Friedrich Engels parla d’une agrégation de la réaction forçant à la défensive en France, en Italie, en Allemagne. Dans ces deux derniers pays, la résistance fut efficace, mais en France les partisans de Jules Guesde ne purent progresser et ce sont les forces syndicalistes-révolutionnaires qui l’emportèrent dans les syndicats. Aux Etats-Unis, la ligne prédominante resta farouchement sectaire.

En fait, on peut dire qu’à ce moment, le marxisme prédominait totalement dans les pays slaves, il avait le dessus en Allemagne et en Autriche, il parvenait à se confronter à un anarchisme très fort dans les pays latins, il était installé dans les pays scandinaves, il regagnait du terrain en Grande-Bretagne.

L’anarchisme continuait toutefois son offensive : sur les 700 délégués présents, seulement 589 furent reconnus comme valables, notamment car les anarchistes utilisaient de faux mandats ou des mandats syndicaux pour chercher à subvertir le congrès.

Il fut néanmoins nécessaire de fermer une session du congrès après la lecture des rapports en raison de l’agitation anarchiste, ainsi que de fermer les galeries réservées au public.

Il fut procédé à un vote pour valider la décision du congrès précédent excluant les anarchistes. 17 délégations votèrent en faveur de cela, la délégation italienne s’abstenant, les délégations française et néerlandaise s’y opposant. La délégation française vota le refus 57 voix contre 56 dans la délégation, en raison de la voix d’Errico Malatesta, figure anarchiste italienne bien connue, dont le mandat était fictif.

L’anarchiste française Louise Michel était également présente au congrès, mais prétendait avoir un mandat italien.

Malgré l’exclusion, les anarchistes ayant un mandat syndical étaient encore présents ; Joseph Tortelier put ainsi prendre la parole au congrès pour affirmer que « le peuple français ne veut plus rien savoir du parlementarisme et de la lutte politique ».

Cela resta sans écho et finalement le « communiste libre » Ferdinand Domela Nieuwenhuis, une figure anarchisante depuis le début de la seconde internationale, quitta le congrès accompagné de neuf autres délégués néerlandais, rejoignant une conférence anarchiste organisée le 30 juillet.

Restait le problème français. Dès le premier jour, il y eut un retard pour l’ouverture en raison du conflit entre les Français séparés en deux délégations, sur la base des multiples courants existant (guesdistes, blanquistes, syndicalistes, etc.)… le pianiste présent dans la salle en profitant pour jouer ironiquement la Marseillaise.

Qui plus est, trois membres du groupe socialiste indépendant de la chambre des députés – Jean Jaurès, René Viviani et Alexandre Millerand – vinrent au congrès en exigeant l’admission directe par celui-ci, ce qui fut finalement accordé.

Les Français se singularisèrent d’autant plus qu’ils tenaient leur propre congrès au même moment. La social-démocratie tenait cependant à une réunion franco-allemande, pour souligner l’internationalisme ; la venue allemande au congrès français à Lille ne fut toutefois matériellement pas possible.

Un autre problème, non vu mais essentiel, fut un glissement fondamental. Le congrès de Londres ne fut en effet pas au sens strict un congrès ouvrier socialiste international, mais un congrès ouvrier et syndical socialiste international.

Il y avait un certain basculement dans l’économisme – 100 résolutions furent envoyées comme propositions au congrès, dont 37 sur la lutte économique ouvrière. Le choix fait pour les invitations au congrès suivant se situe exactement dans la même perspective :

« Le Bureau du Congrès est chargé de rédiger l’invitation au prochain Congrès, en faisant exclusivement appel :

1. Aux représentants des groupements qui poursuivent la substitution de la propriété et de la production socialiste, à la propriété et à la production capitaliste, et qui considèrent l’action législative et Parlementaire comme l’un des moyens nécessaires pour arriver à ce but ;

2. Aux organisations purement corporatives qui, bien que ne faisant pas de politique militante, déclarent reconnaître la nécessité de l’action législative et parlementaire. Par conséquent, les anarchistes sont exclus. La vérification du mandat des délégués sera faite par leur nationalité respective, sauf recours devant une commission spéciale, élue par toutes les nationalités représentées au Congrès. Les mandats de toutes les nationalités représentées par moins de cinq délégués sont soumis à un Comité de vérification des mandats, ainsi que les mandats douteux. »

La seconde internationale risquait d’imploser sous la pression. Elle avait cependant établi une réelle culture, ce qui lui permit de maintenir un cadre structurel.

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Le troisième congrès de la seconde Internationale

Le troisième congrès de la seconde Internationale se tint à Zurich du 6 au 12 août 1893, en Suisse.

L’ordre du jour pour les 416 délégués était le suivant :

– Mesures à prendre pour la réalisation internationale de la journée de huit heures ;

– Attitude de la démocratie socialiste en cas de guerre ;

– le premier mai ;

– la protection des ouvrières ;

– la tactique politique des socialistes démocrates (parlementarisme et agitation électorale, législation directe par le peuple) ;

– la question agraire ;

– la formation nationale et internationale des syndicats professionnels ;

– le suffrage universel ;

– l’immigration des ouvriers en Amérique et en Australie ;

– la question du Siam ;

– la grève générale ;

– l’organisation international de la démocratie socialiste.

L’aspect principal de ce congrès fut un violent affrontement entre marxisme et anarchisme. L’invitation initiale avait encore une démarche extrêmement large, bien que légèrement modifiée par rapport au congrès précédent. La condition requise pour la présence au congrès était la suivante :

« Sont admis au Congrès tous les syndicats professionnels ouvriers, ainsi que ceux des partis et associations socialistes qui reconnaissent la nécessité de l’organisation ouvrière et de l’action politique. »

La référence à l’État avait disparu, laissant le champ ouvert aux anarchistes et aux syndicalistes révolutionnaires, même si au sens strict, tant les uns que les autres réfutaient l’action politique. On avait en effet droit à toutes les variantes possibles.

De plus, les trade-unionistes britanniques appelèrent même à un congrès international d’urgence à Londres au sujet de la journée de huit heures, ce que Friedrich Engels résuma bien en parlant de « déclaration de guerre ».

Heureusement, les congrès des Français, des Espagnols puis des Allemands réfutèrent cet appel, au profit du congrès de Zurich, faisant pencher la balance. Cependant, lorsque des élections parlementaires furent annoncées pour le 20 août en France, le Parti Ouvrier Français relativisa sa participation concrète au congrès.

On était retombé en arrière, dans un congrès ouvrier au sens le plus large possible. D’ailleurs, les trois premiers jours furent marqués par des débats au sujet de la question de la représentativité. Les anarchistes étaient présents malgré la condition formelle qu’il fallait reconnaître l’action politique afin d’être admis. Cela provoqua un affrontement idéologique.

