Georgi Dimitrov : L’Union soviétique et la classe ouvrière des pays capitalistes (1937)

(L’Union soviétique et la classe ouvrière des pays capitalistes – novembre 1937)

Georgi Dimitrov

I

C’est avec une joie et un enthousiasme sans bornes que les millions de travailleurs du monde entier, tous ceux qui luttent contre le brigandage capitaliste, la barbarie fasciste et les guerres impérialistes, fêtent le XXe anniversaire de la grande Révolution socialiste d’Octobre.

Dans tous les pays, les partisans honnêtes de la démocratie, du progrès et de la paix, l’élite de la science, de la culture et de l’art, saluent les vingt années d’existence du premier Etat socialiste du monde, comme un événement d’une portée historique universelle.

Il n’est point d’autre événement dans l’histoire de l’humanité qui ait eu sur le cours du

développement social, sur les destinées de tous les peuples du monde, une influence aussi énorme que celle exercée par la victoire de la grande Révolution socialiste d’Octobre.

Il n’y a pas eu jusqu’à ce jour un Etat comme l’U.R.S.S., que des millions d’hommes sur tous les points du globe, sans distinction de nationalité ni de race, chérissent comme une patrie, sentant qu’eux-mêmes, leur vie, leur sort et leurs espoirs sont indissolublement liés à ce pays.

A la suite de révolutions bourgeoises, le capitalisme a triomphé du régime féodal et conquis une situation dominante.

Il a enveloppé de son système d’économie le monde entier ; il a vaincu le particularisme féodal et créé de grands Etats nationaux.

Mais le capitalisme n’a fait que substituer une forme de l’exploitation à l’autre, certains antagonismes de classes à d’autres.

Il a été incapable d’unir les peuples dans la paix, mais il a, au contraire, rendu plus profond l’abîme qui existait entre eux, créant de nouvelles contradictions internationales et de nouveaux motifs de guerre de conquête, de guerre destructrice.

A la suite de la grande Révolution socialiste d’Octobre, le socialisme a triomphé du capitalisme sur un sixième du globe.

Au centre du monde, sur un immense territoire englobant la moitié de l’Europe et de l’Asie, est apparu un puissant Etat socialiste basé sur la suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme et sur l’union fraternelle des peuples ; cet Etat montre le chemin à suivre pour libérer l’humanité tout entière de la servitude capitaliste, pour grouper tous les peuples du monde dans la grande fraternité des travailleurs libres et heureux.

Pendant vingt ans d’une âpre lutte, face à la résistance acharnée des classes exploiteuses battues à l’intérieur du pays, et à l’intervention contre-révolutionnaire du dehors, dans les conditions de l’encerclement capitaliste hostile, les travailleurs de l’U.R.S.S. dirigés par le glorieux Parti bolchevik avec, en tête, les chefs géniaux de l’humanité travailleuse, Lénine et Staline, ont fait d’un pays, autrefois arriéré et miséreux, un puissant Etat socialiste avancé.

Si, en 1913, Lénine, caractérisant l’état incroyablement arriéré de la Russie tsariste, attirait l’attention sur le fait que son économie était outillée quatre fois plus mal que l’Angleterre, cinq fois plus mal que l’Allemagne, et dix fois plus mal que l’Amérique, en moyens de production modernes, l’Union soviétique occupe maintenant la première place en Europe et en tant que pays industriel la deuxième place dans le monde pour la production industrielle.

Nul ne peut nier désormais les immenses réalisations de l’édification socialiste, le développement considérable de l’industrie et les récoltes records de l’agriculture collectivisée.

Car c’est un fait que l’économie de l’U.R.S.S. marque un essor impétueux, comme n’en a jamais connu la société capitaliste.

Si le développement de l’industrie des pays capitalistes pour la période allant de 1890 à 1913 a donné un accroissement annuel moyen de la production de 5,8 %et, pour la période allant de 1913 à 1936, de 1,5 % seulement, en Union soviétique, rien que pour 1936, l’accroissement de la production industrielle a été de 28 %.

Si, en 1936, la production industrielle des pays capitalistes a dépassé d’un tiers le niveau de 1913, en Union soviétique elle a augmenté de plus de sept fois.

Une énorme victoire historique a été remportée dans le domaine de l’agriculture.

Au moment où l’agriculture des pays capitalistes ne sort pas d’une crise prolongée qui a pour résultat la réduction de la surface des emblavures la destruction d’une masse de produits, la baisse constante de tout le niveau de la production, en Union soviétique, à la place d’une économie arriérée et morcelée, on a créé la grosse agriculture socialiste la plus avancée, 99 % des emblavures ont été collectivisées. Grâce au régime kolkhozien, la misère a été liquidée au village, et il n’y a plus de paysans sans terre, sans cheval, sans matériel agricole.

Plus de vingt millions de paysans pauvres, qui végétaient auparavant dans la misère, sont entrés aux kolkhoz où ils vivent une vie aisée et culturelle.

L’agriculture socialiste donne des récoltes records, telles que l’histoire du pays n’en a encore jamais connues. En 1937, on a récolté presque sept milliards de pouds (1.120 millions de quintaux) de céréales, alors qu’avant la révolution on ne récoltait dans les meilleures années que quatre à cinq milliards de pouds (720 à 800 millions de quintaux).

En régime capitaliste, partout où croît la richesse de quelques-uns, on voit grandir à l’autre bout la misère et la détresse des millions de travailleurs ; les périodes d’essor sont inévitablement suivies de crises cruelles qui détruisent les forces productives et engendrent le chômage, la misère, la famine.

Le système socialiste, lui, ignore les crises, ignore le chômage et la misère.

Des faits indéniables attestent nettement la supériorité du système socialiste sur le système capitaliste, non seulement dans le domaine économique, mais aussi dans celui des conditions d’existence et de la culture, de la science et de l’art, dans celui des rapports entre les peuples.

Seuls les apologistes aux gages du capitalisme peuvent contester cette supériorité.

Et seuls des crétins consommés, qui souvent se disent socialistes, de même que les charlatans politiques qui faussent le marxisme, osent encore démontrer que la classe ouvrière n’est pas en mesure de prendre la responsabilité historique de la direction des destinées de son peuple et de l’organisation de l’économie nationale, que le prolétariat « inexpert » dans les choses de l’Etat et de l’économie, ne peut se passer de la bourgeoisie « experte » en la matière.

Les vingt années d’existence de l’Union soviétique confirment d’une façon éclatante les paroles de Staline, prononcées en 1927, à l’occasion du dixième anniversaire de la Révolution d’Octobre.

Les succès incontestables du socialisme en U.R.S.S. sur le front de construction ont démontré nettement que le prolétariat peut gouverner avec succès le pays sans la bourgeoisie et contre la bourgeoisie ; qu’il peut édifier avec succès l’industrie sans la bourgeoisie et contre la bourgeoisie ; qu’il peut diriger avec succès toute l’économie nationale sans la bourgeoisie et contre la bourgeoisie ; qu’il peut édifier avec succès le socialisme malgré l’encerclement capitaliste. (J. Staline : les Questions du léninisme, t. I, p. 187-188, Editions sociales, 1950.)

Là est une des plus importantes leçons de principe de la grande Révolution socialiste d’Octobre pour la classe ouvrière des pays capitalistes, leçon qu’il importe de souligner tout particulièrement en ce vingtième anniversaire.

II

Le prolétariat des pays capitalistes a beaucoup fait pour soutenir la Révolution prolétarienne, la première dans l’histoire de l’humanité.

Sans ce soutien, les ouvriers et les paysans soviétiques auraient versé encore plus de leur sang et auraient compté encore plus de sacrifices pour sauvegarder les conquêtes de la Révolution socialiste. Il faut, néanmoins, dire tout net que la classe ouvrière des pays capitalistes n’a pas réussi à faire son devoir jusqu’au bout, ni envers la première Révolution socialiste, ni en ce qui concerne sa propre libération.

Non seulement elle est restée elle-même sous le pouvoir du Capital et est tombée, en Italie et en Allemagne, sous la servitude barbare du fascisme, mais elle a contribué, malgré elle, à augmenter les difficultés, les privations, les souffrances et les sacrifices du détachement d’avant-garde du prolétariat international.

Où en serait le monde si, après la Révolution socialiste d’Octobre, dans la période de 1918 à 1920, le prolétariat d’Allemagne, d’Autriche-Hongrie et d’Italie, ne s’était pas arrêté à mi-chemin dans son essor révolutionnaire ?

Où en serait le monde si les révolutions allemande et autrichienne de 1918 avaient été menées jusqu’au bout et, si à la suite de la victoire de la révolution, la dictature du prolétariat avait été instaurée au centre de l’Europe, dans les pays industriels hautement évolués ?

Le bloc révolutionnaire du prolétariat de l’Europe occidentale et de la classe ouvrière de l’Union soviétique n’aurait pas seulement rendu cent fois plus facile la liquidation de l’intervention contre-révolutionnaire et de la guerre civile ; il aurait hâté infiniment l’édification du socialisme au pays des Soviets.

Il n’y aurait pas de dictature fasciste, ni en Italie, ni en Allemagne, ni en Autriche, ni dans les autres pays.

Le fascisme ne mènerait pas l’offensive contre la classe ouvrière et les peuples démocratiques.

Les peuples espagnol et chinois n’auraient pas à endurer les lourdes épreuves qui leur sont imposées aujourd’hui. L’humanité ne se trouverait pas, à l’heure présente, devant la sinistre menace d’une nouvelle boucherie mondiale.

Lorsque les ouvriers et les paysans de Russie ont renversé le pouvoir des propriétaires fonciers et des capitalistes, toutes les conditions objectives nécessaires étaient réunies dans l’Europe centrale pour que le prolétariat européen, et au premier chef le prolétariat d’Allemagne, s’engageât dans la voie tracée par les ouvriers et les paysans soviétiques.

Mais il n’en fut rien.

Et principalement parce que, à la direction des organisations de masse du prolétariat, le dernier mot appartenait aux chefs des partis social-démocrates qui, dès le début de la guerre, avaient fait bloc avec leur bourgeoisie impérialiste.

Désireux de sauvegarder coûte que coûte les assises ébranlées de la société bourgeoise, ils ont utilisé largement l’influence exercée par l’idéologie et la politique du social-démocratisme, du réformisme, pour tromper la majorité de la classe ouvrière, la convaincre que ce n’était pas le développement ultérieur de la révolution, mais sa prompte liquidation qui conduirait les ouvriers au socialisme.

Par leur coalition avec la bourgeoisie :ils ont scindé le mouvement ouvrier, ils ont affaibli le prolétariat, ils l’ont isolé de la paysannerie et des petites gens de la ville ; et c’est ainsi qu’ils ont aidé la bourgeoisie à rassembler ses forces, à passer à l’offensive contre les ouvriers et les paysans révolutionnaires.

Les pleutres et les mystificateurs politiques du prolétariat, qui se trouvaient à la tête des organisations ouvrières de masse, cherchaient à effrayer les ouvriers par la perspective des sacrifices, des privations, de la ruine économique.

Ils les assuraient que ce n’était pas la voie du bolchévisme, ni l’application révolutionnaire effective de la doctrine de Marx et de Engels, ni la révolution prolétarienne et la dictature du prolétariat qui feraient aboutir au socialisme, mais que c’était la voie du social-démocratisme, la voie de la coalition avec la bourgeoisie et le maintien du régime bourgeois, qui assureraient le passage pacifique et indolore au socialisme.

Aujourd’hui, les résultats de ces vingt années sont là.

Qui ira nier que les sacrifices et les privations subis, par exemple, par la classe ouvrière et les masses travailleuses d’Allemagne durant toute la période d’après-guerre, et surtout dans les conditions du féroce régime de dictature fasciste, sont mille fois plus grands que tous les sacrifices et privations qu’aurait nécessités la victoire de la révolution prolétarienne en 1918 ?

Au lieu du passage au socialisme, du passage pacifique et indolore qui avait été promis, le social-démocratisme, par toute sa politique de capitulation et de scission, a déblayé la route pour la victoire du fascisme.

Sans le social-démocratisme de Turati et de d’Aragona, en Italie, la victoire du fascisme de Mussolini eût été impossible.

Sans le social-démocratisme d’Ebert et de Noske, en Allemagne, la victoire du fascisme de Hitler eût été impossible.

Sans le social-démocratisme de Renner et de Bauer, en Autriche, la victoire du fascisme de Schuschnigg eût été impossible. Cette vérité, rien maintenant ne saurait l’estomper.

Elle est confirmée irréfutablement aussi par une multitude de documents connus déjà de l’histoire politique de l’Europe d’après-guerre.

A la fin de la guerre impérialiste, dans les conditions d’une crise révolutionnaire encore jamais vue, les chefs réactionnaires de la social-démocratie ont scindé la classe ouvrière ; ils l’ont désarmée idéologiquement et politiquement ; ils ont empêché le développement des révolutions prolétariennes en marche ; ils ont sauvé la domination du capitalisme, exposant ainsi les travailleurs aux coups du fascisme.

Pendant ce temps, le bolchévisme, le marxisme authentique, a groupé la classe ouvrière ; il a réalisé l’alliance indestructible des ouvriers et des paysans, anéanti le capitalisme, assuré la victoire de la Révolution socialiste et abouti à construire la société socialiste sur un sixième du globe.

Staline avait mille fois raison, quand il écrivait, dix ans plus tôt :

Il est impossible d’en finir avec le capitalisme sans en avoir fini avec le social-démocratisme dans le mouvement ouvrier. (J. Staline : les Questions du léninisme, t. I, p. 192, Editions sociales, 1950.)

Là est la deuxième leçon de principe éminemment importante pour le prolétariat des pays capitalistes, en rapport avec le XXe anniversaire de la grande Révolution socialiste d’Octobre.

III

En ces vingt années, pendant la crise économique mondiale surtout, les masses travailleuses des pays capitalistes ont subi bien des souffrances, bien des épreuves ; leur douloureuse expérience leur a appris bien des choses.

La victoire définitive et sans retour du socialisme en U.R.S.S., d’une part, et les enseignements des défaites momentanées que le fascisme a infligées à la classe ouvrière en Allemagne surtout, d’autre part, ont sapé l’influence du social-démocratisme non seulement dans la classe ouvrière, mais aussi au sein des partis socialistes eux-mêmes, ainsi que dans les syndicats qui se trouvent sous leur direction politique.

Dans le camp social-démocrate, on a commencé à abandonner les positions du réformisme, la politique de collaboration de classe avec la bourgeoisie et à se placer sur les positions de la lutte commune avec les Partis communistes contre le fascisme, sur les positions de l’unité d’action de la classe ouvrière et du Front populaire antifasciste.

Ce processus a déjà trouvé une expression éclatante dans l’établissement d’un front unique entre les communistes et les socialistes en France, en Espagne, en Italie et partiellement dans une série d’autres pays.

Le développement de ce processus est facilité et accéléré par le cours des événements des dernières années, qui pose impérieusement devant la classe ouvrière la tâche la plus importante et la plus urgente :barrer à tout prix le chemin au fascisme dans les pays de démocratie bourgeoise ; renverser le fascisme là où il est au pouvoir; défendre la paix, universelle contre les fauteurs de guerre fascistes.

L’application juste par les Partis communistes, des positions essentielles du VIIe congrès de l’Internationale communiste, accélère ce processus de l’abandon du social-démocratisme.

Sous l’influence de la victoire du socialisme en U.R.S.S., du développement du mouvement de Front populaire et de la montée de l’influence du communisme au sein du mouvement ouvrier augmentera sans nul doute le nombre des Partis et des organisations socialistes qui répudient le social-démocratisme banqueroutier, qui mènent en commun avec les Partis communistes la lutte contre l’ennemi de classe commun et s’orientent vers l’union avec les communistes dans un seul parti de masse du prolétariat. 

Une telle union est déjà intervenue entre les socialistes et les communistes de Catalogne.

Elle se prépare par les efforts conjugués des Partis communiste et socialiste d’Espagne.

Les conditions nécessaires à cette union mûrissent aussi en France, grâce à la lutte conjuguée des communistes et des socialistes dans les rangs du Front populaire antifasciste, grâce aussi à l’influence heureuse qu’exerce la création de la C.G.T. unique sur tout le processus de l’unification des forces du prolétariat français. Le nouveau pacte entre communistes et socialistes italiens affermit encore leurs rapports fraternels et les liens de leur lutte commune contre la dictature fasciste de Mussolini.

On voit progresser la compréhension réciproque et le rapprochement entre communistes et socialistes en Allemagne, dans la lutte contre la dictature fasciste de Hitler, en dépit de toutes les menées et intrigues des chefs butés de la direction du Parti social-démocrate à l’étranger.

On peut dire en toute certitude qu’au XXe anniversaire de la grande Révolution socialiste d’Octobre, la classe ouvrière des pays capitalistes aborde de près la liquidation de la scission provoquée, au sein du mouvement ouvrier mondial par le social-démocratisme.

Sur le chemin de cette liquidation se dressent encore une quantité de difficultés et d’obstacles d’ordre idéologique, politique et d’organisation. Il est des difficultés liées à l’histoire même et aux traditions du mouvement ouvrier dans les différents pays, et qu’il n’est pas aisé d’aplanir.

Mais l’essentiel, c’est que les classes dominantes des pays capitalistes, éminemment intéressées à voir dissociées les forces du mouvement ouvrier, font et feront tout leur possible pour l’empêcher de réaliser son unité.

Afin de leur complaire, les chefs réactionnaires de l’Internationale socialiste déploient une énergie forcenée pour faire marcher à rebours la roue de l’histoire.

Même devant la monstrueuse intervention germano-italienne en Espagne, devant l’agression sauvage de la clique militaire fasciste-japonaise en Chine et la menace infiniment accrue d’une nouvelle guerre impérialiste mondiale, ils sabotent par tous les moyens chaque tentative d’action commune entreprise par les organisations ouvrières internationales pour défendre les peuples espagnol et chinois, pour défendre la paix.

Mais il n’est point de difficultés ni d’obstacles dans la voie de l’unité de la lutte contre le fascisme et la guerre, que la classe ouvrière ne puisse surmonter si elle est fermement résolue à grouper ses forces et à accomplir sa mission historique.

L’existence du pays du socialisme, puissant rempart de la lutte du prolétariat international, rempart de la paix, de la liberté et du progrès, est le plus grand facteur susceptible de liquider la scission du mouvement ouvrier mondial. 

Les travailleurs de l’Union soviétique, par leur exemple, par leur héroïsme au travail, par leur mouvement stakhanoviste, par leur dévouement à la patrie socialiste, par leur lutte implacable contre les ennemis du peuple, contre les espions trotskistes et boukharinistes et les agents de diversion, les agents du fascisme, exercent une énorme influence sur le rassemblement des forces scindées du mouvement ouvrier mondial.

On voit monter infailliblement les sympathies et l’amour des travailleurs du monde capitaliste pour l’Union soviétique, pays du socialisme vainqueur.

Et ce fait agit comme l’antidote le plus efficace contre l’œuvre de scission perpétrée, dans les rangs de la classe ouvrière par les agents déclarés ou masqués de l’ennemi de classe.

Le pays du socialisme vainqueur, qui joue un rôle si éminent dans l’unité du prolétariat international, resserre encore plus étroitement autour de l’U.R.S.S. tous les partisans sincères de la cause ouvrière.

Dans la situation internationale actuelle, il n’y a pas et il ne saurait y avoir de critérium plus sûr que l’attitude à l’égard de l’Union soviétique pour déterminer quels sont les amis et quels sont les ennemis de la cause de la classe ouvrière et du socialisme ; quels sont les partisans et quels sont les adversaires de la démocratie et de la paix. La pierre de touche permettant de vérifier la bonne foi et l’honnêteté de chaque militant du mouvement ouvrier, de chaque parti ouvrier et de chaque organisation des travailleurs, de chaque démocrate dans les pays capitalistes, c’est leur attitude à l’égard du grand pays du socialisme.

On ne saurait combattre effectivement le fascisme si on ne contribue pas à fortifier par tous les moyens le rempart essentiel de cette lutte : l’Union soviétique.

On ne saurait lutter sérieusement contre les fauteurs fascistes d’une nouvelle boucherie mondiale, sans soutenir totalement l’U.R.S.S., facteur essentiel du maintien de la paix mondiale, on ne saurait lutter effectivement pour le socialisme dans son pays, si l’on ne se dresse pas contre les ennemis de l’Etat soviétique où le socialisme est réalisé grâce aux efforts héroïques des travailleurs.

On ne saurait passer pour un ami véritable de l’U.R.S.S. si on ne condamne pas ses ennemis – les agents trotskistes-boukhanniens du fascisme.

Ce qui marque en fait la ligne de démarcation historique entre les forces du fascisme, de la guerre et du capitalisme, d’une part, et les forces de la paix, de la démocratie et du socialisme, de l’autre, c’est l’attitude observée à l’égard de l’Union soviétique, non point une attitude de pure forme envers le pouvoir des Soviets et le socialisme en général, mais l’attitude à l’égard de l’Union soviétique qui existe effectivement depuis vingt ans, avec sa lutte inlassable contre les ennemis, avec sa dictature de la classe ouvrière et sa Constitution staliniste, avec le rôle dirigeant du parti de Lénine et de Staline.

Là est la troisième leçon de principe éminemment importante pour le prolétariat des pays capitalistes, en rapport avec le XXe anniversaire de la grande Révolution socialiste d’Octobre.

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Georgi Dimitrov : Le front unique pour la paix (1936)

Staline et Georgi Dimitrov
Staline et Georgi Dimitrov

(Le front unique pour la paix – avril 1936)

I

Jamais encore depuis 1914, la menace d’une guerre mondiale n’a été aussi grande qu’aujourd’hui.

Et jamais encore la nécessité n’a été aussi urgente de mobiliser toutes les forces pour détourner cette catastrophe, qui menace toute l’humanité. Mais, pour cela, il est nécessaire avant tout de comprendre clairement d’où vient le danger, quels en sont les agents, quels sont les pays qu’ils s’apprêtent à assaillir.

Il serait faux de croire que la guerre qui vient, menace seulement l’Union soviétique, ou du moins la menace en premier lieu. N’est-ce pas un fait que l’occupation de la zone rhénane, par l’armée de Hitler crée une menace directe pour la France, la Belgique et d’autres pays européens ?

C’est également un fait que les plans de conquête de Hitler pour le plus proche avenir visent à la conquête de territoires appartenant à des Etats voisins, où se trouve une population allemande.

Si Hitler parle aujourd’hui de la « souveraineté de l’Allemagne », il parlera demain de la « souveraineté de tous les Allemands ».

Sous ce mot d’ordre, il tentera de réaliser l’annexion de l’Autriche, la destruction de la Tchécoslovaquie comme Etat indépendant, l’occupation de l’Alsace-Lorraine, de Dantzig, de la partie méridionale du Danemark, de Memel, etc.

Et c’est parfaitement compréhensible : il est beaucoup plus facile au fascisme allemand d’envoyer tout d’abord une armée conquérir des territoires appartenant à des Etats voisins, sous le mot d’ordre de l’ « union nationale de tous les Allemands », et de commencer seulement ensuite la guerre contre le puissant pays des Soviets.

Le fascisme allemand, qui se fortifie maintenant sur le Rhin, constitue également, bien que les gouvernants actuels de la Pologne aient avec lui des rapports d’alliance, une menace pour l’indépendance du peuple polonais.

En ce qui concerne l’Extrême-Orient, il n’y a pas de doute que le coup immédiat est dirigé contre le peuple chinois, bien que la camarilla militaire fasciste du Japon prépare la guerre contre l’Union soviétique et se soit entendue avec Berlin pour cette éventualité.

Le Japon a déjà occupé la Mandchourie et s’empare maintenant, l’une après l’autre, des provinces de la Chine. L’impérialisme japonais cherche, par ailleurs, à soumettre tous les peuples de l’Asie, y compris l’Inde, à s’emparer des Philippines et de l’Australie.

Il se prépare au règlement de comptes décisif avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Il est donc évident que les peuples de l’Occident commettraient une erreur fatale s’ils se laissaient bercer de l’illusion qu’ils ne sont pas menacés par les fauteurs fascistes de guerre en Europe et en Extrême-Orient.

En particulier, les peuples des pays voisins de l’Allemagne sont fondés à réfléchir sérieusement sur la défense de leur indépendance et de leur liberté.

La principale cause des guerres impérialistes, comme on le sait, réside dans le capitalisme lui-même, dans ses visées conquérantes.

