[Tiré du Manifeste pour le socialisme, 1977.].
Une telle situation de crise politique dans notre pays, ne peut connaître de dénouement en dehors d’un affrontement massif entre le camp du peuple et celui des classes dominantes.
La bourgeoisie ne peut espérer voir s’alléger les multiples pressions qui déterminent sa situation de faiblesse et de crise politique dans laquelle elle est plongée. Inéluctablement, les antagonismes de classe qui se manifestent aujourd’hui avec une particulière acuité, vont connaître un développement qui va porter la crise politique actuelle à un stade supérieur ouvrant ainsi une crise nationale, une crise révolutionnaire.
Crise nationale et révolutionnaire; à la fois parce qu’elle mettra aux prises dans un gigantesque affrontement toutes les classes et couches sociales de notre pays qui doivent choisir leur camp entre les deux classes irréductiblement antagoniques, la bourgeoisie et le prolétariat; à la fois parce que l’enjeu de cet affrontement sera clairement et nettement aux yeux de tous la question du pouvoir.
Mettant en marche toutes les couches du peuple, et avant tout les ouvriers et les paysans, qui affirmeront leur volonté de ne plus continuer à vivre comme avant, la crise les verra se dresser contre les classes dominantes marquées par la faiblesse, l’hésitation et la division, et qui ne pourront à cause de cela plus continuer à gouverner comme avant.
Cette contradiction entre ceux d’en bas qui ne veulent plus être gouvernés comme avant, et ceux d’en haut qui ne peuvent plus gouverner comme avant ne peut être dénouée que par un affrontement révolutionnaire.
Sachant cet affrontement inévitable, et sachant que de son issue dépend la possibilité ou non d’engager la construction d’une société sans exploiteurs, la classe la plus révolutionnaire, le prolétariat se doit d’organiser toute son activité dans cette perspective et précisément celle-là : la prise du pouvoir.
Mettant à profit la crise pour forger son autonomie face aux détachements de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier, le prolétariat noue en même temps avec les autres couches du peuple une alliance qui crée les conditions de l’isolement des classes exploiteuses, accentue leur crise et rend possible à terme l’assaut décisif contre la bourgeoisie.
Le développement de ce processus d’accumulation des forces pour la révolution socialiste, s’accélère considérablement dans cette période de crise révolutionnaire, parce que cette dernière fait apparaître nettement aux yeux de tous les travailleurs, ce qui était jusqu’à présent latent, sous-jacent, enfoui.
Véritable école accélérée pour les masses populaires, la crise révolutionnaire leur révèle la vraie nature des différentes forces politiques, qui ne peuvent plus masquer la réalité de leur projet derrière des comportements ambigus, mais doivent prendre franchement position pour l’un ou l’autre camp.
Les forces sociales hésitantes doivent aussi se déterminer, ou adopter une attitude neutre qui leur interdit de peser sur l’issue de l’affrontement qui se prépare. Par la netteté du tableau qu’elle dresse des antagonismes de classes, des intérêts de chacune d’elles, et du programme qu’elles veulent réaliser, la période de la crise révolutionnaire permet progressivement à chaque travailleur d’oeuvrer de manière consciente pour le renversement de la bourgeoisie.
Le processus de développement de la crise révolutionnaire, conduit progressivement au renforcement de la détermination et de la cohésion du camp du prolétariat qui en vient à saisir avec clairvoyance qu’il ne peut espérer d’amélioration durable de son sort sans la conquête du pouvoir et l’évincement, pour lequel il est prêt à se battre, de la bourgeoisie en tant que classe dominante.
En même temps le camp de la réaction hésite, se divise, tergiverse sur le meilleur moyen de reconstituer son pouvoir qu’il sent lui échapper. Quand ces conditions politiques sont remplies, la crise nationale est mûre, et l’assaut doit être donné à la bourgeoisie : c’est le moment de l’insurrection prolétarienne.
L’insurrection est nécessaire parce que la classe capitaliste qui depuis des décennies exploite des générations de travailleurs, fait reposer son pouvoir sur des corps spéciaux répressifs placés au dessus de la société et qui sont avant tout destinés à être le dernier rempart de la bourgeoisie, à écraser le mouvement populaire s’il réclame le pouvoir.
L’exemple tragique du Chili est là pour rappeler aux travailleurs ce qu’il en coûte de laisser en place les instruments que la bourgeoisie a forgés pour la contre-révolution.
Croire que la bourgeoisie, même affaiblie, divisée, hésitante serait prête à renoncer pacifiquement à son pouvoir et à céder, non pas à des exigences partielles du mouvement révolutionnaire des masses, mais à cette exigence là précisément, celle du pouvoir, c’est se tromper lourdement.
36, 45, 68, et toute l’histoire de notre peuple sont là pour nous rappeler que, confrontée à la croissance des exigences du mouvement révolutionnaire, la bourgeoisie affaiblie est prête à faire des concessions, à louvoyer, à reculer même nettement, mais pour autant que la question du pouvoir, de son pouvoir soit éludée, et non remise en cause, parce que c’est justement ce qui lui permet ensuite de profiter d’un certain essoufflement du mouvement des masses, pour contre-attaquer et réimposer sa dictature sur toute la ligne.
