Interview d’ETA au journal GARA (2008)

Quelle est votre lecture de la situation politique depuis la fin du processus des négociations ?

Le même mur et la violence permanente de l’État espagnol se dressent toujours contre l’Euskal Herria. Comme lors du dernier processus de paix, le mur qui nous bloque est celui de la Constitution espagnole et de la négation du peuple basque.

L´État espagnol n’a pas mené une véritable transition démocratique, et Zapatero a emprunté le même chemin que González et Aznar avant lui. Il a laissé échapper une excellente occasion de réforme de l’État fasciste qu’il gouverne. L’occasion de laisser l’Euskal Herria suivre la voie qui est la sienne.

C’est en tout cas ce que nous avons pu vérifier lors du processus de négociations. De la part du Gouvernement, il a été abordé avec des objectifs malveillants et le processus n’a pas prospéré. Depuis, comme ils l’ont répété à de nombreuses reprises, ils ont maintenu leur pari en faveur d’une politique basée sur la répression.

Au lieu de progresser dans le respect des droits légitimes de l’Euskal Herria, au lieu de désactiver les mécanismes hérités de tant d’années de dictature pour avancer vers une véritable démocratisation de l’État espagnol, ils s’en tiennent aux recettes du passé.

Mais il faut qu’ils sachent que l’État espagnol ne sera véritablement démocratique, et ne jouira de stabilité et de paix, que si les droits nationaux de l’Euskal Herria sont reconnus.

Zapatero a fait le mauvais choix, car cela annonce de longues années de conflit de la part de l’État espagnol.

Par ailleurs, le PNV, qui représente la bourgeoisie basque, a de nouveau trahi son peuple. Au cours du processus de paix, ce parti a dit clairement qu’il optait pour rester aux côtés du PSOE. Aujourd’hui, nous pouvons dire qu’il en est ainsi. Son objectif est de gagner les élections de 2009, dans la Communauté Autonome du Pays Basque, et de garder le pouvoir.

Quelle est l’analyse de l’ETA sur l’évolution de la revendication de l’autonomie pour l’Ipar Euskal Herria (Nord du Pays Basque) ?

À nos yeux, cette revendication est nécessairement positive. Nous voyons cette alternative rénovée présentée par la gauche basque à l’Euskal Herria comme un nouveau pas en avant issu de la maturité de la situation politique et du développement de la lutte de libération.

Une large majorité de la société basque revendique une reconnaissance politique et institutionnelle, capable de redonner à l’Euskal Herria des compétences et des niveaux de pouvoir. Il est indispensable de nous réapproprier ces domaines de pouvoir face à la colonisation et à la répression venant de Paris, car c’est la survie du peuple basque qui est en jeu.

Un exemple clair est constitué par le fait que les secteurs économiques locaux, entre autres, revendiquent la nécessité de cette structuration institutionnelle fondamentale en tant qu’instrument efficace pour assurer un avenir économique pour l’Euskal Herria.

Les mesures adoptées depuis Pau et Paris, contre la volonté populaire, reflètent également la nécessité des Basques de disposer d’un statut d’autonomie spécifique. C’est le cas, par exemple, de l’autoroute A-63 récemment approuvée, et des destructions entraînées par sa construction. On a besoin d’un statut d’autonomie qui prenne en compte les revendications des Basques : l’euskara (langue basque) doit être officielle, l’aménagement du territoire, l’économie, etc.

Le statut d’autonomie pour les trois territoires proposé par la gauche basque pose une première pierre de la construction de l’État d’Euskal Herria. C’est ce sur quoi nous misons.

Par contre, certains secteurs du PNV et d’AB naviguent à la dérive depuis un certain temps, et ils continuent à situer leur perspective politique, et par conséquent l’avenir de l’Euskal Herria, dans la logique de l’État français. Ce chemin vers nulle part nous condamne à être « basque français » ou, comme certains le disent, « Basques en France » ou « Français en Pays Basque ». Et là, l’Euskal Herria n’a aucun avenir.

En revanche, nous voyons très positivement la jonction en cours, pour la défense de la création de l’État d’Euskal Herria, entre des secteurs abertzales qui travaillaient depuis des perspectives politiques très différentes. Les blessures du passé se sont fermées, et cela permet de poser les fondations nécessaires pour que le processus de lutte entamé soit irréversible.

Vous revendiquez la nécessité d’un État pour l’Euskal Herria. Dans la situation politique actuelle, quel est le sens à donner à cette revendication ?

