Texte
intégral de la notice historique datant de 1948 du Bureau
d’Information Soviétique auprès du Conseil des Ministres de
l’U.R.S.S., sous la direction de J. V. Staline et de V. M. Molotov.
INTRODUCTION
À
la fin de janvier le Département d’État des U.S.A. a publié, en
collaboration avec les Ministères des Affaires Étrangères de
l’Angleterre et de la France, un recueil de rapports et de
différents extraits des notes du journal des fonctionnaires
diplomatiques hitlériens et a donné à ce recueil le titre
mystérieux de « Relations soviéto-nazies au cours des années
1939-1941 ».
Comme
il ressort de la préface de ce recueil, les gouvernements des
États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France sont tombés
d’accord, dès l’été 1946, de publier les documents des
archives du Ministère des Affaires Étrangères de l’Allemagne
pour les années 1918-45, qui ont été saisis en Allemagne par les
autorités militaires américaines et anglaises.
Il
est à noter que dans le recueil publié n’ont été incorporés
que les matériaux se rapportant aux années 1939-41, tandis que les
matériaux ayant trait aux années précédentes et, en particulier,
à la période de Munich, n’ont pas été inclus dans ce recueil
par le Département d’État et sont par conséquent ignorés de
l’opinion publique mondiale.
Ce
fait n’est certes pas accidentel et poursuit des buts qui n’ont
rien de commun avec la manière de traiter objectivement et
consciencieusement la vérité historique.
Pour
justifier d’une façon quelconque aux yeux de l’opinion la
publication unilatérale de ce recueil de notes des fonctionnaires
hitlériens, non vérifiées et choisies au hasard, la presse
anglo-américaine a lancé une explication inventée disant que :
« Les Russes ont repoussé la proposition de l’Occident de publier en commun un rapport complet de la diplomatie nazie. »
Cette
déclaration des milieux anglo-américains ne répond pas à la
réalité.
En
fait, les choses se sont bien passées comme suit : étant donné
les communications parues dans la presse étrangère en été 1945
sur la préparation de la publication en Angleterre des documents
pris en Allemagne, le Gouvernement Soviétique s’est adressé au
Gouvernement de la Grande-Bretagne en insistant pour que les experts
soviétiques prennent part à l’examen commun des matériaux
allemands saisis par les troupes anglo-américaines.
Le
Gouvernement Soviétique estimait inadmissible de publier de tels
documents sans s’être concerté et, en même temps, il ne pouvait
assumer la responsabilité de la publication de ces documents sans
procéder à une vérification minutieuse, puisque, sans ces
conditions élémentaires, la publication des matériaux en question
pouvait aboutir à une aggravation des relations entre les
États-membres de la coalition anti-hitlérienne.
Mais
le Ministère des Affaires Étrangères de l’Angleterre a décliné
la proposition soviétique en alléguant que la question posée par
le Gouvernement Soviétique au sujet d’un échange des copies
saisies de documents hitlériens était prématurée.
On
sait que le 6 septembre 1945 la délégation américaine auprès du
Directoire Politique du Conseil de Contrôle en Allemagne a présenté
son projet d’instructions en ce qui concerne la façon de procéder
avec les archives et documents allemands.
Ce
projet prévoyait l’établissement d’une procédure unique pour
toute l’Allemagne pour la collection et la conservation des
archives, ainsi que le droit d’accéder à celles-ci pour les
représentants des États-membres de l’Organisation des Nations
Unies. La possibilité de prendre des copies des documents et de les
publier a été également prévue. Cette proposition a été
examinée au cours de quatre séances du Directoire Politique.
Mais
elle a été ajournée à la demande des Anglais et des Américains,
sous prétexte qu’ils n’avaient pas d’instructions ;
ensuite, après la déclaration du représentant américain disant
que le Gouvernement des États-Unis préparait une nouvelle
proposition et priait de considérer le projet présenté comme nul,
cette question a été retirée de l’ordre du jour du Directoire
Politique.
Ainsi
la déclaration d’après laquelle le Gouvernement Soviétique
aurait refusé de prendre part à la préparation de la publication
des matériaux d’archives allemandes est fausse.
Simultanément
avec la publication du recueil mentionné, une nouvelle vague
d’attaques et une campagne effrénée de calomnies au sujet du
Pacte de non-agression conclu en 1939 entre l’U.R.S.S. et
l’Allemagne, dirigé soi-disant contre les puissances occidentales,
a commencé, comme par un coup de baguette magique, aux États-Unis
et dans les pays qui en dépendent.
Ainsi le vrai but de la publication, aux Etats-Unis, du recueil sur les relations entre l’U.R.S.S. et l’Allemagne en 1939-40 ne saurait susciter aucun doute. Le but de ce recueil n’est pas de présenter un exposé objectif des événements historiques, mais d’altérer le tableau réel des événements, de dénigrer l’Union Soviétique, de la calomnier, d’affaiblir l’influence internationale de l’Union Soviétique en tant que champion véritablement démocratique et ferme, face aux forces agressives et antidémocratiques.
Cette
attitude perfide correspond à la conception des relations
interalliées typique pour les milieux dirigeants des pays
anglo-américains, conception qui, au lieu de relations honnêtes et
sincères entre les alliés, au lieu de l’appui et la confiance
mutuelle, consiste à poursuivre une politique qui utilise toutes les
possibilités, jusques et y compris la calomnie, pour affaiblir son
allié, l’utiliser dans ses intérêts égoïstes et renforcer sa
position à ses dépens.
On
ne saurait également perdre de vue le désir des milieux dirigeants
des États-Unis de saper par leur campagne de calomnie contre
l’U.R.S.S., l’influence des éléments progressistes de leur
pays, qui préconisent l’amélioration des relations avec
l’U.R.S.S.
Le
coup que l’on porte aux éléments progressistes des États-Unis a
certainement pour but d’affaiblir leur influence, en prévision des
élections présidentielles aux États-Unis, qui auront lieu en
automne 1948.
Le
recueil contient un grand nombre de documents fabriqués par les
fonctionnaires diplomatiques hitlériens dans le labyrinthe des
chancelleries diplomatiques allemandes.
Ce
fait à lui seul, devrait mettre en garde contre l’utilisation et
la publication unilatérales des documents qui se distinguent par
leur caractère unilatéral et tendancieux, exposant les événements
du point de vue du Gouvernement hitlérien, dans le but de présenter
ces événements sous un jour favorable pour les hitlériens.
C’est
pour cette raison que le Gouvernement Soviétique a été, en son
temps, contre la publication unilatérale de documents allemands pris
à l’ennemi, avant de les avoir vérifiés au préalable en commun
et d’une façon minutieuse. Même l’agence gouvernementale
France-Presse s’est vue obligée de reconnaître que la procédure
de la publication des matériaux rendus publics par les trois
gouvernements, à l’insu de l’Union Soviétique, « n’est
pas tout à fait conforme à la procédure diplomatique normale ».
Néanmoins,
le Gouvernement anglais n’a pas été de cet avis. Les
gouvernements français, anglais et américain ont procédé à la
publication unilatérale des documents allemands sans reculer devant
la falsification de l’histoire et en essayant de calomnier l’Union
Soviétique, qui a supporté la charge principale de la lutte contre
l’agression hitlérienne.
Ces
gouvernements ont assumé par la même toute la responsabilité des
conséquences de cet acte unilatéral.
Tenant
compte de ce fait, le Gouvernement Soviétique se croit en droit de
publier, à son tour, les documents secrets concernant les relations
entre l’Allemagne hitlérienne et les gouvernements de
l’Angleterre, de la France et des États-Unis, documents qui sont
tombés aux mains du Gouvernement Soviétique et que ces
gouvernements ont caché à l’opinion publique. Ils ont caché ces
documents, ils ne veulent pas les publier.
Mais
nous estimons que, après ce qui s’est passé, ils doivent être
rendus publics afin qu’on puisse rétablir la vérité historique.
Le
Gouvernement Soviétique dispose d’une documentation importante
saisie par les troupes soviétiques lors de la défaite de
l’Allemagne hitlérienne, et la publication de ces documents
permettra de présenter sous son vrai jour le cours réel de la
préparation et du développement de l’agression hitlérienne et de
la Deuxième Guerre mondiale.
C’est
le but que poursuit la note historique Falsificateurs de
l’histoire publiée actuellement par le Bureau
d’informations soviétique auprès du Conseil des Ministres de
l’U.R.S.S.
Les
documents secrets ayant trait à cette question seront publiés
prochainement.
I.
COMMENT A COMMENCÉ
LA PRÉPARATION DE L’AGRESSION ALLEMANDE ?
Les
falsificateurs américains et leurs complices anglo-français
essayent de créer l’impression que les préparatifs de l’agression
allemande, qui ont abouti à la Deuxième Guerre mondiale, ont
commencés en automne 1939.
Mais
qui, de nos jours, sauf les gens tout à fait naïfs disposés à
croire à toute nouvelle sensationnelle non fondée, peut s’y
laisser prendre ? Qui donc ignore que l’Allemagne a commencé
la préparation de la guerre dès l’accession d’Hitler au
pouvoir ? Qui ne sait également que le régime hitlérien a été
créé par les milieux monopolistes allemands avec approbation pleine
et entière du camp gouvernant de l’Angleterre, de la France et des
États-Unis ?
Afin
de se préparer à la guerre et de s’assurer l’armement moderne,
l’Allemagne devait rétablir et développer son industrie lourde,
et, en premier lieu, la métallurgie et l’industrie de guerre de la
Ruhr. Après sa défaite à la suite de la Première Guerre
impérialiste, l’Allemagne, étant sous le joug du Traité de
Versailles, ne pouvait le faire, par ses propres moyens en un court
laps de temps. L’impérialisme allemand a bénéficié, sous ce
rapport, d’un appui puissant de la part des États-Unis d’Amérique.
En
est-il qui ignorent que les banques et trusts américains, agissant
en plein accord avec le gouvernement, au cours de la période d’après
Versailles, ont investi dans l’économie allemande et accordé à
l’Allemagne des crédits s’élevant à des milliards de dollars,
qui ont été utilisés pour le rétablissement et le développement
du potentiel de l’industrie de guerre allemande ?
On
sait que la période d’après Versailles a été marquée, en ce
qui concerne l’Allemagne, par tout un système de mesures ayant
pour but de rétablir son industrie lourde et en particulier le
potentiel de l’industrie de guerre allemande.
Le
« plan de réparation Dawes » prévu pour l’Allemagne a
joué également un grand rôle sous ce rapport. À l’aide de ce
plan, les États-Unis et l’Angleterre comptaient placer l’industrie
allemande sous la dépendance des monopoles américains et
britanniques.
Le
plan Dawes a frayé la voie à un afflux intense et à la pénétration
dans l’industrie allemande de capitaux étrangers, surtout
américains. En conséquence, dès 1925, commençait le redressement
de l’économie allemande, du fait d’un processus actif de
rééquipement de son appareil de production.
En
même temps, les exportations allemandes augmentaient brusquement
pour atteindre, en 1927, le niveau de 1913 ; en ce qui concerne
les produits manufacturés, elle a même dépassé ce niveau de 12 %
(au prix de 1913). Au cours de 6 années, de 1924 à 1929, l’afflux
de capitaux étrangers en Allemagne a été de 10-15 milliards de
marks en investissements à long terme et de plus de 6 milliards à
court terme. Selon certaines sources, le volume des investissements
de capitaux a été beaucoup plus considérable. Cela a énormément
renforcé le potentiel économique et, en particulier, le potentiel
de guerre allemand. Sous ce rapport, le rôle prépondérant revient
aux investissements de capitaux américains, qui représentaient 70 %
au minimum du total des emprunts à long terme.
On
connaît bien le rôle joué par les monopoles américains, avec en
tête les familles Dupont, Morgan, Rockeffeller, Lamont et autres
magnats industriels des États-Unis, dans le financement de
l’industrie lourde allemande, dans l’établissement et le
développement de liens les plus étroits entre l’industrie
américaine et l’industrie allemande.
Les
monopoles américains les plus importants se sont trouvés liés de
la manière la plus étroite avec l’industrie lourde, les
consortiums de guerre et les banques allemandes.
Le
grand consortium chimique américain Du Pont de Nemours, qui était
un des plus gros actionnaires du trust de l’automobile General
Motors, et le trust chimique britannique Imperial Chemical Industries
étaient en relations industrielles étroites avec le consortium
chimique allemand I. G. Farbenindustrie, avec lequel ils avaient
conclu, en 1926, un accord de cartel sur le partage des marchés
mondiaux pour la vente de la poudre.
Le
président du conseil d’administration de la maison Röhm &
Haas, à Philadelphie (U.S.A.), était avant le guerre l’associé
du chef de cette même maison à Darmstadt (Allemagne).
Notons
à ce propos que l’ancien directeur de ce consortium, Rudolph
Müller, déploie actuellement son activité dans la bi-zone et joue
un rôle important dans les milieux dirigeants de l’Union
chrétienne-démocrate.
Entre
1931 et 1939, le capitaliste allemand Schmitz, président du
consortium I. B. Farbenindustrie et membre du conseil de la Deutsche
Bank, avait le contrôle de la Société américaine General
Dyestuffs Corporation.
Après
la conférence de Munich (1938), le trust américain Standard Oil a
conclu avec la I.B. Farbenindustrie un accord aux termes duquel cette
dernière obtenait une part aux bénéfices sur l’essence
d’aviation produite aux États-Unis en renonçant facilement, en
contre-partie, à exporter d’Allemagne l’essence synthétique
dont elle accumulait alors des stocks pour les buts de guerre.
Des
liens de ce genre sont caractéristiques, non seulement pour les
monopoles capitalistes américains. Des relations économiques très
étroites, d’importance non seulement commerciale, mais militaire
aussi, existaient par exemple à la veille de la guerre entre la
Fédération des industries britanniques et le groupe industriel du
Reich.
Les
représentants de ces deux groupements monopolistes ont publié à
Dusseldorf, en 1939, une déclaration commune, où il était dit,
entre autres, que :
« Cet accord vise d’assurer la collaboration la
plus complète possible entre les systèmes industriels de leurs
pays. »
Cela
se passait aux jours où l’Allemagne hitlérienne avait englouti la
Tchécoslovaquie ! Rien d’étonnant que la revue
londonienne Economist écrivait à ce propos :
« N’y
a-t-il pas dans l’atmosphère de Düsseldorf quelque chose qui
puisse faire perdre la raison aux hommes de bon sens ? [1] »
La
Banque Schröder, bien connue, où prédominaient le trust allemand
de l’acier Vereinigte Stahlwerke, fondée par Stinnes, Thyssen et
autres magnats industriels de la Ruhr, avec sièges à New York et à
Londres, fournit un exemple caractéristique de l’interpénétration
du Capital américain, allemand et anglais.
Allan
Dulles, directeur des maisons de Londres, Cologne et Hambourg de la
Henry G. Schröder Banking Corporation à New York, qui représentait
les intérêts des Schröder de Londres, Cologne et Hambourg, y a
joué un rôle de premier plan.
La
fameuse maison de contentieux Sullivan and Cromwel a joué un rôle
éminent au siège de New York de la Banque Schröder. La maison
Sullivan and Cromwel est dirigée par John Foster Dulles, qui est
actuellement le principal conseiller de M. Marshall.
Sa
maison est étroitement liée avec le trust mondial du pétrole, la
Standard Oil des Rockefeller, et aussi avec la plus puissante banque
des États-Unis, la Chase National Bank, qui a investi d’immenses
capitaux dans l’industrie allemande.
En
1947 paraissait à New York un livre de R. Sasuly qui souligna
qu’après Versailles, aussitôt que l’inflation fut arrêtée en
Allemagne et le mark consolidé, l’Allemagne fut littéralement
inondée d’emprunts étrangers. Ainsi, entre 1924 et 1930, la dette
extérieure de l’Allemagne augmenta de plus de 30 milliards de
marks.
L’industrie
allemande, et tout particulièrement les Vereinigte Stahlwerke (firme
allemande), fut largement reconstruite et modernisée avec l’aide
du capital étranger, américain surtout. Certains emprunts étaient
directement accordés aux firmes qui ont joué le premier rôle dans
le réarmement [2].
Une
des plus grandes banques new-yorkaises, la banque Dillon, Read and
Company, dont l’actuel ministre de la défense Forrestal [3] a
été l’un des directeurs pendant un certain nombre d’années, a
joué un rôle des plus importants dans le financement du trust
allemand de l’acier Vereinigte Stahlwerke, en même temps que la
banque anglo-germano-américaine Schröder.
C’est
cette pluie d’or qui a fécondé l’industrie lourde de
l’Allemagne hitlérienne et, en particulier, l’industrie de
guerre. Ce sont ces milliards de dollars américains, investis dans
l’économie de guerre de l’Allemagne hitlérienne par les
monopoles d’Outre-Atlantique qui ont rétabli le potentiel de
guerre allemand et qui ont mis entre les mains du régime hitlérien
l’arme nécessaire pour son agression.
En
peu de temps, profitant de l’appui financier, principalement de la
part des monopoles américains, l’Allemagne a rétabli une
industrie de guerre puissante, capable de produire, en quantités
formidables, des armements de premier ordre, des milliers de chars
d’assaut, d’avions, de canons, de navires de guerre modernes et
autres types d’armements.
C’est
ce que voudraient faire oublier les falsificateurs de l’histoire,
qui s’efforcent de se soustraire à la responsabilité leur
incombant du fait de leur politique, qui a armé l’agression
hitlérienne, déchaîné la Deuxième Guerre mondiale et conduit à
une catastrophe militaire sans précédent dans l’histoire et qui a
coûté à l’humanité des millions de victimes.
On
ne peut donc oublier que la première et la plus importante prémisse
de l’agression hitlérienne était de rétablir et de rénover
l’industrie lourde et l’industrie de guerre allemandes, ce qui
n’est devenu possible qu’à la suite d’une aide financière
directe et amie de la part des milieux dirigeants des États-Unis
d’Amérique.
Mais
ce n’est pas tout.
