L’Unità, 24 février 1926.
Notre Parti est né en janvier 1921,au moment le plus critique de la crise générale de la bourgeoisie italienne et de la crise du mouvement ouvrier. Si la scission était historiquement nécessaire et inévitable, les grandes masses, hésitantes, n’y étaient pas préparées. Dans cette situation, l’organisation matérielle du nouveau Parti a dû se faire dans des conditions extrêmement difficiles.
Le travail organisationnel a ainsi absorbé, à lui seul, la quasi-totalité des énergies créatrices.
On n’a pu approfondir suffisamment les problèmes que posaient, d’une part, la décomposition du personnel des vieux groupes dirigeants bourgeois, et, d’autre part, le processus du même ordre que connaissait le mouvement ouvrier. Toute la ligne politique du Parti, au cours des années qui ont suivi immédiatement la scission, a répondu d’abord à cette exigence : resserrer les rangs de l’organisation, en proie à l’offensive fasciste et asphyxiée par les miasmes cadavériques qui s’élevaient de la décomposition socialiste.
Dans ces conditions, et c’était naturel, le Parti a vu se développer des sentiments et un état d’esprit corporatistes et sectaires.
On n’a pas posé le problème politique général de l’existence et du développement du Parti comme mise en œuvre d’une activité qui permette au Parti de gagner les grandes masses et d’organiser les forces sociales nécessaires pour vaincre la bourgeoisie et prendre le pouvoir, mais simplement comme le problème de l’existence même du Parti.
La scission de Livourne
Nous n’avons vu que la valeur immédiate et mécanique de la scission et nous avons commis, symétriquement, la même erreur que Serrati. Le camarade Lénine avait exprimé par une formule lapidaire la signification de la scission en Italie en recommandant à Serrati : « Séparez-vous de Turati, et ensuite, alliez-vous avec lui. »
Nous aurions dû adapter cette formule à notre scission, qui a pris une forme différente de ce que prévoyait Lénine. Nous devions – c’était indispensable et historiquement nécessaire – nous séparer, non seulement du réformisme, mais aussi du maximalisme, qui constituait et constitue encore l’expression typique de l’opportunisme italien dans le mouvement ouvrier.
Mais ensuite, tout en continuant de les combattre sur le plan de l’idéologie et de l’organisation, nous aurions dû chercher à nous allier avec eux contre la réaction. Pour les dirigeants de notre Parti, chaque action de l’Internationale tendant à nous orienter dans cette direction constituait un désaveu implicite de la scission de Livourne, comme l’expression d’un repentir.
Accepter une telle orientation de la lutte politique aurait équivalu, selon eux, à admettre que notre Parti n’était qu’une nébuleuse indéfinie ; il s’agissait, tout au contraire, d’affirmer que la naissance de notre Parti avait définitivement résolu le problème de la formation historique du Parti du prolétariat italien. Cette opinion se voyait renforcée par les expériences toutes proches de la Révolution soviétique de Hongrie, où la fusion des communistes et des sociaux-démocrates a constitué sans aucun doute un des facteurs décisifs de la défaite.
La portée de l’expérience hongroise
En réalité, et la grande masse du Parti n’a cessé de s’en apercevoir toujours plus, notre Parti a posé ce problème de façon erronée. L’expérience hongroise aurait dû précisément nous convaincre que la ligne suivie par l’Internationale dans la formation des partis communistes n’était pas celle que nous lui attribuions.
On sait en effet que le camarade Lénine a cherché à s’opposer à la fusion des communistes et des sociaux-démocrates hongrois, quoique ces derniers se soient déclarés partisans de la dictature du prolétariat.
Peut-on dire pour autant que le camarade Lénine ait été hostile aux fusions ? Certainement pas. Le camarade Lénine et l’Internationale voyaient le problème comme un processus dialectique permettant à l’élément communiste, c’est-à-dire à la partie la plus avancée et la plus consciente du prolétariat, de se mettre, soit dans l’organisation de parti de la classe ouvrière, soit dans la direction des grandes masses, à la tête de tout ce qu’il s’est formé et existe d’honnête et d’actif dans la classe.
En Hongrie, cela a été une erreur que de détruire l’organisation communiste indépendante au moment de la prise du pouvoir pour dissoudre et diluer le groupement constitué dans une organisation social-démocrate plus importante et amorphe qui ne pouvait pas ne pas avoir la prééminence. Pour la Hongrie aussi, Lénine avait déclaré que la ligne de notre vieux Parti devait tendre à une alliance avec la social-démocratie, nullement à la fusion.
On ne serait arrivé à la fusion que plus tard, après que le groupement communiste aurait élargi son influence et serait devenu dominant dans l’organisation du Parti, l’organisation syndicale et l’appareil d’État, c’est-à-dire après qu’il aurait séparé, organiquement et politiquement les ouvriers révolutionnaires de leurs chefs opportunistes.
Pour l’Italie, le problème se posait en termes encore plus simples qu’en Hongrie : non seulement le prolétariat n’avait pas pris le pouvoir, mais au moment de la formation du Parti, il entamait un grand mouvement de retraite.
Poser la question de la formation du Parti en Italie comme le camarade Lénine l’avait indiqué expressément à Serrati dans sa formule, cela signifiait – dans la phase de recul du prolétariat qui commençait alors – donner à notre parti la possibilité de regrouper autour de lui les éléments du prolétariat qui auraient voulu résister, mais qui sous la direction maximaliste, étaient entraînés dans la déroute générale et s’abandonnaient progressivement à la passivité.
Cela signifie que la tactique suggérée par Lénine et par l’Internationale était la seule tactique capable de consolider et de développer les résultats de la scission de Livourne et, dès ce momentlà, de faire véritablement de notre parti, non seulement abstraitement et comme une pure affirmation historique, mais de manière effective, le Parti dirigeant de la classe ouvrière.