Mais, dans la conjoncture internationale concrète d’aujourd’hui, l’instigateur de la guerre qui vient, est le fascisme, le poing ganté de fer des forces les plus agressives et les plus belliqueuses de l’impérialisme.

Si le danger de guerre est devenu si directement menaçant c’est qu’on n’a pas barré à temps le chemin du pouvoir au fascisme allemand.

Après avoir instauré sa domination par la guerre intérieure contre les masses populaires de son propre pays, le fascisme s’est développé en une menace directe de guerre pour tous les peuples du monde. Après avoir asservi son peuple, il passe, la torche de la guerre à la main, à l’offensive contre les autres peuples.

Le danger de guerre s’est encore extrêmement aggravé du fait qu’il s’est créé un état d’impunité pour l’agresseur fasciste. La préparation du fascisme allemand à la guerre (introduction du service militaire obligatoire, armements aériens et navals), s’est effectuée avec la complaisance systématique des puissances capitalistes et le concours direct des milieux dirigeants anglais.

La passivité et les hésitations de la Société des nations à l’égard de l’offensive du Japon contre la Chine et de l’agression italienne en Abyssinie ont encouragé l’insolence de l’agresseur.

Mais l’agressivité grandissante du fascisme allemand et de la camarilla militaire japonaise sont, avant tout et surtout, la conséquence du fait que le prolétariat international n’a pas réussi à réagir unanimement, en déployant toutes ses forces gigantesques, à rassembler autour de lui tous les travailleurs et tous les amis de la paix en un front puissant contre la guerre. 

La résistance de la partie réactionnaire des chefs de l’Internationale ouvrière socialiste et de la Fédération syndicale internationale au front unique de lutte n’est pas encore brisée.

Et le rejet des actions indépendantes et unies du prolétariat contre la guerre de la part de ces leaders réactionnaires qui soutiennent la politique impérialiste de leur bourgeoisie, l’engourdissement des masses par l’illusion que la Société des nations fera tout le nécessaire pour le maintien de la paix, ont été un frein pour la lutte du prolétariat contre la guerre et ont paralysé sa pression sur les gouvernements capitalistes.

A côté des leaders ouvertement réactionnaires qui sabotent l’unité d’action du prolétariat international pour la défense de la paix, on voit aussi se dresser les phraseurs de « gauche » qui prêchent des idées fatalistes sur l’impossibilité d’éviter la guerre et l’impossibilité de conserver la paix.

Du moment que la cause essentielle de la guerre est le capitalisme, disent-ils, on ne peut pas, tant qu’il existe, éviter la guerre, et il est stérile et absurde de lutter pour le maintien de la paix.

De telles gens sont des doctrinaires encroûtés, sinon de purs et simples charlatans. Ils voient partout les forces déchaînées de la guerre, mais ne remarquent nullement les puissants facteurs de paix.

L’Union soviétique – l’Etat du prolétariat victorieux – est, avec sa politique de paix résolue et conséquente, un de ces facteurs de paix.

Un autre facteur de paix, c’est le prolétariat des pays capitalistes.

Voilà les forces dirigeantes de la défense de la paix contre les fauteurs de guerre.

Les masses de la paysannerie, tous les travailleurs, les plus vastes masses populaires dans tous les pays capitalistes, sont également pour le maintien de la paix.

Un certain nombre d’Etats capitalistes sont, en ce moment, intéressés au maintien de la paix. Et dans les pays où règne le fascisme, comme dans ceux dont les gouvernants favorisent les instigateurs d’une nouvelle boucherie, les peuples ne veulent pas la guerre.

Les doctrinaires phraseurs, par exemple ceux de l’Independent Labour Party d’Angleterre, présentent la situation comme si la question de la guerre et de la paix dépendait exclusivement des gouvernements capitalistes.

Oui, il en serait ainsi si les masses populaires jouaient le rôle de simples pions entre les mains des gouvernements et ne luttaient pas pour le maintien de la paix en dépit de leurs gouvernements.

Mais c’est précisément cette façon de considérer les masses populaires comme de simples marionnettes entre les mains du gouvernement qui est absolument fausse.

Si ces masses, sans lesquelles il est impossible de faire la guerre, interviennent résolument et à temps contre les desseins militaires des gouvernements, elles pourront les contraindre à renoncer à la guerre et à l’indulgence envers ceux qui complotent la guerre.

Toute la question est d’organiser à temps la lutte des peuples pour le maintien de la paix et de mener cette lutte tous les jours et en tout lieu contre les fauteurs fascistes de guerre et contre leurs auxiliaires.

Ce qu’il faut, c’est un front unique de la paix qui groupe non seulement la classe ouvrière, la paysannerie, les intellectuels travailleurs et les autres travailleurs, mais aussi les nations opprimées et les peuples des pays dont l’indépendance est menacée par les fauteurs de guerre.

Ce qu’il faut, c’est un front de la paix qui s’étende à toutes les parties du monde, de Tokyo à Londres, de New York à Berlin, un front de la paix qui agisse avec cohésion contre les fauteurs de guerre, contre le fascisme allemand en Europe, contre la clique militaire japonaise en Extrême-Orient.

Et ce front de la paix deviendra puissant et invincible s’il déploie des actions pratiques de masse et ne se borne pas à des protestations, résolutions et déclarations.

Il faut, à l’aide de mesures économiques et politiques, placer les fauteurs de guerre dans les conditions d’un véritable état de siège. 

Il faut les acculer pour leur enlever les moyens de réaliser leurs desseins criminels.

Il faut ceindre le globe d’un réseau d’organisations des amis de la paix tellement dense, d’un mouvement de solidarité internationale tellement puissant, de mesures relevant d’une politique internationale unique du prolétariat dans l’intérêt du maintien de la paix tellement efficaces, que les mains criminelles des fauteurs de guerre s’en trouvent enchaînées.

Il faut faire sentir énergiquement à l’agresseur fasciste que des millions d’hommes suivent chacun de ses pas avec vigilance et que toute tentative de sa part d’attaquer d’autres peuples se heurtera à la résistance résolue du prolétariat et des travailleurs du monde entier.

Seul le prolétariat, en réalisant l’unité dans ses rangs peut être l’organisateur d’un tel front de paix, en être la force motrice, l’ossature.

Là réside maintenant la tâche centrale du prolétariat international tout entier.

Du succès de sa réalisation dépend aussi le succès de la lutte contre le fascisme lui-même.

II

Il ne suffit pas de vouloir la paix.

Il faut lutter pour la paix. Il est tout à fait insuffisant de mener une propagande générale contre la guerre.

La propagande contre la guerre « en général » n’empêche nullement les conspirateurs siégeant à Berlin ou à Tokyo de tramer leur dessein infâme ; ils seraient très contents que la classe ouvrière n’allât pas au-delà d’une propagande générale de ce genre.

Afin que la lutte pour le maintien de la paix soit couronnée de succès, il faut absolument que les actions communes du prolétariat et des masses populaires les plus considérables soient dirigées contre les fauteurs de guerre et contre les forces qui, à l’intérieur du pays, les favorisent directement et indirectement. De ce point de vue il est extrêmement important d’élaborer la lutte pour le maintien de la paix, en tenant compte de la situation du Parti et du mouvement ouvrier du pays en question, ainsi que de sa situation intérieure et internationale.

Dans les pays où le fascisme est au pouvoir, la classe ouvrière, plaçant au centre de la lutte contre la dictature fasciste la dénonciation de la démagogie chauvine et des préparatifs de guerre, rassemble toutes les forces pour conjurer la catastrophe dans laquelle le fascisme veut précipiter le peuple.

En luttant contre le pouvoir du fascisme et contre son agression militaire, le prolétariat et les grandes masses populaires d’Allemagne, d’Italie et des autres pays fascistes ne travaillent pas seulement à leur propre salut, mais aussi dans l’intérêt de la paix, dans l’intérêt de tous les peuples de l’humanité tout entière.

A l’heure actuelle, l’attitude à prendre à l’égard de la politique extérieure du gouvernement et de la défense nationale est un point particulièrement important de la tactique de la classe ouvrière, surtout dans les pays qui sont directement sous la menace de l’agression.

Il n’est pas du tout indifférent pour la classe ouvrière et pour tous les travailleurs de savoir quelle est la politique extérieure du gouvernement à l’égard des ennemis fascistes de la paix : cette politique contribue-t-elle à la consolidation de la sécurité collective ou lui fait-elle obstacle ?

Le gouvernement favorise-t-il les agents de l’agresseur fasciste ou prend-il contre eux des mesures efficaces ?

Comment traite-t-on les enfants du peuple qui se trouvent dans les rangs de l’armée ? Dans quel esprit les éduque-t-on ?

De quels éléments se composent les cadres de commandement de l’armée ?

Ces éléments sont-ils sûrs, en ce qui concerne la lutte contre l’ennemi fasciste, ou sont-ils des éléments réactionnaires fascistes ?

Comment la population est-elle protégée contre les horreurs de la guerre ? etc.

Se montrer indifférent aux questions de défense nationale, les laisser sans contrôle à la discrétion du gouvernement bourgeois, c’est là une position qui ne sert nullement l’œuvre de défense de la paix.

Ce n’est pas par hasard que les sommets dirigeants de la bourgeoisie ont toujours considéré ce domaine comme leur monopole, comme une sorte de « sanctuaire ».Il faut, une fois pour toutes, mettre fin à ce monopole de la bourgeoisie.

Le prolétariat ne saurait se passer, dans ces questions, d’une politique à lui, d’une politique indépendante.

Sans glisser en aucun cas aux positions de la bourgeoisie, le parti du prolétariat doit intervenir activement avec sa plateforme, avec ses revendications, dans la politique extérieure et dans les questions de défense nationale.

Partisan dévoué de la défense active de son peuple et de son pays contre l’asservissement fasciste, le prolétariat doit relier de la façon la plus étroite les questions de défense nationale aux revendications visant à étendre les droits démocratiques des ouvriers et des paysans, à défendre leurs intérêts vitaux, en partant du fait que seules la démocratisation du régime dans les pays, la démocratisation de l’armée, son épuration des éléments fascistes et des autres éléments réactionnaires et la satisfaction des revendications les plus urgentes des masses ouvrières et paysannes sont en mesure de renforcer la capacité de défense du peuple contre l’agression fasciste.

Dans chaque situation concrète, les représentants de la classe ouvrière se prononcent pour des propositions de ce genre et cherchent à faire prendre des mesures qui permettent aux grandes masses du peuple d’exercer le maximum de pression sur la politique extérieure du gouvernement, ainsi qu’un contrôle effectif de ses actes dans les questions de défense nationale. Ils se prononcent également pour toutes les mesures qui rendent plus difficile la capitulation des gouvernements bourgeois devant l’agresseur fasciste et la trahison par ces gouvernements de l’indépendance et de la liberté du peuple.

Tout en soulignant que seul le pouvoir du prolétariat est en mesure d’assurer une défense effective du pays et de son indépendance, comme le montre avec évidence l’exemple de l’Union soviétique, les communistes, dans les conditions d’une menace directe de guerre de la part d’un agresseur fasciste, travaillent à créer un gouvernement de Front populaire. 

En prenant des mesures énergiques contre le fascisme et les éléments réactionnaires dans le pays, contre les agents et les auxiliaires des ennemis de la paix, en assurant le contrôle de la défense nationale par les masses organisées, un tel gouvernement contribuera au renforcement de la capacité de défense du peuple contre l’agresseur fasciste.

Dans la mesure même où le pouvoir se trouve aujourd’hui entre les mains de gouvernements bourgeois qui n’offrent pas de garantie pour la défense véritable du pays et qui mettent en action les forces armées de l’Etat contre les travailleurs, le parti de la classe ouvrière ne peut assumer aucune responsabilité politique pour les mesures de défense de ces gouvernements : c’est la raison pour laquelle il se prononce contre la politique militaire du gouvernement et contre le budget de la guerre dans son ensemble.

Cela n’exclut pas, dans des cas concrets, une abstention motivée lors du vote de différentes mesures de défense nationale qui sont nécessaires pour rendre plus difficile l’attaque de l’agresseur fasciste (par exemple, la fortification des frontières) de même que le vote et l’intervention pour des mesures dictées par les intérêts de la défense de la population contre les horreurs de la guerre (abris contre les gaz, masques à gaz, secours sanitaires, etc.).

Les temps sont révolus où la classe ouvrière ne participait pas d’une manière indépendante et active au règlement de questions vitales comme la guerre et la paix. La différence entre les communistes et les réformistes, entre les hommes politiques révolutionnaires et réactionnaires du mouvement ouvrier, ne consiste nullement dans le fait que ces derniers participent au règlement de ces questions tandis que nous, les révolutionnaires, nous devrions rester à l’écart. Non.

La différence réside dans le fait que les réformistes, dans ces questions comme dans les autres, défendent les intérêts des capitalistes, et les révolutionnaires, ceux des travailleurs, ceux du peuple.

Cette souple tactique bolchevik qui est l’application à une question distincte des conceptions tactiques générales données par le VIIe congrès de l’I.C., résulte nécessairement de toute la situation internationale présente, et, en particulier, de l’existence d’agresseurs fascistes déterminés.

Et il est vraiment comique de voir les phraseurs de « gauche » de tout acabit se dresser contre cette tactique en posant aux révolutionnaires intransigeants !

A les en croire, tous les gouvernements sont des agresseurs.

Ils se réfèrent même à Lénine qui, pendant la guerre impérialiste de 1914-1918, a rejeté à juste titre l’argument des social-chauvins : « On nous a attaqués, nous nous défendons. »Mais à cette époque, le monde était divisé en deux coalitions impérialistes belligérantes qui cherchaient dans une mesure égale à établir leur hégémonie mondiale et qui avaient préparé et provoqué dans une mesure égale la guerre impérialiste.

Il n’y avait pas alors de pays où le prolétariat fût vainqueur, ni de pays à dictature fasciste.

Mais, maintenant, la situation est autre. Maintenant, il y a : 1. Un Etat prolétarien qui est le plus grand rempart de la paix ; 2. Des agresseurs fascistes déterminés ; 3. Nombre de pays qui se trouvent sous la menace immédiate d’une attaque de la part d’agresseurs fascistes et de la perte de leur indépendance en tant qu’Etat et nation ; 4. D’autres Etats capitalistes qui, dans le moment donné, sont intéressés au maintien de la paix. Il est donc tout à fait faux de présenter maintenant tous les Etats comme des agresseurs.

Seuls des hommes qui cherchent à couvrir les agresseurs véritables, peuvent défigurer ainsi les faits.

III

La paix existante est une mauvaise paix. Mais cette mauvaise paix est, en tout cas, meilleure que la guerre.

Et à chaque partisan conséquent de la paix apparaît de soi-même la nécessité de soutenir toutes les mesures qui peuvent contribuer à son maintien, y compris les mesures de la Société des nations et notamment les sanctions.

Les sanctions peuvent fournir un moyen d’action efficace contre l’agresseur.

Si les sanctions adoptées par la Société des nations n’ont pas empêché l’Italie de poursuivre la guerre contre l’Abyssinie, cela ne milite nullement contre les sanctions, mais contre les puissances qui en ont saboté l’application.

Et si le fascisme allemand lance aujourd’hui un défi aux peuples du monde entier, c’est précisément parce qu’il compte sur l’impunité, parce que les sanctions n’ont pas été appliquées à l’égard du Japon, parce que les sanctions contre l’Italie ont été mises en échec par les Etats capitalistes, parce qu’enfin Hitler, en dirigeant ses troupes vers les frontières de la France et de la Belgique, était convaincu d’avance que les sanctions décidées contre lui seraient sabotées par la bourgeoisie anglaise.

On dit que l’application des sanctions accroît le danger de guerre et aboutira à la guerre. C’est faux.

Bien au contraire, c’est l’impunité de l’agresseur qui accroît le danger de guerre. Plus les sanctions d’ordre financier et économique seront appliquées résolument contre l’agresseur fasciste (refus total de crédits, cessation du commerce et des fournitures de matières premières), et moins le fascisme allemand sera résolu à déclencher la guerre, car le risque, sera d’autant plus grand pour lui.

Il faut critiquer impitoyablement la Société des nations pour ses hésitations, sa passivité, son inconséquence. La classe ouvrière doit mener une lutte intransigeante contre les gouvernements de ceux des Etats impérialistes membres de la Société des nations qui, mus par des intérêts cupides, aident l’agresseur, sabotent les mesures de maintien de la paix et sacrifient les intérêts des petits peuples à ceux des grandes puissances impérialistes.

Mais il ne s’ensuit nullement qu’il faille, d’une manière générale, adopter une attitude négative à l’égard de la Société des nations.

Quel intérêt le prolétariat a-t-il à faire le jeu des fauteurs de guerre qui, tous aujourd’hui, sont contre la Société des nations ?

Ce sont précisément les principaux instigateurs de la guerre, l’Allemagne et le Japon, qui ont quitté la S.D.N.

L’Union soviétique, qui, de tout son poids international, défend la cause de la paix et de la sécurité collective, se trouve dans la Société des nations.

Font également partie de la Société des nations certains autres Etats qui ne veulent pas permettre aux agresseurs fascistes d’attaquer d’autres peuples.

Quiconque ne sait pas faire la distinction entre la Société des nations de jadis et la Société des nations d’aujourd’hui, quiconque ne sait pas différencier son attitude à l’égard des divers membres de la Société des nations, quiconque renonce à faire jouer la pression des masses sur la Société des nations et les différents gouvernements capitalistes en faveur des mesures pour le maintien de la paix, est un bavard et pas un révolutionnaire, pas un homme politique du prolétariat.

La classe ouvrière doit soutenir celles des mesures de la Société des nations et des différents Etats qui, de fait, tendent au maintien de la paix (pactes de non-agression, d’assistance mutuelle contre l’agresseur, pactes de sécurité collective, sanctions financières et économiques).

Elle ne doit pas seulement les soutenir, mais, par un puissant mouvement anti-guerrier de masse, obliger la Société des nations aussi bien que les gouvernements des différents pays capitalistes à prendre des mesures sérieuses pour la défense de la paix.

Il est faux de prétendre que la politique de concessions incessantes aux exigences des fauteurs de guerre fascistes, tant de la part de la Société des nations que de la part de différents Etats (Angleterre, France, Belgique, etc.), peut contribuer à maintenir la paix.

Les ouvriers n’ont pas oublié qu’en son temps, dans la politique intérieure de l’Allemagne, ce fut précisément l’esprit de compromission et de capitulation devant l’offensive du fascisme qui fraya à celui-ci la voie du pouvoir.

Sur l’arène internationale, une pareille politique de capitulation laisse au fascisme belliqueux le champ libre pour l’attaque.

Il est également faux de prétendre que la cause de la paix gagnerait à ce que l’on essayât de poser aujourd’hui la question d’une nouvelle répartition des sources de matières premières, des colonies et des territoires sous mandat, comme le tentent les chefs social-démocrates réactionnaires. On n’agit ainsi, au fond, que pour détourner l’attention des masses de la lutte concrète contre les fauteurs de guerre.

D’un autre côté, pareille proposition cache le désir d’accorder des colonies au fascisme allemand, ce qui ne ferait que renforcer davantage encore ses positions de guerre.

Ce n’est pas au prolétariat à se prononcer pour telle ou telle répartition des colonies et des mandats coloniaux entre les impérialistes.

Sa tâche est de soutenir la lutte des peuples coloniaux pour leurs intérêts et leurs droits, pour la libération définitive de ces peuples du joug impérialiste.

IV

En exigeant de la Société des nations et des gouvernements bourgeois des mesures efficaces contre l’agressivité des instigateurs fascistes de la guerre, le prolétariat ne doit pas perdre un seul instant de vue que le point principal quand il s’agit de la sécurité de la paix, que le point fondamental, décisif, ce sont les actions indépendantes des grandes masses pour la défense de la paix contre les fauteurs de guerre précis.

Il n’y a pas le moindre doute que si le prolétariat international avec ses organisations de masse, en particulier avec ses syndicats, était intervenu d’une façon unanime et, par les grèves et autres mesures, avait empêché le départ de chaque navire, de chaque train soit d’Italie, soit à destination de l’Italie, le fascisme italien eût été contraint depuis longtemps de cesser sa guerre de rapines contre le peuple abyssin.

Mais la création d’un Front populaire de paix vraiment large et suffisamment puissant pour mener une telle lutte contre le fascisme belliqueux, n’est possible qu’à la condition d’avoir l’unité d’action du prolétariat lui-même. 

C’est précisément l’établissement de l’unité d’action de la classe ouvrière qui a permis aux prolétariats français et espagnol de former un puissant Front populaire antifasciste.

La conférence de Londres de l’Internationale ouvrière socialiste et de la Fédération syndicale internationale, déchirée par les contradictions intérieures, a éludé, sous la pression de son aile réactionnaire, la question de la nécessité de réaliser immédiatement l’unité d’action du prolétariat à l’échelle nationale et internationale.

Elle n’a pas appelé les masses ouvrières à des actions indépendantes, mais s’est bornée à les inviter à s’en remettre entièrement à la Société des nations.

Elle n’est pas intervenue pour la défense du peuple chinois attaqué par le Japon.

Elle n’a condamné d’aucune manière ceux des chefs travaillistes et social-démocrates qui se font les défenseurs de la politique agressive du fascisme allemand, sous le couvert des phrases sur le « maintien de la paix ».

Mais, en même temps, dans les rangs de l’Internationale ouvrière socialiste et de la Fédération syndicale internationale, un mouvement se développe rapidement depuis quelque temps en faveur du front unique de la classe ouvrière.

Les intérêts vitaux du prolétariat international tout entier exigent que ces forces prennent le dessus et qu’elles surmontent la résistance des adversaires du front unique.

Le passage à l’offensive militaire du fascisme qui utilise la désunion dans les partis et les organisations de la classe ouvrière des différents pays demande, de toute nécessité, une politique internationale unique de la classe ouvrière dans l’intérêt du maintien de la paix.

En bref, la réalisation de cette politique internationale unique du prolétariat est possible sur les bases suivantes :

En premier lieu, rétablissement et consolidation de la véritable solidarité prolétarienne internationale pour la défense des intérêts des masses travailleuses les plus considérables ; rupture résolue des partis social-démocrates avec les intérêts impérialistes de leur bourgeoisie respective.

En second lieu, appui le plus large à la politique de paix de l’Union soviétique, de l’Etat prolétarien qui, avec une constance inébranlable, monte la garde de la paix entre les peuples.

Mais cela implique, avant tout, la lutte résolue des partis ouvriers contre les tentatives contre-révolutionnaires d’identifier la politique extérieure de l’Union soviétique avec la politique des Etats impérialistes, d’identifier l’Armée rouge, ce rempart de la paix, avec les armées des Etats impérialistes, tentatives qui font le jeu des instigateurs fascistes de la guerre.

En troisième lieu, à chaque moment donné, diriger et concentrer les coups sur l’agression fasciste, prendre une attitude distincte à l’égard de l’agresseur, d’une part et des victimes de son agression, d’autre part.

Dénoncer toute tentative d’estomper la différence entre les Etats fascistes et non-fascistes.

En quatrième lieu, lutte autonome du prolétariat pour le maintien de la paix, ne dépendant ni des gouvernements capitalistes, ni de la Société des nations, ce qui exclut la subordination du mouvement ouvrier aux combinaisons de coulisses des gouvernements impérialistes affiliés à la Société des nations.

La lutte pour le maintien de la paix est, dans les conditions actuelles, une lutte contre le fascisme ;elle est donc, au fond, une lutte révolutionnaire.

Le maintien de la paix est un danger mortel pour le fascisme, car, en augmentant ses difficultés intérieures, il aboutit à saper la dictature fasciste de la bourgeoisie ; le maintien de la paix favorise l’accroissement des forces du prolétariat, des forces de la révolution ; il permet de surmonter la division dans les rangs du mouvement ouvrier ; il aide le prolétariat à devenir la classe dirigeante dans la lutte de tous les travailleurs contre le capitalisme ; il mine les fondements du régime capitaliste; il accélère la victoire du socialisme.

La guerre peut éclater à l’improviste. De nos jours, les guerres ne se déclarent pas.

Elles commencent tout simplement. (J. Staline : le Socialisme, c’est la paix ! Entretien avec M. Roy Howard (1er mars 1936), p. 5, B.E., 1936.)

C’est cela qui exige, en premier lieu, de la part des communistes, une vue claire tant de l’envergure et du caractère du danger de guerre que des voies et moyens de le combattre.

