Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • La paupérisation selon Marx : la signification de la polémique franco-italienne

    En 1961, Maurice Thorez publiait un ouvrage intitulé « La paupérisation des travailleurs français », la couverture se voyant barré d’une inscription où on lisait : « une tragique réalité ». Les textes consistaient en l’assemblage d’articles écrits par Maurice Thorez entre 1955 et 1957.

    Cet ouvrage est à la fois le produit du révisionnisme d’après 1945 et la base théorique pour toute la réflexion révisionniste dans la seconde partie du 20e siècle. C’est la véritable théorisation de l’inscription de la lutte réformiste dans les institutions, au nom d’une prétendue paupérisation générale.

    Le décalage par rapport aux thèses de Karl Marx est ici très clair ; il ne s’agit pas d’une négation de la thèse de Karl Marx, mais d’une relecture procédant à une révision. Ainsi, dans l’article La situation économique de la France (Mystifications et réalité), en date du 25 janvier 1955, Maurice Thorez témoigne qu’il a bien compris les deux aspects de la question de la paupérisation :

    « On dit que la Sécurité sociale s’est développée. Mais on devrait aussi constater que les accidents, les maladies, le chômage, etc., tous les maux auxquels elle doit servir de palliatif, se sont accentués.

    Il ne faut pas oublier que, si la bourgeoisie introduit un certain nombre de mesures de protection de la santé des travailleurs, elle ne le fait que sous la pression des masses. Et ensuite elle s’efforce d’en profiter pour accroître l’intensité du travail.

    Ce qui, naturellement, conduit à une aggravation nouvelle des conditions de santé : souvent, en effet, les mesures sanitaires et sociales sont plus que compensées par le renforcement du taux d’exploitation, et le résultat final est négatif. »

    Voici un autre exemple de perspective intéressante dans la saisie des deux aspects, qu’on trouve dans l’article Nouvelles données sur la paupérisation (Réponse à Mendès France), en août 1955 :

    « Reste le luxe de l’auto, accessible, dit-on, à la classe ouvrière. En réalité, l’automobile est souvent une nécessité aux États-Unis, comme le vélo en Hollande, comme, de plus en plus, le scooter dans la région parisienne.

    L’ouvrier américain qui achète une voiture d’occasion obéit à deux raisons : d’abord, il travaille en règle générale très loin de son domicile ; d’autre part, la totalité des transports est entre les mains de sociétés privées, qui se soucient beaucoup plus des intérêts de leurs actionnaires que ceux du public. »

    Cependant, Maurice Thorez considère qu’il y a simplement modification des formes de consommation, pas élargissement de la consommation.

    Dans le même article, il soutient que le niveau de vie des années 1950 est inférieur à précédemment ; il ne constate pas de croissance réelle des forces productives. C’est là la clef de la pensée de Maurice Thorez dans les années d’après-guerre, et c’est ce qui le fait dire dans son discours de clôture au Comité central du Parti Communiste français, le 27 janvier 1955 :

    « Une deuxième loi marxiste, celle de l’accumulation du capital, enseigne que la classe ouvrière ne peut échapper, sous le capitalisme, à la paupérisation relative et absolue.

    Cette loi, elle aussi, a été niée obstinément surtout par les dirigeants socialistes, dont toute la politique de conciliation des classes repose sur le mensonge d’une amélioration régulière de la condition des ouvriers.

    Mais les faits sont têtus : les faits montrent que le salaire horaire du métallurgiste parisien a baissé de moitié depuis 1938. Le nombre des ouvriers qualifiés diminue. Les salaires additionnés de tous les membres de la famille, femmes et enfants compris, représentant à peine ce que le père touchait à lui seul autrefois.

    Les loyers augmentent sans arrêt, beaucoup d’ouvriers sont condamnés au taudis. Les travailleurs de Paris mangent moins de viande que sous le Second Empire. »

    Le même constat est fait, dans l’article Encore une fois la paupérisation !, paru dans les Cahiers du communisme en octobre 1957 :

    « En Allemagne occidentale, la paupérisation de la classe ouvrière s’affirme parallèlement à la concentration du capital. Le coût de la vie s’élève. La rationalisation capitaliste, le perfectionnement des méthodes techniques d’exploitation aggravent chaque jour les conditions de travail (…).

    Quant au gouvernement de Londres, on se rappelle qu’il avait promis de doubler le niveau de la population en vingt-cinq ans ! Pourtant, les faits ont parlé un tout autre langage (…). Aux États-Unis, les indices de ralentissement de l’activité économique se multiplient (…).

    Un autre procédé polémique consiste à faire appel à l’armée des acheteurs de scooters et de machines à laver !

    Outre que l’on comprend parfaitement la volonté d’une classe ouvrière formée dans les conditions historiques modernes de bénéficier du progrès technique, l’œuvre de ses mains, ne voit-on pas surtout qu’il s’agit ici d’un besoin objectif, d’un élément objectif du niveau de vie dû à certaines conditions matérielles ?

    Autrefois, les ouvriers du bâtiment pouvaient acheter en banlieue un lopin de terre sur lequel ils bâtissaient le dimanche leur petite maison, à proximité des zones d’expansion urbaine et de travail.

    Aujourd’hui, ils n’ont plus, pour la plupart, les moyens de le faire, mais en revanche le vélomoteur leur est nécessaire pour couvrir les longs trajets qui séparent leur domicile de leur chantier (…).

    Il est bien évident que pour renouveler la force de travail, la quantité des moyens de consommation objectivement nécessaires est plus grande aujourd’hui qu’il y a cent ans !

    Même les trois semaines de congé payé sont-elles autre chose qu’une nécessité vitale en fonction de l’intensification du travail et de l’usure physiologique grandissante ? (…)

    Le président du Parti communiste américain, le camarade William Z. Foster, a écrit dans son article reproduit au numéro 1 des Cahiers du Communisme, en janvier de cette année, que « le jeu de la loi de paupérisation des masses peut être vérifié aux États-Unis, pays tant vanté de la « prospérité » capitaliste. »

    On s’étonne qu’une note discordante figure dans l’article publié, au numéro de janvier-février de Rinascita, la revue politique et culturelle de notre parti frère d’Italie, sous le titre : « La voie italienne au socialisme, origines et traits de notre politique. »

    Le camarade Spano écrit : « La question de la paupérisation absolue et relative de la classe ouvrière en régime capitaliste est posée par les camarades français comme une loi catégorique, immuable, mais par les camarades italiens et, croyons-nous, par Marx, elle est posée comme une loi de tendance.

    En tirant avec une stricte logique toutes les conséquences politiques de la façon de poser le problème qu’adoptent les camarades français, on devrait conclure à l’impossibilité pour la classe ouvrière de réaliser aucune conquête dans le cadre de la société capitaliste, à la nécessité pour la classe ouvrière de poser chacune de ses revendications en termes de rupture révolutionnaire pour la conquête du pouvoir. »

    Ainsi, le camarade Spano, après beaucoup d’autres [appartenant par contre aux socialistes], reproche à notre Parti de concevoir les effets de la paupérisation comme quelque chose d’immuable, quelque chose contre quoi la classe ouvrière ne pourrait rien tenter (…).

    Il dit textuellement qu’au sujet de la paupérisation comme des nationalisations, « les camarades français prennent des positions qui les confinent dans une fonction de pure propagande. »

    A vrai dire, reconnaît-il, les communistes français sortent parfois de la propagande pour agir, mais c’est simple illogisme de leur part ! »

    De fait, le Parti Communiste italien rejettera la thèse de la paupérisation, pour celle de l’amélioration permanente de la situation des masses au moyen l’institutionnalisation. Le Parti Communiste français fera de même, mais avec une institutionnalisation qu’il prétendra réfuter, au nom de la thèse – maintes fois reformulées – de Maurice Thorez sur la paupérisation.

    Le Parti Communiste italien est ainsi apparu, en 1968, déjà comme le partisan de l’institutionnalisation, permettant une vraie réflexion sur le capitalisme moderne et l’affirmation de l’autonomie prolétaire.

    En France, par contre, le Parti Communiste français maintenant une fausse aura d’opposant, maintenant son ancrage dans la société française, lui permettant de maintenir son existence après 1989, au contre du Parti Communiste italien. Par la thèse sur la paupérisation, le Parti Communiste français a su se placer comme force « sociale » opposée à la pauvreté, se transformant ainsi en appendice de gauche du réformisme modernisateur.

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  • La paupérisation selon Marx : l’organisation scientifique de la pauvreté

    L’expérience la plus avancée dans la « zone des tempêtes » fut faite au Pérou, avec Gonzalo, qui aborde de manière ouverte la question de la pauvreté.

    Voici comment le Parti Communiste du Pérou synthétise cette question :

    « Le Président Gonzalo attribue une importance particulière à l’organisation scientifique de la pauvreté, principe qui nous vient de Marx, et qui signifie, pour nous, organiser la paysannerie,- principalement la pauvre – et les masses les plus pauvres des villes en Parti Communiste, Armée Populaire de Guérilla et en Etat Nouveau qui se concrétise en Comités Populaires.

    Il établit la relation suivante: parler du problème paysan c’est parler du problème de la terre, et parler du problème de la terre c’est parler du problème militaire, et parler du problème militaire c’est parler du problème du Pouvoir, de l’Etat Nouveau auquel nous arrivons par la révolution démocratique que dirige le prolétariat à travers son Parti, le Parti Communiste. » (La révolution démocratique, 1988)

    Comme on le voit, il est ici spécifiquement parlé de la paysannerie se désagrégeant dans les conditions particulières d’un pays semi-colonial semi-féodal.

    Voici un autre passage où ce même point de vue est exprimé, pour formuler en quoi la cordillère des Andes forme le cœur du projet du Parti Communiste du Pérou, de par sa réalité sociale.

    « Il spécifie la nécessité d’organiser scientifiquement la pauvreté et remarque que ceux qui sont les plus disposés à se rebeller, ceux qui réclament le plus ardemment que l’on organise la rébellion, sont les plus pauvres parmi les masses et qu’il faut prêter une attention toute spéciale à l’organisation révolutionnaire scientifique des masses.

    Cela ne va pas à l’encontre des critères de classes, mais nous démontre que la pauvreté a son origine dans l’exploitation, dans la lutte de classes.

    « La misère existe et elle côtoie de fabuleuses richesses, même les utopistes savaient, qu’elles vont de pair; énorme et provocante richesse à côté d’une pauvreté criante qui la dénonce. Il en est ainsi parce que l’exploitation existe ».

    Thèse rattachée à Marx qui découvrit la puissance révolutionnaire de la pauvreté et la nécessité de l’organiser scientifiquement, c’est-à- dire, pour la révolution; Marx qui nous enseigna que le prolétariat, n’ayant pas de propriété, est l’unique classe créatrice qui détruira la propriété et se détruira elle-même en tant que classe.

    Et à Lénine qui nous enseigna que la révolution sociale ne surgit pas des programmes, mais du fait que des millions de personnes disent qu’au lieu de mourir en souffrant de la faim elles préfèrent mourir pour la révolution.

    Et au Président Mao qui conçoit que la pauvreté stimule le désir de changement, d’action, de révolution, qu’elle est une feuille de papier blanc, nue, sur laquelle on peut écrire les mots les plus nouveaux et les plus beaux (…).

    Cette particularité est stratégique, car elle permet de comprendre que la révolution, dans le monde, se définit du côté des plus pauvres qui constituent la majorité et sont le plus disposés à se rebeller et, aussi, que dans chaque révolution on doit aller aux plus pauvres en appliquant les trois conditions que l’organisation scientifique de la pauvreté exige : l’idéologie, la guerre populaire et le Parti Communiste.

    C’est ainsi que le Président Gonzalo nous dit: « la pauvreté est une force motrice de la révolution, les pauvres sont les plus révolutionnaires, la pauvreté est le plus beau des chants…. la pauvreté n’est pas un opprobre, c’est un honneur; notre cordillère avec ses masses est la source de notre révolution; ces masses, sous la direction du Parti Communiste, construiront de leurs mains un monde nouveau. Leur guide: l’idéologie, leur moteur: la lutte armée, leur direction: le Parti Communiste. » (La ligne de masses, 1988)

    Il va de soi que toute utilisation de ces passages hors de leur contexte, de leur réalité historique, aboutirait à la thèse erronée et unilatérale de la paupérisation absolue.

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  • La paupérisation selon Marx et l’interprétation révisionniste

    C’est après 1945 que va exister, dans le mouvement communiste internationale, une affirmation de la paupérisation générale, au mépris de la réalité du cycle d’accumulation capitaliste se relançant.

    L’erreur initiale ne vient pas de la question de la paupérisation, mais d’une interprétation erronée de la situation d’après-guerre, erreur effectuée par Staline dans Les Problèmes économiques du socialisme en URSS, publié en 1952. On y lit l’évaluation erronée :

    « Le résultat économique le plus important de la deuxième guerre mondiale et de ses conséquences pour l’économie a été la désagrégation du marché mondial unique, universel. Ce qui a déterminé l’aggravation ultérieure de la crise générale du système capitaliste mondial.

    La deuxième guerre mondiale a été elle-même engendrée par cette crise. Chacune des deux coalitions capitalistes engagées dans le conflit, espérait pouvoir battre l’adversaire et asseoir sa domination sur le monde. C’est en cela qu’elles cherchaient une issue à la crise.

    Les États-Unis d’Amérique comptaient mettre hors de combat leurs concurrents les plus dangereux, l’Allemagne et le Japon, s’emparer des marchés étrangers, des ressources mondiales de matières premières et asseoir leur domination sur le monde.La guerre cependant n’a pas donné raison à leurs espoirs. Il est vrai que l’Allemagne et le Japon ont été mis hors de combat eu tant que concurrents des trois principaux pays capitalistes : U.S.A., Grande-Bretagne, France.

    Mais on a vu d’autre part se détacher du système capitaliste la Chine et les pays de démocratie populaire en Europe, pour former avec l’Union soviétique un seul et vaste camp socialiste, opposé au camp du capitalisme.

