Mao Zedong : Servir le peuple

8 septembre 1944

Notre Parti communiste ainsi que la VIIIe armée de Route et la Nouvelle IVe Armée qu’il dirige sont des forces révolutionnaires, totalement dévouées à la libération du peuple et travaillant entièrement dans l’intérêt de ce dernier. Le camarade Tchang Se-teh fut un de ceux qui servaient dans leurs rangs.

Tout homme doit mourir un jour, mais toutes les morts n’ont pas la même signification. Un écrivain de la Chine antique, Sema Tsien, disait : « certes, les hommes sont mortels ; mais certaines morts ont plus de poids que le mont Taichan, d’autres en ont moins qu’une plume. »

Mourir pour les intérêts du peuple a plus de poids que le mont Taichan, mais se dépenser au service des fascistes et mourir pour les exploiteurs et les oppresseurs a moins de poids qu’une plume. Le camarade Tchang Se-teh est mort en servant les intérêts du peuple, et sa mort a plus de poids que le mont Taichan.

Nous servons le peuple et ne craignons donc pas, si nous avons des insuffisances qu’on les relève et qu’on les critique. Chacun, quel qu’il soit, peut les relever. S’il a raison, nous nous corrigerons. Si ce qu’il propose est utile, nous agirons en conséquence.

La suggestion d’avoir “moins de troupes mais de meilleures et une administration simplifiée” a été fait par M. Li Ting-ming, qui n’est pas communiste ; cette idée était bonne, elle était utile peuple, nous l’avons donc adoptée. Si, dans l’intérêt du peuple, nous persévérons dans ce qui est juste et corrigeons ce qui est erroné, tout s’épanouira dans nos rangs.

Venant de tous les coins du pays, nous nous sommes retrouvés ici en vue d’un objectif révolutionnaire commun, vers lequel nous devons poursuivre notre route avec l’immense majorité du peuple.

Aujourd’hui, nous dirigeons déjà des bases d’appui englobant une population de 91 millions d’habitants, mais cela n’est pas suffisant ; il nous en faut de plus vastes si nous voulons libérer toute la nation. Que nos camarades, dans les moments difficiles, ne perdent pas de vue nos succès, qu’ils discernent notre avenir lumineux et redoublent de courage. Le peuple chinois est dans le malheur, nous avons le devoir de l’en tirer ; pour cela, il faut lutter de toutes nos forces.

Or, quand il y a lutte il y a sacrifice : la mort est chose fréquente. Comme nous avons à cœur les intérêts du peuple, les souffrances de la grande majorité du peuple, mourir pour lui, c’est donner à notre mort toute sa signification. Néanmoins, nous devons réduire au minimum les sacrifices inutiles. Il faut que nos cadres se soucient de chaque combattant, et tous, dans les rangs de la révolution, doivent veiller les uns sur les autres, s’aimer et s’entraider.

Désormais, quand l’un des nôtres viendra à manquer, fût-il cuisiner ou soldat, nous devrons, pour peu qu’il ait fait œuvre utile, célébrer ses obsèques en tenant une réunion pour honorer son souvenir. Cela doit devenir une règle. Cette pratique est à introduire également dans la population.

Lorsque quelqu’un mourra dans un village, on organisera une réunion à sa mémoire. Ainsi, en exprimant notre affliction, nous contribuerons à l’union du peuple tout entier.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : La Démocratie Nouvelle

Janvier 1940

I. Où va la Chine ?

   Depuis le début de la Guerre de Résistance, notre peuple tout entier vivait dans un climat exaltant, le sentiment général était qu’une issue avait été trouvée, les mines tristes et soucieuses avaient disparu. Mais depuis peu, une atmosphère de compromis nous oppresse à nouveau, la vague anticommuniste s’est une fois de plus déchaînée, et le peuple tout entier est retombé dans la perplexité. Les premiers à en être affectés sont les intellectuels et les étudiants, particulièrement sensibles aux événements.

Et, de nouveau, on s’interroge : Que faire ? Où va la Chine ?

Voilà pourquoi il est peut-être bon de profiter de la publication de La Culture chinoise pour expliquer un peu quel cours prennent la politique et la culture de la Chine. Je suis un profane dans les questions culturelles ; je me suis proposé de les étudier, mais je ne fais que commencer. Heureusement, à Yenan, de nombreux camarades les ont traitées tout au long dans des articles ; aussi l’ébauche que je vais tracer ne peut-elle jouer que le rôle des coups de gong qui annoncent la pièce.

Que les travailleurs culturels d’avant-garde de notre pays considèrent nos observations comme un morceau de brique que nous montrons pour les inciter à sortir leur jade ; n’y en eût-il qu’une seule de valable sur mille, nous espérons qu’une discussion en commun sera entreprise et que des conclusions justes répondant aux besoins de notre nation en jailliront.

C’est la « recherche de la vérité dans les faits » qui est l’attitude scientifique ; « prétendre que l’on détient la vérité » et « se poser en professeur » sont des attitudes présomptueuses qui n’aident à résoudre aucun problème. Notre nation est plongée dans de profonds malheurs ; une attitude scientifique et le sens des responsabilités pourront seuls la conduire sur la voie de la libération.

Il n’y a qu’une vérité ; savoir si on l’a découverte ou non ne dépend pas de vantardises subjectives, mais de la pratique objective. Seule la pratique révolutionnaire de millions d’hommes est la jauge pour mesurer la vérité. Telle doit être, à mon avis, l’attitude de La Culture chinoise.

II. Nous voulons bâtir une Chine nouvelle

   Nous autres communistes, nous luttons depuis des années non seulement pour la révolution politique et économique de la Chine, mais aussi pour sa révolution culturelle ; notre but est d’édifier pour la nation chinoise une société nouvelle et un Etat nouveau, qui comporteront, en même temps qu’une politique et une économie nouvelles, une nouvelle culture.

