Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Introduction du précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik)

    Le Parti communiste (bolchévik) de l’URSS a parcouru une longue et glorieuse carrière, depuis les cercles et groupes marxistes du début, apparus en Russie dans les années 80 du siècle dernier, jusqu’au grand Parti bolchévik, qui dirige de nos jours le premier État socialiste du monde, l’État des ouvriers et des paysans.

    Le Parti communiste de l’URSS est né – sur la base du mouvement-ouvrier de la Russie d’avant la Révolution – des cercles et groupes marxistes qui s’étaient liés avec le mouvement ouvrier auquel ils apportaient une conscience socialistes.

    Le Parti communiste de l’URSS s’est inspiré et s’inspire de la doctrine révolutionnaire marxiste-léniniste. Ses chefs ont développé plus avant, dans les conditions propres à l’époque de l’impérialisme, des guerres impérialistes et des révolutions prolétariennes, la doctrine de Marx et d’Engels ; ils l’ont portée à un degré supérieur.

    Le Parti communiste de l’URSS a grandi et s’est fortifié dans une lutte de principe contre les partis petits-bourgeois au sein du mouvement ouvrier : contre les socialistes-révolutionnaires (et antérieurement, contre leurs prédécesseurs, les populistes), les menchéviks, les anarchistes, les nationalistes bourgeois de toutes nuances et, à l’intérieur du Parti, contre les courants menchéviks opportunistes : les trotskistes, les boukhariniens, les fauteurs de déviations nationalistes et autres groupes antiléninistes.

    Le Parti communiste de l’URSS s’est fortifié et aguerri dans la lutte révolutionnaire contre tous les ennemis de la classe ouvrière, contre tous les ennemis des travailleurs, les grands propriétaires fonciers, les capitalistes, les koulaks, les saboteurs, les espions, contre tous les mercenaires des États capitalistes qui encerclent l’Union soviétique.

    L’histoire du Parti communiste de l’URSS est l’histoire de trois révolutions : révolution démocratique bourgeoise de 1905, révolution démocratique bourgeoise de février 1917 et révolution socialiste d’octobre 1917.

    L’histoire du Parti communiste de l’URSS est l’histoire du renversement du tsarisme, celle du renversement du pouvoir des propriétaires fonciers et des capitalistes, celle de l’écrasement de l’intervention armée de l’étranger pendant la guerre civile, celle de la construction de l’État soviétique et de la société socialiste dans notre pays.

    L’étude de l’histoire du Parti communiste de l’URSS nous enrichit de toute l’expérience de la lutte soutenue par les ouvriers et les paysans de notre pays pour le socialisme.

    L’étude de l’histoire du Parti communiste de l’URSS, l’étude de l’histoire de la lutte de notre Parti contre tous les ennemis du marxisme-léninisme, contre tous les ennemis des travailleurs, nous aide à assimiler le bolchévisme ; elle élève notre vigilance politique.

    L’étude de l’histoire héroïque du Parti bolchévik nous donne pour arme la connaissance des lois du développement social et de la lutte politique, la connaissance des forces motrices de la révolution. L’étude de l’histoire du Parti communiste de l’URSS affermit en nous la certitude de la victoire définitive de la grande cause qui est celle du Parti de Lénine et de Staline, la certitude de la victoire du communisme dans le monde entier.

    Ce livre expose sommairement l’histoire du Parti communiste (bolchévik) de l’URSS.

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  • Résumés des chapitres du précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik)

    Chaque chapitre se conclut à l’origine par un résumé. Les voici.

    Résumé du chapitre 1.

    Le Parti ouvrier social-démocrate marxiste de Russie s’est formé dans la lutte d’abord contre le populisme, contre ses conceptions erronées et nuisibles à la cause de la révolution.

    C’est seulement quand les populistes eurent été battus dans le domaine idéologique, qu’il fut possible de déblayer le terrain pour la création d’un parti ouvrier marxiste de Russie. En 1880-1890, Plékhanov et son groupe « Libération du Travail » avaient porté un coup décisif au populisme.

    En 1890-1900, Lénine achève la mise en déroute idéologique du populisme ; il lui donne le coup de grâce.

    Le groupe « Libération du Travail », fondé en 1883, réalisa un travail important pour diffuser le marxisme en Russie ; il donna une base théorique à la social-démocratie et fit le premier pas au-devant du mouvement ouvrier.

    Avec le développement du capitalisme en Russie, les effectifs du prolétariat industriel sont en progression rapide. Vers 1885, la classe ouvrière s’engage dans la voie d’une lutte organisée, dans la voie d’une action de masse sous forme de grèves organisées.

    Mais les cercles et groupes marxistes ne s’occupaient que de propagande ; ils ne comprenaient pas la nécessité de passer à l’agitation de masse dans la classe ouvrière. C’est ce qui fait qu’ils n’étaient pas encore pratiquement liés au mouvement ouvrier, qu’ils ne dirigeaient pas.

    La fondation par Lénine de l’ « Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière » à Pétersbourg (1895), Union qui déploya une agitation de masse parmi les ouvriers et dirigea les grèves de masse, marqua une nouvelle étape, le passage à l’agitation de masse parmi les ouvriers et la fusion du marxisme avec le mouvement ouvrier.

    L’ « Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière » à Pétersbourg fut le premier embryon du parti prolétarien révolutionnaire de Russie. À la suite de l’ « Union de lutte » de Pétersbourg, des organisations marxistes furent crées dans tous les principaux centres industriels, de même qu’à la périphérie du pays.

    En 1898, le Ier congrès du POSDR se réunit, première tentative, du reste infructueuse, pour grouper les organisations social-démocrates marxistes au sein d’un parti. Mais ce congrès ne fonda pas encore le parti : il n’y avait ni programme, ni statuts du parti, ni direction émanant d’un centre unique ; il n’y avait presque aucune liaison entre les différents cercles et groupes marxistes.

    C’est pour grouper et lier entre elles, au sein d’un seul parti, les organisations marxistes disséminées, que Lénine établit et réalisa le plan de fondation du premier journal des marxistes révolutionnaires pour toute la Russie, l’Iskra.

    Dans cette période, les « économistes » étaient les principaux adversaires de la création d’un parti politique ouvrier unique. Ils niaient la nécessité d’un tel parti. Ils entretenaient la dispersion des différents groupes et leurs habitudes de travailler à la mode artisanale. C’est contre les « économistes » que Lénine et l’Iskra fondée par lui dirigèrent leurs coups.

    La publication des premiers numéros de l’Iskra (1900-1901) marqua la transition à une période nouvelle, à la période de formation effective avec les groupes et cercles dispersés, du Parti ouvrier social-démocrate unique de Russie.

    Résumé du chapitre 2.

    Pendant la période de 1901 à 1904, à la faveur de l’essor du mouvement ouvrier révolutionnaire, on voit grandir et se renforcer les organisations social-démocrates marxistes de Russie. Dans une opiniâtre lutte de principe contre les « économistes », la ligne révolutionnaire de l’Iskra de Lénine triomphe ; la confusion idéologique et le « travail à la mode artisanale » sont vaincus.

    L’Iskra relie entre eux les cercles et groupes social-démocrates dispersés et prépare le IIe congrès du Parti. À ce congrès, en 1903, se forme le Parti ouvrier social-démocrate de Russie ; on en adopte le programme et les statuts, on forme les organismes centraux dirigeants du Parti.

    Dans la lutte qui se déroule au IIe congrès pour la victoire définitive de l’orientations iskriste à l’intérieur du POSDR, deux groupes font leur apparition : celui des bolchéviks et celui des menchéviks.

    Les divergences essentielles entre bolchéviks et menchéviks à la suite du IIe congrès s’enveniment autour des questions d’organisation.

    Les menchéviks se rapprochent des « économistes » et prennent la place de ceux-ci dans le Parti. L’opportunisme des menchéviks se manifeste, pour l’instant, dans les questions d’organisation. Les menchéviks sont contre le Parti révolutionnaire de combat du type léniniste. Ils sont pour un Parti aux contours vagues, pour un parti inorganisé, suiviste. Ils appliquent une ligne de scission dans le Parti. Secondés par Plékhanov, ils s’emparent de l’Iskra et du Comité central ; ils utilisent ces centres à des fins de scission.

    Devant la menace de scission émanant des menchéviks, les bolchéviks prennent des mesures pour mettre au pas les scissionnistes ; ils mobilisent les organisations locales pour la convocation du IIIe congrès, et éditent leur journal V périod.

    C’est ainsi qu’à la veille de la première révolution russe, à un moment où a déjà commencé la guerre russo-japonaise, les bolchéviks et les menchéviks s’affirment comme des groupes politiques distincts.

    Résumé du chapitre 3.

    La première révolution russe marque toute une période historique dans le développement de notre pays.

    Cette période historique comporte deux phases : la première, quand la révolution s’élève de la grève politique générale d’octobre à l’insurrection armée de décembre, en mettant à profit la faiblesse du tsar qui essuyait des défaites sur les champs de bataille de Mandchourie, en balayant la Douma de Boulyguine et en arrachant au tsar concession sur concession ; la seconde phase, quand le tsar, ayant rétabli sa situation après la signature de la paix avec le Japon, exploite la peur de la bourgeoisie libérale devant la révolution, exploite les hésitations de la paysannerie, leur jette comme une aumône la Douma de Witle et passe à l’offensive contre la classe ouvrière, contre la révolution.

    En quelque trois années de révolution (1905-1907), la classe ouvrière et la paysannerie acquièrent une riche éducation politique que n’auraient pu leur donner trente années de développement pacifique ordinaire. Quelques années de révolution avaient rendu évidentes des choses que n’auraient pas suffi à rendre évidentes des dizaines d’années de développement pacifique.

    La révolution montra que le tsarisme était l’ennemi juré du peuple, qu’il était ce renard dont on dit qu’il mourra dans sa peau. La révolution montra que la bourgeoisie libérale recherchait une alliance non pas avec le peuple, mais avec le tsar ; qu’elle était une force contre-révolutionnaire et qu’une entente avec elle équivalait à trahir le peuple.

    La révolution montra que seule la classe ouvrière peut être le chef de la révolution démocratique bourgeoise ; qu’elle seule est capable de refouler la bourgeoisie cadette libérale, de soustraire à son influence la paysannerie, d’anéantir les propriétaires fonciers, de mener la révolution jusqu’au bout et de déblayer le chemin pour le socialisme. La révolution, montra enfin que la paysannerie travailleuse, en dépit de ses hésitations, n’en est pas moins l’unique force sérieuse qui soit capable d’accepter une alliance avec la classe ouvrière.

    Deux lignes se sont affrontées dans le P.O.S.D.R. pendant la révolution : la ligne bolchévique et la ligne menchévique.

    Les bolchéviks visaient à développer la révolution, à renverser le tsarisme par l’insurrection armée, à réaliser l’hégémonie de la classe ouvrière, à isoler la bourgeoisie cadette, à établir l’alliance avec la paysannerie, à créer un gouvernement révolutionnaire provisoire composé des représentants des ouvriers et des paysans, à mener la révolution jusqu’à la victoire finale. Les menchéviks, au contraire, visaient à contenir la révolution.

    Au lieu du renversement du tsarisme par l’insurrection, ils en proposaient la réforme et l’ « amélioration » ; au lieu de l’hégémonie du prolétariat, l’hégémonie de la bourgeoisie libérale ; au Heu d’une alliance avec la paysannerie, l’alliance avec la bourgeoisie cadette ; au lieu d’un gouvernement révolutionnaire provisoire, la Douma d’État comme centre des « forces révolutionnaires » du pays.

    C’est ainsi que les menchéviks ont roulé dans le marais de la conciliation et sont devenus les porte-parole de l’influence bourgeoise dans la classe ouvrière ; ils sont devenus, en fait, les agents de la bourgeoisie dans la classe ouvrière. Les bolchéviks se trouvèrent constituer l’unique force marxiste révolutionnaire dans le Parti et dans le pays.

    On conçoit qu’après d’aussi graves divergences, le P.O.S.D.R. se soit trouvé pratiquement scindé en deux partis : le Parti bolchévik et le parti menchévik. Le IVe congrès du Parti ne changea rien à la situation de fait qui régnait à l’intérieur du Parti. Il ne put que maintenir et consolider un peu l’unité formelle du Parti. Le Ve congrès fit un pas en avant vers l’unification effective du Parti, et cette unification se réalisa sous le drapeau du bolchévisme.

    En dressant le bilan du mouvement révolutionnaire, le Ve congrès du Parti condamna la ligne menchévique comme une ligne de conciliation, et approuva la ligne bolchévique comme la ligne marxiste révolutionnaire. Ce faisant, il confirmait une fois de plus ce qui avait été déjà confirmé dans le cours de la première révolution russe.

    La révolution a montré que les bolchéviks savent prendre l’offensive quand la situation le commande ; qu’ils ont appris à marcher aux premiers rangs et à conduire derrière eux le peuple à l’assaut. Mais la révolution a montré, en outre, que les bolchéviks savent aussi se replier en bon ordre, quand la situation devient défavorable, quand la révolution décroît ; que les bolchéviks ont appris à reculer dans les règles, sans panique ni précipitation, afin de conserver les cadres, de rassembler leurs forces et, après avoir reformé leurs rangs en tenant compte de la nouvelle situation, de reprendre l’offensive.

    On ne peut vaincre l’ennemi sans savoir bien conduire l’offensive. On ne peut éviter la débâcle en cas de défaite, si l’on ne sait se replier dans les règles, se replier sans panique et en bon ordre.

    Résumé du chapitre 4.

    Les années 1908-1912 furent une période très difficile pour l’action révolutionnaire.

    Après la défaite de la révolution, au moment où le mouvement révolutionnaire déclinait et où les masses étaient en proie à la lassitude, les bolchéviks changèrent de tactique en passant de la lutte directe contre le tsarisme, aux, voies détournées. C’est ainsi que dans les conditions pénibles de la réaction stolypinienne, ils exploitèrent les moindres possibilités légales pour maintenir la liaison avec les masses (depuis les caisses d’assurance et les syndicats jusqu’à la tribune de la Douma).

    Inlassablement, les bolchéviks travaillaient à rassembler les forces en vue d’un nouvel essor du mouvement révolutionnaire.

    Dans les dures conditions créées par la défaite de la révolution, la désagrégation des courants d’opposition, la déception à l’égard de la révolution et le renforcement des attaques révisionnistes des intellectuels détachés du Parti (Bogdanov, Bazarov et autres) contre les fondements théoriques du Parti, les bolchéviks furent l’unique force, les seuls à ne pas baisser le drapeau du Parti, à rester fidèles au programme et à repousser les attaques des « critiques » de la théorie marxiste (ouvrage de Lénine Matérialisme et empiriocriticisme). 

    La trempe idéologique marxiste-léniniste, la compréhension des perspectives de la révolution, aidèrent le noyau fondamental des bolchéviks groupés autour de Lénine à sauvegarder le Parti et ses principes révolutionnaires. « Ce n’est pas sans raison qu’on a dit de nous : fermes comme le roc  », disait Lénine en parlant des bolchéviks.

    Les menchéviks, à cette époque, abandonnent de plus en plus la révolution. Ils deviennent des liquidateurs ; ils exigent que le Parti révolutionnaire illégal du prolétariat soit liquidé, supprimé ; ils répudient de plus en plus ouvertement le programme du Parti, ses objectifs et ses mots d’ordre révolutionnaires. Ils tentent d’organiser un parti à eux, un parti réformiste, que les ouvriers baptisent du nom de « parti ouvrier de Stolypine ». Trotski soutient les liquidateurs, en se retranchant pharisaïquement derrière le mot d’ordre d’ « unité du parti », qui signifie en réalité unité avec les liquidateurs.

