TKP(ML) – On ne peut pas être communiste sans défendre le maoïsme

[Document du milieu des années 1990]

TKP(ML) – TIKKO
Parti Communiste de Turquie (marxiste-léniniste) – Armée Ouvrière et Paysanne de Libération de la Turquie

Le niveau qu’a atteint la science prolétarienne avec le maoïsme, ou le critère pour être un communiste révolutionnaire, ne sauraient se résumer à la mise en valeur de la lutte de classe jusqu’à la dictature du prolétariat, ou la défense de la dictature du prolétariat.

A côté de l’acceptation de cela, il est nécessaire d’être conscient des contradictions de classes antagoniques existantes pendant la période socialiste, sous le régime de dictature du prolétariat, d’être conscient de la lutte de classe entre la bourgeoisie et le prolétariat, de soutenir le fait qu’il y a besoin de continuer la révolution.

Sinon on ne peut pas être marxiste, ni un léniniste ni un marxiste-léniniste-maoïste.

Ensemble avec la transformation socialiste et la promotion de la production, les théories de ceux qui nient la restauration ou qui pensent qu’il n’y a qu’une très faible possibilité, ont vu leur erreur avec la pratique de l’Union soviétique, de la Chine et de l’Europe de l’Est.

Ceux qui soutiennent ou s’appuient sur Marx pour défendre cela n’ont ou pas compris Marx, ou à cause de leurs emprunts révisionnistes se sont engagés eux-mêmes dans ces altérations.

Comme cela est connu, Marx a assisté, durant sa propre époque, au développement du socialisme dans les pays capitalistes, en Europe et dans d’autres pays développés.

Dans la réalisation de cela, le capitalisme a pu être affronté, grâce au fait que ces pays sont développés, les problèmes de production et de distribution ont pu être suffisamment importants. Ainsi le danger de régression ne disparaît pas complètement mais il serait compliqué.

Mais la révolution a avancé durant la période impérialiste dans les chaînes les plus faibles, dans les zones relativement arriérées.

La réalité du capitalisme au stade impérialiste a été la source d’un développement contraire à la prévision de Marx.
La situation n’amène pas l’erreur de la théorie de Marx, mais résulte de nouveaux développements et de problèmes qui ont été causé par les conditions concrètes.

Celui qui ne peut pas concevoir les développements dans ces conditions concrètes, qui confond cela avec la période de Marx, et ainsi celui qui utilise la stratégie et les tactiques de la ligne de lutte appropriée à la réalité concrète de la période de Max, afin de faire face aux impérialistes, celui-là se trompe et est le représentant du passé.

Pour ceux qui sont coincés dans ce tunnel temporel, même la réalité de la révolution et la gestion du socialisme dans un pays arriéré comme la Russie n’ont pas été suffisant pour modifier leur point de vue. Nous parlerons de cela une autre fois. Nous nous concentrerons ici sur la question de la restauration.

La formation de la construction du socialisme dans des pays comme la Russie, et non pas dans des pays capitalistes développés, même non pris dans leur ensemble, a agrandi les bases économiques des risques de restauration. C’est un désavantage.

Mais la question ne peut pas se confiner dans le développement économique. Les tenants des positions clefs de la haute bourgeoisie doivent être mis en rapport avec les dangers de la nouvelle bourgeoisie.

De ce point de vue, le danger n’a pas eu pas comme source ce que l’on pensait initialement, les classes exploiteuses, mais la nouvelle bourgeoisie apparaissant à l’intérieur du gouvernement et du Parti, et qui a son fondement dans la construction du socialisme.

Le socialisme n’est pas une société sans classes, sans affrontements et sans contradictions. C’est une période de transition où il y a de durs combats ayant pour cause des contradictions antagoniques.

La modification des rapports de production n’était pas en fait la socialisation de la société au nom des ouvriers, mais signifiait le contrôle des propriétaires des moyens de production.

La distribution était encore organisée par les principes juridiques bourgeois, cette action était faite  » selon le travail ». Il était impossible de faire vraiment cesser l’inégalité.
La transformation de la propriété des moyens de production dans le socialisme était loin de produire une solution aux problèmes des rapports entre les producteurs eux-mêmes, entre les producteurs et les gestionnaires.

Tous ces problèmes ont été suffisants pour comprendre que dans le socialisme la contradiction bourgeoisie / prolétariat continuerait sur ces bases économiques, malgré la transformation de la propriété.

La position de pouvoir du prolétariat est une barricade contre la nouvelle bourgeoisie, mais cela ne signifie pas la fin du risque de relâchement. Même avec le prolétariat au pouvoir dans l’Etat, le parti forme un problème.

Malgré le fait que ce soit des instruments essentiels pour attendre le communisme, dans la perspective du communisme ils ont un côté bourgeois en eux. C’est l’Etat bourgeois sans la bourgeoisie.

De ce point de vue, le fait de savoir qui contrôle l’Etat et le parti, comment le pouvoir a été pris, et la ligne politico-idéologique, sont des questions majeures.
Si une ligne n’amène pas une société au communisme, si elle n’amène pas à avoir la capacité à résoudre les contradictions existantes en faveur des travailleurs, si elle ne minimise pas le besoin de l’Etat et du Parti afin que les travailleurs deviennent les maîtres, et si elle n’est pas capable de diviser le pouvoir dans la société sur la route au communisme, alors il y a un problème.

Etre au pouvoir est un instrument pour mobiliser les masses travailleuses vers le communisme.
Ici l’importance de la question de la  » révolution socialiste  » devient plus apparente. Le pouvoir prolétaire n’est pas le monopole du parti, celui-ci est la force guidant par la gestion de la direction du parti, et c’est le soutien de ce pouvoir par les masses travailleuses.

Les travailleurs ne peuvent pas être privés du contrôle de la société, du droit à se révolter contre l’injustice, quel qu’en soit le prétexte ; ils ne peuvent pas être privés de leur droit à la continuation de la révolution.
Le camarade Kaypakkaya, qui était armé par ces leçons, était un grand maoïste… Il a affirmé le fait que dans le socialisme, en plus de la nouvelle bourgeoisie, les anciennes forces exploiteuses continueront d’exister, et qu’il n’est pas possible de s’en débarrasser librement, comme il le dit :

 » Après la réalisation de la dictature du prolétariat, et même après la transformation collective complète des instruments de production, elles conserveront leur existence idéologico-culturelle.

C’est la raison pour laquelle même dans la dictature du prolétariat il faut continuer la révolution « .
Il est faux d’affirmer qu’après la transformation socialiste des moyens de production, où il n’y a plus de propriétaires d’usines,  » il n’y a pas de bourgeoisie ».

Kaypakkaya est l’arme du maoïsme en Turquie

Kaypakkaya est une nouvelle étape qualitative dans l’histoire de la révolution en Turquie. Le mouvement communiste en Turquie a émergé comme un résultat de la révolution d’Octobre. Avec la conférence tenue le 10 septembre 1920 à Bakou, le TKP (Parti Communiste de Turquie) a été fondé sous la direction de Mustapha Suphi.

Malgré le qualificatif de communiste le TKP avait d’importants défauts. Le côté bourgeois féodal bureaucratique turc du kémalisme n’était pas vu. Cette erreur a amené le TKP à des problèmes et des faiblesses concernant les problèmes et les devoirs de la révolution. Ainsi, concernant les questions des peuples et minorités opprimés, un programme stable n’avait pas été fait.

Malgré le très important aspect qu’ont été les limites des conditions de cette période, l’inexpérience du mouvement, il n’était pas justifié de ne pas critiquer les erreurs et de ne pas se séparer de ces problèmes. Ce sont justement ces erreurs qui ont coûté si cher au Parti Communiste de Turquie. C’est par traîtrise que Mustapha Suphi et ses camarades ont été massacré sur la mer noire par les contre – révolutionnaires kémalistes.

Après Mustapha Suphi, Sefik Husnu et son groupe ont assumé la direction du TKP. Malgré toutes ces expériences, au lieu d’apprendre de ces erreurs, le TKP fut transformé en une base du réformisme, du révisionnisme et du social-chauvinisme. Conduit par la clique de Yakup Demi et Ismail Bilen, le TKP devint la marionnette du social-impérialisme russe.

Dans l’histoire de la révolution turque, dans la période de 50 années après Mustapha Suphi et jusque les années 1970, ce sont la collaboration de classe, le réformisme, le chauvinisme et les suivistes de la bourgeoisie qui prédominent. Dans les années 1970, les actions révolutionnaires de rébellion du THKO [Armée Populaire de Libération de la Turquie] et du THKP [Parti et Armée de la libération du peuple de Turquie] défièrent le pacifisme.

Mais ces rébellions révolutionnaires n’étaient idéologiquement et politiquement pas sur une ligne communiste.

La lutte contre le révisionnisme moderne et la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne sous la direction de Mao Zedong ont influencé tous les mouvement révolutionnaires, y compris le THKO et le THKP/C.

Mais ceux-ci n’ont pas pu assimiler et intégrer la ligne de cette lutte. Ils n’ont pas pu se séparer radicalement du révisionnisme moderne, ils ont diffusé une position de simple bienveillance.

Ils n’ont ainsi pas pu exprimer une séparation fondamentale par rapport aux anciennes erreurs dans toutes les questions de la révolution. Ils n’ont pas pu se séparer du kémalisme qui est l’idéologie officielle du système.

L’Etat bourgeois, les théories militaires qui n’avaient pas disparu, l’optimisme par rapport aux militaires turcs, amenaient des tendances putschistes. La ligne fausse quant à l’essence de la Révolution Démocratique et de ses devoirs, de ses alliés et de ses objectifs etc., n’avait pas été dépassé. On en restait au cadre de Castro et Guevara.

Quant au TIIKP qui prétendait défendre le maoïsme, il était sur une ligne réformiste de droite.

Le camarade Kaypakkaya a combattu idéologiquement sans pitié contre cette ligne réformiste de droite du TIIKP. Cette lutte a atteint une nouvelle étape en février 1972 avec les décisions du DABK [Comité territorial d’Anatolie orientale]. Dans la lutte idéologique contre le quartier général, qui persistait de manière incorrigible dans le révisionnisme et l’opportunisme, une nouvelle période commença.

Dans la lutte contre le révisionnisme du TIIKP fut fondé en avril 1972 le TKP(ML) [Parti Communiste de Turquie (Marxiste-Léniniste)] sous la direction du camarade Ibrahim Kaypakkaya, en tant que produit de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

Le prolétariat mondial a gagné une importante position avec la fondation et le développement du TKP(ML) sur des principes marxistes-léninistes-maoïstes en Turquie et dans le Kurdistan turc.

Nos peuples de différentes nationalités et le prolétariat ont formé une avant-garde marxiste-léniniste-maoïste. La fondation du TKP(ML) a été une nouveau saut qualitatif. Les vrais héritiers du Marxisme – Léninisme – Maoïsme étaient en scène.

Les lignes chauvines, révisionnistes, réformistes et tous les types de lignes bourgeoises étaient brisées. En lieu et place du gauchisme dû au fait qu’ils n’étaient pas arrivés à se séparer du kémalisme et du système bourgeois-féodal, un lutte partant d’un programme fort et liée aux problèmes de notre révolution était initiée, coûtant en pratique de nombreuses vies.

La Révolution de Nouvelle Démocratie

La grande révolution d’Octobre a ouvert la période de l’impérialisme et de la révolution prolétarienne. Dans ce siècle, la lutte pour la Nouvelle Révolution Démocratique, qui est contre l’impérialisme et ses laquais dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, devint un élément de la révolution prolétarienne mondiale, contrairement aux anciennes révolutions démocratiques bourgeoises.

Le camarade Mao Zedong a enrichi la science du prolétariat en ce domaine avec des contributions qualitatives. Il a personnellement guidé cela, et avec les expériences gagnées durant la Révolution Démocratique chinoise, il a amené la théorie à une nouvelle étape.

Le camarade Kaypakkaya a compris les leçons du camarade Mao sur la Révolution Démocratique Populaire et le pouvoir populaire démocratique, et les a adapté aux conditions concrètes de notre pays. Il a analysé la Turquie comme un pays semi-colonial semi-féodal lié à l’impérialisme.

Partant de la réalité qui est que l’impérialisme, le capitalisme bureaucratique et le féodalisme sont les plus grands obstacles pour notre révolution, la révolution sera non pas socialiste prolétarienne mais de nouvelle démocratie, les tâches à résoudre sont principalement d’essence anti-féodale et anti-impérialiste.

Le camarade Kaypakkaya a tiré cette conclusion, incontournable vu les conditions du prolétariat révolutionnaire dans notre pays, des programmes maximums de la nouvelle Révolution Démocratique et du pouvoir populaire démocratique, dans la perspective de faire la place pour une révolution socialiste, et dans le sens d’une lutte persistante pour la transition du socialisme au communisme.

Cela est dû au fait qu’il a tiré cela du point de vue de la plus grande expérience de la révolution prolétarienne mondiale, que cette ligne est opposé en tous points et en tous sens du démocratisme bourgeois, du crétinisme parlementaire bourgeois et des élections bourgeoises.

Le camarade Kaypakkaya a exprimé le fait que la contradiction entre le féodalisme et les larges masses est la contradiction principale, parce que cette contradiction joue un rôle déterminant sur les autres contradictions qui sont celles entre le prolétariat, la bourgeoisie, l’impérialisme, et le peuple et les dominants.

Ensemble avec les profonds changements qui peuvent se développer dans de telles conditions (par exemple durant l’occupation impérialiste), il a expliqué que la contradiction principale pouvait changer, mais pour la Turquie semi-coloniale semi-féodale liée à l’impérialisme, la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie deviendra plus claire, qu’une solution se développerait au fur et à mesure, par la pratique.

Cela pourra être rendu possible par la résolution de la contradiction entre le féodalisme et les masses populaires.
Il a également exprimé le fait que les conditions pour le socialisme seraient rendues possibles par la modification des restes du moyen-âge.

Il a mentionné le fait qu’une solution à la contradiction entre le féodalisme et les masses jouerait un rôle décisif dans l’élimination de l’impérialisme et de ses partisans dans notre pays.

Il a également affirmé le fait que la révolution démocratique populaire, qui est une révolution agraire par essence, montre que notre lutte est également anti-fasciste. Car le fascisme est en Turquie la forme de pouvoir des laquais des impérialistes, de la bourgeoisie bureaucratique et des propriétaires terriens.

Les conditions économiques, sociales, politiques et historiques en Turquie ont rendu obligatoires l’appel au fascisme par le pouvoir bourgeois bureaucratique.
Briser le fascisme, gagner la démocratie est possible par une révolution de nouvelle démocratie.

La lutte anti-impérialiste, anti-féodale, est de ce point de vue en même temps une lutte anti-fasciste. La réalité de la Turquie a prouvé cela, et ceux qui espèrent en la démocratie sans révolution souffrent de sérieuses désillusions.

Comment est-il possible de gagner la démocratie et l’indépendance si la question de base de la prise du pouvoir est omise ? Ceux qui n’ont pas pu comprendre la théorie marxiste-léniniste-maoïste de la révolution continuant graduellement ont accusé le camarade Kaypakkaya de « révolutionnarisme paysan « .

Les trotskystes qui défendent  » un seul type de révolution  » nient la vérité des deux composantes de la révolution prolétarienne mondiale qui sont : dans les pays impérialistes la révolution socialiste, dans les pays opprimés la révolution démocratique.

Ces trotskystes n’ont également pas pu comprendre la révolution démocratique chinoise, à laquelle ils se sont opposés de par le passé.

Les trotskystes, qui nient le rôle fondamental de la paysannerie dans la révolution dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, se sont opposés à la ligne de l’établissement de la paysannerie pauvre et sans terre comme chefs en Chine, où des millions parmi elle ont été mobilisé dans le mouvement paysan.

Cette négation s’exprime elle-même dans les cris comme  » la direction du prolétariat a été niée « . Tandis que la question n’était pas de savoir qui dirigerait la révolution, mais bien plutôt de savoir quelle force dans la paysannerie serait prise comme base.

Tous les opportunistes, qui embrassent ces idées puisant leurs racines dans le trotskysme sont loin de comprendre la qualité des révolutions dans les pays coloniaux et semi-coloniaux. En fait c’était une attaque non simplement contre la révolution chinoise mais sur le prolétariat de la révolution mondiale.

Une des allégations de ceux qui tentent de calomnier ou d’atteindre à la réputation du maoïsme avec des fausses accusations, tel que  » la doctrine de la révolution maoïste de nouvelle démocratie ne va pas plus loin que le démocratisme bourgeois et exclut le socialisme « .

Mao a détruit cet énorme mensonge le jour suivant la victoire de la révolution démocratique. Le 5 mars 1949 il affirme que  » l’objectif est le communisme « . Mao s’oppose à ceux qui, comme Liu Sio Si, nient la transition au socialisme et les sauts vers le communisme avec les slogans comme  » consolidation de l’Etat de nouvelle démocratie « ,  » le renforcement des économies de nouvelle démocratie ».

Il dit que la principale contradiction qui existe est entre la bourgeoisie et le prolétariat, et il ordonne l’initiation immédiate de la révolution socialiste.

Le Parti Communiste, l’Armée Populaire, le Front Uni

Le camarade Kaypakkaya nous dit que :

 » De nos jours la tâche principale des révolutionnaires communistes en Turquie consiste en la création des trois armes du peuple (…).

Un parti communiste armé d’une discipline d’acier, purifié du subjectivisme, du révisionnisme et du dogmatisme, uni avec le peuple, unifiant la théorie et la pratique, utilisant les méthodes de l’autocritique, les forces armées populaires sous la direction d’un tel parti, et un front uni du peuple encore une fois sous la direction d’un tel parti « .


En absence de cela, cela serait seulement un rêve que d’amener la révolution démocratique à la victoire. Dans la révolution l’hégémonie du prolétariat est seulement de signification avec le rôle du parti.

Ceux qui de manière opportuniste rejettent le rôle d’avant-garde du Parti, l’armée populaire, la guerre populaire, sous la direction du prolétariat, l’alliance fondamentale entre les ouvriers et les paysans et nient la direction du Parti, ceux qui tentent de faire dégénérer cela, à ceux-là il faut s’opposer.

Car le Parti marxiste-léniniste-maoïste a une importance capitale dans la lutte pour changer le monde. La révolution prolétarienne ne peut pas être séparée du Parti prolétaire.

La formation du caractère collectif de la conscience des éléments les plus avancés du prolétariat, la mobilisation des masses sur des bases justes, avancer vers le communisme, ne sont pas possibles sans un parti communiste d’avant-garde comme instrument de la lutte pour la révolution, le socialisme, le communisme.

Lorsque nous faisons remarquer l’importance essentielle du Parti maoïste, nous ne pouvons pas le mettre sur le même plan que les classes et le travailleur. Le Parti trouve son sens dans la mesure où il est l’instrument de cela. Un parti qui rompt avec les intérêts du prolétariat, avec la révolution, ne peut pas être le guide du prolétariat.

De ce point de vue, il n’est pas possible de voir comme tabou le fait de  » toucher  » le parti. Contre les erreurs, les injustices, il y a naturellement une opposition. C’est un droit comme un devoir.

La direction ne peut pas être vu comme supérieure aux autres, la direction est la capacité à être l’instrument qui amène la révolution, elle doit être au service des masses et transformer celles-ci en direction. Ce n’est jamais malgré les masses ; la direction doit satisfaire l’attraction des masses dans la lutte politique. Le Parti maoïste est une condition pour la révolution. Le TKP(ML) est un parti maoïste.

Se mettre à distance d’un parti maoïste c’est se mettre à distance de la révolution. Le TKP(ML) qui est armé de la conscience maoïste est conscient que le parti n’est pas une unité simple mais qu’il se divise continuellement en deux. Il a compris que la lutte entre la vérité et l’erreur continue partout.

Le caractère vrai de cette lutte que nous appelons lutte entre deux lignes dans les sociétés de classe implique la lutte de classe. Il n’y a pas de substance qui ne permette pas à deux choses de devenir une, et d’une, deux.