Les anarchistes furent finalement exclus au bout des trois jours, dans une bataille où ils expliquèrent notamment que les actions terroristes individuelles étaient de la politique et ne cessèrent de dénoncer la social-démocratie allemande. Inversement, il y eut une résolution commune aux figures de la social-démocratie allemande : August Bebel, Wilhelm Liebknecht, Karl Kautsky, avec également entre autres l’Autrichien Victor Adler. Celle-ci affirme :

« Par action politique, il faut comprendre que les partis ouvriers utilisent ou cherchent à conquérir autant que possible les droits politiques et la machinerie instaurant les lois, afin de faire avancer les intérêts du prolétariat et pour la conquête du pouvoir politique. »

Ce rejet de l’anarchisme alla de pair avec la tentative d’aller dans le sens d’une unité concrète… tout en considérant celle-ci comme non réalisable encore. Une résolution prise par le congrès dit la chose suivante, essentielle :

« Considérant qu’il est désirable que les démocrates socialistes soient organisés internationalement sous un titre commun, mais attendu aussi que les restrictions imposées à la liberté d’association par les lois réactionnaires de plusieurs pays, sont un obstacle à la réalisation immédiate de ce désir ;

Le Congrès reconnaît comme membres du parti socialiste démocratique révolutionnaire, toutes les organisations et sociétés qui admettent la lutte des classes et la nécessité de socialiser les moyens de production et qui acceptent les bases des congrès internationaux socialistes. »

Il va de soi qu’en l’absence de centralisation et de vérification, une telle affirmation ne veut rien dire et implique une ouverture à une multitude de variantes.

Néanmoins, en apparence l’anarchisme avait été vaincu ; la venue au congrès de Friedrich Engels le dernier jour fut l’occasion d’un discours de sa part reflétant une victoire politique pour le marxisme.

A Zurich au moment du congrès : Ferdinand Simon, Frieda Simon (née Bebel), Clara Zetkine, Friedrich Engels, Julie Bebel, August Bebel, Ernsct Schattner, Regina Bernstein, Eduard Bernstein

Mais la victoire n’était pas cimentée, loin de là.

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Le second congrès de la seconde Internationale

L’opposition entre sociaux-démocrates et les « variantes » ne fut alors pas compris comme une lutte entre deux lignes et cela même par l’Internationale Communiste dans son bilan de la social-démocratie.

Une telle lecture n’avait pas seulement besoin d’une saisie de la dialectique à laquelle a contribué Mao Zedong : l’absence de centralisme dans la seconde internationale donnait une impression d’importante diversité. Cela était d’ailleurs même vrai au sein de la social-démocratie et ce assez rapidement.

Ainsi, malgré que les possibilistes aient été écartés au moment du premier congrès, les trade-unionistes britanniques et le Parti Ouvrier Belge demandèrent à ce qu’ils participent au second congrès.

On retourna ainsi à la case départ avec le Congrès international ouvrier socialiste qui se tint à Bruxelles du 16 au 23 août 1891. 363 délégués de 15 pays y furent présents ; la condition requise pour la participation était simplement la suivante :

« Il est décidé que ne pourront participer au prochain congrès de Zurich que les associations acceptant ces deux principes : l’intervention de l’État et l’organisation. »

A l’ordre du jour, on trouve :

– la législation du travail ;

– « la question juive. De l’attitude que les travailleurs organisés de tous les pays doivent prendre concernant la question juive » ;

– l’Organisation, les coalitions et l’agitation ;

– le militarisme (De la position et des devoirs de la classe ouvrière vis-à-vis du militarisme) ;

– le travail aux pièces et à forfait ;

– l’abrogation de toutes les lois qui mettent la femme en dehors du droit commun ;

– le premier Mai ;

– le prochain congrès ;

– l’organisation des travailleurs de la mer.

Trois thèmes furent enlevés :

– De l’usage du parlementarisme et du suffrage universel au profit de la cause ouvrière socialiste, de la tactique à employer pour arriver à l’émancipation des travailleurs, et des moyens à mettre en œuvre pour la réaliser ;

– De l’alliance des partis ouvriers socialistes avec les partis bourgeois ;

– Adoption d’une désignation générale uniforme pour indiquer le groupement de tous les partis ouvriers du monde. Propositions : Parti socialiste international (Paris), Parti ouvrier socialiste international (Belgique).

Malgré différents désaccords, la tendance de fond fut la recherche de l’unité pour servir les ouvriers, comme avec cette résolution sur le travail aux pièces et au forfait :

Le Congrès est d’avis que cet abominable système de surmenage est une conséquence nécessaire du régime capitaliste et disparaîtra en même temps que celui-ci ;

Qu’il n’en est pas moins du devoir des organisations ouvrières de tous les pays de s’opposer par tous les moyens au développement de ce système ;

Que le système du marchandage (sweating system) produit également des conséquences désastreuses et doit être combattu par les mêmes motifs.

La résolution contre le militarisme était également importante. Il y avait deux personnes présentant cette question, le Français Édouard Vaillant et l’Allemand Wilhelm Liebknecht, afin de souligner le refus de l’affrontement franco-allemand.

Wilhelm Liebknecht affirma notamment que :

« Ce n’est pas ici le lieu d’examiner les conséquences du militarisme, de traiter des conséquences de la prochaine guerre. Dans la prochaine guerre, des millions d’hommes seront sous les drapeaux, l’Europe se fera face avec des armes, des peuples entiers seront jetées les uns contre les autres, une guerre sans précédent dans l’histoire du monde, à laquelle en comparaison la dernière guerre franco-allemande aura été un jeu entre enfants, et qui doit doit jeter un siècle en arrière notre civilisation.

Le prolétariat, qui porte l’étendard de la culture, doit faire en sorte d’empêcher cela, de contrecarrer cela, avant que la culture commune ne soit ensevelie dans une grande catastrophe.

Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter cette catastrophe. Lorsque la bête est réveillée chez l’homme, la raison se tait et l’humanité se voile la face.

Si jamais les peuples se ruent l’un sur l’autre telle une avalanche, alors tout ce qui voudra s’y opposer sera broyé.

Nous devons prouver que nous voulons éliminer cette paix armée, mais toutes les aspirations sont vouées à l’absence d’espoir tant que nous n’éliminons pas la lutte de classe qui fonde le militarisme. »

On reconnaît ici une limite historique : la lutte de classe proviendrait de la bourgeoisie, qui empêche le développement finalement normalement pacifique de l’histoire.

Voici la résolution adoptée au sujet du militarisme :

Le Congrès,

Déclare que le militarisme, qui pèse en ce moment sur l’Europe, est le résultat fatal de l’état permanent de guerre ouverte ou latente, imposé à la Société par le régime d’exploitation de l’homme par l’homme et la lutte des classes qui en est la conséquence ;

Affirme que toutes les tentatives ayant pour objet l’abolition du militarisme et l’avènement de la paix entre les peuples – quelque généreuses qu’en soient les intentions – ne sauraient être qu’utopiques et impuissantes, si elles n’atteignent pas les sources économiques du mal ;

Que seule la création d’un ordre socialiste mettant fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, mettra fin au militarisme et assurera la paix définitive ;

Que, par suite, le devoir et l’intérêt de tous ceux qui veulent en finir avec la guerre, est d’entrer dans la Social-Démocratie international qui est le véritable et unique Parti de la Paix.