En d’autres termes, nous voulons transformer la Chine politiquement opprimée et économiquement exploitée en une Chine politiquement libre et économiquement prospère ; de plus, nous voulons transformer la Chine, ignorante et arriérée sous la domination de l’ancienne culture, en une Chine éclairée et avancée, où dominera la culture nouvelle. En un mot, nous voulons bâtir une Chine nouvelle. Edifier une culture nouvelle de la nation chinoise, tel est notre but dans le domaine culturel.

III. Les particularités historiques de la Chine

   Nous voulons une nouvelle culture nationale chinoise, mais quelle doit être au juste cette culture nouvelle ?

   Toute culture (en tant que forme idéologique) est le reflet de la politique et de l’économie d’une société déterminée, mais elle exerce à son tour une influence et une action considérables sur la politique et l’économie de cette société ; l’économie est la base, la politique l’expression concentrée de l’économie.

Tel est notre point de vue fondamental sur le rapport qui existe entre la culture d’une part, la politique et l’économie d’autre part, de même que sur le rapport entre la politique et l’économie. Ainsi, une forme donnée de politique et d’économie détermine d’abord une forme donnée de culture, laquelle, ensuite, exerce à son tour une influence et une action sur cette politique et cette économie.

Marx a dit : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience. » Il a dit encore : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, mais il s’agit de le transformer » Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, ces formulations scientifiques apportent une solution correcte à la question du rapport entre la conscience et l’être, et elles constituent les notions fondamentales de la théorie active, révolutionnaire, du reflet, que Lénine développa par la suite de façon approfondie. Quand nous discutons des problèmes de la culture chinoise, nous ne devons pas oublier ces notions.

   Ainsi posée, la question est très claire : les éléments réactionnaires que contient la vieille culture de la nation chinoise, éléments que nous voulons éliminer, sont indissolublement liés à la vieille politique et à la vieille économie ; de même, la culture nouvelle de la nation chinoise que nous voulons édifier est indissolublement liée à la politique nouvelle et à l’économie nouvelle.

La vieille politique et la vieille économie de la nation chinoise sont la base de sa vieille culture, tandis que sa politique nouvelle et son économie nouvelle seront la base de sa culture nouvelle.

   Qu’entend-on par vieille politique et vieille économie ? Et par vieille culture de la nation chinoise ?

   A partir des dynasties des Tcheou et des Ts’in, la société chinoise devint féodale, tout comme sa politique et son économie. Et la culture prédominante, reflet de cette politique et de cette économie, était une culture féodale.

   Depuis que le capitalisme étranger a pénétré en Chine et que les éléments du capitalisme se sont développés peu à peu au sein de la société chinoise, la Chine est devenue progressivement un pays colonial, semi-colonial et semi-féodal.

Aujourd’hui, elle est coloniale dans les régions occupées par le Japon et pratiquement semi-coloniale dans les régions sous la domination du Kuomintang ; mais, dans les unes comme dans les autres, c’est le régime féodal ou semi-féodal qui prédomine. Tel est le caractère de la société chinoise actuelle, telle est la situation de la Chine d’aujourd’hui.

La politique et l’économie de cette société sont à prédominance coloniale, semi-coloniale et semi-féodale, et la culture qui prédomine, reflet de cette politique et de cette économie, est aussi coloniale, semi-coloniale et semi-féodale.

   C’est contre ces formes politique, économique et culturelle dominantes qu’est dirigée notre révolution. Ce que nous voulons éliminer, c’est cette vieille politique et cette vieille économie coloniale, semi-coloniale et semi-féodale, et la vieille culture qui est à leur service. Ce que nous voulons édifier est tout l’opposé, à savoir la politique, l’économie et la culture nouvelle de la nation chinoise.

   Mais alors, quelles sont la politique et l’économie nouvelle de la nation chinoise ? Et quelle est sa nouvelle culture ?

   Dans le cours de son histoire, la révolution chinoise doit passer par deux phases ; la première, c’est la révolution démocratique, la seconde, la révolution socialiste ; ce sont deux processus révolutionnaires de caractère différent. Ce que nous appelons ici démocratie n’appartient plus à l’ancienne catégorie, n’est plus l’ancienne démocratie, mais relève de la nouvelle catégorie ; c’est la démocratie nouvelle.

   Nous pouvons donc affirmer que la politique nouvelle de la nation chinoise, c’est la politique de démocratie nouvelle ; que son économie nouvelle, c’est l’économie de démocratie nouvelle ; que sa nouvelle culture, c’est la culture de démocratie nouvelle.

   Telle est, à l’heure actuelle, la particularité historique de la révolution chinoise. Tout parti politique, toute personne qui y prend part sans comprendre cette particularité ne pourra guider cette révolution ni la mener à la victoire, mais sera reniée par le peuple et réduite à se lamenter misérablement dans son coin.

IV. La révolution chinoise est une partie de la révolution mondiale

   La révolution chinoise a pour particularité historique sa division en deux phases : la démocratie et le socialisme, la première n’étant plus la démocratie de type ordinaire, mais une démocratie de type chinois, de type particulier et nouveau la démocratie nouvelle. Comment cette particularité historique s’est-elle formée ? Existe-t-elle depuis un siècle ou est-elle apparue plus récemment ?

   Il suffit d’étudier un peu l’histoire de la Chine et du monde pour comprendre que cette particularité n’est pas apparue lors de la Guerre de l’Opium, mais qu’elle a pris forme seulement après la première guerre mondiale impérialiste et la Révolution d’Octobre en Russie. Etudions maintenant sa genèse.