Le Parti n’est pas exempté de cette contradiction qui forme l’essence de la dialectique. En tant que produit d’une société de classe, changeant de niveau et même s’il y a quelques changements, cela est présent continuellement ; celui qui parle de  » ligne complète d’une plate-forme  » ou de  » déviation  » n’a pas compris le maoïsme.

Il y a des ajustements à faire au niveau de la ligne. Mais cela signifie comprendre les différentes vues en-dehors de la ligne, même si elles ne sont pas au niveau d’une plate-forme systématique.

La paysannerie est par exemple composée de différents pôles ; ainsi les paysanneries riche, moyenne, pauvre, sans terre. Donc le centre de l’alliance avec les masses paysannes en général doit être le semi-prolétariat sans terre ou la paysannerie ayant peu de terres. La petite-bourgeoisie et l’aile gauche de la bourgeoisie nationale sont les autres composants du front uni.

Le front uni populaire signifie l’unification sous la direction du prolétariat de ces forces alliées, comme l’alliance fondamentale des paysans et des ouvriers.

Il est évident que cela ne peut pas être réalisé selon une ligne droite.
Cela est dû aux relations proches du prolétariat et du front, étudiées par le camarade Kaypakkaya pour le front dans la perspective de fondation des organes du pouvoir politique. Cette logique est correcte.

Est-il possible d’unifier les autres forces révolutionnaires sous la bannière du prolétariat, sans devenir d’abord une alternative, une force ? C’est possible si la bannière du prolétariat est abandonnée et si l’on suit la bourgeoisie. Le prolétariat ne peut pas accepter cela.

La direction lui revient non seulement par les devoirs de l’alliance entre ouvriers et paysans ou encore la révolution démocratique, mais également afin de mobiliser les masses dans la perspective du socialisme et du communisme. Cela nécessite le rejet absolu des lignes suivant la bourgeoisie.

La Guerre populaire

Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, la voie de la victoire est, pour la révolution de nouvelle démocratie, la guerre populaire.

Une des caractéristiques de ces pays est le développement instable des structures économico-politico-sociales. La situation cause un développement instable de la guerre révolutionnaire, au lieu d’une ligne droite.

Une autre caractéristique est la faiblesse relative du capitalisme, la présence du féodalisme, à cause des contenus sociaux la question nationale, et d’autres problèmes paysans.

Une autre essence de la guerre populaire est le rôle que la paysannerie va jouer dans notre révolution, sous direction du prolétariat. La guerre populaire ne peut pas être expliqué simplement par les raisons comme  » le féodalisme prédomine » ou  » la majorité de la population consiste en des paysans « .

L’aspect le plus important est la dépendance vis-à-vis de l’impérialisme. Cette situation amène le contrôle relativement facile des villes par les impérialistes et leurs laquais. Et la campagne devient leur point faible. A cause de ces rapports complexes la révolution est plus avantagée à la campagne.

La guerre populaire ne consiste pas simplement en une ligne militaire. La guerre populaire est avant tout la ligne stratégique et politique de la révolution de nouvelle démocratie. La guerre populaire établit les conditions pour l’établissement de la direction du prolétariat avec le Parti Communiste comme instrument. C’est un point important de distinction avec les lignes aventuristes.

Les bases et les organes du pouvoir politique sont les composantes de base de la guerre populaire. La guerre de guérilla paysanne est l’instrument pour les créer. La guerre de guérilla est la forme actuelle de la première étape de la guerre populaire, durant la phase de défense stratégique.

Cela ne signifie pas que durant les étapes de l’équilibre stratégique et de l’offensive stratégique la guérilla ne joue pas de rôle.

La guerre populaire a également une importance stratégique. L’importance stratégique extrême de l’armée populaire de guérilla est directement reliée à ces vérités.

L’importance de la compréhension de ces questions par le camarade Kaypakkaya ont été prouvé par les pratiques sociales dans notre pays.

C’est la seule voie pour battre l’ennemi, pour accomplir les tâches de la révolution de nouvelle démocratie. Les expériences du mouvement national kurde, la réalité de la guerre de guérilla des paysans, sous la direction des organes politiques du TKP(ML), les guerres populaires au Pérou et aux Philippines, montrent que la guerre populaire, ce n’est pas se battre pour se battre, mais c’est la voie pour mener à bien les tâches de la révolution selon la ligne marxiste-léniniste-maoïste.

Notre tâche centrale aujourd’hui est la guerre de guérilla paysanne, afin d’établir les organes du pouvoir politique ; c’est l’instrument qui permettra d’accomplir notre ligne politico-idéologique marxiste-léniniste-maoïste.

C’est la plus haute forme de la politique. Le camarade Kaypakkaya en avait une compréhension très claire, celle des rapports entre le Parti et l’armée, entre les politiques et les armes. Il a fait souligner que le principe selon lequel le parti guide l’armée et la politique et les armes, et que cela ne saurait être modifié. Il dit ainsi :

 » Le point de vue seulement militaire est défendu par ceux qui assument  » de se battre pour l’idée de se battre « . Nous voulons lutter, nous battre afin de remplir les tâches politiques de la révolution.

Nous défendons la lutte armée afin d’arriver au pouvoir populaire par la destruction pas à pas des autorités locales et centrales. Cela nous pouvons le faire dans les campagnes, par l’armée populaire sous direction du Parti « .

Les conditions dans notre pays nous ont forcé à la lutte armée comme forme principale de lutte, afin de pouvoir remplir les tâches de la révolution. Ceux qui persistent à refuser à comprendre les conditions historiques, sociales, politiques et culturelles nuisent à la révolution.

Le camarade Kaypakkaya représente la ligne maoïste. Il a amené d’importantes ruptures quant à la compréhension de l’engagement en politique avec les suivistes et les prétendus intellectuels, avec le cadre de l’économisme et du foucaultisme [le structuralisme].

Il a fait assumer la politique  » des masses aux masses « , qui est la composante de base de la ligne révolutionnaire de masse. Il a montré de manière excellente dans sa théorie comme dans sa pratique que c’est une question de confiance vis-à-vis du Parti comme des masses.

Il a défendu les droits du peuple sur des bases scientifiques pour la révolution et le communisme. Le camarade Kaypakkaya n’a pas compris les masses comme un tout unique. Il a signalé qu’il y avait des séparations, en terme de masses avancées, d’intermédiaires et d’arriérées. Cela signifie que dans la lutte politique s’appuyer sur les masses avancées, faire avancer celles intermédiaires et au moins neutraliser celles en arrière.

Dans la stabilisation politique, le groupe avancé doit être compris comme la base. Si cela n’est pas cela revient à une avant-garde fixée sur les masses moyennes et arriérées.

La question nationale

Pour la première fois dans l’histoire de la révolution turque, Kaypakkaya représente la théorie avancée qui amène les solutions justes à la question nationale kurde, comme aux autres questions. Il s’est opposé à l’oppression nationale imposée au peuple kurde et aux minorités par les classes dominantes turques, comme la bannière du véritable ennemi du prolétariat révolutionnaire.

Il a défendu de manière inconditionnelle le droit de la nation kurde à établir son propre Etat.

Il a démasqué la vraie nature de cela et le chauvinisme qui s’oppose à ce droit. Il a défendu la composante démocratique du mouvement national de la nation kurde qui est opposée à l’oppression nationale. Il a démasqué l’idéologie kémaliste des chauvins turcs.

Kaypakkaya était analytique et scientifique. Il était un maoïste au sens vrai du terme. Il est allé au-delà des erreurs du passé du Komintern [troisième Internationale] concernant le mouvement national kurde et le kémalisme.

Le chauvinisme turc qui applaudissait l’oppression fasciste et barbare des fascistes kémalistes a été montré pour la première fois de manière effective par la ligne politico-idéologique que représentait Kaypakkaya.

Tout en défendant le côté démocratique du mouvement national, il a révélé les intentions des chefs de ce mouvement, la bourgeoisie kurde et les propriétaires terriens, qui consistent à imposer leur autorité pour utiliser le peuple kurde comme un instrument pour leurs buts.

Il a aussi appelé les travailleurs à s’unir sous la bannière du prolétariat. Il a levé le drapeau de la révolution mondiale contre les classes dominantes turques, qui sous le mot d’ordre d' » Unité nationale, patrie et indivisibilité nationale  » utilisent des méthodes barbares pour garder la nation kurde dans les frontières turques.

Il a fait cela selon le principe :  » droits égaux pour tous les peuples… auto-détermination pour tous les peuples et unités des travailleurs et des peuples opprimés de toutes les nationalités « .

La ligne de la voie de la liberté, c’est celle-là. La seule force capable de jeter l’oppression de classe, nationale, religieuse, de langue, de genre, de la face de la terre, c’est le prolétariat révolutionnaire.
La véritable arme contre toutes les sortes de réactionnaires est le marxisme-léninisme-maoïsme.

Les conditions sont bonnes

Les conditions objectives pour la révolution sont bonnes. Les dominants turcs sont dans une crise économique et politique sérieuse. Les résultats de la crise économique sont 60 milliards de dollars de dettes, une dévaluation toujours croissante.

La banqueroute de la guerre totale menée par les dominants contre la nation kurde et toutes les différentes nationalités de notre peuple a aggravé la crise économique. Les ordres du FMI pour privatiser font encore plus peser la balance. Même les dominants appellent au secours et disent eux-mêmes qu’ils sont  » finis ».

Ils n’ont pas de remède. Le système est également défait politiquement. Toutes les politiques ont fait banqueroute. Ils ne savent plus où aller. Est-ce qu’il y a quelque chose qu’ils n’ont pas essayé ? Maintenant ils parlent de campagnes. Alors qu’en fait le général en chef du staff est déjà en place [le MGK est le conseil de sûreté de l’Etat décidant de tout et contrôlé par une majorité de militaires].

Les contradictions et les clash entre les dominants ont approfondi celles des partis du système. Le système avec toutes ses organisations fait face à la banqueroute.
C’est la raison pour leur sauvagerie, leur férocité. L’armée en laquelle ils croient décade.

Les désertions augmentent, recruter des soldats devient un problème. Leurs attaques féroces augmentent leur dépression. La crise économique et politique va de pair avec une situation de soulèvement révolutionnaire.

Il est très clair que c’est ce qu’il y a à faire. Perséverer dans la Guerre Populaire. Rejeter les solutions alternatives, comme il est vulgairement dit,  » Alerter les masses contre la nouvelle république  » et les  » projets réformistes « .

Une libération sans les organes du pouvoir politique, et sans la guerre de guérilla comme tâche centrale pour cela, est une illusion. La construction d’une nouvelle société, gagner la pouvoir politique pour la révolution mondiale, cela ne peut pas être repoussé. Détruire ce système décadent pièce par pièce est non seulement possible mais nécessaire.

Les impérialistes tentent de cacher le vieux avec le  » nouvel ordre mondial « , leurs réflexions de  » monde en paix « . Mais ce système, c’est la confusion qui est la plus apparente. Contrairement à leurs mensonges quant à la stabilisation, les contradictions principales se sont approfondies.

La tempête révolutionnaire dans les colonies et les semi-colonies continue. Les sociaux-impérialistes de Russie et ses alliés ont abandonné la compétition avec les USA et l’OTAN. Les contre-révolutionnaires mondiaux ont tenté de donner l’impression que  » le communisme est mort « .

Ils ont bien plutôt peur des luttes du prolétariat mondial et des luttes populaires. Les interventions impérialistes dans le monde ont atteint leurs points de blocage au Pérou, aux Philippines et en Turquie.

Les soi-disantes alternatives tentent de dépasser les impasses en Palestine, au Moyen-Orient, au Caucase, et en Yougoslavie, cela est clair. La  » stabilisation  » et le  » nouvel ordre mondial  » ont amené un plus grand chaos. La compétition impérialiste s’approfondit également.

De fait, la révolution est la tendance principale.
La contradiction principale est toujours celle entre l’impérialisme mondial et les peuples opprimés. Comme Mao l’a affirmé,  » la voie est sinueuse, mais l’avenir est lumineux « . Encore une fois les avancées de la Guerre Populaire ont montré que le plus fort n’est pas celui avec le plus d’armes et les bombes, mais le peuple.

Les forces militaires, ayant apparemment de plus en plus peur, peuvent être défaites et ont été défaites par la grande force du peuple guidé par le Parti Communiste. Tant que le maoïsme est compris, tant que la Guerre Populaire est menée à partir d’une position correcte.

Ceux qui ont des idées arriérées et qui regardent cela simplement du point de vue de la technologie ou des armes n’apprennent pas à se rebeller pour la révolution.

Malgré le soutien initialement des USA, aidé par les autres impérialistes et les Nations Unies, le TKP(ML), avec son soulèvement, n’est pas à ignorer, toute proportion gardée eu égard des honorables résultats de la Guerre Populaire au Pérou sous la direction du Parti Communiste du Pérou. La tâche est de rejoindre la lutte, et de l’appuyer.

En avant sur la ligne de Kaypakkaya avec le maoïsme !
Vive le marxisme-léninisme-maoïsme !
Le chef communiste Kaypakkaya vit !
La ligne de Gonzalo vit et se bat !

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A propos du TKP(ML) et de son histoire

(2002)

Dans le courant des années 1990 s’est développé en France un mouvement de solidarité avec le Parti Communiste de Turquie (Marxiste-Léniniste), le TKP(ML).

A cette occasion avait été publié en 1997 un document intitulé « Qu’est-ce que le TKP(ML)?« , dans le cadre de la revue Front Social.

Ce document était le fruit d’un travail commun entre des internationalistes français et des sympathisants d’origine turque/kurde du TKP(ML).

Nous voulons ici faire une présentation plus précise de l’évolution politique du TKP(ML) et du mouvement maoïste en Turquie. Ce texte est une contribution au document précèdent; il ne rentre pas en contradiction avec lui.

Le TKP(ML) a été le fruit d’une longue maturation politique, sous l’influence de la révolution culturelle en Chine.

Son fondateur, Ibrahim Kaypakkaya, dira d’ailleurs que « le TKP(ML) est un produit de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ».

Ibrahim Kaypakkaya a également notablement influencé par Charu Mazumdar, fondateur du Parti Communiste d’Inde (Marxiste-Léniniste), auteur de nombreux documents dans les années 1960, notamment sur le rapport entre les masses paysannes et la guerre populaire.

Kaypakkaya, né en 1949, a de fait remis à l’ordre du jour la question paysanne en Turquie.

Voyant l’importance de la question, il a compris que la Turquie n’était pas un pays « démocratique » ou « moderne » comme l’Etat le prétendait, mais un pays où la révolution agraire n’avait pas eu lieu.

Pour l’ensemble du mouvement révolutionnaire en Turquie à ce moment là, Mustafa Kémal était un petit-bourgeois progressiste, dont la seule erreur avait été de ne pas aller jusqu’au bout dans la rupture avec les pays occidentaux impérialistes.

Ibrahim Kaypakkaya est le premier à rejeter scientifiquement cette thèse.

Reprenant des documents notamment produits par l’Internationale Communiste, il exposa ses thèses dans « Points de vue sur le kémalisme », où il affirme :

« La révolution kémaliste est une révolution de la couche supérieure de la bourgeoisie commerçante, des propriétaires terriens, des usuriers turcs et un nombre plus faible de la bourgeoisie industrielle existante.

C’est-à-dire que les chefs de la révolution sont les classes de la grande bourgeoisie compradore turque et les propriétaires terriens. La bourgeoisie moyenne avec un caractère national n’a pas participé à la révolution en tant que force guide.

Le mouvement kémaliste s’est dirigé  » à la base contre les paysans et les ouvriers, en fait contre les possibilités d’une révolution agraire  » (Schnurow, de l’Internationale Communiste).

Comme résultat du mouvement kémaliste la structure coloniale, semi-coloniale et semi-féodale de la Turquie se modifia en structure semi-coloniale semi-féodale, c’est-à-dire que la structure économique semi-coloniale et semi-féodale resta.

Au niveau social, à la place de la vieille bourgeoisie compradore qui appartenait aux minorités nationales, et de la couche supérieure de la vieille bureaucratie, domine la nouvelle bourgeoisie turque, qui vient de la bourgeoisie moyenne à caractère national et qui est entré en coopération avec l’impérialisme, et la nouvelle bureaucratie.

Une partie des vieux propriétaires terriens, usuriers et négociants spéculateurs poursuivit sa domination, à la place de l’autre partie arrivèrent des nouveaux les remplaçant.

Au niveau politique, à la place du gouvernement constitutionnel lié aux intérêts de la monarchie se retrouve le gouvernement qui porte au mieux les intérêts des nouvelles classes dominantes: la république bourgeoise. Ce gouvernement était en apparence indépendant, en réalité politiquement semi-dépendant de l’impérialisme.

La dictature kémaliste était démocratique en apparence, en réalité une dictature militaire fasciste ».

Ce point de vue est le point de départ du marxisme-léninisme-maoïsme en Turquie.

Toutes les autres tendances du mouvement révolutionnaire rejettent ce point de vue, considérant plus ou moins positivement Mustafa Kémal, et représentant ainsi les intérêts de la petite-bourgeoisie, de la bourgeoisie de gauche, etc.

Le premier groupe armé en Turquie, le THKO (Armée de Libération Populaire de la Turquie), fondée par Deniz Gezmis, est idéologiquement le plus proche du kémalisme.

Le THKO niait le besoin d’un Parti Communiste; il entendait pousser les masses à continuer la révolution kémaliste.

Le second groupe armé, le THKP-C (Parti / Front de Libération Populaire de la Turquie), fondé par Mahir Cayan, considérait que la bourgeoisie nationale avait été mise de côté par une oligarchie qui avait vendue le kémalisme à l’impérialisme.

Mais aucune de ces tendances ne comprenait le caractère féodal de la Turquie; elles constataient juste une « influence » de l’impérialisme.

Ces tendances ont toujours attendu de l’Etat turc qu’il aille dans le sens de l' »indépendance nationale » et se rallie à leurs propres thèses !

Ibrahim Kaypakkaya a permis la rupture avec ces thèses niant le caractère semi-colonial semi-féodal de la Turquie.

Ibrahim Kaypakkaya a également établi la ligne révolutionnaire concernant la question nationale en Turquie.

D’origine turque et ayant appris le kurde, il présente dans « La question nationale en Turquie » la ligne révolutionnaire à ce sujet. Il y dit ainsi :

« Résumons: que les Kurdes forment une nation en Turquie est une réalité qui est clair pour chaque personne qui n’est pas derrière le nationalisme turc agressif, sans qu’il soit nécessaire de continuer à discuter de cela. Les ouvriers, paysans pauvres et moyens kurdes, le semi-prolétariat et le petite-bourgeoisie citadine kurdes, l’ensemble de la bourgeoisie kurde et les grands propriétaires terriens forment la nation kurde.

C’est non seulement le peuple kurde mais aussi, à part une poignée de grands maîtres féodaux et quelques bourgeois qui ont fusionné avec les classes dominantes turques, l’ensemble de la nation kurde qui subit l’oppression nationale. Les ouvriers et paysans kurdes, la petite-bourgeoisie citadine et les petits propriétaires terriens souffrent de l’oppression nationale. »

Ibrahim Kaypakkaya est le premier à avoir compris la nécessité de la fondation du Parti Communiste, et organisera la rupture avec le TIIKP (Parti ouvrier-paysan insurrectionnel de Turquie), qui prétendait soutenir les apports de Mao Zedong alors qu’il possédait une nature fondamentalement opportuniste.

Il sera l’auteur du document « Critique du programme du TIIKP », où est notamment présenté la nécessité de la naissance du TKP(ML).

Les deux autres documents fondamentaux qui donneront la naissance du TKP(ML) sont : « Apprenons correctement l’enseignement de Mao Zedong quant à l’édification du pouvoir rouge » et « Les Décisions du DABK » (Comités des Unités de l’Anatolie Orientale) » qui édifient les bases de la séparation idéologique du TIIKP.