Un
autre facteur décisif qui a contribué au déclenchement de
l’agression hitlérienne était la politique des milieux dirigeants
de l’Angleterre et de la France, politique connue comme politique
d’« apaisement » de l’Allemagne hitlérienne,
politique renonçant à la sécurité collective.
Actuellement
il doit être clair à tout le monde que c’est cette politique des
milieux gouvernants anglo-français, politique de renonciation à la
Sécurité collective, de non résistance à l’agression allemande
et d’encouragement des prétentions agressives de l’Allemagne
hitlérienne, qui a abouti à la Deuxième Guerre mondiale.
Passons
aux faits :
Peu
de temps après l’accession d’Hitler au pouvoir, à la suite des
efforts des gouvernements anglais et français, en 1933, « le
Pacte d’entente et de collaboration » des quatre puissances —
Grande-Bretagne, Allemagne, France et Italie — fut signé à Rome.
Ce Pacte signifiait une collusion entre les gouvernements anglais et
français d’une part et, d’autre part, le fascisme allemand et
italien, qui, déjà, ne dissimulait pas ses visées agressives.
En
même temps, ce Pacte conclu avec les États fascistes signifiait la
renonciation à la politique de renforcement du front des puissances
pacifiques contre les États agressifs. En traitant avec l’Allemagne
et l’Italie et en laissant de côté les autres Puissances —
membres de la Conférence de désarmement, qui siégeait alors et qui
examinait la proposition soviétique de conclure un Pacte de
non-agression et un Pacte en vue de déterminer l’agresseur —,
la Grande-Bretagne et la France ont porté un coup à l’œuvre
entreprise pour assurer la paix et la sécurité des nations.
Après
cela, en 1934, l’Angleterre et la France ont aidé Hitler à
profiter de l’attitude hostile, à l’égard de l’U.R.S.S., de
la Pologne nobiliaire, leur alliée, ce qui a eu pour résultat la
conclusion du Pacte germano-polonais de non-agression, qui fut une
des étapes importantes des préparatifs de l’agression allemande.
Hitler
avait besoin de ce Pacte pour désorganiser les rangs des partisans
de la sécurité collective et de démontrer ainsi que l’Europe
avait besoin, non pas d’une sécurité collective, mais d’accords
bilatéraux.
Cela
permettait aux agresseurs allemands de décider eux-mêmes avec qui
et à quel moment des accords devaient être conclu, et qui et à
quel moment devait être attaqué. Nul doute que le Pacte
germano-polonais ne constituât la première brèche importante dans
la structure de la sécurité collective.
S’enhardissant,
Hitler prit nombre de mesures pour reconstituer ouvertement les
forces armées de l’Allemagne, ce qui ne provoqua aucune résistance
de la part des gouvernants anglais et français.
Au
contraire, peu de temps après, en 1935, à Londres, où Ribbentrop
était arrivé à cette fin, un Accord naval anglo-allemand était
conclu, aux termes duquel la Grande-Bretagne consentait au
rétablissement des forces navales allemandes dans une proportion qui
les rendait presque égales à celles de la flotte de guerre
française.
Hitler
obtenait, en outre, le droit de construire des sous-marins d’un
tonnage global de 45 % de la flotte sous-marine britannique.
C’est également à cette période que se rapportent les actes
unilatéraux de l’Allemagne hitlérienne qui avaient pour but de
supprimer toutes les autres restrictions relatives à l’augmentation
des forces armées de l’Allemagne, restrictions établies par le
Traité de Versailles, ces actes n’ayant provoqué aucune
résistance de la part de l’Angleterre, de la France et des
États-Unis.
Les
appétits des agresseurs fascistes augmentaient de jour en jour, les
États-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne et la France faisant
preuve d’une tolérance évidente. Certes, ce n’est pas par
hasard qu’à cette époque, les interventions militaires de
l’Allemagne et de l’Italie en Éthiopie et en Espagne ne leur
créaient guère d’ennuis.
Seule
l’Union Soviétique poursuivait d’une manière ferme et
conséquente sa politique de paix, défendant le principe de droits
égaux et de l’indépendance de l’Éthiopie, qui était
d’ailleurs un des membres de la Société des Nations ainsi que le
droit du Gouvernement républicain légitime d’Espagne de recevoir
un appui de la part des pays démocratiques dans sa lutte contre
l’intervention germano-italienne.
En
parlant de l’agression italienne contre l’Éthiopie à la session
du 10 janvier 1936 du Comité Exécutif Central de l’U.R.S.S., V.
M. Molotov disait :
« L’Union Soviétique a démontré au sein de la
Société des Nations, sur l’exemple d’un petit pays, l’Éthiopie,
qu’elle était fidèle à ce principe, au principe de
l’indépendance de tous les États et de leur égalité en droits,
en tant que nations.
L’Union
Soviétique a également profité de sa participation à la Société
des Nations pour mettre en pratique sa ligne de conduite à l’égard
de l’agresseur impérialiste. [4] »
V.
Molotov avait dit alors :
« La
guerre italo-éthiopienne montre que la menace d’une guerre
mondiale augmente et s’appesantit de plus en plus sur
l’Europe. [5] »
Que
faisaient, pendant ce temps, les gouvernements des États-Unis, de la
Grande-Bretagne et de la France, sous les yeux desquels les brigands
fascistes, d’une manière toujours plus impudente, sévissaient
contre leurs victimes ?
Ils
ne firent absolument rien pour mater les agresseurs allemands et
italiens, pour prendre la défense des droits des peuples, foulés
aux pieds, pour sauvegarder la paix et enrayer la menace imminente de
la Deuxième Guerre mondiale.
L’Union
Soviétique seule faisait tout son possible pour barrer la voie aux
agresseurs fascistes. L’Union Soviétique s’est faite
l’initiateur et le champion de la sécurité collective.
Dès
le 6 février 1933, au sein de la Commission générale du
désarmement, M. Litvinov, représentant de l’Union
Soviétique, avait proposé de faire une déclaration définissant
les termes d’agression et d’agresseur.
En
proposant de définir le terme d’agresseur, l’Union Soviétique
partait de la nécessité de définir de la façon la plus précise,
dans l’intérêt de la sécurité générale et pour faciliter un
accord au sujet d’une réduction maxima des armements, le terme
d’« agression », cela afin d’« écarter tout
prétexte tendant à la justifier ». Toutefois cette
proposition a été repoussée par la conférence, qui, sous la
direction de l’Angleterre et de la France, agissait en faveur de
l’agression allemande.
Tout
le monde sait la lutte opiniâtre et prolongée de l’Union
Soviétique et de sa délégation, présidée par M. Litvinov, à
la Société des Nations en faveur du maintien et du renforcement de
la sécurité collective. Au cours de toute la période
d’avant-guerre la délégation soviétique auprès de la Société
des Nations défendait le principe de la sécurité collective, en
élevant sa voix en faveur de ce principe presqu’à toutes les
séances et dans presque toutes les Commissions de la Société des
Nations.
Mais,
comme on sait, la voix de l’Union Soviétique restait une voix
criant dans le désert. Tout le monde connaît les propositions de la
délégation soviétique au sujet des mesures à prendre pour
renforcer la sécurité collective, propositions adressées
conformément aux instructions du Gouvernement Soviétique, à
M. Avenol, Secrétaire général de la Société des Nations, en
date du 30 août 1936, avec la demande de les examiner au sein de la
Société des Nations. Mais on sait également que ces propositions
ont été ensevelies dans les archives de la Société des Nations et
qu’il ne leur a pas été donné suite.
Il
était évident que l’Angleterre et la France, qui, à ce moment
jouaient le premier rôle à la Société des Nations, renonçaient à
résister collectivement à l’agression allemande. Elles
renonçaient à la sécurité collective, puisque celle-ci les
empêchait de poursuivre leur nouvelle politique d’« apaisement »
de l’agression allemande, la politique de concessions à
l’agression hitlérienne.
Certes,
une pareille politique ne pouvait que renforcer l’agression
allemande. Mais les milieux dirigeants anglo-français croyaient que
cela n’était pas dangereux, puisque, donnant satisfaction aux
agresseurs allemands par des concessions dans l’Ouest, on pourrait
la diriger plus tard du côté de l’Est et en faire une arme
dirigée contre l’U.R.S.S.
Dans
le rapport présenté au cours du XVIIIe Congrès du Parti Communiste
(bolchévik) de l’U.R.S.S. au mois de mars 1939, J. Staline, en
exposant les raisons du renforcement de l’agression hitlérienne,
disait :
« Le
motif principal, c’est que la majorité des pays non-agresseurs, et
avant tout l’Angleterre et la France, ont renoncé à la politique
de la sécurité collective, à la politique de résistance
collective aux agresseurs, et ont adopté une attitude de
non-intervention, une attitude de neutralité. [6] »
Pour
désorienter le lecteur et, en même temps, calomnier le Gouvernement
Soviétique, le correspondant américain Neal Stanford affirme que le
Gouvernement Soviétique s’opposait à la sécurité collective ;
que M. Litvinov fut écarté de son poste de Commissaire du
Peuple aux Affaires Étrangères et remplacé par V. Molotov, parce
qu’il poursuivait une politique visant à renforcer la sécurité
collective.
Il
est difficile d’imaginer quelque chose de plus stupide que cette
affirmation fantastique. Il est évident que M. Litvinov
poursuivait, non pas sa politique personnelle, mais celle du
Gouvernement Soviétique. D’autre part, la lutte que ce
gouvernement et ses représentants, M. Litvinov y compris, ont
poursuivie en faveur de la sécurité collective au cours de toute la
période d’avant-guerre, est connue du monde entier.
Quant
à la nomination de V. Molotov au poste de Commissaire du Peuple aux
Affaires Étrangères, il est évident que, dans une situation
compliquée, alors que les agresseurs fascistes préparaient la
Deuxième Guerre mondiale et que la Grande-Bretagne et la France
avec, derrière elles, les États-Unis, les laissaient directement
faire et les encourageaient dans leurs plans de guerre contre
l’U.R.S.S., il était nécessaire d’avoir à un poste aussi
responsable que celui du Commissaire du Peuple aux Affaires
Étrangères, un homme d’État plus expérimenté et jouissant dans
le pays d’une plus grande popularité que M. Litvinov.
Ce
n’est pas par hasard que les Puissances Occidentales ont renoncé
au Pacte de la sécurité collective.
Au
cours de cette période une lutte entre deux lignes suivies dans la
politique internationale s’était engagée. L’une consistait à
lutter pour la paix, pour l’organisation de la sécurité
collective et visait à résister à l’agression par les efforts
unis des peuples pacifiques.
Cette
ligne politique était celle de l’Union Soviétique, qui défendait
d’une manière conséquente et ferme les intérêts de tous les
peuples pacifiques, grands et petits. L’autre ligne était celle de
la renonciation à l’organisation de la sécurité collective et à
la résistance à l’agression ce qui encourageait nécessairement
les pays fascistes à renforcer leur action agressive et, de ce fait,
contribuer au déclenchement d’une nouvelle guerre.
Tout
cela montre que la vérité historique est que l’agression
hitlérienne est devenue possible premièrement, du fait que les
États-Unis d’Amérique ont aidé les Allemands à créer en peu de
temps la base économique et militaire de l’agression allemande et
ont ainsi fourni les armes à cette agression, et deuxièmement,
parce que la renonciation des milieux gouvernants anglo-français à
la sécurité collective a désorganisé les rangs des pays
pacifiques, dissocié le front unique de ces pays face à
l’agression, frayé la voie à l’agression allemande, et aidé
Hitler à déclencher la Deuxième Guerre mondiale.
Que
serait-il advenu si les États-Unis n’avaient pas financé
l’industrie lourde de l’Allemagne hitlérienne et si l’Angleterre
et la France n’avaient pas renoncé à la sécurité collective,
mais, au contraire, avaient organisé en commun avec l’Union
Soviétique la riposte collective à l’agression allemande ?
L’agression
allemande aurait été privée d’un armement suffisant. La
politique hitlérienne de conquête se serait trouvée prise dans les
tenailles du régime de la sécurité collective. Les chances que les
hitlériens auraient eues de pouvoir déclencher avec succès une
deuxième guerre mondiale auraient été réduites au minimum.
Et
si les hitlériens, en dépit de ces conditions défavorables,
avaient néanmoins osé déclencher une deuxième guerre mondiale,
ils auraient été battus dès la première année de guerre.
Malheureusement,
tel ne fut pas le cas, et cela à cause de la politique funeste des
États-Unis d’Amérique, de l’Angleterre et de la France au cours
de la période d’avant-guerre.
Voilà
qui est coupable de ce que les hitlériens ont pu, non sans succès,
déclencher la Deuxième Guerre mondiale, qui a duré presque six ans
et qui a fait des millions de victimes.
II.
NON PAS LUTTE CONTRE L’AGRESSION ALLEMANDE, MAIS POLITIQUE
D’ISOLEMENT DE L’U.R.S.S.
La
suite des évènements montre encore plus nettement que les milieux
gouvernants d’Angleterre et de France ne faisaient qu’encourager
l’Allemagne et la pousser dans la voie des conquêtes en accordant
des concessions et des faveurs aux États fascistes qui s’étaient
groupés en 1936 en un bloc militaire et politique connu sous le nom
d’« Axe Berlin-Rome ».
Repoussant
la politique de sécurité collective, l’Angleterre et la France
avaient adopté l’attitude d’une prétendue non-intervention, au
sujet de laquelle Joseph Staline disait :
« La
politique de non-intervention peut être caractérisée comme suit :
« Que chaque pays se défende contre les agresseurs comme il veut
et comme il peut, cela ne nous regarde pas ; nous allons
commercer aussi bien avec les agresseurs qu’avec leurs victimes. »
Mais en réalité, la politique de non-intervention signifie
encourager l’agression, donner libre cours à la guerre et donc, la
transformer en une guerre mondiale. [7] »
Staline
ajoutait que :
« Le
jeu politique vaste et dangereux commencé par les tenants de la
politique de non-intervention pourrait finir pour eux par un fiasco
grave. [8] »
Dès
1937, il était parfaitement clair qu’on s’acheminait à une
grande guerre machinée par Hitler, qui profitait de ce que la
Grande-Bretagne et la France le laissaient faire.
Les
documents du Ministère allemand des Affaires Étrangères saisis par
les troupes soviétiques après la débâcle de l’Allemagne
dévoilent la vraie nature de la politique extérieure de la
Grande-Bretagne et de la France pendant cette période.
Ces
documents montrent que le fond de la politique anglo-française ne
consistait pas à grouper les forces des États pacifiques pour une
lutte commune contre l’agression, mais à isoler l’U.R.S.S. et à
diriger l’agression hitlérienne vers l’Est, contre l’Union
Soviétique, en faisant d’Hitler l’instrument de leurs buts.
Ce
faisant les gouvernants d’Angleterre et de France connaissaient
fort bien l’orientation principale de la politique extérieure
hitlérienne qu’Hitler avait définie comme suit :
« Nous
autres, nationaux-socialistes, nous mettons sciemment le point final
à l’orientation de notre politique extérieure d’avant-guerre.
Nous commençons là où nous nous sommes arrêtés il y a six
siècles.
Nous
abandonnons le perpétuel désir d’expansion vers le Sud et l’Ouest
de l’Europe, et tournons nos regards vers les terres de l’Est.
Nous rompons enfin avec la politique coloniale et commerciale
d’avant-guerre et passons à la politique territoriale de l’avenir.
Mais
lorsque nous parlons aujourd’hui en Europe de terres nouvelles nous
ne pouvons songer en premier lieu qu’à la Russie et aux États
limitrophes qui lui sont subordonnés. Il semble que le sort lui-même
nous montre le chemin. [9] »
On
avait généralement pensé jusqu’à ces temps derniers que toute
la responsabilité de la politique de trahison de Munich incombait
aux milieux gouvernants d’Angleterre et de France, aux
gouvernements de Chamberlain et de Daladier.
Le
fait que le Gouvernement américain s’est chargé de publier les
documents des archives allemands en excluant du recueil ceux relatifs
à l’accord de Munich montre que ce gouvernement est intéressé à
disculper les héros de la trahison de Munich et à essayer de
rejeter la faute sur l’U.R.S.S.
Autrefois
aussi, le fond de la politique munichoise de l’Angleterre et de la
France, était suffisamment clair. Cependant, les documents des
archives du Ministère allemand des Affaires Étrangères qui sont
aux mains du Gouvernement Soviétique apportent de nombreuses données
complémentaires qui dévoilent le vrai sens de la diplomatie des
puissances occidentales dans la période d’avant-guerre ; ils
montrent comment on a joué avec les destinées des nations, avec
quelle impudence on trafiquait des territoires d’autrui, comme on
retaillait secrètement la carte du monde, comment on encourageait
l’agression hitlérienne et quels efforts on faisait pour orienter
cette agression vers l’Est, contre l’Union Soviétique.
Cela
est éloquemment attesté, par exemple, par le document allemand qui
contient le texte d’un entretien qui eut lieu le 19 novembre 1937,
à Obersalzberg, entre Hitler et le ministre anglais Halifax en
présence du ministre allemand des Affaires Étrangères von Neurath.
Halifax
déclara que :
« Lui
[lord Halifax]
et les autres membres du Gouvernement anglais étaient
convaincus que le Führer avait obtenu de grands résultats non
seulement en Allemagne, mais que, en détruisant le communisme dans
son pays, il lui avait barré le chemin de l’Europe occidentale et
que, pour cette raison, l’Allemagne pouvait être considérée à
bon droit comme le bastion de l’Occident contre le
bolchevisme. [10] »
Au
nom du Premier ministre britannique Chamberlain, Halifax déclarait
qu’il y avait pleine possibilité de résoudre même les problèmes
difficiles, pourvu que l’Allemagne et l’Angleterre réussissent à
s’entendre aussi avec la France et l’Italie.
Halifax
disait :
« Il
ne faut pas qu’on ait l’impression que l’ »Axe Berlin-Rome »
ou les bonnes relations entre Londres et Paris auraient à souffrir
d’un rapprochement germano-britannique.