C’est pourquoi le prolétariat, loin de se laisser abuser par la faiblesse et les hésitations de la bourgeoisie, doit au contraire les mettre à profit pour consolider son camp, assurer son autonomie et ses alliances en se fixant pour objectif précis, la conquête du pouvoir par l’insurrection prolétarienne.
La préparation consciente des masses populaires à cet objectif, la capacité des ouvriers les plus éclairés rassemblés dans le parti d’avant-garde, de faire parvenir toute la classe ouvrière, à travers le processus de la crise révolutionnaire, à la compréhension de la nécessité de l’insurrection prolétarienne, et à la détermination de tout faire pour la conduire au succès, c’est de cela que dépend en définitive l’issue de la crise révolutionnaire, et la possibilité d’entamer enfin la construction du socialisme dans notre pays.
Cette insurrection prolétarienne est tout le contraire d’un putsch, ou d’un grand soir comme le propage complaisamment la bourgeoisie, pour discréditer cette perspective. Ce n’est pas un complot fomenté pas un groupe de conspirateurs ou même un parti, mais une offensive déclenchée par une classe et prenant appui sur tout l’élan révolutionnaire d’un peuple.
Ce n’est pas un complot fomenté dans le secret et qui prendrait par surprise à la fois les adversaires de cette révolution en même temps que le peuple lui même, au contraire, c’est le point d’aboutissement de tout un processus où progressivement les travailleurs ont pris conscience de la nécessité d’abattre par la violence révolutionnaire la bourgeoisie qui prépare la contre révolution armée.
Enfin ce n’est pas un acte déclenché un peu au hasard, où une sorte de va-tout serait joué, mais cette insurrection se situe à un moment particulier au moment où culmine la crise révolutionnaire, que la classe ouvrière doit déterminer en appréciant à la fois ses propres facteurs de cohésion, de détermination, d’esprit d’offensive et les facteurs d’indécision, d’hésitation sur la voie à suivre qui habitent la classe bourgeoise.
Et une fois ce moment favorable déterminé, l’insurrection doit être conduite par l’avant-garde de la classe ouvrière, le parti communiste, en mobilisant toute la classe ouvrière de manière centralisée, avec fermeté, et décision, suivant un plan préétabli, permettant de détruire rapidement la résistance de l’ennemi de classe en s’appuyant sur la décomposition partielle des propres forces militaires de la bourgeoisie.
La condition pour que la classe ouvrière apporte cette issue favorable à la crise révolutionnaire, est que, dans le cours même de cette crise, elle ait fait l’expérience de la nature bourgeoise des propositions du PCF. S’il a rompu récemment avec toute référence formelle à la dictature du prolétariat, le PCF a rompu depuis bien plus longtemps déjà avec toute stratégie révolutionnaire.
Déployant toute son énergie à dévoyer à son profit l’énergie révolutionnaire du prolétariat, le PCF s’est acharné à colporter dans la classe ouvrière l’illusion stupide, démentie par toute l’histoire du mouvement ouvrier, que le passage pacifique au socialisme était possible, et qu’une simple mobilisation populaire suffirait à dissuader la bourgeoisie d’utiliser ses armes contre les travailleurs.
Toute progression de la classe ouvrière vers la prise du pouvoir exige une rupture effective avec cette illusion bourgeoise, aussi vieille que le mouvement ouvrier.
Plus largement c’est en construisant une démarcation nette avec le projet du PCF non seulement du point de vue de la manière de prendre le pouvoir, mais aussi du point de vue de la société qui en résultera et de la nature du pouvoir instauré, que la classe ouvrière réussira à forger son autonomie, autonomie indispensable pour faire avancer son projet révolutionnaire.
Les premières démarcations apparues dans le cours de la crise politique actuelle, à l’occasion de telles ou telles luttes ou de telles ou telles actions ont été tracées sur la base de l’expérience des propositions révisionnistes faite par des travailleurs; demain dans le cours d’une crise révolutionnaire, c’est massivement que les travailleurs feront l’expérience du comportement du PCF et de la manière dont il tentera de manipuler le mouvement des masses pour faire progresser son projet de capitalisme d’Etat au détriment d’une partie de la bourgeoisie actuelle et avant tout au détriment des travailleurs.
C’est cette expérience directe qui permettra à la classe ouvrière, dans sa masse, de saisir la nature réactionnaire du projet du PCF et de s’opposer avec conséquence aux tentatives de ce parti de détourner à son profit le combat révolutionnaire qui sera engagé.
La perspective concrète du socialisme en rupture nette avec le capitalisme d’État que le PCF prétend imposer, contribuera à tracer cette ligne de démarcation entre le projet bourgeois du PCF et le socialisme pour lequel se battent les travailleurs.
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