La révolution française était ainsi sur le plan du contenu bien plus proche d’Henri IV, de par les forces sociales en action. Le grand paradoxe est que le protestantisme fut utilisé pour moderniser l’appareil d’État, contre les forces anciennes de la féodalité, mais que le protestantisme fut abandonné par pragmatisme.
Henri IV se plaçait clairement au-dessus des religions et il ne reconnaissait leur existence que dans une logique pratique. En ce sens, il annonce absolument Richelieu. Il développe l’économie politique de la monarchie absolue et il contribue à donner à la culture politique française le culte du sens politique, du « flair ».
Le catholicisme était, en tout cas, clairement pour qu’Henri IV bascule dans la répression sanglante des protestants. La pression catholique en faveur du massacre des protestants ne cessera jamais. En ce sens, l’Édit de Nantes n’a été qu’un compromis temporaire, qui n’a jamais été accepté par l’Église catholique.
La suppression des protestants n’aura pourtant pas lieu, pour toute une période, le développement de la monarchie absolue stabilisant le régime pour quatre-vingt ans. Ce n’est que quand la monarchie absolue atteindra son apogée que le protestantisme sera supprimé, comme toutes les forces sociales s’opposant au pouvoir royal, à l’État forgé depuis François Ier.
Il en ira ainsi plus d’une logique de modernisation étatique que d’une volonté de rendre catholique tout le pays, même si justement l’unité catholique, en même temps, correspond aux attentes d’unification complète de la monarchie absolue.
Il ne faut donc pas s’étonner que le catholicisme a toujours cherché à provoquer les événements, comme avec le fameux assassinat d’Henri IV, le 14 mai 1610, par François Ravaillac. Il fut présenté comme ayant agi seul, mais cela participe au minimum à toute une tendance catholique ultra. Il y eut d’ailleurs pas moins de 18 tentatives d’assassinat contre Henri IV.
Comment s’étonner de cela, alors qu’en juin 1591, les bulles papales affichées sur Notre-Dame de Paris affirmaient « l’excommunication contre les prélats, les nobles et les gens du Tiers qui s’obstineraient à rester fidèles à l’hérétique ».
Le catholicisme, en tant que force féodale de la première période, celle de l’âge roman puis de l’âge gothique, ne pouvait que craindre la force féodale de la seconde période, la monarchie absolue.
La monarchie absolue était le processus inévitable, produit par le triomphe d’une faction féodale contre les autres, appuyée par le développement des échanges économiques, la formation d’un marché national, et donc d’une bourgeoisie nationale.
L’Édit de Nantes ne fut donc pas l’expression subjective de la monarchie absolue tendant à affirmer l’unité culturelle au-delà des religions. Il faut se tourner vers l’Inde, avec Ashoka ou encore le Sul-e-Kuhl, pour voir la monarchie absolue essayer d’outrepasser les différences religieuses, dans un sens progressiste.
Chez Henri IV, l’Édit de Nantes ne fut qu’une nécessité tactique. Les catholiques et les protestants se battaient pour l’État. Sans l’Édit de Nantes, il n’y avait plus d’État. Mais cet État ne pouvait être porté ni par le catholicisme réactionnaire, ni par le trop faible protestantisme. La monarchie absolue pouvait émerger, s’appuyant sur le plus fort, profitant du plus faible, pour unifier les territoires et faire entrer la France, nouvelle nation en tant que telle, dans une nouvelle étape culturelle.