   Du fait que la société chinoise actuelle est de caractère colonial, semi-colonial et semi-féodal, il est évident que la révolution doit s’accomplir en deux phases : la première consiste à transformer cette société en une société indépendante et démocratique ; la seconde, à développer plus avant la révolution et à édifier une société socialiste. La révolution chinoise en est à sa première phase.

   La période préparatoire de cette première phase remonte à la Guerre de l’Opium en 1840, c’est-à-dire au moment où la société chinoise commençait à se transformer de société féodale en société semi-coloniale et semi-féodale.

Puis se succédèrent le Mouvement des Taiping, la Guerre sino-française, la Guerre sino-japonaise, le Mouvement réformiste de 1898, la Révolution de 1911, le Mouvement du 4 Mai, l’Expédition du Nord, la Guerre révolutionnaire agraire et l’actuelle Guerre de Résistance contre le Japon ; ces nombreuses étapes s’échelonnent sur un bon siècle ; elles font toutes partie, en un sens, de cette première phase au cours de laquelle le peuple chinois, dans des circonstances différentes et à des degrés divers, mène la lutte contre l’impérialisme et les forces féodales pour édifier une société indépendante et démocratique, pour accomplir la première révolution.

Et la Révolution de 1911 marque, dans un sens plus complet, le début de cette révolution qui, par son caractère social, n’est pas une révolution socialiste prolétarienne, mais une révolution démocratique bourgeoise. Celle-ci n’est pas achevée, elle exige encore de grands efforts, parce que ses ennemis restent très puissants. Lorsque le Dr Sun Yat-sen dit : « La révolution n’est pas encore achevée, nos camarades doivent poursuivre leurs efforts », il avait précisément en vue cette révolution démocratique bourgeoise.

   Cependant, un changement se produisit dans la révolution démocratique bourgeoise en Chine après qu’eut éclaté en 1914 la première guerre mondiale impérialiste et que la Révolution d’Octobre en Russie eut fondé en 1917 un Etat socialiste sur un sixième du globe.

   Avant ces événements, la révolution démocratique bourgeoise chinoise relevait de l’ancienne catégorie, celle de la révolution démocratique bourgeoise mondiale, dont elle constituait une partie.

   Depuis ces événements, elle est entrée dans une nouvelle catégorie de révolution démocratique bourgeoise, et, par rapport à l’ensemble du front de la révolution, elle fait partie de la révolution socialiste prolétarienne mondiale.

   Pourquoi ? Parce que la première guerre mondiale impérialiste et la première révolution socialiste victorieuse, la Révolution d’Octobre, ont changé tout le cours de l’histoire universelle, dont elles ont inauguré une ère nouvelle.

   A l’époque où le front du capitalisme mondial s’est effondré sur une partie du globe (soit un sixième de la surface terrestre) et où il a révélé pleinement sa décadence partout ailleurs, à l’époque où ce qui reste du monde capitaliste ne peut subsister sans dépendre davantage des colonies et des semi-colonies, à l’époque où un Etat socialiste a été créé et a proclamé sa volonté de soutenir le mouvement de libération dans toutes les colonies et semi-colonies, à l’époque, enfin, où le prolétariat des pays capitalistes se dégage de plus en plus de l’influence social-impérialiste des partis social-démocrates et se déclare prêt à soutenir le mouvement de libération des pays coloniaux et semi-coloniaux, à une telle époque, toute révolution qui, dans une colonie ou semi-colonie, est dirigée contre l’impérialisme, c’est-à-dire contre la bourgeoisie internationale ou le capitalisme international, ne relève plus désormais de la vieille catégorie, celle de la révolution démocratique bourgeoise mondiale, mais de la nouvelle catégorie ; elle ne fait plus partie de l’ancienne révolution mondiale bourgeoise ou capitaliste, mais de la nouvelle révolution mondiale, la révolution mondiale socialiste prolétarienne.

Cette colonie ou semi-colonie en révolution ne peut plus être considérée comme une alliée du front contre-révolutionnaire du capitalisme mondial ; elle est devenue une alliée du front révolutionnaire du socialisme mondial.

   Dans sa première étape ou première phase, la révolution dans une colonie ou semi-colonie reste essentiellement, par son caractère social, une révolution démocratique bourgeoise, et ses revendications tendent objectivement à frayer la voie au développement du capitalisme ; néanmoins, elle n’est déjà plus une révolution de type ancien, dirigée par la bourgeoisie et se proposant d’établir une société capitaliste et un Etat de dictature bourgeoise, mais une révolution de type nouveau, dirigée par le prolétariat et se proposant d’établir, à cette première étape, une société de démocratie nouvelle et un Etat de dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires.

Donc, elle sert en fait à frayer une voie plus large encore au développement du socialisme. Dans sa marche, elle peut parcourir plusieurs stades intermédiaires, en raison des changements intervenus dans le camp de l’ennemi comme dans les rangs de ses propres alliés, mais son caractère fondamental reste inchangé.

   Une telle révolution s’attaque aux fondements mêmes de l’impérialisme, c’est pourquoi ce dernier ne l’admet pas, mais la combat. En revanche, elle est approuvée par le socialisme et reçoit l’aide de l’Etat socialiste et du prolétariat international socialiste.

   Elle devient donc nécessairement une partie de la révolution mondiale socialiste prolétarienne.

   « La révolution chinoise est une partie de la révolution mondiale » ? – cette thèse juste a été formulée dès l’époque de la Première Grande Révolution chinoise de 1924-1927. Elle l’a été par les communistes chinois et elle fut approuvée par tous ceux qui participaient alors à la lutte anti-impérialiste et antiféodale. Cependant, en ce temps-là, on n’a pas su donner à cette thèse toute sa portée, et par conséquent l’idée que les gens en avaient restait vague.

