Selon le matérialisme dialectique, l’Univers est infini, composé uniquement de matière inépuisable. Il s’oppose ainsi à l’idéalisme qui considère qu’il a existé une « création » à partir de rien.
Cette question essentielle de la nature de
l’Univers a toujours été une ligne de démarcation entre
matérialisme et idéalisme. Dans le tableau L’école
d’Athènes, de Raphaël, Platon qui se trouve au
milieu pointe vers le ciel, source de la réalité matérielle.
Son « monde des idées » consiste en
des modèles ayant façonné la matière. Le platonisme se situe dans
la lignée de Pythagore et considère que le « Un »
divin a donné naissance à un monde « multiple » composé
de nombres. La réalité matérielle ne serait qu’un sous-produit de
Dieu.
Chez Aristote, se situant à côté de Platon
dans le tableau, où lui indique le bas au moyen de sa main, on a une
approche qui s’arrache du platonisme et qui aboutit à la fameuse
allégorie de l’œuf et la poule. Si Aristote ne connaît pas encore
le principe de l’évolution et en reste à un « éternel
retour », il a déjà compris qu’il n’y a pas de première
poule, ni de premier œuf.
Le matérialisme qui va se développer à sa suite
au Moyen-Âge, principalement avec le persan Avicenne et l’arabe
Averroès, aboutira au rejet de la notion de « premier homme »
et par conséquent de l’idéalisme religieux.
L’éternité de l’Univers fut alors assumé,
depuis Spinoza jusqu’à Karl Marx et Friedrich
Engels, avec une matière infinie, inépuisable, éternelle.
L’idéalisme et le matérialisme s’opposaient fondamentalement sur la
question de la nature de l’Univers et Emmanuel Kant, au XVIIIe
siècle dans La critique de la raison pure, note déjà
que se font face une thèse et une anti-thèse :
Thèse
« Le monde a un commencement dans le temps et il est
aussi, relativement à l’espace, contenu dans certaines limites ».
Antithèse
« Le monde n’a ni commencement ni limites spatiales,
mais il est infini aussi bien relativement à l’espace que par
rapport au temps ».
Les religions ont particulièrement combattu cette
affirmation de l’éternité de l’Univers et le point le plus
développé de leur dispositif en ce sens vient du chanoine
catholique belge Georges Lemaître (1894-1966), qui a développé en
1927 l’hypothèse de l’atome primitif, plus connue
sous le nom de théorie du « Big Bang ».
Cette théorie est fondamentalement créationniste,
sous un masque pseudo-scientifique qui a permis de conquérir une
hégémonie idéaliste en ce domaine. Elle a été soutenue
ouvertement par le Vatican, qui a prolongé cette perspective avec la
conception du « dessein intelligent » de la « naissance »
de l’Univers.
Le pape Pie XII donna son soutien à cette
théorie, notamment par un discours effectué en 1951 à
l’Académie des sciences, alors que l’année suivante, l’assemblée
générale de l’Union Astronomique Internationale se tint à Rome au
lieu d’en Union Soviétique comme initialement prévu, avant de
revenir à Moscou, en 1958, alors que le révisionnismeavait
triomphé en URSS.
Le Pape y résume la théorie du « Big
Bang » de la manière suivante :
« On ne peut nier qu’un esprit éclairé et enrichi
par les connaissances scientifiques modernes, et qui envisage avec
sérénité ce problème est conduit à briser le cercle d’une
matière totalement indépendante et autonome — parce que ou
incréée ou s’étant créée elle-même — et à remonter jusqu’à
un Esprit créateur.
Avec le même regard limpide et critique dont il examine
et juge les faits, il y entrevoit et reconnaît l’oeuvre de la
Toute-Puissance créatrice, dont la vertu, suscitée par le puissant
Fiat prononcé il y a des milliards d’années par l’Esprit créateur,
s’est déployée dans l’Univers, appelant à l’existence, dans un
geste de généreux amour la matière débordante d’énergie.
