Le japonisme

En juillet 1853, le commandant de marine américain Matthew Perry débarqua avec plusieurs navires sur les côtes japonaises et exigea d’être reçu par le gouvernement, ce qui fut fait. Il réitéra en février 1854 pour exiger l’ouverture de l’économie japonaise, avec différents traités, ce qui fut obtenu, aboutissant à l’effondrement du pouvoir en place qui maintenait jusque-là le Japon dans l’isolement international.

Ce furent alors les grands propriétaires terriens et les grands capitalistes qui prirent le pouvoir au Japon, l’empereur étant leur représentant, amenant le pays, majoritairement agricole et arriéré, à voir émerger toute une frange capitaliste monopoliste immédiatement tourné vers le militarisme.

Cette ouverture internationale du Japon eut un grand retentissement culturel, avec notamment la diffusion des estampes, notamment de Katsushika Hokusai, et du style japonais dans les meubles ou encore certains petits objets comme les vases, les tasses, les sabres, les éventails, les ombrelles, etc.

Cela produisit un phénomène appelé le japonisme, particulièrement fort en France, pays qui signa un traité commercial avec le Japon en 1848, alors que ce pays fut présent à l’exposition universelle de Paris de 1867.

Une figure majeure ici fut le capitaliste allemand Siegfried Bing (1838-1905), qui ouvrit une boutique à Paris, dont l’une des expressions fut la revue Le Japon artistique, documents d’art et d’industrie ; il faut également mentionner un Japonais, Hayashi Tadamasa, qui possédait également une boutique parisienne.

Il faut souligner le double caractère du japonisme. D’un côté, c’est une simple consommation exotique pour une bourgeoisie aisée cherchant des motifs pour être remarquée, ainsi qu’une fascination cosmopolite pour des « artistes » prétendant trouver de nouvelles voies pour l’art et ainsi surtout faire carrière.

On a pour ce dernier point un paradoxe historique où le subjectivisme d’une bourgeoisie développée prend l’art d’une bourgeoisie émergente pour insister sur ses faiblesses afin de rejeter le réalisme.

De l’autre il y a une vraie curiosité à la fois internationaliste et productive, lié à l’existence encore relativement forte d’artisans liés à la création industrielle. C’est une rencontre produite par l’accroissement des forces productives.

On lit ainsi dans le premier numéro de la revue Le Japon artistique, documents d’art et d’industrie, dans l’article introductif :

« Elle [cette publication] s’adresse tout particulièrement aux nombreuses personnes qui, à un titre quelconque, s’intéressent à l’avenir de nos arts industriels, à vous notamment, ouvriers modestes ou grands manufacturiers, qui avez un rôle actif dans cette partie de notre force productive.

Dans les nouvelles formules d’art qui nous sont venues de la côte la plus extrême de l’Extrême-Orient, nous avons en effet à chercher quelque chose de plus qu’un régal platonique pour nos dilettantes d’humeur contemplative.

Nous y trouverons des exemples dignes à tous égards d’être suivis, non certes pour ébranler les bases de notre vieil édifice esthétique, mais pour venir ajouter une force de plus à toutes celles que depuis des siècles nous nous sommes appropriées pour en étayer notre génie national. »

Il s’agit pour la revue de présenter

« tour à tour des paysages vaporeux et des études de fleurs ou d’oiseaux, des scènes de vie populaire, et jusqu’aux types étranges de la comédie mystique dont les masques expressifs ne le cèdent en rien à leurs congénères de la Grèce antique. »

Le public visé est défini comme suit :

« L’Amateur spécial et l’artiste,

L’industriel et l’artisan,

L’Homme du monde que séduit toute production élégante de l’art »

C’est là d’un côté une approche nullement cosmopolite, mais bien au contraire allant dans le sens de la synthèse et on doit y voir ici une tendance strictement parallèle à l’art nouveau viennois, avec son souci d’esthétiser la vie quotidienne, en cherchant à s’appuyer sur une partie de la bourgeoisie encore industrieuse et cultivée.

C’est de l’autre côté une lecture cosmopolite visant à ouvrir des perspectives en apparence, mais en réalité à pratiquer la liquidation du réalisme au nom de la « modernité ». On a ici affaire à l’impressionnisme. On a ainsi Claude Monet, Edgar Degas, Camille Pissarro, Henri de Toulouse-Lautrec… qui collectionnaient les estampes japonaises, Vincent Van Gogh prétendait s’inspirer de l’art japonais, etc.

