UJC (ml) : Rapport de clôture du Congrès des Comités Vietnam de Base (1968)

CONGRES DES COMITÉS VIETNAM DE BASE – RAPPORT DE CLÔTURE

Le travail que nous avons à faire est immense. Mais nous devons être conscients que le développement en France de la lutte anti-impérialiste ne dépend pas seulement de nos propres efforts subjectifs.

Le développement victorieux de la lutte des peuples contre l’impérialisme est inéluctable. L’impérialisme U.S. se débat dans des contradictions de plus en plus insurmontables. Cela créera sans cesse des conditions objectives plus favorables.

Car l’aspect fondamental de la lutte anti-impérialiste en France, c’est qu’elle se place d’abord sous l’autorité des peuples qui sont aux premières lignes face à l’impérialisme U.S. et qui lui portent les coups les plus sévères.

D’autre part les intérêts du peuple français, avant tout les travailleurs, et ceux des larges masses exploitées d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine convergent. Leur solidarité a donc une base objective : les travailleurs français sont du même côté que les peuples opprimés face aux impérialistes et aux exploiteurs.

C’est ce que signifie la sympathie incontestable du peuple français pour la lutte du peuple vietnamien.  

Il n’est pas inutile, à l’issue du congrès, de rappeler les conditions extrêmement favorables de la lutte anti-impérialiste, les perspectives grandioses ouvertes à la lutte des peuples, et frayées par le peuple vietnamien.  

La récente offensive généralisée a révélé au monde entier les ressources infinies de la guerre populaire.

Celle ci a franchi diverses étapes : tout d’abord la lutte politique dans les villes et dans les campagnes contre la dictature américano-diémiste ; puis, grâce au travail politique, la lutte armée a embrasé tout le pays : dans une première phase la guérilla, et peu à peu la guerre de mouvement et aujourd’hui la guerre de position.

Tout au long de ces années de combat, une armée du peuple s’est édifiée et renforcée, les glorieuses Forces Armées Populaires de Libération, opérant en étroite coordination avec les forces régionales et les guérilleros des milices locales.  

Aujourd’hui, la situation militaire des Yankees au Vietnam est catastrophique, et le remplacement de Westmoreland n’y pourra rien changer. Les U.S.A sont dans une passivité stratégique totale : capables encore il y a quelques années de mener de grandes opérations dans plusieurs régions, les soldats U.S sont aujourd’hui terrés dans leurs bases.

Les généraux U.S ne peuvent plus que balader leurs quelques unités encore disponibles d’une ville à l’autre pour parer au plus pressé.  

Tous les plans successifs du haut commandement américain ont été de piteux échecs.

La caractéristique principale de la façon dont les Yankees mènent la guerre est le subjectivisme total : leurs généraux passant d’une idée à l’autre, essaient une technique après l’autre et essuient défaite après défaite.

Incapables d’analyser scientifiquement une situation qui leur échappe complètement, d’évaluer un rapport de forces dont l’élément principal, le peuple, leur est complètement étranger, les agresseurs yankees n’ont pas arrêter de ballotter entre différentes stratégies : échec des « hameaux stratégiques » et du plan Staley-Taylor, échec de la stratégie dite des  deux mâchoires de la tenaille (recherche et destruction d’un côté, « pacification » de l’autre), échec de la tactique de l’héliportage et de la « First Cav », échec de la ligne Mac Namara, échec des bombardements massifs, échec du cordon de bases côtier, etc…

Il en sera de même pour toutes les mesures qui pourront encore germer dans la tête des stratèges du Pentagone, qu’il s’agisse du repli sur les villes, de l’invasion du Nord ou de l’emploi d’armes atomiques tactiques.

Chaque nouveau plan est une corde nouvelle qui se resserre au cou des Yankees.

La capacité de combat des troupes U.S a décru sans arrêt : les Yankees n’ont pas plus de 42 bataillons mobiles aujourd’hui, leurs unités de commando comme les « Marines » sont enfouies à Khe Sanh, leurs unités de parachutistes n’ont encore jamais sauté et sont utilisées au quadrillage des villes, l’absence de tout arrière proche nécessite une énorme infrastructure logistique extrêmement vulnérable et incapable de digérer les moindres renforts, une immobilisation fantastique d’hommes et de matériels est nécessaire au fonctionnement d’un simple bataillon opérationnel ; l’aviation stratégique doit être utilisée à des missions tactiques et l’aviation tactique à des missions stratégiques.

L’avion le plus moderne, le F111 envoyé au Vietnam il y a quelques jours, à grand renfort de publicité tapageuse a fait la preuve de son efficacité, de son efficacité à être descendu : deux avions en trois jours.

Le moral des troupes U.S descend au-dessous de zéro, mais moins vite cependant que celui des troupes fantoches où cela va de pair avec leur désagrégation.  

Aujourd’hui l’alternative pour les Yankees n’est pas entre la victoire et la défaite, mais entre la défaite et une défaite encore plus cuisante.  

Le développement de l’agression U.S est régi par une loi inexorable : celle du développement ininterrompu des défaites et une faiblesse de combat sans cesse accrue : regardons l’expérience des dernières années, elle fait apparaître trois règles d’airain :  
-plus les Yankees envoient de renforts, plus ils subissent de pertes.  
-plus ils engagent de matériel et d’armements, plus ils subissent de dégâts et de destructions.  
-plus la guerre dure, plus leur capacité combative s’affaiblit.  

Inversement, la loi qui régit la lutte du peuple vietnamien est celle du développement sans cesse accru des victoires et d’une puissance de combat sans cesse accrue.  

Les contradictions accentuées des agresseurs U.S sur le plan militaire ont pour cause principale leurs contradictions politiques fondamentales :  

-Ils mènent une guerre d’agression, à 13 000 km de chez eux sans arrière politique et donc sans arrière militaire.  

-Ils doivent nécessairement s’appuyer sur un gouvernement fantoche déconsidéré, qui loin de leur faciliter la tâche en leur fournissant un point d’appui local n’est qu’un boulet attaché à leurs pieds.  

-Ils font face à un peuple uni tout entier « résolu à combattre, déterminé à vaincre » comme dit la devise du Front National de Libération.

Au Vietnam les Etats-Unis doivent, comme partout ailleurs, s’appuyer sur la fiction néo-coloniale.

C’est là la contradiction fondamentale de leur politique d’agression.

Il leur faut, pour opprimer les peuples, une base d’appui locale, mais celle-ci ne peut être composée que des fractions les plus réactionnaires, et donc ne peut que dresser le peuple tout entier d’une même haine contre les agresseurs et leurs valets.

Giap déclare : « Le néo-colonialisme est le fruit de la collusion et du compromis entre les impérialistes d’une part et la bourgeoisie compradore et la classe des propriétaires fonciers et des féodaux des pays colonisés de l’autre, tendant à perpétuer le colonialisme sous des formes et des méthodes nouvelles et à étouffer le mouvement révolutionnaire des larges masses. »  

Ce compromis dont parle Giap est nécessaire à l’impérialisme à l’époque actuelle, mais on voit qu’il ne fait qu’accentuer ses contradictions et dévoiler ses faiblesses.

C’est une béquille branlante.

De fait les Yankees sont obligés, comme au Vietnam, face à l’extension de la guerre du peuple en Asie, en Afrique, en Amérique Latine, soit d’abandonner leurs protégés, déclenchant ainsi la panique de ceux-ci et l’écroulement de leur réseau d’oppression et de pillage, soit d’intervenir toujours plus massivement comme au Vietnam et d’aller vers des défaites toujours plus lourdes.  

Le mur pourri de l’impérialisme s’écroulera inéluctablement, car les luttes de libération nationale, la guerre du peuple se développera inéluctablement, aiguisant chaque jour les contradictions de l’impérialisme U.S. Ces contradictions sont déjà mises à jour et accentuées par la guerre du peuple vietnamien.

En effet, jamais l’impérialisme ne se transformera de lui-même, jamais il ne se transformera en un agneau paisible.

Seule la lutte des peuples le conduira à la tombe. La lutte du peuple vietnamien lui a déjà fait faire un bout de chemin dans cette voie, elle multiplie ses contradictions. Quelles sont-elles ?  

1) Tout d’abord, le manque d’effectifs : malgré les demandes répétées des généraux yankees, l’impérialisme ne peut envoyer des troupes illimitées, plus il en envoie, plus la situation politique et économique aux U.S.A se détériore.

De plus les besoins d’agression des U.S.A exigent une répartition des troupes à travers le globe : il doit en envoyer à la fois au Vietnam et dans le Sud-Est asiatique, en maintenir un peu partout dans le monde, en garder aux U.S.A mêmes comme force de réserve contre le peuple américain lui-même.  

Deux exemples illustrent cette impasse :

-l’affaire du « Pueblo » où les Yankees, faute de moyens pour s’en servir comme prétexte d’agression ont dû accepter que leurs pratiques d’espionnage soient démasquées.  

-les plaintes yankees face au dégagement des troupes britanniques à l’est de Suez, par lesquelles ils se reconnaissent ouvertement incapables de remédier à la défaillance de leur complice…  

2) L’effondrement financier : les exigences de la politique d’agression des U.S.A en particulier au Vietnam ont entraîné un déficit catastrophique de leur balance des paiements, une dévaluation constante du dollar.

La récente crise de l’or qui ébranle le système monétaire impérialiste en est l’aboutissement.

Ou plutôt le commencement.  

3) Les contradictions aux U.S.A mêmes : du fait de la guerre au Vietnam une partie importante de la jeunesse s’oppose à l’enrôlement et refuse de servir de chair à canon au gouvernement impérialiste. La hausse de la fiscalité et des prix nécessitée par les dépenses militaires a provoqué un mouvement de grèves sans précédent chez les travailleurs depuis la guerre de Corée.

Enfin, la lutte des Afro-Américains se développe et constitue une grave menace au sein même du repère impérialiste.  

4) L’isolement mondial : quelque soient les planches qu’on essaie de tendre aux Yankees, les masses populaires du mode entier condamnent énergiquement l’impérialisme américain.

Partout, puisque dans les villages d’Afrique et d’Amérique Latine, la lutte du peuple vietnamien et connue et soutenue.

Face à ces mouvements populaires les alliés directs et indirects de l’impérialisme U.S ne peuvent plus suivre aveuglément le chef de file de la réaction mondiale.  

5) Les contradictions internes : le camp impérialiste est lui-même divisé.

Les politiciens s’affairent pour trouver des solutions de rechange. La campagne d’un Kennedy reflète ces contradictions, qui montrent la panique de l’impérialisme, déchiré en fractions.  

Cette impasse de l’impérialisme, c’est le produit de la lutte des peuples.

C’est la lutte des peuples après la deuxième guerre mondiale qui a imposé l’abandon du colonialisme classique ; c’est la lutte du peuple vietnamien qui porte les coups les plus sévères aux Yankees et les a forcé à dévoiler leur vrai visage.  

La lutte des peuples ne peut que se développer. Après le Vietnam et le Laos, la Thaïlande. Partout dans le monde, les peuples affûtent leurs armes pour abattre l’impérialisme, partout ils étudient l’expérience révolutionnaire du peuple vietnamien, partout ils se préparent au combat.  

Les jours de l’impérialisme sont comptés, nous sommes à l’époque où l’impérialisme va à sa perte.  

Certes, la lutte sera encore longue, elle sera même encore plus douloureuse car le fauve encerclé se débat férocement.  

C’est cela qui fonde à la fois notre action et le certitude de son succès.  

La lutte des peuples est notre guide sûr, si les comités Vietnam de base sont fidèles aux enseignements de la guerre du peuple vietnamien, s’ils étudient avec enthousiasme l’expérience révolutionnaire des peuples vietnamiens et lao, leur propagande sera ferme, assurée, résolue.  

Dans ce champ de bataille où s’affrontent les peuples et l’impérialisme, nous avons notre place à tenir.

Nous savons que l’issue de la bataille est certaine, mais que le combat durera longtemps et sera rude. Nous ne sommes certes pas aux premières lignes.

Mais nous devons prendre exemple sur nos camarades des premières lignes, nous inspirer fermement de leur résolution et de leur patience et sur notre propre front être sur l’offensive.  

Notre congrès a permis de préciser quelles sont nos trois armes principales :  

-une ligne politique juste
-un style de masse
-des comités de base unitaire

  Nous connaissons ces trois armes. Elles nous ont permis de remporter déjà des succès importants. Mais nous ne savons pas encore nous en servir aussi bien qu’il faudrait.  

La ligne politique s’affermit et s’approfondit par la lutte politique, l’étude de l’expérience révolutionnaire du peuple vietnamien, par un combat incessant contre les conceptions erronées.  

Le style de masse s’acquiert chaque jour dans la rue et non en chambre. C’est une création de chaque jour au contact des masses et non un label acquis une fois pour toutes. Comme le dit la résolution de la commission sur la propagande à la base  :  

-feu sur le style stéréotypé
-place aux idées vivantes
-c’est dans la rue que se fait la critique, la propagande.  

Enfin le style de masse, c’est un style de travail enthousiaste, militant, résolu.  

Le comité de base unitaire regroupe sur un quartier, une rue, une usine, un lycée, un T.P tous les anti-impérialistes résolus. Il doit associer à son travail tous les sympathisants, il est le facteur décisif du ralliement à des positions justes de tous les militants trompés par les faux amis du peuple vietnamien.  

Le congrès a permis à tous les militants de connaître ces trois armes, de tirer le bilan de leur utilisation. Aujourd’hui, nous les avons plus fermement en mains. Servons nous en avec audace. Le Mouvement anti-impérialiste des Comités Vietnam de Base unira sans cesse plus d’anti-impérialistes résolus, utilisons la résolution politique pour réaliser l’unité avec les militants de base d’autres organisations et démasquer ceux qui s’opposent à un juste soutien.

Appliquons les mots d’ordre des diverses commissions du congrès. Le Mouvement anti-impérialiste des Comités Vietnam de Base est un facteur décisif de la mobilisation des masses françaises aux côtés du peuple vietnamien et des peuples en lutte.  

VIVE LE MOUVEMENT ANTI IMPERIALISTE DES COMITES VIETNAM DE BASE  

VIVE LA LUTTE DU PEUPLE VIETNAMIEN, FER DE LANCE DES LUTTES ANTI IMPERIALISTES  

VIVE LA LUTTE DU PEUPLE LAO  

LA GUERRE DU PEUPLE EST INVINCIBLE            

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UJC (ml) : Rapport politique du Congrès des Comités Vietnam de Base (1968)

MARS 1968 – CONGRES DES COMITES VIETNAM DE BASE

RAPPORT POLITIQUE

Lutter résolument contre l’impérialisme, soutenir sans réserve les guerres révolutionnaires nationales et démocratiques des peuples opprimés.  

Camarades,   

La lutte anti-impérialiste, le soutien aux peuples qui affrontent directement l’impérialisme n’est pas pour le peuple français quelque chose d’abstrait, de surajouté, un supplément artificiel à son combat propre.  

C’est au contraire l’un des aspects fondamentaux, l’un des fronts de lutte politique essentiel et nécessaire, inséparable des autres fronts de lutte du peuple français.   

Nous ne travaillons donc pas dans l’abstrait. Notre tâche anti-impérialiste n’est donc pas située en-dehors de l’histoire, à côté de la vie ou de la lutte des peuples contre leurs oppresseurs.  

Dans la France d’aujourd’hui, notre lutte est partie intégrante des luttes du peuple français, partie intégrante de l’ensemble des luttes des peuples opprimés.   

La constitution, à la fin de 1966, des premiers Comités Vietnam de Base, c’est donc la réponse correcte dans son principe et dans sa forme, à la nécessité objective de l’édification en France d’une force politique anti-impérialiste capable de concrétiser la solidarité de fait entre le peuple français et les peuples agressés par l’impérialisme, capable de concrétiser les aspirations profondes du peuple français à soutenir la lutte des peuples qui affrontent directement l’impérialisme.   

Il paraît curieux, alors que le peuple français possède un si glorieux passé de luttes internationalistes, de déclarer que c’est en 1966, avec la création des Comités Vietnam de Base qu’est réapparue dans notre pays une véritable force anti-impérialiste.  

Mais c’est pourtant vrai : en dépit de son glorieux passé, le peuple français ne disposait plus d’aucune force politique capable de répondre correctement à cette tâche de solidarité internationale, d’animer, d’impulser et diriger correctement la lutte anti-impérialiste. Et aujourd’hui, les Comités Vietnam de Base sont encore les seuls à mener cette lutte de manière conséquente.   

En dépit du développement victorieux de la guerre du peuple vietnamien, personne ne popularisait cette guerre du peuple. Personne ne diffusait les positions politiques qui fondent le combat du peuple vietnamien.  

Personne n’expliquait les raisons profondes de ces victoires, ni les conséquences de ces victoires pour tous les peuples du monde.  

Personne ne parlait de la guerre du peuple vietnamien : juste, victorieuse et d’une portée universelle.  

La propagande des agresseurs américains sous toutes ses formes et grâce à ses nombreux valets dans notre pays, était seule en lice avec, pour tout adversaire, une propagande larmoyante, défaitiste et démobilisatrice.   

De défilés en cortèges, de cortèges en promenades de pétitions en signatures, d’appels à verser quelques larmes et quelques pull-overs en pleurnicheries honteuses tendant à fairte passer le peuple vietnamien héroïque et combattant pour un peuple martyr, un « pauvre » peuple ne survivant aux coups furieux de l’invincible machine de guerre U.S que par le « miracle » d’on ne sait quel stoïcisme asiatique et de l’aide matérielle de pays amis ; de protestations chevrotantes contre l’agression en bêlements apeurés en faveur de la paix, de n’importe quelle paix, de la paix à tout prix : américaine, divine ou négociée, pourvu que ce soit une paix, bref : de mal en pis, la lutte anti-impérialiste, le soutien politique au peuple vietnamien, avant-garde des peuples en lutte pour leur libération, sombrait dans un marais de confusion, de falsification et de démobilisation où tous ceux qui, spontanément, voulaient apporter leurs forces dans un combat véritablement anti-impérialiste, pour le soutien réel aux peuples opprimés ne trouvaient qu’écoeurement et lassitude.   

Nous n’avons pas à mâcher nos mots. Face à un problème aussi fondamental, aussi grave que la lutte anti-impérialiste, il est absolument nécessaire de rejeter la compromission, de rejeter toute illusion, de lutter fermement contre toute idée, toute propagande erronées, toute personne ou organisation qui s’en fait le représentant attitré.  

Nous considérons que la faillite devant laquelle se trouvait, à l’époque de la création des Comités Vietnam de Base la lutte anti-impérialiste, est à imputer non au peuple français, mais à ceux qui, censés orienter correctement ses aspirations, à le mobiliser pour un juste et important combat, ont failli à leurs tâches et l’ont au contraire conduit au bord de l’indifférence, désemparé, démobilisé.   

En 1966, la décomposition idéologique et politique de la solidarité du peuple français et des peuples révolutionnaires était telle que s’étaient mises à fleurir des organisations sans principes telles que le Comité Vietnam National, capables d’utiliser uniquement à des fins politiques obscures le désarroi et l’inquiétude des nombreux anti-impérialistes de la jeunesse intellectuelle.  

Pris entre le fatras pacifiste et démobilisateur du Mouvement pour la Paix et du PCF d’une part et les élucubrations des révolutionnaires petits-bourgeois du Comité Vietnam National d’autre part, le peuple français, tous les anti-impérialistes flottaient dans l’incertitude.   

Mais si en France la situation de la lutte anti-impérialiste était sur une mauvaise pente, en même temps ce lent écroulement, joint au développement victorieux de la guerre du peuple au Vietnam et à la sympathie profonde du peuple français pour le peuple vietnamien, créait les conditions favorables à la renaissance de la lutte anti-impérialiste, de soutien politique aux peuples opprimés.   

Tel était le double aspect de la situation en France, qui a conduit à la création des Comités Vietnam de Base : d’une part les conditions défavorables provoquées par l’inexistence de lutte anti-impérialistes de masse, d’autre part les conditions favorables déterminées principalement par les victoires éclatantes du peuple vietnamien et ensuite par la sympathie que ce peuple rencontrait dans le peuple français, chose absolument normale.   

Cela, c’était la situation objective, de ces deux aspects de la contradiction entre l’inexistence de lutte anti-impérialiste de soutien aux peuples opprimés d’une part et le développement de la guerre du peuple d’autre part, c’est le second aspect qui est déterminant ; ce qui a permis la création, puis l’édification de la force politique que nous sommes devenus, c’est principalement le développement éclatant de la guerre du peuple, la guerre du peuple vietnamien en premier lieu.   

Dans son principe, la base politique de notre mouvement est la conséquence de la situation créée par les victoires remportées par le peuple vietnamien sur l’impérialisme agresseur.  

Le fondement politique de notre action c’est la solidarité totale, le soutien absolu aux principes politiques, aux objectifs et aux méthodes de lutte du peuple vietnamien, tels qu’ils sont exprimés en particulier dans les Cinq Points du Front National de Libération du Sud Vietnam, dans les Quatre Points de la République Démocratique du Vietnam, dans le Programme Politique du Front National de Libération.   

En accord avec le peuple vietnamien, nous pensons qu’effectivement, le « saboteur des Accords de Genève, le fauteur de guerre, l’agresseur grossier et brutal, l’ennemi juré du peuple vietnamien, c’est l’impérialisme yankee. »   
En accord avec le peuple vietnamien, nous pensons qu’en menant la guerre du peuple, en réalisant l’unité de tous le patriotes vietnamiens résolus à chasser l’agresseur, en appliquant fermement le principe de compter sur ses propres forces tout en travaillant à gagner l’approbation, le soutien et l’aide des peuples du monde, le peuple vietnamien montre à tous les peuples du monde la seule voie correcte pour vaincre l’impérialisme.   

En accord avec le peuple vietnamien, nous pensons qu’il est à l’avant-garde des luttes révolutionnaires nationales et démocratiques des peuples contre l’impérialisme et le néo-colonialisme et que les victoires qu’il remporte sont autant de victoires pour l’ensemble des peuples du monde.   

En accord avec le peuple vietnamien, nous pensons qu’en opposant la violence armée, la guerre révolutionnaire à la violence contre-révolutionnaire, la guerre d’agression yankee, il montre la voie correcte à tous les peuples du monde.   

Sur chacun des points fondamentaux des positions politiques du peuple vietnamien, nous avons été dès le début de notre action et nous restons invariablement d’accord avec lui pour fonder tout notre travail sur la popularisation des principes fondamentaux et des méthodes de lutte du peuple vietnamien.   

Nous avons toujours placé au premier plan notre confiance en la victoire finale du peuple vietnamien, notre mot d’ordre fondamental : FNL VAINCRA l’exprime clairement.  

Nous avons toujours mis au premier plan en accord complet avec le peuple vietnamien, que ce qui est décisif dans la guerre du peuple, c’est l’homme et non le matériel, et que les victoires du peuple vietnamien ne s’expliquent ni par des considérations géographiques ou raciales, ni par des considérations fallacieuses sur l’aide des pays amis, mais principalement par le fait que le peuple vietnamien, en menant la guerre du peuple libère la force invincible, l’initiative créatrice inépuisable du peuple.   

En accord absolu avec le peuple vietnamien nous avons toujours déclaré que le soutien essentiel, c’est le soutien politique. Naturellement les contributions en armes, médicaments, matériels de tous ordres sont une arme infiniment précieuse.  

Mais ce qui est essentiel, c’est l’assentiment, le soutien politique à se juste cause, à ses positions politiques entièrement correctes que nous apportons.   

En accord avec le peuple vietnamien, nous pensons que soutenir politiquement son combat, c’est isoler l’impérialisme américain en combattant résolument ses formes de propagande mensongère, en combattant résolument les formes de propagande qui font, consciemment ou non le jeu de ces formes de propagande mensongère.   

Ces points constituent les positions politiques inébranlables sur lesquelles reposent tout notre travail. Au sens plein du terme notre mouvement est un mouvement de solidarisation totale avec la guerre du peuple vietnamien..   

Ainsi, dans son principe, notre action anti-impérialiste de soutien à la guerre du peuple vietnamien est clairement définie. Le peuple vietnamien définit lui-même sa lutte comme une lutte anti-impérialiste, il définit sa place dans la lutte des peuples opprimés comme celle de l’avant-garde, celle du combattant de choc. Le peuple vietnamien est aux avant-postes de la lutte nationale et démocratique des peuples opprimés contre l’impérialisme, contre l’impérialisme américain en tout premier lieu.   

C’est pourquoi notre soutien à la lutte du peuple vietnamien est par nature une lutte anti-impérialiste, avec nécessairement comme cible l’impérialisme U.S, chef de file de l’impérialisme mondial.   

Inversement notre lutte anti-impérialiste consiste avant tout à apporter aux peuples opprimés par l’impérialisme le soutien politique tel qu’il est défini par ces peuples eux-mêmes.  

En premier lieu, le caractère de fer de lance des luttes anti-impérialistes du peuple vietnamien nous impose d’accorder la place prépondérante au soutien aux luttes du peuple vietnamien.  

En second lieu, l’exemple du peuple vietnamien étant repris, nous apportons notre solidarité aux autres peuples engagés, à des niveaux de développement divers, dans la même voie révolutionnaire, en particulier au peuple lao, proche compagnon d’armes du peuple vietnamien, qui en est à la troisième étape de sa guerre populaire : la contre-offensive stratégique.

En tous points la guerre du peuple lao est une guerre de tout le peuple contre l’agresseur yankee, elle met en oeuvre les mêmes principes fondamentaux avec des formes d’application tout aussi créatrices que celles du peuples vietnamien.   

C’est pourquoi il est de notre devoir de briser le silence avec lequel la propagande impérialiste essaie d’isoler la lutte du peuple lao.   

En définitive, non seulement il n’y a aucune contradiction à qualifier notre mouvement d’une part comme mouvement anti-impérialiste, d’autre part comme mouvement de soutien aux luttes des peuples contre l’impérialisme, mais c’est en plus une chose nécessaire. Lutte anti-impérialiste, soutien aux peuples opprimés, avec à leur tête les peuples vietnamien et lao, c’est une seule et même lutte vue sous deux aspects complémentaires.   

Voici donc rappelés brièvement le sens profond, la logique et les grands axes de notre action anti-impérialiste de soutien aux peuples opprimés. Voyons maintenant notre mouvement lui-même.  

A l’heure de notre premier congrès, il n’est pas inutile de revenir sur ce que nous avons fait afin d’être mieux préparés encore aux tâches qui nous attendent.   

Style de masse et Comités de base, armes fondamentales de l’unité de tous les anti-impérialistes.   

Le développement de notre mouvement est rapide. Sur le plan de la quantité, c’est-à-dire de l’augmentation de nos effectifs militants, de l’augmentation du nombre des comités, le bilan que nous pouvons tirer aujourd’hui est entièrement positif : de quelques dizaines de militants et d’un petit nombre de comités que nous étions il y a seulement un an et demi, nous sommes passés à plus de 120 comités dans la région parisienne, à plus de 150 en province.   

Cependant pour avoir une idée correcte de notre développement réel, nous devons examiner avant tout les aspects qualitatifs, c’est-à-dire la valeur politique de notre travail. Notre développement en quantité est entièrement positif, c’est un fait incontestable, mais ce n’est pas décisif, ce qui est décisif, c’est notre évolution qualitative, c’est l’influence politique de notre travail sur les luttes anti-impérialistes en France, l’amélioration dans la réalisation de nos objectifs politiques, dans nos méthodes de travail.   

Premièrement : au niveau de nos actions centrales, plusieurs événements peuvent servir de points de repère à notre évolution.   

Le premier en date de ces points de repère, c’est le meeting public du 20 décembre 1967, que les Comités Vietnam de Base ont organisé dans la grande salle de la Mutualité pour fêter le 7è anniversaire du glorieux Front National de Libération du Sud-Vietnam.  

Nous avons pu tenir des meetings jusqu’ici mais de caractère semi-public seulement. Chaque comité amenait ses sympathisants, c’était surtout des manifestations militantes par lesquelles nous affirmions notre cohésion, par lesquelles nous prenions conscience de notre force grandissante.   

En ce sens, le meeting public du 20 décembre sanctionnait un changement : nous n’étions plus à nous compter mais nous nous adressions directement aux masses de notre pays.  

Sans aucun effet publicitaire, sans aucune des « têtes d’affiches » habituelles, sans aucune personnalité « du monde des lettres et des arts », sans aucune de ces pratiques démagogiques dont sont malheureusement devenues friandes les organisations françaises, en comptant exclusivement sur la force de notre ligne politique, sur la sympathie rencontrée dans le peuple français par le combat du peuple vietnamien, en ne comptant que sur notre propre travail de propagande, nous avons en rencontrant un grand succès, prouvé que nous étions une force importante de la solidarité avec le peuple vietnamien.   

De plus, étant les seuls à fêter d’une façon politiquement correcte et par des méthodes d’action de masse, le 7è anniversaire du seul représentant authentique du peuple vietnamien du Sud-Vietnam, nous n’avons pas seulement montré que nous étions une force politique importante, nous avons surtout montré que les Comités Vietnam de Base sont la force la plus fermement résolue dans la tâche de solidarité avec le peuple vietnamien.   

Le 7 février, nous avons encore fait un pas en avant décisif bien que nous n’ayons pas su utiliser pleinement les conditions extrêmement favorables créées par les débuts de la foudroyante offensive généralisée de la population sud-vietnamienne.  

Malgré nos insuffisances nous avons pris cette fois la tête de la lutte contre la propagande U.S incarnée par les pro-américains de tous poils de notre pays : néo-nazis et autres fascistes, ex-kollabos et vychissois regroupés dans une tentative de justification publique des crimes de guerre des impérialistes yankees et de leurs marionnettes saïgonnaises.   

Le 7 février, en effet, à l’appel des Comités Veitnam de Base et d’eux seuls, et malgré les manoeuvres d’autres organisations beaucoup plus soucieuses de leur susceptibilité que de répondre fermement aux provocations des propagandistes pro-yankee la voix des impérialistes, la voix des vrais amis des peuples opprimés a couvert la voix des marionnettes françaises de Washington.  

Les supporters de l’agression U.S n’ont pu tenir leur meeting, ils n’ont pu que se serrer la main entre eux, protégés par une mobilisation de gardes mobiles et de CRS comme on n’en avait pas vu en France depuis longtemps.   

Enfin, ces temps derniers, alors que de nombreuses organisations, à l’exemple du PCF emboîtaient le pas à l’escroquerie politique, à la prime à l’agression constituée par la campagne « du riz pour les enfants laotiens », nous avons cette fois encore été les seuls à détenir la capacité politique de déclencher une campagne de dénonciation de cette honteuse manoeuvre.  

Nous avons dénoncé l’intervention de la marionnette Souvana Phouma, nous avons dénoncé le silence soigneusement gardé sur l’agression américaine contre le peuple lao, perpétrée comme au Vietnam suivant la tactique de la guerre néo-coloniale.  

Nous restons manifestement les seuls à populariser la guerre du peuple lao contre l’agresseur impérialiste. Notre riposte a prouvé notre capacité définitive à répondre désormais à toutes les formes de propagande en faveur des crimes impérialistes même lorsque cette propagande jouit de l’appui du gouvernement français et de moyens énormes tels que la télévision, la radio et la presse dite d’information.   

Au total, ces divers points de repère, les plus significatifs et non les seuls montrent la progression constant de notre capacité d’initiative politique, la profonde justesse de notre ligne politique et le fait que le développement inéluctable des guerres révolutionnaires de tous les peuples opprimés renforcent inéluctablement nos possibilités d’action.   

Deuxièmement : la progression significative de notre force lorsque nous concentrons nos efforts n’est pas le seul facteur pour mesurer l’accroissement de la valeur politique de notre mouvement. En effet, dans le cadre de notre travail de propagande à la base, nous avons fait de grands progrès.  

Dans un certain sens, c’est même ce travail à la base qui est le plus important.  

C’est le travail à la base qui conditionne notre propagande centrale.   