    Le résultat économique de l’existence des deux camps opposés fut que le marché unique, universel s’est désagrégé, ce qui fait que nous avons maintenant deux marchés mondiaux parallèles qui eux aussi s’opposent l’un à l’autre (…).

    Il s’ensuit que la sphère d’application des forces des principaux pays capitalistes (U.S.A., Grande-Bretagne, France) aux ressources mondiales, ne s’étendra pas mais diminuera ; que les conditions, quant aux débouchés mondiaux, s’aggraveront pour ces pays, et que la sous-production des entreprises y augmentera.

    C’est en cela que consiste proprement l’aggravation de la crise générale du système capitaliste universel, à la suite de la désagrégation du marché mondial.

    C’est ce que les capitalistes comprennent fort bien, car il est difficile de ne pas ressentir la perte de marchés tels que l’U.R.S.S., la Chine. Ils s’attachent à remédier à ces difficultés par le « plan Marshall », par la guerre en Corée, par la course aux armements, par la militarisation de l’industrie. Mais cela ressemble fort au noyé qui s’accroche à un brin de paille.

    Devant cette situation deux problèmes se posent aux économistes :

    a) Peut-on affirmer que la thèse bien connue de Staline sur la stabilité relative des marchés en période de crise générale du capitalisme, thèse formulée avant la deuxième guerre mondiale, — reste toujours en vigueur ?

    b) Peut-on affirmer que la thèse bien connue, formulée par Lénine au printemps de 1916, selon laquelle, malgré sa putréfaction « dans l’ensemble le capitalisme se développe infiniment plus vite que naguère », — reste toujours en vigueur ?

    Je pense qu’on ne saurait l’affirmer. Étant donné les nouvelles conditions dues à la deuxième guerre mondiale, il faut considérer ces deux thèses comme périmées. »

    C’était là une erreur d’interprétation de la situation, aboutissant à une remise en cause d’une analyse juste. Le bloc capitaliste était considérée comme ne pouvant pas s’extirper de la crise d’avant la guerre, faisant face qui plus est au bloc socialiste.

    C’était une sous-estimation de la puissance de l’impérialisme américain, nullement touché par les destructions de la guerre, disposant d’une hégémonie complète dans les pays capitalistes, avec une puissance interne en pleine lancée.

    Les révisionnistes en Union Soviétique et dans les pays de l’Est européen se profilèrent alors comme les meilleurs « cadres » d’un productivisme « neutre », puisque mécaniquement le bloc socialiste devait l’emporter économiquement sur le bloc capitaliste.

    Fort logiquement, les révisionnistes assumèrent alors la thèse de la paupérisation générale. Le bloc capitaliste était considérée comme n’ayant plus rien à proposer. Le Manuel d’économie politique soviétique de 1955 – soit deux années après la mort de Staline et le basculement dans le révisionnisme – a ainsi un point de vue unilatéral sur la paupérisation générale, absolue :

    « La voie du développement du capitalisme est celle de l’appauvrissement et de la sous-alimentation pour l’immense majorité des travailleurs. En régime bourgeois, l’essor des forces productives n’apporte pas aux masses laborieuses un allègement de leur situation, mais une aggravation de leur misère et de leurs privations (…).

    La reproduction élargie en régime capitaliste aboutit nécessairement à la paupérisation relative et absolue de la classe ouvrière.

    La paupérisation relative est la diminution de la part de la classe ouvrière dans le revenu national des pays capitalistes. La paupérisation absolue est l’abaissement pur et simple du niveau de vie de la classe ouvrière (…).

    Le pourrissement du capitalisme augmente la paupérisation de la classe ouvrière et des masses travailleuses de la paysannerie. »

    Comme on le voit, il y a une ambiguïté, puisqu’il semble y avoir d’un côté une juste compréhension du principe de paupérisation, de l’autre la considération qu’on est dans un contexte de crise. Mais le même manuel explique de manière erronée que :

    « Marx a découvert la loi générale de l’accumulation capitaliste qui détermine l’accroissement de la richesse et du luxe à un pôle de la société et l’accroissement de la misère, de l’oppression, des tourments du travail à l’autre pôle. Il a montré que le développement du capitalisme entraîne la paupérisation relative et absolue du prolétariat, qui creuse encore l’abîme entre le prolétariat et la bourgeoisie, aggrave la lutte de classes entre eux. »

    La première phrase correspond au point de vue de Karl Marx ; la seconde est unilatérale et fausse.

    Or, la tendance de nombreux Partis Communistes d’Europe de l’Ouest des années 1950 a été précisément d’adopter une telle ligne, accusant le capitalisme de procéder à une paupérisation absolue générale.

    En France, Maurice Thorez est à la tête de cette affirmation de la paupérisation du prolétariat français. Si le Parti Communiste français rejette finalement cette thèse, en 1964 à son XVIIecongrès, le rapport du Comité Central parle encore d’une situation de « véritable régression sociale ».

    Les progrès de l’accumulation capitaliste dévalueront toujours plus les partis communistes devenus révisionnistes, renforçant à l’opposé la social-démocratie dénonçant justement la thèse de la paupérisation.

    À l’opposé, le Parti Communiste de Chine, comprenant l’importance prise par les États-Unis d’Amérique et la nature des pays capitalistes connaissant un développement, parlera de déplacement du centre de gravité de la révolution mondiale vers la « zone des tempêtes » : l’Afrique, l’Asie, l’Amérique latine.

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  • La paupérisation selon Marx : la position juste de l’Internationale Communiste


    Il existe une évolution dans l’utilisation du principe de paupérisation par le mouvement communiste international. La question à l’arrière-plan est celle du rapport à la crise : celle-ci est-elle générale ou pas ?

    Ainsi, en 1919, alors que l’Europe est exsangue du fait de la Première Guerre mondiale impérialiste, l’Internationale Communiste fait un appel où elle décrit la situation comme relevant, sans le dire tel quel mais on le comprend, de la paupérisation générale.

    « Les contradictions du régime capitaliste se révélèrent à l’humanité à la suite de la guerre, sous forme de souffrances physiques : la faim, le froid, les maladies épidémiques et une recrudescence de barbarie. Ainsi est jugée sans appel la vieille querelle académique des socialistes sur la théorie de la paupérisation et du passage progressif du capitalisme au socialisme.

    Les statisticiens et les pontifes de la théorie de l’arrondissement des angles avaient, pendant des dizaines d’années, recherché dans tous les coins du monde des faits réels ou imaginaires capables de démontrer le progrès du bien-être de certains groupes ou catégories de la classe ouvrière.

    La théorie de la paupérisation des masses était regardée comme enterrée sous les coups de sifflets méprisants des eunuques occupant les tribunes universitaires de la bourgeoisie et des mandarins de l’opportunisme socialiste.

    Maintenant ce n’est pas seulement la paupérisation sociale, mais un appauvrissement physiologique, biologique, qui se présente à nous dans toute sa réalité hideuse.

    La catastrophe de la guerre impérialiste a balayé de fond en comble toutes les conquêtes des batailles syndicalistes et parlementaires. Et pourtant cette guerre est née des tendances internes du capitalisme dans la même mesure que les marchandages économiques ou les compromis parlementaires qu’elle a enterrés dans le sang et dans la boue. »

    Par contre, dans son panorama du capitalisme fait en 1928, on ne voit pas trace de la « paupérisation générale », mais bien par contre les thèmes employés dans le prolongement qu’avait Karl Marx de parler de la paupérisation comme misère sociale.

    C’est qu’on ici dans le cadre d’une crise relativement dépassée.

    « A l’un des pôles des rapports sociaux, formation de masses considérables de prolétaires, intensification continue de l’exploitation de la classe ouvrière, reproduction sur une base élargie des contradictions profondes du capitalisme et de leurs conséquences (crises, guerres, etc.), augmentation constante de l’inégalité sociale, croissance de l’indignation du prolétariat rassemblé et éduqué par le mécanisme même de la production capitaliste, tout cela sape infailliblement les bases du capitalisme et rapproche le moment de son écroulement.

    Un profond bouleversement se produisit en même temps dans tout l’ordre moral et culturel de la société capitaliste: décomposition parasitaire des groupes de rentiers de la bourgeoisie, dissolution de la famille, exprimant la contradiction croissante entre la participation en masse des femmes à la production sociale et les formes de la famille et de la vie domestique héritées dans une large mesure des époques économiques antérieures; développement monstrueux des grandes villes et médiocrité de la vie rurale par suite de la division et de la spécialisation du travail; appauvrissement et dégénérescence de la vie intellectuelle et de la culture générale; incapacité de la bourgeoisie de créer, en dépit des grands progrès des sciences naturelles, une synthèse philosophique scientifique du monde; développement des superstitions idéalistes, mystiques et religieuses, tous ces phénomènes signalent l’approche de la fin historique du système capitaliste. »

    De manière intéressante, le dit programme dénonce la social-démocratie pour avoir abandonné le principe de paupérisation.

    « Dans le domaine de la théorie, la social-démocratie, passant du révisionnisme à un réformisme libéral-bourgeois achevé et au social-impérialisme avéré, a complètement renié le marxisme: à la doctrine marxiste de contradictions du capitalisme, elle a substitué la doctrine bourgeoise du développement harmonieux du régime; elle a relégué aux archives la doctrine des crises et de la paupérisation du prolétariat; elle a transformé la théorie ardente et menaçante de la lutte de classes en prédication banale de la paix des classes; elle a transformé la doctrine de l’aggravation des antagonismes de classes en la fable petite-bourgeoise de la ‘démocratisation’ du Capital; à la théorie de l’inévitabilité des guerres en régime capitaliste; elle a substitué la duperie bourgeoise du pacifisme et la prédication mensongère du superimpérialisme; elle a échangé la théorie de la chute révolutionnaire du capitalisme contre la fausse monnaie du capitalisme ‘sain’ se transformant paisiblement en socialisme, à la révolution elle substitue l’évolution; à la destruction de l’État bourgeois; la participation active à son édification; à la doctrine de la dictature du prolétariat; la théorie de la coalition avec la bourgeoisie; à la doctrine de la solidarité prolétarienne internationale; celle de la défense nationale impérialiste, au matérialisme dialectique de Marx, une philosophie idéaliste en coquetterie avec les déchets religieux de la bourgeoisie. »

    Pareillement, les résolutions de 1930 n’emploient le principe de paupérisation qu’au sujet de deux secteurs : tout d’abord, la paysannerie qui, effectivement, s’effondre comme classe pour céder à la prolétarisation.

    Ensuite, ce qui se déroule « dans les pays de type colonial », à savoir la paupérisation inouïe des ouvriers et des paysans.

    Par la suite, de manière juste, l’Internationale Communiste soulignera la paupérisation propre aux régimes fascistes, qui pressurisent effectivement les masses au maximum et font reculer leur niveau de vie.

    En mai 1939, on lit ainsi au sujet de l’Allemagne nazie dans la Correspondance Internationale :

    « Même d’après la statistique fasciste officielle, une augmentation de 16,5 % de la population [par rapport à 1928 avec les annexions] s’oppose à une augmentation de 5,5 % de la production d’articles industriels de consommation.

    Si nous faisons encore entrer en ligne de compte la baisse énorme de la qualité des marchandises, le fait qu’une notable partie des articles de consommation est destinée à l’armée et celui que la consommation des classes dominantes n’a pas diminué, nous voyons en toute évidence le processus d’appauvrissement des travailleurs.

    De nombreux signes indiquent que le moment est proche en Allemagne où la pauvreté du pays engendré par les armements devient un obstacle à la production. »

    On est ici dans la stricte interprétation du marxisme.

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  • La paupérisation selon Marx : «mais aussi dans un sens social»

    Lénine avait tout à fait compris la question, bien entendu. Voici ce qu’il dit, dans un article de 1899 intitulé Karl Kautsky, Bernstein et le programme social-démocrate :

    « Bernstein dit de la « théorie de la misère » de Marx ou « théorie de la paupérisation » qu’elle est abandonnée en général.

    Kautsky montre qu’il s’agit ici de nouveau d’une exagération trompeuse de l’ennemi et que Marx n’a jamais affirmé une théorie de ce type.

    Marx parlait de l’augmentation de la misère, de l’humiliation, etc., faisant remarquer en même temps quant à la tendance faisant opposition et aux forces sociales réelles, qui seules sont en situation d’en appeler à cette tendance.

    Les mots de Marx quant à augmentation de la misère sont totalement confirmés par les faits : premièrement, nous voyons vraiment que le capitalisme a la tendance de produire la misère et de la renforcer, une misère qui prend une proportion violente, quand manque la tendance faisant opposition mentionnée plus haut.

    Deuxièmement, la misère n’augmente pas au sens physique, mais au sens social, c’est dans le sens que le niveau grandissant des besoins de la bourgeoisie et les besoins de toute la société sont en rapport déséquilibré par rapport au niveau de vie des masses travailleuses.

    Bernstein faisait de l’ironie au sujet d’une telle conception de la « misère », comme quoi il s’agissait d’une conception dans un sens borné.

    Kautsky montre comme contre-attaque que les gens comme Lassalle, Rodbertus, Engels, ont remarqué avec une pleine décision qu’il ne fallait pas saisir la misère simplement dans un sens physique, mais aussi dans un sens social. »

    Lénine, Karl Kautsky, Bernstein et le programme social-démocrate :

    La chose était tout à fait entendue dans la social-démocratie : il n’y aucun misérabilisme et pas de conception d’une paupérisation absolue comme loi du mode de production capitaliste.

    Ce serait même en contradiction fondamentale avec les lois essentielles du développement capitaliste. Citons ici une autre importante figure social-démocrate, Rosa Luxembourg.

    Dans L’accumulation du capital, elle aborde très brièvement la question, pour dénoncer bien sûr la position d’Eduard Bernstein :

    « De la détermination des salaires par les lois de la valeur d’échange, il s’avère de fait qu’avec le progrès de la productivité du travail, la part des ouvriers dans le produit devient de plus en plus petite.