Dans l’écrit « Apprenons correctement l’enseignement de Mao Zedong quant à l’édification du pouvoir rouge », Kaypakkaya parle de la stratégie militaire à appliquer en Turquie :

« Dans notre pays la révolution passe par trois armes essentielles : le Parti, l’Armée Populaire et le Front Uni Révolutionnaire du Peuple. »

La naissance du TKP(ML) en 1972 commence alors par une intense activité d’agitation et de propagande, visant à la tenue d’un premier Congrès du Parti, devant être suivi d’un congrès de l’Armée, permettant le développement du Front (dont l’existence devra être permise par l’existence de bases rouges).

L’agitation et la propagande du TKP(ML) a été politique, idéologique; le TKP(ML) servait les masses, les aidait dans leurs conditions de vie (apports de techniques agraires, défense face à l’armée et aux féodaux, etc.).

En 1973 Ibrahim Kaypakkaya est arrêté dans le cadre d’activités du TIKKO (Armée Ouvrière et Paysanne de Libération de la Turquie).

Il ne révélera rien des structures du TKP(ML), et succombera le 18 mai 1973 après plus de 60 jours de tortures.

La large répression désorganise alors le TKP(ML), qui ne continue à exister que par divers comités, notamment en prison.

S’ouvre une période de larges débats idéologiques, sur les causes de la défaite et le comment de la construction du Parti.

Fut formé en 1974 un « comité de coordination des activités régionales » afin de coordonner les différents groupes existant encore après la destruction du « centre » du TKP(ML).

En 1976 le comité est dominé par les tendances déviationnistes de droite, qui rejettent les apports de Kaypakkaya et de Mao Zedong.

Ces tendances sont rejetées en 1977, par une ligne rouge, qui forme un nouveau « comité d’organisation », avec comme but la refondation du Parti et comme tâche principale la guerre de guérilla paysanne.

Les déviationnistes de droite forment le TKP-ML/Hareketi (TKP/ML – Mouvement), qui s’unira à d’autres groupes pour former le MLKP actuel. Il s’agit d’une ligne anti-parti, cherchant à unifier toutes les tendances en une seule organisation.

Il faudra attendre février 1978 pour que se tienne une première conférence, qui refonde le Parti à tous les niveaux ainsi que TIKKO.

Suleyman Cihan devient le second secrétaire général du TKP(ML).

Cette conférence adopte un programme, amène la publication d’organes légaux et illégaux, ainsi qu’une lutte au niveau international contre le révisionnisme moderne et la théorie chinoise des « trois mondes ».

Son idéologie est le marxisme-léninisme pensée Mao Zedong.

La période entre la première conférence (de 1978) et la seconde (de 1981) est marquée par une intense lutte contre une tendance opportuniste refusant d’appliquer les décisions de la première conférence, notamment dans le domaine militaire.

Le TKP(ML) affronte de plein fouet le putsch militaire du 12 septembre 1980, qui liquide l’ensemble des organisations révolutionnaires.

La seconde conférence de février 1981 marque la victoire définitive sur les tendances voulant adopter une voie pacifique de prise de pouvoir.

Mais elle est marquée par la scission d’une clique semi-trotskyste, s’étant formée en Europe, à l’abri de la lutte, rejetant Mao Zedong, la guerre populaire, et développant un intellectualisme bourgeois.

Cette tendance bourgeoise formera le TKP-ML Bolsevik, qui deviendra le Bolsevik Partisi (avec la revue Bolsevik Partizan), groupe légaliste intellectualiste.

La seconde conférence marque le refus de cette tendance marquée par la fascination pour Enver Hoxha et le refus d’assumer Mao Zedong ; elle est marquée par la publication d’un document analysant précisément les positions (erronées) du Parti du Travail d’Albanie.

Le secrétaire général Suleyman Cihan est arrêté par la suite et meurt en résistant sous la torture le 15 septembre 1981.

La direction du Parti fléchit alors et abandonne la tâche centrale de l’organisation dans les campagnes.

Ainsi la troisième réunion du Comité Central deux années plus tard affirme que la lutte pacifique devient principal, affirmation portée aux nues à la quatrième réunion de 1984.

Avant même que se tienne une nouvelle conférence a lieu une « conférence régionale extraordinaire » rejetant le comité central et la ligne pacifique.

Se forme le TKP(ML) – DABK (Comité Régional d’Anatolie Orientale), qui relance la lutte dans les campagnes.

Les gens amenant la formation du DABK refusent que la conférence subisse l’hégémonie de gens ayant fui la Turquie.

Le reste de l’organisation tente de tenir une conférence en fin 1986 (qui échoue devant la répression), qui se tient finalement en 1987. Cette tendance est alors connue comme TKP-ML conférence.

Une partie des cadres se trouvant à l’étranger forme alors le TKP-ML Maoist Merkezi (Centre Maoïste), inféodé au PCR des USA et au CoRIM.

La ligne de DABK est une ligne essentiellement axée sur la mise en avant de la guerre de guérilla; le mot d’ordre de Baba Erdogan, secrétaire général adjoint, est « un Dersim ne suffit pas, il faut 1.000 Dersim », du nom de la région bastion du TKP(ML).

Le DABK intensifie la guerre populaire et ouvre de nouveaux fronts, comme dans la région de la mer noire.

Le DABK considère également que la défaite du TKP(ML) à ses débuts a dépendu de conditions subjectives, tandis que l’autre tendance considère que cette défaite repose dans les conditions objectives.

Se formera également dans l’autre tendance un groupe prônant une activité complètement séparée au Kurdistan, rejetant la liaison entre la révolution démocratique en Turquie avec le Kurdistan (ils prendront le nom de « sectionnistes »).

L’autre tendance remettra en cause la ligne de son propre comité central et des pourparlers ont lieu pour la réunification des deux tendances, qui se concrétisent dans le cadre d’une conférence extraordinaire du Parti en 1993.

C’est à cette occasion que le TKP(ML) adopte comme idéologie le marxisme-léninisme-maoïsme.

En 1994 a lieu un grave problème organisationnel, en raison de « magouilles » d’un membre du Comité Central avec des mafieux (sous prétexte d’obtenir du matériel).

Une partie du comité central tente d’étouffer l’histoire, ce qui est rejeté notamment par Cüneyt Kahraman.

Le mouvement lancé par celui-ci amène la formation du TKP(ML), qui rejette la tendance opportuniste comme « pragmatique-machiavéliste », qui prend le nom de TKP/ML (et ne remet pas en cause les membres impliqués dans les « magouilles »).

Le TKP(ML) se revendique historiquement du TKP-ML DABK ainsi que du TKP-ML conférence, tandis que le TKP/ML se revendique exclusivement de TKP-ML conférence.

Cüneyt Kahraman guide alors le Parti, et mène le « mouvement perce-neige » (Kardelen Hareketi) liquidant les agents infiltrés dans le Parti (jusqu’au niveau du comité central).

Il tombe en 1997; par la suite la nouvelle direction du TKP(ML) remet en cause l’interprétation du TKP/ML comme « pragmatique-machiavéliste » et appelle à l’union.

La caractérisation comme « pragmatique-machiavéliste » et la scission auraient eu comme simple cause les agents infiltrés dans le Parti.

Une conférence centrale se tient en 1999 et affirme officiellement la nécessité de s’unir avec le TKP/ML (qui continue de rejeter le TKP(ML) comme « putschiste ») et la tenue d’un congrès.

Celui-ci a lieu en septembre 2002 et marque la naissance du Parti Communiste Maoïste.

Les principaux points de la transformation sont :

1.Le TKP(ML) prend le nom de Parti Communiste Maoïste; le TIKKO devient le HKO (Armée Populaire de Libération); le TMLGB devient le MGB (Union de la Jeunesse Maoïste).

Est ainsi remis en cause le texte d’Ibrahim Kaypakkaya concernant la nature scientifique du choix des nom de TKP(ML)-TIKKO.

2.Le MKP rejette officiellement l’universalité de la guerre populaire, adoptant les positions du Parti Communiste des Philippines et du PCR des USA qui parlent de « révoltes », « insurrections », etc.

Cela est par exemple affirmé dans le numéro un de « Sinif Teorisi » (Théorie de classe) dans l’article « Sur la Guerre Populaire », qui sépare le monde en colonies, semi-colonies et pays capitalistes.

3.Le MKP réinterprète l’histoire du TKP(ML) et adopte la même interprétation du DABK que le TKP/ML. Le DABK est analysé comme tendance ultra-gauchiste militariste.

De fait toute l’histoire du TKP(ML) est critiqué comme « gauchiste » et n’aurait consisté qu’en une série de déviations.

4.Le MKP cède devant la pression de la bourgeoisie kurde en abandonnant les principes de Kaypakkaya sur la liaison de la libération nationale du Kurdistan occupée par la Turquie avec la révolution démocratique en Turquie.

Le nom du MKP est MKP – T/KK soit MKP Turquie / Kurdistan du Nord. C’est la même position intellectualiste abstraite que Bolsevik Partizan (« Parti Bolchevique – Turquie / Kurdistan du Nord).

Cette position affaiblit le caractère général de la révolution démocratique en Turquie; elle nie le caractère multinational de la Turquie (au sens strict il faudrait alors s’appeler MKP des nationalités turque, kurde, laze, arabe, arménienne, géorgienne, juive etc. ou au moins des nations turque, kurde, laze…).

5.Le MKP parle d’une période préparatoire à la Guerre Populaire, ce qui est une conception abstraite (Mao : « La guerre s’apprend en la faisant »).

Les conceptions du MKP sont calquées sur celles du PC du Népal (maoïste).

Un groupe a qualifié de putsch le congrès de transformation du TKP(ML) en MKP et a repris le nom de TKP(ML).

Cela doit être relié au fait que notamment le CoRIM et le PCN(m) ont immédiatement salué le congrès.

Le Corim affirmait par exemple :

« It is with great joy and with great expectations that we great this Congress of your Party, the first such Congress to be held in the history of the Party since its founding in 1972 (as the Communist Party of Turkey Marxist-Leninist) and one that comes at a critical juncture for the advance of the revolution in Turkey and in the world. »

Le Parti Communiste Révolutionnaire (comités d’organisation) du Canada disait lui :

« Nous vous adressons nos chaleureuses salutations ainsi que toutes nos félicitations suite à la tenue victorieuse du premier congrès de votre Parti.

Les décisions que vous avez prises et les résultats que vous avez atteints représentent un pas en avant important non seulement du point de vue de la lutte révolutionnaire en Turquie et au Kurdistan Nord mais aussi pour le mouvement révolutionnaire international dans son ensemble (…).

Les résultats de votre premier congrès, qui synthétisent quelque 30 années d’expérience du combat révolutionnaire, constitueront certes pour nous une source d’inspiration. »

Et le PCR des USA disait par exemple :

« The Revolutionary Communist Party, USA sends its red salute to this important milestone in the history of your Party. »

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Qu’est-ce que le TKP(ML) – TIKKO ?

Qu’est-ce que le TKP(ML) – TIKKO ?

Parti Communiste de Turquie (marxiste-léniniste)
– Armée Ouvrière et Paysanne de Libération de la Turquie

[Ce document est initialement une brochure imprimée par des sympathisants d’origine française et turque / kurde.

Fin 2002 le TKP(ML)-TIKKO a pris le nom de MKP, Parti Communiste Maoïste. L’armée prend le nom de : « Armée Populaire de Libération ».

Le PC(MLM) ne soutient pas ce changement, qui selon nous remet en cause l’héritage d’Ibrahim Kaypakkaya et soutient une ligne droitière.

Yasasin TKP(ML) ! Savas, Arin, Kazan !

Vive le TKP(ML) ! Guerre, purification, victoire !]

1.Qu’est-ce que le TKP(ML)?

 » Pour faire la révolution, il faut qu’il y ait un parti révolutionnaire. Sans un parti révolutionnaire, sans un parti fondé sur la théorie révolutionnaire marxiste-léniniste et le style révolutionnaire marxiste-léniniste, il est impossible de conduire la classe ouvrière et les grandes masses populaires contre l’impérialisme et ses valets  » (Mao-Tsé-Toung).

Le TKP(ML) [Türkiye Komünist Partisi (Marksist-Leninist)] est le Parti Communiste de Turquie (Marxiste-Léniniste). Il a été fondé en 1972 par Ibrahim Kaypakkaya, qui succombera le 18 Mai 1973 à plus de 60 jours de torture.

Le TKP(ML) est une organisation dont l’objectif est l’instauration d’une société sans classes ni Etat, c’est-à-dire qu’elle est marxiste, qu’elle suit les principes développés par KARL MARX et FRIEDRICH ENGELS.

Le TKP(ML) se rattache à la tradition marxiste-léniniste, c’est-à-dire aux développements théoriques et pratiques du marxisme tels qu’ils ont été formulé et résumé par LENINE et STALINE.

Le TKP(ML) est une organisation maoïste, car elle reconnaît le maoïsme comme une troisième étape de développement du marxisme (le léninisme étant la deuxième).

Pourquoi  » TKP(ML)  » ? Il y a une raison toute simple, historique. Après la révolution russe Lénine a organisé la formation d’une Internationale Communiste (le KOMINTERN), et dans chaque pays se sont formés des partis communistes (de tel ou tel pays).

Après la mort de Staline l’URSS s’est vu dominée par une nouvelle bourgeoisie, et beaucoup de partis communistes dans le monde sont devenus officiellement réformistes et ont révisé le marxisme-léninisme.

Le Parti Communiste Chinois a mené une grande lutte idéologique contre ce révisionnisme, et ceux/celles qui en acceptaient la critique dans le monde entier ont quitté les P.C. inféodés à l’URSS pour former des P.C. marxiste-léniniste.

Le TKP(ML) se rattache par son nom à cette tradition formée avec la critique maoïste des partis communistes révisionnistes et de l’U.R.S.S.

2.Quelle analyse le TKP(ML) a-t-il de la situation mondiale et de la situation en Turquie?

 » Lutte de classes – certaines classes sont victorieuses, d’autres sont éliminées. Cela, c’est l’histoire des civilisations depuis des millénaires. Interpréter l’histoire d’après ce point de vue, c’est ce qui s’appelle matérialisme historique; se placer à l’opposé de ce point de vue, c’est de l’idéalisme historique  » (Mao-Tsé-Toung).

Le TKP(ML) ne s’est jamais fait d’illusions sur les pays de l’Est et l’U.R.S.S., qui sont considérés depuis les années 50 comme des dictatures bourgeoises. L’Union Soviétique était un pays social-impérialiste: social en parole, impérialiste dans les faits.

Le TKP(ML) lutte pour abolir l’exploitation et l’oppression en Turquie. Cela signifie chasser l’impérialisme de ce pays et liquider les restes de féodalité existant. Et cela signifie mener une guerre populaire, où les campagnes encerclent les villes, pour prendre le pouvoir et détruire l’Etat fasciste turc.

La guerre populaire est organisée par TIKKO, l’armée ouvrière et paysanne de libération de la Turquie. Selon les principes développés par Mao, c’est le TKP(ML) qui dirige l’armée.

Pour le TKP(ML) la soi-disante harmonie dominante dans le monde est fictive, et la lutte contre l’impérialisme américain, l’exploitation capitaliste et les restes du féodalisme continue. Le TKP(ML) salue et soutient la guerre populaire menée par le Parti Communiste du Pérou.

3.Qui est Mustafa Suphi?

Né en 1883 à Giresun, il fit ses études à la faculté de sciences sociales de Paris. Il fut très influencé par la révolution russe de 1905 et commença à mener des actions politiques, ce qui ne fut pas apprécié des Sultans qui l’incarcérèrent dans le château de Sinap en 1913.

Il s’évadera en 1914 et, après s’être lié aux Bolchéviks en 1915, entama une politique d’agitation au sein des ouvriers et paysans turcs de Russie. En 1918 il s’installera à Moscou et organise la parution du premier journal communiste de langue turque,  » Yeni Dunya  » (Le nouveau monde).

Ce journal informera de la Révolution d’Octobre et servira à la création d’une nouvelle organisation. Cette dernière sera fondée le 25/07/1918 à la suite d’une conférence des socialistes de gauche turcs et prendra le nom d’organisation communiste de Turquie. Mustafa Suphi en est à la tête, et participe en tant que délégué à la réunion internationale des révolutionnaires à Pétrograd en décembre 1918.

Le 22 septembre 1919 est fondé sous la direction de Sefik Hüsnü le Parti des ouvriers et des paysans de Turquie; le 14/07/1919 est fondé à Ankara le Parti Communiste populaire de Turquie sous la direction de Serif Manataf.

Le TKP, Parti Communiste de Turquie, est fondé à partir de ces trois groupes (l’organisation communiste de Turquie, le Parti des ouvriers et paysans de Turquie, et le Parti Communiste populaire de Turquie) dans un congrès qui se tient le 10 septembre 1920. Le responsable en est Mustafa Suphi.

A sa fondation l’objectif du TKP est de libérer le pays de l’impérialisme.

Il organisera son armée avec les prisonniers de guerre de Russie, d’autres personnes originaires de Turquie et l’appellera  » le bataillon international des volontaires de l’Est « , où des Roumains et des Bulgares luttent également. Partant de Bakou en Azerbaïdjan ils seront arrêtés par les partisans du Dachnak (de cette tendance socialiste-révolutionnaire si décriée par Lénine) en Arménie.

Mustafa Suphi et 14 membres du Comité Central et du parti décident alors de traverser Kars, où les Kémalistes affirment entendre les laisser passer. Mais le 28 janvier 1921 alors qu’ils tentent d’aller de Kars à Trabzon en bateau les gendarmes et la police les arrêtent et les font monter sur un petit bateau. Celui-ci est percuté et les camarades, dont Mustafa Suphi, meurent noyés.

4.Qui est Ibrahim Kaypakkaya?

Le camarade Ibrahim Kaypakkaya est né en 1949 dans le village de Karakaya, rattaché à la sous-préfecture d’Alaca, elle-même dépendante de la préfecture de Corum (au nord d’Ankara). Issu d’une famille paysanne, il va à l’école primaire puis à l’école élémentaire d’enseignant de Hasanoglu en 1960. Il fera là-bas connaissance avec les idées révolutionnaires et progressistes.

Grâce à sa soif d’apprentissage et à son énergie il devient l’un des meilleurs élèves de son école et réussit avec succès l’entrée à l’IUFM de Capa et l’université de physique d’Istanbul en 1965.

A cette époque les idées révolutionnaires se répandaient chez les masses, en particulier dans le jeunesse.

Ibrahim Kaypakkaya faisait partie de ces personnes actives, et dès son entrée à l’école il devient membre de la FKF, la fédération des clubs d’idées.

La FKF a en effet adopté les principes du socialisme, et mène des activités antifascistes et anti-impérialistes.

En 1967 il ouvrira un bureau de la FKF à l’IUFM de Capa. Tout en menant une lutte révolutionnaire il mènera une autre, celle contre les dirigeants révisionnistes des organisations.

Il s’éloigne peu à peu de l’école, et en 1969/70 ne mène pas la lutte que chez les étudiants, mais également chez les ouvriers et les paysans, faisant connaître le marxisme-léninisme partout où il y a grèves, occupations des terres par les paysans.

Ibrahim Kaypakkaya, tirant par la suite les leçons de la grande grève du 15/16 juin 1970, devient actif dans la revue du TIIKP (parti révolutionnaire ouvrier et paysan de Turquie).

Il s’aperçoit que la direction est un obstacle à la lutte révolutionnaire des masses et critique alors le réformisme droitier.

En 1972 il dénonce le révisionnisme du TIIKP et assume avec ses camarades la formation d’un parti. Suite à l’importante activité en ce sens il forme le Comité de coordination du TKP(ML) en avril 1972, qui aboutira par la suite à la formation du parti.

Ibrahim Kaypakkaya a ici joué un rôle historique, en reprenant l’héritage révolutionnaire du TKP et en assumant le marxisme-léninisme, pour ainsi contrer le révisionnisme et former l’unique organisation capable d’aboutir à la libération du prolétariat et de la paysannerie.

Le MIT (les services secrets turcs) a tout de suite considéré le TKP(ML) comme l’organisation possédant la théorie et la pratique les plus dangereuses pour l’ordre dominant.