Ces deux derniers mois en particulier, nous avons rectifié et parfois modifié de fond en comble nos méthodes de popularisation de la guerre du peuple, nos méthodes de propagande contre l’agression impérialiste.  

A la lumière de notre ligne politique d’une part, à la lumière des riches expériences accumulées dans notre travail militant, nous avons peu à peu précisé le contenu de notre propagande, et surtout nous l’avons peu à peu orienté plus directement vers les masses de notre pays.  

C’est en ce sens qu’il faut interpréter les changements décisifs intervenus dans notre journal « Victoire pour le Vietnam ».  

C’est en ce sens qu’il faut interpréter l’amélioration de notre système de propagande, de nos méthodes de diffusion à la base, principalement.   

Les problèmes de la propagande renvoient à un problème fondamental, celui du mouvement de masses. Nous avons toujours défini pour notre mouvement la nécessité d’être un mouvement de masses.  

Ces derniers mois nous ont permis de préciser notre travail pour remplir cet objectif.   

C’est en effet un fait que, en fonction des conditions objectives qui ont présidé à la naissance de notre mouvement, la base sociale des comités est encore petite-bourgeoise pour l’essentiel. La question de notre base sociale est une question importante. Nous ne devons ni la traiter à la légère, ni en faire une montagne métaphysique infranchissable.  

Notre base sociale, ce n’est ni un drame ni une fatalité, c’est simplement un fait objectif dont nous connaissons les raisons.  

Le problème n’est pas pour nous de nous lamenter sur ce fait, mais bien plutôt, en ne ménageant pas nos efforts ni notre esprit d’initiative, de changer peu à peu la base sociale de notre mouvement.   

Cela, c’est une raison supplémentaire qui nous a conduit peu à peu à orienter résolument notre propagande vers les travailleurs. C’est à eux, d’abord, que nous nous adressons.  

C’est au service de la solidarité des travailleurs, du peuple français avec les travailleurs, le peuple vietnamien que nous militons. C’est désormais une chose claire ; c’est pourquoi il est bon de le rappeler ici :   

1)      que les comités comportant des ouvriers sont de plus en plus nombreux   

2)      que l’amélioration ininterrompue de notre travail de propagande entoure chaque comité d’une zone d’influence de plus en plus profonde parmi les travailleurs   

  3)      que le problème n’est pas tant celui d’organiser les travailleurs dans les comités de base qui existent déjà que d’aider les travailleurs touchés par notre propagande à organiser eux-mêmes des comités de base fondés sur la ligne politique correcte qui est la nôtre, avec des formes spécifiques relevant nécessairement du travail à la base.   

Nous devons nous garder des points de vue unilatéraux. Notre base sociale est un fait, et non un problème de fond. Ce n’est pas notre base sociale actuelle, par ailleurs en transformation, qui détermine notre travail.  

Elle n’est que l’une des conditions objectives parmi toutes celles que nous devons maîtriser pour regrouper sur une base politique invariable tous les anti-impérialistes de notre pays.   

Naturellement certains défauts, particulièrement les tendances à l’irrésolution, aux points de vue métaphysiques, aux discussions trop longues où l’on rivalise quelquefois d’agilité à couper les cheveux en quatre proviennent de notre base sociale.  

Mais l’expérience a clairement montré que tous ces défauts sont surmontables et qu’au fur et à mesure nous les éliminons. La transformation de notre base sociale est un processus prolongé : il est vain à ce propos de se laisser aller à une impatience ou à un désespoir parfaitement injustifiés.   

Notre propagande est la seule méthode correcte de résolution de ce problème. La seule façon de résoudre ce problème, c’est de concentrer nos efforts afin de continuer à développer notre propagande à la base qui nous rapproche constamment des masses de notre pays. Nous avons accompli de grands progrès dans cette voie : continuons, plus résolument encore.  

L’expérience de certains comités montre que pour peu que l’on s’y mette vraiment, les résultats sont extrêmement positifs.   

Nous avons vu deux des trois armes principales de notre mouvement : la ligne politique et une propagande résolument tournée vers les plus larges masses de notre pays.   

Il nous reste à parler de la troisième arme de notre mouvement : le comité de base.   

Nous commettons souvent l’erreur de considérer le comité de base comme une petite organisation semblable aux autres avec seulement des positions plus conséquentes.  

En fait, le CVB est une forme d’unité réalisée.  

La ligne politique des Comités Vietnam de Base et leurs méthodes de travail sont non seulement une forme d’unité mais la seule forme d’unité réelle politiquement juste qui soit possible.  

Il n’y a pas juxtaposition de diverses lignes politiques dont il faut faire un amalgame pour que l’unité soit réalisée. Non : la seule forme du comité vietnam de base constitue l’unité réalisée sur une ligne politique unitaire claire et juste.   

C’est pourquoi, réaliser l’unité, lutter de façon conséquente pour l’unité, ce n’est pas mener des discussions de compromis entre les organisations mettant en oeuvre une ligne de faux soutien et le mouvement des Comités Vietnam de Base.  

L’unité de tous les anti-impérialistes pour laquelle nous luttons se confond avec le développement et la multiplication des Comités Vietnam de Base organisant un travail de propagande directement orienté vers les plus larges masses et s’appuyant sur une ligne politique unitaire qui est la nôtre.   

L’unité des anti-impérialistes ne peut être et ne sera jamais le mélange d’un peu de CNA [Comité National d’Action, philo-révisionniste] plus d’un peu de CVN [Comité Vietnam National, philo-trotskyste] plus d’un peu de CVB plus d’un peu de n’importe quoi, l’unité des anti-impérialistes est réalisée dans chacun des comités Vietnam de base existant, indépendamment des autres organisations, politiques, religieuses ou autres à laquelle chacun de nous est libre d’appartenir par ailleurs.   

Un comité de base du mouvement, c’est l’unité de divers anti-impérialistes réalisée politiquement et organisationnellement.

L’unité des anti-impérialistes, ce n’est rien d’autre que le multiplication des comités Vietnam de base, que le développement de notre mouvement. Lutter pour l’unité des anti-impérialistes, ce n’est rien d’autre que développer notre travail de propagande, c’est-à-dire populariser la guerre du peuple, ses principes fondamentaux et les leçons universelles qu’elle comporte. C’est une chose importante qu’il est bon de préciser de temps en temps.   

Camarades !   

Aujourd’hui, 31 mars 1968, nous nous sommes réunis pour l’assemblée plénière du premier congrès des comités Vietnam de base.

Après un an et demi de travail militant, après un an et demi de soutien résolu à la juste lutte du peuple vietnamien, nous sanctionnons le développement de notre mouvement.  

Aujourd’hui, nous nous constituons officiellement en mouvement, c’est une chose importante.   

Cependant, là n’est pas l’essentiel. Constituer officiellement un mouvement, n’importe qui peut le faire.  

L’essentiel, c’est que notre mouvement est un mouvement réel et que c’est son développement réel que nous officialisons aujourd’hui.   

Comme toutes nos réunions centrales, notre congrès nous permet de discuter des principaux problèmes de l’heure, de confronter nos expériences.  

Il permet de mettre au poste de commandement de notre mouvement le point de vue d’ensemble.  

Tous les problèmes discutés hier en commissions concernent l’ensemble des militants. L’unité sur chacun des points politiques importants sortira renforcée de notre premier congrès.   

L’unité politique, c’est l’une des choses qui nous rendent forts ; nous renforçons sans cesse notre unité dans la lutte idéologique, dans la confrontation avec l’action de masses.  

Dans ce domaine aussi nous avons fait de grands progrès.   

Par exemple, lors de la constitution du « Comité National d’Action pour le soutien et la victoire du peuple vietnamien », la confiance de certains de nous s’est trouvée ébranlée, d’autres se sont un instant laissés tromper par la tactique politique de « la poudre aux yeux » qui tient lieu de ligne politique au PCF par rapport à la lutte anti-impérialiste.  

Mais aujourd’hui qu’un peu d’eau a coulé sous les ponts, nous voyons que les choses ne sont pas dans la pratique telles que les dirigeants du « Comité National d’Action » parviennent encore à faire croire à un grand nombre d’amis sincères du peuple vietnamien.   

Sans cesse la réalité confirme nos analyses et renforce les conditions favorables à notre travail, c’est à nous de savoir les utiliser au profit de la lutte anti-impérialiste.  

Après chaque épreuve ou expérience, la santé de notre mouvement apparaît plus éclatante.  

Après chaque épreuve, notre unité en sort grandie et renforcée, plus solide et plus consciente. C’est encore une des raisons profondes de notre développement, l’un des facteurs déterminants pour notre progression.   

Souvenons nous enfin que ce congrès comme tout ce que nous faisons est placé sous le signe des guerres révolutionnaires menées contre l’impérialisme par les peuples opprimés.  

Souvenons nous de ce qui est, en dernière analyse déterminant, ce sont les victoires éclatantes remportées par le peuple vietnamien, les victoires éclatantes remportées par le peuple lao. Notre congrès, c’est en un certain sens, c’est avant tout le salut du peuple français à l’avant-garde héroïque du combat pour la libération de tous les peuples du monde.   

VIVE LE PEUPLE VIETNAMIEN
VIVE LE PEUPLE LAO  
VIVE LA SOLIDARITE DES PEUPLES CONTRE L’IMPERIALISME  
VIVE LA VICTORIEUSE GUERRE DU PEUPLE 

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UJC (ml) : Indépendance pour la Guadeloupe (1968)

[Mars 1968.]

Le procès machiné par l’état impérialiste français contre les patriotes guadeloupéens s’est rapidement transformé en tribune d’accusation du pouvoir colonial et de ses complices.

Au sein même de la Cour de Sûreté de l’Etat, la lutte aiguë entre la ligne révolutionnaire d’indépendance nationale et la revendication traîtresse des révisionnistes d’autonomie a été mise en relief de façon saisissante. Le pouvoir colonial et les révisionnistes sont bien d’accord sur une chose : le maintien des « liens » entre la France et la Guadeloupe. C’est cette thèse dont le procès a fait justice !

A QUI PROFITENT LES LIENS ENTRE LA FRANCE ET LA GUADELOUPE ?

L’impérialisme français parle d’aide désintéessée à la Guadeloupe. En fait les liens entre la France et la Guadeloupe sont les liens qui unissent le voleur à sa victime !

Nous pouvons affirmer, écrit le GONG dans son rapport économique de février 1965, que « la France a volé par le seul truchement de la balance commerciale 18 milliards 548 millions 720.000 Anciens Francs.

Si nous déduisons de ce chiffre le montant de l’aide qu’elle prétend nous fournir (soit 10 milliards) nous pouvons conclure que c’est la Guadeloupe qui chaque année fournit à la France UNE AIDE s’élevant pour 1964 dans le seul domaine du commerce à plus de 8 milliards! »

Le pouvoir colonial et les révisionnistes font grand bruit de la faible superficie du pays, de son faible développement, du risque de voir la Guadeloupe tomber sous la coupe de l’impérialisme américain.

Mais QUI empêche par tous les moyens le développement équilibré de la Guadeloupe?

N’est-ce pas précisément la politique de pillage et de banditisme, le système de misère et d’opression de l’impérialisme français?

Ruiner pendant des siècles un pays, et s’écrier ensuite d’un air tartuffe que ce pays est « trop pauvre » pour être abandonné à lui- même (et continuer à l’appauvrir systématiquement) voila ce que signifient les clameurs larmoyantes sur « le cercle vicieux du sous- développement ».

Les révolutionnaires guadeloupéens savent, eux, que la solution des problèmes économiques de la Guadeloupe est dans la libération de l’énergie créatrice des masses populaires, ce qui passe par la rupture avec toute forme de dépendance extérieure.

LE PEUPLE GUADELOUPÉEN DOIT-IL SUBORDONNER SA LUTTE CONTRE L’IMPERIALISME FRANÇAIS A LA LUTTE DU PEUPLE DE FRANCE?

A l’occasion des élections législatives de mars 1967, le P.C.G. a clairement montré comment il répondait à cette question. Au mépris de ses précédentes déclarations, il a décidé de présenter ses candidats alors que le GONG menait campagne pour l’abstention révolutionnaire.

Quel est l’explication de cette nouvelle trahison du P.C.G. ? Le P.C.G., fidèle instrument du P.C.F., a prétendu que la meilleure manière de lutter contre l’impérialisme français en Guadeloupe était de renforcer le courant « démocratique » en France et en particulier au Parlement!

L’ennemi direct du peuple français et du peuple guadeloupéen est le capitalisme impérialiste français; mais, peut-on en déduire qu’il y a rapport de subordination entre l’une et l’autre lutte? Absolument pas.

Les peuples d’Indochine et d’Algérie devaient-ils attendre que la classe ouvrière et ses alliés aient pris le pouvoir en France pour mener à bien leur lutte de libération nationale?

L’Histoire a montré que cela aurait été une pure et simple trahison. Sous prétexte qu’une France « démocratique » créerait des « conditions favorables » à la lutte de ces peuples, le P.C.F. cherche à en faire des forces d’appoint pour sa politique électoraliste en France.

C’est ainsi que depuis de nombreuses années, le P.C.F. s’est comporté en « suzerain » à l’égard des partis « vassaux » qu’était le P.C.A., que sont le P.C.G., le P.C.M. etc…

Une telle politique n’est en tait que le reflet du rapport de domination entre la «métropole» et ses colonies, une politique social-chauvine.

Le P.C.A. a été balayé par la lutte des masses algériennes pour l’indépendance; le P.C.G. est aujourd’hui démasqué par le peuple guadeloupéen comme complice de l’impérialisme français.

QUELLE POLITIQUE SERVENT LES REVISIONNISTES ?

De toute façons, disent les révisionnistes, le mot d’ordre d’indépendance nationale pour la Guadeloupe ne correspond pas encore à l’état de prise de conscience des masses, c’est pourquoi nous luttons pour l’autonomie.

Cette affirmation est démentie par les faits. Malgré les énormes moyens de pression dont dispose le colonialisme français, malgré les manoeuvres de division du P.C.G., la juste politique d’abstention préconisée par le GONG a reçu une approbation massive en mars 1967 puisque plus de 53% des électeurs ont refusé de participer à la force électorale.

Lorsque le P.C.G. et le P.C.F. reprennent les affirmations de Billotte prétendant que les luttes populaires de Basse Terre et de Pointe à Pitre et la répression sanglante qui a suivi sont le fait d’une poignée d’agitateurs gauchistes, de provocateurs etc… (accusation que l’Accusation elle-même au procès a été obligée d’abandonner) quels intérêt, servent-ils, sinon ceux du pouvoir colonial ?

LA LIGNE REVOLUTIONNAIRE TRIOMPHERA!

Le procès des 18 patriotes guadeloupéens devait décapiter le GONG et l’isoler en lançant sur lui l’anathème du «séparatisme».

En fait, la situation s’est retournée a cours du procès : l’accusé, c’est le colonialisme français, les témoins ce sont les prévenus, et le juge, les peuples de Gaudeloupe et de France.

C’est ce qu’était obligé de reconnaître le journal « Le Monde » dans son commentaire du 24 février.

« Au dossier de l’accusation qu’ils ne veulent pas connaître, les inculpés opposent le leur ».

De plus, ce procès a considérablement éclairé la lutte entre les deux lignes en montran que seuls ceux qui se réclament du mot d’ordre d’indépendance nationale font peur au Pouvoir colonial : on comprend que les révisionnistes français soient « gênés » et que, la place qu’ils accordent dans l’Humanité à ce procès d’une importance historique soit si mince (d’ailleurs l’Humanité Dimanche du 26 février 1968 n’en a pas souffle mot!).

En fait, la cause est entendue le peuple guadeloupéen renforcera son unité autour du mot d’ordre d’Indépendance Nationale, prendra pour arme la pensée de Mao Zedong et balaiera l’impérialisme français et ses complices révisionnistes.

Les marxistes-léninistes français à la faveur du procès des patriotes multiplieront les intiatives pour expliquer au peuple de France la nature sanguinaire de l’impérialisme français et la lutte du peuple guadeloupéen pour son indépendance, ils organiseront partout où ils se trouvent une propagande systématique sur cette question.

LIBEREZ LES PATRIOTES
HORS DE GUADELOUPE L’AGRESSEUR FRANÇAIS
LE PEUPLE GUADELOUPÉEN VAINCRA!        

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UJC (ml) : Sur les groupes d’établissement (1968)

Première partie.

Un important mouvement a été déclenché dans l’U. J. C. : des militants marxistes-léninistes se constituent en groupes d’établissement et vont parmi les niasses populaires, vivre parmi elles et travailler à la production.

La tâche principale qui nous incombe actuellement est de développer et d’affermir ce mouvement, d’unifier son orientation, son style de travail, son organisation.

Pour ce faire, nous avons avant tout besoin de saisir correctement les tâches politiques de ce mouvement, telles qu’elles découlent de la réalité concrète de la lutte des classes en France.

Des étudiants et des militants marxistes-léninistes non ouvriers vont dans les usines de façon organisée.

Que vont-ils y faire? Quel est leur but? Quelles sont les limites de leur travail? En quoi cela constitue-t-il une étape nécessaire du développement du mouvement marxiste-léniniste en France, de l’édification du Parti Communiste ?

Telles sont les questions auxquelles nous devons répondre. Pour l’essentiel, la réponse à ces questions tient en une phrase: l’objectif politique des groupes d’établissement est de créer parmi les ouvriers eux-mêmes, les noyaux dirigeants des luttes révolutionnaires marxistes-léninistes, le noyau dirigeant du mouvement marxiste-léniniste.

Autrement dit, le mouvement des groupes d’établissement est une réponse concrète que nous apportons actuellement en France au problème universel que pose et qu’a posé partout la naissance d’une avant-garde politique du prolétariat : le problème de la fusion du marxisme révolutionnaire et du mouvement ouvrier.
Les idées et théories révolutionnaires les plus avancées pénètrent à grande échelle d’abord dans les étudiants et parmi les jeunes intellectuels.

C’est là une loi du développement historique, qui se vérifie en France comme partout ailleurs.

Mais les étudiants et les jeunes intellectuels ne peuvent être la force dirigeante de la révolution, même lorsqu’un certain nombre d’entre eux se lient aux masses et transforment leur point de vue.

Seule la classe ouvrière est suffisamment puissante et vigoureuse pour prendre en main le destin de la révolution.

Il incombe par conséquent aux jeunes intellectuels révolutionnaires de jouer le rôle d’intermédiaires, pour faire pénétrer les idées d’avant-garde dans la classe ouvrière, principalement parmi les éléments les plus combatifs du prolétariat, qui doivent constituer la force motrice de la révolution.

Nous verrons plus loin pourquoi il est actuellement nécessaire, afin de remplir cette tâche, que les jeunes intellectuels entrent à la production.

En France, à notre époque, quelles sont ces idées révolutionnaires avancées qui ont d’abord pénétré d’une façon relativement plus large parmi les étudiants et les jeunes intellectuels?

Ce sont les idées de la ligne de masse, de la stratégie et de la tactique de la guerre populaire, du développement du processus révolutionnaire ininterrompu et par étapes, l’idéologie communiste de  » Servir le Peuple  » et de se mettre à l’école des masses, le style de travail consistant à pratiquer l’autocritique et à se soumettre à la critique des masses…

Bref, c’est la pensée de Mao Tsé Toung, dont la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne a stimulé une diffusion toute nouvelle et une compréhension beaucoup plus profonde.

Que l’avant-garde prolétarienne s’assimile cette idéologie et cette pratique, qu’elle s’unisse encore plus étroitement qu’elle ne peut le faire spontanément avec la masse ouvrière et le peuple, qu’elle maîtrise l’essence de la stratégie et de la tactique révolutionnaire du prolétariat, et la révolution connaîtra en France un nouvel essor.

Mais qu’entendons-nous par  » avant-garde prolétarienne  » ? Comment se peut-il qu’il y ait encore, disons un divorce, entre l’avant-garde du mouvement ouvrier d’une part, les idées d’avant-garde du prolétariat (la pensée de Mao) de l’autre ? Et surtout comment parvenir à la fusion des deux ?

Il existe dans la classe ouvrière française des éléments avancés. Ce sont des ouvriers, qui, par leur position de classe ferme, la justesse de leur tactique dans les luttes contre le patronat, l’application spontanée qu’ils font de la ligne de masse, ont gagné la confiance de leurs camarades de travail et se sont dégagés comme éléments dirigeants des mouvements de masse dans l’usine.

Ces ouvriers sont des cadres que les masses se sont donnés elles-mêmes, ils constituent l’avant-garde de fait du mouvement ouvrier ; dans les grèves, les manifestations, dans toutes les luttes ouvrières, leur rôle est décisif.

A l’heure actuelle, pour nous, -reconnaître le rôle dirigeant du prolétariat dans la révolution, c’est travailler effectivement à faire naître les noyaux d’ouvriers avancés armés de la pensée de Mao Tsé Toung qui dirigeront le mouvement. . . .

Mener le travail au sein des masses en un lieu donné sans concentrer ses efforts sur la création d’un noyau dirigeant marxiste-léniniste ouvrier, c’est nier dans les faits le rôle dirigeant du prolétariat dans la révolution.

Tant qu’un tel noyau n’existe pas, aucun progrès n’est possible dans le travail de masse.

Quelles tâches découlent pour les groupes d’établissement de cette orientation générale?

Premièrement, il est nécessaire que chaque groupe d’établissement mette rapidement à l’ordre du jour de son travail la formation d’un petit noyau d’ouvriers avancés gagnés au marxisme-léninisme, de diffusion de la pensée de Mao, d’explication de notre ligne politique, d’étude de notre presse, d’élaboration de la tactique marxiste-léniniste dans le mouvement ouvrier.

Le but des groupes d’établissement, doit être de se transformer rapidement en groupes de travail communistes où les ouvriers joueront un rôle dirigeant.

Pour ce qui est des noyaux ouvriers, le mieux est de constituer des petites fractions clandestines syndicales qui auront les moyens d’appliquer une ligne de niasse dans les entreprises, et de montrer par la pratique aux travailleurs la juste voie de la lutte de classe, tout en démasquant progressivement les révisionnistes.

Notre tactique est de constituer parmi les ouvriers avancés les plus actifs dans l’organisation des luttes et le travail syndical, des noyaux marxistes-léninistes clandestins.
Cela signifie que nous rejetons comme erronée un certain nombre de lignes qui s’écarteraient de cette tactique :

1° La ligne opportuniste de gauche, qui consisterait à nous lancer (nous-mêmes une fois entrés à la production, ou avec une poignée d’ouvriers marxistes-léninistes) dans une propagande marxiste-léniniste ouverte dans la classe ouvrière;

engager une telle action avant d’avoir accumulé des forces suffisantes, d’avoir concrètement démontré à la masse quelle est la ligne de travail correcte en systématisant ses propres idées et ses propres aspirations, d’avoir concrètement démasqué la poignée de révisionnistes dirigeants, ce serait à coup sûr nous couper des masses, diviser le syndicat et nous interdire tout moyen d’action dans la lutte de classe contre le patronat.

2° La ligne opportuniste de  » droite  » qui consisterait à mener par nous-mêmes, sans associer complètement un noyau ouvrier, même très restreint, à notre travail et à notre tactique, une  » ligne de masse à pas de tortue « , consistant à faire pénétrer par bribes des éléments limités de conscience politique dans la masse ouvrière.

Que résulte-t-il de ce qui précède sur le plan des formes organisationnelles ?

Que la forme des  » groupes d’établissement  » (étudiants et militants m.-l. allant s’établir parmi les masses et entrant à la production) est transitoire : les G. E. doivent en de brefs délais (quelques mois) se transformer en G. T. C. sur les lieux de production, dans lesquels les ouvriers gagnés au m.-l., les dirigeants et militants syndicaux, les vieux militants expérimentés ou les jeunes ouvriers actifs dans les luttes, la création d’un Syndicat, etc., jouent un rôle dirigeant.

Nous devons ensuite avoir pour objectif proche de réunir ces noyaux ouvriers en une organisation unique, l’organisation des G. T. C., élaborant une tactique unifiée dans le mouvement ouvrier et une propagande unifiée parmi les masses, contrôlant effectivement le contenu de notre presse, etc.

Pour favoriser la transformation du point de vue de nos camarades établis et la naissance de véritables organisations implantées dans les masses, il nous faut prendre des mesures précises :

1° Dégager les camarades des problèmes idéologiques et organisationnels posés dans l’U. J. C. M. L.

Il n’est pas bon que ces camarades détournent des forces importantes pour mener une lutte idéologique directe (réunions, discussions, etc.) dans l’organisation.

Pour ce qui est de la direction de l’ensemble du mouvement, c’est une question qui ne pourra être résolue de façon définitive que lorsque sera mise sur pied l’organisation des groupes ouvriers m.-l.

Dans la période de transition où nous sommes, le rôle dirigeant de la ligne des G. E. doit se concrétiser essentiellement par la participation directe et le contrôle sur la presse, le bulletin intérieur et tous les instruments de propagande, l’élaboration active de la ligne générale du mouvement et de ses textes politiques.

2° Organiser les réunions des G. E. dans un style prolétarien : discussions brèves et concrètes, soigneusement préparées et débouchant sur des mesures pratiques et des textes.

Deuxième partie : Le mouvement en faveur de l’établissement dans l’U. J. C. M. L.

La propagande dans l’U. J. C. M. L. en faveur de l’établissement doit être poursuivie.

Mais il est indispensable de mettre fin aux excès petits-bourgeois qui l’ont marquée dans la ire période.

Nous devons résolument liquider le terrorisme idéologique et le sectarisme.

1° L’établissement parmi les masses et l’entrée à la production sont des tâches politiques que doivent prendre en main un certain nombre de nos camarades à l’étape actuelle du mouvement m.-l. Ies camarades qui s’établissent ont des objectifs politiques précis :

* propager la pensée de Mao dans la classe ouvrière ;

* faire naître des noyaux ouvriers m.-l., dirigeant effectivement les luttes de classe dans les unités de production ;

* se mettre au service de ces noyaux pour définir, en commun avec eux, la tactique des m.-l. dans le mouvement ouvrier en se fondant sur les principes de la ligne de masse ;

* édifier sous la direction de ces noyaux ouvriers avancés, une pensée communiste, instrument décisif d’une propagande générale dans la classe ouvrière.

Le mouvement en faveur de l’établissement doit par conséquent prendre appui sur ces bases politiques.

Il est indispensable que les camarades qui vont s’établir aient assimilé ces bases politiques et soient armés pour les effectuer.

L’étude de la presse et des publications internes, la discussion avec des travailleurs, la réflexion sur les questions syndicales, le militantisme et le travail de propagande dans le mouvement de la jeunesse et les quartiers peuvent constituer pour ces camarades, des instruments de cette préparation.

2° La ligne petite-bourgeoise de terrorisme idéologique sur les thèmes de la révolutionnarisation de soi doit être critiquée, combattue et défaite.

Nous devons expliquer qu’il n’appartient [pas] à quelques militants parmi nous de  » transformer  » et de « révolutionnariser  » leurs camarades par des discussions en chambre, baptisées  » lutte idéologique « .

C’est par le travail politique, l’éducation politique, la lutte prolongée au sein des masses que nos camarades pourront transformer profondément leur point de vue et apprendre à servir correctement le peuple, à faire la révolution.

Pour ce qui est de la critique de notre position de classe, de notre conception du monde, nul ne peut se substituer au contrôle qu’exercent les masses elles-mêmes.

Dans l’immédiat, l’arme des militants dans la lutte idéologique à l’intérieur de l’organisation, est la discussion politique, menée faits à l’appui, à la lumière du m.-l., de la pensée de Mao.

Pour ce qui est des méthodes dans le mouvement d’établissement, nous devons à la fois METTRE LA POLITIQUE AU POSTE DE COMMANDEMENT, éviter le gaspillage des forces et les efforts désordonnés, parvenir à la plus grande efficacité possible dans l’accomplissement de nos tâches actuelles.

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UJC (ml) : A propos des perspectives d’organisation d’un détachement du prolétariat (1968)


1. Que signifie à l’étape actuelle du développement du mouvement m.-l., l’organisation d’un détachement du prolétariat ?

La situation actuelle dans son ensemble pourrait
se définir grossièrement ainsi :

– dispersion qualitative des forces m.-l.,
– extrême faiblesse de ces forces.

Ce sont :
– des ouvriers ou groupes d’ouvriers isolés ;
– des étudiants et des éléments de la petite-bourgeoisie concentrés.

Face à cette faiblesse, les forces de la contre-révolution mènent une puissante offensive contre la classe ouvrière, exploitant le désarroi créé par la trahison révisionniste.

L’idéologie révisionniste, elle, garde une puissante emprise sur la classe ouvrière, il ne faut pas la sous-estimer ; mais en contrepartie, nous savons que dans chaque usine cette oppression conjuguée de la bourgeoisie et du révisionnisme suscite des réactions, une opposition dans la classe ouvrière.

On comprend aisément que dans une telle situation tout changement qualitatif dans les luttes et organisation de la classe ouvrière revêt une grande importance pour l’ensemble du mouvement m.-l.

Que signifie ici changement qualitatif ?

Nous pensons qu’il est lié à la naissance de noyaux m.-l. appliquant de manière conséquente la ligne de masse, c’est-à-dire réussissant à ressouder une large union sur des bases m.-l. dans la classe ouvrière, en ayant pour cible de se transformer en organisation de combat pour résister victorieusement à l’ennemi de classe.

Nous pensons que de tels noyaux constitueront des bases pouvant solidement appuyer le développement du mouvement m.-l. et c’est en ce sens qu’un changement qualitatif aura été réalisé.

I^e mouvement m.-l. est encore à la recherche de ses bases prolétariennes pour appuyer son développement, bases qui devront constituer de véritables organisations de combat et qui, pour reprendre le mot de Lénine, constitueront de véritables  » embryons d’un parti révolutionnaire s’appuyant sur le mouvement ouvrier « .

Bien que les perspectives de travail soient particulièrement larges et particulièrement exaltantes, il faut reconnaître qu’en France tout reste à faire dans ce domaine.

C’est pourquoi nous pensons que partout où des perspectives d’organisation de noyaux ouvriers m.-l. s’ouvrent des confrontations d’expériences et une réflexion approfondie sur ces problèmes s’impose de manière urgente.

Pour notre part, nous avons commencé à réfléchir sur les possibilités qu’offrait le développement du noyau m.-l. existant.

Ce noyau est actuellement concentré dans une usine et mène pour l’instant le travail de propagande m.-l. parmi les larges masses de l’usine.

Plusieurs exigences sont apparues aux militants pour que l’influence de leur noyau puisse s’étendre et pour qu’il se renforce :

1. Ia nécessité d’un travail clandestin, seule condition à l’étape actuelle (ouvriers trompés par le révisionnisme, position offensive de la bourgeoisie) pour effectuer un véritable travail de masse.

Sinon les forces de la contre-révolution n’auront pas de mal à isoler les m.-l., et par là même à augmenter la division de la classe ouvrière.

2. Ia nécessité de ne pas isoler la lutte contre le révisionnisme de la lutte contre la bourgeoisie, ce qui signifie en l’occurrence de ne pas privilégier le travail de renforcement du noyau m.-l. au détriment du travail de renforcement du syndicat.

Tous les progrès qui ont été réalisés jusqu’ici dans la prise de conscience d’un certain nombre de militants de la justesse des positions m.-l. l’ont été à propos d’actions pratiques de lutte contre l’ennemi de classe :

– élimination de la direction syndicale objectivement passée sur les positions de la bourgeoisie corrélative au renforcement du syndicat ;

– dénonciation de la trahison des dirigeants départementaux à propos d’une grève victorieuse (opposés au départ à une grève longue, les révisionnistes ne firent pas écho dans la presse au mouvement de trois jours qui avait été engagé, de même ils ont aussi gardé le silence sur une manifestation des ouvriers destinée à sensibiliser largement la population à l’action menée ; enfin ils critiquèrent après coup l’opportunité de telles grèves) ;

– discussions sur la démobilisation créée par les actions  » centrales  » (13 déc., etc.).