   La « révolution mondiale » n’est plus celle de l’ancien type l’ancienne révolution mondiale bourgeoise est depuis longtemps révolue ; c’est une nouvelle révolution mondiale, la révolution mondiale socialiste. De même, « une partie » ne désigne plus une partie de l’ancienne révolution bourgeoise, mais une partie de la nouvelle révolution socialiste. C’est là un immense changement, un changement qui n’a son pareil ni dans l’histoire de la Chine ni dans l’histoire du monde.

   Cette thèse juste avancée par les communistes chinois est fondée sur la théorie de Staline.

   Déjà, en 1918, dans un article commémorant le premier anniversaire de la Révolution d’Octobre, Staline écrivait :

   L’immense portée mondiale de la Révolution d’Octobre consiste surtout en ceci, qu’elle a :

1° élargi le cadre de la question nationale, l’a transformée, de question particulière de la lutte contre l’oppression nationale en Europe, en question générale de l’affranchissement des peuples opprimés, des colonies et semi-colonies du joug de l’impérialisme ;

2° ouvert de larges possibilités et des voies efficaces pour cet affranchissement, facilitant ainsi considérablement leur libération aux peuples opprimés d’Occident et d’Orient, les entraînant dans la voie commune d’une lutte victorieuse contre l’impérialisme ;

jeté par là même un pont entre l’Occident socialiste et l’Orient asservi, créant contre l’impérialisme mondial un nouveau front de révolutions qui s’étend des prolétaires d’Occident aux peuples opprimés de l’Orient, en passant par la révolution russe.

   Depuis, Staline a maintes fois développé la théorie selon laquelle les révolutions dans les colonies et les semi-colonies se sont dissociées de la révolution de l’ancienne catégorie pour devenir une partie de la révolution socialiste prolétarienne. C’est dans un article publié le 30 juin 1925, à propos d’une controverse avec les nationalistes yougoslaves de l’époque, qu’il a exposé cette théorie avec le plus de clarté et de précision.

Cet article, intitulé « Encore une fois sur la question nationale« , figure dans un livre traduit par Tchang Tchong-che et publié sous le titre Staline sur la question nationale. On y lit le passage suivant :

« Sémitch se réfère à un passage de la brochure de Staline : Le Marxisme et la question nationale, écrite à la fin de 1912. Il y est dit que « la lutte nationale dans les conditions du capitalisme ascendant est une lutte des classes bourgeoises entre elles ».

Sémitch veut apparemment suggérer ainsi que sa formule pour définir la portée sociale du mouvement national dans les conditions historiques présentes est juste. Mais la brochure de Staline a été écrite avant la guerre impérialiste, quand la question nationale n’était pas encore dans la conception des marxistes une question d’une portée mondiale et que la revendication fondamentale des marxistes relative au droit de libre disposition était considérée non comme une partie de la révolution prolétarienne, mais comme une partie de la révolution démocratique bourgeoise.

Il serait ridicule de ne pas voir que, depuis, la situation internationale s’est transformée radicalement ; que la guerre, d’une part, et la Révolution d’Octobre en Russie, de l’autre, ont transformé la question nationale en faisant d’un élément de la révolution démocratique bourgeoise un élément de la révolution socialiste prolétarienne.

Déjà en octobre 1916, dans son article : « Le Bilan de la discussion sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », Lénine disait que le point essentiel de la question nationale relatif au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes avait cessé d’être une partie du mouvement démocratique général, qu’il était déjà devenu partie intégrante de la révolution socialiste prolétarienne générale. Je ne parle même pas des écrits ultérieurs sur la question nationale, dus à Lénine comme à d’autres représentants du communisme russe.

Quelle signification peut avoir la référence de Sémitch à tel passage de la brochure de Staline, écrite dans la période de la révolution démocratique bourgeoise en Russie, maintenant que, en vertu de la nouvelle situation historique, nous sommes entrés dans une nouvelle époque, celle de la révolution prolétarienne ?

Elle peut signifier seulement que Sémitch fait des citations en dehors de l’espace et du temps, sans aucun rapport avec la situation historique vivante, et viole par-là les lois élémentaires de la dialectique, et qu’il ne tient aucun compte du fait qu’une chose juste dans telles circonstances historiques peut se révéler fausse dans telles autres circonstances historiques. »

   D’où l’on voit qu’il y a deux types de révolution mondiale. Le premier appartient à la catégorie bourgeoise ou capitaliste. Son temps est depuis longtemps révolu ; il a pris fin dès 1914, quand éclata la première guerre mondiale impérialiste, et plus particulièrement en 1917, quand eut lieu la Révolution d’Octobre en Russie. Depuis, a commencé le second type de révolution mondiale, la révolution mondiale socialiste prolétarienne.

Elle a pour forces principales le prolétariat des pays capitalistes et pour alliés les peuples opprimés des colonies et des semi-colonies. Peu importe, chez les peuples opprimés, quelles classes, quels partis ou individus participent à la révolution, et peu importe qu’ils soient conscients ou non de ce que nous venons d’exposer, qu’ils le comprennent ou non, il suffit qu’ils s’opposent à l’impérialisme pour que leur révolution devienne une partie de la révolution mondiale socialiste prolétarienne et qu’ils en soient les alliés.

   Aujourd’hui, la portée de la révolution chinoise s’est encore élargie.

Nous sommes arrivés à une époque où les crises économique et politique du capitalisme entraînent de plus en plus le monde dans la Seconde guerre mondiale ; à une époque où l’Union soviétique, parvenue à la période de transition du socialisme au communisme, est capable de diriger et d’aider le prolétariat et les nations opprimées du monde entier dans la lutte qu’ils mènent contre la guerre impérialiste et la réaction capitaliste ; à une époque où le prolétariat des pays capitalistes se prépare à renverser le capitalisme pour édifier le socialisme ; à une époque où, en Chine, le prolétariat, la paysannerie, les intellectuels et les autres fractions de la petite bourgeoisie sont devenus, sous la direction du Parti communiste chinois, une grande force politique indépendante.