    Nous sommes ici au point Archimède du « système » de Rodbertus. La « baisse de la part du salaire » est la plus importante idée « à lui », qu’il a répété depuis son premier écrit social (probablement 1839) jusqu’à sa mort et qu’il considère comme « son bien propre ».

    Bien que cette « idée » soit une simple conclusion de la théorie de la valeur de Ricardo, elle est implicitement contenue dans la théorie de la théorie des fonds de salaire, qui a dominé l’économie nationale bourgeoise des classiques jusqu’à l’apparition du Capital de Marx.

    Néanmoins, avec cette « découverte », Rodbertus croit qu’il est devenu une sorte de Galilée dans l’économie nationale, et il fait de sa « baisse de la part du salaire » l’explication de tous les maux et les contradictions de l’économie capitaliste.

    De la chute de la part du salaire, il déduit ainsi avant tout le paupérisme qui, aux côtés des crises, consiste en la « question sociale » par excellence..

    Et il serait conseillé de recommander aux assassins de Marx de porter leur attention sur le fait que ce ne soit pas Marx, mais bien Rodbertus qui a été beaucoup plus proche d’eux, qui a mis en place une théorie de l’appauvrissement en tant que tel, et dans la forme la plus grossière, et à la différence de Marx, non pas comme phénomène d’accompagnement, mais comme point central de la « question sociale ».

    Voyez par exemple sa preuve de la paupérisation absolue de la classe ouvrière dans sa première lettre sociale à von Kirchmann. »

    Rosa Luxembourg est ici davantage critique avec Karl Rodbertus ; cela tient à sa version particulière de la compréhension du mode de production capitaliste, justement expliquée dans L’accumulation du capital. Elle considérait que le capitalisme ne pouvait continuer son développement que par l’assimilation de zones non capitalistes.

    Elle n’accordait pas d’importance en tant que telle à la paupérisation, voyant une certaine stabilité dans le niveau de vie. Cette erreur va être malheureusement puissamment partagée dans le mouvement communiste.

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  • La paupérisation selon Marx : Karl Kautsky contre Eduard Bernstein

    Au congrès de la social-démocratie allemande à Lübeck en septembre 1901, Karl Kautsky rappela la conception marxiste de la paupérisation. Il le fit à l’occasion d’un discours « contre les conceptions révisionnistes d’Eduard Bernstein », celui-ci caricaturant justement la question.

    Le marxisme n’a jamais parlé d’une paupérisation générale de manière unilatérale, c’est Eduard Bernstein qui a accusé le marxisme de le faire.

    Voici ce que dit Karl Kautsky à ce congrès, rappelant que le marxisme n’a donc jamais posé la question en ces termes :

    « Qu’en est-il avec la théorie de la paupérisation ?

    Elle dit que tout doit devenir plus difficile, avant que cela puisse aller mieux, que le prolétariat coule toujours davantage dans la misère, jusqu’à ce qu’il soit devenu toujours plus sans résistance, et qu’ensuite un grand jour de la libération fait irruption.

    Camarades, cette théorie de la paupérisation a-t-elle déjà été partagé par qui que ce soit cherchant à attirer l’attention sur un aspect important ?

    Certainement pas. Cette théorie de la paupérisation est réfutée depuis bien longtemps, et même par personne d’autre que Karl Marx dans son Capital.

    Cette formule n’est à comprendre que comme tendance, et pas comme une vérité obligatoire ; il n’est à comprendre qu’ainsi : le capital doit aller dans le sens de former une situation toujours plus misérable au prolétariat, afin d’augmenter sa plus-value.

    Cela est connu ; mais Marx lui-même a défini l’effet contraire, lui-même a été un combattant précurseur de la protection des travailleurs, un des premiers qui a fait remarquer l’importance des syndicats, quand les autres socialistes n’en voulaient rien savoir, déjà en 1847.

    Il a donc montré que cette tendance est absolument nécessaire, mais qu’elle ne conduit pas de manière absolument nécessaire à la pression vers le bas de l’ouvrier.

    Mais nous nous distinguons en cela des réformistes bourgeois, qu’eux croient que cette tendance peut être dépassée en elle-même, qu’une paix sociale peut être instaurée, un état, où le capital n’aurait pas à aller dans le sens d’une pression vers le bas de l’ouvrier. »

    Karl Kautsky parle d’une opposition à la misère par le prolétariat en lutte, mais l’enjeu est bien plus grand et il l’avait alors bien vu. Il s’agit d’une misère sociale, pas d’une misère dans un sens étroit.

    Voici, de manière plus approfondie, ce que dit Karl Kautsky dans un ouvrage de 1899, intitulé Bernstein et le programme social-démocrate.

    Après avoir cité Eduard Bernstein, qui considère qu’il faut lire la question de la paupérisation chez Karl Marx comme une affirmation du caractère absolu de celle-ci, et donc erronée, Karl Kautsky défend la profondeur du point de vue de Karl Marx.

    « [Bernstein affirme:] Dans son article sur l’effondrement, H. Cunow fait une telle tentative d’interprétation dans l’objectif de s’extirper.

    Quand Marx, à la fin du premier livre du Capital, parle de la « masse croissante de la misère », qui émerge avec la continuation de la production capitaliste, alors ce ne serait pas, explique-t-il, à comprendre comme un simple un recul absolu de la situation économique d’existence de l’ouvrier, mais comme un « recul de sa situation sociale générale par rapport au développement culturel continu, c’est-à-dire par rapport à la productivité et l’accroissement des besoins culturels généraux. »

    Le concept de misère n’est ici pas ancré de manière fixe.

    [Bernstein cite de nouveau Cunow:] « Ce qui sépare, dans sa formation éducative, un ouvrier d’une catégorie précise d’un « seigneur du travail », et apparaît comme une condition souhaitable, peut avec un ouvrier qualifié d’une autre catégorie, qui est peut-être supérieur dans l’esprit à son « seigneur du travail », être considéré comme une telle quantité de « misère et de pression », l’amenant à se révolter par indignation » (Neue Zeit).

    Malheureusement, Marx parle dans les phrases concernées non pas simplement de la masse grandissante de la misère, mais également « d’esclavage, d’abrutissement, d’exploitation ».

    Devions-nous comprendre tous mots également dans un sens étroit ? Par exemple dire de l’abrutissement de l’ouvrier, qu’il n’est que relatif en comparaison à l’augmentation de la civilisation en général ?

    Je ne suis pas enclin à cela et Cunow également pas. Non, Marx parle dans le passage concerné de manière tout à fait positive : « un nombre toujours plus restreint de magnats du capital » qui « usurpent tous les avantages » du processus de transformation capitaliste, et de « croissance de la masse de la misère, de la pression », etc. etc. (Le capital).

    On peut tirer de cette comparaison la théorie de l’effondrement, pas le principe d’une misère morale par rapport à des supérieurs à l’esprit inférieur, comme on peut en trouver dans n’importe quel bureau d’études, dans toutes les organisations hiérarchiques. »

    C’est ce que j’appelle toucher le point central de la question.

    Bernstein fait subitement de la misère sociale, de la contradiction croissante entre les manière de subvenir à leurs besoins du bourgeois et du prolétaire la misère morale par rapport à des supérieurs à l’esprit inférieur, comme on peut en trouver dans les bureaux d’études, la misère morale du génie inconnu.

    Considérer la misère comme un phénomène social, et non pas physique, c’est chez Bernstein tirer les mots dans un sens étroit.

    Je rappelle ici le passage connu dans la réponse de Lassalle :

    « Toute souffrance et privation humaine dépend uniquement du rapport des moyens de satisfaction aux besoins et aux habitudes de vie existant à la même époque.

    Toute souffrance et privation humaines, et toutes les satisfactions humaines, c’est-à-dire toute situation humaine, n’est mesurée que par la comparaison avec la situation dans laquelle d’autres personnes de la même époque sont en rapport avec les nécessités habituelles de la vie.

    Chaque position d’une classe est donc toujours mesurée uniquement par sa relation avec la position des autres classes du même temps. »

    Rodbertus s’exprimait de la même manière déjà en 1850, dans sa première lettre sociale à von Kirchmann :

    « La pauvreté est un concept social, c’est-à-dire relatif.

    J’affirme en ce sens que les besoins légitimes des classes travailleuses, depuis qu’elles sont pris par ailleurs une position sociale plus élevée, ont considérablement augmenté et que ce ne serait pas juste, aujourd’hui, alors qu’elles ont pris position plus élevée, que de ne pas parler d’une aggravation de leur situation matérielle, même avec des salaires n’ayant pas changé…

    Si on ajoute à cela, que l’augmentation de la richesse nationale est le moyen d’augmenter leur revenu, alors qu’elle n’est profitable qu’aux autres classes, alors il est clair que dans cette dichotomie entre réclamation et satisfaction, entre stimulus et renoncement forcé, la situation économique des classes travailleuses doit être rompue. »

    Que Marx pensait pareillement, cela est clair lorsqu’on voit qu’il parle de l’augmentation de la misère dans Le capital, l’œuvre où il souligne tellement la renaissance physique de la classe ouvrière anglaise par les lois sur les usines.

    Et Engels remarquait en 1891, l’année de la rédaction du programme d’Erfurt, que la contradiction entre capital et travail reposait sur le fait que la classe des capitalistes gardait pour elle la plus grande part de la masse croissante de produits, « alors que la partie revenant à la classe ouvrière (calculée par tête) ou bien ne s’accroît que très lentement et de façon insignifiante, ou bien reste stationnaire, ou bien encore, dans certaines circonstances, peut diminuer, non pas doit diminuer. » (Travail salarié et Capital [la traduction française est fautive, oubliant les derniers mots]) »

    La chose est absolument claire : il n’y a pas de misérabilisme dans le marxisme.

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  • La paupérisation selon Marx : une misère sociale

    Voici un extrait de Travail salarié et Capital, où Karl Marx formule dans un sens similaire la question de la paupérisation malgré l’amélioration matérielle :

    « Même la situation la plus favorable pour la classe ouvrière, l’accroissement le plus rapide possible du capital, quelque amélioration qu’il apporte à la vie matérielle de l’ouvrier, ne supprime pas l’antagonisme entre ses intérêts et les intérêts du bourgeois, les intérêts du capitaliste.

    Profit et salaire sont, après comme avant, en raison inverse l’un de l’autre.

    Lorsque le capital s’accroît rapidement, le salaire peut augmenter, mais le profit du capital s’accroît incomparablement plus vite.

    La situation matérielle de l’ouvrier s’est améliorée, mais aux dépens de sa situation sociale.

    L’abîme social qui le sépare du capitaliste s’est élargi.

    Enfin:

    Dire que la condition la plus favorable pour le travail salarié est un accroissement aussi rapide que possible du capital productif signifie seulement ceci: plus la classe ouvrière augmente et accroît la puissance qui lui est hostile, la richesse étrangère qui la commande, plus seront favorables les circonstances dans lesquelles il lui sera permis de travailler à nouveau à l’augmentation de la richesse bourgeoise, au renforcement de la puissance du capital, contente qu’elle est de forger elle-même les chaînes dorées avec lesquelles la bourgeoisie la traîne à sa remorque. »

    Karl Marx, Travail salarié et Capital,

    C’est là la clef du concept marxiste de paupérisation. Il ne s’agit nullement de misérabilisme économique ; il est parlé d’une misère sociale.

    Toute élévation matérielle du niveau de vie signifie, par là même, le renforcement du capitalisme comme mode de production et donc sa tyrannie sur la vie du prolétaire.

    Cette misère sociale est ce que Karl Marx entend dans Le Capital par « accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage ».

    Il s’agit d’une réalité sociale, pas simplement d’une logique comptable sur le plan des biens matériels.

    Ceux-ci, inévitablement, deviennent plus nombreux, de par la réalité même de la production. Le paradoxe est justement que plus le prolétariat augmente le nombre de biens matériels, plus il se facilite la vie matériellement, mais en s’emprisonnant toujours davantage en même temps.

    À cela s’ajoute que la part des richesses qu’il produit se voit toujours plus accaparé par la bourgeoisie.

    Lors d’un grand élan capitaliste, il y a donc nécessairement à la fois un progrès matériel pour le prolétariat et un amoindrissement sur le rôle de l’importance sociale.

    Le prolétaire vit mieux qu’auparavant sur le plan économique, mais son aliénation est plus grande : il est plus abruti, plus ignorant, plus en souffrance ; sa dégradation morale est d’autant plus grande qu’il porte lui-même une production qui lui échappe.

    Karl Marx ne dit ici pas autre chose que dans ses manuscrits de 1844 ; il n’y a pas de « jeune Marx » et de « Marx de la maturité ».

    Karl Marx, dans ses manuscrits, souligne que l’être humain s’appauvrit parallèlement à la croissance matérielle :

    « La production ne produit pas l’homme seulement en tant que marchandise, que marchandise humaine, l’homme défini comme marchandise, elle le produit, conformément à cette définition, comme un être déshumanisé aussi bien intellectuellement que physiquement – immoralité, dégénérescence, abrutissement des ouvriers et des capitalistes.

    Son produit est la marchandise douée de conscience de soi et d’activité propre… la marchandise humaine… (…)

    Nous avons vu quelle signification prend sous le socialisme la richesse des besoins humains et, par suite, quelle signification prennent un nouveau mode de production et un nouvel objet de la production : c’est une manifestation nouvelle de la force essentielle de l’homme et un enrichissement nouveau de l’essence humaine. 

    Dans le cadre de la propriété privée, les choses prennent une signification inverse.

    Tout être humain s’applique à créer pour l’autre un besoin nouveau pour le contraindre à un nouveau sacrifice, le placer dans une nou­velle dépendance et le pousser à un nouveau mode de jouissance et, par suite, de ruine écono­mique.

    Chacun cherche à créer une force essentielle étrangère dominant les autres hommes pour y trouver la satisfaction de son propre besoin égoïste.

    Avec la masse des objets augmente donc l’empire des êtres étrangers auquel l’ être humain est soumis et tout produit nouveau renforce encore la tromperie réciproque et le pillage mutuel.

