« 16. Parallèlement aux travaux sur le plan de la ville et conformément à celui-ci, des projets de planification de certaines parties de la ville, ainsi que des places et des rues principales avec les quartiers adjacents d’habitations, doivent être achevés, pouvant être réalisé en premier lieu. »
Il faut bien avoir en tête que les 16 fondements de l’urbanisme devaient avant tout servir de guide immédiat pour les urbanistes et architectes de la République Démocratique Allemande. C’est d’ailleurs le souci du document, dialectiquement, d’osciller entre un point de vue systématique valable historiquement et des indications concrètes clef en main.
Et, de manière inéluctable, il en découle une contradiction entre les urbanistes et les architectes, dont le document pense se débarrasser au moyen de la planification conçue comme méthode – on est ici dans une définition révisionniste, anti-idéologique.
Il n’existe pas de « planification » abstraite de certaines parties de la ville, de places, de rue principales, de quartiers adjacents, etc. C’est de la gestion centralisée, pas une planification au sens socialiste. La planification au sens socialiste se fonde sur des valeurs, sur une perspective idéologique.
Ici, le 16e point donne libre cours aux urbanistes en leur disant de faire ce qu’ils veulent sur le plan intellectuel, et qu’il y aura une réalisation, qu’on devine sur décision administrative, dans la foulée. Les architectes se voient réduits aux bâtiments, de manière découplée du travail des urbanistes, on a là des ingrédients nocifs, propices au pragmatisme et au bureaucratisme.
Les 16 fondements de l’urbanisme reflètent en fait un positionnement juste – mais une incapacité à s’aligner idéologiquement sur une mise en perspective. Cela explique la capacité du révisionnisme à tout renverser.
« 15. Il n’y a pas de schéma abstrait tant pour la planification urbaine que la composition architecturale. Ce qui est décisif, c’est le résumé des facteurs essentiels et des exigences de la vie. »
Le fait qu’il n’y a pas de schéma abstrait est tout à fait juste, cependant on comprend très bien comment ce quinzième point témoigne de l’attitude d’accompagnement des événements qu’impliquait alors la compréhension du marxisme-léninisme. Il faut suivre le cours des choses et à chaque étape répondre adéquatement, telle est l’exigence, mais il n’y a pas de suivi de l’évolution générale des choses.
C’est le souci de voir le mouvement comme négation de la négation, sans saisir la multitude des aspects au sein d’une tendance générale comme le permettra justement le marxisme-léninisme-maoïsme. Il fut facile pour le révisionnisme de limiter les facteurs essentiels aux capacités productives, et les exigences de la vie à des satisfactions sociales à court terme.
Il aurait fallu dire que ce qui est décisif, c’est l’idéologie, au sens de la vision du monde portant l’Histoire dans son développement. Il est également erroné d’opposer les facteurs essentiels et les exigences de la vie, qui sont en réalité une seule et même chose comme le montre la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne chinoise.
« 14. La planification urbaine est le fondement de la composition architecturale. La question centrale de la planification urbaine et de la composition architecturale de la ville est la réalisation d’un visage individuel et unique de la ville. L’architecture utilise pour cela l’expérience du peuple incarné dans les traditions progressistes du passé. »
S’il est ici de multiples aspects qui jouent dans la question de la composition architecturale dans son parcours historique, propre à chaque ville, il y a deux références fondamentales concernant l’orientation architecturale pour la République Démocratique Allemande lors du début des années 1950, tout passant à la trappe avec le triomphe du révisionnisme à partir de 1953.
La référence principale, incontournable fut Karl Friedrich Schinkel (1781-1841), à quoi s’ajoute Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff (1699-1753). Ces deux architectes furent compris comme les grands représentants du classicisme dans l’architecture nationale allemande ; c’est Kurt Liebknecht, dirigeant de l’Académie allemande du bâtiment, qui le premier avait souligné cette question de l’architecture nationale allemande dans un article de Neues Deutschland (Nouvelle Allemagne), l’organe du Parti Socialiste de l’Unité, le 13 février 1951.
Le château de Glienicke à Berlin de Karl Friedrich Schinkel (wikipédia)Salle de concert (reconstruite) à Berlin de Karl Friedrich Schinkel (wikipédia)
Il ne s’agit en effet pas de considérer la ville en soi, comme coupée de la réalité générale. Si la ville a un visage unique, relevant d’une composition unique, sa réalité se fonde dans le mouvement historique général. Quand il est parlé dans le quatorzième point de « l’expérience du peuple incarné dans les traditions progressistes du passé », cela signifie qu’il faut se tourner vers les meilleures expressions historiques.
Et même si Karl Friedrich Schinkel a oeuvré dans le cadre de la Prusse s’affirmant à la suite de la défaite de Napoléon, la dimension nationale représentée ici à travers le processus d’unification allemande porte une substance nationale-démocratique, représentant une synthèse populaire.
Le château de Tegel de Karl Friedrich Schinkel (wikipédia)
Il est tout à fait notable que Karl Friedrich Schinkel soit totalement inconnu en France. Cela montre une incapacité intellectuelle – culturelle de la part des commentateurs bourgeois à se tourner vers les choses importantes historiquement, pour se cantonner dans les apparences ayant une fonction idéologique réactionnaire. Karl Friedrich Schinkel est pourtant clairement le plus grand architecte allemand du 19e siècle.