    D’autre part, certains bolchéviks, qui n’ont pas compris la nécessité d’emprunter de nouvelles voies, des voies détournées, pour lutter contre le tsarisme, demandent que l’on renonce à utiliser les possibilités légales, que l’on rappelle les députes ouvriers de la Douma d’État. Les otzovistes poussent le Parti à se détacher des masses ; ils gênent le rassemblement des forces en vue d’un nouvel essor révolutionnaire. Sous le couvert d’une phraséologie gauchiste, les otzovistes, de même que les liquidateurs, renoncent en fait à la lutte révolutionnaire.

    Les liquidateurs et les otzovistes constituent contre Lénine un bloc, dit bloc d’Août, organisé par Trotski. Dans la lutte contre les liquidateurs et les otzovistes, dans la lutte contre le bloc d’Août, les bolchéviks prennent le dessus et sauvent le Parti prolétarien illégal.

    L’événement capital de cette période est la conférence du P.O.S.D.R. tenue à Prague en janvier 1912. Cette conférence chasse les menchéviks du Parti ; on en finit pour toujours avec l’unité officielle des bolchéviks et des menchéviks dans un seul et même parti. De groupe politique qu’ils étaient, les bolchéviks se constituent en un parti indépendant, le Parti ouvrier social-démocrate (bolchévik) de Russie. La conférence de Prague marque la naissance d’un parti d’un type nouveau, le parti du léninisme, le Parti bolchévik.

    L’épuration du Parti prolétarien des éléments opportunistes, des menchéviks, réalisée par la conférence de Prague, a joué un rôle important, un rôle décisif pour le développement ultérieur du Parti et de la révolution. Si les bolchéviks n’avaient pas chassé du Parti les menchéviks-conciliateurs, traîtres à la cause ouvrière, le parti prolétarien n’aurait pas pu, en 1917, soulever les masses pour la conquête de la dictature du prolétariat.

    Résumé du chapitre 5.

    Dans les années du nouvel essor révolutionnaire (1912 à 1911), le Parti bolchévik s’est mis à la tête du mouvement ouvrier et l’a conduit sous les mots d’ordre bolchéviks vers une nouvelle révolution Le Parti a su allier le travail illégal à l’action légale. Brisant la résistance des liquidateurs et de leurs amis, les trotskistes et les otzovistes, il a pris possession de toutes les formes du mouvement légal, et fait des organisations légales les points d’ap­pui de son activité révolutionnaire.

    Dans sa lutte contre les ennemis de la classe ouvrière et leurs agents au sein du mouvement ouvrier, le Parti a consolidé ses rangs et élargi ses liaisons avec la classe ouvrière. En utilisant à fond la tribune de la Douma pour faire l’agitation révolutionnaire et en créant un remarquable journal ouvrier de masse, la Pravda, le Parti a formé une nouvelle génération d’ouvriers révolutionnaires : les « pravdistes ».

    Dans les années de guerre impérialiste, ce contingent d’ouvriers resta fidèle au drapeau de l’internationalisme et de la révolution prolétarienne. C’est lui encore qui forma le noyau du Parti bolchévik aux jours de la Révolution d’Octobre, en 1917.

    À la veille de la guerre impérialiste, c’était le Parti qui dirigeait l’action révolutionnaire de la classe ouvrière. Ces combats d’avant-garde interrompus par la guerre, devaient reprendre trois ans plus tard, pour renverser le tsarisme. Le Parti bolchévik entra dans la dure période de la guerre impérialiste en tenant bien haut le drapeau de l’internationalisme prolétarien.

    Résumé du chapitre 6.

    La guerre impérialiste éclata par suite de l’inégalité du développement des pays capitalistes, par suite de la rupture de l’équilibre entre les principales puissances, la nécessité s’étant affirmée pour les impérialistes de procéder par la guerre à un nouveau partage du monde et d’établir un nouvel équilibre des forces.

    La guerre n’aurait pas eu la même force de destruction, peut-être même ne se serait-elle pas déployée avec la même violence, si les partis de la IIe Internationale n’avaient pas trahi la cause de la classe ouvrière, s’ils n’avaient pas violé les décisions des congrès de la IIe Internationale contre la guerre, s’ils s’étaient décidés à réagir énergiquement et à dresser la classe ouvrière contre les gouvernements impérialistes, contre les fauteurs de guerre.

    Le Parti bolchévik fut le seul parti prolétarien qui resta fidèle à la cause du socialisme et de l’internationalisme et qui déclencha la guerre civile contre son gouvernement impérialiste. Tous les autres partis de la IIe Internationale, liés comme ils l’étaient avec la bourgeoisie par leurs groupes dirigeants, se trouvèrent sous l’emprise de l’impérialisme et rallièrent le camp impérialiste.

    La guerre, qui était un effet de la crise générale du capitalisme, aggrava cette crise et affaiblit le capitalisme mondial. Les ouvriers de Russie et le Parti bolchévik furent les premiers dans le monde qui surent exploiter la faiblesse du capitalisme, enfoncer le front de l’impérialisme, renverser le tsar et créer des Soviets de députés ouvriers et soldats.

    Grisées par les premiers succès de la révolution et rassurées par les promesses des menchéviks et des socialistes-révolutionnaires, qui prétendaient que désormais tout irait bien, les grandes masses de petits bourgeois, de soldats et aussi d’ouvriers se pénétrèrent de confiance dans le Gouvernement provisoire et lui donnèrent leur appui.

    Une tâche s’imposait au Parti bolchévik : expliquer aux masses d’ouvriers et de soldats grisés par les premiers succès qu’on était encore loin de la victoire totale de la révolution ; qu’aussi longtemps que le pouvoir serait détenu par le Gouvernement provisoire bourgeois et que les conciliateurs menchéviks et socialistes-révolutionnaires régneraient dans les Soviets, le peuple n’aurait ni paix, ni terre, ni pain ; que pour vaincre définitivement, il était indispensable de faire encore un pas en avant, de remettre le pouvoir aux Soviets.

    Résumé du chapitre 7.

    En huit mois, de février à octobre 1917, le Parti bolchévik s’acquitte d’une tâche des plus difficiles : il conquiert la majorité dans la classe ouvrière, dans les Soviets ; il fait passer du côté de la révolution socialiste des millions de paysans. Il arrache ces masses à l’influence des partis petits-bourgeois (socialistes-révolutionnaires, menchéviks, anarchistes) ; il démasque pas à pas la politique de ces partis dirigée contre les intérêts des travailleurs.

    Le Parti bolchévik déploie une activité politique intense sur le front et à l’arrière, préparant les masses à la Révolution socialiste d’Octobre.

    Facteurs décisifs dans l’histoire du Parti pendant cette période : retour de Lénine de l’émigration, thèses d’Avril de Lénine, conférence d’Avril et VIe congrès du Parti.

    La classe ouvrière puise dans les décisions du Parti la force et la certitude de la victoire ; elle y trouve une réponse aux plus graves problèmes de la révolution. La conférence d’Avril oriente le Parti vers la lutte pour le passage de la révolution démocratique bourgeoise à la révolution socialiste.

    Le VIe congrès aiguille le Parti sur l’insurrection armée contre la bourgeoisie et son Gouvernement provisoire.

    Les partis conciliateurs, socialiste-révolutionnaire et menchévik, les anarchistes et les autres partis non communistes achèvent leur évolution : dès avant la Révolution d’Octobre, ils deviennent tous des partis bourgeois ; ils défendent l’intégrité du régime capitaliste.

    Le Parti bolchévik dirige à lui seul la lutte des masses pour le renversement de la bourgeoisie et l’instauration du pouvoir des Soviets. En même temps, les bolchéviks brisent les tentatives des capitulards à l’intérieur du Parti, — Zinoviev, Kaménev, Rykov, Boukharine, Trotski, Piatakov, — pour faire dévier le Parti de la route de la révolution socialiste.

    Sous la direction du Parti bolchévik, la classe ouvrière, alliée aux paysans pauvres et soutenue par les soldats et les matelots, renverse le pouvoir de la bourgeoisie, instaure le pouvoir des Soviets, institue un nouveau type d’État, l’État soviétique socialiste ; elle abolit la propriété seigneuriale sur la terre, remet la terre en jouissance à la paysannerie, nationalise toutes les terres du pays, exproprie les capitalistes, réussit à sortir de la guerre, à signer la paix, obtient la trêve nécessaire et crée ainsi les conditions requises pour une ample construction socialiste.

    La Révolution socialiste d’Octobre a battu le capitalisme ; elle a enlevé à la bourgeoisie les moyens de production et fait des fabriques, des usines, de la terre, des chemins de fer, des banques une propriété du peuple entier, une propriété sociale.

    Elle a instauré la dictature du prolétariat et remis la direction d’un immense État à la classe ouvrière, dont elle a fait la classe dominante. La Révolution socialiste d’Octobre a inauguré ainsi une ère nouvelle dans l’histoire de l’humanité, l’ère des révolutions prolétariennes.

    Résumé du chapitre 8.

    Battus par la Révolution d’Octobre, les grands propriétaires fonciers et les capitalistes, de concert avec les généraux blancs, s’abouchent, au préjudice de leur patrie, avec les gouvernements des pays de l’Entente, pour déclencher en commun une agression militaire contre le pays des Soviets et en renverser le pouvoir. C’est sur cette base que s’organise l’intervention militaire de l’Entente et les rébellions de gardes blancs à la périphérie de la Russie, ce qui fait que la Russie se trouve coupée de ses bases de ravitaillement en subsistances et en matières premières.

    La défaite militaire de l’Allemagne et la cessation de la guerre des deux coalitions impérialistes en Europe aboutissent au renforcement de l’Entente, au renforcement de l’intervention, et suscitent de nouvelles difficultés pour le pays des Soviets. La révolution en Allemagne et le mouvement révolutionnaire dans les pays d’Europe — au contraire — créent une situation internationale favorable au pouvoir soviétique et allègent la situation du pays des Soviets.

    Le Parti bolchévik alerte les ouvriers et les paysans pour la guerre de salut de la patrie contre les envahisseurs étrangers et la contre-révolution de la bourgeoisie et des grands propriétaires fonciers. La République soviétique et son Armée rouge battent, l’une après l’autre, les créatures de l’Entente : Koltchak, Ioudénitch, Dénikine, Krasnov, Wrangel ; elles chassent d’Ukraine et de Biélorussie Pilsudski, autre créature de l’Entente, et repoussent l’intervention militaire étrangère, dont elles rejettent les troupes au delà des frontières du pays des Soviets.

    C’est ainsi que la première agression militaire du capital international contre le pays du socialisme se termine par un échec complet. Battus par la révolution, les partis socialiste-révolutionnaire, menchévik, anarchiste, nationalistes soutiennent, dans la période de l’intervention, les généraux blancs et les envahisseurs ; ils ourdissent des complots contre la République des Soviets, organisent la terreur contre les militants soviétiques.

    Ces partis qui, avant la Révolution d’Octobre, avaient eu quelque influence sur la classe ouvrière, pendant la guerre civile se démasquent complètement aux yeux des masses populaires comme partis de contre-révolution.

    La période de la guerre civile et de l’intervention marque l’effondrement politique de ces partis et le triomphe définitif du Parti communiste dans le pays des Soviets.

    Résumé du chapitre 9.

    Les années de transition à l’œuvre pacifique de rétablissement de l’économie nationale constituent une des périodes les plus décisives de l’histoire du Parti bolchévik. Dans une atmosphère tendue, le Parti a su opérer le difficile tournant de la politique du communisme de guerre à la nouvelle politique économique. Le Parti a cimenté l’alliance des ouvriers et des paysans sur une nouvelle base économique. L’Union des Républiques socialistes soviétiques a été créée.

    Par les méthodes de la nouvelle politique économique, des succès décisifs ont été obtenus dans le rétablissement de l’économie nationale. Le pays des Soviets a traversé avec succès la période de rétablissement dans le développement de l’économie nationale et il a abordé une nouvelle période, celle de l’industrialisation du pays.

    Le passage de la guerre civile à l’œuvre pacifique de construction socialiste a comporté, dans les premiers temps surtout, de grandes difficultés. Les ennemis du bolchévisme, les éléments hostiles dans les rangs du Parti communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S. ont mené, durant toute cette période, une lutte acharnée contre le Parti de Lénine. À la tête de ces éléments hostiles au Parti se trouait Trotski.

    Ses sous-ordres, dans cette lutte, furent Kaménev, Zinoviev, Boukharine. L’opposition comptait, après la mort de Lénine, décomposer les rangs du Parti bolchévik, disloquer le Parti, lui inoculer le scepticisme à l’égard de la victoire du socialisme en U.R.S.S. Au fond, les trotskistes tentaient de créer en U.R.S.S. une organisation politique de la nouvelle bourgeoisie, un autre parti, le parti de la restauration du capitalisme.

    Le Parti serra les rangs sous le drapeau de Lénine, autour de son Comité central léniniste, autour du camarade Staline, et il mit en déroute les trotskistes de même que leurs nouveaux amis de Leningrad, la nouvelle opposition Zinoviev-Kaménev. Le Parti bolchévik, après avoir accumulé forces et ressources, conduisit le pays à une nouvelle étape historique, à l’étape de l’industrialisation socialiste.

    Résumé du chapitre 10.

    Dans la lutte pour l’industrialisation socialiste du pays, le Parti vainquit, de 1926 à 1929, d’immenses difficultés intérieures et internationales. Les efforts du Parti et de la classe ouvrière firent triompher la politique d’industrialisation socialiste du pays.

    On résolut dans l’essentiel l’un des problèmes les plus difficiles de l’industrialisation, à savoir : le problème de l’accumulation des ressources pour édifier l’industrie lourde. On jeta les fondements d’une industrie lourde capable de rééquiper l’ensemble de l’économie nationale. On adopta le premier plan quinquennal de construction socialiste. On entreprit en grand l’organisation d’usines neuves, de sovkhoz et de kolkhoz.

    La marche au socialisme s’accompagnait d’une aggravation de la lutte de classes dans le pays et d’une aggravation de la lutte au sein du Parti. Cette lutte eut pour principaux résultats : l’écrasement de la résistance des koulaks ; la dénonciation du bloc capitulard trotskiste-zinoviéviste en tant que bloc antisoviétique ; la dénonciation des capitulards de droite en tant qu’agents des koulaks ; l’expulsion des trotskistes hors du Parti ; la reconnaissance de l’incompatibilité des vues professées par les trotskistes et les opportunistes de droite, avec l’appartenance au Parti communiste de l’U.R.S.S.

    Battus par le Parti bolchévik sur le terrain de l’idéologie et privés de toute base dans la classe ouvrière, les trotskistes cessèrent d’être un courant politique pour devenir une clique sans principes d’arrivistes et d’escrocs politiques, une bande de politiciens à double face.

    Après avoir jeté les bases de l’industrie lourde, le Parti mobilise la classe ouvrière et la paysannerie pour exécuter le premier plan quinquennal de réorganisation socialiste de l’U.R.S.S. À travers le pays, des millions de travailleurs développent l’émulation socialiste ; on voit naître un puissant élan de travail, une nouvelle discipline du travail s’élabore.

    Cette période s’achève par l’année du grand tournant, qui marque les immenses succès du socialisme dans l’industrie, les premiers succès importants dans l’agriculture, le tournant opéré par le paysan moyen vers les kolkhoz, le début du mouvement kolkhozien de masse.

    Résumé du chapitre 11.

    En 1930-1934, le Parti bolchévik s’est acquitté de la tâche historique la plus difficile de la révolution prolétarienne après la conquête du pouvoir : celle qui consiste à faire passer lès millions de petits propriétaires paysans sur la voie des kolkhoz, sur la voie du socialisme.