Vincent Van Gogh : La Courtisane (d’après Keisai Eisen), 1887,
Pruniers en fleurs (d’après Hiroshige), 1887
Père Tanguy, 1887

Ainsi, au-delà de l’inspiration, le japonisme apparaît comme l’idéologie d’une sorte d’utopie artistico-bourgeoise, porté par des artistes et intellectuels se reconnaissant de fait sans le savoir dans l’art japonais une bourgeoisie émergente et s’élançant, dont on pourrait en quelque sorte happer les forces historiques.

Le compromis historique fantasmé entre esthétisme et capitalisme qu’on trouve ici à l’arrière-plan se résume parfaitement dans la formule comme quoi les Japonais seraient « les premiers décorateurs du monde » : l’art appliqué, en tant que décoration, est dans ce cadre un savant équilibre entre une activité artistique réelle et une consommation bourgeoise.

De manière idéaliste, la bourgeoisie japonaise émergente proposant une activité réaliste de conquête du monde artistique japonais est « oubliée » et l’art japonais idéalisé est interprété comme une conception universelle d’embellissement de la vie quotidienne.

Le caractère idéaliste de cette lecture se révéla rapidement avec l’oubli complet de cette question esthétique pour un japonisme se réduisant entièrement à une consommation chic de la bourgeoisie parisienne et à un prétexte pour un renforcement de l’affirmation subjectiviste de l’impressionnisme en peinture.

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Katsushika Hokusai et les « Cent vues du mont Fuji »

Katsushika Hokusai est né en 1760 et décédé en 1849 ; durant les années 1830, il considéra qu’il avait encore passé un cap et publia une centaine de dessins au trait, les Cent vues du mont Fuji. Il y explique la chose suivant dans la postface :

« Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans.

C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc.

Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant.

Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens parole. Écrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin »

Il est formidable de voir comment Hokusai avait compris qu’il était sur un chemin d’approfondissement du réalisme. Voici les œuvres les plus significatives des Cent vues du mont Fuji, qui n’ont pas la profondeur des Trente-six vues du mont Fuji en raison de l’absence de couleur et de la non utilisation du principe de l’estampe, mais qui soulignent son avancée vers toujours plus d’ampleur dans le réalisme. Hokusai est le titan du Japon et une composante significative des arts et des lettres de l’humanité.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : cerner l’essentiel

L‘arrière du Fuji depuis la Minobu est la 42e estampe des Trente-six vues du mont Fuji, alors que dix estampes ont été ajoutées à la série initiale. Si le réalisme est freiné par le dessin ayant du mal à retracer la complexité de la Nature, l’idée de mouvement, de passage, est très marqué.

Il y avait en fait l’idée, la vue partant de la droite, de provoquer un effet d’aspiration par un mouvement vers la droite des voyageurs et le grand poids graphique à gauche.

Ono Shinden dans la province de Suruga se concentre sur le rendu des figure individuelles, en cherchant à maintenir la puissance de la couleur pour sa tonalité atmosphérique. Cela a ses limites, les deux plans ayant du mal à se conjuguer.

On voit néanmoins que Hokusai a cherché à relier le typique, le mouvement, la couleur. On a ici un travail réaliste.

Cela réussit parfaitement pour La plantation de thé de Katakura dans la province de Suruga. En reprenant du champ, comme pour L’aurore à Isawa dans la province de Kai , Hokusai parvient à cerner l’essentiel dans un portrait de groupe dont l’esprit à la fois concret et poétique est flagrant.

On a ici la substance même de Hokusai, la mise en perspective.

Le Fuji depuis Kanaya dans la région de Tōkaidō procède du même esprit. Le nombre d’éléments aboutit cependant à une certaine surcharge ; chaque élément étant efficace mais leur combinaison ayant du mal à se réaliser.

C’est qu’en fait le mouvement principal est par trop écrasant. C’est que pour Hokusai il s’agissait de souligner la difficulté pour les passeurs de franchir le fleuve Ōi , au courant très puissant. Un propos connu alors dit que Même les chevaux peuvent traverser les huit ris (31 km) d’Hakone, mais le fleuve Ōi est dur à passer de toutes les manières (Hakone hachiri wa uma demo kosu ga, kosu ni kosarenu Ōigawa).

Les passeurs devaient même parfois attendre plusieurs jours avant de pouvoir faire franchir le fleuve, qui se situe entre Edo et Kyoto, aux voyageurs et à leurs marchandises. Le pouvoir central empêchait très largement la construction de ponts, ainsi que l’utilisation de bac, afin d’empêcher tout vaste mouvement pouvant le menacer. L’oeuvre est ainsi trop marquée par l’élément central, mais cela un sens puissamment réaliste dans les faits.

