L’administration Johnson tient un langage de gangster (1965)

Editorial du Renmin Ribao du 10 février 1965

Le bombardement barbare et criminel du territoire de la République démocratique du Vietnam perpétré par l’impérialisme américain est une agression flagrante contre un Etat souverain, une violation grossière des Accords de Genève de 1954 et du droit international, et un défi délibéré à la paix dans le Sud-Est asiatique, en Asie et dans le monde.

Ce crime d’agression commis par les impérialistes américains est condamné avec indignation par les peuples du monde entier. Cependant, l’administration Johnson s’est creusé la tête pour inventer un certain nombre d’« arguments » dans l’intention de justifier son agression.

Il n’y a rien d’étrange à ce que l’impérialisme cherche à justifier son agression. Mais les « arguments » inventés cette fois par l’administration Johnson sont si piètres qu’ils sombrent dans le ridicule.

Premier « argument » : cet acte de guerre des Etats-Unis constituerait une « attaque de représailles ». Quel droit l’impérialisme américain a-t-il de parler de « représailles » ?

Les Etats-Unis sont les agresseurs. Ils ont massacré des milliers et des milliers de gens au Sud-Vietnam, rasé de nombreux villages et détruit des richesses incalculables. Ils ont contracté une lourde dette de sang à l’endroit de la population sud-vietnamienne. Celle-ci a le droit de punir les agresseurs américains.

Les coups terribles que les impérialistes américains ont reçus à Bien Hoa, An Lao, Binh Gia et Pleiku sont un châtiment mérité pour tous les crimes qu’ils ont commis. Tant qu’il restera un soldat américain au Sud-Vietnam, la population sud-vietnamienne n’interrompra, fût-ce un jour, son tir vengeur.

Quant aux représailles, ce ne sont pas les agresseurs américains, mais la population sud-vietnamienne, le peuple du Congo-Léopoldville, le peuple cubain et tous les autres pays et peuples sujets à l’agression américaine qui sont en droit de les exercer. Mais, à quoi assiste-t-on ?

Seraient-ce les pays victimes de l’agression américaine qui auraient envoyé des avions bombarder les Etats-Unis ? Tout au contraire : ce sont les Etats-Unis qui ont envoyé des avions bombarder la République démocratique du Vietnam !

Le mot « représailles » dans la bouche des Américains relève du langage de gangster. Pourquoi l’impérialisme américain a-t-il bombardé la République démocratique du Vietnam au moment où il subissait une défaite au Sud-Vietnam ?

La raison inventée par l’administration Johnson est que la lutte armée de la population sud-vietnamienne pour résister à l’agression américaine est « directement prescrite, commandée et inspirée par Hanoï ». Tel est son deuxième « argument ».

Qui sème le vent récolte la tempête. L’agression des impérialistes américains au Sud-Vietnam est vouée à engendrer la résistance de la population sud-vietnamienne. En fait, ce sont les Etats-Unis qui l’ont forcée à prendre les armes ; ce sont eux également qui lui ont appris à combattre ; et ce sont encore et toujours les Etats-Unis qui lui ont fourni armes et munitions.

Si la lutte des nations opprimées pour résister à l’agression doit être imputée aux initiatives de forces extérieures, on ne peut alors s’empêcher de demander : qui a dirigé et inspiré la guerre de l’Indépendance que les insurgés, sous la conduite de George Washington, ont menée contre la Grande-Bretagne ?

Johnson, Mc Namara et consorts paraissent avoir perdu tout souvenir de leurs ancêtres et de l’histoire américaine d’il y a moins de deux siècles. C’est en vain qu’ils cherchent à découvrir dans les jungles de Pleiku, un « commandement » ou une « inspiration » étrangers.

Troisième « argument » : « C’est là un test de volonté » pour les Etats-Unis : telle est la raison pour laquelle ils ont bombardé la République démocratique du Vietnam, car ils ne « pouvaient pas ne pas répondre ».

La population sud-vietnamienne et les peuples révolutionnaires du monde entier ont appris depuis longtemps à connaître la « volonté » des Etats-Unis. Ceux-ci veulent se cramponner au Sud-Vietnam et en faire une colonie, une base pour la répression des mouvements de libération nationale dans le Sud-Est asiatique, et une tête de pont en vue d’attaquer le camp socialiste.

Les peuples révolutionnaires ne nourrissent pas le moindre doute sur cet aspect de la « volonté » américaine. Mais il en existe un autre : si les Etats-Unis malmènent les faibles, ils craignent les forts, ils ont peur des peuples révolutionnaires qui prennent les armes et ils craignent une lutte qui rend coup pour coup.

La « volonté » américaine a été depuis longtemps mise à l’épreuve en Corée, à Cuba, au Congo-Léopoldville, et au Sud-Vietnam : une autre épreuve s’imposait-elle ?

Quatrième « argument » : Si les Etats-Unis n’avaient pas déclenché des attaques contre la République démocratique du Vietnam, on pourrait croire qu’ils « veulent se retirer du Vietnam », qu’ils sont « faibles » et qu’ils sont le « tigre en papier dont parlent les communistes chinois ».

A vrai dire, il ne dépend pas de la volonté des agresseurs américains qu’ils se retirent ou non du Sud-Vietnam. Tôt ou tard, ils devront vider les lieux. Parmi toutes les options possibles, l’évacuation est la meilleure des politiques. Le plus sage pour eux est de faire leurs valises et de décamper. Sinon, le Sud-Vietnam sera leur cimetière.

Quant à leur peur d’être le tigre en papier, nous pouvons leur dire qu’ils se sont avérés tels depuis longtemps au Sud Vietnam. Plus l’administration Johnson recourra à de telles extrémités et s’évertuera par là à modifier l’idée que les peuples se font ainsi des Etats-Unis, plus elle trahira sa hideuse vérité.

Après leurs raids contre la République démocratique du Vietnam, les impérialistes américains ont eu, une fois encore, recours à leur tactique habituelle, et ont écrit au Conseil de Sécurité de l’O.N.U. qu’ils « se réservent le droit de le saisir de la question relative à la situation au Vietnam ».

L’administration Johnson pense que ses actes d’agression seront légalisés si elle soumet ce problème à l’O.N.U. Mais ce tour de passe-passe ne peut que dénoncer une fois de plus la vraie nature de cette organisation.

L’administration Johnson sait fort bien que ses « arguments » sont absolument inconsistants et ne convaincront personne. Et les Nations unies sont trop mal famées pour servir d’asile aux agresseurs américains.

C’est pourquoi ils se sont employés à faire accroire qu’ils ne cherchaient pas à élargir la guerre et qu’il s’agissait d’actes de guerre « limités » : ils espéraient par là échapper au verdict de l’opinion mondiale.

Mais qu’entend l’administration Johnson par « limités » ? Les Etats-Unis ont mis en scène les « incidents du golfe du Bac Bô » et ont lancé à maintes reprises des attaques contre la République démocratique du Vietnam : chaque fois, ils ont parlé d’actions « limitées ».

Ils ont propagé les flammes de la guerre au Laos en y effectuant une intervention armée directe ; ils se sont livrés à des provocations et à des agressions continuelles dans les zones frontalières du Cambodge : toutes ces actions ont été également qualifiées de « limitées ».

Comme on le voit, au moyen de toutes ces actions « limitées », l’administration Johnson réalise l’« escalade » de la guerre en Indochine et, pas à pas, étend ses aventures agressives à l’ensemble de cette région et du Sud-Est asiatique. Devant la matérialité de ces faits, l’allégation de l’administration Johnson selon laquelle elle « ne cherche pas à élargir la guerre » n’a-t-elle pas tout l’air d’un mensonge monstrueux ?

De toute évidence, l’un des objectifs qu’elle poursuit en présentant ces actions comme « limitées », c’est de porter les gens à accepter l’extension de la guerre en Indochine comme un fait accompli. Jusqu’où l’administration Johnson s’aventurera-t-elle sur la voie de cette extension de la guerre, c’est là une question à laquelle elle est en mesure de répondre elle-même.

Mais, une fois embarqué dans l’aventure, l’impérialisme américain, en tant que belligérant, ne serait plus en état de fixer ni de contrôler la durée, l’extension et l’envergure de la guerre. Il est très désavantageux pour l’impérialisme américain de choisir l’Indochine ou l’Asie du Sud-Est comme champ de bataille.

Les Etats-Unis doivent savoir qu’une agression contre la République démocratique du Vietnam est une agression contre la Chine et contre l’ensemble du camp socialiste. Soutenir par des actes concrets la République démocratique du Vietnam constitue, pour le peuple chinois et tous les pays socialistes, un devoir international auquel ils ne sauraient se soustraire.

Nous tenons toujours notre parole. Si l’impérialisme américain veut vraiment propager l’incendie et nous imposer la guerre, alors nous n’aurons pas d’autre choix que de nous y engager et de la mener jusqu’à son terme.

En ce cas, les flammes de la révolution embraseront l’ensemble du Sud-Est asiatique, l’ensemble de l’Asie et consumeront si totalement l’impérialisme yankee qu’on ne trouvera même pas trace de ses cendres !

Après avoir lancé ces attaques contre la République démocratique du Vietnam. Johnson a effrontément proclamé que les Etats-Unis « sont prêts à relever n’importe quel défi et à payer n’importe quel prix afin de s’assurer que la liberté ne périra pas ». Il a également mis tout le monde en garde contre le renouvellement « de graves erreurs de calcul » au sujet des Etats-Unis.

Mais qui se laisserait intimider par de telles fanfaronnades ? N’y a-t-il pas eu des épreuves de force entre l’impérialisme américain, d’une part, et les peuples du Vietnam, du reste de l’Indochine, et de la Chine, de l’autre ? Et, comme dit le proverbe chinois, « sans affrontement, pas de compréhension mutuelle ».

Nous nous sommes depuis longtemps rendu compte que l’impérialisme américain est fort en apparence, mais faible en réalité. Quand ils profèrent ces menaces de guerre, les impérialistes américains ne présument-ils pas d’eux-mêmes, alors qu’ils n’ont à leur disposition que des forces médiocres, éparpillées le long d’un arc qui s’étend démesurément de la Corée du Sud jusqu’aux confins de l’Indochine ?

Aujourd’hui, la situation que connaît la lutte de libération nationale du peuple sud-vietnamien est excellente. L’impérialisme américain a déjà été sérieusement mis à mal et ne saurait tenir longtemps au Sud-Vietnam.

Comme l’a souligné le gouvernement chinois, dans sa déclaration du 9 février, « l’impérialisme américain tente d’intimider, par des raids aériens contre le Nord-Vietnam, la population sud-vietnamienne, pour qu’elle renonce à toucher aux agresseurs américains. Jamais il n’y parviendra. »

A quelque extrémité qu’en viennent les impérialistes américains, la vaillante population du Sud-Vietnam redoublera d’efforts, et infligera à ces agresseurs des défaites cuisantes jusqu’à la victoire finale de sa lutte pour la libération nationale.

=>Retour au dossier sur La Chine populaire
contre l’hégémonie des superpuissances

La vérité sur l’alliance de la direction du P.C.U.S. avec l’Inde contre la Chine (1963)

Rédaction du Renmin Ribao, 2 novembre 1963

Le 19 septembre, la Rédaction de la Pravda a publié sur la question de la frontière sino-indienne, et sous le titre : « Grave foyer de tension en Asie », un article que nous avons reproduit in extenso le 25 septembre. Au mépris des faits et mêlant le vrai et le faux, l’article calomnie la Chine en prétendant qu’elle veut résoudre la question de la frontière sino-indienne par la guerre et qu’elle ne désire pas sincèrement le règlement pacifique de cette question.

Il cherche à semer la discorde entre la Chine et les pays d’Asie et d’Afrique et accuse la Chine de n’avoir pas, comme l’Inde, « positivement réagi aux propositions de la Conférence de Colombo, les acceptant intégralement et sans réserve ». Craignant qu’il n’y ait plus de trouble sous le ciel, il fait une déclaration incendiaire et affirme que le conflit frontalier sino-indien peut « à nouveau s’envenimer ».

L’article de la Pravda fut loué aussitôt par la réaction indienne et l’impérialisme américain.

Nehru déclara le 21 septembre qu’il témoigne d’« un développement significatif de l’appréciation soviétique sur la position de l’Inde ».

Se réjouissant de l’aubaine, l’Indian Information Service demanda à tous ses services d’information de donner « le maximum de publicité » au texte intégral de l’article.

La presse réactionnaire de l’Inde chanta le « total soutien soviétique à l’Inde contre la Chine », et déclara que, « se dépouillant de sa réserve ‘fraternelle’, l’Union soviétique s’est placée maintenant ouvertement aux côtés de l’Inde dans le différend frontalier sino-indien ».

De con côté, le journal américain Christian Science Monitor affirma que l’Union soviétique « joue maintenant un rôle actif » en réfrénant la Chine et que l’« Occident a raison d’en éprouver un profond et très nécessaire soulagement ». Il ajoutait que beaucoup d’Indiens envisageaient l’article de la Pravda comme un élément de dissuasion comparable aux prochaines manœuvres aériennes en faveur de l’Occident ».

L’article de la Pravda est assurément un document très important. Il y a longtemps que les dirigeants soviétiques se sont alliés aux réactionnaires indiens contre la Chine socialiste. L’article marque leur passage de la neutralité simulée, qui était en fait une prise de position en faveur de la réaction indienne, à la collaboration avec l’impérialisme américain pour appuyer ouvertement la réaction indienne.

I

La question de la frontière sino-indienne est l’une des importantes divergences de principe qui existent entre les dirigeants soviétiques et nous. Nous aurions préféré rester discrets quant à l’origine et l’évolution de cette divergence entre la Chine et l’Union soviétique.

Mais les dirigeants soviétiques ont maintenant sur cette origine et cette évolution levé le voile et, de plus ils ont affirmé dans la déclaration du 21 septembre du gouvernement soviétique que, depuis 1959, leur position au sujet de la question de la frontière sino-indienne a toujours été juste, tandis que celle de la Chine est fausse, il s’avère donc nécessaire de voir comment notre divergence d’avec les dirigeants soviétiques dans cette question a évolué au cours de ces quelques dernières années, afin de pouvoir distinguer entre la vérité et le mensonge.

1. Après que les réactionnaires indiens eurent échoué dans leur aide à la clique réactionnaire des couches supérieures du Tibet qu’ils avaient incitée à la rébellion armée, ils provoquèrent le premier choc armé à la frontière sino-indienne à la date du 25 août 1959. Le 6 septembre 1959, un dirigeant chinois informait le chargé d’affaires soviétique par intérim des faits concernant ce choc armé et de la politique chinoise toute en efforts pour éviter les conflits.

Il fit remarquer également que le but poursuivi par le gouvernement indien, en provoquant le conflit frontalier, était de combattre le communisme et la Chine, que la bourgeoisie indienne devenait de plus en plus réactionnaire avec l’accentuation de la lutte de classes à l’intérieur et que cela était tout à fait dans la logique des choses ; qu’il était indispensable de ne pas donner dans le piège de Nehru qui s’efforçait d’exercer une pression sur la Chine en utilisant l’Union soviétique.

2. Dans la matinée du 9 septembre 1959, le chargé d’affaires soviétique par intérim informa le gouvernement chinois que son gouvernement ferait émettre, le 10 septembre, une déclaration par l’Agence Tass sur la question de la frontière sino-indienne et lui en remit copie. Le gouvernement chinois déclara aussitôt, par principe, qu’il serait préférable que le gouvernement soviétique s’abstienne de faire une déclaration publique sur le sujet.

Dans l’après-midi du même jour, le gouvernement chinois remit au chargé d’affaires soviétique par intérim copie de la lettre adressée le 8 septembre par le premier ministre Chou En-laï au premier ministre Nehru et par laquelle le gouvernement chinois proposait au gouvernement indien un règlement à l’amiable de la question frontière par voie de négociations et le statu quo à la frontière jusqu’au moment du règlement.

Dans la soirée du même jour, le gouvernement chinois informa le chargé d’affaires soviétique par intérim que la Chine avait publié la lettre du premier ministre Chou En-laï à Nehru et demanda que le gouvernement soviétique prenne en considération l’attitude et la position du gouvernement chinois telles qu’exprimées dans la lettre et qu’il ne fasse pas émettre la déclaration de l’Agence Tass.

3. Dans la nuit du 9 septembre 1959, sans tenir compte de l’avis de la Chine, le gouvernement soviétique faisait émettre la déclaration de l’Agence Tass, et cela en avance sur l’horaire et il y a porté au grand jour les divergences sino-soviétiques.

Dans cette déclaration, il exprimait vaguement son « regret » au sujet du conflit frontalier sino-indien, sans opérer de distinction entre le vrai et le faux, et quoique assumant une neutralité toute en apparence, prenait parti pour l’Inde et condamnait la Chine.

4. Le 30 septembre 1959, le camarde Khrouchtchev blâma publiquement la Chine, prétendant qu’elle voulait « sonder par la force la stabilité du capitalisme ». Le monde entier y vit une insinuation comme quoi la Chine était « belliqueuse » dans ce qui touchait à Taïwan et à la frontière sino-indienne.

5. Le 2 octobre 1959, les dirigeants chinois expliquèrent de vive voix au camarade Khrouchtchev le conflit frontalier sino-indien tel qu’il se présentait en réalité et en firent l’historique, tout en faisant remarquer que c’était l’Inde qui avait franchi la frontière et mené des provocations et que céder tout le temps aux réactionnaires indiens n’arrangerait rien. Mais Khrouchtchev ne désirait nullement connaître la vraie situation ni les auteurs de la provocation, et il se contenta d’insister sur le fait que, n’importe comment, tuer des gens est mal.

6. Le 21 octobre 1959, les réactionnaires indiens provoquaient un second choc armé à la frontière sino-indienne. Le 26 octobre, le gouvernement chinois mit le chargé d’affaires soviétique par intérim au courant des faits.

7. Le 31 octobre 1959, à une session du Soviet suprême de l’U.R.S.S., Khrouchtchev exprima une fois de plus « regret » et « affliction » à propos du conflit frontalier sino-indien et écarta la responsabilité de l’Inde dans cette provocation.

8. Le 7 novembre 1959, recevant un correspondant de l’hebdomadaire indien New Age, Khrouchtchev déclara que l’incident de frontière sino-indien était une histoire « triste » et « stupide ». Il cita le règlement de la question de la frontière soviéto-iranienne et dit : « Que sont quelques kilomètres pour un pays tels que l’Union soviétique ? », insinuant par là que la Chine devrait faire cession de territoire pour satisfaire aux prétentions de l’Inde.

9. Entre le 10 décembre 1959 et le 30 janvier 1960, les dirigeants chinois eurent six entretiens avec l’ambassadeur soviétique, au cours desquels ils lui firent remarquer que les dirigeants soviétiques avaient tort d’« observer strictement la neutralité » dans la question de la frontière sino-indienne et que, loin d’être neutres, leurs déclarations blâmaient en fait la Chine et étaient en faveur de l’Inde.

10. Le 6 février 1960, une notification verbale au Comité central du P.C.C., le comité central du P.C.U.S. déclarait qu’« il ne serait nullement sérieux de croire qu’un Etat comme l’Inde, de loin plus faible militairement et économiquement que la Chine, pourrait réellement tenter de déclencher une attaque militaire contre la Chine et passer à l’agression contre elle », que la manière d’agir de la Chine était « l’expression d’un nationalisme étroit » et que « lorsque des coups de feu retentirent à la frontière sino-indienne à la veille du voyage de N.S. Khrouchtchev aux Etats-Unis, le monde entier estima que c’était là un événement susceptible d’entraver l’action pacifique de l’Union soviétique ».

11. Le 22 juin 1960, à la rencontre de Bucarest, Khrouchtchev déclara au chef de la délégation du P.C.C. : « Je sais ce qu’est la guerre. Puisque des Indiens ont été tués, cela signifie que la Chine a attaqué l’Inde ». Et d’ajouter : « Nous sommes des communistes et savoir où court la ligne frontière n’est pas un problème important pour nous ».

12. Le 8 octobre 1962, un dirigeant chinois informa l’ambassadeur soviétique que la Chine avait des informations sur ce que l’Inde allait déclencher une attaque massive à la frontière sino-indienne et que si elle attaquait, la Chine se défendrait résolument.

Il fit remarquer également que l’utilisation par l’Inde d’hélicoptères et d’avions de transport de fabrication soviétique pour opérer des parachutages dans les régions situées le long de la frontière sino-indienne et y transporter des fournitures militaires faisait mauvaise impression sur nos garde-frontières, et que nous tenions pour un devoir international d’en informer le côté soviétique.

13. Les 13 et 14 octobre 1962, Khrouchtchev déclara à l’ambassadeur de Chine : Pour ce qui est des préparatifs indiens en vue de déclencher une attaque contre la Chine, nos informations concordent avec les vôtres. Si nous nous trouvions dans votre position, nous aurions adopté les mêmes mesures que vous. La neutralité dans la question de la frontière sino-indienne est impossible. Ce serait un acte de trahison si nous nous déclarions neutres quand la Chine est attaquée.

14. Le 20 octobre 1962, les réactionnaires indiens déclenchaient une attaque massive contre la Chine. Le 25 octobre, la Pravda publiait un éditorial qui faisait ressortir que la ligne McMahon de triste notoriété avait été imposée aux peuples chinois et indien, et qu’elle n’avait jamais été reconnue par la Chine.

Le journal disait que les trois propositions formulées par le gouvernement chinois dans sa déclaration du 24 octobre étaient constructives et représentaient une base acceptable pour l’ouverture de négociations entre les deux parties, la Chine et l’Inde, en vue d’un règlement pacifique du différend.

15. Le 12 décembre 1962, Khrouchtchev, oubliant tout ce qu’il avait dit moins de deux mois plus tôt, reprenait le ton qu’il avait abandonné et insinuait ce qui suit à une session du Soviet suprême de l’U.R.S.S. : Les régions contestées par la Chine et l’Inde ne présentent pas un grand intérêt pour la vie si on en juge par le fait que la densité de la population y est infime. Nous ne pensons pas du tout que l’Inde ait voulu déclencher la guerre contre la Chine.

Dans la question des différends frontaliers, nous nous en tenons aux principes de Lénine. L’expérience de quarante-cinq ans d’existence de l’Union soviétique nous dit qu’il n’est pas de différend frontalier que l’on ne puisse régler sans faire appel aux armes. Bien sûr, c’était bien de la part de la Chine d’avoir ordonné de son côté un cessez-le-feu et d’avoir retiré ses troupes ; mais n’aurait-ce pas été mieux si les troupes chinoises n’avaient pas avancé à partir de leurs positions initiales ?

16. Par la publication le 19 septembre 1963 de l’article de la Rédaction de la Pravda, les dirigeants soviétiques ont rejeté tout camouflage et se sont rangés ouvertement du côté des impérialistes américains en appuyant les réactionnaires indiens contre la Chine socialiste.

Il découle clairement des faits cités plus haut que la Chine a fait tout ce qu’elle pouvait pour éliminer les divergences entre elle et l’Union soviétique au sujet de la question de la frontière sino-indienne. Mais les dirigeants du P.C.U.S. se sont obstinés dans leur attitude de chauvinisme de grande puissance, ils n’ont nullement voulu entendre raison et prêter oreille à l’opinion de la Chine.

Ils ont porté les divergences sino-soviétiques au grand jour afin de créer le soi-disant esprit de Camp David et de faire un cadeau de circonstance aux impérialistes américains. Durant la crise des Caraïbes, il leur est arrivé d’avoir quelques paroles équitables en apparence, par souci des convenances.

Mais la crise passée, ils sont revenus sur leurs paroles. Ils ont toujours été du côté des réactionnaires indiens, contre la Chine. Les faits montrent que la position adoptée par les dirigeants du P.C.U.S. dans la question de la frontière sino-indienne est une trahison totale envers l’internationalisme prolétarien.

II

Les divergences, de ces quatre dernières années, entre les dirigeants soviétiques et nous à propos de la question de la frontière sino-indienne peuvent être résumées sous les quatre points suivants :

1. La question de la frontière sino-indienne est-elle une question de principe majeure ou une question insignifiante ?

2. Qui a insisté sur le maintien du statu quo à la frontière et qui a provoqué les chocs armés ?

3. Quelle attitude un pays socialiste se doit-il d’adopter face aux attaques armées de la réaction bourgeoise ?

4. Qui ne désire pas sincèrement le règlement pacifique de la question de la frontière sino-indienne, l’Inde ou la Chine ?

Voyons maintenant comment, sur ces quatre points, les dirigeants soviétiques ont, pour un motif inavoué, dédaigné les faits et mêlé le vrai et le faux en soutenant l’Inde et en trahissant la Chine.

1. La question de la frontière sino-indienne est-elle une question de principe majeure ou une question insignifiante

Tout le monde sait qu’elle met en cause 125.000 kilomètres² de territoire chinois. C’est pour cela qu’elle est d’importance majeure et non pas insignifiante. Nous avons toujours soutenu que même une question d’une telle importance peut être réglée, si chacune des parties traite l’autre en égale et fait preuve d’un esprit de compréhension et de concession mutuelles.

Cependant, le gouvernement indien a non seulement occupé 90.000 km² de territoire chinois situés dans le secteur oriental de la frontière sino-indienne, au sud de la ligne McMahon qui n’a aucune légalité, et 2.000 km² dans le secteur central, mais il est insatiable et se propose d’envahir, dans le secteur occidental, 33.000 km² de territoire qui ont toujours été sous juridiction chinoise. C’est pour cette raison que la question de la frontière sino-indienne n’a pu être réglée depuis tout ce temps.

Les dirigeants soviétiques affirment toutefois qu’il s’agit d’une question insignifiante.

Khrouchtchev a déclaré : « Que sont quelques kilomètres ? »

Nous ne pouvons pas marquer notre accord à ce sujet. Il n’est pas question de quelques kilomètres, mais de 125.000 km². Que représentent 125.000 km² ? Une superficie dépassant celle des Républiques soviétiques d’Azerbaïdjan et d’Arménie, prises ensemble. Si un pays capitaliste se mettait en tête d’envahir ces deux républiques fédératives de l’Union soviétique, les dirigeants soviétiques l’envisageraient-ils aussi comme une affaire insignifiante, ne valant pas qu’on s’y arrête ?

Nous ne pouvons pas plus marquer notre accord avec ceci. Qui a jamais affirmé que les pays socialistes ne doivent défendre que leurs territoires à population dense et non ceux à population clairsemée ? La densité de la population de la région du secteur oriental de la frontière sino-indienne équivaut à celle de la République socialiste de Turkménistan.

Et la région du secteur occidental de la frontière sino-indienne n’est en aucune façon moins peuplée que la vaste zone glacée du nord-est de l’Union soviétique, qu’un bras de mer sépare de l’Alaska, qui est américain. Si un pays capitaliste se mettait en tête d’envahir ces régions de l’Union soviétique, les dirigeants soviétiques estimeraient-ils aussi qu’il n’y a pas lieu de s’en soucier et que cession pourrait être faite ?

Les dirigeants soviétiques prétendent aussi que les communistes n’ont pas à se préoccuper de savoir où court la ligne frontière.

Ce sont évidemment de fortes paroles. Les dirigeants soviétiques ont malheureusement oublié que nous vivons dans un monde où existent classes et Etats, un monde qui compte toujours des impérialistes et la réaction bourgeoise. Si ces paroles avaient force d’application, les pays socialistes ne serait-ils pas totalement privés du droit de défendre leurs propres frontières ?

Et que resterait-il de la détermination unanime des pays socialistes de maintenir l’intangibilité de la ligne Oder-Neisse comme frontière germano-polonaise ? De toute évidence, les peuples de l’Union soviétique et des autres pays socialistes ne peuvent accepter ces propos absurdes.

2. Qui a insisté sur le maintien du statu quo à la frontière et qui a provoqué les chocs armés ?

La réponse est claire.

Quoique l’Inde ait déjà occupé plus de 90.000 km² de territoire chinois, la Chine a toujours estimé qu’il fallait régler pacifiquement, par voie de négociations, la question frontière, et qu’il fallait maintenir le statu quo à la frontière et éviter tout conflit en attendant qu’intervienne pareil règlement.

Mais les réactionnaires indiens, eux, ne veulent ni régler pacifiquement la question de la frontière par la négociation, ni maintenir le statu quo, qui est un fait objectif. Pour réaliser leur ambition qui est d’occuper encore un peu plus de 30.000 km² de territoire chinois, ils n’ont pas hésité à recourir à la force, à violer de façon répétée le statu quo à la frontière et ils y ont même provoqué des chocs armés.

Pour celui qui respecte les faits et est sans préjugés, les deux positions diamétralement opposées de la Chine et de l’Inde dans la question de la frontière sino-indienne sont parfaitement claires.

La Chine s’est efforcée inlassablement de maintenir le statu quo à la frontière, d’y assumer la tranquillité et de promouvoir un règlement négocié de la question.

Elle ne reconnaît pas la ligne McMahon qui n’a aucune légalité. Et cependant elle ne l’a jamais franchie au cours de la bonne dernière dizaine d’années.

Après que l’Inde eut provoqué deux chocs armés à la frontière, c’est la Chine qui proposa, le 7 novembre 1959, que les forces armées des deux parties se retirent de part et d’autre de la ligne de contrôle effectif sur une profondeur de vingt kilomètres et cessent d’y patrouiller. L’inde rejeta cette proposition. Néanmoins, la Chine cessa les patrouilles de son côté.

En avril 1960, en dépit de la campagne antichinoise déclenchée par la réaction indienne, le premier ministre chinois se rendit en personne à New Delhi et y eut des entretiens avec le premier ministre indien. Cependant, l’Inde ne veut ni le règlement pacifique de la question frontière ni le maintien du statu quo à la frontière.

En 1961, et plus particulièrement en 1962, l’Inde tira parti de la cessation des patrouilles par la Chine seule et avança, occupant de plus en plus de territoire chinois et passant à des provocations armées de plus en plus sérieuses. La Chine fit preuve de la plus grande longanimité et d’une retenue extrême, et, d’août à octobre 1962, elle proposa par trois fois l’ouverture de négociations au sujet de la question frontière, que l’Inde rejeta par trois fois.

Le 12 octobre 1962, Nehru annonça qu’il avait donné l’ordre de « nettoyer » les territoires chinois de leurs troupes chinoises. Le 20 octobre 1962, les troupes indiennes déclenchaient une attaque générale de grand style. Et ce n’est que lorsque la situation fut intenable et qu’il n’y eut plus où reculer que la Chine riposta pour se défendre.

Cependant, pour retourner la situation, elle formula trois propositions, au moment opportun, le 24 octobre, afin de mettre fin au conflit, de reprendre les négociations et de régler pacifiquement la question de la frontière. L’Inde ayant rejeté ces propositions, la Chine prit une fois de plus l’initiative en appliquant d’importantes mesures conciliatoires ; cessez-le-feu, retrait des troupes, etc.

Les événements de ces dernières années montrent que c’est la Chine qui a insisté sur le maintien du statu quo à la frontière, et que c’est l’Inde qui a essayé de le modifier par la force. C’est la Chine qui a formulé toutes les propositions de paix, et c’est l’Inde qui a provoqué chacun des chocs armés.

Cependant, les dirigeants soviétiques ferment les yeux sur tous ces faits, qui sont flagrants. Ils n’ont jamais proféré publiquement le moindre blâme contre l’Inde, alors que, depuis plusieurs années, les réactionnaires indiens multiplient les provocations armées, grignotent le territoire chinois et ont fini par lancer une attaque de grand style.

Et lorsque la Chine fut dans l’obligation de passer à la riposte, ils ont fait se lever un tollé général, calomnié la Chine à outrance, et n’ont pas voulu démordre de ce qu’elle « voulait résoudre par voie militaire la discorde frontalière avec l’Inde ». Sur quoi s’appuient-ils pour formuler pareille affirmation ?

Khrouchtchev a déclaré : « Je sais ce qu’est la guerre. Puisque des Indiens ont été tués, cela signifie que la Chine a attaqué l’Inde ».

C’est tout ce qu’il y a de plus saugrenu. Cela revient à dire que, face à l’agresseur, il faut accepter de se laisser battre et ne pas riposter, parce que si riposte il y a, l’adversaire pourrait avoir des tués et, ainsi, vous seriez- vous-même l’agresseur. Peut-on s’exprimer de la sorte sans aller à l’encontre de sa conscience ?

Khrouchtchev a dit : « Nous ne pensons pas du tout que l’Inde ait voulu déclencher la guerre contre la Chine. Les dirigeants soviétiques ont dit aussi qu’« il ne serait nullement sérieux de croire qu’un Etat comme l’Inde, de loin plus faible militairement et économiquement que la Chine, pourrait réellement tenter de déclencher une attaque militaire contre la Chine et passer à l’agression contre elle ». En d’autres termes, puisque la Chine est plus puissante que l’Inde, il n’y a pour les dirigeants soviétiques qu’une seule possibilité : c’est la Chine qui a déclenché une attaque militaire et est passée à l’agression contre l’Inde, l’inverse étant exclu.

Cette affirmation est tout aussi saugrenue. Il suffit d’avoir une connaissance élémentaire du marxisme-léninisme pour savoir que tous les réactionnaires sont des subjectivistes et mésestiment généralement le rapport des forces et l’évolution de la conjoncture. Les réactionnaires indiens ne font pas exception à la règle. Ils ont considéré la longanimité et la retenue dont la Chine fait preuve depuis longtemps comme un signe de sa faiblesse et de ce qu’elle pouvait être rudoyée.

Ils s’imaginaient qu’ils n’avaient rien à craindre puisque les impérialistes les épaulaient et que les dirigeants soviétiques les soutenaient, qu’il leur suffisait de passer à l’action pour contraindre la Chine à reculer et réaliser ainsi leurs ambitions territoriales. C’est à partir de ces fausses analyses et estimations qu’ils ont déclenché leur attaque massive contre la Chine. Et loin d’oser affronter les faits, les dirigeants soviétiques ont pris la puissance d’un pays comme critère permettant de juger qui est agresseur ou victime, ce qui est absurde.

Y a-t-il la moindre parcelle de marxisme-léninisme dans cette attitude ?

Le cessez-le-feu et le retrait dont la Chine a pris l’initiative ont été chaudement acclamés et loués dans le monde entier par les pays et les peuples attachés à la paix. Mais, pour quelque motif peu avouable, Khrouchtchev a attaqué la Chine de biais, en affirmant que c’était bien, de la part de la Chine, d’avoir ordonné de son côté un cessez-le-feu et d’avoir retiré ses troupes, mais ajouta-t-il, n’aurait-ce pas été mieux si les troupes chinoises n’avaient pas avancé à partir de leurs positions initiales ?

La question semble fort adroite. Mais nous aimerions demander au dirigeant soviétique : Pourquoi n’avez-vous pas demandé à Nehru s’il n’aurait pas été bien plus préférable encore de ne pas donner l’ordre d’attaquer ? Comment peut-il y avoir eu riposte sans qu’il y ait eu attaque ? N’est-ce pas quelque chose que même un écolier peut saisir ?