En conséquence, le Congrès,

En présence de la situation chaque jour plus menaçante de l’Europe et des excitations chauvines des classes gouvernantes dans les différents pays, fait appel à tous les travailleurs pour protester par une agitation incessante contre toutes les velléités de guerre et les alliances qui les favorisent, et pour hâter, par le développement de l’organisation internationale du prolétariat, le triomphe du socialisme ;

Déclare que c’est le seul moyen capable de conjurer la catastrophe d’une guerre générale, dont les travailleurs auraient à supporter tous les frais ;

Et entend, dans tous les cas, rejeter, devant l’histoire et l’humanité, sur les classes dirigeantes, la responsabilité de tout ce qui peut survenir.

Le second congrès est ainsi une victoire de par le prolongement du premier congrès ; il renforce la base de la seconde Internationale, il lui trace une perspective. Cependant, l’approche reste éclectique finalement, avec qui plus est des éléments perturbateurs tels des possibilistes ou des anarchistes. L’anarchiste italien Francesco Saverio Merlino dut ainsi être expulsé dès le début du congrès.

L’exemple de la résolution sur la question juive témoigne de cet éclectisme de fond. Abraham Cahan, de la délégation des groupes socialistes américains de langue juive, qui regroupait 30 000 membres sur l’unique base de la langue yiddish, demanda un appel à l’unité entre personnes des milieux juifs et chrétiens dans la lutte ouvrière aux États-Unis.

Le blanquiste français Albert Regnard, un antisémite complet, s’y opposa bien entendu et attaqua les « banquiers juifs », appuyé dans sa démarche par le socialiste français Paul Argyriadès qui dénonça « les provocations de certains sémites ».

La résolution sur la question juive était ainsi une sorte de compromis entre une réfutation nette de l’antisémitisme et une sorte d’antisémitisme qui ne dit pas son nom sous prétexte que parmi les banquiers il y ait des juifs, tout en refusant toute prise de position au sens strict.

La question Juive

De l’attitude que les travailleurs organisés de tous les pays doivent prendre concernant la question juive.

Le Congrès :

Considérant que les partis socialistes et ouvriers de tous les pays ont toujours affirmé qu’il ne pouvait y avoir pour eux d’antagonisme ou de combats de races ou de nationalités mais seulement la lutte de la classe des prolétaires de toutes les races contre les capitalistes de toutes les races ;

Considérant que pour les populations ouvrières de langue juive, il n’y a pas d’autre moyen d’émancipation que leur union avec les partis ouvriers ou socialistes de leurs pays respectifs;

Tout en condamnant les excitations antisémitiques et philosémitiques, comme une des manœuvres par lesquelles la classe capitaliste et la classe gouvernementale cherchent à faire dévier le mouvement socialiste et à diviser les travailleurs ;

Décide, qu’il n’y a pas lieu de traiter la question proposée par la délégation des groupes socialistes américains de langue juive et passe à l’ordre du jour.

Il y a ici une sous-estimation très profonde de l’antisémitisme comme anticapitalisme romantique qui gangrène les secteurs non authentiquement social-démocrates de la seconde Internationale, notamment les Belges et les Français.

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Social-démocratie et variantes socialistes dans la seconde Internationale

Les années suivant le premier congrès ouvriers socialiste internationale furent marquées par l’élan provoqué et profitèrent du modèle de la social-démocratie en Allemagne.

Friedrich Engels y menait par ailleurs une intense correspondance avec les principaux dirigeants ouvriers, alors que le vecteur intellectuel du mouvement était constitué principalement du Français Paul Lafargue, du Russe Georgi Plekhanov, de l’Italien Antonion Labriola, de l’Allemand Franz Mehring et du Tchèque Karl Kautsky.

C’est ce dernier qui allait devenir le grand idéologue de la social-démocratie allemande – et donc internationale – à la mort de Friedrich Engels en 1895.

L’immense compagnon de Karl Marx, Friedrich Engels

Le modèle se répandait dans toute l’Europe. Le Parti Ouvrier Social-Démocrate de Suède se fonda en 1889, alors que l’Union social-démocrate du Danemark date déjà de 1878. Le Parti Ouvrier Social-Démocrate de Roumanie naquit en mars 1893, le Parti Ouvrier Social-Démocrate bulgare en février 1894. Aux Pays-Bas l’opportunisme anarchisant prédominait mais une rupture donna naissance à un Parti Ouvrier Social-Démocrate des Pays-Bas en août 1894.

En 1893 était également né la Social-démocratie du royaume de Pologne, avec notamment Rosa Luxembourg. Ce mouvement devint en 1899, à la suite d’une fusion, la Social-démocratie du royaume de Pologne et de Lituanie.

Le Parti ouvrier social-démocrate de Russie se fonde lui en 1898. Le Parti social-démocrate de Hongrie existe quant à lui depuis 1890, le Parti Ouvrier Social-Démocrate d’Autriche depuis 1889.

Le Parti autrichien profitait d’une tradition déjà solide ; dans une lettre du 17 juillet 1894, Engels dit aux ouvriers d’Autriche :

« Vous êtes dans un mouvement politique ascendant… Vous êtes à l’offensive, et une à qui sans aucun doute la victoire est assurée.

A l’opposé, nos gens ne sont en France, en Allemagne, en Italie, même pas dans une défensive pleine d’espoir… Vous attaquez, gagnez pas à pas du terrain, chaque partie de terrain obtenue et occupée renforce non seulement votre position, mais amènent des renforts à vos masses…

Déjà maintenant, le fait qu’en Autriche sera donné une réforme électorale de quelque type que ce soit a assuré le droit de vote général en Allemagne.

Vous avez ainsi en ce moment une mission très importante. Vous devez former l’avant-garde du prolétariat européen, initier l’offensive générale. »

Le Parti Ouvrier Social-Démocrate d’Autriche vit ses effectifs passer de 15 000 à 45 000 en l’espace de deux ans, parvenant à faire du premier mai 1890 une affirmation de grande force, amenant Friedrich Engels à être impressionné :

« La fête de masse du prolétariat a fait époque non seulement par son caractère absolument général, en faisant le premier acte international de la classe ouvrière en lutte.

Cela a également permis d’enregistrer des progrès des plus satisfaisants dans les différentes parties du pays.

Ennemi et ami s’accordent pour dire que, dans toute l’Autriche en tant que telle et à Vienne, la fête du prolétariat a été célébrée de la manière la plus brillante et la plus digne, et que la classe ouvrière autrichienne, surtout viennoise, a conquis une position tout à fait différente dans le mouvement [ouvrier international].

Il y a quelques années, le mouvement autrichien était presque tombé à zéro, les ouvriers des terres allemandes et slaves étaient divisés en partis hostiles, leurs forces s’épuisant dans le combat interne.