Le pas décisif pour établir l’unité d’action du prolétariat international contre les instigateurs de la guerre est aujourd’hui le déploiement par le Parti communiste, dans chaque pas, dans tous les domaines de la vie sociale et politique, de la campagne la plus active, la plus persévérante et la plus étendue pour le maintien de la paix.

Les communistes mènent cette campagne sans attendre la conclusion de pactes d’unité d’action avec la direction du parti social-démocrate, mais ils la mènent absolument sous le signe de la lutte pour l’établissement de l’unité d’action du Parti communiste avec le parti social-démocrate.

Les communistes font tous leurs efforts pour surmonter la résistance des chefs social-démocrates réactionnaires au front unique et pour consolider de toutes les façons les liens de lutte commune noués entre ouvriers communistes et social-démocrates contre l’ennemi commun.

Une telle campagne, en favorisant le rapprochement des ouvriers communistes et social-démocrates, contribuera à activer et à souder toutes les forces du prolétariat non seulement à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle internationale.

C’est là le moyen le plus puissant de contribuer à l’intégration dans le mouvement des autres couches de travailleurs des villes et des campagnes, des masses de la petite bourgeoisie, de la paysannerie et des intellectuels, de tous les partisans de la paix.

Tout cela accélérera la formation d’un front invincible de lutte du prolétariat international, de tous les travailleurs, de tous les peuples pour le maintien de la paix.

Lutter pour la paix, c’est lutter contre le fascisme, c’est lutter contre le capitalisme, c’est lutter pour la victoire du socialisme dans le monde entier.

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Georgi Dimitrov : Les gouvernements actuels des pays capitalistes sont des hommes provisoires, le véritable maître du monde est le prolétariat

Staline et Georgi Dimitrov
Staline et Georgi Dimitrov

(Les gouvernements actuels des pays capitalistes sont des hommes provisoires, le véritable maître du monde est le prolétariat – 20 août 1935)

Le VIIe congrès mondial de l’Internationale communiste, le congrès des communistes de tous les pays et de tous les continents du monde, termine ses travaux.

Quel en est le bilan, qu’est-ce que le congrès représente pour notre mouvement, pour la classe ouvrière mondiale, pour les travailleurs de tous les pays ?

Ce congrès a été le congrès du triomphe complet de l’unité entre le prolétariat de l’Union soviétique, – le pays où le socialisme a vaincu, – et le prolétariat du monde capitaliste en lutte pour son affranchissement. La victoire du socialisme dans l’Union soviétique, victoire qui intéresse l’histoire mondiale, provoque dans tous les pays capitalistes un puissant mouvement vers le socialisme.

Cette victoire affermit l’oeuvre de paix entre les peuples, en augmentant l’importance internationale de l’Union soviétique et son rôle de puissant rempart des travailleurs dans leur lutte contre le Capital, contre la réaction et le fascisme.

Elle fortifie l’Union soviétique en tant que base de la révolution prolétarienne mondiale.

Elle met en mouvement dans le monde entier non seulement les ouvriers qui se tournent de plus en plus vers le communisme, mais aussi des millions de paysans, de petits travailleurs des villes, une partie considérable des intellectuels, les peuples asservis des colonies ; elle les remplit d’enthousiasme pour la lutte, elle augmente leur attachement à la grande patrie de tous les travailleurs, elle intensifie leur résolution de soutenir et de défendre l’Etat prolétarien contre tous ses ennemis.

Cette victoire du socialisme accroît la confiance du prolétariat international dans ses propres forces et dans la possibilité réelle de remporter sa propre victoire, confiance qui devient elle-même une immense force en action contre la domination de la bourgeoisie.

C’est dans l’union des forces du prolétariat de l’Union soviétique avec les forces de combat du prolétariat et des masses travailleuses des pays capitalistes que réside la formidable perspective d’un proche effondrement du capitalisme et la garantie de la victoire du socialisme dans le monde entier.

Notre congrès a jeté les fondements d’une vaste mobilisation des forces de tous les travailleurs contre le capitalisme, comme il n’en fut encore jamais dans l’histoire de la lutte de la classe ouvrière.

Le congrès place devant le prolétariat international, comme étant la tâche immédiate la plus importante, le rassemblement de ses forces dans le domaine politique et d’organisation, et la liquidation de l’isolement où l’a conduit la politique social-démocrate de collaboration de classe avec la bourgeoisie : le rassemblement des travailleurs autour de la classe ouvrière dans un vaste Front populaire de lutte contre l’offensive du Capital et de la réaction, contre le fascisme et la menace de guerre dans chaque pays et sur l’arène internationale.

Cette tâche, nous ne l’avons pas inventée de toutes pièces.

C’est l’expérience même du mouvement ouvrier mondial qui l’a mise en évidence, et surtout l’expérience du prolétariat de France. Le mérite du Parti communiste français, c’est d’avoir compris ce qu’il a à faire aujourd’hui, de ne pas avoir écouté les sectaires qui tiraillaient le Parti et gênaient la réalisation du front unique de lutte contre le fascisme, mais d’avoir, au contraire, préparé courageusement, à la manière bolchevik, par un pacte d’action commune avec le Parti socialiste, le front unique du prolétariat comme le fondement du Front populaire antifasciste en voie de formation.

Par cet acte, qui répond aux intérêts vitaux de tous les travailleurs, les ouvriers français, communistes et socialistes, mettent à nouveau le mouvement ouvrier français à la première place, en tête dans l’Europe capitaliste ; ils montrent qu’ils sont les dignes descendants des communards et les héritiers des glorieux enseignements de la Commune de Paris. (Vifs applaudissements. Toute la salle se lève.

Cris de « Hourra ! »
 Dimitrov se tourne vers le bureau du congrès et, avec toute la salle, applaudit Thorez et les autres délégués français siégeant au bureau.)

C’est le mérite du Parti communiste et du prolétariat français d’avoir, par la pratique de leur lutte dans le front unique prolétarien contre le fascisme, aidé à préparer les décisions de notre congrès dont l’importance est si énorme pour les ouvriers de tous les pays.

Mais ce qui a été fait en France, ce ne sont que les premiers pas. Notre congrès qui trace la ligne tactique pour les prochaines années, ne pouvait se borner à enregistrer simplement cette expérience ; il est allé plus loin.

Nous, communistes, nous sommes un parti de classe, un parti prolétarien.

Mais nous sommes prêts, en tant qu’avant-garde du prolétariat, à organiser des actions communes du prolétariat et des autres classes travailleuses intéressées à la lutte contre le fascisme.

Nous, communistes, nous sommes un parti révolutionnaire.

Mais nous sommes prêts aux actions communes avec les autres partis en lutte contre le fascisme.

Notre but final à nous, communistes, est autre que celui de ces classes et de ces partis, mais tout en luttant pour nos buts, nous sommes prêts en même temps à lutter en commun pour les tâches immédiates dont la réalisation affaiblit les positions du fascisme et fortifie les positions du prolétariat.

Nos méthodes de lutte à nous, communistes, diffèrent de celles des autres partis ; mais tout en luttant contre le’ fascisme par leurs propres méthodes, les communistes soutiendront aussi les méthodes de lutte des autres partis, si insuffisantes qu’elles puissent leur paraître, pourvu que ces méthodes soient réellement dirigées contre le fascisme.

Si nous sommes prêts à faire tout cela, c’est que nous voulons, dans les pays de démocratie bourgeoise, barrer la route à la réaction et à l’offensive du Capital et du fascisme, empêcher la suppression des libertés démocratiques bourgeoises, prévenir l’écrasement terroriste par le fascisme du prolétariat de la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels, soustraire la jeune génération à la dégénérescence du corps et de l’esprit.

Si nous sommes prêts à faire tout cela, c’est que nous voulons, dans les pays fascistes, préparer et précipiter le renversement de la dictature fasciste.

Si nous sommes prêts à faire tout cela, c’est que nous voulons sauver le monde de la barbarie fasciste et des horreurs d’une guerre impérialiste.

(A ce moment, le délégué du Parti communiste allemand Weber, monte à la tribune et, remettant un album à Dimitrov, il lui dit : « Dimitrov, au nom de la délégation du Parti communiste allemand, je te remets ce livre, le livre de la vie héroïque des combattants révolutionnaires d’Allemagne.

C’est toi qui, par ton attitude au procès de Leipzig et par toute ton activité ultérieure a servi d’exemple au Parti communiste allemand, aux antifascistes allemands en lutte.

Accepte ce livre, cette épopée des combattants prolétariens d’Allemagne, qui t’ont pris pour un modèle et qui sacrifient leur liberté, leur santé et leur vie pour la cause de la révolution ! » Dimitrov prend l’album et étreint chaleureusement Weber. Vifs applaudissements, cris « Hourra ! », salutations des délégués.)

Notre congrès est le congrès de la lutte pour le maintien de la paix contre la menace de guerre impérialiste.

Cette lutte, nous l’entendons aujourd’hui d’une manière nouvelle. Notre congrès repousse résolument l’attitude fataliste à l’égard des guerres impérialistes, inspirée par les vieilles conceptions social-démocrates.

Il est vrai que les guerres impérialistes sont le produit du capitalisme, que, seul, le renversement du capitalisme mettra un terme à toutes les guerres; mais il est également vrai que les masses travailleuses, par leurs actions de lutte, peuvent empêcher la guerre impérialiste.

Le monde aujourd’hui n’est plus ce qu’il était en 1914. Actuellement, sur un sixième du globe, est établi un puissant Etat prolétarien, qui s’appuie sur la force matérielle du socialisme victorieux.

Grâce à sa sage politique staliniste de paix, l’Union soviétique a plus d’une fois fait échouer les plans agressifs des fauteurs de guerre.

Actuellement, dans la lutte contre la guerre, le prolétariat mondial ne dispose pas seulement de l’arme que constitue son action de masse, comme en 1914.

Aujourd’hui, la lutte de masse de la classe ouvrière internationale contre la guerre se conjugue avec l’ascendant de l’Etat soviétique et avec sa puissante Armée rouge, principal gardien de la paix.

Aujourd’hui, la classe ouvrière internationale ne se trouve pas, comme en 1914, sous l’influence exclusive de la social-démocratie coalisée avec la bourgeoisie.

Aujourd’hui, il existe un Parti communiste mondial : l’Internationale communiste.

Aujourd’hui, les masses d’ouvriers social-démocrates se tournent vers l’Union soviétique et sa politique de paix, vers le front unique avec les communistes.

Aujourd’hui, les peuples des pays coloniaux et semi-coloniaux ne considèrent pas la cause de leur affranchissement comme une cause désespérée. Au contraire, ils passent de plus en plus à la lutte résolue contre les oppresseurs impérialistes.

La meilleure preuve en est fournie par la Révolution soviétique de Chine et les exploits héroïques de l’Armée rouge du peuple chinois.

La haine des peuples contre la guerre devient de plus en plus profonde et intense. La bourgeoisie, qui pousse les travailleurs dans l’abîme des guerres impérialistes, y risque sa tête.

Actuellement, on voit se dresser pour la cause du maintien de la paix non seulement la classe ouvrière, la paysannerie et les autres travailleurs, mais aussi les nations opprimées et les peuples, faibles, dont l’indépendance est menacée par de nouvelles guerres. Même certains grands Etats capitalistes, redoutant les pertes qu’ils pourraient subir à la suite d’un nouveau partage du monde, sont intéressés, à l’étape présente, à éviter la guerre.

De là, la possibilité d’un très vaste front unique de la classe ouvrière, de tous les travailleurs et de peuples entiers contre la menace de guerre impérialiste.

S’appuyant sur la politique de paix de l’Union soviétique et sur la volonté de paix de millions et de millions de travailleurs, notre congrès a montré la perspective du développement d’un vaste front anti-guerrier non seulement à l’avant-garde communiste, mais aussi à toute la classe ouvrière internationale et aux peuples de tous les pays.

Du degré de réalisation et d’activité de ce front mondial dépendra la question de savoir si, dans l’avenir le plus proche, les fauteurs de guerre fascistes et impérialistes réussiront à allumer l’incendie d’une nouvelle guerre impérialiste, ou si leurs mains criminelles seront tranchées par la hache du puissant front de lutte contre la guerre.

Notre congrès est le congrès de l’unité de la classe ouvrière, le congrès de la lutte pour le front unique prolétarien.

Nous ne nous faisons pas d’illusions sur la possibilité de surmonter aisément les difficultés que la partie réactionnaire des leaders social-démocrates opposera à l’oeuvre de réalisation du front unique prolétarien. Mais nous n’avons pas peur de ces difficultés, parce que nous exprimons la volonté de millions d’ouvriers ; parce qu’en luttant pour le front unique, nous servons au mieux les intérêts du prolétariat ; parce que le front unique prolétarien est la voie sûre pour renverser le fascisme et le régime capitaliste, pour conjurer les guerres impérialistes.

Nous avons levé bien haut, à ce congrès, le drapeau de l’unité syndicale. Les communistes ne tiennent pas à tout prix à l’existence indépendante des syndicats rouges. Mais les communistes veulent l’unité syndicale sur la base de la lutte de classe et de la suppression, une fois pour toutes, de l’état de choses où les partisans les plus conséquents et les plus résolus de l’unité syndicale et de la lutte de classe subissent des exclusions hors des syndicats de l’Internationale d’Amsterdam.

Nous savons que les militants des syndicats faisant partie de l’Internationale syndicale rouge n’ont pas encore tous compris et ne se sont pas tous assimilé cette ligne du congrès.

Il existe encore des survivances de présomption sectaire, qu’il nous faudra faire disparaître chez ces militants pour appliquer fermement la ligne du congrès.

Mais cette ligne, nous la réaliserons coûte que coûte et nous trouverons une langue commune avec nos frères de classe, nos camarades de lutte, les ouvriers adhérant aujourd’hui à la Fédération syndicale d’Amsterdam.

A ce congrès, nous avons adopté l’orientation vers la création du parti politique de masse unique de la classe ouvrière, vers l’abolition de la scission politique du prolétariat, causée par la politique de collaboration de classe de la social-démocratie.

L’unité politique de la classe ouvrière n’est pas, pour nous, une manoeuvre, mais la question du sort futur du mouvement ouvrier tout entier.

S’il se trouvait parmi nous des gens pour envisager la formation de l’unité politique de la classe ouvrière comme une manoeuvre, nous lutterions contre eux, comme on lutte contre des gens qui font du tort à la classe ouvrière.

C’est précisément parce que nous envisageons cette question avec une gravité et une sincérité profondes, dictées par les intérêts du prolétariat que nous mettons des conditions de principe déterminées à la base d’une telle unité.

Ces conditions de principe n’ont pas été inventées par nous ; elles sont le fruit des souffrances du prolétariat au cours de sa lutte ; elles répondent également à la volonté de millions d’ouvriers social-démocrates, volonté émanant de l’enseignement des défaites subies.

Ces conditions de principe ont été vérifiées par l’expérience de l’ensemble du mouvement ouvrier révolutionnaire.

Et du fait que notre congrès s’est déroulé sous le signe de l’unité prolétarienne, il n’a pas été seulement le congrès de l’avant-garde communiste ; il a été le congrès de la classe ouvrière internationale tout entière, qui aspire ardemment à l’unité de lutte syndicale et politique.

Bien qu’à notre congrès n’aient pas assisté de délégués des ouvriers social-démocrates, bien qu’il n’y ait pas eu ici de délégués sans-parti, bien que les ouvriers embrigadés de force dans les organisations fascistes n’y aient pas été représentés, le congrès n’en a pas moins parlé non seulement pour les communistes, mais aussi pour ces millions d’ouvriers ; il a exprimé les pensées et les sentiments de l’immense majorité, de la classe ouvrière.

Et si les organisations ouvrières des diverses tendances procédaient à l’examen vraiment libre de nos décisions devant les prolétaires du monde entier, les ouvriers soutiendraient, nous n’en doutons pas, les résolutions que vous avez votées avec une telle unanimité.

Cette circonstance nous oblige d’autant plus, nous, communistes, à faire vraiment des décisions de notre congrès le bien de toute la classe ouvrière.

Il ne suffit pas de voter pour ces résolutions.

Il ne suffit pas de les populariser parmi les membres des Partis communistes. Nous voulons que les ouvriers des partis de la Deuxième Internationale et de la Fédération syndicale d’Amsterdam, aussi bien que les ouvriers adhérant aux organisations d’autres tendances politiques, étudient ces résolutions avec nous ; qu’ils apportent leurs propositions et amendements pratiques ; qu’ils méditent avec nous sur la meilleure façon de les appliquer dans la vie ; que, coude à coude, avec nous, ils les réalisent en fait.

Notre congrès a été le congrès de la nouvelle orientation tactique de l’Internationale, communiste.

En s’en tenant fermement à la position inébranlable du marxisme-léninisme confirmée par toute l’expérience du mouvement ouvrier international et, avant tout, par les victoires de la grande Révolution d’Octobre, notre congrès a révisé, dans l’esprit même et à l’aide de la méthode du marxisme-léninisme vivant, la position tactique de l’Internationale communiste en fonction de la situation mondiale modifiée.

Le congrès a pris une ferme résolution sur la nécessité d’appliquer d’une manière nouvelle la tactique du front unique.

Le congrès exige expressément que les communistes ne se contentent pas simplement de propager les mots d’ordre généraux de la dictature prolétarienne et du pouvoir soviétique, mais qu’ils fassent une politique bolchevik concrète et active sur toutes les questions de politique intérieure et extérieure de leurs pays, sur toutes les questions d’actualité touchant aux intérêts vitaux de la classe ouvrière, de tous les peuples et du mouvement ouvrier international.

Le congrès insiste de la façon la plus décidée pour que toutes les démarches tactiques des Partis soient basées sur une saine analyse de la réalité concrète en tenant compte du rapport des forces de classe et du niveau politique des grandes masses.

Le congrès exige que tous les vestiges de sectarisme soient entièrement extirpés de la pratique du mouvement communiste, sectarisme qui, au moment actuel, représente l’obstacle le plus grand à l’application de la vraie politique bolchevik de masse des Partis communistes.

Inspiré par la résolution de faire appliquer cette ligne tactique et par l’assurance que cette voie mènera nos Partis à d’importants succès, notre congrès a tenu compte en même temps de la possibilité que l’application de cette ligne bolchevik ne se fasse pas toujours tout uniment sans fautes, sans certaines déviations à droite ou à « gauche », – déviations tantôt dans le sens du conformisme des suiveurs, tantôt dans le sens de l’isolement sectaire de soi-même. Lequel de ces dangers est, « en général », le plus important, c’est une question que seuls des scolastiques peuvent discuter.

Le plus grand et le pire danger est celui qui, au moment donné, dans un pays donné, gêne le plus l’application de la ligne de notre congrès, le déploiement d’une juste politique de masse des Partis communistes.

L’intérêt de la cause du communisme exige non pas une lutte abstraite, mais une lutte concrète contre les déviations, une riposte donnée à temps et de façon décisive aux tendances nuisibles qui se font jour, la correction à temps des fautes commises.

Substituer à la lutte concrète nécessaire contre les déviations une sorte de sport, faire la chasse aux déviations ou aux déviationnistes imaginaires, c’est se livrer à une surenchère nuisible et inadmissible.

Dans la vie pratique de nos Partis, il faut aider de toutes les façons au développement de l’initiative dans la position des problèmes nouveaux, favoriser l’examen approfondi des questions relatives à l’activité du Parti et ne pas qualifier hâtivement de déviation le moindre doute ou la moindre observation critique faite par un membre du Parti au sujet des tâches pratiques du mouvement.

Il faut faire en sorte que le communiste qui a commis une erreur, puisse la corriger pratiquement et frapper sans merci ceux-là seulement qui persistent dans leurs erreurs et qui désorganisent le Parti.

Luttant pour l’unité de la classe ouvrière, nous lutterons en même temps avec une énergie et une intransigeance d’autant plus grandes pour l’unité intérieure de nos Partis. Il ne peut y avoir de place, dans nos rangs, pour des fractions, pour des tentatives fractionnelles.

Quiconque essaiera de violer l’unité de fer de nos rangs par une action fractionnelle quelconque, apprendra par lui-même ce que signifie la discipline bolchevik que nous ont toujours enseignée Lénine et Staline.

Que cela serve d’avertissement aux quelques éléments qui, dans certains Partis, pensent pouvoir profiter des difficultés éprouvées par leur Parti, des blessures, des défaites et des coups de l’ennemi déchaîné, pour réaliser leurs plans fractionnels ou poursuivre leurs intérêts de groupe ! Le Parti par-dessus tout ! Garder l’unité bolchevik du Parti comme la prunelle de ses yeux, telle est la loi première, la loi suprême du bolchévisme !

Notre congrès est le congrès de l’autocritique bolchevik et du renforcement de la direction de l’Internationale communiste et de ses sections.

Nous n’avons pas peur de signaler ouvertement les erreurs, les faiblesses et les défauts qui se manifestent dans nos rangs, parce que nous sommes un parti révolutionnaire qui sait qu’il ne peut se développer, grandir et accomplir ses tâches qu’à la condition de se débarrasser de tout ce qui gêne son développement comme parti révolutionnaire.

Et le travail qu’a accompli le congrès par sa critique implacable du sectarisme plein de suffisance, du schématisme, de la standardisation, de la paresse de pensée, de la substitution des méthodes de direction du Parti aux méthodes de direction des masses, tout ce travail il faut le poursuivre respectivement dans tous les Partis à la base, à tous les échelons de notre mouvement, car c’est là une des conditions les plus essentielles de la juste application des décisions du congrès.

Dans sa résolution sur le rapport d’activité du Comité exécutif, le congrès a décidé de concentrer pour notre mouvement, la direction des opérations dans les sections elles-mêmes.

D’où l’obligation de renforcer à tous égards le travail de formation et d’éducation des cadres, ainsi que le travail de raffermissement des Partis communistes à l’aide de véritables dirigeants bolcheviks, afin que les Partis, forts des décisions des congrès de l’Internationale communiste et des Assemblées plénières de son Comité exécutif, puissent, au moment des brusques tournants des événements, trouver avec rapidité et par eux-mêmes une solution juste aux tâches politiques et tactiques du mouvement communiste.

En élisant les organismes dirigeants, le congrès s’est efforcé de créer une direction de l’Internationale communiste composée de gens qui ont fait leurs, non par un sentiment de discipline, mais par l’effet d’une profonde conviction, les directives et décisions nouvelles du congrès, de gens prêts et aptes à les transformer en actes fermement.

Il faut également assurer dans chaque pays l’application juste des décisions adoptées par le congrès ; cela dépendra, en premier lieu, de la vérification, de la répartition et de l!orientation adéquates des cadres.

Nous savons que cette tâche n’est pas facile. Il ne faut pas perdre de vue qu’une partie de nos cadres a été formée non pas par l’expérience de la politique de masse bolchevik, mais principalement sur la base d’une propagande générale.

Nous devons tout faire pour aider nos cadres à se refaire, à se rééduquer dans l’esprit nouveau, dans l’esprit des décisions du congrès. Mais là où il apparaîtra que les vieilles outres ne valent rien pour le vin nouveau, il faudra en tirer les conclusions qui s’imposent : ne pas verser ou laisser se gâter le vin nouveau dans les vieilles outres, mais remplacer les vieilles outres par de nouvelles.

Nous avons éliminé à dessein des rapports aussi bien que des résolutions du congrès les phrases sonores sur les perspectives révolutionnaires.

Mais ce n’est pas parce que nous aurions des raisons d’apprécier d’une façon moins optimiste qu’auparavant l’allure du développement révolutionnaire, c’est parce que nous voulons débarrasser nos Partis de toute tendance à remplacer l’activité bolchevik par des phrases révolutionnaires ou des discussions stériles sur l’appréciation de la perspective.

Tout en combattant toute orientation vers la spontanéité, nous voyons et nous faisons entrer en ligne de compte le processus de développement de la révolution, non pas en observateurs, mais en participants actifs de ce processus.

Comme parti de l’action révolutionnaire, accomplissant dans l’intérêt de la révolution les tâches posées à chaque étape du mouvement, tâches correspondant aux conditions concrètes de l’étape donnée, tenant sainement compte du niveau politique des grandes masses travailleuses, nous accélérons de notre mieux la formation des conditions subjectives nécessaires à la victoire de la révolution prolétarienne.

Prendre les choses telles qu’elles sont, disait Marx, c’est-à-dire faire prévaloir les intérêts de la révolution d’une manière conforme aux circonstances changées. (Karl Marx : Lettres à Kugelmann, p. 55, Editions sociales internationales, Paris, 1930.)

C’est là l’essentiel ! Nous ne devons jamais l’oublier !

