Le Parti Communiste (SFIC) a une conception socialiste de son travail, c’est-à-dire qu’étranger à la social-démocratie historique, il n’accorde pas de valeur à la théorie. Aussi met-il en place à sa fondation un « Conseil d’Études Communistes », qui doit être un « Laboratoire du Communisme ».
Il s’agirait de trouver les moyens de faire « passer » dans la vie les principes de la doctrine communiste, en étudiant les ressorts psychologiques et économiques. Une fois cela fait, on saurait comment réorganiser la société de manière adéquate.
C’est là non seulement du socialisme utopique, mais c’est qui plus est ouvertement à l’écart du marxisme, avec une méconnaissance complète de ce qu’est le matérialisme historique. Cela implique de ce fait nécessairement une soumission au syndicalisme révolutionnaire, puisque celui-ci a justement la prétention de former une minorité capable de « réorganiser » l’économie de la même manière, en forçant le cours des choses.
C’est là d’ailleurs une conception mécanique tout à fait en phase avec une lecture française de la réalité comme « mathématique », ordonnée, etc. L’Internationale Communiste va sous-estimer ce vaste problème, typiquement français, où une minorité substitutiste prétend tracer une ligne droite – la grève générale – pour mener des transformations prévues en laboratoire.
Son souci était que sa section française aille aux masses, qu’elle ne forme pas un bloc séparé et autoréférentiel. Si on avait un Parti Communiste en restant à une posture gauchiste, ce serait l’isolement et l’effondrement. Ce fut par exemple le sort du Parti Communiste d’Autriche, le premier Parti Communiste fondé après Octobre 1917 pourtant, qui ne sortit jamais d’un sectarisme et d’un isolement social pratiquement complet.
Et le souci était donc que le Parti Communiste (SFIC) se maintenait sur la ligne du Parti socialiste SFIO en ce domaine. Le Parti devait promouvoir la révolution politiquement, mettre en place les perspectives, les syndicats se chargeraient du travail concret. Le Parti Communiste (SFIC) ne comptait donc pas du tout partir en guerre avec les syndicalistes révolutionnaires, qui évidemment provoquèrent un scandale lorsque fut fondée l’Internationale Syndicale Rouge qui exigeait la primauté du politique.
Le Parti Communiste (SFIC) recula ouvertement dans sa décision du 22 juillet 1921 :
« Le Comité Directeur, considérant les appréciations contradictoires que suscite dans les milieux syndicalistes la résolution votée à Moscou par l’Internationale des syndicats rouges, rappelle que la position du Parti communiste en France a été définie par la motion de Tours, disant textuellement, en ce qui concerne les rapports du Parti avec les syndicats :
« le Parti groupe les militants de toutes les organisations prolétariennes qui acceptent ses vues théoriques et ses conclusions pratiques. Tous, obéissant à sa discipline, soumis à son contrôle, propagent ses idées dans les milieux où s’exercent leur activité et leur influence.
Et lorsque la majorité, dans ces organisations, est conquise au communisme, il y a entre elles et le Parti coordination d’action et NON ASSUJETTISSEMENT d’une organisation à une autre. »
En réponse aux allégations des dirigeants actuels de la CGT, le Comité directeur fait observer que la motion votée à Moscou, loin d’impliquer une « subordination » quelconque des organisations syndicales à l’organisation politique, se borne à préconiser « un contact étroit et une liaison organique » entre les exécutifs de l’Internationale communiste et de l’Internationale syndicale.
Il fait observer, d’autre part, que les social-dissidents, après avoir réclamé pour leur compte une entente permanente et une liaison organique entre syndicats et entre CGT et Parti, sont mal qualifiés pour se poser aujourd’hui en champions de l’Indépendance syndicale dont le Parti communiste n’a pas cessé de proclamer la nécessité en France.
Le Comité directeur affirme une fois de plus sa volonté de ne rien négliger pour réaliser en France, dans le respect de l’autonomie traditionnelle du syndicalisme, l’unité révolutionnaire du front prolétarien. »
De par la force du syndicalisme révolutionnaire en France, ce positionnement était suicidaire pour le Parti Communiste (SFIC). Il fallait assumer le conflit, mais il n’y avait personne pour cela dans ses rangs et encore moins à la direction, de par le regard favorable sur le « tempérament » syndicaliste révolutionnaire.
Ce déficit idéologique très grave apparut pleinement lors de la grande grève des dockers du Havre en août 1922, avec des affrontements très violents et plusieurs morts. Le Parti Communiste (SFIC) resta à l’écart et même ses militants participant aux luttes considérèrent que c’était normal, que c’était une question purement syndicale.
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et la bolchevisation du Parti Communiste
Section Française de l’Internationale Communiste