Il semble en vérité, que la science d’aujourd’hui,
remontant d’un trait des millions de siècles, ait réussi à se
faire le témoin de ce Fiat lux initial, de cet instant où surgit du
néant, avec la matière, un océan de lumière et de radiations,
tandis que les particules des éléments chimiques se séparaient et
s’assemblaient en millions de galaxies (…).
Il est remarquable que des savants modernes,
versés dans l’étude de ces sciences, estiment l’idée de la
création de l’Univers parfaitement conciliable avec leurs
conceptions scientifiques et qu’ils y soient même plutôt conduits
spontanément par leurs recherches, alors qu’il y a encore quelques
dizaines d’années une telle « hypothèse » était repoussée comme
absolument inconciliable avec l’état présent de la science.
En 1911, le célèbre physicien Svante Arrehnius
déclarait encore que « l’opinion que quelque chose puisse naître
de rien est en contradiction avec l’état présent de la science,
selon laquelle la matière est immuable ». De même, elle est
de Plate cette affirmation : « La matière existe. Rien ne naît de
rien ; en conséquence la matière est éternelle. Nous ne pouvons
admettre la création de la matière. » »
Selon le matérialisme dialectique, par contre, il
n’y a pas de source ; il n’y a que la matière et celle-ci est en
mouvement éternel, composant également toute la réalité. Il n’y a
donc ni début, ni fin.
Pour cette raison, l’Union Soviétique de Staline
a catégoriquement réfuté le « Big Bang », considérant,
comme l’a formulé Andreï Jdanov dans un discours du 24
juin 1947, que :
« Les falsificateurs de la science veulent faire
revivre le conte de l’origine du monde à partir de rien ».
Andreï Jdanov précise tout de suite après à ce
sujet :
« Une autre faille de la « théorie » [du Big Bang] en question consiste en le fait qu’elle nous amène à une attitude idéaliste assumant que le monde est fini. »
Il souligne encore :
« De la même manière, les déviations kantiennes
des physiciens modernes les ont amenés à des affirmations comme
quoi les électrons posséderaient un « libre-arbitre »
et à des tentatives de décrire la matière comme une simple
superposition de vagues et d’autres apparitions. »
Les communistes d’Union Soviétique avaient
parfaitement compris que la théorie du « Big Bang »
allait de pair avec la conception d’un monde matériel qui serait
« terminé », c’est-à-dire limité et par conséquent
incapable d’être en mouvement de manière éternelle.
La théorie du « Big Bang » consiste
en une justification nécessairement déiste d’un « démarrage »
au monde, à l’Univers. Elle n’est pas nouvelle en soi, par ailleurs,
ne faisant que reprendre une manière de voir déjà systématique
chez les idéalistes dans la seconde moitié du XIXe siècle,
avec l’idée d’un « échauffement initial ».
Les partisans du « Big Bang »
prétendent constater de manière nouvelle un décalage vers le rouge
des grandes longueurs d’onde des raies spectrales et de l’ensemble du
spectre observé parmi les objets astronomiques lointains, qui serait
la preuve qu’ils s’éloigneraient.
Cependant, déjà au XIXe siècle,
Friedrich Engels se moquait de ceux qui imaginaient une
naissance en expansion d’un Univers qui finirait par mourir de froid
(ce qui fut appelé par la suite le « Big Crunch »).
Dans une lettre à à Karl Marx du 21 mars 1869,
Friedrich Engels présente cela notamment ainsi :
« La mutation des forces naturelles, notamment de
la chaleur en force mécanique, etc., a donné lieu en Allemagne à
une théorie extrêmement insipide, qui découle du reste déjà avec
une certaine nécessité de la vieille théorie de Laplace, mais que
l’on avance maintenant avec des preuves quasiment mathématiques :
à savoir que l’Univers ne cesse de refroidir, que les températures
à l’intérieur de l’Univers tendent toujours plus à
s’équilibrer, et qu’ainsi il arrive finalement un moment où
toute vie devient impossible, où le monde entier n’est plus
constitué que de planètes gelées tournant les unes autour des
autres.