On se serait moqué de quiconque aurait affirmé il y a seulement trois ans que le premier mai 1890, Vienne et l’ensemble de l’Autriche montreraient à tous les autres un exemple de la manière de célébrer une fête de classe prolétarienne.

On rendra justice à ce fait en n’oubliant pas cela lorsqu’on jugera les querelles des luttes internes dans lesquelles les travailleurs d’autres pays amenuisent encore aujourd’hui leurs forces, par exemple en France. Qui veut affirmer que Paris ne pourrait pas faire ce que Vienne a fait?

Vienne, cependant, a été réduite à néant le 4 mai par Londres. »

C’est qu’en Grande-Bretagne se produisait la période dite du New Unionism, où les syndicats étaient désormais rejoint en masse et non plus le rassemblement d’une minorité d’ouvriers qualifiés, alors que le pays perdait du terrain à l’arrière-plan dans le capitalisme mondial.

La grève très partagée de 1889 provoqua notamment un afflux, les membres des syndicats passant de 860 000 à presque 1,5 million. En 1893 se forma alors un Parti travailliste indépendant.

C’était là une nuance importante dans le choix du nom, car il y avait d’un côté la tradition social-démocrate, de l’autre différentes variantes. Parmi ces dernières, on a le Parti Ouvrier Norvégien, fondé en 1887, ou encore le Parti Ouvrier de Finlande, né en 1887 mais prenant en 1903 le nom de Parti Social-Démocrate, reflétant le changement de perspective.

Les fondateurs de la social-démocratie allemande, avec Karl Marx au centre, en haut August Bebel et Wilhelm Liebknecht pour la tradition du SDAP, en bas Carl Wilhelm Tölcke et Ferdinand Lassalle pour celle de l’ADAV

Il y a, en quelque sorte, d’un côté ceux qui combinent « social » et « démocrate », avec un arrière-plan marxiste assumé même si plus ou moins développé, et de l’autre ceux qui veulent un parti « ouvrier », ou bien « socialiste ». On a ici bien entendu le Parti ouvrier belge, fondé en avril 1885, et le Parti Ouvrier Français de Jules Guesde.

Né en 1882, il se développait également relativement, malgré une base idéologique très faible compensée par le volontarisme mais affrontant une répression sanglante, comme l’écrasement par l’armée du premier mai 1891 à Fourmies dans le Nord, faisant neuf morts, 35 blessés, avec neuf ouvriers condamnés à plusieurs mois de prison.

L’agitation sociale traversait tout le pays, comme dans le Sud à Carmaux avec les grèves des mineurs en 1892 et celle des ouvriers de la verrerie en 1895. C’est en fait seulement dans le Nord, avec une base ouvrière de masse, que le courant marxiste s’imposait parmi les socialistes, la ville de Paris étant inversement un bastion anarchisant de par la prédominance de l’artisanat et de la petite industrie.

Les brillants succès électoraux de 1893, dans le contexte du scandale de la corruption pour la construction du canal de Panama, avec 250 000 voix pour le Parti Ouvrier Français, autant pour les autres courants socialistes, amenèrent toutefois l’irruption d’un profond opportunisme. Jules Guesde, élu député à Roubaix, présenta son élection comme une « révolution », le socialisme entrant selon lui au Palais Bourbon. Le Parti Ouvrier Français appuya même les députés réformistes d’Alexandre Millerand.

Un autre exemple de variante non social-démocrate était le Parti Socialiste Italien, qui se fonda lors de son congrès de Gênes en 1892, mais dont le programme ne contenait aucune référence ni à la lutte des classes, ni à la dictature du prolétariat. Le Parti socialiste ouvrier espagnol, né en 1879, progressait quant à lui difficilement dans un pays fortement marqué par l’anarchisme.

Le Parti du Travail Socialiste d’Amérique (Socialist Labor Party of America) possédait quant à lui une orientation sectaire, d’esprit syndicaliste révolutionnaire, sous l’influence de Daniel De Leon.

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Seconde Internationale : le modèle allemand et le programme d’Erfurt

C’est la social-démocratie allemande qui servait de moteur et de modèle à la seconde internationale. C’est elle qui donnait les impulsions sur les plans théorique et pratique, c’est elle qui analysait les différents phénomènes historiques. Son parcours était exemplaire, son organisation de grande ampleur, son programme abouti.

À l’origine, le mouvement ouvrier allemand s’appuyait sur l’ADAV (Allgemeiner Deutscher Arbeiterverein, Association générale allemande des ouvriers), fondé en 1863 par Ferdinand Lassalle, ainsi que sa scission, le SDAP (Sozialdemokratische Arbeiterpartei, Parti Ouvrier Social-Démocrate) d’August Bebel et Wilhelm Liebknecht, fondé en 1869.

Liberté, égalité, fraternité!
L’unité rend fort!

Bannière de l’ADAV

La ligne de Lassalle était celle du réformisme de type étatiste, avec en perspective la socialisation légaliste de la société, alors que la ligne de Bebel et Liebknecht était davantage combative ; la ligne des deux organisations ne dépassaient cependant pas le niveau idéaliste de la bataille pour un État « vraiment » démocratique obtenu au moyen de réformes.

L’unification se déroula lors du congrès à Gotha, du 22 au 27 mai 1875, donnant naissance au SAP (Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands, Parti socialiste ouvrier d’Allemagne). Karl Marx avait émis une critique très forte, en raison du poids idéologique de l’ADAV et de Ferdinand Lassalle, sa « critique du programme de Gotha » devenant une œuvre classique du mouvement ouvrier.

Les progrès de la fraction révolutionnaire finirent par écraser la tendance formée par Ferdinand Lassalle (qui lui-même était mort en 1864), mais l’empire allemand nouvellement instauré interdit la social-démocratie en 1878.

Le Vorwärts (« En avant »), l’organe central paraissant trois fois par semaines à sa fondation en 1876, continua pourtant son existence dans l’illégalité, sous le nom de « Der Sozialdemokrat », réussissant à être diffusé clandestinement dans toute l’Allemagne depuis la Suisse.

Premier numéro du Vorwärts,
le premier octobre 1876

Et malgré que la répression ait amené l’interdiction de 155 périodiques, de 1200 imprimés non périodiques, condamnant 1500 personnes à en tout 1000 années de prison, l’organisation se maintint jusqu’à sa légalisation en 1890.

Eut alors lieu le congrès de 1891 à Erfurt, du 14 au 20 octobre. Le nouveau nom devint « Parti Social-démocrate d’Allemagne », avec l’adoption d’un programme écrit par Karl Kautsky et Edouard Bernstein.

Ce programme dit d’Erfurt, qui resta tel quel pendant 30 ans, dépassait celui de Gotha de 1895 en bien des points, grâce à une critique pointue de Friedrich Engels. Rédigé surtout par Karl Kautsky, il se situait sur le terrain du marxisme, même s’il évitait d’aborder les questions essentielles des tâches démocratiques de la révolution allemande, ainsi que la dictature du prolétariat.

