L’impressionnisme, un conformisme psychologisant

L’impressionnisme avait désarçonné son public pour une raison très simple. L’Académie, c’est-à-dire la peinture dominante, en restait à des représentations idéalistes conventionnelles, avec une inspiration antique et religieuse. C’était conforme à l’expression d’un conservatisme ambiant dans les couches dominantes, y compris au sein d’une partie de la bourgeoisie.

Cependant, le mode de production capitaliste se développait et avec lui les conceptions psychologisantes sur le moi, ainsi que la peinture comme vecteur de l’achat et de ventes de marchandises. Les impresssionnistes sont ni plus ni moins que les artistes monnayant leur sensibilité et basculant, de ce fait, dans l’individualisme le plus complet.

D’où leurs peintures apportant toujours une surenchère dans la touche personnelle, exactement alors comme en poésie.

Camille Pissarro, Printemps. Pruniers en fleurs, Potagers, arbres en fleurs, printemps, Pontoise, 1877

Les impressionnistes exigeaient, dans les faits, que la peinture ne soit pas régie par une académie conservatrice mais par les peintres individualistes. L’émergence d’un marché de l’art au sein de la bourgeoisie renforçait cette dynamique parallèle aux institutions.

L’impressionnisme se veut, pour cette raison, profondément décoratif et intimiste, avec suffisamment de flou et de refus du réalisme pour satisfaire une bourgeoisie relativiste cultivant l’entre soi et la quiétude. Le grand symbole de cela est le musée des Impressionnismes de Giverny établi en Normandie là où Claude Monet a travaillé de 1883 à 1926.

Claude monet résumait son existence d’ailleurs de la manière suivante :

« Qu’y a-t-il à dire de moi ? Que peut-il y avoir à dire, je vous le demande, d’un homme que rien au monde n’intéresse que sa peinture – et aussi son jardin et ses fleurs ? »

C’est à Giverny que Claude Monet a peint la série intitulée Les Nymphéas, composée de 250 tableaux, l’exposition de 1909 étant un grand succès au cœur de la Belle époque bourgeoise. On est ici au coeur de la niaiserie cosy, de l’auto-satisfaction pseydo-esthéique à prétention psychologisante, etc.

Claude Monet, Les Nymphéas, 1909

Les impressionnistes, en ce qu’ils sont conformistes, partent donc dans toutes les directions, afin de satisfaire un marché de l’art qui leur reste à conquérir par ailleurs : c’est leur moyen de pénétrer le marché en visant un client dans sa pseudo-individualité, au moyen d’une impression qui lui parlerait.

On a exactement les fondements du pseudo art développé par la bourgeoisie où chacun voit ce qu’il veut, donne la valeur qu’il veut, piochant à travers son subjectivisme dans une réalité qui n’est là que pour être fragmentée et pillée.

Auguste Renoir, L’allée cavalière au bois de Boulogne (Madame Henriette Darras) (1873),

L’impressionnisme n’a, pour cette raison, strictement aucune unité : il est un subjectivisme porté par des subjectivistes pour des subjectivistes.

Berthe Morisot, La chasse aux papillons, 1874
Gustave Caillebotte, Régates à Argenteuil, 1893
Armand Guillaumin, Notre-Dame de Paris
Edouard Manet, La Partie de croquet, 1873
Claude Monet, Extérieur de la gare Saint-Lazare, arrivée d’un train, 1877
Alfred Sisley, Une rue à Marly, 1876
Marie Bracquemond,  « Sous la Lampe » (Alfred Sisley et sa femme dînant chez les Braquemond à Sèvres), 1877

On est ici toujours dans une pseudo-intimité, dans un confort bourgeois qui se veut une impression et la vie une succession d’impressions qu’on désire toujours confortable.

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