C’est dans le renforcement de la cohésion et des positions de combat du syndicat que s’est révélée la trahison, des nouveaux militants ayant pris conscience de la trahison révisionniste par la compréhension que seules les positions m.-l. constituaient des positions de lutte fermes contre la bourgeoisie.

3. La nécessité de prendre l’initiative stratégique sur le plan local seul moyen d’acquérir une supériorité durable sur l’ennemi ; ici initiative stratégique :

– donc impulsion de nouveaux syndicats dans les usines environnantes où les forces réactionnaires sont les plus fortes ;

– perspective de coordination locale des luttes, c’est-à-dire en même temps renforcement du travail pouvant se faire au sein même du foyer ;

– impulsion d’une propagande adaptée à la situation sur le plan régional plus ou moins directement par le foyer central (plan de presse)…

Toutes ces exigences concourent à faire que pour l’instant le travail de l’organisation se traduit par la constitution d’un cercle clandestin travaillant sur la base du syndicat en étroite coordination et collaboration avec tout mouvement pouvant se développer dans les usines- de la région.

La plupart des exigences évoquées pour que le travail communiste dans notre région se développe et que le noyau ne soit pas décapité par l’ennemi vont à l’encontre des méthodes et idées développées par le M. C. F. car elles correspondent, à des tactiques fondamentalement opposées.

2. Élaborer une stratégie et une tactique adaptée au travail des communistes en France.

A. Actuellement, il faut y revenir à propos du M. C. F., les ouvriers m.-l. en France sont isolés dans un certain nombre d’usines, et ne dirigent pas encore réellement des luttes : les forces objectives et subjectives de la contre-révolution gardent l’initiative.

Face à cette situation, le M. C. F. déduit sa tactique : la première chose à faire (avant d’engager le travail permettant de rassembler les larges masses) est de tracer la ligne de démarcation entre m.-l. et révisionnistes, cette ligne prenant la forme de création organisationnelle (nouveaux syndicats, parti).

L’orga-nisation créée, il ne s’agit plus que de la consolider, la dernière étape étant l’action.

Tout peut ainsi se justifier : si actuellement en France il n’existe que des militants isolés (avec ou sans le nom de syndicat) c’est que nous ne sommes qu’à l’étape de la « naissance « .

En fait, la situation est plus dramatique car elle risque d’être celle de l’isolement croissant des m.-l. en qui les ouvriers risquent de voir des individus n’hésitant pas à détruire l’unité de la classe ouvrière et par-là même la force qu’elle peut opposer à la bourgeoisie pour les besoins de leur propagande.

Une telle appréhension a des fondements car elle correspond en fait à une mauvaise application de la pensée de Mao sur les problèmes de la ligne de masse et de la solution des contradictions au sein du peuple.

– Penser que la seule vertu de créations organisationnelles ou de prises de parti ouvertes puissent correspondre à une étape du travail de masse est contraire aux principes de la ligne de masse : c’est seulement à la suite du travail communiste dans les masses, de l’élévation de la conscience politique des masses sur des problèmes pratiques que des transformations peuvent être réalisées, que les masses peuvent en voir la nécessité.

Sinon, on se coupe des masses ce qui correspond invariablement à une politique et un style de travail erronés.

– Penser qu’une nouvelle division, même momentanée au sein de la classe ouvrière puisse servir les intérêts du prolétariat et de la révolution est contraire aux principes développés par Mao sur la résolution des contradictions au sein du peuple.

Est juste ce qui favorise l’union du peuple et non ce qui provoque la division en son sein ; l’élimination réelle des dirigeants révisionnistes passés dans les rangs de la contre-révolution, de leur emprise sur une fraction de la classe ouvrière, ne pourra se faire qu’avec l’appui des plus larges masses comprenant les ouvriers trompés par eux.

– Pour le travail pratique des militants m.-L, tout
cela correspond à des problèmes bien concrets : le
choix entre deux voies fondamentalement opposées

– la voie de l’adhésion au Parti, de la propagande ouverte sur les positions m.-l., de la création d’un nouveau syndicat ;

– la voie du travail clandestin dans les masses, de l’unification, dans la lutte, de la classe ouvrière sur la base du m.-l,

B. C’est pourquoi il est vital pour le développement de notre travail et pour le développement du mouvement de se déterminer pratiquement (en fonction des perspectives qui existent actuellement) sur la tactique à employer pour développer le travail d’un noyau d’ouvriers communistes et pour nous sur le meilleur moyen de servir cette tactique.

Deux éléments nous semblent à ce titre déterminants :

1° Dans l’état actuel du mouvement, surmonter la passivité et l’infériorité, prendre l’initiative stratégique dans la lutte contre la réaction, revient à savoir concentrer des forces localement, à renforcer les points d’impact où des perspectives de développement d’un noyau m.-l. existent concrètement.

Le président Mao a dit :

 » Nous pouvons sortir de notre infériorité et de notre passivité stratégiques relatives en nous assurant dans un grand nombre de campagnes la supériorité et l’initiative sur le plan local et à le condamner à l’infériorité et à la passivité.

L’ensemble de ces succès locaux nous permettra d’acquérir la supériorité et l’initiative stratégiques et l’ennemi se trouvera réduit à l’infériorité et à la passivité stratégiques. La possibilité d’un tel tournant dépend d’une direction subjective juste. « 

S’assurer des succès locaux, succès signifiant des luttes victorieuses dirigées par des m.-l. contre l’ennemi de classe et ses alliés (dénonciation pratique du révisionnisme), c’est avancer considérablement dans l’éducation du peuple français, c’est lui permettre de voir clairement, par sa propre expérience, que l’ennemi peut être vaincu.

D’autre part, les embryons d’organisation, de parti qui naîtront avec une telle orientation constitueront des bases solides sur lesquelles les forces m.-l. pourront s’appuyer, se renforcer et anéantir à leur tour l’ennemi.

Concentrer des forces semble donc vital pour résister victorieusement à l’ennemi ; le simple constat de la présence de m.-l. même militante n’est pas suffisant pour progresser et empêcher l’ennemi de nous décapiter.

Il faut partir gagnant dans la bataille à engager et mettre tous les atouts de son côté.

C’est pourquoi pour notre part, nous opérons un mouvement de concentration de forces sur la région où nous travaillons, de telle manière que vues les possibilités existantes ce soient les m.-L, non la réaction, qui aient l’initiative du développement.

Nous examinerons plus loin la forme et la modalité de cette concentration.

2° Le second élément déterminant relève de la recherche des méthodes adaptées à la solution des contradictions au sein du peuple.

Les ouvriers désorientés et les ouvriers trompés sont encore nombreux : se couper d’eux c’est donner des armes à la bourgeoisie, c’est ne pas progresser dans la constitution d’organisations de combat.

Pour les ouvriers m.-l. en voie d’organisation, des méthodes concrètes commencent à être utilisées;

– utilisation maximum de la discussion et de la persuasion à propos de faits concrets ;

– renforcement de l’unité et de la cohésion dans la lutte contre la bourgeoisie, dans l’extension de l’influence du syndicat parmi les ouvriers ;

– préparation d’un plan de propagande graduée à partir de problèmes où les idées révisionnistes sont particulièrement faibles.

Problèmes de la presse.

Sur ce dernier plan, nous disposons d’un journal ronéotypé paraissant régulièrement, presque entièrement rédigé par le noyau ouvrier dirigeant qui sera diffusé par les comités étudiants de soutien aux luttes des travailleurs.

Ces comités procéderont par distribution à la sortie des principales usines de la région ; mais il ne s’agirait aucunement d’une impulsion d’idées du dehors ; les problèmes abordés devront être directement les problèmes des travailleurs de ces mêmes usines.

D’autre part les discussions auront été déjà préparées à l’intérieur des usines et pourront être dirigées.

Ce moyen de diffusion de la presse est indispensable pour que les conditions de travail clandestin soient réellement remplies.

A côté de ce journal, nous pourrons disposer de feuilles d’agitation adaptées au travail d’organisation dans les usines où il n’y a pas encore de syndicat C. G. T. ou dans les usines où le syndicat est complètement tenu par les révisionnistes.

L’utilisation de Servir le peuple reste à préciser. I^a nouvelle orientation inaugurée par le n° 13 nous incite à penser qu’il aura pour un temps un rôle transitoire qui devra combiner :

– l’étude des problèmes d’orientation du mouvement m.-l., essentiellement à usage des militants m.-l. (ouvriers et autres problèmes de travail dans le syndicat, orientation du mouvement de la jeunesse).

– la présentation pédagogique d’un matériel de propagande pouvant être utilisé pour le travail des militants dans les plus larges masses et tenant compte du problème des méthodes à adopter pour résoudre les contradictions existant actuellement au sein du peuple. S. L. P. peut être lu par des militants trompés ; il est nécessaire qu’il les fasse progresser (les démystifie).

Il est possible que dans un deuxième temps, une différenciation se fasse entre deux journaux nationaux mais, pour l’instant, les insuffisances de S. L. P. dans son utilisation de masse ne pourront être compensées que par des journaux locaux.

Ceci dit, notre participation sous la direction du noyau ouvrier sera effective : la différenciation de S. L. P. dépend directement du développement de notre travail.

3. Orientation pratique de notre travail.

A. A l’échelon régional, nous opérons une dispersion des forces existantes, c’est-à-dire que nous n’avons pas concentré les militants à l’usine là où existait déjà le noyau m.-l.

Il est apparu clairement que le meilleur moyen de concentrer des forces, de renforcer le noyau, de lui permettre de se développer, revenait à lui donner une assise de masse non cantonnée à l’usine mais s’étendant à l’échelle de la région.

En effet, le soutien réciproque que pourront s’apporter les noyaux naissants dans plusieurs usines et le noyau central dans le développement des luttes coordonnées est beaucoup plus important pour le développement du travail que l’adjonction de deux ou trois militants au noyau central.

Il s’agit en gros, que des militants m.-l. travaillent dans un certain nombre d’usines de la région qui semblent avoir une importance stratégique pour le développement et le renforcement du noyau m.-l. existant.

Ce sont d’une part les usines directement liées au foyer central (même type de recrutement de la main-d’œuvre, proximité géographique facilitant les contacts et permettant une action directe des ouvriers m.-l.), où pour la plupart il s’agira de constituer des syndicats C. G. T.

D’autre part, ce sont des concentrations ouvrières proches (grandes agglomérations urbaines) dont le poids est décisif dans les luttes de classes régionales, et où existent des syndicats C. G. T., semble-t-il aux mains des révisionnistes.

Là nous savons encore peu de choses et l’initiative la plus large devra être développée pour établir des liens avec le foyer central.

Enfin des perspectives existent également pour adjoindre au mouvement une fraction du prolétariat agricole (grandes exploitations).

Dans tous les cas le travail devra déboucher sur des actions coordonnées (soutien à la constitution de syndicats, propagande régionale unifiée par l’intermédiaire d’un journal, luttes communes, manifestations, etc.).

B. Un changement fondamental est intervenu dans la perspective initiale que nous avions de notre travail de groupe d’établissement. Il est très vite apparu que servir le peuple signifiait pour nous nous mettre sous le contrôle et la direction du détachement du prolétariat qui s’organisait.

Notre groupe initial va donc progressivement se fondre au groupe d’ouvriers communistes en voie d’organisation avec pour seule ambition de les servir de notre mieux dans les tâches qu’ils se sont fixés.

C. L’impulsion du comité étudiant de soutien aux luttes des travailleurs relève de notre initiative: nous ferons tout pour qu’il se développe et pour qu’il se mette réellement au service de notre travail communiste dans les masses.

=>Retour au dossier sur l’UJC (ml)

UJC (ml) : Notre révolution sera-t-elle pacifique (1968)

UNE LUTTE POUR LE POUVOIR

Il n’y a pas de question plus importante pour les ouvriers que celle de la conquête du pouvoir. Toutes les luttes qu’ils mènent seraient sans avenir, s’ils ne prenaient pas en fin de compte le pouvoir politique.

Aucun résultat, aucune conquête des ouvriers n’est définitive, tant que le pouvoir politique n’est pas pris par les ouvriers. La conquête de la Sécurité Sociale à la libération, à un moment d’essor des forces populaires, est aujourd’hui remise en cause par le gouvernement.

Pour la durée de travail, pour les libertés syndicales, c’est la même chose, rien n’est définitivement acquis, tant que le pouvoir n’est pas pris.

La lutte contre les licenciements et pour la sécurité de l’emploi, contre le chômage grandissant, est au fond une lutte politique, une lutte pour le pouvoir : sous les gouvernements de la IVè République, comme aujourd’hui, la lutte contre les licenciements s’est développée ; c’est une lutte incessante sous les gouvernements bourgeois, parce que ceux-ci exécutent les instructions des grands groupes capitalistes, désireux de s’agrandir, de se « moderniser», d’éliminer les concurrents.

C’est la raison pour laquelle les gouvernements encouragent et tolèrent les licenciements. Attendre de ces gouvernements dociles la sécurité de l’emploi ou la garantie des libertés syndicales est de toute évidence une utopie.

Aucun ouvrier conscient ne peut se faire la moindre illusion sur ce point. 

Ce faisant, il affirme clairement que toutes les luttes des ouvriers doivent tendre vers la prise du pouvoir. On ne se bat pas pour se battre, on ne se bat pas seulement pour des améliorations de détail, toujours remises en question. On se bat pour le pouvoir.

La grande masse des ouvriers en France sait bien cela. Mais depuis quelques années, des opportunistes tentent de brouiller toutes les cartes, sur cette question de la prise du pouvoir.

L’expérience de chaque ouvrier éduqué dans les luttes de son usine est tout à fait claire, la lutte qui oppose les ouvriers au patron est une lutte impitoyable où chaque adversaire doit parfaitement connaître la nature et les moyens de celui qui est en face, pour ne pas risquer l’échec : en particulier l’aide apportée par le gouvernement ou ses agents locaux au patron est quelque chose que les ouvriers voient bien.

A l’échelle nationale, tous les patrons, la classe capitaliste appuyée par le gouvernement central et ses organes locaux, s’opposent à l’ensemble des ouvriers à la classe ouvrière.

La lutte est plus impitoyable, puisqu’il y va du sort de la classe dans son ensemble et non plus simplement de quelques individus. C’est pourquoi les ouvriers doivent parfaitement connaître la nature et les moyens de leur adversaire à l’échelle nationale.

Leur expérience dans l’usine leur montre que la lutte, si elle n’est pas préparée, aboutit à la défaite.

Ils doivent bien comprendre que ce qui vaut pour leur lutte particulière vaut encore plus pour la lutte générale de tous les ouvriers contre tous les patrons.

COMMENT PRENDRE LE POUVOIR

L’expérience de chaque ouvrier lui apprend qu’il faut préparer la lutte pour vaincre ; l’expérience de la classe ouvrière dans son ensemble lui apprend qu’il faut préparer la lutte de classe nationale pour la prise du pouvoir, pour vaincre son ennemi à l’échelle nationale, seule manière de l’abattre totalement.

Voilà pourquoi, la question : comment prendre le pouvoir? revêt la plus grande importance.

Répondre à cette question clairement, c’est préparer son esprit et l’esprit de tous les ouvriers à la lutte pour la conquête du pouvoir.

Chaque ouvrier sait que c’est par la grève essentiellement que se manifeste la lutte entre lui et le patron. Comment à l’échelle nationale se manifeste la lutte pour le pouvoir? Comment prendre le pouvoir ?

Les dirigeants du P.C.F. disent :nous prendrons le pouvoir de manière pacifique. La révolution en France sera pacifique, ceux qui disent le contraire sont des aventuriers.

En clair, cela signifie qu’on ne renversera pas les patrons par la violence, qu’on les poussera seulement à s’en aller, à nous laisser leurs propriétés, sans qu’on ait besoin de manifester notre force, la violence de toute notre classe.

Un délégué syndical qui dirait aux ouvriers de son usine : du calme, allons, ce n’est pas la peine de s’échauffer, il n’y a aucune raison de nos jours pour que le patron ne cède pas à nos revendications, sans qu’on ait besoin de lutter ; il faut tout juste faire une pression sur lui et négocier dans un organisme créé justement à cette intention. la commission paritaire, ce délégué jouirait-il d’une quelconque autorité sur les ouvriers avec un- discours pareil ?

Evidemment non, il serait complètement discrédité. Les dirineants du PCF tiennent un discours semblable, sur la question de la prise du pouvoir.

Du calme, disent-ils, il suffira d’une pression et grâce au Parlement nous prendrons le pouvoir.

Nous atteindrons notre but, qui est de prendre le pouvoir, par les moyens pacifiques de la « pression » et non pas par les moyens de la violence.

La « pression » des masses aboutira à la victoire au Parlement. Le Parlement, c’est un peu à l’échelle nationale la Commission paritaire.

Ces thèses des dirigeants du P.C.F. constituent un retour en arrière pour le mouvement ouvrier ; le mouvement ouvrier international a tiré en effet les leçons de sa riche expérience et ces leçons imposent un démenti cinglant aux thèses du P.C.F. sur la prise parlementaire du pouvoir.

Les thèses du P.C.F. sont une remise en question, une révision de ces leçons du mouvement ouvrier. Voilà pourquoi nous disons que ces thèses sont révisionnistes. Les ouvriers doivent parfaitement comprendre pourquoi la voie pacifique et parlementaire au socialisme est une illusion.

Et pour cela. il faut considérer attentivement les principaux arguments en faveur des thèses révisionnistes.

PREMIER ARGUMENT : L’ORIGINALITÉ DE LA TRADITION PARLEMENTAIRE FRANÇAISE

Le premier argument porte sur les traditions originales de la vie politique française : la France a une longue tradition du régime d’assemblée. Les thèses révisionnistes insistent beaucoup sur cette « originalité ».

Premièrement, pourquoi cette insistance sur l’originalité? C’est une manière de faire comprendre aux ouvriers français qu’ils ne doivent pas imiter les ouvriers soviétiques, chinois ou vietnamiens.

Les ouvriers soviétiques avaient pris en 1917 les armes des arsenaux ou au front et ils avaient renversé le gouvernement des capitalistes et des propriétaires qui accaparaient les terres. Les ouvriers n’ont pas attendu la convocation du Parlement pour prendre le pouvoir.

Leur dirigeant, Lénine, les a appelés à rejeter leurs illusions sur la convocation du Parlement et à renverser par les armes le pouvoir des réactionnaires.

En Chine, à l’appel de leur dirigeant Mao-Tsé-Toung, les ouvriers chinois ont pris la tête de la guerre que menaient les larges masses de paysans contre les propriétaires féodaux puis contre les agresseurs étrangers.

Au Vietnam aujourd’hui, comme en Chine hier, les ouvriers ont pris la tête de la guerre que mènent les paysans et toute la nation vietnamienne contre l’agresseur américain.

Toutes Ies luttes révolutionnaires ont été des luttes armées. Comme les dirigeants du PCF ne veulent pas suivre cette voie, la voie de la lutte armée, ils ne veulent pas que les ouvriers français prennent exemple sur leurs frères de classe de l’Union Soviétique, de la Chine ou du Vietnam.

Alors, ils insistent lourdement sur l’ « originalité » de la vie politique française.

Deuxièmement, qu’en est-il exactement de cette «originalité » ? Examinons la chose de manière historique. Il est vrai que si l’on remonte jusqu’au XIIè siècle on peut retrouver des formes de régime d’assemblée, des formes de parlementarisme en France.

Mais l’histoire, c’est l’histoire de la lutte de classes. L’histoire de ces formes de parlementarisme, les communes dès le XIIè siècle, les Etats-Généraux avant la Révolution de 1789, la Constituante de 1789, le Parlement au XIXè et au XXè siècle, c’est en fait l’histoire de la bourgeoisie.

Ces différentes formes de parlementarisme ont été successivement des instruments par lesquels les bourgeois se préparaient à prendre le pouvoir des mains des aristocrates, prenaient ce pouvoir effectivement, et enfin consolidaient ce pouvoir, c’est-à-dire le défendait contre l’assaut des ouvriers et du peuple révolutionnaires.

Cela signifie que la vieille tradition originale que mentionnent avec tant d’insistance les thèses révisionnistes, c’est ce qui est resté constant, malgré des différences de forme, à travers les différentes étapes qui ont vu se former la bourgeoisie (l’exploitation bourgeoise) et qui l’ont vue vaincre et se consolider.

La tradition parlementaire c’est la tradition de l’exploitation et du pouvoir bourgeois. Si cette tradition est puissante et vieille, c’est que de longues années de préparation au pouvoir, puis de longues années d’exercice du pouvoir ont donné à la bourgeoisie puissance et vieillesse.

Voilà l’originalité de la vie politique française, une bourgeoisie âgée et expérimentée ! Pourquoi devrions-nous imiter les bourgeois lorsqu’ils luttaient contre les aristocrates et pas les paysans lorsqu’ils menaient la guerre contre ces mêmes aristocrates, au même moment?

Pourquoi devrions-nous imiter les phraseurs bourgeois dans les assemblées de la grande révolution de 1789 et pas les révolutionnaires intrépides, qui eux ne se contentaient pas de phrases pour faire avancer la révolution et qui préféraient, autant que cela leur était possible à l’époque, s’appuyer sur les masses du peuple et employer des méthodes révolutionnaires – la Terreur – contre les ennemis de la révolution?

Enfin pourquoi imiterions-nous les bourgeois qui parlementaient à Versailles, et pas les communards qui créaient par la violence un pouvoir totalement nouveau, un pouvoir créé et contrôlé directement par les ouvriers et le peuple ?

A chacun son passé, disons-nous aux dirigeants du PCF : réclamez- vous des traditions parlementaires bourgeoises, si vous y tenez, nous, nous voulons continuer la Commune !

DEUXIÈME ARGUMENT : LA PLURALITÉ DES PARTIS.

Le deuxième argument c’est la thèse selon laquelle en France le passage au socialisme doit se faire par l’accord des différents partis « démocratiques »…

La pluralité des partis désireux de construire le socialisme, voilà la deuxième particularité de la situation politique française. Examinons-la.

Qu’est-ce qu’un parti politique? C’est une organisation chargée de défendre les intérêts d’ensemble d’une classe, c’est l’instrument d’une classe contre une autre, l’instrument de la prise ou de la consolidation du pouvoir par une classe.

En France, il y a de nombreux partis. Comment les dirigeants du, PCF expliquent-ils ce fait? Ils expliquent que les nombreux partis politiques ont pour fonction de représenter les intérêts des nombreuses classes ou couches qui composent la société française.

Prenons les partis que les dirigeants révisionnistes appellent partis de « gauche ». Qui représentent-ils ? Les dirigeants révisionnistes répandent : les différentes « classes moyennes » des villes et des campagnes, classes qui peuvent être entraînées par le prolétariat dans la lutte contre la grande bourgeoisie.

En somme, les radicaux, une grande partie de la fédération de la gauche représentent les petits paysans, les artisans, les petits commerçants, les employés, les techniciens, les cadres moyens. Toutes ces couches sociales n’ont aucun intérêt à voir se perpétuer la domination des monopoles, le prolétariat peut compter sur leur appui dans sa lutte contre les monopoles.

L’argumentation dans son ensemble est-elle juste? Absolument pas. Il est vrai que ces couches peuvent être représentées dans ces organisations, mais est-ce que ces organisations représentent, elles, les intérêts de ces couches ? Non.

Dans la société capitaliste il n’y a fondamentalement que deux voies, deux camps, la voie capitaliste, le camp dirigé par la bourgeoisie et la voie socialiste, le camp dirigé par le prolétariat.

L’existence de ces deux voies fondamentales reflète la lutte qui oppose les deux classes fondamentales de la société moderne. Qui doit diriger les classes et couches qui se situent entre le prolétariat et la bourgeoisie ?

C’est là une très importante question. La bourgeoisie a au départ de très gros avantages, elle a beaucoup d’argent, de l’expérieuce, des places à donner. Il lui est facile d’acheter les hommes politiques qui prétendent représenter ces couches intermédiaires et de les transformer en un tour de main en politiciens bourgeois.

Prenons le cas des représentants de la paysannerie travailleuse. La ruine et la misère des producteurs paysans fait que périodiquement des rangs de la paysannerie se lèvent des hommes désireux de défendre les intérêts des petits paysans.

Tout aussi régulièrement, le gouvernement a réussi à acheter ces hommes, à les tromper d’abord, ensuite les corrompre.

Il suffit de peu : la fréquentation d’hommes retors et cyniques dans les organisations professionnelles, dans les services techniques des ministères, d’hommes dont le métier est de défendre les gros producteurs, pour transformer notre homme politique en politicien de la bourgeoisie.

L’atmosphère hypocrite des organisations de la bourgeoisie, organisations professionnelles, « syndicales », techniques, la perspective d’un strapontin ici ou là, d’un siège de député, il n’en faut pas plus généralement pour que notre homme politique oublie la misère des paysans.

Après tout, se dit-il, cette misère n’est-elle pas inévitable? Ce processus se répète sur une grande échelle. Aussi les ouvriers ne doivent pas s’en tenir aux apparences.

Une organisation de « gauche » dans laquelle peuvent se reconnaître provisoirement des couches du peuple travailleur n’en est pas moins une organisation bourgeoise, si les hommes qui la dirigent en fait sont des politiciens de la bourgeoisie.

En France, on peut dire que les organisations de gauche regroupent des couches du peuple travailleur, mais sous la bannière de la grande bourgeoisie.

Considérons les politiciens socialistes. Le parti socialiste influence non seulement des couches populaires, mais aussi des couches proprement ouvrières. Le parti socialiste représente-t-il les intérêts des ouvriers et du peuple? Non.

Les hommes politiques socialistes ont été formés à l’école de la bourgeoisie, ils ont appris à gérer les affaires de l’Etat capitaliste, il suffit de rappeler les nombreux ministères qu’ils ont formés sous la IVè République, ils ont appris à défendre les intérêts de leurs maîtres, les impérialistes français : Lacoste est un tortionnaire du peuple algérien, Mollet est l’auteur de l’aventure de Suez.

Ils ont appris le maniement des armes au profit de la bourgeoisie, Jules Moch a dirigé les fusillades contre les ouvriers. Tous ces politiciens s’entendent à merveille pour tromper le peuple.

Les socialistes ont méme été achetés par les Américains, les dirigeants de Force Ouvrière divisaient la classe ouvrière en 1947 avec l’argent des Américains.

Les différents partis de « gauche » appliquent différentes méthodes pour regrouper les couches populaires sous la bannière de la grande bourgeoisie. La « pluralité des partis de gauche », c’est la pluralité des méthodes de domination par la grande bourgeoisie, par les trusts, des couches hésitantes du peuple travailleur. Les ouvriers feront-ils la révolution avec les représentants de la bourgeoisie ? c’est là une absurdité.

Les ouvriers feront la révolution en entraînant toutes les couches du peuple et, en particulier, les paysans travailleurs, mais non en entraînant les politiciens qui prétendent les représenter, et qui sont en fait les hommes des monopoles. De même que les ouvriers ne confondent pas les traditions originales de la bourgeoisie et les traditions originales du prolétariat, les ouvriers ne confondront pas le peuple et les pseudo-représentants du peuple.

Les dirigeants révisionnistes ne peuvent pas reconnaître la justesse de cette analyse, appuyée par des faits innombrables, parce que cette analyse contredit totalement leur perspective de prise du pouvoir par la voie parlementaire et pacifique.

En effet, seul, le PCF ne peut pas gagner une majorité parlementaire, avec les « fédérés » il est tout près du but.

Pour conquérir la majorité parlementaire, il faut donc faire comme si les hommes politiques de la «gauche » ne représentaient pas le personnel le plus pourri de la grande bourgeoisie.

Le malheur pour eux, c’est que la fine équipe de Defferre, Moch et compagnie, les ouvriers la connaissent bien.

ABATTRE L’ETAT DES RÉACTIONNAIRES!

II n’est pas étonnant dans ces conditions, que les dirigeants révisionnistes oublient de dire aux ouvriers qu’une des « originalités » de la vie politique française, c’est que l’Etat bourgeois s’est considérablement renforcé.

Comment dire aux ouvriers que la machine policière est devenue colossale depuis les jours de la Libération où les socialistes entraient en force à la Préfecture?

Comment leur dire que l’armée bourgeoise s’est perfectionnée, qu’une loi de la Vè République acceptée par les socialistes autorise la bourgeoisie en cas de besoin à recourir à cette armée pour mater le peuple ?

Comment dire enfin aux ouvriers que l’immense bureaucratie économique et politique qui écrase les ouvriers et tout le peuple, qui étouffe la moindre de leur initiative ne cesse pas de se développer?

Les socialistes, les hommes de « gauche », sont au coeur de ces corps d’Etat, imbus de leur supériorité de classe, anti-ouvriers, anti-populaires.

La vie politique française pour les révisionnistes, c’est la « pluralité des partis de gauche », c’est-à-dire la France capitaliste, anti-ouvrière, anti-populaire, impérialiste.

La vie politique française pour les ouvriers c’est la vie des ouvriers, des paysans, de tous les travailleurs, c’est la lutte du peuple pour imposer un gouvernement des ouvriers et des paysans, un gouvernement des travailleurs, non un gouvernement de « gauche ».

Les ouvriers ne veulent pas se battre pour perpétuer le régne des Mollet et des Jules Moch, sous prétexte de pluralité des partis démocratiques.

Ils se battent pour la « démocratie » ? Oui, si par démocratie on entend un pouvoir des travailleurs, sous le contrôle direct des masses populaires.

Non, si par démocratie on entend la perpétuation du régime des bureaucrates, des politiciens au service des monopoles. Et cela ne changera rien à rien, si on dit « démocratie véritable », au lieu de démocratie tout court.

Ce que les ouvriers doivent retenir de cette question, est au fond très simple : les patrons sont forts parce qu’ils ont à leur service des flics, des officiers, des politiciens retors, des fonctionnaires corrompus ou bornés.

Pour les renverser, il faut faire comme les ouvriers soviétiques, chinois ou vietnamiens, comme les communards, détruire tout ce beau monde de fond en comble.

Les ouvriers sont forts quand ils sont unis dans des organisations qui les représentent directement, qui sont sous leur contrôle direct, ils sont forts quand ils sont unis aux autres travailleurs dans des organisations représentant leurs intérêts communs, sous leur contrôle direct commun, ils sont forts quand ces organisations authentiquement populaires prennent les armes pour balayer la vermine.

La révolution des ouvriers et des paysans ne se fera pas au Parlement, elle ne se fera pas avec les politiciens de la bourgeoisie, elle ne se fera pas sous l’œil complaisant des flics.

ELLE NE POURRA PAS ETRE PACIFIQUE.

LE POUVOIR EST AU BOUT DU FUSIL


« La tâche centrale et la forme suprême de la révolution, c’est la conquête du pouvoir par la lutte armée, c’est résoudre le problème par la guerre. Ce principe révolutionnaire du marxisme-léninisme est valable partout, en Chine comme dans les autres pays. (Problèmes de la guerre et de la stratégie, Mao Tsé-toung)

« Chaque communiste soit s’assimiler cette vérité que a le pouvoir est au bout du fusil. » (Problèmes de la guerre et de la stratégie, Mao Tsé-toung)

« Du point de vue de la doctrine marxiste sur l’Etat, l’armée est la partie constitutive principale du pouvoir d’Etat.
Celui qui veut s’emparer du pouvoir d’Etat et le conserver doit posséder une forte armée. Certains ironisent sur notre compte en nous traitant de partisans de a l’omnipotence de la guerre ».
Et bien, oui ! nous sommes pour l’omnipotence de la guerre révolutionnaire. Ce n’est pas mal faire, c’est bien faire, c’est être marxiste. Les fusils des communistes russes ont créé le socialisme. Nous, nous voulons créer une république démocratique.
L’expérience de la lutte des classes à l’époque de l’impérialisme nous montre que la classe ouvrière et les masses travailleuses ne peuvent vaincre les classes armées de la bourgeoisie et des propriétaires fonciers que par la force des fusils. En ce sens, on peut dire qu’il n’est possible de transformer le monde qu’avec le fusil. » (Problèmes de la guerre et de la stratégie, Mao Tsé-toung)

« En Chine. sans la lutte armée, il n’y aurait pas de place pour le prolétariat, ni pour le peuple, ni pour le Parti communiste d’aujourd’hui. Les camarades du Parti ne doivent jamais oublier cette expérience payée de notre sang. » (Pour la parution de la revue Le Communiste, Mao Tsé-toung) 

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UJC (ml) : Comment la bourgeoisie française tente de s’allier le peuple des campagnes (1967)

Pour résister aux luttes des ouvriers, la bourgeoisie française a toujours tenté de trouver un appui dans les campagnes.  

