Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • La peinture des ambulants russes et le rôle de Vassili Perov

    Il serait erroné de penser que l’académie et l’association formaient deux blocs absolument distincts, en confrontation unilatérale. En effet, le régime russe était autocratique, mais la monarchie absolue tentait de trouver un chemin. Cela fait qu’au sein de l’académie, il existait une contradiction entre les forces rigoureusement féodales et conservatrices, et celles partisanes de la monarchie absolue et donc de la modernisation.

    L’une des figures clefs qui témoigne de ce conflit est le peintre Vassili Perov (1834-1882). Rentré à l’académie en 1853, il va avoir une carrière pratiquement exemplaire au sein de celle-ci, tout en étant indubitablement un titan du réalisme.

    Il obtient ainsi une médaille d’argent dès 1856, pour l’esquisse d’une tête de garçon ; il obtient la même récompense en 1858 pour le tableau L’Arrivée du chef de la stanitza pour l’enquête, dont le réalisme et l’engagement en faveur du peuple est indubitable.

    Par la suite, il obtient deux médailles d’or en 1860, pour La Scène sur la tombe, Le Fils du sacristain promu au premier grade de la Table des rangs, et une nouvelle en 1861 pour le tableau Le Sermon dans le village. Voici les œuvres, qui sont caractéristiques du réalisme russe. Le premier tableau décrit la misère du peuple et comment la religion n’est véritablement qu’une vaine tentative de consolation.

    Le second montre la vanité, en l’occurrence d’avancer au premier rang d’un vaste système pratiquement de castes. Le troisième montre les différences de classe dans l’église, avec les pauvres qui sont pieux, alors que le riche s’endort et que sa femme écoute ce que lui raconte celui qu’on devine être son amant.

    La Scène sur la tombe
    Le Fils du sacristain promu au premier grade de la Table des rang
    Le Sermon dans le village

    Ces œuvres sont évidemment agressives pour le régime, et pourtant Vassili Perov a pu faire carrière à l’académie. Ses autres œuvres sont dans la même perspective ; voici Repas au monastère, de 1876 ; qui présente de manière particulièrement offensive l’honteuse démarche des prêtres orthodoxes et des classes dominantes.

    Les humbles, les pauvres, sont ici présentés comme l’aspect principal d’une société injuste, de type aristocratique-féodale.

    Repas au monastère

    La procession de Pâques (1861) est également un tableau fameux de Perov, avec une présentation exemplaire et typique du peuple. Encore une fois, la religion est présentée comme un refuge, avec une incapacité de celle-ci d’être à la hauteur, montrant son caractère vain.

    La procession de Pâques

    Deux autres œuvres témoignent directement de l’incroyable maîtrise réaliste de Vassili Perov. Le réalisme, ce n’est pas qu’un portrait : c’est un portrait typique.

    Dans le tableau suivant, Troïka (1866), il est vrai que Vassili Perov force le trait de l’expression, mais c’est justement pour souligner la dimension typique. L’opposition entre les enfants, accompagné du chien fidèle, avec les adultes à l’arrière-plan souffrant, disparaissant pratiquement dans le brouillard, est d’un contraste saisissant.

    Troïka

    On retrouve le chien fidèle et agressif car protecteur dans Le dernier adieu, terrible tableau de 1865, où le cheval ploie sous la difficulté, autant que l’adulte – une femme – alors qu’un enfant s’agrippe à un cercueil – celui du mari-, le second enfant apparaissant comme malade.

    C’est là un portrait qui dépasse ce qu’on voit, le particulier, pour atteindre le général. C’est toute une société qu’on lit dans ce tableau.

     Le dernier adieu

    Vassili Perov a une capacité certaine à présenter les situations typiques, dans toute leur densité, leur profondeur, tout en ajoutant un élément de noire ironie, un petit détachement qui permet de contribuer à l’esprit de dénonciation d’un certain type de situation. C’est particulièrement frappant avec La nouvelle gouvernante, tableau de 1866.

    La nouvelle gouvernante

    Vassili Perov n’a pas hésite à présenter des situations typiques de la vie du peuple. Il prend des situations précises, qu’il présente dans toute leur dignité, la dignité du réel. Voici La queue au réservoir et La dernière taverne à la porte de la ville.

     La queue au réservoir
    La dernière taverne à la porte de la ville.

    Dans certains cas, Vassili Perov souligne davantage le caractère jovial du peuple, plutôt que son activité lui-même. On présente ici le peuple plus pour ce qu’il est que pour ce qu’il fait. Voici Sur la voie ferréeLes chasseurs se reposent, ainsi que L’oiseleur. On y retrouve une forme de bonhomie, une certaine vision des rapports intimes, tout un style populaire.

    Sur la voie ferrée
     Les chasseurs se reposent
    L’oiseleur

    Il est d’autant plus frappant que Vassili Perov ait pu faire un parcours dans l’académie, alors qu’il se situait aux premières loges du réalisme. Voici son portrait du dramaturge réaliste russe Alexandre Ostrovski, qui est pas moins que le fondateur du théâtre national dans son pays.

    Suivent le portrait du très célèbre écrivain Fiodor Dostoïevski, et celui de Vladimir Dahl, qui a compilé 30 000 proverbes et dictons russes dans son Dictionnaire raisonné du russe vivant.

    Alexandre Ostrovski
    Fiodor Dostoïevski
    Vladimir Dahl

    L’État finança même en 1862 un voyage à Vassili Perov, dans différentes villes allemandes et à Paris.

    Voici des tableaux présentant un aspect de Paris. Il est à noter ici que c’est Vassili Perov lui-même qui demande à rentrer plus tôt en Russie :

    « Le manque de connaissance du caractère et de la vie morale du peuple me rend impossible le fait de terminer une quelconque de mes œuvres. »

    Malgré son positionnement, Vassili Perov enseigna même à l’académie de 1871 à à sa mort 1882, alors que dans la seconde moitié des années 1860 il avait rejoint l’association des itinérants. Il servit donc d’agent catalyseur au sein même de l’académie, pavant la voie au triomphe général des peintes itinérants (ou ambulantes). Le réalisme, en tant que vecteur du progrès, avançait culturellement et idéologiquement, s’affrontant avec le féodalisme.

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  • La peinture des ambulants russes, représentations typiques et collectives

    La bataille pour le réalisme n’existe pas qu’entre les courants ; les peintres eux-mêmes oscillent entre deux choix. Victor Vasnétsov (1848-1926), par exemple, fit de la peinture de genre, comme Le Départ de la maison, en 1876, ou encore La préférence, en 1879, avant de basculer ouvertement dans une peinture épique se fondant sur les contes et légendes.

    Toute autre fut la démarche de Nikolaï Kassatkine (1859-1930), qui fut fidèle à l’esprit des ambulants et rejoignit ensuite la cause soviétique, étant par ailleurs nommé Artiste du peuple. Lors de ses études à l’académie, il fut un disciple de Vassili Perov, rejoignant en 1890 les expositions itinérantes. Par la suite il enseigna à l’académie et fut profondément marqué par la révolution de 1905.

    Voici Les orphelins, Ramassage du charbon par les pauvres à la décharge de la mine, de 1894, Qui ? de 1897, Dans une famille ouvrière de 1890 et Dans le couloir du jugement du district, 1897.

    Voici également L’ouvrier combattant, de 1905.

    Certaines œuvres de Vassili Sourikov (1848-1916) sont très connus, ce peintre ayant réussi le premier à représenter le peuple dans une fresque historique, en lui accordant le premier rôle.

    Vassili Sourikov appartint aux ambulants à partir de 1881, après avoir étudié à l’académie de 1869 à 1875 ; réussit à placer une grande intensité dans ses œuvres, la dimension conflictuelle ressort de manière saisissante. Ses tableaux arrivent à représenter de manière typique le mouvement collectif, à travers un grand esprit de synthèse. Il faut absolument voir ces œuvres en grande taille pour saisir la force de leur détail, pour avoir une vue d’ensemble correct.

    Voici La Prise de la forteresse de neige, de 1891. La scène présente une bataille de neige lors de l’équivalent orthodoxe du mardi-gras : une forteresse de neige est bâtie, une équipe la défend et une autre doit la prendre.

    Voici deux tableaux où la critique de l’autocratie est patente. 

    La Boyarine Morozova (1887) représente Feodosia Morozova, adepte du mouvement des vieux-croyants refusant les changements dans la religion orthodoxe effectué par l’État central au XVIIe siècle, alors qu’elle est arrêtée.

    On la voit lever la main en faisant l’ancien signe, avec les deux doigts et non trois comme nouvellement instaurés ; on remarquera que, dans l’abattement général, seul l’ascète, à droite, répond par le même signe, alors qu’à ses côtés une jeune femme baisse la tête et une vieille mendiante donne tout son respect.

    C’est là la conscience du peuple, qui respecte et ose s’exprimer, face à la terreur.

    Le Matin de l’exécution des Streltsy présente la situation de ces troupes à la suite de l’échec de leur révolte de 1698 contre l’État central. On voit ces soldats, avec leur famille éplorée, avant l’exécution. Leur fierté est ostensible, tout autant que la dimension terriblement pathétique et collective, en plein centre de Moscou.

    Le tableau suivant est intitulé La Conquête de la Sibérie par Ermak et date de 1895. Il présente l’affrontement avec les tatares pour l’élargissement historique de la Russie à l’est.

    Voici également un tableau de 1899, intitulé La Marche de Souvorov à travers les Alpes et dont la dimension épique se combine avec l’humour. On y voit, de manière stylisée, la traversée des Alpes par l’armée russe en 1799, dans le cadre des batailles napoléoniennes.

    Vassili Sourikov est un excellent exemple de peintre ambulant reconnaissant toute son importance à la question historique et voici un dernier exemple très pertinent, puisque datant de 1906, l’année suivant la révolution de 1905. Stepan Razine présente ce dirigeant cosaque qui organisa une grande révolte contre l’autocratie, au XVIIe siècle, manquant de faire s’effondrer le régime et devenant un personnage de folklore.

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  • La peinture des ambulants russes: reconnaissance sociale, contraste social

    Grigori Miassoïédov (1834-1911) étudia de 1853 à 1862 à l’académie, puis joua un rôle éminent au sein des ambulants, en tant qu’animateur et organisateur. Ses peintures concernant la paysannerie font de lui un véritable maître du genre.

    Voici un tableau de 1872 intitulé Le Zemstvo déjeune.

    Il s’agit de membres d’un organe administratif  paysan, où l’autogestion sert bien sûr de relais aux classes dominantes. Celles-ci sont symbolisées sur ce tableau par l’intermédiaire d’une personne faisant la vaisselle, que l’on voit par la fenêtre, alors que les paysans n’ont pas d’endroit pour manger, à part la rue elle-même. Le contraste de classe est ici présenté non pas de manière abstraite, mais dans un portrait allant au typique.

    Le Zemstvo déjeune

    La Lecture du manifeste du 19 février 1861, tableau de 1873, montre des paysans – souvent illettrés – en train de lire le document d’abolition du servage, promu par Alexandre II.

    Ce dernier avait compris que la Russie féodale – 60 millions d’habitants alors dont 50 millions de paysans – courait à la défaite, comme en témoignait la défaite en Crimée de son père Nicolas Ier. L’abolition du servage fut une tentative de modernisation, dans le cadre d’une élaboration d’une monarchie absolue.

     Lecture du manifeste du 19 février 1861

    Les Faucheurs, tableau de 1887, s’inscrivent dans ce cadre de la reconnaissance démocratique de la paysannerie, contre les classes dominantes. Le travail en lui-même se voit reconnu une valeur, dans l’esprit de la bourgeoisie, mais là ce sont les masses elles-mêmes qui sont valorisées.

    Faucheurs

    Le Sentier dans un champ de seigle, de 1881, témoigne qu’au travail s’ajoute toujours chez les ambulants la reconnaissance de la nature, non pas simplement comme paysage (comme en France), mais bien comme cadre de la vie nationale, comme pays.

    Le Sentier dans un champ de seigle

    Voici une œuvre très intéressante également, où Grigori Miassoïédov montre le rapport des paysans aux propriétaires, avec Les jeunes mariés chez le propriétaire terrien, de 1861.

    Les jeunes mariés chez le propriétaire terrien

    En fait, avec les ambulants, tous les aspects de la vie pouvaient être représenter, du moment qu’ils étaient ancrés dans le réel, avec une dimension typique et dans le respect de la dignité de ce qui est représenté. Nikolaï Bogdanov-Belski (1868-1945), qui passa par l’académie puis participa aux expositions itinérantes, avant de rejoindre la Société des ambulants en 1895, s’intéressa notamment particulièrement à l’école.

