Avant l’intervention japonaise généralisée, le
Kuomintang s’appuyait sur la côte ainsi que les grandes villes le
long des fleuves, tandis que le Parti Communiste de Chine avait ses
bases dans les régions montagneuses.
Par la suite, le cœur du Kuomintang se déplaça
vers le « grand arrière », la Chine du nord-ouest et du
sud-ouest, alors que l’armée dirigée par le Parti Communiste de
Chine avait l’initiative, affrontant 45 % des troupes d’invasion
japonaises et 95 % des troupes fantoches à leur service.
Au moment de l’effondrement de l’armée impériale
japonaise, la zone contrôlée par le Parti Communiste de Chine est
alors peuplée de cent millions de personnes sur 19 provinces, avec
un million de soldats et de 2,2 millions de personnes dans les
milices populaires.
En même temps, par trois fois durant la guerre
sino-japonaise, le Kuomintang avait lancé de grandes campagnes
contre l’armée dirigée par le Parti Communiste de Chine : en
1940, en 1941 (avec notamment l’incident de l’Anhouei où 9000
personnes de la Nouvelle IVe armée furent tués lors d’une offensive
surprise de l’armée de Tchiang Kaï-Chek) et en 1943.
Une fois le Japon vaincu, les Etats-Unis soutinrent massivement les troupes de Tchian Kaï-Chek, qui rassemblaient deux millions d’hommes.
À la fin de juin 1946, pas moins de 45 divisions du Kuomintang avaient été équipées par les États-Unis, depuis les forces terrestres, navales et aériennes jusqu’au personnel de santé, les services secrets, etc.
Des avions et des navires américains
transportèrent plus de 540 000 hommes à l’intérieur du territoire
chinois (soit 41 divisions et 8 brigades), ainsi que 90 000 fusiliers
cantonnés auparavant dans les principales villes.
Officiellement, les États-Unis fournirent 4500 millions de dollars à l’armée de Tchiang Kaï-Chek, au point que 50 % des dépenses du gouvernement de celui-ci provenait de cette aide.
Mais cela ne fut pas suffisant pour contrer la
formidable avancée de l’armée dirigée par Mao Zedong, dont voici
la présentation, en septembre 1947, de la stratégie pour la
deuxième année de la guerre de libération, traçant un bilan de
l’année précédente.
« 1. Au cours de la première
année de la guerre (de juillet de l’an dernier à juin de cette
année), nous avons anéanti 97 brigades et demie des troupes
régulières ennemies, soit 780.000 hommes, des troupes fantoches,
des corps de sécurité publique et autres unités se montant à
340.000 hommes, ce qui fait en tout 1.120.000 hommes.
C’est là une grande victoire.
Cette victoire a été pour l’ennemi un coup sérieux,
elle a suscité un profond sentiment de défaitisme dans tout le camp
ennemi, soulevé d’enthousiasme le peuple dans tout le pays et jeté
les bases pour l’anéantissement complet de l’ennemi et la
conquête de la victoire finale.
2. Pendant la première année de
la guerre, l’ennemi a lancé une offensive de grande envergure
contre nos régions libérées avec 218 de ses 248 brigades
régulières, soit plus de 1.600.000 hommes, avec près d’un
million d’hommes des unités spéciales (marine, aviation,
artillerie, corps du génie et troupes blindées), des troupes
fantoches, des troupes du corps de la police des communications et du
corps de sécurité publique.
Notre armée a eu raison d’adopter la stratégie
consistant à mener des opérations à l’intérieur des lignes,
même si ce fut au prix de plus de 300.000 tués et blessés et de
vastes territoires abandonnés à l’ennemi, grâce à quoi notre
armée a réussi à garder l’initiative en tout temps et en tout
lieu.
Il en est résulté que nous avons pu infliger à
l’ennemi des pertes s’élevant à 1.120.000 hommes, le
contraindre à disperser ses troupes, forger et renforcer les nôtres,
lancer des contre-offensives stratégiques dans le Nord-Est, le
Jéhol, le Hopei de l’Est, le Chansi du Sud et le Honan du Nord, où
nous avons recouvré et libéré de vastes territoires.
