C’est Léon Blum qui répondit à l’appel du Parti Communiste Français (allant dans le sens de l’Internationale Communiste) au sujet de l’antifascisme, à la suite de la prise du pouvoir par les nazis en Allemagne.
Il le fit par son article « L’unité ouvrière », en tête du Populaire, le 7 mars 1933. Il résume la position de l’Internationale Communiste, en disant que celle-ci a réagi à l’appel de l’Internationale Ouvrière Socialiste. Cependant, il ne répond à rien concrètement malgré la longueur de l’article, à part pour faire le reproche que l’Internationale Communiste ne s’adresse pas directement à l’Internationale Ouvrière Socialiste.
Il explique à la fin qu’il va analyser la proposition du Parti Communiste Français. Ce qu’il fait lendemain, le 8 mars, dans un article au même titre, en reprochant au Parti Communiste de s’adresser aux socialistes et non à leur parti. D’où l’accusation comme quoi :
« La communauté de lutte serait obtenue par la désagrégation ou plus exactement par l’évacuation des organismes socialistes et syndicalistes, devenus des cadres vides. »
Le même jour est publié un message de l’Internationale Ouvrière Socialiste reprochant à l’Internationale Communiste de proposer des discussions de parti à parti dans chaque pays, et non pas au niveau international. Il est craint que ce soit prétexte à des « manœuvres » – il est clair ici que les tendances droitières de cette Internationale ont cherché à relativiser le premier appel.
Reste que la base socialiste a donc été touchée par l’appel de l’Internationale Ouvrière Socialiste et la réponse de l’Internationale Communiste, mais que le Parti Communiste Français s’y est mal pris, permettant à la direction de la SFIO de tergiverser.
Léon Blum est alors, avec un tel arrière-plan, obligé de continuer son article sur L’unité ouvrière dans le Populaire du 9 mars 1933. Le ton change alors radicalement, puisque Léon Blum non seulement parle d’unité, mais même d’unification !
Il est évident que le mouvement anti-guerre lancé par l’Internationale Communiste et l’appel à l’unité antifasciste lancé par l’Internationale Ouvrière Socialiste après la prise du pouvoir par les nazis a entièrement changé la situation pour la base socialiste, auparavant fermée aux communistes sous l’influence délétère des dirigeants socialistes et sous l’effet du sectarisme gauchiste du Parti Communiste Français.
« Le sujet qui m’occupe depuis deux jours est sans doute le plus grave et le plus pressant qui puisse se poser devant les militants socialistes. Je ne m’excuse donc pas de le traiter avec quelque insistance.
Nous savons tous qu’il est dans la nécessité des choses que le prolétariat retrouve un jour son unité, nationale et internationale, et il ne peut évidemment recouvrer l’une sans l’autre : comment concevoir, disait un jour notre ami Bracke, que le prolétariat réunifié d’une nation quelconque puisse se rattacher à deux Internationales différentes.
Nous savons qu’en attendant la « réunification » organique, l’intérêt immédiat, ou même le salut immédiat du prolétariat peuvent imposer devant des périls communs, à une communauté de lutte et de résistance. Mais nous savons aussi que cette coordination d’efforts ne saurait résulter que d’un accord loyal entre les partis, lié lui-même à un accord loyal entre les Internationales. »
Mais Léon Blum, bien évidemment, ne propose rien de concret et se revendique bien plus du second message de l’Internationale Ouvrière Socialiste que du premier, expliquant encore qu’il faut attendre, que les choses doivent se décider de manière internationale, etc.
En ce sens, il évacue tout sens de l’urgence antifasciste. Cela est capital parce qu’on comprend aisément qu’il suffira que celle-ci apparaisse concrètement en France même pour que tout bascule. L’unité antifasciste de février 1934 ne tombe pas du ciel, mais part de tout un processus commencé en 1930 avec le mouvement anti-guerre et prolongé par la (lente) prise de conscience antifasciste émergeant en février – mars 1933.
Pour preuve, le 11 mars 1933, Léon Blum prolonge son article sur L’unité ouvrière, disant que la balle est dans le camp de l’Internationale Communiste pour une discussion au niveau international, que c’est dans l’intérêt de l’URSS elle-même sur le plan des relations internationales.
On a déjà tous les ingrédients pour ainsi dire du Front populaire.
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