Musée royal, désormais Altes Museum (Ancien musée) à Berlin par Karl Friedrich Schinkel
Alters Museum, tableau de Johann Heinrich Hintze, 1832
Alters Museum, dessin de Karl Friedrich Schinkel
Karl Friedrich Schinkel n’a pas été qu’un architecte, c’était un grand artiste auteur de très nombreuses oeuvres architecturales, tout en ayant été également peintre, urbaniste, dessinateur, responsable des bâtiments, designer, et auteur de décors comme pour la Flûte enchantée de Mozart, oeuvre essentielle des Lumières, avec ici quelques exemples majeurs.
Première scène du premier acteLe jardin de SarastroL’épreuve dans le temple du feu et de l’eau
La salle des étoiles du palais de la reine de la nuitLe mausoléeScène finale avec le temple du soleil de Sarastro
On comprend aisément que Karl Friedrich Schinkel a été considéré comme un représentant des Lumières, de la rationalité, du classicisme, contre l’obscurantisme.
Le poste de garde « Neue Wache » à Berlin de Karl Friedrich Schinkel (wikipédia)L’Académie du bâtiment à Berlin en 1888 de Karl Friedrich Schinkel ; détruite pendant la guerre, elle fut reconstruite à l’identique par la République Démocratique Allemande mais stoppée à 90% des travaux par le révisionnisme en 1954 et détruite
Le cas de Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff est à ce titre intéressant, mort trente ans avec la naissance de Karl Friedrich Schinkel, est considéré par les commentateurs bourgeois comme relevant du rococo au service de la royauté. Or, la République Démocratique Allemande a tout à fait compris que malgré sa mise au service de la royauté prussienne, Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff cherchait à affirmer le classicisme tout en affirmant en même temps une dimension nationale.
C’est que le château de Sanssouci à Potsdam, s’il a été réalisé par Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff, a répondu à des attentes très systématiques de Frédéric II de Prusse.
Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff a été l’architecte du château Monbijou, à Berlin. Les incendies pendant la guerre l’ont transformé en ruine, mais au lieu de le rétablir, le révisionnisme l’a détruit. C’est un excellent exemple : avant le révisionnisme, Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff est considéré comme une figure majeure, avec le révisionnisme il est nié et on passe au modernisme.
Le château en 1732L’ajout fait par l’architecte Georg Christian Unger
Peinture de Dismar Degen, vers 1740Le château en 1939
Le révisionnisme a également traduit le château de la ville de Potsdam, qui était pareillement en ruine à la suite de la guerre. Il avait été réalisé par Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff, mais Frédéric II de Prusse s’était empressé de mener d’importantes modifications, dans un sens rococo. Le bâtiment a été reconstruit avec un esprit de refonte dans les années 2010, dans un environnement lamentable pour servir de parlement régional.
Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff a également été l’architecte de l’église française de Potsdam (en fait c’est un temple protestant pour les émigrés français fuyant la répression religieuse), Karl Friedrich Schinkel terminant la coupole, en la rendant moins arrondie.
Cette église, de facture très rationaliste, se situait derrière l’opéra de Berlin construit par Georg Wenzeslaus von Knobelsdorff ; détruit pendant la seconde guerre mondiale, il a été reconstruit dans l’immédiate après-guerre par la République Démocratique Allemande, comme symbole justement de l’architecture d’esprit national.
« 13. La construction à plusieurs étages est plus économique que celle à un ou deux étages. Cela correspond aussi au caractère de la grande ville. »
Le treizième point est trop schématique et le révisionnisme s’est précipité sur cette faiblesse, en disant que les immeubles de béton, les plattenbaus, sont moins chers que des immeubles réellement travaillés, que par conséquent l’urbanisation consistait en la généralisation des plattenbaus afin de satisfaire aux besoins du logement, une autre voie n’étant pas possible.
Les panneaux préfabriqués (de type WBS 70, WHH GT 18/21, P2, etc.) furent présentés ici comme la solution idéale à la question de la construction de logements, à rebours de toute la démarche socialiste de la période 1950-1953.
Plattenbau à Hoyerswerda
Mais surtout, le problème tient au concept de « grande ville ». Le point implique qu’il faut une grande ville pour avoir des bâtiments de plus de deux étages, et inversement que des bâtiments de plus de deux étages impliquent une grande ville.
Il y a ici un manque, tenant à la non prise en considération de la ville comme ensemble, en prenant simplement un bâtiment de logement comme base exemplaire à systématiser, en ajoutant différents éléments culturels, sanitaires, économiques, etc. selon les besoins et les nécessités.
C’est « en fait tout le caractère de la grande ville » qui est à définir.
« 12. Transformer la ville en un jardin est impossible. Il va de soi que doit être pris en charge un verdissement suffisant. Mais le principe n’a pas à être renversé : en ville on vit de manière plus urbaine, en périphérie ou hors de la ville on vit de manière plus rurale. »
On a ici une question de la plus haute importance, et la solution proposée par les urbanistes de la RDA est de se fier aux tendances. La ville a une tendance à ce qui relève de la ville, la campagne à ce qui relève de la campagne, et cela suffirait en soi. C’est là un idéalisme, car cela rapproche non pas les contraires mais les similaires.
Il y a bien entendu une part de vérité à dire que le mode de vie reste différent à la ville et à la campagne, tant que ce n’est pas le communisme. C’est d’autant plus vrai dans un pays devant, à l’instar de la République Démocratique Allemande, réaffirmer une nation démocratique dans le cadre d’une reconstruction.