3. Pendant la deuxième année de
la guerre, la tâche essentielle de notre armée est de lancer une
contre-offensive à l’échelle nationale, c’est-à-dire de faire
combattre nos troupes de campagne à l’extérieur des lignes, de
porter la guerre dans les régions du Kuomintang, d’anéantir
l’ennemi en grand nombre à l’extérieur des lignes et de faire
échouer complètement la stratégie contre-révolutionnaire du
Kuomintang, qui, elle, consiste à continuer de porter la guerre dans
les régions libérées, à détruire et à épuiser toujours
davantage nos ressources en hommes et en matériel, pour nous mettre
dans l’impossibilité de tenir longtemps.
Pendant la deuxième année de la guerre, une part de la
tâche de notre armée est d’employer un certain nombre de nos
troupes de campagne et les importantes unités de nos troupes locales
pour poursuivre les opérations à l’intérieur des lignes, y
anéantir l’ennemi et recouvrer les territoires perdus.
4. En appliquant le principe qui
consiste à mener des opérations à l’extérieur des lignes, à
porter la guerre dans les régions du Kuomintang, notre armée
rencontrera évidemment beaucoup de difficultés.
La raison en est qu’il faut du temps pour établir de
nouvelles bases dans les régions du Kuomintang et que nous ne
pouvons établir des bases solides qu’après avoir anéanti
l’ennemi en grand nombre au cours de multiples opérations mobiles
où alternent avances et reculs, mis en mouvement les masses,
distribué les terres, instauré notre pouvoir et organisé les
forces armées populaires.
Jusque-là, les difficultés seront nombreuses.
Mais elles peuvent et doivent être surmontées.
En effet, l’ennemi sera contraint de se disperser
encore davantage, et notre armée disposera de vastes territoires qui
serviront de champs de bataille à nos opérations mobiles et nous
pourrons ainsi engager une guerre de mouvement; les larges masses de
la population de ces territoires haïssent le Kuomintang et
soutiennent notre armée; et, bien qu’une partie des forces
ennemies ait encore une puissance de combat relativement élevée,
dans l’ensemble le moral de l’ennemi est beaucoup plus bas et sa
puissance de combat beaucoup plus faible qu’il y a un an.
5. La clé de notre victoire dans
les combats à l’intérieur des régions du Kuomintang est,
premièrement, de savoir saisir le moment propice pour combattre,
d’être courageux et décidé, et de gagner autant de batailles que
possible; et, deuxièmement, d’appliquer résolument la politique
visant à gagner les masses, de leur donner la possibilité d’obtenir
des avantages, afin qu’elles prennent parti pour notre armée.
Si ces deux points sont réalisés, nous enlèverons la
victoire.
6. A la fin d’août de cette
année, les forces ennemies, y compris celles qui ont été anéanties
ou qui ont essuyé des coups écrasants, se répartissent ainsi: 157
brigades sur le front sud, 70 sur le front nord et 21 à l’arrière,
ce qui fait donc encore au total, pour le pays entier, 248 brigades,
le chiffre réel des effectifs s’élevant à environ 1.500.000
hommes; les unités spéciales, les troupes fantoches, les corps de
la police des communications et les corps de sécurité publique
comptent à peu près1.200.0 hommes; les non-combattants dans les
organismes militaires de l’arrière sont d’environ 1.000.000.
Les forces ennemies comptent donc au total 3.700.000
hommes environ.
Parmi les troupes du front sud, 117 brigades
appartiennent au groupe de Kou Tchou-tong,
7 au groupe de Tcheng Tsien ainsi qu’à d’autres, et
33 au groupe de Hou Tsong-nan. Des 117 brigades du groupe de Kou
Tchou-tong, 63 ont été anéanties ou ont reçu des coups écrasants.
Parmi celles-ci, certaines n’ont pas procédé au
complètement de leurs effectifs; d’autres, tout en l’ayant fait,
restent encore faibles en effectifs comme en puissance de combat;
d’autres enfin, qui ont été assez bien pourvues en effectifs et
en armes et qui ont retrouvé dans une certaine mesure leur puissance
de combat, sont néanmoins beaucoup plus faibles qu’auparavant.