    L’être humain devient d’autant plus pauvre en tant qu’être humain, il a d’autant plus besoin d’argent pour se rendre maître de l’être hostile, et la puissance de son argent tombe exactement en raison inverse du volume de la production, c’est-à-dire que son indigence augmente à mesure que croît la puissance de l’argent. »

    Karl Marx, Manuscrits de 1844

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  • La paupérisation selon Marx : souffrance, ignorance, abrutissement, dégradation morale

    Quel est le rapport entre la paupérisation absolue de l’armée industrielle de réserve et la paupérisation relative du prolétariat ? On se doute bien qu’il y en a, rien que parce que l’armée industrielle de réserve permet l’exercice d’un chantage au travail.

    Karl Marx explique justement que c’est un tel chantage, mais généralisé. Karl Marx le dit bien : il ne s’agit pas que de pauvreté, il s’agit de la réalité quotidienne du travailleur en général.

    Le capital devient un despote pour lui, l’abrutissant, l’enchaînant toujours davantage à son emploi, au prix d’une aliénation complète.

    Cela est vrai, précise bien Karl Marx, même si le taux de salaire est haut. On a donc nullement affaire à un misérabilisme, s’imaginant que le niveau s’effondrerait de manière unilatérale.

    Voici ce qu’enseigne Karl Marx :

    « L’action de cette loi [d’une surpopulation miséreuse croissante], comme de toute autre, est naturellement modifiée par des circonstances particulières.

    On comprend donc toute la sottise de la sagesse économique qui ne cesse de prêcher aux travailleurs d’accommoder leur nombre aux besoins du capital.

    Comme si le mécanisme du capital ne le réalisait pas continuellement, cet accord désiré, dont le premier mot est : création d’une réserve industrielle, et le dernier : invasion croissante de la misère jusque dans les profondeurs de l’armée active du travail, poids mort du paupérisme.

    La loi selon laquelle une masse toujours plus grande des éléments constituants de la richesse peut, grâce au développement continu des pouvoirs collectifs du travail, être mise en oeuvre avec une dépense de force humaine toujours moindre, cette loi qui met l’homme social à même de produire davantage avec moins de labeur, se tourne dans le milieu capitaliste – où ce ne sont pas les moyens de production qui sont au service du travailleur, mais le travailleur qui est au service des moyens de production – en loi contraire, c’est-à-dire que, plus le travail gagne en ressources et en puissance, plus il y a pression des travailleurs sur leurs moyens d’emploi, plus la condition d’existence du salarié, la vente de sa force, devient précaire.

    L’accroissement des ressorts matériels et des forces collectives du travail, plus rapide que celui de la population, s’exprime donc en la formule contraire, savoir : la population productive croit toujours en raison plus rapide que le besoin que le capital peut en avoir.

    L’analyse de la plus-value relative nous a conduit à ce résultat : dans le système capitaliste toutes les méthodes pour multiplier les puissances du travail collectif s’exécutent aux dépens du travailleur individuel; tous les moyens pour développer la production se transforment en moyens de dominer et d’exploiter le producteur : ils font de lui un homme tronqué, fragmentaire, ou l’appendice d’une machine; ils lui opposent comme autant de pouvoirs hostiles les puissances scientifiques de la production-, ils substituent au travail attrayant le travail forcé; ils rendent les conditions dans lesquelles le travail se fait de plus en plus anormales et soumettent l’ouvrier durant son service à un despotisme aussi illimité que mesquin; ils transforment sa vie entière en temps de travail et jettent sa femme et ses enfants sous les roues du Jagernaut [sorte de chariot géant, utilisé pour les processions hindouistes] capitaliste.

    Mais toutes les méthodes qui aident à la production de la plus-value favorisent également l’accumulation, et toute extension de celle-ci appelle à son tour celles-là.

    Il en résulte que, quel que soit le taux des salaires, haut ou bas, la condition du travailleur doit empirer à mesure que le capital s’accumule.

    Enfin la loi, qui toujours équilibre le progrès de l’accumulation et celui de la surpopulation relative, rive le travailleur au capital plus solidement que les coins de Vulcain ne rivaient Prométhée à son rocher.

    C’est cette loi qui établit une corrélation fatale entre l’accumulation du capital et l’accumulation de la misère, de telle sorte qu’accumulation de richesse à un pôle, c’est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même. »

    Karl Marx, Le capital

    Ce dernier paragraphe est une description adéquate de la condition du prolétariat, sous tous ses aspects.

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  • La paupérisation selon Marx : «honteusement inférieures au niveau normal»

    Karl Marx aborde la question de la paupérisation lorsqu’il étudie les formes d’existence de la surpopulation relative.

    Cela signifie que, dans Le Capital, la misère concerne des bien particuliers ; cela est très clair lorsque Karl Marx parle :

    « des conditions d’existence tout à fait précaires et honteusement inférieures au niveau normal de la classe ouvrière »

    La thèse marxiste de la paupérisation n’est donc pas, de manière unilatérale, une affirmation de la paupérisation absolue. En effet, la paupérisation absolue affirmée de manière unilatérale signifierait l’effacement du prolétariat, donc du capital, donc du mode de production capitaliste lui-même.

    La paupérisation absolue est une tendance qui se renforce dans la mesure, et dans la mesure seulement, où l’armée de réserve industrielle grandit.

    Par contre, la paupérisation relative – la « part de gâteau » toujours plus petite – est toujours plus grande ou, si l’on veut, l’écart de richesses entre le prolétariat et la bourgeoisie est toujours plus grand.

    Comment Karl Marx, dans Le Capital, parle-t-il de la paupérisation absolue ? Voici ce qu’il en dit, définissant bien les secteurs concernés :

    « En dehors des grands changements périodiques qui, dès que le cycle industriel passe d’une de ses phases à l’autre, surviennent dans l’aspect général de la surpopulation relative, celle-ci présente toujours des nuances variées à l’infini.

    Pourtant on y distingue bientôt quelques grandes catégories, quelques différences de forme fortement prononcées – la forme flottante, latente et stagnante.

    [1] Les centres de l’industrie moderne, – ateliers automatiques, manufactures, usines, mines, etc., – ne cessent d’attirer et de repousser alternativement des travailleurs, mais en général l’attraction l’emporte à la longue sur la répulsion, de sorte que le nombre des ouvriers exploités y va en augmentant, bien qu’il y diminue proportionnellement à l’échelle de la production.

    Là la surpopulation existe à l’état flottant.

    Dans les fabriques automatiques, de même que dans la plupart des grandes manufactures où les machines ne jouent qu’un rôle auxiliaire à côté de la division moderne du travail, on n’emploie par masse les ouvriers mâles que jusqu’à l’âge de leur maturité.

    Ce terme passé, on en retient un faible contingent et l’on renvoie régulièrement la majorité. Cet élément de la surpopulation s’accroît à mesure que la grande industrie s’étend. Une partie émigre et ne fait en réalité que suivre l’émigration du capital (…).

    L’exploitation de la force ouvrière par le capital est d’ailleurs si intense que le travailleur est déjà usé à la moitié de sa carrière.

    Quand il atteint l’âge mûr, il doit faire place à une force plus jeune et descendre un échelon de l’échelle sociale, heureux s’il ne se trouve pas définitivement relégué parmi les surnuméraires. En outre, c’est chez les ouvriers de la grande industrie que l’on rencontre la moyenne de vie la plus courte (…).

    [2] Dès que le régime capitaliste s’est emparé de l’agriculture, la demande de travail y diminue absolument à mesure que le capital s’y accumule. La répulsion de la force ouvrière n’est pas dans l’agriculture, comme en d’autres industries, compensée par une attraction supérieure. Une partie de la population des campagnes se trouve donc toujours sur le point de se convertir en population urbaine ou manufacturière, et dans l’attente de circonstances favorables à cette conversion (…).

    L’ouvrier agricole se trouve par conséquent réduit au minimum du salaire et a un pied déjà dans la fange du paupérisme.

    [3] La troisième catégorie de la surpopulation relative, la stagnante, appartient bien à l’armée industrielle active, mais en même temps l’irrégularité extrême de ses occupations en fait un réservoir inépuisable de forces disponibles.

    Accoutumée à la misère chronique, à des conditions d’existence tout à fait précaires et honteusement inférieures au niveau normal de la classe ouvrière, elle devient la large base de branches d’exploitation spéciales où le temps de travail atteint son maximum et le taux de salaire son minimum. Le soi-disant travail à domicile nous en fournit un exemple affreux.

    Cette couche de la classe ouvrière se recrute sans cesse parmi les « surnuméraires » de la grande industrie et de l’agriculture, et surtout dans les sphères de production où le métier succombe devant la manufacture, celle-ci devant l’industrie mécanique.

    A part les contingents auxiliaires qui vont ainsi grossir ses rangs, elle se reproduit elle-même sur une échelle progressive (…).

    [4] Enfin, le dernier résidu de la surpopulation relative habite l’enfer du paupérisme.

    Abstraction faite des vagabonds, des criminels, des prostituées, des mendiants, et de tout ce monde qu’on appelle les classes dangereuses, cette couche sociale se compose de trois catégories.

    [A] La première comprend des ouvriers capables de travailler. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les listes statistiques du paupérisme anglais pour s’apercevoir que sa masse, grossissant à chaque crise et dans la phase de stagnation, diminue à chaque reprise des affaires.

    [B] La seconde catégorie comprend les enfants des pauvres assistés et des orphelins. Ce sont autant de candidats de la réserve industrielle qui, aux époques de haute prospérité, entrent en masse dans le service actif, comme, par exemple, en 1860.

    [C] La troisième catégorie embrasse les misérables, d’abord les ouvriers et ouvrières que le développement social a, pour ainsi dire, démonétisés, en supprimant l’œuvre de détail dont la division du travail avait fait leur seule ressource puis ceux qui par malheur ont dépassé l’âge normal du salarié; enfin les victimes directes de l’industrie – malades, estropiés, veuves, etc., dont le nombre s’accroît avec celui des machines dangereuses, des mines, des manufactures chimiques, etc.

    Le paupérisme est l’hôtel des Invalides de l’armée active du travail et le poids mort de sa réserve. Sa production est comprise dans celle de la surpopulation relative, sa nécessité dans la nécessité de celle-ci, il forme avec elle une condition d’existence de la richesse capitaliste.

    Il entre dans les faux frais de la production capitaliste, frais dont le capital sait fort bien, d’ailleurs, rejeter la plus grande partie sur les épaules de la classe ouvrière et de la petite classe moyenne.

    La réserve industrielle est d’autant plus nombreuse que la richesse sociale, le capital en fonction, l’étendue et l’énergie de son accumulation, partant aussi le nombre absolu de la classe ouvrière et la puissance productive de son travail, sont plus considérables.

    Les mêmes causes qui développent la force expansive du capital amenant la mise en disponibilité de la force ouvrière, la réserve industrielle doit augmenter avec les ressorts de la richesse.

    Mais plus la réserve grossit, comparativement à l’armée active du travail, plus grossit aussi la surpopulation consolidée dont la misère est en raison directe du labeur imposé.

    Plus s’accroît enfin cette couche des Lazare de la classe salariée, plus s’accroît aussi le paupérisme officiel.

    Voilà la loi générale, absolue, de l’accumulation capitaliste. »

    La chose est donc très claire : la paupérisation absolue concerne l’armée industrielle de réserve, la partie au chômage, rendue toujours plus grande parce que les travailleurs sont chassés de la production par la tentative d’utiliser toujours plus de machines dans la concurrence.

    Le capital, alors, scie la branche sur laquelle il est assis, puisque la réelle richesse provient de l’exploitation des travailleurs.

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  • Paupérisation absolue et relative selon Marx

    La question de la paupérisation est l’une des clefs essentiels du Capital de Karl Marx. Pour des raisons historiques cependant, cette question a été enveloppée d’une brume très importante, amenant à un rapport incohérent, faux, au marxisme.

    Une erreur très importante, du type misérabiliste, consiste à affirmer que le marxisme expliquerait que le prolétariat deviendrait unilatéralement de plus en plus pauvre, au sens d’un effondrement de son niveau de vie.

    Cette erreur d’interprétation est, historiquement diffusée par les dénonciateurs du marxisme, qui prétendent avoir prouver son erreur fondamentale, en opposant les faits à la lecture misérabiliste de la paupérisation.

    Voici ce qu’il en est réellement. Karl Marx, dans le Capital rappelle le principe de base concernant le salaire : ce dernier ne peut exister que dans la mesure où il satisfait les intérêts des capitalistes.

    Il ne peut pas être trop haut, car sinon le capitaliste n’y voit pas d’intérêt. Il ne peut pas être trop bas, sinon les travailleurs ne peuvent survivre et se reproduire. Karl Marx explique donc :

    « Le prix du travail ne peut donc jamais s’élever qu’entre des limites qui laissent intactes les bases du système capitaliste et en assurent la reproduction sur une échelle progressive. »

    Or, le salaire n’existe que dans le cadre de la production. Celle-ci s’améliore toujours davantage : c’est là tout l’intérêt historique du mode de production capitaliste ; il agrandit les forces productives.

    Par conséquent, on lit dans Le Capital :

    « Mais par quelle voie s’obtient ce résultat ? Par une série de changements dans le mode de produire qui mettent une somme donnée de force ouvrière à même de mouvoir une masse toujours croissante de moyens de production.

    Dans cet accroissement, par rapport à la force ouvrière employée, les moyens de production jouent un double rôle.

    Les uns, tels que machines, édifices, fourneaux, appareils de drainage, engrais minéraux, etc., sont augmentés en nombre, étendue, masse et efficacité, pour rendre le travail plus productif, tandis que les autres matières premières et auxiliaires s’augmentent parce que le travail devenu plus productif en consomme davantage dans un temps donné. »

    En clair, la production connaît des sauts qualitatifs, par les découvertes et les inventions, permettant une amélioration générale des capacités productives. Le développement technologique permet une production meilleure et plus importante, nécessitant par ailleurs moins de travailleurs.