Nous pouvons dire au dirigeant soviétique que si, au cours de leur riposte en légitime défense, les gardes-frontières chinois ont été jusque sur la terre chinoise située au sud de l’illégale ligne McMahon, c’était pour défaire complètement l’assaut des réactionnaires indiens et briser leur plan visant à modifier le statu quo à la frontière par la force.

Nous avons alors pris l’initiative du cessez-le-feu et du retrait, conformément à notre position constante de ne pas modifier le statu quo à la frontière par la force et afin de susciter les conditions qui permettraient de régler la question de la frontière par la négociation. Il n’y a là rien d’incompréhensible.

Comme les faits le prouvent, c’est parce que nous avons riposté que les réactionnaires indiens se sont quelque peu assagis et que la tension à la frontière indienne s’est, pour l’essentiel, relâchée.

3. Quelle attitude un pays socialiste se doit-il d’adopter face aux attaques armées de la réaction bourgeoise ?

Face aux attaques armées de la réaction bourgeoise, il ne reste à un pays socialiste qu’à se défendre ou à capituler. Selon la logique des déclarations des dirigeants soviétiques, seule la capitulation serait admissible, et agir autrement reviendrait à violer les principes de la coexistence pacifique. Leur point de vue, disent-ils, est léniniste, tandis que la riposte opérée en légitime défense par la Chine et le rejet de l’assaut des réactionnaires indiens participent d’une manière d’agir non léniniste et sont l’expression d’un nationalisme étroit.

Le léninisme interdit-il la riposte comme moyen de défense contre les attaques armées de la réaction ? Non, certainement pas. Et affirmer le contraire est un outrage à la mémoire du grand Lénine.

La coexistence pacifique telle que l’a formulée Lénine prescrit-elle qu’il faut accepter les coups sans les rendre ? Non, certainement pas. Et affirmer le contraire est une insulte à la mémoire du grand Lénine.

Tout le monde sait que la coexistence pacifique constitue un principe auquel les deux parties doivent se tenir. Les conflits ne peuvent être évités et la coexistence pacifique ne peut être que si les deux parties désirent cette coexistence et la pratiquent.

Le conflit est inévitable si l’une des deux parties est décidée à recourir à la force et quelle que soit la longanimité dont l’autre partie fait preuve. C’est du simple bon sens. La Chine a fait tout ce qu’il lui était possible de faire pour éviter le conflit au sujet de la frontière sino-indienne. Les réactionnaires indiens ont imposé les chocs armés à la Chine.

Si, après sa riposte en légitime défense, la Chine a appliqué rapidement un cessez-le-feu et opéré un retrait, c’est précisément pour régler la question de la frontière par la négociation et pour maintenir la coexistence pacifique. Ce que les dirigeants soviétiques entendent par coexistence pacifique est en vérité du capitulationnisme. Et le capitulationnisme n’entre pas dans notre politique.

Pour défendre ses vues erronées, Khrouchtchev a déclaré : L’expérience de quarante-cinq ans d’existence de l’Union soviétique nous dit qu’il n’est pas de différend frontalier que l’on ne puisse régler sans faire appel aux armes.

Voilà une entorse flagrante à l’histoire de l’Union soviétique.

Rappelons l’incident qui marqua les relations soviéto-turques en 1921 : l’Etat soviétique avait soutenu énergiquement la révolution turque et un traité d’amitié soviéto-turc était en cours de négociation, mais le gouvernement de Kémal Pacha, qui rêvait de rétablir la grande Turquie, occupa par la force des territoires de l’Etat soviétique, et après la signature du traité soviéto-turc, il s’empara même de Batoum, la grande cité géorgienne. C’est dans ces circonstances que le gouvernement des Soviets ordonna à l’Armée rouge de riposter pour se défendre.

Elle reprit Batoum après trois jours de combat. C’est seulement ainsi qu’un coup d’arrêt fut porté aux ambitions expansionnistes du gouvernement de Kémal Pacha, que la frontière de l’Etat soviétique fut protégée et que les relations amicales entre l’Union soviétique et la Turquie furent préservées.

On aimerait demander ceci aux dirigeants soviétiques : Pouvez-vous affirmer que cette action de légitime défense de l’Armée rouge était non léniniste ? Pouvez-vous affirmer que la décision prise par Lénine était la manifestation d’un nationalisme étroit ?

Non, bien sûr. Tout au contraire, les vues de Khrouchtchev sur la question de la frontière sino-indienne sont un exemple frappant de son altération de la coexistence pacifique selon Lénine.

4. Qui ne désire pas sincèrement le règlement pacifique de la question de la frontière sino-indienne, l’Inde ou la Chine ?

Après avoir repoussé l’attaque massive des réactionnaires indiens, la Chine a poursuivi fermement, comme par le passé, sa politique de règlement pacifique de la question de la frontière sino-indienne. Le gouvernement chinois a pris des mesures positives pour stabiliser le cessez-le-feu, rompre le contact entre les forces armées des deux parties, détendre la situation à la frontière, en vue de rechercher un règlement négocié de la question.

Le gouvernement indien s’est efforcé, tout au contraire, d’ébranler le cessez-le-feu, de maintenir le contact entre les forces armées des deux parties, il continue à créer la tension et refuse obstinément de négocier. Le monde entier peut juger de ces deux attitudes qui sont nettement opposées.

Néanmoins, les dirigeants soviétiques ont accusé la Chine, sans aucune justification, de ne pas désirer sincèrement le règlement pacifique de la question de la frontière sino-indienne, de ne pas écouter la voix de la raison qui exprime la volonté des peuples afro-asiatiques, et ils ont prétendu que, « alors que le gouvernement de l’Inde avait réagi positivement aux propositions de la Conférence de Colombo, les acceptant intégralement et sans réserve, et s’était déclaré prêt à entamer des pourparlers avec la République populaire de Chine sur la base de ces propositions, le gouvernement chinois n’a pas accepté jusqu’ici ces propositions des pays neutres amis et ne s’est pas montré disposé à entamer des pourparlers sur la base proposée… Aucune mesure constructive n’a été prise par le gouvernement chinois ».

Les faits sont plus forts que les paroles. Voyons ce qu’a fait la Chine.

1) Les gardes-frontières chinois ont, sur notre initiative, cessé le feu et opéré un retrait. Ils ont non seulement évacué les territoires appartenant à la Chine et où ils étaient arrivés au cours de leur riposte en légitime défense, mais ils se sont retirés jusqu’à vingt kilomètres en deçà de la ligne de contrôle effectif du 7 novembre 1959.

2) Pour créer une atmosphère propice à la reprise des négociations, le gouvernement chinois a, de sa propre initiative, libéré et rapatrié tous les officiers et soldats indiens capturés et remis à la partie indienne la plupart des armes et autres matériels de guerre saisis.

3) Le gouvernement chinois a proposé à plusieurs reprises des entretiens entre premiers ministres chinois et indien et déclaré que si le Premier ministre indien voyait quelque inconvénient à venir à Pékin, notre Premier ministre était disposé à se rendre une fois de plus à New Delhi en vue d’y rechercher une voie qui permettait de régler pacifiquement la question de la frontière sino-indienne. Nous avons renouvelé cette proposition récemment encore.

4) Les grands efforts faits par la Chine ont constitué le fondement de la médiation des pays de la Conférence de Colombo, fait qui a été unanimement reconnu par ces pays. Le gouvernement chinois a répondu positivement à l’appel et aux propositions de la Conférence de Colombo, il a, par ses propres actions, mis la majeure partie de ces propositions en application, et dans certains domaines, il est même allé au-delà de ce qu’attendent les propositions de Colombo.

Par exemple, les propositions de Colombo demandaient à la Chine de se retirer de vingt kilomètres uniquement dans le secteur occidental de la frontière sino-indienne. Or, la chine en a fait autant dans les secteurs central et oriental.

5) En réponse aux efforts de médiation des pays de la Conférence de Colombo, la Chine a, en outre, évacué sans y installer de postes civils les régions situées du côté chinois de la ligne de contrôle effectif et qui avaient été envahies par l’Inde, ainsi que les régions où il y a contestation entre la Chine et l’Inde au sujet des dispositions du cessez-le-feu.

6) L’attitude de la Chine envers les propositions de Colombo est sincère et conséquente. La Chine accepte en principe ces propositions comme base pour l’ouverture de négociations entre la Chine et l’Inde, et n’érige pas sa propre interprétation de certaines clauses en conditions préalable à l’ouverture des négociations.

Ces mesures importantes et constructives, prises par la Chine, ont fourni des conditions appropriées pour de nouvelles négociations sino-indiennes, et ont valu à la Chine la haute estime et des éloges de la part des pays de la Conférence de Colombo.

Pas un seul de ces pays n’a nié que l’attitude de la Chine à l’égard de la Conférence de Colombo soit positive, qu’elle participe d’un esprit de coopération, que la Chine désire sincèrement un règlement pacifique de la question de la frontière sino-indienne et qu’elle ait déjà contribué de manière importante à ce règlement. N’est-ce pas pur mensonge de la part de la Pravda d’affirmer qu’« aucune mesure constructive n’a été prise par le gouvernement chinois ? »

Voyons maintenant ce qu’a fait le gouvernement indien.

Alors que la Chine prenait l’initiative du cessez-le-feu, l’Inde poursuivait ses provocations à la frontière.

Alors que la Chine opérait un retrait de sa propre initiative, l’Inde repartait en avant.

Alors que la Chine libérait et rapatriait tous les Indiens capturés, l’Inde arrêtait et persécutait les ressortissants chinois.

Alors que la chine faisait, comme toujours, ce qu’elle pouvait pour améliorer les relations entre les deux pays, l’Inde continuait à attiser l’hystérie antichinoise.

Alors que la Chine proposait l’ouverture inconditionnelle des négociations, l’Inde insistait sur ses conditions préalables et refusait de négocier.

Tout cela signifie, selon les dirigeants soviétiques, que l’Inde « réagi positivement » aux propositions de Colombo, tandis que la Chine, elle, n’aurait rien fait. Lorsqu’ils divaguent de la sorte, que s’imaginent-ils qu’est la Conférence de Colombo ? Une conférence pour promouvoir la négociation directe entre la Chine et l’Inde ou une conférence pour favoriser l’Inde contre la Chine ?

Pour essayer de masquer l’arrogance que constitue son refus de la négociation, le gouvernement indien a invoqué un prétexte qui s’appelle « l’acceptation en bloc des propositions de Colombo ». Que cache cette acceptation ? Au début, l’Inde aussi avait estimé que les propositions de Colombo n’étaient pas claires et elle avait déclaré ne les accepter qu’en principe.

C’est seulement lorsqu’eut été produit un document présenté comme les éclaircissements de New Delhi concernant les propositions de Colombo qu’elle déclara « accepter en bloc » ces propositions. La Chine ignorait tout de ces prétendus éclaircissements de New Delhi. Elle découvrit par la suite qu’il s’agissait en fait d’un document élaboré par le gouvernement indien, de son interprétation des propositions de Colombo.

Aussi, en insistant sur la nécessité d’une « acceptation en bloc des propositions de Colombo », le gouvernement indien posait-il en fait comme préalable à l’ouverture de négociations entre la Chine et l’Inde l’acceptation de son interprétation à lui de ses propositions. Il savait parfaitement bien que la Chine n’accepterait jamais de telles conditions préalables que rien ne peut justifier. Il a insisté à ce sujet pour empêcher la négociation. C’est là une machination visant à dénaturer les bonnes intentions médiatrices des pays de la Conférence de Colombo.

Et en chantant cette vile manœuvre, la Pravda fait ressortir tout simplement que les dirigeants soviétiques ne désirent ni voir régler la question de la frontière sino-indienne ni voir réussir les efforts de médiation des pays de la Conférence de Colombo.

Plus ridicule encore est la tentative de la Pravda de couvrir la réaction indienne, en décrivant la conclusion par la Chine d’accords frontaliers avec la Birmanie, le Népal et d’autres pays voisins, par voie de négociations, comme la preuve de son manque de sincérité au sujet de la solution pacifique à donner à la question de la frontière sino-indienne. La logique de la Pravda revient à ceci : Puisque la Chine a su régler pacifiquement ses questions de frontière avec la Birmanie, le Népal et d’autres pays, pourquoi ne peut-elle en faire autant avec l’Inde ?

Il en découle que la Chine manque de sincérité au sujet de la solution pacifique à donner à la question de la frontière sino-indienne. Quelle magnifique déduction ! N’importe qui à même de raisonner logiquement déduira certainement de la conclusion par la Chine d’accords frontaliers avec la Birmanie, le Népal et d’autres pays voisins que si le gouvernement indien était sincère, lui aussi, la question de la frontière sino-indienne pourrait être résolue pacifiquement, tout comme la question de la frontière sino-birmane et la question de la frontière sino-népalaise l’ont été.

Si la question de la frontière sino-indienne n’a pas été réglée, la responsabilité n’en incombe nullement à la Chine. Les dirigeants soviétiques en ont néanmoins tiré une conclusion diamétralement opposée. Il semble que dans leurs efforts pour collaborer avec les États-Unis, soutenir l’Inde et s’opposer à la Chine, les dirigeants soviétiques sont descendus au point de dédaigner la logique élémentaire.

III

La position des dirigeants soviétiques dans la question de la frontière sino-indienne est un total abandon de l’internationalisme prolétarien et ne peut même pas être considéré comme neutre. Avec l’impérialisme américain, ils aident les réactionnaires indiens contre la Chine socialiste et aussi contre le peuple indien. Ils ont trahi le camp socialiste et le peuple indien.

Leur position est également toute différente de celle des pays d’Asie et d’Afrique qui maintiennent une stricte neutralité.

Les pays afro-asiatiques respectent les faits et écoutent patiemment les points de vue de la Chine et de l’Inde. Les dirigeants soviétiques, eux, veulent ignorer les faits et ne prêtent l’oreille qu’aux réactionnaires indiens.

Les pays afro-asiatiques examinent sérieusement qui dans le différend est dans le vrai et le faux et évitent les jugements hâtifs. Les dirigeants soviétiques, eux, s’obstinent à affirmer arbitrairement que la Chine est tombée dans l’erreur.

Les six pays d’Asie et d’Afrique qui ont participé à la Conférence de Colombo ont fait connaître à maintes reprises que leur tâche était la médiation et non l’arbitrage, qu’ils visaient à promouvoir la négociation directe entre la Chine et l’Inde et qu’il n’était pas indispensable que les deux pays acceptent en bloc les propositions de Colombo avant de se retrouver autour d’une table.

Cependant, tout comme les réactionnaires indiens, les dirigeants soviétiques demandent que la Chine « accepte en bloc » ces propositions, ceci dans l’intention d’amener les pays de la Conférence de Colombo sur une position pro-indienne.

Les pays afro-asiatiques souhaitent sincèrement que la question de la frontière sino-indienne aboutisse à un règlement pacifique par voie de négociations et que la détente se maintienne à la frontière sino-indienne. Le communiqué conjoint publié récemment par Gamal Abdel Nasser, président de la R.A.U., et Mme Sirimavo Bandaranaike, premier ministre de Ceylan, estime que « les pays de Colombo doivent poursuivre leurs efforts afin de faire disparaître les relations tendues entre ces deux grands pays [la Chine et l’Inde] avec lesquelles la R.A.U. et Ceylan sont unis par les liens de l’amitié ».

Par contre, les dirigeants soviétiques font l’impossible pour attiser le feu et ont affirmé que le conflit frontalier sino-indien peut « à nouveau s’envenimer », dédaignant par là le fait que la tension s’est depuis longtemps relâchée à la frontière sino-indienne grâce aux efforts de la Chine.

La vérité est à tel point évidente que même la clique du renégat Tito, proche amie des dirigeants soviétiques, a dû admettre que « dans ses analyses concernant le conflit himalayen, le gouvernement soviétique est allé plus loin encore que les pays de Colombo, accusant avant tout la Chine d’être responsable « du conflit ». (Nouvelle action des pays de Colombo, Politika, Belgrade, 4 octobre 1963).

Les choses n’en sont pas restées là. Ces derniers temps, il est arrivé aux dirigeants soviétiques d’en faire même plus que l’impérialisme américain, dans leur soutien aux réactionnaires indiens. L’impérialisme américain sait pertinemment bien que c’est pour lui soutirer de l’argent que les réactionnaires indiens fabriquent des rumeurs fantastiques selon lesquelles la Chine s’apprêterait à « envahir » l’Inde, et c’est pourquoi il adopte la plupart du temps, à ce sujet, une attitude faite d’expectative et de réserve. Tandis que les dirigeants soviétiques, eux, se dépensent sans compter pour faire écho aux rumeurs inventées par le gouvernement de Nehru.

Dans la question de la frontière sino-indienne, nous avons toujours accueilli favorablement les efforts faits par les pays amis d’Asie et d’Afrique dans un esprit d’équité en vue de promouvoir la négociation directe entre la Chine et l’Inde, tout en s’abstenant de s’immiscer dans le différend, et nous avons toujours prêté une oreille attentive à leurs avis, qui sont en faveur de la justice.

Mais, à l’instar de la clique du renégat Tito, les dirigeants soviétiques se sont tout à fait rangés du côté des réactionnaires indiens. Et ce de fait, ils ont perdu tout droit à la parole dans la question de la frontière sino-indienne.

Ils soutiennent non seulement énergiquement la réaction indienne sur le plan politique, mais encore, s’alignant sur l’impérialisme américain, ils lui apportent une aide économique et militaire active dans son opposition à la Chine.

De 1955 à avril 1963, le montant de l’aide économique accordée ou promise par le gouvernement soviétique à l’Inde s’est élevé à 5 milliards de roupies, somme dont la majeure partie a été offerte après que les réactionnaires indiens eurent déclenché leur campagne anti-chinoise.

Les dirigeants soviétiques ont commencé à fournir une aide militaire à l’Inde dès 1960, c’est-à-dire après que les réactionnaires indiens eurent mené des provocations armées contre la Chine.

Depuis octobre 1962, mois durant lequel les réactionnaires indiens déclenchèrent une attaque armée de grand style contre la Chine, les dirigeants soviétiques ont intensifié leur aide. Subramaniam, ministre indien de la Sidérurgie et de l’Industrie lourde, a déclaré à des journalistes le 19 décembre dernier que depuis la proclamation de l’« état d’urgence », l’Union soviétique a accéléré les travaux de construction auxquels elle aide l’Inde.

Après les entretiens qui ont eu lieu en juillet dernier entre les partis chinois et soviétique, les dirigeants soviétiques ont promis d’augmenter encore l’aide miliaire qu’ils accordent aux réactionnaires indiens.

L’article de la Pravda dit que « l’aide accordée par l’U.R.S.S. à l’Inde a exactement le même caractère que celle fournie à beaucoup d’autres jeunes États en pleine évolution ».

L’aide des pays socialistes aux pays nouvellement indépendants ne peut qu’avoir un seul but, celui de les aider à développer une économie nationale indépendante, à liquider l’influence colonialiste, à se débarrasser de l’emprise impérialiste, et il ne peut en aucun cas être question d’aider ces pays à combattre un autre pays socialiste.

Le mobile de l’aide du gouvernement soviétique aux pays nouvellement indépendants est sujet à caution. Pour ce qui est de son aide aux réactionnaires indiens, le gouvernement soviétique soutient de manière flagrante leur alignement sur l’impérialisme américain, leur opposition à la Chine, au communisme et au peuple. Le fait est clair.

Dans sa déclaration du 21 septembre, le gouvernement soviétique dit : « Les dirigeants chinois ne ménagent pas les accusations déclarant que l’Inde fait la guerre contre la Chine en utilisant des armes soviétiques. Premièrement, cela ne correspond pas à la réalité.

Deuxièmement, si l’on suit cette logique, le gouvernement indien pourrait déclarer avec bien plus de fondement que les troupes chinoises font la guerre à l’Inde en utilisant des armes soviétiques, car il est de notoriété publique que l’U.R.S.S. accorde à la Chine une aide militaire très importante ».

Les dénégations et les arguments fallacieux ne sont d’aucune utilité. Premièrement, au cours de leur riposte en légitime défense, les gardes-frontières chinois ont saisi des armes de fabrication soviétique utilisées par les troupes indiennes. Deuxièmement, nous voulons demander aux dirigeants soviétiques : Qui êtes-vous donc ? Des marchands de canon ? Si oui, ce que vous avez déclaré est tout à faire juste.

Cela s’appelle paiement à la livraison et il vous est loisible de commercer avec tout le monde. Mais si vous vous considérez toujours comme des communistes, et des dirigeants d’un pays socialiste, alors vos propos sont tout à faire erronés et fous, par-dessus le marché. Comment un communiste peut-il mettre sur le même pied la Chine socialiste et l’Inde sur laquelle règnent la grande bourgeoisie et les gros propriétaires fonciers ? Comment peut-il mettre l’aide à ses propres frères de classe à parité avec celle accordée aux réactionnaires ?

Les dirigeants soviétiques affirment qu’en soutenant l’Inde, l’Union soviétique peut l’aider à maintenir sa position neutraliste et l’empêcher de se rapprocher de l’impérialisme américain et d’autres pays occidentaux.

C’est un mensonge et de l’hypocrisie. Les faits prouvent exactement le contraire. Plus importante est l’aide soviétique, plus la réaction indienne s’écarte de sa position neutraliste, et plus elle se rapproche de l’impérialisme américain.

Voyons donc les événements survenus depuis un an. Le gouvernement indien a conclu avec l’impérialisme américain un accord sur l’aide militaire et l’« Accord sur la défense aérienne », qui ont caractère de traité militaire ; un important personnel militaire américain est entré en Inde et de grandes quantités d’armes et d’équipements militaires américains ont été déversées dans le pays.

Le gouvernement indien s’est engagé à fournir plus d’informations militaires aux États-Unis et a consenti à ce que l’impérialisme américain et l’impérialisme britannique entreprennent des manœuvres aériennes chez lui. Le communiqué conjoint, publié le 4 juin 1963 par le président Radhakrishnan et le président Kennedy, déclare sans ambages que les deux parties sont convenues que « leurs pays respectifs prendront chacun leur part de défense commune pour contrecarrer les projets d’une agression chinoise contre le sous-continent ».

Ainsi, il est clair pour toute personne sans parti pris que le gouvernement Nehru a contracté une alliance militaire de fait avec les États-Unis et que le prétendu « non-alignement » de l’Inde n’a plus guère de sens.

Il y a longtemps que l’Inde a cessé de figurer parmi les pays, qui comme le dit la Déclaration de Moscou de 1957, « se tiennent sur des positions anti-impérialistes et forment avec les pays socialistes une vaste zone de paix ».

Si le gouvernement Nehru peut encore se servir de son drapeau plein d’accrocs de « non alignement » pour tromper le monde, c’est uniquement parce que les dirigeants soviétiques lui prêtent main-forte et le soutiennent. Et c’est précisément grâce à ce soutien et cette aide que le gouvernement Nehru peut se placer sans scrupule sous l’égide de l’impérialisme américain, malgré l’opposition du peuple indien.

En fait, par leur appui aux réactionnaires indiens, les dirigeants soviétiques sont non seulement en compétition avec l’impérialisme américain, mais gèrent, de concert avec lui, une société par actions.

Après la parution de l’article du 19 septembre de la Rédaction de la Pravda, l’Indian Express écrivait tout délirant : « Cela donne à l’Inde, en plus des Etats-Unis, un autre allié puissant, face à la Chine » et « la corde est déjà autour du cou de Pékin. Nous n’avons qu’à la serrer avec nos deux puissants alliés. » Pour ultra-réactionnaires qu’elles soient, ces divagations n’en révèlent pas moins les buts commerciaux de la société américano-soviétique pour l’aide à l’Inde contre la Chine.

Avec l’accroissement de l’aide soviétique, les réactionnaires indiens exploitent et répriment le peuple avec de plus en plus d’âpreté. Le gouvernement Nehru s’efforce d’attiser l’hystérie belliciste, d’intensifier les armements et les préparatifs de guerre. II a privé ouvertement le peuple indien de ses droits fondamentaux et emprisonné par milliers les communistes indiens et autres progressistes.

Usant de tous les prétextes possibles, il prélève des impôts écrasants et a, de ce fait, plongé le peuple indien dans un abîme de souffrances et de misère. L’hebdomadaire indien Blitz admettait dans son numéro du 22 juin 1963 que l’écrasante majorité des millions d’hommes du pays est au bord de la famine, que la colère du peuple indien monte, qu’« une haine de classe lente mais ardente s’accumule ».

L’hebdomadaire s’écriait : « Le tonnerre roule, tandis que les nuages de la crise et de la démoralisation assombrissent notre pays ». Le gouvernement Nehru a jeté par-dessus bord sa panoplie de fausse « démocratie » et de faux « progrès ». La politique qu’il applique est anticommuniste et antipopulaire à cent pour cent. Elle provoque une opposition de plus en plus violente au sein des grandes masses populaires.

Et le soutien et l’aide apportés par les dirigeants soviétiques au gouvernement Nehru ont précisément permis à celui-ci de masquer son caractère réactionnaire et d’accroître ses forces de répression contre le peuple, tant et si bien qu’il a les mains libres pour aller plus loin encore avec sa politique contre-révolutionnaire.

Comme le dit la Déclaration de Moscou de 1960, la bourgeoisie nationale des pays nouvellement indépendants a un double caractère. A mesure que s’exacerbent les contradictions sociales, la bourgeoisie nationale manifeste une tendance accrue à pactiser avec la réaction intérieure et l’impérialisme. Les communistes des pays nouvellement indépendants doivent dénoncer les tentatives de l’aile réactionnaire de la bourgeoisie de faire passer ses intérêts égoïstes, de classe, pour les intérêts de toute la nation.

La clique Dange, clique renégate du Parti communiste de l’Inde, loin de travailler à démasquer la politique réactionnaire du gouvernement Nehru, a trahi complètement le prolétariat et le peuple de l’Inde, elle a dégénéré tant et si bien qu’elle est devenue un ignoble instrument de la grande bourgeoisie et des gros propriétaires fonciers. Au lieu de dénoncer la clique renégate de Dange, les dirigeants soviétiques l’ont encouragée à aider la réaction indienne à persécuter les vrais communistes et progressistes, pour tenter d’étouffer le mouvement révolutionnaire du peuple indien.

Le gouvernement Nehru s’est mis sous l’égide de l’impérialisme et réprime le peuple. Et les dirigeants soviétiques accordent un soutien énergique à ce gouvernement et s’emploient par tous les moyens à défendre et à enjoliver sa politique réactionnaire. Ils ont trahi la cause révolutionnaire du peuple indien ; c’est un compte qui sera réglé tôt ou tard.

IV

Alors que la situation à la frontière sino-indienne s’est détendue grâce aux initiatives prises par la Chine, la Pravda, affectant une certaine nervosité, publie soudain un article au titre percutant : « Grave foyer de tension en Asie ». Dans quel but ?

Cet article témoigne-t-il de l’intérêt que les dirigeants soviétiques porteraient à la sauvegarde de la paix en Asie ? Évidemment non. Il est vrai que la tension existe en Asie, que la paix s’y trouve menacée et sabotée. Mais c’est l’impérialisme, avec les Etats-Unis pour chef de file, qui la menacent et la sapent. Les foyers de tension en Asie se situent dans les territoires victimes de l’agression et de l’occupation américaines, par exemple en Corée du Sud, à Taïwan, au Japon, au Sud-Vietnam, au Laos et ailleurs.

Au Sud-Vietnam, en particulier, l’impérialisme américain mène une guerre plus qu’inhumaine, la guerre spéciale. Pourquoi les dirigeants soviétiques ferment-ils les yeux devant ces foyers de tension ?

Pourquoi n’osent-ils se dresser pour parler franchement de l’intervention et de l’agression de l’impérialisme américain dans ces régions, notamment au Sud-Vietnam et au Laos ? Et pourquoi ont-ils précisément choisi la situation, déjà détendue, à la frontière sino-indienne pour mener tout un vacarme ?

Si les dirigeants soviétiques ont agi ainsi, c’est qu’ils veulent, en vérité, mettre la question de la frontière sino-indienne à profit pour créer la dissension entre les pays afro-asiatiques et la Chine, pour détourner les peuples afro-asiatiques de la lutte contre l’impérialisme et couvrir les activités agressives et bellicistes de l’impérialisme américain. C’est trahir la cause révolutionnaire anti-impérialiste des peuples d’Asie et du monde entier.

La Pravda fait l’impossible pour semer la discorde, affirmant en des termes qui tiennent de la calomnie, que la Chine refuse la médiation des pays de la Conférence de Colombo, qu’elle ne tient aucun compte des efforts de ces pays et même qu’elle « met en doute la compétence de la Conférence de Colombo ».

Ces paroles montrent pleinement que les dirigeants soviétiques sont entièrement du côté des réactionnaires indiens pour s’opposer à la Chine socialiste, et qu’ils essaient, par leur démagogie et leurs activités en sous-main, d’inciter les pays de la Conférence de Colombo à renoncer à leur noble mission médiatrice et à les suivre dans leur guerre froide antichinoise au sujet de la frontière sino-indienne.

L’hebdomadaire indien Blitz du 5 octobre, disait la vérité. Il écrivait : « La Pravda a ouvertement condamné la Chine, lui reprochant d’avoir créé la tension à la frontière sino-indienne », « la Russie s’est chargée, de sa propre initiative du travail d’explication auprès des pays afro-asiatiques qui, à en croire la Chine, ont critiqué la position de l’Inde dans la question de la frontière sino-indienne ». Et qu’entend ce périodique indien par le mot « explication » ? Simplement semer la discorde.

Tout en soutenant les réactionnaires indiens dans leur refus de régler pacifiquement la question de la frontière sino-indienne, les dirigeants soviétiques s’opposent à l’établissement et au développement de relations amicales entre la Chine et les autres pays afro-asiatiques, et en particulier au règlement par la Chine, avec d’autres pays d’Asie, des différends légués par l’histoire.

L’article de la Pravda et la déclaration du gouvernement soviétique datée du 21 septembre expriment à tout bout de champ leur mécontentement à propos du règlement de la question de la frontière et du développement des relations de bon voisinage entre la Chine et le Pakistan et calomnient perfidement la Chine en prétendant qu’elle « flirte » avec des « régimes manifestement réactionnaires d’Asie et d’Afrique ».

Pour les dirigeants soviétiques, leur capitulation devant le chef de l’impérialisme est une grande contribution à la paix mondiale, tandis que le règlement pacifique par la Chine de ses questions de frontières avec un de ses voisins est un crime. Nous voudrions, quant à nous, demander aux dirigeants soviétiques : Ne vous suffit-il pas de soutenir les réactionnaires indiens qui créent la tension à la frontière sino-indienne ? Tenez-vous aussi à créer la tension à la frontière sino-pakistanaise ?

Au sein des diverses organisations internationales de masse, les dirigeants soviétiques se sont attachés à interdire toute activité dirigée contre l’impérialisme et à encourager la campagne antichinoise, et ils ont essayé de se servir de la question de la frontière sino-indienne pour rompre le front uni anti-impérialiste.

La Chine a fait remarquer constamment et en toute sincérité que pour maintenir l’unité et faire face ensemble à l’impérialisme, les différends entre pays afro-asiatiques ne devraient pas être soulevés au sein de ces organisations ; cependant, l’Union soviétique a incité à maintes reprises et même encouragé les délégués indiens à utiliser la question de la frontière sino-indienne pour semer le trouble.

Par exemple, au Congrès mondial des Femmes à Moscou, l’Union soviétique, en sa qualité de pays invitant, a encouragé la délégation indienne à soulever la question de la frontière sino-indienne, qui n’avait rien à voir avec les thèmes du Congrès, et, de plus, elle a manœuvré pour que le Congrès prive la délégation chinoise de son droit de réponse.

Ce n’est un secret pour personne que ce spectacle antichinois avait été minutieusement préparé et mis en scène par l’Union soviétique. Autre exemple : A la conférence de Solidarité des Peuples afro-asiatiques à Moshi, les délégués indiens, appuyés par les délégués soviétiques, ont insisté pour que cette question soit inscrite à l’ordre du jour.

Le chef de la délégation indienne a révélé, dans une lettre à l’Indian Express, les dessous de ces activités sournoises. « Nous avons, dit-il, obtenu le soutien total et la coopération complète de la délégation soviétique ». Les faits ne pourraient être plus clairs.

Et pourtant la Pravda a eu l’audace, dans son article du 19 septembre, de reprocher à la Chine d’avoir utilisé la question de la frontière sino-indienne pour « envenimer » l’atmosphère des différentes rencontres internationales. Ce journal serait-il dépourvu de tout sentiment de honte ?

La situatin à la frontière sino-indienne a été détendue grâce aux efforts dot laChine apris l’initiative et à l’active médiation des pays de la Conférence de Colombo.

Cette situation détendue peut parfaitement être maintenue, si l’Inde ne passe pas à de nouvelles provocations. Mais pour répondre aux exigences de leur politique tant intérieure qu’extérieure, les réactionnaires indiens s’efforcent de créer une nouvelle tension.

Les impérialistes américains redoutent évidemment le manque de désordre dans le monde. Les manœuvres aériennes anglo-américaines qui vont avoir lieu sous peu en Inde prouvent qu’ils ne souhaitent pas voir la détente se maintenir à la frontière sino-indienne.

De même, le fait que les dirigeants soviétiques sèment la dissension parmi les pays afro-asiatiques et soufflent le feu montre qu’ils s’efforcent d’aggraver la situation. Alors que l’impérialisme américain essaie de l’exploiter pour placer l’Inde sous son contrôle, les dirigeants soviétiques, eux, essaient de l’utiliser pour jeter le discrédit sur la Chine.

Ce sont des chemins différents menant à un même but. C’est pour cela que ne peut être écartée la possibilité de voir les réactionnaires indiens provoquer un nouveau conflit, avec le soutien des impérialistes américains et des dirigeants soviétiques.

Mais, après tout, 1963 n’est pas 1962. Les six pays de la Conférence de Colombo ont assumé la responsabilité de la médiation pour la paix, les peuples d’Asie, d’Afrique et de partout dans le monde distinguent de plus en plus clairement ce qu’il y a de juste et de faux dans la question de la frontière sino-indienne, les traits réactionnaires du gouvernement Nehru se manifestent de plus en plus et le complot antichinois des impérialistes américains, des dirigeants soviétiques et des réactionnaires indiens a cessé d’être un secret. Si les réactionnaires indiens osaient provoquer de nouveaux chocs dans ces conditions, nous sommes persuadés qu’ils se verront, ainsi que ceux qui les soutiennent, condamnés énergiquement et catégoriquement par les peuples d’Asie, d’Afrique et de partout dans le monde.

Nous souhaitons que la situation à la frontière reste détendue et nous ferons à cette fin tout ce qu’il nous est possible de faire. Nous avons dit aux pays de la Conférence de Colombo que nous les tiendrions régulièrement au courant des provocations indiennes et nous avons commencé à le faire.