Alors qu’ils menaient des actions dans la région de Dersim, Ibrahim Kaypakkaya et ses camarades furent traqués et obligés de se retrancher dans une baraque abandonnée pendant quelques jours.

Suite à une dénonciation ils furent attaqués par les gendarmes le 24 janvier 1973.

Le compagnon d’armes d’Ibrahim Kaypakkaya, Ali Haydar Yildiz, fut tué; lui aussi fut grièvement blessé et laissé pour mort par les gendarmes qui poursuivaient d’autres camarades. Ibrahim Kaypakkaya arriva à s’enfuir, se réfugia 5 jours et 5 nuits dans une grotte; la faim et le froid le poussèrent à demander de l’aide à des villageois le 29 janvier, mais l’un d’entre eux le dénonça. Il fut arrêté et amené au commissariat de Tunceli-Elazig, puis dans le centre de tortures de Diyarbakir.

On lui coupa une partie de ses membres gelés par le froid, et il résista pendant trois mois et demi aux tortures infligées sans rien révéler des structures du TKP(ML), selon le principe  » on donne sa vie mais pas ses secrets « . Dans la nuit du 17 au 18 mai 1973 il fut assassiné.

5.Quel est le parcours idéologique du TKP(ML)? Pourquoi existe-t-il un TKP(ML) et un TKP/ML? 

Dans les années 60 fut fondé en Turquie la  » FKF « , la fédération des Clubs d’Idées, rassemblant plusieurs tendances révolutionnaires.

Ibrahim Kaypakkaya a été à l’initiative de la formation de sections du FKF, et ses analyses le conduisent à rompre au niveau de l’organisation pour former le TKP-ML et TIKKO. Le TKP-ML/TIKKO est malheureusement très vite victime de la répression, Ibrahim Kaypakkaya se faisant capturer et torturer plus de 60 jours (il ne révélera rien des structures du TKP-ML).

Fut alors formé en 1974 un « comité de coordination des activités régionales » afin de coordonner les différents groupes existant encore après la destruction du « centre » du TKP-ML.

C’est également un temps de clarification idéologique, notamment contre les déviations sectaires: au niveau international c’est en effet, après la mort de Mao Zedong, l’agression du Parti du Travail d’Albanie contre les principes développés par Mao.

Le TKP-ML se reforme très vite et développe la guerre populaire avec TIKKO. En 1987 un groupe sort du TKP-ML en raison de la ligne opportuniste du comité central du parti, et forme le TKP-ML/TIKKO DABK (comité pour l’Anatolie orientale), tandis que coexiste à côté le TKP-ML menant une conférence critiquant le comité central, ouvrant ainsi la voie de la réunification qui a lieu en 1992.

Mais en 1994 un grave problème de démocratie interne conduit à la rupture entre un parti divisé en deux fractions, qui forment alors le TKP(ML)-TIKKO et le TKP/ML-TIKKO. S’il n’y a pas de différences idéologiques, la vie à l’intérieur du parti est conçue très différemment.

Les militants du TKP(ML) reproche le fait que de très graves  » erreurs  » de hauts responsables aient été caché et qu’ainsi une atteinte majeure au marxisme-léninisme ait été faite.

[A la fin 1999, le TKP(ML) a officiellement changé de position par rapport au TKP-ML. Si au début la critique faite se définissait comme « déviation mafieuse » puis comme « déviation pragmatiste-machiavéliste », désormais le comité central du TKP(ML) a appelé à l’union des deux partis et demande aux militants de considérer le TKP-ML comme révolutionnaire, marxiste-léniniste.

Cette position est pour nous révisionniste; elle s’accompagne d’une remise en cause de l’action du quatrième secrétaire général du TKP(ML), Cüneyt Kahraman, désormais qualifiée de « gauchiste » par la direction du TKP(ML).- Note de Front Social]

[La transformation du TKP(ML) en MKP a été un pas en avant dans cette liquidation de la tradition du TKP(ML).

La direction du TKP(ML) puis du MKP n’a cessé d’appeler à l’unification alors que le TKP/ML a continuellement attaqué le TKP(ML). – Note du PC(MLM)].

6.Qu’est-ce que TIKKO?

TIKKO (Türkiye Isçi Köylü Kurtulus Ordusu) est l’armée ouvrière et paysanne de libération de la Turquie. Cette armée a été formé en même temps que le TKP(ML), soit le 27 avril 1972. TIKKO est la branche armée du TKP(ML), a pour but de mener la guerre populaire en créant et en s’appuyant sur des bases rouges, c’est-à-dire les zones libérées. TIKKO suit ainsi les principes développés par Mao-Tsé-Toung.

7.Qu’est-ce que le TMLGB?

Le TMLGB (Türkiye Marksist-Leninist Gençlik Birligi) est l’Union de la Jeunesse Marxiste-Léniniste de Turquie. Crée en même temps que le parti, et renforcé en 1990 par Ismail Oral, le TMLGB mène des actions de propagande (bombages, affichages…) en tant que mouvement de la jeunesse.

8.Quelle est l’activité actuelle du TKP(ML)/TIKKO et du TMLGB?

A ses débuts TIKKO n’était actif que dans la région de Dersim, région choisie par Ibrahim Kaypakkaya.

Après le lancement du slogan  » Un Dersim ne suffit pas, nous devons en créer 1000!  » par Baba Erdogan, TIKKO se dirigea sur plusieurs autres régions et est divisée en 4 unités principales. L’une est dans le Dersim, la seconde dans la région de la mer noire, la troisième dans la région allant de Bingöl à Diyarbakir en passant par Elazig-Palu et atteignant parfois Mardin, et enfin la quatrième dans l’Anatolie occidentale et les grandes métropoles que sont Istanbul, Ankara et Izmir.

Nombre d’actions sont effectuées en défense de la presse et des droits de l’homme, de nombreuses associations ayant un poids fort dans les manifestations. Le TKP(ML) construit et développe la guerre populaire pour l’organisation de la révolution populaire démocratique.

9.Quels sont les organes de presse du TKP(ML)?

Il existe un organe illégal: I.K.K. (Isçi Köylü Kurtulusu, libération ouvrière et paysanne), qui est l’organe central mensuel rédigé par le Comité Central et ne parvient qu’aux membres du parti.

Il traite de l’actualité dans le pays, de la ligne à suivre et développer ainsi que des derniers combats. Un organe spécifique existe pour les cadres, le  » Komünist « .

Des parutions légales existent, comme le journal  » Partizan Sesi  » (Voie Partisane) qui est devenu  » Halkin Gunlugu  » (Le quotidien du peuple), et qui traite tous les quinze jours de l’actualité révolutionnaire;  » Partizan Gençlik  » (Jeunesse Partisane) est une revue mensuelle pour la jeunesse,  » Öncü Partizan  » (avant-garde partisane) est un organe théorique mensuel.

[Halkin Gunlugu a été interdit. C’est désormais Devrimci Demokrasi qui prend le relais – Note].

De nombreux journaux sont interdits, leurs bureaux fermés (cela a été le cas pour  » Halkin Demokrasi « , démocratie populaire, et  » Partizan Sesi  » dont nous avons parlé).

10.Quelle est l’analyse du TKP(ML) quant à la question kurde?

Le fondateur du TKP(ML), Ibrahim Kaypakkaya, a beaucoup travaillé cette question. Comme il l’affirme,  » la politique raciale en Turquie est une politique des classes dominantes locales, la politique de la partie la plus réactionnaire de la bourgeoisie et du féodalisme; elle a un caractère féodal et féodal-bourgeois « .

La politique raciste en Turquie profite aux classes de la grande-bourgeoisie turque (avec un caractère compradore) et les grands propriétaires terriens. L’impérialisme US profite également de cette situation et accentue le racisme.

La bourgeoisie moyenne nationale participe également à cette politique, même si de manière plus discrète.

Pour Ibrahim Kaypakkaya donc  » le mouvement national kurde est à considérer comme mouvement d’une nation opprimée contre les classes dominantes d’une nation dominante. Elle est pour cela progressiste et a un contenu démocratique. Nous soutenons de manière décidée et sans conditions ce contenu démocratique « .

Il ne s’agit pas seulement de lutter contre les injustices commises à la nation kurde, mais également de combattre la bourgeoisie et les propriétaires terriens de la nation opprimée, sans quoi la paysannerie, les ouvriers, les travailleurs seraient divisés. L’unité des dominés est primordial; cela signifie pour les ouvriers et paysans de Turquie repousser les influences nationalistes panturques et soutenir le droit à l’autodétermination du peuple kurde.

11.Que pense le TKP(ML) du kémalisme et de Mustafa Kemal?

Pour le TKP(ML), suivant les analyses d’Ibrahim Kaypakkaya, qui ont marqué une rupture nette avec les tendances petites-bourgeoises, le kémalisme correspond au fascisme.

Le kémalisme est une révolution des classes dominantes de la bourgeoisie commerçante turque, des grands propriétaires terriens, des usuriers et de la très petite bourgeoisie industrielle.

C’est-à-dire que la ligne de cette révolution est donnée par la grande-bourgeoisie compradore et les grands propriétaires terriens; la bourgeoisie moyenne nationale n’a pas été à l’avant-garde du kémalisme.

Alors que le kémalisme prétendait d’un côté refuser l’influence de l’impérialisme, de l’autre main il discutait en sous-main pour une collaboration active.

Le kémalisme correspond à une initiative des dominants, et est en fait dirigé contre les paysans et les travailleurs, parce que bloquant une révolution agraire. Le kémalisme n’a fait  » que  » transformer la Turquie d’un pays colonisé, semi-colonisé et semi-féodal en pays semi-colonisé et semi-féodal.

A la place de la vieille bourgeoisie compradore qui appartenait aux minorités nationales, et à la place de la vieille haute bureaucratie, le kémalisme a amené au pouvoir une nouvelle bourgeoisie turque, venant de la bourgeoisie moyenne nationale collaborant avec l’impérialisme.

La république bourgeoise remplace la monarchie, et n’est démocratique qu’en apparence, de fait il s’agit d’une dictature militaire de type fasciste.

12.Quel est le concept de guerre populaire du TKP(ML)?

C’est Ibrahim Kaypakkaya qui a étudié et repris, en les adaptant à la situation de la Turquie, les 5 points nécessaires à la Guerre Populaire tels que Mao-Tsé-Toung les a défini.

Tout d’abord une base populaire sûre.

Pour lui cette base est plus ou moins forte selon les régions, ceci étant dû aux différences de développement de l’économie et des déséquilibres régionaux en ce domaine. Il existe cependant selon lui dans chaque région une base populaire capable d’aider et de développer le mouvement révolutionnaire.

Un parti fort et organisé est également nécessaire, ainsi qu’une armée rouge forte. Selon lui, si ce n’est pas encore le cas au moment où il commence la lutte armée, cette dernière (et elle seule) permettra d’y arriver, car elle permet la création et le renforcement de zones rouges. Sans lutte armée pas de parti ni d’armée rouge forte.

Y a-t-il des zones propices à la guerre? Selon lui cela est de moindre importance, le pays ayant de multiples zones de cette sorte.

Y a-t-il des moyens suffisants pour vivre? Pour cela il faut s’implanter dans des régions non dépendantes de l’extérieur, c’est-à-dire des régions ayant leur propre ressources alimentaires. Les régions ne peuvent être confondues avec les villes car celles-ci sont fournies par les campagnes et ne pourront plus être ravitaillées en cas de siège ou d’embargo. Les villes doivent être encerclées par les campagnes.

Pour Kaypakkaya toutes les conditions sont remplies à part l’existence d’un parti fort et d’une armée forte; ces conditions sont subjectives et il s’agit de porter ces efforts là-dessus. Le parti et l’armée se développent dans la lutte armée, les zones libérées sont conquises un peu partout dans le pays et le front populaire révolutionnaire basée sur l’union du prolétariat et de la paysannerie pourra passer à l’assaut final.

13.Quelle est la formation des cadres du TKP(ML)?

Les cadres et combattants du TKP(ML) et de TIKKO sont formés chaque année dans des bases spéciales en Turquie et au Moyen-Orient. Il s’agit de bases où les cadres et les combattants reçoivent une formation politique et une connaissance approfondie du Marxisme-Léninisme-Maoïsme. Parallèlement à ces études le maniement des armes et les différentes stratégies à employer sont portés à connaissance.

Dans les villes s’organisent des cellules combattantes de 4-5 personnes, dont l’apprentissage porte sur la stratégie et la guerre dans les métropoles.

14.Quel rapport le TKP(ML) a-t-il avec le mouvement communiste dans le monde?

Le TKP(ML) fait partie des signataires de la déclaration du Mouvement Révolutionnaire International (RIM), qui a été fondé en 1984 sur les principes du Marxisme-Léninisme-Maoïsme et qui regroupait alors une vingtaine de mouvements et partis. Le TKP(ML) a été l’un des premiers à rentrer dans RIM.

Des relations existent avec 123 autres mouvements dans le monde, particulièrement le Parti Communiste du Pérou, le Parti Communiste d’Inde (Guerre Populaire), le Parti Communiste du Népal (maoïste), le Parti Communiste des Philippines.

15. Qui est Barbara Kistler?

Barbara Kistler est une militante révolutionnaire de Suisse qui est morte en combattant dans les rangs de TIKKO.

Elle est tombée en janvier 1993 à l’âge de 37 ans dans les environs de Tunceli; son groupe, composé de 50 révolutionnaires, a été attaqué par l’armée, vraisemblablement dans le cadre d’une offensive dirigée contre le PKK (Parti du Travail du Kurdistan).

Barbara Kistler est née le 21 Octobre 1955 à Zurich, en Suisse.

Elle fréquente à 15 ans un centre de jeunesse autonome qui sera fermé par la police peu de temps après. Elle se politise peu à peu et devient révolutionnaire.

Elle soutient les prisonniers politiques des groupes armés d’Europe de l’Ouest, leur rendant visite en prison pendant des années, tout en étant active dans les mouvements d’occupation de logements et de luttes sociales (en 1980 a lieu à Zurich une grande émeute de la jeunesse et une vague d’occupation sauvage de maisons).

Elle est une des membres fondatrices du Secours Rouge, participe à la refondation du comité contre l’isolement carcéral (KGI) et initie la publication de la revue  » Subversion ».

En 1991 elle rejoint le TKP-ML. Elle est arrêtée la même année dans un appartement conspiratif; Hatice Dilek et Ismail Oral (celui qui avait renforcé le TMLGB), qui venaient de quitter l’appartement, ont été abattu alors que non armés.

Barbara Kistler est torturée deux semaines à la prison de Gayretepe, puis est placée dans la prison de Bayrampasa, où elle participe au collectif des prisonniers. Elle est libérée en novembre de la même année.

En 1991, Barbara  » Kincm  » Kistler meurt de ses blessures et de froid. Avec elles meurent également Ali Ekber, Ali Demirdag, Zeki Peker, Erkan Fener, Batasul et Aleksan Yasin. Tombés ensemble pour la révolution internationale. Barbara Kistler a été nommé à titre honorifique et posthume membre d’honneur du Comité Central du TKP(ML).

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İbrahim Kaypakkaya – A propos du kémalisme (extraits)

Résumons:

1. La révolution kémaliste est une révolution de la couche supérieure de la bourgeoisie commerçante, des propriétaires terriens, des usuriers turcs et un nombre plus faible de la bourgeoisie industrielle existante. 

C’est-à-dire que les chefs de la révolution sont les classes de la grande bourgeoisie compradore turque et les propriétaires terriens. La bourgeoisie moyenne avec un caractère national n’a pas participé à la révolution en tant que force guide.

2. Les chefs de la révolution ont commencé dans les années de la guerre anti-impérialiste avec à travailler en sous mains avec l’impérialisme de l’Entente. Les impérialistes ont montré une attitude bienveillante vis-à-vis des kémalistes et commencèrent à être d’accord avec un gouvernement kémaliste.

3. Après que les kémalistes aient signé la paix avec les impérialistes, ils poursuivirent leur travail en commun de manière plus étroite.

4. Le mouvement kémaliste s’est dirigé  » à la base contre les paysans et les ouvriers, en fait contre les possibilités d’une révolution agraire « .

5. Comme résultat du mouvement kémaliste la structure coloniale, semi-coloniale et semi-féodale de la Turquie se modifia en structure semi-coloniale semi-féodale, c’est-à-dire que la structure économique semi-coloniale et semi-féodale resta.

6. Au niveau social, à la place de la vieille bourgeoisie compradore qui appartenait aux minorités nationales, et de la couche supérieure de la vieille bureaucratie, domine la nouvelle bourgeoisie turque, qui vient de la bourgeoisie moyenne à caractère national et qui est entré en coopération avec l’impérialisme, et la nouvelle bureaucratie.

Une partie des vieux propriétaires terriens, usuriers et négociants spéculateurs poursuivit sa domination, à la place de l’autre partie arrivèrent des nouveaux les remplaçant.

7. Au niveau politique, à la place du gouvernement constitutionnel lié aux intérêts de la monarchie se retrouve le gouvernement qui porte au mieux les intérêts des nouvelles classes dominantes: la république bourgeoise. Ce gouvernement était en apparence indépendant, en réalité politiquement semi-dépendant de l’impérialisme.

8. La dictature kémaliste était démocratique en apparence, en réalité une dictature militaire fasciste.

9. La Turquie kémaliste  » ne pouvait plus s’empêcher  »  » de se jeter dans les bras des impérialistes allemands et français, de se transformer toujours plus une semi-colonie, en un élément membre du monde impérialiste réactionnaire « .

10. Dans les années qui suivirent la guerre de libération, l’ennemi principal de la révolution était la domination kémaliste.

Dans cette phase ce n’était pas la tâche du mouvement communiste que de s’allier avec les kémalistes contre la vieille classe de la bourgeoisie compradore et des propriétaires terriens, qui avait perdu sa position dominante (une telle alliance n’a de toute façon jamais été vraiment réalisé).

La tâche était en fait de renverser la domination kémaliste, qui représentait l’autre clique de la bourgeoisie compradore et des propriétaires terriens, et de former la dictature démocratique du peuple sous la direction de la classe ouvrière et appuyée sur l’alliance principale des ouvriers et des paysans.

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PCMLM [F], OOA (MLM, pM): Vive la pensée Ibrahim Kaypakkaya!

« Savaş arın kazan ! », « Guerre, purification, victoire ! » – c’est un grand slogan maoïste, utilisé par les maoïstes de Turquie dans les années 1980, après le détour causé par la mort du grand communiste Ibrahim Kaypakkaya, tué le 18 mai 1973, il y a 40 ans.

Comme dit dans le document sur la Pensée – guide :

« Ibrahim Kaypakkaya a fondé TIKKO, l’armée de libération ouvrière et paysanne de Turquie (Türkiye İşci ve Köylü Kurtuluş Ordusu).

Ibrahim Kaypakkaya a lui-même été grièvement blessé durant un combat avec l’armée réactionnaire dans la montagne de Dersim ; il a réussi à s’échapper, toutefois il a été capturé une semaine après.

Il fut forcé de marcher pieds nus sur 50 km de glace et de rivières gelées, de ville en ville, puis placé dans la prison de Diyarbakir pour pratiquement quatre mois, où il a été placé en cellule d’isolement et systématiquement torturé.

Il fut finalement exécuté par la réaction, comme il ne révélait absolument aucune information. »

Depuis cette mort héroïque, il y a le slogan « İbo yaşıyor, TİKKO savaşıyor ! » – « Ibrahim est vivant, TIKKO se bat ! »

D’Afghanistan et de France, nous saluons la grande figure d’Ibrahim Kaypakkaya, et nous disons également : « Yaşasın Marksizm-Leninizm-Maoizm ! Yaşasın halk savaşı ! » – « Vive le marxisme-léninisme-maoïsme ! Vive la Guerre Populaire ! »

Et nous savons qu’ Ibrahim Kaypakkaya est le porteur de la pensée guide en Turquie.

