Camarades du 883 [revue qui a été de 1968 à 1973 le principal organe de la scène « underground »], cela n’a aucun sens que d’expliquer ce qui est correct aux gens qui ne le sont pas.
Cela, nous l’avons suffisamment longtemps. L’action de libération de Baader, nous ne devons pas l’expliquer aux radoteurs intellectuels, à ceux qui flippent, à ceux qui savent tout sur tout, mais aux couches populaires potentiellement révolutionnaires.
C’est-à-dire, ceux qui peuvent immédiatement comprendre cet acte, parce qu’ils sont eux-mêmes prisonniers.
Ceux qui ne peuvent rien commencer avec le blabla des « gauches », parce que c’est sans conséquences et sans actions. Ceux qui en ont marre!
L’action de libération de Baader, vous devez l’expliquer aux jeunes du quartier de Märkisch, aux filles d’Eichenhof, à Ollenhauer, Heiligensee, aux jeunes du foyer pour jeunes, du centre d’aide à la jeunesse, à la maison verte [un foyer pour la jeunesse], au Kieferngrund [idem].
Aux familles nombreuses, aux jeunes travailleurs et aux apprentis, aux lycéens, aux familles des quartiers en rénovation, aux travailleurs de Siemens et d’AEG-Telefunken, de SEL et d’Osram, aux travailleuses mariées qui en plus du ménage et des enfants doivent travailler à la pièce – quelle merde !
C’est à eux qu’il faut diffuser l’action, parce qu’ils n’ont pas de dédommagements pour leur exploitation par le niveau de vie, la consommation, les Plans d’Epargne Logement, les petits crédits, la voiture moyenne. Eux qui ne peuvent pas se permettre tout ce bric-à-brac, qui ne pendent pas à tout ça.
Ceux qui ont découvert tout le caractère mensonger des promesses de futur de leurs éducateurs et professeurs et gérants d’immeuble et travailleurs sociaux et contremaîtres et responsables syndicaux et maires de quartiers, et qui n’ont peur encore que de la police. C’est à eux – et non pas aux intellectuels petits-bourgeois -, qu’il faut expliquer que c’est fini maintenant, que ça commence, que la libération de Baader n’est que le début!
Qu’une fin de la domination des flics est en vue!
C’est à eux qu’il faut dire que nous construisons l’armée rouge, que c’est leur armée.
C’est à eux qu’il faut dire que tout commence. Ils ne vous demanderont pas stupidement : pourquoi maintenant précisément? Ils ont derrière eux mille chemins vers les autorités et les administrations, la valse des procès, les salles d’attente, et toujours la date où cela a réussi et celle où ça n’a pas réussi.
Et la discussion avec la prof sympa, qui n’a pas pour autant empêché le transfert en lycée professionnel, et la responsable du jardin d’enfant qui elle non plus n’y pouvait rien qu’il n’y ait pas de place.
Eux ne vous demanderont carrément pas pourquoi maintenant!
Ils ne vous croiront certainement pas si vous n’êtes pas capables de diffuser le journal avant qu’il soit confisqué.
Parce que vous ne devez pas agiter les mange-merdes de gauche, mais les gauches objectives, vous devez construire un réseau de distribution inatteignable par les porcs.
Ne bavardez pas comme quoi c’est trop dur. L’action de libération de Baader n’était pas non plus une sinécure. Si vous avez compris ce qui se passe (et vos commentaires montrent que vous avez compris, mais c’était de la merde opportuniste de trous de culs que de dire que vous auriez vous aussi une balle dans le ventre), si vous avez compris quelque chose, vous devez organiser de manière meilleure la diffusion. Et nous ne vous dirons pas plus sur les méthodes que sur les plans d’actions – bandes d’emprisonnés dans les tourbières! Tant que vous vous laissez choppés, vous ne pouvez pas donner de conseils aux gens pour qu’ils ne se fassent pas chopper. Qu’est-ce que l’aventurisme? S’introduire soi-même des indics. Alors.
Qu’est-ce que cela signifie, porter les conflits à leur pointe? Cela signifie : ne pas se laisser massacrer.