    Voici Calcul mental à l’école populaire de S. A. Ratchinski et Dimanche de lecture dans une école rurale, deux tableaux de 1895, suivis de Au seuil de la classe de 1897.

    Calcul mental à l’école populaire de S. A. Ratchinski
     Dimanche de lecture dans une école rurale
    Au seuil de la classe

    Venant d’une famille de paysans, Abram Arkhipov (1862-1930) étudia à l’académie de 1877 à 1883, puis en 1886-1887, étudiant aux Beaux-Arts entretemps. Il participe à partir de 1889 aux expositions itinérantes et rejoignit les ambulants en 1891, devenant en 1894 enseignant à l’académie.

    Son niveau fut indubitablement très grand et il fut l’un des tout premiers peintres à recevoir de la Russie socialiste le titre d’Artiste du peuple ; lui-même continua d’enseigner dans les structures soviétiques moscovites, l’Ateliers supérieurs d’art et de techniques de Moscou (Vkhoutemas), puis l’Association des artistes de la Russie révolutionnaire (AkhRR).

    Voici Sur l’Oka, de 1889, Après le dégel en attendant le bateau et Radonitsa avant la liturgie, de 1892.

    Sur l’Oka
    Après le dégel en attendant le bateau
    Radonitsa avant la liturgie

    Voici également de lui, Les blanchisseuses, de 1890.

    Les blanchisseuses

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  • La peinture des ambulants russes et la société des expositions itinérantes

    L’artel avait réussi à promouvoir une indépendance des artistes réalistes par rapport à l’autocratie.

    Le terme le plus exact serait ici celui d’autonomie ; l’artel avait d’ailleurs comme pratique de mener des réunions tous les jeudis, pour échanger sur la situation sociale, les questions artistiques.

    Il est significatif d’ailleurs que l’artel refusait ce qui apparaissait comme décadent – comme le jeu de cartes – pour privilégier des jeux candides, comme le colin maillard. Les artistes étaient tournés vers le peuple, vers sa réalité, et à ce titre l’artel participa à une exposition à Nijni Novgorod, dans sa volonté de diffuser sa manière de voir les choses.

    Constantin Makovski, Baiser rituel

    Une conception aussi puissante ne pouvait qu’avancer, malgré les détours. Aussi, une nouvelle association d’entraide apparut, en 1870, fondée par Ivan Kramskoï, avec Grigori Miassoïédov, Vassili Pérov et Nikolaï Gay.

    L’idée était brillante : les expositions collectives qui se tinrent chaque année à Saint-Pétersbourg et Moscou, à partir de 1871, étaient réitérées dans les autres villes importantes : Kiev et Kharkov tout d’abord, puis ensuite des villes comme Tula, Saratov, Yaroslav, Poltava, Koursk, Kichinev, Odessa, Astrakhan, Kazan, Elizavetgrad, Vilna, Varsovie. Les œuvres peintres devaient l’être spécifiquement pour une exposition.

    Constantin Makovski, Noce dans une famille boyarde, 1883

    Dans cette logique les peintres assumèrent comme identité le terme « itinérants », en russe « pérédvijniki », qu’on traduit également par « ambulants ». La société des expositions itinérantes exista alors de 1870 à 1923, réalisant 48 expositions itinérantes au total.

    Le succès fut énorme. A l’opposé de l’artel, né d’un coup de force des quatorze à l’académie, cette fois les peintres étaient connus, leur conception limpide, leur initiative parfaitement lisible. L’organisation était beaucoup plus rodée : on ne pouvait rejoindre l’association qu’à l’issue d’un vote une fois l’an, avec présentation d’une œuvre.

    Constantin Makovski, [Le marchand Kuzma] Minin sur la place de Nizhny Novgorod, appelant les gens à faire un don [afin de former des milices patriotiques], 1896

    Le mouvement semblait même tellement irrésistible que l’académie dut tenter de converger avec la société des expositions itinérantes, avec les ambulants. La première exposition de la société eut ainsi lieu à l’académie elle-même, avec 46 tableaux. Ce n’était qu’une petite concession, les expositions de l’académie présentant 300-400 œuvres.

    Hors de question par contre pour l’académie d’accepter que les itinérants (ou ambulants) choisissent leurs propres œuvres et les présentent en toute indépendance à l’exposition universelle de Londres de 1873 ou à l’exposition panrusse art-industrie de 1880 à Moscou.

    Lors de cette dernière exposition, l’académie fit exprès de disperser les 100 œuvres des itinérants parmi 428 exemples d’art officiel, avec es thèmes religieux, classiques, méditerranéens. Les responsables d’entreprises de Moscou répondirent alors en publiant à leurs frais un catalogue des œuvres itinérantes, y compris avec des œuvres polémiques, notamment d’esprit anti-clérical.

    Constantin Makovski, Sous la couronne [du mariage]

    L’académie fit même en sorte par la suite, en 1885, de concurrencer les expositions itinérantes, avec des expositions concurrentes organisées par ses soins, à des tarifs moins élevés que ceux de l’association. L’impact culturel des itinérants sur les provinces restait toutefois très important, de par l’esprit du progrès qu’ils exprimaient.

    A Kiev, Mykola Murashko fonda ainsi une école de dessins dans l’esprit des itinérants et l’exposition itinérante jouait un rôle essentiel dans la formation de ses étudiants. L’école profita du soutien financier de la famille Tereschenko, qui était richissime de par son monopole du sucre (400 000 hectares possédées, 1/5 des travailleurs ukrainiens à leur service, un Tereschenko fut par la suite le ministre des finances du gouvernement Kerensky juste avant octobre 1917). Elle donna également sa collection pour l’ouverture du musée de Kiev, avec de très nombreux tableaux des itinérants.

    On a ainsi un conflit clair entre la monarchie absolue exigeant d’intégrer les itinérants et la bourgeoisie soutenant leur démarche. La pression augmenta encore lorsque le grand-duc Vladimir Alexandrovitch, président de l’Académie impériale des Arts, exerça également de vigoureuses pressions sur des membres individuels de l’association des itinérants.

    Constantin Makovski, Les augures de la période de Noël, 1905

    Finalement, l’académie mit fin aux expositions itinérantes dans ses locaux, interdit ses étudiants d’avoir des liens avec l’association, alors que la ville de Saint-Pétersbourg fit toute une série de sabotages administratifs pour les empêcher de construire un bâtiment qui leur serait dédié.

    Une répression fut effectuée sur les expressions favorables aux itinérants : la revue Nouveaux Temps dut cesser la publication de l’essai de Kramskoï, « La destinée de l’art russe » ; la revue illustrée L’abeille fut censurée dans son soutien aux itinérants, puis interdite, son éditeur Adrian Prakhov licencié de son poste d’assistant en histoire de l’art à l’académie.

    Une société des expositions artistiques, fondée en 1875, fut également fondée par l’académie comme sas pour retourner les itinérants et les intégrer. Quant à la maison impériale, bien sûr, elle cessa l’achat d’œuvres auprès des itinérants. Comme elle payait 1500 roubles pour une copie et 10-15000 roubles pour un tableau original, ce fut un coup rude : l’entrepreneur et mécène Pavel Tretiakov payait de son côté dans les années 1870 un tableau 1000-2000 roubles, soit plus du double du prix d’un tableau lors des années 1860.

    La ligne de démarcation semblait nette entre l’académie et l’association des expositions itinérantes.

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  • La première vague de la peinture des ambulants russes

    Ce que Pavel Fedotov n’avait pas pu faire ouvertement, la modification de la situation permit à ses successeurs de le faire. Les institutions officielles avaient permis à partir de 1859 la peinture de la vie quotidienne, avec toutefois au maximum l’obtention d’une médaille d’argent.

    Pourtant, dès 1860, Vassili Perov obtient une petite médaille d’or pour sa représentation d’un Fils d’un petit clerc, où on se moque de la fascination pour le premier uniforme, témoignant de l’obtention du premier grade du service civil. 

    L’année d’après, ce fut la grande médaille d’or qui fut obtenue, ainsi qu’une bourse pour étudier à l’étranger, pour un Sermon de village. On y voit que la dignité revient aux seuls paysans, alors que l’homme riche dort et que sa femme écoute les ragots ou se fait charmer. Ces deux tableaux marquent l’affirmation du réalisme.

    Fils d’un petit clerc
    Sermon de village

    Ce sont là d’éminents tableaux faisant des portraits de caractère et c’était l’ouverture de toute une série. Désormais, les médailles d’or étaient remises aux peintres tant pour des choix bibliques que pour ceux de la vie quotidienne, et ce malgré les statuts officiels. C’était une victoire et un passage en force du progrès.

    Voici le tableau ayant valu la petite médaille d’or de 1861, Le Repos à la moisson d’Alexandre Morozov (1835-1904). Suivent d’autres tableaux de lui : La Sortie d’une église de province datant de l’année suivante et lui valant l’acceptation comme académicien, ainsi que L’École gratuite de village.

    Le Repos à la moisson
    La Sortie d’une église de province
     L’École gratuite de village

    Il faut ici souligner le rôle d’Ivan Nikolaïevitch Kramskoï, qui a joué le rôle moteur dans la révolte des quatorze puis dans l’artel qui fut créé, collectif d’artistes. De 1863 à 1868, il enseigna à l’école de dessin de la Société d’encouragement des artistes et chercha à tout prix à ce que les artistes réalistes ne se fassent pas happer par le régime.

    Nikolaïevitch Kramskoï avait affirmé en 1863 qu’il ne fallait jamais chercher un autre que celui d’artiste, et lorsqu’en 1869 l’académie le nomma académicien, il écrivit une lettre pour que ce soit annulé, ce qui ne fut pas fait. C’était là une contradiction évidente dans sa nouvelle situation, d’autant plus douloureuse pour lui, qui fut à la tête de la révolte des quatorze, qu’il y avait alors déjà sept peintres de l’artel qui avaient déjà soumis des peintures à l’académie et obtenu le titre d’académicien.

    Ses tableaux les plus connus furent Le garde-forestier (1874), portrait d’un travailleur, chose révolutionnaire ; on a également Le Christ au désert (1872), avec un Christ non pas glorieux dans l’esprit de l’autocratie russe, mais dans la pauvreté et le doute (il s’agit du fameux moment de la tentation effectuée par le diable), ainsi que le Portrait de Mina Moisséïëv (1882).

    Le garde-forestier 
    Le Christ au désert
    Portrait de Mina Moisséïëv

    Il faut noter également ses portraits, notamment L’inconnue, de 1883, qui est une œuvre frappant de par sa profondeur, sa densité, ou encore Inconsolable chagrin, de 1884.

    L’inconnue
    Inconsolable chagrin

    Voici Le vieil homme à la béquille.

    Le vieil homme à la béquille

    Enfin il y a lieu de porter son attention sur ses portraits : celui de Léon Tolstoï en 1873, de Nékrassov composant les derniers chants en 1877, de l’illustre auteur national ukrainien Taras Chevtchenko et du peintre Litovtchenko en 1878.

    Léon Tolstoï
    Nékrassov
    Taras Chevtchenko
    Litovtchenko

    Nikolaïevitch Kramskoï fut un combattant inlassable en faveur du réalisme et de l’autonomie des artistes face au régime ; le peintre Ilya Répine lui dira ainsi :

    « Tu es vite devenu le dirigeant du groupe de jeunes, les plus doués et les plus instruits, de l’Académie des Beaux-Arts. Avec une énergie gigantesque tu as fondé l’une après l’autre deux associations artistiques, tu renversas irrévocablement les sommités classiques vétustes et fis respecter et aimer la création artistique de notre pays. Citoyen et peintre, tu as bien mérité un monument national ! »

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  • La peinture des ambulants russes, de Karl Brioullov à Pavel Fedotov

    Le choix de la peinture dite de genre fut effectué par les peintres eux-mêmes et pourtant, cela put s’insérer dans la société où le tsar décidait de tout. Comment cela a-t-il pu se passer ?

    En fait, le tsar avait compris que le développement de son pouvoir nécessitait la reconnaissance de la modernisation, exactement comme avec la monarchie absolue au XVIIe siècle en France. Cela fait qu’au milieu des années 1850, c’est une seconde vague des peintres démocratiques qui intervient en fait, après l’échec de la première qui était par contre née contre le régime.

    En 1825 avait eu lieu en effet une tentative de coup d’État, à l’occasion de l’intronisation du nouveau tsar, Nicolas Ier. A l’initiative notamment du colonel républicain Pavel Pestel (1793-1825), les « décabristes » (c’est-à-dire les « décembristes ») tentaient d’arracher par la force une constitution et l’abolition du servage.