Dans une telle conjoncture, ne devons-nous pas estimer que la portée mondiale de la révolution chinoise s est encore accrue ? Je crois que oui. La révolution chinoise est devenue une partie très importante de la révolution mondiale.

   La première étape de la révolution chinoise (étape qui se subdivise elle-même en nombreux stades intermédiaires) est, par son caractère social, une révolution démocratique bourgeoise d’un type nouveau, elle n’est pas encore une révolution socialiste prolétarienne ; néanmoins, elle fait partie depuis longtemps de la révolution mondiale socialiste prolétarienne, elle en constitue même, maintenant, une part considérable et est pour elle une grande alliée.

La première phase ou première étape de cette révolution n’est certainement pas et ne peut être l’édification d’une société capitaliste de dictature bourgeoise ; elle doit s’achever par l’édification d’une société de démocratie nouvelle placée sous la dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires chinoises, à la tête desquelles se trouve le prolétariat chinois ; puis on fera passer la révolution à la seconde étape, celle de l’édification de la société socialiste en Chine.

   Voilà la particularité essentielle de la révolution chinoise actuelle, le nouveau processus révolutionnaire des vingt dernières années (à compter du Mouvement du 4 Mai 1919) et le contenu vivant, concret, de cette révolution.

V. Le système politique de Démocratie Nouvelle

   La nouvelle particularité historique de la révolution chinoise est sa division en deux étapes, la première étant la révolution de démocratie nouvelle. Comment se manifeste-t-elle concrètement dans les rapports politiques et économiques internes de la Chine ? C’est ce que nous allons examiner.

   Avant le Mouvement du 4 Mai 1919 (qui a eu lieu après la première guerre mondiale impérialiste, celle de 1914, et après la Révolution russe d’Octobre en 1917), la direction politique de la révolution démocratique bourgeoise en Chine appartenait à la petite bourgeoisie et à la bourgeoisie (à leurs intellectuels).

A ce moment-là, le prolétariat n’était pas encore entré dans l’arène politique comme une force de classe consciente et indépendante ; en participant à la révolution, il ne faisait que suivre la petite bourgeoisie et la bourgeoisie. Tel a été par exemple son rôle à l’époque de la Révolution de 1911.

   A partir du Mouvement du 4 Mai, bien que la bourgeoisie nationale fût restée dans les rangs de la révolution, la direction politique de la révolution démocratique bourgeoise en Chine n’appartenait plus à la bourgeoisie, mais au prolétariat.

Ce dernier, en raison de sa propre maturité et de l’influence de la révolution russe, était déjà devenu, et très rapidement, une force politique consciente et indépendante. C’est le Parti communiste chinois qui lança le mot d’ordre « A bas l’impérialisme ! » et avança un programme conséquent pour toute la révolution démocratique bourgeoise en Chine ; et il fut seul à mener la Révolution agraire.

   La bourgeoisie nationale chinoise, étant une bourgeoisie de pays colonial et semi-colonial, opprimée par l’impérialisme, garde à certains moments et jusqu’à un certain point – même à l’époque de l’impérialisme – un caractère révolutionnaire dans la lutte contre l’impérialisme étranger et, comme en témoignent la Révolution de 1911 et l’Expédition du Nord, contre les gouvernements des bureaucrates et des seigneurs de guerre de son propre pays ; elle peut s’allier au prolétariat et à la petite bourgeoisie contre les ennemis qu’elle entend combattre.

C’est là ce qui distingue la bourgeoisie chinoise de la bourgeoisie de la Russie tsariste. Comme la Russie tsariste était déjà une puissance impérialiste féodale et militaire, un Etat agresseur, la bourgeoisie russe était dénuée de tout caractère révolutionnaire. Là, le prolétariat avait pour tâche de lutter contre la bourgeoisie et non de s’allier avec elle.

Mais, comme la Chine est un pays colonial et semi-colonial, victime d’agressions, la bourgeoisie nationale chinoise peut avoir à certains moments et jusqu’à un certain point un caractère révolutionnaire. Ici, le prolétariat a pour devoir de ne pas méconnaître ce caractère révolutionnaire de la bourgeoisie nationale, mais de former avec elle un front uni contre l’impérialisme et contre les gouvernements des bureaucrates et des seigneurs de guerre.

   En même temps, du fait précisément que la bourgeoisie nationale chinoise est celle d’un pays colonial et semi-colonial et qu’elle est, par conséquent, extrêmement faible du point de vue économique et politique, elle possède une autre caractéristique, la disposition au compromis avec les ennemis de la révolution.

Même quand elle prend part à la révolution, elle n’entend pas rompre complètement avec l’impérialisme ; au surplus, elle est étroitement liée à l’exploitation qui se pratique dans les campagnes par l’affermage des terres, de sorte qu’elle ne veut ni ne peut s’engager à fond dans la lutte pour le renversement de l’impérialisme, et moins encore des forces féodales. Elle ne peut donc résoudre aucun des deux problèmes fondamentaux, aucune des deux tâches fondamentales de la révolution démocratique bourgeoise.

Quant à la grande bourgeoisie représentée par le Kuomintang, elle s’est jetée dans les bras de l’impérialisme et a fait bloc avec les forces féodales pour combattre le peuple révolutionnaire pendant la longue période qui va de 1927 à 1937. En 1927 et pendant une certaine période après cette date, la bourgeoisie nationale chinoise s’est rangée, elle aussi, du côté de la contrerévolution.

Aujourd’hui, dans la Guerre de Résistance, une fraction de la grande bourgeoisie, représentée par Wang Tsing-wei, a capitulé devant l’ennemi, offrant un nouvel exemple de trahison commise par cette classe C’est là ce qui distingue la bourgeoisie chinoise des anciennes bourgeoisies d’Europe et d’Amérique et spécialement de l’ancienne bourgeoisie française.