L’ascension du Fuji est la 46e et dernière estampe. Les pèlerins progressent vers une grotte où d’autres se trouvent déjà.

L’oeuvre manque de réalisme au sens strict ; elle témoigne cependant de la reconnaissance de la dignité du réel, d’une orientation vers ce qui est matériel, en mouvement, collectif. Hokusai entend cerner l’essentiel et le mettre en perspective. C’est le sens du réalisme.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : le réalisme, l’esprit synthétique

Nakahara dans la province de Sagami est la 38e estampe des Trente-six vues du mont Fuji, soit la seconde des dix estampes ajoutées. Comme pour la précédente, Hokusai se précipite dans le réalisme, avec un haut niveau de synthèse.

Les mouvements directionnels sont combinées aux figures présentes, qui consistent en des samouraïs munis de mousquets. On peut voir à l’arrière-plan deux femmes se reposant au niveau des champs. Le mont Fuji est sous la neige ; ce qu’on voit toute à droite est une maison de thé.

Shinagawa sur le Tōkaidō conserve cette orientation. On y voit des cerisiers en fleurs sur une colline se situatnt au nord de Shinagawa, un quartier d’Edo. Cette colline est appelée « Montagne du Palais » (Goten-yama) car le Shogun y avait sa demeure ; l’endroit était réputé pour sa vue de l’océan et ainsi un lieu de pique-nique.

L’oeuvre semble un peu se perdre en raison du nombre de figures, mais si l’on connaît le thème, qui est celui du pique-nique populaire, alors cela reste une bonne représentation, d’autant plus qu’il y a clairement comme thème d’un côté la masse de gens dans la nature, formant un « poids », et de l’autre les cerisiers faisant opposition directionnelle au regard (qui part de la droite au Japon).

Soshu Nakahara se situe encore dans cet approfondissement du réalisme. On voit bien ici que l’attention s’accentue sur les figures personnelles, qui sont ici typiques et très bien soutenues par l’excellent jeu des couleurs.

Ce qui nuit à l’oeuvre, c’est que le mont Fuji semble disproportionné par rapport au reste ; il est présenté comme trop près.

L’aurore à Isawa dans la province de Kai ne présente pas ce problème de proportions et es un chef d’oeuvre, même si cela se fait aux dépens d’une représentation détaillées des figures présentes. On a ici les masses se mettant en branle, le début d’une journée dans sa sincérité la plus directe, dans sa dignité immédiate. Et en même temps, il y a une formidable poésie qui se dégage de la scène.

La synthèse réussie de cette oeuvre tient notamment à l’opposition dialectique de la partie haute de couleur continue et non réellement marquante, unidirectionnelle, avec la richesse de la partie basse, aux couleurs très denses, saturant littéralement la scène représentée, le fort mouvement directionnel étant comme bloqué en deux temps par des « poids » graphiques. C’est un admirable travail, dont le point culminant est le bleu, typique de la partie haute et pourtant présent dans la partie basse, écrasant cette dernière vers le bas et ouvrant vers le haut. C’est le nexus de cette oeuvre dialectique.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : la fin de la série et le redémarrage

La 34e estampe des Trente-six vues du mont Fuji, intitulé Le lac d’Hakone dans la province de Sagami, est indéniablement l’oeuvre la plus minimaliste de la série. Il s’agit en quelque sorte d’un exercice de style. Il y a une dimension naïve assumée.

Même les mouvement directionnels sont très basiques, avec par ailleurs aucune contre-tendance. Sans doute que c’est le calme du lac qui est ici souligné, mais la perspective n’est ici pas suffisante.

On a par contre une réelle profondeur pour le Reflet du mont Fuji dans le lac Kawaguchi, vu depuis le col Misaka dans la province de Kai, grâce au très bel agencement des couleurs, avec des tonalité de bleu et de vert se combinant de manière particulièrement remarquable.

Le mouvement est très élémentaire, ce qui est notable ; le reflet sur l’eau est le point faible toutefois. Cela reste une aproche naïve, assumée par ailleurs.

Hodogaya sur le Tōkaidō clôt normalement les Trente-six vues du mont Fuji, avant que l’éditeur ne rajoute par la suite une série de dix estampes. C’est en quelque sorte un résumé des estampes précédentes, dont divers éléments sont ici rassemblés, afin de marquer les esprits. Si les couleurs rendent bien, la démarche reste toutefois assez élémentaire, malgré la dimension typique montrée, le statut des serviteurs n’étant guère à envier.

Le mouvement est par ailleurs basique. Sans nul doute, c’est un choix de terminer la série par un ralentissement.