    Leur échec fut suivi d’une intense répression et l’autocratie se maintint par la suite, avec une brutalité extrême. L’opposition fut difficile, et on trouve notamment le « cercle » organisé par Mikhaïl Petrachevski (1821-1866), dont les membres furent souvent arrêtés, victimes de simulacres d’exécution, déportés aux travaux forcés, etc.

    Le membre le plus connu du cercle fut l’écrivain Fiodor Dostoïevski et le peintre Pavel Fedotov (1815 – 1852) en était proche, mais sa marge de manœuvre était nulle. Aussi, son approche démocratique – passant par le réalisme – devait se placer au service du régime, tout en profitant d’une petite touche désinvolte et d’un sens très marqué pour la moquerie.

    Pavel Fedotov, auo-portrait

    Il était en cela influencé par le fabuliste Ivan Krylov (1769-1844), qui était en quelque sorte le La Fontaine russe. Ivan Krylov avait d’ailleurs encouragé Pavel Fedotov à quitter l’armée – il venait d’un milieu extrêmement pauvre, son père était un lieutenant à la retraite qui l’avait poussé à s’engager.

    Pavel Fedotov demanda cependant, avant de se lancer, l’avis de Karl Brioullov, le premier peintre russe à disposer d’une renommée internationale. Karl Brioullov était parti en Italie, où il avait obtenu un succès retentissant avec Le Dernier Jour de Pompéi, peint au début des années 1830 et faisant 6,5 mètres sur 4,5. Son retour en Russie fut alors triomphal.

    Voici deux autres peintures de Karl Brioullov marquée par le mouvement, la vivacité, la tendance au portrait d’une situation et de leurs caractères : Le siège de Pskov par Étienne Báthory, ainsi que La Fontaine de Bahchisaraja.

    Le siège de Pskov par Étienne Báthory
    La Fontaine de Bahchisaraja

    Karl Brioullov était en pratique le premier peintre russe à rompre avec l’esprit précédent qui ne faisait que tenter de former un néo-classicisme sans contenu, simplement formel. Sans aller jusqu’à la représentation de la réalité, il promeut un style plus personnel, d’esprit romantique.

    Voici le Portrait de la comtesse Ioulia Samoilova avec sa fille Amazilia Paccini,  La cavalière (avec Amazilia et sa soeur Giovannina), Cavaliers, Olga Fersen sur un âne, Portrait de Prince Mikhail Obolensky.

    Portrait de la comtesse Ioulia Samoilova avec sa fille Amazilia Paccini
    La cavalière (avec Amazilia et sa soeur Giovannina)
    Cavaliers
    Olga Fersen sur un âne
    Portrait de Prince Mikhail Obolensky

    Karl Brioullov a donc encouragé Pavel Fedotov, dont il admirait le travail. Pavel Fedotov n’abandonna l’armée que par la suite pourtant, car cela signifiait une vie dans la misère la plus totale, en attendant une reconnaissance éventuelle.

    Celle-ci se produisit, en fin de compte, notamment avec Fiançailles d’un major, qui présente la demande en mariage d’un major endetté. Le mariage est présenté comme une cérémonie au caractère faux, car calculé. L’esprit moqueur se retrouve également avec La fiancée difficile, où les parents écoutent et… espèrent.

     Fiançailles d’un major
    La fiancée difficile

    Voici deux autres oeuvres typiques de la démarche de Pavel Fedotov. Le Petit-déjeuner d’un aristocrate nous montre la vanité de l’aristocrate interrompu en catastrophe dans son train-train quotidien, alors que Fraîchement médaillé montre la matinée d’un bureaucrate ayant reçu sa première médaille, affirmant son orgueil ridicule.

    Enfin, Une jeune veuve présente la situation dramatique d’une jeune femme enceinte ayant perdu son mari et donc étant désocialisé dans la Russie tsariste et son organisation féodale pratiquement en castes.

    Petit-déjeuner d’un aristocrate
    Fraîchement médaillé 
    Une jeune veuve

    Pavel Fedotov ne vécut cependant pas à la bonne époque. La répression était générale ; il n’y avait pas de place pour la représentation du réel. La revue Sovremennik (Le contemporain) à laquelle il était lié fut interdite, lui-même sombrera dans la folie et mourra à 37 ans.

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  • La peinture des ambulants russes et la «révolte des quatorze»

    Repartons en arrière et voyons comment se déroula la rupture avec l’académisme qui se déroule donc vers les années 1860.

    En fait, cet académisme exigeait les thèmes que le régime comptait mettre en avant. Il s’agit de ceux se fondant sur le style pseudo-classique, célébrant le conservatisme, l’approche formelle de la vie, superficielle de la réalité, quand cette dernière n’était simplement niée.

    L’académisme célébrait donc les scènes de la Bible, la vie des « saints », des thèmes historiques de l’antiquité gréco-romaine, des sujets mythologiques.

    Cette tendance avait été décidé par Nicolas Ier, qui a régné de 1825 à 1855. Il avait prit, de ce fait, le parti-pris opposé de Catherine II de Russie. C’est effectivement celle-ci qui était à l’origine de l’académie impériale des arts ; lorsqu’elle promulgua ses statuts en 1764, elle prit comme modèle l’académie des Beaux-arts fondé en France par Colbert pour Louis XIV.

    L’idée était de promouvoir des artistes contribuant à l’esprit nouveau, c’est-à-dire aux attentes de la monarchie absolue dans sa critique partielle du féodalisme.

    A ce titre, les artistes ne pouvaient pas être appelées par l’armée ni par quelque organisme d’État qui soit et même s’ils venaient de classes sociales défavorisées, ils avaient accès aux salons littéraires, à une formation du meilleur niveau, bref tout pour rejoindre une intelligentsia contribuant à faire progresser la Russie.

    Avec Nicolas Ier, cette ligne indéniablement libérale dans les arts, consistant en un soutien d’État aux artistes, se modifia radicalement, les contrôles administratifs devenant la norme et les tableaux devant obéir aux critères esthétiques de l’autocratie tsariste.

    Nicolas Ier prit cela très au sérieux : il nommait lui-même les professeurs, portait son attention sur l’évolution des étudiants. En visite à Rome, en 1839, il fit même une inspection pour surveiller les peintres boursiers présents dans cette ville.

    Nicolas Ier doubla également pratiquement la taille des statuts de l’académie, en ajoutant deux amendements.

    Exposition dans les salles de l’Académie impériale des arts

    Il y avait auparavant deux rangs qui existaient jusque-là – peintre au niveau du 14e rang civil (le plus bas) pouvant travailler librement en tant que tel dans l’empire et académicien au niveau du 10e rang. Nicolas Ier remplaça ce double niveau par toute une hiérarchie de rangs et de titres, le tout supervisé par l’administration, avec des périodes de probation, des examens, etc.

    Ce classement permettait à Nicolas Ier de casser l’unité des artistes et de les placer devant des possibilités de carrière, exigeant d’eux une mentalité absolument soumise, puisque le risque était de ne pas se voir reconnu du tout comme peintre, ou bien de ne plus progresser dans l’échelle des rangs.

    La tête de l’administration de l’académie passa d’ailleurs désormais entièrement dans les rangs de la famille royale, ainsi que du ministère de l’éducation à celui de la maison impériale, accentuant la pression. Sur le plan de l’encadrement, c’était désormais la discipline militaire qui devait être suivie, avec une surveillance, des baraquements pour logement, la menace d’être envoyé dans l’armée pour 25 ans, etc.

    Nicolas Ier

    Enfin, les concours pour la médaille d’or prenaient un tournant très éloigné de toute approche artistique. Une fois le thème donné, les peintres étaient surveillés pendant les vingt-quatre heures où ils devaient faire une esquisse, qu’ils n’avaient plus le droit de modifier pendant l’année de sa réalisation.

    Quant aux écoles d’art qui étaient privées, elles voyaient leurs artistes systématiquement mis de côté, avec un monopole de l’académie sur les titres et les médailles, et le refus systématique d’ouvrir des annexes dans les autres grandes villes.

    Un enseignement au sein de l’Académie impériale des arts

    Seules deux grandes écoles prévalaient, à Moscou et Saint-Pétersbourg, le ministère de la maison royale encadrant la vie de celles-ci, celle de Saint-Pétersbourg ayant la prévalence absolue, celle de Moscou ne fournissant que le niveau plus bas de diplôme et de reconnaissance.

    La société pour la promotion des artistes de Saint-Pétersbourg fut pareillement « nationalisé » par le tsar, devenant une « société impériale » sous son contrôle. L’État mettait la main-mise sur la vie des artistes et leur existence financière ; en 1860, il n’y a à Saint-Pétersbourg que trois ateliers privés d’artistes.

    La mort de Nicolas Ier se produisit dans une atmosphère d’opposition révolutionnaire grandissante et les jeunes peintres grondaient contre l’académisme de l’autocratie. Cela aboutit au premier choc, avec la « révolte des quatorze », en 1863.

    Cette révolte, dirigée par le peintre Ivan Kramskoï (1837-1887), accompagné de douze autres peintres et d’un sculpteur, consista à exiger que le Conseil de l’Académie abandonne son exigence, pour son concours, de ne peindre que des thèmes de l’antiquité ou de l’histoire, notamment biblique.

    Ivan Kramskoï

    Les demandes restèrent sans réponse et les peintres rejetèrent le choix de l’académie tiré de la mythologie scandinave, consistant en un banquet au Valhalla en présence d’Odin avec ses deux corbeaux, avec en arrière-plan des nuages et des loups.

    La réponse fut simple : les quatorze peintres furent privés de diplôme, leur atelier supprimé, toute aide matérielle empêchée, leurs activités surveillées par la police. En réaction, ils organisèrent un atelier des peintres, discutant et peignant ensemble, composant une sorte de petite association professionnelle : l’artel des artistes.

    Les 14 peintres formant l’artel des artistes, avec de gauche à droite Johann Gottlieb Wenig, Firs Jouravliov, Alexandre Morozov, Kirill Lemokh, Ivan Kramskoï, Alexandre Litovtchenko, Constantin Makovski, Nikolaï Dmitriev-Orenbourgski, Nikolaï Petrovitch Petrov, Vassili Kreïtan, Mikhaïl Peskov, Nikolaï Choustov, Alexeï Korzoukhine, Alexandre Grigoriev

    Cinq peintres s’installent alors ensemble, avec chacun une chambre et un lit, se partageant trois ateliers d’artistes, les autres du groupe des quatorze habitant das leurs propres logements. Le peintre Ilya Répine raconte à ce sujet :

    « Après avoir beaucoup hésité, ils sont arrivés à la conclusion, qu’il fallait s’organiser et avec les autorisations officielles créer un artel d’artistes.

    C’est-à-dire une sorte de coopérative artistique avec atelier et bureau, prenant ses commandes dans la rue, avec un panneau publicitaire et des statuts en bonne et due forme, approuvés par tous.

    Ils ont choisi un grand appartement du côté de la ligne XVII sur l’ile Vassilievski, et s’y sont installés ensemble. »

    Il y eut des succès, des commandes, et même des titres donnés par l’académie à certains, mais ce processus collectif se heurtait aux tendances individualistes de ces artistes portant les exigences bourgeoises de reconnaissance individuelle.

    En théorie, il y avait ainsi une caisse commune, chacun devant donner 10% de ses ventes de tableaux, 25 % si la peinture a été faite collectivement. L’individualisme des artistes prima cependant rapidement et ceux qui réussissent s’en vont, alors que d’autres tentent leur chance individuellement. Ilya Répine raconte ainsi :

    « Dans l’Artel, ce fut le début des malentendus. Cela commence par une dispute de famille entre les épouses de deux associés et cela se termine quand les deux associés quittent l’Artel. Un des membres demande une faveur spéciale à l’Académie pour obtenir un voyage à l’étranger au frais de l’Etat.

    Kramskoï estime que c’est une violation des principes de l’Artel : ne pas chercher à flatter l’Académie pour obtenir des faveurs au profit d’un seul comme cela avait été décidé à la création de celle-ci, lors de la révolte des quatorze. Ne pas non plus se laisser appâter par la vente de ses talents.

    Kramskoï demande alors, par écrit, à ses amis de s’exprimer sur ce qu’ils pensent du comportement d’un des leurs. Ils répondent évasivement ou se taisent. Suite à cela Kramskoï sortit de l’Artel des artistes. Après sa sortie l’Artel perd sa raison d’être et disparaît. »

    Toutefois, malgré cette défaite, la révolte des quatorze a été un réel affrontement avec l’autocratie. Il va alors se dérouler une convergence entre ces peintres réalistes et le successeur de Nicolas Ier, qui choisit l’option d’aller vers la monarchie absolue.