Sa thèse essentielle, c’est la primauté du politique :

« La lutte de la classe ouvrière contre l’exploitation capitaliste est nécessairement une lutte politique. La classe ouvrière ne peut mener ses luttes économiques et ne peut développer son organisation économique sans droits politiques.

Elle ne peut réaliser le passage des moyens de production au sein de la collectivité sans être entrée en possession de la puissance politique.

Rendre cette lutte de la classe ouvrière consciente et unitaire et lui montrer son but nécessaire, telle est la tâche du Parti social-démocrate. »

Le socialisme y est présenté comme une synthèse effectué par les socialistes, pas comme un produit mécanique de la lutte des classes. Cela est dit très clairement :

« Les socialistes n’ont nullement reconnu dès le début le rôle que le prolétariat combattant est appelé à jouer dans le mouvement socialiste.

Bien sûr, ils ne pouvaient pas faire cela tant qu’un prolétariat combattant n’existait pas.

Mais le socialisme est plus ancien que la lutte de classe du prolétariat. Il est aussi vieux que l’apparition du prolétariat en tant que phénomène de masse. »

Ce programme, avec cette thèse comme noyau dur, marqua particulièrement les esprits alors, notamment celui de Lénine. Ce dernier le présenta encore comme une puissante contribution, un modèle du genre, lors du VIII congrès du Parti Communiste (bolchévik) de Russie, en mars 1919 :

« Nous sommes tenus de partir de cette idée marxiste, reconnue de tous, qu’un programme doit être édifié sur une base scientifique.

Il doit expliquer aux masses comment la révolution communiste est née, pourquoi elle est inévitable, quelle est sa signification, son essence et sa force, ce qu’elle doit résoudre. Notre programme doit être un guide pour la propagande, un guide tout comme le furent tous les programmes, comme l’était par exemple celui d’Erfurt.

Chacun de ses paragraphes contenait en puissance des centaines de milliers de discours et d’articles de propagande. »

La social-démocratie allemande, désormais légalisée, s’imposait comme un mouvement de masse sur une base marxiste, obtenant 23,3 % aux élections de 1895, après en avoir obtenu 19 % à celles de 1890.

Friedrich Engels, dans une lettre à Pablo Iglesias du 26 mars 1894, note ainsi

« En Allemagne les choses se développent de manière régulière. C’est une armée bien organisée et bien disciplinée, qui devient chaque jour plus grande et avance d’un pas assuré, sans se laisser détourner de son but. En Allemagne, on peut pour ainsi dire calculer d’avance le jour où notre parti sera le seul en mesure de prendre en main le pouvoir. »

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Le premier congrès de la seconde Internationale et la lutte ouvrière

Le premier congrès ouvrier international de juillet 1889, qui marque la naissance de la seconde internationale, décida de se structurer pour la bataille concernant la législation sur le travail. Il fut décidé qu’un organe hebdomadaire serait mis en place pour centraliser les expériences faites dans la lutte pour la journée de huit heures.

Une résolution fut également adoptée concernant la législation internationale du travail, témoignant à la fois du rejet de l’option anarchiste de refus d’aborder cet aspect, que celui d’abandonner au syndicat les questions de ce domaine.

On a ici l’approche social-démocrate où le Parti ouvre la voie. Voici la résolution.

Le Congrès international ouvrier socialiste de Paris,

Après avoir affirmé que l’émancipation du travail et de l’humanité ne peut sortir que de l’action internationale du prolétariat organisé en parti de classe, s’emparant du pouvoir politique pour l’expropriation de la classe capitaliste et l’appropriation sociale des moyens de production ;

Considérant :

Que la production capitaliste dans son rapide développement envahit successivement tous les pays ;

Que ce progrès de la production capitaliste implique l’exploitation croissante de la classe ouvrière par la bourgeoisie ;

Que cette exploitation, de plus en plus intensive, a pour conséquence l’oppression politique de la classe ouvrière, son asservissement économique et sa dégénérescence physique et morale ; Que, par suite, il est du devoir des travailleurs de tous les pays de lutter, par tous les moyens à leur disposition, contre une organisation sociale qui les écrase et menace en même temps, le libre développement de l’humanité ;

mais que, d’autre part, il s’agit avant tout de s’opposer à l’action destructive du présent ordre économique ;

Décide :

Une législation protectrice et effective du travail est de nécessité absolue dans tous les pays où sévit la production capitaliste.

Comme bases de cette législation, le Congrès réclame :

a) Limitation de la journée de travail à un maximum de huit heures pour les adultes ;

b) Interdiction du travail des enfants au-dessous de 14 ans, réduction de la journée à six heures pour les jeunes gens des deux sexes au-dessous de 18 ans ;

c) Suppression du travail de nuit, à l’exception de certaines branches d’industrie dont la nature exige un fonctionnement ininterrompu ;

d) Interdiction du travail des femmes dans toutes les branches d’industrie qui affectent plus particulièrement l’organisme féminin ;

e) Suppression du travail de nuit pour les femmes et les ouvriers de moins de 18 ans;

f) Repos ininterrompu de 36 heures au moins, par semaine, pour tous les travailleurs ;

g) Interdiction de certains genres d’industrie et de certains modes de fabrication préjudiciables à la santé des travailleurs;

h) Suppression du marchandage

i) Suppression du paiement en nature, ainsi que des coopératives patronale ;

j) Suppression des bureaux de placement ;

k) Surveillance de tous les ateliers et établissements industriels, y compris l’industrie domestique, par des inspecteurs rétribués par l’État et élus, au moins pour moitié, par les ouvriers eux-mêmes.

Le Congrès déclare que toutes ces mesures d’hygiène sociale doivent faire l’objet de lois et de traités internationaux, que les- prolétaires de tous les pays sont invités à imposer à leurs gouvernants. Ces traités, obtenus de la façon qu’ils jugeront la plus efficace, — ils auront à en surveiller l’application.

Le Congrès déclare en outre qu’il est du devoir des ouvriers d’admettre-les ouvrières dans leurs rangs, sur le pied d’égalité, et de faire prévaloir le principe : à travail égal, salaire égal pour les travailleurs des deux sexes et sans distinction de nationalité.

Pour cela, de même que pour l’émancipation complète du prolétariat, le Congrès considère comme essentielle l’organisation des travailleurs sur tous les terrains et réclame, en conséquence, la liberté absolue d’association et de coalition.

Les revendications sont particulièrement précises :il y a une excellente connaissance de la situation, avec une véritable poussée ouvrière de type politique. Le congrès appelait ainsi à une mobilisation générale au parlement, dans les municipalités, dans les initiatives militantes, pour œuvrer en ce sens.

C’était la lancée du mouvement socialiste de manière internationale, dans une démarche commune, sur une base construite.

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Le premier congrès de la seconde Internationale et la lutte économique et politique

Les possibilistes, un courant pratiquement uniquement français, prônait une lutte se réduisant à ce qui était considéré comme rationnellement possible. C’était un réformisme se prétendant en phase avec la réalité.