La scierie à Honjo, qui ouvre la série ajoutée, repart par contre dans un sens éminemment réaliste. On a ici le travail, présenté de manière typique, on a les masses laborieuses, qui construisent le pays, et d’ailleurs des constructions nombreuses sont visibles. C’est d’un haut niveau de réalisme.

De manière frappante, on n’a plus de mouvement, c’est la matière transformée qui prime, formant deux poids centraux dans l’image. C’est vraiment très fort et on voit que Hokusai est une figure majeure du réalisme, du peuple.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : le perspectivisme

La 31 estampe des Trente-six vues du mont Fuji, intitulée Le pont de Nihonbashi à Edo, ne nous montre pas tant l’intense activité sur le pont, qui relie les cinq routes majeures partant d’Edo alors, que les entrepôts et les barques de transport. Il y a ici une puissante mise en perspective.

Le fait de tronquer la représentation de ceux qui passent sur le pont – en fait le pont du Japon – a une immense portée symbolique, puisque c’est pratiquement le manifeste du capitalisme développé prenant le dessus sur le caractère relativement peu élaboré des commerçants et artisans. L’ordre capitaliste sort de la cohue initiale.

Le village de Sekiya sur la Sumida a une approche plus simple, on peut dire plus traditionnelle du point de vue européen, on se rapproche d’ailleurs littéralement du principe de la bande dessinée, avec le mouvement symbolisé. On notera que, encore et toujours, il n’y a rien au centre, en reconnaissance de la nécessité du développement inégal, de l’absence de symétrie « pure » relevant du formalisme.

La présence marquée des couleurs accorde une grande valeur à cette oeuvre, dont la dimension naturelle est très ample. Le drapé des habits des deux cavaliers au premier plan tranche avec la simplicité générale, et est très inspirant, très gracieux.

La baie de Noboto nous présente des torii, ces portails indiquant un sanctuaire du shintoïsme, la religion impériale. Le mont Fuji est vu à travers l’un d’eux, alors que les villageois – on voit le village au loin – pêche des crustacés.

On a ici un portrait typique d’une situation typique, avec naturellement un côté pittoresque de par les torii, côté à relativiser car on est ici dans l’émergence seulement de la nation japonaise : l’oeuvre relève de l’affirmation bourgeoise du cadre national. Sur le plan de la dynamique, on a un mouvement directionnel appuyé de manière mutiple, puis relativisé mais en même temps renforcé. L’oeuvre est quasiment du perspectivisme.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : une perspective et non le paysagisme

La 27e estampe des Trente-six vues du mont Fuji, intitulée Enoshima dans la province de Sagami, nous montre l’accès à cette île très touristique de quatre kilomètres de circonférence. Le mont Fuji est sur la droite, juse derrière le navire.

On retrouve ici la simplicité, par le mouvement directionnel et le contre-poids, le mont Fuji servant pour la profondeur, la mise en perspective.

On a plus de mouvement pour la Côte de la baie de Tago, Ejiri dans la région de Tōkaidō, avec cependant l’application de la même méthode. L’effet de basculement est cependant très prononcé.

On notera que le mouvement de l’océan tranche avec la dimension statique du mont Fuji : pour ce dernier le mouvement accordé à l’image provient de sa forme, tandis que pour les navires il n’y a pas que la forme, il y a les marins et l’océan.

Yoshida dans la région de Tōkaidō, avec son gros plan, change entièrement de mise en perspective. Cette 29e estampe accorde une place éminente à des femmes, ainsi qu’au décor de l’endroit. C’est une scène avec une dimension intimiste, appuyée par conséquents par de multiples éléments graphiques. Ce qu’on lit sur la bannière horizontale signifie littéralement la maison de thé avec vue du mont Fuji (Fujimi chaya). Il s’agit là d’une station sur la route d’Edo à Kyoto (ou inversement), dite route de Tokaido.

On notera, pour saisir le réalisme de la représentation, que le bâtiment est fait de bois et de bambou, mais les portes et les fenêtres selon le principe du shoji, soit un bois très fin, avec du papier du Japon également très fin, pour laisser passer la lumière. Cela explique le ton de la scène, marquée par une direction et une semi-contre-direction.

La route maritime de la province de Kazusa, la 30e estampe, revient à une mise en perspective générale, avec un mouvement simple.

On notera bien qu’il est ici parlé d’une route maritime, on a ici une marine marchande, on est dans le transport de matières. On est ici du côté de la représentation de la bourgeoisie transformatrice, pas du paysagisme.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : direction et contre-poids

La 23e estampe des Trente-six vues du mont Fuji, Terrasse Sazai, le temple de 500 rakan, présente des pélerins admirant le mont Fuji. Les rakan sont des saints dans le bouddhisme, ayant leur statue grandeur nature dans le temple.