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  • La peinture des ambulants russes: un premier tournant avec trois œuvres significatives et magistrales

    Pour comprendre la dynamique des ambulants, il faut saisir la situation des arts et des lettres dans le cadre historique de l’époque.

    Lors de la première moitié du XIXe siècle, les peintres étaient considérés en Russie comme un simple outil idéologique de l’autocratie, qui passait des commandes et surveillait toutes les activités artistiques ; il y avait très peu de connaissances de la peinture dans les autres pays, et les artistes venaient des couches inférieures de la société, étant dévalorisés et à la merci dans un système de castes.

    Il n’existait que deux lieux pour l’existence sociale des peintres, qui étaient sinon à la merci du régime, notamment du service militaire et des impôts s’ils venaient de la paysannerie et de la petite-bourgeoisie : l’Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg et l’Institut moscovite pour la peinture.

    C’est là qu’on va assister à un tournant. Trois ans après la mort du tsar Nicolas Ier en 1855, est exposé à l’académie l’œuvre de Vassili Perov L’Arrivée du chef de la stanitza pour l’enquête. 

    C’est une œuvre magistrale, un portait réaliste de pleine dignité, exposant la vérité de l’arbitraire, des conditions de vie face à l’autocratie et sa machinerie répressive. C’est un reflet réaliste où les moindres détails exposent la vie telle qu’elle est alors, non seulement en particulier avec une situation précise, mais en général.

    L’Arrivée du chef de la stanitza pour l’enquête

    Une telle œuvre était un coup de semonce ; c’était un assaut des forces du progrès contre la réaction. La bataille pour la reconnaissance de la réalité et de son caractère s’étendait jusqu’à la repésentation synthétisée du monde.

    L’œuvre marquante, celle du tournant, fut alors celle connue en français sous le titre de Union mal assortie, ou encore Le Mariage arrangé, ou Mésalliance, réalisée par Vassili Poukirev (1832-1890). Ce dernier obtint même en 1862 le titre de professeur de peinture pour cette œuvre, au sein du sénat académique qui avait commencé à remettre des médailles également pour les peintures de genre.

    On a ici une œuvre qui est l’équivalent, dans son contenu, des œuvres de Molière, à ceci près que dans notre pays, les arts et les lettres ont exposé leur contenu culturel démocratique par le contenu psychologique ; en Russie, c’est sur la typisation des caractères que l’accent a été mis. On a ici un véritable chef d’œuvre.

    Union mal assortie

    La portée de cette œuvre ne saurait être sous-estimée, dans le contexte terrible de la Russie d’alors. Il s’agit d’une critique offensive d’un mariage arrangé, avec un vieil homme dignitaire de la croix de l’ordre de Saint-Vladimir se mariant à une jeune femme clairement souffrante de cela, mariage se réalisant avec l’appui direct du clergé complice. Le contenu est ouvertement anti-féodal, la charge politique est immense, sa dimension culturelle évidente.

    L’affirmation de cette œuvre se place à un moment clef : elle suit immédiatement la décision par le tsar Alexandre II d’abolir le servage, en 1861. On a ici, comme avec Molière et la monarchie absolue, une tendance progressiste qui s’affirme dans la société russe.

    Une seconde œuvre significative de la même période fut La Cène de Nikolaï Gay (1831-1894). En apparence, il s’agit d’une image religieuse, mais le modèle de Jésus est ni plus ni moins qu’Alexandre Herzen (1812–1870), le chef de file des partisans de la modernité en Russie alors, dont l’activité joua justement un rôle pour l’abolition du servage de 1861.

    Alexandre Herzen était en exil à Londres, suite à la répression du père d’Alexandre II, Nicolas I, un autocrate ayant menée une répression féodale impitoyable ; Nikolaï Gay travailla en s’appuyant sur une photographie de Herzen, on reconnaît ici le parcours du réalisme et de ses exigences.

    Le fait est que, à l’occasion de l’exposition de ce tableau en 1863, le tsar Alexandre II nomma Nikolaï Gay professeur de peintre à l’académie impérial. Là encore, l’œuvre – depuis sa réalisation jusqu’à sa reconnaissance sociale – est ouvertement politique et progressiste. 

    La Cène

    Tant l’Union mal assortie que La Cène témoigne d’une nouvelle époque, où la monarchie tente de réaliser le cheminement vers le pouvoir absolu, et profite des artistes nés du développement de l’État russe, qui ne venaient pas des classes dominantes d’une société ultra-hiérarchisée et totalement rigide.

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  • Introduction à la peinture des ambulants russes

    En France, on apprécie historiquement beaucoup la littérature russe de la seconde moitié du XIXe siècle, les fameux Fiodor Dostoïevski, Anton Tchekhov, Nicolas Gogol, Ivan Tourgueniev, Léon Tolstoï.

    Il est fort étrange, à ce titre, que n’aient pas été connus les peintres dits ambulants ou itinérants, parce qu’ils organisaient des expositions à travers la Russie. Leurs tableaux sont un équivalent direct de cette littérature si appréciée ; leur niveau culturel est extrêmement élevé, leur intensité interpelle nécessairement quiconque s’intéresse à l’art et à la peinture en particulier.

    On pourrait faire un parallèle, par ailleurs, avec la musique : si Piotr Tchaïkovsky est célèbre, pourquoi donc Modeste Moussorgski et Nikolaï Rimski-Korsakov passent-ils tant à l’arrière-plan ? Pourquoi en est-il de même avec leurs prédécesseurs, Alexandre Dargomyjski et Mikhaïl Glinka ?

    Alexandre Makovski, Je m’ennuie avec toi, 1897

    Au-delà des différences culturelles et de la distance géographique entre la Russie et la France, il y a surtout le fait que la Russie a été en retard dans le développement du capitalisme, et que la bourgeoisie française ne s’intéressait déjà plus à ce qu’elle avait pourtant elle-même déjà porté.

    Le réalisme de la peinture des ambulants était d’une telle profondeur que cela ne pouvait que rentrer en confrontation avec une bourgeoisie française basculant dans la célébration du symbolisme et du décadentisme, rentrant de plain-pied dans la Belle Époque, dans la gestion nationaliste du pays et coloniale de l’empire.

    L’état d’esprit n’était déjà plus le même entre la bourgeoisie française, triomphante, et la bourgeoisie russe, faible, bataillant contre une féodalité encore omniprésente.

    Constantin Savitsky, Le départ à la guerre, 1888

    Il est, avec un tel arrière-plan, absolument parlant que, tout au long du XXe siècle, il n’y a pas eu en France de « découverte » de la peinture des ambulants, alors que régulièrement sont célébrés les Malevitch et les Rodtchenko, sans parler des Picasso ou de Warhol.

    On peut se demander alors pourquoi le Parti Communiste français n’a rien fait pour faire connaître les ambulants. La raison, ici aussi, est simple : il n’a jamais assumé le réalisme socialiste ; ses théoriciens ont toujours été proches des « modernistes » comme Pablo Picasso. Au début des années 1950, l’ensemble des peintres modernistes était proche du Parti Communiste français, et cela satisfaisait absolument ce dernier.

    Il y a ici une véritable faillite idéologique, qui tient à une seule chose : l’incompréhension du rôle progressiste du calvinisme. C’est le protestantisme qui a fait émerger la peinture flamande, son réalisme si fort, si expressif. En France, des artistes comme le graveur Abraham Bosse ou les peintres Le Nain témoignent de cette vigueur réaliste protestante, de cette tendance au réalisme.

    Constantin Makovski,
    Fédor II et sa mère Maria assassinés par les agents du faux Dimitri,
    1862

    La tragédie elle-même, portée par Jean Racine à son point le plus éclatant, n’est rien d’autre qu’un réalisme psychologique soutenu par la monarchie absolue comme sorte de calvinisme de remplacement.

    L’incompréhension du réalisme russe témoigne, en pratique, de l’incompréhension du cheminement du réalisme français. En France, le réalisme s’est exprimé avec une orientation portant principalement sur la finesse psychologique, sur l’attitude typique. Le réalisme russe s’est, quant à lui, avec verve et franchise, portée davantage sur les situations, dans ce qu’elles ont de typique.

    Cela montre que chaque pays apporte sa pierre à l’édifice du matérialisme dialectique en tant qu’idéologie mondiale du prolétariat, idéologie synthétisant les apports de chaque culture démocratique nationale dans le domaine des arts et des lettres.

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  • PCMLM : les 80 ans du 6 février 1934

    Le PCMLM [devenu le PCF(mlm)] salue la mémoire des masses antifascistes qui se sont levées à la suite du 6 février 1934 ! Il y a 80 ans, l’extrême-droite tentait le coup de force à la suite d’une manifestation devant l’Assemblée nationale, à Paris.

    Cette manifestation visait à soutenir Jean Chiappe, qui venait d’être mis de côté sous la pression des masses populaires : Chiappe était le préfet de police de Paris et menait depuis 1927 une brutale répression contre les rassemblements communistes.

    Cette manifestation rentrait dans le contexte de la crise générale du capitalisme, où la bourgeoisie traditionnelle au pouvoir s’effondrait, laissant libre cours à une corruption massive, comme en témoignait alors l’affaire Stavisky (une affaire de fraude fiscale gigantesque ayant abouti au suicide douteux de Serge Staviski et dans lequel un très grand nombre d’hommes politiques étaient mouillés).

    L’antiparlementarisme fasciste profitait de cette décadence du personnel politique traditionnel, notamment social-démocrate. Cette manifestation était portée par une extrême-droite encadrée et armée, profitant même d’auto-mitrailleuses et d’avions ; une partie significative de l’armée et de la police était largement acquise à ses idées.

    Nombreuses furent les organisations manifestant le 6 février 1934 : les Croix de feu, l’Action française et ses « camelots du roi », Jeunesses patriotes, Solidarité française, etc.

    Cette manifestation a culminé dans une tentative de coup de force, de prise d’assaut de l’Assemblée nationale, qui a échoué mais a été marquée par plus de 1500 personnes blessées, les fascistes étant partis à l’assaut, parfois même directement armés.

    Mais ce n’est pas la police qui a empêché le fascisme de prendre le pouvoir – c’est au contraire le Parti Communiste qui a triomphé dans cette bataille. C’est un fait que la bourgeoisie, aidée en cela des révisionnistes ayant trahi le communisme, fait tout pour cacher.

    Dès le 6 février, les communistes avaient organisé des contre-manifestations particulièrement par le biais de l’Association républicaine des anciens combattants dont les militants se sont opposés à plusieurs reprises aux fascistes – notamment sur le pont Solférino menant à l’Assemblée nationale. Le lendemain tous les faubourgs de Paris étant en alerte.

    Alors que le Parti Socialiste renonçait à manifester le 8 février en raison de l’interdiction, le Parti Communiste organisait une grande manifestation illégale le 9 février. Pendant cinq heures, les communistes se sont affrontés à la police, dans une dynamique antifasciste qui fit que les travailleurs socialistes les rejoignirent. Dix révolutionnaires ont laissé la vie dans cet affrontement.

    Le 12 février, à l’appel des communistes, tant le syndicat CGTU (alors proche du Parti Communiste) que la CGT (alors proche des socialistes) menèrent la grève générale, 4,5 millions de personnes cessant le travail. La manifestation dans tout le pays rassembla un million de personnes ; 200 000 personnes se rassemblèrent également à Paris pour honorer, le 17 février, les révolutionnaires tombés le 9 février.

    Voilà ce qui a empêché le fascisme : une mobilisation populaire à la base, guidée par une idéologie radicale prête à se confronter avec le système capitaliste, une idéologie authentiquement révolutionnaire : le matérialisme dialectique !

    Le Parti Communiste, en tant que Section Française de l’Internationale Communiste (SFIC), a pris le commandement de la bataille antifasciste, il s’est lancé héroïquement dans la bataille, pesant de tout son poids idéologique, politique et culturel. Les masses ont compris alors la direction exigée par le PC-SFIC, et ce dernier les a conduit à la victoire.

    Le PCMLM affirme : tel est le chemin nécessaire, tel est le chemin inévitable face au coup de force qui se profile à l’horizon en France, 80 ans après.

    Seule une initiative forte d’action antifasciste, fondée sur des comités populaires solidement implantés localement et généralisés dans tout le pays, peut exercer la pression suffisante pour faire temporairement reculer le fascisme.