Une
fois que, grâce au rapprochement germano-britannique, le terrain se
trouvera préparé, les quatre grandes puissances d’Europe
occidentale [11] devront
créer en commun la base sur laquelle on pourra établir en Europe
une paix durable.
Aucune
des quatre puissances ne doit en aucun cas rester en marge de cette
collaboration ; sinon, on ne pourra mettre un terme à
l’instabilité actuelle. [12] »
C’est
ainsi que dès 1937, au nom du Gouvernement anglais, Halifax
proposait à Hitler l’adhésion de l’Angleterre et, en même
temps, de la France, à l’« Axe Berlin-Rome ».
Toutefois,
Hitler répondit à cette proposition en déclarant qu’un tel
accord entre les quatre puissances lui semblait très facile à
réaliser pour autant qu’il s’agissait de bonne volonté et
courtoisie réciproque, mais que les choses se compliqueraient si
l’Allemagne n’était pas considérée « comme un État ne
portant plus le stigmate moral ou matériel du Traité de
Versailles ».
Selon
le texte noté de l’entretien :
« Halifax répondit que les Anglais sont des
réalistes et, plus que quiconque peut-être, sont-ils convaincus que
les erreurs du dictat de Versailles doivent être corrigées.
Autrefois aussi, l’Angleterre a toujours exercé son influence dans
ce sens réaliste.
Halifax
signala le rôle joué par l’Angleterre lors de l’évacuation
avant terme de la Rhénanie, lors du règlement de la question des
réparations, et lors de la réoccupation de la Rhénanie. [13] »
La
suite du texte de l’entretien Hitler-Halifax montre que le
Gouvernement anglais avait adopté une attitude favorable aux plans
hitlériens de l’« acquisition » de Dantzig, de
l’Autriche et de la Tchécoslovaquie. Après avoir examiné avec
Hitler les questions du désarmement et de la S.D.N. et observé que
ces problèmes avaient besoin d’être encore discutés, Halifax
déclara encore :
« On
peut dire de toutes les autres questions qu’elles concernent des
changements de l’ordre européen qui selon toute probabilité
s’accompliront tôt ou tard. Au nombre de ces questions figurent
Dantzig, l’Autriche et la Tchécoslovaquie.
L’Angleterre
n’est intéressée qu’à une chose : que ces changements se
fassent par une évolution pacifique et que l’on puisse éviter les
méthodes susceptibles d’entraîner de nouveaux bouleversements,
que ne souhaiteraient ni le Führer, ni les autres pays. [14] »
On
le voit : cet entretien n’était pas un simple sondage, une
façon de tâter l’interlocuteur, ce qui est parfois une nécessité
politique, mais une collusion, un accord secret entre le Gouvernement
anglais et Hitler, en vue de satisfaire l’appétit de conquête de
celui-ci aux dépens de tiers pays.
Il
convient de noter à ce propos la déclaration faite au parlement, le
21 février 1938, par le ministre anglais Simon, qui a dit que la
Grande-Bretagne n’avait jamais donné de garantie spéciale de
l’indépendance de l’Autriche. C’était un mensonge manifeste,
puisque de telles garanties se trouvaient dans les traités de
Versailles et de Saint-Germain.
À
la même époque, le Premier ministre britannique Chamberlain déclara
que l’Autriche ne pouvait compter sur aucune défense de la part de
la Société des Nations.
« Nous
ne devons pas essayer — a dit Chamberlain — de nous induire
nous-mêmes en erreur et encore moins devons-nous tromper les nations
petites et faibles en leur faisant espérer qu’elles seront
défendues par la S.D.N. contre l’agression et que l’on pourra
agir en conséquence, car nous savons que rien de tel ne peut être
entrepris. [15] »
C’est
ainsi que les dirigeants de la politique britannique encourageaient
Hitler à entreprendre des actes d’agression.
Les
archives allemandes saisies par les troupes soviétiques à Berlin
contiennent aussi le texte d’un entretien entre Hitler et
l’ambassadeur britannique en Allemagne, Henderson, qui eut lieu en
présence de Ribbentrop, le 3 mars 1938 [16].
Dès
le début de cet entretien, Henderson en souligna le caractère
confidentiel, en stipulant que la teneur de l’entretien ne serait
communiquée ni aux Français, ni aux Belges, ni aux Portugais, ni
aux Italiens, auxquels on se bornerait à dire que cet entretien
faisait suite aux pourparlers Halifax-Hitler et qu’il avait été
consacré à des questions concernant l’Allemagne et l’Angleterre.
Au
cours de cet entretien, parlant au nom du Gouvernement anglais,
Henderson souligna que :
« Il
ne s’agit pas d’une transaction commerciale, mais d’une
tentative d’établir les bases d’une amitié vraie et cordiale
avec l’Allemagne, en commençant par améliorer la situation et en
finissant par créer un esprit nouveau de compréhension
amicale. [17] »
N’élevant
pas d’objection contre l’exigence d’Hitler de « grouper
l’Europe sans la Russie », Henderson rappela que Halifax,
devenu entre-temps ministre des Affaires Étrangères, avait déjà
accepté les changements territoriaux que l’Allemagne se disposait
à faire en Europe, et que :
« Le
but de la proposition anglaise est de prendre part à ce règlement
raisonnable [18] ».
Ainsi
qu’il est stipulé dans le texte noté de ce même entretien,
Henderson déclara que :
« [Chamberlain] fit preuve d’un grand courage
lorsque, malgré tout, il arracha le masque des phrases
internationales telles que la sécurité collective, etc… »
Et
c’est pourquoi — ajoutait Henderson — l’Angleterre se déclare
prête à écarter toutes les difficultés et demande à l’Allemagne
si elle est disposée, à son tour, à en faire autant. [19] »
Lorsque
Ribbentrop se mêla à la conversation en faisant remarquer à
Henderson que le ministre d’Angleterre à Vienne avait fait « sous
une forme dramatique » une déclaration à von Papen à propos
des événements d’Autriche, Henderson s’empressa de se
désolidariser de la déclaration de son collègue en disant que
« lui-même, Neville Henderson, s’était souvent prononcé
pour l’Anschluss ».
Tel
était le langage tenu par la diplomatie anglaise dans la période
d’avant-guerre.
Après
cette entente, dès le 12 mars 1938, Hitler s’empara de l’Autriche
sans se heurter à aucune résistance de l’Angleterre et de la
France. L’Union Soviétique fut seule à ce moment à jeter un cri
d’alarme et à lancer un nouvel appel à l’organisation de la
défense collective de l’indépendance des pays menacés par
l’agression. Dès le 17 mars 1938, le Gouvernement Soviétique
avait adressé aux puissances une note, se déclarant :
« Prêt
à entreprendre avec les autres puissances, dans la S.D.N. ou en
marge de celle-ci, l’examen de mesures pratiques [qui] seraient
destinées à enrayer le développement de l’agression et à
supprimer le danger devenu plus pressant, d’un nouveau carnage
mondial. [20] »
La
réponse du Gouvernement anglais à la note soviétique montrait que
le dit gouvernement ne voulait pas contrecarrer ces plans d’agression
hitlérienne. Il y était dit que :
« Une
conférence pour l’adoption d’actions concertées contre
l’agression n’exercerait pas nécessairement, de l’avis du
Gouvernement de Sa Majesté, une influence favorable sur les
perspectives de la paix européenne. [21] »
L’occupation
de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne fut le maillon suivant dans
la chaîne de l’agression allemande et de la préparation de la
guerre en Europe. Et ce pas on ne peut plus important vers le
déchaînement de la guerre en Europe ne put être fait par Hitler
qu’avec l’appui direct de l’Angleterre et de la France.
Dès
le 10 juillet 1938 l’ambassadeur d’Allemagne à Londres,
Dircksen, communiquait à Berlin que :
« Le Gouvernement anglais avait fait de la
recherche d’un compromis avec l’Allemagne un des points
essentiels de son programme. »
Et que :
« Le
dit Gouvernement manifeste pour l’Allemagne le maximum de
compréhension que pourrait manifester une quelconque des équipes
possibles de politiques anglais. [22] »
Dircksen
écrivait que :
« Le
Gouvernement anglais s’était rapproché de la compréhension des
points les plus essentiels des revendications fondamentales de
l’Allemagne en ce qui concerne l’élimination de l’Union
Soviétique du règlement du sort de l’Europe, l’évincement, en
ce sens, de la S.D.N. également et l’opportunité de négociations
et de traités bilatéraux. [23] »
Dircksen
mandait également à Berlin que le Gouvernement anglais était prêt
à faire de grands sacrifices pour « satisfaire les autres
justes revendications de l’Allemagne [24] ».
De
ce fait une entente allant loin et concernant les plans de politique
extérieure était réellement intervenue entre le Gouvernement
anglais et Hitler, ce que Dircksen notait avec une grande force
d’expression, dans son rapport adressé à Berlin.
Il
n’est guère besoin de rappeler les faits patents se rapportant
cette fois directement à la transaction de Munich. Il ne faut
cependant pas oublier que le 19 septembre 1938, c’est-à-dire
quatre jours après l’entrevue Hitler-Chamberlain (ce dernier
s’était rendu à cette fin en avion à la résidence hitlérienne
de Berchtesgaden), les représentants des gouvernements britannique
et français exigèrent du Gouvernement tchécoslovaque le transfert
à l’Allemagne des régions de Tchécoslovaquie principalement
peuplées d’Allemands des Sudètes.
Ils
déclaraient, pour justifier cette exigence, que sans cela il serait
soi-disant impossible de maintenir la paix et d’assurer les
intérêts vitaux de la Tchécoslovaquie. Les protecteurs
anglo-français de l’agression hitlérienne tentèrent de couvrir
leur trahison par la promesse d’une garantie internationale des
nouvelles frontières de l’État tchécoslovaque comme
« contribution à l’œuvre d’apaisement de l’Europe [25] ».
Le
20 septembre le Gouvernement tchécoslovaque répondait aux
propositions anglo-françaises. Il déclarait que :
« L’adoption des telles propositions équivaudrait
à une mutilation volontaire et complète de l’État sous tous les
rapports. »
Le
Gouvernement tchécoslovaque attirait l’attention des gouvernements
anglais et français sur le fait que :
« La paralysie de la Tchécoslovaquie aurait pour
conséquence des changements politiques profonds dans toute l’Europe
centrale et du sud-est. »
Dans
sa réponse le Gouvernement tchécoslovaque déclarait :
« L’équilibre des forces dans l’Europe
centrale et dans l’Europe en général serait détruit, ce qui
entraînerait de graves conséquences pour tous les autres États,
pour la France tout particulièrement. »
Le
Gouvernement tchécoslovaque lançait un « ultime appel »
aux gouvernements d’Angleterre et de France, leur demandant de
revenir sur leur point de vue et soulignant que cela était non
seulement dans l’intérêt de la Tchécoslovaquie, mais de ses amis
aussi, dans l’intérêt « de toute la cause de la paix et
d’un développement normal de l’Europe ».
Les
gouvernants anglo-français restèrent inébranlables.
Le
lendemain le Gouvernement anglais adressait sa réponse au
Gouvernement tchécoslovaque. Dans cette note, il lui proposait de
retirer sa réponse aux propositions initiales anglo-françaises et
de « peser d’urgence et sérieusement » le pour et le
contre avant de créer une situation dont le Gouvernement anglais ne
saurait assumer la responsabilité. En conclusion, le Gouvernement
anglais soulignait qu’il ne pouvait croire que le projet
tchécoslovaque d’arbitrage fût acceptable à l’heure actuelle.
La note anglaise faisait remarquer que :
« Le Gouvernement anglais ne pouvait supposer que
le Gouvernement allemand considère la situation comme susceptible
d’être résolue par voie d’arbitrage, comme le propose le
Gouvernement tchécoslovaque. »
En
conclusion, la note anglaise mettait en garde le Gouvernement
tchécoslovaque et déclarait sur un ton menaçant que, dans le cas
ou le conseil donné par l’Angleterre serait décliné, le
Gouvernement tchécoslovaque « devait être libre de recourir à
toutes actions qu’il jugerait conformes à la situation pouvant
exister plus tard ».
La
Conférence de Munich qui a eu lieu les 29-30 septembre 1938 entre
Hitler, Chamberlain, Mussolini et Daladier fut le couronnement de la
honteuse transaction pleinement concertée au préalable entre les
principaux participants du complot contre la paix.
Le
sort de la Tchécoslovaquie fut décidé sans qu’elle y participât
dans aucune mesure. Les représentants de la Tchécoslovaquie ne
furent invités à Munich que pour y attendre humblement les
résultats de l’entente avec les impérialistes.
Toute
l’attitude de l’Angleterre et de la France ne laissait d’ailleurs
aucun doute sur ce point que l’acte inouï de trahison commis par
les gouvernements anglais et français à l’égard du peuple
tchécoslovaque et de sa république n’était nullement un épisode
fortuit dans la politique de ces États, mais un élément important
de la politique dont le but était d’orienter l’agression
hitlérienne contre l’Union Soviétique.
Le
véritable sens de l’entente de Munich fut dénoncé à cette
époque par Joseph Staline, disant que :
« On
a livré aux Allemands des régions de la Tchécoslovaquie comme prix
de leur engagement de déclencher la guerre contre l’Union
Soviétique. [26] »
L’essence
de toute la politique des milieux gouvernants anglo-français dans
cette période fut révélée dans les paroles suivantes de Joseph
Staline au XVIIIe Congrès du Parti Communiste (bolchévik) de
l’U.R.S.S., en mars 1939 :
« La
politique de non-intervention —disait J. Staline — signifie
encourager l’agression, déchaîner la guerre et par conséquent la
transformer en guerre mondiale.
La
politique de non-intervention trahit la volonté, le désir de ne pas
gêner les agresseurs d’accomplir leur œuvre ténébreuse, de ne
pas empêcher, notamment, le Japon de s’embourber dans une guerre
avec la Chine, et mieux encore, avec l’Union Soviétique ; de
ne pas empêcher l’Allemagne de s’enliser dans les affaires
européennes, de s’empêtrer dans une guerre avec l’Union
Soviétique, de permettre à tous les belligérants de s’enfoncer
jusqu’au cou dans la vase de la guerre ; de les y encourager
sournoisement ; de les laisser s’affaiblir et s’épuiser
mutuellement, et, ensuite lorsqu’ils seront suffisamment affaiblis,
de paraître sur la scène avec des forces fraîches, d’intervenir,
naturellement, « dans l’intérêt de la paix » et de dicter
ses conditions aux belligérants affaiblis. [27] »
L’accord
de Munich fut accueilli avec indignation et par un blâme résolu
dans les milieux démocratiques des divers pays, y compris ceux des
États-Unis d’Amérique, de Grande-Bretagne et de France.
On
peut juger de l’attitude de ces milieux vis-à-vis de la trahison
munichoise des gouvernants anglo-français ne fut-ce que par les
commentaires comme ceux qu’on trouvait, par exemple, dans le livre
publié aux États-Unis par M. Sayers et Kahn sous le titre de
La Grande conspiration contre la Russie.
Voici
ce que les auteurs de ce livre écrivaient au sujet de Munich :
« Les
gouvernements de l’Allemagne nazie, de l’Italie fasciste,
d’Angleterre et de France ont signé l’accord de Munich.
Le
rêve de la « Sainte Alliance » antisoviétique caressé par
la réaction mondiale depuis 1918 s’était enfin réalisé.
Cet
accord laissait la Russie sans alliés. Le Pacte franco-soviétique,
pierre angulaire de la sécurité collective en Europe, était
enterré. Les Sudètes tchèques devenaient une partie de l’Allemagne
nazie. Les portes de l’Est s’ouvraient largement devant les
hordes hitlériennes. [28] »
De
toutes les grandes puissances, l’Union Soviétique a été la seule
qui ait pris une part active à toutes les étapes de la tragédie
tchécoslovaque, à la défense de l’indépendance et des droits
nationaux de la Tchécoslovaquie.
Dans
leurs tentatives pour se justifier aux yeux de l’opinion publique,
les gouvernements d’Angleterre et de France déclarèrent
hypocritement ignorer soi-disant si l’Union Soviétique allait
remplir vis-à-vis de la Tchécoslovaquie les engagements découlant
du Traité d’assistance mutuelle. Ils affirmaient ainsi une chose
qu’ils savaient fausse, car le Gouvernement Soviétique s’était
publiquement déclaré prêt à intervenir en faveur de la
Tchécoslovaquie contre l’Allemagne, conformément aux clauses de
ce Traité, qui stipulaient l’intervention simultanée de la France
pour la défense de la Tchécoslovaquie. Mais la France refusa de
remplir son devoir.
Néanmoins,
le Gouvernement Soviétique déclara de nouveau, à la veille de la
transaction de Munich, se prononcer pour la convocation d’une
conférence internationale, afin d’apporter une aide pratique à la
Tchécoslovaquie et de prendre des mesures pratiques pour maintenir
la paix.
Lorsque
l’occupation de la Tchécoslovaquie devint un fait, et que les
gouvernements des pays impérialistes eurent, l’un après l’autre,
déclaré reconnaître le fait accompli, le Gouvernement Soviétique
flétrit, dans sa note du 18 mars, la mainmise sur la
Tchécoslovaquie, perpétrée par l’Allemagne hitlérienne avec la
complicité de l’Angleterre et de la France, comme acte arbitraire
de violence et d’agression. Dans cette même note, le Gouvernement
Soviétique soulignait que, les actes de l’Allemagne
« créaient
et renforçaient la menace à la paix universelle, troublaient la
stabilité politique en Europe centrale, multipliaient les éléments
de l’état d’alarme existant déjà en Europe et portaient une
nouvelle atteinte au sentiment de sécurité des peuples [29] ».