Il n’y a que 54 brigades qui n’aient pas été
anéanties ou n’aient pas reçu de coups écrasants.
De la totalité des forces de Kou Tchou-tong, 82 à 85
brigades sont employées au service de garnison ou ne peuvent être
utilisées que pour des manœuvres locales, alors que 32 à 35
brigades seulement peuvent être utilisées dans des manœuvres
stratégiques.
Les 7 brigades appartenant au groupe de Tcheng Tsien et à
d’autres ne peuvent être utilisées, dans l’ensemble, que pour
le service de gar- nison et l’une d’elles a déjà reçu des
coups écrasants.
Des 33 brigades du groupe de Hou Tsongnan (y compris
celles qui se trouvent à l’est de Lantcheou, au sud de Ninghsia et
de Yulin et à l’ouest de Linfen et de Louoyang), 12 ont été
anéanties ou ont reçu des coups écrasants, 7 seulement peuvent
être utilisées pour des manœuvres stratégiques et les autres sont
employées au service de garnison.
Sur le front nord, l’ennemi a en tout 70 brigades.
Parmi celles-ci, le groupe du Nord- Est compte 26
brigades, dont 16 ont été anéanties ou ont reçu des coups
écrasants; le groupe de Souen Lien-tchong possède 19 brigades, dont
8 ont été anéanties ou ont reçu des coups écrasants; Fou
Tsouo-yi dispose de 10 brigades, dont 2 ont reçu des coups
écrasants; et Yen Si-chan de 15 brigades, dont 9 ont été anéanties
ou ont reçu des coups écrasants.
Ces troupes ennemies sont maintenant pour l’essentiel
sur la défensive et une petite partie d’entre elles seulement sont
capables d’entreprendre des opérations mobiles.
A l’arrière, le Kuomintang n’a que 21 brigades en
service de garnison. Parmi celles- ci, 8 brigades se trouvent dans le
Sinkiang et le Kansou de l’Ouest, 7 dans le Setchouan et le Sikang,
2 dans le Yunnan, 2 dans le Kouangtong (il s’agit de la 69e
division qui a été anéantie) et 2 autres à Taïwan. Il n’y a
pas de troupes régulières dans les six provinces du Hounan, du
Kouangsi, du Koueitcheou, du Foukien, du Tchékiang et du Kiangsi.
Le Kuomintang projette, avec l’aide des États-Unis, de
lever cette année un million d’hommes pour regarnir le front, et
de former un certain nombre de nouvelles brigades et de régiments de
remplacement.
Cependant, tant que notre armée réussira à anéantir
en moyenne 8 brigades ennemies par mois, comme elle l’a fait
pendant la première année de combats, et à anéantir 96 à 100
autres brigades pendant la deuxième année (en juillet et août, 16
brigades et demie ont déjà été anéanties), alors l’armée
ennemie continuera de s’affaiblir considérablement, verra sa
réserve stratégique se réduire au minimum et sera acculée à la
défensive partout dans le pays et attaquée par nous de toutes
parts.
Bien que le Kuomintang projette de lever un million
d’hommes et de former de nouvelles brigades et des régiments de
remplacement, cela ne lui servira à rien.
Comme sa seule méthode de recrutement consiste à
enrôler par force et à engager des mercenaires, il lui sera
certainement difficile d’atteindre le million; de plus, les
désertions seront nombreuses. Par ailleurs, en appliquant le
principe consistant à opérer à l’extérieur des lignes, notre
armée sera en mesure de réduire les ressources de l’ennemi en
hommes et en matériel.
7. Nos principes d’opérations
restent les mêmes que ceux qui ont été fixés auparavant:
Attaquer d’abord les forces ennemies dispersées et
isolées (ceci s’applique aussi à une vaste campagne
d’anéantissement dirigée contre plusieurs brigades à la fois,
telle que la campagne de Laiwou en février ou la campagne du
Chantong du Sud- Ouest en juillet de cette année), et ensuite les
forces ennemies concentrées et puissantes.