En se fondant sur les enseignements du Président Mao Zedong, tous les dirigeants révolutionnaires du monde des années 60 et 70 du 20e siècle ont expliqué que les régimes faussement démocratiques des pays semi-féodaux semi-coloniaux / des colonies sont les représentants d’une dictature conjointe de la bourgeoisie bureaucratique / bureaucratique compradore et les grands propriétaires terriens.

Cette dictature conjointe émerge comme fascisme dans de tels pays. Le grand dirigeant du prolétariat de la Turquie, le président Ibrahim Kaypakkaya, s’est affirmé dans la thèse du capitalisme bureaucratique du président Mao, s’opposant au kémalisme et à ses laquais.

Comme Kaypakkaya l’a expliqué:

« Le kémalisme est lui-même le fascisme, la dictature kémaliste est une dictature militaire fasciste. »

Le régime kémaliste turc prétendait et prétend être « démocratique » ; en fait, « le kémalisme signifie: toutes les pensées progressistes et démocratiques sont mises dans les chaînes, tout type de presse qui ne chante pas les louanges du kémalisme est interdit. »

Ibrahim Kaypakkaya a également mené une brillante lutte de deux lignes dans la défense du marxisme et dans le combat contre le révisionnisme.

Les lignes alors guévariste et centriste, principalement le THKP-C de Mahir Cayan et le THKO de Deniz Gezmiş, qui n’ont pas adopté la ligne correcte du Mouvement Communiste International présentée par le président Mao Zedong au début des années 1960, se noyaient de jour en jour noyé dans le révisionnisme.

Le camarade Ibrahim a rejeté cela comme du centrisme, et arboré, défendu et appliqué la ligne internationale du président Mao contre le révisionnisme moderne.

Ibrahim KaIbrahim Kaypakkaya a expliqué ici:

« Les considérations idéalistes et contraires à la réalité de la moyenne bourgeoisie, en particulier au sujet du kémalisme, sont allées tellement en eux [les révisionnistes] et sont donc fixés dans leurs têtes, comme une unité, qu’une considération communiste sur le kémalisme est devenue presque impossible.

Nous savons trop bien que notre étude sur le thème du kémalisme fait trépigner de rage toutes les organisations et courants bourgeois et petit-bourgeois, depuis [les gens du courant centre républicain] Çetin Altan [journaliste et parlementaire du Türkiye İşçi Partisi, Parti des travailleurs de la Turquie], Doğan Avcioglu [journaliste], İlhan Selçuk [avocat et journaliste] jusqu’au TIP, Mihri Belli [principal théoricien de la gauche kémaliste, en faveur d’un coup militaire d’officiers kémalistes et ayant formulé le principe de Milli Demokratik Devrim – Révolution Nationale Démocratique],

Hikmet Kıvılcımlı [membre du Parti Communiste de Turquie et fondateur du Vatan Partisi – Parti patriotique], le TKP [Parti Communiste de Turquie], le THKP-THKC [Türkiye Halk Kurtuluş Partisi – Cephesi, Parti – Front de libération du peuple du Turquie, une guérilla guévariste fondé par Mahir Çayan], la THKO [Türkiye Halk Kurtuluş Ordusu – Armée populaire de libération de la Turquie, la guérilla sans parti fondé par Deniz Gezmiş] et les révisionnistes de Safak.

Mais n’est-il donc pas nécessaire de jeter un regard plus sérieux à l’histoire de la Turquie, d’essayer de la saisir correctement? La réalité de la Turquie nous montre que: le kémalisme signifie un anti-communisme fanatique. »

Quand on étudie les oeuvres du Président Kaypakkaya, nous trouvons de grandes similitudes avec celles du Président Gonzalo qui a écrit près d’une décennie plus tard.

Nous trouvons également des similitudes avec les Présidents Siraj Sikder et Akram Yari. Tout cela vient d’une position maoïste unique et fondée sur des principes, qui a été prise par de grands révolutionnaires de différents pays.

C’est aussi une réaffirmation des Pensées – guides des dirigeants révolutionnaires mentionnés ci-dessus, dont les Pensées sont l’application créative de la vérité universelle du marxisme-léninisme-maoïsme aux conditions concrètes de leur pays.

Comparons par exemple la similitude de la défense du Maoïsme par le Président Ibrahim Kaypakkaya et le Président Akram Yari en ce qui concerne la thèse du capitalisme bureaucratique et du combat contre les agendas bourgeois bureaucratiques.

Ces deux dirigeants révolutionnaires ont tous les deux déclaré que: la politique de la bourgeoisie bureaucratique n’est rien d’autre qu’un scénario fasciste qui se bat au bénéfice de la dictature conjointe des grands propriétaires terriens et de la bourgeoisie compradore.

Selon le camarade Ibrahim, même s’il y a une diminution du nombre de paysans dans un pays, et même si la paysannerie n’est pas la majorité dans un pays opprimé, la thèse maoïste du capitalisme bureaucratique est toujours valide.

Et les armes doivent être prises à l’encontre du scénario fasciste de la bourgeoisie bureaucratique, c’est-à-dire le kémalisme, grâce à la stratégie de la guerre populaire: « la campagne encercle les villes » est la seule solution pour mener la guerre populaire.

Voici ce qu’il a dit exactement:

« Même dans le cas où la féodalité a été progressivement résolue et par conséquent la population paysanne est réduite, la stratégie reste toujours valable. »

Il s’agit d’une position correcte et maoïste. Nous pouvons comparer cette position maoïste classique avec les positions révisionnistes d’aujourd’hui, comme celle du « Parti Communiste maoïste d’Italie » en faveur de Hugo Chàvez ; nous pouvons comparer cela avec la position du Parti Communiste des Philippines pour lequel Hugo Chàvez est un héros pour les masses, ou les illusions petites-bourgeoises de l’UOC-MLM (Colombie), qui s’oppose à l’héritage de la thèse maoïste du capitalisme bureaucratique.

De l’autre côté, nous pouvons comparer la synthèse ci-dessus du camarade Ibrahim avec la position du camarade Akram Yari, et apprécier la similitude des positions:

« Est-ce que le développement d’un tel capitalisme corrompu et dégénéré [le capitalisme bureaucratique] qui vient de la situation de l’impérialisme mondial, triomphe de la féodalité sur le long terme ?

Est-ce que l’impérialisme est en mesure de développer son embryon (le capitalisme) sous cette forme dans ce pays (en Afghanistan)? [Sans s’appuyer sur une forme corrompue, qui est le capitalisme bureaucratique]

La réponse à cette question, selon notre point de vue, est absolument négative! Tout d’abord, le développement et la croissance du capitalisme de marché libre, qui joue un rôle secondaire dans une telle circonstance, est sujet à la défaite dans la situation internationale du capitalisme impérialiste.

Cela vient des tendances gloutonnes et de l’expansionnisme hégémonique de l’impérialisme, en particulier du social-impérialisme qui crée des obstacles et empêche le développement de cette classe capitaliste nationale [la bourgeoisie nationale].

Deuxièmement, il y a la croissance et le développement du capitalisme bureaucratique, qui est mélangé avec l’oppression, les troubles et les discriminations féodales, et contaminé par des corruptions, la hiérarchie des privilèges, et en même temps la dictature religieuse fasciste qui lui est aussi inséparablement annexée, et est la seule forme qui a vu le jour dans tous les pays sous la domination du capitalisme [impérialiste] ; dans une telle forme dégénérée [qu’est le capitalisme bureaucratique], non seulement ne se développe pas le capitalisme dans de tels pays, mais plutôt se renforcent et se fortifient les vestiges du féodalisme, et cela joue un rôle pour sauver le féodalisme dans ses frontières, et par cela [un tel développement dégénéré du capitalisme], se maintient la stabilité du marché mondial impérialiste.

Donc, la seule chose que le marché impérialiste apporte à de tels pays, et qu’il appelle « modernisation », est un capitalisme corrompu chétif, qui est pourri et dégénéré plutôt que progressiste, et est plus âgé que n’importe qui peut supposer [et celai est contraire aux allégations de ses apologistes qui argumentent pour son caractère moderne], et c’est plus que son caractère « moderne », cet appui sur le pourri et le vieux [les vieilles infrastructures et superstructures préalables]. »

Avec tout cela à l’esprit, pour le 40e anniversaire du martyr du camarade Ibrahim Kaypakkaya, nous exprimons notre salut rouge au chemin brillant du camarade Kaypakkaya, la route dorée du communisme!

Nous nous sentons engagés par rapport aux contributions que le Président Kaypakkaya a faites aux masses et à la classe ouvrière de Turquie.

Il est vivant comme un héros des masses, et son nom inspire même les masses révolutionnaires des autres pays. Il est un symbole de l’internationalisme prolétarien, et sa Pensée – guide est la clé pour comprendre le chemin de la révolution pour la Turquie et à la conduite de la Guerre Populaire jusqu’au communisme.

Nous exprimons notre haine illimitée aux bureaucrates bourgeois et seigneurs de la guerre réactionnaires qui sont les assassins du camarade Kaypakkaya, et nous savons qu’il est inévitable que la Guerre Populaire en Turquie se développe et triomphe.

Vive la Guerre Populaire Prolongée en Turquie !

Masses prolétariennes et opprimées de Turquie:
arborez, défendez et appliquez la Pensée guide
de la révolution du camarade Kaypakkaya!

Vive le Marxisme-Léninisme-Maoïsme, principalement le Maoïsme!

Guerre Populaire jusqu’au Communisme!

Organisation des Ouvriers d’Afghanistan (Marxiste-Léniniste-Maoïste, principalement Maoïste)

Parti Communiste Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste (France)

Mai 2013

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Petit historique des organisations révolutionnaires en Turquie

LA TURQUIE ET LA RÉVOLUTION

LA NAISSANCE DE LA TURQUIE MODERNE

La première guerre mondiale marque l’écroulement de l’Empire ottoman et son occupation par les alliés. De 1919 à 1922 la lutte de  » libération  » est menée par Mustafa Kemal, dit Atatürk,  » le père des Turcs « .

Le kémalisme est une idéologie laïque, républicaine, visant au développement du pays. Toute la question de la révolution en Turquie passe par l’interprétation de Mustafa Kemal :

– Pour certains, le kémalisme a été un pas en avant et il faut le pousser à son extrême ;

– Pour d’autres le kémalisme a été un point positif mais a ensuite collaboré avec l’impérialisme ; il faut donc finir le travail ;

– Pour les derniers enfin, le kémalisme revient à du fascisme, une  » révolution par en haut  » empêchant celle par en-bas. De fait, dans les années 1930-1940, la Turquie s’alliera à tous les pays capitalistes (l’Angleterre, l’Allemagne, la France, les USA…) pour après 1945 s’aligner principalement sur les USA.

LES ANNÉES 1960

Le 13 Février 1961, des syndicats et des intellectuels d’extrême gauche fondent le TIP [Parti des Travailleurs de Turquie]. C’est le premier grand renouveau du mouvement ouvrier depuis l’écrasement du Parti Communiste de Turquie par les kémalistes dans les années 1920.

Le TIP n’est pas un parti de masse mais plutôt un rassemblement des travailleurs urbains politisés, d’enseignants. Au milieu des années 60, le TIP crée une Fédération des Clubs d’Idées [FKF] pour rassembler des étudiants et des lycéens et les orienter ensuite vers le parti. La FKF va rassembler plusieurs tendances révolutionnaires, unies par une perspective antifasciste et anti-impérialiste.

La FKF déborde très vite le TIP et se transforme en octobre 1969 en une fédération de la jeunesse révolutionnaire [Devrimci Gençlik, Jeunesse Révolutionnaire, également surnommé Dev Genç].

En novembre 1970, deux tendances de Dev Genç déclarent leur intention de passer à la lutte armée et se lancent aussitôt dans la guérilla, influencées par les guérillas urbaines d’Amérique Latine. Leur ligne politique est la stratégie de révolution démocratique nationale, MDD [Milli Demoratik Devrim],pour développer la guerre populaire. Ces deux tendances prennent le contrôle de l’exécutif de Dev Genç. Les partisans de Mao Zedong quittent Dev Genç et fondent le TIIKP [Parti Révolutionnaire Ouvrier-Paysan de Turquie].

DE 1970 AUX GUÉRILLAS

Les deux tendances pro-guérilla de Dev Genç passent à l’action en 1971. Le 22 décembre 1970 est fondé le THKO [Armée de Libération du Peuple de Turquie], fondé par Deniz Gezmis. Le modèle révolutionnaire est Cuba : en fondant une armée unissant le peuple, l’État peut être très vite balayé.

Le THKO se fait très vite liquidé et Deniz Gezmis condamné à mort. C’est alors la naissance en 1971 du THKP-C [Parti-Front Populaire de Libération de la Turquie], fondé par Mahir Cayan.

Le THKP-C a attaqué à la bombe de nombreuses entreprises liées aux USA, les consulat américain et anglais d’Istanbul, un dépôt de l’armée US et une vedette marine militaire américaine. Il a également enlevé l’ambassadeur israélien et revendiqué la libération des prisonnier-e-s du THKO.

Le 30 mars 1972, à Kizildere, Mahir Cayan et ses camarades sont tués par l’offensive de l’État turc. Se fonde alors le TKP-ML/TIKKO [Parti Communiste de Turquie – Marxiste-Léniniste / Armée Ouvrière et Paysanne de Libération de la Turquie], avec à sa tête Ibrahim Kaypakkaya, issu du FKF, et qui a provoqué une scission dans le TIIKP.

Le TIKKO développe la guerre populaire dans les campagnes, selon les principes développés par Mao Zedong, mais est lui aussi liquidé par l’armée. Réfugié une semaine dans une grotte, Kaypakkaya est arrêté, une partie de ses membres devant être coupée car gelée. Torturé trois mois et demi sans parler, il meurt assassiné à l’âge de 24 ans.

DE LA RECONSTRUCTION AU PUTSCH MILITAIRE DE 1980

Les années suivant la destruction des trois guérillas sont marquées par leur reconstruction et le développement du mouvement de masse. Dès novembre 1975, des associations de jeunes révolutionnaires apparaissent sous le nom de Dev Genç et relancent le processus révolutionnaire. Ces organisations se réclament du prolongement des théories des dirigeants qui ont été torturés et massacrés par le régime fasciste de Turquie dans les années 70.

Ce sont les années d’apogée des  » urgentistes « , pour qui la lutte armée doit être mené le plus vite possible pour casser  » l’équilibre artificiel  » imposé par l’État fasciste. En 1975 se forme ainsi la MLSPB [Ligue Marxiste-Léniniste de Propagande Armée] et en 1976 le THKP-C/HDÖ [THKP-C/Avant-garde Révolutionnaire du Peuple], qui vont mener plusieurs centaines d’actions armées.

Se forme également la Fédération de la Jeunesse Révolutionnaire (DGDF) qui compte un nombre important d’associations qui lui sont liées un peu partout en Turquie, alors que le TKP-ML se reconstitue peu à peu depuis 1974.

En 1976, des différences politiques qui existent au sein du DGDF se traduisent par la formation d’un nouveau groupe très important quantitativement, Dev Yol [Sentier révolutionnaire].

Le mouvement se développe donc jusqu’au 1er mai 1977, un rassemblement exceptionnel de manifestants d’extrême- gauche qui s’est réuni à la place de Taksim située dans le centre ville d’Istanbul. Le nombre des manifestants (plus d’un million) a fait de ce 1er mai une date importante dans l’histoire du mouvement révolutionnaire en Turquie. Cependant, la répression sanglante qui émane de l’État réactionnaire turque s’est soldé par le massacre de 34 personnes ce jours-la.

C’est alors la formation en 1978 de Devrimci Sol [Gauche Révolutionnaire, communément appelé  » Dev Sol « ], qui reprend le flambeau du THKP-C. Son succès est énorme et ses actions armées marquent la Turquie.

DE 1980 À 1991 L’ÉVOLUTION DES TROIS TENDANCES PRINCIPALES

En 1980, l’armée écrase le mouvement révolutionnaire par un putsch sanglant. Les organisations révolutionnaires sont pour la plupart écrasées, mais se reconstruisent très vite, particulièrement Devrimci Sol et le TKP-ML, qui deviennent les deux principales organisations menant la lutte armée.

Coexistent à côté une multitude de petits groupes armés issus du THKO ou du THKP-C, même si la plupart des partisans du THKO ont privilégié une approche farouchement opposée aux groupes armés. Il y a donc à peu près une dizaine d’organisations menant la lutte armée de manière conséquente, au moins une trentaine de sous-groupes issus de ces groupes, et un grand parti réformiste : l’ÖDP, qui refuse tout lien avec les groupes armés.

Les organisations issues du THKO

Les partisans du THKO sont ceux qui avaient comme slogan  » nous sommes les vrais kémalistes « . Pour la majorité de ses partisans, la Turquie est un État capitaliste. Le THKO rejetait la nécessité du parti et était ainsi franchement populiste ; l’armée suffirait à rallier les masses. Idéologiquement, les partisans du THKO ont systématiquement été proches de l’Albanie d’Enver Hoxha. Le principal groupe issu du THKO fut Halkin Kurtulusu [La libération du peuple], qui donnera le TDKP [Parti communiste révolutionnaire de Turquie], créé le 2 février 1980.

Le TDKP a laissé des traces importantes dans le domaine de la propagande de la lutte armée, sans pour autant s’investir réellement dans une stratégie de guérilla. Le repli révolutionnaire du TDKP dans les années 90 s’est d’ailleurs traduit par la continuation de la lutte de manière légale sous le nom du Parti du travail [Emek Partisi] et par une critique virulente des groupes menant la lutte armée. Une partie du TDKP formera le TDKP/Leninist, qui deviendra Ekim [Octobre] puis le TKIP [Parti Communiste Ouvrier de Turquie] en 1998.

Le TIKB [Union des Communistes Révolutionnaires de Turquie], crée en 1978, est également issu du THKO. Soutenant la lutte armée et organisant des comités de jeunesse antifascistes, TIKB est aujourd’hui une organisation très active en Turquie. En 1980 s’est fondé le TKEP [Parti communiste du travail de Turquie] qui connaîtra par la suite une scission TKEP/Leninist, groupe pro-cubain soutenant la lutte armée.

Les organisations issues du THKP-C

Pour le THKP-C, la Turquie est une néo-colonie ; il faut une révolution  » anti-impérialiste et anti-oligarchique « . Aujourd’hui quasiment disparues, la MLSPB et le THKP-C/HDÖ ont eu avant 1978 un impact important, notamment par le fait que les Cellules Communistes Combattantes belges se sont reconnues dans leur idéologie et qu’Action Directe a mené à Paris une action armée contre la banque israélienne Leumi en commun avec le THKP-C/HDÖ.

Mais à partir de 1978 (naissance de Devrimci Sol) et du putsch de 1980, les  » urgentistes  » disparaissent.

Les organisations issues du TKP-ML

Le TKP-ML a réussi à se reformer et à devenir dans les années 1980 une très grande organisation, notamment dans le bastion kurde du Dersim.

En 1987 une grande scission sépare l’organisation en deux (TKP-ML troisième conférence et TKP-ML DABK) qui se réunissent en 1992. Les principaux théoriciens de ces trois tendances sont donc Deniz Gezmiç, Mahir Cayan et Ibrahim Kaypakkaya. Resté plus proche du kémalisme, Deniz Gezmiç est plus ou moins intégré dans l’idéologie dominante, où il est présenté comme un  » romantique « .

Il est par contre bien plus difficile de mentionner Mahir Cayan ou de trouver sa littérature, ce qui relève presque de l’impossibilité pour celle d’Ibrahim Kaypakkaya, pour qui  » le kémalisme c’est le fascisme « .

DE 1991 À 1996 L’APOGÉE DU MOUVEMENT

Les années suivant la guerre du golfe sont celles de l’apogée du mouvement. Devrimci Sol, s’effondrant sous le poids de ses contradictions internes, renaît en 1994 sous la forme du DHKP-C [Parti / Front Révolutionnaire de Libération du Peuple], capable d’amener 30.000 partisans dans les rues d’Istanbul le 1er Mai, défilant derrière des foulards rouges et attaquant la police aux cris de  » Vive la guérilla « .