On a un symbole de cela avec l’opéra de Leipzig, construit en 1868 et détruit en décembre 1943 ; un premier concours pour sa reconstruction intervint en 1950, suivi en 1951 d’un concours pour l’ensemble de la place. C’est l’architecte polonais Piotr Biegański qui gagna le concours, son œuvre fut toutefois modifiée et le bâtiment fini en 1960 seulement.
Cette affirmation culturelle était essentielle, et on retrouve cela lorsque Staline disait qu’il fallait davantage de villes en URSS, car la ville correspond au développement de la culture.
Il se pose la question toutefois du rapport incontournable à la Nature et ici le révisionnisme a profité de la faille historique existant alors, en passant par la petite propriété présentée comme « encadrée » ou « utilisée ».
Lorsque Stalinstadt a été construite, il n’y avait pas seulement pas d’églises : il n’y avait pas non plus de jardins privés. On y trouvait par contre des terrains de production collective de fruits et de légumes.
Durant toute la période démocratique et populaire, la RDA chercha de manière cohérente à abolir le principe de jardin privé, pour ensuite le tolérer dans les années 1960, et même le promouvoir à partir du 9e congrès, en 1976, du Parti Socialiste de l’Unité devenu révisionniste.
En 1988, on comptait 13 millions d’adultes en RDA et il y avait alors 855 000 petits jardins privés, 2,6 millions petits jardins privés pour les week-ends, alors qu’il y avait 1,5 million d’adhérents à l’Union des jardiniers des petits jardins, des colons et des éleveurs de petits animaux.
Le régime révisionniste avait lui-même fourni les terrains pour ces petits jardins, afin de mettre en place une démarche petite-bourgeoise développant un capitalisme de basse intensité, parallèlement au capitalisme bureaucratique propre à une RDA devenue une colonie du social-impérialisme soviétique.
Le douzième point des 16 fondements de l’urbanisme apparaît donc plus comme un constat que comme une ligne programmatique, le révisionnisme liquidant de toutes façons tous les acquis pour promouvoir le capitalisme.
« 11. Déterminants pour des conditions de vie saines et calmes et pour l’apport de lumière et d’air sont non seulement la densité résidentielle et l’orientation, mais aussi le développement du trafic. »
Ce point est frappant, car le révisionnisme a après 1953 fait exactement le contraire avec ses plattenbau, ses cités de béton. Toutes les exigences du onzième point ont été abandonnées.
On peut également de manière intéressante se tourner vers le tableau que fait Friedrich Engels de Londres, en 1844, car il possède intrinsèquement des exigences qu’on retrouve dans le onzième point.
« Lorsqu’on a battu durant quelques jours le pavé des rues principales, qu’on s’est péniblement frayé un passage à travers la cohue, les files sans fin de voitures et de chariots, lorsqu’on a visité les « mauvais quartiers » de cette métropole, c’est alors seulement qu’on commence à remarquer que ces Londoniens ont dû sacrifier la meilleure part de leur qualité d’hommes, pour accomplir tous les miracles de la civilisation dont la ville regorge, que cent forces, qui sommeillaient en eux, sont restées inactives et ont été étouffées afin que seules quelques-unes puissent se développer plus largement et être multipliées en s’unissant avec celles des autres.
La cohue des rues a déjà, à elle seule, quelque chose de répugnant, qui révolte la nature humaine. Ces centaines de milliers de personnes, de tout état et de toutes classes, qui se pressent et se bousculent, ne sont-elles pas toutes des hommes possédant les mêmes qualités et capacités et le même intérêt dans la quête du bonheur ?
Et ne doivent-elles pas finalement quêter ce bonheur par les mêmes moyens et procédés ?
Et, pourtant, ces gens se croisent en courant, comme s’ils n’avaient rien de commun, rien à faire ensesimble, et pourtant la seule convention entre eux est l’accord tacite selon lequel chacun tient sur le trottoir sa droite, afin que les deux courants de la foule qui se croisent ne se fassent pas mutuellement obstacle; et pourtant, il ne vient à l’esprit de personne d’accorder à autrui ne fût-ce qu’un regard.
Cette indifférence brutale, cet isolement insensible de chaque individu au sein de ses intérêts particuliers, sont d’autant plus répugnants et blessants que le nombre de ces individus confinés dans cet espace réduit est plus grand.
Et même si nous savons que cet isolement de l’individu, cet égoïsme borné sont partout le principe fondamental de la société actuelle, ils ne se manifestent nulle part avec une impudence, une assurance si totales qu’ici, précisément, dans la cohue de la grande ville.
La désagrégation de l’humanité en monades, dont chacune a un principe de vie particulier et une fin particulière, cette atomisation du monde est poussée ici à l’extrême. »
« 10. Les zones résidentielles sont constituées de quartiers résidentiels, dont le noyau est constitué par les centres de quartier. En eux sont contenus tous les équipements culturels, d’approvisionnement et sociaux d’importance territoriale nécessaires à la population du quartier résidentiel.
Le deuxième maillon de la structure des zones résidentielles est le complexe résidentiel, qui est réuni par un ensemble de quartiers d’habitations réunis par un jardin aménagé pour plusieurs quartiers, d’écoles, de jardins d’enfants, de crèches et d’installations d’approvisionnement desservant les besoins quotidiens de la population.