En posant ainsi le problème de façon erronée, nous nous sommes maintenus sur des positions avancées, seuls avec la fraction des masses la plus proche du Parti, mais nous n’avons pas fait ce qui était nécessaire pour maintenir sur nos positions l’ensemble du prolétariat, qui était pourtant encore aminé d’un esprit extrêmement combatif, comme l’ont démontré tant de pages, souvent héroïques, de la résistance qu’il a opposée à l’adversaire.
Dans une situation extrêmement difficile, qui voyait le Parti employer toutes ses forces dans la lutte immédiate, pour survivre physiquement, ces problèmes n’ont pas fait l’objet de discussions à la base et n’ont point contribué au développement de la capacité idéologique et politique du Parti, ce qui a constitué, pour notre organisation, un facteur de faiblesse supplémentaire.
C’est ainsi que le ler Congrès du Parti, qui s’est tenu au théâtre San Marco de Livourne aussitôt après la scission, ne s’est posé que des problèmes d’organisation immédiate : formation des organes centraux et encadrement général du Parti. Le IIe Congrès aurait pu et peut-être dû examiner et poser les problèmes en question, mais les faits suivants l’ont empêché de le faire :
l° Non seulement la masse, mais aussi une grande partie des éléments les plus responsables et les plus proches de la direction du Parti ignoraient littéralement qu’il y eût des divergences profondes et essentielles entre la ligne que suivait notre parti et celle que soutenait l’Internationale.
2° Le fait que le Parti était absorbé par la lutte strictement physique faisait qu’on attachait moins d’importance aux questions idéologiques et politiques qu’aux questions purement organisationnelles. Il s’est donc développé dans le Parti, et c’était naturel, un état d’esprit hostile a priori à l’approfondissement de toute question susceptible de soulever des conflits importants à l’intérieur du groupe dirigeant qui s’était constitué à Livourne.
3° L’opposition qui s’est manifestée au Congrès de Rome et qui prétendait être la seule représentante des directives de l’Internationale, constituait, dans la situation donnée, une expression de la fatigue et de la passivité de certains secteurs du Parti.
La crise qu’ont subie tant la classe dominante que le prolétariat dans la période qui a précédé l’arrivée au pouvoir du fascisme, a confronté une fois de plus notre parti aux problèmes que le Congrès de Rome n’avait pas eu la possibilité de résoudre.
En quoi a consisté cette crise ? Les groupes de gauche de la démocratie, qui étaient verbalement partisans d’un gouvernement démocratique résolu à arrêter énergiquement le mouvement fasciste, avaient laissé le Parti socialiste arbitre de cette solution afin de le liquider politiquement en lui faisant assumer la responsabilité de l’échec d’un accord antifasciste. La façon même de poser la question, de la part des démocrates, impliquait leur capitulation préventive devant le mouvement fasciste, phénomène qui s’est reproduit par la suite à l’époque de la crise Matteotti.
Si, pendant un premier temps, cette position du problème a suscité une clarification à l’intérieur du Parti socialiste en provoquant la scission entre maximalistes et réformistes, elle n’en a pas moins aggravé la situation du prolétariat.
Cette scission rendait en effet infructueuse la tactique que proposaient les démocrates, puisque le gouvernement de gauche qu’ils préconisaient aurait dû comprendre un Parti socialiste encore uni : la majorité de la classe prolétarienne organisée se serait ainsi trouvée prisonnière des engrenages de l’État bourgeois comme elle devait l’être ultérieurement avec la législation fasciste, et l’expérience directe du fascisme aurait été inutile.
D’autre part, on l’a vu clairement par la suite, le tournant à gauche des maximalistes au moment de la scission a été purement mécanique : s’ils ont déclaré vouloir adhérer à l’I.C. et ont reconnu, de ce fait, l’erreur commise à Livourne, ils ont procédé avec tant de réticences et de restrictions mentales qu’ils ont stérilisé le réveil révolutionnaire que la scission avait provoqué chez les masses ; celles-ci, déçues une fois de plus, sont ainsi retombées dans une passivité dont le fascisme a profité pour effectuer sa marche sur Rome.
Le cours nouveau dans le Parti
Cette situation nouvelle s’est exprimée au IVe Congrès de l’I.C. : en dépit des doutes et des résistances de la majorité des délégués de notre parti, convaincus que le tournant des maximalistes ne représentait qu’une oscillation passagère et sans avenir, on en est venu à former le Comité de fusion.
C’est à partir de ce moment-là que s’engage, dans notre parti, un processus de différenciation interne au groupe dirigeant né à Livourne. Ce processus ne cesse de se développer et, lorsque apparaissent et mûrissent les éléments de la crise du fascisme ouverte par le Congrès de Turin du Parti populaire (2), il sort des frontières du groupe pour investir la totalité du Parti.
Il est toujours plus évident que, si l’on veut que le mouvement communiste se développe parallèlement à la crise de la classe dominante, il faut arracher le Parti à ses positions de 1921-1922. Le conflit entre notre parti et l’Internationale nourrissait dans nos rangs un état de fractionnisme latent, qui s’exprimait dans des groupes franchement droitiers souvent liquidateurs. Le préalable qui avait tenu tant de place dans le passé, celui du maintien à tout prix de l’unité organisationnelle du Parti, n’avait ainsi plus lieu d’être.
Tarder encore à poser dans toute leur ampleur les questions de tactique fondamentales sur lesquelles on avait hésité jusqu’alors à ouvrir la discussion, aurait signifié provoquer une crise sans issue pour l’ensemble du Parti.
C’est ainsi que se sont constitués de nouveaux groupements qui se sont développés jusqu’à la veille de notre IIIe Congrès. On a pu alors s’assurer que, non seulement la grande majorité de la base de notre parti (qui n’avait jamais été ouvertement consultée), mais aussi la grande majorité du vieux groupe dirigeant, s’étaient nettement éloignées des conceptions et des positions politiques de l’extrême gauche pour se placer entièrement sur le terrain de l’Internationale et du léninisme.