Mais
on ne se borna pas à livrer la Tchécoslovaquie à Hitler. Les
gouvernements de l’Angleterre et de la France se hâtèrent à qui
mieux mieux de signer de larges accords politiques avec l’Allemagne
hitlérienne. Le 30 septembre 1938, fut signée à Munich, par
Chamberlain et Hitler, une déclaration anglo-allemande où il était
dit :
« Nous
avons poursuivi aujourd’hui notre entretien et sommes arrivés
unanimement à la conviction que la question des rapports
germano-anglais a une importance de tout premier ordre pour les deux
pays et pour l’Europe.
Nous
considérons l’accord signé hier soir, ainsi que l’accord naval
germano-anglais. comme le symbole du désir de nos deux peuples de ne
plus jamais se faire la guerre. Nous sommes fermement résolus à
examiner également les autres questions intéressant nos deux pays,
par voie de consultations, et de nous efforcer d’écarter à
l’avenir tous motifs de différends, afin de contribuer à assurer
la paix en Europe. [30] »
C’était,
de la part de l’Angleterre et de l’Allemagne, une déclaration de
non-agression mutuelle.
Le
6 décembre 1938 fut signé une déclaration franco-allemande de
Bonnet-Ribbentrop, analogue à la déclaration anglo-allemande.
Il
y était dit que les gouvernements allemand et français étaient
arrivés tous deux à la conviction que les rapports pacifiques et de
bon voisinage entre l’Allemagne et la France constituaient l’une
des prémisses essentielles de consolidation des relations
européennes et de sauvegarde de la paix universelle et que les deux
gouvernements feraient tous leurs efforts pour assurer le maintien de
rapports de cette nature entre leurs pays.
La
déclaration constatait qu’il n’existait plus, entre la France et
l’Allemagne, de questions litigieuses d’ordre territorial et que
la frontière, entre leurs pays, était définitive. En conclusion,
la déclaration disait que les deux gouvernements étaient fermement
résolus, sous réserve de leurs rapports particuliers avec de
tierces puissances, à demeurer en contact mutuel pour toutes les
questions concernant leurs deux pays et à se consulter mutuellement
au cas où ces questions pourraient, dans leur évolution ultérieure,
conduire à des complications internationales.
C’était,
de la part de la France et de l’Allemagne, une déclaration de
non-agression entre ces deux pays.
Au
fond, la conclusion de ces accords signifiait que l’Angleterre et
la France avaient signé avec Hitler des pactes de non-agression.
On
voit se dessiner, en toute clarté, dans ces accords avec l’Allemagne
hitlérienne, le désir des gouvernements anglais et français
d’écarter d’eux la menace de l’agression hitlérienne, dans
l’idée que l’accord de Munich et autres conventions analogues
avaient déjà ouvert les portes à l’agression hitlérienne dans
l’Est, du côté de l’Union Soviétique.
C’est
ainsi qu’étaient créées les conditions politiques nécessaires à
« l’Union de l’Europe sans la Russie ».
On
allait à l’isolement total de l’Union Soviétique.
III.
ISOLEMENT DE L’UNION SOVIÉTIQUE.
PACTE DE NON-AGRESSION
SOVIÉTO-ALLEMAND
Après
l’occupation de la Tchécoslovaquie, l’Allemagne fasciste
commença à préparer la guerre tout à fait ouvertement, sous les
yeux du monde entier. Hitler, encouragé par l’Angleterre et la
France, ne se gêna plus et cessa de se poser en partisan d’un
règlement pacifique des problèmes européens. Les mois les plus
dramatiques de la période d’avant-guerre commençaient.
À
ce moment déjà, il était évident que chaque jour qui passait
rapprochait l’humanité d’une catastrophe militaire sans
précédent.
Quelle
était donc alors, la politique de l’Union Soviétique d’une
part, et, d’autre part, de la Grande-Bretagne et de la France ?
La
tentative d’éluder la réponse à cette question, tentative
entreprise par les falsificateurs de l’histoire aux États-Unis,
montre seulement que ceux-ci n’ont pas la conscience tranquille.
La
vérité est que l’Angleterre et la France, soutenues par les
milieux dirigeants des États-Unis, dans cette période fatale du
printemps et de l’été 1939, quand la guerre frappait à la porte,
suivaient toujours l’ancienne ligne de leur politique.
C’était
une politique de provocation poussant l’Allemagne hitlérienne
contre l’Union Soviétique.
Pour
donner le change, on voilait cette politique, non seulement par des
phrases hypocrites, où l’on se déclarait prêt à coopérer avec
l’U.R.S.S., mais par certaines manœuvres diplomatiques peu
compliquées qui devaient cacher à l’opinion des peuples le
caractère réel de la ligne politique suivie.
Ces
manœuvres consistaient avant tout dans les pourparlers de 1939, que
l’Angleterre et la France avaient décidé d’engager avec l’Union
Soviétique.
Pour
tromper l’opinion publique, les milieux dirigeants anglo-français
essayèrent de présenter ces pourparlers comme une sérieuse
tentative d’empêcher les progrès de l’agression hitlérienne.
Mais,
à la lumière de tout le cours ultérieur des événements, il
devenait absolument manifeste que, pour les anglo-français, ces
pourparlers n’étaient, dès le début, qu’un nouveau coup dans
leur double jeu.
Cela
était également clair aux dirigeants de l’Allemagne hitlérienne,
pour qui le sens des pourparlers entamés par les gouvernements de
l’Angleterre et de la France avec l’Union Soviétique, n’était
naturellement pas un secret.
Voici,
par exemple, ce qu’écrivait à ce propos Dircksen, ambassadeur
d’Allemagne à Londres, dans son rapport daté du 3 août 1939,
adressé au Ministère allemand des Affaires Étrangères, comme le
montrent les documents saisis par l’armée soviétique lors de la
défaite de l’Allemagne hitlérienne :
« L’impression prédominait ici que les liens qui
se sont établis au cours des derniers mois avec d’autres États ne
sont qu’un moyen de réserve en vue d’une véritable
réconciliation avec l’Allemagne et que ces liens disparaîtront
aussitôt qu’on aura atteint le seul but important et digne
d’efforts : l’accord avec l’Allemagne. »
Tous
les diplomates allemands qui ont observé la situation à Londres
partageaient entièrement cette opinion.
Dans
un autre rapport secret envoyé à Berlin, Dircksen écrivait :
« Par
ses armements et en acquérant des alliés, l’Angleterre veut
accroître sa puissance et se mettre au niveau de l’Axe. Elle veut
en même temps essayer d’aboutir à un accord avec l’Allemagne
par la voie de négociations. [31] »
Les
calomniateurs et falsificateurs de l’histoire voudraient cacher ces
documents car ils projettent une lumière crue sur la situation qui a
régné dans les derniers mois d’avant-guerre.
Or,
sans apprécier d’une façon juste cette situation, il est
impossible de comprendre la vraie préhistoire de la guerre. En
entamant des pourparlers avec l’Union Soviétique et en accordant
des garanties à la Pologne, à la Roumanie et à certains autres
États, l’Angleterre et la France, avec l’appui des milieux
gouvernants des États-Unis, jouaient un double jeu en vue de
conclure un accord avec l’Allemagne hitlérienne et d’orienter
son agression vers l’Est, contre l’Union Soviétique.
Les
négociations entre l’Angleterre et la France, d’une part, et
l’Union Soviétique, de l’autre, ont commencé en mars 1939 et
ont duré près de 4 mois.
Toute
la marche de ces pourparlers a fait ressortir avec évidence que,
tandis que l’Union Soviétique voulait aboutir à un accord, sur un
pied d’égalité avec les puissances occidentales, accord qui
puisse empêcher l’Allemagne, ne fût-ce qu’au dernier moment, de
déchaîner la guerre en Europe, les gouvernements de l’Angleterre
et de la France, forts de l’appui des États-Unis, se proposaient
de tout autres buts.
Les
milieux gouvernants anglo-français, habitués à faire tirer les
marrons du feu par d’autres, avaient, une fois de plus, tenté
d’imposer à l’Union Soviétique des engagements en vertu
desquels l’U.R.S.S. devait assumer tout le poids des sacrifices que
coûterait la riposte à l’agression hitlérienne éventuelle,
tandis que ni l’Angleterre, ni la France, ne prenaient la moindre
obligation envers l’Union Soviétique.
Si
cette manœuvre avait réussi aux gouvernants anglo-français, ils se
seraient fort rapprochés de la réalisation de leur principal
objectif, qui était de jeter le plus tôt possible, l’une contre
l’autre, l’Allemagne et l’Union Soviétique.
Cependant,
ce plan fut deviné par le Gouvernement Soviétique qui, à toutes
les phases des négociations, opposa aux manœuvres diplomatiques et
aux subterfuges des puissances occidentales ses propositions franches
et nettes, dont le seul but était défendre la cause de la paix en
Europe.
Point
n’est besoin d’évoquer toutes les péripéties de ces
pourparlers. Il convient seulement d’en rappeler certaines phases
particulièrement importantes.
Il
suffit de se remémorer les conditions que le Gouvernement Soviétique
formula au cours des négociations : signature entre
l’Angleterre, la France et l’U.R.S.S. d’un pacte efficace
d’assistance mutuelle contre l’agression ; garantie donnée
par l’Angleterre, la France et l’U.R.S.S. aux États de l’Europe
centrale et orientale, y compris tous les pays européens, sans
exception, limitrophes de l’U.R.S.S. ; signature d’une
convention militaire concrète entre l’Angleterre, la France et
l’U.R.S.S. sur les formes et les proportions de l’assistance
immédiate et efficace que ces puissances se prêteraient
réciproquement, ainsi qu’aux États bénéficiaires de la garantie
en cas d’agression [32] .
À
la troisième session du Soviet Suprême de l’U.R.S.S., le 31 mai
1939, V. Molotov a fait remarquer que le principe élémentaire de la
réciprocité et de l’égalité des obligations, éléments
nécessaires de tous accords conclus sur une base d’égalité,
faisait défaut dans certaines propositions anglo-françaises
formulées au cours de ces négociations.
« Se
garantissant — a dit V. Molotov — contre une attaque directe de
la part d’agresseurs par des pactes d’assistance mutuelle entre
eux et avec la Pologne, et s’assurant le concours de l’U.R.S.S.
en cas d’attaque de la part d’agresseurs contre la Pologne et la
Roumanie, les Anglais et Français laissaient pendante la question de
savoir si l’U.R.S.S. pouvait à son tour compter sur une aide de
leur part en cas d’attaque directe de la part d’agresseurs contre
elle.
De
même ils laissaient ouverte la question de savoir s’ils pouvaient
participer à la garantie des petits États limitrophes de l’U.R.S.S.
et couvrant sa frontière nord-ouest au cas où ceux-ci seraient
impuissants à défendre leur neutralité contre une attaque de la
part d’agresseurs. La situation était donc inégale pour
l’U.R.S.S. [33] »
Même
lorsque les représentants anglo-français commencèrent à accepter,
en paroles, le principe de l’assistance mutuelle entre
l’Angleterre, la France et l’U.R.S.S. à titre de réciprocité
en cas d’attaque directe de la part d’agresseurs, ils firent
nombre de réserves qui rendaient cet accord fictif.
En
outre, les propositions anglo-françaises prévoyaient l’assistance
de l’U.R.S.S. pour les pays auxquels les Anglais et les Français
avaient fait des promesses de garantie sans rien dire de leur
assistance aux pays situés aux frontières nord-ouest de l’U.R.S.S.,
c’est-à-dire aux États baltes, au cas où ceux-ci seraient
victimes d’une attaque de la part de l’agresseur.
Partant
des considérations énoncées plus haut, V. Molotov déclarait que
l’Union Soviétique ne pouvait assumer d’engagements à l’égard
de certains pays sans que des garanties analogues soient accordées
aux pays situés aux frontières nord-ouest de l’Union Soviétique.
Rappelons
d’autre part que, lorsque l’ambassadeur de Grande-Bretagne à
Moscou, Seeds, s’informa le 18 mars 1939 auprès du Commissaire du
Peuple aux Affaires Étrangères de l’attitude de l’Union
Soviétique en cas d’agression hitlérienne contre la Roumanie,
agression sur les préparatifs de laquelle les Anglais étaient
renseignés, et lorsqu’il fut demandé du côté soviétique quelle
serait l’attitude de l’Angleterre dans cette éventualité, Seeds
se déroba, en faisant remarquer qu’au point de vue géographique,
la Roumanie est plus près de l’Union Soviétique que de
l’Angleterre.
Ainsi,
dès le premier pas, apparut nettement le désir des milieux
dirigeants anglais à lier l’Union Soviétique par des engagements
déterminés en restant eux-mêmes à l’écart. Ce procédé,
plutôt simpliste, se répéta ensuite systématiquement à maintes
reprises, au cours de toute la marche des pourparlers.
En
réponse à la demande anglaise, le Gouvernement Soviétique proposa
de convoquer une conférence des représentants des États les plus
intéressés, et notamment de la Grande-Bretagne, de la France, de la
Roumanie, de la Pologne, de la Turquie et de l’Union Soviétique.
De
l’avis du Gouvernement Soviétique, cette conférence aurait offert
le plus de possibilités de tirer au clair la situation réelle et de
déterminer les positions de tous ses participants. Cependant, le
Gouvernement britannique répondit qu’il estimait prématurée la
proposition soviétique.
Au
lieu de réunir une conférence qui aurait permis de s’entendre au
sujet des mesures concrètes de lutte contre l’agression, le
Gouvernement anglais proposa au Gouvernement Soviétique, le 21 mars
1939, de signer conjointement avec lui, ainsi qu’avec la France et
la Pologne, une déclaration dans laquelle les gouvernements
signataires s’engageraient « à se consulter sur les mesures
à prendre en vue d’une résistance commune », au cas où
« l’indépendance d’un État quelconque se trouverait
menacée ».
L’ambassadeur
de la Grande-Bretagne, cherchant à démontrer l’admissibilité de
sa proposition, insistait particulièrement sur cette circonstance
que la déclaration était rédigée en termes qui n’obligeaient
que fort peu.
Il
était de toute évidence que cette déclaration ne pouvait
contribuer sérieusement à la lutte contre une menace imminente de
la part de l’agresseur. Présumant, cependant, que cette
déclaration, malgré le peu d’espoir qu’elle offrait, pouvait
marquer ne fût-ce qu’un certain pas en avant dans le refrènement
de l’agresseur, le Gouvernement Soviétique consentit à adopter la
proposition anglaise.
Mais
déjà, le 1er avril 1939, l’ambassadeur de la Grande-Bretagne à
Moscou communiquait que l’Angleterre considérait comme abandonnée
la question d’une déclaration commune.
Après
deux nouvelles semaines d’atermoiements, le Ministre des Affaires
Étrangères anglais Halifax fit au Gouvernement Soviétique, par
l’intermédiaire de l’ambassadeur de la Grande-Bretagne à
Moscou, une nouvelle proposition consistant en ce que le Gouvernement
Soviétique ferait une déclaration, selon laquelle :
« En cas d’un acte d’agression contre un voisin
européen quelconque de l’Union Soviétique, lequel opposerait
résistance, on pourrait compter sur l’assistance du Gouvernement
Soviétique, si cette assistance était désirable. »
Le
sens principal de cette proposition consistait en ce que, au cas d’un
acte d’agression de l’Allemagne contre la Lettonie, la Lituanie,
l’Estonie, la Finlande, l’Union Soviétique était obligée de
leur accorder son assistance sans aucune obligation de la part de
l’Angleterre d’accorder la sienne, c’est-à-dire de s’engager
seul à seul dans une guerre avec l’Allemagne.
En
ce qui concerne la Pologne et la Roumanie, auxquelles l’Angleterre
avait donné sa garantie, l’Union Soviétique devait dans ce cas
également leur prêter assistance contre l’agresseur.
Mais
même dans ce cas, l’Angleterre ne voulait assumer aucune
obligation, quelle qu’elle fût, en commun avec l’Union
Soviétique, en se réservant les mains et le champ libres pour toute
manœuvre, sans compter que conformément à cette proposition la
Pologne et la Roumanie, ainsi que les États baltes, ne s’engageaient
à rien à l’égard de l’U.R.S.S.
Le
Gouvernement Soviétique ne voulait pas cependant laisser échapper
une seule possibilité d’arriver à un accord avec les autres
puissances sur la lutte commune contre l’agression hitlérienne. Il
présenta sans le moindre retard au Gouvernement britannique une
contre-proposition.
Cette
proposition consistait en ceci : premièrement, l’Union
Soviétique, l’Angleterre et la France s’engageaient mutuellement
à se prêter les uns aux autres toute assistance immédiate, y
compris l’assistance militaire, au cas où l’un de ces états
serait victime d’une agression ; deuxièmement, l’Union
Soviétique, l’Angleterre et la France s’engageaient à accorder
toute assistance, y compris l’assistance militaire, aux États de
l’Europe de l’Est, situés entre la mer Baltique et la mer Noire
et limitrophes de l’Union Soviétique en cas d’agression contre
ces États ; enfin, troisièmement, l’Union Soviétique,
l’Angleterre et la France devaient s’engager à établir à bref
délai les proportions et les formes de l’assistance militaire,
devant être accordées à chacun de ces États dans les deux cas
mentionnés plus haut.
Tels
étaient les points les plus essentiels de la proposition soviétique.
Il n’est pas difficile de voir la différence radicale qui existait
entre les propositions soviétiques et britanniques pour autant que
la proposition soviétique renfermait en elle-même des mesures
réellement efficaces de résistance conjointe à l’agression.
Au
cours de trois semaines aucune réponse ne fut donnée à cette
proposition par le Gouvernement britannique. Ce silence provoqua même
en Angleterre une inquiétude croissante, si bien que le Gouvernement
anglais dut, en fin de compte, recourir à une nouvelle manœuvre
pour duper l’opinion publique.
Le
8 mai, la réponse anglaise parvint à Moscou ; il serait plus
juste de dire les contre-propositions anglaises ; il était
suggéré de nouveau au Gouvernement Soviétique de faire une
déclaration unilatérale, par laquelle :
« Il s’engagerait, au cas où la Grande-Bretagne
ou la France seraient entraînées dans les opérations militaires en
exécution des engagements pris par elles [envers la Belgique, la
Pologne, la Roumanie, la Grèce et la Turquie] de leur prêter
immédiatement son concours si ce dernier s’avérait désirable, la
nature de ce concours et les conditions auxquelles il serait prêté
devant être l’objet d’un accord. »
De
nouveau, dans cette proposition, il s’agissait d’obligations
unilatérales de l’Union Soviétique.