Pour conserver le pouvoir et imposer le système capitaliste, elle utilise deux armes essentielles : la répression et la division. Pour la répression, elle se sert de sa justice, de ses lois, de ses flics.

Elle en a besoin pour tenter de briser les luttes qui mettent ses intérêts en cause. Pour diviser le peuple, en particulier les ouvriers et les paysans, elle se sert de négociations, de lois agraires, de politiciens, de journalistes et d’organisations professionnelles. 

Depuis qu’elle est au pouvoir et qu’elle s’oppose aux luttes populaires, la bourgeoisie a acquis une certaine expérience et sait se servir de ces deux armes en adaptant leur utilisation selon les moments et les lieux.

Cela fait plus d’un siècle que la bourgeoisie tente d’isoler les paysans des ouvriers. Depuis la commune, elle a compris qu’elle devait s’allier aux paysans pour maintenir son ­pouvoir contre les assauts de la classe ouvrière.

Les politiciens de droite, et même de gauche, ont souvent loué les paysans de leur bon sens inné, de leur amour de l’ordre, de leur attachement aux valeurs éternelles de la propriété privée… Ils cherchent ainsi à proclamer une parenté éternelle entre les intérêts et les idées de tous les paysans et ceux de la bourgeoisie. 

Même si jusqu’à maintenant les paysans ont souvent été des alliés pour la bourgeoisie, cette alliance est loin d’être naturelle.  Elle est le résultat des efforts de tous les gouvernements qui se sont succédé, d’une stratégie souvent remise en cause par la colère paysanne, mais rafistolée par des concessions ou des tromperies du pouvoir.

Le principe de la stratégie bourgeoise est simple et les gouvernements ont un bon moyen pour le mettre en œuvre : la politique agricole. Tous les paysans, riches ou pauvres, sont des producteurs indépendants.  

Si le gouvernement prend des mesures d’aide favorisant tous les paysans, les riches vont en profiter les premiers et ainsi accroître leur force, les autres n’auront que des miettes « qui les feront taire.», mais tous auront intérêt à demander de nouvelles mesures. Ainsi le paysan riche peut se présenter comme le champion des intérêts de tous les paysans en revendiquant des mesures dont il est le premier bénéficiaire.

Quand les paysans travailleurs se rendent compte que le soutien des prix ne mène à rien, la bourgeoisie trouve autre chose : la réforme des structures. On explique qu’ils peuvent, en étant de petits patrons dynamiques, relever la tête et rejoindre les gros, qu’il leur faut pour cela se moderniser, s’agrandir, s’endetter et ainsi tenter d’être les plus forts dans la concurrence.

On oublie de leur faire remarquer qu’étant donné les forces dont disposent déjà les paysans riches, ils ont peu de chances de « gagner la bataille ». On leur dit que toute la question est d’être moderne ou non : on tente de décourager les « anciens », les « non-­valables » et d’unir les « modernes ».  

Quel que soit son visage, le fond de la politique agricole est toujours le même : il s’agit de contrôler la paysannerie, de l’unifier derrière les représentants de l’agriculture capitaliste.  

Mais si le pouvoir du capital a les moyens de détourner la lutte des paysans­-travailleurs, il ne peut empêcher leur ruine.

Bien au contraire, il en profite.  Il ne peut empêcher les paysans pauvres de s’apercevoir qu’ils travaillent de plus en plus pour un revenu bien maigre, les paysans moyens de se rendre compte que leurs efforts de modernisation n’aboutissent qu’à les endetter toujours plus. Il ne peut empêcher les travailleurs de souhaiter que cela change. 

C’est pourquoi, si l’histoire montre que la bourgeoisie a réussi à se servir des paysans pour conserver son pouvoir, elle montre aussi que la révolte n’a cessé de naître et que l’unité des ouvriers et des paysans travailleurs correspond à un besoin réel. De cette histoire nous ne présenterons que les étapes les plus importantes.  

1. L’alliance révolutionnaire du peuple des campagnes et des bourgeois contre les féodaux 

C’est au cours de la Révolution de 1789 que les paysans, pour la première fois en France, se sont alliés à la bourgeoisie. Cette alliance est alors révolutionnaire : il s’agit de mettre bas tous les privilèges des seigneurs. La bourgeoisie en France n’est pas assez puissante pour vaincre seule le pouvoir féodal : elle a besoin des paysans.  

Riches ou pauvres, tous les paysans ont alors un intérêt commun : abolir les droits et privilèges féodaux qui réduisent les pauvres à la misère et empêchent les plus riches, les « coqs de village », les « bourgeois rassembleurs de terre » de se développer.  

Contre les seigneurs, tous les paysans sont unis et tous rejoignent ainsi la lutte de la bourgeoisie et du peuple des villes. La révolte paysanne, dans l’Est, a précédé la prise du pouvoir dans les villes. La Bastille tombée, ce sont encore les paysans en armes qui ont forcé la main au pouvoir bourgeois afin qu’il prenne des mesures pour abolir les privilèges des seigneurs.  

Les paysans aisés, les coqs de village, bref la bourgeoisie agricole, sortent victorieux de la Révolution : ce sont eux qui auront les moyens d’acheter la plupart des biens nationaux confisqués au clergé et aux nobles exilés, ainsi que la plus grande partie des terres communales mises en vente.  

Ce sont eux qui vont profiter de la libération du commerce, de l’abolition des droits de passage et des douanes intérieures, car ce sont eux qui vendent le plus alors que la majorité des paysans produit pour consommer et ne vend que de maigres excédents. 

Enfin, ce sont eux qui ont le plus intérêt à clore leurs champs et à remplacer la jachère où se nourrit le troupeau du village par une prairie artificielle ou une culture dont le produit revient au seul exploitant. Car souvent, pour les pauvres, la jachère soumise à la vaine pâture permet d’élever plus de bétail qu’ils n’en pourraient nourrir sur leurs petites parcelles.  

Mais la bourgeoisie agricole a largement partagé les fruits de sa victoire. L’abolition des droits seigneuriaux a fait disparaître une cause d’endettement et de misère. Le droit de propriété est reconnu au paysan parcellaire qui sent ainsi son avenir plus assuré. Souvent, en se groupant, même les paysans pauvres ont pu acquérir des terres. Dans certaines régions, en usant de la force, ils sont parvenus à se les distribuer par foyer.  

2. Les paysans dominés par des forces nouvelles. 

Dans la période qui suit la Révolution, les paysans se trouvent unis pour défendre l’ordre nouveau, c’est­à­dire le système bourgeois, contre tout retour aux servitudes féodales. En ce sens, ils sont les alliés de la bourgeoisie. Mais déjà l’économie de marché se développe et, dans cette économie, les mieux nantis se trouvent renforcés et les autres affaiblis. 

Alors que les paysans aisés et les nobles convertis au système bourgeois accaparent les terres, le peuple des campagnes connaît la misère. L’exode commence à devenir de plus en plus rapide. L’abandon de la vaine pâture qui gênait les paysans riches, la vente des biens communaux, privent une masse de journaliers, manouvriers, paysans pourvus d’un tout petit lopin, de la possibilité de faire paître leurs bêtes sur les jachères et les terres de la commune. Les petits laboureurs qui ont acheté quelques parcelles ont leurs terres grevées d’hypothèques.

A chaque succession, ils doivent racheter leur part et s’endetter de plus en plus. L’usurier sévit dans les campagnes. Les petits laboureurs voient avec colère les riches accaparer les terres et en faire monter les prix. 

Les paysans pauvres, les journaliers, commencent donc à s’opposer aux « bourgeois mangeurs de terre et faiseurs de clôtures », aux créanciers qui les ruinent et à l’Etat qui les impose de plus en plus lourdement. 

3. La révolution de 1848 : pour asseoir son pouvoir, la bourgeoisie divise le peuple. 

Dès 1845, les paysans répondent par la révolte à chaque vente de biens communaux. Quand les riches font des clôtures, le peuple les brise et quand on vient chercher l’impôt, on est reçu parfois avec des pierres. Comme en 1789, quand arrive la révolution de février 1848, la révolte a déjà gagné les campagnes.  Le pouvoir politique est alors aux mains de la bourgeoisie financière qui profite des dettes de l’Etat pour s’enrichir.

Dans l’opposition, les paysans ne sont pas seuls. On retrouve le prolétariat, les artisans et petits commerçants des villes et même la fraction de la bourgeoisie industrielle qui voit ses bénéfices rognés par les exigences des financiers et par les dettes de l’Etat (que dirigent ces mêmes financiers).  

Dans les usines, les conditions de travail sont très dures, les ouvriers sont réduits à la misère et prêts à l’insurrection. Endettés par des créanciers qui tiennent le haut du pavé, les petits bourgeois des villes sont prêts à se soulever. La Révolution de février 1848 sera l’œuvre de toutes ces forces, pour un moment coalisées contre le pouvoir de Louis-­Philippe. Les ouvriers, dans la révolution, n’ont servi que de force d’appoint.

Mais la victoire leur a donné confiance et ils attendent de transformer l’insurrection républicaine en révolution sociale. Le nouveau gouvernement, dirigé par la bourgeoisie libérale, a peur de cette perspective.  Il s’empresse d’affermir son pouvoir en se ralliant les financiers et la fraction royaliste de la bourgeoisie. Pour cela, il lui faut reconnaître toutes les dettes de l’ancien régime, donc maintenir les impôts impopulaires.

Il faut même les augmenter.  Les paysans seront les plus touchés par ces charges nouvelles. Pour éviter que la colère gagne les campagnes et se tourne contre le nouveau pouvoir bourgeois, le gouvernement provisoire utilise à la fois la tromperie et la répression.  

Dans certains endroits, il fait briser la révolte paysanne par des ouvriers et des artisans des villes en leur faisant croire que les paysans se soulèvent contre la République (alors qu’en fait ils se révoltent contre la république des riches qui leur fait payer les dettes de la monarchie).  

Ailleurs, il explique aux paysans que les impôts sont dus aux ateliers nationaux que les ouvriers ont imposés [Les ateliers nationaux avaient été créés pour tenter de résorber le chômage et pour apaiser les revendications ouvrières.  

Le gouvernement va se servir des ateliers pour réprimer les ouvriers. D’abord, il les dispersera en province, éloignant ainsi de Paris un  grand nombre d’ouvriers révolutionnaires.  

Ensuite, il parviendra à diriger la colère des paysans contre les  ateliers nationaux, c’est-­à-­dire contre les ouvriers.]. Ayant ainsi divisé le peuple, isolé les ouvriers, la bourgeoisie peut réprimer dans le sang l’insurrection de juin 48. 

Dès lors, elle répand dans les campagnes la peur des rouges, des partageux, de ceux qui « auraient voulu vivre à ne rien faire dans des ateliers nationaux et aux frais des paysans ». Les campagnes sont inondées de calomnies sur les ouvriers et de mensonges sur leur révolte.  

Mais les paysans s’aperçoivent vite qu’ils ne tirent aucun bénéfice du nouveau pouvoir. Les impôts continuent d’augmenter, les créanciers ont toujours les dents longues.  Contre la république qui les a déçus, ils vont voter pour le futur empereur.

Ainsi, par leur vote, ils consolident le pouvoir bourgeois. Mais ils le font sans le savoir : ils vont aux urnes aux cris de : « Plus d’impôts, à bas les riches, à bas la république, vive l’empereur. »Comme le fait remarquer Marx : « La république qu’ils abattaient de leurs votes, c’est la république des riches. » 

Les paysans espèrent que le prince président leur apportera la relative prospérité qu’ils ont connu sous le premier empire… Il ne leur apportera que l’impôt sur les boissons !…  

En quelques mois, ceux qui ont voté pour le nouveau pouvoir passent dans l’opposition. Des révoltes paysannes éclatent à nouveau et le prince président doit décréter l’état de siège dans toute la région de Lyon.  

4. Le Second Empire : Capitalisme dynamique et misère du peuple. 

En 1852, le suffrage universel est aboli et les paysans se trouvent, tout comme les ouvriers, en dehors du pays légal.  Dès lors et pendant tout le Second empire, la bourgeoisie victorieuse, dynamique, va se désintéresser complètement de ceux dont elle avait recherché l’appui. L’agriculture va se transformer. Les gros producteurs vont se développer et même commencer à se mécaniser.  L’exode des paysans pauvres prend une ampleur jusque­là inconnue. 

C’est la période du libre échangisme, de la concurrence acharnée avec l’étranger et, à l’intérieur, entre les entreprises. La croissance des industries et l’exode rural concentrent dans les villes un prolétariat de plus en plus nombreux.  Les industriels maintiennent tes salaires au plus bas possible, allongent la fournée de travail des ouvriers afin, disent­-ils, de soutenir la concurrence de l’étranger.  Les ouvriers, à nouveau, se préparent pour la lutte.

Ils se sont regroupés, organisés et, de plus, ils ont rompu leur isolement. Dans les villes, les artisans et les petits commerçants sont ruinés par la concurrence des marchandises étrangères et des produits de l’industrie nationale. 

L’endettement de la petite bourgeoisie des villes est à son comble. Le débiteur s’oppose au créancier.

Dans les campagnes, la baisse des prix agricoles due à l’importation massive de céréales à faible prix condamne un nombre croissant de petits paysans à la misère. 

Deux tendances se manifestent dans les campagnes : l’une revient à lutter contre les « riches » qui profitent de la situation, contre l’Etat qui impose les pauvres et fait baisser les prix ; l’autre à s’allier aux gros producteurs et aux propriétaires pour revendiquer des prix plus élevés.  

Les royalistes tentent d’utiliser la seconde pour reprendre le pouvoir : ils créent pour cela la Société des agriculteurs de France.  Quant à la première tendance, elle peut donner un écho au chant des ouvriers révolutionnaires : Ouvriers, paysans nous sommes le grand parti des travailleurs La terre n’appartient qu’aux hommes, l’oisif ira loger ailleurs.  

5. La Commune. 

Avec l’effondrement de l’empire, le siège de Paris, arrive la Commune.  Pour défendre Paris, et sous la pression populaire, le gouvernement du 4 septembre, dominé par la fraction anti-bonapartiste de la bourgeoisie, a dû armer la population. Dans leur lutte contre l’assiégeant, contre un gouvernement plus tenté par un compromis que par la défense de la capitale, artisans et ouvriers parisiens se sont rapprochés.  

Le peuple de Paris est uni et, de plus, il est armé. Quand le « gouvernement », pour « éviter les troubles », signe l’armistice et tente de désarmer Paris, le peuple riposte, conserve les armes et fonde la Commune.  

Pendant près de trois mois le pouvoir révolutionnaire des ouvriers et des artisans parisiens va battre en brèche le pouvoir de la bourgeoisie, qui s’est réfugié à Versailles.

Évincé de Paris, menacé par les insurrections qui éclatent dans les villes : Lyon, Marseille, Saint­-Etienne, Narbonne, le gouvernement versaillais, coalition de royalistes et de républicains très « réalistes » va tout mettre en œuvre pour s’assurer l’appui des campagnes.  La « Société des agriculteurs de France », créée par les royalistes, ne suffit pas. Il faut un appui plus large. Alors on inonde les campagnes de la propagande versaillaise. 

On abreuve les journaux de mensonges sur les atrocités des communards.  On propage partout la peur des partageux ; on met peu à peu dans la tête des paysans l’idée que les ouvriers parisiens sont des bandits. Paris reste isolé et les armées versaillaises vont pouvoir massacrer les communards. 

Zola dira plus tard : « C’est la partie saine de la France, la raisonnable, la pondérée, la paysanne, qui supprime la partie folle… » Certes, la Commune succombe parce que les campagnes ne se sont pas levées pour la défendre et que Versailles a pu y puiser une partie de ses armées.  Mais ce n’est pas spontanément que les paysans se sont rangés du côté du pouvoir bourgeois : il a fallu pour cela toute la propagande versaillaise. 

Dans certaines régions, malgré celle­ci, des mouvements paysans favorables à la Commune se développent. La Commune gagne les campagnes.  La bourgeoisie a peur. Elle a compris qu’elle a besoin de s’allier les paysans pour se maintenir au pouvoir. Très vite, le gouvernement multiplie les « encouragements donnés à l’agriculture ».  

6. La « grande alliance » des « paysans » et de la bourgeoisie. 

La royaliste Société des agriculteurs de France présidée par les marquis de Dampierre et de Vogue a suivi l’ensemble de la bourgeoisie contre la Commune. Après la répression, elle sert les royalistes contre les bourgeois républicains.  

Pour contrebalancer les royalistes et dominer la IIIème République, les radicaux vont tenter de s’assurer la même base paysanne en créant la Société nationale d’encouragement à l’agriculture. C’est ainsi que se développent les deux grands réseaux d’organisations professionnelles qui, sous prétexte de défendre les intérêts de « tous les paysans » vont simplement aboutir à « encadrer politiquement » la paysannerie.  

Regroupant agriculteurs capitalistes, paysans moyens, paysans pauvres, et même des journaliers, ces organisations vont camoufler l’opposition qui s’était fait jour dès 1848 entre les riches et les pauvres.  

Puisqu’ils profitent en premier lieu de toutes les mesures prises « dans l’intérêt de tous », les riches vont diriger toutes les organisations professionnelles. 

Progressivement, la bourgeoisie va mettre en place sa première politique agricole. Une partie de la bourgeoisie est protectionniste. Les royalistes et les organisations professionnelles agricoles le sont aussi. 

Cette politique sera donc une politique de soutien des prix. Le soutien des prix devient alors la base de l’alliance des paysans avec la bourgeoisie : les paysans pauvres y verront à court terme la possibilité d’être ruinés moins vite ; les paysans riches y trouveront l’assurance de profits très importants.  

C’est la période de Méline, du Mérite agricole, et jamais l’alliance des paysans avec la bourgeoisie n’a paru aussi forte. Les campagnes sont abreuvées d’une propagande agrarienne glorifiant les vertus paysannes traditionnelles, le sens de la propriété, défendant l’exploitation familiale.  

Cependant, malgré le soutien des prix, malgré les organisations professionnelles, le capitalisme continue à se nourrir de la ruine des paysans pauvres et, plus d’une fois, la révolte paysanne, en cette époque de grande alliance, a continué à faire entendre sa voix. 

Qui ne se souvient des grandes manifestations du Midi viticole, au début de ce siècle, des villages et des champs occupés par les ouvriers et les petits vignerons, des soupes populaires, des braves soldats du 17e envoyés pour mater la révolte et qui fraternisèrent avec le peuple ? 

Qui ne se souvient qu’à cette occasion la bourgeoisie dut à la fois faire des concessions pour désarmer le mouvement paysan et réprimer plus tard les manifestations des ouvriers agricoles ?  

7. Les efforts de la bourgeoisie pour empêcher les paysans de participer au Front populaire. 

Cependant, les efforts de la bourgeoisie pour diviser le peuple, pour séparer le mécontentement paysan de la lutte des ouvriers, ont porté leurs fruits.  

Quand arrive le front populaire, la bourgeoisie parvient à empêcher les paysans de participer en masse à ce mouvement. Dans les années 30, le capitalisme français subit une crise importante.  Mais ce sont les masses populaires qui en paient le prix : montée du chômage et réduction des salaires pour les ouvriers et les employés, ruine pour les paysans travailleurs.

Les paysans voient le cours des produits s’effondrer.  Si les gros producteurs capitalistes et les paysans riches ont les moyens de stocker et d’attendre que les prix remontent pour vendre dans de meilleures conditions, la masse des paysans travailleurs doit vendre aux plus mauvais moments, lorsque les prix sont les plus bas. Cette situation exaspère le peuple des campagnes.

La situation est d’autant plus tendue que le grand mouvement des luttes ouvrières ébranle le pouvoir bourgeois.  En dehors du fascisme, il ne reste plus qu’un moyen au grand capital pour empêcher qu’une jacquerie paysanne s’allie aux luttes ouvrières, que se réalise l’union du peuple contre lui : laisser les parlementaires bourgeois de la gauche dévier le mécontentement paysan en accordant quelques réformes.  Il va jouer simultanément les deux cartes. 

Des agitateurs fascistes, depuis 1930, sont à l’œuvre dans les villages. Ils utilisent la traditionnelle alliance des gros et des petits paysans dans les organisations professionnelles agricoles. Ils s’appuient sur cinquante ans de propagande bourgeoise et anti­-ouvrière pour propager la méfiance et la haine à l’égard des luttes ouvrières.  

Au même moment, les parlementaires socialistes s’agitent dans des commissions pour préparer des programmes destinés à « atténuer la crise agricole », à réorganiser les marchés, à résorber les excédents, etc.  

Voyant le danger, le Parti communiste appelle à un vaste front populaire unissant tous les travailleurs, en particulier les ouvriers et les paysans travailleurs.  

Le Parti communiste a alors deux possibilités : ou bien il entraîne les paysans dans la lutte pour les revendications populaires contre le grand capital ou bien il accepte que les parlementaires et ministres « de gauche » étouffent dans l’œuf le mécontentement paysan en prenant quelques mesures économiques.  

Prendre la première voie, c’est s’appuyer sans réserve sur les masses, c’est organiser le peuple dans des Comités de front populaire à la campagne comme à la ville, unir dans ces comités les ouvriers et les paysans travailleurs.  

Faire naître par cette unité le seul programme qui puisse durablement servir les paysans travailleurs : un programme de combat contre le capitalisme agraire.  La tâche est difficile : des dizaines d’années de propagande ont appris aux paysans à se méfier des ouvriers en général et des communistes en particulier.  

Le Parti communiste ne s’y attelle pas sérieusement, il ne fait pas porter ses efforts en priorité sur la constitution des Comités de front populaire dans les campagnes (Quelques années plus tard, le Parti fera une autocritique à ce sujet, reconnaissant que cette négligence a été sa plus grave erreur).  

Cette mollesse donne aux parlementaires de gauche le temps de mettre en œuvre un plan de réorganisation des marchés agricoles. En créant l’Office du blé, ils arrêtent provisoirement l’effondrement des cours.

Pour les paysans pauvres et moyens, la mesure a du bon à court terme : ils peuvent repousser les échéances dramatiques qu’ils craignent depuis quelques années.  

Mais ce sont surtout les gros qui finalement vont s’y retrouver : assurés de profits élevés, ils vont pouvoir se moderniser et renforcer leur domination sur le marché.  

Politiquement, cette mesure va neutraliser les paysans travailleurs, continuer la pratique du dialogue entre les Chambres d’agriculture, les syndicats où dominent les gros et le gouvernement bourgeois pour obtenir quelques avantages immédiats qui ralentissent un peu la ruine des petits producteurs mais ne profitent durablement qu’aux gros.

Ayant ainsi neutralisé les paysans et isolé les ouvriers en lutte, la bourgeoisie pourra plus facilement résister à l’assaut populaire. 

8. L’union des paysans travailleurs et des ouvriers dans la lutte de libération nationale.  

La deuxième guerre mondiale va ébranler plus profondément l’« unité paysanne » que le front populaire.  En collaborant ouvertement avec l’occupant nazi, les organisations professionnelles dominées par les gros agrariens montrent leur vrai visage.  

Certaines coopératives, en Bretagne, vont jusqu’à recruter et transporter les milices de collaborateurs. Cependant, dans plusieurs régions, la lutte populaire contre l’occupant va se développer avec la participation active des paysans.  

Deux conceptions s’affrontent dans la résistante : celle des officiers gaullistes qui tentent de concentrer des forces sur des hauteurs « stratégiquement imprenables » comme les plateaux des Glières et du Vercors et celle des patriotes F.T.P. qui veulent au contraire s’appuyer sur les populations locales et utiliser au maximum leur mobilité.  

La première tendance est représentée par tous ceux qui refusent au peuple de participer à la lutte parce qu’ils en ont peur, la seconde par ceux qui, au contraire, lui font confiance et veulent armer le peuple, d’abord contre l’occupant, après contre la bourgeoisie.  

Lorsqu’ils s’appuient sur le peuple, dans le Limousin par exemple, les F.T.P. peuvent entraîner dans la lutte aux côtés des ouvriers un nombre croissant de paysans travailleurs.  A la fin de la guerre, dans les régions où la guerre de partisans a pris de l’ampleur, l’unité des paysans et des ouvriers révolutionnaires s’est réalisée. 

Les vieilles organisations professionnelles agricoles sont discréditées pour avoir collaboré ouvertement.  Il devient possible de rompre l’isolement des paysans et leur subordination aux notables traditionnels, possible d’entraîner les paysans pauvres dans un large mouvement de masse. 

Mais le Parti communiste, suivant ainsi les parlementaires de gauche, préfère troquer les armes de la résistance et le mouvement de masse contre des postes ministériels.  

Les parlementaires socialistes mettent alors sur pied une nouvelle organisation professionnelle agricole, la C.G.A., où se retrouvent à nouveau gros et petits producteurs (on se contente de bannir de ses rangs les « collaborateurs » les plus voyants).  

Cette mesure, ainsi que quelques réformes apportées au statut du fermage et dans l’organisation des marchés va permettre à nouveau d’isoler le « problème » des paysans travailleurs de la lutte des ouvriers.  

9. La mécanisation accentue  l’opposition entre les classes paysannes. 

C’est l’époque de la reconstruction nationale : la bourgeoisie française est affaiblie par rapport à ses concurrentes : elle a besoin de passer un compromis provisoire avec les autres classes pour équiper son industrie.  Il lui faut « moderniser son agriculture » afin de limiter ses importations aux seuls biens d’équipement et de trouver dans l’exode rural la source de main ­d’œuvre dont elle a besoin. 

Mais en même temps il ne faut pas que cette transformation, trop brutale, entraîne la révolte des paysans pauvres dans les campagnes.L’équipement des industries ne peut qu’entraîner des luttes ouvrières, d’autant plus que le grand mouvement de la résistance est encore vivant dans les esprits.  

Il est donc absolument nécessaire que les paysans restent calmes. On va donc continuer à soutenir les prix : cela permettra aux petits producteurs de résister un peu plus longtemps, mais aussi cela permettra aux gros de s’équiper dans de bonnes conditions. 

Dans le même temps, on favorise la mécanisation : des subventions sont accordées aux industries du machinisme agricole ; les pouvoirs publics favorisent l’implantation de filiales de grandes firmes anglo­-saxonnes qui produisent des tracteurs.  Le Crédit agricole accorde des prêts intéressants pour l’achat de matériel. Enfin, de grands efforts sont faits par l’administration et par les organisations professionnelles pour vulgariser les techniques nouvelles.  

Les porte-­paroles de la bourgeoisie, qui avaient jusqu’alors fait croire au paysan travailleur que son avenir serait assuré par le soutien des prix lui disent maintenant que c’est le tracteur qui va enfin permettre aux travailleurs de la terre de connaître une vie décente. Bien entendu, ce sont les gros producteurs qui s’équipent les premiers. Ainsi ils accroissent leur avantage. Pour pouvoir résister le paysan travailleur doit vendre plus, s’équiper lui aussi et utiliser des engrais.  

Ceux qui en ont les moyens, ou qui du moins peuvent espérer rembourser leurs emprunts, vont tenter de copier les gros producteurs et de se moderniser eux-­mêmes.  Ceux qui ne le pourront pas, verront leurs conditions de vie se dégrader très vite.  D’un côté, les gros exploitants effectuent des progrès fulgurants. 

Mais, en achetant du matériel, ils licencient du personnel et l’exode des ouvriers agricoles s’accroît.  De l’autre côté, les paysans qui n’ont pas les moyens de s’équiper se réfugient dans l’autarcie et font partir leurs fils en ville.

Entre les deux, les paysans travailleurs qui se sont équipés en suivant les conseils modernistes de l’époque. Ils doivent rembourser des emprunts, amortir du matériel, acheter des engrais, se comporter  comme de petits entrepreneurs capitalistes. Pour rentabiliser son matériel, le paysan travailleur doit, comme les gros, diminuer ses frais de main ­d’œuvre : seulement il ne peut pas se licencier lui-­même.  

Il cherche donc à croître. La terre est limitée. Tous ne peuvent augmenter leur surface.  Vers la fin des années 50 la majorité des paysans travailleurs qui se sont équipés s’aperçoivent que ces efforts ne les ont conduits qu’à s’endetter et à dépendre de plus en plus d’un marché où ils ne font pas le poids. Ils s’aperçoivent que la mécanisation et le soutien de prix n’ont en fait profité qu’aux riches.  

La révolte gronde dans les campagnes. Les masses paysannes ne croient plus ni au soutien des prix ni même à l’unité paysanne : des voix s’élèvent pour dénoncer les gros agriculteurs capitalistes. 

10. Une lutte déviée par l’idéologie moderniste du C.N.J.A. 

Mais ce mouvement est cadré : un simple changement de politique agricole négocié avec le gouvernement parviendra à canaliser la colère des paysans travailleurs et à implanter une nouvelle illusion dans les campagnes : ce sont des réformes de structures qui sauveront les paysans.  

Dans cette crise, c’est le C.N.J.A. [Cercle National des Jeunes Agriculteurs] qui va servir le plus activement les intérêts de la bourgeoisie et, sous un visage progressiste, aider au maintien de l’alliance des paysans avec la classe dominante. Les paysans travailleurs équipés ont deux tendances : d’une part, en tant que petits possesseurs de capitaux, ils cherchent à devenir rentables et pour cela à devenir « compétitifs » comme les gros ; d’autre part, ils sont ruinés par le capitalisme et s’opposent à tout ce qui avantage les gros.  

Le C.NJ.A. va faire semblant de s’appuyer sur la deuxième tendance : il critique le soutien des prix qui ne profite qu’aux gros, il prétend remettre en cause le système économique existant, il lui arrive même de « critiquer le capitalisme ».  

Mais en fait, il ne fait que renforcer la tendance petit patron : il demande à ses adhérents d’être « pour le progrès », d’accepter que les autres partent, de se grouper, de réorganiser les marchés. Il demande au gouvernement de favoriser la croissance en donnant une aumône aux pauvres qui doivent partir et des facilités pour que les autres s’agrandissent.  

Enfin, il maintient la vieille suspicion à l’égard du mouvement ouvrier. Ce mouvement réformiste ne gêne en rien le pouvoir bourgeois.  

Bien au contraire, inquiète des échéances européennes, la bourgeoisie, qui cherche à moderniser plus encore son agriculture, voit dans les réformes de structures réclamées par le C.N,J.A. le moyen de le faire sans se couper de la plupart des paysans travailleurs.  

C’est ainsi que naît la loi d’orientation et le ministère Pisani. Isolé, encadré par les jeunes patrons dynamiques du C.N.J.A., le mouvement paysan aboutit à un changement dans la politique bourgeoise, mais celle­ci reste bourgeoise et rien n’est changé fondamentalement.  

11. Une idée nouvelle qui doit soulever le poids de toute la tradition : unité du peuple. 

Pourtant, parmi les paysans travailleurs, dès cette époque, se lèvent des militants syndicaux qui s’aperçoivent que la nouvelle politique agricole n’empêche pas les paysans pauvres et moyens de se ruiner ; 1/5 veulent un changement.  On les invite alors à des négociations, des commissions, des réunions diverses, on les essouffle.  

Même s’ils ne finissent pas par croire que l’avenir des travailleurs se joue dans les négociations avec les technocrates gouvernementaux sur les indices de prix, les régulations de marché, les subventions, etc. ; même s’ils continuent malgré toute l’intoxication à vouloir que le. système change, on a réussi à les couper de leur base et ils se sentent isolés et impuissants.  