Il est nécessaire de porter dans les masses les décisions du congrès mondial, de les expliquer aux masses, de les appliquer comme des directives pour l’action des masses, en un mot d’en faire la chair et le sang de millions et de millions de travailleurs !

Il est nécessaire de renforcer partout, au maximum, l’initiative des ouvriers sur place, l’initiative des organisations de base des Partis communistes et du mouvement ouvrier dans l’application de ces décisions.

En partant d’ici, les représentants du prolétariat révolutionnaire doivent emporter dans leur pays la ferme conviction que nous, communistes, nous portons la responsabilité du sort de la classe ouvrière, du mouvement ouvrier, du sort de chaque peuple, du sort de l’humanité travailleuse tout entière.

C’est à nous, ouvriers, et non aux parasites sociaux et aux oisifs, qu’appartient le monde, le monde construit par les mains ouvrières. Les gouvernants actuels du monde capitaliste, ce sont des hommes provisoires.

Le prolétariat est le véritable maître du monde, le maître de demain.

Et il doit entrer en possession de ses droits historiques, prendre en main les rênes du pouvoir dans chaque pays, dans le monde entier.

Nous sommes les élèves de Marx et d’Engels, de Lénine et de Staline. Nous devons être dignes de nos grands maîtres.

Avec Staline à sa tête, notre armée politique, forte de nombreux millions d’hommes, surmontant toutes les difficultés, passant courageusement à travers tous les barrages, doit et saura détruire la forteresse du capitalisme, et faire triompher le socialisme dans le monde entier !

Vive l’unité de la classe ouvrière !

Vive le VIIe congrès mondial de l’Internationale communiste !

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Georgi Dimitrov – Pour l’unité d’action du prolétariat dans la lutte contre le fascisme et la guerre (1935)

Pour l’unité d’action du prolétariat dans la lutte contre le fascisme et la guerre – Sténogramme abrégé du discours prononcé à la Salle des colonnes, devant les délégations ouvrières venues en U.R.S.S. à l’occasion du Premier Mai 1935)

Vous êtes venus des pays du Capital au pays, de la dictature du prolétariat, dans l’Union soviétique, qui est le premier, mais non pas le dernier Etat du prolétariat mondial.

Vous avez et vous aurez encore la possibilité de constater de vos propres yeux la prodigieuse différence entre la situation de la classe ouvrière dans les pays où dominent le Capital et le fascisme, et la situation ici, dans un pays où la classe ouvrière, après avoir vaincu la bourgeoisie, édifie victorieusement le socialisme sous la direction du glorieux le rempart de la paix entre les peuples. L’Etat soviétique est la citadelle de la révolution prolétarienne mondiale.

Et lorsque les chefs social-démocrates réactionnaires disent et écrivent : « Nous ne voulons pas de front unique avec les communistes, parce que nous ne voulons pas recevoir d’ordres de Moscou », ces chefs ne prouvent qu’une chose : c’est qu’ils sont contre l’Etat prolétarien.

Ils démontrent par là qu’ils sont liés à la bourgeoisie, qu’ils soutiennent la politique de collaboration de classe avec la bourgeoisie et sont prêts à aider l’ennemi de classe du prolétariat.

Pour tout ouvrier sincère, en France comme en Angleterre, en Amérique comme en Australie, en Allemagne comme en Espagne, en Chine comme au Japon, dans les pays balkaniques aussi bien qu’aux îles Canaries, pour tout ouvrier sincère, Moscou est son Moscou à lui, l’Union soviétique est son Etat à lui.

Nos adversaires crient souvent aux prétendus « ordres » de Moscou : il va de soi que Moscou ne donne aucun ordre ; suivre l’exemple du grand Lénine et du grand Staline c’est là qu’est le salut pour le prolétariat mondial.

Si vous vous trouvez ici, dans notre grande patrie, si vous examinez l’ensemble du mouvement ouvrier mondial, vous y discernerez deux courants ou tendances principaux : d’un côté, la partie révolutionnaire du prolétariat déjà constituée en Etat, l’Union soviétique, les communistes et les ouvriers révolutionnaires de tous les pays qui se sentent liés au prolétariat soviétique, à l’Etat soviétique, par les attaches du front unique de combat, dans le monde entier.

De l’autre côté, il y a dans le mouvement ouvrier une autre tendance, un autre courant, le courant dit réformiste, tendance qui continue encore à dominer au sein de la IIe Internationale. Là, point d’Etat prolétarien, point de pouvoir soviétique, point d’Armée rouge, le prolétariat mondial n’a point de puissance de combat.

Là, à côté des partis bourgeois, siègent au gouvernement, par exemple, des Vandervelde et autres chefs qui collaborent avec les capitalistes.

Ils sont liés à leur propre bourgeoisie nationale et soutiennent la politique de « leur » bourgeoisie.

Dans ce camp-là pas d’unité, pas de solidarité internationale.

L’unité internationale d’action et de discipline règne dans la partie révolutionnaire du prolétariat mondial. L’oeuvre qu’accomplit le Parti bolchevik de l’Union soviétique correspond aux intérêts des travailleurs de France, d’Allemagne, d’Amérique et des autres pays, et les efforts des communistes français, anglais, américains, japonais ou chinois ne s’écartent en aucune façon des intérêts de l’Union soviétique.

Ici, dans la partie révolutionnaire du prolétariat mondial, la direction est aux mains de l’Internationale communiste qui groupe dans le monde entier des millions de prolétaires, liés entre eux par une puissante idée unique, une volonté unique, une direction unique, une discipline unique.

Là, c’est la confusion des langues, une véritable tour de Babel.

Mais nous assistons dans les partis social-démocrates à un processus de différenciation, les masses ouvrières deviennent de plus en plus révolutionnaires.

Les partisans du front uni avec les communistes sont de plus en plus nombreux.

Actuellement, devant le danger du fascisme et de la guerre, la tâche fondamentale de tous les travailleurs consiste à établir le front unique prolétarien, l’unité d’action de la classe ouvrière contre l’ennemi de classe.

Rappelez-vous comment, au procès de Leipzig, véritable provocation, la lutte s’est déroulée pendant trois mois entre le communisme et le fascisme.

A l’occasion de ce procès, bien qu’il n’y ait pas eu de pacte officiellement conclu, un front unique mondial s’était établi pour la défense des communistes non coupables.

Communistes, social-démocrates, anarchistes et sans-parti se sont tous dressés contre le fascisme allemand.

Des millions et des millions d’ouvriers et d’ouvrières suivaient au jour le jour la lutte de Leipzig, des millions et des millions de petits bourgeois, de paysans, d’intellectuels, étaient pour le front unique antifasciste.

Les journaux bourgeois, eux-mêmes, les journaux conservateurs qui nous sont hostiles, n’osaient pas écrire contre nous et contre nos déclarations dans ce procès. Le fascisme allemand était isolé à ce moment-là. Hitler, Goering et Goebbels ne trouvaient d’appui moral ni en Allemagne, ni ailleurs.

Depuis le procès de Leipzig, le front unique a encore progressé.

Nous sommes devant le fait d’un accord officiel entre le Parti communiste français et le parti socialiste français, pour l’unité d’action ; nous avons déjà un accord formel entre communistes italiens et socialistes italiens ; différents Partis communistes ont conclu des accords avec des organisations socialistes et une série d’organisations antifascistes.

Le front unique prolétarien progresse, se consolide de plus en plus, mais se heurte en chemin à de formidables obstacles, à la résistance de ses ennemis. Les ennemis du front unique, ce sont tous ceux qui sont liés avec la bourgeoisie et ne veulent pas renoncer à ces liens.

Lorsque la résistance des chefs social-démocrates réactionnaires aura été brisée, lorsque le front unique de la classe ouvrière aura été établi, l’offensive capitaliste, l’offensive de la réaction et du fascisme se trouveront devant une barrière infranchissable.

La classe ouvrière ne peut mettre en oeuvre toutes ses forces qu’à condition de réaliser l’unité d’action.

Les intérêts économiques, sociaux, culturels et politiques des ouvriers des différentes tendances politiques : communistes, social-démocrates, anarchistes sont identiques.

C’est sur cette base, qu’on peut et qu’on doit établir le front unique.

Qui donc s’y oppose ?

Ce sont les chefs réactionnaires de la social-démocratie, l’idéologie et la politique social-démocrates de collaboration de classe avec la bourgeoisie qui entravent la constitution du front unique prolétarien. Il faut éliminer cet obstacle.

Nous communistes, nous savons que c’est une chose difficile, qu’il n’est pas aisé de supprimer ces obstacles, mais nous sommes convaincus que, par une lutte quotidienne et une action persévérante, le front unique prolétarien, les syndicats uniques de classe et le parti révolutionnaire unique du prolétariat seront enfin créés.

Vous, délégations ouvrières des pays capitalistes, après avoir constaté de vos propres yeux la justesse de la voie de Lénine et de Staline, de la voie de l’Internationale communiste, vous aurez le devoir de dire à vos frères et à vos soeurs des pays capitalistes toute la vérité sur l’U.R.S.S. et de lutter opiniâtrement, sans relâche, pour la défense de la patrie prolétarienne, pour l’établissement définitif du front unique prolétarien.

Transmettez aux travailleurs de vos pays notre ardent salut bolchevik révolutionnaire et dites à tous les ouvriers socialistes que celui qui, à l’heure actuelle, ne soutient pas le front unique, ne lutte pas pour l’unité d’action de la classe ouvrière, que celui qui tolère les campagnes contre l’Union soviétique, contre la patrie du prolétariat mondial, que celui qui soutient la politique de collaboration avec la bourgeoisie, est l’ennemi des intérêts de la classe ouvrière, le complice de la réaction et du fascisme, l’auxiliaire des fauteurs de guerre impérialistes.

Tous solidairement, communistes et socialistes, et tous les autres travailleurs, luttons ensemble, la main dans la main, contre le fascisme, pour la libération des milliers et des milliers de prisonniers du Capital et du fascisme, pour la libération de Thaelmann, de Rakosi, de Tom Mooney, et de tous les révolutionnaires et antifascistes qui souffrent dans les prisons et dans les camps de concentration des pays capitalistes.

Luttons tous ensemble contre les ennemis de l’unité d’action de la classe ouvrière.

Luttons tous ensemble pour la victoire définitive du socialisme dans le monde entier.

Vive l’unité d’action de la classe ouvrière dans chaque pays et sur le plan international !

Vive le triomphe de la révolution prolétarienne mondiale !Parti bolchevik, avec à sa tête le grand chef du prolétariat mondial, Staline.

Le drapeau Rouge de la révolution prolétarienne flotte victorieusement sur un sixième du globe.

Sur un sixième du globe, le pouvoir est exercé par les ouvriers et les paysans, et non par les capitalistes et les propriétaires fonciers.

Dans cette immense patrie soviétique, des millions d’ouvriers et d’ouvrières, de kolkhoziens et de kolkhoziennes transforment l’ancienne Russie ignorante et arriérée, la Russie des tsars et de la noblesse terrienne, en un pays doté d’une technique perfectionnée, en un pays de mécanisation et d’industrialisation, en un pays de socialisme.

Vous voyez de vos propres yeux ce qu’a pu réaliser la classe ouvrière arrivée au pouvoir.

Vous avez vu sur la place Rouge, le Premier Mai, la grande puissance militaire de l’Union soviétique, notre glorieuse Armée rouge, force de la classe ouvrière, force du pays des Soviets.

Lorsque, sur la place Rouge, nous regardions ensemble les tanks qui passaient, les avions qui nous survolaient, nous ne voyions pas seulement la puissance militaire de la classe ouvrière de l’Union soviétique, mais en même temps, la force, la puissance du prolétariat révolutionnaire mondial.

L’Etat soviétique est l’Etat du prolétariat, il défend les intérêts des ouvriers, des masses travailleuses, des opprimés du monde entier.

Les intérêts de l’Etat soviétique sont ceux du prolétariat mondial.

Lorsque nos frères et nos soeurs russes édifient le socialisme à l’aide de l’émulation socialiste et du travail de choc en poursuivant un opiniâtre effort de création, ils travaillent, ils créent non seulement pour leur pays, mais aussi pour le prolétariat mondial.

Lorsqu’ils renforcent la puissance militaire de l’Armée rouge, ils ne renforcent pas seulement la puissance de l’Union soviétique, mais aussi la puissance du prolétariat mondial.

L’Etat soviétique et son Armée rouge sont le rempart de la paix entre les peuples.

L’Etat soviétique est la citadelle de la révolution prolétarienne mondiale.

Et lorsque les chefs social-démocrates réactionnaires disent et écrivent : « Nous ne voulons pas de front unique avec les communistes, parce que nous ne voulons pas recevoir d’ordres de Moscou », ces chefs ne prouvent qu’une chose : c’est qu’ils sont contre l’Etat prolétarien.

Ils démontrent par là qu’ils sont liés à la bourgeoisie, qu’ils soutiennent la politique de collaboration de classe avec la bourgeoisie et sont prêts à aider l’ennemi de classe du prolétariat.

Pour tout ouvrier sincère, en France comme en Angleterre, en Amérique comme en Australie, en Allemagne comme en Espagne, en Chine comme au Japon, dans les pays balkaniques aussi bien qu’aux îles Canaries, pour tout ouvrier sincère, Moscou est son Moscou à lui, l’Union soviétique est son Etat à lui.

Nos adversaires crient souvent aux prétendus « ordres » de Moscou : il va de soi que Moscou ne donne aucun ordre ; suivre l’exemple du grand Lénine et du grand Staline c’est là qu’est le salut pour le prolétariat mondial.

Si vous vous trouvez ici, dans notre grande patrie, si vous examinez l’ensemble du mouvement ouvrier mondial, vous y discernerez deux courants ou tendances principaux : d’un côté, la partie révolutionnaire du prolétariat déjà constituée en Etat, l’Union soviétique, les communistes et les ouvriers révolutionnaires de tous les pays qui se sentent liés au prolétariat soviétique, à l’Etat soviétique, par les attaches du front unique de combat, dans le monde entier.

De l’autre côté, il y a dans le mouvement ouvrier une autre tendance, un autre courant, le courant dit réformiste, tendance qui continue encore à dominer au sein de la IIe Internationale.

Là, point d’Etat prolétarien, point de pouvoir soviétique, point d’Armée rouge, le prolétariat mondial n’a point de puissance de combat.

Là, à côté des partis bourgeois, siègent au gouvernement, par exemple, des Vandervelde et autres chefs qui collaborent avec les capitalistes.

Ils sont liés à leur propre bourgeoisie nationale et soutiennent la politique de « leur » bourgeoisie.

Dans ce camp-là pas d’unité, pas de solidarité internationale.

L’unité internationale d’action et de discipline règne dans la partie révolutionnaire du prolétariat mondial.

L’oeuvre qu’accomplit le Parti bolchevik de l’Union soviétique correspond aux intérêts des travailleurs de France, d’Allemagne, d’Amérique et des autres pays, et les efforts des communistes français, anglais, américains, japonais ou chinois ne s’écartent en aucune façon des intérêts de l’Union soviétique.

Ici, dans la partie révolutionnaire du prolétariat mondial, la direction est aux mains de l’Internationale communiste qui groupe dans le monde entier des millions de prolétaires, liés entre eux par une puissante idée unique, une volonté unique, une direction unique, une discipline unique.

Là, c’est la confusion des langues, une véritable tour de Babel.

Mais nous assistons dans les partis social-démocrates à un processus de différenciation, les masses ouvrières deviennent de plus en plus révolutionnaires.

Les partisans du front uni avec les communistes sont de plus en plus nombreux.

Actuellement, devant le danger du fascisme et de la guerre, la tâche fondamentale de tous les travailleurs consiste à établir le front unique prolétarien, l’unité d’action de la classe ouvrière contre l’ennemi de classe.

Rappelez-vous comment, au procès de Leipzig, véritable provocation, la lutte s’est déroulée pendant trois mois entre le communisme et le fascisme.

A l’occasion de ce procès, bien qu’il n’y ait pas eu de pacte officiellement conclu, un front unique mondial s’était établi pour la défense des communistes non coupables.

Communistes, social-démocrates, anarchistes et sans-parti se sont tous dressés contre le fascisme allemand.

Des millions et des millions d’ouvriers et d’ouvrières suivaient au jour le jour la lutte de Leipzig, des millions et des millions de petits bourgeois, de paysans, d’intellectuels, étaient pour le front unique antifasciste. Les journaux bourgeois, eux-mêmes, les journaux conservateurs qui nous sont hostiles, n’osaient pas écrire contre nous et contre nos déclarations dans ce procès. Le fascisme allemand était isolé à ce moment-là. Hitler, Goering et Goebbels ne trouvaient d’appui moral ni en Allemagne, ni ailleurs.

Depuis le procès de Leipzig, le front unique a encore progressé.

Nous sommes devant le fait d’un accord officiel entre le Parti communiste français et le parti socialiste français, pour l’unité d’action ; nous avons déjà un accord formel entre communistes italiens et socialistes italiens ; différents Partis communistes ont conclu des accords avec des organisations socialistes et une série d’organisations antifascistes.

Le front unique prolétarien progresse, se consolide de plus en plus, mais se heurte en chemin à de formidables obstacles, à la résistance de ses ennemis. Les ennemis du front unique, ce sont tous ceux qui sont liés avec la bourgeoisie et ne veulent pas renoncer à ces liens.

Lorsque la résistance des chefs social-démocrates réactionnaires aura été brisée, lorsque le front unique de la classe ouvrière aura été établi, l’offensive capitaliste, l’offensive de la réaction et du fascisme se trouveront devant une barrière infranchissable.

La classe ouvrière ne peut mettre en oeuvre toutes ses forces qu’à condition de réaliser l’unité d’action.

Les intérêts économiques, sociaux, culturels et politiques des ouvriers des différentes tendances politiques : communistes, social-démocrates, anarchistes sont identiques. C’est sur cette base, qu’on peut et qu’on doit établir le front unique.

Qui donc s’y oppose ?

Ce sont les chefs réactionnaires de la social-démocratie, l’idéologie et la politique social-démocrates de collaboration de classe avec la bourgeoisie qui entravent la constitution du front unique prolétarien.

Il faut éliminer cet obstacle.

Nous communistes, nous savons que c’est une chose difficile, qu’il n’est pas aisé de supprimer ces obstacles, mais nous sommes convaincus que, par une lutte quotidienne et une action persévérante, le front unique prolétarien, les syndicats uniques de classe et le parti révolutionnaire unique du prolétariat seront enfin créés.

Vous, délégations ouvrières des pays capitalistes, après avoir constaté de vos propres yeux la justesse de la voie de Lénine et de Staline, de la voie de l’Internationale communiste, vous aurez le devoir de dire à vos frères et à vos soeurs des pays capitalistes toute la vérité sur l’U.R.S.S. et de lutter opiniâtrement, sans relâche, pour la défense de la patrie prolétarienne, pour l’établissement définitif du front unique prolétarien.

Transmettez aux travailleurs de vos pays notre ardent salut bolchevik révolutionnaire et dites à tous les ouvriers socialistes que celui qui, à l’heure actuelle, ne soutient pas le front unique, ne lutte pas pour l’unité d’action de la classe ouvrière, que celui qui tolère les campagnes contre l’Union soviétique, contre la patrie du prolétariat mondial, que celui qui soutient la politique de collaboration avec la bourgeoisie, est l’ennemi des intérêts de la classe ouvrière, le complice de la réaction et du fascisme, l’auxiliaire des fauteurs de guerre impérialistes.

Tous solidairement, communistes et socialistes, et tous les autres travailleurs, luttons ensemble, la main dans la main, contre le fascisme, pour la libération des milliers et des milliers de prisonniers du Capital et du fascisme, pour la libération de Thaelmann, de Rakosi, de Tom Mooney, et de tous les révolutionnaires et antifascistes qui souffrent dans les prisons et dans les camps de concentration des pays capitalistes.

Luttons tous ensemble contre les ennemis de l’unité d’action de la classe ouvrière.

Luttons tous ensemble pour la victoire définitive du socialisme dans le monde entier.

Vive l’unité d’action de la classe ouvrière dans chaque pays et sur le plan international !

Vive le triomphe de la révolution prolétarienne mondiale !

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Georgi Dimitrov et la définition du fascisme

Une fois en URSS, Georgi Dimitrov participa à de très nombreuses célébrations, devenant une figure importante du pays.

Ce ne fut cependant pas tout : il participa aux travaux du VIIe congrès de l’Internationale Communiste, où il présenta dès le premier jour, le 2 août 1935, le rapport « L’offensive du fascisme et les tâches de l’Internationale Communiste dans la lutte pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme ».

Le VIIe congrès de l'Internationale Communiste
Le VIIe congrès de l’Internationale Communiste

Il prononça également le discours de clôture du rapport au VIIe congrès, le 13 août, sous le titre « Pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme ».

Le 20 août, il prononça également le discours de clôture du congrès, dont le titre était « Les dirigeants actuels des pays capitalistes sont des personnages passagers. Le véritable maître du monde est le prolétariat ».

Il est alors également élu secrétaire général du comité exécutif de l’Internationale Communiste, poste qu’il conservera jusqu’en mai 1943, date de sa dissolution.

Ce qui fait que Georgi Dimitrov est, historiquement, le théoricien de l’antifascisme. Son point de vue est construit de manière dialectique, en s’appuyant sur le principe d’une vaste séquence historique.

Le premier point est que, du point de vue du communisme, le fascisme apparaît comme le produit inévitable du capitalisme en crise ; il s’élabore comme réaction et passe à l’offensive une fois les conditions réunies. Georgi Dimitrov formule cela de la manière suivante :

« Dans les conditions de la crise économique extrêmement profonde, de l’aggravation marquée de la crise générale du capitalisme, du développement de l’esprit révolutionnaire dans les masses travailleuses, le fascisme est passé à une vaste offensive.

La bourgeoisie dominante cherche de plus en plus le salut dans le fascisme, afin de prendre contre les travailleurs des mesures extraordinaires de spoliation, de préparer une guerre de brigandage impérialiste, une agression contre l’Union Soviétique, l’asservissement et le partage de la Chine et sur la base de tout cela de conjurer la révolution.

Les milieux impérialistes tentent de faire retomber tout le poids de la crise sur les épaules des travailleurs. C’est pour cela qu’ils ont besoin du fascisme.

Ils s’efforcent de résoudre le problème des marchés par l’asservissement des peuples faibles, par l’aggravation du joug colonial et par un nouveau partage du monde au moyen de la guerre.

C’est pour cela qu’ils ont besoin du fascisme.

Ils s’efforcent de devancer la montée des forces de la révolution en écrasant le mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans et en lançant une agression militaire contre l’Union Soviétique, rempart du prolétariat mondial.

C’est pour cela qu’ils ont besoin du fascisme. »

Pour cette raison, le fascisme est un terrorisme dirigée par les couches les plus agressives de la bourgeoisie. C’est une tentative de maintenir la domination du capitalisme en s’appuyant sur une base toujours plus restreinte, exigeant par conséquent toujours plus de terrorisme. La définition du fascisme de Georgi Dimitrov est devenu un élément de base de l’idéologie communiste :

« Le fascisme au pouvoir est, comme l’a caractérisé avec raison la XIIIe Séance Plénière du Comité exécutif de l’Internationale Communiste, la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier.

La variété la plus réactionnaire du fascisme, c’est le fascisme du type allemand, il s’intitule impudemment national-socialisme sans avoir rien de commun avec le socialisme allemand.

Le fascisme allemand ce n’est pas seulement un nationalisme bourgeois, c’est un chauvinisme bestial. C’est un système gouvernemental de banditisme politique, un système de provocation et de tortures à l’égard de la classe ouvrière et des éléments révolutionnaires de la paysannerie, de la petite bourgeoisie et des intellectuels.

C’est la barbarie médiévale et la sauvagerie.

C’est une agression effrénée à l’égard des autres peuples et des autres pays. »

Ce faisant, Georgi Dimitrov s’oppose formellement à l’interprétation trotskyste, anarchiste et social-démocrate du fascisme, qui serait l’expression d’une révolte de la petite-bourgeoisie. Si la petite-bourgeoisie en voie de déclassement peut effectivement être happé par le fascisme en raison de sa démagogie, ce n’est pas elle qui est toutefois aux commandes.

Georgi Dimitrov souligne cela ainsi :

« Le fascisme, ce n’est pas une forme du pouvoir d’Etat qui, prétendument, « se place au-dessus des deux classes, du prolétariat et de la bourgeoisie », ainsi que l’affirmait, par exemple, Otto Bauer.