Ce n’est pas une simple revendication. La création de l’État d’Euskal Herria a été, et constitue toujours, l’objectif de la résistance révolutionnaire née en Euskal Herria au cours de ces longues années. C’est une option qui permettra de réaliser l’idéal d’indépendance. De nombreuses compagnes et compagnons de lutte ont donné leur vie pour la défense du peuple basque, et pour voir un jour cet objectif réalisé.

En effet, quelle autre option pour l’Euskal Herria ? Voir les Basques à la dérive, au sein de l’Espagne ou de la France, en fonction des politiques appliquées au gré des gouvernements, par Zapatero, Rajoy ou Sarkozy, pour la gestion de leur État respectif ? Voir des partis comme le PNV faire des affaires et augmenter leur pouvoir, en profitant de la situation ?

Le peuple basque a droit à un développement spécifique. D’autres exemples existent en Europe : l’Écosse, le Kosovo… Nous ne sommes donc pas dans l’utopie. Afin d’assurer sa survie, un peuple doit pouvoir se structurer et, c’est dans ce contexte que nous situons le nôtre : un peuple souverain doté d’un État.

Nous sommes conscients qu’il s’agit d’un processus graduel. Il s’agit d’un projet en plusieurs phases, car nous vivons des réalités différentes à cause de la persécution politique des États de France et d’Espagne. D’abord, nous devrons passer par la reconnaissance de l’Euskal Herria, par l’acceptation du droit à l’autodétermination et par la conquête d’un statut démocratique. Puis, nous pourrons entamer la construction de l’État d’Euskal Herria, qui ouvrira la porte à l’indépendance du Pays Basque.

Et nous sommes convaincus qu’une large majorité de la société basque est partie prenante du projet d’État de l’Euskal Herria. Pourquoi ? Parce nous sommes euskalduns (bascophones), citoyens basques et c’est pour cela que nous avons le désir et la nécessité d’être maîtres de notre destin.

Il est incompréhensible pour nous qu’un autre peuple nous gouverne. Nous revendiquons donc l’État d’Euskal Herria sans honte, dans la dignité et dans la fierté. Nous sommes convaincus que nous avons tous une place au sein du projet d’État d’Euskal Herria.

Mais il ne semble pas que l’État français ait changé d’attitude vis-à-vis de l’Euskal Herria.

L’État français est conscient de la force que la proposition d’autonomie politique de la gauche basque, et que cette convergence entre abertzales, ont apporté à la lutte de libération. La réponse du Gouvernement de Sarkozy consiste à augmenter la répression, comme les détentions de ces derniers mois l’ont démontré.

Par exemple, nous considérons que les rafles comme celle de Garazi avaient pour mission de briser cette lutte, et de menacer la gauche basque. Les mandataires de France commettent la même erreur que le Gouvernement espagnol.

Aviez-vous prévu que l’offensive du Gouvernement espagnol irait si loin ?

Comme nous l’avons dit plus haut, il est clair que le Gouvernement espagnol a lancé un processus de paix dans lequel il n’était prêt à faire aucune « concession politique ». C’est ainsi que l’on a entendu des déclarations selon lesquelles « nous n’irons pas plus loin. », ou « la Constitution ne va pas être modifiée »…

Ils pensaient que l’Organisation était affaiblie, et ils s’en sont tenus à une ligne qui recherchait la fin de l’ETA sans entrer dans de véritables négociations de paix. Ce que nous vivons actuellement, répression, répression et encore répression, constitue l’étape suivante des calculs de ces messieurs-dames.

Au moyen d’une répression policière et judiciaire sauvage contre l’ETA et contre la gauche basque, ils croient tracer la voie de « négociations techniques » pour l’avenir. Comme s’ils souhaitaient répondre au besoin et au désir de création de l’État d’Euskal Herria par ces recettes inconsistantes.

Il ne faut donc pas s’étonner si, aujourd’hui, avec une expérience de longues années de lutte derrière nous, la voie à emprunter pour apporter une solution et la manière de résoudre le conflit basque ne sont toujours pas claires.

Ces derniers mois, de nombreuses arrestations ont eu lieu, à propos desquelles le Gouvernement espagnol parle de la défaite policière de l’ETA. Qu’opposez-vous à ces affirmations ?

C’est la conséquence d’une logique policière de lecture du conflit. Mais l’ETA n’a jamais appréhendé les paramètres du conflit en termes militaires ; il n’y a pas de défaite militaire possible car les racines du conflit sont d’ordre politique. Il n’y a pas de victoire policière possible contre la volonté des citoyens basques.

Rien ni personne ne pourra paralyser la volonté du peuple basque de créer un État d’Euskal Herria. Et, à chaque tentative de rabattre la dignité d’Euskal Herria, notre détermination à lutter en sort renforcée.