    La liquidation des koulaks, classe d’exploiteurs la plus nombreuse, et le passage des masses essentielles de la paysannerie sur la voie des kolkhoz ont abouti à extirper les dernières racines du capitalisme dans le pays, à achever la victoire du socialisme dans l’agriculture, à consolider définitivement le pouvoir des Soviets à la campagne.

    Après avoir surmonté une série de difficultés d’organisation, les kolkhoz se sont définitivement consolidés et engagés sur le chemin d’une vie aisée.

    L’exécution du premier plan quinquennal a eu pour résultat la construction, dans notre pays, d’inébranlables fondations de l’économie socialiste : industrie lourde socialiste de premier ordre et agriculture collective mécanisée ; le chômage a été supprimé ; supprimée l’exploitation de l’homme par l’homme ; les conditions requises ont été créées pour une amélioration continue de la situation matérielle et culturelle des travailleurs de notre pays.

    Ces succès grandioses ont été remportés par la classe ouvrière, les kolkhoziens et tous les travailleurs de notre pays, grâce à la politique courageuse, révolutionnaire et lucide du Parti et du gouvernement.

    Les États capitalistes qui nous encerclent, cherchent à affaiblir et à miner la puissance de l’U.R.S.S. ; c’est pourquoi ils accentuent leur « travail » en vue d’organiser à l’intérieur du pays des bandes d’assassins, de saboteurs, d’espions.

    L’hostilité de ces États capitalistes à l’égard de l’U.R.S.S. s’intensifie particulièrement avec l’arrivée des fascistes au pouvoir en Allemagne et au Japon.

    En la personne des trotskistes, des zinoviévistes, le fascisme a acquis des serviteurs fidèles ; ils se chargent d’espionner, de pratiquer le sabotage, d’exercer la terreur et de commettre des actes de diversion ; ils veulent la défaite de l’U.R.S.S. pour pouvoir restaurer le capitalisme. Le pouvoir des Soviets châtie d’une main ferme ces rebuts du genre humain ; il les frappe d’une répression impitoyable, comme ennemis du peuple et traîtres à la patrie.

    Résumé du chapitre 12.

    Pas de résumé, mais il est suivi d’une conclusion qui évalue l’ensemble et la situation alors.

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  • Présentation historique du précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik)

    Le précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik) est le document le plus important produit par l’Union Soviétique de la période socialiste. Publié en 1938, il fut réalisé sous supervision d’une Commission du Comité Central du Parti, avec comme but de devenir l’ouvrage principal de référence idéologique.

    Racontant les luttes internes au sein du Parti bolchévik, avec une présentation de l’idéologie officielle de l’État – le matérialisme dialectique, dans un chapitre directement rédigé par Staline -, il parut tout d’abord en différentes parties dans dix numéros différents successifs de la Pravda à partir du 9 septembre 1938, étant présenté de la première publication comme « une arme idéologique puissante ».

    Il parut ensuite dans l’organe pour les cadres Bolchevik, et fut officialisé comme documents de base pour la connaissance par une résolution du Comité Central, le 14 novembre 1938, soulignant l’importance d’éviter des interprétations arbitraires, avant d’être publié comme ouvrage indépendant.

    Il devint également jusqu’en 1953 le manuel de formation des cadres pour les communistes, notamment des pays de l’Est de l’Europe.

    Au sujet précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik), Mao Zedong dit dans Réformer notre étude, un rapport lors d’une réunion de cadres à Yenan en mai 1941 :

    « Conformément aux vues énoncées ci-dessus, je fais les propositions suivantes :

    1) Poser comme tâche, devant tout le Parti, l’étude systématique et complète de la réalité environnante (…).

    2) Réunir des personnes compétentes pour faire des études sur l’histoire de la Chine des cent dernières années (…).

    3) Établir pour l’éducation des cadres en fonction comme pour l’enseignement dans les écoles de cadres, le principe selon lequel les études doivent être centrées sur les questions pratiques de la révolution chinoise et guidées par les principes fondamentaux du marxisme-léninisme ; abandonner la méthode consistant à étudier le marxisme-léninisme d’un point de vue statique et en-dehors de la réalité.

    Adopter, comme principal matériel d’étude du marxisme-léninisme, l’Histoire du Parti Communiste (bolchévik) de l’URSS.

    Cet ouvrage est la meilleure synthèse et le meilleur bilan du mouvement communiste mondial des cent dernières années, c’est le modèle de l’union de la théorie et de la pratique, l’unique modèle achevé qu’on trouve actuellement dans le monde.

    En voyant comment Lénine et Staline ont uni la vérité universelle du marxisme à la pratique concrète de la révolution en Union soviétique et ont, sur cette base, développé le marxisme, nous comprendrons comment nous devons travailler chez nous en Chine. »

    A ce titre, s’il fut publié à l’origine à un million d’exemplaires à la fin de 1938, le précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik) connut jusqu’en 1956 301 éditions, pour 42 816 000 exemplaires, en 67 langues.

    En République Démocratique Allemande par exemple, un million d’exemplaires de cet ouvrage avaient été publié, en Hongrie 530 000 exemplaires, en Tchécoslovaquie 652 000 exemplaires, mais leur utilisation disparu du jour au lendemain à la suite du 20e congrès du PCUS (le terme bolchévik ayant enlevé du nom du Parti au XIXe congrès, en 1952).

    En URSS même, un précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique fut publié en 1962, afin de définitivement nier le précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik), afin d’accompagner le coup d’État révisionniste.

    Le précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik) formait, en effet, la base idéologique du pouvoir d’État de l’URSS de Staline ; le réfuter, le nier, était inévitable pour les révisionnistes ayant modifié la base sociale du pays en renversant la classe ouvrière.

    L’objectif du précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik) avait justement été, inversement, de renforcer le pouvoir de la classer ouvrière. Le développement du socialisme avait permis l’avènement d’une couche sociale éduquée, composée d’environ dix millions de personnes ; il s’agissait d’encadrer de manière adéquate cette émergence.

    Une anecdote est rapportée au sujet de cette importance, Staline constatant :

    « Aucune classe ne peut conserver le pouvoir et guider l’État si elle ne parvient pas à former sa propre intelligentsia, c’est-à-dire des gens ayant abandonné le travail physique et vivant du travail intellectuel.

    Le camarade Khrouchtchev pense qu’il est encore un ouvrier, et entre-temps, c’est un intellectuel [agitation amusée dans la salle]. »

    Staline abordait la question de la manière suivante dans son rapport présenté au XVIIIe congrès du PCUS(b), le 10 mars 1939 :

    « Un léniniste ne peut être uniquement un spécialiste de la science qu’il a choisie; il doit être en même temps un homme politique, un homme public qui s’intéresse vivement aux destinées de son pays, qui connaît les lois du développement social, qui sait s’inspirer de ces lois et entend prendre une part active à la direction politique du pays. 

    Ce sera là, évidemment, un supplément de travail pour les spécialistes bolcheviks.

    Mais ce travail donnera des résultats qui compenseront largement l’effort fourni. La propagande du Parti, l’éducation marxiste-léniniste des cadres, a pour tâche d’aider nos cadres dans toutes les branches d’activité à assimiler la science marxiste-léniniste des lois du développement de la société.

    Les mesures à prendre pour améliorer la propagande et l’éducation marxisteléniniste des cadres ont été maintes fois envisagées au Comité central du Parti communiste de l’U.R.S.S., avec la participation des propagandistes des différentes organisations régionales du Parti.

    On a fait état de la parution du Précis d’histoire du P.C. (b) de l’U.R.S.S. en septembre 1938. On a constaté que la parution du Précis d’histoire du P.C. (b) de l’U.R.S.S. donne une nouvelle ampleur à la propagande marxiste-léniniste dans notre pays. Les résultats du travail du Comité central ont été publiés dans sa décision que l’on connaît sur réorganisation de la propagande du Parti à la suite de la publication du Précis d’histoire du P.C. (b) de l’U.R.S.S.».

    Partant de cette décision et compte tenu des décisions prises par l’Assemblée plénière du Comité central du P.C. (b) de l’U.R.S.S., en mars 1937, sur «Les défauts du travail du Parti», le Comité central du Parti communiste, afin de remédier aux insuffisances dans le domaine de la propagande du Parti et pour améliorer l’éducation marxiste-léniniste des membres et des cadres du Parti, a élaboré les principales mesures que voici :

    1. Concentrer en un seul point le travail de propagande et d’agitation du Parti et fusionner les sections de propagande et d’agitation avec les sections de la presse en un seul service de propagande et d’agitation près le Comité central du P.C. (b) de l’U.R.S.S. ; créer une section de propagande et d’agitation dans chaque organisation du Parti — de République, de territoire et de région.

    2. Considérant comme une erreur notre engouement pour le système de la propagande par les cercles, et estimant plus rationnelle la méthode de l’étude individuelle des principes du marxisme-­léninisme par les membres du Parti, le Parti doit concentrer son attention sur la propagande dans la presse et sur l’organisation du système de propagande au moyen de conférences.

    3. Organiser dans chaque centre régional des cours annuels de perfectionnement pour nos cadres de base.

    4. Organiser dans une série de centres de notre pays des écoles léninistes de deux ans, pour nos cadres moyens.

    5. Organiser une école supérieure de marxisme-léninisme près le Comité central du P.C. (b) de l’U.R.S.S. pour la formation de cadres théoriques hautement qualifiés du Parti. Durée des études, trois ans.

    6. Créer dans une série de centres de notre pays, des cours annuels de perfectionnement pour propagandistes et journalistes.

    7. Créer près l’école supérieure de marxisme-léninisme, des cours de six mois pour le perfectionnement des professeurs de marxisme-léninisme dans les écoles supérieures. Il est hors de doute que l’application de ces mesures qui sont déjà mises en œuvre, mais ne le sont pas encore à un degré suffisant, ne tardera pas à donner de bons résultats. »

    Les constatations de ces faiblesses témoignent de l’analyse minutieuse qu’avait la direction du PCUS(b) du niveau de ses cadres. Malheureusement, il est évident que l’irruption de la seconde guerre mondiale a contribué à amoindrir l’implantation réellement profonde des leçons du précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik), sans parler de la mort de nombreux cadres.

    A cela s’ajoute une certaine faiblesse sur le plan idéologique et culturel, que Mao Zedong corrigera, notamment avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

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    Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik)

  • L’URSS social-impérialiste: l’effondrement

    Leonid Brejnev dirigea l’URSS de 1964 à 1982. A sa mort, c’est Iouri Andropov qui prit sa place, à 70 ans, après avoir été dirigeant du KGB de 1967 à 1982. A sa mort en 1984, il fut suivi de Konstantin Tchernenko, âgé de 73 ans, pourtant gravement malade. A sa mort en 1985, ce fut inversement une figure plus jeune qui prit la succession : Mikhaïl Gorbatchev, âgé de 54 ans.

    Néanmoins, Mikhaïl Gorbatchev n’apporta rien de nouveau et ne fit qu’appliquer la ligne d’Andropov. Celui-ci avait compris que l’Union Soviétique allait s’effondrer. L’URSS donnait l’image d’une superpuissance, qu’elle était militairement, mais à moins d’une offensive militaire tout azimut à la fois contre l’Europe de l’Ouest et contre la Chine populaire, il était pratiquement impossible de s’en sortir.

    Il fallait par conséquent cesser les dépenses militaires massives – qui s’auto-alimentaient de part les frais d’entretien, de modernisation, etc. – et restructurer le pays.

    Mikhaïl Gorbatchev et Leonid Brejnev

    La première étape fut donc de littéralement capituler devant l’impérialisme. Une étape connue fut l’affaire Samantha Smith, du nom d’une jeune américaine élève de CM2 qui écrivit la lettre suivante à Iouri Andropov lors de son élection.

    « Cher M. Andropov,

    Je m’appelle Samantha Smith. J’ai dix ans. Félicitations pour votre nouvelle fonction. Je me suis inquiétée à propos d’une guerre nucléaire entre la Russie et les États-Unis. Est-ce que vous allez voter pour avoir une guerre ou pas ? Si vous ne le voulez pas, dites-moi s’il vous plaît comment vous allez faire pour qu’il n’y ait pas de guerre. Une autre question à laquelle vous n’êtes pas obligé de répondre, c’est que j’aimerais savoir pourquoi vous voulez conquérir le monde ou au moins notre pays. Dieu a fait le monde pour que nous y vivions ensemble dans la paix, pas pour nous combattre.

    Bien à vous,

    Samantha Smith »

    La lettre fut publiée dans la Pravda, et Iouri Andropov lui répondit, formulant la nouvelle ligne stratégique de l’URSS.

    « Chère Samantha,

    J’ai bien reçu ta lettre, qui ressemble à tant d’autres m’étant parvenues de ton pays et d’autres pays à travers le monde.

    Il me semble – à en juger par ta lettre – que tu es une fille courageuse et honnête, semblable à Becky, l’amie de Tom Sawyer dans le célèbre livre de ton compatriote Mark Twain. Ce livre est connu et apprécié aussi dans notre pays par tous les petits garçons et toutes les petites filles.

    Tu écris que tu es inquiète de l’éventualité d’une guerre nucléaire entre nos deux pays. Et tu demandes si nous allons faire quelque chose pour que la guerre n’éclate pas.

    Ta question est la plus importante parmi celles que tout homme sensé peut poser. Je vais te répondre avec sérieux et honnêteté.

    Oui, Samantha, nous en Union soviétique tâchons de tout faire pour qu’il n’y ait pas de guerre sur Terre. C’est ce que veut tout Soviétique. C’est ce que le grand fondateur de notre État, Vladimir Lénine, nous a enseigné.

    Les Soviétiques savent à quel point la guerre est une chose terrible. Il y a quarante-deux ans, l’Allemagne nazie, qui visait à la suprématie mondiale, a attaqué notre pays, brûlé et détruit plusieurs milliers de nos villes et villages, tué des millions d’hommes, de femmes et d’enfants.

    Dans cette guerre, qui se termina par notre victoire, nous étions alliés avec les États-Unis : ensemble nous avons lutté pour la libération de nombreux peuples face aux envahisseurs nazis. J’espère que tu sais tout cela grâce à tes cours d’histoire à l’école. Et aujourd’hui nous voulons ardemment vivre en paix, commercer et coopérer avec tous nos voisins sur cette planète, qu’ils soient proches ou éloignés. Y compris bien entendu avec un aussi grand pays que les États-Unis d’Amérique.

    En Amérique et dans notre pays il y a des armes nucléaires – de terribles armes pouvant tuer des millions de gens en un instant. Mais nous ne voulons jamais avoir à les utiliser. C’est précisément la raison pour laquelle l’Union soviétique a solennellement déclaré à travers le monde entier que jamais – jamais – elle n’utiliserait ses armes nucléaires en premier contre aucun pays. De manière générale nous proposons de mettre un terme à leur production et de procéder à la suppression de tous les stocks existants.

    Il me semble que cela suffit à répondre à ta deuxième question : « Pourquoi voulez-vous faire la guerre au monde entier ou au moins aux États-Unis ? » Nous ne voulons rien de ce genre. Personne dans ce pays – ni les ouvriers et les paysans, ni les écrivains et les médecins, ni les adultes et les enfants, ni les membres du gouvernement – ne veut d’une guerre, grande ou petite.

    Nous voulons la paix – et nous avons d’autres occupations : faire pousser du blé, construire et inventer, écrire des livres et s’envoler dans l’espace. Nous voulons la paix pour nous-mêmes et pour tous les peuples de cette planète. Pour nos enfants et pour toi, Samantha.