Si l’Inde procède non seulement à des provocations par des raids de harcèlement, mais encore à des invasions comme celles d’avant le 20 octobre 1962, et si elle refuse de se retirer du territoire chinois, nous demanderons aux pays de la Conférence de Colombo de la persuader de se retirer. Nous n’envisagerons la riposte, en légitime défense, que si l’Inde rejette ces conseils et est décidée à occuper de la terre chinoise.

Nous ne modifierons pas notre politique de recherche d’un règlement pacifique et négocié de la question de la frontière sino-indienne, quelque action qu’entreprennent les réactionnaires indiens et quelle que soit l’importance du soutien que leur accorderont les dirigeants soviétiques.

Nous sommes pleinement convaincus que notre politique finira pas triompher, quoi qu’il puisse advenir dans le monde et quel que soit le délai qui sera apporté à ce règlement. La grande amitié des peuples chinois et indien est indestructible.

La position assumée par les dirigeants soviétiques dans la question de la frontière sino-indienne et leur politique démontrent à suffisance qu’ils ont trahi le peuple chinois, le peuple soviétique, le peuple de tous les autres pays du camp socialiste, le peuple indien et tous les peuples et nations opprimés.

Il devient de plus en plus clair que les dirigeants soviétiques ne considèrent plus les impérialistes, que les États-Unis dirigent, et toute la réaction comme étant leurs ennemis. Leurs ennemis, ce sont les marxistes-léninistes, le peuple révolutionnaire et la Chine en particulier.

En vue de combattre la Chine, qui s’en tient fermement au marxisme-léninisme, aux principes révolutionnaires des Déclarations de 1957 et de 1960, les dirigeants soviétiques se sont alliés à l’impérialisme américain et à la clique du renégat Tito, et maintenant, par l’article du 19 septembre de la Rédaction de la Pravda et la déclaration du 21 septembre du gouvernement soviétique, ils ont proclamé leur alliance avec les réactionnaires indiens.

Ils imaginent probablement qu’en se joignant à tout ce qui n’a plus visage humain dans le monde pour proférer des insultes à l’unisson, ils pourront discréditer la Chine et l’isoler.

Nous conseillons aux dirigeants soviétiques de ne pas se réjouir trop tôt. La Chine révolutionnaire ne peut pas être isolée. Plus vous collaborerez cyniquement avec tous les impérialistes et les réactionnaires, plus vous vous isolerez. Rien ne peut discréditer la Chine.

La vérité est avec elle. La faiblesse qui vous sera fatale, c’est votre mépris de la vérité, car plus de 90 pour cent de la population du monde est sensible à la vérité. Comme le dit un dicton chinois : « avec la vérité pour soi, on peut aller partout dans le monde, sans elle on ne peut faire un pas ». Ceux qui ne respectent en rien la vérité connaîtront finalement l’échec.

=>Retour au dossier sur La Chine populaire
contre l’hégémonie des superpuissances

Prolétaires de tous les pays, unissons-nous contre l’ennemi commun ! (1962)

Renmin Ribao, 15 décembre 1962

Ces derniers temps, au moment même où l’impérialisme et les réactionnaires de tous les pays cherchent par tous les moyens à combattre les pays socialistes, à saper le mouvement communiste international et à réprimer la lutte révolutionnaire des peuples, et où les communistes de tous les pays ont grand besoin de renforcer leur unité dans la lutte commune contre l’ennemi, il est pénible de constater que dans les rangs du mouvement communiste international est apparu un courant contraire, contre le marxisme-léninisme, contre le Parti communiste chinois et d’autres partis marxistes-léninistes, et qui mine l’unité du mouvement communiste international.

En un peu plus d’un mois, l’Europe a vu le VIIIe Congrès du Parti communiste de Bulgarie, le VIIIe Congrès du Parti ouvrier socialiste de Hongrie, le Xème Congrès du Parti communiste italien et le XIIème Congrès du Parti communiste de Tchécoslovaquie.

Malheureusement, la tribune de ces congrès a été utilisée pour attaquer des partis frères. Le courant contraire qui mine l’unité et provoque la scission est parvenu à u nouveau sommet aux Congrès du Parti communiste italien et du Parti communiste de Tchécoslovaquie.

Des camarades de certains partis frères y ont non seulement continué à attaquer le Parti du Travai d’Albanie, mais ils ont attaqué aussi, publiquement et nommément, le Parti communiste chinois et même blâmé le Parti du Travail de Corée qui désapprouvait les attaques contre le Parti communiste chinois.

C’est là une violation des plus grossières des principes énoncés dans les Déclarations de Moscou de 1957 et de 1960 qui ont été adoptées à l’unanimité par les Partis communistes et ouvriers. C’est là un événement d’une gravité extrême pour le mouvement communiste international.

La délégation du Parti communiste chinois, qui était invitée au Congrès du Parti communiste de Tchécoslovaquie, a souligné solennellement dans sa déclaration du 8 décembre : « Cette façon d’agir ne correspond pas à l’esprit des deux Déclarations de Moscou, elle est préjudiciable à l’unité du camp socialiste et à celle du mouvement communiste international, à la lutte contre l’impérialisme, à la lutte pour la paix mondiale, et ne répond pas aux intérêts fondamentaux des peuples des pays socialistes… Cette façon d’agir erronée ne peut qu’aggraver les divergences et créer la scission ; elle ne peut qu’affliger les nôtres et réjouir l’ennemi. »

Le Parti communiste chinois a toujours estimé que l’unité du camp socialiste et l’unité du mouvement communiste international sont d’un intérêt fondamental pour les peuples du monde entier. Il est du devoir sacré de tous les communistes de maintenir et de renforcer sans défaillance cette unité internationaliste.

Etant donné que les problèmes d’intérêt commun pour les différents partis frères sont extrêmement complexes, que les conditions dans lesquelles se trouve chacun de ces partis diffèrent grandement, et étant donné que la situation objective est constamment en mouvement, les divergences d’opinions sont souvent inévitables entre partis frères, et cela n’est pas nécessairement un mal.

L’important, c’est de partir de la position qu’il faut défendre et renforcer l’unité internationaliste et d’être ensemble dans la lutte contre l’ennemi, c’est d’observer les principes régissant les rapports entre les partis et les pays frères, tels qu’ils sont définis dans les Déclarations de Moscou, de parvenir à l’unanimité des vues par voie de consultations, afin que l’unité puisse être assurée solidement. La pratique erronée, qui consiste à se servir du congrès d’un parti pour attaquer un parti frère, fut utilisée pour la première fois, il y a un an, au XXIIe Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique.

Le Parti communiste chinois s’y opposa résolument. Durant ce Congrès et par la suite, le Parti communiste chinois en appela sincèrement, et à plusieurs reprises, aux partis frères ayant controverses ou divergences ; entre eux, pour qu’ils s’unissent de nouveau sur la base du marxisme-léninisme et du respect mutuel de l’indépendance et de l’égalité, et c’est plus particulièrement celui ayant déclenché l’attaque qui devrait prendre l’initiative.

Or, il est regrettable que ces efforts sincères n’aient pu empêcher la situation de s’aggraver. Loin d’envisager l’abandon de ces pratiques erronées, des dirigeants de certains partis frères persistent dans ce sens, allant encore et toujours plus loin dans la voie de la scission, si bien qu’elles ont fait leur apparition, tour à tour, aux récents congrès de quatre partis frères d’Europe.

Nous voudrions, ici, dire quelques mots sur ce qui s’est passé au Congrès du Parti communiste de Tchécoslovaquie. A ce Congrès, des camarades du Parti communiste de Tchécoslovaquie et de certains autres partis frères ont dénigré et attaqué à plaisir le Parti communiste chinois, le traitant d’ »aventuriste », de « sectariste », de « scissionniste », de « nationaliste » et de « dogmatiste ». Dans sa déclaration, la délégation du Parti communiste chinois s’est opposée résolument contre cette manière d’agir, qui provoque la scission.

La déclaration a souligné que ces pratiques erronées ont déjà entraîné de graves conséquences et que si elles se poursuivent, il en résultera de plus graves encore. Cependant, cette attitude, de profond attachement à l’unité, du Parti communiste chinois n’a pas réussi à faire changer d’avis ceux qui persistent dans ces pratiques erronées.

Certains dirigeants du Parti communiste de Tchécoslovaquie ont fait savoir qu’ils « ne pouvaient approuver » le point de vue de la délégation du Parti communiste chinois, ont continué à « aller plus loin » avec cette manière d’agir, et ils ont même demandé au Parti communiste chinois de « reconsidérer » sa position au sujet des grands problèmes internationaux et étalé devant le monde entier leurs calomnies et attaques contre la Chine. Dans ces conditions, nous nous voyons obligés de donner la réponse qui s’impose.

Des camarades du Parti communiste de Tchécoslovaquie et de certains autres partis frères ont accusé le Parti communiste chinois d’avoir commis ce qu’ils appellent des erreurs « aventuristes ». Ils ont reproché à la Chine de s’être opposée à un « compromis raisonnable » dans l’affaire cubaine et de vouloir « plonger (le monde entier) dans une guerre thermonucléaire ».

Les faits sont-ils vraiment tels qu’ils l’ont déclaré ?

Le peuple chinois est attaché à la paix, comme les peuples de tous les autres pays socialistes et du reste du monde. La Chine a toujours poursuivi une politique étrangère de paix. Nous avons toujours lutté énergiquement pour arriver à la détente internationale et pour la défense de la paix mondiale. La Chine est l’un des promoteurs des cinq principes de la coexistence pacifique.

Et elle a toujours préconisé la coexistence pacifique entre pays à systèmes sociaux différents sur la base des Cinq Principes, elle a toujours été pour le règlement des différends internationaux par la négociation et s’est opposée au recours à la force.

Le Parti communiste chinois a toujours soutenu que pour sauvegarder la paix mondiale, réaliser la coexistence pacifique et parvenir à la détente internationale, il faut avant tout combattre résolument la politique d’agression et de guerre de l’impérialisme américain et mobiliser les masses populaires pour qu’elles ripostent du tac au tac dans la lutte contre l’impérialisme américain.

Nous sommes persuadés que, comme l’ont indiqué les deux Déclarations de Moscou, la lutte conjointe des forces socialistes, des forces de libération nationale, des forces démocratiques et de toutes les forces de paix peut déjouer les plans d’agression et de guerre de l’impérialisme américain et empêcher la guerre mondiale d’éclater.

En ce qui concerne l’attitude à adopter envers les impérialistes et tous les réactionnaires, le Parti communiste chinois a toujours soutenu qu’il faut les mépriser sur le plan de la stratégie, mais en tenir sérieusement compte sur le plan de la tactique.

C’est-à-dire que, stratégiquement, et en envisageant les choses à longue échéance et dans leur ensemble, les impérialistes et tous les réactionnaires sont destinés en fin de compte à connaître l’échec, tandis que les masses populaires triompheront à coup sûr. Sans cette conception, il n’est pas possible d’encourager les masses populaires à mener, pleinement confiantes et fermement, le combat révolutionnaire contre l’impérialisme et tous les réactionnaires, il n’est pas possible de conduire la révolution à la victoire.

D’autre part, du point de vue tactique, dans chaque question concrète de l’heure, il est nécessaire de faire face à l’impérialisme et à tous les réactionnaires avec le plus grand sérieux, il est nécessaire d’agir avec prudence et circonspection, et de prêter attention à l’art de mener le combat.

Sans cette conception, il n’est pas possible de mener victorieusement la lutte révolutionnaire, il y a danger de subir revers et échecs, et il n’est pas possible non plus de conduire la révolution à la victoire.

Ce point de vue, auquel le Parti communiste chinois s’est toujours tenu et qui est d’opposer le mépris à l’ennemi sur le plan de la stratégie et d’en tenir sérieusement compte sur le plan de la tactique, montre pourquoi l’impérialisme et tous les réactionnaires sont des tigres en papier, ainsi que nous l’avons souvent affirmé ; ce point de vue est parfaitement marxiste-léniniste.

Nous sommes et contre le capitulationnisme et contre l’aventurisme. Tous ceux qui veulent faire la révolution et remporter la victoire doivent adopter cette attitude envers l’ennemi et, pour eux, il ne peut y en avoir d’autre. En effet, si, stratégiquement, on n’ose mépriser l’ennemi, on versera inévitablement dans le capitulationnisme.

Et si, tactiquement, on agit à la légère et imprudemment dans une lutte concrète donnée, on versera inévitablement dans l’aventurisme. Et, enfin, si stratégiquement on n’ose mépriser l’ennemi et si, de surcroît, on agit tactiquement à la légère et imprudemment, on versera alors et dans le capitulationnisme sur le plan de la stratégie et dans l’aventurisme sur le plan de la tactique.

Quant à la question des armes nucléaires, les communistes chinois ont toujours préconisé l’interdiction générale de ces armes à grande puissance de destruction et se sont toujours opposés à la criminelle politique de guerre nucléaire des impérialistes.

Ils ont toujours soutenu que, le camp socialiste détenant une grande supériorité, il est possible de parvenir à un accord sur l’interdiction des armes nucléaires par la négociation et en dénonçant et combattant continuellement l’impérialisme américain.

Mais aucun marxiste-léniniste, aucun révolutionnaire n’a jamais été paralysé d’effroi par les armes nucléaires aux mains de l’impérialisme et abandonné la lutte contre l’impérialisme et ses laquais.

Nous, marxistes-léninistes, nous ne sommes pas partisans de la théorie selon laquelle « les armes décident de tout », ni de la théorie selon laquelle « les armes nucléaires décident de tout ».

Nous n’avons jamais cru que les armes nucléaires peuvent décider du sort de l’humanité. Nous sommes profondément convaincus que les masses populaires sont la force déterminante du développement de l’histoire. Elles seules peuvent décider du cours de l’histoire. Nous sommes implacablement contre la politique de chantage nucléaire de l’impérialisme.

Et nous soutenons aussi qu’il n’y a pas la moindre nécessité pour les pays socialistes d’user des armes nucléaires comme d’un enjeu ou comme moyen d’intimidation.

Agir ainsi reviendrait véritablement à verser dans l’aventurisme. Si l’on a une foi aveugle dans les armes nucléaires, si l’on ne voit pas la force des masses populaires et n’a pas confiance en elle, et si l’on perd la tête devant le chantage nucléaire de l’impérialisme, on risque de passer d’un extrême à l’autre et de verser dans le capitulationnisme.

Nous estimons que dans sa lutte contre l’impérialisme américain, l’héroïque peuple cubain n’a versé ni dans le capitulationnisme ni dans l’aventurisme. Comme tous les autres peuples du monde, le peuple cubain aime ardemment la paix et travaille énergiquement pour elle.

Mais, comme l’a dit le camarade Fidel Castro : « La voie de la paix n’est pas celle qui consiste à sacrifier les droits du peuple ou à empiéter sur eux, parce que cela, c’est précisément la voie qui mène à la guerre. »

Le Comité directeur national des Organisations révolutionnaires intégrées de Cuba et le Gouvernement révolutionnaire cubain ont proclamé solennellement par leur déclaration commune du 25 novembre : « La meilleure forme de règlement est celle passant par des chemins pacifiques et la discussion entre gouvernements. Mais nous réaffirmons en même temps que jamais nous ne céderons devant les impérialistes. A la position de force des impérialistes, nous opposerons notre fermeté. A la tentative de nous humilier des impérialistes, nous opposerons notre dignité. A l’agression impérialiste, nous opposerons notre détermination de combattre jusqu’au dernier. »

Sous la ferme direction des Organisations révolutionnaires intégrées de Cuba et du gouvernement cubain ayant à leur tête Fidel Castro, et dans les conditions les plus complexes et les plus difficiles, le peuple cubain unanime, loin d’être effrayé par le chantage nucléaire des Etats-Unis, a mené une lutte résolue contre l’impérialisme américain et a persévéré dans ses cinq justes demandes ; de plus, avec le juste soutien des peuples du monde entier, il a remporté une autre grande victoire dans sa lutte contre l’agression américaine.

Le Parti communiste, le gouvernement et le peuple chinois soutiennent résolument la juste ligne des Organisations révolutionnaires intégrées de Cuba et du gouvernement cubain, les cinq justes demandes du peuple cubain et sa lutte héroïque. Par-là, la Chine remplit le devoir que lui confère l’internationalisme prolétarien et auquel elle ne peut faillir.

Si le soutien de la Chine à la juste lutte du peuple cubain contre les agresseurs américains doit être qualifié d’ »aventuriste », nous voudrions demander : Cela signifie-t-il que le peuple chinois devrait s’abstenir de donner tout le soutien en son pouvoir à la lutte de Cuba contre l’agression impérialiste américaine pour ne pas être appelé « aventuriste » ?

Et cela signifie-t-il que ce n’est qu’en forçant Cuba à abdiquer sa souveraineté, à renoncer à son indépendance et à ses cinq justes demandes que l’on peut éviter d’être appelé aventuriste ou capitulationniste ?

Le monde entier a pu voir que nous n’avons ni demandé l’introduction d’armes nucléaires à Cuba ni empêché le retrait des prétendues « armes offensives » qui s’y trouvent. Aussi, en ce qui nous concerne, il ne peut en aucune façon être question d’ »aventurisme », et encore moins de « plonger (le monde entier) dans une guerre thermonucléaire ». Certains ont trouvé à redire à la juste position de la Chine dans la question de la frontière sino-indienne, comme si la Chine avait provoqué un esclandre. Mais quels sont les faits ?

La Chine a toujours été pour le règlement des questions de frontière avec ses voisins par voie de négociations, et elle a, sur la base des Cinq Principes, réglé, à la satisfaction de tous, ses questions de frontière avec la Birmanie et le Népal par des consultations amicales et dans un esprit de compréhension mutuelle et de concessions réciproques.

En ce qui concerne la question de la frontière sino-indienne, il est clair, dès à présent, pour tout le monde, qui, pendant tout ce temps, a rejeté les négociations pacifiques, a occupé le territoire d’autrui, s’est livré à des provocations armées et a lancé des attaques massives.

Envers les folles tentatives de la clique réactionnaire indienne visant à modifier par la force la situation à la frontière sino-indienne et devant ses empiétements sans cesse grandissants sur les régions frontalières chinoises, le peuple chinois a, pendant des années, fait montre de longanimité, s’efforçant encore et toujours d’aboutir à une solution juste et équitable par voie de négociations pacifiques. Néanmoins, le gouvernement Nehru a rejeté catégoriquement la négociation. Il a interprété la longanimité de la Chine comme signe de ce qu’elle est faible et peut être malmenée.

Le 12 octobre, le premier ministre indien donna de manière flagrante l’ordre de lancer des attaques contre la Chine, de « nettoyer » les gardes-frontière chinois du territoire chinois. Alors les gardes-frontière chinois se virent forcés de riposter en légitime défense.

La Chine est un pays socialiste attaché à la paix, mais elle ne permettra jamais qu’on la malmène à volonté. En ripostant, en légitime défense, aux attaques massives des troupes indiennes, la Chine a adopté la mesure légitime la plus élémentaire, celle que n’importe quel Etat souverain prendrait dans semblables circonstances.

Après avoir repoussé les attaques indiennes, la Chine proposa sans tarder un arrêt du conflit, la rupture de contact entre les forces armées des deux côtés et la reprise des négociations, et elle prit l’initiative en appliquant un cessez-le-feu et en procédant au retrait de ses troupes.

Si la situation à la frontière sino-indienne a commencé à se détendre et si un cessez-le-feu de facto a été réalisé, c’est précisément parce que le peuple chinois a mené la lutte indispensable contre les visées expansionnistes des nationalistes réactionnaires indiens.

Les efforts constants et sincère de la Chine pour le règlement pacifique de la question de la frontière sino-indienne sont reconnus universellement. Or, il est étrange que certains, se prétendant marxistes-léninistes, aient jeté le marxisme-léninisme à tous les vents ; ils ne se sont pas souciés d’analyser, sous l’angle de la conception de classe du marxisme-léninisme, la politique réactionnaire du gouvernement Nehru qui a provoqué le conflit de la frontière sino-indienne et qui refuse toujours le règlement pacifique.

Ils ne veulent pas voir que cette politique découle du besoin de la grande bourgeoisie et des grands propriétaires fonciers indiens de combattre le peuple et le mouvement progressiste indiens ; ils refusent également de reconnaître que cette politique répond précisément aux besoins des impérialistes, spécialement à ceux des impérialistes américains, et qu’elle a leur soutien.

En fait, ces dernières années, le gouvernement Nehru recourt à la répression contre le peuple avec une brutalité qui va croissant, et prend de plus en plus appui sur l’impérialisme américain, agissant comme son complice dans de nombreuses et importantes questions internationales, par exemple celle du Congo.

La persistance du gouvernement Nehru dans sa position antichinoise est le résultat même de sa politique intérieure et extérieure, de jour en jour plus réactionnaire. Ceux qui accusent la Chine d’avoir poussé le gouvernement Nehru dans les bras de l’ »Occident » inversent cause et effet. Tout au long du « différend » de la frontière sino-indienne, ils ont mêlé le vrai et le faux, se donnant des airs « neutres », et traitant la Chine de pays « frère » en parole, alors qu’en réalité ils considéraient la clique réactionnaire indienne comme de la parenté.

Ceux-là ne feraient-ils pas bien de procéder à un examen de conscience et de se demander ce qu’il est advenu de leur marxisme-léninisme et de leur internationalisme prolétarien ?

Au Congrès du Parti communiste de Tchécoslovaquie, certains ont une fois de plus accumulé les injures contre le Parti du Travail d’Albanie, prétendant que ses dirigeants sont « antisoviétiques », sapent l’unité, qu’ils sont des « scissionnistes » et des « sectaristes ». Ils ont en outre condamné aussi le Parti communiste chinois pour la juste position qu’il a adoptée en s’opposant aux attaques dirigées contre le Parti du Travail d’Albanie et en défendant les principes régissant les rapports entre partis frères, et, de même, ils lui ont imputé les crimes de « scissionnisme », de « sectarisme » et de « nationalisme ».

Mais ces calomnies et ces attaques, appelant noir ce qui est blanc, sont tout à fait peine perdue.

Les critères à utiliser pour savoir qui défend l’unité, qui est scissionniste et sectariste, ce sont les principes régissant les rapports entre les partis frères et entre les pays frères, tels qu’ils sontt définis dans les Déclarations de Moscou adoptées à l’unanimité par les deux Conférences des Représentants des Partis communistes et ouvriers.

Ces principes sont : l’égalité absolue, l’union des uns avec les autres mais en maintenant l’indépendance, et l’unanimité des vues par consultation en toute camaraderie et sur un pied d’égalité.

L’expérience a montré que tant que ces justes principes sont appliqués, l’unité entre partis et pays frères peut être renforcée, et que, même lorsque surgit telle ou telle divergence, une solution raisonnable peut être réalisée.

Mais, inversement, si ces principes sont violés et que, dans les rapports entre partis frères et pays frères, quelqu’un use de pressions pour imposer ses vues propres aux autres ou substitue la calomnie et l’attaque à la recherche de l’unanimité des vues par consultation, on portera inévitablement atteinte à l’unité et on versera dans le scissionnisme et le sectarisme.

Il y a un an déjà, au XXIIe Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique, la délégation du Parti communiste chinois déclarait : « Nous soutenons que si, par malheur, des controverses ou divergences surgissent entre partis et pays frères, elles doivent être résolues patiemment dans l’esprit de l’internationalisme prolétarien et selon les principes de l’égalité et de l’unité de vues, par voie de consultations.

Le blâme public, unilatéral, infligé à un parti frère quel qu’il soit, ne contribue pas à l’unité et n’aide pas à résoudre les problèmes.

Étaler aux yeux de l’ennemi une controverse entre partis ou pays frères ne peut être considéré comme une sérieuse attitude marxiste-léniniste. »

C’est précisément par souci du maintien des principes régissant les rapports entre partis frères, entre pays frères, et leur unité, que le Parti communiste chinois s’est toujours opposé à ce que des attaques soient lancées contre un parti frère à partir du congrès d’un autre parti.

Qu’y a-t-il de mal dans cette position assumée par nous ?

Est-il possible que nous, qui avons tout fait en notre pouvoir pour maintenir l’unité et nous opposer aux agissements préjudiciables à l’unité, soyons devenus des « scissionnistes » et des « sectaristes », tandis que ceux ayant déclenché l’attaque et sapé l’unité ne seraient ni scissionnistes ni sectaristes ?

Au Congrès du Parti communiste de Tchécoslovaquie, la délégation du Parti du Travail de Corée a été blâmée parce qu’elle n’approuvait pas l’attaque lancée par certains contre le Parti communiste chinois. Est-il possible que la position assumée par le Parti du Travail de Corée pour sauvegarder l’unité soit un crime, que ceux qui défendent les Déclarations de Moscou soient dans l’erreur, tandis que ceux allant à l’encontre des Déclarations de Moscou seraient dans le vrai ?

Les principes régissant les rapports entre partis et pays frères, tels que stipulés dans les Déclarations de Moscou, n’accordent à aucun parti, grand ou petit, le moindre droit d’attaquer à son congrès un autre parti frère. Si pareille manière d’agir erronée était admise, un parti pourrait en attaquer un autre, attaquer ce parti-ci aujourd’hui et demain ce parti-là. Si l’on continue de la sorte, qu’adviendra-t-il de l’unité du mouvement communiste international ?

Les principes régissant les rapports entre partis et pays frères, tels que stipulés dans les Déclarations de Moscou, sont l’expression même des principes de l’internationalisme prolétarien touchant aux rapports entre partis et pays frères. Ceux qui violent ces principes directeurs tomberont inévitablement dans le bourbier du chauvinisme de grande nation ou d’autres formes du nationalisme bourgeois.

Mais ceux qui ont accusé le Parti communiste chinois d’avoir versé dans l’erreur prétendument « nationaliste » ne se sont-ils jamais demandé sur quel pied ils ont en définitive placé leurs rapports avec les partis et les pays frères ?

Il est clair qu’ils ont, eux, violé les principes régissant les rapports entre partis et pays frères, attaqué un autre parti frère et un autre pays frère, emprunté la voie erronée du nationalisme et du chauvinisme de grande nation, et cependant ils veulent forcer chacun à suivre leur exemple et taxent de « nationalisme » celui qui refuse d’exécuter leurs ordres. Ceci répondrait-il aux principes de l’internationalisme prolétarien ? Ces pratiques erronées ne sont-elles pas la pire manifestation du scissionnisme et du sectarisme, du nationalisme et du chauvinisme de grande nation ?

Ceux qui accusent le Parti du Travail d’Albanie d’être « antisoviétique » et de saper l’unité devraient se demander qui d’abord, a provoqué le différend et qui, à son propre congrès, a attaqué le Parti du Travail d’Albanie.

Pourquoi n’attribuer qu’à soi-même le droit d’attaquer à volonté un parti frère, tout en déniant même le droit de réplique à ce parti frère ?

Si les camarades albanais doivent être qualifiés d’ »antisoviétiques », parce qu’ils ont répondu aux attaques lancées contre eux, que dire de ceux qui ont déclenché l’attaque et attaquent encore et encore le Parti du Travail d’Albanie ?

Et qu’en est-il de ceux ayant attaqué à loisir le Parti communiste chinois ?

Le moins que l’on devrait pouvoir exiger d’un communiste est qu’il sache opérer une nette distinction entre l’ennemi et ses propres camarades, qu’il soit sans pitié pour l’ennemi et compréhensif envers les siens. Mais certains font exactement le contraire.

Tout en étant si « accommodants » et en réalisant pareilles « concessions réciproques » avec l’impérialisme, ils traitent des partis et pays frères comme d’implacables ennemis !

Ils font des « compromis raisonnables » et usent de « modération » avec l’ennemi qui est toutes griffes et dents dehors, mais refusent d’être conciliants avec les partis et pays frères. Etre si « compréhensif » avec l’ennemi et si « impitoyable » avec des partis et des pays socialistes frères n’est pas, de toute évidence, la position qu’un marxiste-léniniste devrait adopter. La Déclaration de Moscou de 1960 affirme que le révisionnisme est le principal danger menaçant le mouvement communiste international.

Elle dit : « Ayant trahi le marxisme-léninisme, les dirigeants de la Ligue des communistes de Yougoslavie ont opposé la L.C.Y. à tout le mouvement communiste international, se livrent à des agissements subversifs contre le camp socialiste et le mouvement communiste mondial. »

En outre, la Déclaration en appelle aux communistes de tous les pays pour combattre activement l’influence des idées anti-léninistes des révisionnistes modernes yougoslaves. Mais certains communistes ont porté Tito, ce renégat du communisme, jusqu’aux nues et ils sont si intimes avec la clique Tito !

Au récent Congrès du Parti communiste de Tchécoslovaquie, certains sont allés jusqu’à s’opposer à la dénonciation du révisionnisme moderne yougoslave par le Parti communiste chinois.

Bref, ceux avec qui ces gens-là veulent s’unir sont précisément ceux qu’il faudrait combattre ; et ceux auxquels ils s’opposent sont précisément ceux avec lesquels ils devraient s’unir. N’est-ce pas là une violation flagrante, grossière, des Déclarations de Moscou ? Où mènera pareille ligne de conduite ?

Tous les faits montrent que les communistes chinois, de même que tous les vrais communistes du monde, s’en sont invariablement tenus au marxisme-léninisme et aux principes révolutionnaires des Déclarations de Moscou.

Ceux qui attaquent le Parti communiste chinois s’obstinent à nous imposer l’étiquette de « dogmatistes » ; ceci prouve uniquement que le « dogmatisme » combattu, par eux n’est autre que les positions de la théorie marxiste-léniniste et les principes révolutionnaires des Déclarations de Moscou, défendus par les communistes chinois et tous les vrais communistes.

Ils s’imaginent qu’il leur suffit simplement d’accrocher l’enseigne de l’ »anti-dogmatisme » et de parler de ce qu’ils appellent l’ »esprit créateur » pour pouvoir déformer le marxisme-léninisme et altérer les Déclarations de Moscou comme bon leur semble.

Cela est totalement inadmissible. Nous voudrions leur demander : Ces deux documents historiques du mouvement communiste international, approuvés à l’unanimité et signés par tous les partis communistes et ouvriers, sont-ils toujours valables ? Doit-on toujours s’y conformer ?

Certains disent : nous sommes la majorité et vous êtes la minorité.

Donc, nous sommes des marxistes-léninistes à esprit créateur et vous êtes des dogmatistes ; nous avons raison et vous avez tort. Mais toute personne ayant un peu de bon sens sait que déterminer qui a raison et qui a tort, qui a la vérité pour soi, n’est pas une question pouvant être tranchée par la majorité ou la minorité d’un moment donné.

La vérité est chose objective. Après tout, se trouver en majorité à un moment donné ne peut transformer le faux en vrai ; de même, se trouver en minorité à un moment donné ne peut transformer le vrai en faux.

L’histoire abonde en exemples où à un moment donné et dans des circonstances données, la vérité n’est pas du côté de la majorité, mais de celui de la minorité. A l’époque de la IIe Internationale, Lénine et les bolcheviks se trouvèrent en minorité dans le mouvement ouvrier international, et, pourtant, la vérité était du côté de Lénine et des bolcheviks.

En décembre 1914, au début de la Première guerre mondiale, la majorité des députés du Parti social-démocrate allemand votèrent le budget de guerre au cours d’une séance du Reichstag, seul Karl Liebknecht vota contre ; et, pourtant, la vérité était de son côté. Ceux qui ont le courage de soutenir la vérité n’ont nullement peur de se trouver provisoirement en minorité. Par contre, ceux qui persistent dans l’erreur ne peuvent échapper à la ruine, même s’ils se trouvent provisoirement en majorité.

Le marxisme-léninisme soutient que la seule majorité vraiment solide dans le monde, c’est le peuple, qui décide du cours de l’histoire et constitue plus des 90% de la population mondiale.

Cependant, ceux qui vont à l’encontre des intérêts fondamentaux de ces plus de 90%, qui sont le peuple, peuvent pour un temps mener grand bruit et tonitruer en un certain endroit ou à certaine réunion, ils ne représentent nullement la majorité authentique. Leur « majorité » n’est qu’illusoire, apparente, et, au fond, ils sont, précisément, en minorité, alors que la « minorité » attaquée par eux est au fond la majorité.

Les marxistes-léninistes vont toujours au-delà des apparences pour examiner un problème dans son essence. Nous ne nous soumettons qu’à la vérité et aux intérêts fondamentaux des peuples du monde ; nous n’obéirons jamais à la baguette de quelque anti-marxiste-léniniste que ce soit.

Quelles que soient les injures et l’opposition des impérialistes, des réactionnaires et des révisionnistes modernes, elles n’ébranleront jamais notre position qui est la défense du marxisme-léninisme et de la vérité. Nous voudrions rappeler à ceux qui attaquent le Parti communiste chinois que leurs insultes ne sont d’aucune utilité.

L’insulte, aussi grossière et violente soit-elle, ne peut en rien entamer la gloire d’un parti marxiste-léniniste. Depuis le jour où le parti communiste est venu au monde, jamais on n’a entendu parler d’un véritable parti communiste qui n’ait pas été sujet aux insultes, et on n’a jamais entendu parler d’un véritable parti communiste qui ait succombé sous l’insulte.

Le Parti communiste chinois a grandi, il s’est aguerri et il a remporté victoire sur victoire sous les insultes des impérialistes, des réactionnaires, des révisionnistes et des opportunistes de toutes les nuances. Leurs insultes ne nous ont pas fait le moindre mal.

Au contraire, cela prouve justement que nous avons bien agi, qu nous nous en sommes tenus aux principes du marxisme-léninisme et que nous avons défendu les intérêts fondamentaux des peuples du monde entier.

Nous voudrions encore rappeler à ceux qui attaquent le Parti communiste chinois que l’impérialisme américain orchestre actuellement une grande campagne antichinoise ; Kennedy lui-même est entré en scène pour déclarer qu’ »un problème majeur », qui se pose actuellement au monde occidental, c’est de savoir comment « contenir » la « Chine communiste ». Ne croyez-vous pas que, à pareil moment, vous devriez établir une nette ligne de démarcation entre vous-mêmes et l’impérialisme américain et ses laquais ? La manière d’agir erronée qui provoque la scission et est apparue au sein du mouvement communiste international ne peut qu’aider l’impérialisme et toute la réaction.

Ne voyez-vous pas que les impérialistes, les réactionnaires de tous les pays et les révisionnistes modernes de Yougoslavie applaudissent et exultent à la vue de ces regrettables événements, qu’ils se réjouissent d’avance d’une scission au sein du mouvement communiste international ?

Dean Rusk déclarait récemment et sans ambages : « Ils (les désaccords entre partis communistes) sont fort sérieux et de très grande portée… la confusion qui a été jetée dans les partis communistes du monde entier… a aidé le monde libre. »

Tous ceux qui attaquent le Parti communiste chinois et d’autres partis marxistes-léninistes devraient y réfléchir : L’ennemi salue cette manière d’agir comme une grande aide au « monde libre ». Serait-ce là quelque chose dont on puisse s’enorgueillir ?