Quand la bourgeoisie des pays d’Europe et d’Amérique, et spécialement de France, était encore dans sa période révolutionnaire, les révolutions bourgeoises étaient relativement conséquentes ; en Chine, la bourgeoisie n’a même pas cet esprit de suite.

   D’un côté, sa participation possible à la révolution, de l’autre, sa disposition au compromis avec les ennemis de la révolution, voilà ce qui témoigne de son double caractère : elle « joue deux rôles à elle seule ».

Même la bourgeoisie d’Europe et d’Amérique a eu, dans le passé, ce double caractère : quand elle se heurtait à un ennemi puissant, elle s’alliait avec les ouvriers et les paysans pour le combattre, mais quand la conscience politique s’éveillait chez ces derniers, elle s’alliait avec l’ennemi pour lutter contre eux. C’est une loi générale qui s’applique à la bourgeoisie de tous les pays du monde ; mais ce trait est encore plus prononcé chez la bourgeoisie chinoise.

   En Chine, il est parfaitement clair que quiconque saura conduire le peuple dans la lutte pour renverser l’impérialisme et les forces féodales gagnera sa confiance, car ce sont là ses ennemis jurés, surtout l’impérialisme. Aujourd’hui, quiconque saura guider le peuple pour chasser l’impérialisme japonais et instaurer la démocratie sera son sauveur. L’histoire a prouvé que la bourgeoisie chinoise est incapable de s’acquitter de cette tâche, qui incombe donc inévitablement au prolétariat.

   Ainsi, de toute façon, le prolétariat, la paysannerie, les intellectuels et les autres fractions de la petite bourgeoisie constituent les forces fondamentales qui décident du destin de la Chine.

Et ces classes, les unes déjà éveillées, les autres s’éveillant, deviendront nécessairement les éléments de base de l’Etat et du pouvoir politique de la république démocratique chinoise, avec le prolétariat en tant que force dirigeante.

La république démocratique chinoise que nous voulons fonder aujourd’hui ne pourra être qu’une république démocratique où tous les éléments antiimpérialistes et antiféodaux exercent une dictature conjointe dirigée par le prolétariat, c’est-à-dire une république de démocratie nouvelle, une république des nouveaux trois principes du peuple vraiment révolutionnaires, avec leurs trois thèses politiques fondamentales.

   Cette république de démocratie nouvelle sera différente des républiques capitalistes de l’ancien type européen et américain, à dictature bourgeoise, qui représentent la vieille forme, déjà périmée, de la démocratie ; d’autre part, elle sera différente aussi de la république socialiste du type soviétique, à dictature prolétarienne.

Cette république socialiste fleurit déjà en Union soviétique ; elle s’établira dans tous les pays capitalistes et deviendra indubitablement la forme dominante de l’Etat et du pouvoir dans tous les pays industriels évolués. Mais pendant une période déterminée de l’histoire, cette forme ne convient pas à la révolution dans les pays coloniaux et semi-coloniaux. Par conséquent, dans ces pays, la révolution ne peut adopter qu’une troisième forme d’Etat, à savoir la république de démocratie nouvelle. C’est une forme pour une période donnée de l’histoire, donc une forme transitoire, mais une forme nécessaire, indispensable.

   Les nombreux régimes d’Etat qui existent dans le monde peuvent donc être ramenés à trois types fondamentaux, d’après le caractère de classe du pouvoir politique : a) la république de dictature bourgeoise, b) la république de dictature prolétarienne, c) la république de dictature conjointe de plusieurs classes révolutionnaires.

   Le premier type est représenté par les Etats de vieille démocratie. Aujourd’hui, alors que la seconde guerre impérialiste a éclaté, il n’y a plus trace de démocratie dans nombre de pays capitalistes qui sont devenus ou sont en voie de devenir des Etats où la bourgeoisie exerce une dictature militaire sanglante. Certains Etats placés sous la dictature conjointe des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie peuvent être assimilés à ce type.

   Le deuxième type, qui existe déjà en Union soviétique, est en gestation dans divers pays capitalistes. Dans l’avenir, il deviendra, pour une période donnée, la forme dominante dans le monde.

   Le troisième type est la forme d’Etat transitoire que doivent adopter les révolutions dans les pays coloniaux ou semi-coloniaux. Elles auront nécessairement chacune leurs caractéristiques propres, mais ce seront de petites différences dans une grande ressemblance.

Que la révolution s’accomplisse dans ces pays, la structure de l’Etat et du pouvoir politique y sera forcément la même dans ses grandes lignes, c’est-à-dire qu’il s’agira d’Etats de démocratie nouvelle, sous la dictature conjointe de plusieurs classes antiimpérialistes. Aujourd’hui, en Chine, cet Etat de démocratie nouvelle prend la forme du front uni antijaponais.

Antijaponais et anti-impérialiste, il est aussi le front uni, l’alliance de plusieurs classes révolutionnaires. Malheureusement, bien que la Guerre de Résistance dure déjà depuis longtemps, le travail de démocratisation du pays n’a, en fait, pas encore commencé dans la plupart des régions, c’est-à-dire en dehors des bases démocratiques antijaponaises dirigées par le Parti communiste ; l’impérialisme japonais a profité de cette faiblesse essentielle pour pénétrer à grands pas à l’intérieur de notre pays. Si rien ne se fait dans ce domaine, la nation sera en péril.

   Nous discutons ici du « régime d’Etat ». Cette question controversée depuis plusieurs dizaines d’années, à partir de la fin de la dynastie des Tsing, n’est pas encore éclaircie. En réalité, elle se ramène à la position des diverses classes sociales dans l’Etat.