    Seule une action antifasciste authentiquement progressiste, unifiant les progressistes, peut former un noyau dur sur un territoire donné, pour organiser la confrontation avec le fascisme et ses tentatives de prendre le contrôle de la société.

    Il y a 80 ans, la juste initiative du PC-SFIC ouvrait la voir à un grand progrès des masses, à leur unification sur une base progressiste, bien que par la suite la direction opportuniste du PC-SFIC, Maurice Thorez en tête, ait saboté les principes du Front populaire pour se mettre à la remorque de la social-démocratie puis du régime bourgeois « démocratique » lui-même.

    Le PCMLM affirme en ce sens que le Front populaire a été une initiative tout à fait juste, que seule son application a été, dans un second temps, opportuniste.

    Face au trotskysme et à l’anarchisme qui historiquement rejettent l’antifascisme comme front, face aux anarchistes opportunistes qui prétendent assumer l’antifascisme uniquement pour le mettre à la remorque de la social-démocratie, le PCMLM affirme le caractère inévitable de la bataille antifasciste et de l’unification des progressistes sur ce terrain, seule voie pour une confrontation authentique avec le fascisme.

    Honneur aux antifascistes tombés lors de la bataille de février 1934 !

    Que vive l’exemple du Parti Communiste – Section Française de l’Internationale Communiste comme avant-garde de la révolution socialiste assumant la bataille antifasciste !

    Face aux nouveaux 6 février 1934 qui se profilent, face aux coups de force et aux coups d’État, vive la juste résistance des masses populaires !

    Parti Communiste Marxiste Léniniste Maoïste [France]
    Février 2014

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  • Anniversaire des journées de février 1934 (février 1935)

    par Jacques Duclos, SFIC

    Voici un an que l’ émeute fasciste de la Place de la Concorde, visant à instaurer en France un régime semblable à celui de Hitler, était refoulée par l’action des masses populaires réalisant leur front unique dans le combat.

    Déjà le 6 février 1934 de nombreux camarades socialistes avaient répondu « pr ésent » à l’appel de notre Parti et étaient descendus dans la rue avec les communistes ; plusieurs d’entre eux montèrent même la garde des locaux du Parti et des syndicats unitaires, dans la nuit du 6 au 7.

    Devant la menace fasciste le prolétariat ressentait avec intensité la nécessité de réaliser son unité d’action. L’ émeute fasciste rendait sensible aux travailleurs socialistes le besoin de ne pas se tenir à l’ écart de leurs frères communistes, le besoin de ne pas se laisser renouveler l’expérience allemande.

    Cela explique pourquoi la manifestation du 9 février 1934 organisée par le Parti communiste rassembla des travailleurs de toutes tendances en dépit de certaines directives.

    Des camarades socialistes avaient bien reçu en effet l’ordre de ne répondre qu’aux appels de leur parti, mais cela n’avait point empêché bon nombre d’entre eux de prendre part à la manifestation de la Place de la République dans laquelle le Populaire voyait « la première manifestation prolétarienne après le coup de force fasciste du 6 février. »

    C’est le mérite de notre Parti communiste d’avoir su organiser une aussi vigoureuse riposte antifasciste et il est démontré sans contestation possible que la journée du 9 fé vrier fut décisive pour le succès de la grève générale du 12 février.

    Ce sont là des constatations désormais historiques que ne changeront pas les arguties du renégat Doriot, champion après tant d’autres, de la lutte anticommuniste et insulteur de l’Union soviétique.

    Ce Doriot, dont la bourgeoisie, avec sa presse pourrie, s’emploie à faire un « grand homme » pour son usage, peut bien essayer d’attribuer à d’autres qu’aux communistes les mérites de la réalisation du front unique ; on n’en est pas, avec lui, à une déformation de la vérité près.

    Il a bien le front de se présenter comme un champion de l’unité , lui qui a tenté de scissionner le Parti communiste et qui fait tout pour empêcher que soit appliqué à St­ Denis le pacte d’unité d’action entre le Parti socialiste et le Parti communiste.

    La vérité c’est que les efforts inlassables déployés par notre Parti pour réaliser le front unique avaient permis aux travailleurs socialistes et communistes de se retrouver dans des Comités de lutte du mouvement Amsterdam­Pleyel.

    On ne dira jamais assez combien l’initiative prise par Henri Barbusse et Romain Rolland de convoquer le grand Congrès d’Amsterdam a contribué à faire progresser dans les esprits l’idée de l’unité d’action.

    Le Parti communiste appuya dès ses débuts le mouvement contre le fascisme et la guerre et des millions de travailleurs socialistes rejoignirent les comités de lutte, malgré l’interdiction qui leur en était faite.

    Ce fut là une première victoire du front unique. Les prolétaires socialistes étaient amenés à penser que si le front unique avait pu être réalisé en Allemagne comme le voulaient les communistes, Hitler n’aurait pas réussi son coup.

    L’expérience tragique du fascisme allemand contribuait à faire entrer dans les têtes la nécessité de l’action commune en même temps qu’elle bousculait bien des illusions sur l’ évolution pacifique de la démocratie bourgeoise vers le socialisme.

    L’attaque du fascisme en France le 6 février résonna dans les coeurs des travailleurs socialistes et, devant le péril, la volonté de front unique monta avec une rapidité extraordinaire parce que l’initiative communiste du 9 février avait donné une base aux aspirations vers l’unité : l’action pour battre le fascisme.

    Depuis, l’unité d’action a fait du chemin, le pacte a été signé , mais il sont adressé s aux Partis de la IIe et de la IIIe Internationale en leur demandant de les soutenir dans leur lutte antifasciste.

    Nous avons fait au Parti socialiste S.F.I.O. La proposition de répondre à cet appel en convoquant ensemble une Conférence des Partis socialistes qui à l’exécutif de l’I.O.S. Se déclarèrent partisans de l’unité (Italie, Espagne, Suisse, Pologne, Autriche, France), ainsi que des Partis communistes correspondants, pour commencer enfin à faire à l’ échelle internationale ce que nous faisons en France : l’unité d’action.

    Nous n’avons pas encore de réponse officielle, mais notre proposition semble n’avoir pas été favorablement accueillie.

    Et cependant il faut aller de l’avant dans la voie de l’unité d’action. Pour battre le fascisme qui déferle sur l’Europe, l’action commune dans tous les pays capitalistes est nécessaire.

    Cela non seulement les communistes le pensent mais aussi les militants socialistes de notre pays ; il faudra bien si la classe ouvrière veut se sauver qu’elle ne se laisse pas maintenir en état de division et d’impuissance par des adversaires de l’unité d’action.

    Au cours de ce premier anniversaire des événements de février nous pouvons regarder avec fierté les succès de l’unit é d’action dont notre Parti est le champion, nous devons aussi en établissant le bilan de ce qui a été fait, agir pour que demain plus qu’hier l’unité d’action soit l’action .

    Avec ténacité , avec la volonté indomptable de pionniers du front unique, nous devons tout faire pour que partout l’unit é d’action soit un fait en France et pour qu’ à l’appel de nos camarades autrichiens se réalise enfin l’unit é d’action internationale et est-­il besoin de le dire, personne ne comprendrait que les camarades socialistes ne fassent pas avec nous les efforts nécessaires pour la faire aboutir.

    C’est l’action commune qui par-­dessus tout compte et rien ne doit arrêter ceux qui se sont fixés pour tâche de faire triompher l’unit é d’action qui seule permettra de battre le fascisme.

    « Les vaincus d’aujourd’hui seront les vainqueurs de demain, car la défaite est leur maître. Le prolétariat manque de tradition révolutionnaire et d’expérience.

    Et c’est seulement au cours de tentatives concrètes, d’erreurs juvéniles, de coups pénibles et de défaites, que le prolétariat acquerra l’ éducation pratique ­ garantie du succès futur. Pour les forces vitales de la révolution dont la poussée ininterrompue constitue la loi naturelle du développement de la société, la défaite signifie stimulation. Le chemin de la victoire va à travers une succession de défaites » (Liebknecht)

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  • Pour l’unité d’action antifasciste – SFIC (15 mars 1934)

    Résolution du Comité central sur les tâches des communistes adoptée le 15 mars 1934

    1

    Les événements de ces dernières semaines vérifient dans les faits la justesse des résolutions adoptées par la XIIIe assemblée plénière du Comité exécutif de l’I.C. et par le Comité central dans sa session de janvier.

    Les événements de cette dernière période soulignent l’accentuation de l’essor révolutionnaire dans les pays capitalistes (Autriche-Espagne, etc.).

    En face du monde capitaliste en pleine crise, l’Union soviétique obtient de nouvelles victoires dans l’édification du socialisme. « Le mouvement des masses ouvrières et paysannes et des soldats est en développement et passe à un niveau plus élevé », comme l’ont montré les combats de classe de février en France. L’activité du Parti communiste a largement contribué à déclencher l’action des masses travailleuses qui, jeunes en tête, ont riposté magnifiquement aux attaques du fascisme, notamment dans la grande manifestation du 9 février ; elles ont réalisé leur front unique d’action auquel s’est toujours opposé le Parti socialiste.

    Cela constitue une victoire de la politique menée inlassablement par notre Parti communiste.

    2

    Le courant de front unique qui entraîne les ouvriers socialistes souligne qu’à l’intérieur de la social-démocratie, contrairement à ce que les opportunistes déclarent et attendent, la crise s’approfondit.

    De nouvelles couches de prolétaires se tournent vers notre Parti, lui témoignent leur confiance, et de nombreux ouvriers socialistes voient le salut dans le pouvoir des Soviets, œuvre du parti bolchévik, pilier essentiel de la IIIè Internationale. Les communistes doivent repousser toute tentative d’atténuer les responsabilités du parti socialiste, principal soutien social de la bourgeoisie dans le développement du fascisme. Le Parti socialiste, à l’occasion de son récent conseil national, s’est de nouveau dressé contre le front unique des ouvriers socialistes et communistes.

    Il tente d’entraîner la classe ouvrière derrière les « doctrines socialistes » qui ont conduit à leur situation tragique les travailleurs d’Allemagne et d’Autriche.

    3

    Les organisations du Parti doivent porter les coups essentiels au fascisme, au gouvernement Doumergue-Tardieu-Laval qui en est le fourrier et, naturellement, démasquer la capitulation des gauches.

    Une telle orientation de l’activité du Parti aidera à surmonter l’insuffisante rapidité dans les réactions des organisations du Parti et la passivité qui se sont manifestées à la veille des événements, pendant et après.

    4

    La mobilisation du Parti, qui a abouti à la montée d’une vague de front unique d’action contre le fascisme comme jamais on n’en avait vue en France, a été entravée par les tendances opportunistes de droite qui se sont manifestées pendant et depuis les événements de février.

    Les organisations du Parti, en décuplant les efforts pour réaliser le front unique d’action, repousseront toute politique ayant pour conséquence la réalisation d’un bloc avec le Parti socialiste et corrigeront tous les abandons de principe et glissements sur la plate-forme de la social-démocratie.

    5

    Tenant compte de l’expérience de ces derniers temps, les comités dirigeants et organisations du Parti s’emploieront à liquider rapidement les insuffisances dans le travail d’organisation du Parti, surtout pour ce qui est des manifestations dont il faut pouvoir en toutes circonstances assurer la préparation et la direction.

    Les organismes dirigeants du Parti prendront toutes mesures pour pouvoir en toutes circonstances assurer leur tâche de direction. Maintenir le contact avec les diverses organisations du Parti.

    La liquidation rapide de toutes nos faiblesses et lenteurs, en ce qui concerne l’organisation d’une autodéfense de masse, constitue une des tâches décisives du moment dans la préparation de la lutte contre le fascisme et les provocations fascistes. Le Comité central salue l’exemple des travailleurs communistes, socialistes, sans parti, des 20è et 15è arrondissements de Paris qui, par leur autodéfense de masse, ont fait reculer les bandes fascistes.

    6

    Le Parti doit mettre tout en œuvre pour assurer la défaite du fascisme. Pour cela, il doit élargir et consolider les résultats obtenus dans l’application de la tactique du front unique d’action à la base.

    Les organisations et membres du Parti doivent se mobiliser pour assurer le succès du rassemblement national antifasciste du 20 mai en développant les actions partielles dans les entre prises, en préparant, par un large travail de front unique auprès des ouvriers socialistes et confédérés, la grève politique de masse, ce qui constitue une des grandes tâches de l’heure, en multipliant les luttes partout et en créant des comités de front unique dans les usines et localités.