    Je t’invite, si tes parents sont d’accord, à venir dans notre pays, l’été étant la meilleure saison. Tu découvriras notre pays, tu rencontreras des jeunes gens de ton âge en visitant un camp international pour enfants – Artek – au bord de la mer. Et tu le constateras par toi-même : en Union soviétique, chacun est pour la paix et l’amitié entre les peuples.

    Merci pour ta lettre. Je te souhaite le meilleur dans la vie.

    I. Andropov »

    Samantha Smith, invitée en URSS, fut accueillie avec enthousiasme en 1983, devenant par la suite une activiste pour la paix très connue dans son pays, avant de mourir dans un « accident » d’un petit avion de six places en 1985.

    On peut penser, en effet, qu’elle a été liquidée, sa position correspondant parfaitement à la ligne de l’Union Soviétique. Il s’agissait pour l’URSS de se poser comme pays tourné vers le développement, sans prétention agressive, et victime du militarisme unilatéral du bloc impérialiste dominé par les Américains.

    Mikhaïl Gorbatchev, en 1986

    La République Démocratique Allemande fut ici un pont très important vers la République Fédérale d’Allemagne, qui connaissait ainsi de vastes mouvements pour la paix et contre le nucléaire très proches de la position soviétique, position en pratique ouvertement assumé par la Fraction Armée Rouge et les multiples petits groupes armés dans son sillage.

    En France et en Angleterre, cette position passa davantage par le soutien à Nelson Mandela, dont le parti ANC était ouvertement lié à l’URSS, ainsi qu’à la question palestinienne, où là encore la gauche palestinienne était directement connectée à l’URSS.

    En Amérique du Sud, par l’intermédiaire de Cuba, l’URSS soutint toute une série de guérilla réformiste et nationaliste, du type FMLN au Salvador, FSLN au Nicaragua, FPMR au Chili, etc., alors que toute une série de groupes était plus ou moins proches, tels les Tupamaros en Uruguay, l’URNG au Guatemala, le FLN algérien par ailleurs au pouvoir, etc.

    Cuba était ici la plaque tournante d’un guévarisme « réaliste », affirmant que l’URSS était un soutien obligé pour un succès possible, et qu’il fallait toujours tendre ainsi aux négociations pour des réformes « solides » – reflet en réalité de la nécessité de l’URSS de « peser » au sein des rapports impérialistes.

    Les multiples guérillas étaient simplement ses jouets et Cuba son outil attitré – l’armée cubaine fut même directement impliquée dans la guerre civile en Afrique, en Angola.

    A côté du discours anti-guerre à destination d’en-dehors de l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev avait deux mots d’ordre en URSS même : « Glasnost » signifiant transparence, et « Perestroïka » signifiant restructuration.

    Cependant, ce qu’on attribue comme réformes à Mikhaïl Gorbatchev correspond à ce qu’avaient été les réformes de 1965. Ce qu’a réellement tenté de faire Mikhaïl Gorbatchev en réalité, c’est de réimpulser le capitalisme par en bas.

    L’URSS était en retard dans de nombreux domaines, notamment l’informatique et l’électronique. Ses installations étaient dépassées, au point que la Russie est encore en 2015 parsemée d’une multitude de bâtiments abandonnés, de centres de recherche et militaires laissés tels quels depuis 30 ans, permettant un nombre incalculable de photographies pittoresques et inquiétantes.

    A cela s’ajoute bien entendu l’accident nucléaire de Tchernobyl de 1986, reflet des terribles failles au sein de la technologie soviétique, avec ici un coup humain, économique et environnemental impressionnant.

    L’objectif de Mikhaïl Gorbatchev était donc de lancer des mouvements de masse dans l’économie, pour relancer l’économie s’effondrant sous le poids des groupes monopolistes parasitaires, notamment avec le complexe militaro-industriel.

    Il autorisa ainsi à partir de 1988 les coopératives dans l’industrie et les services, et dans les campagnes, il organisa des prêts de terre à 50 ans, alors que dans les entreprises il tenta de renforcer le pouvoir des travailleurs. C’était ni plus ni moins que de prôner la cogestion et l’autogestion, dans l’esprit de la Yougoslavie titiste des années 1950.

    L’expérience devait se rééditer dans l’Etat et le Parti Communiste d’Union Soviétique, avec la possibilité de candidatures multiples. Tout devait être réimpulsé.

    En réalité, évidemment, Mikhaïl Gorbatchev ne fit qu’accompagner l’effondrement général de l’État soviétique, en officialisant ce que les faits imposaient d’eux-mêmes. Le système était exsangue et le capitalisme avait gangrené toute la société, jusqu’à simplement s’officialiser.

    L’esprit individualiste, expliqué par la bureaucratie comme le fit Nikita Khrouchtchev, correspondait en réalité au capitalisme triomphant toujours davantage. C’est cela qui explique que l’effondrement du bloc de l’est en 1989, puis de l’Union Soviétique en 1991, se déroula aussi facilement.

    A part une poignée de responsables bureaucratiques tentant un coup de force militaire sans aucun poids, la porte était ouverte à un capitalisme franc et ouvert, même si bien sûr n’existant que sous l’hégémonie de groupes monopolistes se maintenant dans la transition et formant, par la suite, une oligarchie sans gêne, totalement décadente.

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  • L’URSS social-impérialiste: un régime terroriste et militairement agressif

    La situation compliquée au début des années 1960 obligeait la nouvelle bourgeoisie « soviétique » à effectuer un choix. En 1957, le maréchal Joukov avait été démis de ses fonctions de ministre de la défense ; il avait sauvé l’installation de Nikita Khrouchtchev au pouvoir, mais il représentait l’armée qui était mise de côté par rapport aux bureaucrates ayant gravi les échelons en tant que techniciens, cadres, etc.

    Nikita Khrouchtchev avait alors porté tous ses efforts sur le nucléaire, les missiles intercontinentaux et la course à l’espace, avec les succès du Spoutnik et du voyage spatial de Youri Gagarine. Il pensait parvenir à développer rapidement l’URSS de cette manière, d’où ses célèbres phrases grandiloquentes comme quoi l’URSS dépasserait très vite les Etats-Unis et entrerait même dans le communisme à court terme.

    Cela, avec la mission américaine sur la lune, la crise de 1962, le recul de la production de céréales, la hausse des prix et le mécontentement des masses, provoqua la mise à pied de Nikita Khrouchtchev, provoqué par l’activité de Mikhaïl Souslov.

    Ce dernier, qui resta toujours à l’arrière-plan, mis en place un tandem composé de Léonid Brejnev et d’Alexis Kossyguine, associé à Nikolai Podgorny.

    Si Alexis Kossyguine représentait l’aile des industriels prônant la libéralisation des entreprises, qui fut effectivement réalisée, Leonid Brejnev était le principal dirigeant et représentait le complexe militaro-industriel.

    Ce dernier prit une importance toujours plus grande, au point de produire 60 % du PIB de l’URSS, avec environ 20-25 % allant directement à la production militaire. En 1982, l’URSS prédomine ainsi militairement dans le monde.

    Défilé militaire de l’armée soviétique avec la révolution d’Octobre comme prétexte

    Le nombre de fusées intercontinentales est alors de 1646 pour l’OTAN et de 2348 pour le pacte de Varsovie, celui des chars d’assaut de 25000 pour l’OTAN et de 60000 pour le pacte de Varsovie, avec un mégatonnage nucléaire de 4100 pour les Etats-Unis et de 8200 pour l’URSS. En 1985, l’URSS et les Etats-Unis disposent respectivement de 1371 et 1020 missiles intercontinentaux, de 28700 et 9470 ogives nucléaires tactiques, de 10497 et 14040 ogives nucléaires tactiques.

    En 1967 l’URSS disposait de 3,5 millions de soldats, en 1985, le chiffre était de 5,3 millions de soldats. 1,2 million de soldats étaient massés à la frontière chinoise, dont 300 000 en Mongolie, pays d’un peu plus d’un million d’habitants : la tentative de renverser le régime chinois était une grande priorité de l’URSS, comme en témoigne notamment l’affaire Lin Piao. Des incidents frontaliers furent également nombreux.

    Nombre de têtes nucléaires

    Il faut aussi prendre en compte le projet clandestin « biopreparat », plus de 30 000 personnes travaillant à la guerre bactériologique, notamment la série de gaz innervant Novichok censés être les plus dangereux au monde. On a en arrière-plan l’une des multiples villes interdites entièrement sous contrôle militaire, ayant des centres de recherches en leur coeur.

    C’en était fini du projet socialiste ; les masses devaient obéir et seulement obéir aux programmes imposés par en haut. L’oligarchie vivait de manière pratiquement séparée du reste de la société ; formant l’élite du PCUS, elle disposait de privilèges, de salaires élevés, de facilités à tous les niveaux. 

    La société soviétique sombrait quant à elle de plus en plus dans l’irrationnel, dans la science-fiction de pacotille mêlée de mysticisme (comme le reflètent les films du brillant réalisateur russe Andreï Tarkovsky, notamment avec « Stalker » et « Solaris »).

    La consommation de vodka avait chuté de moitié entre 1910 et 1950 ; désormais, la consommation de vodka, de bière et de vin en URSS doublait entre 1950 et 1960, pour de nouveau augmenter de 50 % en 1966.

    L’armée s’appuyait sur le KGB (Comité pour la Sécurité de l’État), un de ses organismes nés après la mort de Staline et constituant de plus en plus un véritable État dans l’État, omnipotent et terroriste. Toute velléité de protestation était écrasée ; toute activité démocratique empêchée.

    On a ainsi un paradoxe : d’un côté l’État devient plus puissant : entre 1964 et 1970, l’administration d’État croit ainsi de 38,3 %, soit 516 000 personnes de plus. Mais en pratique, cet État fort appuie les groupes monopolistes de plus en plus puissants ; Leonid Brejnev appelait ainsi, au XXIVe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique :

    « La directive sur l’établissement de sociétés et entreprises conjointes doit être appliquée avec encore plus de diligence — à l’avenir, elles devront constituer l’unité de compte économique de base de la production sociale. »

    C’est pour cette raison que Mao Zedong a considéré dans les années 1960 que :

    « En URSS aujourd’hui, c’est la dictature de la bourgeoisie, la dictature de la grande bourgeoisie, c’est une dictature de type fasciste allemand, une dictature hitlérienne. »

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  • L’URSS social-impérialiste et son néo-colonialisme

    Dès l’accession de Nikita Khrouchtchev au pouvoir, celui-ci s’attacha à développer des liens commerciaux nouveaux dans les pays du « tiers-monde », pratiquant l’ouverture diplomatique générale, envoyant conseillers, professeurs, techniciens, dans de multiples pays, notamment africains.

    Il fit notamment une tournée en 1955 en Afghanistan, en Birmanie, en Inde, en Indonésie. Voici comment, en décembre 1958, le rapport de la délégation soviétique à la conférence du Caire (menée par Arzumanân) « résume » les propositions soviétiques aux pays du « tiers-monde » :

    « Nous pouvons construire pour vous une entreprise industrielle ou de transport, un institut scientifique ou d’enseignement, un hôpital, un centre culturel, tout ce dont vous avez besoin. Nous pouvons vous envoyer nos spécialistes ou accueillir les vôtres.

    Nous pouvons vous envoyer nos professeurs ou accueillir vos étudiants dans nos établissements ; agissez comme vous voulez. Dites-nous ce dont vous avez besoin et nous vous aiderons… Nous ne cherchons aucun avantage, profit, privilège, concession etc.

    Nous ne vous demandons ni d’entrer dans un bloc de pays, ni de changer de gouvernement ou de politique intérieure ou extérieure. Nous pouvons vous accorder le soutien comme on le ferait à son frère, car nous savons nous mêmes comme il est difficile de se délivrer de l’indigence. Notre seule condition est qu’il n’y ait pas de condition. »

    En pratique, tout était bien différent, comme le montre l’exemple de l’Inde, pays où l’influence de l’URSS fut extrêmement importante. Entre 1955 et 1956, l’URSS a prêté 1,2 milliard de dollars à l’Inde, au taux de 2,5 %. En réalité, derrière, les biens achetés à l’URSS étaient d’un prix entre 20 et 30 % plus chers que sur le marché international, voire le double pour le nickel ; le remboursement se faisait par l’exportation de biens en URSS, achetés par celle-ci 20 à 30 % moins cher que sur le marché international.

    En 1971, l’URSS contrôlait en Inde 30 % de la production d’acier, 20 % de celle de l’électricité, 35 % du raffinage de pétrole, 60 % de la production d’équipements électriques, 75 % de la production de moteurs électriques, 25 % de la production d’aluminium. Le remboursement de la dette indienne à l’URSS formait pas moins que 28 % des revenus indiens à l’exportation.

    L’Inde intervint également contre le Pakistan en appuyant la formation du Bangladesh (alors une colonie du Pakistan), mais de telle manière que les forces démocratiques soient écrasées et que le pays devienne une semi-colonie de l’URSS et de l’Inde.

    Nikita Khrouchtchev s’appuya également sur tous les Partis Communistes dans le monde pour appuyer sa ligne, au moyen évidemment de purges massives, alors que dans le tiers-monde des propositions ouvertes étaient faites à certaines petites-bourgeoisies ou à des secteurs de la bourgeoisie nationale pour mener une « révolution » ou une « libération nationale ».

    L’URSS signa des accords, entre 1954 et 1972, avec pas moins de 40 pays du « tiers-monde », dans le cadre d’une « coopération économique et technique ». A chaque fois, on retrouve le même principe qu’avec l’Inde : les prêts permettent d’acheter des marchandises plus chères que sur le marché mondial, et sont remboursés par la vente de biens à des prix moins chers que sur le marché mondial.

    L’Algérie achetait l’acier soviétique 10 % plus cher que sur le marché mondial, les excavateurs au double de leur prix, tout en vendant du vin au sixième de son prix. Lors de la guerre d’octobre 1973, l’URSS vendit des armes à l’Irak en échange de pétrole pour un bas prix de 13,8 millions de dollars, pétrole que l’URSS vendit dans la foulée à l’Allemagne de l’Ouest pour 41,5 millions de dollars. Le gaz iranien était revendu deux fois son prix à l’Europe de l’Ouest.

    Un exemple d’importance est ici celui de Fidel Castro, qui fonda un Parti Communiste à Cuba bien après que le gouvernement pro-américain ait été chassé. Le nationalisme bourgeois est masqué derrière un verbiage socialiste pour cacher sa soumission à un impérialisme concurrent de celui qui opprime son pays.

    C’est cela, le véritable sens de l’exportation du fusil d’assaut AK-47. L’URSS appuya d’innombrables structures en ce sens : le FMLN au Salvador, le FSLN au Nicaragua, les FPLP et FDLP en Palestine, et dans certains cas des pays entiers, comme l’Egypte de Nasser, le Vietnam, la Syrie, l’Irak, ou bien sûr l’Afghanistan suite au coup d’État du « Parti démocratique populaire ».

    Ce dernier sera prétexte à l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979, provoquant une guerre civile, interethnique notamment, qui 40 ans après n’est toujours pas terminé.

    Troupes russes en Afghanistan, 1986

    L’invasion de l’URSS a provoqué le déplacement de 7 millions de personnes devenues réfugiées (dont 5 à l’étranger), la mort d’au moins un million de personnes, alors qu’en même temps trois millions de personnes ont été blessées, notamment par les centaines de milliers de mines anti-personnelles étaient larguées dans le pays (les explosifs étaient liquides et le détonateur enclenché à retardement, permettant des largages depuis avions ou hélicoptères).