Il n’est nullement étonnant que le mouvement communiste international passe par des vicissitudes, d’une sorte ou d’une autre, dans sa marche en avant. Le marxisme-léninisme a sans cesse grandi au cours du combat contre l’opportunisme de toutes les espèces.

Le mouvement communiste international a toujours progressé, d’un pas ferme, en surmontant les difficultés de toutes sortes.

Tous les impérialistes, réactionnaires et révisionnistes modernes seront balayés dans la poubelle de l’histoire par le flot montant du mouvement communiste international et le déferlement du grand combat révolutionnaire des peuples du monde entier. Les communistes de tous les pays ont le même grand idéal, une même noble cause et ont devant eux un même ennemi. Nous avons mille et une raisons pour nous unir et pas la moindre pour créer la scission.

Les camarades engagés dans les activités scissionnistes devraient se reprendre !

Les communistes chinois espèrent sincèrement que les Partis communistes de tous les pays accorderont toute son importance à ce qui est l’intérêt même du mouvement communiste international, de la lutte menée en commun par le prolétariat international et les peuples du monde entier contre l’ennemi, qu’ils accorderont toute son importance à la glorieuse tâche historique que nous assumons, à ce que les peuples révolutionnaires du monde entier attendent impatiemment de nous, et adopteront de justes méthodes pour régler les divergences et sauvegarder l’unité, en accord avec les principes régissant les rapports entre partis et pays frères, tels que stipulés dans les Déclarations de Moscou.

Tant qu’existe chez chacun d’entre nous le désir de résoudre les problèmes, il n’est pas difficile de trouver la bonne méthode pour y parvenir.

La déclaration faite par la délégation du Parti communiste chinois au Congrès du Parti communiste de Tchécoslovaquie dit : « En vue de régler les divergences qui existent dans le mouvement communiste international concernant des questions de principe d’importance majeure, le Parti communiste chinois et plusieurs autres partis frères ont proposé que soit convoquée une conférence des représentants des partis communistes et ouvriers du monde entier pour faire toute la lumière sur ce qui est juste et ce qui est faux et renforcer l’unité dans la lutte commune contre l’ennemi.

Nous considérons que c’est là la seule méthode correcte pour arriver à la solution de nos problèmes. »

Le Parti communiste chinois est prêt à faire tous les efforts, de concert avec les partis frères, pour renforcer l’unité et combattre la scission, sur la base du marxisme-léninisme et de l’internationalisme prolétarien, afin de remporter de nouvelles victoires pour la cause de la paix mondiale, de la libération nationale, de la démocratie et du socialisme.

Unissons-nous et n’épargnons aucun effort pour défendre inlassablement la grande unité du mouvement communiste international, la grande unité du « camp socialiste et la grande union des peuples révolutionnaires du monde et de tous les peuples attachés à la paix !

Lançons une fois de plus le grand appel de Marx et d’Engels : Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

=>Retour au dossier sur La Chine populaire
contre l’hégémonie des superpuissances

Le camarade Mao Zedong sur «l’impérialisme et tous les réactionnaires sont des tigres en papier» (1958)

Rédaction du Renmin Ribao – 27 octobre 1958

Comment arriver à bien connaître les forces de la révolution et les forces de la réaction est encore un grand problème en Chine comme partout dans le monde.

Bien des gens n’arrivent toujours pas à le résoudre.

L’impérialisme et ses laquais, dans tous les pays, sont semblables au soleil qui se couche à l’occident, alors que le socialisme et les mouvements de révolution nationale soutenus par le camp socialiste sont semblables au soleil se levant à l’orient.

Ceci est la caractéristique de notre époque.

Le temps où les impérialistes pouvaient imposer à leur guise leur domination féroce est à jamais révolu et ils en sont maintenant à la dernière extrémité.

Ce sont les réactionnaires qui devraient craindre les forces révolutionnaires et non le contraire.

A présent, il existe encore nombre de personnes qui ne se rendent pas compte de ce fait, qui ont des idées superstitieuses, qui nourrissent encore des illusions et qui redoutent encore les impérialistes en général et les impérialistes américains en particulier.

Devant ce problème, ils restent encore passifs.

Tous les progressistes et tous les marxistes et révolutionnaires doivent user de persuasion envers eux, afin que les larges masses aient une confiance et une résolution révolutionnaires, une clairvoyance et une fermeté révolutionnaires.

C’est là une condition morale indispensable pour hâter l’avance triomphale de la cause de la révolution.

Le camarade Mao Tsé-toung nous a souvent dit qu’en considérant un problème, il faut en saisir l’essence et non pas se laisser égarer par une simple apparence.

Au cours des trente et quelques années passées, à chaque moment décisif dans la lutte des classes dans notre pays, le camarade Mao Tsé-toung a toujours fait une analyse pénétrante de l’état de la lutte en se fondant sur la science marxiste-léniniste, et montré que tous les réactionnaires sont condamnés à périr et que la cause de la révolution est destinée à triompher.

Il a employé l’expression « tigre en papier » pour montrer que l’impérialisme et toutes les forces réactionnaires semblent puissantes mais sont faibles en réalité, il a utilisé le vieux dicton « Une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine » pour montrer que les forces naissantes grandissent de jour en jour au cours de la révolution, et c’est en se basant sur cette appréciation qu’il a établi ses plans stratégiques.

La conception du camarade Mao Tsé-toung selon laquelle les forces de la révolution sont invincibles et les forces réactionnaires, provisoirement puissantes, sont vouées à l’échec a armé les communistes chinois, a éduqué et encouragé le peuple chinois et nous a conduits à nos grandes victoires.

Ce jugement clairvoyant du camarade Mao Tsé-toung nous montrant que « l’impérialisme et tous les réactionnaires sont des tigres en papier » a déjà été confirmé par la victoire de la révolution chinoise et ne cessera d’être confirmé par le développement victorieux de la cause de la révolution en Chine et dans le monde entier.

La Rédaction de la revue Shijie Zhishi (Connaissance du monde) a récemment rassemblé et publié des passages des articles, discours et entretiens du camarade Mao Tsé-toung où il n’a cessé de démontrer que « l’impérialisme et tous les réactionnaires sont des tigres en papier ».

C’est là un travail d’une grande signification politique, et très utile pour les peuples en lutte contre l’agression et l’oppression des impérialistes, en particulier des impérialistes américains.

Nous publions ici les textes qui ont été réunis dans cette revue en y ajoutant quelques documents importants s’y rapportant et en introduisant quelques changements dans la forme et dans la disposition des paragraphes.

L’ensemble du recueil reste divisé en trois parties.

- La première partie traite du fait que l’impérialisme et tous les réactionnaires représentant les forces décadentes n’ont aucun avenir, et que leur violence momentanée montre simplement qu’ils sont entrés dans les convulsions de l’agonie.

- La seconde partie montre que l’impérialisme et tous les réactionnaires sont forts en apparence mais faibles au fond, et que les révolutionnaires ont toutes les raisons de les mépriser, mais qu’ils méritent notre attention au cours de toutes les luttes concrètes.

- La troisième partie décrit les traits essentiels de la situation internationale actuelle dans laquelle le vent d’est l’emporte sur le vent d’ouest, et où les forces du socialisme ont dépassé les forces de l’impérialisme.

Bien que la plupart de ces articles, discours et entretiens aient déjà été publiés et qu’une petite partie seulement n’ait pas encore été publiée, bien qu’ils s’étalent sur une période de vingt ans et soient présentés sous forme de recueil, ils se lisent encore comme une thèse politique fraîche constituant un tout.

Et cela parce que la contradiction fondamentale entre l’impérialisme et ses laquais d’une part, et les peuples de tous les pays de l’autre, n’a pas encore été résolue ; parce qu’il y a, en outre, l’impérialisme américain qui montre particulièrement griffes et dents et menace la paix du monde d’une guerre atomique, si bien que les peuples opprimés et menacés ont l’esprit tourmenté par cette situation tendue et qu’ils réclament instamment la solution de cette contradiction.

Les lecteurs seront donc naturellement intéressés par l’opinion avancée par le camarade Mao Tsé-toung sur la question de savoir s’il s’agit ou non de tigres en papier, première et principale question à résoudre parmi les multiples problèmes relatifs à la solution de cette contradiction.

Partie I

Dans La Démocratie nouvelle, une œuvre d’importance historique publiée en janvier 1940, le camarade Mao Tsé-toung souligne que le capitalisme a atteint la phase de la décomposition et de la mort, tandis que le communisme « se répand dans le monde entier avec l’impétuosité de l’avalanche et la force de la foudre » :

Le communisme est le système idéologique complet du prolétariat en même temps qu’un nouveau régime social.

Ce système idéologique et ce régime social diffèrent de tout autre système idéologique et de tout autre régime social et sont les plus parfaits, les plus progressistes, les plus révolutionnaires et les plus rationnels de toute l’histoire de l’humanité.

Le système idéologique et le régime social du féodalisme sont entrés au musée de l’histoire.

Ceux du capitalisme sont, eux aussi, entrés au musée dans une partie du monde (en U.R.S.S.) ; partout ailleurs, ils ressemblent à « un moribond qui décline rapidement, comme le soleil derrière les collines de l’Ouest » ; ils seront bientôt bons pour le musée.

Seuls le système idéologique et le régime social du communisme se répandent dans le monde entier avec l’impétuosité de l’avalanche et la force de la foudre ; ils feront fleurir leur merveilleux printemps.

Dans La Démocratie nouvelle, le camarade Mao Tsé-toung souligne encore que le déchaînement furieux de tous les réactionnaires, qui représentent les forces décadentes, montre qu’ils sont entrés dans les convulsions de l’agonie :

Le déchaînement furieux des forces ténébreuses de l’intérieur et de l’extérieur a plongé la nation dans le malheur ; mais ce déchaînement même, s’il montre la puissance que possèdent encore les forces ténébreuses, prouve d’autre part que ce sont leurs dernières convulsions et que les masses populaires se rapprochent de plus en plus de la victoire. Il en est ainsi en Chine comme dans tout l’Orient et le monde entier.

Le 17 juin 1945, dans une allocution prononcée au cours d’une cérémonie pour commémorer les martyrs de la révolution chinoise, le camarade Mao Tsé-toung indique que plus les réactionnaires s’obstinent dans leur voie, plus ils approchent de leur fin :

Tous les réactionnaires cherchent à étouffer la révolution par le massacre, et ils pensent que plus ils tueront de gens, plus ils affaibliront la révolution.

Mais, contrairement à l’espoir que nourrit la réaction, le fait est que plus les réactionnaires massacrent de gens, plus grandissent les forces de la révolution et plus les réactionnaires approchent de leur fin. C’est là une loi inexorable.

Le 6 novembre 1957, le camarade Mao Tsé-toung déclare à la réunion du Soviet suprême de l’U.R.S.S., lors de la célébration du 40e anniversaire de la Révolution d’Octobre :

Le système socialiste remplacera finalement le système capitaliste.

C’est là une loi objective, indépendante de la volonté humaine.

Quels que soient les efforts des réactionnaires pour empêcher la roue de !’Histoire d’avancer, la révolution éclatera tôt ou tard et finira certainement par triompher.

Un proverbe chinois qualifie l’action de certains sots en disant qu’« ils soulèvent une pierre pour se la laisser retomber sur les pieds ».

Les réactionnaires de tous les pays sont justement de ces sots.

Les répressions de toutes sortes qu’ils exercent contre le peuple révolutionnaire ne peuvent finalement que le pousser à étendre et à intensifier la révolution.

Les diverses répressions auxquelles se sont livrés le tsar et Tchiang Kaï-chek n’ont-elles pas justement joué ce rôle de stimulant dans les grandes révolutions russe et chinoise ?

Dans le discours Pour un régime constitutionnel de démocratie nouvelle, qu’il prononça à Yenan, le 20 février 1940, devant l’Association pour hâter l’avènement d’un régime constitutionnel, le camarade Mao Tsé-toung dénonce la propagande mensongère de Tchiang Kaï-chek sur le soi-disant établissement d’un régime constitutionnel et montre que les réactionnaires « avaient toujours abouti à un résultat contraire à celui qu’ils escomptaient » :

Bien que tous les irréductibles du monde restent tels aujourd’hui et le resteront demain et après-demain, ils ne pourront le rester éternellement ; en fin de compte, ils devront changer.

Wang Tsing-wei [1], par exemple, est resté longtemps un irréductible, mais quand il s’aperçut qu’il lui était impossible de le rester plus longtemps dans le camp des partisans de la résistance au Japon, force lui fut de se jeter directement dans les bras des Japonais.

Prenons un autre exemple, celui de Tchang Kouo-tao [2] ; lui aussi est resté longtemps un irréductible, mais quand nous avons organisé plusieurs réunions pour le combattre et quand nous l’avons bien tancé, il a également filé.

Au fond, les irréductibles sont des gens obstinés, mais sans solidité. Ils s’obstinent longtemps, mais finissent par changer : ils deviennent des canailles, odieuses à toute l’humanité.

Il arrive aussi parfois que des irréductibles changent en mieux. Cela aussi résulte de la lutte, de la longue lutte menée contre eux : ils reconnaissent alors leurs torts et changent en mieux.

En un mot, les irréductibles sont sujets à des changements.

Ils ont toujours à leur disposition une série de plans, dans le genre de ceux-ci : réaliser un gain aux dépens d’autrui, jouer un double jeu, etc.

Toutefois, tous les irréductibles, quels qu’ils soient, ont toujours abouti à un résultat contraire à celui qu’ils escomptaient : ils commencent toujours par porter préjudice à autrui, mais finissent par se nuire à eux-mêmes.

Nous avons dit à l’époque que Chamberlain, « ayant soulevé la pierre, se la laisserait tomber sur les pieds ».

C’est bien ce qui est arrivé. Chamberlain rêvait d’utiliser Hitler comme une pierre qu’il pourrait lancer dans les jambes du peuple soviétique.

Cependant, en ce jour de septembre de Tan dernier où éclata la guerre entre l’Allemagne d’une part, et l’Angleterre et la France d’autre part, cette pierre tomba des mains de Chamberlain et lui écrasa les pieds.

Et elle continue jusqu’à présent de punir Chamberlain. Il y a aussi beaucoup d’exemples analogues en Chine. Yuan Che-kai [3] voulait frapper le peuple, mais il se frappa lui-même : il mourut après quelques mois de règne.

Touan Ki-jouei, Siu Che-tchang, Tsao Kouen, Wou Pei-fou et d’autres voulaient écraser le peuple, mais ils furent finalement renversés par lui.

Quiconque recherche un profit aux dépens d’autrui se prépare à coup sûr une triste fin !

Le 24 avril 1945, le camarade Mao Tsé-toung présenta son célèbre rapport politique : Du gouvernement de coalition au VIIe Congrès du Parti communiste chinois.

Dans la partie intitulée « Notre programme concret », le camarade Mao Tsé-toung donne un avertissement aux réactionnaires du Kouo-Min-Tang qui tentent de mener en sous-main des activités contre le peuple sous prétexte de convoquer une « assemblée nationale », et il prédit qu’en appliquant cette politique réactionnaire, « ils se passent eux-mêmes la corde au cou » et vont à leur propre perte. Le camarade Mao Tsé-toung dit :

Les mesures que nos héros, ennemis du peuple, sont en train d’adopter suivant leur politique de division risqueraient de les conduire dans une impasse.

Ils sont en train de se passer une corde au cou dont le nœud coulant ne se desserrera pas ; cette corde, c’est l’« assemblée nationale » .

Ils voudraient se servir de cette « assemblée nationale » comme d’une arme magique, tout d’abord pour contrecarrer la proposition d’un gouvernement de coalition, en second lieu pour maintenir leur régime dictatorial, et en troisième lieu pour trouver quelque justification à une guerre civile.

L’Histoire, cependant, par sa propre logique, prendra une voie contraire à leurs vœux, et « ils soulèvent une pierre pour se la laisser tomber sur les pieds ».

Dans le commentaire « Du danger de la politique de Hurley » qu’il écrivit pour l’Agence Hsinhua, le 12 juillet 1945, le camarade Mao Tsé-toung indique que la politique des Etats-Unis à l’égard de la Chine a engendré le danger d’une guerre civile en Chine ; et il lance l’avertissement selon lequel la politique des Etats-Unis, hostile au peuple chinois, plongerait le gouvernement et le peuple des Etats-Unis dans « des épreuves et des malheurs sans fin » :

Sur les lèvres du même Hurley, le gouvernement du Kuomintang représenté par Tchiang Kaï-chek soudain devient la Belle, tandis que le Parti communiste chinois devient la Bête ; il va jusqu’à déclarer sans ambages que les Etats-Unis coopéreraient seulement avec Tchiang Kaï-chek et non avec le Parti communiste chinois.

Naturellement, il ne s’agit pas là d’une vue personnelle de Hurley, mais d’une vue d’un groupe du gouvernement des Etats-Unis ; c’est une vue erronée et dangereuse.

… Si l’on continue à appliquer cette politique de Hurley, le gouvernement des Etats-Unis s’enfoncera sans recours dans les profondeurs du cloaque de la réaction chinoise ; il se placera en opposition aux centaines de millions de Chinois conscients ou en train de prendre conscience, et il deviendra un obstacle pour la Guerre de Résistance contre le Japon, à présent, et pour la paix du monde, dans l’avenir ….

On peut affirmer avec certitude que si la politique de Hurley, qui approuve et soutient les forces antipopulaires en Chine et qui est hostile à de si larges masses du peuple chinois, elle ne change pas, elle pèsera lourdement sur le gouvernement et le peuple des Etats-Unis et les plongera dans des épreuves et des malheurs sans fin ; c’est un point qu’il faut porter clairement à la connaissance du peuple des Etats-Unis.

Dans son discours de clôture prononcé le 11 juin 1945 au VIIe Congrès du Parti communiste chinois : Comment le Vieux Fou déplaça les montagnes, le camarade Mao Tsé-toung dit :

La politique de soutien à Tchiang Kaï-chek et d’opposition au Parti communiste, adoptée par le gouvernement des Etats-Unis, montre la frénésie des réactionnaires américains.

Mais tous les plans des réactionnaires, de l’intérieur ou du dehors, pour empêcher le peuple chinois de remporter sa victoire sont voués à l’échec.

Actuellement, dans le monde, la démocratie est le courant principal, et la réaction contre la démocratie n’est qu’un contre-courant.

Le contre-courant de la réaction tente de l’emporter sur le courant principal : le mouvement pour l’indépendance nationale et la démocratie populaire, mais jamais il ne deviendra le courant principal.

Il est sûr que les réactionnaires s’écroulent et que la révolution triomphe.

Dans son discours de clôture au VIIe Congrès du Parti communiste chinois, le camarade Mao Tsé-toung lance un appel au peuple lui demandant d’avoir confiance dans la victoire certaine de la révolution.

Il cite la fable antique « Comment le Vieux Fou déplaça les montagnes » pour montrer qu’aussi longtemps que le peuple révolutionnaire garde sa confiance, qu’il n’a pas peur des réactionnaires et est bien résolu à mener la lutte jusqu’au bout, le triomphe de la révolution est certain :

Faire connaître la ligne politique du Congrès, c’est donner à tout le Parti et à tout le peuple la confiance que la victoire de la révolution est certaine.

Tout d’abord, nous devons éveiller cette conscience chez les forces d’avant-garde de la révolution, afin que, fermes dans leur détermination et prêtes aux sacrifices, elles surmontent toutes les difficultés dans la lutte pour la victoire.

Ceci, cependant, ne suffit pas ; nous devons aussi éveiller la conscience des masses populaires de tout le pays, afin qu’elles veuillent bien se joindre à nous dans la lutte commune pour la victoire.

Nous devons leur donner la conviction que la Chine appartient au peuple chinois et non aux réactionnaires.

Dans la Chine antique existait une fable intitulée « Comment le Vieux Fou déplaça les montagnes » .

C’est l’histoire d’un vieillard de la Chine du Nord dans les temps anciens, communément appelé le Vieux Fou de la Montagne du Nord.

Sa maison faisait face au sud et le chemin menant à sa porte était bloqué par deux hautes montagnes, les montagnes Taihang et Wangwou.

Il prit la résolution de les enlever à la pioche, et emmena ses fils travailler avec lui.
Un autre vieillard appelé le Vieux Sage, en voyant leurs efforts, riait et disait : Etes-vous fous de vous lancer dans une telle entreprise !

Vous et vos fils, vous ne pourrez jamais arriver à enlever ces deux grosses montagnes ! Le Vieux Fou répliqua : Lorsque je mourrai, mes fils seront là pour continuer ; lorsqu’ils mourront à leur tour, il y aura leurs fils, et ainsi de suite à l’infini.

Quant à ces deux montagnes, si élevées soient-elles, elles ne pourront plus grandir, au contraire, à chaque pelletée enlevée, elles diminueront d’autant.

Pourquoi ne parviendrions-nous pas à les enlever ? C’est ainsi qu’il réfuta le point de vue erroné du Vieux Sage et continua à creuser imperturbablement jour après jour.

Sa persévérance finit par émouvoir le dieu du Ciel ; celui-ci envoya deux génies célestes qui transportèrent les montagnes sur leur dos.

Aujourd’hui, deux montagnes pèsent lourdement sur le peuple chinois : l’une, c’est l’impérialisme, l’autre le féodalisme. Depuis longtemps le Parti communiste chinois a décidé de s’en débarrasser.

Nous devons persévérer et travailler sans relâche, et nous aussi nous parviendrons à émouvoir le dieu du Ciel.

Ce dieu n’est autre que les masses populaires de toute la Chine. Et si celles-ci viennent creuser avec nous, pourquoi n’enlèverions-nous pas ces deux montagnes ?

Dans le commentaire « Rejetez vos illusions et préparez-vous à la lutte » qu’il écrivit pour l’Agence Hsinhua le 14 août 1949, le camarade Mao Tsé-toung fait une analyse pénétrante des deux logiques entièrement différentes qui dominent le développement des forces réactionnaires et des forces populaires.

Il fait aussi remarquer que ceux qui sont avancés doivent organiser des forces pour lutter contre les réactionnaires et qu’ils doivent éduquer, unir et gagner à leur cause tous ceux qui sont encore oscillants et hésitants, afin d’isoler complètement les réactionnaires :

Combien la logique des impérialistes est différente de celle du peuple ! Provocation de troubles, échec, nouvelle provocation, nouvel échec, et cela jusqu’à leur ruine – telle est la logique des impérialistes et de tous les réactionnaires du monde à l’égard de la cause du peuple ; et jamais ils n’iront contre cette logique.

C’est là une loi marxiste.

Quand nous disons : « l’impérialisme est féroce », nous entendons que sa nature ne changera pas, et que les impérialistes ne voudront jamais poser leur couteau de boucher, ni ne deviendront jamais des bouddhas, et cela jusqu’à leur ruine.

Lutte, échec, nouvelle lutte, nouvel échec, nouvelle lutte encore, et cela jusqu’à la victoire – telle est la logique du peuple, et lui non plus, il n’ira jamais contre cette logique.

C’est encore une loi marxiste. La révolution du peuple russe a suivi cette loi, il en est de même de la révolution du peuple chinois.

Lutte de classes – certaines classes sont victorieuses, d’autres sont éliminées.

Cela, c’est l’histoire ; c’est l’histoire des civilisations depuis des millénaires. Interpréter l’histoire d’après ce point de vue, cela s’appelle le matérialisme historique ; se placer à l’opposé de ce point de vue, c’est de l’idéalisme historique.

La méthode de l’autocritique ne s’applique qu’au sein du peuple ; il est impossible d’espérer qu’on puisse persuader les impérialistes et les réactionnaires chinois de faire preuve de bon cœur et de revenir dans le droit chemin.

La seule voie à suivre, c’est d’organiser des forces pour lutter contre eux, comme ce fut le cas dans notre Guerre de Libération populaire et dans notre révolution agraire, c’est de démasquer les impérialistes, de « provoquer » les impérialistes et les réactionnaires, de les renverser, de les punir de leurs infractions à la loi, et de « ne leur permettre que de marcher droit, sans tolérer de leur part aucun propos ou acte contre le pouvoir établi ».

C’est alors seulement qu’on pourra espérer traiter avec les pays étrangers impérialistes sur la base de l’égalité et de l’avantage mutuel.

C’est alors qu’on pourra espérer donner aux éléments de la classe des propriétaires fonciers, aux éléments de la bourgeoisie bureaucratique et aux membres de la clique réactionnaire du Kuomintang ainsi qu’à leurs complices, quand ils ont déposé les armes et capitulé, une éducation propre à transformer les mauvais éléments en bons, et cela dans toute la mesure du possible.

Si de nombreux libéraux chinois – éléments démocrates de type ancien, tenants de « l’individualisme démocratique », sur lesquels Truman, Marshall, Acheson, Leighton Stuart et consorts fondent leurs espoirs et qu’ils cherchent constamment à gagner à eux – sont souvent réduits à une position passive et se trompent fréquemment dans leurs jugements sur les gouvernants américains, sur le Kuomintang, sur l’Union soviétique et aussi sur le Parti communiste chinois, c’est précisément parce qu’ils ne considèrent pas ou n’admettent pas qu’on puisse considérer les problèmes du point de vue du matérialisme historique.

C’est le devoir des progressistes – communistes, membres des partis démocratiques, ouvriers politiquement conscients, jeunesse estudiantine et intellectuels progressistes- de s’unir, au sein de la Chine populaire, avec les couches intermédiaires, les éléments du centre, les éléments retardataires des différentes couches et tous ceux qui sont encore oscillants et hésitants (ceux-ci continueront à osciller longtemps encore et, même après avoir pris un parti, ils recommenceront dès qu’ils se heurteront à une difficulté), de leur apporter une aide sincère, de critiquer leur attitude hésitante, de les éduquer, de les gagner à la cause des grandes masses populaires, d’empêcher que les impérialistes ne les attirent à eux, de leur demander de rejeter leurs illusions et de se préparer à la lutte.

Il ne faut pas s’imaginer qu’avec la victoire, il ne soit plus besoin de faire du travail auprès d’eux.

Il nous faut encore travailler, même travailler bien davantage et avec patience avant de pouvoir réellement gagner ces éléments.

Une fois que nous les aurons gagnés, l’impérialisme sera complètement isolé, et les ruses d’Ache-sen ne trouveront plus à s’exercer.

Partie II

Dans l’éditorial « Le Tournant de la Seconde guerre mondiale » qu’il écrivit le 12 octobre 1942 pour le quotidien de Yenan Jiefang Ribao, le camarade Mao Tsé-toung analyse la nature même des forces réactionnaires qui, puissantes en apparence, dissimulent une faiblesse intérieure, et il rappelle au peuple révolutionnaire de ne pas se laisser tromper par cette simple apparence.

Il dit :

Dans l’histoire de l’humanité, toutes les forces réactionnaires qui sont au seuil de leur perte se lancent invariablement dans un ultime sursaut contre les forces de la révolution et, souvent, des révolutionnaires sont un moment induits en erreur par cette force apparente qui dissimule la faiblesse intérieure, ils ne voient pas ce fait essentiel que l’ennemi approche de sa fin et qu’eux-mêmes sont près de la victoire.

Or, la montée de l’ensemble des forces fascistes et les guerres d’agression qu’elles mènent depuis quelques années constituent justement cet ultime sursaut des forces réactionnaires et, dans la guerre actuelle, l’attaque sur Stalingrad marque l’ultime sursaut des forces fascistes elles-mêmes.

Face à ce tournant de l’histoire, beaucoup de gens au sein du front antifasciste mondial se sont aussi laissé abuser par l’aspect féroce du fascisme et n’en ont pas discerné la réalité interne.

Les réactionnaires se vantent toujours de la puissance purement apparente de leurs forces armées.

Au sein du peuple, il est des gens qui, à des degrés divers, éprouvent une certaine crainte devant la force militaire des réactionnaires.

C’est le point de vue de ceux qui sont partisans de la théorie dite « les armes décident de tout ».

Dans son traité bien connu « De la guerre prolongée », écrit en mai 1938, le camarade Mao Tsé-toung donne une critique pénétrante de ce point de vue :

… la théorie dite « les armes décident de tout » … est une théorie mécaniste, appliquée à la question de la guerre, un point de vue subjectiviste et unilatéral sur celle-ci.

A la différence des partisans de cette théorie, nous considérons non seulement les armes, mais aussi les hommes.

Les armes sont un facteur important, mais non décisif, de la guerre. Le facteur décisif, c’est l’homme et non le matériel.

Le rapport des forces se détermine non seulement par le rapport des puissances militaire et économique, mais aussi par le rapport des ressources humaines et des forces morales.

C’est l’homme qui dirige l’économie et les forces militaires.

En août 1946, le camarade Mao Tsé-toung reçut à Yenan la journaliste américaine Anna Louise Strong et lui exposa sa thèse célèbre selon laquelle tous les réactionnaires sont des tigres en papier.

Nous donnons ci-dessous le texte intégral de l’entretien :

A. L. Strong : Pensez-vous qu’on puisse espérer un règlement politique, pacifique des problèmes de la Chine dans un proche avenir ?

Mao Tsé-toung : Cela dépend de l’attitude du gouvernement des Etats-Unis. Si le peuple américain retient le bras des réactionnaires américains qui aident Tchiang Kaï-chek à mener la guerre civile, on peut espérer la paix.

Question : A supposer que les Etats-Unis n’accordent plus d’aide à Tchiang Kaï-chek en dehors de ce qu’ils lui ont déjà donné, combien de temps Tchiang Kaï-chek pourra-t-il continuer la guerre ?

Réponse : Plus d’un an.

Question : Tchiang Kaï-chek peut-il, économiquement, tenir si longtemps ?

Réponse : Il le peut.

Question : Et si les Etats-Unis faisaient savoir clairement qu’ils n’accorderont plus d’aide à Tchiang Kaï-chek à partir de maintenant ?

Réponse : Pour le moment, rien ne laisse prévoir que le gouvernement américain et Tchiang Kaï-chek aient le moindre désir d’arrêter prochainement la guerre.

Question : Combien de temps le Parti communiste peut-il tenir ?

Réponse : Pour autant qu’il s’agisse de nos propres désirs, nous ne demandons pas à nous battre même un seul jour. Mais si les circonstances nous y obligent, nous pouvons nous battre jusqu’au bout.

Question : Si le peuple américain demande pourquoi le Parti communiste se bat, que dois-je répondre ?

Réponse : Parce que Tchiang Kaï-chek veut massacrer le peuple chinois et que, pour survivre, le peuple doit se défendre. Cela, le peuple américain peut le comprendre.

Question : Que pensez-vous de l’éventualité d’une guerre des Etats-Unis contre l’Union soviétique ?

Réponse : La propagande pour une guerre contre l’Union soviétique présente un double aspect.

D’une part, l’impérialisme américain prépare effectivement une guerre contre l’Union soviétique ; la propagande actuelle pour une guerre antisoviétique, comme toute autre propagande antisoviétique, constitue une préparation politique à une telle guerre.

D’autre part, cette propagande est l’écran de fumée tendu par les réactionnaires américains pour couvrir de nombreuses contradictions réelles auxquelles l’impérialisme américain se heurte directement aujourd’hui.

Ce sont les contradictions entre les réactionnaires américains et le peuple américain, et les contradictions qui opposent les Etats-Unis impérialistes à d’autres pays capitalistes et aux pays coloniaux et semi-coloniaux.

A l’heure actuelle, le slogan d’une guerre contre l’Union soviétique lancé par les Etats-Unis signifie en fait l’oppression du peuple américain et l’expansion des forces agressives des Etats-Unis dans le monde capitaliste.

Comme vous le savez, Hitler et ses partenaires, les militaristes japonais, ont longtemps utilisé des slogans antisoviétiques comme prétexte pour asservir le peuple de leur pays et pour se livrer à des agressions contre d’autres pays.

Aujourd’hui, les réactionnaires américains agissent exactement de la même manière.
Pour déclencher une guerre, les réactionnaires américains doivent d’abord s’attaquer au peuple américain.

Ils le font déjà : ils oppriment politiquement et économiquement les ouvriers et les milieux démocratiques des Etats-Unis et se préparent à instaurer le fascisme dans leur pays.

Le peuple des Etats-Unis doit se lever pour résister aux attaques des réactionnaires américains. Je suis persuadé qu’il le fera.

Une zone très vaste englobant de nombreux pays capitalistes, coloniaux et semi-coloniaux en Europe, en Asie et en Afrique sépare les Etats-Unis de l’Union soviétique.

Avant que les réactionnaires américains n’aient assujetti ces pays, une attaque contre l’Union soviétique est hors de question.

Dans le Pacifique, les Etats-Unis contrôlent maintenant des régions plus étendues que l’ensemble de toutes les anciennes sphères d’influence qu’y possédait la Grande-Bretagne ; ils contrôlent le Japon, la partie de la Chine soumise à la domination du Kuomintang, la moitié de la Corée et le Pacifique Sud.

Ils contrôlent depuis longtemps l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud. Ils cherchent en outre à contrôler tout l’Empire britannique et l’Europe occidentale.

Sous divers prétextes, les Etats-Unis prennent des dispositions militaires de grande envergure et établissent des bases militaires dans de nombreux pays.

Les réactionnaires américains disent que les bases militaires qu’ils ont établies et celles qu’ils se préparent à établir partout dans le monde sont toutes dirigées contre l’Union soviétique. Certes, elles visent l’Union soviétique.

Mais pour le moment, ce n’est pas l’Union soviétique mais bien les pays où ces bases militaires se trouvent établies qui ont à souffrir les premiers de l’agression des Etats-Unis.

Je crois que ces pays ne tarderont pas à comprendre qui, de l’Union soviétique ou des Etats-Unis, les opprime vraiment. Le jour viendra où les réactionnaires américains s’apercevront qu’ils ont contre eux les peuples du monde entier.

Bien entendu, je ne veux pas dire que les réactionnaires américains n’aient pas l’intention d’attaquer l’Union soviétique.

L’Union soviétique est le défenseur de la paix mondiale, elle est un puissant facteur qui fait obstacle à la conquête de l’hégémonie mondiale par les réactionnaires américains.

Du fait de l’existence de l’Union soviétique, il est absolument impossible aux réactionnaires des Etats-Unis et du monde entier de réaliser leurs ambitions.

C’est pourquoi les réactionnaires américains vouent une haine implacable à l’Union soviétique et rêvent effectivement de détruire cet Etat socialiste.

Mais les réactionnaires américains font aujourd’hui, peu après la fin de la Seconde guerre mondiale, un tel tapage à propos d’une guerre américano-soviétique – au point d’empoisonner l’atmosphère internationale – que nous sommes obligés d’examiner de plus près leurs véritables intentions.

Il apparaît alors que, sous le couvert de slogans antisoviétiques, ils se livrent à des attaques frénétiques contre les ouvriers et les milieux démocratiques de leur pays et transforment en dépendances américaines tous les pays visés par l’expansion des Etats-Unis.

A mon avis, le peuple américain et les peuples de tous les pays menacés par l’agression américaine doivent s’unir et lutter contre les attaques des réactionnaires américains et de leurs laquais dans ces pays.