Le quartier de Gazi à Istanbul, bastion du DHKP-C, se révolte contre la police pendant plusieurs jours, et le prestige de l’organisation est énorme ; c’est également l’ébullition dans les facultés. Dans les villes c’est également la naissance du MLKP (Parti Communiste Marxiste-Léniniste), qui rassemble les restes des groupes communistes non-armés et arrive à fonder une organisation de masse.

Dans les campagnes, le TKP-ML se relance et se développe dans des régions sans guérilla jusqu’alors, notamment le nord-est du pays (la région de la mer noire). La grande grève de la faim de juin/juillet 1996, marqué par la mort de 12 détenus, est incroyablement bien soutenue et marque l’apogée du mouvement.

DE 1996 À 2002

Les années suivant la grande grève de la faim sont des années paradoxalement difficiles. Les raisons sont à la fois objectives et subjectives. Il y a déjà des problèmes internes.

Le TKP-ML se transforme en un TKP(ML) et un TKP/ML, le TIKB en TIKB et TIKB Bolsevik, etc. Il y a ensuite l’arrêt de la lutte armée par le PKK, qui démoralise les masses kurdes et permet à l’armée turque de renforcer sa répression sur les organisations révolutionnaires. Le prestige de l’État turc suite à l’arrestation d’Öcalan a joué un rôle très négatif.

=>retour au dossier sur le mouvement anti-révisionniste en Turquie

L’irruption politique d’Éric Zemmour en France:un exemple d’activation mécanique par la contre-révolution

Lorsqu’il y a une crise, il y a un renouvellement de la vie politique et une modification de celle-ci, conformément aux besoins de changement de forme du régime. C’est là quelque chose qui se vérifie aisément historiquement et l’Histoire est riche de figures propulsées par le capitalisme en crise, après avoir été façonné de manière adéquate.

Les figures des années 1920-1930 sont bien connues. Benito Mussolini était une figure de la gauche du Parti socialiste italien, Adolf Hitler un ancien soldat rejoignant un regroupement ultra-nationaliste, Jozef Piłsudski le chef du parti socialiste polonais, Engelbert Dollfuss un ancien soldat représentant des grands propriétaires terriens, Salazar un économiste catholique, Metaxas un haut responsable militaire comme Franco et Horthy…

Tous ont été propulsés de manière subite sur le devant de la scène, pour des raisons historiques propres à leur pays. Ainsi, Benito Mussolini a assumé le nationalisme et a diffusé le style syndicaliste révolutionnaire dans les couches petites-bourgeoises contestataires ; Hitler portait le pangermanisme ; Piłsudski avait une ligne expansionniste non étroitement ethnique polonaise ; Dollfuss portait le catholicisme, tout comme Salazar ; Metaxas, Fracnco et Horthy avaient l’armée avec eux…

De nombreuses figures françaises ont cherché pareillement à profiter du même élan : le colonel La Rocque avec ses Croix de Feu qu’il transforma en Parti Social Français, Henri Dorgères avec ses chemises vertes paysannes, Jacques Doriot avec le Parti populaire français… C’est finalement le maréchal Pétain qui réussit, en profitant de la défaite de 1940 et alors qu’il était une figure du « recours » tendancielle au début des années 1920.

Car le recours par la bourgeoisie, ou plutôt la haute bourgeoisie, à une figure « providentielle » est toujours tendancielle. Il ne s’agit pas d’un processus rationnel, d’une construction sur le sol du réel, comme pour les dirigeants du mouvement ouvrier. Il s’agit simplement d’une capacité à propulser.

Il y a besoin d’une figure qui soit le vecteur de certaines valeurs, d’un certain style. Il n’y a nullement besoin de cohérence idéologique et d’ailleurs justement moins il y en, mieux c’est, puisqu’il s’agit de mettre en avant une figure providentielle agissant de manière pragmatique pour re-solidifier les fondations de la société capitaliste.

Il n’y aucune règle qui puisse ici prévaloir, d’où l’échec de La Rocque, alors que son Parti Social Français était dans les années 1930 un très large mouvement de masses. Pareillement, l’ancien Chef d’État-major des Armées Pierre de Villiers s’était placé comme un tel homme providentiel pour 2022, jouant de la carte du militaire capable de décisions… et c’est pourtant un simple journaliste, Éric Zemmour, qui l’a remplacé à ce poste.

C’est un excellent exemple de cette tendance qui n’est jamais qu’une simple tendance. Chercher de manière rationnelle le positionnement de tels hommes providentiels, c’est rater leur substance et tomber dans le piège.

Rien ne présageait d’ailleurs à ce qu’Éric Zemmour, sans même encore avoir annoncé sa candidature, soit début octobre à 15 % d’intentions de vote. Éric Zemmour a en effet eu une carrière tout à fait classique : d’un milieu modeste, il fait Sciences Po et rate l’ENA, devient journaliste dans les milieux bourgeois conservateurs alors que lui-même intègre la bourgeoisie juive de l’Ouest parisien (avec sa vraie religiosité et son affection pour le Paris Saint-Germain au Parc des Princes), il publie des romans et des essais, tout en étant chroniqueur à la radio et la télévision.

Seulement, avec la seconde crise générale du capitalisme, le point de vue d’Éric Zemmour est utile, car il consiste en un anticapitalisme romantique. Il ne faut pas chercher bien entendu d’idéologie à Éric Zemmour : il n’en a pas.

Déjà, parce qu’aucun homme « providentiel » n’en a, par définition même, et ensuite parce que c’est une tradition française bourgeoise que d’éviter tous système de pensée (ce qui est commun à Napoléon, Napoléon III, Maurras, Jaurès, de Gaulle, etc.).

De plus, Éric Zemmour écrit aussi mal qu’il parle bien et ses œuvres sont d’une faiblesse inouïe, sans aucune colonne vertébrale intellectuelle par ailleurs. Tout est pioché, bricolé, tel un copié collé typique du début du 21e siècle avec toute sa décadence.

Cependant, cet anticapitalisme romantique mis en avant par Éric Zemmour correspond aux besoins de la haute bourgeoisie et il est connu qu’on retrouve comme proches d’Éric Zemmour le riche financier Charles Gave qui promeut une ligne identitaire, le banquier d’affaires de Rotschild puis JP Morgan Jonathan Nadler, l’ancien banquier d’affaire chez Rothschild Julien Madar.

Quand on parle ici de la haute bourgeoisie, on parle en fait d’une certaine haute bourgeoisie, celle de l’Ouest parisien. Celle-ci a connu une profonde transformation, dans la mesure où elle a abandonné le conservatisme catholique qui lui a longtemps servi de porte-drapeau. Elle est désormais ouvertement cosmopolite, fascinée par la modernité du capitalisme américain dans la finance et les startups, elle a largement balancé le racisme par-dessus bord par souci d’efficacité et d’ailleurs elle s’est ouverte aux gens d’origine juive.

C’est ce changement qui, au fond, a torpillé l’ancien Chef d’État-major des Armées Pierre de Villiers, dont la ligne était ouvertement néo-catholique à l’ancienne. Et c’est ce changement qui permet le succès d’Éric Zemmour.

Les financiers qui le soutiennent sont en effet typiques de ces jeunes trentenaires ou légèrement plus âges combinant costumes et baskets, vivant pour l’argent et par l’argent tout en écoutant du rap US sans aucun préjugé.

Le capitalisme est pour eux mondialisé et ils trouveraient absurdes de rejeter un capitaliste parce que noir ou asiatique ; consuméristes et ayant profité d’une France où ils pouvaient librement consommer de Saint-Tropez à Avoriaz, ils sont un mélange de Christian Clavier et de Gerard Depardieu tout en s’imaginant Jean-Paul Belmondo et Alain Delon.

Pour cette raison, cette bourgeoisie nouveau style n’a rien non plus contre la bourgeoisie « catho tradi » dont un excellent exemple est le milliardaire Vincent Bolloré, à la tête du conglomérat possédant notamment CNews transformé en chaîne populiste de droite où justement Éric Zemmour a pu agir en tant qu’agitateur-chroniqueur de 2019 à sa lancée politique en 2021.

C’est en fait, sans aucune originalité, un retour à l’alliance RPR-UDF du tout début des années 1980, avec une aile libérale-commerciale-bancaire pro-Europe (l’UDF) et une aile conservatrice-entrepreneuriale gaulliste (le RPR).

Lorsque se tient en 1990 une convention des états-généraux de l’opposition sur l’immigration, le RPR demande la « Fermeture des frontières » et la « suspension de l’immigration », parle de « réserver certaines prestations sociales aux nationaux » et d’une « incompatibilité entre l’islam et nos lois », etc.

Éric Zemmour dit précisément la même chose et, d’ailleurs, lui aussi entend faire baisser les impôts et les charges pour les entreprises, se prononçant – plus en privé que publiquement – pour un choc libéral, espérant d’ailleurs à ce titre un soutien général de toute la droite, y compris de l’extrême-droite puisque c’était également l’objectif de Jean-Marie Le Pen.

Marine Le Pen a pris entre-temps une orientation nationale-sociale lui permettant de s’acquérir de larges parts du vote ouvrier et populaire, mais elle est incapable de prolonger le tir. Éric Zemmour se pose d’autant plus comme rassembleur de la droite et de l’extrême-droite, sur une base RPR-UDF, avec un RPR revenu « aux sources ».

Il dit lui-même que « Les idées que je défends unissent déjà la droite depuis des années ».

Éric Zemmour ne cache pas d’ailleurs que sa nostalgie, c’est la France des années 1960-1980, c’est-à-dire d’une France produisant les années fric à la Bernard Tapie et les Bronzés font du ski, avec Jean-Jacques Goldmann pour faire de la variété engagée et Coluche pour se moquer.

Ce qu’il représente ainsi, c’est une valorisation de la mondialisation pour les couches sociales valorisées – les vacances à Cancún et New York – et une dévalorisation de la mondialisation en général, qui déclasse la France n’ayant pas réussi à s’insérer suffisamment dans la nouvelle dynamique capitaliste commencée en 1989 avec la chute du mur de Berlin.

Les iPhone et les Mac, c’est bien, mais les prénoms non français comme Mohammed et Kevin, c’est mal.

Pour cette raison, Éric Zemmour est utilisable et utilisé par la haute bourgeoisie, car :

– il promeut l’occidentalisme comme idéologie, avec l’Islam servant de paratonnerre aux inquiétudes ;

– il affirme la nécessité d’une réimpulsion du capitalisme français ;

– il propose un modèle de société dans le passé et non pas dans le futur.

Il y a toutefois deux problèmes de fond. Tout d’abord, Éric Zemmour ne pose pas la question de l’orientation stratégique de la France par rapport à l’affrontement sino-américain. Il devra bien le faire, mais cela va nuire à l’unité de ses partisans dans la haute bourgeoisie, cette question étant encore largement en suspens.

Ensuite, il y a un soutien populaire à Éric Zemmour, car l’immigration s’est déroulée en France sans aucun encadrement et il en relève une véritable anarchie. Le département du 93 est ainsi devenu une vaste zone de réservoir de main d’œuvre bon marché, avec une population coupée historiquement des traditions du mouvement ouvrier, un terrible désœuvrement social, une fuite dans les religions, une montée en puissance des mafias, d’où un violent ressentiment populaire.

Tout cela relève classiquement de l’immigration capitaliste et de son anarchie – il suffit de regarder les États-Unis pour voir cela exprimé de la manière la plus « pure » – mais Éric Zemmour tourne les choses de manière « occidentaliste » en parlant de « grand remplacement », parce qu’il doit jouer un rôle contre-révolutionnaire dans le peuple.

Il le fait d’autant plus aisément d’une part parce que les immigrés ont des conceptions féodales de par leur pays d’origine et que le décalage est total avec un capitalisme développé, et parce que l’immigration capitaliste de ces trente dernières années a accompagné une expansion du capitalisme et qu’ainsi la petite-bourgeoisie et la bourgeoisie en est contente dans la mesure où cette main d’œuvre bon marché l’a bien aidé.

Avec la crise, l’expansion est terminée, la bourgeoisie change son fusil d’épaule, d’où Éric Zemmour comme levier idéologique.

Et là c’est un problème, car soit il bascule dans le populisme à la Marine Le Pen, mais la haute bourgeoisie n’aime pas vraiment cela (trop risqué !), soit il tombe dans un conservatisme révolutionnaire à la Marion Maréchal, mais alors on perd la base populaire.

Ce qui revient à dire que pour gagner la présidentielle, Éric Zemmour doit toujours plus utiliser de démagogie envers le peuple – ce qui est le fascisme – mais que cela implique de faux espoirs agitant les masses et pouvant par la suite se retourner en son contraire.

Dans tous les cas et il faut ici insister sur ce point : il n’y aura pas de cohérence dans les propos, ni sur le plan intellectuel. C’est justement un piège contre-révolutionnaire visant à happer en ce sens.

Naturellement, les courants « révolutionnaires » petits-bourgeois tomberont dans le panneau, parce qu’ils récusent tant la crise générale du capitalisme que le communisme.

Mais du côté communiste, il faut au contraire se focaliser sur la proposition stratégique révolutionnaire, en considérant qu’Éric Zemmour comme « homme providentiel » – lui ou un autre – représente une tentative de frein, de contournement contre-révolutionnaire.

C’est une course contre la montre entre la révolution et la contre-révolution, Éric Zemmour ne représente rien d’autre qu’une tendance et c’est cette tendance qu’il faut dénoncer, et non pas ce qu’il est ou ce qu’il prétend, qui n’est que démagogie, avec d’autant plus de provocations qu’il s’agit de précipiter le plus de gens possibles dans le piège, afin d’être au centre du jeu.

Crise ouverte dans les inter-relations Maroc-Algérie-Tunisie-Libye-France-Grèce-Turquie-Russie-Mali

La situation est explosive dans toute une zone et la série de faits tout récents expliquent d’eux-mêmes la situation. Les voici, avec quelques précisions préalables pour bien saisir l’ensemble.

Le Maroc et l’Algérie sont en tension forte depuis cinquante ans. Leurs régimes sont très différents. Le Maroc est une monarchie corrompue et dictatoriale, où l’économie est aux mains d’un capitalisme bureaucratique particulièrement lié à la France, la ville de Marrakech servant de Sodome et Gomorrhe français. L’Algérie est une dictature militaire profitant des ressources en gaz et en pétrole pour se maintenir extrêmement difficilement, notamment depuis la vague de contestation de 2019 (appelé le Hirak) alors que le président Abdelaziz Bouteflika, dont on ne sait même pas s’il était encore en vie, briguait un cinquième mandat.

L’Algérie est ainsi obligée de devenir expansionniste de manière agressive pour faire face à sa crise générale s’insérant dans la seconde crise générale du capitalisme et les ponts ont été rompus avec le Maroc. Ce dernier a reconnu Israël en 2020, en échange d’une reconnaissance américaine de sa domination sur le Sahara occidental, ce que l’Algérie ne reconnaît pas.

L’Algérie qui s’est rapprochée de la Russie, qui elle-même gagne en influence notamment au Mali, au grand dam de la France, qui par conséquent exerce une nouvelle pression sur l’Algérie pour la faire vaciller, avec l’appui du Maroc.

Une Algérie qui soutient également la Turquie dans son intervention en faveur du gouvernement libyen contre l’Armée Nationale Libyenne du maréchal Haftar qui a largement profité du soutien français et de l’appui de l’Égypte, de l’Arabie saoudite, des Émirats Arabes Unis et de la Russie.

La Turquie qui vient de réaliser des manœuvres militaires en Azerbaïdjan, avec des forces armées de ce pays et du Pakistan, au grand dam de l’Iran qui a répondu par ses propres manœuvres, alors que de son côté la France signait une alliance militaire avec la Grèce.

Ces précisions préalables, censées apporter de la clarté, reflètent en fait plutôt un terrible enchevêtrement d’intérêts et de conflits, le tout renforcé par les poussées impérialistes et expansionnistes des uns et des autres. C’est ni plus ni moins la guerre qui s’annonce, aux dépens des peuples.

13-14 juillet 2021 : rencontre virtuelle du Mouvement des non-alignés en Azerbaïdjan, où le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra souligne la nécessaire indépendance du Sahara Occidental occupé par le Maroc et le délégué permanent du Maroc auprès des Nations Unies Omar Hellal a appelé à « l’indépendance du peuple kabyle » en Algérie.

18 juillet 2021 : l’Algérie rappelle son ambassadeur au Maroc.

25 juillet : le président tunisien Kaïs Saïed limoge le gouvernement, gèle le parlement, suspend l’immunité des députés et prend les pleins pouvoirs.

18 août 2021 : l’Algérie décide de réviser ses relations avec le Maroc.

24 août 2021 : l’Algérie rompt les relations diplomatiques avec le Maroc en accusant celui-ci d’être à l’origine d’incendies meurtriers en Kabylie en liaison avec des mouvements séparatistes.

14 août 2021 : visite du ministre algérien des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, à son homologue turc Mevlut Cavusoglu ; il est parlé de feuille de route et de convergence concernant les questions de la Libye, de la Tunisie et de l’Afrique en général.

9 septembre 2021 : le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra explique lors d’un Conseil de la Ligue arabe qu’ « une analyse de la situation nous fait comprendre que certains cherchent à s’attribuer des rôles influents dans la structure de l’ordre régional et international en établissant des alliances dangereuses dans l’unique but de réaliser des acquis immédiats au détriment des nobles objectifs du système de l’action arabe commune ».

Il y a « des parties [qui] recourent à l’aide et la puissance d’un ennemi historique pour attenter aux frères et s’attaquer directement aux voisins ». L’Agence de presse algérienne APS explique que ces propos font « allusion aux actes perpétrés par le Maroc qui s’allie avec l’entité sioniste pour entamer les intérêts de l’Algérie ».

Ramtane Lamamra s’est rendu dans les jours suivant à Niamey au Niger, Nouakchott en Mauritanie, Le Caire en Égypte, Kinshasa en République démocratique du Congo (qui préside actuellement l’Union africaine, Brazzaville au Congo-Brazzaville (qui préside le Haut comité africain de suivi du dossier libyen).

12 septembre 2021 : début en Azerbaïdjan des manœuvres militaires « Trois frères » avec des forces armées de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et du Pakistan.

22 septembre 2021 : l’Algérie n’autorise plus les avions civils et militaires marocains à la survoler, alors qu’elle ne renouvelle pas le contrat d’acheminement de gaz algérien jusqu’à l’Espagne via le gazoduc Maghreb Europe passant par le territoire marocain.

25 septembre 2021 : à l’assemblée des Nations-Unies le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga explique que « La nouvelle situation née de la fin de Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome avec d’autres partenaires ».

Le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a confirmé que le Mali avait pris contact avec des sociétés privées russes (servant de forces militaires, par ailleurs présentes au Syrie, au Soudan, en Libye, en République centrafricaine et au Mozambique, en Guinée et au Tchad).

28 septembre 2021 : la France annonce la réduction drastique de visas pour les ressortissants du Maroc, de l’Algérie et la Tunisie, au motif que ces pays ne reprennent pas leurs ressortissants expulsés. Conférence de presse du président français Emmanuel Macron et du premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis annonçant un partenariat stratégique.

29 septembre 2021 : l’ambassadeur français à Alger est convoqué et se voit notifier une protestation du gouvernement algérien.

1er octobre 2021 : l’Iran, qui accuse l’Azerbaïdjan de collusion avec Israël, mène de vastes manœuvres militaires à la frontière avec l’Azerbaïdjan, nommées Fatehan-e Khaybar (les conquérants de Khaybar, du nom du village d’une tribu juive conquise par Mahomet).

2 octobre 2021 : Le Monde relate des propos du président français Emmanuel Macron lors d’une rencontre deux jours plus tôt avec des petits-enfants de familles liées à la guerre d’Algérie : il parle d’une haine de la France de la part « du système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle ». Il dit également que le « système algérien est fatigué, le [mouvement de contestation lancée en 2019 et nommé] Hirak l’a fragilisé ».