La bourgeoisie a toujours dissimulé la position des classes sous le vocable de « citoyen », pour exercer en fait sa dictature d’une seule classe. Cette dissimulation n’est aucunement dans l’intérêt du peuple révolutionnaire, disons-le nettement. Le terme de « citoyen » peut être utilisé, mais il ne doit pas inclure les contre-révolutionnaires et les traîtres. Une dictature de toutes les classes révolutionnaires s’exerçant à l’égard des contrerévolutionnaires et des traîtres, voilà le genre d’Etat dont nous avons besoin aujourd’hui.

   Dans les Etats modernes, le système dit démocratique est le plus souvent monopolisé par la bourgeoisie et est devenu un simple instrument pour opprimer le peuple. Par contre, selon le principe de la démocratie du Kuomintang, le système démocratique est le bien commun de tout le peuple, et non quelque chose qu’une minorité peut s’approprier.

   Telle est la déclaration solennelle contenue dans le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang qui s’est tenu en 1924, dans le cadre de la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste. Or, depuis seize ans, le Kuomintang a violé cette déclaration, au point de provoquer la grave crise que traverse aujourd’hui notre pays. Voilà la monstrueuse erreur qu’il a commise ; souhaitons qu’il la corrige dans le feu purificateur de la Guerre de Résistance.

   Quant à la question de la « structure politique », c’est celle de savoir quelle est la structure du pouvoir politique, quelle forme une classe sociale déterminée entend donner à ses organes du pouvoir pour combattre ses ennemis et se défendre. Un Etat ne peut être représenté que par des organes du pouvoir adéquats.

La Chine peut adopter aujourd’hui le système des assemblées populaires, de l’assemblée populaire nationale aux assemblées populaires de province, de district, d’arrondissement et de canton, ces assemblées élisant à tous les échelons les gouvernements respectifs. Mais ce système doit être fondé sur des élections à un suffrage réellement universel et égal pour tous, sans distinction de sexe, de croyance, de fortune ou d’éducation ; seuls les organes du pouvoir ainsi élus pourront représenter chaque classe révolutionnaire, selon la position qu’elle occupe dans l’Etat, exprimer la volonté du peuple, diriger la lutte révolutionnaire et incarner l’esprit de la démocratie nouvelle.

C’est cela le centralisme démocratique. Seul un gouvernement fondé sur le centralisme démocratique pourra permettre pleinement à la volonté de tout le peuple révolutionnaire de s’exprimer, et combattre les ennemis de la révolution avec le maximum d’énergie. Le refus de considérer la démocratie comme « quelque chose qu’une minorité peut s’approprier » doit s’exprimer dans la composition du gouvernement et de l’armée ; sans un vrai régime démocratique, on ne peut atteindre ce but, et la structure politique ne sera pas en harmonie avec le régime d’Etat.

   La dictature conjointe de toutes les classes révolutionnaires comme régime d’Etat, et le centralisme démocratique comme structure politique, voilà ce qui constitue le système politique de démocratie nouvelle, la république de démocratie nouvelle, la république du front uni antijaponais, la république des nouveaux trois principes du peuple avec leurs trois thèses politiques fondamentales, voilà la République chinoise de nom et de fait.

Actuellement, bien que nous ayons une République chinoise, elle ne l’est que de nom et ne l’est pas de fait ; créer une réalité qui corresponde au nom, voilà notre tâche d’aujourd’hui.

   Tels sont les rapports politiques internes qu’une Chine révolutionnaire, qu’une Chine en lutte contre l’envahisseur japonais doit établir et ne peut pas ne pas établir ; telle est aujourd’hui l’unique orientation juste pour le travail de « construction nationale ».

VI. L’économie de Démocratie Nouvelle

   Si la république à fonder en Chine doit être une république de démocratie nouvelle, il faut qu’elle le soit non seulement par son système politique, mais aussi dans son économie.

   Les grandes banques et les grosses entreprises industrielles et commerciales doivent dans cette république devenir propriété d’Etat.

   Toute entreprise, appartenant aux Chinois ou aux étrangers, qui a un caractère monopoliste ou dépasse, par son envergure, les possibilités d’un particulier, comme la banque, les chemins de fer et les transports aériens, doit être administrée par l’Etat, afin que le capital privé ne puisse dominer la vie économique du peuple. Tel est le sens fondamental du contrôle du capital.

   C’est là une autre déclaration solennelle que comporte le Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang, tenu dans le cadre de la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste ; elle exprime, en matière de structure économique, la juste politique de la république de démocratie nouvelle.

Dans cette république dirigée par le prolétariat, l’économie d’Etat aura un caractère socialiste et sera la force dirigeante dans l’ensemble de l’économie nationale, mais, du fait que l’économie chinoise est encore très arriérée, la république ne confisquera pas la propriété privée capitaliste, à l’exception de celle indiquée plus haut, ni n’interdira le développement d’une production capitaliste à moins qu’elle ne tende à « dominer la vie économique du peuple ».

   La république prendra certaines mesures indispensables pour confisquer la terre des propriétaires fonciers et pour la distribuer aux paysans qui n’en ont pas ou qui en ont peu, afin de réaliser le mot d’ordre du Dr Sun Yat-sen : « La terre à ceux qui la travaillent », de liquider les rapports féodaux à la campagne et de transférer la propriété de la terre aux paysans. L’existence de l’économie des paysans riches sera admise dans les régions rurales.

Tel est le principe de « l’égalisation du droit à la propriété de la terre », dont la juste interprétation s’exprime dans le mot d’ordre : « La terre à ceux qui la travaillent ». En général, il ne s’agit pas d’établir à cette étape une agriculture socialiste, quoique les diverses formes de coopératives qui se développeront sur la base de ce mot d’ordre contiennent des éléments de socialisme.