Ce n’est pas « la petite bourgeoisie en révolte qui s’est emparée de la machine d’Etat », comme le déclarait le socialiste anglais Brailsford.

Non. Le fascisme, ce n’est pas un pouvoir au-dessus des classes, ni le pouvoir de la petite bourgeoisie ou des éléments déclassées du prolétariat sur le capital financier.

Le fascisme, c’est le pouvoir du capital financier lui-même. C’est l’organisation de la répression terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels. »

Georgi Dimitrov posait là les bases théoriques qui allaient permettre de comprendre la nature du fascisme et de lui opposer le Front populaire antifasciste.

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Georgi Dimitrov : Les premiers enseignements (1934)

(Extrait de l’entretien de Dimitrov avec les correspondants de la presse communiste non soviétique, fin avril 1934)

– Une pareille campagne, née d’une cause internationale, est presque sans précèdent : quelle en est, selon vous, l’explication ?

– Cette solidarité démontre, je le pense, qu’on ne s’est pas seulement intéressé à la personne des accusés.

Cet intérêt considérable qu’ont manifesté les ouvriers, et aussi d’autres couches sociales, exprimait leur satisfaction devant notre combat contre le fascisme allemand et la volonté d’y prendre une part active.

– Je crois que votre attitude héroïque y est pour beaucoup.

– Il est vrai que, devant le tribunal, j’ai été jusqu’au bout ; dans ma lutte, mordant, conséquent et sans égards.

Vous parlez de courage, d’attitude héroïque devant le tribunal.

N’avoir pas peur de la mort, voyez-vous, ce n’est pas de l’héroïsme personnel : c’est, au fond, le propre du communisme, du prolétariat révolutionnaire, des bolcheviks. La classe bourgeoise n’est plus en état de susciter dans ses rangs un véritable courage, un véritable héroïsme.

C’est une classe qui sombre et qui n’a plus aucune perspective.

– Vous savez probablement que, dans tous les pays, un grand nombre de travailleurs social-démocrates ont été enthousiasmés par votre attitude ?

– Oui, ils ont beaucoup contribué à notre libération.

Ces ouvriers social-démocrates devraient maintenant se poser une question : pourquoi la social-démocratie n’a-t-elle pas de chefs héroïques ? Comment cela se fait-il ?

Il n’y a qu’une explication : la social-démocratie est à la remorque de la bourgeoisie; par sa théorie et sa pratique, elle est un instrument de la dictature bourgeoise.

C’est pourquoi, justement, comme la bourgeoisie même, elle ne peut compter aucun chef vraiment courageux et héroïque.

– Quelles conclusions doit-on, à votre avis, en tirer ?

– Une des plus importantes, c’est que les ouvriers social-démocrates ne peuvent mener avec succès le combat contre la bourgeoisie qu’en communauté d’action avec les ouvriers communistes.

Jusqu’ici, beaucoup de travailleurs social-démocrates en sont restés à la sympathie à notre égard. Mais la sympathie n’est pas suffisante.

Elle doit se transformer en une lutte active contre la bourgeoisie et le fascisme, une lutte résolue, unifiée, que les ouvriers socialistes, chrétiens et sans parti mèneront coude à coude avec les ouvriers communistes.

Mais, dites une chose aux ouvriers de chez vous : combattre le fascisme, cela signifie, en même temps et avant tout, le combattre dans son propre pays.

Il est indiscutable que chaque pays possède ses propres Hitler, Gœring ou Gœbbels en puissance.

Il ne suffit pas de rassembler des forces et d’attendre qu’il soit trop tard pour engager l’attaque.

Même en Hollande, on doit dès maintenant mener la lutte.

Contre tous les aspects du fascisme, il faut batailler tous les jours, à chaque heure. Dans les entreprises, dans la rue, chez les chômeurs, dans les réunions, partout, il faut barrer la voie au fascisme.

Tous les travailleurs doivent veiller à ce que ne soit donnée au fascisme aucune possibilité de croître ou d’acquérir une influence auprès des ouvriers et des paysans.

Pas à pas, coup pour coup, il faut gagner sur le fascisme.

– Vous êtes donc persuadé qu’on pourra éviter l’avènement de la dictature fasciste ?

– Oui, tout à fait certain ! Si les ouvriers social-démocrates d’Allemagne étaient, pas à pas, allés de l’avant, en temps utile, avec les ouvriers communistes, contre le fascisme, s’ils n’avaient pas suivi aussi aveuglément leurs chefs, nous n’aurions certainement pas de dictature fasciste aujourd’hui.

L’exemple allemand est riche d’enseignement pour les ouvriers de tous les pays.

Cet enseignement, il faut, dès à présent, en tirer profit.

– Nous le dirons. Mais que peut-on faire directement pour les antifascistes d’Allemagne ?

– Des centaines et des milliers, parmi les meilleurs ouvriers, parmi les meilleurs combattants du prolétariat allemand sont, dans les prisons et les camps de concentration, en un danger de mort permanent.

Il en est ainsi, avant tout, du chef de la classe ouvrière révolutionnaire d’Allemagne, Ernst Thaelmann.

Je ne me fatiguerai pas de répéter qu’arracher Ernst Thaelmann, chef de la classe ouvrière allemande, des mains des bourreaux fascistes est une question d’honneur pour le prolétariat de tous les pays ; on doit s’y mettre, on doit y tendre de toutes ses forces.

– Savez-vous quelque chose de précis sur l’état de Thaelmann ?

– Je l’ai vu trois fois pendant ma détention ; deux fois, il ne put me voir ; mais, la troisième fois, en octobre, lors de l’épisode berlinois du procès, il m’a également aperçu. Du corridor, je l’ai vu dans sa cellule. Je l’ai salué et il m’a répondu.

Il était très courageux, malgré la rigueur de sa détention.

Les dernières nouvelles sur la façon dont il est traité, sont très inquiétantes.

– Que lui arrivera-t-il, d’après vous ?

– En tout cas, on va tenter de l’anéantir physiquement et moralement.

Il ne faut pas perdre de vue que la libération de Thaelmann et des autres camarades allemands sera beaucoup plus difficile que la nôtre.            

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Georgi Dimitrov : Ce que nous devons dire avant tout (1934)

(Extrait de l’interview donnée par Dimitrov à la presse sovié­tique et étrangère dès son arrivée à Moscou, le 27 février 1934)

Ce que nous devons dire d’abord, c’est la reconnaissance sans bornes que nous éprouvons pour le prolétariat international, pour les couches les plus larges de travailleurs de tous les pays, pour les intellectuels loyaux qui ont lutté en faveur de notre libération.

Et nos chaleureux remerciements, avant tout, aux ouvriers et aux kolkhoziens du pays soviétique, de notre pays.

Je peux m’exprimer avec une entière conviction : sans cette admirable mobilisation de l’opinion publique pour notre défense, nous ne serions certainement pas ici, à vous parler.

Et le fascisme allemand n’aurait pas renoncé à nous anéantir moralement et physiquement.

La grande campagne qui fut menée dans le monde entier pour notre libération, mes camarades et moi, nous ne l’avons malheureusement connue que très tardivement.

Ce n’est que maintenant, quelques heures après notre arrivée, en causant avec nos camarades, que nous appre­nons tout ce qui, pendant cette époque, s’est passé autour de nous.

Je suis fermement convaincu que cette campagne n’a pas sauvé que nous, les trois Bulgares et Torgler, mais que nous lui sommes aussi redevables de ce que la provo­cation du fascisme allemand, qui visait à l’extermination de milliers de prolétaires, a été condamnée.

Cette cam­pagne fait perdre au fascisme la possibilité de monter une nouvelle provocation qui aurait pour but de détruire les cadres dirigeants du prolétariat révolutionnaire d’Alle­magne.

En bref, le procès fut une provocation, comme le fut aussi l’incendie du Reichstag.

Le procès était destiné à couvrir les incendiaires.

On voulait rejeter sur d’autres son propre crime.

Cependant, conformément aux lois de la dialectique, aux lois de la lutte de classe du prolétariat, le procès a tourné en son propre contraire.

Ce procès anticommuniste est devenu une grandiose démonstration antifasciste, un piteux fiasco du fascisme.

L’incendie devait persuader le peuple allemand que les communistes sont des incendiaires ; le procès l’a persuadé que c’est là une légende.

Entre-temps, une année a passé et, bien que l’Allemagne, qui n’est qu’une grande prison, soit isolée du reste du monde, il n’y a plus personne là-bas qui croie que l’incendie du Reichstag ait été allumé par les communistes.

Même parmi les simples membres du Parti national-socialiste, il s’en trouve beaucoup qui sont convaincus que cet incendie est l’œuvre des chefs fascistes.

Nous avons quitté l’Allemagne, le cœur plein de haine contre le fascisme allemand, mais aussi plein d’amour, de chaleureuse sympathie pour les travailleurs et les communistes allemands.

Par suite de l’isolement rigoureux où nous étions tenus, nous ne pouvions savoir exactement ce qu’ils ont à souffrir et comment ils luttent.

Mais jusqu’à la comparution devant le tribunal et devant le tribunal lui-même, nous sentions que le puissant Parti communiste allemand reste inébranlablement à son poste.

L’attitude, devant le tribunal, des témoins ouvriers que l’on avait tirés des camps de concentration, exprimait la fidélité et le dévouement à leur Parti.

Le combat qui a été mené pour notre libération doit être continué pour la délivrance des milliers de prolétaires emprisonnés dans les casemates du fascisme.

Ce que je vais faire ici ? C’est tout à fait clair…

Je suis un soldat de la révolution prolétarienne, un soldat de l’Internationale communiste.

C’est dans cet esprit que j’ai comparu devant le tribunal.

Je ferai ici mon devoir de soldat de la révolution prolétarienne et je l’accomplirai jusqu’à mon dernier souffle.                       

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Georgi Dimitrov et la signification du procès de Leipzig


Après le procès, Georgi Dimitrov se retrouva en première ligne pour exposer la nature du fascisme, ce qu’il fit tout d’abord dans la presse soviétique (Les premiers enseignementsCe que nous devons dire avant tout).

Un rassemblement en URSS en soutien à Georgi Dimitrov
Un rassemblement en URSS en soutien à Georgi Dimitrov

Voici l’extrait principal d’un article qu’il écrivit pour la Pravda, l’organe du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik). Paru dans ce quotidien le 4 mars 1934, l’articile s’intitule Une victoire de la solidarité prolétarienne :

L’incendie du Reichstag devait marquer et marqua effectivement l’origine d’une campagne terroriste du fascisme allemand contre le mouvement révolutionnaire du prolétariat.

La provocation du 27 février 1933 visait à être le signal de l’«anéantissement» du marxisme, en entendant par là le mouvement révolutionnaire du prolétariat allemand.

Les arlequins fascistes voulaient mettre en ligne toutes les forces hostiles au mouvement révolutionnaire et à l’Union soviétique ; ils comptaient faire apparaître à l’Europe capitaliste le « rôle historique » du fascisme allemand, son rôle de gendarme en face de la révolution prolétarienne.

En d’autres termes, « le fascisme allemand de sang purement aryen » a repris à son compte, à l’époque de la révolution prolétarienne, ce que l’absolutisme tsariste considérait comme sa « mission historique » au temps de la révolution bourgeoise-démocratique : être le bastion de la réaction européenne et le bourreau du mouvement révolutionnaire.

L’incendie du Reichstag, provocation imaginée par les fascistes, – nous y reviendrons plus à fond – servit de prélude à d’innombrables actes de bestialité, aux jours sanglants de mars 1933, qui soulevèrent toute l’humanité travailleuse contre la dictature fasciste.

Le procès de Leipzig – le plus grand procès de l’histoire politique contemporaine – a été monté intentionnellement comme une provocation, par les chefs fascistes, pour apporter au monde entier la preuve qu’à la fin du mois de février 1933, ces bourreaux avaient sauvé l’Europe du bolchévisme.

A Leipzig, le fascisme allemand comptait établir universellement son rôle de sauveur.

L’acte d’accusation, tenu sévèrement secret avant et pendant les débats, qui ont duré trois mois, montre clairement que le procès n’était pas seulement dirigé contre le communisme allemand, mais surtout contre l’Internationale communiste et l’Union soviétique.

Au commencement du procès, la presse fasciste allemande ne jugea pas indispensable d’en faire mystère. L’acte d’accusation mentionne ouvertement que mes camarades et moi avons été coupables d’être « les plénipotentiaires du Parti communiste russe de Moscou » et d’avoir eu pour mission d’organiser en Allemagne, par l’incendie du Reichstag, un soulèvement armé ayant pour but la soviétisation de l’Europe entière.

En plein accord avec le désir des fascistes, les faux témoins de l’instruction préparatoire, stylés par l’accusation, ont déclaré « qu’après ce geste, l’incendie du Reichstag, des actions analogues se produiraient à Varsovie, à Vienne et à Prague, afin d’étendre l’embrasement à l’Europe entière ».

Quelles tâches concrètes le fascisme allemand se proposait-il en montant le procès de Leipzig ?

En premier lieu : Réhabiliter, aux yeux de l’Allemagne et de l’étranger, les incendiaires et les bourreaux fascistes ; dissimuler l’identité des vrais coupables en rejetant la responsabilité sur les communistes.

En second lieu : Justifier la terreur sauvage et les monstrueuses persécutions contre le prolétariat révolutionnaire; légitimer devant l’opinion publique la destruction barbare d’énormes valeurs culturelles, la croisade contre la science, l’anéantissement sans pitié du libéralisme bourgeois de gauche, les pogroms de masse, les meurtres, etc.

En troisième lieu : Alimenter une nouvelle campagne anticommuniste.

Le procès devait servir de fondement à un nouveau procès monstre contre le Parti communiste allemand.

En quatrième lieu : Le procès devait apporter la preuve que le gouvernement fasciste combattait « victorieusement » le communisme mondial et avait sauvé à temps l’Europe capitaliste du danger communiste.

Les têtes des quatre accusés devaient être la monnaie d’appoint que les fascistes emploieraient dans leurs prochains marchandages avec les pays capitalistes ; ceux-ci, en contrepartie des « mérites historiques » de Hitler, lui accorderaient des concessions sur la question de l’égalité des armements, etc.

Les fascistes allemands attribuaient à ce procès une signification extraordinaire pour leur politique extérieure.

La préparation du procès a été poussée d’une façon particulièrement étendue.

Les fascistes y ont introduit tout ce qu’ils avaient sous la main.

Ils ont mobilisé tout l’appareil de la police et de la justice, l’appareil dirigeant du parti nazi, l’appareil colossal du ministère de la Propagande, avec ses lointaines ramifications.

Et tout cela devait servir, non seulement à fabriquer l’acte d’accusation, mais, avant tout, à susciter, coûte que coûte, des témoins « appropriés ».

Six mois environ se passèrent à cette recherche de témoins, exaspérée, désespérée.

Il importait considérablement aux fascistes de trouver les témoins nécessaires parmi les ouvriers, parmi les communistes et surtout parmi les dirigeants du mouvement communiste.

Selon les plans des incendiaires fascistes, ces témoins auraient attesté que le Parti communiste et l’Association des anciens combattants rouges auraient préparé un mouvement armé pour février-mars 1933 ; que des directives avaient été données dans ce sens et que l’incendie devait être le signal de la révolte.

Pour trouver de tels témoins, les fascistes ne reculèrent devant rien.

Des milliers et des milliers de communistes et d’ouvriers révolutionnaires furent soumis, dans les prisons et les camps de concentration, à des tortures morales et physiques indescriptibles, afin qu’ils consentissent à être des témoins dociles, prêts à confirmer tout ce qu’exigeraient d’eux les thèses de l’acte d’accusation provocateur.

Pourtant les fascistes subirent un complet échec.

Malgré tous leurs efforts, seuls des députés nationaux-socialistes, des journalistes fascistes, des criminels de droit commun, des faux monnayeurs, des voleurs récidivistes, des psychopathes et des morphinomanes acceptèrent de déposer comme témoins à charge.

Les fascistes ne réussirent même pas à trouver un seul des témoins souhaités dans les milieux ouvriers, parmi les membres actifs du mouvement prolétarien ou parmi les fonctionnaires responsables du Parti communiste.

Et ce fut là le talon d’Achille de l’accusation.

D’autre part, ce fait a démontré lumineusement au monde entier la fermeté, la fidélité et le dévouement illimité des ouvriers allemands à la cause de la révolution prolétarienne, à la cause du communisme et de son Internationale.

Au procès de Leipzig, le fascisme allemand entra en scène pour la première fois en qualité de gendarme européen contre le communisme.

Ce début s’est terminé en catastrophe pour les fascistes.

En en transposant les termes, on peut citer le célèbre proverbe bulgare : le fascisme allemand fit son entrée à Leipzig tel un lion splendide, mais il dut filer sous les huées.

Le procès fut une pierre de touche pour le Parti communiste et le prolétariat révolutionnaire, dont les fils les meilleurs languissent dans les camps de concentration ou d’autres cachots fascistes.

Et ce fut une brillante démonstration de sa fidélité à son drapeau, de son dévouement sans réserve à la tâche révolutionnaire et à la discipline prolétarienne.

Ainsi les fascistes ne sont pas parvenus à dénicher, parmi les ouvriers, un seul témoin selon leurs vœux; les ouvriers cités, malgré toutes les menaces et tous les supplices, firent preuve, devant les juges, d’un courage digne du prolétariat ; et cela suffit à montrer que, sur les perspectives de révolution prolétarienne postérieures à l’avènement du fascisme, les pessimistes pusillanimes, opportunistes d’Allemagne et d’ailleurs, se sont lamentablement trompés.

La défaite du fascisme à Leipzig et notre délivrance constituent une puissante victoire de l’Internationale communiste.

Cependant la lutte continue et il faut la porter à un niveau plus élevé. L’opinion publique antifasciste ne doit pas s’endormir après cette victoire.

La lutte pour la libération de Thaelmann, chef des ouvriers révolutionnaires allemands, la lutte pour la libération de milliers d’autres prisonniers du fascisme, c’est là une question d’honneur pour le mouvement antifasciste international.

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Georgi Dimitrov : le discours final devant le tribunal en 1933

Dimitrov. – En vertu du paragraphe 258 du code de procédure criminelle, j’ai le droit de parler comme défenseur et comme accusé.

Le président. – Vous avez le droit de parler le dernier. Cela vous est accordé maintenant.

Dimitrov. – En vertu de ce code, j’ai le droit de discuter avec le ministère public et, ensuite, de faire une dernière déclaration.

Messieurs les juges, messieurs les accusateurs, messieurs les défenseurs, déjà, au début du procès, il y a trois mois de cela, j’ai adressé, en tant que prévenu, une lettre au président du tribunal.

J’y exprimais mon regret de ce que mes interventions aient abouti à des conflits avec les juges. Mais je protestais résolument contre l’interprétation de ma conduite comme un abus prémédité de mon droit de poser des questions et de faire des déclarations aux fins de propagande.

On conçoit qu’étant accusé bien qu’innocent, je cherche à me défendre contre de fausses accusations par tous les moyens dont je dispose.

Je reconnais, écrivais-je, que certaines questions n’ont pas été posées par moi de façon aussi juste du point de vue de l’opportunité et de la formulation que je l’aurais voulu.

Mais cela ne s’explique que par mon ignorance du droit allemand. En outre, je suis pour la première fois de ma vie impliqué dans un pareil procès judiciaire.

Si j’avais eu un défenseur de mon choix, j’aurais certainement pu éviter des incidents aussi fâcheux pour ma propre défense.

J’avais nommé plusieurs avocats, Detchev, Moro-Giafferi, Campinchi, Torrès, Grigorov, Léo Gallagher (Amérique) et le docteur Lehmann (de Sarrebrück).

Mais le tribunal d’Empire a repoussé sous divers prétextes, toutes mes propositions, les unes après les autres. Ce n’est pas que je nourrisse une méfiance personnelle à l’égard de M. le docteur Teichert, ni comme homme, ni comme avocat.

Mais, dans l’état actuel des choses en Allemagne, je ne puis nourrir la confiance nécessaire envers Teichert dans son rôle de défenseur officiel.

C’est pourquoi je m’efforce de me défendre moi-même, et il est évident qu’il m’arrive de commettre des irrégularités au point de vue juridique.

Dans l’intérêt de ma défense devant le tribunal, et aussi, comme je le crois, dans celui de la marche normale du procès, je m’adresse encore une fois – la dernière – à la Cour suprême, pour lui demander d’autoriser l’avocat Marcel Willard, à qui ma sœur a donné aujourd’hui pleins pouvoirs, à prendre part à ma défense.

Si cette dernière proposition devait être, elle aussi, repoussée, il ne me resterait qu’à me défendre moi-même du mieux que je pourrai.

Cette proposition ayant été rejetée, j’ai décidé d’assumer moi-même ma défense. N’ayant besoin ni du miel, ni du venin de l’éloquence du défenseur qui m’a été imposé, je me suis défendu seul au long de ces débats.

Il est tout à fait clair que je ne me sens lié en aucune façon par la plaidoirie du docteur Teichert.

Ce qui compte seul pour ma défense, c’est ce que j’ai déclaré jusqu’ici moi-même devant le tribunal, et ce que je vais déclarer tout de suite.

Je ne voudrais pas offenser mon camarade de parti, Torgler – à mon avis, son défenseur l’a déjà bien assez malmené – mais je dois le dire explicitement : je préfère être condamné à mort, innocent, par le tribunal allemand qu’obtenir mon acquittement par une défense comme celle du docteur Sack au profit de Torgler.

Le président (interrompant Dimitrov).  Il ne vous appartient pas de faire des critiques de cette nature.

Dimitrov. – J’admets que je parle un langage rude et vif, mais ma lutte et ma vie l’ont été également.

Cependant, mon langage est sincère et franc. Je cherche à appeler les choses par leur nom. Je ne suis pas un avocat qui a l’obligation de défendre ici son client.

Je me défends moi-même comme un communiste accusé.

Je défends mon honneur politique, mon honneur de révolutionnaire.

Je défends mes idées, mes convictions communistes.

Je défends le sens et le contenu de ma vie.

Aussi bien chaque parole prononcée par moi devant le tribunal, c’est, pour ainsi dire, le sang de mon sang et la chair de ma chair. 

Chaque parole est l’expression de ma plus profonde indignation contre l’accusation injuste, contre le fait qu’un pareil crime anticommuniste soit attribué aux communistes.

On m’a souvent reproché de ne pas prendre au sérieux la Cour suprême allemande. C’est absolument injustifié.

Il est vrai que pour moi, communiste, la loi suprême est le programme de l’Internationale communiste, la Cour suprême la Commission de contrôle de l’Internationale communiste.

Mais pour moi, comme accusé, le tribunal suprême est une instance qu’il convient de considérer avec le maximum de sérieux, non seulement parce qu’il est composé de juges d’une haute qualification juridique, mais encore parce que ce tribunal est l’organisme juridique le plus important de l’Etat allemand, de l’ordre social régnant, instance qui peut en définitive condamner à la peine capitale.

Je puis, la conscience tranquille, déclarer que, devant le tribunal et, par conséquent, aussi devant l’opinion publique, je n’ai dit que la vérité sur toutes choses.

En ce qui concerne mon Parti, qui est réduit à l’illégalité, j’ai refusé d’apporter aucun témoignage quel qu’il soit. J’ai toujours parlé avec sérieux, avec ma conviction la plus profonde.

Le président. – Je ne tolérerai pas qu’ici, dans cette salle, vous vous adonniez à la propagande communiste. Vous l’avez fait tout le temps. Si vous continuez dans ce sens, je vous retirerai la parole.

Dimitrov. – Je dois protester résolument contre l’affirmation que j’ai poursuivi des fins de propagande.

On peut estimer que ma défense devant le tribunal a eu une certaine action de propagande. J’admets aussi que ma conduite devant le tribunal puisse servir d’exemple à tout accusé communiste, mais ce n’était pas là le but de ma défense.

Mon but consistait à réfuter l’accusation visant à faire croire que Dimitrov, Torgler, Popov et Tanev, le Parti communiste allemand et l’Internationale communiste ont un rapport quelconque avec l’incendie.

Je sais que personne en Bulgarie ne croit à notre prétendue complicité dans l’incendie du Reichstag.

Je sais qu’à l’étranger, en général, il est peu probable qu’il se trouve des gens pour le croire.

Mais en Allemagne les conditions sont différentes : ici on peut ajouter foi à ces étranges affirmations. C’est pourquoi j’ai voulu prouver que le Parti communiste n’a eu et n’a rien de commun avec la participation à ce crime.