Or, depuis quelques années, la ruine des paysans travailleurs s’accélère.  Se rendant compte que ni les réformes ni le soutien des prix n’ont servi les travailleurs, les paysans de l’Ouest se sont révoltés, contre les gros, contre les organisations traditionnelles. Des paysans pauvres, des paysans équipés et ruinés s’aperçoivent qu’ils ne pourront vivre décemment tant que le capitalisme sera le maître.  

De nombreux militants comprennent qu’il faut changer cela, que seuls, ils ne peuvent rien faire et qu’ils doivent s’unir à tous les travailleurs et d’abord aux ouvriers.  C’est une tendance nouvelle. Celle qui peut enfin briser l’ancienne alliance qui faisait des paysans les auxiliaires et la proie de la bourgeoisie. Elle s’est exprimée déjà dans de nombreuses manifestations.

Mais la marche est difficile.  Elle va à contre­-courant de toute la tradition d’alliance, elle s’oppose à tous les appareils des organisations professionnelles ; elle doit lutter contre des années et des années de propagande, elle doit réaliser dans les faits le mot d’ordre d’unité populaire : unité des paysans travailleurs et des ouvriers pour un pouvoir qui soit aux mains du peuple et non plus dans les griffes des patrons.

Au cours du grand mouvement populaire de mai, cette unité s’est réalisée par endroits. 

Cependant, le gouvernement, s’appuyant sur toute la tradition du passé, intensifiant sa propagande antiouvrière dans les campagnes, a réussi à circonscrire le mouvement et même à rallier les campagnes.

En quelques jours, la bourgeoisie française et ses collègues européennes qui depuis quelque temps trouvaient un peu trop lourde la note qu’elles devaient payer pour soutenir le prix du lait, se sont senties l’âme généreuse.  

Quelques centimes de plus sur le lait, ainsi est achetée la neutralité déjà toute acquise des syndicats traditionnels, et désamorcé pour un temps le mécontentement de nombreux paysans.  Ce ne sont pourtant pas ces sentiments qui empêchent les paysans pauvres de se ruiner et les agriculteurs capitalistes de s’enrichir.Cette nouvelle tromperie du pouvoir sera elle aussi dénoncée.

Là ou les ouvriers en grève et les étudiants progressistes sont venus voir les paysans travailleurs en amis, là où des militants tentent de s’appuyer sur les masses et revendiquent le bien-­être pour le peuple, des mouvements de soutien aux grévistes et d’unité populaire ont eu lieu.  

Si, en mai, la tradition séculaire a continué à régner dans la campagne, la voie nouvelle aussi est apparue.  Et, en fin de compte, si l’on fait attention à servir réellement les  intérêts des paysans travailleurs, si l’on fait des efforts pour réaliser le  grand mot d’ordre d’unité des travailleurs, le nouveau triomphera de l’ancien, car seul il correspond aux besoins profonds des travailleurs de la campagne. 

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UJC (ml) : La situation actuelle et nos tâches (1967)

[Décembre 1967, rapport du bureau politique et du secrétariat du comité central à la réunion élargie du comité central.]

Pour observer la situation correctement, il faut, comme nous l’enseigne le Président Mao, faire des comparaisons.

Pour voir en quoi la situation actuelle est profondément nouvelle, il faut nous souvenir des questions pratiques brûlantes auxquelles nous devions répondre pour la rentrée.

La question qui dominait toutes les autres était : comment transformer la base de classe de notre organisation?

Comment nous lier aux larges masses?

Une 2e question était étroitement subordonnée à la question de la transformation de notre base de classe, c’était la question de la participation active de chaque militant dans notre organisation, la question des cadres, bref, la question de la démocratie dans notre organisation.

En somme, les questions brûlantes étaient : comment faire passer le mouvement m.-l. sous le contrôle direct des masses et renforcer le contrôle réel de la base de notre organisation sur les organismes dirigeants ?

Comment ces questions se présentaient-elles à nous avant le mouvement de rectification du style de travail? (…)

Il ne faut pas oublier que la tradition du politicien parlementaire est la plus puissante dans les quartiers. Dans les années 20, le parti communiste dut rejeter, avec la tradition parlementaire, la prédominance des organisations de quartiers.

Aujourd’hui, il n’est pas possible de laisser se développer la domination d’organisations de quartiers dans le mouvement m.-l.

Aujourd’hui, il n’est pas possible de mettre au premier plan les lieux où la contre-révolution bourgeoise et révisionniste sévit, où les traditions parlementaires sont puissantes.

Il faut aller principalement là où le besoin d’organisation, correspondant aux sentiments de révolte est le plus impérieux. C’est là qu’il faut créer les bases d’appui du mouvement m.-l. (…)

L’expérience négative des groupes de quartiers confirme une leçon qui se dégageait du mouvement de critique.

La question qui résumait la lutte entre les deux voies dans notre organisation est la question du pouvoir. Qui détient dans le mouvement m.-l. le pouvoir ?

Il faut que cesse la domination des intellectuels bourgeois : il faut que s’institue le contrôle direct des masses sur le mouvement m.-l. : il faut mettre la conception prolétarienne, la pensée de Mao au pouvoir, au poste de commandement.

Aujourd’hui, cela signifie pour nous, établir le rôle dirigeant de la ligne du groupe de travail communiste dans les masses. Il ne faut pas perdre l’essentiel : l’orientation générale du mouvement.

Le besoin pratique fondamental du mouvement, c’est le contrôle direct des masses ; la question fondamentale du mouvement, c’est la question du pouvoir.

La méthode actuelle de prise de pouvoir par la conception prolétarienne du monde, c’est l’établissement dans les masses. La participation du travail productif, l’établissement dans les masses d’un groupe de travail communiste, constituent actuellement la réponse correcte à la question du pouvoir, dans le mouvement m.-l. actuel.

Pour que le travail soit fermement pris en mains, il faut que la direction effective des groupes de travail communistes s’établisse.

En particulier, la répartition actuelle des forces doit radicalement changer dans le mouvement ; voilà pourquoi il faut développer un mouvement en faveur de l’établissement.

La deuxième leçon qui se dégage concerne l’unité du mouvement m.-l.

Le particularisme et l’anarchisme relèvent d’une conception mécaniste, non dialectique de la décentralisation, de la dispersion.

L’expérience nous a montré que si l’on ne combine pas la dispersion et l’unité, on commet des erreurs.

La dispersion formelle, c’est la perpétuation du règne de l’intellectuel bourgeois, la dispersion réelle, c’est l’établissement ; la dispersion sans l’unité, c’est le particularisme et finalement l’endettement, il faut combiner la dispersion et unité réelle.

La dispersion réelle est la base du développement du mouvement m.-l. et l’unité réelle est le facteur dirigeant de son développement.

Il faut stimuler un mouvement d’éducation idéologique et pratique des communistes dans l’étape actuelle.

L’unité réelle du mouvement se fera sur la base de la lutte en faveur du rôle dirigeant de la ligne du groupe de travail communiste dans les masses.

Il est important de souligner que c’est dans les groupes de quartiers et non dans les groupes d’établissement, que s’est surtout développé le particularisme.

C’est que les camarades qui se sont établis, qui travaillent dans les masses, savent combien l’unité importe. Pour unifier les masses, il faut unifier les communistes.

Le président Mao a dit :

 » C’est seulement par l’unité du Parti communiste qu’on réalisera l’unité de toute la classe et celle de toute la nation ; et c’est seulement par l’unité de toute la classe et de toute la nation, que l’on vaincra l’ennemi. « 

Résumons-nous : la tâche de l’heure est de combiner la dispersion réelle et l’unité réelle : de développer un mouvement idéologique concernant l’unité du mouvement sur la base du mouvement en faveur de l’établissement.

Il nous faut établir un plan de mesures pratiques destinées à réaliser cette tâche.

En somme, il s’agit de construire le mouvement m.-l. sur la base du rôle dirigeant de la ligne du groupe de travail communiste dans les masses.

Que sont les groupes d’établissement ? Que signifie : assurer leur rôle dirigeant ?

Nous dirons que les groupes d’établissement doivent devenir le facteur dirigeant du mouvement dans son ensemble. Cela ne signifie nullement que nous devons supprimer tous les autres formes de travail et d’organisation.

Cela signifie que pour ce qui est du style de travail, de la propagande, de la presse, de la répartition des forces militantes, c’est le point de vue des groupes d’établissement qui doit l’emporter.

Les groupes d’établissement sont composés de camarades qui ont pris des mesures pratiques pour aller vivre parmi les masses, partager leur condition d’exploitation, travailler avec elles et se joindre à leurs luttes.

L’ [objectif] immédiat des groupes d’établissement est d’organiser les masses, de constituer des noyaux m.-l. ouvriers et paysans, le plus souvent, sur les lieux mêmes du travail, de raviver et d’unifier, à l’échelle locale et régionale, les luttes de classe.

C’est généralement à l’issue des enquêtes de cet été que des groupes de camarades, ayant pris conscience de la volonté de lutte des niasses populaires, de leur besoin d’organisation, des contradictions aiguës qui minent l’implantation révisionniste en son sein, décidèrent de s’établir dans des endroits déterminés, choisis en fonction des conditions de lutte des classes.

Il est clair qu’il y a une différence notable, entre le fait d’aller se mettre au service des masses, là où se font sentir les besoins de la lutte des classes et militer sur un lieu d’habitation, déterminé par le hasard.

Le groupe d’établissement peut porter directement son travail sur une importante concentration ouvrière, une région où les luttes ouvrières et paysannes sont particulièrement vives, une région  » rouge  » où le révisionnisme a quelque difficulté à se généraliser, etc.

Autrement dit, la ligne du groupe d’établissement tient compte dans la tactique de décentralisation, de la faiblesse des forces subjectives de la révolution, en choisissant des points où les conditions objectives sont favorables au développement des luttes et à l’implantation des noyaux m.-l., en surmontant le risque de voir se transformer le mouvement de décentralisation en une dilution inefficace, commandée par le hasard. (…)

La propagande en faveur de l’établissement.

Les camarades auront à développer une propagande en faveur du mouvement d’établissement et, par conséquent, du travail à la production.

C’est pourquoi il est extrêmement important que nous nous mettions d’accord pour éliminer toute thèse schématique, toute propagande gauchiste sur cette question.

Contre quel type de propagande faut-il mettre en garde les camarades?

Nous devons éliminer tout mot d’ordre du type :  » Tous à la production. « 

Ce mot d’ordre est incorrect parce qu’il ne tient pas compte de l’inégalité de développement au sein de l’organisation, de la diversité des tâches, de la nécessité d’une division du travail dans l’organisation communiste, des besoins d’organisation chez les étudiants et dans les couches petites-bourgeoises, etc.

Nous devons éliminer également les mises en demeure autoritaires fondées sur les arguments du type : celui qui ne va pas à la production est contre-révolutionnaire, la ligne de démarcation passe entre ceux qui vont à la production et ceux qui n’y vont pas, etc.

Poser le problème de cette façon, c’est négliger les conditions concrètes, abandonner les méthodes correctes de persuasion ; de plus, cela revient à interdire aux militants une progression par étapes vers une position révolutionnaire de plus en plus profonde et conséquente ; cela revient à assimiler à la contre-révolution, une forme inférieure ou secondaire de travail dans les rangs de la révolution.

Enfin, c’est une façon individuelle de poser la question : cela fait entrer en ligne de compte en premier lieu, l’apport idéologique du travail à la production pour chacun.

Dans ces conditions, comment procéder?

Il est indispensable de donner à chaque camarade, un point de vue correct sur l’ensemble du mouvement, c’est-à-dire de faire comprendre à chacun que le facteur dirigeant en est les groupes d’établissement et particulièrement les groupes qui travaillent à la production, qu’il est vital pour le développement du mouvement m.-l. que soient considérablement renforcés les effectifs de ces groupes, et que les autres formes de travail occupent une place subordonnée par rapport à celle-là.

Il est indispensable d’éliminer tout flottement sur cette question : on ne saurait admettre qu’un camarade, parce qu’il ne s’engage pas dans le travail principal, remette en question, pour le mouvement m.-l., le rôle décisif de l’établissement de groupes militants dans les masses populaires, et de leur participation à la production, donc, au luttes menées par la classe ouvrière sur les lieux du travail.

Mais une fois établie clairement la hiérarchie des besoins et des formes de travail, il convient de laisser chaque camarade se déterminer librement. (…)

Il est vrai que la participation au travail productif est la seule méthode pour refondre complètement la conception du monde dans chacun de nos esprits.

Mais notre mot d’ordre d’établissement ne part pas de la nécessité pour chacun de refondre sa conception du monde par le travail productif : si nous avions de cette manière le mot d’ordre en faveur de l’établissement, nous n’aurions tenu compte que de la réalité dans nos esprits, et non de la réalité extérieure de la lutte nationale de classes et des exigences objectives du travail communiste à l’heure actuelle.

En un mot nous aurions en fait oublié la lutte de classe.

Nous aurions promu une ligne de perfectionnement individuel des communistes. Nous devons partir de la réa-, lité de la lutte de classe.

C’est pour répondre aux besoins du travail communiste dans les masses fondamentales du pays que nous devons favoriser la participation au travail productif comme le moyen actuel d’organiser les ouvriers, de transformer la base de classe actuelle du mouvement m.-l., et d’implanter dans ses rangs la conception prolétarienne du monde, la pensée de Mao. (…)

Liquider l’anarchisme et mettre de l’ordre sur le plan de l’organisation.

1° la première idée que nous devons éliminer est que les cadres et les dirigeants nouveaux naîtront rapidement des nouvelles formes de travail et constitueront une direction homogène.

En fait, ce n’est que progressivement que pourra naître une direction du mouvement, regroupant des cadres ayant participé effectivement à un travail d’organisation des masses fondamentales, ouvrières et paysannes.

Si l’on regarde les choses du point de vue pratique, si l’on tient compte du fait que les G. E. viennent à peine de commencer leur travail et qu’un petit nombre de camarades est récemment parti à la production, c’est là une chose évidente.

2° Dans la situation actuelle où existent 4 sphères relativement autonomes de travail (G. E., groupes de quartiers, cellules de provinces, étudiants), il apparaît que :

– pour la plupart de ces sphères de travail, les conditions n’existent pas pour que naissent spontanément des formes de centralisation ;

– alors qu’il n’existe pas de raison subjective pour que s’instaure un cloisonnement entre ces divers secteurs du mouvement, un tel cloisonnement s’est pourtant établi de fait; or il est clair que l’échange permanent des expériences et l’élaboration continue d’une propagande unifiée sont une nécessité du mouvement sans lesquels on ne peut parler de travail communiste.

D’où, l’importance dans notre travail de construction de nouvelles organisations m.-l., de maintenir une direction et des cadres qui conservent un point de vue d’ensemble.

Nous devons penser à la relève et prévoir une rotation effective des cadres et des dirigeants.

Mais à aucun moment, on ne doit aboutir à une vacance en ce domaine. L’expérience des derniers mois le prouve. (…)

Quelle est notre tâche fondamentale dans les mois qui viennent :

1° Renforcer et étendre le mouvement des G. E. dans les masses populaires (qui constituent les véritables groupes de travail, noyaux communistes au sein des masses, germe du futur parti m.-l. que nous entreprenons d’édifier), et d’en faire le facteur effectivement dirigeant de l’ensemble du mouvement.

Cela signifie dans l’immédiat que les cadres et la direction de l’U. J. C. (m.-l.), le comité de rédaction de S. L. P. [servir le peuple] ont pour tâche de mettre l’organisation au service du travail communiste dans les masses fondamentales, et des camarades qui l’assument.

Cela signifie que dans une deuxième étape, la rotation des dirigeants et des cadres permettra de restructurer notre direction par la participation et la prise en main directe de camarades ayant l’expérience du travail dans les masses, et de l’organisation à la base de luttes ouvrières et paysannes. Notre presse doit refléter les enseignements que dégagent de leur expérience, les camarades des G. E., et progressivement assurer leur direction idéologique sur l’ensemble du mouvement.

Mais d’autres tâches doivent également être fermement prises en main par les cadres de notre organisation,

2° Développer à Paris et en province, l’organisation correcte du mouvement de la jeunesse, d’amour du peuple, de soutien direct aux luttes ouvrières et paysannes, de propagande pour la cause du peuple dans la jeunesse intellectuelle.

3° Réorganiser le travail des groupes dans les quartiers de Paris.

Assurer leur coordination, lutter contre le suivisme, l’anarchisme et le spontanéisme ; promouvoir les formes de propagande (diffusion et étude de la presse, écoles de formation théorique, etc.) alléger le nombre de leurs membres; renforcer les groupes de travail effectif.

4° Mettre sur pied, l’organisation des cellules et groupes de provinces, assurer leur liaison avec le reste du mouvement, les engager dans la voie de l’orientation fondamentale du travail dans les niasses ouvrières et paysannes et de soutien du peuple.

5° Prendre en main la presse, renforcer sa rédaction, stimuler sa diffusion, assurer le contrôle des G. E. sur son élaboration et y associer les camarades ouvriers.

6° Refondre la direction unifiée du mouvement, regrouper nos forces et préparer une conférence d’ensemble qui combine l’unité idéologique et pratique la division du travail et le rôle dirigeant du travail politique dans les masses fondamentales.

L’unité pratique du mouvement.

L’expérience de ces dernières semaines, comme nous l’avons vu, nous commande une grande vigilance à l’égard du particularisme et de l’anarchisme.

Dans les conditions actuelles, les organismes de direction de l’U. J. C. M. L. sont les seuls à pouvoir diriger pratiquement l’ensemble du mouvement.

Ils doivent continuer à exercer leur action pendant toute la période de construction des nouvelles organisations.

Ils sont au service des groupes de travail. Au sein des organismes de direction, une partie des membres doit impulser directement la création de G. T. C. Selon le système de la rotation, ce groupe de membres de la direction du mouvement variera.

La question de la direction sera posée, à nouveau, au prochain congrès du mouvement, lorsqu’aura triomphé dans les faits, la ligne des G. T. C. dans les masses, que le mouvement sera sous le contrôle direct des masses.

La direction, sur demande des groupes de travail, convoquera des conférences de travail, qui élaboreront les décisions faisant autorité dans le mouvement.

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UJC (ml) : Édifions en France un Parti Communiste de l’époque de la révolution culturelle (1967)

Centralisation et décentralisation

(Homogénéité et Hétérogénéité)

[Tiré de Jeune Garde, n°6, mai 1967. Le point de vue exprimé ici par l’UJCML va à l’opposé de celui du PCMLF.]

II faut constamment avoir à l’esprit les tâches générales que doit être capable de remplir un véritable Parti marxiste-léniniste : le parti marxiste-léniniste doit:

1° être présent dans toutes les classes et couches du peuple, en prenant la direction de toutes les forces populaires qui luttent contre la réaction ;

2° organiser toutes les formes de lutte des classes (politique, économique, théorique, idéologique, armée…

Pour ce qui est du premier point, nous devons le délimiter rigoureusement.

Etre présent dans tous les détachements du peuple est indispensable si l’on veut entraîner dans la lutte pour les transformations nécessaires la majorité réelle ; mais cela ne signifie pas que le Parti Communiste doive organiser directement l’ensemble des classes, couches et groupes sociaux qui, à un moment déterminé, composent le peuple, ni que son implantation dans les différentes catégories du peuple revête la même importance, et puisse être mise sur le même plan.

Il est clair par exemple que l’implantation dans la masse ouvrière occupe la place décisive, et constitue même la pierre de touche du niveau de l’organisation dans son ensemble et de sa capacité révolutionnaire.

De plus, la forme de la présence dans les différentes catégories du peuple n’est pas la même.

Les marxistes-léninistes doivent organiser directement dans le Parti l’avant-garde ouvrière et se fondre solidement dans la masse ouvrière.

Dans certains cas, il leur est indispensable d’agir de même à l’égard d’une autre force révolutionnaire principale (comme cela a été le cas pour la paysannerie en Chine).

Par contre, pour ce qui est des forces secondaires du peuple (catégories de la bourgeoisie ou de la petite-bourgeoisie, étudiants progressistes, certaines catégories paysannes dans les pays où la paysannerie n’est pas dans sa masse une force révolutionnaire principale), la présence du Parti y prend des formes plus souples.

Il s’agit en effet parfois de diriger les luttes progressistes de ces catégories secondaires, ou bien simplement de les connaître, ou bien encore de les associer à titre de force d’appoint aux luttes menées par les forces principales du peuple.

Les méthodes qui permettent cette forme de présence sont l’enquête dans ces catégories du peuple, la direction d’organisations de masses populaires (culturelles, nationales, éventuellement économiques, politiques), et le cas échéant la place donnée dans le Parti à certains éléments avancés de ces diverses catégories.

On ne peut donc mettre sur le même plan la présence du Parti dans les différents détachements du peuple ; mais la nécessité de cette présence ne doit pas nous échapper.

Prenons un exemple concret. Une grève éclate dans une usine de province ou un quartier urbain.

Il est clair que le facteur principal dans cette grève est la façon dont la lutte est menée à l’usine même, la capacité du Parti et du syndicat (ou d’autres formes d’organisation de classe) à organiser correctement l’offensive des ouvriers contre le patron.

Mais, s’il est principal, ce facteur n’est pas le seul, et sa combinaison avec d’autres peut être indispensable au succès : si le Parti, l’avant-garde ouvrière parvient à entraîner un important mouvement populaire d’adhésion à la grève dans la localité, le quartier, la région, cela donnera aux ouvriers un soutien à la fois idéologique, politique et matériel qui peut être déterminant ; cela suppose que, outre son implantation ouvrière, le Parti connaisse les petits-bourgeois, les universitaires, les étudiants, les petits commerçants et artisans, certaines catégories de paysans, et assure parmi eux une certaine forme de présence.

L’expérience montre que le soutien populaire aux grévistes (manifestations de solidarité, aide matérielle, propagande diffusée) est un élément important dans le développement de certaines luttes ouvrières.

Voyons maintenant à quelles conditions le Parti pourra effectivement assurer la direction de toutes les forces populaires et la combinaison juste à chaque moment donné des formes de la lutte des classes.

Pour que le Parti puisse remplir ces tâches fondamentales (dont l’accomplissement le définit en tant que véritable Parti communiste, conjointement avec la justesse de sa ligne politique), il doit parvenir à développer l’unité de deux aspects complémentaires : la diversité des composantes du mouvement et l’unité de leur directions ; en termes organisationnels : la centralisation et la décentralisation (voir le texte de Lénine :  » Lettre à un camarade sur nos tâches d’organisation « ).

Ces deux aspects complémentaires du développement du Parti sont aussi indispensables l’un que l’autre : sans la décentralisation, le Parti sera incapable de mettre en œuvre une ligne de masse ;

il sera incapable de se mettre à la tête de la lutte de l’ensemble du peuple et de souder toutes les classes et couches progressistes en un front uni puissant dirigé par la classe ouvrière ;

il sera incapable de saisir l’état des luttes de classes sous tous leurs aspects : il comprendra les ouvriers, mais non les paysans, les ouvriers de telle branche, mais non les ouvriers de telle autre, les travailleurs manuels, mais non les intellectuels, les étudiants mais non d’autres catégories de la petite-bourgeoisie, etc.,

il sera incapable de déterminer quelle forme de la lutte des classes est, dans le moment actuel, décisive : la lutte économique ou la lutte idéologique ou la lutte armée, etc.,

il sera incapable d’organiser en son sein une juste division du travail et une répartition adéquate des forces militantes qui lui permettent de satisfaire dans des délais aussi brefs que possible des besoins nouveaux nés du développement de la lutte dans son ensemble, et qui donnent brusquement une importance décisive à une forme ou un front de lutte donné : travail dans les organisations syndicales à un moment de développement intense des luttes revendicatives, besoins théoriques urgents dans un domaine déterminé du matérislisme historique ou du matérialisme dialectique, nécessité soudaine d’une organisation rapide du travail clandestin, etc.

Sans la centralisation, le Parti ne sera pas un véritable Parti communiste, un Parti de type nouveau.

Ce sera un vulgaire Parti parlementaire de type ancien, un parti opportuniste divisé en fractions et tendances, un club de discussion incapable de diriger la lutte de tout le peuple ; il ne pourra fondre en un front unique les différentes forces qui composent le peuple ; il sera-incapable d’unir les paysans aux ouvriers en son sein, d’unir en son sein les travailleurs manuels et les intellectuels, de réaliser dans la pratique l’union de la théorie et de la pratique.

Il sera incapable de combiner les différentes lignes d’action dans les différentes classes et couches sociales pour leur donner une orientation commune, qui puisse réaliser l’unité de toutes les classes, sans aplatir ni éliminer les traits spécifiques de chacune d’elles.

La centralisation et la décentralisation sont donc l’une comme l’autre tout aussi essentielles au fonctionnement du Parti Communiste.

Cela signifie-t-il que ces deux aspects soient équivalents, qu’aucun d’entre eux ne soit plus important à telle ou telle étape de l’édification ou du développement du Parti?

Certainement pas.

A regarder les choses de près, il apparaît clairement que la décentralisation – l’hétérogénéité – est l’aspect principal pour certaines étapes données, et que la centralisation (ou l’homogénéité) est l’aspect principal pour d’autres étapes.

Expliquons-nous.

Au moment où les militants marxistes-léninistes ont pour tâche principale d’implanter la théorie marxiste-léniniste sous sa forme la plus générale dans les masses ce qui est le cas quand une longue période de dégénérescence opportuniste a obscurci leur connaissance et les a sevrées d’un mode de pensée correct, au moment où les militants marxistes-léninistes ont pour tâche principale de pénétrer dans les différentes couches du peuple et d’acquérir l’expérience du travail militant dans ces différentes couches et classes ;

au moment où les marxistes-léninistes doivent inventer les formes nouvelles de travail, d’élaboration et d’organisation dans lesquelles se développera la lutte des classes ; à ce moment-là, qui correspond à l’étape de la naissance et de la première implantation du mouvement marxiste-léniniste, étape préalable à la naissance du Parti proprement dit l’exigence de décentralisation et d’hétérogénéité l’emporte de loin sur l’exigence de centralisation (décentralisation doit être pris ici en son sens le plus fort : l’absence de centre unique dans cette étape ;

si le processus d’édification respecte cette exigence, le Parti pourra ensuite appliquer la  » décentralisation  » au sens courant).

L’impératif fondamental de cette étape est que les militants marxistes-léninistes se dispersent dans les masses, non qu’il s’assemblent centralement en un point de fixation.

L’essentiel est que les militants m.-l. acquièrent l’expérience de la lutte dans les milieux divers, les formes d’organisation les plus diversifiées, qu’ils accumulent des forces dans tous les détachements du peuple, qu’ils apprennent à être présents sur tous les fronts de la lutte des classes, même si la rançon de ce travail préliminaire est une apparente incohérence, la constitution de pans d’organisation ayant leurs caractéristiques spécifiques, l’absence de direction centralisée du mouvement dans son ensemble et parfois même d’inévitables malentendus subjectifs entre des militants qui auront connu des expériences diverses ;

ces malentendus seront sans gravité si la volonté d’unité l’emporte et permet de passer correctement à l’étape suivante – d’édification du parti – lorsque les tâches préliminaires d’implantation du mouvement dans les masses sont remplies et que la diversité des expériences, des connaissances et des formes d’organisation fournit un contenu adéquat à l’élaboration de la ligne commune, et assure que la ligne centralement élaborée correspondra aux besoins de tout le peuple et sera effectivement appliquée à la base dans les différents détachements du peuple, par des organisations spécifiques, proches des masses et liées à elles.

Ne pas voir le rôle essentiel de la décentralisation, de l’hétérogénéité dans cette première étape serait une erreur lourde de conséquences.

Une centralisation trop rapide du mouvement dans son ensemble, alors qu’il n’aurait pas enfoncé ses racines dans chaque détachement du peuple, reviendrait à généraliser hâtivement une expérience partielle déterminée, à tenter de plaquer des formes d’organisation et des bribes de ligne nées dans une petite fraction du peuple sur la lutte de classes dans son ensemble ;

cela aboutirait à une direction étroite, qui ne pourrait devenir la direction de l’ensemble du mouvement marxiste-léniniste et des luttes populaires, et cela freinerait en définitive gravement le développement du mouvement et l’édification d’une véritable direction centralisée.

Pour qui veut se donner la peine de raisonner, ceci n’a rien d’extraordinaire : quel sens aurait le mot de centralisation, s’il ne s’agissait de centraliser quelque chose de diversifié, d’hétérogène?

Ce serait vraiment une chose risible que de prétendre se centraliser soi-même, tout seul, ce qui serait le cas d’une organisation marxiste-léniniste représentant une partie du mouvement (a fortiori quand le mouvement pris dans son ensemble n’est pas assez largement implanté), et qui voudrait se transformer d’elle-même en parti.

Pour avoir négligé la décentralisation préalable nécessaire, elle enlèverait toute signification à la centralisation.

La création du Parti ne serait plus cette étape nouvelle et décisive dans laquelle les composantes hétérogènes du mouvement parviennent, par un travail commun et une lutte idéologique conséquente, à forger une unité de pensée d’autant plus précieuse qu’elle combine des expériences diverses, et à mettre sur pied une direction unifiée du mouvement qualitativement supérieure à la somme des organisations existant antérieurement, mais une simple futilité administrative !

Mais il serait tout à fait erroné de ne faire mention que des étapes où la décentralisation et l’hétérogénéité sont l’aspect principal.

Il existe inversement des étapes où la centralisation et l’homogénéité de la direction sont l’aspect principal.

Il s’agit principalement des moments où l’organisation marxiste-léniniste peut et doit se mettre à la tête du peuple pour diriger ses luttes d’une façon unifiée, conformément à une ligne d’ensemble élaborée à partir de l’expérience des masses et de leurs idées ainsi que de la théorie marxiste-léniniste.

Cela suppose bien entendu l’accumulation préalable des forces dans tous les détachements du peuple, dont nous avons parlé plus haut.

Cela suppose également l’unification idéologique des composantes hétérogènes du mouvement.

Il est clair que cette unification idéologique définit la phrase qui précède immédiatement la création du Parti, et que le recensement des moyens concrets qui permettent de l’obtenir est de la plus haute importance.

Lorsque nous disons que dans les premières étapes de son développement, à l’époque du début de son implantation dans les masses, le mouvement marxiste-léniniste doit rester « décentralisé », ou « hétérogène » (pour reprendre la terminologie de lyénine), cela signifie-t-il que toute centralisation en est exclue?

Bien évidemment non. Pour pouvoir agir, chaque détachement du mouvement doit se centraliser ; sans centralisation, il n’y a pas de direction ; lorsqu’un groupe de militants ou une organisation marxiste-léniniste engage une action déterminée sur un front de la lutte des classes ils ont besoin de se centraliser, de réaliser leur unité de pensée et d’action pour mener à bien le travail qu’ils se sont fixés, qui correspond à leurs possibilités effectives.

Nous insistons simplement lorsque nous parlons de « décentralisation » sur le fait qu’il n’est pas encore possible de réaliser une direction centralisée des luttes de classes pour l’ensemble du pays, sous toutes les formes et sur tous les fronts, qu’une telle centralisation resterait formelle, factice et ne correspondrait pas à une capacité effective de direc-tion, à une homogénéité réelle.

La dispersion du mouvement dans les masses signifie qu’il n’y a pas de centre unique du mouvement dans tout le pays, pour ses différentes composantes sociales et locales ; elle ne saurait être confondue avec le désordre et l’absence de méthode ; elle n’exclut pas, mais exige au contraire des niveaux partiels de centralisation, d’organisation et de direction des luttes, correspondant à la réalité du mouvement à chaque endroit et à chaque moment donné.

Elle n’exclut pas la coordination de tous les éléments qui participent au mouvement sur des questions où l’unité de pensée, d’expérience et d’action peut être réalisée plus rapidement que pour d’autres.

Il reste que la création organique d’un centre unique du mouvement pour l’ensemble du pays et des fronts de la lutte des classes (« création du Parti »), la  » centralisation  » au sens fort, correspond à une étape bien déterminée du développement du mouvement dans ses diverses composantes, ses centralisations partielles, ses organisations locales et spécifiques ; les marxistes-léninistes ne s’abaissent pas à jouer sur les mots pour tenter de leurrer les autres et éventuellement eux-mêmes sur l’état réel des îorces qu’ils sont parvenus à accumuler.