L’importance du IIIe Congrès
De ce qui a été dit jusqu’ici, on voit clairement l’importance et l’ampleur des tâches de notre IIIe Congrès. Il devait clore toute une période de la vie de notre parti en mettant fin à la crise intérieure et en organisant un regroupement de forces assez stable pour permettre le développement normal de son aptitude à diriger politiquement les masses et, donc, de sa capacité d’action.
Le Congrès a-t-il effectivement accompli ces tâches ? Indubitablement, tous les travaux du Congrès ont démontré qu’en dépit des difficultés de la situation, notre parti est parvenu à résoudre sa crise de croissance et à atteindre un niveau d’homogénéité, de cohésion et de stabilité remarquable et certainement supérieur à celui de bien d’autres sections de l’Internationale.
L’intervention, dans les discussions du Congrès, des délégués de la base, dont certains venaient des régions où l’activité du Parti est la plus difficile, a démontré que les éléments fondamentaux de la discussion entre, d’une part, l’Internationale et le Comité central, et, d’autre part, l’opposition, ont été non seulement absorbés mécaniquement par le Parti, mais ont suscité une ample conviction consciente et ont ainsi contribué à élever, d’une manière que les camarades les plus optimistes n’osaient envisager, le ton de la vie intellectuelle de la masse des camarades et leur capacité de direction et d’initiative politique.
C’est là, croyons-nous, la signification la plus importante du Congrès. Il est clair que si notre parti peut se dire un parti de masse, c’est non seulement pour l’influence qu’il exerce sur de larges couches de la classe ouvrière et des masses paysannes, mais parce qu’il a acquis, dans les éléments individuels qui le composent, une faculté d’analyse des situations, un pouvoir d’initiative politique et une aptitude à diriger qui lui faisaient défaut dans le passé et qui constituent la base de sa capacité de direction collective.
D’autre part, tout le travail mené à la base pour organiser idéologiquement et pratiquement le Congrès dans les régions et les provinces où la répression policière vise tous les faits et gestes de nos camarades, et le fait qu’on ait réussi à réunir pendant sept jours plus de soixante camarades pour le Congrès du Parti et presque autant pour le Congrès des jeunesses, confirment par eux-mêmes le développement qu’on a dit.
Il est évident pour tout le monde que tout ce mouvement de camarades et d’organisations n’est plus seulement un succès organisationnel, mais constitue en lui-même une très haute manifestation politique.
Quelques chiffres à ce sujet. Il y a eu, dans la première phase de préparation du Congrès, de deux à trois mille réunions de base qui ont culminé dans plus d’une centaine de Congrès provinciaux et interprovinciaux, où l’on a choisi, après de larges discussions, les délégués au Congrès.
Valeur politique et résultats acquis
Chaque ouvrier est en mesure d’apprécier toute la signification de ces quelques chiffres qu’il nous est possible de publier cinq ans après l’époque de l’occupation des usines et après trois ans d’un gouvernement fasciste qui a intensifié sur une large échelle le contrôle de toutes les activités de masse et a réalisé une organisation policière de loin supérieure à tous les systèmes policiers antérieurs.
La plus grande faiblesse de l’organisation ouvrière traditionnelle se manifestait essentiellement dans le déséquilibre permanent, et qui devenait catastrophique dans les moments culminants de l’activité de masse, entre les aptitudes des cadres organisationnels du Parti et la poussée spontanée de la base.
En dépit des conditions extrêmement défavorables de la période actuelle, il est évident que notre parti est largement parvenu à dépasser cette faiblesse et à se doter d’un système d’organisation coordonné et centralisé qui assure la classe ouvrière contre les erreurs et les insuffisances qui se manifestaient dans le passé. C’est là une autre signification importante de notre Congrès : la classe ouvrière est capable d’agir et, en tant qu’elle réussit à tirer de son sein tous les éléments techniques qui, dans la société moderne, sont indispensables à l’organisation concrète des institutions chargées de réaliser le programme prolétarien, elle démontre sa capacité historique de prendre la tête de la lutte anticapitaliste.
Et c’est de ce point de vue qu’il faut analyser toute l’activité du mouvement fasciste de 1921aux dernières lois « fascistissimes » : activité qui a systématiquement visé à détruire les cadres que le mouvement ouvrier et révolutionnaire avait péniblement élaborés en près de cinquante ans d’histoire.
De cette façon, le fascisme est pratiquement parvenu à dépouiller la classe ouvrière de son autonomie et de son indépendance politique et l’a réduite soit à la passivité, c’est-à-dire à une subordination inerte à l’appareil d’État, soit, dans les moments de crise politique comme la période Matteotti, à rechercher des cadres dirigeants dans d’autres classes moins exposées à la répression.
Notre parti est resté le seul mécanisme dont dispose la classe ouvrière pour sélectionner de nouveaux cadres dirigeants de classe, c’est-à-dire pour reconquérir son indépendance et son autonomie politique. Le Congrès a démontré que notre parti est brillamment parvenu à remplir cette tâche essentielle.
Le Congrès devait réaliser deux objectifs fondamentaux
1° Après les discussions et les redistributions de forces dont nous avons parlé précédemment, il fallait unifier le Parti, tant sur le terrain des principes et de la pratique organisationnelle, qu’au plan plus strictement politique.
2°Le Congrès était appelé à établir la ligne politique du Parti pour le proche avenir et à élaborer un programme de travail pratique dans tous les domaines d’activité des masses.
Ces objectifs concrets posaient un certain nombre de problèmes qui, bien entendu, ne sont pas indépendants les uns des autres, mais sont coordonnés dans le cadre de la conception générale du léninisme. C’est pourquoi les discussions du Congrès, même lorsqu’elles ont porté sur les aspects techniques d’une question pratique, ont posé la question générale de l’acceptation ou non du léninisme. Le Congrès devait donc servir à mettre en évidence dans quelle mesure notre parti était devenu un parti bolchevique.