Elle
devait s’engager à prêter assistance à l’Angleterre et à la
France, qui, de leur côté, ne prenaient absolument aucune
obligation à l’égard de l’Union Soviétique concernant les
Républiques Baltes. De cette façon, l’Angleterre proposait de
placer l’U.R.S.S. dans une situation d’inégalité inadmissible
pour tout État indépendant, et indigne de lui.
Il
est facile de comprendre que, de fait, la proposition anglaise
s’adressait moins à Moscou, qu’à Berlin. Les Allemands étaient
invités à attaquer l’Union Soviétique et on leur donnait à
entendre que l’Angleterre et la France resteraient neutres, pourvu
seulement que l’agression allemande ait lieu à travers les pays
Baltes.
Le
11 mai une nouvelle complication intervint dans les pourparlers entre
l’Union Soviétique, l’Angleterre et la France par suite de la
déclaration de l’ambassadeur de Pologne à Moscou, Grzybowski, qui
communiqua que :
« La Pologne n’estime pas possible de conclure un
pacte d’assistance mutuelle avec l’U.R.S.S. »
Il
va de soi que cette déclaration du représentant polonais n’avait
pu être faite qu’à la connaissance et avec l’approbation des
milieux dirigeants d’Angleterre et de France.
La
conduite des représentants britanniques et français dans les
pourparlers de Moscou portait un caractère si nettement provocateur,
que même dans le camp dirigeant des puissances occidentales, il se
trouva des personnes pour critiquer âprement un jeu aussi grossier.
Ainsi,
en été 1939, Lloyd George publia dans le journal français Ce
Soir un article virulent, dans lequel il s’attaquait aux
dirigeants de la politique anglaise. Parlant des raisons des
atermoiements interminables, dans lesquels s’étaient enlisés les
pourparlers entre l’Angleterre et la France d’une part et l’Union
Soviétique d’autre part, Lloyd George écrivait qu’à cette
question il ne pouvait y avoir qu’une seule réponse :
« Neville Chamberlain, Halifax et John Simon ne
veulent aucun accord avec la Russie. »
Il
va de soi que ce qui était clair pour Lloyd George, ne l’était
pas moins pour les meneurs de l’Allemagne hitlérienne, qui se
rendaient parfaitement compte que les puissances occidentales ne
pensaient à aucun accord sérieux avec l’Union Soviétique, mais
poursuivaient un tout autre but.
Ce
but consistait à pousser Hitler à attaquer le plus tôt possible
l’Union Soviétique, en lui assurant, pour ainsi dire, une prime
pour cette agression du fait que l’Union Soviétique était placée
dans les conditions les moins favorables en cas de guerre avec
l’Allemagne.
En
outre, les puissances occidentales faisaient traîner indéfiniment
en longueur les pourparlers avec l’Union Soviétique, en
s’efforçant de noyer les questions essentielles dans la bourbe des
mesquins amendements et des variantes innombrables.
Chaque
fois que la question tombait sur des engagements réels quelconques,
les représentants de ces puissances faisaient mine de ne pas
comprendre ce dont il s’agissait.
Vers
la fin de mai, l’Angleterre et la France déposèrent de nouvelles
propositions améliorant quelque peu la variante précédente, mais
qui, cependant, laissaient toujours pendante la question
essentiellement importante pour l’Union Soviétique de la garantie
des trois Républiques baltes, situées sur sa frontière Nord-Ouest.
Ainsi
tout en consentant à certaines concessions verbales, sous la
pression de l’opinion publique de leurs pays, les gouvernants de
l’Angleterre et de la France continuaient à suivre obstinément
leur première ligne en entourant leurs propositions de réserves qui
les rendaient notoirement inacceptables à l’Union Soviétique.
La
conduite des représentants anglo-français pendant les pourparlers à
Moscou était devenue à ce point intolérable, que V. Molotov se vit
obligé, le 27 mai 1939, de déclarer à l’ambassadeur d’Angleterre
Seeds et au chargé d’Affaires de France Payart, que le projet
d’accord présenté par eux au sujet de la résistance commune à
l’agresseur en Europe ne prévoyait aucun plan d’organisation
d’assistance mutuelle efficace et même ne témoignait pas d’un
sérieux intérêt des gouvernements anglais et français pour un
pacte correspondant avec l’Union Soviétique.
En
même temps, il était directement déclaré que la proposition
anglo-française portait à penser que les gouvernements d’Angleterre
et de France tenaient moins au pacte lui-même qu’aux pourparlers
autour du pacte. Peut-être ces conversations étaient-elles
nécessaires à l’Angleterre et à la France pour certains buts.
Mais ces buts étaient inconnus du Gouvernement Soviétique.
Ce
dernier était intéressé non pas aux pourparlers au sujet du pacte,
mais à l’organisation d’une assistance mutuelle effective entre
l’U.R.S.S., l’Angleterre et la France, contre l’agression en
Europe. Les représentants anglo-français étaient prévenus que le
Gouvernement Soviétique n’avait pas l’intention de participer
aux pourparlers au sujet d’un pacte dont les buts étaient inconnus
de l’U.R.S.S. et que les gouvernements anglais et français
pouvaient mener ces pourparlers avec des partenaires faisant mieux
l’affaire que l’U.R.S.S.
Les
pourparlers de Moscou traînaient interminablement. Les causes de ce
retard inadmissible furent révélées par le Times de Londres qui
écrivait :
« Une
alliance rapide et résolue avec la Russie peut empêcher d’autres
pourparlers… [34] »
Par
« autres pourparlers » le Times entendait sans doute les
négociations de Robert Hudson, ministre du commerce d’outre-mer,
avec le docteur Hellmut Wohltat, conseiller économique d’Hitler,
au sujet des possibilités d’un prêt britannique fort considérable
à l’Allemagne hitlérienne, ce dont il sera question plus loin.
En
outre, comme l’on sait, le jour où l’armée hitlérienne fit son
entrée à Prague, une délégation de la Fédération de l’industrie
anglaise négociait à Düsseldorf, selon une information de presse,
la conclusion d’un accord de vaste envergure avec la grande
industrie allemande.
Ce
qui attirait également l’attention, c’était le fait que des
personnalités de deuxième rang avaient été chargées de mener les
pourparlers au nom de la Grande-Bretagne, à Moscou, tandis que
Chamberlain lui-même était allé d’Angleterre en Allemagne, et
plus d’une fois, pour négocier avec Hitler.
Il
importe également de noter que le délégué anglais Strang, pour
les négociations avec l’U.R.S.S., n’était pas muni de pouvoirs
pour signer quelque accord que ce soit avec l’Union Soviétique.
L’U.R.S.S.
demandant de passer à des pourparlers concrets au sujet des mesures
de lutte contre un agresseur éventuel, les gouvernements
d’Angleterre et de France durent consentir à envoyer leurs
missions militaires a Moscou. Mais celles-ci mirent plus de temps que
de raison à atteindre Moscou.
Et
lorsqu’elles y arrivèrent, il se trouva qu’elles étaient
composées de personnalités secondaires, qui, de plus, n’étaient
pas munies de pouvoirs pour signer quelque accord que ce soit. Dans
ces conditions, les pourparlers militaires s’avérèrent aussi
infructueux que les négociations politiques.
Les
missions militaires des puissances occidentales montrèrent d’emblée
qu’elles ne désiraient pas débattre sérieusement les moyens
d’assistance mutuelle en cas d’agression de l’Allemagne.
La
mission militaire soviétique partait du fait que, si la guerre
éclatait, l’U.R.S.S. n’ayant pas de frontière commune avec
l’Allemagne, pouvait aider l’Angleterre, la France, la Pologne
seulement à la condition qu’on laissait les troupes soviétiques
traverser le territoire polonais. Mais le Gouvernement de la Pologne
déclara qu’il n’acceptait pas l’aide militaire de l’U.R.S.S.,
montrant ainsi qu’il craignait le renforcement de l’Union
Soviétique plus que l’agression hitlérienne. Les missions
anglaise et française appuyèrent cette attitude de la Pologne.
Dans
le cours des pourparlers militaires, on posa également la question
de l’effectif des forces armées que les participants de l’accord
devaient faire entrer en ligne immédiatement, en cas d’agression.
Alors
les Anglais mentionnèrent un chiffre dérisoire, déclarant pouvoir
mettre en ligne 5 divisions d’infanterie et une division motorisée.
Les
Anglais proposaient cela au moment où l’Union Soviétique se
déclarait prête à envoyer au front, contre l’agresseur, 136
divisions, 5 mille canons, moyens et lourds, environ 10.000 tanks et
tanquettes, plus de 5 mille avions de combat, etc. Cela montre
combien peu sérieuse fut l’attitude du Gouvernement anglais à
l’égard des pourparlers sur la conclusion d’un accord militaire
avec l’U.R.S.S.
Les
données mentionnées ci-dessus suffisent à confirmer la conclusion
que se présente tout naturellement à l’esprit. Voici cette
conclusion :
1.
Le Gouvernement Soviétique, dans tout le cours des pourparlers,
s’est efforcé, avec une patience extraordinaire, d’assurer une
entente avec l’Angleterre et la France au sujet de l’assistance
mutuelle contre l’agresseur sur la base de l’égalité et à la
condition que cette assistance fût réellement efficace,
c’est-à-dire que la conclusion du traité politique s’accompagnât
de la signature d’une convention militaire établissant les
proportions, les formes et les délais de l’assistance. Car toute
la marche antérieure des événements avait montré d’une façon
suffisamment nette que seul un accord pareil pourrait être efficace
et capable de mettre à la raison l’agresseur hitlérien, gâté
par de longues années d’impunité totale et de laisser-faire de la
part des puissances occidentales.
2.
La conduite de l’Angleterre et de la France au cours des
pourparlers avec l’Union Soviétique confirma pleinement qu’elles
ne songeaient même pas à un accord sérieux avec celle-ci. Car la
politique anglaise et française s’inspirait de buts autres,
n’ayant rien à voir avec les intérêts de la paix et de la lutte
contre l’agression.
3.
Le dessein perfide de la politique anglo-française était de donner
à entendre à Hitler que l’U.R.S.S. n’avait pas d’alliés, que
l’U.R.S.S. était isolée, qu’Hitler pouvait attaquer l’U.R.S.S.
sans risquer de se heurter à une résistance de la part de
l’Angleterre et de la France.
Dans
ces conditions, on ne doit pas s’étonner que les pourparlers
anglo-franco-soviétiques aient fait fiasco. Cet échec n’était
certes pas fortuit.
Il
devenait de plus en plus évident que les représentants des
puissances occidentales, dans leur double jeu, s’étaient proposés
d’avance de faire échouer ces pourparlers. Le fait est que
parallèlement aux négociations avec l’U.R.S.S. publiquement
conduites, les Anglais menaient dans les coulisses des pourparlers
avec l’Allemagne, auxquels ils attachaient une importance
infiniment plus grande.
Si,
par leurs pourparlers de Moscou, les milieux dirigeants des
puissances occidentales cherchaient avant tout à assoupir la
vigilance de l’opinion publique de leurs pays, à tromper les
peuples qu’on entraînait dans la guerre, les négociations avec
les hitlériens étaient d’une autre nature.
Le
programme des pourparlers anglo-allemands était formulé en termes
suffisamment clairs par Halifax, ministre des Affaires étrangères
de Grande-Bretagne, qui adressait à l’Allemagne hitlérienne des
appels non équivoques au moment même ou ses fonctionnaires
poursuivaient leurs négociations à Moscou.
Prenant
la parole au cours d’un banquet à l’Institut Royal des relations
internationales, le 29 juin 1939, Halifax se déclarait prêt à
s’entendre avec l’Allemagne sur toutes les questions « qui
angoissent le monde ». Il disait notamment :
« Dans
une pareille atmosphère nouvelle nous pourrions examiner le problème
colonial, le problème des matières premières, celui des barrières
s’opposant au commerce, de l’ »espace vital », de la
limitation des armements, et tous autres problèmes qui intéressent
les Européens. [35] »
Si
l’on se souvient de la manière dont le journal conservateur Daily
Mail, lié à Halifax, traitait dès 1933 le problème de l’« espace
vital », en proposant aux hitlériens de s’en tailler un en
U.R.S.S., on n’aura plus aucun doute sur la portée réelle de la
déclaration de Halifax.
C’était
là une franche proposition faite à l’Allemagne hitlérienne de
s’entendre sur le partage du monde et des sphères d’influence,
de résoudre tous les problèmes sans l’Union Soviétique et
surtout à ses dépens.
Dès
le mois de juin 1939, les représentants de l’Angleterre
engageaient dans le plus grand secret des pourparlers avec
l’Allemagne, par l’entremise de Wohltat venu à Londres en
qualité de délégué d’Hitler pour le plan quadriennal. Hudson,
ministre anglais du Commerce d’outre-mer, et G. Wilson, conseiller
intime de Chamberlain, s’entretinrent avec lui.
Le
sujet des pourparlers de juin est encore entouré du mystère des
archives diplomatiques. Mais en juillet Wohltat revenait à Londres
et les pourparlers étaient repris. Le sujet de ce deuxième tour des
négociations est maintenant connu grâce aux documents saisis en
Allemagne qui sont entre les mains du Gouvernement Soviétique et qui
seront prochainement publiés.
Hudson
et G. Wilson ont proposé à Wohltat puis à Dircksen, ambassadeur
d’Allemagne à Londres, d’entamer des pourparlers secrets pour la
conclusion d’un accord de grande envergure qui comprendrait un
accord sur le partage des sphères d’influence à l’échelle
mondiale et pour mettre fin à la « concurrence mortelle sur
des marchés communs ».
Il
était prévu que l’Allemagne obtiendrait dans le sud-est de
l’Europe une influence prépondérante. Dans son rapport au
Ministère allemand des Affaires Étrangères, daté du 21 juillet
1939, Dircksen faisait remarquer que le programme discuté par
Wohltat et Wilson embrassait des questions politiques, militaires et
économiques.
Parmi
les questions politiques une place particulière était réservée
parallèlement au Pacte de non-agression, à un Pacte de
non-intervention, qui devait comprendre
« la
délimitation des espaces vitaux entre les grandes puissances,
surtout entre l’Angleterre et l’Allemagne [36] ».
Lors
de l’examen des problèmes relatifs à la conclusion de ces deux
pactes, les représentants anglais avaient promis qu’en cas de
signature des dits pactes l’Angleterre renoncerait aux garanties
qu’elle venait d’accorder à la Pologne.
Dans
le cas d’un accord anglo-germanique, les Anglais étaient prêts
laisser les Allemands régler seuls à seuls avec la Pologne le
problème de Dantzig et celui du corridor polonais, s’engageant à
ne pas intervenir dans ce règlement.
De
plus, Wilson confirma, ainsi que le prouvent documentairement les
rapports de Dircksen qui seront bientôt publiés, qu’en cas de
signature, par l’Angleterre et l’Allemagne, des pactes
susmentionnés, la politique anglaise des garanties serait abandonnée
en fait.
« Dans
ce cas la Pologne — écrit Dircksen dans son rapport — restera
pour ainsi dire face à face avec l’Allemagne. »
Tout
cela signifiait que les gouvernants de l’Angleterre étaient prêts
à livrer la Pologne en pâture à Hitler alors que l’encre avec
laquelle venaient d’être signés les garanties anglaises à la
Pologne n’avait pas encore séché.
En
même temps, en cas de conclusion d’un accord anglo-allemand, le
but que se proposaient l’Angleterre et la France lorsqu’elles
entamèrent les pourparlers avec l’Union Soviétique aurait été
atteint et il aurait été plus facile de précipiter le conflit
entre l’Allemagne et l’U.R.S.S.
Enfin,
on envisageait de compléter l’accord politique entre l’Angleterre
et l’Allemagne par un accord économique comprenant une transaction
secrète sur les questions coloniales, sur la répartition des
matières premières, le partage des marchés, etc., et aussi sur un
prêt anglais important à l’Allemagne.
Ainsi
donc, les gouvernants de l’Angleterre entrevoyaient le tableau
attrayant d’un accord solide avec l’Allemagne et ce qu’on
appelle la « canalisation » de l’agression allemande
vers l’Est, contre la Pologne, à laquelle ils venaient de donner
des « garanties » et contre l’Union Soviétique.
Quoi
d’étonnant que les calomniateurs et les falsificateurs de
l’histoire passent soigneusement sous silence, s’efforçant de
dissimuler ces faits d’importance capitale pour bien comprendre la
situation dans laquelle la guerre devenait ainsi inévitable.
Aucun
doute ne pouvait subsister, à ce moment-là, que l’Angleterre et
la France, loin d’avoir l’intention d’entreprendre quoi que ce
soit de sérieux pour empêcher l’Allemagne hitlérienne de
déchaîner la guerre, ont au contraire fait tout ce qui était en
leur pouvoir pour exciter l’Allemagne hitlérienne contre l’Union
Soviétique au moyen de tractations et de marchés secrets, en se
livrant à toutes les provocations possibles.
Les
falsificateurs quels qu’ils soient ne réussiront pas à effacer de
l’histoire ni de la conscience des peuples le fait décisif que,
dans ces conditions, l’Union Soviétique était placée devant
cette alternative :
— ou
bien accepter, dans un but d’autodéfense, la proposition faite par
l’Allemagne de signer un Pacte de non-agression et d’assurer, par
là même, à l’Union Soviétique la prolongation de la paix pour
un certain laps de temps, que l’État Soviétique utiliserait pour
mieux préparer ses forces en vue de la riposte à l’attaque
éventuelle de l’agresseur ;
— ou
bien décliner la proposition de l’Allemagne sur le Pacte de
non-agression et permettre de ce fait aux provocateurs de guerre du
camp des puissances occidentales d’entraîner immédiatement
l’Union Soviétique dans un conflit armé avec l’Allemagne, cela
dans une situation tout à fait défavorable, à l’Union Soviétique
dans les conditions de son isolement complet.