Il n’y a qu’à attendre que les curés s’emparent
de cette théorie comme du dernier mot du matérialisme. On ne peut
rien imaginer de plus bête.
Étant donné que d’après cette théorie il est
toujours nécessairement transformé plus de chaleur en d’autres
formes d’énergie qu’il n’est possible que d’autres formes
d’énergie se transforment en chaleur, il s’ensuit naturellement
que l’état de grande chaleur originel à partir duquel tout
se refroidit est absolument inexplicable, et même que c’est une
contradiction et que cela présuppose donc l’existence d’un Dieu.
Le choc initial de Newton s’est transformé en
échauffement initial.
Et pourtant cette théorie passe pour être le fin du fin
du matérialisme le plus accompli, ces messieurs préfèrent se
construire un monde qui commence dans l’absurdité et s’achève
dans l’absurdité, plutôt que de voir dans ces conséquences
absurdes la preuve que jusqu’à présent ils ne connaissent qu’à
moitié leur soi-disant loi naturelle. Mais en attendant cette
théorie fait fureur en Allemagne. »
Les communistes d’Union Soviétique de l’époque
de Staline se situent dans le prolongement parfait de cette manière
matérialiste dialectique de comprendre notre Univers.
Comme le formula la résolution finale d’une
conférence d’astronomes et de physiciens soviétiques en décembre
1948 à Leningrad :
« La « théorie » réactionnaire et
idéaliste de l’expansion de l’Univers domine en ce moment la
cosmologie étrangère. Malheureusement, cette théorie
anti-scientifique a pénétré dans les pages de nos publications
spécialisées… Il est indispensable de démasquer sans relâche
cet idéalisme astronomique, qui promeut le cléricalisme. »
L’Union Soviétique assumait, à cette époque, la
défense du matérialisme dialectique et développait la cosmologie
de manière séparée des instances internationales (où l’URSS
n’avait que deux représentants en 1953, contre 42 en 1956, 89 en
1960, etc.).
Avec le triomphe du révisionnisme, l’URSS devenue
social-impérialiste abandonna cette conception ; en
France, le fondateur de l’astrophysique comme discipline, Evry
Schatzman (1920-2010), a suivi précisément cette voie.
En Chine populaire, cependant, Mao Zedong
prolongea la défense de la conception selon laquelle l’Univers est
éternel. Il avait compris que la question d’un monde « fini »
était au coeur de l’idéalisme et pour cette raison il s’est
focalisé sur le caractère infini de la matière.
Lors d’une discussion en 1955 du secrétariat du
Comité Central du Parti Communiste de Chine avec une équipe de
scientifiques, Mao Zedong formula son point de vue de la manière
suivante au physicien Qian Sanqiang, qui travailla notamment en
France avec Frédéric Joliot-Curie et Irène Joliot-Curie.
Demandant à Qian Sanqiang la composition du noyau
nucléaire, celui-ci répondit qu’il y avait des protons et des
neutrons ; Mao demanda alors ce qui les composait, Qian Sanqiang
répondant qu’à ce stade la science ne le savait pas.
Mao Zedong expliqua alors :
« Les protons, les neutrons et les électrons
peuvent être divisés, parce qu’il y a « un devient deux »
et « l’unité des contraires » ! Nous ne pouvons le
prouver encore par les moyens expérimentaux, mais dans le futur,
quand nous aurons de meilleurs moyens, nous serons capable de prouver
qu’ils sont divisibles. »
Cette thèse de Mao Zedong s’est avérée
correcte. Il est donc connu des historiens des sciences que Mao
Zedong a, dès les années 1950, insisté sur le principe selon
lequel rien n’est indivisible. Des prix Nobel de physique comme
Sheldon Glashow, Tsung-Dao Lee (en 1979, à 47 ans), et Chen-Ning
Yang (en 1957, à respectivement 30 et 32 ans) ont souligné cet
aspect essentiel.