Enfin, il dénonce la Turquie : « La construction de l’Algérie comme Nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question. Il y avait de précédentes colonisations. Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée. Et d’expliquer qu’on est les seuls colonisateurs, c’est génial. Les Algériens y croient ». 

Le jour même, l’Algérie rappelle son ambassadeur à Paris et ferme son espace aérien aux avions militaires français.

3 octobre 2021 : l’ambassadeur français à Alger est convoqué et se voit notifier une protestation du gouvernement algérien. 80 militaires de l’armée algérienne participent à des manœuvres avec la Russie en Ossétie du Nord. La Russie est le premier fournisseur de l’armée algérienne et sa part a augmenté de 64% entre 2016 et 2020.

4 octobre 2021 : Omer Celik, porte-parole du Parti de la Justice et du Développement du président turc Recep Tayyip Erdoğan, dénonce Emmanuel Macron : « si vous deviez faire une déclaration sur un pays en particulier, pourquoi mariez-vous le nom de la Turquie, de notre président et de l’Empire ottoman dans cette affaire ? »

6 octobre 2021 : en visite à Bamako une seconde fois depuis le 28 août pour rencontrer le colonel putschiste pro-russe Asimi Goïta, le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra déclare que « le président de la République Abdelmajid Tebboune m’a dépêché auprès du Président de la transition et auprès du Premier ministre pour témoigner la solidarité agissante de l’Algérie au peuple, au gouvernement malien, en cette période de l’histoire contemporaine de votre nation avec laquelle nous avons un destin commun ».

7 octobre 2021 : le ministre algérien des affaires étrangères Ramtane Lamamra explique à l’agence de presse turque Anadolu, en marge du sommet Italie-Afrique, qu’il était nécessaire de dénoncer « très fortement » et « très fermement » la position française, et que « quelle que soit la crise que traversent les relations algéro-françaises, elle n’aura pas d’impact sur les relations de l’Algérie avec des pays frères comme la Turquie ». Il a souligné que la Turquie était un « acteur international très important ».

L’important concept de guerre hybride comme masque de la systématisation du militarisme impérialiste

Le concept de guerre hybride est désormais tout à fait établi ; on parle là d’un concept couramment employé par les armées et présenté comme la guerre du futur. Voici l’histoire du concept présenté dans le document « Le piège de la guerre hybride », publié en 2015 par le Laboratoire de Recherche sur la Défense de l’Institut français des relations internationales, un très important club de pensée para-étatique français.

« Le terme de « guerre hybride » (hybrid war) apparaît au mois de novembre 2005 dans un article de deux officiers américains du corps des Marines, le général James Mattis et le colonel Frank Hoffman. Leur objectif est notamment de peser sur le débat autour de la Quadrennial Defense Review (QDR) de 2006 en cours de rédaction.

L’armée américaine est alors empêtrée en Irak et en train de faire demi-tour sur le programme de « Transformation », poussé par Donald Rumsfeld lors de la QDR de 2001.

Là où la Transformation faisait la part belle aux nouvelles technologies et à la réduction des effectifs terrestres, les contraintes de l’occupation irakienne donnent une nouvelle voix aux partisans des « boots on the ground » : c’est l’époque du grand retour de la contre-insurrection qui insiste sur les compétences humaines plus que techniques et invite à repenser le centre de gravité des nouveaux conflits.

Hoffman et Mattis abondent dans ce sens et insistent sur la nouvelle complexité de la guerre moderne qu’ils qualifient pour la première fois d’hybride.

Selon eux l’Amérique serait, dans les années à venir, susceptible d’être confrontée « simultanément à l’effondrement d’un État failli ayant perdu le contrôle de certaines armes biologiques ou balistiques, tout en devant faire face à une violence fondée sur des clivages ethniques, ainsi qu’à des groupes terroristes radicaux ».

Cette nouvelle complexité, dont le tableau rappelle à s’y méprendre l’Irak des années 2003-2004, comporterait un potentiel de déstabilisation plus élevé qu’au cours des décennies précédentes. Le concept demeure cependant théorique et il faut attendre août 2006 avec la campagne israélienne contre le Hezbollah pour le voir prendre corps.

La communauté stratégique est alors surprise par les capacités sophistiquées du Parti de Dieu libanais qui prend en défaut les forces israéliennes, écartelées entre une armée de l’air trop confiante en l’efficacité de ses frappes stratégiques à distance et une armée de terre calibrée sur un conflit de basse intensité dans les territoires palestiniens.

L’idée qui émerge alors est que le « milieu » du spectre a été négligé au profit de ses deux extrémités et qu’il existe désormais des acteurs irréguliers dont les capacités et les compétences n’ont rien à envier à celles de certains Etats (défense sol-air, missiles antichar, drones, etc.) tout en continuant de bénéficier des avantages traditionnels de l’irrégularité (fugacité tactique, asymétrie morale, soutien populaire). »

Au début des années 2000, ce qu’on appelle guerre hybride, c’est en fait d’avoir à faire face à un ennemi qui, même s’il n’est pas une structure étatique, dispose de moyens techniques dont il n’aurait pas pu disposer une vingtaine d’années auparavant.

Pour prendre un exemple concret jamais mentionné, mais de fait tout à fait exemplaire, les Tigres Tamouls au Sri Lanka avaient réussi à mettre en place des mines anti-blindés depuis copiés partout dans le monde, ainsi qu’à réaliser toute une flotte artisanale très variée de semi-sous-marins, de torpilles humaines, de petits patrouilleurs, d’embarcations suicides, de mines marines, etc.

Le concept de guerre hybride a toutefois été totalement modifié depuis, pour ne pas dire révolutionné, et c’est la Russie qui aurait été la première à en formuler une forme concrète, avec l’annexion de la Crimée par des soldats sans uniformes nationaux et la mise en place de pseudo-États dans l’Est de l’Ukraine.

Il a été considéré que l’intervention en Crimée des « petits hommes verts », soldats aux moyens techniques ultra-modernes mais sans appartenance officielle à la Russie, présentait une sorte de nouveau coup dans la gamme des actions possibles, tout comme, de manière relative, la mise en place de structures « étatiques » fantoches pour masquer l’occupation de l’Est de l’Ukraine.

On considère que le théoricien de cette approche nouvelle est Valéri Guérassimov, qui est depuis 2012 chef de l’État-Major général des forces armées de la Fédération de Russie et vice-ministre russe de la Défense. On parle de la doctrine Guérassimov.

Cependant, en réalité, la doctrine Guérassimov exposée lors d’une conférence par ce militaire consistait en une présentation des menaces pesant sur la Russie, considéré comme une pression à la fois technologique, diplomatique, militaire, économique, culturelle, psychologique, etc.

On retrouve à l’arrière-plan la menace que représentent les opérations « oranges » des États-Unis. En effet, si on parle de « révolution orange » pour l’Ukraine en 2004-2005, il faut savoir que cette couleur est typique des pseudos-oppositions mises en avant par la superpuissance américaine dans les pays de l’Est européen durant les années 1980.

Guérassimov pensait également au « printemps arabe », une pure fiction mise en place par les Frères musulmans notamment avec la chaîne du Qatar Al-Jazeerah.

On l’aura compris, la Russie parle de la menace de guerre hybride et les États-Unis également, et l’expression s’est généralisée, au point que la définition de celle-ci apparaît comme toujours très fluide.

La revue de l’OTAN, dans un article de mai 2015 intitulé « La guerre hybride existe-t-elle vraiment ? », présente la « guerre hybride » et dit que sa nature conceptuelle est trop floue, qu’il vaut mieux, par conséquent, s’en passer.

« La récente intervention de la Russie en Ukraine a suscité de nombreux débats sur le recours à la guerre hybride et son efficacité. Il s’agit d’un type de guerre généralement présenté comme alliant guerre conventionnelle et non conventionnelle, guerre régulière et irrégulière, guerre de l’information et cyberguerre (…).

L’idée générale est que les adversaires d’aujourd’hui ont recours à des moyens conventionnels et non conventionnels, réguliers et irréguliers, visibles et dissimulés.

Ils exploitent toutes les dimensions de la guerre pour s’attaquer à la supériorité dont jouit l’Occident en matière de guerre conventionnelle. Les menaces hybrides exploitent pleinement tous les aspects de la guerre moderne : elles ne se limitent pas aux moyens conventionnels (…).

Lors d’une récente rencontre parrainée par l’OTAN et organisée par l’Atlantic Council, les participants ont appris qu’il n’existait « aucune définition unanimement reconnue des termes liés à la guerre hybride ».

Autrement dit, les vingt-huit membres de l’Alliance atlantique ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une définition claire des menaces auxquelles ils sont confrontés.

Comment les dirigeants de l’OTAN pourraient-ils élaborer une stratégie militaire efficace s’ils ne peuvent définir ce qu’ils considèrent comme la principale menace du moment ?

Je recommande donc que l’OTAN et les autres décideurs occidentaux oublient toutes les références à l’« hybridité » et qu’ils se concentrent sur la spécificité et l’interconnexion des menaces qui se présentent à eux. »

C’est que les militaires impérialistes sont coincés, du fait de leur incapacité à porter un regard historique. Car il n’y a en réalité rien de nouveau avec la « guerre hybride » et on parle là simplement du militarisme impérialiste de l’époque de la guerre atomique.

Les années 1960-1970-1980 ont ainsi déjà connu une telle guerre « hybride », celle-ci s’arrêtent en cours de route en raison de l’effondrement de la superpuissance social-impérialiste soviétique, qui était alors la force la plus agressive dans le monde et qui a été cassé dans son élan.

Cependant, comme les années 1990-2000-2010 ont été marquées par une paix impérialiste, avec une grande expansion du capitalisme, il n’y a plus eu un tel militarisme impérialiste.

Il reprend désormais avec la seconde crise générale du capitalisme et cela apparaît comme « nouveau », alors que c’est la simple reprise de ce qui existait au moment de l’affrontement entre les superpuissances américaine et soviétique.

Il suffit par exemple de penser à l’Afghanistan. Les Soviétiques envahissent le pays à l’appel d’une faction pro-soviétique soutenue à bout de bras pour justifier l’invasion, alors que par la suite les Américains arment les rebelles musulmans par l’intermédiaire de l’Arabie Saoudite, en fournissant des armes soviétiques pour ne pas officialiser trop bruyamment leur action.

On peut penser aussi aux ordinateurs soviétiques des années 1980, consistant en un pillage des conceptions américaines, ou à la contre-guérilla américaine consistant en des actions armées ciblées contre par exemple les cadres du Black Panther Party et de l’American Indian Movement. On notera que les actions menées ici, sous l’égide du COINTELPRO, utilisaient également la diffamation, l’agression, le sabotage, etc.

On notera également que cela pouvait se dérouler en dehors des États-Unis, avec ainsi un soutien aux groupes fascistes italiens posant des bombes dans des lieux publics pour mettre en place une stratégie de la tension.

Pareillement, les « barbouzes » français ont liquidé des indépendantistes algériens puis des partisans de l’OAS, les services secrets espagnols ont tué des cadres basques dans le sud France, l’Allemagne de l’Ouest a aidé le FLN algérien et des néo-nazis poseurs de bombes dans le Tirol du Sud italien, etc.

Tout cela est de la guerre « hybride ». Mais alors qu’est-ce que la guerre hybride ? En quoi doit-on la définir comme le masque du militarisme impérialiste de l’époque de la guerre atomique ?

C’est relativement simple à comprendre. La concurrence entre États se doit de respecter un cadre diplomatique pour ne pas basculer dans un conflit ouvert non désiré. Cependant, lorsqu’il y a la crise générale du capitalisme, beaucoup de barrières tombent et la prise de risques est plus grande.

Ce qu’on ne voulait pas espionner ou saboter auparavant, car cela risquait de provoquer un éventuel trouble, désormais on le fait.

La présence de l’arme atomique modifie cependant cette prise de risques, au sens où le risque d’une éventuelle escalade pose tout de même un problème majeur. Le souci n’est pas l’arme atomique, en fait, mais qu’il n’y ait que l’arme atomique. C’était le problème des années 1960 pour les superpuissances américaine et social-impérialiste soviétique : entre les frictions et l’utilisation des bombes atomiques, la gamme de ce qui existait était très faible.

C’est sur ce terrain que s’est développée la « guerre hybride » en multipliant dans tous les domaines les champs d’intervention, et cela d’autant plus que l’expansion capitaliste ouvrait de nouvelles possibilités culturelles ou technologiques.

L’idée est de conquérir des espaces dans le camp de l’ennemi lui-même, afin de l’affaiblir, voire de provoquer des troubles, mais de telle manière que cela apparaisse comme interne. Cette dimension « interne » est censée avoir plus d’impact, et qui plus est protège en apparence puisqu’il n’y a pas d’intervention extérieure visible de manière claire.

Et cela peut atteindre la dimension d’un territoire. On parle aujourd’hui des pseudos-républiques populaires de Louhansk et Donetsk mis en place par la Russie à l’Est de l’Ukraine. Mais la superpuissance américaine l’a déjà fait dans le passé, Ulrike Meinhof constatant en 1976 que des morceaux de pays ont été conçus par les États-Unis comme des bases opérationnelles : l’Allemagne de l’Ouest, la Corée du Sud, le Vietnam du Sud.

Toutefois, c’est là quelque chose de plutôt rare. Plus couramment, il y a des couches vendues à une superpuissance, comme les partis pro-Russie actuellement en Ukraine ou le Parti « Communiste » Français des années 1960-1970-1980, totalement un satellite soviétique, entièrement au service du social-impérialisme soviétique.

On remarquera d’ailleurs ici une chose : la Fraction Armée Rouge fut littéralement obsédée par cette question de la mise en place d’interventions impérialistes pour instaurer un terrain favorable ; elle visait l’« agglomération », le « formatage » réalisé par l’impérialisme pour s’établir une base toujours plus solide.

C’est d’ailleurs le cas pour les Brigades Rouges italiennes, Action Directe en France à partir de 1984, le DHKP/C en Turquie. Pour le DHKP/C, toutes les grandes décisions étatiques avaient comme source le MGK (le Conseil national de sécurité, mis en place par l’armée). La résolution de la direction stratégique d’avril 1975 des Brigades Rouges dit ainsi que :

« Il apparaît clairement que ‘‘crise de l’impérialisme’’ dans l’immédiat, ne signifie pas ‘’effondrement’’ mais contre-révolution impérialiste globale, c’est-à-dire :

a) restructuration des modèles économiques de base ;

b) restructuration rigidement planifiée des fonctions économiques à l’intérieur d’une division internationale du travail et des marchés ;

c) réajustement des structures institutionnelles, militaires et étatiques des régimes moins stables et plus menacés dans le cadre de l’ordre impérialiste. »

Ainsi, on peut voir une tendance assez prononcée à raisonner en termes de « plans impérialistes ». Car là est le risque : si l’on parle de guerre hybride, alors on parle de choix de la mener, et on a vite fait de basculer dans la conception erronée d’un capitalisme qui est conscient de lui-même, qui pense, qui prévoit et établit des « plans ».

Or, il ne peut pas y avoir de « plan », et donc pas de « guerre hybride » qui soit « consciente ; il n’y a pas lieu de tomber dans une lecture « géopolitique » (on trouvera d’ailleurs dans Crise n°12 un intéressant débat italien sur cette question de la « photographie » des rapports inter-impérialistes).

La guerre hybride est toujours une poussée, dans le sens d’une opportunité qu’un pays impérialiste (ou expansionniste) se voit obliger de saisir parce qu’il est irrémédiablement forcé par la crise générale du capitalisme et la sienne en particulier.

La Russie ne choisit pas de saboter l’existence de l’Ukraine, elle y est forcée de par sa propre situation.

Et cela, comme les gens le voient sans en avoir une conscience juste, est détournée par les nationalistes ukrainiens (ou polonais) comme quoi la Russie serait une entité maléfique « en soi ».
Les impérialistes français tentent de présenter la Chine et la Turquie sous le même jour, assimilant les poussées de leur régime à la nature même d’un pays.

Ce qu’on appelle guerre hybride, c’est en fait la généralité de la compétition pour le repartage du monde et donc la systématisation du militarisme, qui prend le masque du militarisme du concurrent.
La guerre hybride, c’est toujours celle de l’autre – personne ne prétend la faire, chaque force argumentant qu’elle ne fait que répondre à celle entreprise par l’adversaire.

C’est cela, la véritable nature de la « guerre hybride », cette systématisation des interventions plus ou moins feutrées dans le camp du concurrent pour l’affaiblir de manière interne, afin d’être plus fort à terme pour la confrontation – conflagration.

« Une propagande démagogique parallèle à celle de Poujade parmi les commerçants »

Pendant la seconde guerre mondiale, Henri Dorgères a été un cadre paysan du pétainisme, tout en aidant de nombreux prisonniers de guerre à s’évader. Il est condamné à dix ans d’indignité nationale mais immédiatement amnistié pour services rendus à la Résistance.

Aux élections législatives de janvier 1956, il est élu député d’Ille-et-Vilaine dans le cadre du mouvement de Pierre Poujade, l’équivalent de Henri Dorgères pour les commerçants et à la tête depuis 1953 d’une Union de défense des commerçants et artisans.

Pierre Poujade

Jean-Marie Le Pen est alors un cadre poujadiste et le plus jeune député de France à 27 ans ; il faut mentionner également Jean Dides, autre cadre poujadiste élu et jouant un rôle du plus haut niveau dans l’appareil policier.

Le journal du MRAP Droit et Liberté écrit dans un article du 20 janvier 1956 intitulé « Dorgères : antiparlementaire de naissance » :

« condamné à une peine dérisoire après la Libération, il reprend peu à peu ses activités. Il mène dans les milieux agricoles une propagande démagogique parallèle à celle de Poujade parmi les commerçants. Ses agents et ceux de Poujade coopèrent à maintes occasions dans l’Ouest »

Au cours de l’été et l’automne 1955, les troupes poujadistes, accompagnés de certains fidèles de Henri Dorgères, mènent l’action directe anti-fiscale. En août 1955, la perception de Léoville en Charente-Maritime est pillée et saccagée ; le 21 septembre ce sont de violentes émeutes à Chartres, avec le pillage quelques jours plus tard des perceptions à Aigrefeuille et Pont l’Abbée-d’Arnoult.

Dans certaines de ces manifestations, les orateurs fustigent « une colonisation de la France en des termes que le décret Marchandeau interdit de rapporter ». Édicté en avril 1939, le décret Marchandeau modifie la loi sur la liberté de la presse de 1881 afin d’autoriser des sanctions pénales vis-à-vis des propos antisémites ou « haineux ».

Mais pour Henri Dorgères, le cycle historique était fini. Le terrain social et culturel qui l’avait fait naître et l’avait développé s’asséchait toujours plus vite : à partir des années 1960, la paysannerie n’était plus le lieu névralgique de la contestation petite-bourgeoise.

L’intergroupe parlementaire qu’il fonde en 1957, réunissant une partie des poujadistes, et une partie des indépendants comme Paul Antier dans le l’inter-groupe « Rassemblement Paysan » ne pouvait qu’échouer.

La paysannerie était dorénavant plus homogène et solidement encadrée par la FNSEA qui puisait dans les notables de la Corporation paysanne de Vichy, gérant l’agriculture en « cogestion » avec l’État, dans le cadre de la modernisation capitaliste passant par l’intégration de l’agriculture dans le marché commun européen.

La pression des monopoles et la menace de prolétarisation allait toucher essentiellement l’artisanat et le petit commerce avec l’arrivée des grands supermarchés, rappelant ainsi les débuts politiques d’Henri Dorgères dans la « Ligue des contribuables ».

C’est le sens de l’Union de défense des commerçants et artisans e Pierre Poujade, mais aussi, dans les années 1970, de Gérard Nicoud et son Comité d’Information et de Défense, qui devint la Confédération intersyndicale de défense et d’union nationale des travailleurs indépendants.