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UJC (ml) : Vive l’UJC (ML) ! (1967)

VIVE L’UNION DES JEUNESSES COMMUNISTES (MARXISTES-LÉNINISTES)

[Tiré de Jeune Garde, n°1, mars 1967. Jeune Garde est le journal de la cellule Alfred Gandois de Lyon.]

Sur les ruines de la vieille U. E. C. révisionniste, la cellule Alfred Gandois de l’U. J. C. (M.-L.) se constitue aujourd’hui publiquement.

C’est le fruit d’une lutte de principe menée patiemment dans l’U. E. C. révisionniste.

Cette lutte a commencé par la défense de la formation théorique. En effet il est nécessaire à une organisation d’étudiants communistes, pour rester communiste, d’organiser la formation théorique rigoureuse de ses militants.

Ainsi seulement il est possible de rompre avec l’idéologie spontanée, petite-bourgeoise du milieu étudiant.

Les dirigeants de l’U. E. C., nationaux ou locaux, se refusèrent toujours à organiser une telle formation, et sabotèrent même le travail des camarades qui en étaient chargés.

Il s’institua alors dans l’U. E. C. un style de travail dénué de tout principe, pragma-tiste à courte vue et sectaire.

Incapables d’aborder les problèmes sur le terrain solide du marxisme-léninisme qu’ils avaient révisé, les dirigeants de l’U.E.C. liquidèrent la lutte politique contre les déviations du marxisme-léninisme, l’opportunisme de droite ou de « gauche ».

De droite : après l’élimination des ultra-révisionnistes de la clique Kahn-Forner, on s’est empressé de reprendre leurs thèmes  » humanistes  » et éclectiques qui mettent le Parti de la classe ouvrière à la remorque des intellectuels petits-bourgeois à la Garaudy, de la social-démocratie et de la bourgeoisie libérale.

 » De gauche  » : les explications politiques n’étant pas données, il ne reste aucun moyen d’empêcher que les sentiments révolutionnaires d’un certain nombre de militants soient dévoyés par des dirigeants trot-skystes : on alimente ainsi les groupuscules.

Il était impossible que sur ces bases erronées se maintienne l’unité de l’organisation.

Ainsi, dès le IXe Congrès de l’U. E.C., plusieurs camarades de la direction de ville se virent dans l’impossibilité de poursuivre leur travail dans de telles conditions et poursuivirent la lutte dans leurs cercles.

Le Comité de ville élu ne fut réuni qu’une fois et ses décisions ne furent pas respectées : la vie démocratique de l’organisation était liquidée à son tour.

Dès la rentrée 66, nos cellules marxistes-léninistes – qui s’étaient constituées clandestinement quelques mois auparavant – dirigèrent dans l’U. E. C. parisienne une lutte politique conséquente pour le soutien au peuple vietnamien, pour la défense de la Chine populaire et de sa Révolution Culturelle, contre l’Université de classe.

Alors les dirigeants de l’U. E. C. parachevèrent leur œuvre en dissolvant l’organisation parisienne.

Par là ils organisèrent la scission, se séparaient de toute base militante et donc de la niasse des étudiants progressistes : ils apparaissaient aux yeux de tous comme une clique isolée.

Les étudiants communistes de Lyon surent voir là le couronnement d’une orientation contre laquelle ils s’étaient battus dans leur ville.

Ils s’affirmèrent solidaires de leurs camarades parisiens et furent pour cela  » exclus  » et leurs cercles,  » dissous « .

Ainsi privée de l’essentiel de sa substance militante, l’U. E. C. devenait un cadavre tenu à bout de bras par la direction locale du P. C. F.

Tandis que les camarades  » exclus  » et les cercles  » dissous  » poursuivaient leur activité, constitués en Cercles d’Étude marxiste-léniniste, sous la direction de notre cellule.

Aujourd’hui l’U. E. C. a encore perdu des militants, qui n’acceptent pas de voir sacrifier la lutte antiimpérialiste sur l’autel de l' » unité  » sans principes avec la social-démocratie pro-américaine, et les quelques militants abusés ouvrent de plus en plus les yeux, l’U. E. C. n’a plus rien de communiste ; elle est un groupuscule sans audience, pétri de contradictions.

Seul le soutien occulte de la direction fédérale du Parti révisionniste lui permet de développer son agitation étroitement électoraliste : un luxueux bulletin de ville, le seul jamais paru est centré… sur les législatives !

Feu Nikita Khrouchtchev avait du communisme une idée économiste vulgaire : un plat de goulasch. Ses émules lyonnais prennent la relève et clament leur besoin de  » bonheur « , abstrait et  » pacifique « .

Les marxistes-léninistes répudient cet idéal de bourgeois arriviste. Ils reprennent le drapeau de la lutte communiste; Ils appellent les étudiants progressistes à rejeter leurs illusions, à se préparer à la lutte.

La cellule Alfred Gandois de l’U. J. C. (m.-l.) engage aujourd’hui son combat public : une nouvelle étape commence.

L’U. J. C. (m.-l.) impulse les luttes résolues contre l’impérialisme américain, écartant aussi bien les révisionnistes bêlant pour la  » paix au Viet-Nam  » que les stratèges trotskystes qui prétendent donner à ceux qui se battent des leçons de révolution.

Elle organise le soutien politique militant à la lutte du peuple vietnamien.
Elle soutient les luttes de classe à l’Université, contre l’idéologie bourgeoise et sa variante révisionniste.

Elle soutient les luttes étudiantes qui désignent l’Université pour ce qu’elle est : un appareil répressif aux mains de la bourgeoisie, un appareil qu’il faudra briser et non améliorer.

Elle propage les idées du communisme scientifique parmi les étudiants progressistes par son École lyonnaise de formation théorique et politique et par ses Cercles d’Etude Marxistes-Léninistes.

Elle développe en ses rangs la théorie marxiste-léniniste et l’idéologie prolétarienne.

Ainsi, l’U. J. C. (m.-l.) forme des intellectuels révolutionnaires, capables et désireux de se lier et de se fondre aux luttes de la classe ouvrière et du peuple travailleur.

Elle est une part indissoluble du Parti communiste français marxiste-léniniste à construire.

Cette construction sera une guerre prolongée, nous le savons, nous avons appris dans Lénine à bannir l’impatience.

Les étapes déjà franchies et les succès obtenus, la claire conscience du but à atteindre, nous donnent confiance dans la victoire.

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UJC (ml) : Front uni résolu contre l’impérialisme américain (1967)

[Extrait de Garde Rouge, mensuel de l’Union des jeunesses communistes (marxiste-léniniste), n° 3, janvier 1967. Ce texte est publié en même temps que la formation des Comités Vietnam de Base, qui auront un succès énorme et seront l’ossature initiale du futur mouvement maoïste]

 » Le parti communiste chinois et le gouvernement chinois brandissent toujours plus haut le drapeau de la lutte contre les impérialistes ayant les Etats-Unis en tête, soutiennent entièrement la lutte révolutionnaire de toutes les nations opprimées et défendent la paix mondiale. « 

(Discours de Nguyen Minh Phuong, chef par intérim de la mission permanente du F.N.L. à Pékin, le 19 décembre 1966, à l’occasion du XXIIe Anniversaire de la formation de l’A.P.L. et du VIe Anniversaire de la constitution du F.N.L.)

 » Bien que l’aide matérielle au peuple vietnamien soit importante, c’est la pensée de Mao Tsé-toung qui est, pour nous, le trésor inestimable. « 

(Discours de Tran Tu Binh, ambassadeur de la R.D.V. en Chine, le 19 décembre 1966).

Les camarades vietnamiens sont bien placés pour savoir quelle est la nature de l’impérialisme américain. Leurs déclarations rapportées ci-dessus soulignent avec force les deux principes suivants :

1° Le seul moyen de défendre la paix mondiale est le soutien résolu de la lutte des peuples opprimés contre l’impérialisme américain, fauteur de guerre par nature.

2° Le soutien le plus important est le soutien politique conséquent fondé sur le marxisme-léninisme.

Il s’ensuit que l’action unie contre les agresseurs U.S. n’est possible qu’avec ceux qui le dénoncent comme l’ennemi principal et le combattent résolument.

Elle est impossible avec ceux qui cherchent à s’entendre avec lui aux dépens des peuples révolutionnaires du monde, et qui manigancent un Munich vietnamien.

Depuis deux ans, les dirigeants du P.C.U.S. réclament l’unité d’action pour aider le Vietnam.

Certes, l’unité est une bonne chose, mais, avant de s’unir avec quelqu’un, il faut savoir s’il s’agit d’un ami ou d’un ennemi, si ses buts sont en accord ou en contradiction avec ceux que l’on veut atteindre.

A cette fin, nous examinerons successivement :

a) Les contradictions du monde contemporain et la conception juste du front uni contre l’impérialisme américain.

b) L’idéologie propagée par les dirigeants soviétiques et leur politique face à l’agression américaine au Vietnam.

Les quatre contradictions

Elles opposent :

1° Le camp socialiste au camp impérialiste ;
2° le prolétariat à la bourgeoisie ;
3° les nations opprimées à l’impérialisme ;
4° les pays impérialistes et les groupes monopolistes entre eux.

Ces quatre contradictions sont un  » invariant de toute la période de la crise générale du capitalisme qui s’est ouverte avec la révolution d’Octobre et se poursuivra jusqu’au triomphe mondial du socialisme.

Elles constituent un système lié, chacune d’entre elles étant présente dans toutes les autres.

En voici deux exemples :

a) la contradiction entre les deux camps se manifeste à travers les trois
autres contradictions ;
b) les luttes de libération nationale font partie intégrante de la révolu
tion socialiste mondiale.

Leur caractère et leur développement sont affectés

1° par le soutien du camp socialiste, et la peur des impérialistes de voir ce camp renforcé ;

2° par le soutien des prolétariats des pays capitalistes
avancés ;

3° par les contradictions inter-impérialistes qui favorisent ces luttes.

Le caractère lié du système des quatre contradictions fondamentales explique qu’elles puissent converger.

Actuellement, elles convergent en Asie, en Afrique et en Amérique latine, dans les pays dominés par l’impérialisme, « maillon le plus faible  » de sa chaîne, et  » zone des tempêtes  » du monde.

Autrement dit, la troisième contradiction est celle qui est actuellement la plus explosive.

Front uni anti-américain

Les peuples de ces régions se heurtent partout à l’impérialisme américain, à ses acolytes, à ses fantoches.

Il intervient partout pour réprimer les luttes populaires en tant que gendarme international de la  » civilisation occidentale « .

En même temps, il tente d’imposer son hégémonie aux autres pays impérialistes, ce qui ne va pas sans susciter des résistances.

L’impérialisme U.S. se trouve ainsi à l’un des pôles de chacune des quatre contradictions fondamentales.

Il est possible et nécessaire de l’isoler en réalisant un large front uni.

Celui-ci implique :

– le regroupement de toutes les forces qui s’opposent résolument à l’impérialisme américain.

– la dénonciation de la supercherie que représentent les  » négocia
tions de paix n proposées par Johnson, ou par ses garçons de course britanniques et autres, ainsi que de toutes les tentatives pour lui ménager une  » porte de sortie  » au Vietnam grâce à un compromis sur le dos du peuple vietnamien.

Il y a compromis et compromis

Qu’on nous comprenne bien, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de situations où un compromis soit nécessaire avec l’ennemi ; mais ce sont toujours des compromis tactiques ; des trêves qui ne servent qu’à mieux préparer ses forces pour l’attaque ultérieure.

Un tel compromis s’apparente à une retraite stratégique. Le but de celle-ci, dit Mao,  » c’est de conserver les forces de l’armée et de préparer la contre-offensive « .

Les compromis sans principes sont ceux qui préparent, non la contre-offensive, mais un règlement définitif avec l’ennemi ; c’est-à-dire la capitulation.

Pour des révolutionnaires, renoncer à la révolution, n’est-ce pas capituler ?

C’est cela, et même plus, car il n’y a pas de troisième voie.

On est révolutionnaire ou contre-révolutionnaire.

Celui qui veut faire sa paix avec l’impérialisme est sur le point de passer avec armes et bagages de son côté.

Ce que promet la coexistence…

La dégénérescence des dirigeants du P.C.U.S illustre ce processus.

Depuis le vingtième congrès (février 56), Khrouchtchev, ses successeurs et ses partisans de par le monde, ont expliqué que le but de la politique soviétique était de bannir de la vie sociale, dès aujourd’hui et définitivement, toutes les guerres et pas seulement la guerre atomique.

L’instauration d’une paix perpétuelle est nécessaire, puisque « l’étincelle d’une guerre locale peut mettre le feu au monde  » et détruire l’humanité.

Elle est d’autre part possible avant le triomphe mondial du socialisme et la disparition des antagonismes de classes, notamment grâce à la présence d’hommes d’Etat « raisonnables  » à la tête du principal pays impérialiste (le président Eisenhower  » se soucie autant que nous d’assurer la paix « , disait Khrouchtchev).

Les guerres civiles étant aussi des guerres, ce noble idéal de paix se réalisera d’autant plus facilement que les communistes éviteront d’avoir recours à la violence.

Celle-ci n’est plus nécessaire, car il leur est désormais possible de a conquérir une solide majorité parlementaire  » et de s’en servir pour effectuer pacifiquement le passage au socialisme.

 » La mission historique du prolétariat est de défendre la paix  » et  » la coexistence pacifique est la forme supérieure de la lutte des classes « .

Cette conception de la coexistence pacifique aurait déjà fait la preuve de son efficacité.

Le théoricien soviétique G. Strarouchenko, par exemple, écrivait :

 » A présent la politique de coexistence pacifique […] paralyse l’agression contre-révolutionnaire de l’impérialisme sur toute la terre (sic), favorisant la montée du mouvement révolutionnaire de libération nationale.  » (La Vie internationale, octobre 1963.)

… Ce qu’elle accomplit

Aujourd’hui, avec les exemples du Vietnam, du Laos, du Congo, du Gabon et de Saint-Domingue, cette image idyllique des relations internationales ne semble guère convaincante.

Ce ne sont pas là, d’ailleurs, des échecs contingents de cette politique de  » coexistence pacifique « , mais son résultat direct.

Les dirigeants soviétiques pourraient faire leur la devise de Guillaume le Taciturne :  » II n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. « 

Que  » l’esprit de camp David  » ait été suivi de l’incident de l’U-2, que la rencontre de Vienne n’ait pas empêché le blocus de Cuba, que le traité de Moscou ait conduit à l’agression au Vietnam du Nord, tout cela n’a pas dissipé leurs illusions concernant la possibilité de s’entendre avec les impérialistes.

Se font-ils d’ailleurs des illusions ? Partagent-ils celles que leur propagande répand tous les jours dans les masses ? (Notamment sur la possibilité d’imposer aux impérialistes un désarmement général et complet ?)

Ou bien n’est-ce là qu’un écran de fumée derrière lequel ils poursuivent leur grand dessein qui est le rapprochement avec les Etats-Unis sur le dos des peuples du monde entier ?

Etant donné le principe selon lequel les pays socialistes n’exportent pas la révolution, la coexistence pacifique telle que l’entendent les marxistes-léninistes (maintien du système des quatre contradictions fondamentales, non-franchissement des frontières par des armées) peut être imposée par le rapport des forces.

Par contre, la  » coexistence pacifique  » khrouchtché-vienne (fin de la guerre froide, coopération et amitié avec les impérialistes) suppose l’accord de l’adversaire.

Voyant Khrouchtchev quémander leur amitié, les impérialistes lui ont posé leurs conditions.

Le président Johnson les a formulées dans son message du 21 janvier 1964 à la conférence de Genève :

Nous sommes prêts, dit-il  » à examiner les moyens qui proscriront la menace ou l’usage de la force, directs ou indirects, que ce soit par agression, subversion, ou fournitures d’armes clandestines, pour modifier des frontières ou ^ des lignes de démarcation, pour gêner l’accès à un territoire ; pour étendre le contrôle ou l’administration sur un territoire en remplaçant les autorités établies « .

Ainsi le président Johnson demande au gouvernement soviétique de coopérer avec lui pour proscrire la menace contre les autorités établies.

 » C’est là le véritable problème de fond « , commentait Le Monde.

Partage du monde

Depuis toujours, les réactionnaires ont redouté beaucoup plus la  » subversion  » et l' » agression indirecte  » qu’une guerre de conquête déclenchée par l’U.R.S.S.

S’ils ont claironné qu’elle était une puissance agressive qui aspirait à conquérir le monde, c’était la traduction dans leur langage du fait que l’U.R.S.S. soutenait les luttes révolutionnaires des peuples.

Il faut croire qu’aujourd’hui ils n’ont plus aucune inquiétude à ce sujet. Lorsque à son retour de Moscou, en 1964, la délégation de la S.F.I.O. déclare qu’elle reconnaît la volonté de paix de l’U.R.S.S., on est en droit de se demander qui s’est converti aux conceptions de l’autre.

On est fixé sur cette question en lisant les déclarations enthousiastes de l’ex-chancelier Adenauer, à la suite de l’accord de Tachkent, saluant en TU.R.S.S. un champion de la paix.

Le mot  » paix  » peut-il avoir le même sens dans la bouche des révolutionnaires et dans celle du plus réactionnaire des réactionnaires allemands ?

Peut-on faire l’unité d’action avec ceux qui ont maintes fois proclamé leur volonté de s’entendre et de s’unir avec les impérialistes américains pour le partage du monde ?

Voici ce que déclarait Gromyko le 13 décembre 1962 (lendemain de la crise des Caraïbes) :

 » Nous sommes les pays les plus puissants du monde. Si nous nous unissons dans l’intérêt de la paix, il n’y aura pas de guerre. Et si un fou s’avisait alors de déclencher la guerre, il nous suffirait de le menacer du doigt pour qu’il se calme. « 

 » Si un accord est conclu entre le chef du gouvernement soviétique, Nikita Serguéiévitch Khrouchtchev et le président des Etats-Unis, John Kennedy, il sera trouvé une solution aux problèmes internationaux dont dépend le sort de l’humanité. « 

C étaient là de douces illusions, car les peuples du monde n’ont pas accepté et n’accepteront jamais que leur sort soit décidé par deux hommes cl Etat.

Le développement impétueux de la lutte du peuple vietnamien a quelque peu troublé les projets des khrouchtchéviens.

Les impérialistes préparent l’escalade

Vers la fin de 1963, les Américains commençaient à envisager l’extension de la guerre au Vietnam du Nord pour tenter, par une sorte de fuite en avant, de terminer un conflit où ils sentaient qu’ils s’enlisaient irrémédiablement.

En passant de la guerre spéciale à la guerre classique, ils espéraient que la supériorité en armes leur donnerait la victoire.

Le 9 juin 1964, grâce à une fuite dirigée du Pentagone, le New York Times annonçait que l’état-major américain avait conseillé au gouvernement le bombardement d’objectifs situés au Nord.

Le but de cette annonce et de toute la campagne de déclarations officielles et officieuses dans laquelle elle prenait place était de sonder les intentions de l’U.R.S.S. tout en exerçant un chantage sur Hanoï.

Face à une menace aussi précise, l’Union soviétique avait un moyen infaillible de dissuader les Américains de porter leur coup : déclarer solennellement qu’il serait riposté à toute agression contre la R.D.V., membre du camp socialiste, exactement comme s’il s’agissait de l’U.R.S.S. elle-même, de montrer le sérieux de cette mise en garde en renforçant la défense anti-aérienne au Vietnam avec les engins les plus modernes, en envoyant aussi les unités de la Flotte soviétique munies de fusées devant le golfe du Tonkin.

Non seulement l’U.R.S.S. s’est soigneusement abstenue de prendre ces mesures qui seules pouvaient préserver la paix, mais elle laissait en outre entendre qu’elle se désintéressait de ce qui se^passait en Asie du Sud-Est, en faisant savoir qu’elle envisageait de se démettre de ses fonctions de coprésident de la Conférence de Genève.

Déjà le 24 janvier 1962, le maréchal Malinovski déclarait que la puissance militaire de l’Union soviétique protégeait  » les pays socialistes qui nous sont favorables « .

Ces déclarations et d’autres analogues (cf. Pravda du 7 janvier 1963) ont été interprétées par les experts du Pentagone dans un sens restrictif.

Pour mettre les points sur les i, Valérian Zorine publiait le 30 juin 1964 un article dans les Izvestia, intitulé  » Les Problèmes du désarmement et les manœuvres de Pékin  » dans lequel il affirmait que si la Chine cherche à se constituer un armement nucléaire, c’est parce qu’elle  » vise des buts et poursuit des intérêts particuliers que le camp socialiste ne peut pas soutenir de sa force militaire « .

Cet avertissement voilé tenait compte de certains plans américains.

La revue The Minority of one (dont le comité de rédaction comprend quatre prix Nobel) a publié une enquête dans laquelle on lit :

 » Le débat partiellement public entre le gouvernement et l’armée des Etats-Unis sur le point de savoir si une intervention armée au Nord-Vietnam affaiblirait la pression ennemie contre les forces engagées au Sud ne sert qu’à camoufler une discussion bien plus secrète sur l’opportunité de se lancer dans une guerre bien plus totale contre la République populaire de Chine. « 

Ainsi dans le conflit qui approchait, l’U.R.S.S. dénonçait d’avance la Chine comme étant responsable, et déclarait qu’elle se tiendrait à l’écart.

Répondant le 8 juillet à une note de Hanoï du 25 juin, le gouvernement soviétique se taisait concernant l’aide qu’il pourrait fournir en cas d’agression américaine contre le Nord-Vietnam.

Les dirigeants de Washington interprétèrent l’ensemble de ces faits comme signifiant qu’ils avaient le feu vert pour une telle entreprise.

La suite des événements allait leur donner raison.

N’allez pas trop loin !

A la suite d’un incident inventé de toutes pièces par les Américains, ceux-ci bombardèrent cinq villes du Nord-Vietnam, le 4 août 1964. Comment l’U.R.S.S. a-t-elle réagi? C’est très simple… elle n’a pas réagi. Certes les Izvestia publièrent le 6 août un article sous le titre ;  » N’allez pas trop loin ! « 

Une façon comme une autre de dire que les Américains n’étaient pas allés trop loin.

Position logique d’ailleurs puisque le journal admettait implicitement la véracité du prétexte invoqué par les Etats-Unis, leur objectant seulement qu’on ne saurait parler de légitime défense  » à des milliers de kilomètres du territoire américain « .

Le correspondant de l’agence Chine Nouvelle s’attachait au contraire à montrer toutes les invraisemblances, les contradictions et les absurdités contenues dans la version américaine que les organes relativement sérieux de la presse occidentale commentaient d’ailleurs avec autant de scepticisme.

L’agence Tass, elle, déclarait seulement :  » Les milieux soviétiques autorisés condamnent résolument les actions agressives des Etats-Unis dans le golfe du Tonkin qui conduisent à une aggravation dangereuse d’une situation déjà tendue, n Bref, l’U.R.S.S. ne reprochait aux Etats-Unis que des  » actes  » et des  » démarches inconsidérées ou provocatrices  » (L’Humanité, août 1964) qui accroissent la « tension « .

La presse réactionnaire ne s’y est pas trompée ; France-Soir du 11 août par exemple, déclarait dans un article intitulé  » Russes et Américains, le même but  » :

 » Selon les Américains, la Chine sait maintenant qu’elle ne peut compter sur la protection des moyens nucléaires soviétique si elle s’engage dans une aventure belliqueuse. Soviétiques et Américains paraissent donc avoir pour le moment le même but : le rétablissement de la paix dans le Sud-Est asiatique.

Ils s’entendent sur le dos de Pékin. Il semble même que le président Johnson ait eu des contacts à ce sujet avec Khrouchtchev pendant la crise. « 

Traité de Moscou

Au fait, Khrouchtchev a-t-il fait usage du télétype rouge, quand il en était encore temps (Johnson a prononcé un discours annonçant l’attaque plusieurs heures avant que les bombardiers ne décollent), ou bien a-t-il estimé que le bombardement d’un pays socialiste n’était pas un acte susceptible de mettre en danger la paix mondiale ?..

Au cas où les deux compères se sont parlé, il est d’ailleurs probable qu’ils ont surtout échangé des félicitations à l’occasion du premier anniversaire du traité de Moscou, « grand pas vers la détente et le désarmement général complet  » qu’on fêtait justement en grande pompe en U.R.S.S.

Les impérialistes s’enhardissent

Voyant que, conformément à leurs prévisions, et contrairement à ses assurances, l’U.R.S.S. ne réagissait pas, les impérialistes américains se sont enhardis.

La seule assurance donnée d’ailleurs par les dirigeants soviétiques était  » qu’ils ne resteraient pas indifférents « .

Le président Johnson estima que l’indifférence ou la non-indifférence de Moscou ne ferait pour lui aucune différence.

Dès le mois de septembre, il avait pris la décision de bombarder systématiquement le Nord.

Peut-être parce qu’ils n’étaient pas au courant de cette décision les révisionnistes soviétiques et français ont salué comme une victoire de la paix son succès aux élections présidentielles.

Lorsqu’en mars 1965, les bombardements du Vietnam du Nord devinrent quotidiens,  » les militaires et les politiciens soviétiques joignirent leurs voix pour agiter le spectre de la guerre mondiale plutôt que de souligner les capacités soviétiques d’exercer une pression militaire locale  » remarquait ironiquement un expert du Pentagone, T.W. Wolfe, dans un exposé devant une sous-commission de la Chambre des représentants (11 mars 1965).

La doctrine soviétique : capitulation totale ou destruction totale

Selon la doctrine enseignée dans les manuels de stratégie militaire en U.R.S.S., un conflit local, dans lequel les deux plus grandes puissances mondiales se trouveraient impliquées  » dégénérerait inévitablement en guerre thermo-nucléaire mondiale « . (Cf. Voiennaia Strategia, sous la direction du maréchal Sokolovski, p. 299 de la traduction américaine The Rand Corporation.)

Dès lors, on comprend pourquoi l’U.R.S.S. n’a pas riposté aux bombardements de villes vietnamiennes.

On pourrait se demander simplement s’il existe une ligne dont le franchissement par les agresseurs impérialistes américains entraînerait une riposte soviétique.

Jusqu’en 1964, on pensait que cette ligne entourait le camp socialiste tout entier.

Depuis, on peut croire raisonnablement qu’elle n’englobe que l’U.R.S.S.

Une question surgit alors : si les Américains bombardaient demain Odessa, pourquoi l’humanité entière devrait-elle périr pour venger les habitants d’Odessa ? Leur vie serait-elle plus précieuse que celle des habitants de Dong Hoï ?

A cette question, il y a deux réponses :

1° La vie des habitants d’Odessa est effectivement plus précieuse, car ils sont Russes et non Vietnamiens. Comme disait un journaliste soviétique,  » l’homme de la rue n’a que faire des dogmes subtils, il pense : tant qu’il ne me tombe pas de bombes sur la tête, ça va ! » (France Nouvelle, 25-9-63).

Les dirigeants soviétiques se sont depuis longtemps débarrassés du  » dogme subtil  » de l’internationalisme prolétarien et ne prendront jamais le moindre risque pour défendre même un pays socialiste contre l’impérialisme.

2° II n’est pas vrai qu’un conflit local opposant l’U.R.S.S. aux Etats-Unis dégénérerait nécessairement en conflit thermo-nucléaire.

Cette thèse n’est mise en avant que pour justifier la passivité de l’U.R.S.S. dont le véritable motif est sa volonté de s’entendre et de coopérer avec les Etats-Unis.

Trahir sans en avoir l’air

La défense de la paix passe par la résistance à l’impérialisme. Le vrai problème est celui de savoir si l’on veut lui résister et si l’on se tient prêt à lui résister.

A chaque agression des Etats-Unis, à chaque franchissement d’un degré de l’escalade les dirigeants soviétiques ont été pris au dépourvu.

Ni sur le plan matériel ni sur le plan idéologique, ils ne s’étaient préparés à y faire face. Comment le pourraient-ils si on considère que depuis plus de dix ans les faits ont constamment démenti leurs analyses ?

Celles-ci n’ont d’ailleurs pour eux qu’une fonction apologétique.

Leur problème est : comment coopérer avec les impérialistes tout en gardant leur influence sur une partie au moins du mouvement communiste international ?

Cette influence accroît leur  » pouvoir de marchandage  » avec leurs  » partenaires  » américains.

Elle leur est en outre nécessaire pour rendre service à ces derniers.

Ils ont imaginé pour tromper les peuples deux énormes duperies :

– les prétendus obstacles mis par la Chine au passage sur son territoire de l’aide soviétique au Vietnam ;

– l’unité d’action pour aider le Vietnam.

 » Plus le mensonge est gros, plus il est efficace  » (Goebbels).

Examinons la première affirmation. Depuis Je mois de mars 1965, les hauts fonctionnaires soviétiques ont soufflé aux correspondants occidentaux à Moscou l’information selon laquelle la Chine s’opposerait au transit des armes expédiées par l’U.R.S.S., alors qu’en fait la Chine fait parvenir tout le matériel qu’elle reçoit d’urgence, en priorité absolue, et gratuitement.

La presse révisionniste reproduisait les dépêches des agences occidentales, datées de Moscou, qui pourtant étaient contredites par les déclarations conjointes soviéto-vietnamiennes selon lesquelles le programme d’aide au Vietnam se déroulait comme prévu.

En janvier 1966 le gouvernement chinois remit au gouvernement soviétique une note lui demandant de démentir  » les fausses rumeurs sur les prétendus sabotages par la Chine de l’aide au Vietnam du Nord « .

Moscou refusa de recevoir cette note pour ne pas être obligé de répondre dans un sens ou dans un autre.

En mars 1966, les dirigeants du P.C.U.S. ont envoyé une lettre aux partis communistes d’Europe orientale qui reprenait les mêmes accusations.

Cette lettre fut reproduite par Die Welt et par Le Monde et n’a jamais été désavouée.

Enfin, le maréchal Malinovski, dans un discours prononcé le 20 avril 1966 à Budapest, eut le courage (ou le cynisme) de prendre la responsabilité de ces calomnies.

Il reçut la riposte qu’il méritait. Le 4 mai, un porte-parole chinois le qualifiait de  » menteur « , faits à l’appui.

Sans user d’expressions aussi virulentes, le Premier ministre vietnamien Pham Van Dong remercia, dès le 25 avril la Chine pour  » son assistance efficace, ainsi que pour son aide dévouée dans l’acheminement des secours envoyés par l’Union soviétique et les autres pays européens fraternels « .

Par la suite, les camarades vietnamiens ont démenti à plusieurs reprises les allégations calomnieuses mises en circulation par les renégats soviétiques.

C’est ainsi quelle 19 juin 1966, l’agence vietnamienne d’information communiqua :  » Récemment un certain nombre d’agences occidentales ont propagé la rumeur selon laquelle le matériel de l’aide militaire de l’Union soviétique rencontre actuellement des difficultés entravant son transit à travers la Chine […] les susdites informations ne sont qu’une fable inventée de toutes pièces, suscitée par de mauvaises intentions de provocation.  » (Voir le texte complet, ainsi que la déclaration du général Giap, dans Garde Rouge n° 2.)

Les révisionnistes, néanmoins, continuent à répéter imperturbablement les mêmes mensonges, conformément au précepte :  » Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. « 

Un aveu

Ce qu’il faut retenir de cette affaire, ce n’est pas le caractère ignoble des procédés auxquels a recours la clique dégénérée à la tête du P.C.U.S., mais l’aveu implicite qu’ils contiennent.

C’est la faute de la Chine si le Vietnam reçoit une aide insuffisante, semblent dire les révisionnistes.

C’est qu’en effet le Vietnam reçoit une aide très inférieure aux possibilités de l’U.R.S.S., aussi bien en quantité qu’en qualité.