A chaque fois qu’il a abordé la question du
mouvement de la matière, Mao Zedong a souligné la dimension
dialectique à tous les niveaux. Voici ce qu’il disait par exemple en
novembre 1957 lors de la Conférence internationale des
partis communistes et ouvriers réunie à Moscou, en pleine
bataille anti-révisionniste :
« Voyez-vous, l’atome est plein à craquer
d’unités de contraires. Il y a celle entre le noyau de l’atome
et l’électron. À l’intérieur du noyau, il y a celle entre le
proton et le neutron. Au proton correspond à son tour le proton et
l’antiproton, et au neutron, le neutron et l’antineutron.
En un mot, l’unité des contraires est omniprésente.
Il nous faut faire une large propagande en faveur de son concept et
en faveur de la dialectique.
À mon avis, la dialectique doit sortir des cercles de
philosophes et se répandre parmi les larges masses populaires. Je
propose que les bureaux politiques, les comités centraux et les
comités régionaux à tous les échelons des différents partis
communistes discutent de cette question.
En vérité, nos secrétaires de cellules ont compris la
dialectique : quand ils préparent leur rapport à l’assemblée
générale de la cellule, ils ont chacun un petit calepin sur lequel
ils inscrivent deux choses, qui sont d’une part leurs qualités et
de l’autre leurs défauts.
Un se divise en deux, c’est là un phénomène
Universel, c’est là la dialectique. »
Cette bataille pour la promotion de
la divisibilité de la matière a culminé avec la Grande
Révolution Culturelle Prolétarienne.
Une étape essentielle de cette perspective fut la
publication en juin 1965 d’un article de douze pages du physicien
japonais Shoichi Sakata, intitulé « Un dialogue au
sujet des nouvelles perspectives sur les particules élémentaires »,
dans Le Drapeau rouge, organe théorique du Comité
Central du Parti Communiste de Chine.
A l’article était associé deux pages de notes
des éditeurs, saluant le travail de Shoichi Sakata, ainsi que huit
pages de remarques par des scientifiques chinois. L’ensemble fut
publié de nouveau par le Quotidien du peuple et
le Quotidien de Guangming. Puis, en octobre 1965, Le
Drapeau rouge publia six nouveaux articles sur ce thème,
le dossier s’intitulant « Les sciences naturelles et le
matérialisme dialectique ».
Les titres des articles étaient les
suivants : Les sciences naturelles et le matérialisme
dialectique : L’examen de la faillite de
l’idéalisme et de la métaphysique du point de vue du développement
de la physique moderne (par Zhu Hongyuan), Quelques
vues sur l’application du matérialisme dialectique dans la recherche
de la théorie de la structure moléculaire (par Xu Guang
Xuan), Le matérialisme dialectique est l’arme pour explorer
la nature (par Ai Siqi), Étudier les pensées
de Mao Zedong, améliorer les méthodes de la recherche
scientifique (par Yu Guangyuan) et Sur la
divisibilité de la matière (par Gong Yuzhi).
Voici comment Shoichi Sakata,
dans Physique théorique et dialectique de la
nature, en juin 1947, résume sa conception de l’Univers en
oignon :
« La science actuelle a trouvé que, dans la
nature, il existe deux « niveaux » qualitatifs différents
: la forme du mouvement, par exemple une série de niveaux comme
particules élémentaires-noyaux-atomes-molécules-masses-corps
célestes-nébuleuses.
Ces niveaux forment des points nodaux variés qui
restreignent les différents modes qualitatifs de l’existence de la
matière en général. Et ainsi ils ne sont simplement reliés
de manière directe comme décrit ci-dessus.
Les « niveaux » sont également connectés
dans une direction comme
molécules-colloïdes-cellules-organes-individus-sociétés. Même
dans les masses semblables, il existe des « niveaux »
d’états correspondant aux solides-liquides-gaz.
Dit de manière métaphorique, ces circonstances peuvent
être décrites comme ayant une sorte de structure
multi-dimensionnelle du type d’un filet de pêche ou, plutôt
serait-il mieux de dire, qu’ils ont une structure du type des
oignons, en phases successives. Ces niveaux ne sont en rien
isolés mutuellement et indépendants, mais sont connectés
mutuellement, dépendants et constamment « transformés »
les uns en les autres.