Un vinyl 33 tours de Gérard Nicoud avec un discours tenu à Lyon en 1971

Il n’empêche qu’Henri Dorgères a permis de diffuser dans les campagnes ce qui s’avère être une tradition politico-culturelle : l’action directe antiparlementaire visant à s’opposer à la prolétarisation de la petite-bourgeoisie. Il y a, dans cette tradition, un socle commun composé des valeurs suivantes :

  1. antiparlementarisme ;
  2. apolitisme et incapacité organisationnelle durable ;
  3. admiration-répulsion pour la Gauche ouvrière comme modèle et contre-modèle ;
  4. populisme ;
  5. romantisme anti-État ;
  6. discours anti-fiscal accompagné de demandes de soutien étatique.

Le dorgérisme est ainsi une préfiguration de nombreux mouvements de la contestation française, comme partie intégrante de l’histoire de la France : poujadisme, bonnets rouges, gilets jaunes, etc.

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Henri Dorgères et les chemises vertes

La corporation paysanne, l’élan vers les années 1960

Depuis la fin de l’année 1935, le Front paysan vivote cependant pour n’être plus qu’un réseau, principalement grâce à un nouveau journal lancé par Henri Dorgères et Jacques Leroy-Ladurie, Le cri du sol.

C’est le rapport avec la droite agrarienne qui pose souci et la rupture est consommée en 1938 ; en mai 1937, Henri Dorgèes n’est pas invité au congrès paysan de l’UNSA et Jacques Leroy-Ladurie, président de l’UNSA anciennement lié au Front paysan, écrit en septembre l’article « silence aux incapables ».

Le document « Vers une politique paysanne » sert de base à la droite agrarienne, qui se réoriente vers une politique où la corporation paysanne devient une manière d’influencer directement la politique agricole de l’État.

Dans la même perspective, en 1937, Rémy Goussault, président de l’Association Générale des Producteurs de Blé publie « le fait paysan et le fait syndical » ; Louis Salleron, ancien secrétaire de Jacques Bainville à la Revue universelle et véritable idéologue de l’UNSA, propose « un régime corporatiste pour l’agriculture ».

Ainsi, en 1938, lors de l’application de la loi sur les allocations familiales, Henri Dorgères s’y oppose comme une interférence « étatique » alors que la droite agrarienne y voit une opportunité pour rattacher leurs organisations syndicales et ainsi fonder la corporation.

La création de la corporation paysanne en décembre 1940, après la défaite face à l’Allemagne nazie, confirme ce changement de rapport de forces dans le mouvement agrarien une fois le pétainisme instauré.

Henri Dorgères reçoit la francisque et continue à diffuser le Cri du sol, mais il est mis de côté pour les fonctions essentielles. Le maréchal Pétain se prononce pour un régime corporatif défendant la propriété familiale. En avril 1941, à Toulouse, il déclare :

« Grâce à un programme agraire méthodiquement conçu, nous développerons le nombre des propriétés paysannes ou familiales qui favorisent l’accès des salariés à l’exploitation et multiplieront ainsi sur des bases solides, le nombre des belles familles terriennes. »

La corporation paysanne avait été instaurée le 2 décembre 1940. Louis Salleron en avait rédigé le texte, et les responsables régionaux étaient tous issus de la droite agrarienne.

Intégrée dans quelques régions, la « défense paysanne » ne fut donc pas la véritable colonne vertébrale de la Corporation mais bien les anciens notables du PAPF et de l’UNSA comme Rémy Goussault, le comte de Guébriant, Pierre Caziot, Leroy-Ladurie…

En 1946, les principaux chefs de l’UNSA fondèrent la FNSEA et impulsèrent un modèle de cogestion de l’agriculture entre le corporatisme professionnel et l’État.

L’intégration au marché européenne avec les lois de 1960 et 1962 aboutit ensuite au regroupement des exploitations en les concentrant, tout en modernisant les outils de travail et en développement l’exploitation laitière et l’élevage (très faible dans les années 1920-1930).

Le Parti Communiste devenu révisionniste mit en place, de son côté, en 1959, le Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) afin de s’opposer de manière populiste-petite-bourgeoise à la concentration agricole.

Dans « Vers l’émancipation paysanne », l’un de ses dirigeants Waldeck Rochet fustige ainsi « l’élimination de la petite production par la grande », ayant pour conséquence que « les 4/5 de petits exploitants qui existaient il y a 50 ou 60 ans sont devenus de simples prolétaires ».

C’était là reprendre la ligne de Renaud Jean, pourtant critiquée par Lénine, ainsi que lors du IVe congrès de l’Internationale Communiste, et pouvant désormais pleinement se développer avec le révisionnisme.

Les années 1960 marquent pourtant en même temps la fin de la « question paysanne » par le biais de la modernisation capitaliste. Henri Dorgères écrivit de son côté une sorte de bilan critique dans « Au XXe siècle : 10 ans de jacquerie » publié en 1959, fantasmant sur une paysannerie populiste dont le style se généraliserait :

« Et si nous n’avions pas trouvé chez les ouvriers et si nous n’avions pas trouvé chez les commerçants, les artisans, les industriels et chez ceux qui exerçaient des professions libérales, des groupements poursuivant un combat parallèle au nôtre, nous avions l’espoir pourtant de pouvoir les susciter. »

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Henri Dorgères et les chemises vertes

1934-1937 : la ceinture verte contre la ceinture rouge

La poussée fasciste du 6 février 1934 a essentiellement été une action parisienne. Elle a rassemblée les ligues d’extrême droite implantées surtout dans le monde urbain. Pour Henri Dorgères, il fallait absolument imposer une stratégie « rurale », « paysanne » de la contestation antiparlementaire, antisémite, anticommuniste.

Avec le Front paysan, il s’imagina un grand rôle national et s’acheta un appartement à Paris. Il multiplia les meetings, parfois en compagnie des chefs fascistes comme Taittinger ou La Rocque, à la fin de l’année 1934, meetings qui débordaient régulièrement en des agitations tapageuses.

La défense paysanne se posait comme l’incontournable outil pour le renversement du régime, par un biais illégal mais passif, une sorte de « désobéissance civile » :

« Prendre le pouvoir légalement, c’est-à-dire électoralement, nous semble une chimère, mais prendre le pouvoir de force nous semble également impossible tant que les dirigeants de ce pays auront la volonté de défendre le régime.

Ils disposent de tant de gardes mobiles, de tant de mitrailleuses que je recule d’effroi, pour ma part, devant le fleuve de sang que ferait couler une telle opération.

Mais la prise illégale du pouvoir me semble possible si nous amenons nos dirigeants à abdiquer.

De nombreux régimes ont ainsi abdiqué en France et, récemment encore, des gouvernements qui avaient des majorités parlementaires importantes ont fui sous la poussée de l’opinion publique.

Cette poussée, il faut l’exercer de telle sorte que la somme des inconvénients du pouvoir devienne pour nos politiciens plus grande que la somme de ses avantages. »

À la suite des élections municipales de mai 1935, qui voient la forte progression communiste dans la banlieue parisienne, voici ce qu’en dit Henri Dorgères dans un article au titre explicite « La ceinture rouge, soit, nous ferons donc la ceinture verte » :

« Le danger communiste existe aussi bien dans les fermes des environs de Paris que dans les boutiques petites et grandes de la capitale.

Or, les cultivateurs de la grande banlieue ne sont pas organisés en vue de la lutte contre le communisme.

Ils possèdent des associations professionnelles prospères, mais qui ne peuvent se battre sur ce terrain.

Par contre, des groupements de défense paysanne ne s’occupant ni de coopérations, ni de mutuelles, pourraient fort bien remplir ce rôle.

Autour de la ceinture rouge, ils pourraient établir une ceinture verte fort utile à la fois pour défendre leurs intérêts matériels et pour maintenir en respect les éléments révolutionnaires de la banlieue. »

C’est une véritable stratégie d’encerclement des mairies socialistes et communistes qui est « reprise » par les Croix de feu du colonel de la Rocque. Après une réunion parisienne « secrète » des Croix de feu début octobre 1935, Le Populaire (socialiste) écrit :

« le colonel de La Rocque a prouvé l’authenticité de nos révélations. S’adressant à ses gradés parisiens rassemblés lundi soir, salle Wagram, avec leurs hommes de confiance, il s’est écrié :

« Les cadres de la région parisienne seront la clef de la situation et les camarades de province on les yeux tournés vers eux, car ils savent que lorsque Paris aura donné le signal, la province devra les appuyer en immobilisant la ceinture rouge et EN MENANT L’OFFENSIVE parallèlement à celle de Paris.’’

Pour cette opération dont les chefs de l’armée de la tête de mort ne se dissimulent pas la difficulté, elles seront appuyées par les « chemises vertes » de Dorgères, venant principalement des départements normands : ‘‘à la ceinture rouge, a déclaré un chef Croix de feu, nous opposerons la ceinture verte !’’ »

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Henri Dorgères et les chemises vertes

Les chemises vertes, une mystique anticommuniste

Profitant de son implantation et des succès populistes de son agitation, Henri Dorgères fait alliance la droite agrarienne dans le cadre du Front paysan, juste quelques mois après le 6 février 1934 donnant lieu un sursaut populaire antifasciste dans tous les pays.

Il écrivait encore, en mars 1934, dans le journal le Progrès Agricole de l’Ouest :

« Pour ma part, je crois au développement d’un mouvement de genre fasciste »

Et en décembre 1935, il dit pourtant :

« je ne suis ni fasciste, ni antifasciste, je suis pour l’ordre, la justice, la propriété »

C’est une simple ré-orientation tactique, pour contourner le front antifasciste, en maniant l’apolitisme pour mieux mobiliser la paysannerie sur la base du « bon sens » communautaire.

L’Humanité raconte un épisode avec les chemises vertes et les agrariens

D’ailleurs, c’est au tournant de l’année 1934-1935 que la « défense paysanne » se dote d’un véritable service d’ordre du mouvement ; auparavant, Henri Dorgères avait profité des « dispos » des Croix de feu de La Rocque pour assurer certaines de ses réunions.

C’est que le Front paysan oblige à une certaine autonomie, du moins en apparence. Ainsi sont lancées les « Jeunesses paysannes » dirigées par Modest Legouez qui, calquées sur le modèle des Jeunesses Patriotes de Pierre Taittinger, vise surtout à contrer la gauche.

Voici comment Henri Dorgères présente une anecdote sur ces « chemises vertes » :

« Les socialistes et les communistes ont annoncé une contremanifestation et nos amis ont pris leurs précautions. Une centaine de jeunes paysans portant une chemise verte, assurent le service d’ordre.

300 gueulards veulent forcer l’entrée de notre salle. Ils sont éjectés en vitesse et courent se mettre à l’abri derrière les gardes mobiles qui ont été mobilisés. »

Cette jeunesse paysanne de type fasciste a un uniforme (chemises vertes) et toute une panoplie militante. Au serment de fidélité « croire, obéir, servir », calqué sur le « Croire, Obéir, Combattre » fasciste italien, s’accompagne d’un insigne où une fourche et une faux s’entrecroise sur une gerbé de blé.

Existent même des disques vinyles avec des chants d’un côté et les discours de Herni Dorgères de l’autre ; la brochure « Haut les fourches » est diffusée à plus de 100 000 exemplaires.

L’organisation développe alors son propre organe de presse du même nom que la brochure, devenant même un slogan lors de manifestations ou d’oppositions aux vente-saisies ou à la gauche socialiste et communiste.

Il y aura des tentatives de sections sportives, des groupes de théâtres ruraux ; l’insigne « haut les fourches » est même un label de qualité déposé sur les bouteilles de vin, notamment pour les vignerons de la Loire.

Jean Bohuon, l’ancien cultivateur-cultivant rallié à la défense paysanne déclare au congrès officiel des Jeunesses paysannes de décembre 1935 à Bannalec, dans le finistère :

« Nous les vieux, on lutte pour la revalorisation des produits agricoles, vous les jeunes, vous devez lutter pour la revalorisation des consciences. »

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Henri Dorgères et les chemises vertes

Le Front paysan, front de la droite agrarienne

La chute du prix du blé entraîne entre 1933 et 1935 une crise des ciseaux. Les paysans sont moins bien payés alors que le coût d’investissement est resté le même. L’augmentation des cotisations sociales et l’exode rural des ouvriers agricoles rend la situation intenable, d’autant plus que les paysans-propriétaires, appuyée par la droite, se refuse à toute mécanisation.

En 1927, Gabriel Fleurant dit « Agricola », président de l’Union des paysans de l’Oise, fonde le Parti agraire paysan français (PAPF). Il se veut apolitique et corporatiste et souhaite offrir une passerelle politique pour envoyer des « députés paysans ».

En 1934, la puissante Union Centrale des Syndicats Agricoles (regroupant des gros propriétaires) passe sous la présidence de Jacques Leroy-Ladurie, issue de la grande famille normande ; elle devient l’UNSA (union nationale des syndicats agricoles) qui se proclame l’outil de « l’émancipation paysanne » et profite des fonds de la banque Worms grâce à Gabriel Leroy-Ladurie, frère de Jacques.

C’est l’aboutissement d’une fracture née à la fin du XIXe siècle au sein du syndicalisme agricole. L’UNSA est le prolongement du syndicalisme d’obédience catholique, connue sous le nom de « Rue d’Athènes » du fait du lieu de son siège social à Paris.

L’autre, de nature républicaine, dit du « boulevard Saint-Germain », pareillement en raison de l’adresse (en l’occurrence de la Société des agriculteurs de France), souhaitait une fusion avec les mutuelles agricoles, très liées aux républicains radicaux-socialistes depuis la fin du XIXe siècle, et offrant des crédits aux paysans. C’est une logique très affairiste et libérale de l’agriculture.

Il faut noter tout de même que des régions comme le midi, le centre et le sud-ouest restaient des zones rurales acquises à la gauche, socialiste ou communiste.

Avec la tension des années 1930, les agrariens-catholiques forment le bloc le plus actif, combinant finalement le style antiparlementaire porté par Henri Dorgères et la tradition catholique-conservatrice de la droite agrarienne traditionnelle.

Henri Dorgères

À l’été 1934, c’est la naissance du Front paysan réunissant la « défense paysanne », le PAPF et l’UNSA, avec Henri Dorgères, Jacques Leroy-Ladurie et Pierre Mathé (militant lorrain du PAPF) comme figures notables.

L’expérience du Front paysan marque les esprits avec de grandes rassemblements dans le nord et l’ouest du pays ; il y a ainsi 5 000 personnes à Caen le 29 septembre 1934.

Le 1er octobre 1934, ce sont 25 000 personnes réunies à Rennes, avec des pancartes « pas d’argent, pas d’impôts », « a bas la déflation des prix », « Front Paysan », « ruiner le paysan, c’est ruiner la France ».

Des journaux locaux comme l’Action paysanne à Toulouse soutiennent l’élan ; de son côté, Henri Dorgères écrit en 1935 une petit brochure militante intitulée « Haut les fourches ! », conforme au style fasciste :

« À la République parlementaire et individualiste qui divise et qui corrompt, la paysannerie désire de plus en plus voir substituer une République corporative et familiale.

Pour nous, la souveraineté dans l’État doit résider dans le métier, qui assure la vie matérielle des individus ainsi que la prospérité de la nation, et dans la famille qui en garantit la continuité. »

Lors d’une élection législative partielle à Blois en mars 1935, Henri Dorgères est investi par le Parti agraire paysan français et parvient au second tour. C’est une des premières confrontations entre le Front paysan, soutenu par toute la droite, et le front commun antifasciste qui soutiendra au second tour le candidat radical-socialiste finalement vainqueur.

Henri Dorgères

Le journal de la SFIO, Le Populaire, titre le premier avril : « le fasciste-royaliste Dorgères, pseudo-paysan et démagogue est battu à Blois ! »

Henri Dorgères et son mouvement incarne alors clairement le fascisme rural. Le 27 juillet, le journal antisémite « Je suis partout » écrit :

« Ce qui compte, heureusement, ce sont les ligues nationales, ce sont les groupements de « Défense paysanne », dont nous avons, dès l’origine, souligné ici le caractère (Famille, Région, Pays, Métier) et la portée sociale et nationale. Avez-vous vu lu Haut les fourches, le premier livre où M. Henri Dorgères exprime ses vues simples, claires et saines ?

Achetez et lisez Haut les fourches. Ne décourager pas les « condamnés de Rouen ».

Bourgeois des villes, comprenez-vous que les Henri Dorgères, Les Mathé, les Leroy-Ladurie sont seuls capables de vous éviter une « Jacquerie » ? 

Sans eux, la paysannerie française mal informée et exaspérée par les sacrifices qu’on lui impose sans profit pour les consommateurs, passerait au communisme.

Capitalistes, grands financiers, ne gaspillez plus vos millions pour corrompre les hommes et les partis de gauche et d’extrême-gauche. Vous avez devant vous des forces jeunes et incorruptibles, lesquelles vous vaincront. »

Le 25 août 1935 au parc des expositions à Rouen, un meeting du Front paysan rassemble 10 000 personnes, avec 30 départements représentés, en présence de Jacques Leroy-Ladurie et de Pierre Mathé. Des hauts parleurs sont placés pour que les nombreuses personnes massées en dehors écoutent les discours.

Ce meeting vise à soutenir Henri Dorgères qui était mis en accusation pour atteinte au crédit de l’État après des appels à refuser l’impôt et se retirer des caisses de dépôts.

Cela intervient quelques semaines après le serment antifasciste des socialistes et des communistes à Paris, le 14 juillet.

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Henri Dorgères et les chemises vertes

L’Humanité sur l’incident de Bray-sur-Somme

Voici ce que dit l’Humanité au sujet de l’affaire Salvaudon.

La démonstration pro-fasciste du koulak de Bray-sur-Somme, 20 juin 1933

Quatre paysans ont été blessés dont un grièvement par les grades mobiles

Le bilan des brutalités policières de dimanche à la terme de Bray-sur-Somme, se traduit par 4 paysans blessé, dont un grièvement.

Le gros propriétaire terrien Salvaudon, soutenu par les chefs fascistes de la ligue des contribuables et les Dorgères et Delhay, dirigeants d’une organisation agraire-fasciste de l’ouest, avait fait appel aux petits paysans, aux ouvriers agricoles, amenés par les koulaks, la contrée.

Pour leur agitation fasciste, pour la défense de leurs propres intérêts, les capitalistes de la terre exploitent la misère gui augmente à la campagne chez les petits paysans qui eux, ne font pas des « démonstrations » à la manière du koulak de Bray, mais veulent lutter contre la misère, contre les saisies véritables !

Saisies dont la menace plane sur eux de plus en plus, aussi bien de la part des gros propriétaires que de l’Etat bourgeois – l’Humanité ne signalait-elle pas samedi dernier, le cas d’un petit paysan menacé de saisie par le Crédit agricole ?

Le gouvernement de gauche ne trouve pas de crédits pour les petits paysans, mais il trouve des sommes énormes pour son armée de mercenaires qui, comme hier, frappaient à coups de sabre paysans pauvres et ouvriers agricoles, trompés par la démagogie des chefs fascistes à la d’Anthouard et à la Dorgères !

L’exemple des petits vignerons

Nous devons être dans toutes les manifestations paysannes, en développant nos revendications précises, pour combattre la démagogie fasciste, pour éclairer les exploités qui, comme hier, ont suivi les émules du baron d’Anthouard, pour briser le « bloc rural » chez à MM. les chefs verts, admirateurs de Hitler.

Et, dans ces manifestations, et partout à la campagne, il faut populariser l’exemple des petits vignerons du Bitterois qui, brisant le « bloc viticole », ont soutenu activement les ouvriers viticoles en grève contre les vinassiers – l’ennemi commun.

Les sept arrêtés avant-hier à Brai, ont vu leur mandat d’arrêt confirmé. Ils passeront prochainement devant le tribunal correctionnel de Péronne.

Parmi eux, on sait qu’il y a les chefs agraires Dorgères et Delhay.

Gageons que leur condamnation (?) sera plus faible que celle que le gouvernement de gauche a fait prononcer contre les ouvriers agricoles de Capestang qui eux luttaient pour leur pain ! »

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Henri Dorgères et les chemises vertes