Dans ce sens, nous voulons lancer un appel au peuple basque pour qu’il se lève contre l’oppression et contre la suffisance des États d’Espagne et de France, pour qu’il multiplie les chantiers de reconstruction, et pour que la lutte s’organise. Le processus de libération nationale est irréversible.

À l’occasion du communiqué en date du 15 décembre dernier, l’ETA a annoncé qu’elle répondrait aux « essais de terrorisme de l’État contre les militants basques ». Que vouliez-vous dire exactement ?

Comme nous l’avons expliqué dans le communiqué du 15 décembre, nous avons constaté, au cours de l’année dernière, des mouvements des forces armées espagnoles.

Pendant les négociations entre l’organisation et le Gouvernement espagnol, nous avons averti que nous répondrions au terrorisme d’État, et que ces manoeuvres devaient cesser immédiatement. Nous n’oublions pas que l’État espagnol, sur toute sa trajectoire, a fait usage et fait encore usage du terrorisme d’État. L’époque du GAL n’est pas si loin, sous les mandats de Pérez Rubalcaba et de Felipe González, et aujourd’hui nous avons les mêmes aux affaires, ou leurs héritiers.

L’effort qui a été fait pour escamoter cette dénonciation de l’ETA est d’ailleurs significatif. Toutefois, le ministre de l’Intérieur, Alfredo Pérez Rubalcaba a laissé entendre, par ses paroles, le sceau des GAL lorsqu’il a déclaré, telle une menace directe adressée aux combattants basques, que la hache avait coupé la tête du serpent.

La pensée et la stratégie des dirigeants espagnols étaient ainsi mises à nu : ils sont disposés à utiliser tous les moyens pour faire avorter le processus menant à l’indépendance de l’Euskal Herria.

L’ETA ne va pas tolérer les manoeuvres de guerre sale d’un État terroriste, ni la pression des forces de police. Nous agirons contre les appareils répressifs lancés à la chasse des combattants et des citoyens basques.

Tentative d’attentat contre le local du PSOE, à Balmaseda.

Nous appelons les militants du PSOE à demander au ministre Rubalcaba, au président Zapatero, ou à des fascistes comme Ares (PSOE), jusqu’où ils sont disposés à aller dans la pratique répressive.

Des Basques sont sauvagement torturés dans les casernes de la Garde Civile ; ils sont soumis à l’étouffement, à la baignoire, ils sont violés… Des Basques sont condamnés à mourir sur la route en conséquence de la politique de dispersion. Des militants indépendantistes sont condamnés à des centaines d’années de prison. Les militants du PSOE devraient réfléchir aux conséquences de toutes ces situations.

L’ensemble des forces politiques est sous l’influence des élections au Parlement espagnol. Comment situez-vous ce rendez-vous électoral dans le contexte actuel ?

En premier lieu, dans notre perspective, il faut dire que ces élections se situent dans la crise structurelle qui affecte l’État espagnol. Le quid de la question se trouve au coeur de la bataille entre PSOE et PP. Comment faire face aux racines de cette crise : la lutte de l’Euskal Herria.

Le PSOE tente de démontrer qu’il est capable de frapper la gauche basque et l’ETA plus fort que le PP. Mais la répression du PSOE va plus loin. Le PSOE ne saurait accepter la détermination et la capacité d’initiative démontrées par la gauche basque, car il est conscient que le projet de la gauche basque ne peut être vaincu. Il sait que les violents coups de boutoir assenés à la gauche basque représentent des bénéfices à court terme, mais il sait également qu’il ne pourra pas étouffer définitivement la soif d’indépendance.

C’est là que nous situons l’initiative adoptée par la gauche basque vis-à-vis de ces élections étrangères. Les Basques veulent montrer qu’il existe un peuple appelé Euskal Herria et revendiquer l’État d’Euskal Herria. C’est pour cette raison que l’ANV est menacée d’interdiction pour les élections.

Ce qui est curieux, c’est que l’État espagnol, qui tente quotidiennement de nous forcer à être espagnols, veuille écarter la gauche basque du cadre de sa propre législation. Ils ont tenté pendant des années d’étouffer la soif de vivre des Basques, par des pseudo-lois, par les structures espagnoles, et voilà qu’ils versent dans la résignation.

Il est évident que l’Euskal Herria n’a pas sa place dans le cadre de la législation d’oppression espagnole.

Mais une chose est en cours de socialisation : par-delà toutes les attitudes démocratiques, ni le PSOE ni le PP ne pourront faire fléchir la volonté de la gauche basque.

Mais vous n’observez pas un changement d’attitude de la part de la gauche basque ?