Un atome, par exemple, est construit à partir des
particules élémentaires et une molécule est construite à partir
d’atomes et, inversement, peut être fait la décomposition d’une
molécule en atomes, d’un atome en particules élémentaires.
Ces types de transformation arrivent constamment, avec la
création d’une nouvelle qualité et la destruction des autres, dans
des changements incessants. »
Mao Zedong avait connu la thèse de Shoichi Sakata
par une traduction d’un de ses articles dans le Bulletin
d’études de la dialectique de la nature, à la fin de l’année
1963. Lors d’une réunion de 1964, Mao Zedong mit en avant ce
bulletin et les paroles suivantes sont rapportées de sa part :
« Lénine a déjà dit que tout est divisible.
Prenons l’atome, par exemple : non seulement l’atome est
divisible, mais l’électron l’est aussi. Mais beaucoup de gens
pensaient que l’atome serait indivisible.
La science de la division de l’atome est encore jeune.
Dans les dernières années, les scientifiques ot réussi à briser
le noyau d’un atome. Il y a des protons, des antiprotons, des
neutrons, des antineutrons, des muons, des antimuons. Tous sont
lourds et il y a des légers également.
Quant au fait de savoir si l’électron pouvait être
séparé du noyau, cela a été résolu il y a bien longtemps (…).
L’électron n’a pas été divisé, mais un jour il le
sera. « On peut enlever la moitié d’un marteau mesure un pied
de long par jour, mais il n’y aura toujours pas de fin à cela, même
après dix mille générations. » C’est la vérité.
Si tu n’y crois pas, tu peux essayer. S’il y a une fin,
il n’y a pas de science.
Le monde est infini. Le temps et l’espace sont infinis.
Dans l’espace, à la fois le micro et le macro sont infinis.
La matière est infiniment divisible, c’est pourquoi les
scientifiques ont un travail à faire pour toujours, même après un
million d’années. »
C’est également en 1964 que Mao Zedong rencontra
pour la première fois Shoichi Sakata ; dans une discussion de
la même année, les paroles suivantes de Mao Zedong sont
rapportées :
« Aujourd’hui, je vous ai demandé de venir
discuter de l’article de Sakata. Sakata a dit que les particules
élémentaires ne sont pas indivisibles et que l’électron est
également divisible. Il se tenait sur la position du matérialisme
dialectique (…).
Le monde est infini. Dans à la fois le temps et
l’espace, le monde est infini et inépuisable. Au-delà de notre
système solaire sont de nombreuses étoiles qui, ensemble, forment
la Voie Lactée.
Au-delà de cette galaxie sont de nombreuses autres
galaxies. Considéré globalement l’Univers est infini, considérée
étroitement, l’Univers est également infini. Non seulement l’atome
est divisible, mais c’est aussi le cas du noyau atomique et de même
pour l’électron.
Tchouang-tseu dit: ‘On peut enlever la moitié d’un
marteau mesure un pied de long par jour, mais il n’y aura toujours
pas de fin à cela, même après dix mille générations’. C’est
correct.
Pour cette raison, notre compréhension du monde est
infini. Sans cela, la physique ne pourrait se développer (…).
Tout est conservation et non-conservation en même temps.
Les gens pensaient que la conservation de la parité est une loi de
la nature, mais plus tard les physiciens sino-américains Tsung-Dao
Lee et Chen-Ning Yang on trouvé qu’au moins dans le champ des
interactions faibles des particules élémentaires, la parité est
non-conservatrice.
Est-ce pareil dans la conservation de la qualité et la
conservation de l’énergie ? Il n’est rien dans le monde qui
soit absolument statique (…).
La conservation et la non-conservation, c’est l’équilibre
et le déséquilibre en même temps, mais il y a aussi des cas où
l’équilibre est totalement brisé. »
La perspective matérialiste dialectique de Mao
Zedong se heurtait de front à la logique se développant
parallèlement dans les pays capitalistes, où la découverte des
quarks, en 1966, était accompagnée de l’affirmation selon laquelle
il s’agissait des éléments fondamentaux de l’Univers.