    Cette mise de côté des travailleurs est, comme on le sait, à la base du principe de la baisse tendancielle du taux de profit.

    Cependant, l’autre aspect est donc une amélioration générale des capacités productives, et cela est d’autant plus vrai que le marché est mondialisé, avec une concurrence accrue, une consommation plus grande, impliquant des capitaux plus vastes.

    C’est à partir de là qu’il faut voir ce qu’est la paupérisation. Il faut pour cela bien distinguer deux formes propres à la paupérisation :

    – la paupérisation relative : en proportion, le prolétariat a « une part du gâteau » toujours plus petite, mais le gâteau continue de grandir ;

    – la paupérisation absolue : en proportion, le prolétariat a « une part du gâteau » toujours plus petite, mais le gâteau a cessé de grandir.

    Ce que dit Karl Marx, c’est que :

    – l’armée industrielle de réserve, existant obligatoirement dans un mode de production capitaliste qui utilise cette armée de chômeurs comme outil pour comprimer les salaires et se renforçant des travailleurs mis de côté par les machines, connaît un phénomène de paupérisation absolue.

    – les travailleurs, eux, connaissent une paupérisation relative : leur niveau de vie s’élève, mais leur part de richesse dans la richesse générale, est toujours plus réduite. À cela s’ajoute une paupérisation sociale absolue, c’est-à-dire l’enfermement dans le travail soumis au capitaliste.

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  • La révolution russe et l’importance historique des notes philosophiques

    Lénine a été victime en 1918 d’un attentat organisé par les populistes « socialistes révolutionnaires », et les séquelles seront terribles, Lénine souffrant terriblement, depuis, de migraines et d’insomnies jusqu’aux alertes cardiaques en passant par un AVC, la paralysie, etc. Il mourra en 1924, après deux années finales d’une vie terriblement douloureuse.

    Les lumières et la connaissances pour le peuple (université)

    Toutefois, il a laissé deux choses qui vont après sa mort façonner la Russie et avec elle toute l’Union soviétique.

    La première, c’est tout son corpus idéologique, qui va être résumé principalement de deux manières : d’un côté sous le terme de « marxisme-léninisme » par Staline, qui va être suivi par l’ensemble des bolchéviks, et de l’autre par Trotsky qui considérera que Lénine a rejoint ses propres positions sur la « révolution permanente ».

    La seconde, ce sont les notes philosophiques de Lénine, qui viennent s’ajouter à Matérialisme et empirio-criticisme et forment la base pour l’étude du matérialisme dialectique. Ces notes sont publiées en 1929-1930 en URSS, puis republiées dans un seul ouvrage, par ailleurs directement traduit et publié en allemand en 1932.

    C’est dire l’importance de l’ouvrage s’il va directement être transmis au Parti Communiste d’Allemagne, alors le plus puissant Parti après le PC d’Union Soviétique (bolchévik). On notera d’ailleurs que c’est précisément l’ouvrage que Mao Zedong va citer dans son grand classique De la contradiction.

    C’est dire l’importance historique de cette œuvre pour le matérialisme dialectique.

    Les notes de Lénine consistent en deux choses : soit en des remarques sur des ouvrages, soit en des extraits d’ouvrages qui sont commentés dans la marge.

    On retrouve, parmi les œuvres étudiées, des œuvres de Hegel : La Science de la logique, ses conférences sur l’histoire de la philosophie, un ouvrage sur Hegel (La logique de Hegel, de l’idéaliste Georges Noël).

    A côté de cela, on trouve des remarques sur la Métaphysique d’Aristote, sur les conférences de Feuerbach sur l’essence de la religion, sur l’étude de Leibniz faite par Feuerbach encore, sur l’étude de Héraclite faite par Lassalle.

    On trouve également un petit texte intitulé « Sur la question de la dialectique ».

    Voici ce que Mao Zedong cite des notes de Lénine, dans son propre ouvrage De la contradiction.

    Mao Zedong commence directement son ouvrage en posant la loi de la contradiction et en citant Lénine :

    « La loi de la contradiction inhérente aux choses, aux phénomènes, ou loi de l’unité des contraires, est la loi fondamentale de la dialectique matérialiste. Lénine dit: « Au sens propre, la dialectique est l’étude de la contradiction dans l’essence même des choses… » Cette loi, Lénine dit souvent qu’elle est le fond de la dialectique, il dit aussi qu’elle est le noyau de la dialectique. »

    Voici d’autres passages où Mao se réfère directement aux notes de Lénine :

    « La définition, donnée par Lénine, de la loi de l’unité des contraires, dit qu’elle « reconnaît (découvre) des tendances contradictoires, opposées et s’excluant mutuellement dans tous les phénomènes et processus de la nature (et de l’esprit et de la société dans ce nombre) ». »

    « Lénine illustrait à son tour l’universalité de la contradiction par les exemples suivants: « En mathématiques, le + et le -. Différentielle et intégrale. En mécanique, action et réaction. En physique, électricité positive et négative. En chimie, union et dissociation des atomes. Dans la science sociale, lutte de classe ». »

    « Lénine dit : « La dialectique est la théorie qui montre comment les contraires peuvent être et sont habituellement (et deviennent) identiques – dans quelles conditions ils sont identiques en se convertissant l’un en l’autre -, pourquoi l’entendement humain ne doit pas prendre ces contraires pour morts, pétrifiés, mais pour vivants, conditionnés, mobiles, se convertissant l’un en l’autre ». »

    « Lénine dit : « L’unité (coïncidence, identité, équipollence) des contraires est conditionnée, temporaire, passagère, relative. La lutte des contraires qui s’excluent mutuellement est absolue, de même que l’évolution, de même que le mouvement ». »

    « Nous autres, Chinois, nous disons souvent: « Les choses s’opposent l’une à l’autre et se complètent l’une l’autre. » Cela signifie qu’il y a identité entre les choses qui s’opposent. Ces paroles contiennent la dialectique; elles contredisent la métaphysique.

    « Les choses s’opposent l’une à l’autre », cela signifie que les deux aspects contradictoires s’excluent l’un l’autre ou qu’ils luttent l’un contre l’autre ; elles « se complètent l’une l’autre », cela signifie que dans des conditions déterminées les deux aspects contradictoires s’unissent et réalisent l’identité. Et il y a lutte dans l’identité; sans lutte, il n’y a pas d’identité. Dans l’identité, il y a la lutte, dans le spécifique, l’universel, et dans le particulier, le général. Pour reprendre la parole de Lénine, « il y a de l’absolu dans le relatif ». »

    Voici d’autres citations des notes de Lénine faites par Mao Zedong dans De la contradiction :

    « Les deux concepts fondamentaux (ou les deux possibles? ou les deux concepts donnés par l’histoire?) du développement (de l’évolution) sont: le développement en tant que diminution et augmentation, en tant que répétition, et le développement en tant qu’unité des contraires (dédoublement de ce qui est un, en contraires qui s’excluent mutuellement, et rapports entre eux). »

    « Le dédoublement de ce qui est un et la connaissance de ses parties contradictoires (voir, dans l’Héraclite de Lassalle, la citation de Philon sur Héraclite au début de la IIIe partie, De la Connaissance) constituent le fond (une des ‘essences’, une des particularités ou traits principaux, sinon le principal) de la dialectique. »

    « Et également les notes sur  « La Science de la logique de Hegel », livre trois, troisième section : « L’idée » dans « Résumé de La Science de la logique de Hegel » (septembre- décembre 1914), où Lénine dit : « On peut brièvement définir la dialectique comme la théorie de l’unité des contraires. Par là on saisira le noyau de la dialectique, mais cela exige des explications et un développement.» »

    On sait également que les communistes de Chine populaire ont souvent mentionné la « spirale » pour décrire le processus de connaissance. Or, voici ce qu’on lit également dans les notes de Lénine :

    « La connaissance humaine n’est pas (ou ne décrit pas) une ligne droite, mais une ligne courbe qui se rapproche indéfiniment d’une série de cercles, d’une spirale. Tout segment, tronçon, morceau de cette courbe peut être changé (changé unilatéralement) en une ligne droite indépendante, entière, qui (si on ne voit pas la forêt derrière les arbres) conduit alors dans le marais, à la bondieuserie (où elle est fixée par l’intérêt de classe des classes dominantes).

    Démarche rectiligne et unilatéralité, raideur de bois et ossification, subjectivisme et cécité subjective, voilà les racines gnoséologiques de l’idéalisme.

    Et la bondieuserie (=idéalisme philosophique) a, naturellement, des racines gnoséologiques, elle n’est pas dépourvue de fondement ; c’est une fleur stérile, c’est incontestable, mais une fleur stérile qui pousse sur l’arbre vivant de la vivante, féconde, vraie, vigoureuse, toute-puissante, objective, absolue connaissance humaine. »

    Ce dernier passage est une allusion directe à Feuerbach, qui a réussi à déchiffrer les religions comme étant non pas une aberration, mais une tentative insuffisante de retranscrire le monde.

    Et le monde est éternel, se développant éternellement de manière dialectique ; voici ce que dit encore Lénine dans ses notes :

    « Élasticité tous azimuts, universelle, des concepts, élasticité qui va jusqu’à l’identité des contraires – c’est là que réside l’essentiel.

    Cette flexibilité, utilisée subjectivement = éclectique et sophistique.

    Si cette élasticité est utilisée objectivement, c’est-à-dire si elle reflète le caractère tous azimuts du processus matériel et de son unité, alors elle est dialectique, elle est le reflet correct du développement éternel du monde. »

    Les notes de Lénine ont été directement utilisées pour le développement du matérialisme dialectique ; Staline a préservé ce patrimoine, permettant aux communistes d’y avoir accès, et c’est sur ce terreau que Mao Zedong pourra lui-même développer le marxisme-léninisme.

    Dans le contexte de la révolution russe, cela signifie qu’alors que Lénine meurt en 1924, ses apports théoriques et idéologiques sont sauvés et servent directement le nouveau régime.

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  • La révolution russe et la maladie infantile du communisme (le « gauchisme »)

    En affrontant la petite production comme réalité, Lénine récuse le gauchisme comme maladie infantile du communisme, qui est le produit de cette réalité, qui nie la centralisation nécessaire pour la réorganisation de l’économie du point de vue socialiste. Lénine conçoit ainsi véritablement le socialisme comme phase transitoire et il critique les gauchistes qui conçoivent la révolution socialiste sans intégrer les caractéristiques de cette phase transitoire.

    Voici ce qu’il explique dans La maladie infantile du communisme (le « gauchisme ») :

    « Le capitalisme laisse nécessairement en héritage au socialisme, d’une part, les vieilles distinctions professionnelles et corporatives, qui se sont établies durant des siècles entre les ouvriers, et, d’autre part, des syndicats qui ne peuvent se développer et ne se développeront que très lentement, pendant des années et des années, en des syndicats d’industrie plus larges, moins corporatifs (s’étendant à des industries entières, et non pas simplement à des corporations, des corps de métiers et des professions).

    Par l’intermédiaire de ces syndicats d’industrie, on supprimera plus tard la division du travail entre les hommes; on passera à l’éducation, à l’instruction et à la formation d’hommes universellement développés, universellement préparés, et sachant tout faire.

    C’est là que va, doit aller et arrivera le communisme, mais seulement au bout de longues années. Tenter aujourd’hui d’anticiper pratiquement sur ce résultat futur du communisme pleinement développé, solidement constitué, à l’apogée de sa maturité, c’est vouloir enseigner les hautes mathématiques à un enfant de quatre ans.

    Nous pouvons (et devons) commencer à construire le socialisme, non pas avec du matériel humain imaginaire ou que nous aurions spécialement formé à cet effet, mais avec ce que nous a légué le capitalisme. Cela est très « difficile », certes, mais toute autre façon d’aborder le problème est si peu sérieuse qu’elle ne vaut même pas qu’on en parle.

    Les syndicats ont marqué un progrès gigantesque de la classe ouvrière au début du développement du capitalisme; ils ont marqué le passage de l’état de dispersion et d’impuissance où se trouvaient les ouvriers, aux premières ébauches du groupement de classe.

    Lorsque commença à se développer la forme suprême de l’union de classe des prolétaires, le parti révolutionnaire du prolétariat (qui ne méritera pas ce nom aussi longtemps qu’il ne saura pas lier les chefs, la classe et les masses en un tout homogène, indissoluble), les syndicats révélèrent inévitablement certains traits réactionnaires, une certaine étroitesse corporative, une certaine tendance à l’apolitisme, un certain esprit de routine, etc. Mais nulle part au monde le développement du prolétariat ne s’est fait et ne pouvait se faire autrement que par les syndicats, par l’action réciproque des syndicats et du parti de la classe ouvrière.

    La conquête du pouvoir politique par le prolétariat est, pour le prolétariat considéré comme classe, un immense pas en avant.

    Aussi le parti doit-il, plus encore que dans le passé, à la manière nouvelle et pas seulement à l’ancienne, éduquer les syndicats, les diriger, sans oublier toutefois qu’ils restent et resteront longtemps l’indispensable « école du communisme » et l’école préparatoire des prolétaires pour l’application de leur dictature, le groupement nécessaire des ouvriers afin que la gestion de toute l’économie du pays passe graduellement d’abord aux mains de la classe ouvrière (et non à telles ou telles professions), et puis à l’ensemble des travailleurs.

    Un certain « esprit réactionnaire » des syndicats, en ce sens, est inévitable sous la dictature du prolétariat. Ne pas le comprendre, c’est faire preuve d’une totale incompréhension des conditions essentielles de la transition du capitalisme au socialisme.

    Redouter cet « esprit réactionnaire », essayer de l’éluder, de passer outre, c’est commettre une grave erreur, car c’est craindre d’assumer ce rôle de l’avant-garde du prolétariat qui consiste à instruire, éclairer, éduquer, appeler à une vie nouvelle les couches et les masses les plus retardataires de la classe ouvrière et de la paysannerie.