Nous ne le considérons pas ainsi. Nous sommes à un moment où il convient d’intensifier la lutte pour l’indépendance. La gauche basque a toujours su quelle était la meilleure option pour accumuler des forces face à chaque échéance électorale.

C’est à la gauche basque de mener cette réflexion, et nous sommes sûrs qu’elle saura le faire avec bonheur. L’ETA appelle tous les citoyens à s’impliquer dans la construction de l’État d’Euskal Herria, en franchissant les étapes et en réagissant comme il se doit en fonction des circonstances.

Une victoire du Parti Populaire ne signifierait pas un non définitif aux possibilités de négociations ?

Comme nous l’avons dit, le conflit basque est un conflit politique opposant l’Euskal Herria et l’État espagnol, sur ce mur levé par celui-ci contre les droits de celui-là. Nous nous trouvons face à un problème d’État, et c’est dans cette perspective qu’il faut le voir.

C’est pourquoi le problème principal n’est pas de savoir si le gouvernement est aux mains de tel ou tel parti, mais d’obtenir la reconnaissance des droits d’Euskal Herria de la part de l’État espagnol. Au cours des trente dernières années, l’ETA a négocié avec des gouvernements de couleur politique différente, avec la volonté de trouver une solution négociée et démocratique au conflit basque.

En revanche, tous les présidents de l’Espagne ont mis à profit ces tentatives de négociations pour tenter d’imposer de fausses sorties au conflit, avec l’objectif mesquin d’affaiblir à la fois l’ETA et la gauche basque.

Nous sommes tous conscients que le conflit qui oppose l’Euskal Herria à l’Espagne et à la France ne pourra être résolu que par la voie de la négociation. Tôt ou tard, il faudra reprendre cette voie, la voie de la reconnaissance des droits démocratiques légitimes d’Euskal Herria.

Comment voyez-vous le soutien apporté par le PSN à l’UPN pour que ce dernier reste au Gouvernement (de Navarre) ?

Comme nous l’avons dit plus haut, il est clair qu’il existe un pacte d’État vis-à-vis de la question basque. Il s’agit de décisions prises à Madrid. Et c’est la raison d’État qui s’impose ici. C’est notre lecture des événements de Navarre. Le PSOE situe la gouvernabilité de la Navarre dans la ligne des prochaines élections législatives en Espagne. Il ne veut pas dévoiler sa position, et il ne le fera pas avant les élections.

Mais il est clair qu’ensuite, en fonction des résultats, le PSOE préparera une réforme.

En Navarre, il est en effet question de sceller la Loi d’Autonomie (Amejoramiento) imposée au peuple navarrais, cette fois avec l’approbation et la légitimation des citoyens. L’objectif n’étant pas de donner la parole au peuple et d’ouvrir les portes à la création d’un État d’Euskal Herria, mais de situer la loi en question dans le cadre de la réforme de l’État espagnol.

Juan José Ibarretxe a élaboré un projet politique concret. Quelle est la position de l’ETA sur ce point ?

En 79, nous avons vu les dirigeants du PNV et d’EE soumis devant Suárez. Sans s’en cacher à l’époque, ils ont négocié en tenant le peuple et les bases militantes à l’écart. Ils ont fait le voyage à Madrid, participé à l’accolade de la Moncloa, et signé le Statut de Gernika.

Près de trente ans plus tard, et pour le malheur du peuple basque, ils semblent avoir aujourd’hui les mêmes intentions.

On ne peut pas évaluer le Plan Ibarretxe en marge des tensions internes vécues par le PNB. Avec Imaz à la tête du parti, le PNV a vu comment son hégémonie et sa position de force dans la Communauté Autonome Basque était en danger. Les manoeuvres de séduction s’adressant à différents secteurs de l’État espagnol ont paru excessifs aux bases du PNV, voire inacceptables pour certains.

Cela a provoqué un tourbillon interne au sein du PNV. Mais nous affirmons que le PNV a choisi en faveur d’une perspective de politique et de stabilité de l’État espagnol, et que sa stratégie va dans ce sens, en compagnie des pouvoirs espagnols et du PSOE au gouvernement. Le projet du Train à Grande Vitesse est un bon exemple, ainsi que le soutien proposé par le PNB au budget de l’État espagnol.

Ainsi, et compte tenu de la situation politique actuelle, Ibarretxe et le PNV, ont commencé à préparer les élections prévues en 2009 dans la Communauté Autonome du Pays Basque. Et le Plan Ibarretxe est en fait un outil inestimable pour mettre en scène une fausse confrontation avec l’État. Une feuille de route menant directement à l’échéance 2009, avec un tapis rouge pour la nouvelle réforme de l’Espagne. Une nouvelle spoliation.

