Le réalisme socialiste et le prolongement de l’héritage national

Étant un art porté par le peuple dans un pays particulier, avec l’affirmation de l’universel à travers le particulier, le réalisme socialiste rejette les concepts d’arts censés être « prolétarien » ou « bourgeois ». Il considère l’art comme relevant de la culture et pour cette raison il assume l’héritage national sur ce plan.

Le réalisme socialiste marque une nouvelle étape dans la culture, mais il se définit comme le dépassement des périodes passées, pas comme leur négation. Le Dictionnaire philosophique abrégé de 1951, publié en Union Soviétique, souligne ainsi que :

« L’art soviétique prolonge les meilleures traditions réalistes de l’art du passé, en particulier de l’art russe, l’art de Pouchkine et de Tolstoï, de Gogol et de Nekrassov, de Répine et de Sourikov, de Tchaïkovski et de Glinka, etc.

Mais le réalisme de l’art soviétique représente une étape qualitativement nouvelle dans l’histoire de l’art universelle. »

Si on prend un tableau comme De nouveau des mauvaises notes, de Fedor Reshetnikov, datant de 1952, se place tout à fait dans le prolongement des portraitistes russes des décennies précédentes surnommes les ambulants.

On a ici portrait avec une situation caractéristique, une présentation typique, mais avec l’ajout de la dimension socialiste représentée par la pionnière avec le regard plein de reproches qui a justement fini d’étudier. Le chien – plein d’empathie, c’est la dignité du réel – salue un jeune garçon dont le regard perdu montre qu’il cherchera à mieux faire.

On ne peut pas comprendre la valeur d’une peinture comme Le restaurateur d’Andrei Kouznetsov, de 1951, sans voir la valeur essentielle que trouve le réalisme socialiste dans l’héritage national.

Pour cette raison, le réalisme socialiste est né de la victoire idéologique sur le « proletkult », à la « culture prolétarienne », une conception non communiste, malgré ses prétentions. Cette idéologie a été puissante dans les années 1920, portée par le courant anarcho-syndicaliste. Son principal théoricien, Alexander Bogdanov (1863-1928), avait déjà été critiqué par Lénine dans Matérialisme et empirio-criticisme pour sa philosophie idéaliste.

Zprès la révolution de 1917, Alexander Bogdanov avait remis en avant sa conception de manière plus développée, appelant à une science de l’organisation qu’il appelle « tectologie », avec le Parti s’occupant de la politique, les syndicats de l’économie et les artistes d’avant-garde des arts et des lettres.

Le proletkult est alors, dans cette conception, une prétendue avant-garde devant commander les arts, imposer par en-haut une nouvelle organisation, sur les ruines du passé. L’Association des Ecrivains Prolétariens de Moscou (MAPP), alliée au Front Gauche des Arts (LEF), explique ainsi dans sa revue Au poste, premier numéro du 24 juin 1923, que :

« Est prolétarienne la littérature qui organise le psychisme et la conscience de la classe ouvrière et des classes travailleuses dans le sens des missions finales du prolétariat, transformateur du monde et créateur de la société communiste. »

Le proletkult qui prétendait régir les arts et les lettres fut remis à sa place par la résolution du 18 juin 1925 du Comité Central du Parti Communiste de Russie (bolchévik), intitulé Sur la politique du parti dans le domaine des belles-lettres. Il fut par la suite liquidé comme tendance gauchiste, du type bourgeois-cosmopolite, un grand rôle étant joué par le premier congrès des écrivains soviétiques, en 1934.

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