Incapables de torpiller le congrès international des socialistes, ils tinrent leur propre congrès au même moment, s’ouvrant le 15 juillet, profitant même de la présence et de l’appui ouvert des délégués de Belgique, des Pays-Bas et d’Italie.

14 pays étaient représentés, mais la très grande majorité des délégués étaient ceux des possibilistes français, qui représentaient 77 clubs politiques et 136 syndicats.

Le Parti Ouvrier Belge demanda ouvertement l’unification des congrès, ce qui provoqua une intense bataille dans les rangs du congrès socialiste entre ceux refusant catégoriquement l’unification et ceux l’exigeant « à tout prix », à quoi s’ajoutent ceux qui, à l’instar des Allemands, entendaient placer les possibilistes face à leur propres incohérences.

Paul Brousse (1844-1912), chef de file du courant possibiliste, représenté par Aristide Delannoy en 1908
sur une couverture d’un journal anarchiste

Les possibilistes sabotèrent de fait eux-mêmes les négociations pour la mise en place d’un congrès unitaire, en exigeant que la validité des délégués soit remise en cause, ceci dans le but d’éjecter les Français favorables au marxisme. Leur approche purement destructrice était démasquée.

Le paradoxe apparent était que les possibilistes étaient à la fois soutenus, initialement, tant par les réformistes présents au congrès, que par les anarchistes qui eux prônaient une ligne ultra. Ces derniers dénoncèrent même au congrès l’idée de lois favorables aux ouvriers ou d’accès au droit de vote comme étant une trahison.

Réformistes et possibilistes cherchaient à empêcher l’affirmation d’une capacité d’intervention politique et économique de type social-démocrate. Cela échoua, la résolution suivante étant adoptée :

Action Économique et Action Politique de la classe ouvrière. Action internationale.

a) Action économique et politique.

Considérant que les rapports des délégués de tous les pays à ce Congrès ont démontré que la seule organisation économique du travail (Trade Unions et syndicats ouvriers) ne saurait suffire à l’émancipation de la classe laborieuse ;

d’autre part que l’agitation pour la réduction de la journée de travail, la limitation du travail des femmes et des enfants et des lois protectrices du travail, peut être considérée, à juste titre, comme un moyen de développer chez les travailleurs la conscience de classe, préliminaire nécessaire à l’émancipation de la classe ouvrière par elle-même ;

Considérant que l’histoire du mouvement ouvrier montre que les appels à la bourgeoisie ne sont d’aucun effet pour les travailleurs et ne servent qu’à constituer un capital politique pour la classe régnante ;

Considérant que la possession du pouvoir politique par la classe régnante lui a permis de maintenir son système exploiteur d’entreprise privée et de production capitaliste ;

Considérant qu’au moyen du pouvoir politique, elle empêche le contrôle de l’industrie par l’État et le contrôle de l’État par le peuple ;

Le Congrès international de Paris décide :

1. Que dans tous les pays où les prolétaires sont en possession de la franchise électorale; ils doivent entrer dans les rangs du parti socialiste, ne tolérant aucune compromission avec un autre parti politique, et par l’usage de leur bulletin de vote ils ont à poursuivre, sous l’empire de leur constitution respective, la conquête du pouvoir politique ;

2. Que dans tous les pays où la franchise électorale et les droits constitutionnels sont refusés aux prolétaires, ceux-ci doivent lutter par tous les moyens possibles pour obtenir le droit de suffrage ;

3. Que tout emploi de la force répressive de la part de la classe régnante pour entraver l’évolution pacifique de la société vers une organisation coopérative, à la fois industrielle et sociale, serait un crime contre l’humanité et soumettrait l’inhumanité des agresseurs aux châtiments infligés par des hommes qui luttent pour la défense de leur vie et de leur liberté.

On a ici une posture défensive – avec à l’arrière-plan la considération que le poids des masses suffit en soi à triompher – mais on a tout de même les éléments fondamentaux de l’affirmation du socialisme par la révolution.

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Le premier congrès de la seconde Internationale et l’opposition au militarisme

L’esprit internationaliste du congrès devait nécessairement s’allier à une dénonciation du militarisme. Celui-ci n’existait pas alors seulement comme tendance du capitalisme au repartage du monde, ni même comme simple expression allant de pair avec le colonialisme. C’était aussi une expression des puissants restes féodaux existant dans de nombreux pays.

Voici la résolution qui fut prise alors, 25 ans avant la première guerre mondiale.

« Le Congrès international ouvrier socialiste de Paris,

Considérant :

Que l’armée permanente ou la force armée au service de la classe régnante ou possédante, est la négation de tout régime démocratique ou républicain, l’expression militaire du régime monarchique ou oligarchique et capitaliste, un instrument de coups d’État réactionnaires et et d’oppression sociale ;

Que, résultat et cause du système de guerres agressives; danger constant de conflits internationaux, l’armée permanente et la politique offensive dont elle est l’organe, doivent faire place à la politique défensive et pacifique de la démocratie, à l’organisation du peuple entier exercé, armé, non plus pour le pillage et la conquête, mais pour la sauvegarde de son indépendance et de ses libertés ;

Que l’armée permanente, cause incessante de guerre est, ainsi que l’histoire le démontre, incapable de défendre un pays contre les forces supérieures d’une coalition et que sa défaite laisse le pays désarmé, à la merci des vainqueurs, tandis que la nation préparée, organisée, armée, serait inaccessible à l’invasion ;

Que l’armée permanente est la désorganisation de toute vie civile, enlevant à chaque nation pour l’encaserner, la démoraliser, sa meilleure jeunesse, à la période d’apprentissage, d’études, de plus grande activité et d’action ;

Qu’ainsi le travail, la science et l’art se trouvent stérilisés, arrêtés dans leur essor ; le citoyen, l’individu, la famille atteinte dans leur existence, dans leur développement ;

Qu’au contraire dans l’armée vraiment nationale, ou nation armée, le citoyen poursuit dans la vie nationale le développement de ses aptitudes, de ses facultés, exerce ses fonctions militaires comme un attribut nécessaire de sa qualité de citoyen ;

Considérant :

Que l’armée permanente, par les charges incessamment accrues de la dette de guerre, par les impôts et emprunts toujours aggravés qu’elle motive, est une cause de misère et de ruine ;

Répudie hautement les projets belliqueux entretenus par des gouvernants aux abois ;

Affirme la paix comme condition première et indispensable de toute émancipation ouvrière ;

Et réclame, avec la suppression des armées permanentes, l’armement général du peuple sur les bases suivantes :

L’armée nationale ou la nation armée formée de tous les citoyens valides, organisés par région, de telle sorte que chaque ville, chaque canton ait son bataillon, composé de citoyens qui se connaissent, réunis, armés, équipés et prêts à marcher, s’il le faut, dans les vingt-quatre heures.