Seule la victoire remportée dans cette lutte permettra d’éviter une troisième guerre mondiale ; sinon, celle-ci est inévitable.

Question : Tout cela est très clair.

Mais supposez que les Etats-Unis emploient la bombe atomique ? Supposez que les Etats-Unis bombardent l’Union soviétique en partant de leurs bases en Islande, à Okinawa et en Chine ?

Réponse : La bombe atomique est un tigre en papier dont les réactionnaires américains se servent pour effrayer les gens.

Elle a l’air terrible, mais en fait, elle ne l’est pas. Bien sûr, la bombe atomique est une arme qui peut faire d’immenses massacres, mais c’est le peuple qui décide de l’issue d’une guerre, et non une ou deux armes nouvelles.

Tous les réactionnaires sont des tigres en papier. En apparence, ils sont terribles, mais en réalité, ils ne sont pas si puissants.

A envisager les choses du point de vue de l’avenir, c’est le peuple qui est vraiment puissant, et non les réactionnaires.

En Russie, avant la Révolution de Février 1917, de quel côté était réellement la force ?

En apparence, le tsar était fort ; mais il fut balayé par le coup de vent de la Révolution de Février.

En dernière analyse, la force en Russie était du côté des Soviets d’ouvriers, de paysans et de soldats. Le tsar n’était qu’un tigre en papier.

Hitler n’a-t-il pas passé pour très fort ? Mais l’Histoire a prouvé qu’il était un tigre en papier. De même Mussolini, de même l’impérialisme japonais.

Par contre, l’Union soviétique et les peuples épris de démocratie et de liberté de tous les pays se sont révélés beaucoup plus puissants qu’on ne l’avait prévu.

Tchiang Kaï-chek et les réactionnaires américains qui le soutiennent sont aussi des tigres en papier.

En parlant de l’impérialisme américain, il y a des gens qui semblent le croire terriblement fort et les réactionnaires chinois se servent de cette « force » des Etats-Unis pour effrayer le peuple chinois.

Mais la preuve sera faite que les réactionnaires américains, comme tous les réactionnaires dans l’histoire, ne sont pas si forts que cela. Aux Etats-Unis, ce sont d’autres qui détiennent la force véritable : le peuple américain.

Prenez le cas de la Chine. Nous n’avons que millet et fusils pour toute ressource, mais l’Histoire prouvera en fin de compte que notre millet et nos fusils sont plus puissants que les avions et les tanks de Tchiang Kaï-chek.

Bien que le peuple chinois ait encore à faire face à beaucoup de difficultés et doive souffrir longtemps encore sous les coups des attaques conjuguées de l’impérialisme américain et des réactionnaires chinois, le jour viendra où ces réactionnaires seront battus et où nous serons victorieux.

La raison en est simple : les réactionnaires représentent la réaction, nous représentons le progrès.

Le 25 décembre 1947, le camarade Mao Tsé-toung fit un rapport sur « La Situation actuelle et nos tâches » à une réunion du Comité central du Parti communiste chinois.

Dans ce rapport, il déclare :

Ayant fait une appréciation lucide de la situation internationale et intérieure en se fondant sur la science du marxisme-léninisme, le Parti communiste chinois acquit la conviction que toutes les attaques des réactionnaires de l’intérieur et de l’extérieur non seulement devaient être, mais pouvaient être écrasées.

Lorsque des nuages ont assombri le ciel, nous avons fait remarquer que ces ténèbres n’étaient que temporaires, qu’elles se dissiperaient bientôt et que le soleil brillerait sous peu.

Quand Tchiang Kaï-chek et ses bandits déclenchèrent la guerre contre-révolutionnaire à l’échelle nationale, en juillet 1946, ils pensaient qu’il suffirait de trois à six mois pour battre l’Armée populaire de Libération.

Ils avaient estimé qu’avec une armée régulière de 2 millions d’hommes, plus d’un million d’irréguliers et un autre million d’hommes au moins dans les organismes militaires et les unités armées à l’arrière, ils possédaient, au total, une force militaire de plus de 4 millions d’hommes ; qu’ils avaient pris le temps de terminer leurs préparatifs d’offensive ; qu’ils contrôlaient à nouveau les grandes villes ; qu’ils avaient sous leur domination une population de plus de 300 millions d’habitants ; qu’ils avaient pris possession de tout l’équipement d’un million de soldats de l’armée d’invasion japonaise ; et qu’ils avaient obtenu une aide militaire et financière énorme du gouvernement des Etats-Unis.

De plus, ils jugeaient que l’Armée populaire de Libération était épuisée par les huit années de combats dans la Guerre de Résistance contre le Japon et qu’elle était de loin inférieure en effectifs et en équipement à l’armée du Kuomintang ; que la population des régions libérées dépassait à peine 100 millions d’habitants (Le recensement de la population était à l’époque inexact ; on évaluait généralement la population du pays à 450 millions d’habitants. Après la Libération, un recensement exact montra que la Chine avait une population de 600 millions d’habitants – Note de la Rédaction), que dans la plupart de ces régions les forces féodales réactionnaires n’étaient pas encore liquidées et la réforme agraire pas encore accomplie partout ni à fond, c’est-à-dire que les arrières de l’Armée populaire de Libération n’étaient pas encore solides.

Partant de ces évaluations, la bande de Tchiang Kaï-chek ne tint aucun compte du désir de paix du peuple chinois, déchira finalement l’Accord de trêve signé par le Kuomintang et le Parti communiste en janvier 1946, ainsi que les résolutions adoptées par la Conférence consultative politique de tous les partis, et déclencha une guerre aventureuse.

Nous avons dit à l’époque que la supériorité militaire de Tchiang Kaï-chek n’était que momentanée, qu’elle était un facteur qui ne pouvait jouer qu’un rôle temporaire, que l’aide de l’impérialisme américain était de même un facteur qui ne pouvait jouer qu’un rôle temporaire, alors que le caractère antipopulaire de la guerre de Tchiang Kaï-chek et les sentiments du peuple étaient des facteurs au rôle constant, et que, sous ce rapport, l’Armée populaire de Libération détenait la supériorité.

Patriotique, juste et révolutionnaire de par sa nature, la guerre menée par l’Armée populaire de Libération devait forcément gagner l’appui du peuple dans le pays tout entier.

C’était là la base politique de la victoire sur Tchiang Kaï-chek.

L’expérience de dix-huit mois de guerre a pleinement confirmé notre jugement.
Quand la clique réactionnaire de Tchiang Kaï-chek déclencha en 1946 la guerre civile à l’échelle nationale contre le peuple, elle osa prendre ce risque parce qu’elle comptait non seulement sur sa propre supériorité militaire, mais surtout sur l’impérialisme américain armé de ses bombes atomiques et qu’elle considérait comme « exceptionnellement puissant », « sans égal au monde ».

D’une part, elle croyait que l’impérialisme américain pourrait pourvoir à flots continus à ses besoins militaires et financiers ; d’autre part, elle se livrait à d’extravagantes spéculations sur le thème « la guerre entre les Etats-Unis et l’Union soviétique est inévitable », « une troisième guerre mondiale doit inévitablement éclater ».

Dépendre ainsi de l’impérialisme américain est le trait commun des forces réactionnaires des différents pays depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Ceci reflète la gravité des coups subis par le capitalisme mondial au cours de cette guerre, la faiblesse des forces réactionnaires dans les différents pays, leur désarroi et leur perte de confiance, ainsi que la puissance des forces révolutionnaires mondiales – situation qui fait sentir aux réactionnaires des différents pays qu’ils n’ont plus d’autre issue que de compter sur l’aide de l’impérialisme américain.

Mais l’impérialisme américain d’après la Seconde guerre mondiale est-il réellement aussi puissant que Tchiang Kaï-chek et les réactionnaires des divers pays se l’imaginent ?

Peut-il réellement leur envoyer des approvisionnements à flots continus ? Non, ce n’est pas le cas.

La puissance économique de l’impérialisme américain, qui s’était accrue pendant la Seconde guerre mondiale, doit faire face à des marchés intérieurs et extérieurs instables et qui se rétrécissent de jour en jour.

Le rétrécissement plus accentué de ces marchés provoquera des crises économiques.

Le boom du temps de guerre aux Etats-Unis n’était que temporaire. Leur puissance n’est que superficielle et passagère. Des contradictions inconciliables, tant à l’intérieur que sur le plan international, menacent quotidiennement comme un volcan l’impérialisme américain.

L’impérialisme américain est assis sur ce volcan.

Cette situation a poussé les impérialistes américains à dresser un plan d’asservissement du monde, à se ruer en forcenés comme des bêtes sauvages en Europe, en Asie et dans d’autres parties du monde, à rassembler dans les différents pays les forces réactionnaires, les rebuts vomis par le peuple, en vue de former un camp impérialiste et antidémocratique contre toutes les forces démocratiques ayant l’Union soviétique à leur tête, et à préparer la guerre dans l’espoir de déclencher un jour, à l’avenir, une troisième guerre mondiale pour vaincre les forces démocratiques.

C’est un plan insensé. Les forces démocratiques du monde entier doivent déjouer ce plan et peuvent certainement le faire.

La puissance du camp anti-impérialiste mondial a dépassé celle du camp impérialiste.

C’est nous qui détenons la supériorité et non l’ennemi.

Dans l’article Que les forces révolutionnaires du monde entier s’unissent pour combattre l’agression impérialiste qu’il écrivit en novembre 1948 pour le périodique Pour une paix durable, pour une démocratie populaire ! le camarade Mao Tsé-toung fait remarquer que « ce serait une erreur des plus graves de surestimer la force de l’ennemi et de sous-estimer celle de la révolution » :

Après la victoire dans la Seconde guerre mondiale, l’impérialisme américain, qui a pris la place de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon fascistes, avec ses laquais de divers pays, se prépare frénétiquement à une nouvelle guerre mondiale et menace le monde entier.

Ceci reflète l’extrême décadence du monde capitaliste et sa terreur devant la fin imminente.

Cet ennemi est encore fort, c’est pourquoi toutes les forces révolutionnaires dans chaque pays et les forces révolutionnaires de tous les pays doivent s’unir, elles doivent former un front anti-impérialiste uni ayant à sa tête l’Union soviétique et suivre une politique juste, sinon elles ne pourront remporter la victoire.

La base de cet ennemi est faible. Il se désagrège intérieurement, il est séparé du peuple et doit faire face à une crise économique inextricable.

Donc, il peut être vaincu.

Ce serait une erreur des plus graves de surestimer la force de l’ennemi et de sous-estimer celle de la révolution.

Le 18 janvier 1948, dans la directive Sur quelques questions importantes de la politique actuelle du Parti qu’il écrivit pour le Comité central du Parti communiste chinois en vue de sa communication au Parti, le camarade Mao Tsé-toung nous dit que dans l’ensemble et du point de vue stratégique, nous devons mépriser l’ennemi, tandis qu’en même temps nous devons nous attacher à l’art de la lutte et, en ce qui concerne, chaque partie prise en elle-même et dans chaque lutte concrète, nous devons tenir pleinement compte de l’ennemi :

Combattre la surestimation de la force de l’ennemi.

Par exemple : la peur de l’impérialisme américain, la peur d’aller se battre dans les régions du Kuomintang, la peur d’éliminer le système comprador-féodal, de procéder à la distribution des terres des propriétaires fonciers et de confisquer le capital bureaucratique, la peur d’une guerre de longue durée, etc. ; tout cela est erroné.

L’impérialisme dans le monde entier et le règne de la clique réactionnaire de Tchiang Kaï-chek en Chine sont pourris, ils n’ont pas d’avenir. Nous avons lieu de les mépriser, et nous sommes sûrs et certains de vaincre tous les ennemis, intérieurs et extérieurs, du peuple chinois.

Mais dans chaque situation particulière, dans chaque lutte concrète (qu’il s’agisse d’une lutte militaire, politique, économique ou idéologique), nous ne devons absolument pas mépriser l’ennemi, mais au contraire, en tenir sérieusement compte et concentrer toutes nos forces dans la lutte pour remporter la victoire.

Du point de vue de l’ensemble, de la stratégie, nous soulignons à juste titre que nous devons mépriser l’ennemi, mais dans aucune situation particulière, dans aucune question concrète, nous ne devons jamais le mépriser.

Si, du point de vue de l’ensemble, nous surestimons la force de l’ennemi et n’osons par conséquent le renverser ni le vaincre, nous commettrons une erreur d’opportunisme de droite.

Si, dans chaque situation particulière, dans chaque question concrète, nous n’agissons pas avec prudence, ne prenons pas soin d’étudier et de perfectionner l’art de la lutte, ne concentrons pas toutes nos forces dans le combat et ne nous attachons pas à gagner à notre cause tous les alliés qui devraient l’être (paysans moyens, artisans et commerçants indépendants, moyenne bourgeoisie, étudiants, instituteurs, professeurs et intellectuels en général, fonctionnaires en général, membres des professions libérales et hobereaux éclairés), nous commettrons une erreur d’opportunisme « de gauche ».

Le 18 novembre 1957, dans son intervention à la Conférence des Représentants des Partis communistes et ouvriers des Pays socialistes tenue à Moscou, le camarade Mao Tsé-toung déclare :

Lorsqu’en 1946, Tchiang Kaï-chek nous attaqua, beaucoup de nos camarades et le peuple tout entier étaient fort inquiets :

Pourrait-on gagner la guerre ?

J’étais moi-même aussi soucieux à ce sujet. Mais nous avions confiance.

A ce moment, une journaliste américaine, Anna Louise Strong, vint à Yenan.

Au cours de notre entretien, nous avons discuté de beaucoup de questions, y compris Tchiang Kaï-chek, Hitler, le Japon, les Etats-Unis, la bombe atomique, etc.

J’ai dit alors que tous les réactionnaires réputés puissants n’étaient en réalité que des tigres en papier. Pour la bonne raison qu’ils sont coupés du peuple.

Eh bien, Hitler n’était-il pas un tigre en papier ? Hitler n’a-t-il pas été jeté à bas ?

J’ai dit aussi que le tsar en était un, de même que l’empereur de Chine, ainsi que l’impérialisme japonais.

Vous voyez bien, tous ont été renversés. L’impérialisme américain ne s’est pas encore effondré et il a, de plus, la bombe atomique ; mais, à mon avis, il tombera lui aussi, il est également un tigre en papier.

Tchiang Kaï-chek était très puissant ; il avait plus de 4 millions de troupes régulières.
Nous étions alors à Yenan. Quelle était la population de Yenan ?

7.000 habitants. Combien de troupes avions-nous ? Nous avions 900.000 partisans, tous divisés par Tchiang Kaï-chek en plusieurs dizaines clé bases. Mais nous disions que Tchiang Kaï-chek n’était qu’un tigre en papier et que nous le vaincrions sans aucun doute.

Pour combattre l’ennemi, nous avons formé, au cours d’une longue période, ce concept, à savoir que, du point de vue stratégique, nous devons mépriser tous les ennemis, et, du point de vue tactique, en tenir pleinement compte.

En d’autres termes, nous devons mépriser l’ennemi dans son ensemble, mais en tenir sérieusement compte en ce qui concerne chaque question concrète, si nous ne méprisons pas l’ennemi dans son ensemble, nous tomberons dans l’opportunisme.

Marx et Engels n’étaient que deux, mais ils affirmaient déjà que le capitalisme serait renversé dans le monde entier.

Mais sur les questions concrètes et sur les questions se rapportant à chaque ennemi particulier, si nous ne tenons pas suffisamment compte de l’ennemi, nous tomberons dans l’aventurisme.

Dans la guerre, les batailles ne peuvent être livrées qu’une à une et les forces ennemies ne peuvent être anéanties qu’unité par unité.

Les usines ne peuvent être bâties qu’une par une. Un paysan ne peut labourer la terre que parcelle par parcelle. Il en est de même pour les repas.

Stratégiquement, prendre un repas ne nous fait pas peur : nous pourrons en venir à bout. Mais nous mangeons bouchée par bouchée. Il nous serait impossible d’avaler le repas entier d’un seul coup.

C’est ce qu’on appelle la solution un par un. Et en langage militaire, cela s’appelle écraser l’ennemi unité par unité.

Partie III

Le 18 novembre 1957, dans son intervention à la Conférence des Représentants des Partis communistes et ouvriers des Pays socialistes tenue à Moscou, le camarade Mao Tsé-toung fait une analyse de la situation internationale de l’époque et montre que les forces socialistes ont dépassé les forces impérialistes et que le vent d’est l’emporte sur le vent d’ouest.

Il déclare :

J’estime que la situation internationale est arrivée à un nouveau tournant. Il y a maintenant deux vents dans le monde : le vent d’est et le vent d’ouest.

Selon un dicton chinois, « ou bien le vent d’est l’emporte sur le vent d’ouest, ou c’est le vent d’ouest qui l’emporte sur le vent d’est ».

A mon avis, la caractéristique de la situation actuelle est que le vent d’est l’emporte sur le vent d’ouest, ce qui signifie que les forces socialistes ont acquis une supériorité écrasante sur les forces de l’impérialisme.

S’adressant aux étudiants chinois poursuivant leurs études en Union soviétique, la veille du jour où il fit son intervention susmentionnée, donc le 17 novembre, le camarade Mao Tsé-toung dit :

La direction du vent dans le monde a changé. Dans la lutte entre le camp socialiste et le camp capitaliste, ou bien le vent d’ouest l’emporte sur le vent d’est ou c’est le vent d’est qui l’emporte sur le vent d’ouest.

La population mondiale atteint maintenant le chiffre de 2.700 millions, les différents pays socialistes totalisent une population de près de 1 .000 millions d’habitants, celle des anciens pays coloniaux qui ont conquis leur indépendance dépasse 700 millions, et les pays qui luttent actuellement pour l’indépendance ou pour l’indépendance complète, ainsi que les pays capitalistes à tendance neutre comptent 600 millions d’habitants.

La population du camp impérialiste n’est donc que d’environ 400 millions d’hommes, lesquels, en outre, sont divisés intérieurement. Une « secousse sismique » peut se produire par là. A présent, ce n’est pas le vent d’ouest qui l’emporte sur le vent d’est, mais c’est le vent d’est qui l’emporte sur le vent d’ouest.

Le 6 novembre 1957, dans son intervention au Soviet suprême de !’U.R.S.S., à l’occasion de la célébration du 40e anniversaire de la Révolution d’Octobre, le camarade Mao Tsé-toung déclare :

Les impérialistes cherchent le salut dans les répressions à l’égard des peuples de leurs pays, des peuples des colonies et des semi-colonies ; ils fondent par surcroît leurs espoirs sur la guerre.

Mais que peuvent-ils en attendre ?

Au cours du dernier demi-siècle, nous avons connu deux guerres mondiales. Après la première, la Grande Révolution socialiste d’Octobre a éclaté en Russie.

Après la deuxième, des révolutions nombreuses ont éclaté en Europe orientale et en Orient.

Si ces messieurs les impérialistes se décident à déchaîner une troisième guerre mondiale, ils n’obtiendront rien d’autre que l’accélération de la débâcle complète du système capitaliste dans le monde entier.

Le 27 février 1957, le camarade Mao Tsé-toung prononça son discours De la juste solution des contradictions au sein du peuple à la onzième session (élargie) de la Conférence suprême d’Etat.

Dans la section 10 de son discours, sous le titre « Une chose mauvaise peut-elle se transformer en une bonne ?  » il dit :

Actuellement, dans tous les pays du monde, on discute de l’éventualité d’une troisième guerre mondiale.

Nous devons être préparés psychologiquement à cette éventualité et l’envisager d’une manière analytique.

Nous sommes résolument pour la paix et contre la guerre.

Mais si les impérialistes s’entêtent à déclencher une nouvelle guerre, nous ne devons pas en avoir peur.

Notre attitude devant cette question est la même que devant tous les désordres : primo, nous sommes contre, et secundo, nous n’en avons pas peur.

La Première guerre mondiale a été suivie par la naissance de l’Union soviétique avec une population de 200 millions d’habitants.

La Seconde guerre mondiale a été suivie de la formation du camp socialiste qui englobe une population de 900 millions d’âmes.

Il est certain que si les impérialistes s’obstinent à déclencher une troisième guerre mondiale, des centaines de millions d’hommes passeront du côté du socialisme et seul un territoire peu étendu demeurera aux mains des impérialistes ; il est même possible que le système impérialiste s’effondre complètement.

Dans des conditions déterminées, chacun des deux aspects opposés d’une contradiction se transforme immanquablement en son contraire par suite de la lutte entre eux.

Ici, les conditions sont importantes.

Sans des conditions déterminées, aucun des deux aspects en lutte ne peut se transformer en son contraire.

De toutes les classes dans le monde, c’est le prolétariat qui désire le plus changer de situation, et ensuite, c’est le semi-prolétariat ; car le premier ne possède absolument rien et le second ne possède que peu de choses.

La situation qui existe aujourd’hui, où les Etats-Unis détiennent la majorité à l’O.N.U. et contrôlent de nombreuses régions du monde, est seulement temporaire. Un jour viendra nécessairement où elle changera.

La situation de la Chine en tant que pays pauvre, auquel les droits sont déniés sur l’arène internationale, changera également : le pays pauvre deviendra un pays riche, l’absence de droits deviendra la plénitude des droits, c’est-à-dire qu’il se produira une conversion des choses en leur contraire.

Ici, les conditions qui jouent un rôle décisif sont le régime socialiste et les efforts conjugués d’un peuple uni.

Le 28 juin 1950, lorsque l’impérialisme américain entreprit ouvertement une guerre d’agression contre la Corée et envahit notre territoire de Taïwan, le camarade Mao Tsé-toung fit la déclaration suivante à la huitième réunion du Conseil du Gouvernement populaire central :

Le peuple chinois a proclamé de longue date que les affaires des différents pays du monde devraient être dirigées par les peuples de ces pays, et que les affaires d’Asie devraient être dirigées par les peuples d’Asie et non pas par les Etats-Unis.

L’agression des Etats-Unis en Asie ne fera que soulever une large et ferme résistance des peuples d’Asie. Le 5 janvier de cette année, Truman a déclaré que les Etats-Unis n’interviendraient pas à Taïwan.

Maintenant, il a prouvé que sa propre déclaration était mensongère, et il a mis en pièces tous les accords internationaux concernant la non-ingérence des Etats-Unis dans les affaires intérieures de la Chine.

Les Etats-Unis ont ainsi mis à nu leur visage d’impérialistes, ce qui est très profitable au peuple chinois et aux peuples d’Asie.

Il n’y a aucune raison pour que les Etats-Unis interviennent dans les affaires intérieures de la Corée, des Philippines, du Viêt-Nam et d’autres pays.

La sympathie de tout le peuple de Chine et des larges masses des peuples du monde entier ira aux victimes de l’agression, et sûrement pas à l’impérialisme américain.

Le peuple ne se laissera ni acheter ni intimider par l’impérialisme.

L’impérialisme est fort en apparence mais faible intérieurement, parce qu’il n’est pas soutenu par le peuple.

Peuples de Chine et du monde, unissez-vous et préparez-vous à fond pour faire échouer toute provocation de l’impérialisme américain !

Le 14 février 1955, à une réception donnée par l’Ambassade soviétique en Chine pour célébrer le Ve anniversaire de la signature du Traité sino-soviétique d’Amitié, d’Alliance et d’Assistance mutuelle, le camarade Mao Tsé-toung déclara :

Avec la coopération entre nos deux grands pays, l’Union soviétique et la Chine, je suis convaincu que les plans d’agression de l’impérialisme seront réduits à néant.

Nous pouvons tous nous rendre compte qu’avec la grande coopération entre la Chine et l’Union soviétique, il n’y a aucun des plans d’agression de l’impérialisme qui ne puisse être déjoué. Ils seront certainement tous complètement anéantis.

Que les impérialistes déclenchent une guerre d’agression, nous et les peuples du monde entier, nous les balaierons certainement de la surface du globe !

Le 8 septembre 1958, prenant la parole à la Conférence suprême d’Etat, le camarade Mao Tsé-toung dit :

La situation actuelle est favorable aux peuples du monde entier en lutte pour la paix.

La tendance générale est marquée par le fait que le vent d’est l’emporte sur le vent d’ouest.

L’impérialisme américain occupe notre territoire de Taïwan depuis neuf ans, et tout récemment encore, il a envoyé ses forces armées occuper le Liban.

Les Etats-Unis ont établi des centaines de bases militaires réparties dans de nombreux pays, à travers le monde entier.

Cependant, le territoire chinois de Taïwan, le Liban ainsi que toutes les bases militaires américaines à l’étranger sont autant de cordes de potence passées au cou de l’impérialisme américain.

Ce sont les Américains eux-mêmes, et personne d’autre, qui fabriquent ces cordes et se les mettent au cou, donnant l’autre bout de la corde au peuple chinois, aux peuples arabes et à tous les peuples du monde épris de paix et en lutte contre l’agression.

Plus les agresseurs américains s’attarderont en ces lieux, plus se resserreront les cordes qui leur étreignent la gorge.

L’impérialisme américain crée la tension partout dans le monde, en vue d’imposer aux peuples son agression et son joug asservissant.

Les impérialistes américains se figurent que la situation de tension leur est toujours avantageuse, mais en réalité, cette situation qu’ils ont créée est allée à rencontre de leur désir : elle a eu pour effet de mobiliser les peuples du monde entier contre les agresseurs américains.

Si les groupes de capitalistes monopoleurs américains persistent dans leur politique d’agression et de guerre, le jour viendra inévitablement où ils seront pendus par tous les peuples du monde. Le même sort attend les complices des Etats-Unis.

Le 29 septembre 1958, le camarade Mao Tsé-toung rentra à Pékin après une tournée d’inspection dans plusieurs provinces de la vallée du Yangtsé.

Dans une interview accordée à un correspondant de l’Agence Hsinhua, il déclare :

Les impérialistes n’en ont plus pour longtemps, car ils commettent tous les méfaits possibles.

Ils se font une spécialité de soutenir les réactionnaires hostiles au peuple dans les différents pays.

Ils occupent beaucoup de colonies, semi-colonies et bases militaires. Ils menacent la paix d’une guerre atomique.

Ce qui fait que plus de 90 pour cent de la population du monde se dressent ou vont se dresser en masse contre eux.

Les impérialistes sont encore vivants ; ils continuent à faire régner l’arbitraire en Asie, en Afrique et en Amérique latine.

En Occident, ils oppriment encore les masses populaires de leurs pays respectifs.

Cette situation doit changer.

Il appartient aux peuples du monde entier de mettre fin à l’agression et à l’oppression de l’impérialisme, et principalement de l’impérialisme américain.


[1] Chef du groupe pro-japonais au sein du Kuomintang et traître à la nation. Il passa ouvertement aux envahisseurs japonais en décembre 1938, alors qu’il était vice-président du Kuomintang et président du Conseil politique national.

En mars 1940, il devint président du gouvernement central fantoche à Nankin. Il mourut au Japon en novembre 1944.

[2] Renégat de la révolution chinoise. Dans sa jeunesse, spéculant sur la révolution, il adhéra au Parti communiste chinois.

Il commit dans le Parti un nombre considérable d’erreurs qui dégénérèrent en véritables crimes. Le plus connu fut celui de 1935, lorsque, s’opposant à la marche de l’Armée rouge vers le nord, il préconisa par esprit défaitiste et liquidationniste la retraite de l’Armée rouge vers les régions peuplées de minorités nationales, situées à la limite du Setchouan et du Sikang (province supprimée en 1955 et incorporée dans le Setchouan et la Région autonome du Tibet) ; en outre, il se livra ouvertement à une activité de trahison contre le Parti et son Comité central, forma un pseudo-Comité central et sapa l’unité du Parti et de l’Armée rouge, faisant subir de lourdes pertes au IVe Front.

Cependant, grâce au patient travail d’éducation accompli par le camarade Mao Tsé-toung et le Comité central du Parti, l’Armée rouge du IVe Front et ses nombreux cadres revinrent rapidement se mettre sous la juste direction du Comité central et jouèrent un rôle honorable dans les luttes ultérieures. Quant à Tchang Kouo-tao, il resta incorrigible : au printemps de 1938, il s’enfuit seul de la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia et devint un agent des services secrets du Kuomintang.

[3] Chef de la clique des seigneurs de guerre du Peiyang dans les dernières années du règne de la dynastie des Tsing. Après que celle-ci eut été renversée en 1911, il s’appuya sur les forces armées de la contre-révolution, tabla sur le soutien de l’impérialisme et utilisa la tendance au compromis de la bourgeoisie – qui dirigeait alors la révolution – pour s’emparer de la présidence de la République et constituer le premier gouvernement des seigneurs de guerre du Peiyang, gouvernement représentant les intérêts des grands propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie compradore.

Comme il aspirait à devenir empereur, il accéda en 1915, afin de s’assurer le soutien de l’impérialisme japonais, aux vingt et une demandes par lesquelles le Japon visait à exercer un contrôle exclusif sur la Chine. En décembre 1915 éclata dans le Yunnan un soulèvement dirigé contre Yuan Che-kai qui s’était fait proclamer empereur. Ce soulèvement trouva de nombreux échos dans tout le pays. Yuan Che-kai mourut à Pékin en juin 1916.

=>Retour au dossier sur La Chine populaire
contre l’hégémonie des superpuissances

Être à la hauteur de notre époque

La crise du Covid-19 ouvre une nouvelle époque, parce qu’elle porte en elle tout un faisceau de contradictions historiques. L’humanité ne peut plus vivre comme avant, elle fait face à un défi qui est celui de trouver sa place dans la Biosphère. Elle ne peut plus simplement continuer à porter le mode de production capitaliste, qui mène très clairement à la destruction dans tous les domaines. Il faut une rupture.

On peut se douter que celle-ci n’est pas évidente. Elle implique une grande détermination face à la corruption capitaliste, une capacité à se tourner vers l’avenir, un sens de l’implication pour faire tourner les choses dans le bon sens. Sans un niveau idéologique suffisant, sans une lecture culturelle adéquate, on ne parvient pas à décrocher, à porter cette rupture, on est rattrapé par la vieille époque et ses valeurs.

Avec la crise du Covid-19, il s’est d’ailleurs déroulé un double phénomène. Il y a eu en effet d’un côté un effet de surprise, de peur, d’angoisse, face à un événement semblant incompréhensible eu égard à la prétention capitaliste de proposer un monde stable. Ce qui se déroule semble alors incompréhensible, calamiteux, une catastrophe et il y a une fuite en avant dans des raisonnements social-darwinistes, comme quoi les faibles doivent périr.

Cependant, de l’autre côté, il y a eu et il y a un sentiment de compréhension que toute une période s’était terminée. Avec le confinement, la fermeture des frontières, l’arrêt partiel des activités, la cessation du triomphalisme capitaliste… tout cela a dialectiquement également été une bouffée d’air frais. Cela a été enfin la preuve que le capitalisme ne pouvait pas se perpétuer sans connaître de blocages, qu’il n’est pas en mesure d’engloutir la vie privée et toute la société, et même la planète, sans que rien ne l’arrête. Le capitalisme apparaît comme dépassé.

Ce qui se pose comme alternative, c’est le socialisme ou la barbarie. Soit il y a une prise de conscience, un dépassement des vieilles valeurs et l’affirmation du communisme – que ce soit au niveau de la société ou dans le rapport à la nature. Soit il y a un repli national, identitaire, une fuite dans l’esprit de concurrence, la compétition, avec une acceptation du désastre et la tentative d’en profiter pour dominer les autres.

Soit la démocratie populaire, avec les masses laborieuses décidant des orientations de la société sur une base de partage, de coopération, de compassion, de refus des hiérarchies, d’unification des forces sociales et productives, soit le militarisme et la quête d’un sauveur national, menant au fascisme et la guerre impérialiste.

Soit la bourgeoisie est mise de côté politiquement, son État démantelé, son appareil d’État liquidé, avec le pouvoir populaire autour de la classe ouvrière, soit la haute bourgeoisie prend les commandes de l’État et pousse le capitalisme à participer à la bataille impérialiste pour le repartage du monde, en mobilisant de manière nationaliste et militariste.

Cette alternative ne se pose pas formellement. Il faudra du temps avant qu’elle se pose à tous les niveaux de la société. Du côté de la démocratie populaire, on ne sort pas du capitalisme facilement, que cela soit sur le plan des mentalités ou de l’établissement de nouvelles formes productives. Il y a beaucoup d’obstacles, comme l’aristocratie ouvrière, couche sociale achetée par les capitalistes, ou encore les influences néfastes d’une petite-bourgeoisie cherchant à abuser des masses pour négocier avec la bourgeoisie.

Du côté de la Réaction, il est difficile de faire passer le pays du libéralisme politique, du relativisme idéologique, de l’individualisme généralisé… aux mêmes valeurs, mais imbriquées dans un projet « collectif » agressif exigeant une participation à « l’effort national ». Le capitalisme dans sa forme libérale et le capitalisme dans sa forme fasciste sont à la fois la même chose et pas la même chose ; le passage de l’un à l’autre ne va pas sans heurt.

Il va de soi que ce qui est déterminant ici, ce sera la crise générale du capitalisme et plus précisément les formes qu’elle va prendre. On peut ainsi déjà voir que la dimension économique de la crise est terriblement profonde, qu’elle désarçonne de par son expression, qu’elle frappe pratiquement par surprise tel ou tel secteur. Le chômage, la précarité, la brutalité dans la vie quotidienne, l’angoisse pour le maintien de son existence sociale… tout cela peut être le terreau du fascisme, alors que la bourgeoisie cherche forcément une sortie par la rationalisation capitaliste et la guerre impérialiste.

Inversement, le caractère prolongé de la situation contribue à la réflexion, à la prise de conscience. Et on peut même voir, de manière relative, que les gens qui avaient tourné le dos aux valeurs du mode de vie dominant, qui ne faisaient pas confiance aux prétentions capitalistes, qui cherchaient un mode de vie alternatif… se sont subitement retrouvés comme ayant une certaine valeur, au lieu d’apparaître comme de simples marginaux comme auparavant.

Évidemment, il s’agit le plus souvent de démarches élémentaires, de repli, alors qu’il ne s’agit pas seulement de s’apercevoir que le rythme imposé par le capitalisme est insupportable. Si l’on s’arrête à cela, on ne voit pas que le capitalisme a fait son temps et qu’il ne s’agit pas de ralentir l’histoire, l’activité humaine en général, mais bien au contraire de l’accélérer. Il ne s’agit pas de faire triompher une démarche hippie pour « calmer », « encadrer » ou faire « reculer » le capitalisme, mais bien d’avoir une humanité active, protagoniste de choix nouveaux, permettant un nouveau développement. Il faut être à la hauteur de son époque.

Néanmoins, on peut ainsi déjà lire des comportements, des attitudes, des positionnements qui passent dans l’universel, la dimension planétaire, en opposition avec les valeurs cyniques, individualistes, nihilistes du capitalisme. Le dénominateur commun de tout c’est qu’il est considéré qu’on « ne peut plus faire comme avant ». Le refus du nucléaire ou de la chasse, l’exigence d’un haut niveau dans la santé, la détestation du gaspillage ou des divisions religieuses, l’affirmation du partage des biens culturels, que ce soit pour la musique, les films ou les images en général… De tels phénomènes rentrent, qu’ils en aient conscience ou pas, de manière tendancielle en conflit avec les exigences du 24 heures sur 24 du capitalisme.