La circulation urbaine peut ne pas être autorisée à l’intérieur de ces complexes d’habitation, mais ni les complexes d’habitation ni les quartiers d’habitation ne peuvent être des entités isolés repliés sur elles-mêmes.
Ils dépendent dans leur structure et leur planification de la structure et des exigences de la ville dans son ensemble.
Les quartiers d’habitations en tant que troisième maillon ont ici précisément principalement le sens de complexes dans la planification et la conception. »
On a ici un point qui présente le souci d’être relativement formel, au sens où même s’il se veut une synthèse, il ne fournit pas les aspects contradictoires du phénomène. On a pour résumer une lecture en trois couches : d’abord, un centre de quartier, autrement dit une sorte de centre de nature historique.
Ensuite, autour de ce centre historique, des zones surtout résidentielles, mais avec tout de même les services essentiels. Enfin, on a ce qui est autour du centre historique et des zones résidentielles, formant un troisième maillon qu’on doit considérer comme des « complexes » à gérer, sans plus de réelle précision.
C’est cohérent historiquement, car la République Démocratique Allemande connaissait alors les deux maillons, et pas le troisième ; la réponse à cette problématique étant qu’il fallait un développement harmonieux.
Mais le révisionnisme est intervenu précisément à ce niveau, proposant des cités de béton en périphérie comme solution la moins onéreuse et la plus rapide. Cette démarche ignoble a été systématisée avec un discours « moderniste » par le révisionnisme.
En République Démocratique Allemande, cela fut officialisé par une conférence les 28 et 29 janvier 1955, en présence du dirigeant du Parti Socialiste de l’Unité, Walter Ulbricht. La conférence reprit directement les principes révisionnistes dans l’urbanisme instaurés en URSS. Le Parti Socialiste de l’Unité appela ensuite en mars de la même année à une conférence pour « l’amélioration du travail » et 1800 délégués se rassemblèrent à Berlin du 3 au 6 avril 1955, pour adopter la résolution « Les tâches les plus importantes dans la construction », le mot d’ordre étant « Construire de manière meilleure, plus rapidement, moins cher ! ».
Parmi les « plattenbau », les résidences de béton construites par le révisionnisme, on a notamment Berlin-Hellersdorf, Berlin-Marzahn, Berlin-Neu-Hohenschönhausen, Halle-Neustadt, Halle-Silberhöhe, Hoyerswerda-Neustadt, Jena-Lobeda, Leipzig-Grünau, Rostock-Lütten Klein, etc.
Ces Plattenbau, notamment à Berlin, seront à partir de la chute du mur de Berlin des bastions de skinheads nazis instaurant une décennie d’ultra-violence.
« 9. Le visage de la ville, sa forme artistique individuelle, est déterminé par les places, les rues principales et les bâtiments dominants au centre de la ville (par les immeubles de grande hauteur dans les plus grandes villes).
Les places sont la base structurelle de la planification de la ville et de sa composition architecturale globale. »
On a un exemple significatif de l’insistance sur cette démarche avec la Deutsche Sporthalle, un bâtiment polyvalent, mais axé surtout sur le sport, établi sur l’Allée Staline en 1951 à l’occasion du Festival mondial de la jeunesse et des étudiants.
Son gymnase avait une superficie de 1000 m² et il pouvait accueillir 5 000 spectateurs ; il fut démoli en 1972 pour être remplacé par des barres d’habitation typiques de la RDA devenu révisionniste.
Les statues sont des copies d’œuvres de Andreas Schlüter (1660-1714), qui étaient auparavant au château de Berlin détruit par les bombardements alliés.
« 8. Le trafic doit desservir la ville et sa population. Il ne doit pas déchirer la ville et ne doit pas être une gêne pour la population.
Le trafic de transit est à éloigner du centre et du quartier central et acheminé en dehors de ses frontières ou dans une couronne extérieure autour de la ville.
Les installations de transport de marchandises par chemin de fer et voie navigable doivent également être tenues à l’écart du quartier central de la ville.
La désignation des artères principales doit tenir compte de la proximité et de la tranquillité des zones résidentielles.
Lors de la détermination de la largeur des routes principales, il convient de garder à l’esprit que pour le trafic urbain, ce n’est pas la largeur des routes principales qui est d’une importance cruciale, mais une solution des croisements qui réponde aux besoins du trafic. »
Il y a ici deux aspects très intéressants. Tout d’abord, une partie significative de ce huitième point concerne l’approvisionnement de la ville, ce qui correspond à la démarche de planification. Ensuite, il est souligné que la ville ne doit pas être « déchirée » par le trafic.
Pour ce dernier aspect, il faut se rappeler qu’on ne se trouve pas dans une situation où le traffic automobile est devenue de masse. Mais on peut même dire que la ville dont il est ici parlé ne correspond justement pas aux exigences d’un traffic automobile de masse.
En fait, le huitième point aborde les choses de manière humaniste et utilitaire, s’opposant donc à une ville qui serait façonné par le capitalisme et l’individualisme consommateur. Cependant, il n’anticipe pas la complexité de la situation future avec les besoins de la mobilité de masse.
Il y a ici un point extrêmement important, une source d’inspiration majeure, une référence, d’autant plus lisible avec le regard mature de l’humanité du 21e siècle.