    Le 1er mai, dont les communistes doivent travailler à faire une journée de grève générale et de démonstration de masse sors le signe du front unique d’action, sera une étape importante dans la préparation du rassemblement national antifasciste.

    =>Retour au dossier sur le 6 février 1934

  • Sur l’autodéfense prolétarienne (février 1934)

    par Gaston Mornet, SFIC

    Une des questions que notre parti doit étudier d’une façon particulière est la question de l’autodéfense prolétarienne. Plusieurs articles ont paru dans les Cahiers du bolchévisme sur cette question ; nous voulons aujourd’hui apporter notre point de vue. Ce qui a été fait.

    Quand nous voulons analyser l’expérience que nous avons déjà du mouvement des groupes d’autodéfense, nous devons revoir comme la plus ancienne, l’organisation de l’Association républicaine des anciens combattants, qui avait formé une organisation nommée « Groupes de défense antifascistes » pour les adultes, et « Jeunes gardes antifascistes » pour les jeunes. Les G.D.A. Et les J.G.A. Étaient organisés avec habits, par sections, compagnies, etc. Ils avaient comme base la lutte contre le fascisme et l’organisation du service d’ordre des réunions.

    Tout a été bien jusqu’à l’arrestation de plus de 100 camarades du service d’ordre, habillés en G.D.A., au Cirque de Paris. Ce fut le commencement de la liquidation de cette organisation. La faute de ce mouvement c’est que celui­ci n’était aucunement lié aux masses des ouvriers et des paysans et lorsque la police a jugé le moment opportun pour le liquider, il a disparu sans que les masses ne réagissent.

    Le but du mouvement, qui était l’encadrement des masses et leur protection contre les coups de la police et des fascistes, ne fut pas réalisé.

    Après ces fautes reconnues un peu plus tard, quels ont été les mots d’ordre lancés qui devaient tenir compte de l’expérience du passé ? Nous voyons à nouveau surgir la question de « comment effectuer l’encadrement des manifestations et meetings ? » et l’on a posé (pour changer avec les GDA. !!!) que la nouvelle organisation doit rassembler sous une impulsion et sous une démonstration générale au sous un patronage unique une organisation par exemple le « Front rouge ».

    C’est, avec une autre phraséologie, retourner aux erreurs commises avec les G.D.A.

    Comment se pose la question ?Nous prendrons l’article du camarade Darbori, qui reflète l’opinion générale.

    Cet article contient beaucoup de choses justes, mais sur l’organisation et le fonctionnement de l’autodéfense la partie exige des réserves les plus expresses.

    Le camarade écrit : « Il faut des groupes d’autodéfense très larges, encadrant les travailleurs. »

    C’est la même formule que nous retrouvons dans les brochures déjà vieilles concernant « les problèmes de l’auto­défense ».

    On doit pouvoir compter sur les membres du Parti comme forces principales d’encadrement des ouvriers, c’est là le pivot de la question.

    Darbori conclut : « Je propose une organisation comme nom « Front rouge antifasciste », comme insigne : un poing fermé. » Complétons la pensée de Darbori en indiquant à sa place : « Tenue spéciale comme les GDA. » Or, c’est retomber en plein dans les erreurs du passé, c’est recommencer le travail sectaire, sans liaison avec les masses, du temps de 1928.

    Nous devons rompre avec ces tendances et bien comprendre qu’une organisation ne peut avec les moyens physiques et d’éducation protéger les travailleurs en les encadrant.

    Pas d’encadrement, pas de préservation par des cadres spéciaux, contre le fascisme et la police, mais l’organisation, par notre parti, de la lutte des masses prolétariennes contre le fascisme et la police.En U.R.S.S., avant la révolution, chaque petit fait était utilisé pour entraîner les masses contre les organisations de soutien de la bourgeoisie.

    Bien entendu ce n’est pas du jour au lendemain qu’il est possible à la classe ouvrière d’être victorieuse dans la lutte contre la bourgeoisie. Il est nécessaire de passer par des combats âpres et durs, par des victoires et défaites, mais c’est en passant par ces formes de lutte que le prolétariat apprendra à gagner la victoire.

    C’est en commençant par défendre les vendeurs de la presse révolutionnaire, les distributeurs de tracts, les orateurs devant les portes des usines, etc., que nous arriverons à préparer les ouvriers aux événements qui demanderont plus de courage révolutionnaire.

    Notre parti est le guide et l’avant­garde du prolétariat et son devoir dans le domaine de l’auto­défense prolétarienne sera de guider et d’indiquer le chemin à la classe ouvrière.

    Pour cette lutte, beaucoup de camarades indiquent : « il faut former une organisation».

    Par exemple, un camarade, dans un rapport fait pour le Bureau politique du Parti indique, en parlant de la grève des mineurs du Nord, en 1931 : « On peut même aller jusqu’à la création d’organisations d’autodéfense de masse » comme l’a démontré l’exemple des Pics rouges.

    Créer une organisation spéciale des mineurs qui lutteront contre les jaunes et la police, comme si les syndicats et notre parti n’ont pas comme tâche d’entraîner tous les mineurs à la lutte dans les piquets de grève. Pourquoi une organisation spéciale et sélectionnée ? Plus loin le camarade développe sa position :

    « Les groupes d’autodéfense doivent être les embryons d’organisations de masses. Il ne le seront pas tant que ne sera pas établi clairement leur rôle, leur travail particulier, large, qu’ils ont à accomplir, en tant qu’organisations et ORGANISATIONS LARGES INDÉPENDANTES… »

    C’est là encore une manifestation typique du sectarisme, qui se traduisait par le resserrement et la centralisation, qui permettaient de mieux « surveiller » les mouvements.

    Le Viè Congrès mondial de l’I.C., tenu en 1928, a pris position sur cette question dans le passage suivant :

    « En aucun cas on ne saurait perdre de vue que dans les pays impérialistes, l’existence d’une milice prolétarienne ou d’une garde rouge dans le cadre de l’Etat bourgeois en temps de paix générale est inadmissible et impossible. »

    Cette citation est nette et très claire.

    Pas de G.D.A., pas d’organisation spéciale, détachée de la masse, par d’organisation spéciale qui aura par exemple, comme le S.R.I, pour la défense des emprisonnés, la tâche plus spéciale de former des soldats de la lutte révolutionnaire.

    Toutes les organisations révolutionnaires doivent donner des soldats pour la lutte révolutionnaire.

    Comment voyons­nous l’organisation de l’autodéfense prolétarienne ? Aux attaques de la police, des fascistes dans les réunions, dans la rue, devons­nous reculer ?Dans aucun cas.

    « Prêcher maintenant la renonciation à la résistance aux ouvriers, Provoqués par la police et les fascistes, ce serait abandonner le terrain de la lutte de classe.. L’autodéfense Prolétarienne contre les agressions armées de la part des colonnes d’assassins officiels et volontaires de la bourgeoisie, n’est pas seulement indispensable, il faut encore l’organiser et la guider de façon consciente. » (I.C. Du I5 août I932.)

    Cela veut­il dire qu’à tout prix et à chaque manifestation, comme cela a eu lieu dans certains coins de la France, nous devons attaquer ? Non.

    Nous ne devons pas faire l’attaque avec quelques troupes, avec l’avant­garde, mais seulement quand nous avons fait le travail pour que les masses soient avec nous.

    Des exemples concrets sont nécessaires, Les ouvriers de Citroën, lorsque la masse était avec eux, lorsqu’ils manifestaient par milliers, ont montré à la police que les masses soudées et homogènes dans leurs luttes, sont capables de leur résister physiquement et d’imposer leurs manifestations.

    De même les fonctionnaires et services publics lors de leurs récentes manifestations. La lutte pour imposer la vente de nos journaux ouvriers dans les quartiers prolétariens et autres, ne peut se faire parce que un ou deux bons camarades ont décidé de vendre les journaux, mais quand les organisations et la masse des ouvriers alertés sont prêts à défendre nos camarades.

    Non pas lutte physique de un ou deux camarades, mais le bloc compact du prolétariat mobilisé à cet effet par les organisations révolutionnaires.

    C’est là que nous touchons à l’organisation pour cette lutte de masses. Darbori pose, lui, l’organisation de centuries avec, tous les soirs, des réunions de culture physique, boxe, jiu­jitsu, etc., etc.., astreindre les membres à des exercices quotidiens de gymnastique suédoise. Ces propositions sont bien la suite logique de l’organisation indiquée, organisation restreinte, sectaire, de quelques camarades qui pourront suivre ces exercices.

    Nous indiquons, nous, que chacune des organisations révolutionnaires se réclamant de la lutte de classe, forme son groupe d’autodéfense prolétarienne.

    Le P.C., la C.G.T.U., le S.R.I, les C.D.H., les Locataires, le mouvement d’Amsterdam et antifasciste, la F.S.T., les chômeurs, les Coopé, etc., etc., chacune de ces organisations prolétariennes touche une partie de la masse ouvrière et paysanne, elles ont besoin chacune de leur autodéfense, elles doivent donc entraîner leurs adhérents et sympathisants â la défense de leurs manifestations, meetings, vente de journaux, défense d’orateurs, etc.

    Prenons l’organisation à la base, dans la localité. L’organisation du Parti communiste de la localité ou de l’arrondissement forme avec ses cellules locales ou d’entreprises, des groupes d’autodéfense. Dans l’usine, les membres du Parti doivent entraîner les ouvriers de l’entreprise à la défense des orateurs, des distributeurs de journaux d’entreprises, etc.

    Un membre du P.C., seul dans un atelier, peut fort bien sur cette question de la défense de nos camarades qui viennent devant la porte de l’usine, faire de l’agitation, entraîner avec lui des ouvriers de son coin qui sont d’accord avec lui sur ce point particulier.

    Entraîner progressivement ces ouvriers qui commenceront par défendre la distribution du journal d’entreprise du P.C., qui les défend à l’usine, à la défense des réunions de leur usine, et puis plus loin à la défense des réunions de la localité, de l’arrondissement, cela sera le travail du membre du P.C. À l’intérieur de son atelier, car il doit être un homme de masse.

    La section syndicale à l’intérieur de l’entreprise pourra faire la même chose que la cellule d’usine. Lorsqu’un événement plus grave viendra (grèves, manifestations, etc.), les groupes d’autodéfense qui, sous la direction de la cellule et de la section auront déjà lutté ensemble, ayant déjà eu l’expérience de la lutte, pourront entraîner la masse des ouvriers aux piquets de grève et à la réussite de leurs manifestations.

    Ce schéma de l’organisation de l’autodéfense prolétarienne de l’entreprise, permettra la mobilisation de tous les ouvriers de l’usine à leur propre défense et non l’encadrement des ouvriers par des spécialistes que la police aura tôt fait de liquider par l’arrestation.

    Dans ses cellules locales, de quartier, notre parti forme ses groupes de cinq pour la défense des réunions de quartiers, pour la garde des affiches, pour la défense des journaux ouvriers.

    Un membre du Parti là aussi peut fort bien, dans sa maison, dans sa rue, trouver des sympathisants qu’il entraînera avec lui pour ce travail.

    Le S.R.I. De la localité ou de l’arrondissement, formera aussi son autodéfense, après l’explication sur la nécessité de défendre les vendeurs de la Défense et l’organisation du service d’ordre des fêtes et meetings.

    II doit organiser des groupes d’autodéfense avec des camarades qui sont susceptibles de réaliser ce travail.

    Nous aurons donc, sur la base locale, les groupes d’autodéfense du P.C. (d’entreprises et locaux), du syndicat (entreprises et locaux), du S.R.I., des chômeurs, etc., etc. Nous pourrons avoir les groupes d’autodéfense dans toutes les organisations révolutionnaires de la localité.

    Lorsqu’un meeting ou vente de journaux, ou manifestation commune aura lieu sur la base locale, les responsables de l’autodéfense de chacune des organisations pourront se réunir et étudier la meilleure manière de réaliser au mieux ce travail qui leur sera demandé. Les résultats de cette étude seront proposés par un camarade désigné, aux responsables politiques, des manifestations ou meetings qui décideront de ce qui devra être fait.

    Pendant la manifestation ou le meeting, le responsable politique, ou les responsables, auront avec eux, sous leur direction le responsable général de la localité à l’autodéfense, désigné par toutes les organisations révolutionnaires participantes, qui assurera techniquement la bonne marche de la manifestation ou du meeting. Les responsables et même tous les membres de l’autodéfense de la localité pourront se réunir ensemble pour discuter des fautes commises et des lacunes à corriger.