Si l’on parle de propagande, bien des interventions, ici, ont revêtu ce caractère. Les discours de Goebbels et de Goering ont également exercé une propagande indirecte en faveur du communisme, mais personne ne peut les rendre responsables de ce que leurs interventions ont eu un tel effet de propagande (mouvement et rires dans la salle).

Non seulement la presse m’a diffamé de toutes les manières, – ce qui m’est totalement indifférent, – mais à travers moi on a qualifié le peuple bulgare de « sauvage » et de « barbare » ; on m’a qualifié d’ « individu balkanique suspect », de « sauvage Bulgare », et je ne saurais passer cela sous silence.

Il est vrai que le fascisme bulgare est sauvage et barbare. Mais la classe ouvrière et la paysannerie de Bulgarie, les intellectuels du peuple bulgare ne sont ni des barbares ni des sauvages.

Le niveau des conditions matérielles dans les Balkans est certainement moins élevé que dans les autres pays d’Europe; mais, au point de vue intellectuel et politique, il est faux de dire que nos masses populaires sont à un niveau inférieur à celui des masses des autres pays européens.

Notre lutte politique, nos aspirations politiques en Bulgarie ne sont pas inférieures à celles des autres pays.

Un peuple qui pendant cinq cents ans a vécu sous le joug étranger sans perdre sa langue et sa nationalité, un peuple d’ouvriers et de paysans qui a lutté et continue à lutter contre le fascisme bulgare, n’est ni barbare, ni sauvage.

Les barbares et les sauvages en Bulgarie, ce sont uniquement les fascistes.

Mais je vous le demande, monsieur le président, dans quel pays les fascistes ne sont-ils ni des barbares, ni des sauvages ?

Le président (interrompant Dimitrov).  Ne faites-vous pas allusion à la situation en Allemagne ?

Dimitrov (avec un sourire ironique).  Evidemment non, monsieur le Président…

A l’époque où l’empereur d’Allemagne Charles-Quint disait qu’il ne parlait l’allemand qu’à son cheval, et où les nobles allemands et les hommes instruits n’écrivaient que le latin et avaient honte de la langue maternelle, dans la « barbare » Bulgarie, Cyrille et Méthode avaient créé et diffusé l’ancienne écriture bulgare.

Le peuple bulgare a lutté de toutes ses forces et de toute sa ténacité contre le joug étranger. Aussi bien je proteste contre les attaques dont le peuple bulgare est l’objet. Je n’ai pas à rougir d’être un Bulgare, je suis fier d’être un fils de la classe ouvrière bulgare.

Avant d’en venir à la question essentielle, je dois marquer ceci : le docteur Teichert nous a reproché de nous être nous-mêmes placés dans la situation d’inculpés de l’incendie du Reichstag.

A cela je dois répondre que, depuis le 9 mars, jour de notre arrestation, jusqu’au début de ce procès, il s’est écoulé bien du temps ; pendant cette période on aurait pu éclaircir tous les points éveillant des soupçons.

Au cours de l’instruction, j’ai parlé à des fonctionnaires de la commission d’enquête sur l’incendie du Reichstag; ces fonctionnaires m’ont déclaré que nous, les Bulgares, ne sommes pas coupables de complicité dans ce crime.

On ne devait que nous imputer d’avoir vécu avec de faux passeports, sous des noms d’emprunts, sans nous être faits enregistrer, etc.

Le président. – Ce dont vous parlez maintenant n’a pas été débattu au procès; par conséquent, vous n’avez pas le droit d’en parler ici.

Dimitrov. – Monsieur le Président, on aurait dû pendant ce temps vérifier toutes les données pour nous éviter en temps opportun cette accusation.

L’acte d’accusation porte que « Dimitrov, Popov et Tanev affirment être des émigrés bulgares. Cependant, on doit tenir pour prouvé qu’ils séjournaient en Allemagne aux fins d’action politique illégale ». Ils sont, est-il dit dans l’acte d’accusation, « envoyés par Moscou en Allemagne chargés de préparer une insurrection armée ».

A la page 83 de l’acte d’accusation, il est dit : « Bien que Dimitrov ait déclaré avoir été absent de Berlin du 25 au 28 février, cela ne change rien, cela ne le dégage pas, lui, Dimitrov, de l’accusation de participation à l’incendie du Reichstag. » Cela ressort, – est-il dit plus loin dans l’acte d’accusation, – non seulement des dépositions de Hellmer, d’autres faits témoignent également que…

Le président. – Vous ne devez pas lire ici tout l’acte d’accusation, nous le connaissons parfaitement.

Dimitrov. – Je dois dire que les trois quarts de tout ce qu’ont dit au procès le procureur et les défenseurs, est depuis longtemps connu de tout le monde et cependant ils l’ont répété ici (mouvement et rires dans la salle). Hellmer a témoigné que Dimitrov et Van der Lübbe se trouvaient au restaurant Bayernhof. Plus loin je lis dans l’acte d’accusation :

Si Dimitrov n’a pas été pris sur le lieu du crime, il n’en a pas moins participé à la préparation de l’incendie du Reichstag. Il s’était rendu à Munich pour se ménager un alibi. Les brochures trouvées chez Dimitrov montrent qu’il participait au mouvement communiste d’Allemagne.

Telle est la base de cette accusation hâtive, qui s’est avérée une fausse-couche.

Le président (interrompant Dimitrov). – Vous ne devez pas employer de ces expressions irrespectueuses en parlant de l’accusation.

Dimitrov. – Je tâcherai de trouver d’autres expressions.

Le président. –Mais pas aussi inadmissibles.

Dimitrov. – Je reviendrai aux méthodes d’accusation et à l’accusation, à un autre point de vue.

Le caractère de ce procès avait été déterminé par cette thèse que l’incendie du Reichstag est l’œuvre du Parti communiste d’Allemagne, de l’Internationale communiste. Cet acte anticommuniste – l’incendie du Reichstag – a été attribué aux communistes, comme devant proclamer le signal de l’insurrection communiste, le signal du renversement de la Constitution allemande actuelle.

A l’aide de cette thèse on a conféré à tout le procès un caractère anticommuniste. L’accusation porte :

L’accusation s’en tient au point de vue que cet attentat criminel devait servir d’appel, de signal aux ennemis de l’Etat, qui voulaient déclencher ensuite l’attaque générale contre l’Etat allemand pour l’anéantir sur l’ordre de la IIIe Internationale et ériger à sa place la dictature du prolétariat, un Etat soviétique.

Messieurs les juges ! Ce n’est pas la première fois que semblable attentat est attribué aux communistes. Je ne peux citer ici tous les exemples de ce genre.

Je rappelle l’attentat sur le chemin de fer ici, en Allemagne, près de Juterborg, attentat commis par un aventurier anormal, un provocateur.

A ce moment, non seulement en Allemagne mais aussi dans les autres pays, on a, des semaines durant, accrédité le bruit que c’était là l’œuvre du Parti communiste allemand, que c’était un acte de terrorisme des communistes. Plus tard on apprit que cela avait été fait par le fou, l’aventurier Matuchka. Celui-ci a été arrêté et condamné.

Et voici un autre exemple, l’assassinat du président de la République française par Gorgoulov. Là aussi, on écrivit dans tous les pays qu’on y voyait la main des communistes.

Gorgoulov était représenté comme un communiste, un agent soviétique. Qu’elle était la vérité ? Cet attentat s’est trouvé être organisé par les gardes blancs, et Gorgoulov s’est avéré un provocateur qui voulait obtenir la rupture des relations entre l’Union soviétique et la France.

Je rappellerai aussi la tentative de faire sauter la cathédrale de Sofia. Cet attentat n’avait pas été organisé par le Parti communiste bulgare, mais ce dernier n’en a pas moins été l’objet de poursuites.

Deux mille ouvriers, paysans et intellectuels furent sauvagement assassinés par les bandes fascistes sous le prétexte que les communistes avaient fait sauter la cathédrale.

Cette provocation, l’explosion à la cathédrale de Sofia, avait été organisée par la police bulgare. Déjà en 1920, le chef de la police de Sofia, Proutkine, avait organisé pendant la grève des cheminots des attentats à l’aide de bombes, comme moyen de provocation contre les ouvriers bulgares.

Le président (interrompant Dimitrov).  Cela n’a rien à voir avec ce procès.

Dimitrov. – Le fonctionnaire de police Heller a parlé ici de la propagande communiste des incendies, etc. Je lui ai demandé s’il ne connaissait pas des cas où des incendies, allumés par des entrepreneurs pour toucher le montant de l’assurance, avaient été ensuite imputés aux communistes. Le Völkischer Beobachter du 5 octobre a écrit que la police de Stettin…

Le président. – Cet article n’a pas été présenté au procès. (Dimitrov tente de continuer.)

Le président. – Je vous interdis d’en parler ici, du moment que ce fait n’a pas été mentionné au procès.

Dimitrov. – Toute une série d’incendies…

Le président interrompt de nouveau Dimitrov.

Dimitrov. – On en a parlé à l’instruction, parce que toute une série d’incendies ont été imputés aux communistes. Par la suite, il s’est avéré que les propriétaires des immeubles les avaient allumés « pour donner du travail ! ».

Je voudrais également traiter un instant de la question des faux documents. Il existe un grand nombre de faux qui ont été utilisés contre la classe ouvrière. Ces exemples sont nombreux.

Je rappellerai par exemple la fameuse lettre de Zinoviev. Cette lettre n’avait jamais été écrite par Zinoviev.

On l’avait fabriquée. Et ce faux fut utilisé par les conservateurs anglais contre la classe ouvrière. Je rappellerai une série de faux qui ont joué un rôle dans la politique allemande.

Le président. – Cela sort du cadre de ces débats.

Dimitrov. – On a affirmé ici que l’incendie du Reichstag devait servir de signal à une insurrection armée. Et on a cherché à fonder cette affirmation comme suit :

Goering a déclaré ici, au procès, que le Parti communiste allemand, au moment où Hitler a accédé au pouvoir, était obligé d’exciter l’effervescence des masses et d’entreprendre une action violente quelconque.

Il a dit : « Les communistes étaient obligés de faire quelque chose – alors ou jamais ! »

Il a affirmé que le Parti communiste avait depuis de longues années déjà appelé à la lutte contre le national-socialisme et que pour le Parti communiste allemand, au moment où les nationaux-socialistes accédaient au pouvoir, il ne restait rien d’autre à faire que de déclencher l’action – maintenant ou jamais. Le procureur général a essayé ici de formuler la même thèse de façon plus claire et plus ingénieuse.

Le président. – Je ne permettrai pas que vous offensiez le procureur général.

Dimitrov. – Ce que Goering a affirmé en qualité d’accusateur suprême, le procureur général l’a développé ici. Le procureur général, le docteur Werner, a dit :

Le Parti communiste se trouvait dans cette situation qu’il devait ou céder sans livrer combat ou accepter le combat, même si les préparatifs n’avaient pas été achevés.

C’était la seule chance qui restait au Parti communiste dans les conditions données. Ou bien renoncer sans coup férir à son but, ou bien se décider à un acte risqué, jouer son va-tout, ce qui aurait pu modifier la situation en sa faveur.

L’affaire pouvait avorter, mais alors la situation n’aurait pas été plus mauvaise que si le Parti communiste avait reculé sans se battre.

La thèse, formulée ainsi et attribuée au Parti communiste, n’est pas une thèse communiste. Cette supposition montre que les ennemis du Parti communiste allemand le connaissent mal.

Qui veut bien combattre son adversaire, doit bien le connaître. Interdire le Parti, dissoudre les organisations de masse, perdre la légalité, ce sont là évidemment des coups sérieux portés au mouvement révolutionnaire. Mais cela ne signifie pas encore, il s’en faut de beaucoup, que de ce fait tout soit perdu.

En février 1933 le Parti communiste était menacé d’interdiction. La presse communiste était interdite, l’interdiction du Parti communiste était imminente. Le Parti communiste allemand s’y attendait. On en parlait dans les tracts, dans les journaux.

Le Parti communiste allemand savait bien que les Partis communistes sont interdits dans nombre de pays, mais qu’ils n’en continuent pas moins à travailler et à combattre. Les Partis communistes sont interdits en Pologne, en Bulgarie, en Italie et dans certains autres pays.

Je veux en parler, fort de l’expérience du Parti communiste bulgare. Ce dernier avait été interdit à la suite de l’insurrection de 1923, mais il continuait de travailler et, bien que cela lui ait coûté de nombreuses victimes, il est devenu plus fort qu’avant 1923.

Cela tout homme doué d’esprit critique comprend l’importance de ce phénomène.

Le Parti communiste allemand même illégal peut, la situation s’y prêtant, accomplir la révolution. L’expérience du Parti communiste russe le prouve.

Le Parti communiste russe était illégal, il subissait de sanglantes persécutions, mais la classe ouvrière, le Parti communiste en tête, a conquis le pouvoir. Les dirigeants du Parti communiste allemand ne pouvaient tenir ce raisonnement : devant l’interdiction de leur Parti tout était perdu et : l’alternative se posait : ou bien l’insurrection, ou bien la fin.

La direction du Parti communiste ne pouvait avoir une idée aussi stupide.

Le Parti communiste savait pertinemment que le travail illégal coûterait de lourds sacrifices et exigerait de l’abnégation et du courage, mais il savait aussi que ses forces révolutionnaires se consolideraient et qu’il serait capable de réaliser les tâches qui lui incombent.

Aussi la supposition que le Parti communiste allemand ait voulu dans cette période, jouer son va-tout, doit être absolument exclue. 

Par bonheur, les communistes n’ont pas la vue aussi courte que leurs adversaires, et ils ne perdent pas la tête dans les situations difficiles.

Il convient d’ajouter à cela que le Parti communiste allemand et les autres Partis communistes sont des sections de l’Internationale communiste.

Qu’est-ce que l’Internationale communiste ? Je me permettrai de citer un passage de ses statuts. Je cite ici le premier paragraphe :

L’Internationale communiste, Association internationale des travailleurs, est l’organisation des Partis communistes des différents pays en un Parti communiste unique mondial.

Guide et organisateur du mouvement révolutionnaire mondial du prolétariat, champion des principes et des buts du communisme, l’Internationale communiste lutte pour la conquête de la majorité de la classe ouvrière et des grandes couches de paysans pauvres, pour les principes et les buts du communisme, pour l’instauration de la dictature mondiale du prolétariat, pour la création d’une Fédération mondiale des Républiques socialistes soviétique, pour l’abolition complète des classes et la réalisation du socialisme, première étape de la société communiste. (Programme de l’Internationale communiste, suivi des Statuts de l’I.C.)

Dans ce parti mondial de l’Internationale communiste, comptant des millions de travailleurs, le Parti communiste de l’Union soviétique est le plus fort Parti. Il est le Parti dirigeant de l’Union soviétique, le plus grand Etat du monde. L’Internationale communiste, ce Parti communiste mondial, analyse la situation politique de concert avec la direction des Partis communistes de tous les pays.

L’Internationale communiste devant laquelle toutes les sections sont directement responsables, n’est pas une organisation de conspirateurs, mais un parti mondial. Un tel Parti mondial ne joue pas aux soulèvements et à la révolution. 

Un tel Parti mondial ne peut dire officiellement à des millions de membres une chose, et en même temps faire secrètement le contraire. Un tel Parti, mon excellent docteur Sack, ignore la comptabilité en partie double !

Docteur Sack. – Parfait, continuez votre propagande communiste !

Dimitrov. – Un tel Parti, quand il s’adresse aux millions de prolétaires, quand il prend ses décisions sur la tactique et les tâches immédiates, le fait sérieusement, avec la pleine conscience de sa responsabilité. Je citerai ici la décision de la XIIe assemblée plénière du Comité exécutif de l’Internationale communiste. Comme ces décisions ont été mentionnées au procès, j’ai le droit d’en donner lecture.

Conformément à ces décisions, la tâche essentielle du Parti communiste allemand consistait à mobiliser les millions de travailleurs pour la défense de leurs intérêts vitaux, contre leur pillage féroce par le capital monopoliste, contre le fascisme, contre les décrets-lois, contre le nationalisme et le chauvinisme, en luttant pour l’internationalisme prolétarien, en développant les grèves économiques et politiques, les manifestations et en amenant les masses à la grève politique générale ; gagner les masses principales de la social-démocratie, liquider résolument les faiblesses du mouvement syndical.

Le principal mot d’ordre que le Parti communiste allemand doit opposer à celui de la dictature fasciste (« le troisième Reich »), de même qu’au mot d’ordre du Parti social-démocrate (« la deuxième République »), doit être : la République ouvrière et paysanne, c’est-à-dire de l’Allemagne socialiste, soviétique, assurant aussi la possibilité du rattachement volontaire des peuples d’Autriche et des autres régions allemandes. (Thèses, décisions, résolutions de la XIIe assemblée plénière du Comité exécutif de l’Internationale communiste)

Travail de masse, lutte de masse, résistance de masse, front unique, point d’aventures ! Voilà les bases de la tactique communiste.

On a trouvé chez moi, un appel du Comité exécutif de l’Internationale communiste. J’estime que l’on peut également le citer. Deux points sont particulièrement importants dans cet appel.

Ainsi, on y parle des démonstrations qui se déroulent dans différents pays en liaison avec les événements d’Allemagne. On y parle des tâches du Parti communiste dans sa lutte contre la terreur national-socialiste, ainsi que pour la défense des organisations et de la presse de la classe ouvrière.

Il est dit, entre autres, dans cet appel :

Le principal obstacle dans la voie de la réalisation du front unique de lutte des ouvriers communistes et social-démocrates, a été et reste la politique de collaboration avec la bourgeoisie, suivie par les partis social-démocrates, qui actuellement ont amené et exposé le prolétariat international aux coups de l’ennemi de classe.

Cette politique de collaboration avec la bourgeoisie, connue sous le nom de politique dite du « moindre mal », a, en fait, amené en Allemagne le triomphe de la réaction fasciste.

L’Internationale communiste et les Partis communistes de tous les pays ont plus d’une fois affirmé leur volonté de lutter en commun avec les ouvriers social-démocrates contre l’offensive du Capital, la réaction politique et la menace de guerre.

Les Partis communistes ont été les organisateurs de la lutte commune des ouvriers communistes, social-démocrates qui brisaient systématiquement le front unique des masses ouvrières.

Déjà le 20 juillet de l’année dernière le Parti communiste allemand, après l’effondrement du gouvernement social-démocrate prussien Von Papen, adressait au parti social-démocrate et à la Centrale syndicale d’Allemagne, la proposition d’organiser une grève commune contre le fascisme.

Mais le parti social-démocrate et la Centrale syndicale d’Allemagne, avec l’approbation de toute la IIe Internationale, qualifièrent cette proposition d’organiser la grève commune, de provocation. Le Parti communiste allemand renouvela sa proposition d’action commune au moment où Hitler accédait au pouvoir, invitant le Comité central du parti social-démocrate et la direction de la Centrale syndicale allemande à organiser en commun la résistance au fascisme. Mais cette fois encore, sa proposition fut repoussée.

Bien plus, lorsqu’en novembre de l’an dernier les travailleurs des transports berlinois se mirent unanimement en grève contre la réduction des salaires, la social-démocratie torpilla le front unique de lutte. La pratique du mouvement ouvrier international est pleine d’exemples analogues.

Cependant l’appel du Bureau de l’Internationale ouvrière socialiste du 19 février de cette année, contient la déclaration des partis social-démocrates, affiliés à cette Internationale, affirmant leur volonté d’établir le front unique avec les communistes pour la lutte contre la réaction fasciste en Allemagne. Cette déclaration est en contradiction flagrante avec tous les actes de l’Internationale socialiste et des partis social-démocrates, jusqu’à ce jour.

Toute la politique et l’activité de l’Internationale socialiste jusqu’à présent donnent à l’Internationale ouvrière et aux partis communistes le droit de ne pas croire à la sincérité de la déclaration du Bureau de l’Internationale ouvrière socialiste, lequel fait cette proposition au moment où, dans toute une série de pays, en Allemagne avant tout, la classe ouvrière elle-même prend déjà l’organisation du front unique de lutte dans ses propres mains.

Néanmoins, en présence du fascisme qui attaque la classe ouvrière d’Allemagne et dénoue toutes les forces de la réaction mondiale, le Comité exécutif de l’Internationale communiste appelle tous les Partis communistes à faire encore une tentative pour établir le front unique avec les masses ouvrières social-démocrates par l’intermédiaire des partis social-démocrates.

Le Comité exécutif de l’Internationale communiste fait cette tentative dans la ferme conviction que le front unique de la classe ouvrière contre la bourgeoisie repousserait l’offensive du Capital et du fascisme et accélérerait grandement la fin inévitable de toute l’exploitation capitaliste.

Etant donné les conditions particulières de chaque pays et la diversité des tâches concrètes de lutte qui se posent devant la classe ouvrière dans chacun d’eux, l’accord entre les Partis communistes et les partis social-démocrates en vue d’actions déterminées contre la bourgeoisie, peut être réalisé avec le plus de succès dans le cadre de chaque pays.

Aussi le Comité exécutif de l’Internationale communiste recommande-t-il aux partis social-démocrates adhérants à l’Internationale socialiste, l’action commune contre le fascisme et l’offensive du Capital.

Ces pourparlers doivent avoir pour base les conditions élémentaires de la lutte commune contre l’offensive du Capital et du fascisme. Sans un programme concret d’action contre la bourgeoisie, tout accord entre les partis serait dirigé contre les intérêts de la classe ouvrière…

Devant l’ensemble de la classe ouvrière internationale, le Comité exécutif de l’Internationale communiste formule ces propositions et appelle tous les Partis communistes, le Parti communiste d’Allemagne en premier lieu, sans attendre le résultat des pourparlers et des accords sur la lutte commune avec la social-démocratie, à procéder immédiatement à l’organisation de comités de lutte communs, tant avec les ouvriers social-démocrates qu’avec les ouvriers de toutes les autres tendances. Les communistes ont démontré par leur lutte de longues années qu’ils ont été et seront toujours aux premiers rangs de la lutte pour le front unique non en paroles mais en fait, dans les actions de classe contre la bourgeoisie.

Le Comité exécutif de l’Internationale communiste est fermement convaincu que les ouvriers social-démocrates et sans-parti, indépendamment de l’attitude que les chefs de la social-démocratie observent à l’égard de la création du front unique, surmonteront tous les obstacles et réaliseront, en commun avec les communistes, le front unique non en paroles mais en fait. Maintenant surtout que le fascisme allemand a organisé, en vue d’écraser le mouvement ouvrier d’Allemagne, une provocation inouïe (l’incendie du Reichstag, faux relatif à l’insurrection, etc.), chaque ouvrier doit comprendre son devoir de classe dans la lutte contre l’offensive du Capital et de la réaction fasciste.

Cet appel ne dit rien d’une lutte immédiate pour la prise du pouvoir. Cette tâche n’a été posée ni par le Parti communiste allemand, ni par l’Internationale communiste.

Il est naturellement vrai que l’appel de l’Internationale communiste n’écarte pas la possibilité d’une insurrection armée. Le tribunal en a faussement conclu que dès l’instant où le Parti communiste se propose comme but une insurrection armée, c’est donc que cette insurrection était préparée en fait et devait immédiatement éclater. Cela est illogique, inexact, pour ne pas dire plus.

Oui, bien entendu, lutter pour la dictature du prolétariat est la tâche des Partis communistes du monde entier. C’est notre principe, c’est notre but. Mais c’est là un programme précis, pour la réalisation duquel sont nécessaires non seulement les forces de la classe ouvrière, mais encore des autres couches de travailleurs.

Que le Parti communiste allemand ait été pour la révolution prolétarienne, tout le monde le sait. Mais ce n’est point là la question qui doit être résolue à ce procès.

La question est de savoir si réellement une insurrection armée avait été fixée au 27 février pour la prise du pouvoir, en liaison avec l’incendie du Reichstag.

Qu’est-il résulté de l’instruction judiciaire, messieurs les juges ? La légende visant à faire croire que l’incendie du Reichstag était l’œuvre des communistes, s’est effondrée complètement. Je ne vais pas citer les témoignages apportés, ainsi que l’ont fait les autres défenseurs. Mais cette question peut être considérée comme entièrement élucidée pour tout homme au jugement normal.

L’incendie du Reichstag ne se trouve en aucune liaison avec l’activité du Parti communiste, non seulement avec une insurrection, mais avec une démonstration, une grève ou tout autre action de ce genre.