« 7. Dans les villes situées sur un fleuve, l’une des artères principales et l’axe architectural est le fleuve avec ses berges. »
Cet aspect est difficile à étudier, en raison de la situation très difficile de l’après-guerre. L’exemple le plus marquant est celui de la ville de Francfort sur l’Oder. La ville est historiquement traversée par le fleuve Oder. Cependant, les accords de 1950, appelés Traité de Zgorzelec ou Traité de Görlitz, font de l’Oder la frontière entre la Pologne et la République Démocratique Allemande (la République Fédérale d’Allemagne ne l’acceptant qu’en 1990).
Par conséquent, une petite partie de la ville fut séparée et devint polonaise, sous le nom de Słubice. C’est même à Francfort que furent signés en 1952 officiellement les accords définitifs frontaliers issus du Traité de Zgorzelec.
Six autres villes se retrouvèrent dans la même situation : la toute petite ville de Bad Muskau avec Łęknica, la petite ville de Forst avec Zasieki, la ville moyenne de Görlitz avec Zgorzelice renommé en Zgorzelec, la petite ville de Guben avec Gubin, la petite ville de Zittau avec Porajów, la commune de Küstriner Vorland avec Kostrzyn.
Si l’on prend Francfort sur l’Oder et Görlitz, on n’avait qu’une périphérie sur la rive orientale, mais pour Gubin, c’était le contraire : tout le centre historique, la gare, les entreprises, les usines, étaient dans la partie orientale désormais polonaise.
Si on ajoute à cela les destructions – Francfort sur l’Oder et Gubin ont été massivement détruites à la fin de la guerre, les problèmes d’accès – les ponts entre les deux rives ont souvent été fait sautés par l’armée nazie, et la fuite ou le départ forcé des populations allemandes des rives orientales avec la polonisation de la rive orientale, on comprend qu’il était malaisé de parvenir à quelque chose de positif.
La ville se voyait coupée du fleuve, on a ici une rupture tellement importante dans l’histoire urbaine que, bien évidemment, il ne fut pas possible d’appliquer ce septième point des 16 fondements de l’urbanisme.
Cinquante villages furent d’ailleurs concernés, à moindre échelle, par la même problématique.
On peut noter d’autres aspects concernant la présence de cours d’eau, avec une signification historique pour les lieux concernés.
La ville de Gera par exemple, dont l’histoire commence en 995 environ, a subi une campagne de bombardement américaine à la fin de la guerre, 550 tonnes de bombes détruisant une large partie de la ville. Elle se situe au bord de l’Elter blanche, une rivière de 257 kilomètres de long. Une piscine publique avec espace vert fut rouverte en 1947 au bord de cette rivière, ce qui est un exemple positif ; elle fut fermée et détruite en 2005.
Un exemple particulièrement négatif se trouve à Potsdam, où le révisionnisme provoqua de terribles dégâts. La ville se trouve au bord de la rivière Havel, un affluent de l’Elbe. Il y avait un vaste canal traversant la ville, qui malheureusement se retrouva encombré de débris en raison de la guerre. En 1952, les berges furent réparés et la restauration des statues s’y trouvant commença, mais le révisionnisme en 1962 décida de supprimer le canal. Une partie du canal fut rétablie dans les années 1990.
« 6. A la base de la planification urbaine doivent se trouver le principe de l’organique et la prise en considération de la structure historiquement produite de la ville lorsque ses défauts sont éliminés. »
On a une illustration de ce que les 16 fondements impliquent concernant ce point avec les constructions le long de la partie sud-est de l’anneau de Leipzig. Commencées en 1953 (et terminées en tant que tel en 1955), elles représentent l’expression de l’architecture socialiste dans le cadre des traditions nationales allemandes.
Cet anneau de 3,6 km qui entoure la vieille ville de Leipzig consiste en fait à l’emplacement des murs la protégeant auparavant, leur démolition dans la seconde partie du 18e siècle permettant à cet endroit de devenir un lieu de promenade avec des allées plantées, établissant le premier parc paysager municipal en Allemagne.
On est ici plus précisément sur la Roßplatz (la place du cheval, en raison d’un marché aux chevaux au 17e siècle). Une maison d’édition de cette place d’un peu plus de 400 mètres de long fut la première à éditer Le capital de Karl Marx. Les nombreux bâtiments historiques de la place furent tous détruits en 1943 lors des bombardements alliés.
Les constructions les remplaçant consistent en des bâtiments de sept à neuf étages, encadrés par deux bâtiments faisant office de tour, avec au centre le plus grand café du pays, le Café Ring, ave 800 places. Les bâtiments forment un ensemble qui se situe à 40 mètres des routes de l’anneau.
La fontaine se trouvait un peu plus loin sur l’anneau initialement ; datant de 1906 et payé par des Allemands émigrés, elle fait référence à la première version du Faust de l’écrivain national allemand, Goethe.
On a ici un défaut réparé et dont la réalité est récupérée pour une amélioration historique de la ville. Mais il va de soi qu’il fallait un organisme pour être capable de saisir le principe organique d’une ville. C’est le sens de la mise en place en janvier 1951 de l’Académie allemande du bâtiment.
Cette Académie est le produit de la fusion de l’Institut du bâtiment de l’Académie berlinoise des sciences dirigé par Hans Scharoun et de l’Institut pour la construction des villes et des bâtiments du ministère de la construction de la République Démocratique Allemande.