Dans
ces conditions, le Gouvernement Soviétique s’est vu obligé de
faire son choix et de signer un Pacte de non-agression avec
l’Allemagne.
Ce
choix a été un acte sagace et clairvoyant de la politique
extérieure soviétique dans la situation qui existait alors. Cet
acte du Gouvernement Soviétique a déterminé, dans une très grande
mesure, l’issue favorable, pour l’Union Soviétique et pour tous
les peuples épris de liberté, de la Deuxième Guerre mondiale.
Ce
serait une grossière calomnie que d’affirmer que la conclusion
d’un pacte avec les hitlériens eût fait partie du plan de la
politique extérieure de l’U.R.S.S.
Au
contraire, l’U.R.S.S. s’est toujours efforcée d’arriver à un
accord avec les états occidentaux non-agressifs contre les
agresseurs germano-italiens, dans le but d’assurer la sécurité
collective sur les bases de l’égalité. Mais l’accord est un
acte fondé sur la réciprocité.
Alors
que l’U.R.S.S. s’efforçait d’arriver à un accord sur la lutte
contre l’agression, l’Angleterre et la France le repoussaient
systématiquement et préféraient mener la politique visant à
l’isolement de l’U.R.S.S., la politique de concessions aux
agresseurs, la politique de l’orientation de l’agression vers
l’Est, contre l’U.R.S.S. Les États-Unis d’Amérique, loin de
s’opposer à cette politique funeste, la soutenaient au contraire
par tous les moyens.
En
ce qui concerne les milliardaires américains, ils continuaient
d’investir leurs capitaux dans l’industrie lourde allemande,
aidaient les Allemands à développer leur industrie de guerre et
armaient ainsi l’agression allemande, comme s’ils voulaient
dire :
« Guerroyez,
Messieurs les Européens, à votre aise, guerroyez avec l’aide de
Dieu, tandis que nous, modestes milliardaires américains, nous nous
enrichirons à votre guerre, en accaparant des centaines de millions
de dollars de surprofits ! »
On
comprend que, vu l’état de choses en Europe, il ne restait à
l’Union Soviétique qu’une issue : accepter la proposition
des Allemands au sujet de la conclusion d’un pacte. C’était,
malgré tout, la meilleure de toutes les issues possibles.
De
même qu’en 1918, par suite de la politique hostile des puissances
occidentales, l’Union Soviétioue s’était trouvée forcée de
conclure la paix de Brest avec les Allemands, de même, en 1939, 20
ans après la paix de Brest, l’Union Soviétique se voyait
contrainte de conclure un pacte avec les Allemands par suite de la
même politique hostile de l’Angleterre et de la France.
Les
conversations de calomniateurs de toute espèce prétendant que
l’U.R.S.S. ne devait pourtant pas aller jusqu’à un pacte avec
les Allemands, ne sauraient être considérées autrement que comme
risibles.
Si
la Pologne. ayant pour alliés l’Angleterre et la France, avait pu
aller jusqu’à un Pacte de non-agression avec les Allemands en
1934, pourquoi l’U.R.S.S., qui se trouvait dans des conditions
moins favorables, ne pouvait-elle pas se permettre ce même pacte en
1939 ?
Pourquoi
l’Angleterre et la France, qui représentaient la force dominante
en Europe, avaient-elles pu faire en 1938, en commun avec les
Allemands, une déclaration de non-agression alors que l’Union
Soviétique, isolée grâce à la politique hostile de l’Angleterre
et de la France ne pouvait aller jusqu’à un pacte avec les
Allemands ?
N’est-ce
pas un fait que, de toutes les grandes puissances non-agressives de
l’Europe, l’Union Soviétique a été la dernière à se décider
à un pacte avec les Allemands ?
Naturellement,
les falsificateurs de l’histoire et autres réactionnaires ne sont
pas contents de ce que l’Union Soviétique ait réussi à utiliser
habilement le Pacte soviéto-allemand aux fins d’affermir sa
défense ; qu’elle ait réussi à déplacer ses frontières
loin vers l’Ouest et à barrer la route à l’avance non
contrariée de l’agression allemande vers l’Est ; que les
troupes hitlériennes aient été obligées de commencer leur
offensive vers l’Est, non pas de la ligne Narva-Minsk-Kiev, mais
d’une ligne passant à des centaines de kilomètres plus à
l’Ouest ; que l’U.R.S.S. n’ait pas été vidée de son
sang par la guerre nationale, mais qu’elle fût sortie victorieuse
de la guerre. Toutefois ce mécontentement rentre déjà dans le
domaine de la fureur impuissante de politiciens faillis.
Le
mécontentement furibond de ces messieurs ne peut être considéré
que comme la démonstration de ce fait incontestable, que la
politique de l’Union Soviétique a été et reste juste.
IV.
CONSTITUTION DU FRONT « EST ». L’AGRESSION DE
L’ALLEMAGNE CONTRE L’U.R.S.S. LA COALITION ANTI-HITLÉRIENNE. LE
PROBLÈME DES OBLIGATIONS INTERALLIÉES.
En
signant le Pacte soviéto-allemand de non-agression au mois d’août
1939, l’Union Soviétique ne doutait pas un seul instant que tôt
ou tard Hitler attaquerait l’U.R.S.S. Cette certitude de l’Union
Soviétique découlait des principes fondamentaux politiques et
militaires dont s’inspiraient les hitlériens. Elle était
confirmée par l’activité pratique du Gouvernement hitlérien dans
toute la période d’avant-guerre.
C’est
pourquoi la première tâche du Gouvernement Soviétique consistait à
créer un front « Est » contre l’agression hitlérienne,
à établir une ligne de défense aux frontières occidentales des
terres biélorusses et ukrainiennes, à organiser de cette manière
une barrière pour faire obstacle à l’avance des troupes
allemandes vers l’Est.
Il
fallait pour cela réunir à la Biélorussie et à l’Ukraine
soviétiques, la Biélorussie et l’Ukraine occidentales dont la
Pologne seigneuriale s’était emparée en 1920, et y faire avancer
les troupes soviétiques. Il fallait faire diligence car les troupes
polonaises mal équipées s’avéraient peu solides, le commandement
et le Gouvernement polonais avaient déjà pris la fuite et les
troupes hitlériennes qui ne rencontraient pas d’obstacles sérieux,
pouvaient occuper les terres biélorusses et ukrainiennes avant
l’arrivée des troupes soviétiques.
Le
17 septembre 1939, sur l’ordre du Gouvernement Soviétique, les
troupes soviétiques franchirent la frontière soviéto-polonaise
d’avant-guerre, occupèrent la Biélorussie occidentale et
l’Ukraine occidentale et se mirent à organiser la défense le long
de la ligne occidentale des terres ukrainiennes et biélorusses.
C’était dans l’essentiel la ligne connue dans l’histoire sous
le nom de ligne « Curzon » établie à la Conférence des
alliés à Versailles.
Quelques
jours après, le Gouvernement Soviétique signa des pactes
d’assistance mutuelle avec les États Baltes, pactes qui
prévoyaient le cantonnement sur le territoire de l’Estonie, de la
Lettonie et de la Lituanie, de garnisons de l’armée soviétique,
l’organisation d’aérodromes soviétiques et l’établissement
de bases navales.
Ainsi
fut constitué le fondement du front « Est ».
Il
n’était guère difficile de comprendre que la constitution d’un
front « Est » était non seulement une contribution
importante à l’œuvre d’organisation de la sécurité de
l’U.R.S.S., mais aussi un apport sérieux à la cause commune des
États pacifiques qui menaient la lutte contre l’agression
hitlérienne.
Néanmoins,
les milieux anglo-franco-américains ont dans leur écrasante
majorité répondu par une campagne antisoviétique haineuse à cette
action du Gouvernement Soviétique, la qualifiant d’agression.
Il
se trouva, d’ailleurs, des hommes politiques qui se montrèrent
assez perspicaces pour saisir le sens de la politique soviétique et
pour reconnaître la justesse de la création d’un front « Est ».
Parmi eux, la première place appartient à M. Churchill, alors
ministre de la Marine. Dans son allocution radiodiffusée du 1er
octobre 1939, après plusieurs sorties inamicales contre l’Union
Soviétique, il déclarait :
« Néanmoins, il est de toute évidence que les
Russes devaient forcément monter la garde sur cette ligne, afin de
garantir leur pays contre la menace nazie. Quoiqu’il en soit, cette
ligne existe, l’établissement d’un front oriental est désormais
un fait accompli et ce front, l’Allemagne nazie n’ose s’y
attaquer. Lorsque M. von Ribbentrop fut convoqué à Moscou la
semaine dernière, c’était pour apprendre le fait — pour y
accepter le fait — que les Nazis devront renoncer entièrement et
immédiatement à leurs visées sur les États Baltes et sur
l’Ukraine. »
Alors
que sur les frontières occidentales de l’U.R.S.S., fort éloignées
de Moscou, de Minsk et de Kiev, la situation était plus ou moins
satisfaisante pour la sécurité de l’U.R.S.S., on ne pouvait en
dire autant de la frontière septentrionale de l’Union Soviétique.
Là,
à 32 kilomètres à peine de Leningrad, se tenaient les troupes
finnoises donc le commandement s’orientait dans sa majorité sus
l’Allemagne hitlérienne. Le Gouvernement Soviétique savait
parfaitement que les éléments fascistes des milieux dirigeants de
la Finlande, étroitement liés aux hitlériens et dont l’influence
était grande dans l’armée finnoise, visaient à s’emparer de
Leningrad. On ne pouvait considérer comme fortuit le fait que le
chef de l’état-major général de l’armée hitlérienne, Halder,
s’était rendis dès l’été 1939 en Finlande pour donner des
instructions aux chefs supérieurs de l’armée finnoise.
Il
était difficile de douter que les milieux dirigeants finnois fussent
alliés aux hitlériens et qu’ils voulussent faire de la Finlande
une place d’armes pour l’agression de l’Allemagne hitlérienne
contre l’U.R.S.S.
Donc,
rien d’étonnant si toutes les tentatives faites par l’U.R.S.S.
pour trouver un terrain d’entente avec le Gouvernement finlandais
afin d’améliorer les relations entre les deux pays, sont restées
vaines.
Le
Gouvernement de la Finlande déclina, l’une après autre, toutes
les propositions amicales du Gouvernement Soviétique qui visaient à
assurer la sécurité de l’U.R.S.S. et, en particulier, celle de
Leningrad, bien que l’Union Soviétique allât au-devant des vœux
de la Finlande en vue de satisfaire les intérêts légitimes de
cette dernière.
Le
Gouvernement finlandais déclina la proposition faite par l’U.R.S.S.
de reporter la frontière finnoise dans l’isthme de Carélie à
quelques dizaines de kilomètres, bien que le Gouvernement Soviétique
consentît à céder en échange à la Finlande un territoire deux
fois plus grand de la Carélie Soviétique.
Le
Gouvernement finlandais rejeta également la proposition de
l’U.R.S.S. relative à la conclusion d’un Pacte d’assistance
mutuelle prouvant ainsi que du côté de la Finlande la sécurité de
l’U.R.S.S. n’était pas assurée.
Par
ces actes hostiles et d’autres analogues, par ses provocations à
la frontière soviéto-finnoise, la Finlande déchaîna la guerre
contre l’Union Soviétique.
On
connaît les résultats de la guerre soviéto-finnoise. Les
frontières de l’U.R.S.S. au Nord-Ouest, et notamment dans la
région de Leningrad, furent reportées en avant et la sécurité de
l’U.R.S.S. consolidée.
Ceci
joua un rôle important dans la défense de l’Union Soviétique
contre l’agression hitlérienne, pour autant que l’Allemagne
hitlérienne et ses complices finnois durent déclencher leur
offensive au Nord-Ouest de l’U.R.S.S. non pas devant Leningrad
même, mais en partant d’une ligne située à près de 150
kilomètres au Nord-Ouest.
Dans
son discours prononcé le 29 mars à la session du Soviet Suprême de
l’U.R.S.S., V. Molotov a déclaré :
« L’Union Soviétique, ayant écrasé l’armée
finnoise et ayant l’entière liberté d’occuper toute la
Finlande, ne l’a pas fait et n’a exigé aucune contribution à
titre de compensation pour ses dépenses de guerre, comme l’aurait
fait toute autre puissance. Elle a limité ses desiderata au minimum.
Dans le traité de paix nous ne nous posions d’autre
but que celui d’assurer la sécurité de Leningrad, de Mourmansk et
du chemin de ter de Mourmansk. »
Il
faut noter que, bien que, par toute leur politique a l’égard de
l’U.R.S.S., les milieux gouvernants finnois fissent le jeu de
l’Allemagne hitlérienne, les dirigeants anglo-français de la
S.D.N. prirent immédiatement le parti du Gouvernement finlandais,
par le truchement de la S.D.N., ils qualifièrent l’U.R.S.S.
d’« agresseur », approuvant ainsi ouvertement et
appuyant la guerre commencée par les gouvernants finnois contre
l’Union Soviétique.
La
S.D.N., qui s’était compromise en tolérant et en encourageant les
agresseurs nippons et italo-allemands, vota docilement, sur l’ordre
des dirigeants anglo-français, une résolution dirigée contre
l’Union Soviétique et prononça démonstrativement l’« exclusion »
de l’U.R.S.S.
Bien
plus, dans la guerre déchaînée par les réactionnaires finnois
contre l’Union Soviétique, l’Angleterre et la France ont apporté
l’aide la plus large aux militaristes finnois. Les milieux
dirigeants anglo-français n’ont cessé d’inciter le Gouvernement
finlandais à poursuivre les hostilités.
Les
gouvernants anglo-français ont systématiquement ravitaillé la
Finlande en armes, ils préparaient énergiquement l’envoi en
Finlande d’un corps expéditionnaire de 100.000 hommes.
Selon
la déclaration de Chamberlain à la Chambre des Communes, le 19 mars
1940, trois mois après le début de la guerre, l’Angleterre avait
fourni à la Finlande 101 avions, plus de 200 canons, des centaines
de milliers d’obus, de bombes d’aviation et de mines anti-chars.
À la même époque Daladier annonçait à la Chambre des Députés
que la France avait livré à la Finlande 175 avions, environ 500
canons, plus de 5.000 mitrailleuses, un million d’obus et de
grenades à main et autre matériel de guerre.
On
peut se faire une idée complète des plans des gouvernements
britannique et français de l’époque d’après l’aide-mémoire
remis par les Anglais aux Suédois, le 2 mars 1940, où il était dit
notamment :
« Les
gouvernements alliés comprennent que la situation militaire de la
Finlande devient désespérée. Après un examen minutieux de toutes
les possibilités, ils ont abouti à la conclusion que l’unique
moyen d’apporter une aide efficace à la Finlande est l’envoi de
troupes alliées, et ils sont prêts à envoyer ces troupes en
réponse à une demande finnoise. [37] »
À
cette époque, comme le déclarait Chamberlain au Parlement anglais,
le 19 mars :
« On
procédait avec le maximum de diligence aux préparatifs en vue de
l’envoi de troupes expéditionnaires et l’armée expéditionnaire
était prête à partir au début de mars… deux mois avant la date
fixée par le feldmaréchal Mannerheim pour leur arrivée. »
Chamberlain
ajoutait que l’effectif de ces troupes se montait à 100.000
hommes.
Simultanément,
le Gouvernement français préparait, lui aussi, un corps
expéditionnaire de 50.000 hommes, comme premier contingent qui
devait être dirigé sur la Finlande par Narvik.
Et
les gouvernements anglo-français déployaient cette activité
belliqueuse au moment où sur le front contre l’Allemagne
hitlérienne, l’Angleterre et la France ne manifestaient aucune
activité, et qu’avait lieu la « drôle de guerre ».
Mais
l’aide militaire à la Finlande contre l’Union Soviétique ne
constituait qu’un élément du plan beaucoup plus vaste des
impérialistes anglo-français.
On
trouve dans le Livre blanc susmentionné du Ministère suédois des
Affaires Étrangères un document qui a pour auteur le ministre
suédois des Affaires Étrangères, Gunter. Il y est dit que :
« l’envoi de ce contingent de troupes faisait
partie du plan général d’agression contre l’Union Soviétique »,
et
que :
« [ce
plan] entrera en action contre Bakou à partir du 15 mars, et encore
plus tôt par la Finlande. [38] »
Voici
en quels termes Henri de Kerillis parle de ce plan dans son livre De
Gaulle, dictateur :
« Selon
ce plan, dont M. Paul Reynaud [39] m’a
résumé les lignes générales dans une brève lettre que j’ai
conservée, un corps expéditionnaire motorisé débarquant en
Finlande à travers la Norvège aurait tôt fait de bousculer les
hordes désorganisées de la Russie et de marcher sur
Leningrad. [40] »
Ce
plan avait été élaboré en France par De Gaulle et le général
Weygand, qui commandait alors l’armée de Syrie et qui se vantait
« qu’avec quelques renforts et deux cents avions,
il s’emparerait du Caucase et rentrerait en Russie comme dans du
beurre ».
On
connaît également le plan des opérations militaires des
Anglo-Français contre l’U.R.S.S., plan élaboré en 1940 par le
général Gamelin, où une attention toute particulière était
accordée au bombardement de Bakou et Batoumi.
Les
préparatifs des gouvernants anglo-français en vue d’une attaque
contre l’U.R.S.S. étaient poussés à fond. On travaillait avec
zèle dans les états-majors généraux de l’Angleterre et de la
France pour mettre au point les plans de cette attaque. Au lieu de
faire la guerre à l’Allemagne hitlérienne, ces messieurs
voulaient déclencher la guerre contre l’Union Soviétique.
Mais
ces plans ne devaient pas se réaliser. La Finlande fut, à cette
époque, écrasée par les troupes soviétiques et contrainte de
capituler malgré tout les efforts faits par l’Angleterre et la
France pour l’en empêcher.