Les objectifs fondamentaux
C’est à partir d’une appréciation historique et politique immédiate du rôle de la classe ouvrière dans notre pays que le Congrès a résolu toute une série de problèmes qu’on peut regrouper ainsi :
l° Rapports entre le Comité central et la masse du Parti. a) Cet ensemble de problèmes inclut la discussion générale sur la nature du Parti, qui se doit d’être un parti de classe, et ce, non seulement abstraitement, c’est-à-dire en tant que le programme accepté par ses membres exprime les aspirations du prolétariat, mais, pour ainsi dire, physiologiquement, en tant, autrement dit, que la grande majorité de ses adhérents est formée de prolétaires et que lui-même reflète et exprime exclusivement les besoins et l’idéologie d’une seule classe : le prolétariat. b) Une fois unifiées socialement de cette façon, la subordination complète de toutes les énergies du Parti à la direction du Comité central.
La loyauté de tous les membres du Parti envers le Comité central ne doit pas être purement organisationnelle et disciplinaire, mais doit devenir un véritable principe d’éthique révolutionnaire. Il faut en inculquer profondément la conviction parmi les masses du Parti, afin que les initiatives fractionnelles et, plus généralement, toute tentative de désagréger l’unité du Parti se heurtent inévitablement à une réaction spontanée et immédiate de la base qui les étouffe dans l’œuf.
L’autorité du Comité central, entre deux congrès, ne doit jamais être remise en question et le Parti doit devenir un bloc homogène. Ce n’est qu’à cette condition que le Parti pourra vaincre ses ennemis de classe.
Comment la masse des sans-parti pourrait-elle être assurée que l’instrument de la lutte révolutionnaire, le Parti, parviendra à mener, sans hésitations ni oscillations, la lutte implacable pour conquérir et conserver le pouvoir, si le Comité central du Parti n’a pas la capacité et l’énergie nécessaires pour éliminer toutes les faiblesses qui peuvent compromettre son homogénéité?
Il serait impossible de réaliser ces deux points si, dans le Parti, l’homogénéité sociale et l’unité monolithique de l’organisation n’avaient pas pour complément la conscience, chez tous, d’une homogénéité idéologique et politique.
Concrètement, on peut exprimer dans cette formule la ligne que le Parti doit suivre : le noyau de l’organisation du Parti consiste en un fort Comité central, étroitement lié à la base prolétarienne du Parti lui-même, sur le terrain de l’idéologie et de la tactique du marxisme-léninisme.
Sur cette série de problèmes, l’énorme majorité du Congrès s’est nettement prononcée en faveur des thèses du Comité central et ne s’est pas bornée à refuser la moindre concession, mais a insisté sur la nécessité de l’intransigeance théorique et de l’inflexibilité pratique, en rejetant ainsi les conceptions de l’opposition susceptibles de maintenir le Parti dans un état de déliquescence et d’apathie politiques et sociales.
2°Rapports du Parti avec la classe prolétarienne (c’est-à-dire avec la classe dont le Parti est le représentant direct, la classe qui a pour mission de diriger la lutte anticapitaliste et d’organiser la nouvelle société). C’est de cet ensemble de problèmes que relève l’appréciation du rôle du prolétariat dans la société italienne, c’est-à-dire du degré de maturité de cette société, de son aptitude à se transformer, de société capitaliste, en société socialiste et donc des possibilités, pour le prolétariat, de devenir classe indépendante et dominante.
C’est pourquoi le Congrès a discuté de : a) la question syndicale, qui est pour nous essentiellement la question de l’organisation des masses les plus larges, comme classe en soi, sur la base des intérêts économiques immédiats, et comme terrain d’éducation politique révolutionnaire ; b) la question du front unique, c’est-à-dire des rapports de direction politique entre la partie la plus avancée du prolétariat et ses fractions les moins avancées.
3°Rapports de la classe ouvrière dans son ensemble avec les autres forces sociales qui, bien que dirigées par des partis ou des groupes politiques liés à la bourgeoisie, sont objectivement sur le terrain de l’anticapitalisme : donc, en premier lieu, les rapports entre le prolétariat et les paysans.
Sur toute cette série de problèmes aussi, l’énorme majorité du Congrès a repoussé les conceptions erronées de l’opposition et s’est prononcée en faveur des solutions apportées par le Comité central.
Les positions des forces en présence
Nous avons déjà évoqué l’attitude adoptée par l’écrasante majorité du Congrès à l’égard des solutions qu’il convient d’apporter aux problèmes essentiels de la période actuelle.
Il convient pourtant d’analyser de façon plus détaillée l’attitude de l’opposition et d’évoquer, même brièvement, d’autres attitudes qui se sont fait jour au Congrès comme des attitudes individuelles, mais qui pourraient à l’avenir coïncider avec des moments transitoires déterminés du développement de la situation italienne, et qu’il faut pour cela dénoncer et combattre dès maintenant.
Nous avons déjà parlé dans les premiers paragraphes de cet exposé des aspects et des formes qui ont caractérisé la crise de développement de notre parti au cours des années 1921-1924.
Nous rappellerons rapidement que cette crise a trouvé une solution organisationnelle provisoire au VI Congrès mondial grâce à la constitution d’un Comité central qui se situait dans l’ensemble sur le terrain du léninisme et de la tactique de l’Internationale communiste, mais qui se composait de trois éléments : le premier, qui avait la majorité plus une voix dans le Comité central, représentait les éléments de gauche qui s’étaient détachés du vieux groupe de Livourne après le IVe Congrès, le second représentait l’opposition qui s’était constituée au IIe Congrès contre les « Thèses de Rome » et le troisième représentait les terzini entrés dans le Parti après la fusion.
En dépit de ses faiblesses intrinsèques, du fait même que c’était le « groupe du centre », c’est-à-dire les éléments de gauche qui s’étaient détachés du groupe dirigeant de Livourne, qui y exerçait nettement le rôle dirigeant, le Comité central parvint à poser et à résoudre énergiquement le problème de la bolchevisation du Parti et de son accord complet avec les directives de l’Internationale communiste.
