Katsushika Hokusai et les « Trente-six vues du mont Fuji » : cerner l’essentiel

L‘arrière du Fuji depuis la Minobu est la 42e estampe des Trente-six vues du mont Fuji, alors que dix estampes ont été ajoutées à la série initiale. Si le réalisme est freiné par le dessin ayant du mal à retracer la complexité de la Nature, l’idée de mouvement, de passage, est très marqué.

Il y avait en fait l’idée, la vue partant de la droite, de provoquer un effet d’aspiration par un mouvement vers la droite des voyageurs et le grand poids graphique à gauche.

Ono Shinden dans la province de Suruga se concentre sur le rendu des figure individuelles, en cherchant à maintenir la puissance de la couleur pour sa tonalité atmosphérique. Cela a ses limites, les deux plans ayant du mal à se conjuguer.

On voit néanmoins que Hokusai a cherché à relier le typique, le mouvement, la couleur. On a ici un travail réaliste.

Cela réussit parfaitement pour La plantation de thé de Katakura dans la province de Suruga. En reprenant du champ, comme pour L’aurore à Isawa dans la province de Kai , Hokusai parvient à cerner l’essentiel dans un portrait de groupe dont l’esprit à la fois concret et poétique est flagrant.

On a ici la substance même de Hokusai, la mise en perspective.

Le Fuji depuis Kanaya dans la région de Tōkaidō procède du même esprit. Le nombre d’éléments aboutit cependant à une certaine surcharge ; chaque élément étant efficace mais leur combinaison ayant du mal à se réaliser.

C’est qu’en fait le mouvement principal est par trop écrasant. C’est que pour Hokusai il s’agissait de souligner la difficulté pour les passeurs de franchir le fleuve Ōi , au courant très puissant. Un propos connu alors dit que Même les chevaux peuvent traverser les huit ris (31 km) d’Hakone, mais le fleuve Ōi est dur à passer de toutes les manières (Hakone hachiri wa uma demo kosu ga, kosu ni kosarenu Ōigawa).

Les passeurs devaient même parfois attendre plusieurs jours avant de pouvoir faire franchir le fleuve, qui se situe entre Edo et Kyoto, aux voyageurs et à leurs marchandises. Le pouvoir central empêchait très largement la construction de ponts, ainsi que l’utilisation de bac, afin d’empêcher tout vaste mouvement pouvant le menacer. L’oeuvre est ainsi trop marquée par l’élément central, mais cela un sens puissamment réaliste dans les faits.

L’ascension du Fuji est la 46e et dernière estampe. Les pèlerins progressent vers une grotte où d’autres se trouvent déjà.

L’oeuvre manque de réalisme au sens strict ; elle témoigne cependant de la reconnaissance de la dignité du réel, d’une orientation vers ce qui est matériel, en mouvement, collectif. Hokusai entend cerner l’essentiel et le mettre en perspective. C’est le sens du réalisme.

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