Karl Marx et Friedrich Engels s’appuient sur le principe de négation de la négation pour étudier les phénomènes dans leur développement contradictoire en particulier ; Mao Zedong rejette le concept comme inutile, puisque la loi de la contradiction n’a pas besoin de postuler une négation de la négation comme universelle.
Il y a ici un aspect essentiel à prendre en compte pour approfondir la question : le fait que Karl Marx reprenne le principe de Spinoza selon laquelle toute détermination est une négation. Spinoza se fonde sur le fait que l’univers est un tout et que donc chaque particulier se définit par ce qu’il n’est pas par rapport au reste.
On peut, pour simplifier, assimiler les termes de détermination, au sens de définition, et celui d’affirmation, au sens d’affirmation au monde comme différence, et donc comme définition.
Hegel dit à ce sujet que :
« Le caractère défini est la négation posé de manière affirmative, – c’est la phrase de Spinoza : Omnis determinatio est negatio (Toute détermination est négation).
Cette phrase est d’une importance infinie ; seule la négation en tant que telle est l’abstraction sans forme. »
Si l’on suit cette mise en perspective allant de Spinoza à Hegel, de Hegel à Karl Marx, alors cela implique qu’une négation de la négation est également une détermination de la détermination, ou si l’on veut une affirmation de l’affirmation.
Or, il y a un risque : celui de considérer l’affirmation, la détermination, comme produit de la négation de la négation dans son ensemble, en réduisant la première négation à une simple fonction sans contenu. C’est exactement ce qu’a fait le révisionnisme en considérant le socialisme comme une simple fonction sans contenu devant mécaniquement amener au communisme, telle une négation (du capitalisme) appelée à être niée.
Lorsque Mao Zedong propose la révolution culturelle dans le socialisme, il considère qu’il y a une contradiction dans le socialisme : il n’y a pas de socialisme comme mouvement unilatéral, comme simple négation du capitalisme.
Inversement, si on comprend mal Mao Zedong, alors on bascule dans le révisionnisme et on ouvre la porte au relativisme : puisqu’il n’y a pas de négation unilatérale, alors il n’y a pas de négation en soi et le socialisme est une « utopie », un projet super-humaniste.
En réalité, Mao Zedong dit que toute négation implique affirmation, et inversement ; si on prend la négation de la négation, alors on perd la contradiction de la première négation, ce qui est impossible. Mao Zedong dit ainsi :
« Engels a parlé au sujet des trois catégories, mais en ce qui me concerne je ne crois pas à deux de ces catégories (l’unité des opposés est la loi la plus fondamentale, la transformation de la qualité et de la quantité l’une en l’autre est l’unité des contraires [que sont] qualité et quantité, et la négation de la négation n’existe pas du tout).
La juxtaposition, au même niveau, de la transformation de la qualité et de la quantité l’une en l’autre, la négation de la négation, et la loi de l’unité des opposés est « triplisme », pas le monisme. La chose la plus fondamentale est l’unité des opposés.
La transformation de la qualité et de la quantité l’une en l’autre est l’unité des contraires [que sont] qualité et quantité.
Il n’y a pas de telle chose comme la négation de la négation.
Affirmation, négation, affirmation, négation… dans le développement des choses, chaque maillon de la chaîne des événements est à la fois affirmation et négation. »
Chaque maillon de la chaîne des événements est à la fois affirmation et négation, et donc la négation de la négation ne peut pas se poser car ce serait supprimer l’affirmation.
Le problème que souligne ainsi Mao Zedong, c’est que si on obtient un résultat dialectique par une négation de la négation, alors la détermination s’obtient à la fin du processus. On aurait alors une négation, la première, qui n’aurait pour ainsi dire pas de contraire, puisque ce n’est qu’avec la seconde négation (c’est-à-dire la négation de la négation) qu’on aurait la détermination.
Ce faisant, Mao Zedong précise la pensée de Karl Marx (et de Friedrich Engels). Il pose un cadre plus large – d’où son apport avec le concept de contradiction principale et de contradiction secondaire, qui n’avait pas été vu auparavant.
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