Ce qu’on voit à droite du mont Fuji est un chantier de construction. C’est intéressant, car c’est très représentatif de la présence dans cette série d’estampes des activités de construction, de modification du Japon dans le sens de l’urbanisation, alors que la bourgeoisie se développe.

On notera le caractère plastique classique de l’estampe, avec une vue venant de la droite relativement linéaire, simplement redressé en bas à droite par les pèlerins posant leurs bagages.

La Maison de thé à Koishikawa, le matin après une chute de neige, la 24e estampe, a une orientation inversée. Tout part de la gauche, mais comme au Japon on regarde par la droite, le mont Fuji a été déplacé pour stabiliser l’image.

En fait, l’œil vient s’enliser en quelque sorte par un mouvement venant de la droite. On a une direction et contre-poids. L’oeuvre dégage moins de puissance, mais il s’agit toutefois surtout de montrer la vue depuis le salon de thé. C’est en ce sens une belle représentation.

La représentation de Shimomeguro – désormais un quartier urbanisé de Tokyo – emploie une même simplicité. On reconnaît la grande insistance sur le principe du passage, comme si au Japon alors l’activité était permanente – c’est bien entendu vrai en fait pour le peuple, dont la bourgeoisie fait alors partie, pas pour les couches aristocratiques-patriarcales parasitaires.

On monte, on descend, à l’inverse des directions du mont Fuji, c’est très simple.

Le Moulin à Onden est tout aussi simple, tout en ayant plus de complexité, en raison bien entendu de la roue. Les activités laborieuses sont plus accentuées également. Les couleurs sont plus présentes également, tout en restant assez pâles, sans s’imposer donc.

Direction et contre-poids : c’est exemplaire de l’approche de Hokusai.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : le portrait du typique

Ushibori dans la province de Hitachi, la vingtième estampe des Trente-six vues du mont Fuji, est d’une grande pertinence en tant qu’oeuvre exposant le réalisme mis en perspective. C’est une présentation efficace.

On retrouve ici la capacité de Hokusai à partir d’un « poids » pour obtenir une perspective qui s’élance, tout en profitant d’une couleur principalement uniforme pour donner du champ. On notera ici que le « poids » de départ est vraiment extrêmement centralisé vers le bas, pour accentuer le mouvement du navire. Les détails ne manquent pas, avec les oiseaux sur la gauche, les maisons sur la droite. La présence du mont Fuji est ici admirable de calme et d’ampleur.

Un croquis des magasins Mitsui dans la rue Suruga à Edo est étonnant à cela qu’on ne voit pas tant les magasins que les travailleurs en action et les cerfs-volants. C’est une grande reconnaissance du peuple qui est ici faite.

Les directions proposées sont intéressantes en ce qu’elles sont inverses de celles du mont Fuji, placé d’ailleurs au centre (mais pas exactement, naturellement, comme c’est le principe chez Hokusai, ce qui est une reconnaissance du caractère inégal du développement). Le mont Fuji permet un savant découpage de la scène (a, b, c).

La 22e estampe, Coucher de soleil à travers le pont de Ryōgoku depuis la rive de la Sumida à Onmayagashi, est un portrait exemplaire d’une situation typique. L’opposition entre un cours d’eau mouvementé et le mont Fuji statique, avec tous deux en bleu, pose parfaitement l’oeuvre, l’eau et le ciel connaissant de subtils dégradés. On notera que le pont fait un peu plus de 160 mètres de long.

On retrouve ici également un jeu majestueux de directions et de contre-directions, avec deux « poids » ancrant l’oeuvre de manière particulièrement agréable, avec l’homme assoupi et le mont Fuji, qui sont des repères essentiels dans l’estampe.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : les couleurs et le mouvement en interaction

Le lac Suwa dans la province de Shinano, la 17e estampe des Trente-six vues du mont Fuji, est une oeuvre magistrale avec encore ce jeu de couleurs associé à la perpsective. Le lac Suwa est particulièrement connu pour avoir une source d’eau chaude amenant en hiver des crêtes à se former à la surface du lac gelé.

Les couleurs en interaction sont admirablement appuyés par trois « poids » – un mineur au départ de l’image à droite, puis au centre (qui n’est jamais au centre d’ailleurs et heureusement, on est en dehors de tout formalisme), sur la gauche enfin. Les mouvements contradictoires de droite et de gauche fournissent à la fois mouvement et équilibre.