Attitudes de l’extrême gauche
Certes, il y eut des résistances, qui culminèrent, tous les camarades s’en souviennent, dans la constitution du Comité d’entente, c’est-à-dire la tentative de constituer une fraction organisée susceptible de s’opposer au Comité central à la tête du Parti.
En réalité, la constitution du Comité d’entente fut le symptôme le plus important de la désagrégation de l’extrême gauche qui, consciente qu’elle perdait progressivement du terrain dans les rangs du Parti, chercha à galvaniser par une action de rébellion bruyante les quelques forces qu’elle conservait encore.
Il est à remarquer que, après la défaite idéologique et politique subie par l’extrême gauche dès avant le Congrès, son noyau le plus résistant avait commencé à adopter des positions toujours plus sectaires et plus hostiles au Parti dont il se sentait chaque jour plus éloigné et séparé. Ces camarades ont non seulement persisté à s’opposer de la façon la plus vigoureuse sur certains points concrets de l’idéologie et de la politique du Parti et de l’Internationale, mais ils ont cherché systématiquement et sur tous les points des motifs d’opposition, de façon à se présenter comme un parti dans le Parti ou presque.
On peut aisément imaginer que, à partir de ces positions, on en vint inévitablement, au cours du Congrès, à des attitudes théoriques et pratiques où il était difficile de distinguer entre l’expression dramatique de la situation générale dans laquelle doit agir le Parti et un certain histrionisme qui apparaissait démesuré à ceux qui avaient réellement lutté et s’étaient sacrifiés pour le prolétariat.
C’est dans ce cadre qu’il faut replacer, par exemple, la question préalable présentée par l’opposition dès l’ouverture du Congrès, dont elle contestait le pouvoir de délibération en vue de se prémunir ainsi d’un alibi pour reprendre éventuellement son activité fractionniste et refuser de reconnaître l’autorité de la nouvelle direction du Parti.
La masse des congressistes, qui savaient de combien de sacrifices et d’efforts d’organisation avait été payée la préparation du Congrès, vit dans cette question préalable une pure et simple provocation et il est significatif que les seuls applaudissements (le règlement du Congrès interdisait pour des raisons compréhensibles toute manifestation bruyante d’accord ou de blâme) soient allés à l’orateur qui a stigmatisé l’attitude de l’opposition et soutenu la nécessité de renforcer de manière démonstrative le nouveau comité qui allait être élu en lui donnant expressément pour mandat d’être d’une rigueur implacable contre toute initiative qui mettrait pratiquement en question l’autorité du Congrès et la valeur de ses délibérations.
Émergence de déviations de droite
Quoiqu’elle ait été aggravée par sa forme maniérée et théâtrale, l’attitude adoptée par l’opposition dès avant la fin du Congrès, alors qu’on se préparait à tirer les conclusions politico-organisationnelles de ses travaux, relève du même type de faits. Mais les membres de l’opposition purent avoir la nette démonstration de ce qu’est l’état d’esprit répandu dans les rangs du Parti : le Parti n’a pas l’intention de permettre que l’on joue plus longtemps au fractionnisme et à l’indiscipline ; le Parti veut réaliser le maximum de direction collective et ne permettra à quiconque, quelle que soit sa valeur personnelle, de s’opposer au Parti.
L’opposition d’extrême gauche a été la seule opposition officielle et déclarée pendant les séances plénières du Congrès.
L’attitude d’opposition sur la question syndicale adoptée par deux membres de l’ancien Comité central avait un tel caractère d’improvisation et d’impulsivité qu’il faut y voir plutôt un phénomène individuel d’hystérie politique qu’une opposition systématique.
Il y eut en revanche, pendant les travaux de la commission politique, une manifestation qui, pour ne représenter pour l’instant qu’une attitude purement individuelle, se fonde sur des motifs idéologiques qui obligent à y voir ni plus ni moins qu’une vraie plate-forme de droite, susceptible d’être proposée au Parti dans une situation déterminée et qui, de ce fait, doit être, comme ce fut le cas, repoussée sans hésitation, d’autant plus qu’elle avait pour porteparole un membre du vieux Comité central.
Ces thèmes idéologiques sont : 1° l’affirmation que le gouvernement ouvrier et paysan peut se constituer sur la base du Parlement bourgeois ; 2°l’affirmation que la social-démocratie ne doit pas être considérée comme l’aile gauche de la bourgeoisie, mais comme l’aile droite du prolétariat ; 3°que dans l’analyse de l’État bourgeois, il faut distinguer entre la fonction d’oppression d’une classe sur l’autre et la fonction de production de satisfactions déterminées de certaines exigences générales de la société.
Les deux premiers points sont contraires aux décisions du IIIe Congrès ; le troisième est étranger à la conception marxiste de l’État. Tous trois dénotent ensemble une tendance à concevoir la solution de la crise de la société bourgeoise en dehors de la révolution.
La ligne politique fixée par le Parti
Puisque telle a été la position des forces représentées au Congrès, c’est-à-dire une opposition encore plus rigide des résidus du « gauchisme * » aux positions théoriques et pratiques de la majorité du Parti, nous nous contenterons d’évoquer rapidement certains points de la ligne établie par le Congrès.
Question idéologique. Sur cette question, le Congrès a souligné la nécessité de développer, de la part du Parti, tout un travail d’éducation qui renforce dans les rangs du Parti la connaissance de cette doctrine marxiste qui est la nôtre et qui développe la capacité de la plus large couche dirigeante.
Sur ce point, l’opposition a tenté habilement de faire diversion : elle a exhumé quelques vieux articles et morceaux d’articles de camarades de la majorité pour soutenir que c’est seulement avec quelque retard qu’ils avaient accepté intégralement la conception du matérialisme historique telle qu’elle ressort des œuvres de Marx et d’Engels et qu’ils soutenaient au contraire l’interprétation du matérialisme historique donnée par Benedetto Croce.