    D’autre part, remettre la mise en œuvre de la dictature du prolétariat jusqu’au moment ou il ne resterait plus un seul ouvrier atteint d’étroitesse professionnelle, plus un ouvrier imbu des préjugés corporatifs et trade-unionistes, serait une erreur encore plus grave. L’art du politique (et la juste compréhension de ses devoirs par un communiste) est d’apprécier correctement les conditions et le moment où l’avant-garde du prolétariat sera à même de s’emparer du pouvoir; de bénéficier, pendant et après, d’un appui suffisant de couches suffisamment larges de la classe ouvrière et des masses laborieuses non prolétariennes; où elle saura dès lors soutenir, renforcer, élargir sa domination, en éduquant, en instruisant, en attirant à elle des masses toujours plus grandes de travailleurs. »

    Par conséquent, les communistes doivent accepter la réalité sociale; la révolution n’est pas pure mais conforme à la réalité, et il faut chercher les masses là où elles sont :

    « Mais nous luttons contre « l’aristocratie ouvrière » au nom de la masse ouvrière et pour la gagner à nous; nous combattons les leaders opportunistes et social-chauvins pour gagner à nous la classe ouvrière. Il serait absurde de méconnaître cette vérité élémentaire et évidente entre toutes.

    Or, c’est précisément la faute que commettent les communistes allemands « de gauche » qui, de l’esprit réactionnaire et contre-révolutionnaire des milieux dirigeants syndicaux, concluent à . . . la sortie des communistes des syndicats ! Au refus d’y travailler! et voudraient créer de nouvelles formes d’organisation ouvrière qu’ils inventent ! Bêtise impardonnable qui équivaut à un immense service rendu par les communistes à la bourgeoisie (…).

    La « théorie » saugrenue de la non-participation des communistes dans les syndicats réactionnaires montre, de toute évidence, avec quelle légèreté ces communistes « de gauche » envisagent la question de l’influence sur les « masses », et quel abus ils font dans leurs clameurs du mot « masse ». Pour savoir aider la « masse » et gagner sa sympathie, son adhésion et son appui, il ne faut pas craindre les difficultés, les chicanes, les pièges, les outrages, les persécutions de la part des « chefs » (qui, opportunistes et social-chauvins, sont dans la plupart des cas liés – directement ou indirectement – à la bourgeoisie et à la police) et travailler absolument là où est la masse. Il faut savoir consentir tous les sacrifices, surmonter les plus grands obstacles, afin de faire un travail de propagande et d’agitation méthodique, persévérant, opiniâtre et patient justement dans les institutions, sociétés, organisations – même tout ce qu’il y a de plus réactionnaires – partout où il y a des masses prolétariennes ou semi-prolétariennes. »

    Lénine
    Lénine

    De la même manière, le parlement ne doit pas être compris abstraitement, mais dans son contexte historique. Voici ce que dit Lénine :

    « Les formes parlementaires « historiquement ont fait leur temps ». C’est vrai au sens de la propagande. Mais chacun sait que de là à leur disparition dans la pratique, il y a encore très loin.

    Depuis des dizaines d’années on pouvait dire à bon droit que le capitalisme « historiquement avait fait son temps »; mais’ cela ne nous dispense nullement de la nécessité de soutenir une lutte très longue et très opiniâtre sur le terrain du capitalisme. Le parlementarisme a « historiquement fait son temps » au point de vue de l’histoire universelle, autrement dit l’époque du parlementarisme bourgeois est terminée, l’époque de la dictature du prolétariat acommencé.

    C’est indéniable. Mais à l’échelle de l’histoire universelle, c’est par dizaines d’années que l’on compte.

    Dix ou vingt ans plus tôt ou plus tard ne comptent pas du point de vue de l’histoire universelle; c’est au point de vue de l’histoire universelle une quantité négligeable qu’il est impossible de mettre en ligne de compte, même par approximation. Mais c’est justement pourquoi, en invoquant, dans une question de politique pratique, l’échelle de l’histoire mondiale, on commet la plus flagrante erreur théorique. »

    Lénine précise d’ailleurs bien ce qu’est le parlement, qui ne saurait être le centre du pouvoir bourgeois de toutes manières:

    « De ce que le parlement devient l’organe et le « centre » (en fait, il n’a jamais été et ne peut jamais être le « centre », soit dit en passant) de la contre-révolution, tandis que les ouvriers créent les instruments de Leur pouvoir sous la forme des Soviets, il s’ensuit que les ouvriers doivent se préparer – idéologiquement, politiquement, techniquement – à la lutte des Soviets contre le parlement, à la dissolution du parlement par les Soviets. Mais il ne s’ensuit nullement que cette dissolution soit entravée ou ne soit pas facilitée par la présence d’une opposition soviétique au sein du parlement contre-révolutionnaire. »

    L'armée rouge ukrainienne libère son peuple
    L’armée rouge ukrainienne libère son peuple

    Lénine est également parfaitement conscient des spécificités ayant facilité la révolution socialiste en Russie:

    « Créer dans les parlements d’Europe une fraction parlementaire authentiquement révolutionnaire est infiniment plus malaisé qu’en Russie. Evidemment. Mais ce n’est là qu’un aspect particulier de cette vérité générale, qu’étant donné la situation historique concrète, extrêmement originale, de 1917, il a été facile à la Russie de commencer la révolution socialiste, tandis qu’il lui sera plus difficile qu’aux pays d’Europe de la continuer et de la mener à son terme. J’ai déjà eu l’occasion, au début de 1918, d’indiquer ce fait, et une expérience de deux ans a entièrement confirmé ma façon de voir. Des conditions spécifiques telles que :

    1. la possibilité d’associer la révolution soviétique à la cessation – grâce à cette révolution – de la guerre impérialiste qui infligeait aux ouvriers et aux paysans d’incroyables tortures;

    2. la possibilité de mettre à profit, pendant un certain temps, la lutte à mort des deux groupes de rapaces impérialistes les plus puissants du monde qui n’avaient pu se coaliser contre l’ennemi soviétique;

    3. la possibilité de soutenir une guerre civile relativement longue, en partie grâce aux vastes étendues du pays et à ses mauvais moyens de communications;

    4. l’existence dans la paysannerie d’un mouvement révolutionnaire démocratique bourgeois si profond que le parti du prolétariat a pu prendre les revendications révolutionnaires du parti des paysans (parti socialiste-révolutionnaire, nettement hostile, dans sa majorité, au bolchevisme) et les réaliser aussitôt grâce à la conquête du pouvoir politique par le prolétariat, – pareilles conditions spécifiques n’existent pas actuellement en Europe occidentale, et le renouvellement de conditions identiques ou analogues n’est guère facile.

    Voilà pourquoi, en plus d’une série d’autres raisons, il est notamment plus difficile à l’Europe occidentale qu’à nous de commencer la révolution socialiste. »

    De là la position de Lénine, qui soutient le réalisme contre le gauchisme :

    « Le capitalisme ne serait pas le capitalisme si le prolétariat « pur » n’était entouré d’une foule extrêmement bigarrée de types sociaux marquant la transition du prolétaire au semi-prolétaire (à celui qui ne tire qu’à moitié ses moyens d’existence de la vente de sa force de travail), du semi-prolétaire au petit paysan (et au petit artisan dans la ville ou à la campagne, au petit exploitant en général); du petit paysan au paysan moyen, etc.; si le prolétariat lui-même ne comportait pas de divisions en catégories plus ou moins développées, groupes d’originaires, professionnels, parfois religieux, etc.

    D’où la nécessité, la nécessité absolue pour l’avant-garde du prolétariat, pour sa partie consciente, pour le Parti communiste, de louvoyer, de réaliser des ententes, des compromis avec les divers groupes de prolétaires, les divers partis d’ouvriers et de petits exploitants. Le tout est de savoir appliquer cette tactique de manière à élever, et non à abaisser le niveau de conscience général du prolétariat, son esprit révolutionnaire, sa capacité de lutter et de vaincre. »

    Lénine souligne bien que la vie l’emporte toujours, et que le processus révolutionnaire est toujours bien plus riche que ce à quoi on peut s’attendre. Cette reconnaissance du caractère vivant du mouvement de la matière décidé de la nature politique de l’intervention communiste :

    « L’histoire en général, et plus particulièrement l’histoire des révolutions, est toujours plus riche de contenu, plus variée, plus multiforme, plus vivante, « plus ingénieuse » que ne le pensent les meilleurs partis, les avant-gardes les plus conscientes des classes les plus avancées.

    Et cela se conçoit, puisque les meilleures avant-gardes expriment la conscience, la volonté, la passion, l’imagination de dizaines de mille hommes, tandis que la révolution est, – en des moments d’exaltation et de tension particulières de toutes les facultés humaines, – l’œuvre de la conscience, de la volonté, de la passion, de l’imagination de dizaines de millions d’hommes aiguillonnés par la plus âpre lutte des classes.

    De là deux conclusions pratiques d’une grande importance: la première, c’est que la classe révolutionnaire, pour remplir sa tâche, doit savoir prendre possession de toutes les formes et de tous les côtés, sans la moindre exception, de l’activité sociale (quitte à compléter, après la conquête du pouvoir politique et parfois au prix d’un grand risque et d’un danger énorme, ce qu’elle n’aura pas terminé avant cette conquête); la seconde, c’est que la classe révolutionnaire doit se tenir prête à remplacer vite et brusquement une forme par une autre. »

    affiche soviétique
    Prends soin de ton livre, c’est le vrai camarade dans les campagnes militaires et au travail pacifique

    Lénine, enfin, comprend bien que la social-démocratie a été exemplaire – il ne la rejette pas – mais qu’elle n’a pas compris justement le mouvement de la vie :

    « Ce qui est advenu à des marxistes d’une aussi haute érudition, à des chefs de la II° Internationale aussi dévoués au socialisme que Kautsky, Otto Bauer et autres, pourrait (et devrait) être une utile leçon. Ils comprenaient parfaitement la nécessité d’une tactique souple; ils avaient appris eux-mêmes et ils enseignaient aux autres la dialectique marxiste (et beaucoup de ce qui a été fait par eux dans ce domaine restera à jamais parmi les acquisitions précieuses de la littérature socialiste); mais au moment d’appliquer cette dialectique, ils commirent une erreur si grande, ou se révélèrent pratiquement de tels non-dialecticiens, des hommes tellement incapable d’escompter les prompts changements de forme et la rapide entrée d’un contenu nouveau dans les formes anciennes, que leur sort n’est guère plus enviable que celui de Hyndman, de Guesde et Plékhanov.

    La cause essentielle de leur faillite, c’est qu’ils se sont laissé « hypnotiser » par une seule des formes de croissance du mouvement ouvrier et du socialisme, forme dont ils ont oublié le caractère limité; ils ont eu peur de voir le bouleversement rendu inévitable par les conditions objectives, et ils ont continué à répéter des vérités élémentaires, apprises par cœur, aussi indiscutables à première vue que: trois c’est plus que deux.

    Or, la politique ressemble plus à l’algèbre qu’à l’arithmétique, et encore plus aux mathématiques supérieures qu’aux mathématiques élémentaires. En réalité, toutes les formes anciennes du mouvement socialiste se sont remplies d’une substance nouvelle; de ce fait un nouveau signe, le signe « moins », est apparu devant les chiffres, tandis que nos sages ont continué opiniâtrement (et continuent encore) à se persuader et à persuader les autres que « moins trois », c’est plus que « moins deux ». »

    Par son analyse, La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), Lénine fait passer le niveau de conscience du mouvement ouvrier au stade de la construction socialiste.

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  • La révolution russe : Lénine face à la petite production

    L’histoire du mouvement ouvrier montre aujourd’hui que dans tous les pays, le communisme naissant, grandissant, marchant à la victoire, est appelé à traverser une période de lutte (qui a déjà commencé), d’abord et surtout, contre le « menchevisme » propre (de chaque pays), c’est-à-dire l’opportunisme et le social-chauvinisme; puis, à titre de complément, pour ainsi dire, contre le communisme « de gauche ». »

    Tel est le point de Lénine, qui s’impose dans la victoire sur le gauchisme en 1921 qui a profité d’un grand travail théorique de Lénine.

    Lénine
    Lénine

    C’est en effet dans le contexte d’une émergence du gauchisme sous de multiples formes que Lénine avait écrit son ouvrage devenu très célèbre : La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), publié en avril 1920.

    Dans ce document, Lénine souligne l’importance de la centralisation, forme nécessaire pour écraser les ennemis de la révolution socialiste.

    Il affirme ainsi :

    « La dictature du prolétariat, c’est la guerre la plus héroïque et la plus implacable de la nouvelle classe contre un ennemi plus puissant, contre la bourgeoisie dont la résistance est décuplée du fait de son renversement (ne fût-ce que dans un seul pays) et dont la puissance ne réside pas seulement dans la force du capital international, dans la force et la solidité des liaisons internationales de la bourgeoisie, mais encore dans la force de l’habitude, dans la force de la petite production.

    Car, malheureusement, il reste encore au monde une très, très grande quantité de petite production: or, la petite production engendre le capitalisme et la bourgeoisie constamment, chaque jour, à chaque heure, d’une manière spontanée et dans de vastes proportions.

    Pour toutes ces raisons, la dictature du prolétariat est indispensable, et il est impossible de vaincre la bourgeoisie sans une guerre prolongée, opiniâtre, acharnée, sans une guerre à mort qui exige la maîtrise de soi, la discipline, la fermeté, une volonté une et inflexible.

    Je répète, l’expérience de la dictature prolétarienne victorieuse en Russie a montré clairement à ceux qui ne savent pas réfléchir ou qui n’ont pas eu l’occasion de méditer ce problème, qu’une centralisation absolue et la plus rigoureuse discipline du prolétariat sont une des conditions essentielles pour vaincre la bourgeoisie. »

    Lénine, lisant la Pravda
    Lénine, lisant la Pravda

    Néanmoins, Lénine considère que la discipline ne peut pas être imposée ; elle se génère avec la conscience de classe, dans un mouvement véritablement révolutionnaire, s’appuyant sur la théorie révolutionnaire.