Ejiri dans la province de Suruga est exemplaire de l’approche de Hokusai. On voit aisément ici comment tous les éléments se rejoignent, même par leur absence, lorsqu’il n’y a que des couleurs uniformes (ou principalement uniformes).

Ce qui est notable, c’est de voir comment Hokusai parvient à présenter la projection produite par le vent. C’est une réalisation très synthétique.

La 18e estampe, Le Fuji depuis les montagnes de la province de Totomi, est focalisé sur le travail. Le titre ne le précise pas. L’oeuvre est moins frappante sur le plan de l’atmosphère, le travail est montré mais sa portée est plus symbolique que concrète.

C’est sans doute que la dynamique est ici trop prononcée, avec d’ailleurs, de manière étrange, deux figures pratiquement au centre de l’image.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : les couleurs et la perspective

La 13e estampe est une oeuvre très réussie d’un réalisme en perspective. Avec La plage de Shichiri dans la province de Sagami, on a en effet une présentation concrète d’un lieu concret, avec l’esprit du lieu de retransmis par la disposition générale.

On peut voir en effet que le deux principaux « poids » de l’image sont reliés à deux autres petits « poids » donnant une dynamique de droite à gauche, alors que le mouvement est posé délicatement par les nuages (a) et la mer (b). C’est simple, mais subtil, et inversement.

Umezawa dans la province de Sagami est très intéressante également dans la mesure où ce sont des oiseaux qui sont les protagonistes de l’estampe, tout en étant, bien évidemment, en adéquation, ou plus exactement en conjonction avec les lieux.

Cette quatorzième estampe des Trente-six vues du mont Fuji élabore pour ce faire une série très prononcée de dynamiques et de contre-dynamiques, avec des mouvements d’élévation et d’abaissement. C’est puissamment inspirant au niveau artistique.

Le pêcheur de Kajikazawa est une oeuvre majeure de Katsushika Hokusai. La version uniquement en bleu est très réputée, mais n’a pas la fine subtilité, les merveilleux accords de cette estampe. Le geste du pêcheur au-dessus du fleuve Fuji est typique, le fleuve est tumultueux comme il l’est effectivement, l’ensemble forme une harmonie générale (malgré que, de fait, le pêcheur par son activité trouble l’océan et les poissons).

C’est le jeu des couleurs qui est ici admirable et qui, encore une fois, est une source d’inspiration. Cependant, au-delà des combinaisons puissantes des couleurs, maniées de manière excellente avec un jeu de gradation, on peut s’apercevoir qu’il y a tout un échafaudage pour maintenir une tension parfaite. La ligne à droite en haut, d’où part l’œil (au Japon), connaît deux contre-tendances, faisant qu’on passe du mont Fuji à un pêcheur penché dont le propre corps rappelle l’élévation et l’abaissement du mont.

La seizième estampe, intitulée La passe de Mishima dans la province de Kai, est également une réussite. La conjonction entre les personnages et leur environnement est ici encore très marquant.

C’est encore le jeu des couleurs qui fait ici office de force de frappe esthétique. Néanmoins, on a également le mont Fuji jouant un rôle majeur à l’arrière-plan de l’arbre, comme pour assurer une mise en perspective adéquate. On remarquera que l’arbre n’est pas au centre, afin de s’abstenir de tout formalisme. C’est formidable de voir comment l’oeuvre est entièrement pleine, alors qu’une large partie de l’estampe consiste « simplement » en de la couleur.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : le particulier et le général

Pour la neuvième estampe, La passe d’Inume dans la province de Kai, Hokusai témoigne de sa formidable capacité à combiner les éléments d’autant plus puissamment qu’il y en a moins.

On peut voir qu’il y a trois zones calmes (a, b, c) qui forment l’ossature de trois zones avec le mouvement. Ce mouvement est bien entendu celui des voyageurs. Et c’est à chaque fois la végétation qui est le support de la multiplicité soutenant les mouvements directionnels uniques, vers le haut ou vers le bas.

Le Fuji vu de la province d’Owari, la dixième estampe, témoigne de la tentative de présenter une activité laborieuse en gros plan, en le combinant à l’atmosphère. C’est moins puissant, car moins solennel, malgré le caractère typique présenté.

Cette activité typique joue en fait en s’appuyant sur le cercle élaboré, par un jeu de poids et de contre-poids, le mont Fuji en décalage servant de développement inégal pour renforcer l’idée de mouvement déjà présente par la perspective légèrement décalée.