    Cette ligne était valable en URSS même. Dès 1956, 500 000 colons russes et ukrainiens sont envoyés pour coloniser le Kazakhstan, réduisant la population autochtone à 30 % de la population totale. Le chauvinisme grand-russe prédominait de plus en plus, toute l’URSS s’y voyant soumis.

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  • L’URSS social-impérialiste: instabilité du régime

    Nikita Khrouchtchev a eu énormément de mal à gérer l’avènement définitif de la nouvelle bourgeoisie née en URSS. Il fallait aller vite de l’avant, tout en liquidant les forces révolutionnaires et sans provoquer d’instabilités trop fortes. Il fallait d’un côté faire semblant de préserver le cadre soviétique et en même temps aménager les meilleures conditions pour le développement de la bourgeoisie.

    C’était un jeu d’équilibriste, demandant des changements rapides et des répressions, dans une atmosphère idéologique et culturelle incohérente, avec des failles économiques gigantesques.

    Si Nikita Khrouchtchev a réussi ainsi à rétablir le capitalisme dans les campagnes, la dimension monopolistique empêche des avancées concrètes, et les récoltes de céréales sont rapidement catastrophiques, passant de 147 à 107 millions de tonnes entre 1962 et 1963, obligeant à importer 10 millions de tonnes du Canada.

    Le scénario se réédite au début des années 1970, où l’URSS se voit obligée d’importer 4 millions de tonnes de céréales en 1971, 12,9 en 1972, 24,4 en 1973. Les chiffres sont pour le blé de 2,3 millions de tonnes, puis 6,3 et 15,2. Pour le maïs, on 0,9 million de tonne, puis 4,1 et 5,4.

    La situation est alors tellement grave qu’à partir de ce moment-là, l’URSS généralise le principe des importations massives, avec 27,8 millions de tonnes de céréales en 1979, 35 millions de tonnes en 1980, le point culminant étant le milieu des années 1980, où sont importées 55 millions de tonnes de céréales.

    Non seulement 42 % de ces importations proviennent des Etats-Unis (et pour 12 % de France, le reste venant de l’Argentine, du Canada, de l’Australie), mais en plus elles forment 27% du commerce céréalier mondial.

    Fidel Castro et Nikita Khrouchtchev
    à la 15e session de l’Assemblée générale des Nations Unies

    D’ailleurs, à partir de 1975, les Etats-Unis ont obligé l’URSS, sous menace d’embargo comme en 1974, à annoncer ses achats sur plusieurs années, avec des contrats où l’URSS s’engage à acheter chaque année pendant cinq ans cinq millions de tonnes de céréales américaines, et possibilité de deux de plus si les récoltes sont bonnes aux Etats-Unis.

    Cela signifie que sur le plan alimentaire, la dépendance de l’URSS est complète : le pays est imbriqué dans le système capitaliste mondial.

    L’URSS tentera d’échapper à cela, notamment en faisant passer la part de l’agriculture dans les investissements de 22 à 27 % entre 1965 et 1975, en doublant les subventions entre 1965 et 1980, mais rien n’y fera, en raison de la base viciée de l’économie.

    Le chaos de la production de céréales révèle la précarité de la base : les chiffres sont de 181,2 millions de tonnes en 1971, 168,2 en 1972, 222,5 en 1973, 195,7 en 1974, 140,1 en 1975, et ainsi de suite jusqu’à l’année 1981, où le chiffre fut de 150 millions.

    Or, cette même année, avec 3,9 millions d’agriculteurs (contre environ 30 millions en URSS), les Etats-Unis produisirent pas moins de 310 millions de tonnes. C’est terriblement révélateur de la tendance générale.

    Nikita Khrouchtchev

    Acheter des céréales aux Etats-Unis revient pour l’URSS à moitié moins cher que les produire elle-même, en admettant que ce soit possible ; pour le maïs, le soja, les œufs, la viande, les prix américains sont même quatre fois moins chers. Concrètement, cela signifie que sur le plan de la viande, on a la même évolution : la consommation par personne a chuté de 15 % entre 1965 et 1985.

    Cette instabilité économique reflète l’instabilité du régime dans sa base même. Le chaos témoigne d’une prise d’assaut par la bourgeoisie de toutes les structures sociales.

    Ainsi, si 70 % des membres du Comité Central élus au 19e congrès de 1952 ne faisaient pas partie de celui élu au XXIIe congrès de 1961, on peut voir que 60 % des personnes faisant partie de celui de 1956 n’y appartenait également plus en 1966. Un énorme tri sélectif était fait, avec les risques que cela comporte pour l’administration, les postes-clefs.

    Il est donc particulièrement significatif qu’entre 1963 et 1965, 100 000 personnes furent exclues du Parti Communiste d’Union Soviétique, et pas moins de 62 800 rien qu’en 1966. Inversement, entre 1953 et 1965 le PCUS connut un accroissement de son nombre de membres de 70 %. Les techniciens, ingénieurs, docteurs adhéraient en masse, pour pratiquement 1/3 de leurs couches sociales, et même 99 % pour les directeurs des kolkhozes.

    Nikita Khrouchtchev et John F. Kennedy

    Le problème le plus net de ce « renouvellement » se développa dans les démocraties populaires d’Europe de l’Est, où le succès du 20e congrès provoqua des velléités de lignes similaires, mais nationales, pavant la voie à l’effondrement du régime comme en Hongrie en 1956, où Nikita Khrouchtchev fit intervenir les chars soviétiques pour maintenir l’hégémonie soviétique.

    C’est un exemple où le révisionnisme soviétique refuse le révisionnisme local des pays de l’Est, se posant en force dominante exerçant une hégémonie, avec une clique bureaucratique mettant de côté les équivalents locaux de Nikita Khrouchtchev, allant jusqu’au contrôle direct sur le plan militaire. Les pays d’Europe de l’Est passèrent, en effet, sous la supervision militaire directe de l’URSS, par la formation du « pacte de Varsovie » en 1955.

    Un autre événement connu dans ce cadre fut la construction du mur de Berlin, en 1961, suite à l’échec de Nikita Khrouchtchev d’exercer une pression suffisante pour que les pays capitalistes abandonnent Berlin-Ouest.

    Une autre problématique, qui finit par coûter son poste de dirigeant à Nikita Khrouchtchev, fut le rapport qu’il établit avec les Etats-Unis d’Amérique. Il rentra dans une sorte de jeu de provocations verbales outrancières et de copinage assumé, dont le point culminant fut ses passages aux Etats-Unis.

    Lors de la visite de trois jours aux Etats-Unis en septembre 1959, tout en étant accueilli à la Maison Blanche, Nikita Khrouchtchev aligna les provocations, se plaignant de ne pas avoir pu aller à Disneyland.

    L’année suivante, en pleine session de l’ONU, il se mit à taper sur le pupitre principal avec sa chaussure en 1960, appelant à protester contre la personne ayant parlé avant lui, le représentant philippin Lorenzo Sumulon ayant critiqué la domination soviétique des pays de l’Est européen.

    Enfin, la crise des missiles de 1962, Nikita Khrouchtchev abandonna le projet d’installation de missiles soviétiques à Cuba, ayant provoqué un risque de guerre nucléaire mondiale. C’était le point culminant témoignant de l’incapacité de Nikita Khrouchtchev à gérer de manière adéquate l’affirmation de la nouvelle classe dominante en URSS.

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  • L’URSS social-impérialiste: les entreprises deviennent autonomes

    Le rétablissement du capitalisme dans les campagnes ne cessa de se renforcer. Ainsi, en 1964, les kolkhoziens pouvaient posséder une vache, un veau plus les veaux nés dans l’année, une truie avec ses petits ou un porc « gras », trois moutons ou chèvres avec leurs petits (cinq au cas où il n’y aurait pas de vache ou de porc), des poulets et des ruches en nombre illimité.

    L’acquisition d’une vache était aidée par un crédit d’État, les particuliers pouvaient directement acheter du fourrage d’État, ainsi que faire paître les vaches sur les terres publiques. Les impôts sur le bétail possédé par les citadins disparurent ; les prix de vente sur le marché privé étaient libérés.

    La possession de lopins de terre à cultiver était de plus en plus autorisé pour tous, et devenait même une obligation pour les instituteurs, les médecins et les techniciens vivant et travaillant dans les campagnes.

    En 1966, 3 % seulement des terres cultivées – dépendant de la petite production capitaliste – produisaient 60 % des pommes de terre, 40 % de la viande et des légumes, 39 % du lait, 68 % des œufs. C’était un triomphe pour le secteur capitaliste, si on pense en plus qu’une importante part du reste dépend des kolkhozes placés en situation d’autogestion.

    Cependant, en plus de cette ligne dans les campagnes, associée au renforcement du complexe militaro-industriel, il y avait la nécessité toutefois une seconde étape, mis en place par Leonid Brejnev lui-même, et connue sous le nom de « réforme Liberman », du nom de l’économiste Evseï Liberman.

    Couverture du Time avec Evseï Liberman :
    «Le flirt communiste avec les profits»

    Il était, en effet, nécessaire de procéder à la libéralisation de l’industrie elle-même. Le plan avait été brisé dans sa dimension centrale ; il fallait désormais rétablir la concurrence.

    Le principe fut en fait le même que pour les kolkhozes, qui devaient désormais acheter les machines et établir leur propre plan. Les entreprises, désormais, étaient indépendantes. Elles disposaient de fonds propres à investir comme elles l’entendaient, devant s’arranger avec d’autres pour se procurer des matières premières, établir des contrats à long terme, déterminer le nombre d’emplois qu’elles créaient, la variété des biens qu’elles décidaient de produire, etc.

    Les entreprises peuvent alors louer ou vendre à d’autres entreprises des parties d’elles-mêmes, que ce soit des structures de production ou bien des bâtiments, la production elle-même, etc. ; le capital obtenu ne peut pas leur être enlevé : chaque entreprise est devenue une unité autonome.

    Et bien entendu, qui dit indépendance financière des entreprises dit capacité de celles qui ont le plus de capital à prêter à crédit. En fait, la moitié du capital des entreprises devint au bout de quelques années dépendant du crédit, avec des intérêts tournant autour de 4-5 %.

    L’économie existe ainsi désormais pratiquement sans le plan ; dès 1970, 78,8% de l’investissement total provenait directement des fonds des entreprises. L’ensemble des 44 300 entreprises industrielles fonctionne selon ce principe (il y en avait 704 en 1966, 7248 faisant 50 % des profits en 1967, 26850 en 1968, 36049 en 1969).

    Pour parfaire également le système, les directeurs de chaque entreprise se voient attribués un rôle d’autorité suprême. Ils décident d’absolument tout, librement : des investissements et des contrats jusqu’aux embauches et aux licenciements.

    A partir de 1971, sur une décision du 24e congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, les entreprises sont également encouragées à s’organiser en « associations de production » ; dès 1973, il y en a déjà 5000, exprimant une faramineuse tendance à la concentration : à peine les entreprises en concurrence, qu’on a déjà un capitalisme monopoliste qui se développe à très grande vitesse.

    L’État, de son côté, ne suivait plus que quelques indicateurs principaux : la quantité des biens produits, leur prix, le bilan comptable global, les profits et la profitabilité, le budget national, les investissements dans les nouvelles technologies, les équipements et le volume des matières premières.

    Concrètement, l’État supervisait l’ensemble de l’existence de la production et de la consommation, mais simplement de manière quantitative, et sans gérer aucun paramètre productif.

    Il s’agissait officiellement, bien entendu et comme toujours, de mener un combat « anti-bureaucratique », sans toucher à la base socialiste. Le Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique expliquait ainsi en 1965 dans sa « Décision pour améliorer la direction de l’industrie dans la réforme économique soviétique : Caractéristiques et objectifs principaux » :

    « La production des entreprises est régulée par de nombreux indices qui limitent l’indépendance et l’initiative du personnel des entreprises, diminuent leur sens des responsabilités. Pour améliorer l’organisation de la production il est judicieux de mettre fin à une régulation excessive de l’activité des entreprises, de réduire le nombre d’indices imposés aux entreprises. »

    Les conséquences étaient bien entendu de grande importance pour le renforcement de la couche bureaucratique devenant une véritable bourgeoisie. De manière tout à fait officielle, les quelques pour cents de responsables des entreprises recevaient 43,9% des fonds d’intéressement des entreprises, contre 50,7% aux prolétaires.

    Ceux-ci connaissaient des vagues de migration afin de chercher des conditions de travail meilleures ; dès 1967, 5,5 millions de personnes s’étaient déplacés de ville en ville, 3,1 millions de village en ville, 1,5 million de ville en village, et sans doute plusieurs millions de villages en villages.

    Les pénuries, les destructions écologiques et l’inflation se généralisaient, pour la simple raison que dans la recherche du profit maximum dans le cadre d’une domination monopolistique, les entreprises étaient totalement libres de leurs choix et de leurs prix.

    De la même manière que dans l’impérialisme une petite couche oligarchique a tendance à se former, vivant à part, capable de consommer des biens comme elle le souhaite, le « Parti Communiste » devenait une bourgeoisie formant une véritable caste.

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  • L’URSS social-impérialiste et la restauration des rapports capitalistes

    Après le triomphe du 20e congrès, Nikita Khrouchtchev formula ouvertement son plan de transformation de l’économie soviétique, tout d’abord dans un rapport au Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique le 14 février 1957, puis le 30 mars 1957 dans quatre pages, résumant ce rapport, publiées dans la presse.

    Khrouchtchev prolongeait ainsi la révision, juste après la mort de Staline au début de l’année 1953, du 5e plan quinquennal pourtant adopté en octobre 1952. Il n’en ressort pas en apparence des changements très profonds, mais en réalité la tendance qui s’y masque est particulièrement significative.

    Pour comprendre cela, il faut s’attarder sur la figure de Leonid Brejnev. S’il ne faisait pourtant pas partie du Bureau Politique du Comité Central, il fut nommé par Khrouchtchev chef du Directorat politique de l’armée et de la marine, avec le très haut grade de lieutenant-général.

    Leonid Brejnev

    Brejnev devint par la suite secrétaire général du Parti Communiste de la République soviétique du Kazakhstan, où fut fondé le cosmodrome de Baïkonour. Lié à l’armée, au programme spatial ainsi qu’à l’industrie de la défense, Brejnev en devint le responsable au sein du Bureau Politique, avant de devenir en 1959 le second secrétaire du Comité Central, puis en 1960 président de la présidence du Soviet Suprême.

    Or, si l’on regarde ce qui se passe à partir de 1953, on peut voir que l’industrie de l’armement continue à empiéter sur la production industrielle, en produisant directement des biens de consommation ou encore des tracteurs. C’est une tendance au complexe militaro-industriel qui va aller en s’aggravant.

    Ce n’est pas tout : il y a un point essentiel, dont on ne peut comprendre l’ampleur sans doute qu’aujourd’hui. La révision du plan quinquennal concerne, en effet, surtout la production agricole et l’élevage. La petite propriété agricole et l’utilisation des animaux ont toujours été historiquement un vecteur du capitalisme, et c’est flagrant en Union Soviétique avec Khrouchtchev .

    On peut voir qu’en 1953, le cheptel est moins important qu’en 1928, sauf en ce qui concerne les cochons. Appartient d’ailleurs au secteur privé 29 % du cheptel des cochons, 39 % de celui des bœufs, 59,6 % de celui des vaches, ainsi qu’une importante part de la production de légumes et de pommes de terre. Un tiers de la production agricole relève du secteur privé.

    Or, Khrouchtchev procède à l’augmentation directe du prix fourni par l’État aux producteurs, celui-ci augmentant de 25 à 40 % pour les légumes, de 100 % pour le lait et le beurre, de 150 % pour les pommes de terre, de 1500 % pour la viande.