Tandis que les impérialistes font le maximum pour gagner la guerre, l’U.R.S.S. fait le minimum nécessaire pour masquer sa collusion avec eux.

Washington lui sait même gré de cette  » aide  » et proclame à toute occasion que la guerre au Vietnam ne devrait pas empêcher le resserrement de la coopération soviéto-américaine.

Une défense anti-aérienne périmée

Considérons la défense anti-aérienne.

Depuis 1962, les Soviétiques affirment qu’ils possèdent des fusées antifusées. Or il est mille fois plus difficile d’atteindre en vol une fusée qu’un avion.

Aujourd’hui l’U.R.S.S. est en train d’installer ces fusées autour de ses grandes villes.

Ces dispositifs sont tellement coûteux que les Etats-Unis ont reculé devant la dépense, et ont renoncé à les installer.

Donc les fusées anti-fusées soviétiques ont une efficacité suffisante pour justifier de tels sacrifices.

N’est-il pas étonnant de constater que l’ensemble de la défense anti-aérienne vietnamienne a rarement infligé aux pirates américains des pertes excédant 1,5 % ?

C’est que les fusées fournies par l’U.R.S.S. datent de 1958 et sont totalement périmées.

Selon les experts militaires français, les fusées antiaériennes ordinaires, dont dispose la France, sont capables d’abattre 80 % des avions assaillants.

Nous pouvons donc supposer raisonnablement que les fusées soviétiques sont capables d’en abattre au moins 60%, même si elles étaient servies par un personnel vietnamien insuffisamment entraîné.

Cette proportion aurait été encore plus élevée si l’U.R.S.S. avait formé les servants avant les bombardements.

Dans ce cas, il est même certain que ceux-ci n’auraient pas été lancés en premier lieu.

La guerre froide : un malentendu

C’est encourager l’agression que de ne pas se préparer à y résister.

Mais comment les dirigeants soviétiques pourraient-ils empêcher les impérialistes de leur ravir l’initiative, quand ils ont toujours considère la guerre froide comme un malentendu que des tête-à-tête entre hommes d’Etat suffiraient à dissiper ? (Voir l’esprit de camp David, qui a longtemps hante la propagande révisionniste.)

Lorsque Mao dit :  » Quel que soit le moment où éclatera la guerre civile, nous devons nous tenir prêts.

Pour le cas ou elle arriverait tôt, mettons demain matin, nous devons aussi être prêts « , il semble énoncer un lieu commun analogue à celui de Démosthène disant :  » Ceux qui savent faire la guerre précèdent les événements au Heu de les suivre.  » Certes, cette idée n’est pas difficile à comprendre ; encore faut-il considérer l’ennemi comme un ennemi.

Les dirigeants soviétiques à l’abri de toute attaque contre leur territoire, grâce à leur armement moderne, ne croient pas que leurs intérêts nationaux soient par ailleurs toujours opposés à ceux des Etats-Unis.

Ils évitent de donner au Vietnam des moyens susceptibles de faire trop de mal aux Américains.

Cela compromettrait leur bonne entente avec eux.

Même sur le plan quantitatif, l’aide soviétique est ridiculement insuffisante, a Durant l’année 1965, la Chine a transporté au Vietnam quelque 43 000 tonnes de matériel soviétique  » déclara un porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Chine le 4 mai 1966.

Jean Baby (La Grande Controverse sino-soviétique, p. 219), qui cite cette déclaration, remarque:  » A titre de comparaison, les Américains ont envoyé 800 000 tonnes de matériel militaire par mois, sans compter les bombes transportées par les avions de la Septième Flotte. « 

Le porte-parole chinois ajoutait la précision suivante : K Pour le premier trimestre 1966, l’U.R.S.S. a demandé à la Chine 1730 wagons pour le transport de matériel militaire.

La Chine a donné son accord et préparé les wagons ; toutefois les livraisons effectuées n’ont représenté que 536 wagons.  » (Cité par Jean Baby, ibid.)

Les dirigeants soviétiques aident les Etats-Unis à déplacer leurs forces d’Europe en Asie en leur faisant concession sur concession sur les questions de l’Allemagne et de Berlin-Ouest.

N’ont-ils pas renoncé à signer un traité de paix séparé avec la R.D.A. ?

Eux-mêmes ont déplacé des troupes d’Europe centrale en Extrême-Orient. Conjointement avec les impérialistes, ils contribuent à l’encerclement de la Chine, base rouge des peuples révolutionnaires.

Coordination ou arrêt de polémiques

Maintenant, les révisionnistes reprochent à la Chine de ne pas coopérer avec les autres pays socialistes pour coordonner l’aide au Vietnam.

Que signifie cette accusation ?

« La Chine fournit au peuple vietnamien une aide que seules ses possibilités limitent  » selon Le Quotidien du Peuple du 14 juin 1965.

Les Soviétiques n’ont pas osé faire une déclaration pareille.

Selon l’évaluation des experts américains, la Chine fournirait une aide au moins égale en valeur à celle de l’U.R.S.S. (quelque 500 millions de dollars) bien que sa production industrielle soit quatre fois moindre.

Nous avons vu que la Chine n’empêche pas l’aide des autres pays socialistes de parvenir à destination.

A quoi donc servirait la  » coordination  » que réclament à cor et à cris les Soviétiques puisqu’elle n’accroîtrait ni l’aide chinoise, ni la leur ?

Elle servirait uniquement à obtenir de la Chine un satisfecit implicite concernant la politique soviétique au Vietnam.

Ce ne serait ni plus ni moins que l’arrêt des polémiques que demandent désespérément les renégats du Kremlin depuis 1963, c’est-à-dire depuis qu’ils ont eux-mêmes déclenché la polémique publique contre les marxistes-léninistes.

Or, la lutte conséquente contre l’impérialisme est inséparable de la lutte contre le révisionnisme et l’opportunisme.

Cela est une position de principe énoncée déjà par Lénine.

Un nouveau Tachkent

Les révisionnistes ne soutiennent pas politiquement la lutte du peuple vietnamien. Ils proclament son  » droit à la paix « .

Mais ils ne proclament pas son droit à une paix juste, fondée sur les quatre points de la R.D.V.N. et les cinq points du F.N.L.

Ils mettent unilatéralement l’accent sur les souffrances du peuple vietnamien, et sur le danger de la guerre mondiale, mais passent sous silence le caractère invincible de la guerre juste qu’il mène contre l’agresseur.

Ils qualifient le F.N.L. de  » représentant « , non de seul représentant authentique du peuple vietnamien.

Ils présentent comme seule condition de l’ouverture des négociations l’arrêt des bombardements et l’engagement de la part des Américains de retirer leurs troupes, et non le retrait préalable de celles-ci exigé par les Vietnamiens.

Ils dénoncent du bout des lèvres la supercherie des propositions de paix américaines (tout en pratiquant en grand la diplomatie secrète avec lui) mais se taisent sur les agissements de ses fidèles commis, la clique Tito-Gandhi.

Ils préparent ainsi l’opinion à un nouveau  » Tachkent « , c’est-à-dire à un accord fondé sur le maintien du statu quo territorial et des lignes de démarcation (le dix-septième parallèle !) ce qui livrerait le Sud-Vietnam à la domination impérialiste, de même que l’accord de Tachkent a livré le peuple du Cachemire à l’oppression du chauvinisme indien.

Ils ne cachent même pas leurs intentions.

En mars 1966, n’ont-ils pas publié dans Les Temps nouveaux (n° 6) un article déclarant que  » deux voies s’offrent au monde, celle de Tachkent ou celle du Vietnam ?

Lutte contre les agents de l’impérialisme

Si l’U.R.S.S. fournit au Vietnam une aide très insuffisante et très limitée (de vieux stocks d’armes périmées) c’est pour accumuler un capital politique afin de peser le moment venu en faveur d’une solution qui offrirait selon l’expression de Kossyguine  » une porte de sortie aux Etats-Unis « .

Mais les impérialistes ne cherchent pas une porte de sortie, ils veulent la victoire.

La porte de sortie que voudraient leur offrir les révisionnistes correspond à leur objectif fondamental : le maintien sous leur domination du Sud-Vietnam.

Comment pourrait-il y avoir de front uni sur cette base ?

Consentir en outre à l’arrêt de la polémique, ce serait désarmer idéologiquement les peuples et les livrer à la pénétration de l’idéologie bourgeoise et de son auxiliaire le révisionnisme.

Comme a dit le journal vietnamien Tarn Viet Hoa (le 13 juillet 1966)  » seuls sont de vrais révolutionnaires, ceux qui combattent résolument l’impérialisme américain, tandis que les révisionnistes modernes sont parvenus à un compromis avec l’impérialisme américain, et sont des renégats qui mettent des bâtons dans les roues de la révolution « .

Pour conclure, les révisionnistes n’ont pas de place dans un front uni contre l’impérialisme américain pour la bonne raison qu’ils en sont les agents au sein du mouvement ouvrier !

Comme disait Lénine :

 » La lutte contre l’impérialisme, si elle n’est pas indissolublement liée à la lutte contre l’opportunisme, est une phase vide et mensongère « . (L’impérialisme, stade suprême du capitalisme.)

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UJC (ml) : Première résolution politique (1967)

RÉSOLUTION POLITIQUE DE LA Ière SESSION DU Ier CONGRÈS DE L’U. J. C. (m.l.)

[Tiré des Cahiers Marxistes-Léninistes, n°15, janvier-février 1967.]

Les principes et les thèses qui constituent la résolution de la première session du premier Congrès de l’U. J. C. (m.-l.) ont guidé notre lutte contre le révisionnisme dans l’U. E. C., organisation étudiante du P. C. F. révisionniste. Cette lutte est aujourd’hui victorieuse : l’U. E. C. n’existe plus; la majorité réelle des étudiants communistes se sont placés sur les positions du marxisme-léninisme.

Cependant, la fin de la lutte interne ouverte à l’U. E. C. n’est pas le commencement de notre lutte organisée marxiste-léniniste.

Notre organisation, qui a déjà tenu l’an dernier sa première Conférence nationale, est née de la lutte contre le révisionnisme ; ses formes premières correspondaient aux premières étapes de la lutte contre le révisionnisme ; la première session du premier Congrès de l’U. J. C. (m.-l.) marque seulement, pour la plus grande partie de nos cellules, la fin de l’étape de la lutte interne ouverte.

D’autres cellules pourtant continuent la lutte interne conséquente, dans des conditions spécifiques.

Les principes et les thèses de la résolution guident notre organisation dans son ensemble : nos cellules ont réalisé ces principes et ces thèses conformément à l’inégal développement des idées du marxisme-léninisme, et de l’action marxiste-léniniste.

Les principes sont la vérité universelle du marxisme-léninisme, condition nécessaire de l’action révolutionnaire victorieuse, guide de cette action. Ils sont communs au mouvement communiste international marxiste-léniniste.

Les thèses sont la réalisation de ces principes dans les conditions concrètes de notre lutte, dans une formation sociale capitaliste monopoliste où le parti de la classe d’avant-garde, le P. C. F., a trahi les intérêts de la classe ouvrière et du peuple travailleur.

Mais ces thèses ne sont pas un programme, de même que nous ne sommes pas un parti.

En effet, la tâche que s’est fixée notre organisation dans la première phase de son action, était de distinguer, par la lutte, des éléments révolutionnaires dans un  » milieu  » social spécifique : les étudiants.

Ce qui ne pouvait se faire qu’en traçant une ligne principale de démarcation entre marxistes-léninistes et révisionnistes, une ligne secondaire de démarcation entre marxistes-léninistes et opportunistes divers de droite et de gauche.

La démarcation se fait par le moyen de formes diverses de lutte. Il ne suffit pas de se dire marxiste-léniniste, ni même de le dire, encore faut-il inventer les méthodes qui réaliseront dans la pratique les conceptions théoriques marxistes-léninistes.

Il faut une tactique correcte et ferme, il faut former des militants qui l’assimilent activement, qui aient dans les limites fixées par cette tactique une initiative effective.

Les marxistes-léninistes à l’U. E. C. ne pouvaient pas lutter pour gagner les éléments moyens, c’est-à-dire des communistes fortement enclins à suivre la direction révisionniste, de la même façon que les marxistes-léninistes dans des organisations ouvrières du P. C. révisionniste.

Les marxistes-léninistes, dans les villes universitaires de province, n’avaient pas les mêmes moyens qu’à Paris, et à Paris, même, le niveau de conscience était inégal.

Il fallait analyser concrètement ces inégalités et déterminer la tactique qui en découlait.

Seule cette tactique, que le rapport politique d’activité expose par ailleurs, allait permettre de démarquer victorieusement les marxistes-léninistes des révisionnistes.

(…)

Le nouveau Parti naîtra de la fusion d’éléments de forces marxistes-léninistes, nés dans la lutte contre les organisations révisionnistes, chez les ouvriers, les paysans pauvres, les intellectuels et les étudiants révolutionnaires.

La rupture avec les révisionnistes se fait, en effet, de manière inégale.

Dans un deuxième temps, quand toutes les conditions de préparation seront réunies, ces éléments de force marxiste-léniniste se conjoindront en un puissant parti marxiste-léniniste, puissant parce que lié aux éléments avancés de la classe ouvrière et du peuple travailleur.
Le procès de la constitution du Parti implique l’établissement d’un programme.

De même qu’un Parti ne se crée pas sur simple décret, un programme ne s’invente pas. Il requiert de longues enquêtes dans les masses ouvrières et travailleuses, enquêtes guidées par la théorie scientifique et les principes de la ligne de masse.

L’U. J. C. (m.-l.) est un élément de la force marxiste-léniniste qui doit être constituée.

Elle est née et doit se développer conformément aux principes jusqu’ici défendus.

1° L’U. J. C. (m.-l.) doit diriger la lutte des classes à l’université et dans la jeunesse ; elle doit mener une lutte idéologique intransigeante contre l’idéologie bourgeoise et son complice, révisionniste, contre l’idéologie petite-bourgeoise : particulièrement l’idéologie pacifiste, humaniste et spiritualiste.

Elle doit développer les idées du communisme scientifique.

2° Pour ce faire, l’U. J. C. (m.-l.) doit continuer à progresser dans la formation théorique et politique de ses militants.

Elle doit créer une université rouge qui pourra se mettre au service des ouvriers avancés, de tous les éléments révolutionnaires.

3° L’U. J. C. (m.-l.) doit être à la tête des luttes anti-impérialistes dans la jeunesse, à la tête du front uni de la jeunesse contre l’impérialisme américain, ennemi principal des peuples du monde entier.

L’U. J.C. (m.-l.) contribuera de toutes ses forces à imposer contre toutes les manœuvres confusionnistes et provocatrices un soutien puissant, sans réserves, à la guerre populaire que mènent victorieusement nos camarades vietnamiens.

L’U. J. C. (m.-l.) impulsera les luttes contre l’impérialisme français.

4° L’U. J. C. (m.-l.) contribuera à former des intellectuels révolutionnaires qui se lieront aux ouvriers et au peuple travailleur. Elle instituera de nouvelles formes d’organisation qui rendront possible la réalisation de cette tâche.

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UJC (ml) : Une grande victoire du marxisme-léninisme (1966)

UNE CATASTROPHE POUR LE RÉVISIONNISME FRANÇAIS ; UNE GRANDE VICTOIRE DU MARXISME-LÉNINISME !

[Tiré de Garde Rouge, n° 2, décembre 1966. Ce texte suit la décision d’une centaine de militants de l’Union des Etudiants Communistes de former l’UJC(ML).]

 » Garde Rouge  » devient le mensuel de l’Union des jeunesses communistes (marxistes-léninistes) de France. Une longue lutte, dirigée par les marxistes-léninistes, commencée il y a près de deux ans dans l’U. E. C. – organisation étudiante du P. C. F. – est arrivée à son terme.

L’U. E. C. n’existe plus, elle a été vidée de toute substance. A sa place, mais sur un autre terrain, le terrain solide du marxisme-léninisme, une organisation naît : l’U. J. C. (m.-l.).

Il nous faut expliquer le principe de cette lutte qui a passé par différentes phases jusqu’à aujourd’hui : c’est la meilleure introduction à ce numéro national de  » Garde Rouge « .

En outre, cette lutte a une portée qui dépasse les limites de l’action marxiste-léniniste dans la jeunesse.

Le principe qui nous a guidés fut et reste le suivant : la démarcation entre marxisme-léninisme et révisionnisme revêt des formes concrètes variées.

Il est faux de croire qu’elle signifie la même chose dans les différentes organisations dirigées par les révisionnistes : chez les ouvriers, les paysans, les intellectuels et étudiants révolutionnaires, des formes inédites, inégalement développées, doivent naître, produits d’une lutte dans les organisations révisionnistes pour la direction des éléments avancés de ces organisations et du milieu concerné.

La rupture entre marxistes-léninistes et révisionnistes constitue un procès complexe : il combine des formes de lutte théorique et idéologique, politique, interne, externe.

Dans un deuxième temps, ces forces se conjoindront, lorsque la préparation sera suffisante, en un puissant Parti Marxiste-léniniste lié à la classe ouvrière, aux masses du peuple travailleur.

Dans chaque cas, l’avant-garde marxiste-léniniste doit déterminer concrètement le niveau de conscience de la majorité réelle des militants, ceux qu’elle doit gagner ; elle doit définir le point décisif à partir duquel elle peut entraîner, sous sa direction, la grande majorité des militants dupés par le révisionnisme, les entraîner dans la lutte théorique, idéologique ou proprement politique.
La pointe de cette lutte est dirigée contre la clique révisionniste.

Celle-ci est, au fond, isolée : mais pour que l’isolement soit effectif, patent, profond, il faut lutter avec principe et conscience.A l’U. E. C. révisionniste, siège de tous les opportunistes de droite et de gauche, le point décisif, qui devait permettre le regroupement des marxistes-léninistes, fut : la défense de la théorie contre les liquidateurs.

La bataille de la formation théorique fut une lutte aiguë contre le révisionnisme : elle était directement politique. Sa vertu éducative fut telle qu’aujourd’hui, chez les étudiants, on sait que les révisionnistes sont théoriquement des bouffons.

Cette lutte contre l’humanisme, l’éclectisme, la sophistique, l’infantilisme produisit des effets extrêmement importants. Le terrain était préparé pour que se développât le marxisme-léninisme ; le terrain était miné pour le révisionnisme.

Grâce aux écoles de formation théorique, à la critique impitoyable de tous les liquidateurs, les étapes suivantes étaient rendues possibles. L’étape ultérieure connut une deuxième offensive des marxistes-léninistes. : la bataille sur les principes marxistes-léninistes d’organisation.

Contre les liquidateurs révisionnistes dont le seul recours était la dissolution, contre les opportunistes de gauche, trotzkistes ou trotzkisants qui prônaient la démocratie des fractions, les marxistes-léninistes s’en tinrent au léninisme : à la pratique de l’argumentation, faits à l’appui, menée avec principe ; au refus du fractionnement politique, à l’unité de pensée et d’action.

Toutes leurs initiatives étaient parfaitement maîtrisées : quand les révisionnistes jetèrent, dans les bras du trotzkisme, les militants, écœurés par leur pratique, du secteur Lettres, l’an dernier, les marxistes-léninistes les dénoncèrent fermement ; dans le même temps, ils menaient la critique du trotzkisme dans les écoles et cercles.

Ils tenaient à montrer dans les faits, à la majorité des étudiants communistes, que l’opportunisme de droite engendre nécessairement l’opportunisme de gauche.

Cette étape s’achève avec le C. C. d’Argenteuil et le IXe Congrès : condensant leurs critiques et leurs luttes, concentrant leurs forces contre les liquidateurs, les marxistes-léninistes, s’organisant sur des bases marxistes-léninistes, parallèlement à l’U. E. C., préparent la lutte sur tous les fronts contre le révisionnisme : la brochure Faut-il réviser la théorie marxiste-léniniste ? marque ce passage.

Enfin, dès la rentrée d’octobre, la lutte contre les anti-communistes de la clique Hermier-Cathala et autres éléments dégénérés entre dans sa phase explosive : les attaques aussi calomnieuses que grotesques contre la Grande Révolution Culture Prolétarienne, l’abandon toujours plus manifeste du soutien à l’héroïque peuple vietnamien, l’inactivité totale de la bande de fonctionnaires corrompus, Hermier, Cathala et autres, constituent le fond à partir duquel vont progressivement et rapidement se détacher les 95 % des étudiants communistes à Paris, la majorité des étudiants en province, dont la lutte se développe, du fait de l’isolement soigneusement ménagé par les liquidateurs, en un rythme moins égal.

La débâcle était consommée pour les révisionnistes : les cercles, unanimes, s’élevaient les uns après les autres contre les menées scissionnistes de la clique dirigeante.

Les marxistes-léninistes veillaient à distinguer jusqu’au bout les révisionnistes avérés – les éléments dégénérés – de tous ceux, les 95 %, qui pouvaient être gagnés : de la catégorie des militants les plus avancés à celle des révisionnistes écœurés remettant en cause le révisionnisme avec une rapidité surprenante.

Cette action fut excellente.

Pour en témoigner, il suffira d’établir deux indices :

– D’une part, l’unanimité réelle partout dans les cercles et secteurs.

Cette unanimité n’a été rendue possible que grâce à l’unité de pensée et d’action des éléments marxistes-léninistes avancés, organisés.

-D’autre part, le meeting du 6 décembre à la salle des Horticulteurs, à Paris :  » Marxisme-léninisme ou révisionnisme, qui sont les scissionnistes ? « 

Le Parti révisionniste avait mobilisé ses fonctionnaires, éléments importants de sa base sociale : l’aristocratie ouvrière ; il avait certainement dupé des militants communistes honnêtes qui se sont retrouvés, sans encore le savoir, dans la compagnie de ces dégénérés de la Fédération de Paris ou de la rue Humblot (siège de l’ex-U. E. C. F., du Parti ex-P. C. F.).

Le Parti révisionniste a peur de la vérité, peur des masses, peur de la vérité assimilée par les masses, force matérielle invincible.

Il a cru s’en tirer en ridiculisant un ancien grand dirigeant, Jacques Duclos, qui, le matin même, dans  » L’Humanité « , avait tenu à s’associer aux renégats actifs. Il a cru s’en tirer avec des hurlements, des coups et surtout avec le vieux cri de guerre de la bourgeoisie, de tous les réactionnaires :  » Vendus  » ! Les révisionnistes oublient tout ; ils ont oublié la naissance du Parti Communiste ; alors, l’oeil, pour la bourgeoisie, était, comme l’argent, à Moscou.

Aujourd’hui, les révisionnistes, guide des réactionnaires, peuvent crier jusqu’à perdre le souffle :  » Vendus, agents de Pékin!… « 

Ils ne peuvent plus dissimuler deux faits – la vérité :

– Pour la Révolution Prolétarienne mondiale, la base rouge de la République Populaire de Chine est le point d’appui principal ;

– Le front avancé de la Révolution Prolétarienne en France, ce sont les marxistes-léninistes qui, par tout, luttent et s’organisent, ne comptant que sur leurs propres forces.

Force au début de son essor, elle est encore faible ; force révolutionnaire, justement guidée, solidement fondée, elle est invincible.

La catastrophe que les révisionnistes français viennent de subir, ils le sentent, les marxistes-léninistes le savent, sera suivie d’autres, décisives.

Vive l’Union de la jeunesse communiste (marxiste-léniniste) !
Vive le marxisme-léninisme !

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UJC (ml) : Faut-il réviser le marxisme-léninisme ? (1966)

FAUT-IL: RÉVISER LA THÉORIE MARXISTE-LÉNINISTE ?
LE MARXISME N’EST PAS UN HUMANISME.

[Ce document suit la Résolution du comité central du P »C »F « Sur les problèmes idéologiques et culturels » (Argenteuil, 13 mars 1966). Il est le prétexte à la sortie des marxistes-léninistes de l’Union des Etudiants Communistes et marque la naissance de l’UJCML.]

Chose étrange et monstrueuse :  » II y a un humanisme marxiste. « 

Ainsi en a-t-il été décidé par un vote unanime du Comité Central du Parti Communiste Français.
 » II y a… « 

II y a un socialisme utopique :
II y a Saint-Simon.
Il y a Fourrier.

Cela signifie-t-il que le socialisme est une utopie?

Le jeune Marx écrit ses Manuscrits de 44 : il est encore humaniste. Marx écrit le Capital : il s’est débarrassé de l’humanisme.

Garaudy écrit :  » De l’anathème au dialogue.  » Ce marxiste s’est converti à l’humanisme.

Il y a du Garaudy. Il y a du jeune Marx. N’en doutons plus : II y a un  » humanisme marxiste « .

Il y a un humanisme marxiste.

Cela signifie-t-il que le marxisme est un humanisme? Ou bien, a-t-on voulu dire qu’il y a eu le jeune Marx? Qu’il y a eu Garaudy ?

Savante ambiguïté!

 » II ne, faut pas introduire d’allusions dans une résolution  » a écrit Lénine, dans le tome vingt-sept, à la page cent dix-huit de ses Oeuvres publiées aux éditions de Moscou et traduites en français sous la responsabilité de Roger Garaudy.

Si le marxisme est un humanisme, nombre de conclusions doivent être tirées.

A propos de la culture et des intellectuels, à propos de la science et de la révolution, à propos de la morale et des chrétiens, à propos enfin de l’idéologie et de l’unité.

Citer ces conclusions, c’est mesurer l’importance de la résolution rapportée par Aragon.

Qu’ici lui en soit rendu hommage : Aragon avec une application qu’on lui connaissait à peine, est allé jusqu’au bout.

Le texte qui suit a pour but de définir ce point d’arrivée : un social-populisme de nuance chrétienne.

1. DE L’HUMANISME A LA CULTURE ET AUX INTELLECTUELS : L’ESPRIT HUMAIN SANS RIVAGES.

« Il ne saurait y avoir de rupture dans le vaste mouvement créateur de l’esprit humain.  » (Section I.)

Le monstre, l’humanisme-de-sinistre mémoire n’a de cesse d’enfanter : l’esprit humain, l’intelligence humaine, la culture humaine…

Aragon, une fois lancé, a du mal à s’arrêter : pris dans le piège des grandiloquences bourgeoises.

Mais un fait est têtu : tous les hommes ne sont pas de culture; tous les hommes n’ont pas leur part d’héritage (la culture). Savez-vous comment le marxiste Aragon s’en sort? A la manière chrétienne.

Aragon croit au bien et au mal. Le bien : c’est la culture, le trésor de l’humanité. Et le mal : c’est le capitalisme de monopoles, le règne du  » calcul égoïste « .

 » L’intelligence elle-même est en butte à la loi du profit.  » (Section I.)

Il faut bien comprendre le génie de notre prestidigitateur. Le tour de passe-passe consiste à employer le langage du marxisme, et en fait à revenir à une conception idéologique vulgaire.

La culture est identifiée à l’humanité.

 » II ne saurait y avoir de rupture dans le vaste mouvement créateur de l’esprit humain.  » (Section I).

Les monopoles sont inhumains.

 » Leur politique exprime l’inhumanité d’un régime.  » (Section I.)

Qui s’oppose aux monopoles?

Tout ce qui n’est pas monopoles : ouvriers, paysans, intellectuels, voire bourgeois moyens. Donc : la culture condense l’unité du front antimonopoliste.
Voilà la trouvaille d’Aragon : il n’y a pas en fait de politique communiste de la culture ; il y a mieux :

LA CULTURE CONTRE LA POLITIQUE
LE BIEN CONTRE LE MAL.

Grossière polémique! dira-t-on. La résolution parle en toutes lettres de  » politique culturelle  » (Section I).

Voyons la chose de plus près. Qui dit politique dit lutte des classes, Aragon en conviendra. La lutte des classes, c’est une guerre acharnée où tout est mis à contribution : trésors de la culture compris.

Pour les marxistes-léninistes, il ne peut y avoir qu’une politique culturelle ; ils ne peuvent défendre abstraitement la culture. Une politique culturelle ne  » régente  » pas la culture : elle ne dit pas aux écrivains ce qu’ils doivent écrire, aux peintres ce qu’ils doivent peindre.

Mais la culture peut être une forme spécifique directe de la lutte des classes. Si la culture devient une arme des classes ennemies, le pouvoir des travailleurs a le devoir de la réprimer.

Comment? par une limitation de la diffusion, par une campagne éducative de presse, par une interdiction, voire par une condamnation, selon les cas concrets. D’autre part, le Parti de la classe ouvrière encourage par tous les moyens une culture authentiquement populaire.

La culture populaire est l’objet spécifique des écrivains ou artistes communistes. Elle ne tient pas dans un thème décrété populaire : les ouvriers, disait Lénine, ne veulent pas de littérature pour ouvriers. Elle a pour fonction d’élever la conscience culturelle et politique des classes populaires ; pour ce faire, elle doit se donner les moyens de s’adresser à ces classes.

Cette culture prend un sens différent quand le parti n’a pas encore pris le pouvoir ou au contraire quand il dirige déjà la construction du socialisme. Brecht dramaturge ne tient pas la même place qu’un Brasillach. Si des hommes, par récriture ou tout autre moyen de l’art, attaquent le pouvoir des Soviets, ils ne doivent pas échapper à la loi.

Car il n’y a pas d’hommes : mais le capital, la classe ouvrière, la paysannerie, les intellectuels.

Cessez donc de parler du passé : parlez des intellectuels français dans les conditions nouvelles de notre époque.

PARLONS-EN

Les monopoles n’auraient-ils plus d’intellectuels à leur service? La classe capitaliste monopoliste aurait perdu cet avantage qu’elle partage avec toutes les classes ? Des intellectuels pour la représenter.

Précisons :

 » Les intellectuels soucieux de se libérer des contraintes matérielles et idéologiques que la bourgeoisie impose à leur activité ne peuvent que rechercher l’alliance avec la classe ouvrière.  » (Section I.)

On n’en croit pas ses yeux : des intellectuels ne pourraient-ils pas chercher l’alliance avec la classe des capitalistes?

Mais s’ils ne la cherchent pas, c’est qu’elle est toute trouvée.

Aragon, calmez-vous, nous allons reprendre par le commencement. Si les intellectuels se soucient de se libérer des  » contraintes « , c’est que ces contraintes existent, au moins aussi pesantes que pour vous la vérité est légère.

Les conditions matérielles, disons : l’argent, font bien les choses.

Mais la liberté, l’égalité, la fraternité font mieux : cette monnaie est plus courante chez les intellectuels. Rappelez-vous ce que disait Lénine : spontanément, l’intellectuel fait sienne l’idéologie dominante.

Qu’est-ce que l’idéologie dominante ? Celle de la classe dominante. Des monopoles, en l’occurrence. Et puis l’État, celui des monopoles, est large : il y a de la place pour les intellectuels dans l’administration, dans les conseils d’administration.

Concluons : vous vous êtes trompé. Mais l’erreur est tenace : le Parti, dites-vous,  » souhaite  » que les intellectuels rejoignent son combat.

Certes, mais sa politique ne peut être un ensemble de souhaits. Le Parti, faisant feu du bois des vœux pieux, se place sur le terrain solide de la lutte de classes.

Il distingue entre les intellectuels. Pour sa part, il exige des intellectuels de type nouveau : ouvriers écrivains ou savants. De type nouveau cela signifie : qui rompent avec l’idéologie dominante, avec toutes les idéologies que l’idéologie dominante confond.

Aussi bien à la politique culturelle des monopoles, il oppose sa propre politique culturelle : il n’oppose pas la culture – celle des hommes – à la politique – celle des monopoles ; il oppose une politique à une autre.

Le Parti dénonce les refuges illusoires, fût-ce la terre promise de la culture. Car cette terre, il la conquiert, par la lutte de classe.
Et il se réserve le droit, quand il l’a prise, de réprimer les transfuges.

2. DE L’HUMANISME A LA SCIENCE ET A LA RÉVOLUTION. ENCORE UNE FOIS L’ESPRIT HUMAIN SANS RIVAGES.

Aragon, on s’en souvient, tenait à régenter la biologie. Depuis, l’eau nouvelle a coulé sous les ponts anciens et Aragon s’en est sorti à peu près lavé.