La onzième estampe, Le temple d’Asakusa Honganji à Edo, est bien plus marquante. La partir visible du temple bouddhiste témoigne d’une activité laborieuse en hauteur, qui a trois parallèles: le cerf-volant partant de la ville, une construction en cours et le mont Fuji.

Il y a ainsi un poids à droite de l’image, où commence la lecture au Japon, des mouvements vers la droite en contre-poids, et même la ville joue le rôle de ralentisseur avec ses toits fournissant direction et contre-direction.

L’île Tsukada dans la province de Musashi, la douzième estampe, témoigne tout à fait de cet effort de présenter le réalisme en particulier en le reliant systématiquement à l’universel. Le village de pêcheurs, qui occupe quasiment toute l’île et connaît la prospérité, est au centre d’une intense activité.

On a ainsi une ligne passant par en haut, comme souvent, connaissant un grand frein par un poids sur toute la partie gauche de l’estampe, renforçant alors la présence des multiples barques.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : portraits typiques et mouvements

Ce qui est marquant dans l’estampe intitulée Surugadai à Edo, la cinquième de la série, c’est que le mont Fuji est à l’arrière-plan, tel un symbole bienveillant sur un Japon défini de manière tout à fait précise. On a en effet d’un côté la nature, sur la gauche, et de l’autre des bâtiments, soit une construction humaine.

On a également des voyageurs et des travailleurs présents dans la scène. On a ainsi une formulation esthétique reposant sur le principe de la synthèse : c’est typique, et le cadre est présenté comme relevant d’une substance contradictoire.

Il faut ici se souvenir qu’au Japon, on regarde ‘image de la droite vers la gauche. On a ainsi un grand espace qui nous pousse de l’avant, le toit nous précipitant sur une scène avec un travailleur. La végétation sur la gauche fait contre-poids au mouvement de la vue, alors que les déplacements des personnages, dans des directions opposées, ajoute de la dynamique. C’est un portrait vivant.

Pour la sixième estampe de la série, Le pin-coussin à Aoyama, le mont Fuji est bien plus présent ; la scène est d’ailleurs cette fois reposante.

Il y a pourtant une synthèse puissamment construite. La zone première de la vue, sur la droite, forme un espace qui s’élance toujours plus vers la droite, accompagné par une présence contradictoire du mont Fuji, alors que la zone de végétation sert de contre-poids afin de permettre la présentation des figures humaines, dont la plupart se reposent. C’est très subtil.

Senju dans la province de Musashi a une approche apparemment plus simple. On pense simplement assister à un passage pour cette septième estampe.

En réalité, l’oeuvre organise un tempo très calibré pour ce passage. La végétation est très présente au début, sur la droite, pour se répandre ensuite, forçant l’œil à suivre sa continuité, le mouvement étant renforcé par ce que transporte le cheval et l’habit d’un pêcheur. On est poussé vers la gauche.

Toutefois, le réalisme de Hokusai excelle dans les Trente-six vues du mont Fuji dans sa capacité à poser les choses, une sorte de réalisme où le typique s’inscrit dans une atmosphère, comme pour La Grande Vague de Kanagawa, la huitième estampe.

La Tama dans la province de Musashi est ainsi résolument splendide, avec l’amoindrissement des éléments apportant de manière palpable. La Tama est un fleuve passant par une partie d’Edo (soit Tokyo aujourd’hui), la province de Musashi contenait notamment Edo.

La réussite subtile de cette oeuvre tient au mouvement, que Hokusai maîtrise parfaitement, mais cette fois en limitant les éléments afin de jouer sur les contrastes. On a littéralement deux zones : une (ici appelée 1) poussant de l’avant dans une perspective assez linéaire – en jouant sur le mont Fuji qui est en quelque sorte traversé de droite à gauche, mais dont la masse graphique sert de référent, de nexus à l’oeuvre.

Et on a la zone (a), très élémentaire, se confrontant à la zone (b) du fleuve, lui-même contradictoire pour indiquer le mouvement avec la zone (c), la zone (d) introduisant la zone 2, qui avec sa végétation non linéaire implique la notion de mouvement par détours.

Ce qui témoigne des tours et détours pour les transports, ici par bateau et par cheval.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : le mont Fuji comme vecteur du réalisme

Si l’on prend les deux oeuvres qui suivent immédiatement La Grande Vague de Kanagawa dans les Trente-six vues du mont Fuji, alors on peut penser qu’il y a une focalisation effectivement sur le mont Fuji. La quatrième estampe montre que cela ne sera pas le cas et que c’est un symbole national utilisé dans l’affirmation du réalisme.

Voici Vent frais par matin clair, L’orage sous le sommet et Le Fuji vu à travers le pont de Mannen à Fukagawa.