Pour cette raison, dans le cadre de la Grande
Révolution Culturelle Prolétarienne amena la défense de la
cosmologie matérialiste dialectique à une nouvelle étape.
Il y eut ainsi en 1966 un groupe de Pékin se
consacrant aux particules élémentaires, avec 39 scientifiques
suivant la perspective de Shoichi Sakata et proposant un modèle
de physique des particules, le straton. A cela s’ajoute une
vaste campagne contre la conception d’Albert Einstein.
L’approche relativiste d’Albert Einstein
n’accorde, en effet, pas de valeur en soi au temps et à l’espace,
utilisant un système de référentiels relativisant la vérité
Universelle. De plus, le principe de la courbure du temps et de
l’espace qui en est le fondement signifie que l’Univers est fermé
(mais en expansion), non infini.
C’est le principe d’Univers comme sphère, sans
limites puisqu’on peut faire éternellement le tour, mais donc sans
matière infinie, inépuisable. Albert Einstein, qui avait
initialement pris position pour un Univers statique, défendit même
par la suite la théorie du « Big Bang » ; sa
théorie d’une lumière conservant nécessairement toujours la même
vitesse est également de l’idéalisme.
En Union Soviétique, les revues Avancées
dans les sciences physiques et Questions de
philosophie avaient de ce fait déjà mené de larges
attaques en 1949 contre la conception d’Albert Einstein. C’était là
défendre la position qui était déjà celle de Lénine
dans Matérialisme et empirio-criticisme, Lénine
qui dans La portée du matérialisme militant notait
déjà le caractère « à la mode » de la conception
d’Albert Einstein.
Cela explique pourquoi, au coeur même du noyau
idéologique de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, on
trouve un Groupe d’Étude de la critique de la théorie de
la relativité à l’Académie des sciences, fondé en mars
1968.
Le premier document de ce groupe, en juillet 1968,
eut le titre révélateur suivant : Critiquer
minutieusement les points de vue bourgeois contre-révolutionnaires
dans les sciences naturelles – Sur le principe de la vitesse de la
lumière, le fondement de la théorie de la relativité.
En août 1969, un document de critique générale
de la théorie de la relativité fut publié, avec en avril 1970 un
meeting anti-Einstein se teint à l’Université de Pékin. L’Académie
des sciences ouvrit également un bureau de critique de la théorie
de la relativité, accompagné d’un journal intitulé Discussion
sur les problèmes de la théorie de la relativité.
Un mouvement de critique fut également lancé à
Shanghai, avec le Groupe révolutionnaire de Shanghai de
critique des sciences naturelles, signant du nom de « Li
Ke » (soit « disciplines scientifiques » en
chinois), qui publia notamment une Introduction aux écoles
et pensées majeures des sciences naturelles modernes occidentales
(Physique des particules élémentaires, cosmologie).
Zhang Chunqiao et Yao Wenyuan, deux des dirigeants
de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, se retrouvaient
ici en première ligne.
A Shanghai fut également lancé en 1973, avec
deux numéros tout d’abord, à 100 000 exemplaires, puis ensuite de
manière trimestrielle avec dix numéros en tout, le Journal
de la dialectique de la nature.
Dans un numéro de 1974, dans l’article Le
point de vue d’Einstein sur l’Univers, on lit :
« Comme les faits historiques de ces dernières
décennies l’ont manifesté, les débats autour de la théorie de la
relativité et la critique de celle-ci sont allées bien au-delà du
champ académique.
C’est non seulement associé au développement de la
science physique, mais aussi avec la lutte idéologique et
politique… Nous devons continuer dans la direction de critiquer et
de réformer l’ensemble du système de la théorie de la
relativité. »
Dans l’article de la même année Une
critique de la théorie de la relativité, il est affirmé :
« Dès les années 1920, Lénine a sévèrement
fait remarquer que la théorie d’Einstein était exploitée par la
majorité des intellectuels bourgeois dans beaucoup de pays (…).