Hans Scharoun, une figure majeure de l’architecture allemande, se focalisait justement sur la question de l’architecture « organique », c’est-à-dire intégrant son environnement et son intérieur sous la forme d’un « système » – ce qui aboutit tendanciellement soit à une dérive esthétisante à prétention sculpturale soit à une froideur massive de type géométrique. Il mènera une importante carrière en Allemagne de l’Ouest par la suite.
L’Académie allemande du bâtiment avait comme président Kurt Liebknecht, un architecte ayant passé 15 ans en URSS, petit-fils d’une des principales figures sociale-démocrates, Wilhelm Liebknecht, et neveu de Karl Liebknecht, asassiné en 1919 avec Rosa Luxembourg lors de l’échec de l’insurrection spartakiste.
Son rôle n’était pas simplement de conseiller, mais de proposer des conceptions devant servir de normes. Dans ce cadre, sur le modèle soviétique, l’Académie s’appuyait sur cinq instituts de recherche :
– théorie et histoire de l’art du bâtiment ;
– construction des villes et planification des campagnes ;
– construction des immeubles et de l’industrie ;
– technique et science de la construction ;
– architecture d’intérieur.
Un aspect à noter fut la tentative, sous l’égide de Hermann Henselmann, Hanns Hopp et Richard Paulick, d’instaurer des « Meisterwerkstätte » soit les « ateliers de maîtres », ayant comme but des oeuvres majeures devant marquer les esprits pour pousser l’ensemble de l’architecture dans une certaine direction. Ces « Meisterwerkstätte » profitaient d’un personnel de 359 personnes, contre 232 personnes pour les instituts.
Cependant, à la fin de l’année 1952, ce projet fut abandonné et remplacé par trois nouveaux instituts :
– construction des logements ;
– architecture des constructions à la campagne ;
– développement des générations futures.
Avec la victoire du révisionnisme, l’Académie perdit toutefois toute signification autre qu’intellectuelle théorique – académique dès le milieu des années 1950.
« 5. La croissance de la ville doit être subordonnée au principe de fonctionnalité et se maintenir dans certaines limites.
Une croissance excessive de la ville, de sa population et de sa surface conduit à des intrications de sa structure difficiles à résoudre, des intrications dans l’organisation de la vie culturelle et des soins quotidiens de la population et des intrications techniques au niveau de l’entreprise à la fois dans l’activité et dans le développement ultérieur de l’industrie. »
Ce point amène à se tourner vers un aspect très important de l’organisation de la République Démocratique Allemande. De par sa nature démocratique et populaire, la RDA de l’immédiate après-guerre et jusqu’en 1953 se considérait comme une composante seulement de la nation allemande, et partant de là comme jouant un rôle moteur pour pousser la nation allemande dans son ensemble dans le bon sens.
C’est pourquoi la RDA a supprimé le régionalisme allemand jouant un rôle si majeur sur le plan des idées et de la culture, avec le provincialisme, l’isolement local, les élites populistes maintenant leur joug territorial, etc. Il faut ici bien saisir que chaque région a son propre gouvernement, ses propres lois, etc.
En juillet 1952, la RDA supprima ainsi les cinq régions composant la partie orientale de l’Allemagne, instaurant à la place 14 arrondissements, dans le cadre de la Loi sur l’avancée de la démocratisation de la construction et du style de travail des organes étatiques dans les régions de la République Démocratique Allemande.
Le Mecklenbourg (en bleu) et le Brandebourg (en rouge),la Saxe-Anhalt (en jaune) et la Saxe (en vert), la Thuringe (en bleu) (wikipédia)
Chaque arrondissement disposait d’une ville principale ; il s’agit de Schwerin, Potsdam, Halle, Dresde, Erfurt, Chemnitz (renommé en Karl-Marx-Stadt), Leipzig, Rostock, Magdebourg, Gera, Cottbus, Francfort sur l’Oder, Neubrandenbourg, Suhl.
Certaines villes étaient également déjà des centres industriels : Dresde, Chemnitz (renommé en Karl-Marx-Stadt), Leipzig, Magdebourg et Rostock ; les autres centres industriels ne formant pas une ville principale d’un arrondissement étaient Dessau, Wismar et Nordhausen.
Cette réorganisation permit à la RDA de disposer un équilibre fondamental dans son développement, empêchant qu’une ville prenne le dessus et connaisse un développement déséquilibré. La ville principale de chaque arrondissement connaissait naturellement un développement plus prononcé que les villes immédiatement voisines, mais au niveau des arrondissements un équilibre était maintenu, ce qui joue d’ailleurs encore jusqu’aux années 2020, alors que les arrondissements ont été dissous avec la réunification allemande de 1990, et les régions rétablies.
Voici comment la loi du 23 juillet 1952 explique justement la suppression des régions avec gouvernements, au profit des arrondissements :
« Les tâches de l’avancée du développement démocratique et économique de la République Démocratique Allemande exigent le rapprochement le plus prononcé possible des organes du pouvoir d’État avec la population et une plus large implication des travailleurs dans la gestion de l’État.
Le système de division administrative en Länder [régions-Etats] avec leurs propres gouvernements au niveau Land ainsi qu’en grands districts, qui provient encore de l’Allemagne impériale, ne garantit pas la solution des nouvelles tâches de notre État.
L’Etat de l’ancienne Allemagne n’avait rien à voir avec la direction de l’économie, puisque les usines, les ateliers et les mines tout comme les banques appartenaient à de grands capitalistes individuels, qui tiraient profit de l’exploitation des travailleurs.