Le
Traité de paix soviéto-finnois était signé le 12 mars 1940.
C’est
ainsi que la défense de l’U.R.S.S. contre l’agression
hitlérienne fut également améliorée dans le Nord, dans la région
de Leningrad, du fait que la ligne de défense fut reportée à 150
kilomètres au Nord de Leningrad, jusqu’à Vyborg, inclusivement.
Mais
cela ne signifiait pas encore que le front « Est », de la
mer Baltique à la mer Noire, était entièrement formé. Des pactes
avaient été conclus avec les États Baltes, mais il n’y avait pas
encore là-bas de troupes soviétiques pouvant tenir la défense.
La
Moldavie et la Bukovine étaient officiellement réunies à
l’U.R.S.S., mais là, non plus, il n’y avait pas encore de
troupes soviétiques pouvant y tenir la défense. À la mi-juin 1940,
les troupes soviétiques pénétrèrent en Lettonie, en Estonie, en
Lituanie. Le 27 juin de la même année, les troupes soviétiques
entraient en Bukovine et en Moldavie, que la Roumanie avait arrachées
à l’U.R.S.S. après la Révolution d’Octobre.
C’est
ainsi que fut parachevée la formation du front « Est »
contre l’agression hitlérienne de la mer Baltique à la mer Noire.
Les
milieux dirigeants anglo-français, qui continuaient à traiter
l’U.R.S.S. d’agresseur parce qu’elle avait formé un front
« Est », ne se rendaient apparemment pas compte que
l’apparition de ce front signifiait un tournant radical dans le
développement de la guerre contre la tyrannie hitlérienne, en
faveur de la victoire de la démocratie.
Ils
ne comprenaient pas qu’il s’agissait non d’empiéter ou de ne
pas empiéter sur les droits nationaux de la Finlande, de l’Estonie,
de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne, mais, en organisant
la victoire sur les nazis, d’empêcher la transformation de ces
pays en colonies entièrement soumises à l’Allemagne hitlérienne.
Ils
ne comprenaient pas qu’il s’agissait de dresser un barrage à
l’avance des troupes allemandes dans toutes les régions où cela
était possible, d’organiser une défense solide pour passer
ensuite à la contre-offensive, battre les troupes hitlériennes et
créer ainsi la possibilité d’un libre développement de ces pays.
Ils
ne comprenaient pas qu’il n’y avait pas d’autres moyens
d’assurer la victoire sur l’agression hitlérienne.
Le
Gouvernement anglais a-t-il bien agi en cantonnant ses troupes
pendant la guerre en Égypte malgré la protestation des Égyptiens
et même malgré la résistance de certains éléments en Égypte ?
Oui,
incontestablement ! C’était un moyen extrêmement important
de barrer la route à l’agression hitlérienne en direction du
canal de Suez, de préserver l’Égypte des atteintes de Hitler,
d’organiser la victoire sur Hitler et d’empêcher de ce fait la
transformation de l’Égypte en une colonie hitlérienne. Seuls des
ennemis de la démocratie ou des fous peuvent affirmer que les actes
du Gouvernement anglais pouvaient en l’occurrence être qualifiés
d’agression.
Le
Gouvernement des États-Unis d’Amérique a-t-il bien fait de
débarquer ses troupes à Casablanca, malgré les protestations des
Marocains et la résistance armée directe du Gouvernement Pétain en
France, dont l’autorité s’étendait sur le Maroc ? Oui,
incontestablement !
C’était
un moyen extrêmement important de créer une base pour contrecarrer
l’agression allemande dans le voisinage immédiat de l’Europe
occidentale, pour organiser la victoire sur les troupes hitlériennes
et créer ainsi la possibilité de libérer la France du joug
colonial hitlérien. Seuls les ennemis de la démocratie ou des fous
pouvaient qualifier d’agressions ces actions des troupes
américaines.
Mais
il faut en dire autant des actions du Gouvernement Soviétique qui,
pour l’été 1940, avait organisé un front « Est »
contre l’agression hitlérienne, et cantonné ses troupes le plus
loin possible à l’Ouest de Leningrad, de Moscou et de Kiev.
C’était l’unique moyen d’empêcher les troupes allemandes
d’avancer sans obstacles vers l’Est, de constituer une défense
solide afin de passer ensuite à la contre-offensive pour écraser,
conjointement avec les alliés, l’armée hitlérienne, et empêcher
ainsi la transformation des pays pacifiques de l’Europe, y compris
la Finlande, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne, en
colonies hitlériennes. Seuls des ennemis de la démocratie ou des
fous pouvaient qualifier d’agressions ces actions du Gouvernement
Soviétique.
Mais
il s’ensuit que Chamberlain, Daladier et leur entourage, qui ont
qualifié d’agression cette politique du Gouvernement Soviétique
et qui ont organisé l’exclusion de l’Union Soviétique de la
S.D.N. ont agi en ennemis de la démocratie ou comme des fous.
Il
s’ensuit encore que les calomniateurs et les falsificateurs de
l’histoire, qui font aujourd’hui leur besogne de concert avec
MM. Bevin et Bidault et qualifient d’agression la formation du
front « Est » contre Hitler, agissent de même en ennemis
de la démocratie ou comme des fous.
Que
serait-il arrivé si l’U.R.S.S. n’avait pas créé avant
l’agression de l’Allemagne, le front « Est », passant
bien plus à l’Ouest des anciennes frontières de l’U.R.S.S., si
ce front ne suivait la ligne. Vyborg-Kaunas-Biélostock-Brest-Lvov,
mais longeait l’ancienne frontière Leningrad-Narva-Minsk-Kiev ?
Cela
aurait permis aux troupes d’Hitler de gagner un espace s’étendant
sur des centaines de kilomètres, ce qui aurait rapproché le front
allemand de 200-300 km de Leningrad-Moscou-Minsk-Kiev, précipité
l’avance allemande vers l’intérieur de l’U.R.S.S., accéléré
la chute de Kiev et de l’Ukraine, et abouti à la prise de Moscou
par les Allemands et la prise de Leningrad par les forces réunies
des Allemands et des Finlandais ; l’U.R.S.S. se serait vue
contrainte de passer à la défensive pour un temps prolongé, ce qui
aurait permis aux Allemands de libérer à l’Est une cinquantaine
de divisions en vue de leur débarquement dans les Îles britanniques
et pour renforcer le front germano-italien dans la zone de l’Égypte.
Il est fort probable que le Gouvernement anglais aurait dû s’exiler
au Canada, et que l’Égypte et que le canal de Suez seraient tombés
sous la domination d’Hitler.
Mais
ce n’est pas tout. L’U.R.S.S. se serait vue obligée de
transférer au front « Est » une grande partie de ses
troupes de la frontière mandchourienne afin de renforcer sa défense,
ce qui aurait permis aux Japonais de libérer jusqu’aux 30
divisions en Mandchourie et de les diriger contre la Chine, les
Philippines, le Sud-Est de l’Asie en général, et en fin de compte
contre les forces américaines de l’Extrême-Orient.
Tout
cela aurait prolongé la guerre de deux ans au moins, et la Deuxième
Guerre mondiale aurait fini, non pas en 1945, mais en 1947 ou même
un peu plus tard.
Telle
était la situation en ce qui concerne le front « Est ».
Cependant
les événements à l’Ouest suivaient leur cours. En avril 1940,
les Allemands occupaient le Danemark et la Norvège. Au milieu de mai
les troupes allemandes envahissaient la Hollande, la Belgique et le
Luxembourg.
Le
21 mai, les Allemands atteignirent la Manche et isolèrent les alliés
en Flandre. À la fin de mai les troupes anglaises évacuèrent
Dunkerque, quittèrent la France et se dirigèrent en Angleterre. Au
milieu de juin, Paris tombait et, le 22 juin, la France capitulait
devant l’Allemagne.
Ainsi
Hitler a foulé aux pieds toutes les déclarations de non-agression,
quelles qu’elles fussent, signées avec la France et l’Angleterre.
C’était
un échec complet de la politique de renonciation à la sécurité
collective, de la politique visant à isoler l’U.R.S.S.
Il
devint évident qu’en isolant l’U.R.S.S., la France et
l’Angleterre avaient anéanti le front unique des peuples épris de
liberté, s’étaient affaiblies et s’étaient trouvées
elles-mêmes isolées.
Le
1er mars 1941, les Allemands occupèrent la Bulgarie.
Le
5 avril, l’U.R.S.S. signa le Pacte de non-agression avec la
Yougoslavie.
Le
22 juin de la même année, l’Allemagne attaqua l’U.R.S.S.
L’Italie,
la Roumanie, la Hongrie et la Finlande entrèrent en guerre contre
l’Union Soviétique aux côtés de l’Allemagne.
L’Union
Soviétique commença la guerre de libération contre l’Allemagne
hitlérienne.
La
réaction de différents milieux de l’Europe et de l’Amérique à
l’égard de cet événement fut différente.
Les
peuples asservis par Hitler respirèrent plus librement, certains que
Hitler se casserait le cou entre les deux fronts, « Ouest »
et « Est ».
Les
milieux gouvernants de France éprouvaient une joie mauvaise, car ils
ne doutaient pas que la « Russie serait battue » en un
très court laps de temps.
M. Truman,
membre marquant du Sénat des États-Unis, actuellement Président
des U.S.A., déclarait au lendemain de l’agression allemande contre
l’U.R.S.S. :
« Si
nous voyons l’Allemagne prendre le dessus, nous devrons aider la
Russie, et si les chances sont du côté de la Russie, nous devrons
aider l’Allemagne, afin qu’elles tuent le plus possible. [41] »
Une
déclaration analogue a été faite en Grande-Bretagne en 1941, par
Moore-Brabazon, en ce temps-là ministre de l’Industrie
Aéronautique, qui avait déclaré que la meilleure issue de la lutte
sur le front « Est », en ce qui concerne la
Grande-Bretagne, serait l’épuisement réciproque de l’Allemagne
et de l’U.R.S.S., ce qui permettrait à l’Angleterre de s’assurer
une position dominante.
Ces
déclarations exprimaient, sans aucun doute, l’attitude des milieux
réactionnaires des U.S.A. et de la Grande-Bretagne.
Mais
l’immense majorité des peuples anglais et américains était
disposée en faveur de l’U.R.S.S. et exigeait une action commune
avec l’Union Soviétique en vue de mener avec succès la lutte
contre l’Allemagne hitlérienne.
Il
faut croire que la déclaration du Premier Ministre britannique,
M. Churchill, en date du 22 juin 1941, reflétait cet état
d’esprit lorsqu’il disait que :
« Le danger qui menace la Russie constitue un
danger pour nous et pour les États-Unis, de même que la cause de
chaque Russe luttant pour sa terre et sa maison est celle des gens
libres et des nations libres dans n’importe quelle partie du
globe. »
La
même attitude à l’égard de l’U.R.S.S. fut adoptée par le
Gouvernement de Roosevelt aux États-Unis.
On
posait ainsi la première pierre de la coalition
anglo-soviéto-américaine contre l’Allemagne hitlérienne.
La
coalition anti-hitlérienne s’était posée comme but
l’anéantissement complet du régime hitlérien et le libération
des nations asservies par l’Allemagne hitlérienne. En dépit des
différences idéologiques et du système économique des différents
États alliés, la coalition anglo-soviéto-américaine devint une
puissante alliance des peuples qui avaient uni leurs efforts dans la
lutte libératrice contre l’hitlérisme.
Certes,
en ce temps-là aussi, au cours de la guerre, il existait au sujet de
certaines questions des divergences de vues entre les alliés. On
sait, par exemple, combien importantes étaient les divergences sur
des questions aussi essentielles que l’ouverture du deuxième
front, les obligations des alliés, leur devoir moral réciproque.
En
évoquant ces divergences, les falsificateurs de l’histoire et les
calomniateurs de tout genre s’efforcent de « prouver »,
contre l’évidence, que l’U.R.S.S. n’était et ne pouvait être
une alliée fidèle et sincère dans la lutte contre l’agression
hitlérienne.
Mais
comme la lutte commune contre l’Allemagne hitlérienne et la
conduite de l’U.R.S.S. au cours de cette lutte ne donnent pas
matière à de pareilles accusations, ils se tournent vers le passé,
vers la période d’avant-guerre, en affirmant que, pendant les
« pourparlers » avec Hitler à Berlin, en 1940, les
représentants de l’Union Soviétique se sont conduits perfidement
et non en alliés.
Ils
assurent, que durant les « pourparlers » de Berlin, on a
examiné et adopté de perfides « plans de démembrement de
l’Europe », des prétentions territoriales de l’U.R.S.S.
« au Sud de l’Union Soviétique dans la direction de l’Océan
Indien », des « plans » relatifs à la Turquie, à
l’Iran, à la Bulgarie et autres « problèmes ».
Les
calomniateurs utilisent dans ce but les rapports d’ambassadeurs
allemands et d’autres fonctionnaires hitlériens, des notes de tout
genre, des projets allemands d’on ne sait quels « protocoles »
et autres « documents » semblables.
Qu’est-ce
qui s’est passé en réalité à Berlin ? Il faut dire que les
soi-disant « pourparlers de Berlin », en 1940, ne furent
en fait qu’une visite de V. Molotov, en réponse à deux voyages de
Ribbentrop à Moscou. Les entretiens qui eurent lieu concernaient
principalement les rapports soviéto-allemands.
Hitler
s’efforçait d’en faire la base d’un accord de grande envergure
entre l’Allemagne et l’U.R.S.S. L’Union Soviétique, au
contraire, utilisait ces entretiens pour sonder, tâter les positions
allemandes, sans avoir aucunement l’intention de conclure quelque
accord que ce fût avec les Allemands. Au cours de ces entretiens,
Hitler estimait que l’Union Soviétique devrait acquérir un
débouché sur le Golfe Persique, en occupant l’Iran de l’Ouest
et les exploitations pétrolières des Anglais dans ce pays.
Il
disait ensuite que l’Allemagne pourrait aider l’U.R.S.S. à
régler la question des prétentions soviétiques à l’égard de la
Turquie, allant jusqu’à modifier le Traité de Montreux sur les
Détroits. Sans tenir aucun compte des intérêts de l’Iran, il
défendait avec soin les intérêts de la Turquie, la considérant
manifestement comme son alliée présente ou, en tout cas, future. En
ce qui concerne les pays balkaniques et la Turquie, Hitler les
considérait comme entrant dans la sphère d’influence de
l’Allemagne et de l’Italie.
Le
Gouvernement Soviétique a tiré de ces entretiens les conclusions
suivantes : l’Allemagne n’est pas liée et n’a pas
l’intention de se lier avec l’Iran ; l’Allemagne n’est
pas liée et n’a pas l’intention de se lier avec l’Angleterre ;
donc l’Union Soviétique peut avoir en la personne de l’Angleterre
un allié sûr contre l’Allemagne hitlérienne ; les États
balkaniques sont soit déjà achetés et transformés en satellites
de l’Allemagne (Bulgarie, Roumanie, Hongrie), soit asservis, comme
la Tchécoslovaquie ; ou bien sont en voie de l’être, comme
la Grèce ; la Yougoslavie est l’unique pays balkanique sur
lequel on peut compter comme future alliée du camp anti-hitlérien ;
la Turquie est, dès a présent, étroitement liée à l’Allemagne
hitlérienne, ou bien elle a l’intention de se lier à elle.
Après
avoir tiré ces conclusions utiles, le Gouvernement Soviétique ne
renouvela plus les entretiens sur les questions énoncées, malgré
les rappels réitérés de Ribbentrop.
Comme
l’on voit, c’était un sondage des positions du Gouvernement
hitlérien de la part du Gouvernement Soviétique, sondage qui n’a
pas abouti et ne pouvait aboutir à un accord quel qu’il soit.
Un
pareil sondage des positions de l’adversaire de la part d’États
pacifiques est-il admissible ? Oui, certainement. Cela est non
seulement admissible, mais est parfois une nécessité politique
directe. Il faut seulement que le sondage ait lieu au su et avec le
consentement des alliés et que le résultat en soit porté à leur
connaissance.
Mais
l’Union Soviétique n’avait pas d’alliés à cette époque,
elle était isolée et ne pouvait malheureusement pas leur faire part
des résultats du sondage.
Il
convient de noter qu’un sondage analogue, bien qu’assez suspect,
des positions de l’Allemagne hitlérienne a été fait par des
représentants de l’Angleterre et des États-Unis d’Amérique
même pendant la guerre, après l’organisation de la coalition
anti-hitlérienne Angleterre-États-Unis d’Amérique-U.R.S.S. Ce
fait ressort de documents capturés par les troupes soviétiques en
Allemagne.
Ces
documents montrent qu’en automne 1941, ainsi qu’en 1942 et 1943,
des pourparlers ont eu lieu à Lisbonne et en Suisse, à l’insu de
l’U.R.S.S., entre les représentants de l’Angleterre et de
l’Allemagne, puis entre les représentants des États-Unis et de
l’Allemagne.
Un
de ces documents, annexé au rapport de Weizsäcker, secrétaire
d’État aux Affaires Étrangères d’Allemagne, expose la marche
de ces pourparlers à Lisbonne en septembre 1941.
Il
ressort de ce document qu’une entrevue a eu lieu le 13 septembre
entre le fils de lord Beaverbrook, Aitken, officier de l’armée
anglaise, par la suite membre du Parlement britannique, qui
représentait l’Angleterre, et le Hongrois Gustave von Koever,
agissant sur les instructions du ministre allemand des Affaires
Étrangères, comme on peut en juger par la lettre adressée par
Krauel, consul général d’Allemagne à Genève, à Weizsäcker,
secrétaire d’État aux Affaires Étrangères d’Allemagne.