Ceci a été parfaitement prouvé par l’instruction.

L’incendie du Reichstag – je ne parle pas des affirmations de malfaiteurs et d’anormaux, – n’a été compris par personne comme le signal de l’insurrection. Personne n’a remarqué, en liaison avec l’incendie du Reichstag, aucun acte, action ou tentative d’insurrection. Personne n’avait alors rien entendu à ce sujet. Tous les racontars sur ce point se rattachent à une période beaucoup plus récente. La classe ouvrière se trouvait alors en état de défensive contre l’attaque du fascisme.

Le Parti communiste allemand s’efforçait d’organiser la résistance des masses, leur défensive. Mais il a été démontré que l’incendie du Reichstag a fourni le prétexte, a été le prélude d’une campagne destructrice largement conçue contre la classe ouvrière et son avant-garde, le Parti communiste. Il a été irréfutablement prouvé que les représentants responsables du gouvernement n’avaient même pas songé les 27 et 28 février que l’insurrection communiste était imminente.

J’ai posé à ce sujet nombre de questions aux témoins cités ici. J’ai interrogé tout d’abord Heller, le fameux Karwahne (rire dans la salle), Frey, le comte Heldorf, les fonctionnaires de police.

Malgré les différentes variantes, tous m’ont répondu qu’ils n’avaient pas entendu dire qu’une insurrection communiste dût éclater. Cela signifie que les milieux dirigeants n’avaient pris absolument aucune mesure contre la possibilité d’une telle insurrection.

Le président. – Pourtant, le tribunal a reçu communication du chef du département occidental de la police sur ce point.

Dimitrov. – Le chef du département occidental de la police, dans sa communication, rapporte que Goering l’avait mandé auprès de lui et lui avait donné des instructions verbales sur la lutte contre les réunions communistes, grèves, démonstrations, campagne électorale, etc. Mais, même cette communication ne dit pas que des mesures avaient été prises contre l’insurrection communiste imminente.

Hier, l’avocat Seifert a également parlé de cela. Il a fait cette conclusion que personne dans les milieux dirigeants ne s’attendait à une insurrection à ce moment. Seifert se référait à Goebbels, indiquant que ce dernier n’avait pas tout d’abord ajouté foi à la nouvelle de l’incendie du Reichstag. En a-t-il été ainsi ? C’est là une autre question.

A cet égard, une preuve est également fournie par le décret-loi du gouvernement allemand, en date du 28 février 1933. Ce décret fut promulgué aussitôt après l’incendie.

Lisez-le. Que dit-il ? Il y est dit que tels ou tels articles de la constitution sont supprimés, à savoir les articles concernant la liberté d’organisation, la liberté de la presse, l’inviolabilité de la personne, l’inviolabilité du domicile, etc. C’est là le fond du décret-loi, de son deuxième paragraphe. L’offensive contre la classe ouvrière…

Le président. – Pas contre les ouvriers, mais contre les communistes…

Dimitrov. – Je dois dire qu’en vertu de ce décret-loi on arrêta non seulement des communistes, mais aussi des ouvriers social-démocrates et chrétiens, on interdit leurs organisations. Je voudrais souligner que ce décret-loi était dirigé non seulement contre le Parti communiste allemand, – quoique, bien entendu, avant tout, contre ce dernier, – mais aussi contre les autres partis et groupes d’opposition.

Cette loi était nécessaire pour instaurer le régime d’exception, elle est directement, organiquement, liée à l’incendie du Reichstag.

Le président. – Si vous continuez à attaquer le gouvernement allemand, je vous retirerai la parole.

Dimitrov. – Dans ce procès, une question n’a pas du tout été éclaircie.

Le président. – En parlant vous devez vous adresser aux juges, et non à la salle, autrement votre discours peut être considéré comme de la propagande.

Dimitrov. – Une question n’a pas été éclaircie, ni par le ministère public, ni par la défense. Je ne m’étonne pas qu’ils n’aient pas jugé cela indispensable. Ils redoutent beaucoup cette question.

C’est la question de savoir quelle était la situation politique en Allemagne en février 1933. Je dois m’arrêter sur ce point. Fin février, la situation politique était telle qu’à l’intérieur du camp du front national la lutte se livrait…

Le président. – Vous vous engagez sur un terrain, que je vous ai déjà interdit plus d’une fois.

Dimitrov. – Je tiens à rappeler la proposition que j’ai faite au tribunal, de citer des témoins tels que Schleicher, Brüning, Papen, Hugenberg, vice-président du Casque d’Acier, Duesterberg, etc.

Le président. – Mais la Cour a refusé de faire comparaître ces témoins. Aussi ne devez-vous pas vous y arrêter.

Dimitrov. – Je le sais et, de plus, j’en connais la raison.

Le président. – Il m’est désagréable de vous interrompre sans cesse pendant votre dernière intervention, mais vous devez vous conformer à mes injonctions.

Dimitrov. – Cette lutte intérieure dans le camp national se poursuivait en liaison avec la lutte menée dans les coulisses entre les dirigeants de l’économie allemande.

La lutte se poursuivait entre les milieux de Thyssen et Krupp (industrie de guerre), qui ont financé des années durant le mouvement national-socialiste, et leurs concurrents qui devaient être refoulés au second plan.

Thyssen et Krupp voulaient établir dans le pays une dictature politique, une domination absolue, sous leur direction personnelle ; à cet effet, il fallait écraser le prolétariat révolutionnaire.

Le Parti communiste s’efforçait, dans cette période, de créer le front unique pour rassembler toutes les forces en vue de résister aux tentatives des nationaux-socialistes pour anéantir le mouvement ouvrier.

Une partie des ouvriers social-démocrates sentaient la nécessité du front unique de la classe ouvrière.

Ils s’en rendaient compte. Des milliers d’ouvriers social-démocrates rejoignirent les rangs du Parti communiste allemand. Mais, en février et mars, la tâche consistant à établir le front unique ne signifiait nullement l’insurrection ni sa préparation, mais seulement la mobilisation de la classe ouvrière contre la campagne spoliatrice des capitalistes et contre la violence des nationaux-socialistes.

Le président (interrompant Dimitrov). – Vous avez toujours souligné que vous vous intéressez uniquement à la situation politique en Bulgarie ; or vos développements de tout à l’heure prouvent que vous avez manifesté un très grand intérêt pour les questions politiques d’Allemagne.

Dimitrov. – Monsieur le Président, vous m’adressez un reproche. A cela je ne puis que vous répondre ceci : comme révolutionnaire bulgare je m’intéresse au mouvement révolutionnaire de tous les pays.

Je m’intéresse, par exemple, aux questions politiques sud-américaines, et je les connais peut-être aussi bien que les questions allemandes, bien que n’ayant jamais été en Amérique. Au reste, cela ne veut point dire que si en Amérique du Sud, le siège de quelque Parlement vient à brûler, ce sera de ma faute. Je m’intéresse à la politique allemande, mais je ne me mêle pas des affaires politiques de l’Allemagne.

Au cours de ces débats, j’ai appris bien des choses et, grâce à mon sens politique, j’ai vu clair dans bien des détails.

La situation politique de cette période comportait deux facteurs essentiels : le premier, c’est l’effort des nationaux-socialistes pour accéder au pouvoir ; le deuxième – à l’opposé du premier – c’est l’activité du Parti communiste visant à créer le front unique des ouvriers contre le fascisme. A mon avis, cela s’est révélé également pendant ces débats.

Les nationaux-socialistes avaient besoin d’une manœuvre de diversion, pour détourner l’attention des difficultés qui existaient à l’intérieur du camp national et briser le front unique des ouvriers.

Le « gouvernement national » avait besoin d’un prétexte valable pour lancer son décret-loi du 28 février qui supprimait la liberté de la presse, l’inviolabilité de la personne, et inaugurait un système de répression policière, de camps de concentration et autres mesures de lutte contre les communistes.

Le président (interrompant Dimitrov). – Vous voilà arrivé à l’extrême limite, vous faites des allusions !

Dimitrov. – Je veux simplement éclairer la situation politique en Allemagne à la veille de l’incendie du Reichstag, comme je la comprends.

Le président. – Il n’y a pas place ici pour des allusions à l’adresse du gouvernement et pour des affirmations depuis longtemps réfutées.

Dimitrov. – La classe ouvrière devait se défendre de toutes ses forces, et c’est pour cela que le Parti communiste a tenté d’organiser le front unique, en dépit de la résistance de Wels et de Breitscheid, qui maintenant, à l’étranger, poussent des clameurs hystériques.

Le président. – Vous devez passer à votre défense, si vous le voulez; autrement vous n’aurez pas assez de temps pour le faire.

Dimitrov. – J’ai déjà déclaré que sur un point je suis d’accord avec l’acte d’accusation.

Maintenant, il faut confirmer cet accord. C’est en ce qui concerne la question de savoir si Van der Lübbe a organisé l’incendie seul ou s’il avait des complices. Le représentant de l’accusation Parisius a déclaré ici que, de la réponse à la question de savoir si Van der Lübbe avait ou non des complices, dépendait le sort des accusés.

Je réponds à cela : non, mille fois non : cette conclusion du procureur est illogique. 

J’estime que Van der Lübbe n’a réellement pas été seul à incendier le Reichstag. L’expertise et les données ressortant de ces débats m’amènent à conclure que l’incendie dans la salle des séances du Reichstag était d’un autre genre que celui allumé dans le restaurant du rez-de-chaussée, etc.

Le feu a été mis à la salle des séances par d’autres gens et par un autre procédé.

L’incendie allumé par Van der Lübbe et l’incendie dans la salle des séances coïncident seulement pour le temps; pour le reste ils sont foncièrement différents. Le plus probable, c’est que Van der Lübbe a été l’instrument inconscient de ces gens, instrument dont on a abusé. Il ne dit pas toute la vérité ici.

Maintenant encore il persiste dans son mutisme. Bien qu’il ait eu des complices, ce fait ne décide pas du sort des autres accusés. Van der Lübbe n’a pas été seul, c’est vrai, mais ceux qui étaient avec lui n’étaient ni Torgler, ni Popov, ni Tanev, ni Dimitrov.

N’est-il pas probable que, le 26 février, Van der Lübbe a rencontré à Hoenigsdorf une personne à qui il a communiqué ses tentatives de mettre le feu à l’Hôtel de ville et au palais ?

Que cet homme lui a dit que tous ces incendies ne sont que des jeux d’enfants, qu’une affaire sérieuse, ce serait l’incendie du Reichstag pendant les élections ?

Et n’est-il pas probable que c’est ainsi que de l’union secrète entre la démence politique et la provocation politique a surgi l’incendie du Reichstag ?

L’allié du côté de la démence politique est au banc des prévenus. Quant aux alliés du côté de la provocation politique, ils sont en liberté.

Tandis que le naïf Van der Lübbe faisait ses tentatives malhabiles pour mettre le feu au restaurant, dans le corridor et au rez-de-chaussée, des inconnus se servant de ce liquide inflammable secret dont a parlé le docteur Schatz, ne perpétraient-ils pas l’incendie de la salle des séances ? 

(Van der Liibbe se met à rire. Tout son corps est secoué d’un rire silencieux.

L’attention de toute la salle, des juges et des prévenus se porte à ce moment sur Lùbbe.)

Dimitrov (montrant Lübbe). – Les complices inconnus ont veillé à tous les préparatifs de l’incendie. Ce Méphistophélès a su disparaître sans laisser de traces.

Et voilà qu’ici se trouve l’instrument stupide, le pitoyable Faust, tandis que Méphistophélès a disparu. Le plus probable, c’est qu’un pont a été jeté à Hoenigsdorf entre Van der Lübbe et les représentants de la provocation politique, les agents des ennemis de la classe ouvrière.

Le procureur général Werner a déclaré ici que Van der Lübbe était un communiste ; il a dit ensuite que si même il n’était pas communiste, il a accompli son œuvre dans l’intérêt du Parti communiste et en liaison avec ce dernier. C’est là une affirmation fausse.

Qui est Van der Lübbe ?

Un communiste ? Pas du tout !

Un anarchiste ? Non.

C’est un ouvrier déclassé, c’est une épave rebelle de la société, une créature dont on a abusé, qu’on a utilisée contre la classe ouvrière.

Non il n’est pas communiste. Il n’est pas anarchiste. Pas un seul communiste au monde, pas un seul anarchiste ne se comporterait devant le tribunal comme le fait Van der Lübbe.

Les anarchistes commettent souvent des actes insensés, mais toujours devant les juges, ils revendiquent leurs responsabilités et expliquent leurs buts.

Si un communiste avait fait quelque chose d’analogue, il ne se tairait pas devant le tribunal, alors que quatre innocents sont au banc des accusés à ses côtés.

Non, Van der Lübbe n’est pas un communiste, ni un anarchiste, il est l’instrument dont a abusé le fascisme.

Avec cet homme, avec ce misérable instrument dont on a abusé, que l’on a utilisé au préjudice du communisme, il ne peut y avoir rien de commun, il ne peut y avoir aucune relation entre lui et le président de la fraction communiste du Reichstag, entre lui et les communistes bulgares.

Je dois rappeler ici que le 28 février au matin, Goering a publié un communiqué sur l’incendie. Ce communiqué annonçait que Torgler et Koenen s’étaient enfuis des locaux du Reichstag à 10 heures du soir.

Cette nouvelle fut radiodiffusée dans tout le pays. Le communiqué disait que l’incendie avait été allumé par les communistes.

Toutefois, on n’a pas fait d’enquête sur les agissements de Van der Lübbe à Hoenigsdorf. L’homme qui passa la nuit avec Van der Lübbe au poste de police, n’a pas été retrouvé…

Le président (interrompant Dimitrov).  Quand avez-vous l’intention de finir vos discours ?

Dimitrov. – Je veux parler encore une demi-heure. Je dois exposer ma façon de voir sur cette question…

Le président. – On ne peut tout de même pas parler sans fin.

Dimitrov. – Pendant les trois mois que dura le procès, monsieur le Président, vous m’avez, un nombre incalculable de fois, contraint au silence, en me promettant qu’à la fin du procès je pourrais parler en détail pour me défendre.

Cette fin du procès est arrivée.

Mais contrairement à votre promesse vous limitez de nouveau mon droit de parole.

La question de ce qui s’est passé à Hoenigsdorf est extrêmement importante. Waschinski, qui avait passé la nuit avec Van der Lübbe, n’a pas été retrouvé. Ma proposition de le découvrir a été reconnue inutile.

L’affirmation que Van der Lübbe s’est trouvé à Hoenigsdorf avec des communistes est un mensonge monté par le témoin national-socialiste, le coiffeur Grave.

Si Van der Lübbe avait été à Hoenigsdorf avec des communistes, la chose aurait été depuis longtemps élucidée, monsieur le Président. Mais personne ne s’est préoccupé de découvrir Waschinski.

Le jeune homme, qui s’était présenté au commissariat de la porte de Brandebourg pour apporter la première nouvelle de l’incendie du Reichstag, n’a pas été recherché ; il reste jusqu’à présent inconnu.

L’instruction a sur une fausse voie. Le docteur Albrecht, député national-socialiste, qui avait quitté le Reichstag immédiatement après l’incendie, n’a pas été interrogé.

On n’a pas cherché les incendiaires là où ils étaient, mais là où ils n’étaient pas. On les recherchait dans les rangs du Parti communiste, et on avait tort. Cela a permis aux vrais incendiaires de disparaître.

On a donc décidé : du moment qu’on n’a pas pris et qu’on n’a pas osé prendre les vrais fauteurs de l’incendie, il faut en prendre d’autres, des « ersatz-incendiaires » pour ainsi dire, du Reichstag…

Le président. – Je vous interdis de dire cela, et je vous donne encore dix minutes.

Dimitrov. – J’ai le droit d’apporter et de motiver des propositions concernant le verdict. Le procureur général a traité toutes les dépositions des communistes comme indignes de foi.

Je n’adopterai pas une position contraire. Je n’affirmerai pas, par exemple, que tous les témoins nationaux-socialistes sont des menteurs. Je pense que parmi les millions de nationaux-socialistes il se trouve aussi d’honnêtes gens…

Le président. – Je vous interdis de pareilles remarques malveillantes.

Dimitrov. – N’est-il pas significatif que tous les principaux témoins à charge sont des députés nationaux-socialistes, des journalistes et des partisans du national-socialisme ?

Le député national-socialiste Karwahne n’a-t-il pas dit avoir vu Torgler en compagnie de Van der Lübbe au Reichstag ? Le député national-socialiste Frey a déclaré avoir vu Popov avec Torgler au Reichstag. Le garçon de restaurant national-socialiste Hellmer a témoigné qu’il avait vu Van der Lübbe avec Dimitrov.

Le journaliste national-socialiste Weberstedt aurait vu Tanev avec Van der Lübbe. Est-ce un effet du hasard ? Le docteur Dröscher, qui est intervenu ici en qualité de témoin, et qui est en même temps collaborateur au Völkischer Beobachter, Zimmermann…

Le président (interrompant Dimitrov).  Cela n’est pas démontré.

Dimitrov. – … a affirmé que Dimitrov est l’organisateur de l’explosion à la cathédrale de Sofia, ce qui a été démenti, et qu’il m’aurait vu avec Torgler au Reichstag. Je déclare, avec une certitude à cent pour cent, que Dröscher et Zimmermann, ce n’est qu’une et même personne…

Le président. – Je le nie, cela n’est pas prouvé.

Dimitrov. – Le fonctionnaire de police Heller a cité ici un poème communiste pris dans un livre édité en 1925, pour démontrer que les communistes ont mis le feu au Reichstag en 1933.

Je me permettrai également de citer des vers du plus grand poète d’Allemagne, Goethe :

Apprends à être plus intelligent.

L’aiguille de la grande balance

Du bonheur reste rarement en repos ;

Tu dois ou t’élever

Ou descendre ;

Tu dois dominer et gagner,

Ou bien servir et perdre.

Souffrir ou triompher,

Etre l’enclume ou le marteau.

Oui, quiconque ne veut pas être l’enclume, doit être le marteau ! Cette vérité, la classe ouvrière allemande dans son ensemble, ne l’a comprise ni en 1918, ni en 1923, ni le 20 juillet 1932, ni en janvier 1933. La faute en est aux chefs social-démocrates, aux Wels, Severing, Braun, Leipart, Grasseman. Aujourd’hui, bien entendu, les ouvriers alle­mands pourront la comprendre !

On a beaucoup parlé ici du droit allemand et de la légalité, et je tiens à dire mon opinion à ce sujet égale­ment. Le jugement d’un tribunal se ressent toujours, incontestablement, des combinaisons politiques du moment actuel et des tendances politiques dominantes.

Le ministre de la justice Kerl est sans aucun doute pour le tribunal, une autorité compétente. Il a exprimé son opinion dans une interview publiée dans la presse.

La prévention du droit libéral formel, déclare-t-il, consiste à affirmer que la justice doit avoir le culte de l’objectivité. 

Maintenant nous en sommes arrivés à la source d’éloignement entre le peuple et la justice et la faute de cet éloignement retombe toujours en fin de compte sur la justice. 

Qu’est-ce que l’objectivité au moment où le peuple lutte pour son existence ? Le soldat combattant, l’armée combattante connaissent-ils l’objectivité ? Le soldat et l’armée ne savent qu’une chose, ne savent qu’une considération, ne connaissent qu’une seule question : Comment dois-je sauver la liberté et l’honneur ? Comment sauver la nation ?

Ainsi, il va de soi que la justice d’un peuple qui combat dans une lutte à mort, ne peut avoir le culte d’une objectivité morte.

Les dispositions du tribunal, du ministère public, des avocats doivent être dictées exclusivement par cette seule considération, à savoir : qu’est-ce qui importe pour la vie de la nation ? Qu’est-ce qui sauvera le peuple ?

Ce n’est pas l’objectivité invertébrée qui signifie le marasme et, par là même, la pétrification, l’éloignement vis-à-vis du peuple, non, tous les actes, toutes les mesures prises par la collectivité dans son ensemble et par chaque individu doivent être subordonnés aux besoins immédiats du peuple, de la nation.

Ainsi, le droit est une notion relative…

Le président. – Cela n’a pas de rapport avec le sujet. Vous devez faire vos propositions.

Dimitrov. – Le procureur général a proposé d’acquitter les prévenus bulgares, à défaut de preuves de culpabilité.

Le procureur général a proposé d’acquitter les Bulgares accusés, faute de preuves.

Mais cela ne saurait nullement me satisfaire. La question est loin d’être aussi simple.

Cela n’écarterait pas complètement les soupçons. Au cours du procès, il a été démontré péremptoirement que nous n’avons rien de commun avec l’incendie du Reichstag et que, par conséquent, il n’y avait pas la moindre base pour justifier des soupçons contre nous. Nous, Bulgares, aussi bien que Torgler, devons être acquittés, non pas faute de preuves, mais parce que nous, communistes, n’avons rien et ne pouvions rien avoir de commun avec un acte anticommuniste.

Je propose donc de rendre le jugement que voici :

1. La Cour suprême reconnaît notre innocence dans l’affaire, et l’accusation injustifiée ; ceci est vrai pour nous : – pour moi, Torgler, Popov, Tanev.

2. Déclare que Van der Lübbe a été instrument utilisé au détriment et au préjudice de la classe ouvrière.

3. Qu’il convient de mettre en jugement les personnes coupables d’avoir porté de fausses accusations contre nous.

4. Et de nous dédommager aux dépens de ces coupables pour le temps perdu, la santé compromise et les souffrances endurées.

Le président. – Ce que vous nommez vos propositions, le tribunal les aura en vue au cours de la délibération sur le verdict à prendre.

Dimitrov. – Le temps viendra où ces comptes seront réglés avec intérêts. La pleine lumière sur la question de l’incendie du Reichstag et les véritables incendiaires c’est, évidemment, le tribunal du peuple de la future dictature du prolétariat qui s’en chargera.

Au XVIIe siècle, le fondateur de la physique scientifique Galileo Galilée, a comparu devant le sévère tribunal de l’Inquisition qui devait le condamner, comme hérétique, à la mort, il s’est écrié avec une profonde conviction et résolution :

« Et pourtant la terre tourne ! » Et ce principe scientifique est devenu plus tard le patrimoine de toute l’humanité.

(Le président interrompt brutalement Dimitrov, se lève, rassemble ses papiers, et s’apprête à sortir.)

Dimitrov (continuant) Nous, communistes, pouvons aujourd’hui, proclamer avec non moins de résolution que le vieux Galilée :

« Et pourtant elle tourne ! » La roue de l’histoire tourne, avance, vers une Europe soviétique, vers l’Union mondiale des Républiques soviétiques.

Et cette roue, poussée par le prolétariat sous la direction de l’Internationale communiste, on ne parviendra à l’arrêter ni par des mesures d’extermination, ni par des condamnations aux travaux forcés, ni par des exécutions.

Elle tourne et continuera à tourner jusqu’à la victoire définitive du communisme !

(Les policiers empoignent Dimitrov et le forcent à se rasseoir sur le banc des accusés. Le président et le tribunal s’éloignent pour délibérer sur la question de savoir si Dimitrov peut continuer son discours. Après délibération, la Cour revient et annonce que la parole est définitivement retirée à Dimitrov.)

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Georgi Dimitrov et le procès de Leipzig en 1933

Georgi Dimitrov s’installa à Vienne à partir de la fin janvier 1927, ville abritant la direction du Comité Central du Parti Communiste de Bulgarie (étroit). Il se rendit en 1928 en URSS, pour assister au IVe congrès du Profintern (l’Internationale Syndicale Rouge) et au VIe Congrès du Komintern, où il fut le délégué bulgare, parlant à ce titre le 6 août 1928.

Georgi Dimitrov
Georgi Dimitrov

Il participa aussi à la VIIIe conférence de la Fédération balkanique, dont il devint le secrétaire politique du bureau exécutif. A l’arrière-plan, on retrouve le projet, développé dans les années 1910, de République Fédérative balkanique, devant réunir la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie et la Serbie, avec comme perspective de s’ouvrir à l’Albanie, le Monténégro et la Turquie.

Au début de l’année 1929, le Comité Central se déplaça à Berlin et Georgi Dimitrov le suivit, se voyant alors également responsable du Komintern pour l’Europe occidentale.

Georgi Dimitrov commença alors un travail de titan, ayant la responsabilité de connaître l’évolution de pas moins de 25 Partis Communistes, à quoi s’ajoute la Ligue anti-impérialiste, le Secours Ouvrier, le Profintern, l’Internationale Communiste de la Jeunesse, l’Internationale Sportive Rouge, la revue de l’Internationale Communiste Inprekor.