    Nikita Khrouchtchev

    L’impôt agricole baisse de 45 % en 1953 puis encore de 150 % en 1954. Les arriérés se voient accordés d’importantes remises, alors que des crédits sont facilités pour l’acquisition de vaches. De 1953 à 1954, la collecte de viande de l’État passe de 2,4 millions de tonnes à 4,1 millions de tonnes.

    Le montant total des versements annuels de l’État aux kolkhozes et au secteur agricole privé est de 31,3 milliards de roubles en 1952, puis de 41,4 en 1953, 64 en 1955, 88,5 en 1956, 97,1 en 1957, 144,9 en 1959.

    De plus, Khrouchtchev a liquidé les Stations de Machines et de Tracteurs, obligeant les kolkhozes à acheter le matériel agricole (dont les tracteurs), instaurant le commerce là où auparavant l’État gérait l’approvisionnement, brisant de manière décisive l’influence de l’État soviétique. Au lieu d’une décision centralisée de répartition (payée par l’État) des tracteurs, le plan de production des tracteurs n’est qu’une centrale de commandes obéissant aux demandes d’achats des kolkhozes.

    C’est là indéniablement un rétablissement du commerce capitaliste, que Khrouchtchev tente de faire passer pour une réforme anti-bureaucratique, comme ici dans un discours du 22 janvier 1958 :

    « On mettra fin à la répartition bureaucratique centralisée du matériel agricole qui provoque de nombreux désordres et cause des pertes énormes à l’Etat.

    Les Stations de Machines et de Tracteurs prennent n’importe quelle machine, même si elles n’en ont pas besoin : celles qui ne sèment pas de lin reçoivent quand même des machines pour récolter le lin; celles qui ne cultivent pas les choux reçoivent quand même des machines pour planter les choux. »

    En arrière-plan, il faut voir également que de 1950 à 1952, le nombre de kolkhozes était passé de 250 000 à 94 000, de 1693 hectares en moyenne. Il y a une tendance au renforcement bureaucratique des kolkhozes, qui gagnent en autonomie ; les kolkhozes n’ont plus également de plan détaillé de production, simplement un certain volume de production annuelle à obtenir.

    On comprend que Khrouchtchev ait mis en avant un mot d’ordre qui correspondait parfaitement aux exigences capitalistes d’exploitation, d’intensification de l’exploitation, de profit par l’intermédiaire de l’utilisation des animaux :

    « Rattraper dans les prochaines années les Etats-Unis pour la production de viande, de lait et de beurre par tête d’habitant ».

    Tout cela signifie qu’une véritable classe de capitalistes – cachée dans la bureaucratie des kolkhozes et ouvertement présente dans la petite production – s’affirmait dans les campagnes, bénéficiant d’un vaste transfert des richesses vers elle.

    Elle profitait également de la destruction de l’autorité centrale de la planification, qu’était la Commission économique d’État pour la planification courante, alors qu’en même temps les prérogatives ministérielles passaient dans les mains des pouvoirs locaux des républiques. Khrouchtchev justifiait cela au nom de la prétendue impossibilité de planifier de manière centralisée 200 000 entreprises industrielles et 100 000 chantiers.

    Le résultat fut bien sûr le chaos ; le stock des biens invendus représente 1485 million de roubles au premier janvier 1959, et 4133 millions de roubles au premier janvier 1964.

    Mais, en réalité, toute la désorganisation prétendument anti-bureaucratique servait la structuration d’une nouvelle classe bourgeoise.

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  • L’URSS social-impérialiste et la «coexistence pacifique»

    Après 1945, les thèses soviétiques étaient que les contradictions inter-capitalistes s’exacerberaient, que la tendance à la guerre deviendrait de plus en plus forte, que l’impérialisme américain était à la tête d’opérations de sabotages, d’infiltrations et d’agression contre l’Union Soviétique.

    Par conséquent, il fallait mobiliser les masses sur des thèmes anti-guerre, ainsi que prôner l’interdiction de l’arme atomique. Ces considérations s’appuient sur la thèse du matérialisme dialectique comme quoi l’impérialisme est le stade suprême du capitalisme, produisant la guerre et le fascisme.

    Cependant, Nikita Khrouchtchev représentait une clique de bureaucrates et de carriéristes au sein du Parti, de l’industrie et de l’armée, qui n’avaient par conséquent aucunement envie d’assumer un conflit idéologique ouvert, avec les pays capitalistes, ni de s’engager de manière militante dans le soutien à des processus révolutionnaires où les Partis Communistes s’engagent les armes à la main.

    L’un des points essentiels était par conséquent non pas simplement de rejeter l’idéologie comme guide, en utilisant l’argument du « culte de la personnalité » ; il fallait également impérativement abandonner les conséquences pratiques sur le plan des rapports avec les pays capitalistes.

    De là est né le concept de « coexistence pacifique », dont l’expression est trompeuse, car elle sous-tend en réalité une concurrence bien définie entre les Etats-Unis et l’URSS.

    Nikita Khrouchtchev et Fidel Castro

    Auparavant, cette concurrence était idéologique ; elle concernait deux visions du monde antagonistes, les critères étaient ceux de l’idéologie, de la réalisation de révolutions : l’objectif était ouvertement le renversement des régimes capitalistes.

    Le principe de « coexistence pacifique » abolit cet affrontement idéologique et l’évaluation en termes de bouleversement, pour prôner une mise en concurrence URSS – États-Unis au sein de ce qui serait une hégémonie mondiale soviéto-américaine. Selon Nikita Khrouchtchev, les États-Unis et l’URSS sont en quelque sorte en « finale » d’un championnat dont les autres protagonistes doivent rester mis à l’écart, et dont le contrôle dépend du rapport de forces internes entre les deux « grands ».

    Nikita Khrouchtchev justifie cela au nom de l’existence de la bombe atomique ; dans un discours de juillet 1959, il résume cela de la manière suivante :

    « Votre voisin peut vous plaire ou ne pas vous plaire. Vous n’êtes pas obligé de vous lier d’amitié avec lui. Mais vous vivez côte à côte, et que faire si ni vous ni lui ne voulez quittez le lieu auquel vous vous êtes attachés?

    A plus forte raison, il en est ainsi dans les relations entre les États…

    Il n’y a que deux issues : ou bien la guerre –et au siècle des missiles et de la bombe à hydrogène, elle est grosse des conséquences les plus graves pour tous les peuples- , ou bien la coexistence pacifique. »

    Au XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, il avait déjà affirmé cela, en les termes suivants :

    « L’établissement de relations d’amitié durables entre les deux plus grandes puissances du monde, l’Union soviétique et les États Unis d’Amérique, aurait une importance majeure pour le renforcement dela paix dans le monde entier.

    Si l’on faisait reposer les relations entre l’URSS et les États Unis sur les cinq principes majeurs de la coexistence pacifique: respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, non-agression, non-ingérence dans les affaires intérieures, égalité et avantage réciproque, coexistence pacifique et coopération économique, cela aurait une portée vraiment exceptionnelle pour toute l’humanité (…).

    Les guerres ne sont pas inévitables, ne sont pas fatales. Il y a à présent des forces sociales et politiques puissantes qui disposent de moyens sérieux pour empêcher les impérialistes de déclencher la guerre et, au cas où ces derniers l’oseraient, pour infliger une riposte foudroyante aux agresseurs. »

    Ainsi, puisque l’URSS est une grande puissance, « alliée » à de nombreux pays, et disposant de soutiens nombreux avec les Partis Communistes, alors la guerre est évitable, et même la révolution violente : on pourrait arriver au pouvoir de manière institutionnelle, le rapport de forces « pacifiant » les rapports sociaux.

    Cette conception fut à la base de la polémique ouverte entre le Parti Communiste d’Union Soviétique et le Parti Communiste de Chine, de nombreux regroupements soutenant le second (il est à noter que ce n’est pas le cas en France, où les « marxistes-léninistes » quittèrent le Parti Communiste français dans les années 1960, au nom du refus du soutien à la candidature de François Mitterrand et au nom du soutien au FLN algérien).

    Elle témoigne des changements profonds en URSS à l’époque de Nikita Khrouchtchev.

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  • L’URSS social-impérialiste et l’exposition Picasso

    L’espagnol Pablo Picasso (1881-1973) est un peintre membre de « l’avant-garde » décadente du début du XXe siècle, principalement du courant cubiste qu’il a contribué à fonder, avant de participer de manière décisive à ce qui deviendra l’art abstrait.

    Menant une vie de bohème à la manière d’un millionnaire, Pablo Picasso était très proche du Parti Communiste français, qui combinait thorézisme et une ligne culturelle justement tournée vers les courants cubistes – futuristes – surréalistes qui avaient été catégoriquement rejetés par le réalisme socialiste en URSS.

    Pablo Picasso participa ainsi à certaines activités du Parti Communiste français, qu’il finit par rejoindre en 1946. Il dessina une colombe de la paix comme emblème du mouvement pacifique et anti-nucléaire lancé par le Mouvement Communiste International.

    A ce titre, il fut arrêté pendant douze heures par les services d’immigration lors de son voyage à Londres en 1950, et il refusera par la suite de retourner en Angleterre. Pareillement fut refusée sa demande de visa pour les États-Unis où il devait remettre au congrès américain un appel à la paix et contre les armes atomiques.

    Pablo Picasso était tout à fait dans la ligne élaborée par Louis Aragon et Paul Eluard au sein du Parti Communiste français : l’artiste mène une vie de Bohème totalement indépendante, mais doit prendre parti à certains moments.

    Pour cette raison, Pablo Picasso peignit notamment en 1951 une fresque appelée La Guerre et la Paix ainsi que le tableau Massacre en Corée, ou de manière plus connue Le charnier en 1944 et Guernica en 1937.

    Pablo Picasso, La Guerre et la Paix 

    Cette démarche, aussi engagée qu’elle puisse avoir été, était en contradiction formelle avec la définition des arts et de la littérature par le réalisme socialiste. Aussi, Nikita Khrouchtchev l’utilisa directement, en organisant une grande exposition Pablo Picasso en Union Soviétique en 1956, dans le prolongement du XXe congrès.

    C’est Ilya Ehrenbourg qui se chargea de la mettre en place, chose qu’il rééditera en 1963. Il avait, dès 1953, publié un article dans le quotidien du Parti Communiste italien, L’Unita, pour faire l’éloge de Pablo Picasso à l’occasion d’une rétrospective à Rome et Milan.

    Cependant, officiellement, c’est le VOKS, organisme chargé des relations culturelles avec les pays étrangers, et plus précisément son « secteur des amis de la science et de la culture français », qui proposa au Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique l’exposition pour célébrer les 75 ans de Pablo Picasso, à Leningrad puis à Moscou.

    C’était par conséquent une initiative ouvertement officielle, mais qui contournait le système artistique officiel en URSS, avec également, pour contourner d’autant plus les musées, une organisation extrêmement rapide en quelques semaines, et donc un personnel des musées débordé et incapable de faire face idéologiquement et esthétiquement à 38 œuvres habilement choisies et remises à l’ambassade soviétique à Paris par Pablo Picasso lui-même, qu’on ne saurait par conséquent officiellement sélectionner ou refuser.

    C’était, en pratique, un coup d’État par rapport aux instances artistiques traditionnelles, et un appel d’air pour la réouverture du musée d’art contemporain occidental, fermé depuis 1941, alors qu’en même temps des cercles d’artistes moscovites appelaient à réhabiliter l’impressionnisme.

    Un autre événement fut organisé pour renforcer cette tendance au libéralisme et au progressisme « bourgeois bohème », avec la tenue en URSS du Festival International de la Jeunesse, en 1957.

    34 000 jeunes de 131 pays, appartenant à des structures de jeunesse liées aux Partis Communistes, vinrent à Moscou, dans une ambiance commençant déjà à célébrer le pacifisme dans le sens de la « coexistence pacifique », qui était au cœur même de l’affirmation idéologique du révisionnisme de Nikita Khrouchtchev.

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  • Le XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique

    Le XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique (PCUS) fut un moment clef de l’histoire de l’URSS.

    Normalement, les congrès possédaient une large publicité, témoignant de la vie du Parti dirigeant la société. Les délégués débattent suite au rapport fait par la direction, une ligne est votée pour le futur et des dirigeants élus pour l’appliquer.

    Le XXe congrès dérogea totalement à la règle, puisque le secrétaire du PCUS prononça un « discours secret ». Ce discours ne fut pas sténographié, et il fut même demandé aux 1400 délégués de ne pas en dévoiler le contenu.

    Une version écrite fut remise aux délégations étrangères, mais sans le droit de prendre des notes ni, évidemment, de l’emporter.

    La tribune du XXe congrès du PCUS

    Une semaine après, une version fut imprimée, puis quelques jours après transmise à certaines personnes, également pour être parfois lue lors de réunions à huis-clos, cela procédant d’une décision prise symboliquement par le Comité Central le 5 mars 1956, jour anniversaire de la mort de Staline. A la mi-avril, environ 30 000 personnes par grande ville étaient impliquées dans ces discussions lancées par en haut.

    Le contenu de ce rapport se diffusa ainsi lentement ; dans ce cadre, dans le quotidien du PCUS, la Pravda, parut à la fin du mois un article intitulé Pourquoi le culte de la personnalité est-il étranger à l’esprit du marxisme-léninisme ?

    Puis vint l’étape finale. En juin 1956 en effet, le département d’État américain qui s’était procuré le document commença à le publier massivement en plusieurs langues ; en France, c’est le quotidien Le Monde qui se chargea de cette besogne.

    Nikita Khrouchtchev

    En Union Soviétique, le rapport ne fut par contre jamais rendu public il ne sera publié qu’en 1989 puis en 2002. Avant 1989, le « rapport secret » n’existait officiellement pas ; il n’était pas possible d’y faire référence, ni même de le citer.

    Pourtant, et c’est le paradoxe, officiellement le rapport secret était le fruit des travaux d’une commission d’enquête menée par Piotr Pospelov sur de prétendues actions illégales faites par Staline au sein du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik).

    Il était prétendu que les résultats de la commission ne seraient arrivés qu’au moment du congrès, et qu’alors la direction du PCUS ne savait pas comment aborder la question, Nikita Khrouchtchev se « sacrifiant » pour expliquer la chose avec « émotion », de manière plus ou moins improvisée.

    Le rapport consiste ainsi en une série d’accusations, Staline étant présenté comme ayant dévoyé le centralisme démocratique, organisé une terreur absurde, commis des erreurs militaires terribles pendant la seconde guerre mondiale impérialiste, pour finir en sombrant dans la paranoïa et des purges délirantes, etc.

    Toutefois, le ton reste paradoxalement mesuré, car l’objectif de Nikita Khrouchtchev est très précis. Représentant des forces nées à l’intérieur du régime, même si contre lui sur le plan des idées et de la pratique, il a besoin d’en préserver le cadre.

    Nikita Khrouchtchev prétend alors que Staline fait l’erreur de continuer la lutte des classes alors que ce n’était plus la peine, et que cela a provoqué une sorte de guerre civile dans le PCUS (bolchevik), Staline perdant prétendument toujours davantage pied avec la réalité dans ce processus paranoïaque et mégalomaniaque.

    Le problème n’est donc pas Staline, mais l’absence de direction collégiale, c’est-à-dire en réalité – mais cela Nikita Khrouchtchev ne le dit pas – de la direction idéologique communiste, qui s’oppose aux intérêts collectifs des couches sociales représentées par Nikita Khrouchtchev.

    Voici ce que dit notamment Nikita Khrouchtchev dans le « rapport secret » :

    « Il faut se souvenir que le XVIIe Congrès est connu historiquement sous le nom de « Congrès des vainqueurs ». Les délégués au Congrès avaient été des artisans actifs de l’édification de notre Etat socialiste ; nombre d’entre eux avaient souffert et combattu pour la cause du Parti pendant les années pré-révolutionnaires dans la conspiration et sur les fronts de la guerre civile ; ils avaient combattu leurs ennemis avec vaillance et avaient souvent regardé la mort en face.