Le nouvel État, véritablement démocratique, de la République démocratique allemande, qui a mis fin aux grands exploiteurs capitalistes, dirige également en tant que missionné par le peuple l’économie, qui est passé au stade de propriété nationale et sert les intérêts du peuple.
Le vieil État allemand des grands capitalistes et des grands propriétaires terriens, qui s’est consciemment séparé du peuple laborieux, s’est efforcé de tenir le peuple à l’écart de la politique et de l’exclure de la participation quotidienne aux affaires de l’État.
Le nouvel État socialiste de la République Démocratique Allemande ne constituera inversement une force insurmontable que s’il est proche du peuple travailleur, s’il implique les travailleurs dans la politique et s’il entraîne le peuple dans une participation constante, systématique, active et décisive à la gestion de l’État.
Pour cette raison, l’ancien découpage administratif, même avec les changements apportés après 1945, est maintenant devenu une entrave au nouveau développement. Les organes locaux du pouvoir d’État doivent ainsi être réorganisés de manière à ce que l’appareil d’État ait la possibilité d’exécuter sans faille la volonté des travailleurs, exprimée dans les lois de la République Démocratique Allemande, et, sur la base de la initiative des masses, de mener et réaliser une politique du peuple travailleur.
Le domaine territoriale d’activité des organes locaux du pouvoir d’Etat doit donc être déterminé de manière à ce que ces organes puissent pleinement réaliser la direction de la construction économique et culturelle. L’orientation et le contrôle efficaces des organes inférieurs par les organes supérieurs ainsi que par le peuple lui-même doivent être assurés. C’est par là que notre État sortira renforcé, lui qui est l’un des outils les plus importants pour construire le socialisme dans notre pays. »
« 4. Dans la capitale, l’importance de l’industrie comme un facteur urbain se place derrière l’importance des organes administratifs et des sites culturels. La détermination et la confirmation des facteurs de formation urbaine sont exclusivement la question du gouvernement. »
Il existe à Berlin une très vaste avenue, de 2,6 km de long et 89 mètres de large ; elle s’est dénommée successivement Frankfurter Chaussee, Große Frankfurter Straße, Frankfurter Allee, Stalinallee, Karl-Marx-Allee. Ce dernier nom fut imposé par le révisionnisme en 1961 et conservé après la réunification.
Dès le milieu des années 1950, la Stalinallee fut organisée dans un sens négatif, comme par ailleurs juste au lendemain de la seconde guerre mondiale. La carte suivante de l’avenue montre les trois étapes bien distinctes au niveau architectural. En bleu on a la démarche moderniste dans l’esprit formaliste – utilitaire à l’origine (1949-1951), en rouge on a la construction dans l’esprit socialiste (s’étalant ici malgré le retournement jusqu’en 1958 grosso modo), en vert on la démarche moderniste cosmopolite commencée à la fin des années 1950.
Source wikipédiaProgramme de construction nationale, Berlin La Stalinallee est la première pierre de la construction du socialisme dans la capitale de l’Allemagne. Walter UlbrichtSource wikipédia
La Stalinallee prit son nom à l’occasion du 70e anniversaire de Staline, prétexte à une grande manifestation et la pose de la première pierre d’un ensemble de 1900 logements sur 28,4 hectares.
Dès la fin des années 1950 toutefois, la Stalinallee est dégradée en version est-berlinoise des Champs-Elysées, avec de multiples lieux de consommation prenant comme prétexte les autres pays de l’Est européen (Restaurant Warschau, Budapest, Bukarest…).
Sur la photo suivante, on voit la visite en 1954 du ministre chinois des Affaires étrangères Chou En-lai, à droite on a le maire de Berlin (Est) Friedrich Ebert junior, avec derrière lui le responsable municipal de l’architecture, Hermann Henselmann.
Sur la photo suivante, on a la pose de la première pierre d’un bâtiment de logements à Berlin sur la Stalinallee, dans le cadre de la mise en place du programme de construction nationale, le 3 février 1952, jour anniversaire d’un bombardement américain contre la population civile par un millier d’avions bombardiers en 1945.
Celui qui fait le discours est Friedrich Ebert junior, maire de Berlin (Est), dont le père Friedrich Ebert était le dirigeant socialiste du gouvernement écrasant dans le sang les spartakistes autour de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht en 1918.
« 3. Les villes « en soi » ne surviennent pas et n’existent pas. Les villes sont dans une large mesure construites par l’industrie pour l’industrie.
La croissance de la ville, le nombre d’habitants et la surface sont déterminées par les facteurs de formation urbaine, c’est-à-dire par l’industrie, les organes administratifs et les sites culturels, dans la mesure où ils ont une importance plus qu’une importance locale. »
On a ici l’exemple d’une ville générée de nature historique avec Stalinstadt. Tout part d’une décision du Parti Socialiste de l’Unité lors de son troisième congrès, en juillet 1950. Dans le cadre du premier plan quinquennal mis en place, il fut considéré comme nécessaire l’établissement d’une usine sidérurgique, l’Eisenhüttenkombinat Ost, dans la subdivision régionale de Fürstenberg, à la frontière avec la Pologne.
La ville construite à cette occasion devait se dénommer Karl Marx, mais Staline décéda peu avant son officialisation comme ville nouvelle et elle prit alors le nom de Stalinstadt.