S’emparer d’abord des villes petites et moyennes et
des vastes régions rurales, et ensuite des grandes villes.
Se fixer pour objectif principal l’anéantissement des
forces vives de l’ennemi, et non pas la défense ou la prise d’un
territoire.
La possibilité de garder ou de prendre un territoire
résulte de l’anéantissement des forces vives de l’ennemi, et
souvent un territoire ne peut être tenu ou pris définitivement
qu’après avoir changé de mains à plusieurs reprises.
A chaque bataille, concentrer des forces d’une
supériorité absolue, encercler complètement les forces ennemies,
s’efforcer de les anéantir totalement, sans leur donner la
possibilité de s’échapper du filet.
Dans des cas particuliers, infliger à l’ennemi des
coups écrasants, c’est-à-dire concentrer toutes nos forces pour
une attaque de front et une attaque sur l’un des flancs de l’ennemi
ou sur les deux, anéantir une partie de ses troupes et mettre
l’autre partie en déroute, afin que notre armée puisse déplacer
rapidement ses forces pour écraser d’autres troupes ennemies.
D’une part, il faut se garder d’engager un combat
sans préparation, ou un combat dont l’issue victorieuse ne soit
pas certaine; il faut faire les plus grands efforts pour se bien
préparer à chaque engagement, faire les plus grands efforts pour
s’assurer la victoire dans un rapport de conditions donné entre
l’ennemi et nous.
D’autre part, il faut mettre pleinement en œuvre notre
excellent style de combat — bravoure, esprit de sacrifice, mépris
de la fatigue et ténacité dans les combats continus (c’est-à-dire
engagements successifs en un court laps de temps).
Il faut s’efforcer d’attirer l’ennemi dans la
guerre de mouvement, mais en même temps il faut bien s’appliquer à
apprendre la tactique d’attaque de positions et renforcer
l’artillerie et les corps du génie, afin de s’emparer d’un
grand nombre de points fortifiés et de villes de l’ennemi.
Attaquer et prendre résolument tous les points fortifiés
et toutes les villes qui sont faiblement défendus. Attaquer et
prendre au moment propice, et pour autant que les circonstances le
permettent, tous les points fortifiés et toutes les villes
modérément défendus.
Laisser de côté, pour le moment, tous les points
fortifiés et toutes les villes puissamment défendus. Compléter nos
forces à l’aide de toutes les armes et de la plus grande partie
des effectifs pris à l’ennemi (80-90 pour cent des soldats et un
petit nombre d’officiers subalternes).
Chercher à compléter nos forces essentiellement aux
dépens de l’ennemi et dans les régions du Kuomintang, et
seulement en partie dans les régions libérées anciennes; ceci
s’applique en particulier aux armées du front sud.
Dans toutes les régions libérées, nouvelles ou
anciennes, nous devons résolument réaliser la réforme agraire
(c’est la condition fondamentale pour soutenir une guerre de longue
durée et remporter la victoire dans tout le pays), développer la
production, appliquer le régime d’une stricte économie et
accentuer le développement de l’industrie de guerre — tout pour
la victoire sur le front.
C’est seulement ainsi que nous pourrons soutenir une
guerre de longue durée et remporter la victoire dans tout le pays.
Si nous agissons effectivement de la sorte, il est bien certain que
nous serons capables de soutenir une guerre de longue durée et de
remporter la victoire dans tout le pays.
8. Sont exposés ci-dessus le bilan
des combats de la première année et les principes pour les combats
futurs.
Les camarades dirigeants des différentes régions sont
priés d’en transmettre le contenu à tous les cadres à l’échelon
du régiment et au-dessus, à l’échelon du comité préfectoral du
Parti [Le comité préfectoral du Parti est un organe dirigeant d’un
échelon inférieur au comité de province ou de territoire du Parti,
mais supérieur au comité de district du Parti] et au-dessus, ainsi
qu’à l’échelon du commissariat préfectoral et au-dessus, de
sorte que chacun comprenne bien quelle est sa tâche et s’en
acquitte avec une fermeté inébranlable. »