Cela ne veut pas dire que les gens aient saisi toute l’ampleur du désastre, ni que la démarche ne soit pas récupérable en soi avec une modernisation du capitalisme. Ce qu’il y a ici, c’est une profonde contradiction entre d’un côté la bataille pour l’existence, avec la nécessité de travailler afin de pouvoir disposer d’un salaire pour vivre, de s’intégrer socialement, avec également l’aliénation faisant qu’on apprécie ce que propose le capitalisme… et de l’autre, de manière pas nécessairement comprise, un besoin culturel, matériel, psychologique de souffler, de temporiser, d’arrêter de sans cesse courir en suivant les desiderata du capitalisme, de s’épanouir en faisant les choses différemment, de manière meilleure. Dans quelle mesure cette contradiction sera positive, sous quelle forme, telle est la véritable question de fond.

En tout cas, il est possible de dire que les gens qui ont saisi avec satisfaction cette cassure, ce moment de pause dans la machinerie capitaliste, représentent la pointe de la conscience émergente qu’il faut en terminer avec tout cela, qu’il faut tout changer, que rien ne va plus. On est bien entendu encore loin de passer à l’affirmation qu’il faut détruire ce qui nous détruit, néanmoins un processus s’est enclenché.

Concrètement, on peut dire qu’il en est désormais terminé du grand élan capitaliste fondé sur l’effondrement du social-impérialisme soviétique et l’intégration de la Chine social-fasciste dans la division internationale du travail. Ce qui se brise, c’est le consensus capitaliste qui s’est maintenu entre 1989 et 2020, fondé sur une élévation relative du niveau de vie à l’échelle mondiale, l’absence de guerres majeures à travers le monde, une modernisation technologique et un meilleur accès à la santé.

Cette période entre 1989 et 2020 a été une traversée du désert au point de vue de la proposition stratégique communiste, cela a été extrêmement difficile à vivre pour les avant-gardes révolutionnaires de par le monde. La thèse selon laquelle le capitalisme va à la guerre semblait périmée ; le capitalisme élargissait la consommation de masses et semblait rendre caduque l’affirmation que l’exploitation conduisait à l’appauvrissement. Le mode de vie des masses changeait, que ce soit avec les ordinateurs, internet, les téléphones portables, le renforcement du cinéma et de la télévision dans la vie quotidienne. Une vaste petite-bourgeoisie se renforçait dans les pays impérialistes, développant des activités culturelles semblant épanouissantes ou du moins divertissantes.

Le terrain conquis avec tant de difficultés dans les années 1960-1970, lieu des engagements dans les années 1980, s’est littéralement évaporé en 1989. L’effondrement du social-impérialisme soviétique a permis aux pays impérialistes occidentaux de s’approprier de nouveaux marchés, et par l’intégration de la Chine social-fasciste, la production et la consommation capitalistes ont connu un grand élargissement.

Dans un tel contexte, la reconstitution des avant-gardes a été un combat difficile, exigeant de la patience et de la ténacité. En France, le PCF(MLM) se fonde sur un processus né dans les années 1990, avec l’affirmation du maoïsme au tout début des années 2000, pour une grande opération de reconstruction idéologique des principes fondamentaux. En Belgique, pays connaissant pareillement une grande tradition révolutionnaire, le processus d’agrégation des forces assumant la rupture avec le capitalisme a abouti en 2010 à la formation du Centre MLM.

Mais il ne s’agit pas que d’une récupération du patrimoine communiste. Il s’agit également d’un approfondissement, pour être à la hauteur des enjeux de l’époque. La question animale, notamment, se pose avec toute son acuité. On trouve à l’arrière-plan la contradiction entre villes et campagnes, avec la place de l’humanité dans la biosphère comme toile de fond d’une bataille pour l’orientation future qui doit être prise.

Nous ne comprenons pas les gens qui disent qu’ils veulent la révolution, mais qui n’ont aucun point de vue concret, pratique, sur toutes les questions brûlantes de notre époque et dont le discours pourrait se situer en 1980, en 1960, en 1930, voire même en 1900. S’imaginer qu’on peut mener une politique révolutionnaire en étant totalement dépassé culturellement est simplement une aberration strictement équivalente aux fascinations petites-bourgeoises pour tout ce qui apparaît comme nouveau phénomène culturel ou social.

Il faut être ancré dans son époque, dans sa société. La révolution n’est pas un processus cosmopolite. Ce qu’on appelle guerre populaire n’est pas un concept technique, mais une réalité populaire, avec le peuple composé de gens concrets, existant avec leur sensibilité dans une réalité matérielle bien définie. Il faut à la fois être en phase avec le peuple et avant-garde tourné vers le dépassement de la réalité, là est la contradiction productive définissant les communistes.

C’est d’autant plus vrai à une époque de crise et qui dit crise dit révolution. Ce qui se termine, c’est une époque où les révolutionnaires étaient marginalisés ou corrompus en raison de l’élan capitaliste. Cette époque était celle d’une neutralisation relative des antagonismes. On peut même dire que, depuis les années 1950, les pays capitalistes ont d’ailleurs connu une telle neutralisation, la vague révolutionnaire s’exprimant principalement en Afrique, en Amérique latine, en Asie. Les gens des pays capitalistes ont été écrasés par le capitalisme et ses valeurs, ils ont été intégrés dans sa démarche, adoptant le mode de vie qu’il a exigé. On en arrive désormais au point de rupture.

Une vie authentique n’est possible que dans le combat pour la libération et auparavant, c’est de manière isolée socialement qu’émergeait une telle démarche, que ce soit dans les « gauchistes » français autour de mai 1968, dans des initiatives ouvrières violentes italiennes des années 1970, dans les squats de Berlin des années 1980. Il y avait une coupure complète entre des avant-gardes prisonnières de leur style alternatif et des larges masses entièrement coupées de leur démarche et même inaccessible de par leur dédain pour ce qui n’était pas le mode de vie capitaliste traditionnel. La situation a changé avec l’ouverture de la crise ; le décrochage antagonique avec le 24 heures sur 24 du capitalisme reprend son sens !

Le projet de recomposer le tissu prolétarien par le mouvement démocratique des masses déchirant violemment l’hégémonie capitaliste à tous les niveaux peut reprendre son cours naturel. Le besoin de communisme peut s’exprimer de nouveau, secteurs par secteurs dans les masses populaires, en se posant comme hypothèse stratégique s’adressant de manière la plus large possible.

C’est un processus dont ne nous sommes qu’au début. Mais notre fierté est de l’avoir préparé, d’être en première ligne dans ce début. Et nous avons confiance dans la victoire de ce processus de dépassement de la crise générale du capitalisme, par la victoire des masses populaires pays par pays dans un processus prolongé et l’instauration, comme réalisation finale de la république socialiste mondiale.

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

Septembre 2020

>> Retour à la page des documents du PCF (mlm)

La Turquie, maillon faible de la chaîne des pays dépendants

Si l’on prend les 500 entreprises mondiales les plus importantes, on trouve pour la Turquie, à la 420e place la Koç Holding, qui regroupe 113 entreprises dont des institutions de crédit, une raffinerie de pétrole, des usines de tracteurs, des usines de carrosseries d’autobus, des entreprises touristiques, la production d’électro-ménager notamment avec Beko, etc. On trouve également, de manière importante bien que moins puissante, la Sabancı Holding (avec notamment l’un des leaders du textile Kordsa Teknik Tekstil), la OYAK Holding, ainsi que trois monopoles étatiques : Turkish Airlines, la Halkbank et la Vakıfbank.

Dans tous les cas, on est très loin d’une exportation de capital de type impérialiste, dans un pays où le quart des femmes se marient avant 18 ans. D’ailleurs, pour une partie significative de leurs activités, toutes ces principales entreprises turques sont en étroit partenariat avec des entreprises de pays impérialistes (Toyota, Citibank, Philip Morris, Carrefour, DuPont, etc.).

La Turquie est en fait un pays dépendant très actif. Cela se lit dans les chiffres suivants. Ses investissements directs à l’étranger étaient de 27 millions de dollars en 1991, d’un milliard de dollars en 2005, de 4,7 milliards de dollars en 2015. En apparence, c’est très impressionnant. Cependant, en réalité, en 2015, cela ne formait pour autant que 0,32 % des investissements directs à l’étranger dans le monde, contre 0,01 % en 1991. Cela reste profondément marginal. La Turquie a profité de l’élan capitaliste après 1989, mais n’a pas changé de base. D’ailleurs, en 2015, la Turquie a connu une pénétration du capital étranger de 16,5 milliards de dollars, soit bien plus que ses propres interventions capitalistes hors de son territoire.

L’agressivité expansionniste du militarisme turc

Pourtant, malgré cette faiblesse très claire du point de vue économique, la Turquie est particulièrement agressive. Elle est active avec l’Azerbaïdjan contre l’Arménie, elle a occupé une partie de Chypre en 1974, elle fait du Kurdistan irakien un satellite, elle intervient en Libye, elle a soutenu activement l’État islamique afin de profiter de pénétrer militairement en Syrie et elle a décidé, au nom de forages pétroliers en mer, d’assumer une position frontale avec la France et la Grèce.

Signe de cette tendance, la Turquie produit 70 % de son armement et le but, à l’horizon 2023, c’est de parvenir à ce que ce soit à hauteur de 100 %. On voit mal comment c’est possible technologiquement, comme le prouve l’achat à la Russie, au grand dam de l’impérialisme américain, du système de défense anti-aérienne et anti-missile S 400, extrêmement avancé.

La question de savoir d’où provient une telle agressivité est d’une grande importance. Il existe de très nombreuses organisations révolutionnaires en Turquie depuis les années 1970 et elles s’écharpent précisément sur cette question. Certaines voient la Turquie exprimer une agressivité propre au capitalisme, d’autres y voient l’activité d’un satellite américain, d’une néo-colonie. Certaines parlent de semi-capitalisme, d’autres de capitalisme avec des restes féodaux dans la superstructure ou encore de capitalisme bureaucratique.

La matrice de la Turquie : la crise générale du capitalisme

Ce n’est nullement un hasard que la Turquie devienne particulièrement agressive dans le cadre de la seconde crise générale du capitalisme. Ce pays est né de la première crise générale du capitalisme. C’en est même une composante.

Depuis la fondation de la République de Turquie par Mustafa Kemal en 1923, ce pays connaît d’innombrables soubresauts politiques, économiques, militaires, idéologiques, au point qu’en fait il aura été en crise permanente pendant pas moins d’un siècle. La moitié de son existence, au moins une partie du territoire aura été sous le régime de l’état d’urgence !

Il faut saisir que le pays est né sur les ruines de l’empire ottoman, ce qui a généré l’expulsion de plus d’un million de Grecs de son territoire, à quoi il faut ajouter à l’arrière-plan le génocide arménien de 1915 à 1923. La Turquie a réussi à sa fondation à expulser de son territoire les armées étrangères visant à une occupation permanente, mais est passée sous emprise allemande, puis sous emprise britannique, enfin sous emprise américaine. Il y a eu une instabilité permanente, avec des coups d’État militaires en 1960, 1971 et en 1980. Il y a de plus une importante minorité nationale kurde, qui a été inlassablement réprimée militairement pendant un siècle, alors que le pays a également d’importantes autres minorités, tels les Lazes, les Tcherkesses, les Arabes, les Zazas, de nombreux peuples caucasiens, etc.

Le régime turc, traversé par la violence

La Turquie est ainsi un pays d’une immense culture, mais également d’une immense complexité. Il existe de très nombreuses minorités, le pays a été formé par en haut ; il est à la fois un mélange de peuples et de nations et en même temps il forme une véritable bloc unifié. L’État central est quant à lui, depuis sa naissance, ultra-paranoïaque. Lors de l’effondrement de l’empire ottoman, les pays impérialistes voulaient en effet dépecer la partie turque de celui-ci et ont envoyé des troupes d’occupation. Une partie devait passer sous domination britannique, une autre sous domination française, des zones grecque et arménienne être mises en place et Istanbul former un petit État.

Ce scénario de cauchemar du point de vue turc est une clef de ce dispositif ultra-militariste turc, profitant d’un énorme écho populaire au nom de la « défense » des intérêts nationaux, mais en réalité au service de grands propriétaires terriens alliés à une haute bourgeoisie liée aux pays impérialistes et servant d’intermédiaires. Dans un tel cadre, l’armée joue un rôle omniprésent et les interventions clandestines de sa part – par des « disparitions », des meurtres, la contre-guérilla – ont été innombrables.

Cela fait de ce pays l’un des principaux maillons faibles de la chaîne des pays dépendants. Le pays est né sur le tas, dans le cadre de la première crise générale du capitalisme. Il a été relativement « gelé » avec l’affrontement des superpuissances américaine et soviétique. Mais une fois le cadre général remis en cause par la seconde crise générale du capitalisme, il repart en roue libre.

Le kémalisme

Le kémalisme naît comme réponse bourgeoise nationale à la tentative de partage impérialiste du pays. C’est ce qui explique son nationalisme ultra, son insistance sur la primauté absolue de l’État central et sur les nécessités de moderniser le pays. Les premiers succès militaires de Mustafa Kemal et le développement de la première crise générale du capitalisme aboutirent à un compromis et le kémalisme instaura un régime avec la reconnaissance des impérialistes, en échange d’une importante pénétration de ceux-ci dans le pays.

La Turquie est alors un pays comme bloqué. La bourgeoisie a commencé sa guerre d’indépendance mais s’est vendue dès le départ, en alliance avec les grands propriétaires terriens afin d’asseoir le nouveau régime. La bourgeoisie nationale authentique, arrivée trop tard historiquement (et en partie non-turque et notamment arménienne), s’est effacée devant une bourgeoisie « turquifiée » vendue à l’impérialisme .

Tout au long des années 1920, la Turquie connaît alors un terrible déficit commercial, alors que le capital des pays impérialistes s’approprie des entreprises ferroviaires, des mines, des industries, des commerces, des banques. En 1924, l’Allemagne possédait déjà 2352 des 4086 km de voies ferrées ; en 1937, 42 % des exportations et 36,5 % des importations sont avec l’Allemagne. La Turquie soutiendra d’ailleurs indirectement l’Allemagne nazie, maintenant ses échanges économiques massifs jusqu’à la toute fin de la guerre.

Cela se situait dans le prolongement d’une pression toujours plus grande sur les masses. De très nombreuses grèves avaient été réprimées dans le sang par le régime, alors qu’en janvier 1921 avait déjà été liquidée physiquement la direction du Parti Communiste de Turquie.

À partir de 1931 la police avait toute latitude pour les arrestations ; en 1934 le parlement donne à Mustafa Kemal le nom d’Atatürk, « le père des Turcs ». En 1936 furent supprimés les jours fériés et l’interdiction du travail des enfants, avec même une loi sur le travail repris de l’Italie fasciste ; en 1931 la presse fut contrôlée et en 1939 toute organisation chapeautée par l’État ; en 1943 les produits agraires furent taxés de 12 %, frappant durement les petits paysans, etc.

Le changement de tutelle après 1945

Le CHP, Parti républicain du peuple, qui avait été pro-Allemagne nazie, perdit la main après la seconde guerre mondiale au profit du DP, le parti démocratique, qui était pro-américain. La Turquie « bénéficia » du plan Marshall et d’un soutien militaire massif, les entreprises des pays capitalistes investirent en Turquie de manière approfondie, ce pays basculant dans l’OTAN en 1952 et en 1955 dans ce qui sera appelé le CENTO, faisant de ce pays une forteresse pro-impérialiste aux frontières avec l’URSS. C’est alors l’armée qui est passée aux commandes, commençant à mettre en place un complexe militaro-industriel.

C’est ainsi elle qui renverse le gouvernement du DP en 1960, qui avait été incapable de stabiliser le régime malgré sa démagogie pro-religieuse et nationaliste, aboutissant notamment à l’émeute d’Istanbul de 1955 contre la dernière communauté grecque, avec de nombreux morts et des dégâts très importants contre des bâtiments liés aux Grecs (4348 magasins, un millier de maisons, 110 hôtels, 27 pharmacies, 23 écoles, 21 usines, 73 églises, 2 monastères, une synagogue…). Cela provoqua l’exode de plus de 100 000 Grecs.

Le DP devenu AP (Parti de la justice) reprit le pouvoir quelques années après, accompagnant la transformation de la Turquie en une base productive pour les pays impérialistes, le déficit commercial de 1960 à 1972 étant d’entre 113 et 677 millions de dollars selon les années. La Turquie dépend alors très largement des États-Unis et de l’Allemagne de l’Ouest, puis de la France, du Japon, de la Grande-Bretagne, de la Suisse, de l’Italie, des Pays-Bas, de la Belgique.

Le social-impérialisme soviétique fut également toujours plus présent, fournissant entre 1966 et 1979 2,7 milliards de dollars de crédit, soit plus que les États-Unis entre 1930 et 1974. L’instabilité continua cependant au point que l’armée intervint de nouveau, pour un second coup d’État, en 1971.

Les années 1970 et la systématisation de l’ultra-violence

En 1970, le régime turc était à l’agonie. Le quart du budget du pays passait à l’armée, contre seulement 4,7 % pour le développement de l’agriculture où vivait 65 % des habitants en 1970, et 3,8 % pour la santé. En 1970, plus du tiers des habitants des villes habitaient dans des bidonvilles (les « gecekondus », bâtiment construits en une nuit) ; plus de la moitié de la population est analphabète. 55 % des enfants meurent avant d’atteindre 18 ans. L’émigration devint massive vers l’Allemagne de l’Ouest, mais aussi l’Autriche, la Suisse.

Dans ce contexte misérable, marqué par des révoltes alors que l’impérialisme s’installa toujours plus largement, que les grands propriétaires terriens écrasaient les paysans, l’armée bascula alors dans l’écrasement. Le coup d’État de 1971 ouvrit une séquence qui allait s’étendre jusqu’à la fin des années 1990, avec une systématisation de l’ultra-violence. Face à la crise ininterrompue, l’armée prit les commandes en tant que tel et généralisa les arrestations, les meurtres, la torture, les interventions violentes, légales comme clandestines, directes ou par l’intermédiaire de réseaux nationalistes mafieux. Ceux-ci agirent notamment de manière marquante avec leur massacre, en décembre 1978, dans la ville de Kahramanmaraş, d’un millier de militants de gauche, jusque leurs familles.

Le premier mai 1977 avait déjà été marqué par des tirs contre la foule, faisant des dizaines et des dizaines de tués, alors que manifestaient 600 000 personnes. Les services secrets, le MIT, développaient directement des stratégies avec l’impérialisme US, pour contrer la multitude d’organisations révolutionnaires issues des trois premières initiatives du début des années 1970, la THKO, le THKP/C, le TKP/M-TIKKO, qui développaient la lutte armée. Les affrontements se généralisaient, avec une dizaine de morts par jour, plus de 5 000 au total, dont plus de 2000 militants des organisations révolutionnaires.

Alors que l’économie était à deux doigts de l’effondrement, l’armée prit alors l’initiative de mener un nouveau coup d’État, en décembre 1980, arrêtant 650 000 personnes, plaçant 1,6 million de personnes sur des listes noires, etc.

Des années 1980 à l’affirmation expansionniste ouverte

L’armée géra directement le pays de 1980 à 1983 et les organisations révolutionnaires ne furent pas en mesure de se réorganiser avant 1987, atteignant ensuite un haut niveau de combativité durant les années 1990. Les organisations révolutionnaires qui eurent alors le plus de succès furent le DHKP/C (guévariste), le MLKP (hoxhaiste), ainsi que relativement le TKP(ML) et le TKP/ML (tous deux maoïstes). Elles se sont toutefois enlisées, alors qu’inversement le PKK connaissait un succès toujours plus grand dans les masses kurdes, atteignant une grande ampleur et réussissant clairement à soumettre les organisations révolutionnaires par rapport à son propre agenda, sauf le DHKP/C.

L’échec des organisations révolutionnaires à faire basculer les choses dans les années 1990 a comme pendant le succès de Recep Tayyip Erdoğan. Celui-ci a été élu maire d’Istanbul en 1994, premier ministre de 2003 à 2014, année où il est devenu président de la République. Sa domination politique correspond à tout un changement dans la réalité turque. Islamiste, Recep Tayyip Erdoğan prônait une réactivation de l’idéologie islamique-ottomane, et non plus simplement un républicanisme « turc ». Il était en phase avec une haute bourgeoisie cherchant l’expansion.

L’erreur des organisations révolutionnaires de Turquie a ainsi été très simple. Toutes ont considéré que la Turquie était entièrement soumise à l’impérialisme américain par l’intermédiaire de l’armée. Or, l’arrivée de Recep Tayyip Erdoğan au pouvoir correspond à l’arrivée d’une nouvelle faction au pouvoir. On en a la preuve avec le procès de centaines de personnes à la fin des années 2000, accusées de faire partie du réseau Ergenekon composé de militaires et de membres des services secrets. C’était là la décapitation de l’appareil d’État kémaliste. La réponse américaine fut notamment la tentative de coup d’État en 2016 par l’intermédiaire de la congrégation islamique Gülen, qui a échoué.

Mais le nouveau régime a réussi à se mettre en place. Il dépasse le nationalisme kémaliste né de la première crise générale du capitalisme pour y ajouter et placer comme aspect principal les visées néo-ottomanes.

La question du PKK et la Rojava

L’affirmation expansionniste de la Turquie ne pouvait concrètement pas être suivie par les Kurdes, ce qui explique que le PKK a été le seul mouvement capable de tenir face à la déferlante nationaliste-islamique, puisque les organisations révolutionnaires avaient fait l’erreur de croire qu’il y aurait un statu quo dans le suivisme des États-Unis.

Le PKK, Parti des Travailleurs du Kurdistan, est historiquement un mouvement très incohérent ; né sur une base communiste, il a néanmoins immédiatement cherché l’affrontement militaire, à la fin des années 1970, avec les organisations révolutionnaires de Turquie, et il a souvent été adepte du coup de force contre elles, jusqu’à aujourd’hui. Le PKK ne tolère aucune concurrence.

Inversement, il peut par moment exprimer un véritable internationalisme et une grande sympathie pour celles-ci, de par une convergence naturelle, notamment de sa base. De plus, le PKK exprime une bataille démocratique des masses kurdes et cela produit une abnégation par moments, un combat démocratique d’une grande profondeur. Il est également d’autant plus difficile d’appréhender le PKK de par le fait que les Kurdes sont historiquement divisés territorialement dans plusieurs pays (Turquie, Iran, Irak, Syrie).

En tout cas, afin de subsister politiquement et surtout militairement lors de l’existence de branches armées, toutes les organisations révolutionnaires de Turquie, à l’exception du DHKP/C, se sont alors mises littéralement à la remorque du PKK. Cela est vrai dès juin 1998 avec la Plate-forme des forces révolutionnaires unies (BDGP), regroupant le PKK, le TKP(ML), le MLKP, le TKP/ML, le TDP, le DHP, le TKP-Kıvılcım. Et cela prendra une ampleur encore plus grande lorsque dans la guerre civile syrienne, les forces kurdes établissant une zone indépendante, la Rojava, amenant en Turquie et au Rojava la mise en place du Mouvement révolutionnaire uni des peuples (HBDH), avec le PKK, le TKEP/L, le TKP/ML, le MKP, TIKB, le DKP, le MLKP, le THKP-C/MLSPB, le DK.

Est-ce là un choix adéquat contre la Turquie expansionniste ? En fait, à l’arrière-plan, il y a la question de savoir si la Turquie existe réellement et si la révolution se définit dans son cadre, ou bien si elle doit disparaître au profit d’un cadre régional de dimension proche-orientale. Il va de soi que le PKK pousse en ce dernier sens, de par son agenda national se définissant sur plusieurs pays, alors qu’inversement il y a une lecture considérant qu’un cadre national est toujours spécifique, à l’instar du DHKP/C et du TKP/ML (ce dernier s’étant retiré du HBDH précisément au sujet de cette question).

La fuite en avant panturquiste de la Turquie

Les organisations révolutionnaires furent ainsi dépassées par cette émergence d’une Turquie ouvertement agressive ; à leurs yeux, cela n’était pas concevable. Pourquoi les organisations révolutionnaires de Turquie ont-elles fait cette erreur ? En fait, elles n’ont pas vu que la Turquie partait en roue libre. En 1974, la Turquie avait déjà occupé une partie de Chypre, affirmant son expansionnisme qui ensuite, avec l’effondrement du social-impérialisme soviétique, s’est d’autant plus exprimé. Il existe en effet de très nombreux peuples dans le monde qui relèvent de l’histoire turque, avec son langage et sa culture : les Ouzbeks, les Ouïgours en Chine, les Azéris, les Kazaks, les Kirghizes, de nombreux peuples de Russie tels les Iakoutes ou les Tatars, les Turkmènes, etc.

Beaucoup de ces peuples vivaient en URSS et l’impérialisme américain a massivement appuyé le panturquisme afin de contribuer à déstabiliser son concurrent. La Turquie actuelle prolonge en fait, en roue libre, cette démarche, qui est un fanatisme culturalo-racialiste. Ainsi, une partie importante des gens d’origine turque en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en France, en Suisse… refuse toute assimilation, se définissant comme « Turcs », ne se mariant qu’entre Turcs, etc. Le panturquisme vise à l’union des Turcs et ce jusqu’en Chine et en Sibérie.

Il y avait là un espace pour que la haute bourgeoisie turque, disposant d’une armée massive issue de la guerre froide, ultra-agressive de par les fondements de la Turquie « moderne », se précipite dans une orientation expansionniste.

Ces ambitions démesurées ont littéralement porté une nouvelle vague politique en Turquie, dont

Recep Tayyip Erdoğan est l’expression directe. La dimension musulmane est toutefois également extrêmement importante ici, car le panturquisme, déjà largement présent dans le kémalisme, s’est couplé aux Frères musulmans, dont le Qatar et la Turquie sont les bastions.

La fuite en avant ottomane de la Turquie et le Qatar

Il n’y a pas d’Islam (sunnite) sans calife et c’est l’empire ottoman qui pendant plusieurs siècles a joué le rôle du califat. Son effondrement en 1918 a provoqué la naissance de l’islamisme comme mouvement visant à la reconstitution d’un califat. Lancé dans ses velléités expansionnistes, la Turquie a réactivé l’idéologie de l’empire ottoman, se proposant comme « protectrice » de l’Islam. Cela l’amène à avoir une influence très importante en Albanie et en Bosnie-Herzégovine.

Cette ligne islamique néo-ottomane est évidemment en conflit avec les prétentions de l’Arabie saoudite à se proposer comme modèle et gardienne de la Mecque. Les « wahabites » saoudiens sont ainsi en conflit ouvert avec la Turquie qui se fonde sur l’idéologie des frères musulmans, dont le bastion est le Qatar. Le « printemps arabe », où la chaîne qatarie Al-Jazeerah a joué un grand rôle, a en fait été une série de révoltes pro-frères musulmans, notamment en Égypte.

Le Qatar a très peu d’investissements en Turquie, mais très ciblée, épaulant celle-ci lorsque ses dettes sont trop importantes, faisant en 2008 l’acquisition pour plus d’un milliard de dollars du second groupe de médias (dirigé entre 2007 et 2013 par le gendre de Recep Tayyip Erdoğan), achetant pour 1,4 milliards de dollars le plus grand satellite de télévision turque, rentrant à 49 % dans une production de véhicules militaires avec même un représentant militaire qatarie membre de la direction.

La Turquie et la double dynamique de sa fuite en avant

La Turquie est dans un double système idéologique : d’un côté, en tant que « prolongement » de l’empire ottoman, il se prétend le cœur de l’Islam, ce qui justifie son hégémonie ; de l’autre, il y a un discours racialiste non religieux. Ce bricolage a comme base des velléités expansionnistes, mais en même temps il ne peut tenir que par les velléités expansionnistes.

On peut dire que, depuis le départ, la Turquie est le maillon faible de la chaîne des pays dépendants, parce qu’elle est née dans un bricolage issu de la première crise générale du capitalisme, qu’elle s’est maintenue artificiellement dans le cadre de la guerre froide et qu’avec la seconde crise générale du capitalisme sa fuite en avant se transformer littéralement en détonateur.

La bourgeoisie nationale qui a immédiatement joué le rôle de bourgeoisie bureaucratique à l’indépendance, en alliance avec les grands propriétaires terriens, a profité de son importance durant la guerre froide pour asseoir ses bases et prolonger sa fuite en avant au moyen d’une perspective néo-ottomane correspondant à son agressivité redoublée alors que la seconde crise générale du capitalisme s’affirme.

La Turquie est ainsi toujours en crise depuis 1923 et elle bascule, selon la nature de la crise générale au niveau mondial, dans telle ou telle agressivité. Elle se perd elle-même, comme le reflète le fanatisme et l’irrationalisme religieux.

Les tourments de l’histoire turque seront ainsi au cœur de la seconde crise générale du capitalisme. Des bouleversements de grande ampleur sont inévitables. La Turquie va connaître une période intense de crise durant les années 2020 et sera l’un des pays au cœur de la question révolutionnaire au niveau mondial.

Turkey, weak link in the chain of dependent countries

If we take the 500 most important global companies, we find, for Turkey, on the 420th place the Koç Holding, which brings together 113 companies including credit institutions, an oil refinery, tractor factories, bus bodies, tourist companies, the production of household appliances in particular with Beko, etc. Important though less powerfully, there are also Sabancı Holding (notably with one of the textile leaders Kordsa Teknik Tekstil), OYAK Holding, and three state monopolies: Turkish Airlines, Halkbank and Vakıfbank. In any case, we are very far from an imperialist-type export of capital, in a country where a quarter of women marry before the age of 18. Moreover, for a significant part of their activities, all these main Turkish companies are in close partnership with companies from imperialist countries (Toyota, Citibank, Philip Morris, Carrefour, DuPont, etc.).

Turkey is in fact a very active dependent country. This can be read in the following figures. Its foreign direct investment was $ 27 million in 1991, $ 1 billion in 2005, $ 4.7 billion in 2015. On the surface, it is very impressive. However, in reality, in 2015, this represented only 0.32% of foreign direct investment in the world, against 0.01% in 1991. This remains deeply marginal. Turkey took advantage of the capitalist momentum after 1989, but has not changed its base. Moreover, in 2015, Turkey experienced a penetration of foreign capital of 16.5 billion dollars, much more than its own capitalist interventions outside its territory.

The expansionist aggressiveness of Turkish militarism

However, despite this very clear weakness from an economic point of view, Turkey is particularly aggressive. It is active with Azerbaijan against Armenia, it occupied part of Cyprus in 1974, it makes Iraqi Kurdistan a satellite, it intervenes in Libya, it actively supported the Islamic State in order to take advantage of its military penetration into Syria and it decided, in the name of offshore oil drilling, to assume a frontal position with France and Greece.

A sign of this trend, Turkey produces 70% of its weapons and the goal, by 2023, is to achieve this at 100%. It is difficult to see how this is technologically possible, as evidenced by the purchase from Russia, to the chagrin of US imperialism, of the highly advanced S 400 anti-aircraft and anti-missile defense system.

The question of where such aggression stems from is of great importance. There are really many revolutionary organizations in Turkey since the 1970s and they are frantic on precisely this issue. Some see Turkey expressing an aggressiveness peculiar to capitalism, others see it as the activity of an American satellite, of a neo-colony. Some speak of semi-capitalism, others of capitalism with feudal remnants in the superstructure, or of bureaucratic capitalism.

Turkey’s matrix: the general crisis of capitalism

It is by no means a coincidence that Turkey becomes particularly aggressive in the context of the second general crisis of capitalism. This country was born from the first general crisis of capitalism. It is even a component of it.

Since the founding of the Republic of Turkey by Mustafa Kemal in 1923, this country has experienced countless political, economic, military and ideological upheavals, to the point that in fact it has been in permanent crisis for no less than a century. Half of its existence, at least parts of the territory have been under a state of emergency!

It must be understood that the country was born on the ruins of the Ottoman Empire, which generated the expulsion of more than a million Greeks from its territory, to which must be added the Armenian genocide in the background from 1915 to 1923. Turkey succeeded at its foundation in expelling from its territory the foreign armies aiming at a permanent occupation, but came under German control, then under British control, finally under American control. There has been permanent instability, with military coups in 1960, 1971 and 1980. There is also a significant Kurdish national minority, which has been tirelessly suppressed militarily for a century, while the country has also important other minorities, such as Lazs, Circassians, Arabs, Zazas, many Caucasian peoples, etc.

The Turkish regime, crossed by violence

Turkey is thus a country of immense culture, but also of immense complexity. There are a lot of minorities, the country was formed from above; it is at the same time a mixture of peoples and nations and at the same time it forms a real unified block. The central state has been, since its birth, ultra-paranoid. During the collapse of the Ottoman Empire, the imperialist countries indeed wanted to carve up the Turkish part of it and sent occupying troops. One part was to come under British rule, another under French rule, Greek and Armenian areas to be established and Istanbul to form a small state.

This nightmare scenario from the Turkish point of view is a key to this ultra-militarist Turkish device, benefiting from a huge popular echo in the name of the “defense” of national interests, but in reality in the service of large landowners allied to a upper bourgeoisie linked to imperialist countries and serving as intermediaries. Within such a framework, the army plays an omnipresent role, and its clandestine interventions – through “disappearances”, murders, counter-guerrillas – have been innumerable.

This makes this country one of the main weak links in the chain of dependent countries. The country was born on the job, in the framework of the first general crisis of capitalism. It has been relatively “frozen” with the clash of the American and Soviet superpowers. But once the general framework has been called into question by the second general crisis of capitalism, it sets off again.

Kemalism

Kemalism is born as a national bourgeois response to the attempt at imperialist partition of the country. This explains its ultra nationalism, its insistence on the absolute primacy of the central state and on the need to modernize the country. The first military successes of Mustafa Kemal and the development of the first general crisis of capitalism resulted in a compromise and Kemalism established a regime with the recognition of the imperialists, in exchange for their significant penetration into the country.

Turkey is then a country as if blocked. The bourgeoisie began its war of independence but sold itself from the start, in alliance with the big landowners in order to establish the new regime. The authentic national bourgeoisie, which arrived too late historically (and partly non-Turkish and notably Armenian), has withdrawn in front of a “turkified” bourgeoisie sold to imperialism.

Throughout the 1920s, Turkey then experienced a terrible trade deficit, while the capital of the imperialist countries appropriated railway companies, mines, industries, businesses, banks. In 1924, Germany already had 2,352 of the 4,086 km of railways; in 1937, 42% of exports and 36.5% of imports were with Germany. Turkey will also indirectly support Nazi Germany, maintaining its massive economic exchanges until the very end of the war.