    Comment peut-on alors supposer que ces gens pouvaient être à « double face » et avaient rejoint le camp des ennemis du socialisme à l’époque qui a suivi la liquidation politique des zinoviévistes, des trotskistes et des droitiers, et après les grandes réalisations de l’édification socialiste ?

    C’était la conséquence de l’abus de pouvoir par Staline qui commença à utiliser la terreur de masse contre les cadres du Parti.

    Pour quelle raison les répressions de masse contre les activistes n’ont-elles cessé d’augmenter après le XVIIe Congrès ? C’est parce que, à l’époque, Staline s’était élevé à un tel point au-dessus du Parti et au-dessus de la Nation qu’il avait cessé de prendre en considération le Comité central ou le Parti.

    Alors qu’il avait toujours tenu compte de l’opinion de la collectivité avant le XVIIe Congrès, après la totale liquidation politique des trotskistes, des zinoviévistes et des boukhariniens, au moment où cette lutte et les victoires socialistes avaient conduit à l’unité du Parti, Staline avait cessé, à un point toujours plus grand, de tenir compte des membres du Comité central du Parti et même des membres du Bureau politique.

    Staline pensait que, désormais, il pouvait décider seul de toutes choses et que les figurants étaient les seuls gens dont il ait encore besoin; il traitait tous les autres de telle sorte qu’ils ne pouvaient plus que lui obéir et l’encenser (…).

    Prenez par exemple les Résolutions du Parti et des soviets. Elles étaient préparées d’une façon routinière, souvent sans tenir compte de la situation concrète. On était arrivé au point que les militants, même dans les réunions les moins importantes, lisaient leurs discours. Il en résultait un danger de formalisme dans le travail du Parti et des soviets, et la bureaucratisation de tout l’appareil.

    La répugnance de Staline à considérer les réalités de l’existence et le fait qu’il n’était pas au courant du véritable état de la situation dans les provinces peuvent trouver leur illustration de la façon dont il a dirigé l’agriculture.

    Tous ceux qui ont pris un tant soit peu d’intérêt aux affaires nationales n’ont pas manqué de constater la difficile situation de notre agriculture. Staline, lui, ne le remarquait même pas. Avons-nous attiré l’attention de Staline là-dessus? Oui, nous l’avons fait, mais nous ne fûmes pas appuyés par lui. Pourquoi? Parce que Staline ne s’est jamais déplacé, parce qu’il n’a pas pris contact avec les travailleurs des villes et des kolkhozes. Il ignorait quelle était la situation réelle dans les provinces.

    C’est à travers des films qu’il connaissait la campagne et l’agriculture. Et ces films avaient beaucoup embelli la réalité dans le domaine de l’agriculture (…).

    Camarades ! Afin de ne pas répéter les erreurs du passé, le Comité central s’est déclaré résolument contre le culte de l’individu. Nous considérons que Staline a été encensé à l’excès. Mais, dans le passé, Staline a incontestablement rendu de grands services au Parti, à la classe ouvrière, et au mouvement international ouvrier.

    Cette question se complique du fait que tout ce dont nous venons de discuter s’est produit du vivant de Staline, sous sa direction et avec son concours ; Staline était convaincu que c’était nécessaire pour la défense des intérêts de la classe ouvrière contre les intrigues des ennemis et contre les attaques du camp impérialiste.

    En agissant comme il l’avait fait, Staline était convaincu qu’il agissait dans l’intérêt de la classe laborieuse, dans l’intérêt du peuple, pour la victoire du socialisme et du communisme. Nous ne pouvons pas dire que ses actes étaient ceux d’un despote pris de vertige. Il était convaincu que cela était nécessaire dans l’intérêt du Parti, des masses laborieuses, pour défendre les conquêtes de la révolution. C’est là que réside la tragédie ! »

    Cet extrait résume bien l’approche de Nikita Khrouchtchev. Mais pour bien saisir comment il tente en réalité ici une transition en douceur sur le plan culturel, il faut voir à la fois la réorganisation du PCUS à partir de 1953, mais également la signification de la grande campagne accompagnant l’exposition Picasso à Moscou en 1956.

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  • L’URSS social-impérialiste: le chaos à la mort de Staline

    La mort de Staline s’est déroulée dans des conditions obscures ; il aurait connu une attaque cérébrale dans la nuit menant au premier mars, mais n’a pas été soigné, pour être déclaré mort le 5 mars.

    Auparavant, il avait été isolé sur le plan de l’organisation. Alexandr Proskrebychev, son principal collaborateur depuis 1924, avait été mis à pied en 1952 sur la base d’une fausse accusation de vol de documents. Le responsable de sa sécurité depuis 1931, Nikolai Vlasik, fut pareillement écarté en 1952 sur la base d’une fausse accusation, cette fois de complot.

    Par la suite, l’extrême confusion qui a prédominé témoigne de l’atmosphère pénible et marquée par des complots au sein du Kremlin. Elle se révèle par le conflit entre les différentes instances de l’État.

    On a ainsi d’un côté Gueorgui Malenkov qui fait office de premier ministre, en étant proche de Lavrenti Beria qui est le responsable des services secrets, ainsi que de Viatcheslav Molotov comme responsable des affaires étrangères, et également Lazare Kaganovitch comme responsable des salaires et du travail.

    De l’autre, on a Nikita Khrouchtchev comme dirigeant du Parti Communiste, Nikolaï Boulganine comme responsable de la Défense, épaulé par le général Gueorgui Joukov.

    Nikita Khrouchtchev

    Deux événements marquèrent alors le rapport de forces entre les deux fractions. Le premier fut l’arrestation dans le secret de Lavrenti Béria et de ses six collaborateurs, dès juin 1953, prélude à leur procès non public, leur exécution et leur incinération en décembre.

    Le second fut la tentative de la première fraction, en juin 1957, d’expulser Nikita Khrouchtchev de la direction du Parti Communiste, ce qui échoua grâce à la mobilisation de l’armée par Joukov. A ce moment-là, les membres de la première fraction sont mis de côté, puis progressivement expulsés.

    La tenue entre ces deux événements du XXe congrès, en 1956, témoignait du lent changement de rapport de force qui existait en Union Soviétique. On sait, en effet, que de nombreuses contradictions s’étaient développées à la suite de la victoire de 1945, et Staline avait rétabli la primauté du Parti Communiste où son rôle s’était effacé.

    Staline en 1943

    Les techniciens opportunistes, tant dans l’armée que l’économie, avaient pu prendre certains postes en raison des grandes difficultés de la période 1941-1945, mais la bataille idéologique avait ramené une situation saine. L’État soviétique mit en avant le principe de la « légalité socialiste », dans le cadre de la réalisation du quatrième plan quinquennal.

    Si la thèse matérialiste dialectique est correcte, alors il faut regarder comment le régime a été attaqué précisément sur cette base. Or, on peut voir qu’alors que Staline meurt le 5 mars 1953, la légalité socialiste est remise en cause dès le 27 mars.

    Sur décret, plus de 1 200 000 personnes furent libérées du goulag, soit la moitié de la population de celui-ci. Furent libérées toutes les personnes dont la sentence était en-dessous de cinq ans, tous les autres voyant leur peine divisée par deux. Furent automatiquement libérés les hommes de plus de 55 ans et les femmes de plus de 50 ans, les jeunes de moins de 18 ans, les femmes avec enfants, ceux dont la peine était liée au travail ou au service militaire, etc.

    C’était ici particulièrement miner la société soviétique. La loi se voyait dévaluée, qui plus est des centaines de milliers de personnes effectuaient un retour unilatéral dans la société, provoquant une importante vague d’activités criminelles. Selon les chiffres officiels, dans les semaines et mois qui suivirent, les attaques violentes augmentèrent de 60,4 %, les meurtres de 30,7 %, les viols de 27,5 %, les vols de 63,4 %, les troubles sur la voie publique de 19,3 %.

    En pratique, environ 40 % des gens arrêtés dans les mois qui suivirent, pour des activités criminelles, provenaient directement du goulag. Les réseaux criminels organisés dans le goulag s’évertuaient à s’implanter dans la société soviétique.

    C’était d’une grande importance pour Nikita Khrouchtchev et la clique qu’il représentait : les troubles travaillaient l’opinion publique, sapant la légalité socialiste existant précédemment et provoquant un appel d’air pour des mesures qu’il y avait lieu, pour Nikita Khrouchtchev, de développer de telle manière que cela corresponde à ses vues.

    Nikita Khrouchtchev

    Le régime nouvellement installé développa par conséquent une nouvelle approche de la vie quotidienne, du style de vie (le « byt ») ; c’est dans ce cadre qu’il faut voir la publication et la promotion en 1954 d’un roman d’Ilya Ehrenbourg intitulé Le dégel, se moquant des artistes peu talentueux mais conformistes, barrant la route aux artistes authentiques mais peu soucieux de bons rapports avec la « bureaucratie ».

    Deux autres ouvrages du même type seront publiés et encensés : il y eut ainsi en 1956 L’homme ne vit pas que de pain de Vladimir Doudintsev, racontant les terribles mésaventures d’un ingénieur dont l’invention est volée, lui emprisonné, dans le cadre d’une bureaucratie complète, etc.

    Enfin, en 1962, il y eut Une journée d’Ivan Denissovitch, qui décrit le goulag, qu’a lui-même connu son auteur Alexandre Soljenitsyne.

    Couverture originale de l’ouvrage d’Alexandre Soljenitsyne, Ivan Denissovitch

    Ces trois ouvrages furent publiés directement avec l’accord de Nikita Khrouchtchev, avec également Alexandre Tvardovski jouant un important rôle par l’intermédiaire de la revue Novy Mir. Tvardovski publia également un long poème méditatif dans le même esprit, intitulé Loin, au loin…, gagnant le prix Lénine en 1961 ; toutes les années 1953-1962 sont marquées de toutes manières par une vague de romans dénonçant la bureaucratie soviétique, l’arbitraire prédominant partout, etc. etc.

    Le 23 février 1956 fut, dans ce sens, fondé un Comité pour les questions des inventions et découvertes, qui devint un véritable organe de pression de la part des scientifiques et des ingénieurs contre la « bureaucratie ».

    Couverture originale de L’homme ne vit pas que de pain de Vladimir Doudintsev

    Pareillement, le MVD – le ministère de l’intérieur fut séparé de la sécurité intérieure, sa conférence spéciale supprimée. Les voyages à l’intérieur de l’URSS furent libéralisés, et le livret ouvrier supprimé, ainsi que la responsabilité pénale en cas d’abandon de son travail.

    Le processus devait être continu, et les éléments anti-sociaux, sapant la base du régime précédent, était ici une aide précieuse. Ainsi, après l’amnistie de mars 1953, le processus de libération du goulag continua de manière progressive : en janvier 1956, le nombre de personnes au goulag n’était plus que d’un peu plus de 781 000, soit 1/3 du nombre de 1953. A partir de 1954, les opposants politiques envoyés au goulag commençaient également à sortir.

    Entre 1953 et 1956, on a donc une transformation importante de la légalité. L’objectif d’éléments dégénérés au sein de l’armée et de l’industrie était de liquider l’influence du Parti, en profitant de la mort de Staline, qui formait la direction de celui-ci.

    Il fallait par conséquent tout d’abord saboter les courroies de transmission du Parti dans l’armée et les services secrets, et ensuite empêcher l’émergence d’une nouvelle direction. Pour cela, il y avait la lutte contre le « culte de la personnalité », qui brisait tout débat idéologique, en déplaçant toute discussion vers un débat sur la « bureaucratie ».

    Les problèmes dans la société étaient ainsi à la fois alimentés par les transformations libérales, et en même temps attribués au « stalinisme », afin de provoquer des changements dont les complications étaient elles-mêmes attribuées au « stalinisme », permettant de nouveaux changements qui eux-mêmes, etc., dans un processus s’auto-alimentant.

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  • L’URSS socialiste et l’approche erronée de Staline et des communistes d’URSS

    Dans le combat contre les tendances erronées après 1945, les communistes d’URSS ont eu comme base non pas le matérialisme dialectique, mais la défense de la constitution de 1936, ainsi que le matérialisme historique concernant le développement économique.

    Cela a eu des conséquences fatales. Comme l’avait souligné Staline, les meilleures forteresses se prennent de l’intérieur, et une clique de révisionnistes a pu réussir à placer ses membres dans l’appareil d’Etat, pour renverser l’idéologie à la direction du Parti à la mort de Staline, finalisant la démarche lors du XXe congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, en 1956.

    La conception de Staline et des communistes d’URSS était que les oppositions à la construction du socialisme en URSS, après 1945, relevaient uniquement de déviations ou d’influences externes à l’URSS. La raison fondant ce raisonnement était que l’URSS était devenue socialiste et qu’il n’existait plus de classes antagonistes ; s’il existait des restes idéologiques relevant du passé, il n’y avait plus de classes sociales réactionnaires capables en tant que telle de porter un projet de renversement.

    Cela est juste, dans la perspective du matérialisme historique. Cependant, il n’y a aucune raison de couper la société humaine et son histoire de la matière en général. Les communistes d’URSS, et à leur tête le grand Staline, ont considéré que les forces productives étaient indépendantes de la réalité matérielle.

    Cela va avoir deux tendances : tout d’abord, le développement d’une idéologie volontariste, caractérisé par l’anthropocentrisme, totalement idéaliste, portée justement par la clique révisionniste qui va dévier les acquis matérialistes dialectiques pour affirmer la toute-puissance de la pensée sur la matière, avec la possibilité absolue de la transformer.

    Cela va se montrer dans les années 1960, avec Khrouchtchev et son soutien aux déviations de Trofim Lyssenko, dont le point de départ était pourtant scientifique, à la conquête spatiale coupée pareillement de sa base matérialiste dialectique, aux grands projets de transformation de la biosphère eux aussi coupés de leur base matérialiste dialectique, etc.

    C’est alors, en pratique, l’État et l’armée qui ont pris le pouvoir sur le Parti, devenu un simple rouage du complexe militaro-industriel au cœur du social-impérialisme soviétique.

    Dans les faits, la clique révisionniste a ainsi pu prendre le pouvoir en 1953 en profitant des aspects erronés du « Grand Plan pour la Transformation de la Nature » lancé en 1948, contenant plusieurs projets, dont celui de former des forêts de pratiquement six millions d’hectares dans le sud de la Russie, d’irriguer l’Asie centrale de manière généralisée, etc.

    Les communistes d’URSS se sont arbitrairement restreints au matérialisme historique, faisant du matérialisme dialectique un outil du premier, sans voir que c’est l’inverse qui est vrai. Voici ce que dit Staline dans le grand classique de l’après 1945, Les problèmes économiques du socialisme en URSS :

    « Le marxisme conçoit les lois de la science, qu’il s’agisse des lois de la nature ou des lois de l’économie politique, comme le reflet des processus objectifs qui s’opèrent indépendamment de la volonté humaine.

    Ces lois, on peut les découvrir, les connaître, les étudier, en tenir compte dans ses actes, les exploiter dans l’intérêt de la société, mais on ne peut les modifier ou les abolir.

    A plus forte raison ne peut-on former ou créer de nouvelles lois de la science. Est-ce à dire, par exemple, que les résultats de l’action des lois de la nature, des forces de la nature sont, en général, inéluctables ; que l’action destructive des forces de la nature se produit toujours et partout avec une spontanéité inexorable, qui ne se prête pas à l’action des hommes ?