    Voici comment il formule la chose :

    « Et tout d’abord la question se pose: qu’est-ce qui cimente la discipline du parti révolutionnaire du prolétariat? qu’est-ce qui la contrôle? Qu’est-ce qui l’étaye? C’est, d’abord, la conscience de l’avant-garde prolétarienne et son dévouement à la révolution, sa fermeté, son esprit de sacrifice, son héroïsme.

    C’est, ensuite, son aptitude à se lier, à se rapprocher et, si vous voulez, à se fondre jusqu’à un certain point avec la masse la plus large des travailleurs, au premier chef avec la masse prolétarienne, mais aussi la masse des travailleurs non prolétarienne.

    Troisièmement, c’est la justesse de la direction politique réalisée par cette avant-garde, la justesse de sa stratégie et de sa tactique politiques, à condition que les plus grandes masses se convainquent de cette justesse par leur propre expérience.

    A défaut de ces conditions, dans un parti révolutionnaire réellement capable d’être le parti de la classe d’avant-garde appelée à renverser la bourgeoisie et à transformer la société, la discipline est irréalisable. Ces conditions faisant défaut, toute tentative de créer cette discipline se réduit inéluctablement à des phrases creuses, à des mots, à des simagrées.

    Mais, d’autre part, ces conditions ne peuvent pas surgir d’emblée. Elles ne s’élaborent qu’au prix d’un long travail, d’une dure expérience; leur élaboration est facilitée par une théorie révolutionnaire juste qui n’est pas un dogme, et qui ne se forme définitivement qu’en liaison étroite avec la pratique d’un mouvement réellement massif et réellement révolutionnaire. »

    Par conséquent, l’esprit petit-bourgeois est l’ennemi du mouvement révolutionnaire, car il nie la discipline propre à la classe ouvrière, à la révolution socialiste.

    Lénine

    Voici ce qu’explique Lénine, montrant que l’anarchisme est une réponse « radicale » à l’opportunisme, les deux étant les deux faces de la même médaille :

    « On ne sait pas encore suffisamment à l’étranger que le bolchevisme a grandi, s’est constitué et s’est aguerri au cours d’une lutte de longues années contre l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois qui frise l’anarchisme ou lui fait quelque emprunt et qui, pour tout ce qui est essentiel, déroge aux conditions et aux nécessités d’une lutte de classe prolétarienne conséquente.

    Il est un fait théoriquement bien établi pour les marxistes, et entièrement confirmé par l’expérience de toutes les révolutions et de tous les mouvements révolutionnaires d’Europe, – c’est que le petit propriétaire, le petit patron (type social très largement représenté, formant une masse importante dans bien des pays d’Europe) qui, en régime capitaliste, subit une oppression continuelle et, très souvent, une aggravation terriblement forte et rapide de ses conditions d’existence et la ruine, passe facilement à un révolutionnarisme extrême, mais est incapable de faire preuve de fermeté, d’esprit d’organisation, de discipline et de constance.

    Le petit bourgeois, « pris de rage » devant les horreurs du capitalisme, est un phénomène social propre, comme l’anarchisme, à tous les pays capitalistes. L’instabilité de ce révolutionnarisme, sa stérilité, la propriété qu’il a de se changer rapidement en soumission, en apathie, en vaine fantaisie, et même en engouement « enragé » pour telle ou telle tendance bourgeoise « à la mode », tout cela est de notoriété publique.

    Mais la reconnaissance théorique, abstraite de ces vérités ne préserve aucunement les partis révolutionnaires des vieilles erreurs qui reparaissent toujours à l’improviste sous une forme un peu nouvelle, sous un aspect ou dans un décor qu’on ne leur connaissait pas encore, dans une ambiance singulière, plus ou moins originale.

    L’anarchisme a été souvent une sorte de châtiment pour les déviations opportunistes du mouvement ouvrier. Ces deux aberrations se complétaient mutuellement.

    Et si en Russie, bien que la population petite-bourgeoise y soit plus nombreuse que dans les pays d’Occident, l’anarchisme n’a exercé qu’une influence relativement insignifiante au cours des deux révolutions (1905 et 1917) et pendant leur préparation, le mérite doit en être sans nul doute attribué en partie au bolchevisme, qui avait toujours soutenu la lutte la plus implacable et la plus intransigeante contre l’opportunisme.

    Je dis: « en partie », car ce qui a contribué encore davantage à affaiblir l’anarchisme en Russie, c’est qu’il avait eu dans le passé (1870-1880) la possibilité de s’épanouir pleinement et de révéler jusqu’au bout combien cette théorie était fausse et inapte à guider la classe révolutionnaire. »

    Voilà pourquoi le gauchisme, qui nie le rôle des dirigeants, voire du Parti lui-même, ont tort : ils convergent avec la petite-bourgeoisie, ils participent à leur idéologie.

    Lénine
    Lénine

    Lénine souligne ce qui doit être le cœur de la dictature du prolétariat, le cœur de la révolution socialiste :

    « Nier la nécessité du parti et de la discipline du parti, voilà où en est arrivée l’opposition. Or, cela équivaut à désarmer entièrement le prolétariat au profit de la bourgeoisie.

    Cela équivaut, précisément, à faire siens ces défauts de la petite bourgeoisie que sont la dispersion, l’instabilité, l’inaptitude à la fermeté, à l’union, à l’action conjuguée, défauts qui causeront inévitablement la perte de tout mouvement révolutionnaire du prolétariat, pour peu qu’on les encourage.

    Nier du point de vue du communisme la nécessité du parti, c’est sauter de la veille de la faillite du capitalisme (en Allemagne), non pas dans la phase inférieure ou moyenne du communisme, mais bien dans sa phase supérieure.

    En Russie nous en sommes encore (plus de deux ans après le renversement de la bourgeoisie) à faire nos premiers pas dans la voie de la transition du capitalisme au socialisme, ou stade inférieur du communisme. Les classes subsistent, et elles subsisteront partout, pendant des années après la conquête du pouvoir par le prolétariat.

    Peut-être ce délai sera-t-il moindre en Angleterre où il n’y a pas de paysans (mais où il y a cependant des petits patrons!). Supprimer les classes, ce n’est pas seulement chasser les grands propriétaires fonciers et les capitalistes, – ce qui nous a été relativement facile, – c’est aussi supprimer les petits producteurs de marchandises; or, ceux-ci on ne peut pas les chasser, on ne peut pas les écraser, il faut faire bon ménage avec eux. On peut (et on doit) les transformer, les rééduquer, – mais seulement par un travail d’organisation très long, très lent et très prudent. Ils entourent de tous côtés le prolétariat d’une ambiance petite-bourgeoise, ils l’en pénètrent, ils l’en corrompent, ils suscitent constamment au sein du prolétariat des récidives de défauts propres à la petite bourgeoisie: manque de caractère, dispersion, individualisme, passage de l’enthousiasme à l’abattement.

    Pour y résister, pour permettre au prolétariat d’exercer comme il se doit, avec succès et victorieusement, son rôle d’organisateur (qui est son rôle principal), le parti politique du prolétariat doit faire régner dans son sein une centralisation et une discipline rigoureuses. La dictature du prolétariat est une lutte opiniâtre, sanglante et non sanglante, violente et pacifique, militaire et économique, pédagogique et administrative, contre les forces et les traditions de la vieille société. La force de l’habitude chez les millions et les dizaines de millions d’hommes est la force la plus terrible.

    Sans un parti de fer, trempé dans la lutte, sans un parti jouissant de la confiance de tout ce qu’il y a d’honnête dans la classe en question, sans un parti sachant observer l’état d’esprit de la masse et influer sur lui, il est impossible de soutenir cette lutte avec succès.

    Il est mille fois plus facile de vaincre la grande bourgeoisie centralisée que de « vaincre » les millions et les millions de petits patrons; or ceux-ci, par leur activité quotidienne, coutumière, invisible, insaisissable, dissolvante, réalisent les mêmes résultats qui sont nécessaires à la bourgeoisie, qui restaurent la bourgeoisie. Celui qui affaiblit tant soit peu la discipline de fer dans le parti du prolétariat (surtout pendant sa dictature), aide en réalité la bourgeoisie contre le prolétariat. »

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  • La révolution russe : la guerre civile (1918-1920)

    La révolution socialiste s’était imposée, mais deux forces entendaient ne pas faire durer le nouveau régime : d’un côté, les impérialistes de l’Entente, qui avaient perdu leur allié russe, craignaient la paix et la diffusion du socialisme, et de l’autre les forces réactionnaires en Russie même.

    Ces deux forces n’avaient pas d’autres choix que de converger. Seule l’Entente disposait des moyens matériels, et seules forces réactionnaires disposaient de cadres, issus de l’armée, et de personnes capables de rejoindre une éventuelle armée contre-révolutionnaire, à partir des réseaux des paysans riches – les koulaks – et des cosaques, population rassemblée de manière semi-militaire et dont les membres devinrent des gendarmes tsaristes.

    C’est ainsi que se combina l’intervention de différents pays impérialistes – Angleterre, de France, du Japon, des Etats-Unis – avec la réaction russe, alliant formation de l’armée blanche et envoi de troupes.

    Le Parti bolchévik comptait lui 313 766 membres alors qu’il tenait son VIIIe congrès en mars 1919, puis 611 978 membres au IXe Congrès, en mars 1920.

    Il put organiser la résistance aux premières attaques des armées blanches, mais s’attela surtout à construire une vaste armée rouge.

    Le bolchevik, Boris Kustodiev, 1920
    Le bolchevik, Boris Kustodiev, 1920

    Il dut également organiser le « communisme de guerre » dans une situation de pénurie généralisée ; en 1922, sur 136 millions de personnes, il y a 4,6 millions d’ouvriers employés, contre 11 millions en 1913. L’économie industrielle devait être réorganisée tout en développant une alliance avec la paysannerie moyenne, dont le soutien était décisif pour le maintien du régime.

    Au VIIIe congrès du Parti bolchevik, du 18 au 23 mars 1919, Lénine explique:

    « Des socialistes, les meilleurs représentants du socialisme d’autrefois, lorsqu’ils croyaient encore à la révolution et la servaient sur le plan théorique et idéologique, parlaient de neutraliser les paysans, c’est-à-dire de faire de la paysannerie moyenne une couche sociale qui, si elle n’apporte pas une aide active à la révolution prolétarienne, du moins ne l’entrave pas, reste neutre et ne se range pas aux cotés de nos ennemis.

    Ce coté abstrait, théorique de la question, est pour nous parfaitement clair. Mais il est insuffisant. Nous sommes entrés dans une phase de la construction socialiste où il s’agit d’élaborer de façon concrète, en détail, en nous inspirant de l’expérience du travail à la campagne, les règles et les directives fondamentales que nous devons suivre pour conclure avec le paysan moyen une alliance solide. »

    Et grâce à un solide pouvoir d’État porté par les masses, par une organisation rigoureuse (avec le GOELRO qui était le Plan d’État pour l’électrification de la Russie, le GOSPLAN qui était la Commission du plan d’État, etc.), les bolchéviks purent organiser une armée rouge qui en 1920 avait écrasé ses ennemis.

    Voici comment le Précis d’histoire du PCUS(b) explique les raisons de cela, en soulignant l’importance des commissaires politiques :

    « Comment expliquer en ce cas que l’Armée rouge, qui avait tant de défauts graves, ait vaincu l’armée des envahisseurs et des gardes blancs, exempte de tous ces défauts ?

    1° L’Armée rouge a vaincu parce que la politique du pouvoir des Soviets pour laquelle elle se battait était une politique juste, conforme aux intérêts du peuple ; parce que le peuple sentait et concevait cette politique comme une politique juste, comme sa politique à lui, et la soutenait jusqu’au bout.

    Les bolcheviks savaient qu’une armée qui lutte au nom d’une politique injuste, non soutenue par le peuple, ne peut pas vaincre. Telle était précisément l’armée des envahisseurs et des gardes blancs.

    Cette armée avait tout : de vieux chefs expérimentés, un matériel de premier ordre, des munitions, des équipements, des vivres. Il ne lui manquait qu’une chose : le soutien et la sympathie des peuples de Russie, qui ne voulaient ni ne pouvaient soutenir la politique antipopulaire des envahisseurs et des « régents » gardes blancs. Et l’armée des envahisseurs et des gardes blancs fut battue.

    2° L’Armée rouge a vaincu parce qu’elle était fidèle et dévouée jusqu’au bout à son peuple, ce qui lui valait l’amour de ce peuple, qui la soutenait comme son armée à lui. L’Armée rouge est issue du peuple. Et si elle est fidèle à son peuple comme un fils est fidèle à sa mère, elle aura le soutien du peuple, elle vaincra. Tandis qu’une armée qui va contre son peuple subira nécessairement la défaite.

    3° L’Armée rouge a vaincu parce que le pouvoir des Soviets avait réussi à alerter tout l’arrière, tout le pays, pour servir le front. Une armée sans un arrière fort pour soutenir le front par tous les moyens, est vouée à la défaite. Les bolcheviks savaient cela, et c’est pour cette raison qu’ils avaient transformé le pays en un camp retranché qui approvisionnait le front en matériel de guerre, en munitions, en équipements, en vivres, en contingents de renfort.

    4° L’Armée rouge a vaincu parce que : a) les soldats rouges comprenaient le but et les objectifs de la guerre, et se rendaient compte qu’ils étaient justes ; b) la conscience que le but et les tâches de la guerre étaient justes, fortifiait leur esprit de discipline et leur valeur combative ; c) ceci étant, la masse des soldats rouges a fait preuve, à tout instant, dans sa lutte contre l’ennemi, d’une abnégation sans exemple et d’un héroïsme sans précédent.

    5° L’Armée rouge a vaincu parce que son noyau dirigeant, à l’arrière et au front, était le Parti bolchevik, soudé par sa cohésion et sa discipline, puissant par son esprit révolutionnaire et sa volonté de consentir tous les sacrifices pour faire triompher la cause commune, insurpassé par sa capacité à organiser les mul­titudes et à les diriger de façon judicieuse, dans une situation complexe.