C’est pourquoi nous construisons l’armée rouge. Derrière les parents il y a les professeurs, le juge pour enfants, la police.
Derrière le contremaître il y a le chef, le bureau du personnel, la protection du travail, le travailleur social, la police.
Derrière le concierge il y a le gérant, le propriétaire, l’huissier, la menace d’expulsion, la police.
Ils arrivent par cela ce que les porcs font avec les censures, les licenciements, les renvois, avec les scellés et les matraques. Évidemment qu’ils saisissent leurs armes de service, au gaz lacrymogène, aux grenades et aux mitraillettes, évidemment qu’ils font l’escalade des moyens, s’ils n’y arrivent pas autrement.
Évidemment que les Gis au Vietnam sont formés de manière nouvelle à la tactique de la guérilla, que les bérets verts ont des cours sur la torture. Et alors?
Il est clair que les peines seront alourdies pour les politiques. Vous devez rendre clairs le fait que c’est de la merde social-démocrate que de prétendre que l’impérialisme, avec tous ses Neubauer [sénateur de Berlin] et Westmoreland [commandant des forces US au Vietnam de 1964 à 1968 puis chef d’état-major], Bonn [capitale administrative], le sénat, le tribunal pour jeunes et les administrations d’arrondissements, tout le bordel des porcs, se laisserait noyauter, balader, prendre au dépourvu, intimider, dissoudre sans combat.
Rendez clair le fait que la révolution ne sera pas une balade printanière. Que les porcs feront l’escalade des moyens aussi loin qu’ils le pourront, mais également pas plus loin.
Afin que les conflits puissent en arriver à être accentués jusqu’à leur résolution, nous construisons l’armée rouge.
Sans construire en même temps l’armée rouge, tout conflit se gâte, devient réformisme tout travail politique dans l’entreprise et à Wedding [quartier de Berlin-Ouest] et dans le Märkischen Viertel [cité-dortoir de Berlin-Ouest] et à la Plötze [prisons pour femmes de Berlin-Ouest / Plötzensee] et dans la salle du procès, c’est-à-dire: vous n’en arrivez qu’à de meilleurs moyens disciplinaires, de meilleures d’intimidation, de meilleures méthodes d’exploitation. Cela casse le peuple et ne casse pas ce qui casse le peuple! Sans construire l’armée rouge, les porcs peuvent tout faire, les porcs peuvent continuer: enfermer, licencier, hypothéquer, voler les enfants, intimider, tirer, dominer.
Faire que les conflits puissent en arriver à être accentués jusqu’à leur résolution, cela signifie: qu’ils ne peuvent plus faire ce qu’ils veulent, mais qu’ils doivent faire ce que nous nous voulons.
C’est à eux à qui vous devez le rendre clair, ceux qui n’ont rien de l’exploitation du tiers-monde, du pétrole perse, des bananes de Bolivie, de l’or sud africain, qui n’ont aucune raison de s’identifier aux exploiteurs. Eux peuvent capter cela, que ce qui se commence ici a déjà commencé, au Vietnam, en Palestine, au Guatemala, à Okland et Watts, à Cuba et en Chine, en Angola et à New York.
Eux captent cela, si vous leur expliquez, que l’action de libération de Baader n’est pas une action unique et isolée, qu’elle ne l’a jamais été, mais la première de ce type en RFA. Nom de dieu.
Ne restez pas assis sur le sofa de ton appartement perquisitionné en comptant les amours et les petits esprits mesquins. Construisez l’appareil de diffusion correct, laissez tomber les flippés, les mangeurs de choux, les travailleurs sociaux, ceux qui ne cherchent qu’à gagner des faveurs, le pack de Lumpen.
Débrouillez-vous pour savoir où sont les foyers et les familles nombreuses et le sous-prolétariat et les femmes prolétaires, qui ne font qu’attendre de pouvoir frapper dans la gueule ceux qui le méritent.
Eux prendront la direction. Et ne vous faites pas attraper, et apprenez d’eux comment on fait pour ne pas se faire attraper, ils en savent plus que vous.
Élargir les luttes de classes
Organiser le prolétariat
Commencer avec la lutte armée
à construire l’armée rouge !
RAF, 5.6.1970
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