Le contraste est saisissant entre ce qui forme deux portraits du mont Fuji d’un côté, une scène résolument typique de l’autre. Il est facile de comprendre que le mont Fuji a été mis en avant de prime abord pour bien en souligner l’importance symbolique, alors que dès la quatrième image on en revient à la première, dans le sens où l’on montre que les pêcheurs de La Grande Vague de Kanagawa n’étaient pas là pour le pittoresque de la chose.

Sur le plan de la composition, les deux portraits du mont Fuji forment un contraste dialectique assez saisissant.

Vent frais par matin clair
L’orage sous le sommet

On a en effet une situation calme pour l’un, un orage pour l’autre. Lorsque la situation est calme, les nuages sont au-dessus du mont Fuji c’est-à-dire en harmonie avec lui, en étant présent tout au long de l’estampe. Lors de l’orage, celui-ci est sous le mont Fuji, qui resplendit à l’écart de l’événement.

On remarquera d’ailleurs que dans la première estampe, il y a une continuité complète dans le dessin de la montagne, les nuages évoluant à l’arrière-plan pour en souligner cette majesté. Dans la seconde, le mont Fuji se présenta avec un sommet difficilement inaccessible, pour ne pas dire inatteignable. Le ciel est d’ailleurs immaculé, le sommet du mont Fuji semblant relever de la même substance.

Le Fuji vu à travers le pont de Mannen à Fukagawa est bien différent. Nous sommes ici à Edo, dans le quartier de Fukagawa, le pont de Mannen signifiant en fait le pont de 10 000 ans. Le pont passe au-dessus de la Onagigawa, un cours d’eau assez restreint qui rejoint juste après, on peut le voir, le fleuve Sumida.

L’oeuvre est particulièrement subtile. Elle est un même une sorte de jeu d’équilibriste. On a en effet une mise en perspective s’appuyant, de manière éminemment dialectique, sur un développement inégal.

Le côté droit du pont est davantage marqué par les arbres allant vers le fond, à l’opposé du côté gauche où la végétation semble plus proche. Il n’y a droite qu’un pecheur isolé, alors qu’au centre, tourné vers la gauche, il y a un pêcheur sur un navire (l’image se lit de droite à gauche au Japon). Le mont Fuji apparaît davantage du côté gauche, comme la personne avec l’ombrelle sur le pont.

Si l’on se fonde sur ce sens japonais, on peut d’ailleurs voir qu’on passe en quelque sorte du simple, du particulier, au général, car plus on va vers la gauche, plus il y a de la densité.

Pourquoi cela ? Parce que le pont est un lieu de passage, qu’il abrite d’ailleurs des vendeurs de poissons et de tortues (parfois justement achetés et relâchés dans l’esprit bouddhiste) ; il est un lieu populaire du Japon, dont on a ici une image vivante.

C’est très exactement le sens des Trente-six vues du mont Fuji.

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Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : « La Grande Vague de Kanagawa »

Durant les années 1831-1833 publie les Trente-six vues du mont Fuji, son oeuvre la plus célèbre, avec l’estampe notamment très connue qu’est La Grande Vague de Kanagawa. C’est d’ailleurs la première estampe. Sur le côté est écrit le titre de l’oeuvre et de l’estampe, « Trente-six vues du mont Fuji / au large de Kanagawa / Sous la vague », avec la signature : « de la brosse de Hokusai changeant son nom en Litsu ».

Il y a ici quelque chose d’essentiel : le mont Fuji n’est pas le seul thème de Trente-six vues du mont Fuji, il en est seulement la base. Il est le prétexte national pour un art réaliste populaire dans son contenu.

Dans l’estampe, on le voit ainsi en arrière-plan, alors que des pêcheurs quittant Edo repartent chez eux, se déplaçant à rebours de la vague.

Le mont Fuji (ce qui signifie incomparable) est ainsi le seul point fixe d’une situation de tendance et de contre-tendance.

Chaque tendance et contre-tendance est elle-même appuyée, comme affirmation générale, par des éléments particuliers : l’écume des vagues et les pêcheurs.

En fait, si l’on observe la mise en perspective des flux et reflux, toujours en courbes, on a alors le mont Fuji comme nexus.

Cette synthèse maniant parfaitement un agencement dialectique est d’autant plus marquant que le nombre de couleurs est très restreint, et que les traits ne visent pas à être pointilleux. Il y a une dimension assez brute.

On retrouve le principe de faire plus avec moins. Et cette oeuvre magistrale inaugure les Trente-six vues du mont Fuji, monument du réalisme.

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