Le 22 août, Radio Zagreb appela les gouvernements des pays participant à l’invasion de la Tchécoslovaquie de retirer leurs troupes. La Yougoslavie de Josip Broz Tito dénonça la main-mise de l’URSS qui empêchait les voies particulières au socialisme, continuant ses accusations de la fin des années 1940.
Le 23 août, lors d’une réunion du Comité Central de la Ligue des communistes de Yougoslavie, Josip Broz Tito dit notamment :
« Tout le monde doit avoir l’esprit clair quant au fait que la Yougoslavie, si son indépendance devait être menacée, saurait mettre en œuvre tous les moyens pour sa défense et sa sécurité, et ce quel que soit le côté d’où provient la menace. »
La résolution du Comité Central mit en avant le principe du non-alignement, du rejet des sphères d’influence et des blocs, etc. L’occupation de la Tchécoslovaquie est présentée comme non pas une anomalie, mais l’expression de tendances conservatrices cherchant à protéger des formes dépassées.
Il est un autre point inquiétant la Yougoslavie : la question macédonienne. A l’époque où la Bulgarie était encore réellement socialiste, avec Georgi Dimitrov à sa tête, la nation macédonienne était reconnue. Les Macédoniens n’ont pas d’État reconnu alors ; ils sont présents en Albanie, en Yougoslavie, en Grèce (où ils sont particulièrement opprimés) et en Bulgarie.
Or, après 1953, la Bulgarie a développé des thèses nationalistes selon lesquelles les Macédoniens seraient simplement des Bulgares – ce qui est prétexte à la volonté de former une « grande Bulgarie ». La mobilisation de l’armée bulgare inquiétait donc particulièrement la Yougoslavie.
Dans ce contexte, la Yougoslavie systématisa immédiatement la protection militaire de l’ensemble des pistes pour avions dans le pays. Des brigades armées furent formées parmi les hommes n’étant pas déjà réservistes de l’armée ou encore trop jeunes pour avoir fait leur service militaire. Leur tâche était, en cas d’invasion, de protéger les lieux de production.
Un appel fut fait à la mobilisation dans chaque commune afin de prendre des mesures pour être en mesure de mener des actions de partisans. En fait, la Yougoslavie suivait le modèle suisse, en le systématisant. En cas d’attaque, il ne devait pas y avoir de ligne de front, mais une mobilisation populaire armée pour, non pas vaincre militairement, mais coûter tellement cher à l’envahisseur que cela l’amène à abandonner son initiative.
Tous les hommes de 17 à 50 ans et toutes les femmes de 19 à 40 étaient concernées par l’intégration dans la résistance armée en cas d’invasion.
En réalité, il y avait deux raison pour ce positionnement. La première, c’est que la Yougoslavie était une fédération où les nationalismes pullulaient : une réelle centralisation militaire était impossible, tout comme toute centralisation d’ailleurs, et ce d’autant plus dans un pays ayant fait de « l’autogestion » la base de son organisation sociale et économique.
Les différentes bureaucraties s’accordaient pour former une nouvelle bourgeoisie vivant de la corruption et des micro-capitalismes des entreprises autogérées.
La seconde raison, c’est que de par l’importance de la Yougoslavie sur le plan militaire de par son emplacement (accès à la mer Adriatique, frontières avec l’Autriche, l’Italie et la Grèce d’un côté, avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie de l’autre), ni les États-Unis ni l’URSS n’auraient toléré une main-mise complète de son concurrent.
La Yougoslavie savait que son statut de « non-aligné » la protégeait, même si dans les faits l’ouverture à l’Ouest et son soutien à l’Angleterre et les Etats-Unis était évident – évident mais indirect.