A chacun, son fusil et son équipement à domicile, comme en Suisse, pour la défense des libertés publiques et de la sécurité nationale.

Le Congrès déclare en outre que la guerre, produit fatal des conditions économiques actuelles, ne disparaîtra définitivement qu’avec la disparition même de l’ordre capitaliste, l’émancipation du travail et le triomphe international du socialisme. »

Le refus du militarisme est alors une composante essentielle du mouvement ouvrier, mais on voit bien que, l’idéal étant l’armée « démocratique » suisse, il y a de grandes faiblesses de compréhension de la nature de l’État.

C’est précisément sur cette question que le passage du capitalisme à l’impérialisme va poser de terribles problèmes, en raison de la formation de couches corrompues du prolétariat, de l’opportunisme face aux « progrès » du capitalisme, de la capitulation devant le nationalisme.

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La fondation de la seconde Internationale au congrès de Paris

Le congrès socialiste international se tint à Paris du 14 au 21 juillet 1889, une date choisie par les socialistes français. Sur les murs, on pouvait lire les slogans « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », « Expropriation politique et économique de la classe capitaliste, socialisation des moyens de production », ainsi qu’une salutation des ouvriers socialises d’Europe et d’Amérique « au nom du Paris de juin 1848 et de mars, avril et mai 1871 et de la France de Babeuf, Blanqui et Varlin ».

Il y avait initialement 391 délégués de 20 pays, pour 383 mandats représentant à peu près 300 organisations socialistes et ouvrières. Dès le 17 juillet il y avait déjà 467 délégués et leur nombre continua de s’élever.

Une figure de marque manqua : Friedrich Engels. Il avait dû interrompre sa compilation du troisième tome du Capital de Karl Marx, afin de lutter pour une organisation du congrès sans les possibilistes ; une fois cela réussi, il retourna à ce travail si essentiel.

Les Allemands avaient envoyé 81 délégués, les Français 211, les Britanniques 20, les Belges 14, les Italiens 13, les Autrichiens 10, les Russes 6 (dont le diffuseur du marxisme en Russie, Georgi Plekhanov), les Suisses 5, les Américains 5, les Roumains 5, les Néerlandais 4, les Polonais 4, les Danois 3, les Norvégiens 3, les Hongrois 3, les Suédois 2, les Espagnols 2.

À cela s’ajoutait une représentation de Finlande, d’Argentine et de Bulgarie.

Les marxistes avaient la majorité, avec les Allemands, les Autrichiens, une partie des Français. Les possibilistes étaient tout de même présents par l’intermédiaire d’une partie des Néerlandais ; les réformistes s’appuyaient les Belges, une large partie des Danois, quelques délégués allemands, suisses, britanniques.

Les anarchistes profitaient des Italiens et d’une partie des Français et des Britanniques.

L’ordre du jour fut le suivant :

1. Législation internationale du travail. – Réglementation légale de la journée. Travail de jour, de nuit, des jours fériés, des adultes, des femmes, des enfants, surveillance des ateliers de la grande et petite industrie, comme de l’industrie domestique. Voies et moyens pour obtenir ces revendications.

2. Des moyens les plus pratiques à employer pour établir des relations constantes entre les organisations ouvrières de tous les pays, sans, pour cela, porter atteinte à leur autonomie.

3. Des coalitions patronales et de l’intervention des pouvoirs publics.

4. Fixation de la date et du lieu du prochain congrès. Règlement à adopter pour la convocation, son organisation et la tenue des séances.

Paul Lafargue souligna que la bourgeoisie avait depuis 1789 fait de la France une bastille capitaliste et souligna que par-delà les différences nationales, c’est le capital qui était l’ennemi. Symbole de cet internationalisme, les deux présidents du congrès élus furent l’Allemand Wilhelm Liebknecht et le Français Édouard Vaillant.

Est également décidé une manifestation internationale régulière : c’est la naissance du premier mai. En voici la résolution.

« Il sera organisé une grande manifestation internationale à date fixe, de manière que, dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail, et d’appliquer les autres résolutions du Congrès international de Paris.

Attendu qu’une semblable manifestation a déjà été décidée pour le 1er Mai 1890 par l’American Federation of Labour, dans son Congrès de décembre 1888 tenu à Saint-Louis, cette date est adoptée pour la manifestation internationale.

Les travailleurs des diverses nations auront à accomplir cette manifestation dans les conditions qui leur sont imposées par la situation spéciale de leur pays. »

À cela s’ajoute la mise en place d’une structure internationale. Chaque organisation dispose de son autonomie, mais les liaisons sont vues comme obligatoires entre les membres. Voici la résolution qui, de fait, donne naissance à la seconde Internationale.

Le congrès déclare :

1. Que des relations permanentes doivent être établies entre les organisations socialistes des différents pays; mais que dans aucun cas et sous aucune pression, ces relations ne pourront porter atteinte à l’autonomie des groupements nationaux, ceux-ci étant seuls les meilleurs juges de la tactique à employer dans leur propre pays ;

2. Qu’une invitation sera adressée aux chambres syndicales et groupes corporatifs pour qu’ils se fédèrent nationalement et internationalement ;

3. Que la création d’un bulletin international rédigé en plusieurs langues sera proposée à l’étude des partis socialistes des différents pays;

4. Qu’il y a lieu de demander à chaque organisation ouvrière de délivrer à ceux de ses membres qui changent de résidence, une carte destinée à les faire reconnaître par leurs frères de tous les pays ;

5. Que, dans les différents pays, des comités nationaux soient établis, s’il n’en existe pas, pour entretenir des relations internationales dans l’ordre corporatif et dans l’ordre politique et social ;

6. Que, chaque année, et pour l’année seulement, le comité national d’un pays, fera office d’organe central international de correspondance, et qu’on interdise à ce comité de prendre une décision quelconque sortant du rôle qui lui est dévolu.

Article additionnel. – Le ou les comités auront mission de recevoir, traduire et faire parvenir aux parties intéressées toutes les communications qui leur seront adressées concernant les conditions sociales et industrielles des travailleurs. Une copie de cette résolution sera envoyée au secrétaire du comité parlementaire du Congrès des Trade-Unions avec invitation de la porter devant le Congrès annuel qui se tiendra à Dundee en septembre 1889.

L’unité des socialistes n’est pas organique : elle existe de fait, il y a un état d’esprit commun, il y a le rouleau compresseur qu’est le marxisme se diffusant alors.

Cependant, il n’y a pas dans la seconde Internationale de centralisation. C’est une sorte de plate-forme transversale. C’est là une limite historique qui ne sera jamais dépassée, malgré les tentatives.

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La base de la fondation de la seconde Internationale

Au milieu du XIXe siècle, il n’y a que l’Angleterre qui dispose d’une réelle base industrielle. Cependant des phénomènes amenèrent une progressions dans le développement du capitalisme dans d’autres pays : la fin de l’esclavage aux États-Unis à la suite de la guerre civile de 1861-1865, l’abolition du servage en Russie en 1861, la formation des États nationaux allemand et italien, l’ouverture au monde du Japon en 1868, le compromis entre l’Autriche et la Hongrie en 1867, le régime de Napoléon III en France.