Durant les trente années suivantes, les théoriciens soviétiques
ont eu une attitude prudente et même critique envers le système
d’Einstein (…).
Mais quand les révisionnistes soviétiques sont parvenus
au pouvoir, ils ont fait un retournement à 180° et ont renversé la
critique de la théorie de la relativité. Ils qualifièrent même la
critique « d’odieuse interférence ‘philosophique’ »
(…).
Ils affirmèrent que « le temps d’imposer la
tyrannie sur les sciences naturelles au nom de la philosophie était
fini pour toujours » (…).
Comme les faits historiques des récentes décennies
l’ont montré, le débat autour de la théorie de la relativité et
sa critique sont allés bien au-delà du champ académique. Cela
n’est pas seulement associé au développement des sciences
physiques, mais aussi avec la lutte idéologique et politique (…).
Nous devons continuer dans la direction de critiquer et réformer
l’entier système de la théorie de la relativité. »
Dans la même perspective, le principe du « trou
noir » était abordé avec le refus de la négation de la
matière, le titre de l’article à ce sujet en 1973 affirmant : Le
mouvement ne peut pas être exterminé – Une critique sur
« l’hypothèse » du trou noir.
Le mouvement éternel de la matière infinie,
c’est là la théorie générale du développement selon le
matérialisme dialectique ; c’est ce qui faisait dire à Mao Zedong
que :
« Le déséquilibre est une loi générale et objective. Le cycle, qui est sans fin, passe du déséquilibre à l’équilibre et, à nouveau, de celui-ci à celui-là. Chaque cycle, cependant, correspond à un niveau supérieur de développement. Le déséquilibre est absolu, tandis que l’équilibre est temporaire et relatif.
La rupture de l’équilibre, c’est un bond en avant. Elle est supérieure à l’équilibre, parce qu’en situation de déséquilibre, on doit se creuser les méninges – et c’est là une bonne chose. »
Le Journal de la dialectique de la
Nature accorda bien entendu une attention toute
particulière à réfuter directement la théorie du « Big
Bang », notamment avec des articles comme Qu’implique
la découverte du rayonnement micro-ondes de fond de 3K ? Une
critique de l’hypothèse du « Big Bang », Qu’implique le
« décalage vers le rouge » ? Re-critique de la
théorie du « Big Bang », Quelle est la nature de la
chaleur ?.
Dans le premier, on lit :
« La totalité de l’Univers n’a de solution ni
mathématique, ni physique, mais philosophique. La prétendue
solution mathématique et physique de l’Univers est tout autant une
solution philosophique, mais une solution idéaliste et aprioriste. »
Le capitalisme a besoin du « Big Bang »
pour s’imaginer lui-même en expansion dans un monde sans
contradictions. Il ne peut pas prouver le « Big Bang »
autrement qu’à partir d’une vision du monde idéaliste, dont la
théorie du « Big Bang » n’est qu’un sous-produit.
Dans l’article de 1975 intitulé Sur la
conservation et la non-conservation du mouvement – une
critique des première et seconde lois de la thermodynamique, on
peut lire :
« Le prolétariat regarde toujours dans le futur
avec confiance et optimisme. Mais la bourgeoisie… voit toujours une
triste perspective avec une sombre humeur. Ce pessimisme ne reflète
que son destin historique. »
Le point de vue, matérialiste dialectique, du prolétariat, considère l’Univers comme éternel, la matière comme toujours en mouvement. Dans l’article L’Univers est l’unité du fini et de l’infini, on retrouve une synthèse de l’esprit matérialiste dialectique, de sa vision du monde :
« La fin de toute chose concrète, le soleil, la Terre et l’humanité n’est pas la fin de l’Univers. La fin de la Terre apportera un corps cosmique nouveau et plus sophistiqué.À ce moment-là, les gens tiendront des réunions et célébreront la victoire de la dialectique et souhaiteront la bienvenue à la naissance de nouvelles planètes.
La fin de l’humanité se traduira également par de
nouvelles espèces qui hériteront de toutes nos réalisations. En ce
sens… la mort de l’ancien est la condition de la naissance du
nouveau. »
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