Puisque, comme on le sait, on a considéré aussi que les « Thèses de Rome » s’inspiraient essentiellement de la philosophie crocienne, cette argumentation de l’opposition a paru relever de la pure démagogie de congrès. En tout cas, du moment que la question ne concerne pas des individus isolés, mais des masses, la ligne établie par le Congrès quant à la nécessité de mener un travail spécifique d’éducation pour élever le niveau de la culture générale du Parti en matière de marxisme, réduit la polémique de l’opposition à un exercice érudit de recherche d’éléments biographiques plus ou moins intéressants sur le développement intellectuel de tel ou tel camarade.
Tactique du Parti.
Le Congrès a approuvé et a défendu énergiquement contre les attaques de l’opposition la tactique suivie par le Parti durant la dernière période de l’histoire italienne caractérisée par la crise Matteotti. Il convient de dire que l’opposition n’a pas essayé d’opposer à l’analyse de la situation faite par le Comité central dans ses thèses pour le Congrès ni une autre analyse conduisant à établir une ligne tactique différente ni des corrections partielles qui puissent justifier une position de principe.
La position fausse de l’extrême gauche s’est même caractérisée par le fait que ses remarques et ses critiques ne se sont jamais basées sur un examen ni approfondi ni même superficiel des rapports de forces et des conditions générales de la société italienne.
Il apparut ainsi clairement que la méthode de l’extrême gauche, et que celle-ci prétend être dialectique, n’est pas la méthode de la dialectique matérialiste propre à Marx, mais la vieille méthode de la dialectique conceptuelle de la philosophie pré-marxiste et même pré-hégélienne.
À l’analyse des forces en lutte et de la direction qu’elles prennent en contradiction avec le développement des forces matérielles de la société, l’opposition substituait l’affirmation qu’elle était dotée d’un « flair » tout particulier et mystérieux qui devrait inspirer la direction du Parti.
Étrange aberration qui autorisait le Congrès à estimer extrêmement dangereuse et destructrice pour le Parti une telle méthode qui ne pouvait déboucher que sur une politique d’improvisation et d’aventures.
Que l’opposition n’ait du reste jamais possédé une méthode capable de développer les forces du Parti et les énergies révolutionnaires qu’on puisse opposer à la méthode marxiste et léniniste, c’est ce que démontrent l’attitude de la direction du Parti en février 1921, lorsque le fascisme lança son offensive frontale en Toscane et dans les Pouilles, et l’attitude de la même direction envers le mouvement des Arditi del popolo (2). L’analyse de ces deux moments fit apparaître que la méthode défendue par l’opposition a pour seuls résultats la passivité et l’inaction et qu’elle consiste, en dernière analyse, à tirer des enseignements, au seul usage de la pédagogie et de la propagande, des événements qui se sont déroulés sans l’intervention de l’ensemble du Parti.
La question syndicale
Dans le domaine syndical la tâche difficile du Parti consiste à trouver un juste accord entre ces deux lignes d’activité pratique :
1° Défendre les syndicats de classe en cherchant à maintenir le maximum de cohésion et d’organisation syndicale parmi les masses qui ont participé traditionnellement à l’organisation syndicale elle-même. C’est là une tâche d’une importance exceptionnelle car le Parti révolutionnaire doit toujours, même dans les pires situations objectives, s’efforcer de conserver toutes les accumulations d’expérience et de capacité technique et politique qui se sont formées à la faveur des développements de l’histoire passée dans la masse prolétarienne.
Pour notre Parti, la Confédération générale du travail constitue en Italie l’organisation qui exprime historiquement de la façon la plus organique ces accumulations d’expériences et de capacités et qui représente donc le terrain sur lequel doit être menée cette défense.
2°Compte tenu du fait que la dispersion actuelle des grandes masses travailleuses est essentiellement due à des motifs qui sont extérieurs à la classe ouvrière et qui font qu’il existe des possibilités d’organisation immédiates de caractère pas strictement syndical, le Parti doit se proposer de promouvoir activement ces possibilités. Cette tâche ne peut être accomplie que si le travail organisationnel de masse est transféré du domaine corporatif au domaine industriel d’usine et si les liens de l’organisation de masse vont au-delà de l’adhésion individuelle au moyen de la carte syndicale pour devenir électifs et représentatifs.
Il est clair par ailleurs que cette tactique du Parti correspond au développement normal de l’organisation de masse prolétarienne, telle qu’elle s’était réalisée pendant et après la guerre, c’est-à-dire pendant la période où le prolétariat a commencé à se poser le problème de lutter jusqu’au bout contre la bourgeoisie pour la conquête du pouvoir. Pendant cette période, la forme organisationnelle traditionnelle du syndicat de métier avait été complétée par tout un système de représentations électives d’usine, c’est-à-dire par les comités d’entreprise.
On sait aussi que, en particulier pendant la guerre, lorsque les centrales syndicales adhérèrent aux comités de mobilisation industrielle et décidèrent donc une situation de « paix industrielle » par certains aspects analogue à la situation présente, les masses ouvrières de tous les pays (Italie, France, Russie, Angleterre, et même États-Unis) retrouvèrent les voies de la résistance et de la lutte sous la direction des délégués ouvriers élus dans les usines.
La tactique syndicale du Parti consiste essentiellement à développer toute l’expérience d’organisation des grandes masses en pesant sur les possibilités de réalisation les plus immédiates, étant donné les difficultés objectives auxquelles se heurte le mouvement syndical du fait du régime bourgeois, d’une part, et du réformisme confédéral, de l’autre.
Cette ligne a été intégralement approuvée par l’écrasante majorité du Congrès. C’est toutefois à son sujet qu’ont eu lieu les discussions les plus passionnées et que l’opposition fut représentée, non seulement par l’extrême gauche, mais, comme nous l’avons déjà dit, par deux membres du Comité central.
Un orateur soutint que le Parti doit mener une action de masse uniquement dans les usines et que le syndicat est donc historiquement dépassé. Cette thèse, qui procède des positions les plus absurdes de l’infantilisme de gauche, fut repoussée nettement et énergiquement par le Congrès.