This was a continuation of ever greater pressure on the masses. Many strikes had been bloodily suppressed by the regime, while in January 1921 the leadership of the Communist Party of Turkey had already been physically liquidated. From 1931 the police had full latitude for arrests; in 1934 the parliament gave Mustafa Kemal the name Ataturk, “the father of the Turks”. In 1936 public holidays and the ban on child labor were abolished, with even a labor law taken over from fascist Italy; in 1931 the press was controlled and in 1939 any organization headed by the state; in 1943 agrarian products were taxed at 12%, hitting hard small peasants, etc.

The change of supervision after 1945

The CHP, the Republican People’s Party, which had been pro-Nazi Germany, lost control after World War II to the DP, the Democratic Party, which was pro-American. Turkey “benefited” from the Marshall Plan and a massive military support, the companies of the capitalist countries invested in Turkey in a deep way, this country switching over to NATO in 1952 and in 1955 in what will be called the CENTO, making this country a pro-imperialist fortress on the borders with the USSR. It was then the army that took control, starting to build a military-industrial complex.

It was thus the army who overthrew the DP government in 1960, which had been unable to stabilize the regime despite its pro-religious and nationalist demagoguery, leading in particular to the Istanbul riot of 1955 against the last Greek community, with numerous deaths and very significant damage to buildings linked to the Greeks (4,348 stores, a thousand houses, 110 hotels, 27 pharmacies, 23 schools, 21 factories, 73 churches, 2 monasteries, a synagogue…). This caused the exodus of more than 100,000 Greeks.

The DP, which became the AP (Justice Party), resumed power a few years later, accompanying the transformation of Turkey into a productive base for the imperialist countries, the trade deficit from 1960 to 1972 being between 113 and 677 million dollars according to the years. Turkey then depended very largely on the United States and West Germany, then on France, Japan, Great Britain, Switzerland, Italy, the Netherlands, Belgium. Soviet social-imperialism was also ever more present, providing between 1966 and 1979 $ 2.7 billion in credit, more than the United States between 1930 and 1974. However, instability continued to the point that the army intervened to intervene again, for a second coup, in 1971.

The 1970s and the systematization of ultra-violence

In 1970, the Turkish regime was in agony. A quarter of the country’s budget went to the military, compared to only 4.7% for agricultural development where 65% of the population lived in 1970, and 3.8% for health. In 1970, more than a third of the inhabitants of the cities lived in shanty towns (the “gecekondus”, a building built overnight); more than half of the population was illiterate. 55% of children die before they turn 18. Emigration became massive to West Germany, but also to Austria, Switzerland.

In this miserable context, marked by revolts whereas imperialism became increasingly oresebtn as the large landowners crushed the peasants, the army then fell into crushing. The 1971 coup set off a sequence that would extend into the late 1990s, with a systematization of ultra-violence. Faced with the uninterrupted crisis, the army took the lead as such and generalized arrests, murders, torture, violent interventions, legal and clandestine, direct or through nationalist mafia networks. These notably acted in a terrible way with their massacre, in December 1978, in the city of Kahramanmaraş, of a thousand left activists, including their families.

May 1, 1977 had already been marked by shootings against the crowd, killing dozens and dozens of people, while 600,000 people demonstrated. The secret services, MIT, were developing strategies directly with US imperialism, to counter the multitude of revolutionary organizations resulting from the first three initiatives of the early 1970s, the THKO, the THKP / C, the TKP / M-TIKKO, who were developing the armed struggle. The clashes spread, with around ten deaths per day, more than 5,000 in total, including more than 2,000 militants of revolutionary organizations.

With the economy on the brink of collapse, the army then took the initiative of carrying out a new coup in December 1980, arresting 650,000 people, placing 1.6 million people on black lists, etc.

From the 1980s to open expansionist assertion

The army directly managed the country from 1980 to 1983 and the revolutionary organizations were not able to reorganize themselves until 1987, then reaching a high level of combativeness during the 1990s. The revolutionary organizations which then had the most success were the DHKP ​​/ C (Guevarist), the MLKP (Hoxhaist), as well as relatively the TKP (ML) and TKP / ML (both Maoists). They got bogged down, however, while conversely the PKK enjoyed ever greater success among the Kurdish masses, reaching great scale and clearly succeeding in subduing the revolutionary organizations to its own agenda, except for the DHKP / C.

The failure of the revolutionary organizations to turn things around in the 1990s was similar to the success of Recep Tayyip Erdoğan. He was elected mayor of Istanbul in 1994, prime minister from 2003 to 2014, when he became President of the Republic. Its political domination corresponds to quite a change in Turkish reality. Islamist Recep Tayyip Erdoğan advocated a reactivation of the Islamic-Ottoman ideology, and no longer simply a “Turkish” republicanism. He was in tune with an upper bourgeoisie seeking expansion.

The mistake of the revolutionary organizations in Turkey was thus very simple. They all considered Turkey to be fully subjugated to US imperialism through the military. However, the arrival of Recep Tayyip Erdoğan to power corresponds to the arrival of a new faction in power. We have proof of this with the trial of hundreds of people at the end of the 2000s, accused of being part of the Ergenekon network made up of soldiers and members of the secret service. This was the beheading of the Kemalist state apparatus. The American response included the attempted coup in 2016 through the Islamic congregation Gülen, which failed.

But the new regime managed to take hold. It goes beyond the Kemalist nationalism born of the first general crisis of capitalism to add to the neo-Ottoman aims and placed it as its main aspect.

The question of the PKK and Rojava

Turkey’s expansionist assertion could not concretely be followed by the Kurds, which explains why the PKK was the only movement able to hold out against the nationalist-Islamic wave, since the revolutionary organizations had made the mistake of believing that there would be a status quo in the following of the United States.

The PKK, Kurdistan Workers’ Party, is historically a very incoherent movement; born on a communist basis, it nonetheless immediately sought military confrontation in the late 1970s with the revolutionary organizations in Turkey, and has often been a follower of the coup against them until today. The PKK does not tolerate competition.

Conversely, it can at times express a real internationalism and a great sympathy for them, by a natural convergence, in particular of its base. Moreover, the PKK expresses a democratic battle of the Kurdish masses and this produces self-denial at times, a democratic struggle of great depth. It is also all the more difficult to apprehend the PKK by the fact that the Kurds are historically divided territorially in several countries (Turkey, Iran, Iraq, Syria).

In any case, in order to subsist politically and especially militarily in the case of the existence of armed branches, all revolutionary organizations in Turkey, with the exception of the DHKP / C, then literally followed the PKK. This is true from June 1998 with the Platform of United Revolutionary Forces (BDGP), bringing together the PKK, TKP (ML), MLKP, TKP / ML, TDP, DHP, TKP-Kıvılcım. And this will take on an even greater scale when in the Syrian civil war, the Kurdish forces establishing an independent zone, Rojava, bringing in Turkey and Rojava the establishment of the United Peoples Revolutionary Movement (HBDH), with the PKK, TKEP / L, TKP / ML, MKP, TIKB, DKP, MLKP, THKP-C / MLSPB, DK.

Is this an adequate choice against expansionist Turkey? In fact, in the background, there is the question of knowing if Turkey really exists and if the revolution is defined in its framework, or if it should disappear in favor of a regional framework of near-eastern dimension. It goes without saying that the PKK is pushing in the latter direction, due to its national agenda being defined over several countries, while conversely there is a reading considering that a national framework is always specific, like for the DHKP / C and TKP / ML (the latter having withdrawn from HBDH precisely on this issue).

Turkey’s pan-Turkish headlong rush

The revolutionary organizations were thus overtaken by this emergence of an openly aggressive Turkey; in their eyes, it was inconceivable. Why did the revolutionary organizations in Turkey make this mistake? In fact, they didn’t see that Turkey was coasting. By 1974, Turkey had already occupied part of Cyprus, affirming its expansionism which then, with the collapse of Soviet social-imperialism, was all the more expressed. There are indeed many peoples in the world who are part of Turkish history, with its language and culture: the Uzbeks, the Uighurs in China, the Azeris, the Kazaks, the Kyrgyz, many peoples of Russia such as the Yakuts or Tatars, Turkmens, etc.

Many of these peoples lived in the USSR, and US imperialism overwhelmingly supported pan-Turkism in order to help destabilize its competitor. Today’s Turkey is in fact, sustaining this approach, which is culturalo-racialist fanaticism, frewheeling. Thus, a significant portion of people of Turkish origin in Germany, Austria, Belgium, France, Switzerland… refuse any assimilation, defining themselves as “Turks”, only marrying between Turks, etc. Pan-Turkism aims at the union of the Turks and this as far as China and Siberia.

There was space there for the Turkish upper bourgeoisie, with its massive Cold War army, ultra-aggressive on the basis of “modern” Turkey, to rush into an expansionist orientation.

These inordinate ambitions literally carried a new political wave in Turkey, of which

Recep Tayyip Erdoğan is the direct expression. The Muslim dimension is, however, also extremely important here, as pan-Turkism, already widely present in Kemalism, has merged with the Muslim Brotherhood, of which Qatar and Turkey are the strongholds.

Turkey’s Ottoman headlong flight from and Qatar

There is no (Sunni) Islam without a Caliph and it is the Ottoman Empire which for several centuries has played the role of the Caliphate. Its collapse in 1918 sparked the birth of Islamism as a movement to reconstitute a caliphate. Launched into its expansionist ambitions, Turkey has reactivated the ideology of the Ottoman Empire, proposing itself as “protector” of Islam. This leads it to have a very important influence in Albania and in Bosnia and Herzegovina.

This neo-Ottoman Islamic line is obviously in conflict with Saudi Arabia’s claims to offer itself as the model and guardian of Mecca. The Saudi “Wahabis” are thus in open conflict with Turkey, which is based on the ideology of the Muslim Brotherhood, whose stronghold is Qatar. The “Arab Spring”, in which the Qatari channel Al-Jazeerah played a big role, was in fact a series of pro-Muslim brotherhood revolts, notably in Egypt.

Qatar has very little investment in Turkey, but very targeted, supporting it when its debts are too important, making in 2008 the acquisition for more than a billion dollars of the second group of media (led between 2007 and 2013 by Recep Tayyip Erdoğan’s son-in-law), buying Turkey’s largest television satellite for $ 1.4 billion, earning 49% in military vehicle production with even a Qatari military representative on the board.

Turkey and the double dynamic of its headlong rush

Turkey is in a double ideological system: on the one hand, as an “extension” of the Ottoman Empire, it claims to be the heart of Islam, which justifies its hegemony; on the other, there is a non-religious racialist discourse. This tinkering is based on expansionist inclinations, but at the same time it can only hold up through expansionist inclinations.

It can be said that, from the start, Turkey has been the weak link in the chain of dependent countries, because it was born in a tinkering resulting from the first general crisis of capitalism, that it maintained itself artificially in the framework of the cold war and that with the second general crisis of capitalism its headlong flight literally turns into a detonator.

The national bourgeoisie which immediately played the role of bureaucratic bourgeoisie at independence, in alliance with the large landowners, took advantage of its importance during the Cold War to establish its bases and prolong its flight forward by means of a neo-Ottoman perspective corresponding to its redoubled aggressiveness while the second general crisis of capitalism asserts itself.

Turkey has thus always been in crisis since 1923 and it tilts, depending on the nature of the general crisis at the world level, in such and such aggressiveness. It is losing itself, as reflected in religious fanaticism and irrationalism.

The turmoil of Turkish history will thus be at the heart of the second general crisis of capitalism. Large-scale upheavals are inevitable. Turkey will experience an intense period of crisis during the 2020s and will be one of the countries at the heart of the revolutionary question at the global level.

Keeping up with the times

The Covid-19 crisis opens a new era, because it carries with it a whole bundle of historical contradictions. Humanity can no longer live as before, it faces a challenge which consists in finding its place in the Biosphere. It can no longer simply continue to carry the capitalist mode of production, which very clearly leads to destruction in all areas. There is the need for a break.

We can imagine that this is not simple. It involves a great determination in the face of capitalist corruption, an ability to look to the future, a sense of involvement to make things turning in the right direction. Without a sufficient ideological level, without an adequate cultural reading, we cannot turn off, carry this rupture, we are caught up by the old era and its values.

With the Covid-19 crisis, a double phenomenon has unfolded. On the one hand, there was an effect of surprise, of fear, of anguish, in the face of an event that seemed incomprehensible given the capitalist claim to propose a stable world. What is unfolding then seems therefore incomprehensible, calamitous, a catastrophe and there is a headlong rush in social-Darwinist reasoning, that the weak must perish.

However, on the other hand, there was and there is a sense of understanding that a whole period has ended. With the confinement, the closing of the borders, the partial shutdown of activities, the cessation of capitalist triumphalism … all of this has dialectical been a breath of fresh air as well. It was finally the proof that capitalism could not perpetuate itself without knowing blockages, that it is not able to swallow up private life and the whole of society, and even the planet, without being stopped by something. Capitalism appears to be outdated.

What arises as an alternative is Socialism or barbarism. Either there is an awareness, a going beyond old values and the affirmation of Communism – whether at the level of society or in relation to nature. Either there is an identitarian, national withdrawal, an escape in the spirit of concurrence, competition, with an acceptance of the disaster and the attempt to take advantage of it to dominate others.

Either popular democracy, with the working masses deciding the orientations of society on a basis of sharing, cooperation, compassion, refusal of hierarchies, unification of social and productive forces, or militarism and the quest for a national savior, leading to fascism and imperialist war.

Either the bourgeoisie is politically put aside, its state dismantled, its state apparatus liquidated, with popular power around the working class, or the upper bourgeoisie takes control of the state and pushes capitalism to participate in the imperialist battle for the redistribution of the world, mobilizing in a nationalist and militarist manner.

This alternative does not arise formally. It will take time before it arises at all levels of society. On the side of popular democracy, we do not get out of capitalism easily, whether in terms of mentalities or the establishment of new forms of production. There are many obstacles, such as the workers’ aristocracy, a social layer bought by the capitalists, or even the nefarious influences of a petty bourgeoisie seeking to abuse the masses to negotiate with the bourgeoisie.

On the Reaction side, it is difficult to get the country from political liberalism, ideological relativism, generalized individualism… to the same values, but nested in an aggressive “collective” project requiring participation in “the national effort”. Capitalism in its liberal form and capitalism in its fascist form are both the same and not the same; the transition from one to the other is not smooth.

It goes without saying that what is decisive here will be the general crisis of capitalism and more precisely the forms it will take. We can already see that the economic dimension of the crisis is terribly deep, that it surprises by its expression, that it strikes almost by surprise this or that sector. Unemployment, precariousness, brutality in everyday life, anxiety for maintaining its social existence… all of this can be the breeding ground for fascism, while the bourgeoisie necessarily seeks an exit through capitalist rationalization and imperialist war.

Conversely, the prolonged nature of the situation contributes to reflection, to awareness. And we can even see, in a relative way, that people who had turned their backs on the values of the dominant way of life, who did not trust the capitalist pretensions, who sought an alternative way of life … suddenly found themselves having a certain value, instead of appearing as mere freaks as before.

Obviously, it is most often elementary steps, of withdrawal, while it is not only a question of realizing that the pace imposed by capitalism is unbearable. If we stop at that, we do not see that capitalism has had its day and that it is not a question of slowing down history, human activity in general, but quite the contrary of accelerating it. It is not about making a hippie approach triumph in order to « calm », « frame » or « roll back » capitalism, but rather to have an active humanity, protagonist of new choices, allowing a new development. You have to live up to the times.

Nevertheless, we can thus already read behaviors, attitudes, positions that pass into the universal, the planetary dimension, in opposition to the cynical, individualist, nihilist values of capitalism. The common denominator of all is that it is considered that we “can’t do the same anymore”. The refusal of nuclear power or of hunting, the requirement of a high standard in health, the detestation of waste or religious divisions, the affirmation of the sharing of cultural goods, whether for music , films or images in general… Such phenomena, whether they are aware of it or not, come tendencially into conflict with the 24 hour a day demands of capitalism.

This does not mean that people have grasped the full scale of the disaster, nor that the process is not recuperable in itself with a modernization of capitalism. What there is here is a deep contradiction between, on the one hand the battle for existence, with the need to work in order to have a salary to live, to integrate socially, with also alienation making us appreciate what capitalism offers… and on the other, in a way not necessarily understood, a cultural, material, psychological need to breathe, to temporize, to stop incessantly running by following the desiderata of capitalism, to flourish by doing things differently, in a better way. To what extent this contradiction will be positive, in what form, that is the real basic question.

In any case, it is possible to say that the people who have grasped with satisfaction this break, this moment of pause in the capitalist machinery, represent the point of the emerging consciousness that we must put an end to all this, that we must change everything, that nothing is right anymore. Of course, we are still a long way from coming to the affirmation that we must destroy what destroys us, nevertheless a process has started.

Concretely, we can say that the great capitalist impetus founded on the collapse of Soviet social-imperialism and the integration of social-fascist China into the international division of labor is now over. What shatters is the capitalist consensus that was maintained between 1989 and 2020, based on a relative rise in the standard of living on a global scale, the absence of major wars across the world, technological modernization and better access to health.

This period between 1989 and 2020 was a crossing of the desert from the point of view of the communist strategic proposal, it was extremely difficult for the revolutionary vanguards around the world to experience. The thesis that capitalism goes to war seemed out of date; capitalism was expanding mass consumption and seemed to overturn the claim that exploitation leads to impoverishment. The way of life of the masses was changing, whether with computers, internet, cell phones, the reinforcement of cinema and television in everyday life. A vast petty-bourgeoisie was getting stronger in the imperialist countries, developing cultural activities that seemed fulfilling or at least entertaining.

The ground conquered with so much difficulty in the years 1960-1970, place of the engagements in the years 1980, literally evaporated in 1989. The collapse of Soviet social-imperialism allowed the Western imperialist countries to appropriate new markets, and through the integration of social-fascist China, capitalist production and consumption have been greatly enlarged.

In such a context, the reconstitution of the avant-gardes was a difficult struggle, requiring patience and tenacity. In France, the CPF (MLM) is based on a process born in the 1990s, with the affirmation of Maoism at the very beginning of the 2000s, for a major operation of ideological reconstruction of fundamental principles. In Belgium, a country with a similarly great revolutionary tradition, the process of aggregation of forces assuming the break with capitalism led in 2010 to the formation of the MLM Center.

But it is not just about reclaiming the Communist heritage. It is also about deepening, to be up to the challenges of the time. The animal question, in particular, arises with all its acuteness. In the background there is the contradiction between city and country, with humanity’s place in the biosphere as the backdrop to a battle for the future direction to be taken.

We do not understand people who say they want revolution, but who have no concrete, practical point of view on all the burning issues of our time and whose speech could be in 1980, in 1960, in 1930, or even in 1900. To imagine that one can lead a revolutionary policy while being completely out of date culturally is simply an aberration strictly equivalent to the petty-bourgeois fascinations for anything that appears as a new cultural or social phenomenon.

You have to be anchored in your time, in your society. Revolution is not a cosmopolitan process. What is called people’s war is not a technical concept, but a popular reality, with the people made up of concrete people, existing with their sensibility in a well-defined material reality. It is necessary both to be in phase with the people and to be a vanguard turned towards overtaking reality, there is the productive contradiction defining the communists.

This is all the more true at a time of crisis and when one says crisis it means revolution. What is ending is a time when revolutionaries were marginalized or corrupted by capitalist momentum. It was a time of relative neutralization of antagonisms. We can even say that, since the 1950s, the capitalist countries have experienced such a neutralization, the revolutionary wave being expressed mainly in Africa, Latin America and Asia. The people of the capitalist countries were crushed by capitalism and its values, they were integrated into its process, adopting the way of life that it demanded. We are now at the breaking point.

An authentic life is only possible in the fight for liberation and before that, it is in a socially isolated way that such an approach emerged, whether in the French “leftists” around May 1968, in violent workers’ initiatives. Italians of the 1970s, in the Berlin squats of the 1980s. There was a complete break between avant-gardes prisoners of their alternative style and the broad masses entirely cut off from their approach and even inaccessible by their disdain for what was not the traditional capitalist way of life. The situation changed with the onset of the crisis; the antagonistic stall with the 24 hours a day of capitalism takes on its meaning!

The project of recomposing the proletarian fabric by the democratic movement of the masses violently tearing up capitalist hegemony at all levels can resume its natural course. The need for Communism can be expressed again, sector by sector in the popular masses, posing as a strategic hypothesis addressed as broadly as possible.

This is a process in which we are only at the beginning. But our pride is to have prepared, to be on the front line in this start. And we have confidence in the victory of this process of overcoming the general crisis of capitalism, by the victory of the popular masses country by country in a prolonged process and the establishment, as final achievement, of the world socialist republic.

Marxist Leninist Maoist Center [Belgium]
Communist Party of France (marxist leninist maoist)

Face à la crise, le Parti et la question de la massification des syndicats et de leur nécessaire unification

La seconde crise générale du capitalisme pose un défi extrêmement grand au prolétariat de par la rationalisation qui en découle. La bourgeoisie ne peut en effet que se précipiter dans un vaste mouvement de restructuration sur le dos des masses, afin de chercher à sauvegarder le taux de profit.

Face à cette opération d’envergure, la réponse ne peut qu’être politique avant tout, ce qui implique également une initiative de défense des intérêts matériels des masses sur le terrain immédiat des revendications élémentaires.

Historiquement, ce sont les syndicats qui jouent ici le rôle de levier essentiel pour une telle activité. Or, ceux-ci possèdent en France un style corrompu et prétentieux. Ils sont à la fois divisés et sans réelle base de masse, à part chez les fonctionnaires. Ils sont donc en décalage complet avec le défi historique auquel fait face le prolétariat. La question syndicale se pose ainsi avec une grande acuité et soit les syndicats seront une partie du problème, soit une partie de la solution.

Le premier moment de la question syndicale

Du point de vue communiste, la question syndicale a connu deux moments.

Le premier consiste en les inlassables appels de l’Internationale Communiste à rejoindre les syndicats. Il n’y avait pas d’illusions sur la nature des dirigeants syndicaux, toujours favorables à des accords avec la bourgeoisie et l’État ; il était cependant considéré que la présence d’une partie des masses dans les syndicats rendait cela nécessaire. Le programme de l’Internationale Communiste, en 1928, souligne que les défaites lors de la première vague révolutionnaire sont dues « à la tactique de trahison des chefs sociaux-démocrates et des dirigeants réformistes du mouvement syndical ».

Les communistes des pays capitalistes étaient extrêmement rétifs à ce travail, à la fois ingrat et très difficile de par les multiples exclusions imposées par les directions syndicales à leur encontre, notamment par l’intermédiaire de la social-démocratie. La défaite totale du Parti Communiste d’Allemagne en 1933 a cependant montré que cette question était importante, de par l’articulation nécessaire du mouvement syndical à la lutte contre le fascisme et la guerre.

La preuve en est que, à la suite du tentative du coup de force fasciste en février 1934 en France, le Front populaire a porté en lui l’unification syndicale. Les masses considéraient que l’unité était nécessaire et on a vu alors qu’elles considéraient les syndicats comme relevant de leur mouvement historique et comme devant relever de l’unité organique.

Le fait est que, si les masses ne rejoignent pas nécessairement les syndicats, elles ont un rapport ambigu avec eux, particulièrement en France où les syndicalistes se présentent souvent comme une sorte d’avant-garde combattant à la place des masses. C’est évidemment du substitutisme de type syndicaliste-révolutionnaire.

Le second moment

Le second moment concernant la question syndicale date des années 1960, alors que le mode de production capitaliste se relance après la seconde guerre mondiale. Cela change beaucoup de choses, puisque les syndicats s’inscrivent dans l’accompagnement du développement capitaliste.

Ici encore l’exemple français est très parlant. Le mouvement des étudiants opposés au révisionnisme et levant la bannière de Mao Zedong, l’UJCML, avait initialement décidé d’appliquer le principe de l’Internationale Communiste et de promouvoir l’adhésion à la CGT, pour la pousser dans la direction d’une CGT de lutte de classes.

Ce fut une défaite et l’UJCML devint la Gauche Prolétarienne, farouchement anti-syndicaliste, tout comme d’ailleurs tous les communistes des pays capitalistes, en raison de la compréhension du fait que les syndicats, notamment en raison de la transformation de l’URSS en social-impérialisme, étaient ouvertement alliés à la bourgeoisie. En France, la CGT a été l’un des piliers de la sauvegarde du régime en mai 1968, combattant ardemment les « gauchistes ».

Les communistes des pays capitalistes assumèrent alors la ligne de l’autonomie prolétaire, contre les syndicats cherchant à intégrer les mouvements de contestation afin de les conduire dans des opérations de réimpulsion du mode de production capitaliste. Il n’est pas possible d’être communiste et de valoriser les syndicats pour la période 1953-2020. C’est une ligne de démarcation infranchissable entre les communistes et les révisionnistes.

Y a-t-il un troisième moment ?

La question qui se pose désormais, avec l’irruption de la seconde crise générale du capitalisme, est de savoir dans quelle mesure les syndicats peuvent, ou non, jouer un rôle s’inscrivant dans le processus de défense des intérêts du prolétariat. Ils sont en effet faciles d’accès et représentent un sas possible pour le combat.

Comme le formule le programme de l’Internationale Communiste en 1928, « les syndicats, organisations ouvrières de masses dans lesquelles s’organisent et s’éduquent pour la première fois les couches les plus étendues du prolétariat, sont, en régime capitaliste, le principal instrument de la lutte par la grève, puis de l’action de masses contre le capital trusté et son État ».

Le second moment a neutralisé cette possibilité ; peut-on alors parler d’un troisième moment provoqué par la seconde crise générale du capitalisme ?

Si l’on regarde sur le plan subjectif, on ne peut que répondre négativement. Les syndicalistes n’ont pas changé ; ils représentent une approche anti-politique, anti-communiste même, avec systématiquement l’espoir de présenter de « meilleurs » plans aux directions des entreprises. On peut partir du principe que le syndicat désire « être calife à la place du calife » et que rien d’autre ne l’intéresse.

Si l’on regarde sur le plan objectif, on ne peut pas répondre positivement non plus. Les syndicats ont, depuis 2000, inlassablement cherché à gagner des batailles au moyen du forcing et du substitutisme. Ils n’ont jamais cherché à gagner les masses, à se massifier donc. Ils savent très bien qu’une massification les remettrait entièrement en cause et ils préfèrent vivre de leurs rentes, exprimant les intérêts des syndicalistes qui relèvent de l’aristocratie ouvrière, couche corrompue par le capitalisme et l’État bourgeois.

Toutefois, cette question de la massification est justement l’aspect pouvant amener un changement complet. Si les syndicats et les syndicalistes sont inutiles aujourd’hui et même, concrètement, nuisibles à la cause révolutionnaire, une éventuelle massification renverserait la donne. Elle bousculerait tout l’appareil, elle pousserait à une unification des travailleurs à la base.

Il suffirait que dans une entreprise il y ait un mouvement général d’adhésion au syndicat, une modification du style et de la direction de celui-ci, une lutte qui triomphe et on aurait alors un modèle pouvant servir de base aux initiatives populaires à l’échelle du pays. Le souci est bien sûr que cela signifie un haut niveau de conscience politique pour engager un tel processus, un haut niveau d’implication et d’activités.

Cependant, si la seconde crise générale du capitalisme frappe une entreprise en particulier et qu’une résistance réelle se développe, c’est une démarche praticable.

Si cela ne se produit pas, de toute façon, on va avoir une résistance des masses qui échappera alors entièrement aux syndicats. Une lutte réelle, de toute façon, ne peut pas se fonder sur une « intersyndicale ». Soit les masses sont unies autour d’un (seul) syndicat, soit elles sont organisées elles-mêmes à la base, remplaçant le syndicat manquant pour former un comité de grève, voire même un comité populaire, le fameux « soviet ».

Syndicat ou soviet ?

Cette question du syndicat ou du soviet est, d’ailleurs, le sens même de la question syndicale dans le cadre de la seconde crise générale du capitalisme. Soit les masses résistent et passent à l’établissement de comités populaires, de soviets, rompant totalement avec les institutions, et donc les syndicats. Soit les masses résistent, mais choisissent le terrain le plus immédiat et investissent les syndicats pour les transformer.

Ces deux hypothèses d’initiative populaire de résistance à la seconde crise générale du capitalisme impliquent, naturellement, deux scénarios totalement différents.

Il est même possible que la résistance des masses décide de sortir du terrain des revendications économiques pour s’exprimer sur un autre terrain. Il est également possible que, selon les secteurs, il y ait tel ou tel choix et qu’on se retrouve ici avec des syndicats passés sous contrôle populaire, là-bas un comité de lutte à dimension populaire dans une entreprise ou en-dehors du terrain de l’entreprise, par exemple au sujet d’une question écologiste, d’une question de logement, d’une question du coût de la vie, etc.

Dans tous les cas, il n’y aura toutefois aucune spontanéité. La résistance à la rationalisation capitaliste ne peut provenir que d’éléments conscientisés par la politique communiste, éléments dont l’activité naît directement de la confrontation avec la seconde crise générale du capitalisme.

Le Parti et la question de la massification des syndicats et de leur nécessaire unification

Le Parti ne peut pas poser de préalable en ce qui concerne la forme que prendra le mouvement de résistance des masses. Parler de massification des syndicats est juste, dans tous les cas ; si cette massification n’a pas lieu avant la révolution socialiste, elle aura lieu après elle, dans le cadre de l’établissement du socialisme. Cela est indéniable. Tout va dépendre du retour de la lutte des classes et des modalités de la massification de celle-ci.

Ce qui est toutefois évident, politiquement, est qu’il faut exiger l’unification des syndicats, car c’est en phase avec l’exigence historique des masses dans leur résistance.

« Un seul syndicat, pour la défense des droits des travailleurs ! » est une revendication qui, par définition, pose l’unité des masses laborieuses dans un contexte de résistance à la rationalisation capitaliste. C’est, de toutes façons, en conflit avec la nature corrompue et bureaucratique des syndicats eux-mêmes, qui doivent être révolutionnés pour pouvoir jouer un rôle favorable aux masses et par rapport à la révolution socialiste.

Les bureaucrates syndicaux, corrompus et étant un obstacle à la lutte des classes par définition même, s’opposeront toujours à l’unification syndicale. La lutte des classes exigeant l’unité populaire, leur position se démasquera comme étrangère et même opposée aux besoins historiques des masses.

Les communistes ne considèrent ainsi pas qu’il faille soutenir la CGT ou bien qu’il faille « monter un nouveau syndicat » comme le prétendent les différents courants syndicalistes révolutionnaires, qui ont par ailleurs essayé cela avec la CNT dans les années 1990-2000. Ce qu’il faut exiger, c’est l’unification de toutes les forces syndicales afin de refléter et de contribuer à l’unité populaire, d’avoir confiance dans les masses, une massification des syndicats confiant à ceux-ci une nature nouvelle.

Cette direction vers l’unification des masses est l’aspect principal et la question syndicale est secondaire ici, puisque les masses peuvent choisir la voie des soviets. Ce sont elles qui décident, selon les exigences de la lutte des classes et du développement de leur conflictualité, sous l’inévitable direction politique du Parti. Les masses font l’Histoire, le Parti les dirige.

Le congrès extra-ordinaire de Bâle de la seconde Internationale en 1912

Les événements obligèrent à ce que se tienne un congrès extra-ordinaire de la seconde Internationale, à Bâle, les 24 et 25 novembre 1912. Les partis lui appartenant rassemblaient 3,3 millions de membres, avec 10 millions de travailleurs dans les syndicats lui étant liés.

Ils menaient une intense propagande contre la guerre, avec des initiatives communes, comme à Bussang, une petite commune de France à la frontière avec l’Allemagne, où se rassemblèrent 15 000 personnes.

Cependant, seuls Lénine et Rosa Luxembourg agissaient de manière conséquente ; Lénine quitta même la conférence du Bureau Socialiste International de la fin septembre 1911 par solidarité avec celle-ci, victime d’une énorme pression de la part de la direction de la social-démocratie allemande.

Pour les sociaux-démocrates authentiques, comme Lénine et Rosa Luxembourg, on rentrait dans une époque nouvelle : ils avaient en fait une vision de la guerre comme liée à la nature même du mode de production capitaliste, alors que pour la seconde Internationale, il fallait en fait faire face, de manière décidée, au « militarisme ».

La seconde Internationale se réunit ainsi à Bâle de manière extra-ordinaire pour débattre de comment s’opposer à la guerre, mais la mise en perspective était à la base même erronée. On le voit bien à la tenue, deux ans avant une guerre qui fut acceptée pratiquement partout, d’un congrès extra-ordinaire anti-guerre avec 555 délégués de la seconde Internationale venant de 33 pays. L’impact fut simplement historiquement nul.

On doit bien voir ici, au-delà de la terrible défaite que cela représente pour la social-démocratie allemande qui s’est totalement enlisée, que cela concerne également le mouvement ouvrier français en particulier.

Au congrès de Bâle, c’est la SFIO qui a le plus de délégués : 127, soit pratiquement le quart des délégués. Ses porte-paroles tinrent des paroles ardentes, mais concrètement ils n’apportèrent rien et furent en faillite complète en 1914.

L’aspect principal fut cependant l’opportunisme des Allemands (75 délégués) et des Autrichiens (59), qui eux disposaient réellement du marxisme et qui s’étaient littéralement écrasés devant la pression de leurs États, convergeant complètement avec ses choix.

Pour cette raison, le texte du manifeste du congrès de Bâle n’était pas faux en soi. Il cherchait à évaluer la situation, posait les bases d’une opposition à la guerre. Ce qui manquait, c’était l’arrière-plan : seul Lénine l’avait.

Voici le manifeste :

« L’Internationale a formulé dans ses Congrès de Stuttgart et de Copenhague les règles d’action du prolétariat de tous les pays pour la lutte contre la guerre :

« Si une guerre menace d’éclater, c’est un devoir de la classe ouvrière dans les pays concernés, c’est un devoir pour leurs représentants dans les Parlements, avec l’aide du Bureau socialiste international, force d’action et de coordination, de faire tous leurs efforts pour empêcher la guerre par tous les moyens qui leur paraîtront le mieux appropriés, et qui varient naturellement, selon l’acuité de la lutte des classes et la situation politique générale.

Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, c’est leur devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. »

Plus que jamais, les événements font une loi au prolétariat international de donner à son action concertée toute la vigueur et toute l’énergie possibles ; d’une part, la folie universelle des armements, en aggravant la cherté de la vie, a exaspéré les antagonismes de classe et créé dans la classe ouvrière un intolérable malaise.

Elle veut mettre un terme à ce régime de panique et de gaspillage ; d’autre part, les menaces de guerre qui reviennent périodiquement sont de plus en plus révoltantes, les grands peuples européens sont constamment sur le point d’être jetés les uns contre les autres, sans qu’on puisse couvrir ces attentats contre l’humanité et contre la raison du moindre prétexte d’intérêt national.

La crise des Balkans qui a déjà causé tant de désastres, deviendrait, en se généralisant, le plus effroyable danger pour la civilisation et pour le prolétariat.