Georgi Dimitrov

Il participa à l’organisation du congrès antifasciste international de 1929, du congrès paysan européen de 1930, du VIIe congrès du Secours Ouvrier ; il est membre également du Comité Mondial de Lutte contre la Guerre.

Georgi Dimitrov mena alors une activité clandestine, dans le cadre d’une organisation stricte, mais un événement allait entièrement changer la situation.

Marinus van der Lubbe, un jeune maçon hollandais ultra-gauchiste, se rendit en Allemagne après la nomination d’Adolf Hitler au poste de chancelier. Déçu de voir ce qui lui semblait être une incompréhensible passivité, il tenta à la fin du mois de février 1933 de fomenter des révoltes, d’incendier le bureau d’aide de Neukölln à Berlin, l’ancien château impérial, la mairie de la Neue Königstrasse, l’hôtel Imperial Palace.

Puis, il pénétra dans le restaurant du parlement allemand, le Reichstag, utilisa ses propres habits et des linges de cuisine pour provoquer un incendie.

Les nazis promulguèrent en réponse un décret suspendant la Constitution, interdisant la presse de gauche en Prusse, amenant des centaines d’arrestations, dont celle de Georgi Dimitrov.

Il fut arrêté dans le restaurant Bayernhof, son passeport étant suisse et au nom de l’écrivain Rudolf Hediger, avant d’être jeté dans une cellule de la prison de Moabit, sous le numéro 8085, et dut conserver pendant cinq mois ses menottes, nuit et jour, du 4 avril au 31 août 1933.

À l’origine, l’enquête fut menée par le commissaire de la police de Berlin, du 9 au 28 mars. Finalement, c’est la Cour du nouveau régime qui s’empara de l’affaire, ouvrant les débats le 21 septembre 1933 à Leipzig.

Initialement, la radio diffusa les premières audiences de la cour, mais cela fut rapidement interrompu après les premières déclarations et réponses aux questions de Georgi Dimitrov, soit au bout de deux jours.

Le discours tenu le 23 septembre eut pourtant un retentissement historique, étant relayé par l’opinion antifasciste internationale, dans une situation d’une grande complexité.

Georgi Dimitrov tenant tête aux nazis lors du procès de Leipzig de 1934

L’affaire avait tout de suite eu une dimension retentissante, les nazis prétendant que l’incendie du Reichstag relevait d’un complot communiste pour appeler au soulèvement, tandis que l’opinion antifasciste diffusait en Europe un Livre Brun sur l´incendie du Reichstag et la terreur hitlérienne.

Pour cette raison furent présents 42 correspondants de presse allemands et 82 correspondants de presse étrangers. Aucun correspondant des presses communistes, socialistes ou de gauche ne furent cependant acceptés, à part de la presse soviétique lors de la seconde partie du procès, après une mesure de rétorsion contre la presse allemande en URSS.

Le procès commença tout de suite, du côté nazi, avec la dénonciation du livre brun, mais comme Georgi Dimitrov maintint une ligne antifasciste et dénonçait le régime, il y avait une tribune pour un discours faisant tourner l’ensemble au fiasco.

Le procès se déroula alors sans que Georgi Dimitrov ni les autres accusés bulgares n’aient accès aux documents, Georgi Dimitrov se faisant de manière régulière expulser du prétoire, comme les 6 et 11 octobre, alors que le procès fut temporairement continué à Berlin, avant de revenir un mois après à Berlin, Georgi Dimitrov étant placé dans une cage.

L’enquête du tribunal occupa pas moins de 51 séances au procès, mais les faux témoignages nazis étaient tellement mal ficelés, les contradictions des faux témoins si mises en évident par Georgi Dimitrov, que l’ensemble tourna au fiasco.

Timbre tchécoslovaque de 1949 célébrant Georgi Dimitrov à Leipzig

Le procès fut littéralement retourné par Georgi Dimitrov, au point que lors de sa plaidoirie, à la 56e séance, le président l’interrompit pas moins de trente fois.

Le 23 décembre, ce fut par conséquent l’acquittement, dans un contexte de tension extrême. Georgi Dimitrov fut toutefois immédiatement arrêté alors qu’il voulait tenir un discours en réaction au verdict où il était affirmé que le Parti Communiste d’Allemagne serait responsable de l’incendie du Reichstag.

La situation sembla d’autant plus bloquée que le gouvernement bulgare ne reconnut pas la nationalité bulgare de Georgi Dimitrov. Le problème ne fut résolu qu’avec l’obtention par Georgi Dimitrov, le 15 février 1934, de la nationalité soviétique. Les nazis l’expulsèrent de ce fait en secret vers l’URSS, le 27 février.

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Georgi Dimitrov et le bilan de 1923

L’écrasement de 1923 provoqua une véritable onde de choc dans l’esprit de Georgi Dimitrov, surtout que la situation en Bulgarie n’était pas marquée par une amélioration.

Par la suite, le Parti Communiste de Bulgarie (étroit) tenta en effet de prolonger le mouvement, en coopération avec les agrariens et des généraux de gauche.

L’apogée de cela consista, le 16 avril 1925, en la décision d’une partie de la direction de mener l’attaque à l’explosif de la cathédrale Sveta Nedelia devant accueillir la cour du roi lors des obsèques du général Konstantin Georgiev, exécuté par les communistes quelques jours auparavant pour son rôle dans la ligue militaire.

L’attaque à l’explosif de la cathédrale Sveta Nedelia

De nombreux généraux furent tués et il s’ensuivit une loi martiale, avec le meurtre de 450 personnes de manière para-légale par la ligue militaire, le gouvernement arrêtant pas moins de 10500 personnes rien que dans la ville de Varna, plus de 13000 à Plovdiv, etc.

Cette série d’échecs nécessitait une véritable réflexion sur ce qui avait échoué, sur l’erreur dans l’analyse des forces sociales en présence.

En 1925, dans La leçon bulgare, Georgi Dimitrov remarque ainsi :

« En même temps que la Chine et le Maroc, le petit pays qu’est la Bulgarie continue à être au centre de l’attention internationale. Et cela n’est évidemment pas un effet du hasard.

Le grand attentat de la cathédrale de Sofia et la terreur qui ensanglanta par la suite le pays eurent un double écho à l’étranger.

Tandis que les gouvernements réactionnaires européens, conservateurs britanniques en tête, utilisaient largement l’attentat perpétré à la cathédrale de Sofia pour renforcer leur campagne contre l’URSS et le soi-disant danger bolchevique, les ouvriers et les paysans révolutionnaires de tous les pays protestaient énergiquement contre le régime tyrannique des bourreaux de Sofia et prenaient la défense du peuple bulgare travailleur (…).

La particularité la plus caractéristique de la terreur bulgare consiste avant tout dans le massacre planifié et organisé de l’avant-garde de la classe ouvrière et des masses paysannes, de leur intelligentsia, de leurs éléments les plus conscients et les plus actifs.

Il ne s’agit plus ici de priver les masses populaires de leurs droits et libertés politiques élémentaires ; il ne s’agit pas de créer des difficultés et des obstacles au développement de l’activité et de la lutte des organisations ouvrières et paysannes.

Ici, nous avons déjà non pas de simples actes de violence et de répression contre le mouvement ouvrier et paysan dans le pays – ce qui ne serait pas encore si terrible.

Non, en Bulgarie, tout l’appareil d’État – police, gendarmerie, armée, justice, parlement et milice armée, constituée par des tueurs triés sur le volet – est mis en branle pour décapiter et saigner la classe ouvrière et les masses paysannes, afin de les rendre ainsi incapables, sinon définitivement du moins pour longtemps, de lutter pour le renversement de la dictature bourgeoise et l’établissement de leur propre pouvoir.

La bourgeoise bulgare armée mène une guerre organisée et méthodique (en utilisant à cette fin tous les moyens dont dispose l’État) contre le peuple travailleur privé d’armes.

Les forces de la contre-révolution se sont déchaînées alors qu’il n’y a pas encore dans le pays de vraie révolution ouvrière et paysanne.

Et dans cette guerre de la bourgeoisie contre le peuple, engagée depuis le coup d’État du 9 juin 1923, sont tombés jusqu’à ce jour plus de 20 000 ouvriers, paysans et intellectuels – l’élite du peuple bulgare.

L’immense majorité de ces victimes de la sanglante terreur blanche ne sont point tombées dans les combats ouverts de la guerre civile, mais furent sauvagement, lâchement assassinées dans les prisons, dans leurs propres maisons, dans la rue ou lors de soi-disant tentatives d’évasion, après leur attestation par le pouvoir « légal ».

C’est selon un plan soigneusement établi et détaillé que l’intelligentsia travailleuse du pays est anéantie – le meilleur, le plus pur et le plus désintéressé que le peuple est parvenu à élever, à éduquer et à rehausser aux premiers rangs durant les quarante années de son existence indépendante (…).

Lors des élections parlementaires du 22 avril 1923 (un mois et demi avant le coup d’État), les deux partis populaires de masse obtinrent 777 000 voix (l’union agrarienne – 577 000, et le Parti Communiste – 220 000), tandis que les partis bourgeois ensemble, y compris les sociaux-démocrates, n’obtenaient que 270 000 suffrages. »

C’était une terrible leçon : les communistes avaient été pris de court. Malgré un véritable succès dans les masses, la réaction avait su conserver l’initiative, procéder à la destruction des secteurs les plus avancés.

Il y avait ici à comprendre ce phénomène, mais Georgi Dimitrov se retrouva encore plus en première ligne avec l’affaire de l’incendie du Reichstag en Allemagne.

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Georgi Dimitrov et l’année 1923

Un événement essentiel vint modifier la situation en Bulgarie en 1921. La victoire de l’Armée rouge dans la guerre civile russe amena les troupes du général Wrangel à se réfugier en Bulgarie.

La présence d’environ 36 000 soldats de l’armée blanche polarisait grandement la situation, faisant planer la menace d’un coup d’État.

Les communistes appuyèrent alors le gouvernement agrarien (« Union nationale agraire bulgare ») et socialiste, malgré sa répression menée jusque-là sous l’égide du premier ministre agrarien Alexandre Stamboliyski.

Un facteur important fut l’attaque très violente de militants du bloc constitutionnel, unissant le centre et la droite, par les forces paramilitaires agrariennes, surnommée la Garde Orange, le 17 septembre 1922 à la gare de Dolni Dubik.

Auparavant, la Garde Orange avait participé à la répression des grèves de 1919 et la question était donc de savoir comment organiser une démarche permettant un front anti-réactionnaire.

Georgi Dimitrov publia de nombreux articles au sujet du front unique, seul capable justement de faire face à la réaction et à la tendance au coup d’État ; parallèlement, le Parti s’organisa de manière clandestine sur le plan militaire.

Georgi Dimitrov

Le tempo fut cependant trop rapide et un coup d’État eut lieu le 9 juin 1923, portée par la bourgeoisie urbaine, portée par une structure clandestine ultra-nationaliste fondée par des officiers de réserve (la ligue militaire), appuyant la bourgeoisie urbaine, soutenue par l’Italie de Mussolini.

A cela s’ajoute le soutien de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, interdite par Alexandre Stamboliyski dans le cadre des accords internationaux amenant la perte de nombreux territoires considérés comme bulgares.

Dans le prolongement du coup d’État, Alexandre Stamboliyski se vit massacrer, avec notamment sa main, ayant signé l’interdiction de l’Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne, coupée.

Les forces du coup d’État n’étaient représentés que par 30 députés sur 245 et visaient à décapiter l’Union agrarienne, ce qui fut sur ce point une réussite.

Le Parti Communiste de Bulgarie se retrouva de ce fait dans une situation compliquée et considéra qu’un gouvernement réactionnaire en chassait simplement un autre, ce que l’Internationale Communiste désapprouva comme positionnement.

En fait, les communistes de Bulgarie avaient sous-estimé la question agraire. 80 % de la population bulgare était paysanne, avant tout des petits propriétaires. L’industrie et l’artisanat ne rassemblait que 15 % de la population.

S’ils considéraient que les agrariens représentaient les paysans riches, ce qui était juste, ils n’avaient pas pour autant réussi à produire un décrochage dans la paysannerie pauvre.

A cela s’ajoutaient les difficultés sociales provoquées par l’afflux de réfugiés, 500 000 personnes provenant de la Thrace, de la Macédoine, de la Dobroudja.

Georgi Dimitrov publia alors toute une série d’articles sur le front uni et sa nécessité, mais il était trop tard, l’espace était ouvert pour une répression générale et le Parti affronta le 12 septembre 1923 une vague de répression massive, 2000 de ses militants étant emprisonnés, alors que les syndicats et les clubs ouvriers étaient fermés.

La grève générale de protestation lancée par l’ORSS échoua et finalement l’insurrection fut programmée pour le 23 septembre 1923, pour tenter de faire face.

Le Parti Communiste de Bulgarie (étroit) disposant alors d’autour de 40 000 militants lançant l’initiative du soulèvement dans un pays de cinq millions d’habitants.

Le département de Vratza, notamment, devint un bastion du soulèvement ; c’est de là que partit une « proclamation au peuple laborieux du département de Vratza pour participer à l’insurrection antifasciste populaire contre la bourgeoisie sanguinaire ».

Le mouvement fut également fort dans la région de Lom, cependant, cela vint trop tard dans la séquence politique et l’échec coûta cher : 5 000 communistes et agrariens furent massacrés, 15 000 emprisonnés, à quoi s’ajoutent des viols, des destructions.

Les forces insurrectionnelles n’avaient pu se maintenir qu’à Vratza, organisant nécessairement un repli stratégique en direction de la frontière yougoslave.

Georgi Dimitrov se réfugia de son côté à Moscou, où il passa deux années, rejoignant dès juillet 1924 le comité exécutif de l’Internationale Communiste.

Il fut condamné en Bulgarie à 15 ans de prison pour l’insurrection, puis à la peine de mort pour l’organisation d’un comité révolutionnaire à l’étranger. Un troisième jugement le condamna à 20 ans de prison.

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Georgi Dimitrov comme cadre communiste

L’irruption des guerres balkaniques à partir de 1912 – la Bulgarie, la Grèce, la Serbie contre l’empire ottoman, puis la Bulgarie contre la Grèce et la Serbie – désorganisa relativement le Parti, même si en 1913 il obtint 18 députés (contre un seul auparavant), dont Georgi Dimitrov.

Le Parti mena ensuite campagne en faveur de la cessation de la Première Guerre mondiale, Georgi Dimitrov étant arrêté pour cette raison à de nombreuses reprises de manière brève, la polarisation se produisant d’autant plus qu’à partir de septembre 1915, la monarchie bulgare fit entrer le pays dans la guerre, du côté de l’Allemagne.

Finalement, Georgi Dimitrov fut condamné à trois ans de prison, qu’il commença en août 1918, pour s’être rebellé en août 1917 contre un officier chassant un blessé de la première classe d’un train. L’accusation officielle fut « l’incitation des militaires à la désobéissance et à l’indiscipline en temps de guerre ».

L’effondrement du régime dans les mois qui suivirent amenèrent sa libération dès le mois de décembre, alors que le pays était passé proche d’une insurrection populaire avec les soldats à leur tête, seule la capitulation restaurant la situation, la monarchie réussissant coûte que coûte à se maintenir.

Et en mai 1919, le Parti Ouvrier Social-démocrate (étroit) devint le Parti Communiste bulgare (étroit), reconnaissant les 21 conditions pour adhérer à l’Internationale Communiste.

Georgi Dimitrov
Georgi Dimitrov

Georgi Dimitrov fit partie du Comité Central, devenant un tribun fameux dans le pays, un agitateur hors pair dans un climat général de tension : il y eut 135 grèves en 1919, impliquant 80 000 travailleurs.

Le 24 décembre 1919, Georgi Dimitrov était ainsi à la tête d’une vaste manifestation populaire, dont les revendications furent :

« Pain, charbon, logement et vêtements pour les masses populaires ; rétablissement des libertés politiques ; cessation de toute distribution de vivres aux contre-révolutionnaire russes. »

Une grève générale se produisit également du 29 décembre au 3 janvier 1920.

Alors que le Parti disposait désormais d’une base de 22 000 personnes, les élections d’août 1919 lui accordèrent même 18 % des voix, soit 47 députés, étant uniquement devancés par les agrariens. Aux élections de mars 1920, le Parti obtint 20 % des voix et 51 députés, mais neuf furent mise de côté par le régime afin de maintenir une stabilité gouvernementale.

De la même manière, 65 conseils municipaux devenus communistes furent annulés.

Georgi Dimitrov fut lui-même poursuivi par la justice, ainsi que tout le Comité Central, sur acte d’accusation du procureur au tribunal militaire de Sofia, réclamant sa condamnation à mort pour activité subversive aux termes des articles 113, 114, 144 et 172 du code pénal.

La raison en fut le document du 15 décembre 1919 intitulé « Appel à la classe ouvrière de Bulgarie pour l’organisation d’actions de protestation contre le soutien du gouvernement bulgare aux armées contre-révolutionnaires des gardes blancs ».

En novembre 1920, Georgi Dimitrov fut traduit en justice aux termes des articles 138, 154, 173 et 248 du code pénal, prévoyant l’emprisonnement à vie, en raison de son discours du 7 novembre 1920 dans le quartier juif de Sofia, intitulé « En l’honneur et pour la défense de la Russie fraternelle ».

Georgi Dimitrov et sa compagne
Georgi Dimitrov et sa compagne

Cependant, le Parti se développait et Georgi Dimitrov partit en Russie pour le IIIe congrès de l’Internationale Communiste en 1921, rencontrant Lénine, et des visites en Allemagne, ainsi qu’en Autriche et en Italie, deux pays où il est présent lors des congrès fondateurs des Partis Communistes.

Il y avait déjà été envoyé en 1920, mais s’était fait arrêter sur la côte de la Roumanie où son embarcation avait été poussée par une tempête.

Georgi Dimitrov rejoignit ensuite le bureau exécutif de l’Internationale Syndicale Rouge, à la fin de l’année 1921, se voyant attribuer comme responsabilité la supervision de la zone balkanique. Il participa également aux travaux du IVe congrès de l’Internationale Communiste.

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Georgi Dimitrov et le syndicalisme

Georgi Dimitrov est né le 18 juin 1882, dans le village de Kovatchevtsi près de Pernik, une région minière non loin de Sofia. Il est né dans les champs, sa mère servant d’aide aux champs, avant de devenir servante, tandis que son père parvint par la suite à s’installer comme artisan de chapeaux à Sofia.

Ses parents provenaient tous deux de la région de Krésna-Razlog, marquée à la fin du XIXe siècle par un soulèvement bulgare anti-ottoman, dans le cadre du refus de la Macédoine bulgare de rester dans le giron ottoman.

La Bulgarie
La Bulgarie, toute proche de la Turquie actuelle

Elle s’était convertie à l’évangélisme, dans un pays dominé par le christianisme orthodoxe, mais à dix ans Georgi Dimitrov fut exclu des cours du dimanche et publia très jeune une revue anti-cléricale, Kukurigoo (Cocorico), qui n’eut cependant que deux numéros.

Georgi Dimitrov était le plus vieux de ses huit frères et sœurs, mais il ne reprit pas le métier de son père comme c’était souvent le cas ; il devint ouvrier-typographe, activité consistant à placer les lettres sur l’imprimerie conformément aux manuscrits.

Cela présupposait de savoir lire et les ouvriers-typographes appartiennent historiquement à la fraction la plus consciente du prolétariat. À ce titre, le Parti Ouvrier Social-Démocrate bulgare, qui avait été créé le deux août 1891, a généré son premier syndicat en novembre 1894 justement dans cette fraction, comme Centrale ouvrière des imprimeurs.

Georgi Dimitrov participa à la première grève de celle-ci,en février 1895, comme représentant des apprentis dans le comité de grève. Si la grève impliquant 200 ouvriers dans 13 imprimeries échoua, une nouvelle vague de grèves eut lieu durant les années 1899 et 1900, après réorganisation du syndicat comme Société ouvrière des imprimeurs.

Une anecdote consiste en ce que Georgi Dimitrov était le seul à parvenir à déchiffrer l’écriture d’un ministre, Radoslavov. Or, celui-ci insultait les ouvriers manifestant le 1er mai dans un article en 1898, ce qui fit que Georgi Dimitrov refusa d’établir le texte pour l’imprimerie, le responsable de celui-ci se voyant obliger de céder, car ne trouvant personne d’autres. Radoslavov lui rappellera l’épisode plus tard au parlement, lorsque Georgi Dimitrov deviendra député lui aussi.

La Bulgarie en Europe

Georgi Dimitrov en devint le responsable en 1901, devenant une figure de l’agitation, alors qu’à l’arrière-plan se développait le Parti Ouvrier Social-Démocrate, sous l’égide de Dimitar Blagoev, dont deux écrits fameux alors étaient notamment « Nos apôtres » et « Pour Christo Botev ».

Figure historique du socialisme à ses débuts, il avait même fondé le premier groupe social-démocrate en Russie, lors d’un séjour universitaire à Saint-Pétersbourg en 1883-1884, avant de se faire expulser, ayant étudié le premier tome du Capital (qu’il traduisit en bulgare), des œuvres de Ferdinand Lassalle, la brochure de Georgi Plekhanov « Le socialisme et la lutte politique ».

Dimitar Blagoev publia la première brochure social-démocrate : « Qu’est-ce que le socialisme et trouve-t-il un terrain propice chez nous ? » et participa à toutes les revues et journaux sociaux-démocrates, devenant pendant 22 ans le rédacteur de l’organe théorique du Parti, Nové Vrémé.

Georgi Dimitrov rejoignit alors ce parti en 1902, qui connut justement en 1903 une scission, Dimitar Blagoev maintenant le cap marxiste, dans la lignée de Karl Kautsky, face à une interprétation ouverte, dans un esprit de compromis, etc., d’où l’opposition entre les « étroits », partisans d’une ligne stricte dite « étroite » (tesniatzi),  et les « larges », partisans d’une politique d’ouverture dite « large » (chiroki).

Dimitar Blagoev

Georgi Dimitrov se situait dans le camp des « étroits », dans la section de Sofia qui a alors 53 membres, lui-même devenant par la suite son délégué, participant à ce titre en 1904 aux travaux du XIe congrès du Parti, tout comme au suivant, jusqu’en 1909 où le XVIe congrès le nomme au Comité Central.

Il participa également aux congrès de l’Union Générale Syndicale Ouvrière, dans une situation marquée par une classe ouvrière encore très faible ; il n’y avait en Bulgarie en 1901 que 200 usines, dont plus de la moitié avait moins de vingt ouvriers.

Il y avait par conséquent une lente montée en puissance et Georgi Dimitrov s’inséra dans ce processus, devenant progressivement une figure de la classe ouvrière s’affirmant historiquement.

Son premier article dans le journal du Parti, le Rabotnicheski Vestnik (Le journal des ouvriers), traitait d’ailleurs en juin 1903 de « l’opportunisme dans les syndicats ».

Il devint par la suite un permanent du Parti Ouvriers Social-Démocrate (étroit) de Dimitar Blagoev, qui regroupait ainsi 1200 activistes, avec un tiers d’ouvriers, ainsi que le responsable de l’Union Générale des Syndicats (ORSS) lié au Parti.

Il y eut alors des grèves marquantes, comme celle des mineurs de Pernik, en 1906, qui dura 35 jours et fut dirigé par Georgi Dimitrov, qui fut alors ramené à Sofia escorté par la police. La grève se répéta à de nombreuses reprises, Georgi Dimitrov étant à chaque fois en première ligne), celle des ouvriers du textile de Slivène en 1908, celle en 1909 des ouvriers de la fabrique d’allumettes de Kostenetz, qui dura trois mois, celle en 1910 des mineurs de Plakalnitza et des ouvriers du tabac à Plovdiv, celle en 1913 des typographes à Sofia.

Le jeune Georgi Dimitrov

En 1912, l’ORSS avait 8500 adhérents ; le Parti avait de son côté 2900 adhérents et les « larges » pareillement et Georgi Dimitrov devint dans ce cadre une figure majeure du mouvement ouvrier.

Du 10 juillet au 10 août 1912, il purgea même une peine d’un mois de prison pour « offense » au socialiste de droite Moutafov, qualifié de falsificateur et d’indicateur de la police.

Et il devint alors député, en novembre 1913, à l’âge de 31 ans, dans les départements de Vratza et Tirnovo, et secrétaire du groupe parlementaire social-démocrate.

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