Pour un autre orateur au contraire, la seule activité du Parti dans ce domaine doit être l’activité syndicale traditionnelle : cette thèse est étroitement liée à une conception de droite, c’est-à-dire à la volonté de ne pas avoir de heurts trop graves avec la bureaucratie syndicale réformiste qui s’oppose vigoureusement à toute organisation de masse.
L’opposition d’extrême gauche était guidée par deux directives fondamentales : la première, qui concernait essentiellement le Congrès, s’efforçait de démontrer que la tactique des organisations d’usine soutenue par le Comité central et par la majorité du Congrès est liée à la conception de L’Ordine Nuovo hebdomadaire, conception qui, selon l’extrême gauche, était proudhonienne et non marxiste ; la seconde est liée à la question de principe dans laquelle l’extrême gauche s’oppose nettement au léninisme : le léninisme soutient que le Parti guide la classe au moyen des organisations de masse et considère donc que l’une des tâches essentielles du Parti est le développement des organisations de masse ; pour l’extrême gauche au contraire, ce problème n’existe pas et l’on confère au Parti des fonctions qui peuvent l’amener, d’une part, aux pires catastrophes et, d’autre part, au plus dangereux des aventurismes.
Le Congrès a rejeté toutes ces déformations de la tactique syndicale communiste, tout en estimant nécessaire d’insister avec une énergie toute particulière sur la nécessité d’une participation plus grande et plus active des communistes au travail dans l’organisation syndicale traditionnelle.
La question agraire
Le Parti a cherché, en ce qui concerne son action parmi les paysans, à sortir de la sphère de la simple propagande idéologique visant à diffuser de manière strictement abstraite les termes généraux de la solution léniniste de ce problème, pour se placer sur le terrain pratique de l’organisation et de l’action politique réelle. Il est évident que c’était plus facile à réaliser en Italie que dans les autres pays du fait que, dans notre pays, le processus de différenciation des grandes masses de la population est sous certains aspects plus avancé qu’ailleurs de par les effets de la situation politique actuelle.
D’autre part, étant donné que le prolétariat industriel ne représente chez nous qu’une minorité de la population travailleuse, une telle question se pose avec plus d’intensité qu’ailleurs. La forme que prennent, en Italie, le problème de la définition des forces motrices de la révolution et celui du rôle dirigeant du prolétariat exige de notre Parti une attention particulière et la recherche de solutions concrètes aux problèmes généraux que résume l’expression « question agraire ».
La grande majorité du Congrès a approuvé la façon dont le Parti a posé ces problèmes et a affirmé la nécessité d’intensifier le travail selon la ligne générale déjà appliquée partiellement.
En quoi consiste pratiquement cette activité ? Le Parti doit viser à créer dans chaque région des unions régionales de l’Association de défense des paysans ; mais, à l’intérieur de ces cadres organisationnels plus larges, il faut distinguer quatre groupements fondamentaux des masses paysannes, dont chacun exige des attitudes et des solutions politiques bien précises et complètes.
L’un de ces groupements est constitué par les masses des paysans slaves de l’Istrie et du Frioul, dont l’organisation est étroitement liée à la question nationale.
Le second est constitué par le mouvement paysan particulier qui se rassemble sous le titre de « Parti des paysans » et qui a pour base essentielle le Piémont : pour ce groupement, qui n’a pas un caractère confessionnel mais un caractère plus strictement économique, il convient d’appliquer les termes généraux de la tactique agraire du léninisme, et ce, aussi, parce que ce groupement se trouve dans la région qui abrite un des centres prolétariens les plus puissants d’Italie.
Les deux autres groupements sont de loin les plus considérables et ce sont ceux qui exigent le plus d’attention de la part de notre parti : l° la masse des paysans catholiques, regroupés en Italie centrale et septentrionale, et qui sont directement organisés par l’Action catholique et l’appareil ecclésiastique général, c’est-à-dire le Vatican ; 2° la masse des paysans d’Italie méridionale et des îles.
En ce qui concerne les paysans catholiques, le Congrès a décidé que le Parti doit poursuivre et doit développer la ligne qui consiste à favoriser les formations de gauche qui existent dans ce secteur et qui sont étroitement liées à la crise agraire générale qui s’est ouverte dès avant la guerre en Italie centrale et septentrionale.
Le Congrès a établi que l’attitude adoptée par le Parti à l’égard des paysans catholiques, tout en comportant certains éléments essentiels pour la solution du problème politico-religieux italien, ne doit en aucun cas conduire à favoriser les tentatives, toujours possibles, de mouvements idéologiques de nature strictement religieuse. La tâche du Parti consiste à expliquer que les conflits nés sur le terrain de la religion dérivent des conflits de classes et à s’efforcer de toujours mettre en évidence les caractères de classe de ces conflits et non, vice versa, à favoriser des solutions religieuses des conflits de classes, même si ces solutions apparaissent de gauche en tant qu’elles mettent en question l’autorité de l’organisation officielle religieuse.
La question des paysans méridionaux a fait l’objet, de la part du Congrès, d’une attention toute particulière.
Le Congrès a reconnu la justesse de l’affirmation contenue dans les thèses du Comité central et selon laquelle le rôle de la masse paysanne méridionale dans le développement de la lutte anticapitaliste en Italie doit faire l’objet d’un examen particulier et aboutir à la conclusion que les paysans méridionaux sont, après le prolétariat industriel et agricole d’Italie du Nord, l’élément social le plus révolutionnaire de la société italienne.
Quelle est la base matérielle et politique de ce rôle des masses paysannes du Sud ? Les rapports qui existent entre le capitalisme italien et les paysans méridionaux ne consistent pas seulement en les rapports historiques normaux entre ville et campagne, tels que les a créés le développement du capitalisme dans tous les pays du monde ; dans le cadre de la société nationale, ces rapports sont aggravés et radicalisés du fait que toute la zone méridionale et les îles fonctionnent économiquement et politiquement comme une immense campagne face à l’Italie du Nord, qui fonctionne comme une immense ville.