Elle serait, en même temps, un des plus grands scandales de l’histoire, par la disproportion entre l’immensité de la catastrophe et la futilité des intérêts qu’on invoque.

C’est donc avec joie que le Congrès constate la pleine unanimité des partis socialistes et des syndicats de tous les pays dans la guerre contre la guerre.

Partout les prolétaires se sont élevés en même temps contre l’impérialisme.

Chaque section de l’Internationale a opposé au gouvernement de son pays la résistance du prolétariat, et mis en mouvement l’opinion publique de sa nation contre les fantaisies guerrières.

Ainsi s’est affirmée une grandiose coopération des ouvriers de tous les pays, qui a déjà contribué beaucoup à sauver la paix du monde menacée.

La peur des classes dirigeantes devant une révolution prolétarienne qui serait la suite d’une guerre universelle a été une garantie essentielle de la paix.

Le Congrès demande aux partis socialistes de continuer vigoureusement leur action par tous les moyens qui leur paraîtront appropriés. Pour cette action commune, il assigne à chaque parti socialiste sa tâche particulière. Les socialistes des Balkans devront s’opposer au renouvellement des anciennes inimitiés.

Les Partis socialistes de la péninsule des Balkans ont une lourde tâche.

Les grandes puissances de l’Europe ont contribué, par l’ajournement systématique de toutes les réformes, à créer, en Turquie, un désordre économique et politique et une surexcitation de passions nationales qui devaient conduire nécessairement à la révolte et à la guerre contre l’exploitation de cet état de choses par les dynasties et par les classes bourgeoises, les socialistes des Balkans ont dressé avec un héroïque courage les revendications d’une Fédération démocratique.

Le Congrès leur demande de persévérer dans leur admirable attitude, il compte que la démocratie socialiste des Balkans mettra tout en œuvre, après la guerre, pour empêcher que les résultats conquis au prix de si terribles sacrifices soient confisqués et détournés par les dynasties, par le militarisme, par une bourgeoisie balkaniques avide d’expansion.

Le Congrès demande particulièrement aux socialistes des Balkans de s’opposer avec force, non seulement au renouvellement des anciennes inimitiés entre Serbes, Bulgares, Roumains et Grecs, mais à toute oppression des peuples balkaniques qui se trouvent à cette heure dans un autre camp : les Turcs et les Albanais.

Les socialistes des Balkans ont le devoir de combattre toutes violences faites aux droits de ces peuples, et d’affirmer contre le chauvinisme et les passions nationales déchaînées, la fraternité de tous les peuples des Balkans y compris les Albanais, les Turcs et les Roumains.

Les socialistes d’Autriche, de Hongrie, de Croatie, de Slavonie, de Bosnie et d’Herzégovine ont le devoir de continuer de toutes leurs forces leur opposition énergique à toute attaque de la monarchie du Danube contre la Serbie.

C’est leur devoir de résister comme ils l’ont fait jusqu’ici à la politique qui tend à dépouiller la Serbie, par la force des armes, des résultats de son effort pour la transformer en une colonie autrichienne, et, pour des intérêts dynastiques, à impliquer les peuples de l’Autriche-Hongrie, et avec eux toutes les nations de l’Europe, dans les plus graves périls.

Les socialistes d’Autriche-Hongrie doivent lutter aussi dans l’avenir pour que les fractions des peuples sud-slaves, dominés maintenant par la maison des Habsbourg, obtiennent à l’intérieur même de la monarchie austro-hongroise le droit de se gouverner eux-mêmes démocratiquement.

Les socialistes d’Autriche-Hongrie, comme les socialistes d’Italie, donneront une attention particulière à la question albanaise. Le Congrès reconnaît le droit du peuple albanais à l’autonomie, mais il n’entend pas que, sous prétexte d’autonomie, l’Albanie soit sacrifiée aux ambitions austro-hongroises et italiennes.

Le Congrès voit là, non seulement un péril pour l’Albanie elle-même, mais encore dans un temps peu éloigné une menace pour la paix entre l’Autriche-Hongrie et l’Italie. C’est seulement comme membre autonome d’une Fédération démocratique des Balkans que l’Albanie peut mener vraiment une vie indépendante.

Le Congrès demande donc aux socialistes d’Autriche Hongrie et d’Italie de combattre toute tentative de leur gouvernement d’envelopper l’Albanie dans leur sphère d’influence, il leur demande de continuer leurs efforts pour assurer des résultats pacifiques entre l’Autriche-Hongrie et l’Italie.

C’est avec une grande joie que le Congrès salue les grèves de protestation des ouvriers russes : il y voit une preuve que le prolétariat de Russie et de Pologne commence à se remettre des coups que la contre-révolution tsariste lui a portés.

Le Congrès voit dans cette action ouvrière la plus forte garantie contre les criminelles intrigues du tsarisme qui, après avoir écrasé dans le sang les peuples de son empire, après avoir infligé des trahisons nombreuses aux peuples des Balkans livrés par lui à leurs ennemis, vacille maintenant entre la peur des suites qu’une guerre aurait pour lui et la peur d’un mouvement nationaliste que lui-même a créé.

Quand donc, maintenant le tsarisme s’essaie à paraître comme un libérateur des nations balkaniques, ce n’est que pour reconnaître sous un hypocrite prétexte et par une injure sanglante, sa prépondérance dans les Balkans.

Le Congrès compte que la classe ouvrière des villes et des campagnes de Russie, de Finlande et de Pologne, usant de sa force accrue, déchirera ce voile de mensonges, s’opposera à toute aventure guerrière du tsarisme, à toutes entreprises, soit sur l’Albanie, soit sur Constantinople, et concentrera toutes ses forces dans un nouveau combat de libération contre le despotisme tsariste.

Le tsarisme est l’espérance de toutes les puissances de réaction de l’Europe, le plus terrible ennemi de la démocratie européenne, comme il est le plus terrible ennemi du peuple russe.

L’Internationale considère qu’amener sa chute est une de ses tâches principales. Mais la tâche la plus importante dans l’action Internationale incombe aux travailleurs d’Allemagne, de France et d’Angleterre.

En ce moment, les travailleurs de ces pays doivent demander à leurs Gouvernements de refuser tout secours à l’Autriche-Hongrie et à la Russie, de s’abstenir de toute immixtion dans les troubles balkaniques et de garder une neutralité absolue.

Si, entre les trois grands pays qui guident la civilisation humaine, une guerre éclatait pour la querelle serbo-autrichienne au sujet d’un port, ce serait une criminelle folie. Les travailleurs d’Allemagne et de France n’acceptent pas que des traités secrets puissent jamais leur faire une obligation d’entrer dans le conflit des Balkans.

Si, dans la suite, l’effondrement militaire de la Turquie ébranlait la puissance ottomane en Asie-Mineure c’est le devoir des socialistes d’Angleterre de France et d’Allemagne de s’opposer de toutes leurs forces à une politique de conquête en Asie-Mineure, qui mènerait droit à la guerre universelle.

Le Congrès considère comme le plus grand danger pour la paix de l’Europe, l’hostilité artificiellement entretenue entre la Grande-Bretagne et l’empire allemand.

Il fallut les efforts de la classe ouvrière des deux pays pour apaiser cet antagonisme.

Il estime que le meilleur moyen à cet effet sera la conclusion d’un accord sur la limitation des armements navals et sur l’abolition du droit de prise maritime.

Le Congrès demande aux socialistes d’Angleterre et d’Allemagne leur propagande en vue de cet accord L’apaisement des antagonismes entre l’Allemagne d’un côté, la France et l’Angleterre de l’autre, écarterait le plus grand péril pour la paix du monde.

Il ébranlerait la puissance du tsarisme qui exploite cet antagonisme, il rendrait impossible toute attaque de l’Autriche contre la Serbie, et il assurerait la paix universelle ; tous les efforts de l’Internationale devant tendre vers ce but.

Le Congrès constate que toute l’Internationale socialiste est unie sur ces idées essentielles de la politique extérieure.

Il demande aux travailleurs de tous les pays d’opposer à l’impérialisme capitaliste la force de la solidarité Internationale du prolétariat ; il avertit les classes dirigeantes de tous les pays de ne pas accroître encore, par des actions de guerre, la misère infligée aux masses par le mode de production capitaliste. Il demande, il exige la paix.

Que les Gouvernements sachent bien que dans l’état actuel de l’Europe et dans la disposition d’esprit de la classe ouvrière, ils ne pourraient, sans péril pour eux-mêmes, déchaîner la guerre.

Qu’ils se souviennent que la guerre franco-allemande a provoqué l’explosion révolutionnaire de la Commune, que la guerre russo-japonaise a mis en mouvement les forces de révolution des peuples de la Russie ; qu’ils se souviennent que le malaise provoqué par la surenchère des dépenses militaires et navales a donné aux conflits sociaux en Angleterre et sur le continent une acuité inaccoutumée et déchaîné des grèves formidables.

Ils seraient fous s’ils ne sentaient pas que la seule idée d’une guerre monstrueuse soulève l’indignation et la colère du prolétariat de tous les pays.

Les travailleurs considèrent comme un crime de tirer les uns sur les autres pour le profit des capitalistes ou l’orgueil des dynasties ou les combinaisons des traités secrets.

Si les Gouvernements, supprimant toute possibilité d’évolution régulière, acculent le prolétariat de toute l’Europe à des résolutions désespérées, c’est eux qui porteront toute la responsabilité de la crise provoquée par eux.

L’Internationale redoublera d’efforts pour prévenir la guerre par sa propagande toujours plus intense, par sa protestation toujours plus ferme.

Le Congrès charge, à cet effet, le Bureau Socialiste International de suivre les événements avec un redoublement d’attention et de maintenir, quoi qu’il advienne, les communications et les liens entre les partis prolétariens de tous les pays.

Le prolétariat a conscience que c’est sur lui que repose, à cette heure, tout l’avenir de l’humanité et il emploiera toute son énergie pour empêcher l’anéantissement de la fleur de tous les peuples menacés de toutes les horreurs des massacres énormes, de la famine et de la peste.

Le Congrès fait appel à vous tous, prolétaires socialistes de tous les pays, pour que, dans cette heure décisive, vous fassiez entendre votre voix et affirmiez votre volonté sous toutes les formes et partout.

Élevez de toute votre force votre protestation unanime dans les Parlements ; unissez-vous dans des manifestations et actions de masses, utilisez tous les moyens que l’organisation et la force du prolétariat met entre vos mains, de telle sorte que les Gouvernements sentent constamment devant eux la volonté attentive et agissante d’une classe ouvrière résolue à la paix.

Opposez ainsi au monde capitaliste de l’exploitation et du meurtre les masses du monde prolétarien de la paix et de l’Union des peuples. »

La seconde Internationale ne tiendra pourtant pas le choc lors du déclenchement de la guerre mondiale.

=>Retour au dossier sur les fractures au sein de la seconde Internationale

Le huitième congrès de la seconde Internationale et la guerre

La démarche syncrétique de la seconde Internationale, en particulier lors de son huitième congrès, ne pouvait que donner une approche bancale en général et en particulier dans la Résolution sur la guerre.

D’un côté la guerre est définie de manière juste. De l’autre, la réponse à la guerre relève d’une tentative de trouver des solutions depuis la situation telle qu’elle est.

On est dans une approche totalement différente de celle de Lénine, qui lui exigeait qu’on prenne la situation dans sa substance et qu’alors on s’oppose à la guerre par une initiative politique de rupture. S’opposant à l’antimilitarisme anarchiste totalement vain, la seconde Internationale bascule dans un esprit constructif finalement impuissant.

Voici ce que dit la résolution :

« Le Congrès constate que dans ces dernières années, malgré le Congrès de la paix et les déclarations pacifistes des gouvernements, les armements ont été augmentés d’une façon considérable.

En particulier, la concurrence des armements maritimes, dont la dernière phase est la construction des [cuirassés de type] Dreadnoughts, entraîne non seulement un gaspillage insensé des deniers publics pour des buts stériles et est cause, par conséquent, du manque de ressources et de l’absence de dépenses pour les réformes sociales et pour la législation protectrice du travail ; elle menace aussi d’épuiser matériellement toutes les nations, par les charges intolérables des impôts indirects, et tous les Etats, par la ruine des finances publiques.

En même temps, ce sont ces armements précisément qui ont menacé dernièrement encore la paix du monde, comme ils en seront forcément la menace perpétuelle.

En face de cette évolution, qui est un danger à la fois pour la civilisation humaine, pour la prospérité des peuples et pour l’existence des masses, le Congrès confirme les résolutions des Congrès antérieurs et en particulier celle du Congrès de Stuttgart et rappelle :

Que les travailleurs de tous les pays n’ont entre eux ni démêlé ni désaccord, de nature à provoquer une guerre ; que les guerres ne sont actuellement causée que par le capitalisme et particulièrement par la concurrence économique internationale des États capitalistes sur le marché du monde, et par le militarisme, qui est un des instruments les plus puissants de la domination bourgeoise à l’intérieur pour l’asservissement économique et politique du prolétariat.

Les guerres ne cesseront complètement qu’avec la disparition de la société capitaliste. La classe ouvrière, qui supporte les charges les plus lourdes de la guerre et a le plus à en souffrir, est donc le plus intéressé à leur disparition.

Le prolétariat socialiste organisé de tous les pays est donc le seul garant sûr de la paix du monde. C’est pourquoi le Congrès engage à nouveau les partis ouvriers à répandre la lumière sur les causes des guerres dans tout le prolétariat et en particulier dans la jeunesse, et à éduquer cette dernière dans l’esprit de la fraternité des peuples.

Le Congrès, en maintenant, pour les représentants socialistes dans les parlements, l’obligation, plusieurs fois répétée déjà, de combattre de toutes leurs forces les armements et de refuser pour cette destination toute dépense financière, attend de ces députations :

a) Qu’elles réclament sans cesse la solution obligatoire de tous les conflits entre États par des cours d’arbitrage internationales ;

b) Qu’elles renouvellent constamment les propositions tendant au désarmement général et d’abord et avant tout, les propositions de conclure des conventions limitant les armements maritimes et d’abolir le droit de prise maritime ;

c) Qu’elles réclament l’abolition de la diplomatie secrète et la publication de tous les traités existants et futurs entre gouvernements ;

d) Qu’elles réclament avec insistance l’autonomie de tous les peuples et les défendent contre toute attaque belliqueuse et contre toute oppression.

Le Bureau Socialiste International aidera tous les groupes parlementaires socialistes dans la lutte contre le militarisme, par l’envoi de documents, et tendra à amener une action commune de ces groupes.

Pour les cas de complications guerrières, le Congrès confirme la motion antimilitariste du Congrès de Stuttgart, qui dit :

« Si une guerre menace d’éclater, c’est un devoir de la classe ouvrière dans les pays concernés, c’est un devoir pour leurs représentants dans les parlements avec l’aide du Bureau International, force d’action et de coordination, de faire tous leurs efforts pour empêcher la guerre par tous les moyens qui leur paraissent les mieux appropriés et qui varient naturellement selon l’acuité de la lutte des classes et la situation politique générale.

Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils ont le devoir de s’ entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. »

Afin d’assurer l’exécution de ces mesures, le Congrès invite le Bureau Socialiste International à faire, pour les cas de conflits internationaux, entre les partis ouvriers des pays intéressés, l’entente pour une action commune, afin d’empêcher la guerre.

En tous cas où il y aurait menace de conflit entre deux ou plusieurs pays, s’il y a hésitation ou retard de décision de leurs partis nationaux consultés, le secrétaire du Bureau Socialiste International, sur la demande d’au moins un des prolétariats intéressés, convoquera d’urgence le Bureau Socialiste International et la Commission Interparlementaire qui devront aussitôt se réunir, soit à Bruxelles, soit en tout lieu qui, suivant les circonstances, paraîtrait mieux convenir. »

Formellement, on a quelque chose de juste. Cependant, l’esprit est clairement posé, conciliateur, pratiquement pragmatique-machiavélique. C’est là la source de la faillite en 1914.

=>Retour au dossier sur les fractures au sein de la seconde Internationale

Le huitième congrès de la seconde Internationale et le syncrétisme

Les slogans inscrits en danois, en français, en anglais et en allemand lors du huitième congrès de la seconde Internationale résume tout à fait les limites de l’unité existant au sein de la seconde Internationale.

On lisait ainsi : « Le travail est la source de toute richesse », « La solidarité est notre base », « Connaissance est puissance », « La religion est affaire privée », « Abolition de la division des classes », « Suppression des monopoles privés », « La volonté du peuple est la loi suprême », « Suffrage universel pour tous », « Journée maximum de huit heures », « Le désarmement, c’est la Paix », « Donnez à la femme les mêmes droits qu’à l’homme », « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Les délégués au huitième congrès

On a ainsi un double mouvement : d’un côté il y a l’affirmation systématique de la nécessité du socialisme, de l’autre une acceptation d’œuvrer à l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, sans réflexion sur le rapport dialectique entre les deux.

Ainsi, la résolution du congrès sur le chômage dit que :

« Aussi longtemps que la production capitaliste sera à la base de la société, tout ce qu’on fera dans ce domaine ne sera qu’un palliatif.

Le Congrès réclame donc des pouvoirs publics l’assurance générale obligatoire dont l’administration sera confiée aux organisations ouvrières et dont les frais seront supportés par les détenteurs des moyens de production. »

Il est évident que les deux paragraphes se contredisent dans leurs définitions même.

Si la bourgeoisie peut céder des droits qui relèvent littéralement du socialisme, alors on n’est plus dans un palliatif comme il est dit dans le premier paragraphe, mais dans un nouveau système de répartition. Il y a ici un espace béant dans lequel va se précipiter l’aile réformiste, en profitant de la modernisation du mode de production capitaliste pour expliquer que, finalement, tout a changé.

On trouve le même problème de fond dans la résolution sur la législation ouvrière. La première phrase pose déjà en elle-même une question d’économie politique :

« L’exploitation des travailleurs qui augmente avec le développement de la production capitaliste, a mené une situation qui rend absolument nécessaire une législation protectrice de la vie et de la santé des travailleurs. »

On a ici à l’arrière-plan la question de la paupérisation relative et absolue, qu’on a déjà vu dans l’affrontement entre Eduard Bernstein et Karl Kautsky, et qui en germe un aspect de l’opposition entre socialistes et communistes après 1917. En effet, si l’exploitation augmente, comment peut-il y avoir en même temps une amélioration ?

Il ne s’agit ici pas tant de considérer le propos comme faux que de voir qu’il aurait exigé un véritable travail de fond concernant cette question, la moindre ambiguïté provoquant une distorsion immense dans la démarche révolutionnaire.

Il s’agit là cependant d’une approche visant à nuancer, assécher, nier les contradictions au nom d’un syncrétisme ouvrier qui se suffirait en soi.

La résolution sur l’unité est ainsi également typique de cette démarche gommant les questions idéologiques concrètes. Voici ce qu’elle dit :

« Le Congrès rappelant de nouveau la décision d’Amsterdam au sujet de l’unité du parti ;

Considérant que le prolétariat étant un et indivisible, chaque section de l’Internationale doit former un groupement unique et fortement constitué et qu’il est obligé d’abolir ses divisions intérieures dans l’intérêt de la classe ouvrière de son pays et du monde entier ;

Considérant le grand accroissement de puissance et de prestige que le socialisme français a retiré de son unification,

Invite toutes les sections nationales qui demeurent encore divisées, à réaliser au plus tôt l’unité et donne mandat au Bureau International de prêter ses bons offices pour l’accomplissement de cette œuvre nécessaire. »

Le principe de l’unité est fondamentale et le huitième congrès souligne la nécessité de l’unité syndicale dans les empires ayant en leur sein plusieurs nationalités. Il en va de même ici pour le parti.

Cependant, on n’a pas une unité comprise comme une synthèse. La seconde Internationale n’avait d’ailleurs strictement aucune volonté de saisir les questions nationales d’Autriche-Hongrie et de Russie (sans parler de l’Espagne, la Turquie, etc.). Le Bureau International doit ainsi simplement procéder à une unité formée mécaniquement et cette unité va elle-même mécaniquement contribuer au mouvement.

On a littéralement un double jeu de la seconde Internationale, qui cherche à intégrer à la fois la droite et la gauche autour d’un centre, un centre qui ne voit pas qu’il y a la contradiction entre les « sociaux-démocrates » et les « socialistes » qui change tout.

=>Retour au dossier sur les fractures au sein de la seconde Internationale

Le huitième congrès de la seconde Internationale et sa nature

Le thème de la guerre, considérée comme si important au septième congrès de la seconde Internationale, devint littéralement brûlant lors du huitième congrès, à Copenhague, du 28 août au 3 septembre 1910.

Cependant, le Bureau Socialiste International, qui avait été mis en place pour des réunions entre les congrès et rassemblait 25 pays, ne tenait des conférences qu’annuellement. Il faut attendre 1909 pour qu’il y ait un bulletin d’information, en allemand, en anglais et en français. Ainsi, il n’y avait pas le travail nécessaire à l’arrière-plan pour parvenir à une réelle unité organique.

Le journaliste français Jean Bourdeau y fut présent et il raconte notamment dans la Revue des Deux Mondes, avec son ton à la fois dédaigneux, humoristique et fasciné :

« L’Internationale compte actuellement 33 sections dans tous les pays du globe à développement industriel. Ces sections correspondent moins à des États qu’à des nations. Celles qui luttent pour leur indépendance forment des sections spéciales. La Pologne, la Finlande, etc., possèdent ainsi des partis distincts de ceux d’Allemagne et de Russie (…).

Une animation extraordinaire, des duels oratoires passionnés sur les questions brillantes du Millerandisme, des rapports entre les partis socialistes et la démocratie bourgeoise, entre ces partis et les syndicats ouvriers, de l’attitude des socialistes en cas de guerre, qui mettaient aux prises Bebel et Jaurès, Hervé et Vollmar, avaient signalé les précédents congrès de Paris, d’Amsterdam, de Stuttgart.

L’ordre du jour du Congrès de Copenhague n’offrait rien de bien excitant : relation des coopératives et des partis politiques, chômage, arbitrage et désarmement, résultats internationaux de la législation ouvrière, manifestation à organiser contre la peine de mort, procédés à suivre pour l’exécution rapide des décisions prises par les congrès internationaux, organisation de la solidarité internationale. Le programme du spectacle semblait médiocre.

Ces représentations théâtrales sont d’ailleurs réglées d’une manière monotone comme une tragédie classique ou un vaudeville à tiroirs, avec leurs motions, résolutions, amendements et compromis final (…).

Le total [des délégués] s’élevait à 887 membres, dont 189 allemands, 72 autrichiens [en fait 65], 84 anglais, 49 français, [146 Danois, 86 Suédois, 44 Tchèques, 39 Russes, 31 Norvégiens, 26 Belges, 24 Polonais, 24 Américains, 19 Finlandais, 14 Hollandais, 14 Hongrois, 13 Suisses, 9 Italiens, 7 Bulgares, 5 Espagnols, 3 Serbes, 2 Arméniens de Turquie, 2 Roumains, 1 Argentin] etc. (…).

De tous les États européens, l’Empire allemand est celui qui semble le plus solide. Son organisation militaire, policière et bureaucratique ne laisse apercevoir aucune lézarde. Aussi longtemps qu’il restera debout, la Révolution internationale n’a aucune chance de succès.

Mais, si le socialisme est ailleurs plus bruyant et emphatique, nulle part il n’a de racines plus profondes qu’en Allemagne. Ses partisans sont enflammés du fanatisme de secte, Pas à pas, suivant un plan de campagne, la démocratie sociale s’avance, et nous ne voyons pas ce qui peut la faire reculer (…).

Les séances se tinrent dans la vaste salle des concerts. Le matin de l’ouverture, une cantate composée pour la circonstance et merveilleusement exécutée par 400 choristes souhaitait la bienvenue aux camarades accourus de tous les coins du globe. Puis retentis le chant de guerre de l’Internationale écouté debout, tête nue.

Une procession de 25 000 personnes avait été organisée pour l’après-midi. Elle devait traverser la ville et se rendre au parc de Sondermarken. En avant-garde marchaient les agents de police.

Quinze corps de musique précédaient le premier bourgmestre Jensen, accompagné de sa femme. Suivaient les employés des postes sanglés dans leur redingote rouge, une escouade de femmes coiffées du bonnet phrygien, des sociétés de gymnastique et de chant, en casquettes blanches, les midinettes de la machine à coudre, les employés des chemins de fer, ceux du gaz, etc. : vingt-deux bannières bariolées distinguaient les groupements.

On défilait sous des arcs de triomphe : pressés aux fenêtres, les spectateurs : échelonnaient jusque sur les toits. De jolies blondes jetaient des fleurs. Des soldats en uniforme admiraient le cortège sans y prendre part. Les membres les plus connus de l’Internationale étaient acclamés au passage : pas un cri séditieux ne fut poussé (…).

Il [=le congrès] ne marquera pas une date importante dans l’histoire du socialisme. Le Vorwaerts [allemand] qui, au lendemain de ces congrès, entonne des hymnes d’allégresse, a, cette fois, baissé le ton.

Les délibérations n’étaient pas de nature à exciter un grand enthousiasme, et les Allemands n’y ont pas joué le premier rôle. La solidarité internationale ne parait pas si étroite qu’on le proclame. A mesure que le mouvement s’accroit, il se différencie, selon la loi de tout organisme.

Les querelles entre Tchèques, Italiens et Allemands au sein de la démocratie autrichienne, les divergences d’opinion entre Allemands, entre Français et Anglais sur les mesures à prendre en cas de guerre prouvent que les nations suivent chacune leur chemin, selon le train habituel de la nature humaine. Ce fut en somme un congrès de compromis qui s’acheva par des danses. Une petite fête avait ouvert le Congrès, une grande fête l’a terminé. »

=>Retour au dossier sur les fractures au sein de la seconde Internationale

Lénine au septième congrès de la seconde Internationale

Lénine était venu en personne, depuis la clandestinité au septième congrès de la seconde Internationale, à Stuttgart. Voici les principales remarques qu’il fit dans un article de synthèse.

On voit qu’il fait tout à fait confiance encore à la seconde Internationale ; il est évident qu’il se pose comme une figure d’une fraction rouge en son sein, considérant que tendanciellement la seconde Internationale va dans le bon sens et qu’il faut savoir l’aiguiller, réfuter l’opportunisme.

« Le récent congrès de Stuttgart a constitué la douzième assemblée de l’Internationale prolétarienne (…).

À Stuttgart s’étaient réunis 884 délégués venus de 25 pays d’Europe, d’Asie (Japon et une partie de l’Inde), d’Amérique, d’Australie et d’Afrique (un délégué d’Afrique du Sud).

L’importance considérable du congrès socialiste international de Stuttgart réside précisément dans le fait qu’il a achevé de consolider la deuxième Internationale et qu’avec lui les congrès internationaux se sont transformés en assemblées de travail exerçant une influence profonde sur le caractère et l’orientation des activités du mouvement socialiste dans le monde entier.

En principe, les différents partis nationaux ne sont pas obligés d’appliquer les décisions des congrès internationaux, mais la portée morale de ces décisions est telle que leur non-application est une exception presque aussi rare que la non-application par les partis des décisions de leurs propres congrès.

Le congrès d’Amsterdam était parvenu à unir les socialistes français et sa résolution contre le « ministérialisme » traduisait véritablement la volonté du prolétariat conscient du monde entier et définissait la politique des partis ouvriers.

Le congrès de Stuttgart a constitué lui aussi un grand pas dans cette direction, s’avérant sur toute une série de questions importantes d’instance suprême qui allait déterminer la ligne politique du socialisme (…).

Cependant, phénomène à la fois remarquable et attristant, la social-démocratie allemande, qui s’en était jusqu’ici toujours tenue aux conceptions révolutionnaires marxistes, a fait preuve d’instabilité ou adopté des positions opportunistes (…).

Les divergences surgies sur la question coloniale ne purent être surmontées en commission, et c’est le congrès lui-même qui mit fin à la discussion entre opportunistes et révolutionnaires en donnant à ces derniers une majorité de 127 voix contre 108, et 10 abstentions (…).

Sur la question coloniale, la commission a vu se dégager une majorité opportuniste, et le projet de résolution comportait cette phrase monstrueuse : « Le congrès ne condamne pas, en principe et pour tous les temps, toute politique coloniale, qui, en régime socialiste, pourra être une œuvre civilisatrice. »

Cette disposition équivaut en fait à un recul direct vers la politique et la conception du monde bourgeoises justifiant guerres et violences coloniales (…).

La dernière journée du congrès a été consacrée à une question que tous attendaient avec un grand intérêt, celle du militarisme. Incapable de faire la relation entre la guerre et le régime capitaliste en général et d’établir un lien entre la propagande antimilitariste et l’ensemble du travail des socialistes, le fameux Hervé s’est fait le défenseur de conceptions indéfendables.

Le projet d’Hervé de « répondre » à toute guerre par la grève et l’insurrection a montré combien son auteur était inapte à comprendre que l’emploi de tel ou tel moyen de lutte ne dépendait pas d’une décision prise au préalable par les révolutionnaires, mais des conditions objectives de la crise, tant politique qu’économique, provoquée par la guerre.

Mais si Hervé, se laissant entraîner a des phrases ronflantes, a fait preuve d’une légèreté et d’un manque de réflexion évidents, c’eut été avoir la vue bien courte que de lui opposer le seul énoncé dogmatique des vérités générales du socialisme. C’est pourtant ce qu’a fait notamment Vollmar (Bebel et Guesde n’ont pas été absolument purs de ce péché) (…).

Cet aspect de la question, l’appel à ne pas se contenter des seuls moyens parlementaires de lutte, l’appel à l’action en tenant compte des conditions de la guerre future et des crises futures, furent mis en relief par les social-démocrates révolutionnaires et, en particulier, par Rosa Luxemburg dans son discours.

De concert avec les délègués de la social-démocratie russe (Lénine et Martov intervinrent dans le même sens sur cette question) Rosa Luxemburg proposa des amendements à la résolution de Bebel, amendements qui mettaient l’accent sur la nécessité de mener la propagande parmi les jeunes, la nécessité de mettre à profit la crise engendrée par la guerre pour accélérer la chute de la bourgeoisie, la nécessité inévitable de prévoir un changement des méthodes et des moyens de lutte à mesure que s’aggraverait la lutte de classe et qu’évoluerait la situation politique (…).

Ce n’est pas une vaine menace à la Hervé, mais une claire conscience de l’inévitabilité de la révolution sociale, une ferme volonté de mener la lutte jusqu’au bout et d’utiliser les moyens de lutte les plus révolutionnaires qu’on peut lire dans la résolution du congrès socialiste international de Stuttgart sur la question du militarisme.

L’armée du prolétariat grandit dans tous les pays. Sa conscience, sa volonté et son unité se font d’heure en heure plus fortes. Et le capitalisme se charge, lui, de multiplier les crises dont cette armée ne manquera pas de tirer profit pour l’abattre. »

=>Retour au dossier sur les fractures au sein de la seconde Internationale

Les faiblesses révélées au septième congrès de la seconde Internationale

La révolution russe vint ébranler la seconde Internationale dans ses contradictions. Désormais, toute l’attention était portée sur l’effondrement de la Russie tsariste, qui était considérée comme imminente. Cependant, cette attention était directement politique et, à ce titre, elle n’émergeait nullement au sein de la seconde Internationale.

En effet, le bolchevisme posait la question de l’organisation et du rôle du Parti dans la révolution, ainsi que de la fonction de l’économie politique, en l’occurrence avec la question paysanne.

Or, la seconde Internationale se posait comme centre unificateur et n’abordait pas, pour ne pas dire évitait même toutes les questions de fond.

Le lieu du septième congrès

Ainsi, le septième congrès, qui se tint en Allemagne, à Stuttgart, du 18 au 24 août 1907, correspond à un syncrétisme marqué par des oppositions de fond qui s’expriment mais qui ne finissent jamais par s’incarner politiquement.

Rosa Luxembourg prenant la parole en 1907 à Sttutgart

Le journaliste français Jean Bourdeau fit de nouveau un article pour la Revue des Deux Mondes. Tout le début de son article est encore marqué par l’opposition entre les traditions social-démocrate et socialiste :

« Au Congrès international d’Amsterdam, en 1904, les social-démocrates allemands, gênés par la politique ministérielle des socialistes français, dont M. de Bülow se servait, à la tribune du Reichstag, pour dénoncer l’esprit sectaire de la social-démocratie allemande, firent condamner cette politique.

Conformément aux décisions de ce Congrès, les Français s’unifièrent, et, après avoir dénoncé l’alliance des radicaux, déserté le Bloc, passèrent à l’autre extrême : ils cherchèrent à se rapprocher des syndicalistes révolutionnaires de la Confédération générale du Travail.

Singulièrement embarrassés, à leur tour, dans leur campagne antimilitariste et anti-patriotique par la prudence, la réserve, lors des affaires du Maroc, les discours empreints de nationalisme, des chefs socialistes d’Allemagne, les Français en ont appelé aux délégués socialistes de toutes les nations, réunis à Stuttgart, pour secouer le joug de l’hégémonie allemande, faire sortir les camarades d’Allemagne, ou plutôt ceux qui les dirigent de façon si autoritaire, de leur rôle commode d’insupportables régents, d’éternels critiques, et les obliger à prendre, dans l’éventualité de conflits internationaux, l’engagement solennel de seconder, par les mêmes moyens d’action, les efforts des socialistes français, afin d’imposer la paix au monde.

C’est dans cette sorte de duel franco-allemand, dans cette lutte pour la prééminence au sein de l’Internationale, dans cette opposition de traditions, de méthodes, de tempérament et de races, que réside tout l’intérêt du Congrès de Stuttgart. »

Cependant, en formulant les choses ainsi, Jean Bourdeau constate en même temps que cela ne change pas grand-chose, pour la simple raison que personne n’a de perspective concrète.

Il raconte avec un humour caustique un épisode du congrès :

« Le député hollandais Troelstra a posé une question indiscrète ; le moment n’était-il pas venu d’étudier un système politique particulier, de rechercher comment l’État pourrait être constitué en un système socialiste, distinct de la politique bourgeoise et du socialisme d’État bourgeois ?

M. Vaillant a jugé la recherche presque impossible. M. Jaurès, rappelant sa proposition d’exposer par le détail l’appareil juridique de l’État futur, a ajouté, avec belle humeur, qu’heureusement il n’avait pu mener l’entreprise à bonne fin, parce qu’il s’était trouvé souffrant.

Toujours sarcastique, le docteur Adler déclara qu’il avait la vue un peu basse, sur ces questions d’avenir, mais que la vue à distance n’était pas une vertu : si l’on nommait une commission pour ordonner toutes les propositions qui surgiraient à ce sujet, et si l’on cherchait à les concilier, on mettrait en danger non le mouvement socialiste, mais la santé de ses membres. Bref, les socialistes travaillent de leur mieux à détruire la société actuelle, sans savoir le moins du monde par quoi ils la remplaceront. »

=>Retour au dossier sur les fractures au sein de la seconde Internationale