Le vieil homme aurait-il disparu?

Aragon sait-il maintenant ce que  » Science  » veut dire ?
 » Pas plus que le prolétariat n’est un barbare campant dans la cité moderne le marxisme n’est un corps étranger à l’univers de la culture ; il est né de son développement même et donne sens à tout l’acquis de l’humanité.  » (Section II.)

Pauvre Marx : La montagne théorique accouche d’une souris. La science qu’il a instituée, au prix d’efforts théoriques et pratiques inouïs, se voit jetée par un idéologue sur le marché libre des académiciens.

Grattez Marx, vous trouverez Hegel ; un effort supplémentaire et vous aurez le xvme siècle en personne. Et en avant, la machine à remonter le temps!


Mais Aragon n’aura pas assez de ses ongles pour gratter.

Sous Marx, il n’y a rien. La science de Marx est née parce qu’elle a rompu avec ce qui la précédait. Rompu, comme on casse du bois, comme on fait la révolution. L’auriez-vous oublié?

La révolution, comme la naissance d’une science est une coupure. Sans la coupure de Marx, la révolution eût été impossible.

Peut-être doit-on lire dans la révolution une conception nouvelle de la science? Par malheur pour les modernes, la science naît toujours en rupture avec ce qui précède. Exactement comme la révolution.

Chaque révolution comme chaque science se fait d’une manière qui lui est propre ; mais toute révolution, comme toute science, défait ce qui l’a précédé. Le monde théorique change de base, comme ce monde dont parle le chant des travailleurs en lutte.

Un communiste met-il en question là révolution ? Non. Sans quoi il ne serait pas communiste, mais social-démocrate. Qu’est-ce qu’un social-démocrate? Un personnage qui remet en question la révolution. Tout le monde communiste connaît la triste histoire de Kautsky.

Ce personnage, marxiste érudit, a confondu un jour la démocratie bourgeoise et la démocratie prolétarienne : il ne voulait pas de la dictature du prolétariat. Il l’a dit sur tous les tons. Mais il a trouvé à qui parler : Lénine.

Que lui a dit Lénine ? Qu’il avait de façon monstrueuse (notez le bien) déformé le marxisme.

 » Comment expliquer cette déformation monstrueuse du marxisme par l’exégète du marxisme, Kautsky ? Si l’on considère la base philosophique de ce phénomène, la chose se réduit à substituer à la dialectique l’éclectisme et la sophistique. « 

Lénine veut dire qu’à la philosophie marxiste (la dialectique matérialiste) Kautsky a substitué une: philosophie faite de lambeaux empruntés ici et là (l’éclec-tisme).

Mais assez parlé d’histoire. Revenons à Aragon.

Aragon donc tient de toutes ses forces au dialogue.
Au dialogue même avec des communistes.

 » II y a un humanisme marxiste.  » Partons de là, si vous le voulez bien, et tout peut se discuter.

 » Le parti communiste entend organiser les conditions les plus propices à un développement du travail théoriqiie associant toutes les bonnes volontés. « 
(Section III.)

La proposition d’Aragon est claire, choisissez camarades, la manière la plus agréable de vous faire couper la tête. Nous respectons votre personne et votre opinion.

Nous reconnaissons toute la diversité nécessaire.

Aragon se moque du Léninisme.

Des années de luttes et sacrifices, de volontés qui furent moins bonnes que fortes pour entendre un poète dilapider notre héritage, le seul que nous ayons à défendre jusqu’au bout : le trésor d’une théorie vraie. Rappelez-vous encore une fois, Lénine.

 » En vérité, le marxisme, seule théorie révolutionnaire juste, la Russie l’a payé d’un demi-siècle de souffrances et sacrifices inouïs, d’héroïsme révolutionnaire sans exemple, d’énergie incroyable, d’abnégation dans la recherche et l’étude, d’expériences pratiques, de déceptions, de vérification, de confrontation avec l’expérience de l’Europe.  » (La Maladie infantile du communisme.}

Et Aragon voudrait que nous abandonnions notre terre ferme pour aller discuter ailleurs!

Que nous jetions à la poubelle l’arme qui nous permettra de prendre d’assaut la métropole impérialiste! Aragon se paie notre tête. Mais notre tête tient bon, comme la théorie de Marx.

Que nous enseigne la théorie de Marx ? Qu’elle est une science. Qu’est-ce que la science? Une théorie qui a rompu avec l’idéologie. La science, c’est l’unité de pensée. Les idéologies, c’est la variété de pensées. La science c’est la dialectique. Les idéologies, c’est l’éclectisme.

On ne sort pas de là, on n’en sortira jamais. Par contre la porte de sortie est grande ouverte.

Par ici l’éclectisme, la sophistique! Vous attendent de l’autre côté les bourgeois, les sociaux-démocrates et la grande famille des sans-principes.

Les marxistes-léninistes continueront de camper dans la cité moderne, comme les premiers chrétiens dans la cité barbare.

3. DE L’HUMANISME A LA MORALE : L’ESPRIT HUMAIN VOIT ENCORE S’ÉLOIGNER LES RIVAGES.

 » Des convergences morales créent les conditions favorables pour un véritable dialogue des communistes avec les chrétiens. Et avec d’autres. Un dialogue qui n’a point
en lui-même sa fin…  » (Section II.)

Quel est l’enseignement de Lénine? Les seules convergences que les communistes doivent retenir sont les convergences de classes. Convergences de classes, divergences de classes. Le reste est bavardage, poésie de philistin. Quel est l’enseignement de Lénine ?

Deux classes s’unissent quand leurs intérêts fusionnent relativement.

Quel est l’enseignement de Lénine? Unir les classes dans la distinction de leurs intérêts.

Et les chrétiens alors? Aragon fait état de leur nom, c’est-à-dire d’un mot et non de la place qu’ils occupent effectivement dans la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie. Pas plus qu’il n’est d’unité de la culture, il n’y a d’unité de la morale.

De deux choses l’une : ou l’on parle de l’unité des travailleurs croyants ou non croyants et alors cette unité est l’unité relative des intérêts de classe ; ou l’on parle de l’unité des morales : morale prolétarienne et morale chrétienne et alors cette unité est l’unité d’une lutte.

D’une lutte idéologique, pour parler précisément.

Qu’est-ce que la lutte idéologique? Une idéologie transforme une autre idéologie. Le combat est-il égal? Non. Ne peut-on prévoir la victoire? Si. L’idéologie du prolétariat fondée sur la science de Marx, transformera l’idéologie religieuse.

Cette lutte idéologique signifie-t-elle la lutte entre travailleurs de croyances diverses? Absolument pas. Elle est lutte idéologique et non lutte de classes.

Une propagande incessante éduquera les travailleurs de diverses croyances. Cette propagande implique, dans toute la période qui va du capitalisme au communisme, la diversité des idéologies.

Non parce que c’est bien, mais parce qu’on ne change pas, avec un décret, la conscience des hommes.

Pas plus qu’on ne décrète la fin de l’Etat, on ne décrète la fin des idéologies. On ne la décrète pas, on la prépare. Le temps de la transition est celui de la lutte à tous les niveaux : économie, État, idéologies.

De la lutte, non du dialogue, et qui dit lutte dit fin de la lutte, qui dit dialogue dit dialogue sans fin. Dialogue sans fin, comme l’esprit humain, comme le monde qui n’est, selon le mot d’Aragon délicieusement poétique, jamais achevé.

Camarades ouvriers Aragon vous annonce un monde sans fin : un communisme sans rivages.

Il écrit, sans pudeur :  » Les prises de positions nouvelles de l’Église en faveur de la coexistence pacifique et à propos des rapports entre croyants et non croyants représentent un progrès encourageant. « 

Assez de phrases! Le verbe haut du poète ne dissimulera pas ses bassesses.

De deux choses l’une : ou la coexistence pacifique est la forme supérieure de la lutte de classes et l’Église se prononce pour la lutte de classes ; ou elle ne l’est pas et Aragon se prononce contre la ligne du Parti.

Réviser la ligne du Parti ou réviser l’Église.

Ce choix n’intéresse qu’Aragon, car les marxistes-léninistes ont choisi depuis longtemps, bien avant les nouveautés de notre époque. Très précisément au moment où, à l’appel du grand Lénine, ils ont définitivement rejeté les vieilleries toujours neuves.

L’incorrigible Lénine disait, dans l’actualité reculée de notre temps :  » Les cris actuels de  » Vive la liberté de critique !  » rappellent trop la fable du tonneau vide. « 

4. DE L’HUMANISME A L’IDÉOLOGIE UNITAIRE. L’ESPRIT HUMAIN NE VERRA JAMAIS PLUS LES RIVAGES.

 » La discussion fraternelle entre communistes et socialistes sera d’autant plus fructueuse qu’ils sauront porter ensemble, sur la base des intérêts de classe qui les rapprochent invinciblement des coups de plus en plus sévères au pouvoir des monopoles.  » (Section II.)

Aragon parle enfin le langage du marxisme : intérêts de classe. Mais décidément notre malheur n’aura pas de rivages : au moment même où Aragon semble le plus près, il est le plus loin. Insaisissable bonhomme ! Les intérêts de classe rapprochent  » invinciblement « .

La victoire assurée si promptement, le combat cesse faute de combattants. C’est trop beau pour être vrai. De fait ce n’est pas vrai. Qui rapproche qui? I/intérêt de l’ouvrier le rapproche de l’ouvrier. Ensemble, ils ont un intérêt de classe.

Et s’ils ne sont pas ensemble, bien qu[ou-vriers ? c’est qu’ils se représentent leurs intérêts différemment. Qui représentent ces ouvriers?

Les socialistes et les communistes. Comment? avec un parti communiste et un parti socialiste, fondés respectivement sur une idéologie communiste et une idéologie socialiste. Tous les deux peuvent-ils avoir raison? Non, puisque la vérité est une.

Que faire? Montrer aux ouvriers qui les représente vraiment. C’est sur ce point précis que l’enseignement de Lénine est le plus puissant.

Il nous apprend que les sociaux-traîtres représentent dans la classe ouvrière les intérêts de la bourgeoisie.

Mais pour faire pénétrer les idées de la bourgeoisie dans la classe ouvrière, il faut des demi-teintes, très exactement une idéologie de transition.

Cette idéologie est nécessaire, comme toute idéologie.

Ce qui la rend possible, c’est l’existence d’une classe intermédiaire entre la bourgeoisie et le prolétariat : la petite bourgeoisie des villes et des campagnes.

 » La situation économique du petit bourgeois est telle, ses conditions d’existence sont telles, qu’il ne peut manquer de se tromper, qu’il penche nécessairement et involontairement tantôt vers la bourgeoisie tantôt vers le prolétariat.

Sa situation économique ne lui permet pas d’avoir une  » ligne  » indépendante. Son passé le porte vers la bourgeoisie, son avenir vers le prolétariat. La raison le porte vers celui-ci, les préjugés (selon l’expression bien connue de Marx] vers celle-là. « 

Est-ce à dire que le parti de la classe ouvrière abandonne les ouvriers représentés par les socialistes, ou les petits-bourgeois?

Absolument pas. Sa tâche est de les gagner, de gagner cette majorité réelle, sans laquelle aucune révolution ne peut se faire. C’est l’opportunisme de gauche qui méconnaît cette tâche : gagner la majorité réelle.

De ce que la petite-bourgeoisie et les partis petits-bourgeois penchent le plus souvent vers la bourgeoisie, les infantiles déduisent qu’ils ne pencheront jamais vers le prolétariat. C’est le tristement célèbre mot d’ordre  » jamais de compromis « .

Quelle est la juste tactique ?  » La juste tactique des communistes (à l’égard de la petite bourgeoisie hésitante) doit consister à utiliser ces hésitations, et non point à les ignorer ; or les utiliser c’est faire des concessions aux éléments qui se tournent vers le prolétariat… »

Mais le tout est de savoir appliquer cette tactique de manière à élever et non à abaisser le niveau de conscience général du prolétariat.

C’est l’opportunisme de droite qui abaisse l’esprit révolutionnaire du prolétariat, sa capacité de lutter et de vaincre.

Quelle est la tactique juste? Ne faire des concessions « qu’au moment et dans la mesure où les petits bourgeois s’orientent vers le prolétariat, tout en luttant contre ceux qui se tournent vers la bourgeoisie « .

De ce que les petits bourgeois et les partis petits bourgeois penchent le plus souvent vers la bourgeoisie, les opportunistes de droite déduisent qu’ils ne pencheront jamais vers le prolétariat, ils refusent d’utiliser les hésitations nécessaires, inévitables de la petite bourgeoisie ; ils ne comprennent pas que le parti qui n’hésite pas, le parti communiste, peut faire progresser certains éléments petits-bourgeois, et isoler les autres : isoler les chefs qui s’obstinent dans l’opportunisme et amener dans le camp du prolétariat les meilleurs éléments de la petite-bourgeoisie.

Au lieu d’élever la petite bourgeoisie au niveau du prolétariat, ils abaissent le prolétariat au niveau de la petite bourgeoisie.

Résumons la tactique juste, donc la seule possible :  » L’avant-garde du prolétariat louvoie, réalise des ententes, des compromis avec les divers groupes de prolétaires, les divers partis d’ouvriers, et les petits exploitants.

Mais l’avant-garde du prolétariat garde la plus entière liberté de propagande, d’agitation et d’action politique. « 

Aragon avait-il définitivement oublié qu’il faut soutenir les chefs sociaux-démocrates « comme la corde soutient le pendu »? C’est Lénine qui parle, évidemment.

Comment, en général, se manifeste l’idéologie petite bourgeoise ? Par la croyance en l’État, celui des capitalistes ; par la croyance en la démocratie, celle des capitalistes.

En bref, elle se paie de mots : sur la voie pacifique de la révolution, la paix entre les nations, et autres mots de ce genre.

Tout le monde communiste connaît le  » petit mot  » de Kautsky : la dictature du prolétariat.

Kautsky prenait un concept  » la dictature du prolétariat  » pour un mot. Pour ce petit mot, Lénine n’a rien fait de moins que l’Internationale communiste. C’est que de mot en mot…

Savez-vous où Kautsky en est arrivé ? à déclarer que la conquête du socialisme pouvait se faire par la voie démocratique. Tant il est vrai que tout a une fin, même dans le monde inachevé des révisionnistes.

Aragon, lui, raffine. Il se paie le luxe, à escompter sur le trésor de la culture, de parler le langage de Lénine presque jusqu’au bout.

 » L’unité de la classe ouvrière et l’union de toutes les forces intéressées à l’établissement d’une démocratie véritable se prolongeront, comme il est souhaitable, pour la conquête, l’édification, et le maintien du socialisme, par les voies démocratiques. « 

Au début, Aragon reprend la théorie léniniste de l’unité de la révolution ininterrompue et du développement par étapes : théorie chèrement acquise contre les opportunistes de droite et de gauche.

A la fin, Aragon redescend à Kautsky. Pout être monté plus haut, Aragon descend plus bas.

De l’humanisme à Kautsky, la ligne est droite.
De la science marxiste à Lénine, la ligne est conséquente.
Avec l’humanisme, maillon de bois, c’est toute la chaîne du marxisme-léninisme qui rompt.

Avec cette coupure un monde s’achève. Un monde nouveau s’ouvre : les barbares marxistes-léninistes n’ont pas bougé.

EN GUISE DE CONCLUSION.

Nous avions déjà connu des liquidateurs d’avant-garde : la clique dirigeante de l’U. E. C.

Ces dirigeants de l’école étudiante du communisme avaient enseigné à de jeunes militants toutes les leçons du social-démocratisme exécré : la dissolution d’organismes réguliers, l’absence de discipline de pensée et d’organisation.

Et les leçons les plus perfides : celles de l’idéologie dominante.

Ils ânonnaient, ils ânonnent encore la démocratie. Oubliant l’alphabet : il y a démocratie et démocratie, démocratie bourgeoise et démocratie prolétarienne. Ces révisionnistes au petit pied veulent nous apprendre une chose  » nouvelle  » : par-delà les luttes de classes, il y a une unité de la jeunesse.

Au mépris de l’héroïque lutte du peuple vietnamien, ils déclarent que la négociation est la seule forme de solution des conflits. Et nous en passons, pour ne pas rebuter le lecteur.

Nous avions déjà connu les liquidateurs du programme : sous prétexte de soutenir un candidat bourgeois, ce qui est parfaitement légitime, nos modernes révisionnistes balançaient les thèses du parti.

N’a-t-on pas vu des dirigeants du parti et des plus éminents, reprendre à leur compte la thèse de la plus juste répartition des fruits du travail. Thèse réduite en poussière par Marx dans la  » Critique du Programme de Gotha « .

Nous avons vu se généraliser l’opportunisme de droite dans l’application des thèses du XVIIe Congrès de notre parti. Et nous en passons pour ne pas rebuter le lecteur.

De sacrifices politiques en sacrifices idéologiques, de sacrifices idéologiques en sacrifices d’organisation nous voilà arrivés au terme : le sacrifice de la théorie.

Nous sommes remontés à la source. Le cercle du révisionnisme est bouclé. Comme le disait Lénine, le vin est tiré.

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Histoire de l’Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes)

L’Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes), issue de l’Union des Etudiants Communistes, a joué un grand rôle dans la popularisation de Mao Zedong dans la jeunesse, et s’est développée parallèlement au PCMLF.

L’origine pratique

Lorsque le PCF cessa totalement, au milieu des années 1950, de se proposer comme alternative révolutionnaire autonome par rapport aux institutions, il y eut une vague d’intégration à celle-ci.

Cela fut vrai avec le municipalisme, le syndicalisme, mais également avec la participation aux institutions universitaires. Le marxisme fut donc accepté, pour un temps, en économie, en politique, en philosophie, etc. ; avoir l’agrégation devenait possible tout en étant membre du PCF et en se revendiquant marxiste-léniniste.

Ce processus amena la formation d’une nouvelle intelligentsia liée historiquement au PCF, se revendiquant à différents degrés du marxisme tout en prenant de nombreuses libertés. Certains, comme Michel Foucault, se lancèrent dans la « French philosophy », d’autres passèrent dans le camp de la psychanalyse en suivant Jacques Lacan, et enfin d’autres tentèrent de « radicaliser » le PCF.

Cette tentative de radicalisation est passée par l’Union des Etudiants Communistes et le philosophe Louis Althusser.

L’origine théorique

Louis Althusser (1918-1990) est un penseur tentant de maintenir le PCF dans un cadre idéologique « dur », par opposition à la tendance libérale représentée alors par Roger Garaudy.

Althusser s’appuie dans son projet sur le « structuralisme », idéologie analysant les « structures » de l’histoire, et amenant Althusser à expliquer que l’histoire dispose d’une démarche aléatoire, que Staline est à rejeter totalement, qu’il y a une coupure entre le « jeune Marx » et le Marx de la maturité.

Althusser est ainsi proche dans sa démarche « structuraliste » de Roland Barthes et de Claude Lévi-Strauss, et a écrit un ouvrage très célèbre alors, Lire le Capital, publié en 1965 sur la base d’un travail commun avec Étienne Balibar, Roger Establet, Pierre Macherey et Jacques Rancière, qui sont des exemples types de « marxistes-léninistes » des années 1960 reconvertis dans l’idéologie post-moderne, notamment à l’université de Paris 8 (Vincennes – Saint-Denis).

Althusser est ainsi surtout dans la lignée du PCF (et du PC italien) qui tente de développer un théorie des appareils d’Etat fondée sur les œuvres d’Antonio Gramsci, afin de remettre en cause le marxisme-léninisme, mais sur une base dure, en apparence seulement non révisionniste. Althusser s’opposera ainsi à mai 1968 et ne quittera jamais le PCF, sombrant par ailleurs toujours davantage dans la folie, jusqu’à terminer dans un hôpital psychiatrique après avoir tué sa femme, tout en ayant eu également une maîtresse, etc.

Pour résumer, la ligne d’Althusser était de nier le capitalisme comme reproduction de la vie réelle, nécessitant un saut révolutionnaire, pour expliquer que le capitalisme ne se reproduisait à chaque cycle de production que grâce à des appareils idéologiques d’Etat – qu’il faudrait alors changer, ce qui justifie la ligne révisionniste du PCF de marche dans les institutions.

Or, Althusser était enseignant à l’Ecole Normale Supérieure, la grande école littéraire de la bourgeoisie française, machine à agrégés et professeurs d’université. Il a eu comme élève les principaux théoriciens de l’agitation « gauchiste » suivant mai 1968 : Robert Linhart, Benny Levi et Alain Badiou pour la tendance maoïste spontanéiste, ainsi que Michel Foucault pour la tendance spontanéiste post-moderne.

Les Cahiers marxistes-léninistes

Tout part ainsi de l’Ecole Normale Supérieure, où est admis Robert Linhart, qui devient le principal disciple d’Althusser.

Robert Linhart

Il devient alors la figure du cercle de l’Union des Étudiants Communistes de l’École Normale Supérieure, qui commence en octobre 1964 à publier les Cahiers marxistes-léninistes, pour un millier d’exemplaires.

Au départ, ces Cahiers, qui auront au final une quinzaine de numéros, attaque la fraction dite « italienne » de l’UEC, c’est-à-dire désireuse de suivre l’option libérale du Parti Communiste italien.

Lorsqu’en mars 1965, la fraction italienne est brisée, les Cahiers tentent de prolonger le mouvement et de se poser comme alternative à la direction de l’UEC, ce qui passa par une lutte des deux lignes avec la fraction dirigée par Jacques-Alain Miller, qui fonda par la suite les Cahiers pour l’analyse et devint un idéologue du freudisme.

Le cercle de l’Union des Étudiants Communistes de l’École Normale Supérieure devient alors la base d’une agitation au sein de l’UEC, notamment en avril 1966 lors du 9e Congrès, contre la ligne de Roger Garaudy triomphant au sein du PCF dans le domaine culturel et idéologique.

Cela aboutit à sa dissolution, alors que les Cahiers marxistes-léninistes publient coup sur coup un texte d’Althusser (Matérialisme dialectique et matérialisme historique) et un numéro sur l’art, d’esprit structuraliste et althussérien.

Naissance de l’UJC (ml)

A la mi-juillet 1966, les cellules proches des Cahier marxistes-léninistes tiennent une conférence nationale avec 60 délégués, à Andrésy en région parisienne. Une conférence est organisée à Paris le 6 décembre 1966, à la salle des Horticulteurs, sous le titre « Qui sont les scissionnistes ? », que le PCF casse dans la violence.

En décembre 1966 naît alors l’Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes), dont les Cahiers marxistes-léninistes deviennent l’organe théorique, avec le mensuel Le garde rouge, qui deviendra au bout de quelques mois le bimensuel Servir le peuple. L’organisation est présente à Paris, Nancy, Nantes, Rennes, Lille et Dijon.

S’opposant à la direction du PCF, les Cahiers marxistes-léninistes se lancent alors dans un grand soutien à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) en Chine populaire, avec même un article d’Althusser, qui quant à lui ne rompt pas avec le PCF.

Un numéro sur le capitalisme d’Etat, en mars 1967, où est dénoncée la ligne du PCF en faveur des nationalisations dans le cadre capitaliste, est l’avant-dernier numéro avant celui d’avril 1968, traitant de nouveau de la GRCP en Chine populaire.

L’orientation favorable à la Chine populaire tient ainsi à deux choses : tout d’abord, le fait qu’il y ait opposition à la direction du PCF, et ici l’UJC (ml) est l’équivalent pour l’UEC du PCMLF dans le PCF : c’est la rupture d’une minorité radicale refusant le tournant révisionniste ouvert, mais arrivant tardivement et sans base idéologique très nette.

Ensuite, il y a le fait que les Cahiers marxistes-léninistes sont d’idéologie althussérienne et que le refus logique d’Althusser de sortir du PCF est « dépassé » en pratique par la naissance de l’UJC(ml) qui se tourne alors idéologiquement ouvertement vers les thèses chinoises, au lieu de simplement s’appuyer sur elles contre la direction.

Premiers succès

La jeune UJC(ml) naît donc avec un prestige intellectuel lié à son rapport avec l’Ecole Normale Supérieure. Le cinéaste Jean-Luc Godard réalise même un film, La Chinoise, qui sort en septembre 1967 et représente de manière romantique, voire expressionniste, des étudiants bourgeois parisiens faisant le choix de devenir « garde rouge. »

La Chinoise de Jean-Luc Godard

L’UJC(ml) organise une université rouge, qui a un grand succès ; elle parvient à faire manifester en soutien au Vietnam quelques centaines de personnes le 21 février 1967, jour de l’anniversaire de l’exécution par les nazis du groupe Manouchian des FTP-MOI.

Elle possède des ressources efficaces en cogneurs antifascistes au quartier latin, où elle dispose également rapidement d’une librairie, rue Gît-le-coeur.

Elle envoie ses activistes procéder à des « enquêtes » dans toute la France, tandis que des délégations sont envoyées en Chine populaire et en Albanie. La Chine populaire ne reconnaîtra cependant pas l’UJC (ml), alors qu’en Albanie la délégation est rapidement expulsée en raison d’un incident (un dessin jeté dans une poubelle montrant un serpent sortant des sables avec écrit : « Albanie, désert théorique »).

Robert Linhart appelle alors à généraliser la ligne de « l’établissement » des étudiants dans les entreprises, et la liquidation de la tradition althussérienne.

Seconds succès

L’UJC(ml) prolonge le mouvement : début 1967 il tient son congrès, puis il appelle à créer des Comités Vietnam de Base (CVB), qui naissent en février et auront un succès très grand dans la jeunesse activiste. En mai sort Victoire pour le Vietnam, organe qui aura six numéros jusqu’en mars 1968.

A côté de cela, l’UJC(ml) dispose de « Groupes de Protection et d’Autodéfense », extrêmement para-militarisés et formant des groupes de choc antifasciste. Si début février 1968 l’attaque du meeting pour le Sud-Vietnam à la salle de la Mutualité à Paris échoue, il culmine dans l’affrontement de 300 activistes contre les CRS.

Et le 21 février 1968, les CVB parviendront à hisser un drapeau du FNL du Vietnam sur la façade de l’ambassade du Sud Vietnam ; en mars, il existe 120 CVB en Île-de-France et 150 en province.

Le 30 avril, les CVB attaquent une exposition sur les « atrocités nord-vietnamiennes », saccageant les locaux et brutalisant les activités d’extrême-droite, avec même une fausse manifestation pacifique devant les locaux pour donner le change.

Les menaces fascistes de représailles contre la faculté de Nanterre amèneront l’organisation par l’UJC(ml) d’une auto-défense extrêmement para-militarisée (une tranchée est même creuser pour bloquer l’accès aux voitures), alors qu’à la Sorbonne a lieu une intervention policière le 3 mai 1968 par crainte de troubles, provoquant par la même occasion mai 1968.

Auparavant, le 1er 1968, était publié le numéro 1 de La Cause du peuple, journal du Mouvement de soutien aux luttes du peuple, comme organisme généré de l’UJC(ml), et lors du défilé du 1er mai 1968, le cortège avait réussi à s’imposer malgré l’opposition du service d’ordre du PCF.

L’UJC(ml) est alors une organisation structurée, apparaissant comme le véritable écho de ce qui se passe en Chine populaire avec les gardes rouges et la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

La tentative échouée de compréhension de Mai 1968

Lorsque mai 1968 est lancé, c’est Robert Linhart qui l’interprète. Seulement, l’UJC(ml) a une base idéologique liée au PCF, à Althusser. Il n’est donc nullement étonnant que Robert Linhart développe donc la même position hostile.

Prisonnier de la contradiction de l’UJC(ml) – Althusser d’un côté, Mao Zedong de l’autre – Robert Linhart a des crises de délires. Il se précipite en pleine nuit au siège du PCF pour tenter de discuter avec le secrétaire général d’alors, Waldeck-Rochet ; il fait de même à l’ambassade de Chine populaire, pour y expliquer que Mao Zedong a tort de soutenir mai 1968. Une dernière crise de délire le conduit à l’hôpital psychiatrique.

Robert Linhart avait bien vu la dimension foncièrement petite-bourgeoise du mouvement de mai 1968. A ses yeux, c’était cependant la social-démocratie qui était aux manœuvres, et le gaullisme profiterait de la situation pour écraser le tout. Aussi fallait-il rejeter mai 1968 et lancer comme mot d’ordre le fait d’aller aux usines.

Robert Linhart n’a donc pas compris qu’il s’agissait d’une crise du régime né du putsch gaulliste de 1958, avec donc également des revendications démocratiques.

Sur ce plan, Robert Linhart avait donc la même vision que le PCF, qui rejetait mai 1968 pour les mêmes raisons que lui, et ne saisissait pareillement pas les questions démocratiques.

L’erreur de Robert Linhart est en fait d’avoir eu raison sur la nature du PCF, tout en ayant tort. En effet, historiquement l’UJC(ml) est issue de la critique de gauche interne au PCF, avec Althusser.

Dans sa lancée et par l’attirance pour la critique chinoise du révisionnisme, cette critique est devenue l’UJC(ml), en rupture avec le PCF.

Dans l’ordre des choses, l’UJC(ml) aurait dû donc également rejeter la CGT ; or, elle ne l’a pas fait et a tenté de former une tendance « CGT lutte de classe ».

Cela signifie que Robert Linhart considérait la CGT (et le PCF) non pas comme social-fasciste à la base, mais comme social-démocrate.

Le problème est que l’UJC(ml) n’a pas compris cette rupture, et était culturellement une simple rupture par la gauche, sans compréhension authentique des enseignements de Mao Zedong.

Alors, au lieu de soutenir le mouvement de mai 1968 de manière critique et en posant à l’intérieur la ligne révolutionnaire, l’UJC(ml) s’est retrouvée sur la position du PCF.

L’activisme de l’ex-UJC(ml) durant mai 1968

La position de Robert Linhart était intenable et lui-même en paya le prix psychologiquement. L’UJC(ml) en paya le prix idéologiquement en s’effondrant, sa base se précipitant dans la lutte.

Le 16 mai, 300 personnes quittent le cortège principal pour marcher vers l’usine de Renault-Billancourt, avec comme banderole « Les ouvriers prendront, des mains fragiles des étudiants, le drapeau de la lutte contre le régime anti-populaire ».

Le 23 mai 1968, La Cause du peuple commence une parution quotidienne (qui durera jusqu’au 30 juin), comme organe du Mouvement de Soutien aux Luttes du Peuple. A côté, on retrouve les Comités de défense contre la répression, les Cercles Servir le peuple, les Groupes de travail communistes qui sont eux composés d’établis.

Du 7 au 10 juin, l’usine Renault de Flins en région parisienne est témoin d’une union ouvrière et étudiante culminant en série d’affrontements ultra-violents avec les CRS ; un lycéen de l’UJC(ml), Gilles Tautin, actif comme photographe pour La Cause du Peuple, meurt alors noyé, devant les yeux de la police qu’il fuyait.

Le 12 juin 1968, l’UJC(ml) est interdite, à l’instar des autres organisations « gauchistes ». Mais en pratique, elle n’existe déjà plus.

L’échec de l’UJC(ml)

Après un été d’enquête, l’ancienne direction de l’UJC(ml) peut à la fin septembre constater l’échec du projet. L’organisation n’a pas passé l’épreuve de feu.

Pire, la grande majorité de l’organisation décide de rejoindre le PCMLF, ce qui montre les limites idéologiques de l’UJC(ml), censée représenter une compréhension juste de Mao Zedong, allant à l’opposé du PCMLF.

Il est vrai que les ex-UJC(ml) qui vont rejoindre le PCMLF le quitteront vite, pour former le Parti Communiste Révolutionnaire (marxiste-léniniste) ; cependant, cela ne changera rien au fait que leur tradition n’a rien à voir avec ce qui sera appelé plus tard le maoïsme.

L’UJC(ml) n’a pas réussi à aller au maoïsme. Une seconde tentative est alors faite : Robert Linhart est mis de côté, et Benny Lévy, le numéro 2 de l’UJC(ml), va fonder les bases de ce qui deviendra vite la Gauche Prolétarienne.

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