Le résultat de cette situation, c’est la formation et le développement, en Italie méridionale, de certains aspects d’une question nationale, même si, dans l’immédiat, ces aspects ne représentent pas la totalité de cette question, mais prennent seulement la forme d’une très vive lutte de caractère régionaliste et de profonds courants en faveur de la décentralisation et des autonomies locales.
Ce qui fait que la situation des paysans méridionaux est caractéristique, c’est que, à la différence des trois groupements précédents, ils n’ont dans l’ensemble aucune expérience d’organisation autonome.
Ils sont encadrés dans les schémas traditionnels de la société bourgeoise qui permettent aux agrariens, partie intégrante du bloc agro-capitaliste, de contrôler les masses paysannes et de les diriger selon leurs objectifs.
À la suite de la guerre et des agitations ouvrières de l’après-guerre qui avaient profondément affaibli l’appareil d’État et presque détruit le prestige social des classes supérieures dont on a parlé, les masses paysannes du Midi se sont éveillées à leur propre vie et ont péniblement recherché un encadrement qui leur soit propre.
C’est ainsi qu’il y a eu des mouvements d’anciens combattants et les divers partis de « rénovation » qui cherchaient à exploiter ce réveil de la masse paysanne, parfois en le soutenant comme à l’époque de l’occupation des terres, le plus souvent en cherchant à le dévier et ensuite, comme cela s’est produit récemment avec la constitution de l’« Unione nazionale », de l’ancrer sur des positions de lutte pour la soi-disant démocratie.
Les derniers événements italiens qui ont provoqué un passage en masse de la petite bourgeoisie méridionale au fascisme, ont rendu d’autant plus manifeste la nécessité de donner aux paysans méridionaux une direction qui leur soit propre et leur permette de se soustraire définitivement à l’influence de la bourgeoisie agraire.
Le seul organisateur possible de la masse paysanne méridionale, c’est l’ouvrier d’industrie, représenté par notre parti. Mais pour que ce travail d’organisation soit possible et efficace, il faut que notre parti se rapproche étroitement du paysan méridional, que notre parti détruise chez l’ouvrier d’industrie le préjugé qui lui a été inculqué par la propagande bourgeoise et qui veut que le Midi soit un boulet qui s’oppose à un développement supérieur de l’économie nationale, et qu’il détruise chez le paysan méridional le préjugé encore plus dangereux qui lui fait voir, dans le Nord de l’Italie, un bloc unique d’ennemis de classe.
Pour y parvenir, il faut que notre parti fasse un travail de propagande intense à l’intérieur même de son organisation pour que tous les camarades prennent clairement conscience des termes de la question ; car si nous ne résolvons pas celle-ci de manière clairvoyante et révolutionnairement responsable, cela permettra à la bourgeoisie, battue dans sa zone, de se concentrer dans le Sud pour faire de cette région de l’Italie la place forte de la contre-révolution.
Sur tous ces problèmes, l’opposition d’extrême gauche n’a réussi à dire que des balivernes et des lieux communs. L’essentiel de sa position a consisté à nier a priori l’existence effective de ces problèmes concrets, sans aucune analyse ni même l’ombre d’une démonstration.
On peut même dire que c’est précisément à propos de la question agraire que s’est manifestée la véritable essence des thèses de l’extrême gauche : une sorte de corporatisme qui attend mécaniquement du développement des conditions objectives générales la réalisation des objectifs révolutionnaires. L’écrasante majorité du Congrès a, comme on l’a dit, rejeté cette conception.
Autres problèmes traités
En ce qui concerne la question de l’organisation concrète du Parti dans la période actuelle, le Congrès a ratifié sans discussion les délibérations de la récente Conférence d’organisation, déjà publiées dans L’Unità.
Étant donné la façon dont le Congrès s’est réuni et les objectifs qu’il s’était donnés, objectifs qui concernaient spécialement l’organisation interne du Parti et la résolution de la crise, il n’a pu traiter longuement de certaines questions, pourtant essentielles pour un parti prolétarien révolutionnaire.
C’est ainsi que la situation internationale en relation avec la ligne politique de l’Internationale communiste n’a été examinée que dans les thèses. La discussion a seulement effleuré ce thème et l’on a seulement traité la partie des problèmes internationaux concernant les formes et les relations d’organisation du Komintern parce que c’était là un facteur de la crise interne du Parti.
Le Congrès a cependant entendu un rapport très long et exhaustif sur les travaux du dernier Congrès du Parti russe (2) et sur la signification des discussions qui s’y sont déroulées.
C’est ainsi que le Congrès ne s’est pas occupé du problème de l’organisation dans le domaine des femmes, ni de l’organisation de la presse, thèmes essentiels pour notre mouvement et qui auraient mérité un traitement spécial. Le Congrès n’a même pas traité de la rédaction du programme du Parti qui était à l’ordre du jour. Nous pensons qu’il faut remédier à ces lacunes au moyen de conférences du Parti spécialement convoquées dans ce but.
Conclusion
En dépit de ces déficiences partielles, on peut affirmer, pour conclure, que la masse de travail effectué par le Congrès a été véritablement imposante.
Le Congrès a élaboré une série de résolutions et un programme de travail concret qui, dans la situation présente, devraient permettre à la classe ouvrière de développer ses énergies et sa capacité de direction politique.
Une condition est particulièrement nécessaire pour que les résolutions du Congrès soient non seulement appliquées, mais donnent tous les fruits qu’elles peuvent donner : il faut que le Parti demeure étroitement uni, qu’on ne laisse se développer en son sein aucun germe de désagrégation, de pessimisme, de passivité.
Tous les camarades du Parti sont appelés à réaliser cette condition. Nul ne peut douter que si cela se fait, ce sera la plus grande des déceptions pour tous les ennemis de la classe ouvrière.