Mais Ibarretxe accuse précisément l’ETA de vouloir ramener l’Euskal Herria dans le passé.

C’est un autre des mensonges d’Ibarretxe. Ce qui nous ramène au passé sont les politiques et les propositions qui nous condamnent à vivre enchaînés à l’Espagne. Et nous voulons dire à Ibarretxe que nous n’avons jamais accepté, et que nous n’accepterons jamais, le statut d’autonomie espagnole.

Quoi qu’il en soit, des affirmations de ce genre représentent des messages intéressés par rapport à la violence, et dénature le discours sur la violence avec une hypocrisie, une démagogie et un cynisme sans limites. Comme si la violence appliquée par la police autonome basco-espagnole contre les citoyens n’existait pas. Il parle de violence sans rougir, alors que la précarité a causé plus de cent morts de travailleurs basques par accident du travail.

Une nouvelle fois, vous évoquez les accidents du travail.

Oui, parce que ces accidents portent un nom : « terrorisme patronal ». À notre avis, la situation est intenable. L’hypocrisie des patrons n’a pas de limite. L’année dernière, on a dénombré plus de cent décès des suites d’un accident du travail, mais le plus grave est qu’aucun indice ne permet d’affirmer que l’on veuille changer la situation.

Les syndicats et les travailleurs ont proposé et exigé, à de maintes reprises, la mise en place de mesures pour en finir avec cette situation. Une infinité de mobilisations ont eu lieu, mais pas de réaction du patronat.

La réponse et la priorité des pouvoirs publics consiste à se passer la balle et à diminuer les impôts des entreprises. L’attitude des gouvernements de Navarre et de la Communauté Autonome Basque dans le domaine de la santé est on ne peut plus claire, lorsqu’ils refusent de négocier avec les syndicats et les travailleurs et qu’ils imposent les conditions de travail et leur modèle par la voie du décret.

L’objectif des patrons est d’exploiter la classe travailleuse et, au lieu d’améliorer les conditions de travail et de vie, d’accentuer la misère des familles. Il s’agit par-dessus tout d’accumuler des bénéfices, en passant outre les conditions de travail.

Les entrepreneurs disent qu’ils créent des richesses, mais ils oublient de préciser où vont ces richesses. Ils remplissent leurs poches et s’enrichissent. Que signifie cette richesse pour le peuple basque ?

Vous avez évoqué le projet du TGV. Quelle est la lecture de l’ETA à propos de l’évolution de ce conflit ?

En Euskal Herria, de nombreux conflits sociaux importants ou mineurs sont actuellement ouverts, mais dans aucun cas on ne peut observer une intention ou une volonté particulière de les résoudre par la voie du dialogue ou de la raison. En fin de compte, on donne raison à l’ETA.

Si nous n’étions pas intervenu dans le conflit de l’autoroute, les institutions auraient imposé, par la force des armes, leur projet oppresseur. Et la liste est longue : Lemoiz, Itoitz, le méga-port, l’aéroport, l’usine d’incinération, etc.

Et nous suivons tous ces conflits avec un grand intérêt, mais également avec préoccupation, parce qu’on a l’impression que les pseudo-politiques et les technocrates bien vissés sur leur siège d’élu, n’ont rien appris de conflits comme ceux de (la centrale nucléaire de) Lemoiz ou de l’autoroute de Leitzaran. Une nouvelle fois, on mise sur un pourrissement du conflit, en faisant la sourde oreille aux critiques sensées adressées par les citoyens.

Ils ont même osé dire qu’il s’agissait d’un projet écologiste, nécessaire voire indispensable. Les dernières bêtises en la matière ne seraient que des bêtises, si nous n’étions conscients que ce projet est susceptible d’hypothéquer l’avenir du peuple basque.

Ils ont choisi le camp de la désinformation et de l’imposition. Si une réflexion et un débat démocratique étaient menés autour des besoins de structuration d’Euskal Herria en tant que peuple, et qu’une réponse était apportée en termes de développement, il apparaîtrait clairement que le TGV n’est pas nécessaire.

Si l’Euskal Herria dans sa totalité était doté de la capacité de décision et de structuration, si il possédait les outils du pouvoir, on verrait quel serait le destin de tels projets.

Pourquoi éviter et interdire les consultations populaires ? De quoi ont peur ceux qui brandissent le drapeau des démocrates d’Euskal Herria ? Nous n’accepterons pas leurs impositions. Que la parole soit donnée au peuple et que cette parole soit respectée.

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