    Évidemment non. Si l’on fait abstraction des processus astronomiques, géologiques et quelques autres analogues, où les hommes, même s’ils connaissent les lois de leur développement, sont véritablement impuissants à agir sur eux ; ils sont en maintes occasions loin d’être impuissants quant à la possibilité d’agir sur les processus de la nature.

    Dans toutes ces circonstances, les hommes, en apprenant à connaître les lois de la nature, en en tenant compte et en s’appuyant sur elles, en les appliquant avec habileté et en les exploitant, peuvent limiter la sphère de leur action, imprimer aux forces destructives de la nature une autre direction, les faire servir à la société. »

    Cette position du grand Staline est erronée, dans la mesure où elle sépare l’humanité, en tant que matière, du reste de la matière ; elle pose la réalité de la biosphère comme simplement statique sur le plan général, même si obéissant à certaines lois propres.

    Staline n’était pas le seul à avoir cette position ; nombreuses sont les remarques dans le même sens des immenses Maxime Gorki et Ivan Mitchourine.

    Malheureusement, on s’éloigne là tant du réalisme que du matérialisme dialectique ; on en revient au matérialisme vulgaire, celui de Claude Bernard, repris par Emile Zola pour inventer le « naturalisme ».

    Dans son écrit Le roman expérimental, voici comment Emile Zola nie l’importance de la philosophie – donc du matérialisme dialectique – en soulignant l’importance de la dimension « pragmatique ».

    Cela pourrait être littéralement le manifeste des cliques révisionnistes apparus en URSS et en Chine populaire ! Sur tous les plans, de l’approche à la méthode, de l’idéologie à la démarche, on retrouve chez Emile Zola ce qu’ont dit Nikita Khrouchtchev en URSS et Deng Xiao Ping en Chine populaire :

    « Je citerai encore cette image de Claude Bernard, qui m’a beaucoup frappé: «L’expérimentateur est le juge d’instruction de la nature.» Nous autres romanciers, nous sommes les juges d’instruction des hommes et de leurs passions (…).

    Admettons que la science ait marché, que la conquête de l’inconnu soit complète: l’âge scientifique que Claude Bernard a vu en rêve sera réalisé. Dès lors, le médecin sera maître des maladies; il guérira à coup sûr, il agira sur les corps vivants pour le bonheur et pour la vigueur de l’espèce.

    On entrera dans un siècle où l’homme tout-puissant aura asservi la nature et utilisera ses lois pour faire régner sur cette terre la plus grande somme de justice et de liberté possible. Il n’y a pas de but plus noble, plus haut, plus grand. Notre rôle d’être intelligent est là: pénétrer le pourquoi [ou le comment? – voir ci-dessus] des choses, pour devenir supérieur aux choses et les réduire à l’état de rouages obéissants.

    Eh bien! ce rêve du physiologiste et du médecin expérimentateur est aussi celui du romancier qui applique à l’étude naturelle et sociale de l’homme la méthode expérimentale. Notre but est le leur; nous voulons, nous aussi, être les maîtres des phénomènes des éléments intellectuels et personnels, pour pouvoir les diriger (…).

    Notre vraie besogne est là, à nous romanciers expérimentateurs, aller du connu à l’inconnu, pour nous rendre maître de la nature tandis que les romanciers idéalistes restent de parti pris dans l’inconnu, par toutes sortes de préjugés religieux et philosophiques, sous le prétexte stupéfiant que l’inconnu est plus noble et plus beau que le connu (…).

    Nous montrons le mécanisme de l’utile et du nuisible, nous dégageons le déterminisme des phénomènes humains et sociaux, pour qu’on puisse un jour dominer et diriger ces phénomènes. En un mot, nous travaillons avec tout le siècle à la grande œuvre qui est la conquête de la nature, la puissance de l’homme décuplée. Et voyez à côté de la nôtre, la besogne des écrivains idéalistes, qui s’appuient sur l’irrationnel et le surnaturel, et dont chaque élan est suivi d’une chute profonde dans le chaos métaphysique. C’est nous qui avons la force, c’est nous qui avons la morale (…).

    Si Claude Bernard se défend d’être un novateur, un inventeur plutôt qui apporte une théorie personnelle, il revient également plusieurs fois sur le danger qu’il y aurait pour un savant à s’inquiéter des systèmes philosophiques.

    [Zola cite Claude Bernard:] «Pour l’expérimentateur physiologiste, dit-il, il ne saurait y avoir ni spiritualisme ni matérialisme. Ces mots appartiennent à une philosophie naturelle qui a vieilli, ils tomberont en désuétude par le progrès même de la science. Nous ne connaîtrons jamais ni l’esprit ni la matière, et si c’était ici le lieu, je montrerais facilement que d’un côté comme de l’autre, on arrive bientôt à des négations scientifiques, d’où il résulte que toutes les considérations de cette espèce sont oiseuses et inutiles. Il n’y a pour nous que des phénomènes à étudier, les conditions matérielles de leurs manifestations à connaître et les lois de ces manifestations à déterminer.»

    J’ai dit que, dans le roman expérimental, le mieux était de nous en tenir à ce point de vue strictement scientifique, si nous voulions baser nos études sur un terrain solide. Ne pas sortir du comment, ne pas s’attacher au pourquoi. »

    Refusant le révisionnisme, Mao Zedong défendra l’œuvre de Staline mais il verra, lors du Grand Bond en Avant et de son échec relatif, qu’il y avait là un problème dans le rapport entre matérialisme historique et matérialisme dialectique, avec la soumission du second au premier.

    C’est pourquoi il va appeler à inverser ce rapport, ce qui va se réaliser avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

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  • L’URSS socialiste et les contradictions Parti-Etat

    La victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie doit avant tout à l’Armée Rouge, qui a battu l’écrasante majorité de l’armée allemande, libérant toute une série de pays, pavant la voie aux démocraties populaires.

    Cependant, après 1945, une intense lutte de classes se déroula en URSS. Celle-ci ne sera cependant pas réellement apparente, mais c’est elle qui va aboutir à un coup d’État suite à la mort de Staline, en 1953.

    Cette lutte de classes n’est pas liée tant à la période d’avant 1941 qu’aux conditions provoquées par la seconde guerre mondiale impérialiste. Celle-ci a posé un problème terrible, en plus des innombrables destructions : 34,4 millions de personnes y ont participé, dans l’Armée Rouge ; 9,1 millions de personnes y ont laissé la vie, alors que dans la population civile, 15 millions de personnes ont également été tuées.

    De ce fait, la guerre a coûté la vie à 2 millions de communistes. Cela signifie que toute une génération, qui a profité des expériences de lutte idéologique, a été saignée à blanc. C’est un problème pratique gigantesque pour le Parti bolchevik.

    En pratique, parmi les vétérans, seulement 17 % sont membres du Parti. Les ministères, durant les urgences de la guerre, ont acquis une indépendance nette par rapport au Parti. D’une certaine manière, on est dans la situation inverse de 1923, date où le congrès du Parti bolchevik décide de former un organisme – supervisé par Viatcheslav Molotov et Lazare Kaganovitch de sélection des cadres de l’État.

    Rien que pour l’année 1923, après la victoire dans la guerre civile, cela donne un choix de personnes pour à peu près 18 000 postes, à chaque fois validé (ou non) par le Comité Central.

    Il est significatif que ce nombre passe, en 1946 juste après la victoire sur l’Allemagne nazie, à 46 000. C’est tout l’appareil d’État qui, en pratique, est renouvelé.

    Qui dit renouvellement, dit changement générationnel. En 1946, 50 % de la population masculine est née après 1914. Elle a grandi sous le nouveau régime, mais il se pose le problème de la transmission idéologique, cassée par la guerre.

    En pratique, donc, les soldats et officiers vont former rapidement la moitié des postes de responsabilité dans l’industrie, pour un pourcentage inversement faible dans le Parti et dans l’État. Il y a ainsi déjà une contradiction entre l’industrie d’un côté, le Parti et l’État de l’autre. L’urgence matérielle tend à produire une nécessité pratique mettant en danger l’idéologie.

    Citons ici le principal document d’après-guerre, de février 1946, où Staline dresse le panorama de la production économique en 1940 (par rapport à 1913), mais également militaire pour les années 1943-1945. On voit bien exprimer les urgences techniques et productives provoquées par l’invasion nazie.

    « En ce qui concerne 1940, notre pays a produit an cours de cette année 15 millions de tonnes de fonte, soit presque quatre fois plus qu’en 1913 ; 18 millions 300 000 tonnes d’acier, soit quatre fois et demie plus qu’en 1913 ; 166 millions de tonnes de houille, soit cinq fois et demie plus qu’en 1913 ; 31 millions de tonnes de pétrole, soit trois fois et demie plus qu’en 1913 ; 38 millions 300 000 tonnes de céréales marchandes, soit 17 millions de tonnes de plus qu’en 1913 ; 2 millions 700 000 tonnes de coton brut, soit trois fois et demie plus qu’en 1913.

    Telles furent les ressources matérielles de notre pays, au seuil de la seconde guerre mondiale (…).

    On sait que pendant les trois dernières années de guerre, notre industrie des chars a produit chaque année une moyenne de plus de 30 000 tanks, canons autopropulsés et autos blindées

    (Vifs applaudissements).

    On sait ensuite que notre industrie aéronautique a produit, pendant la même période, près de 40 000 avions par an.

    (Vifs applaudissements.)

    On sait de même que notre industrie de l’artillerie a produit, annuellement, pendant la même période, près de 120000 canons de tout calibre (vifs applaudissements) , près de 450 000 fusils-mitrailleurs et mitrailleuses lourdes (vifs applaudissements) , plus de 3 millions de fusils (applaudissements) et environ 2 millions de mitraillettes (applaudissements) .

    On sait enfin que durant la période 1942-1944, notre industrie des mortiers a produit une moyenne de près de 100 000 mortiers par an (vifs applaudissements).

    Il va de soi que, dans le même temps, on a fabriqué une quantité correspondante d’obus, de mines de tout genre, de bombes d’aviation, de cartouches à fusils et à mitrailleuses.

    On sait, par exemple, que dans la seule année 1944, il a été fabriqué plus de 240 millions d’obus, de bombes et de mines (applaudissements) et 7 milliards 400 millions de cartouches (vifs applaudissements).

    Tel est dans ses grandes lignes le tableau du ravitaillement de l’Armée rouge en matériel de guerre et en munitions. »

    Discours prononcé à l’assemblée des électeurs de la circonscription Staline de Moscou

    Très concrètement, cela signifie qu’au milieu de l’année 1946, 6000 cadres de l’appareil d’État agissent depuis une année, en étant pourtant toujours en attente d’une confirmation de leur nomination par le Comité Central. De la même manière, les ministères, pour parer à l’urgence et surtout lorsqu’ils étaient importants, avaient une marge de manœuvre par rapport à l’organisme de nomination.

    Le Parti bolchevik prit alors des résolutions en faveur d’une résolution positive de ces problèmes. Tout d’abord, il procéda à la dissolution des commissions internes au Parti comme celles pour l’économie, les transports, l’agriculture. Désormais, ces commissions consisteront en pratique, en quelque sorte, directement en les cadres nommés dans les ministères concernés.

    Il s’agissait de casser l’influence autonome des ministères, qui parfois firent la conquête de l’hégémonie sur le Parti, y compris par la corruption. En pratique, il existait différentes mafias en URSS, effectivement. La principale structure reposait sur des « guildes », qui utilisaient les failles de la planification.

    Les guildes s’appuyaient sur des soutiens qui, dans les entreprises, trafiquaient les mesures, volant au passage différentes denrées (soit en augmentant la taille des cuves, ou bien en prétextant des dégradations, voire en modifiant les données chiffrées).

    Les membres des guildes organisaient alors la répartition des biens volés dans différents commerces, s’appropriant les bénéfices. Les chefs d’entreprise, lors de la crise économique de l’URSS redevenue capitaliste des années 1960-1990, s’appuieront fondamentalement sur les guildes comme intermédiaires permettant de pallier les problèmes d’approvisionnement.

    Ici, on en revient au troc, avec les responsables des guildes nommés à des postes de managers afin de toucher un salaire légal.

    Les guildes ne fonctionnaient pas toutefois qu’avec les responsables d’entreprises. Elles étaient également liées à des gangs, commandés par des « frères ». Tel dans un ordre religieux strict, un frère ne devait pas se marier ni avoir de famille ; il ne devait avoir aucune éducation ni aucun emploi. Il devait ne pas servir dans l’armée, ni n’avoir aucune propriété privée.

    Il y avait une trentaine de « Frères » environ dans les années 1950, chacun s’appuyant jusque sur 300 personnes, les sous-chefs étant des « frères » (au sens familial) et les éléments de base des « numéros six ». Il existe ici une gigantesque culture du tatouage propre à ces gangs, élaborée dans les camps de travail, utilisant de manière récurrente des éléments propres à l’idéologie nazie.

    Bien entendu, les gangs procédaient également à des extorsions, du trafic sur le marché noir, des « protections » de commerce, la prostitution, le jeu etc. Dans les années 1980, l’autonomisation des entreprises ayant été très largement avancée, les guildes fusionneront de fait avec les gangs, annonçant la fameuse « mafia russe » des années 1990.

    Dans les années 1950 cependant, les gangs ne sont qu’embryonnaires même si structurées par les « Frères » ; ce sont les « boucaniers rouges » qui priment dans la mafia, utilisant des méthodes de pirate pour arraisonner des marchandises et en tirer du bénéfice.

    On put voir une même généralisation des « confréries » dans les années 1960 avec l’émergence de groupes de pression s’appuyant sur les vétérans. Après 1945, les vétérans n’auront que très peu d’avantages sociaux, consistant en des réductions, des voyages, etc., mais sans que cela aille très loin. Ces avantages furent même supprimés en 1947, même le jour de la victoire étant supprimé comme jour férié.

    La conception du Parti bolchevik était que les soldats ont servi l’URSS toute entière et ne doivent pas former une caste à part. On pourra voir de fait que le régime nouveau, fondé dès la mort de Staline et la prise du pouvoir par la clique révisionniste, instaurera des associations d’anciens combattants dès 1956, faisant monter ceux-ci en puissance progressivement, le pic étant atteint sous Leonid Brejnev.

    Tout cela témoigne d’une intense lutte de classes après 1945, car l’idéologie bourgeoise avait des pions dans les mafias et certains dirigeants, et la possibilité de corrompre des responsables du Parti. A cela s’ajoute un lieu central de contradiction : la commission réorganisée, juste après la guerre, de nomination des cadres.

    A partir du moment où avec cette commission réorganisée et la fin de l’époque d’exception propre à la guerre, les ministères ne pouvaient plus nommer leurs cadres en dehors de l’aval du Comité Central, alors cela signifie que tous les efforts bourgeois allaient porter sur la commission elle-même.

    D’intenses campagnes de rectification furent menées dans le personnel des ministères et dans le Parti lui-même. C’est Andreï Jdanov qui fut au cœur de cette bataille, menant de fait la reconquête idéologique de l’appareil d’État, dans une véritable révolution culturelle visant ceux qu’on doit considérer comme une sorte de déviation « pragmatique-machiavélique ».

    La répression fut menée pour cette raison contre un nouveau « centre », basé à Léningrad et prônant des réformes où les entreprises posséderaient un grand degré d’autonomie. 2000 personnes furent pour cette raison exclues du Parti ou bien exilé de Leningrad, 213 furent condamnées dont 23 à mort. 300 professeurs furent exclus de l’université de Leningrad, ainsi que 18 recteurs d’université et 29 responsables de départements économiques.

    Cela ne pouvait cependant pas suffire, en raison de l’approche même de la lutte contre la contre-révolution.

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