    Ils formeront ainsi, quand le besoin s’en fera sentir, le groupe d’autodéfense de la localité.Sur le plan du rayon ou de la région, ou centralement, la même opération que sur la base locale pourra se répéter. Les responsables des organisations révolutionnaires à l’autodéfense se réuniront et pourront désigner un responsable général qui sera chargé de coordonner le travail fait dans chacune des organisations. Ces groupes d’autodéfense à part, feront partie intégrante de la masse qui entoure chacune des organisations révolutionnaires.

    Notre parti qui est le dirigeant, l’avant­garde du prolétariat, pourra donc, de ce fait, entraîner, conduire, discipliner le prolétariat et l’entraîner vers des buts que notre Parti aura tracés. Bien entendu, il sera nécessaire d’avoir une grande discipline et d’appliquer ce qui aura été décidé.

    On ne pourra pas toujours étudier d’avance toutes les situations, mais les responsables politiques qui auront autour d’eux la masse des ouvriers qui les connaîtront pour les avoir dirigés maintes fois, pourront d’accord avec les autres camarades plus techniquement responsables, prendre les décisions les plus aptes à conserver toujours le contact avec les masses et faire que celles­ci ne sortent pas de l’action diminuées ou amoindries.

    Dans cet article, tous les points ne sont pas touchés. Le travail propre à un groupe de 5, à un groupe d’autodéfense, comment nous pensons que les services d’ordre des meetings devraient être réalisés, la tenue et l’organisation des manifestations, etc., doivent encore être précisés et plus détaillés.

    Le travail de l’autodéfense doit être posé sous l’angle d’un travail de masse et non sectaire. C’est dans cette voie (malgré certainement des lacunes) que nous avons voulu orienter la question. Les événements vont vite, il est nécessaire d’insister sur ce travail qui est très en retard.

    =>Retour au dossier sur le 6 février 1934

  • Contre le gouvernement Tardieu, contre le fascisme, Jacques Duclos (février 1934)

    Les événements qui viennent de se dérouler en France illustrent de la manière la plus éclatante les thèses de la XIIè Assemblée plénière de l’Internationale Communiste soulignant que « s’accroît toujours plus l’indignation révolutionnaire des masses laborieuses et leur volonté de renverser le joug insupportable de classes exploiteuses ».

    La théorie de la France « îlot paisible » au milieu d’une mer démontée reçoit de rudes coups. Les actions à masse dans tout le pays, ont révélé la profondeur et l’acuité des contradictions dans le camp bourgeois ; la profondeur et l’acuité de la crise de la démocratie française ; la profondeur et l’acuité de la lutte des classes. La riposte du prolétariat français contre l’offensive de la réaction fasciste montre combien est grande la colère accumulée dans les masses au cours des dernières années.

    Des millions d’ouvriers sont dans la misère. Les salaires sont rognés, avec le concours des leaders social­fascistes.

    Il y a en France quatre millions et demi de chômeurs complets et partiels. D’importantes couches de la petite-bourgeoisie urbaine : petits fonctionnaires, travailleurs intellectuels, commerçants, sont près de la ruine. Les campagnes gémissent sous le poids de la crise, de la chute des prix, des spéculations d’intermédiaires, des impôts. Tout cela a créé une atmosphère d’effervescence et de mécontentement révolutionnaire.

    En outre la situation extérieure est pleine de complications pour l’impérialisme français. Sous les coups des contradictions impérialistes le traité de Versailles, instrument de la puissance de la France, est fortement secoué.

    Avec chaque jour davantage d’acuité, se pose le problème de la guerre impérialiste.

    Les six gouvernements radicaux qui se sont succédé depuis mai 1932 ne faisaient que louvoyer, ajourner les questions, manoeuvrer pour se maintenir.

    Il s’agissait pour eux de concilier les injonctions de l’oligarchie financière, dont ils n’étaient que les agents, avec la pression croissante de masses de leurs électeurs, petits bourgeois, paysans, ouvriers qui exigeaient la réalisation de leurs promesses électorales, qui s’opposaient à toute tentative de réduction des traitements des fonctionnaires, préface à une nouvelle offensive contre les salaires, à toute tentative d’augmenter les impôts qui pèseraient sur eux ­ point essentiel du programme capitaliste de solution de la crise.

    La grève de 25.000 chauffeurs de taxis de Paris contre une nouvelle taxe votée par le Parlement, après les grèves de Citroën, de Strasbourg, des bateliers, des manifestations de rues des fonctionnaires, montre la vigueur de la réaction des masses.

    Incapables de résoudre les problèmes qui se posent devant la bourgeoisie de ce pays, les gouvernements radicaux ne faisaient qu’aggraver la crise, ce qui accentuait le mécontentement d’en bas et la réaction des ouvriers sous la direction de leur parti communiste.

    Les cercles dirigeants capitalistes représentés par les partis directs du capital financier, avec Tardieu, passaient à l’organisation des forces fascistes qui auraient maté les ouvriers au moment où les partis parlementaires s’avéreraient complètement compromis et inaptes pour la réalisation du programme capitaliste.

    Le scandale Stavisky qui a éclaté au début de l’année a accéléré les événements. Ce scandale qui a montré une corruption inouïe de tout le régime politique du pays, qui a montré la vénalité de la magistrature, du gouvernement, de la police, des députés, était pour les masses comme le symbole de la pourriture du régime responsable de leurs misères.

    Stavisky, cet escroc ordinaire, condamné plusieurs fois pour des délits de droit commun, avait des complicités dans des sphères si haut placées que la police craignant ses indiscrétions a préféré l’éliminer en l’assassinant.

    Le gouvernement Chautemps, dont au moins trois ministres étaient compromis dans l’affaire, dont le ministre de la Justice, Reynaldy, mêlé à un autre scandale, faisait tout pour escamoter l’affaire, pour empêcher l’éclaircissement des responsabilités.

    La droite a jugé le moment opportun pour livrer l’assaut au gouvernement avec sa majorité de « gauche » qui le soutenait. Sous la direction de Tardieu, escroc cynique, mêlé à plusieurs scandales des plus vils, dont celui d’Oustric est le dernier en date, de Flandin, avocat véreux, mêlé à l’affaire de l’Aéropostale, qui a volé des centaines de millions, et d’autres politiciens corrompus du même acabit, la droite a déclenché dans le pays une campagne contre le gouvernement des voleurs, exigeant sa démission immédiate.

    Mais à côté de cette campagne, les chefs de la droite ont mis en jeu des organisations fascistes formées depuis longtemps à Paris qui se développaient sous la protection du gouvernement, sous la haute surveillance de Chiappe, préfet de police depuis 1927, nommé à ce poste par le ministre radical de l’Intérieur de Poincaré, Albert Sarraut (il détient actuellement le même poste) .

    Chiappe, lié à Gorgoulov, protecteur des monarchistes espagnols, protecteur de Stavisky, ami intime depuis quarante ans, comme il l’avoue lui­même, de l’escroc Dubarry, directeur de la Volonté, un des agents principaux de Stavisky, a transformé la police de Paris en garde prétorienne qui lui est complètement dévouée et qu’il employait avec une brutalité sans exemple pour la lutte contre le communisme. Par contre, la police de Chiappe avait toujours une attitude des plus bienveillantes envers les manifestants fascistes.

    Le jeu de Tardieu et de Chiappe fut favorisé par toute la politique de la social­démocratie.

    Par son soutien des gouvernements radicaux, « moindre mal » par rapport au gouvernement de l’Union nationale, par son sabotage de l’action antifasciste prolétarienne, dont le congrès de Pleyel, en 1933, fut l’expression, par son refus du front unique, de la lutte commune contre le fascisme français et étranger, la social­démocratie a frayé le chemin à Tardieu, a affaibli les forces ouvrières.

    C’est elle qui porte toutes les responsabilités principales du retour de Tardieu au pouvoir.

    Les néo­socialistes développent logiquement la politique de la S.F.I.O. En présentant le gouvernement Tardieu­-Doumergue­-Herriot comme un « moindre mal » par rapport à celui de Tardieu tout pur, tout comme la social­démocratie allemande édifiait ses théories sur la nécessité d’appuyer la combinaison Hindenburg­Papen contre Hitler flanqué de Hindenburg­Papen, alors que l’une préparait l’autre.

    La S.F.I.O. et la C.G.T. appliquent, en réalité, la même politique que leurs frères néos, en prêchant le calme et la dignité en face du gouvernement d’union nationale « protecteur des libertés démocratiques » devant le fascisme.

    Le renvoi par Daladier de Chiappe, compromis dans l’affaire Stavisky, a été le prétexte d’un déchaînement des organisations fascistes qui adoptaient le mot d’ordre de sa réintégration, et, aux cris de « A bas les voleurs !», ces organisations ont essayé d’entraîner un courant de masse.

    La bourgeoisie a voulu pousser une offensive en vue de créer pour sa politique de préparation du fascisme une base parmi les éléments des couches moyennes, profondément inquiètes, en raison de leur situation.

    « Le fascisme s’efforce d’assurer au capital monopoliste une base de masse au sein de la petite bourgeoisie en faisant appel à la paysannerie désorientée, aux artisans, aux employés, aux fonctionnaires et notamment aux éléments déclassés des grandes villes et tente de pénétrer également au sein de la classe ouvrière ». (Thèses du XIIIè Plénum.)

    C’est dans ces conditions que fut organisé, le 6 février, le putsch fasciste où se voit la main de la provocation.

    La silhouette du Tardieu de Gorgoulov se profile derrière ces événements sanglants en compagnie de celle de Chiappe. Les manifestations fascistes du 6 février ont provoqué une riposte immédiate de la part du prolétariat.

    A l’appel du Parti communiste, l’avant­garde révolutionnaire du prolétariat français s’est mise à la tête du formidable mouvement des masses contre la dictature de la bourgeoisie.

    Tardieu, qui a réussi à grimper au pouvoir, à la faveur du putsch du 6 février, semble avoir remporté la première manche. « L’émeute de droite a réussi » ­ jubile Kérillis (Echo de Paris du 13 février). Or, cette « victoire » de Tardieu peut bien n’être qu’une victoire à la Pyrrhus. Ces messieurs comptent sans la résistance acharnée et la lutte héroïque de la classe ouvrière, sous la direction du Parti communiste.

    Avec un héroïsme magnifique, au premier appel du Parti communiste les ouvriers de Paris se sont levés.

    Déjà le 6 février 25.000 ouvriers ont tenu seuls contre tous tête aux fascistes, aux flics, aux gardes mobiles.

    Le 7 ils avaient déjà l’initiative dans de nombreuses manifestations à Paris et en province. Le 9 février les ouvriers de Paris tenaient seuls le pavé dans la lutte vigoureuse de 5 heures contre la police.

    La grève générale du 12 février constitue une étape de la plus haute importance dans la contre-­offensive ouvrière, sous la direction communiste, qui se pose comme but de chasser le gouvernement de fusilleurs et d’écraser dans le germe l’hydre fasciste. Dans les rues et les places des villes françaises sont face à face, non pas trois forces, comme le prétendent les social­-fascistes (fascistes, appareil d’Etat et ouvriers), mais deux camps, deux classes : d’un côté la bourgeoisie qui se fascise, la police et la gendarmerie, de l’autre le prolétariat français qui se lève pour repousser l’offensive de la réaction fasciste.

    Notre lutte antifasciste ne signifie point la défense de la démocratie bourgeoise, qui prépare le lit du fascisme et utilise des procédés de plus en plus violents de domination contre la classe ouvrière.

    Le Parti socialiste qui a saboté le front unique d’action et boycotté les comités de lutte contre la guerre et le fascisme, qui a fait croire à la classe ouvrière qu’elle peut avoir confiance dans les bourgeois de gauche aujourd’hui associés à Tardieu, dans un gouvernement de préparation au fascisme, parle de « défendre la République ».

    La manifestation de Vincennes avait cet objectif d’après les plans du Parti S.F.I.O., mais la participation des communistes en a changé le caractère. Les cris mille fois répétés de « Chiappe en prison » et de « Les Soviets ­ Les Soviets partout » donnaient à la démonstration son sens de classe.

    Antifascistes nous sommes. Nous sommes le parti que peut mobiliser les masses pour la lutte contre le fascisme, et quand aujourd’hui le Parti socialiste prend un masque « antifasciste » pour mieux tromper les ouvriers, nous avons le devoir de préciser que la politique social­ démocrate du moindre mal, d’affaiblissement du front de classe du prolétariat et de capitulation devant la bourgeoisie, aide le développement du fascisme.