Lors du dernier tiers du XIXe siècle, la production industrielle mondiale tripla, alors que la colonisation de l’Afrique se compléta : 10,8 % de son territoire était colonisé en 1876, 90,4 % en 1900.

Le territoire colonial français passa, lors des vingt dernières années du XIXe siècle, de 0,7 million de km² avec 7,5 millions d’habitants à 30,7 million de km² avec 56,4 millions d’habitants.

La classe ouvrière commençait son expansion. À la fin du XIXe siècle, la France avait 3,8 millions d’ouvriers et de cheminots, la Grande-Bretagne en avait 4,9 millions, la Russie autour de 1,5 million, les États-Unis 5,3 millions, l’Allemagne 8 millions.

La productivité était très différente selon les domaines et les régions du monde, comme en témoigne la part en pourcentage dans l’industrie mondiale alors.


1870 1900
France 10 % 7 %
Grande-Bretagne 32 % 18 %
États-Unis 23 % 31 %
Allemagne 13 % 16 %
Russie 4 % 6 %

C’est en Allemagne que naquit d’abord la social-démocratie, de par l’activité de Karl Marx et Friedrich Engels. Le Parti Social-Démocrate d’Allemagne, mené par Wilhelm Liebknecht et August Bebel, se plaçait dans leur perspective.

C’était un parti de masse, qui établit lui-même les syndicats, alors qu’inversement en France le syndicalisme se développait à l’ombre de la dépolitisation due à l’écrasement de la Commune de Paris en 1871 et qu’en Grande-Bretagne le parti politique naissait comme prolongement des syndicats.

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Gravure de 1896 par Otto Marcus

Le Parti Social-Démocrate d’Allemagne se développa même malgré son interdiction de 1878 à 1890. Il fut rejoint dans son orientation par le Parti Social-Démocratie d’Autriche, né le 30 décembre 1888 et dont le programme fut un important marqueur de la social-démocratie.

C’est que les pays germanophones avaient accès de manière la plus aisée aux écrits de Karl Marx et de Friedrich Engels, ce dernier menant jusqu’à sa mort en 1895 une inlassable activité en faveur de l’adoption du marxisme par le mouvement ouvrier naissant.

Le congrès de 1887 du Parti Social-Démocrate d’Allemagne encore illégal appela en ce sens à la réalisation d’un congrès ouvrier international. L’interdiction du Parti en Allemagne et le refus de la part des Britanniques de le mettre en place amena à chercher sa réalisation à Paris.

Le projet eut le soutien du Parti Ouvrier Belge, du Parti Social-Démocrate du Danemark, des socialistes français et italiens, ainsi que des syndicats allemands de New York.

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Version suédoise de la gravure d’ Otto Marcus, en 1900

En France, la Fédération nationale des syndicats, qui tint son congrès à Bordeaux en octobre 1888, représentant 272 organisations, soutint alors l’idée d’un congrès ouvrier international organisé par ses soins à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris de 1889, celle pour qui la tour Eiffel fut construite.

Elle mit en place un comité d’organisation, présidé par Augustin Daumas et avec comme secrétaires Paul Lafargue et Bernard Besset. Faisaient partie du comité des représentants de la Fédération nationale des syndicats, des socialistes, des membres du conseil municipal parisien, des représentants du groupe des députés socialistes.

Le souci était que le Parti Social-Démocrate d’Allemagne trouvait inacceptable la participation à un tel futur congrès des possibilistes. Ces réformistes voulant appliquer le socialisme selon ce qui aurait été « possible » entendaient également mener un congrès, l’option se posant alors étant un congrès commun.

Friedrich Engels écrivit une lettre à August Bebel, 5 janvier 1889, où on lit notamment :

« Les possibilistes ont lutté à mort contre les nôtres, ceux qu’on appelle les marxistes, en se targuant d’être la seule église, celle « hors de laquelle il n’est point de salut », après avoir absolument interdit toute liaison et toute action commune avec les autres – les marxistes aussi bien que les blanquistes – et conclu une alliance avec l’église londonienne « hors de laquelle il n’est point de salut » – la Social Democratic Federation – dont le but – et non le moindre – est de combattre partout le Parti allemand jusqu’à ce qu’il cède, se rallie à cette triste bande et abjure toute communauté de vue avec les autres français et anglais.

Par-dessus le marché, il se trouve que les possibilistes sont vendus à l’actuel gouvernement, qui leur paie leurs frais de déplacement, de congrès et de presse à partir de fonds secrets – tout cela sous prétexte de combattre Boulanger et de défendre la République, donc aussi les exploiteurs opportunistes de la France – les Ferry, etc. – , leurs actuels alliés.

Et ils défendent l’actuel gouvernement radical qui, pour rester en place, doit exécuter toutes les besognes les plus dégoûtantes pour le compte des opportunistes [républicains bourgeois modérés des années 1880]. Ceux-ci ont, par exemple, fait taper sur le peuple lors de l’enterrement d’Eudes, et à Bordeaux, à Troyes comme à Paris, il s’en prend aux drapeaux rouges avec plus de rage que n’importe quel gouvernement précédent.

Marcher de concert avec cette bande serait renier toute la politique extérieure que vous avez menée jusqu’ici.

Il y a deux ans, cette bande a fait cause commune à Paris avec les syndicats anglais vendus pour s’opposer aux revendications socialistes, et s’ils ont pris une autre position en novembre, c’était parce qu’ils ne pouvaient faire autrement. Avec cela, ils ne sont forts qu’à Paris, et ils n’existent pas en province (…).

Les marxistes, qui dominent en province, sont le seul parti anti-chauvin de France et se sont rendus impopulaires à Paris en raison de leur prise de position en faveur du mouvement ouvrier allemand : prendre part à un congrès qui leur serait hostile, ce serait une gifle que vous vous donneriez à vous-mêmes en plein visage. »

Le Parti Social-Démocrate d’Allemagne exigea que le comité entre à ce sujet en négociation avec les mouvements d’Allemagne, de Belgique, des Pays-Bas et de Suisse. Cela donna la conférence de La Haye à la fin février 1889.

Étaient également présents notamment le grand artiste William Morris pour la ligue socialiste active en Grande-Bretagne ainsi que des représentants de la social-démocratie danoise.

Ce fut une réussite, mais les possibilistes menèrent une vaste contre-campagne, se voyant rejoindre par le mouvement ouvrier britannique et belge. Le Parti Social-Démocrate d’Allemagne et Friedrich Engels mirent tout leur poids dans la balance et finalement le Comité d’organisation français appela le 8 mai 1889 à un congrès le 14 juillet, la date étant préférée au mois de septembre initialement choisie.

Au premier juin, il y avait déjà le mouvement ouvrier de 12 pays, avec 67 de leurs dirigeants, qui avaient rejoint l’appel.

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