Le dirigeant du Parti Socialiste de l’Unité Walter Ulbricht, le responsable de la délégation soviétique Vassili Iefanov, l’ambassadeur soviétique Ivan Ilyitchev à l’inauguration de Stalinstadt
Or, comme on le sait, dès la mort de Staline, le révisionnisme l’emportait et cela modifia toute la donne, très rapidement, alors que des erreurs commises au départ avaient été corrigées.
Initialement, c’est l’architecte Otto Geiler qui fut à l’œuvre, mais il se fit critiquer pour son approche moderniste, avec des logements trop étroits, trop stériles dans leur apparence, avec à l’arrière-plan l’influence du Bauhaus. Sur le fond, son approche était fonctionnaliste et cette démarche sans cœur ni esprit révolta les travailleurs.
C’est là qu’intervint Kurt Walter Leucht. S’il était devenu adhérent du parti nazi en mai 1933 et avait été actif comme architecte pour l’aviation militaire allemande, il s’inscrivit pleinement dans la reconstruction démocratique de l’Allemagne, proposant notamment des projets pour la ville de Dresde, terriblement détruite.
Stalinstadt : le projet de Kurt Walter LeuchtStalinstadt : le projet de Kurt Walter Leucht
C’est Kurt Walter Leucht qui fut au cœur des 16 fondements, écrit lors de son voyage en URSS avec d’autres responsables de l’architecture pour d’intenses discussions. Le projet de Stalinstadt illustre ici bien le troisième point des 16 fondements, avec une ville « par l’industrie pour l’industrie », avec l’avantage d’être une ville nouvelle, pouvant répondre directement aux attentes, même si cela impliquait que tout était à faire.
Dès avril 1953, Kurt Walter Leucht fut cependant mis de côté par le révisionnisme, le projet de Stalinstadt étant remodelé en 1954, Kurt Walter Leucht devenant à partir de 1955 un simple conseille architectural à Dresde.
Seule une courte période de la construction de Stalinstadt relève ainsi du socialisme.
Logements à StalinstadtLogements à StalinstadtL’hôpital de Stalinstadt (wikipédia)Maison des partis et des organisations de masse à Stalinstadt (wikipédia)Jardin d’enfants à Stalinstadt (wikipédia) Théâtre Friedrich Wolf à Stalinstadt (wikipédia)
Café Der Aktivist à StalinstadtCafé Der Aktivist à Stalinstadt (wikipédia)Une école à Stalinstadt (wikipédia)Habitations à Stalinstadt
L’usine sidérurgique était en périphérie de la ville, avec comme modèle celle de Magnitogorsk en URSS. Stalinstadt passa de 2 400 habitants en 1952 à 15 150 en 1955, et devait servir de ville modèle de l’Allemagne démocratique, en tant que ville socialiste, sans églises ni propriété privée. Le révisionnisme anéanti le projet en cours.
Stalinstadt, la première ville socialiste d’Allemagne
« 2. L’objectif de l’urbanisme est la satisfaction harmonieuse des demandes humaines de travail, de logement, de la culture et de repos.
Les principes des méthodes de l’urbanisme reposent sur les conditions naturelles, sur les fondements sociaux et économiques de l’État, sur les réalisations les plus élevées de la science, de la technologie et de l’art, sur les nécessités de l’existence de l’économie et l’utilisation des éléments avancés du patrimoine culturel du peuple. »
Il est très intéressant ici de voir que le point de vue est éminemment social et démocratique, mais qu’il ne parvient à arriver à la question de la Nature, se focalisant sur la « science, la technologie et l’art » comme point culminant des réalisations humains avec comme arrière-plan l’économie.
C’est là une erreur substantielle, qui a permis au révisionnisme d’intervenir ici en prétextant être capable de développer au mieux les forces productives et rejetant le « positionnisme » idéologique propre aux communistes authentiques.
Néanmoins, il faut souligner la dimension affirmative de la science, de la technologie et de l’art, afin de réaliser une humanité protagoniste en ces domaines. Les Maisons de la culture forment ici des bâtiments correspondant à cette exigence d’affirmation et de participation. Leur mise en place relève d’une affirmation idéologique aux immenses conséquences pratiques.
Voici la Maison de la culture à Magdebourg (1951).
Voici la Maison de la culture Martin Andersen Nexö à Rüdersdorf, qui existe toujours et dont la réussite architecturale impressionne même aujourd’hui les commentateurs bourgeois. Le bâtiment fut inauguré en 1956, en présence de la veuve de Martin Andersen Nexö.
Voici la Maison de la culture à Aue, dont la construction date de 1953-1958.
Le Palais de la culture à Chemnitz (Karl Marx Stadt à partir de 1953) ouvrit ses portes en 1951, avec une grande salle de 900 places, une petite salle pour la danse, une bibliothèque, un restaurant, un café, une chambre pour les femmes, une chambre pour les enfants, une chambre pour des billards. Le révisionnisme stoppa l’utilisation du bâtiment en 1967, pour le transformer en studios de télévision ; au début des années 2020, il fut décidé de le privatiser sous la forme d’appartements luxueux.
Voici la Maison de la culture à Böhlen (1949-1952)
Voici le palais de la culture à Murchin, désormais une discothèque (« Hyperdome ») ; sur le côté gauche des bas-reliefs montrent le travail des paysans pour les quatre saisons.