    Lénine a dit :

    « C’est uniquement parce que le Parti était sur ses gardes, parce que le Parti était rigoureusement discipliné et que son autorité unissait toutes les institutions et toutes les administrations, parce que des dizaines, des centaines, des milliers et, en fin de compte, des millions d’hommes suivaient comme un seul le mot d’ordre du Comité central, c’est uniquement parce que des sacrifices inouïs furent consentis, que le miracle qui s’est produit a pu se produire. C’est uniquement pour cela qu’en dépit des campagnes redoublées, triplées, quadruplées des impérialistes de l’Entente et des impérialistes du monde entier, nous nous sommes trouvés en mesure de vaincre. » (Lénine)

    6° L’Armée rouge a vaincu parce que : 

    a) elle a su former dans son sein des dirigeants militaires d’un type nouveau comme Froun­ze, Vorochilov, Boudionny et autres ; 

    b) dans ses rangs combat­taient des héros-nés comme Kotovski, Tchapaev, Lazo, Chtchors, Parkhomenko et bien d’autres ;

    c) l’éducation politique de l’Armée rouge était faite par des hommes tels que Lénine, Staline, Molotov, Kalinine, Sverdlov, Kaganovitch, Ordjonikidze, Kirov, Kouibychev, Mikoïan, Jdanov, Andréev, Pétrovski, Iaroslavski, Dzerjinski, Chtchadenko, Mekhliss, Khrouchtchev, Chvernik, Chkiriatov, d’autres encore ; 

    d) l’Armée rouge comptait dans son sein ces organisateurs et agitateurs peu communs qu’étaient les commissaires militaires, dont l’activité cimentait les rangs des soldats et qui implantaient parmi eux l’esprit de discipline et l’intrépidité au combat, réprimaient avec énergie, — rapidement et sans merci, — les actes de trahison de certains chefs et, au contraire, soutenaient avec courage et résolution l’autorité et la gloire des commandants, membres et non-membres du Parti, qui avaient prouvé leur dévouement au pouvoir des Soviets et s’étaient montrés capables de diriger d’une main ferme les unités de l’Armée rouge.

    « Sans commissaires militaires, nous n’aurions pas eu d’Armée rouge », disait Lénine.

    7° L’Armée rouge a vaincu parce qu’à l’arrière des armées blanches, à l’arrière de Koltchak, de Dénikine, de Krasnov, de Wrangel, travaillaient dans l’illégalité des bolcheviks admirables, membres et non-membres du Parti, qui soulevaient les ouvriers et les paysans contre les envahisseurs, contre les gardes blancs ; qui minaient l’arrière des ennemis du pouvoir des Soviets et, par là même, facilitaient l’avance de l’Armée rouge. Nul n’ignore que les partisans d’Ukraine, de Sibérie, d’Extrême-Orient, de l’Oural, de Biélorussie, du bassin de la Volga, qui disloquaient l’arrière des gardes blancs et des envahisseurs, ont rendu un service inappréciable à l’Armée rouge.

    8° L’Armée rouge a vaincu parce que le pays des Soviets n’était pas seul dans sa lutte avec la contre-révolution des gardes blancs et l’intervention étrangère ; parce que la lutte du pouvoir des Soviets et ses succès avaient suscité la sympathie et l’aide des prolétaires du monde entier. Si les impérialistes voulaient étouffer la République soviétique par l’intervention armée et le blocus, les ouvriers de ces pays impérialistes sympathisaient avec les Soviets et les aidaient.

    Leur lutte contre les capitalistes des pays ennemis de la République soviétique a fait que les impérialistes ont dû renoncer à l’intervention. Les ouvriers d’Angleterre, de France et des autres pays qui avaient participé à l’intervention, organisaient des grèves, refusaient de charger le matériel de guerre destiné aux envahisseurs et aux généraux blancs ; ils formaient des « comités d’ac­tion » sous le mot d’ordre « Bas les mains devant la Russie ! »

    « Aussitôt que la bourgeoisie internationale, disait Lénine, lève la main contre nous, ses propres ouvriers la saisissent au poignet. » »

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  • La révolution russe : Octobre 1917

    La tentative bourgeoise de construire sa propre République et de supprimer les forces bolchéviks avait échoué. Sous la direction de Lénine, les bolchéviks avaient démasqué le régime et possédaient la majorité dans les Soviets des députés ouvriers et soldats de Moscou et Saint-Pétersbourg.

    Lénine rentra d’exil en Finlande pour participer à la réunion du Comité Central, qui prit une résolution historique :

    « Le Comité central reconnaît que la situation internationale de la révolution russe (insurrection dans la flotte allemande comme manifestation extrême de la croissance, dans toute l’Europe, de la révolution socialiste mondiale ; menace du monde impérialiste d’étrangler la révolution russe), ainsi que la situation militaire (décision indéniable de la bourgeoisie russe et de Kérenski et consorts, de livrer Pétrograd aux Allemands), de même que la conquête de la majorité dans les Soviets par le Parti du prolétariat, – tout cela joint au soulèvement paysan et au revirement de confiance populaire en faveur de notre Parti (élections de Moscou) ; enfin, la préparation manifeste d’une deuxième aventure Kornilov (retrait des troupes de Pétrograd, transport de cosaques sur cette ville, encerclement de Minsk par les cosaques, etc.), – tous ces faits mettent à l’ordre du jour l’insurrection armée.

    Reconnaissant ainsi que l’insurrection armée est inévitable et arrivée à pleine maturité, le Comité central invite toutes les organisations du Parti à s’inspirer de ce fait et à examiner et résoudre de ce point de vue toutes les questions pratiques (congrès des Soviets de la région du Nord, retrait des troupes de Pétrograd, actions de Moscou et de Minsk, etc.). »

    Cette décision eut des opposants : Kaménev et Zinoviev étaient contre, Trotsky qui venait de rejoindre le Parti entendait repousser l’insurrection. Mais le plan se déroula à merveille : la Garde rouge et les troupes révolutionnaires occupèrent les gares, la poste, le télégraphe, les ministères, la banque d’Etat, alors qu’était pris le Palais d’Hiver à Saint-Pétersbourg, siège du gouvernement provisoire.

    Dans la foulée, le IIe congrès des Soviets qui s’ouvrait adopta le décret sur la paix, appelant à l’armistice pour la signature d’un traité de paix (qui sera réalisé en mars 1918 avec le traité de Brest-Litovsk) et d’un décret sur la terre, en vertu duquel le « droit de propriété des grands propriétaires fonciers sur la terre était aboli immédiatement, sans aucune indemnité ».

    Un peu plus d’un an après, pratiquement 97% des terres sont cultivés par des petits paysans, le reste l’étant dans des coopératives ou des fermes d’État,

    La paix d’un côté, et de l’autre la remise des terres des grands propriétaires fonciers, des apanages et des couvents aux paysans : les bolchéviks donnaient ses premières assises au nouveau régime celui des Soviets, avec un gouvernement organisé par le IIe congrès des Soviets de Russie comme « Conseil des commissaires du peuple », avec Lénine comme président du Conseil.

    C’est donc ce sovnarkom – le Conseil des Commissaires du Peuple – qui dirige le pays, comme gouvernement, avec uniquement des bolchéviks. Il dépend du Comité Central exécutif panrusse des Soviets, qui est alors élu dans un deuxième congrès des Soviets ouvriers et militaires ; sont nommés 62 bolcheviks, 29 Socialistes-révolutionnaires de gauche (ceux de droite boycottant l’élection en protestation contre l’insurrection) et 10 socialistes. Par la suite, le comité intègre des délégués paysans, des délégués de l’armée et de la flotte, ainsi que des délégués syndicaux.

    Ce nouveau cadre donne naissance, en juillet 1918, à la République Socialiste Fédérale des Soviets de Russie.

    Cette victoire avait été facile et les bolchéviks en avaient conscience. Voici comment le Précis d’histoire du PCUS(b) caractérise cette situation ayant permis le triomphe très rapide de la révolution socialiste en Russie :

    « Parmi les raisons qui ont déterminé cette victoire relativement facile de la Révolution socialiste en Russie, voici les principales :

    1° La Révolution d’Octobre avait en face d’elle cet ennemi relativement faible, mal organisé, peu expérimenté en politique qu’était la bourgeoisie russe.

    Parce qu’elle manquait encore de force économique et qu’elle dépendait entièrement des commandes du gouvernement, la bourgeoisie russe n’avait ni l’indépendance politique, ni l’initiative suffisante pour trouver une issue à la situation. Elle n’avait pas l’expérience des combinaisons et des mystifications politiques d’envergure que possède, par exemple, la bourgeoisie française ; elle n’avait pas non plus été à l’école des compromissions malhonnêtes de grand style, qui est celle, par exemple, de la bourgeoisie anglaise.

    En quête, hier encore, d’une entente avec le tsar renversé par la révolution de Février, elle n’avait rien su trouver de mieux, une fois au pouvoir, que de continuer dans ses grandes lignes la politique du tsar exécré. Tout comme le tsar, elle était pour « la guerre jusqu’au bout », bien que la guerre fut devenue une charge insupportable pour le pays et eût totalement épuisé le peuple et l’armée.

    Tout comme le tsar, elle était pour le maintien, dans les grandes lignes, de la propriété seigneuriale de la terre, malgré la disette de terre et le joug des propriétaires fonciers dont se mourait la paysannerie. En ce qui concerne la politique à l’égard de la classe ouvrière, la bourgeoisie russe, dans sa haine des ouvriers, surpassait le tsar, puisqu’elle s’appliquait, non seulement à maintenir et à renforcer l’oppression des usiniers et des fabricants, mais encore à la rendre intolérable par l’application de lock-outs massifs.

    Rien d’étonnant que le peuple n’ait point vu de distinction substantielle entre la politique du tsar et celle de la bourgeoisie et qu’il ait reporté sa haine du tsar sur le Gouvernement provisoire de la bourgeoisie.

    Tant que les partis de conciliation, socialiste-révolutionnaire et menchévik, exercèrent quelque influence sur le peuple, la bourgeoisie put se retrancher derrière eux et conserver le pouvoir. Mais du jour où les menchéviks et les socialistes-révolutionnaires se furent démasqués comme agents de la bourgeoisie impérialiste, perdant du même coup leur influence sur le peuple, la bourgeoisie et son Gouvernement provisoire restèrent sans appui.

    2° A la tête de la Révolution d’Octobre se trouvait cette classe révolutionnaire qu’est la classe ouvrière de Russie, classe trempée dans les combats, qui avait traversé en un court laps de temps deux révolutions, et qui, à la veille de la troisième, avait acquis l’autorité de chef du peuple dans la lutte pour la paix, la terre, la liberté, le socialisme.

    Sans ce chef de la révolution, jouissant de la confiance du peuple, qu’était la classe ouvrière de Russie, il n’y aurait pas eu d’alliance des ouvriers et des paysans : et sans cette alliance, la Révolution d’octobre n’aurait pas pu vaincre.

    3° La classe ouvrière de Russie avait, dans la révolution, ce sérieux allié qu’était la paysannerie pauvre formant l’immense majorité de la population paysanne.

    L’expérience des huit mois de révolution, que l’on peut sans hésiter assimiler à l’expérience de plusieurs dizaines d’années de développement « normal », n’avait pas été perdue pour les masses laborieuses de la paysannerie.

    Durant ce temps, elles avaient pu juger à l’œuvre tous les partis de Russie et se rendre compte que ni les cadets, ni les socialistes-révolutionnaires et les menchéviks n’entendaient se brouiller sérieusement avec les grands propriétaires fonciers et verser leur sang pour les paysans ; qu’il n’y avait qu’un seul parti en Russie qui ne fut point lié aux grands propriétaires fonciers, et qui fut prêt à les écraser pour satisfaire aux besoins des paysans : le Parti bolchévik.

    Et ce fut là la base réelle de l’alliance du prolétariat et de la paysannerie pauvre. Cette alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre déterminera aussi la conduite des paysans moyens qui hésiteront longtemps et qui, à la veille seulement de l’insurrection d’Octobre, se tourneront franchement vers la révolution, en s’unissant à la paysannerie pauvre. Inutile de démontrer que sans cette alliance, la Révolution d’Octobre n’aurait pas pu vaincre.

    4° À la tête de la classe ouvrière se trouvait ce parti rompu à la lutte politique qu’est le Parti bolchévik. Seul un parti comme le Parti bolchévik, suffisamment hardi pour mener le peuple à l’assaut décisif et suffisamment circonspect pour éviter les écueils de tout genre sur le chemin du succès, seul un tel parti pouvait fondre de façon aussi judicieuse, en un seul flot révolutionnaire, des mouvements révolutionnaires aussi divers qu’étaient le mouvement démocratique général pour la paix, le mouvement démocratique paysan pour la mainmise sur les terres seigneuriales, le mouvement de libération nationale des peuples opprimés en lutte pour l’égalité nationale et le mouvement socialiste du prolétariat pour le renversement de la bourgeoisie, pour l’instauration de la dictature du prolétariat.

    Il est évident que c’est la fusion de ces divers courants révolutionnaires en un flot révolutionnaire unique et puissant qui a décidé du sort du capitalisme en Russie.

    5° La Révolution d’Octobre a commencé à un moment où la guerre impérialiste battait encore son plein ; où les principaux Etats bourgeois étaient divisés en deux camps ennemis, où, occupés à se faire la guerre et à s’affaiblir les uns les autres, ils ne pouvaient sérieusement s’ingérer dans les « affaires russes » et se dresser activement contre la Révolution d’Octobre.

    Il est évident que cette circonstance a grandement facilité la victoire de la Révolution socialiste d’Octobre. »

    Par la suite, les bolchéviks tinrent leur VIIe congrès, faisant en sorte que leur parti s’intitule désormais Parti Communiste (bolchévik) de Russie. Avec 270 000 personnes dans ses rangs, il était prêt à diriger le pays.

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