    Les ouvriers d’Autriche qui, dans leur immense majorité sont restés sous l’influence de la social­démocratie gauche des austro­marxistes, font aujourd’hui la cruelle expérience de la défaite. Ils avaient réalisé l’unité au sein du Parti socialiste qui, de recul en recul, les a conduits à une impasse et à la défaite.

    Le Parti socialiste autrichien, comme le Parti S.F.I.O., a soutenu lui aussi jusqu’au bout la République, pour arriver au tragique dénouement d’aujourd’hui. Il a soutenu Dollfuss qui aujourd’hui mitraille les prolétaires autrichiens.

    Et c’est pourquoi chaque communiste doit comprendre que :

    « la dictature fasciste n’est nullement une étape inévitable de la dictature de la bourgeoisie dans tous les pays. La possibilité de l’éviter dépend des forces du prolétariat en lutte, forces paralysées principalement par l’influence dissolvante de la social­démocratie » (Thèses du XIIIè Plénum.)

    Cela signifie que seulement par une lutte vigoureuse contre le fascisme nous pouvons entraîner et convaincre les ouvriers socialistes, aussi faut­il combattre toute manifestation de passivité opportuniste dont nous avons encore trop d’exemples en dépit du sérieux des événements.

    Entrer résolument dans l’action, réaliser le front unique pour la lutte, voilà ce qui doit guider nos organisations dans leur activité, mais le front unique ne peut à aucun moment servir de prétexte à la dissimulation aux yeux de la classe ouvrière de la politique de la social­démocratie et de ses conséquences néfastes pour le prolétariat. Jamais le front unique ne peut signifier le silence sur la politique qui conduit le prolétariat à la défaite.

    En luttant avec les ouvriers socialistes, en prenant la tête des batailles contre la bourgeoisie, nous devons sans cesse avoir pour objectif de montrer et faire comprendre à ces ouvriers que seule notre politique est une politique de classe.

    Nous ne devons pas céder aux propos de certains qui, lorsque nous établissons les responsabilités de la social­démocratie, nous accusent de briser le front unique.

    Une telle opinion ne peut avoir pour racine politique qu’une appréciation fausse du rôle de la social­démocratie et un manque de confiance dans notre Parti.

    Nous avons entendu déjà maintes fois porter contre nous l’accusation « de diviseurs de la classe ouvrière ».

    Cette accusation hypocrite sera d’autant plus reprise que devant le grand courant de masse le Parti socialiste ruse et manoeuvre. Ceux qui brisent l’unité d’action, ceux qui l’empêchent, ce sont ceux qui entraînent une partie du prolétariat sur un terrain de collaboration avec la bourgeoisie, trahissant ainsi ses véritables intérêts.

    Quant à nous, luttant résolument pour réaliser partout à la base le Front unique d’action contre la bourgeoisie, nous ne pouvons que démasquer impitoyablement la politique de soutien de la bourgeoisie menée par le Parti socialiste et il faut démasquer cette politique avec d’autant plus d’acharnement qu’elle prend les apparences d’une prétendue opposition et d’une soi­disant lutte contre le fascisme.

    Solidement armés pour développer et appliquer la politique de notre Parti, les communistes doivent dans le grand mouvement de masse antifasciste qui déferle à travers tout le pays, mettre tout en oeuvre pour organiser les forces ouvrières et les préparer à de plus vastes combats.

    La grève générale de 24 heures dans laquelle certains voulaient voir une combinaison, sans tenir compte du mouvement de masse, les démonstrations puissantes de Paris et de province témoignent d’un profond ébranlement des masses dont le Parti communiste doit prendre la tête ; mais cela ne peut qu’inciter la bourgeoisie à décupler ses efforts.

    C’est pourquoi l’organisation de ce vaste mouvement de masse est une des tâches décisives du mouvement.

    Il s’agit maintenant de créer des comités de front unique d’action dans les entreprises, de consolider ceux qui ont déjà été constitués, de ne pas les laisser mourir lentement.

    L’entreprise est encore le point faible du mouvement. Les efforts doivent être multipliés pour y développer le travail.

    Jamais une nécessité aussi impérieuse n’a existé pour créer partout des comités antifascistes et rassembler des travailleurs qui ont lutté ensemble pour la grève générale, qui ont manifesté ensemble. Les communistes à travers tout le pays doivent œuvrer pour la création de puissants comités de masse contre le fascisme et la guerre.

    Ils doivent être au premier rang de la lutte pour préparer un vaste rassemblement national de lutte contre la guerre et le fascisme. Durant cette dernière période, l’influence de notre Parti s’est considérablement accrue, mais son état d’organisation est sensiblement resté le même.

    Or, il peut et il doit s’améliorer. Dans le mouvement de masse, il faut absolument recruter pour le Parti, pour les jeunesses et travailler à réaliser le mot d’ordre de création d’une cellule des J.C. À côté de chaque cellule d’entreprise du Parti.

    Les communistes doivent considérer comme un devoir impérieux de traduire en effectifs nouveaux l’influence très grande de la C.G.T.U. sur la classe ouvrière.

    Tout ceci revient à dire que le renforcement du Parti et des organisations révolutionnaires est étroitement rattaché au travail du Parti dans le mouvement de masse que nous voulons développer, pousser plus en avant et l’entraîner à la lutte.

    Alors que l’action antifasciste prend dans les cerveaux ouvriers une si grande place et à juste titre, il est absolument indispensable de répondre à un besoin de la classe ouvrière en créant des groupes d’autodéfense de masse. Durant les derniers jours, des improvisations dans ce domaine se sont produites qui soulignent la nécessité d’organiser et de coordonner les efforts dispersés.

    Sans doute la lutte contre l’idéologie fasciste est extrêmement importante et il faut la mener, mais cela ne suffit pas.

    Nous ne voulons pas non plus « battre chaque fasciste où on le trouve », nous ne préconisons pas de terreur individuelle qui couvre la passivité et l’abandon du travail de masse, mais nous appelons les prolétaires à créer des groupes d’autodéfense de masse qui peuvent et doivent jouer un rôle important dans les luttes prochaines.

    Est-­il possible par exemple avec un peu d’organisation de chasser la presse fasciste des quartiers ouvriers, d’en chasser les vendeurs ? Oui.

    De même il est possible par l’action de masse à la base de nettoyer les murs des quartiers ouvriers de toutes les affiches fascistes et il est évident que, si besoin est, la classe ouvrière doit se défendre contre toute agression fasciste encadrée par ses groupes d’autodéfense et partant plus forte.

    La classe ouvrière fait preuve d’une grande combativité ; elle a manifesté, elle a fait grève pendant 24 heures. Un tel mouvement poursuivi est de nature à arracher des revendications, à faire reculer la bourgeoisie.

    A travers les actions de masse partielles pour des revendications politiques et économiques nous devons préparer une grève politique de masse avec des buts précis :Chasser le gouvernement d’Union nationale Tardieu­Laval­Herriot, fusilleur des prolétaires, qui prépare le fascisme.

    Dissolution des ligues fascistes, arrestation de leurs chefs, arrestation du provocateur Tardieu et de son agent, Chiappe.

    En portant des coups rudes à la bourgeoisie, on pourrait la faire céder. La classe ouvrière prend conscience de sa force, nous devons l’aider à mieux voir encore ce qu’est sa puissance.

    Maintenant, dans la bataille à mener, les coups les plus durs doivent être portés contre le gouvernement d’Union nationale auquel la social­démocratie a frayé le chemin.

    Le Parti communiste est le seul à lutter contre ce gouvernement qui prépare le renforcement de l’offensive capitaliste, le fascisme et la guerre.

    Il mène cette lutte avec la ferme volonté de mobiliser les masses pour l’action, de gagner les ouvriers socialistes et de combattre pour l’application de la ligne politique de l’Internationale communiste et du Parti, gage de la lutte victorieuse sur la bourgeoisie.

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  • 6 février 1934

    L’initiative d’extrême-droite du 6 février 1934 – très clairement dans une perspective de coup d’Etat – a provoqué une très intense mobilisation ouvrière, aboutissant à l’unité d’action de la SFIC et de la SFIO.

    Chronologie

    8 janvier 1934 : Alexandre Stavisky est retrouvé suicidé juste avant son arrestation. Il avait mené de vastes escroqueries et avait profité de 19 remises de son procès, alors que le Parquet est dirigé par le beau-frère du radical-socialiste Camille Chautemps, président du conseil (c’est-à-dire chef du gouvernement).

    9 janvier 1934 : démission du ministre des Colonies Albert Dalimier, compromis dans l’affaire Stavisky.

    10 janvier 1934 : L’Action française dénonce dans sa presse « Camille Chautemps, chef d’une bande de voleurs et d’assassins » et multiplie les initiatives agitatrices.

    26 janvier 1934 : démission du ministre de la Justice Eugène Raynaldy mêlé à l’affaire de la Banque Sacazan.

    27 janvier 1934 : Camille Chautemps démissionne.

    30 janvier 1934 : le radical Édouard Daladier est nommé président du conseil.

    5 février 1934 : le préfet de police de Paris Jean Chiappe, proche de l’extrême-droite, est malgré son refus remplacé par Édouard Daladier. L’extrême-droite appelle à une manifestation le lendemain en défense du préfet et contre la « corruption parlementaire ». La SFIC avertit de la menace et l’ARAC (Association républicaine des anciens combattants) manifestera avec son propre cortège ; la SFIO mobilise également.

    6 février 1934 : les ligues d’extrême-droite défilent à Paris, avec notamment l’Action française, les Jeunesses patriotes, les Croix-de-Feu. Elles tentent le coup de force en utilisant la violence pour occuper la Chambre des députés alors qu’un nouveau gouvernement doit être nommé. C’est l’échec avec 14 morts et 657 blessés.

    7 février 1934 : le radical Édouard Daladier démissionne de la présidence du conseil. Multiplication des manifestations antifascistes (450 dans 356 villes d’ici au 12 février).

    La commission administrative de la CGT décide d’une grève de 24 heures pour le 12 février.

    La SFIO appelle à un rassemblement pour le lendemain.

    8 février 1934 : la SFIO renonce à organiser un défilé antifasciste en raison de l’interdiction. L’ancien président Gaston Doumergue est pressenti pour devenir chef du gouvernement. Dans un contexte d’effervescence ouvrière, la SFIC appelle à un grand rassemblement le lendemain.

    9 février 1934 : l’ancien président de la République Gaston Doumergue devient chef du gouvernement alliant les radicaux et la droite pour un gouvernement présenté comme d’union nationale, avec le maréchal Pétain comme ministre de la guerre.

    La SFIC organise une manifestation antifasciste illégale à Paris place de la République. Elle amène cinq heures d’affrontements avec les interventions de la police alors que de multiples barricades sont mises en places par la SFIC, au prix de dix morts dans ses rang.

    La SFIO appelle à un grand rassemblement pour le 12 février avec cessation du travail par la grève générale.

    10 février 1934 : la SFIC salue l’unité d’action lors de son initiative antifasciste du 9 février et appelle à manifester le 12 février. La SFIO lance son appel au peuple de Paris.

    11 février 1934 : mobilisation générale de la SFIC et de la SFIO pour le lendemain.

    12 février 1934 : les syndicats CGT et CGTU organisent une journée de grève générale soutenue par la SFIO et la SFIC ; 4,5 millions de personnes cessent le travail.

    La SFIC et la SFIO appellent à manifester et un million de personnes sont dans les rues dans toute la France ; à Paris notamment les deux défilés antifascistes fusionnent. Des barricades sont constituées à Boulogne-Billancourt et Gennevilliers.

    L’effervescence continue les jours suivants.

    17 février 1934 : défilé antifasciste en mémoire des victimes de la manifestation du 9 février.

    18 février 1934 : manifestation unitaire SFIO-SFIC à Toulouse contre les violences des Jeunesses Patriotes. Elle tourne à l’affrontement avec la police alors que des barricades sont constituées. Un manifestant antifasciste est tué.

    22 février 1934 : le gouvernement Doumergue obtient de diriger par décrets-lois.

    5 mars 1934 : formation du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes.

    27 juillet 1934 : signature du pacte d’unité SFIC-SFIO.

    29 juillet 1934 : initiative commune SFIC-SFIO contre le fascisme et et la guerre au Panthéon en souvenir de Jaurès (assassiné le 31 juillet 1914).

    Documents

    [html] Contre le gouvernement Tardieu, contre le fascisme (février 1934)

    [html] Sur l’autodéfense prolétarienne (février 1934)

    [html] Pour l’unité d’action antifasciste – SFIC (mars 1934)

    [html] Anniversaire des journées de février 1934 (février 1935)

    [html] PCMLM : les 80 ans du 6 février 1934