Au
cours de ces pourparlers Aitken a directement posé la question :
« Ne pourrait-on pas profiter de l’hiver qui
vient et du printemps pour examiner dans la coulisse les possibilités
de paix ? »
D’autres
documents relatent les pourparlers qui se sont déroulés en Suisse
entre les représentants des gouvernements des États-Unis et de
l’Allemagne, en février 1943. Allen Dulles (frère de John Foster
Dulles), délégué spécial du Gouvernement des États-Unis, a mené
ces négociations de la part des États-Unis. Allen Dulles figurait
sous le pseudonyme de « Bull ».
Il
était chargé d’une « mission directe » et muni de
pouvoirs conférés par la Maison Blanche. Du côté allemand, son
partenaire était le prince M. Hohenlohe, proche des milieux
gouvernants de l’Allemagne hitlérienne et qui agissait en qualité
de représentant hitlérien sous le pseudonyme de « Pauls ».
Le document qui contient l’exposé de ces pourparlers appartenait
au service de sécurité hitlérien (S.D.).
Comme
il ressort de ce document, d’importantes questions furent traitées
au cours de l’entretien, concernant l’Autriche, la
Tchécoslovaquie, la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, et, surtout,
la signature de la paix avec l’Allemagne.
Au
cours de cet entretien A. Dulles (Bull) déclara :
« Des
nations comme l’Allemagne ne doivent plus être réduites par la
misère et l’injustice à des expériences désespérées et à
l’héroïsme. L’État allemand doit subsister en tant que facteur
d’ordre et de redressement. Il ne saurait être question de la
partager, ni d’en détacher l’Autriche. [42] »
En
ce qui concerne la Pologne, Dulles (Bull) déclara
« …
qu’il convenait d’appuyer la création d’un cordon sanitaire
contre le bolchevisme et le panslavisme en agrandissant la Pologne à
l’Est, en conservant la Roumanie et une Hongrie forte. [43] »
Le
document note ensuite que :
« Bull
est plus ou moins d’accord avec l’organisation étatique et
industrielle de l’Europe sur la base de vastes espaces, présumant
qu’une Grande Allemagne fédérative (semblable aux États-Unis),
avec une confédération danubienne y adhérant, sera la meilleure
garantie d’ordre et de relèvement pour l’Europe centrale et
orientale. [44] »
Dulles
(Bull) déclarait également qu’il reconnaissait pleinement les
prétentions de l’industrie allemande à un rôle prépondérant en
Europe.
On
ne saurait passer sous silence le fait que les Anglais et les
Américains ont procédé à ce sondage à l’insu et sans le
consentement de leur alliée, l’Union Soviétique, et qu’il n’a
rien été communiqué au Gouvernement Soviétique des résultats de
ce sondage, même à titre d’information post-factum.
Cela
pouvait signifier que les gouvernements des États-Unis et de
l’Angleterre avaient, en l’occurrence, tenté de s’engager dans
la voie des pourparlers avec Hitler pour une paix séparée.
Il
est clair qu’une telle attitude des gouvernements de l’Angleterre
et des États-Unis ne peut être considérée que comme une violation
des exigences les plus élémentaires des devoirs et des obligations
d’alliés.
Il
s’ensuit qu’en accusant l’U.R.S.S. de « manquer de
sincérité » les falsificateurs de l’histoire veulent faire
retomber leur propre faute sur d’autres.
Il
ne peut faire aucun doute que ces documents sont connus des
falsificateurs de l’histoire et autres calomniateurs. Et s’ils
les dissimulent à l’opinion publique, s’ils les passent sous
silence dans leur campagne de calomnie contre l’U.R.S.S., c’est
parce qu’ils craignent la vérité historique comme la peste.
Quant
aux divergences de vues sur la question de l’ouverture du deuxième
front, elles traduisent des façons différentes de comprendre les
obligations réciproques des alliés.
Les
citoyens soviétiques sont d’avis que lorsqu’un allié se trouve
dans une situation difficile il faut lui venir en aide par tous les
moyens possibles ; il faut le considérer non pas comme un
compagnon de route temporaire, mais comme un ami, se réjouissant de
ses succès, se réjouissant lorsqu’il devient plus fort. Les
représentants des Anglais et des Américains ne sont pas d’accord
là-dessus et taxent cette morale de naïveté.
Ils
partent de ce point de vue qu’un allié fort est dangereux, qu’il
n’est pas dans leurs intérêts que cet allié devienne plus fort,
que mieux vaut un allié faible plutôt que fort et que s’il
devient quand même plus fort il faut prendre des mesures pour
l’affaiblir.
Chacun
sait que par le communiqué anglo-soviétique, aussi bien que par le
communiqué soviéto-américain de juin 1942, les Anglo-Américains
s’étaient engagés à ouvrir un deuxième front en Europe dès
1942.
C’était
là une promesse formelle, un serment, si vous voulez, qui devait
être tenu à la date prévue afin d’alléger la situation des
troupes de l’Union Soviétique qui avaient assumé, dans la
première phase de la guerre, tout le fardeau de la riposte au
fascisme allemand.
Mais
l’on sait également que cette promesse ne fut tenue ni en 1942, ni
en 1943, bien que le Gouvernement Soviétique ait à maintes reprises
déclaré que l’Union Soviétique ne pouvait prendre son parti de
l’ajournement du second front.
La
politique d’ajournement du deuxième front n’était nullement
fortuite. Elle s’inspirait des visées des milieux réactionnaires
d’Angleterre et des États-Unis qui dans la guerre contre
l’Allemagne poursuivaient leurs buts particuliers, lesquels
n’avaient rien de commun avec les objectifs de la lutte libératrice
contre le fascisme allemand.
Il
n’entrait pas dans leurs plans d’écraser entièrement le
fascisme allemand. S’inspirant de buts purement égoïstes, ils
avaient intérêt à saper la puissance de l’Allemagne et, surtout
à évincer celle-ci, comme concurrent dangereux sur le marché
mondial.
Mais
il n’entrait nullement dans leurs intentions de libérer
l’Allemagne et les autres pays de la domination des forces
réactionnaires, qui, toujours, portent en elles l’agression
impérialiste et le fascisme, pas plus que de réaliser des réformes
démocratiques radicales.
D’autre
part, ils tablaient sur l’affaiblissement de l’U.R.S.S., ils
comptaient que l’Union Soviétique serait saignée à blanc et que,
à l’issue d’une guerre épuisante, elle perdrait pour longtemps
son rôle de grande et forte puissance ; qu’elle tomberait,
après la guerre, sous la coupe des États-Unis d’Amérique et de
la Grande-Bretagne.
On
comprend que l’Union Soviétique ne puisse tenir pour normale une
pareille attitude à l’égard d’un allié.
La
politique pratiquée par l’U.R.S.S. dans les rapports interalliés
est l’antipode de cette politique. Ce qui la caractérise, c’est
que toujours elle s’acquitte d’une manière désintéressée,
conséquente et loyale, des engagements assumés ; qu’elle est
toujours disposée à prêter une aide fraternelle à son allié.
Au
cours de la dernière guerre, l’Union Soviétique a donné des
exemples de cette attitude d’alliée véritable à l’égard des
autres pays, compagnons d’armes dans la lutte contre l’ennemi
commun.
Voici
un de ces exemples :
On
sait que, fin décembre 1944, les troupes hitlériennes déclenchèrent
une offensive sur le front « Ouest » dans la région des
Ardennes, percèrent le front et mirent les troupes anglo-américaines
dans une situation difficile.
Les
alliés affirmaient que les Allemands voulaient, en attaquant en
direction de Liège, écraser la Première Armée américaine,
déboucher sur Anvers, isoler la Neuvième Armée américaine, la
Deuxième Armée anglaise, la Première Armée canadienne et infliger
aux alliés un nouveau Dunkerque pour mettre la Grande-Bretagne hors
combat.
Le
6 janvier 1945, W. Churchill adressa dans ces circonstances le
message suivant à J. Staline :
« Des combats très pénibles se livrent en
Occident et le commandement suprême peut être forcé à tout moment
de prendre de graves décisions.
Vous savez vous-même par votre propre expérience,
combien alarmante est une situation, lorsqu’il faut défendre un
très large front, après avoir perdu temporairement l’initiative.
Le général Eisenhower a le plus grand désir et éprouve
le besoin de savoir dans les lignes essentielles ce que vous proposez
de faire, car cela aura naturellement une répercussion sur toutes
les importantes décisions tant de son côté que du nôtre.
Conformément à la communication reçue, notre
émissaire, le maréchal en chef d’aviation Tedder, se trouvait
hier soir au Caire où il était retenu par les conditions
atmosphériques.
Son voyage s’est trouvé fortement prolongé non pas
par votre faute.
S’il n’est pas encore arrivé auprès de vous, je
vous serais reconnaissant de bien vouloir me communiquer si nous
pouvons compter sur une grande offensive russe sur le front de la
Vistule ou quelque part, à un autre endroit, au cours de janvier, ou
toutes autres informations qu’il vous plaira peut-être d’indiquer.
Je ne communiquerai à personne cette information
rigoureusement confidentielle à l’exception du feldmaréchal Brook
et du général Eisenhower et à la condition de la tenir dans le
secret le plus strict. J’estime cette affaire urgente. »
Le
7 janvier 1945, J. Staline adressait à Winston Churchill la réponse
suivante :
« J’ai reçu dans la soirée du 7 janvier votre
message du 6 janvier 1945. Malheureusement, le maréchal en chef
d’aviation M. Tedder n’est pas encore arrivé à Moscou. Il
importe beaucoup d’utiliser contre les Allemands notre supériorité
en artillerie et en aviation.
Il faut à cet effet un temps clair pour l’aviation et
l’absence d’une basse nébulosité qui empêche l’artillerie de
mener un tir réglé. Nous nous préparons à l’offensive, mais
actuellement le temps ne la favorise pas.
Cependant, prenant en considération la situation de nos
alliés sur le front ouest le Grand Quartier Général du
Commandement Suprême a décidé d’achever les préparatifs à un
rythme accéléré, et, sans tenir compte des conditions
atmosphériques, de déclencher de larges opérations offensives
contre les Allemands sur tout le front central, dans la deuxième
moitié de janvier au plus tard. Vous pouvez être sûr que nous
ferons tout le possible pour aider nos glorieuses troupes alliées. »
Dans
sa réponse à J. Staline, W. Churchill écrivait le 9 janvier :
« Je vous suis très reconnaissant de votre
émouvant message. Je l’ai envoyé au général Eisenhower pour
qu’il en prenne seul connaissance. Qu’un succès complet couronne
votre noble entreprise ! »
Désireux
d’aider au plus vite les troupes alliées à l’Ouest, le
Commandement Suprême des troupes soviétiques décide d’avancer la
date de l’offensive contre les Allemands sur le front
soviéto-allemand du 20 au 12 janvier.
Le
12 janvier une grande offensive des troupes soviétiques commença
sur un large front, de la mer Baltique aux Carpathes. 150 divisions
soviétiques, pourvues d’une grande quantité d’artillerie et
d’aviation entrèrent en action, enfoncèrent le front allemand et
ramenèrent les troupes allemandes à des centaines de kilomètres en
arrière.
Le
12 janvier sur le front ouest les troupes allemandes y compris les 5e
et 6e armées blindées qui se préparaient à porter un nouveau
coup, interrompirent leur offensive et dans les 5 à 6 jours furent
retirées du front et transférées dans l’Est contre les troupes
soviétiques qui avançaient. L’offensive des troupes allemandes
dans l’Ouest était mise en échec.
Le
17 janvier 1945, W. Churchill écrivait à J. Staline :
« Je vous suis très reconnaissant de votre message
et je suis heureux que le maréchal d’aviation Tedder ait produit
sur vous une impression si favorable.
Au nom du Gouvernement de sa Majesté et de toute mon
âme, je tiens à vous exprimer notre gratitude et nos félicitations
à l’occasion de l’offensive gigantesque que vous avez commencée
sur le front Est.
Vous êtes maintenant, sans aucun doute, au courant des
plans du général Eisenhower et vous savez jusqu’à quel point
leur réalisation a été retenue et dérangée par l’offensive de
Rundstedt.
Je suis persuadé que des combats vont se livrer sans
interruption sur tout notre front. Le 21e groupe d’armée
britannique, sous le commandement du feldmaréchal Montgomery, a
commencé aujourd’hui l’offensive dans la zone au Sud de
Roermund. »
Dans
son ordre du jour aux troupes soviétiques en date de février 1945,
J. Staline disait au sujet de cette offensive des troupes
soviétiques :
« En janvier dernier de l’année courante,
l’Armée Rouge a asséné à l’ennemi un coup d’une vigueur
sans précédent sur tout le front, de la Baltique aux Carpathes.
Elle a brisé sur une longueur de 1.200 kilomètres le puissant
système de défense que les Allemands avaient mis plusieurs années
à construire.
Au cours de son offensive l’Armée Rouge a, par ses
actions rapides et habiles, refoulé l’ennemi loin à l’Ouest.
« Les succès de notre offensive d’hiver ont eu
avant tout pour résultat de faire échouer l’offensive d’hiver
entreprise par les Allemands à l’Ouest, et qui avait pour but de
s’emparer de la Belgique et de l’Alsace, et ils ont permis aux
armées de nos alliés de passer, à leur tour, à l’offensive
contre les Allemands, et d’associer ainsi leurs opérations
offensives à l’ouest aux opérations offensives de l’Armée
Rouge à l’est. »
Ainsi
agissait J. Staline.
Ainsi
agissent les véritables alliés dans une lutte commune.
*
* *
Tels
sont les faits.
Les
falsificateurs de l’histoire et les calomniateurs sont appelés
falsificateurs et calomniateurs précisément parce qu’ils ne
respectent pas les faits. Ils préfèrent avoir recours aux ragots, à
la calomnie. Mais il est hors de doute que ces messieurs seront
finalement contraints de reconnaître cette vérité bien connue, que
leurs ragots et la calomnie passent, mais que les faits restent.
Bureau
d’Informations Soviétique.
[1] Corvin
D. Edward, Les cartels internationaux dans l’économie et la
politique, 1944.
[2] Richard
Sasuly, I. G. Farben, Boni and Gaer, NewYork, 1947, p. 80.
[3] Stock
Exchange Year Book, London, 1925. Who’s Who in America ; Who’s
Who in American Finance, Banking and Insurance ; Moody’s
Manual of Railroads and Corporation Securities ; Poor’s
Manual. 1924-1939.
[4] V.
M. Molotov, Articles et discours, 1935-36, p. 176.
[5] Ibidem.,
p. 176.
[6] J.
V. Staline, « Rapport présenté au XVIIIe Congrès du Parti
sur l’activité du Comité Central du Parti Communiste (bolchévik)
de l’U.R.S.S. », in Questions du Léninisme, p. 591.
[7] Ibidem.,
p. 593.
[8] Ibidem.,
p. 593.
[9] A.
Hitler, Mein Kampf, Munich, 1936, p. 742.
[10] « Texte
d’un entretien entre le Führer chancelier du Reich et lord
Halifax, en présence de M. le ministre des Affaires Étrangères
du Reich à Obersalzberg, 19-XI-1937. » (Archives du Ministère
allemand des Affaires Étrangères.)
[11] On
a en vue la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et l’Italie.
[12] Voir
le texte de l’entretien déjà cité.
[13] Idem.
[14] Voir
le texte de l’entretien déjà cité.
[15] Times du
23 février 1938, p. 8.
[16] « Texte
de l’entretien entre le Führer (le chancelier du Reich) et
l’ambassadeur royal britannique qui eut lieu en présence de M. von
Ribbentrop, Ministre des Affaires étrangères du Reich, le 3 mars
1938, à Berlin. » (Archives du Ministère allemand des
Affaires Étrangères.)
[17] Ibidem.
[18] Ibidem.
[19] Ibidem.
[20] Izvestia du
18 mars 1938.
[21] Note
du Ministère britannique des Affaires Étrangères du 24 mars 1938.
[22] « Rapport
politique, Londres, 10 juillet 1938, faisant suite au rapport A No
2589 du 10 juin de l’année courante », tiré des Archives du
Ministère allemand des Affaires Étrangères.
[23] Ibidem.
[24] Ibidem.
[25] Correspondance
respecting Czechoslovakia, septembre 1938, London ctd 5847, p. 8-9.
[26] J.
V. Staline, « Rapport présenté au XVIIIe Congrès du Parti
sur l’activité du Comité Central du Parti Communiste (bolchévik)
de l’U.R.S.S. », in Questions du Léninisme, p. 593.
[27] Ibidem.,
p. 592.
[28] Sayers
& Kahn, The Great Conspiracy, Boston, 1946, pp. 324-325.
[29] Izvestia,
20 mars 1939.
[30] Archiv
für Aussenpolitik und Länderkunde, septembre 1938, S. 483.
[31] Rapport
de Dircksen « Sur le développement des relations politiques
entre l’Allemagne et l’Angleterre pendant ma mission à
Londres », rédigé en septembre 1939.
[32] Voir
rapport de V. Molotov à la IIIe session du Soviet Suprême de
l’U.R.S.S. en date du 31 mai 1939, p. 8.
[33] Ibidem.
[34] Sayers
and Kahn, The Great Conspiracy. The Secret War Against Soviet Russia,
p. 329.
[35] « Discours
de lord Halifax sur la politique internationale », Oxford.
Londres, 1940, p. 296.
[36] Rapport
de Dircksen, ambassadeur d’Allemagne en Angleterre, en date du 21
juillet 1939, Archives du Ministère allemand des Affaires
Étrangères.
[37] Note
de la Légation britannique en date du 2 mars 1940, Livre blanc du
Ministère des Affaires Étrangères de Suède, Stockholm, 1947, p.
120.
[38] Notes
de Gunter pour mémoire du 2 mars 1940. Livre blanc du Ministère
suédois de Affaires Étrangères. Stockholm, p. 119.
[39] Alors
membre du Gouvernement français.
[40] Henri
de Kerillis, De Gaulle, dictateur, pp. 363-364, Éditions
Beauchemin, Montréal, 1945.
[41] New
York Times, 24 juin 1941.
[42] « L’entretien
Pauls-Mr Bull » (les documents des archives allemandes).
[43] Idem.
[44] Idem.
=>Oeuvres de Staline