   L’économie chinoise doit suivre la voie du « contrôle du capital » et de « l’égalisation du droit à la propriété de la terre », elle ne doit jamais être « quelque chose qu’une minorité peut s’approprier » ; il ne faut pas laisser un petit nombre de capitalistes et de propriétaires fonciers « dominer la vie économique du peuple » ; il ne faut en aucun cas établir une société capitaliste sur le modèle européen et américain, ni permettre à la vieille société semi-féodale de subsister. Quiconque osera s’engager dans une voie contraire n’atteindra jamais son but et donnera de la tête contre un mur.

   Tels sont les rapports économiques internes qu’une Chine révolutionnaire, qu’une Chine en lutte contre l’envahisseur japonais doit établir et qu’elle établira nécessairement.

   Telle est l’économie de démocratie nouvelle.

   Et la politique de démocratie nouvelle est l’expression concentrée de cette économie.

VII. Contre la dictature bourgeoise

   Plus de 90 pour cent de la population du pays sont pour la fondation d’une république dont la politique et l’économie soient de démocratie nouvelle ; il n’y a pas d’autre chemin possible.

   Prendrions-nous celui qui conduit à une société capitaliste de dictature bourgeoise ? Ce fut certes le vieux chemin suivi par la bourgeoisie d’Europe et d’Amérique, mais ni la situation internationale ni la situation intérieure ne permettent à la Chine de s’y engager.

   Ce chemin n’est qu’une impasse dans la situation internationale actuelle, caractérisée essentiellement par la lutte entre le capitalisme et le socialisme, par le déclin du premier et la montée du second. En premier lieu, c’est le capitalisme international, c’est-à-dire l’impérialisme, qui ne permet pas l’établissement en Chine d’une société capitaliste de dictature bourgeoise. En effet, l’histoire moderne de notre pays est celle de l’agression que mènent contre lui les impérialistes, celle de leur opposition à son indépendance et à son propre développement capitaliste.

Etouffées par l’impérialisme, les révolutions antérieures ont échoué en Chine, et d’innombrables martyrs sont tombés, avec l’amer regret de n’avoir pu remplir leur mission. Aujourd’hui, le puissant impérialisme japonais a envahi la Chine dans l’intention de la transformer en colonie, c’est le Japon qui développe son capitalisme en Chine et non la Chine qui développe le sien, c’est la bourgeoisie japonaise qui y exerce sa dictature et non la bourgeoisie chinoise. Il n’y a pas de doute, nous vivons à l’époque des dernières convulsions de l’impérialisme ; celui-ci va bientôt périr, l’impérialisme étant « un capitalisme agonisant ».

Mais c’est justement parce qu’il va bientôt périr qu’il vit plus que jamais aux dépens des colonies et des semi-colonies et ne permettra à aucune d’entre elles d’établir quoi que ce soit de semblable à une société capitaliste de dictature bourgeoise.

C’est parce que l’impérialisme japonais est plongé dans une crise économique et politique grave et se trouve donc sur le point de périr qu’il doit nécessairement attaquer la Chine et la réduire en colonie, lui coupant la route qui mène à l’établissement d’une dictature bourgeoise et au développement d’un capitalisme national.

   En second lieu, c’est le socialisme qui ne permet pas l’établissement en Chine d’une société capitaliste de dictature bourgeoise. Toutes les puissances impérialistes du monde sont nos ennemis ; si la Chine veut l’indépendance, elle ne peut renoncer à l’aide du pays du socialisme et du prolétariat international. Cela signifie qu’elle ne peut se passer de l’aide de l’Union soviétique ni de celle du prolétariat japonais et des prolétariats anglais, américain, français, allemand, italien et autres qui luttent contre le capitalisme dans leur pays.

Bien qu’on ne puisse affirmer que la victoire de la révolution chinoise soit impossible avant la victoire de la révolution au Japon, en Angleterre, aux Etats-Unis, en France, en Allemagne, en Italie, ou seulement dans un ou deux de ces pays, il n’en demeure pas moins certain qu’elle n’est pas possible sans l’apport du prolétariat de ces pays.

L’aide soviétique en particulier est indispensable pour la victoire finale de la Chine dans sa Guerre de Résistance. La refuser, c’est vouer la révolution à la défaite. Les leçons des campagnes antisoviétiques, lancées à partir de 1927, ne sont-elles pas extraordinairement éloquentes ?

Le monde actuel traverse une époque nouvelle, une époque de révolutions et de guerres, l’époque de la fin inévitable du capitalisme et de la montée irrésistible du socialisme. Dans ces conditions, ne serait-ce pas pure sottise que de vouloir établir en Chine une société capitaliste de dictature bourgeoise après la victoire sur l’impérialisme et le féodalisme ?

   Si, après la première guerre mondiale impérialiste et la Révolution d’Octobre, il est apparu encore une petite Turquie kemaliste de dictature bourgeoise, par suite de conditions particulières (la victoire de la bourgeoisie dans la lutte contre l’agression grecque et la faiblesse du prolétariat), en revanche, après la Seconde guerre mondiale et l’achèvement de l’édification socialiste en U.R.S.S., il ne saurait y avoir de deuxième Turquie et encore moins une « Turquie » de 450 millions d’habitants.

En raison de conditions particulières à la Chine (la faiblesse de la bourgeoisie et son esprit de compromis, la puissance du prolétariat et son esprit révolutionnaire conséquent), rien n’y a jamais été obtenu à aussi bon compte qu’en Turquie. Après l’échec de la Première Grande Révolution en 1927, certains éléments de la bourgeoisie chinoise n’ont-ils pas réclamé à grands cris le kemalisme ? Mais où est le Kemal de la Chine ? Où sont la dictature bourgeoise et la société capitaliste chinoises ? Au surplus, la Turquie dite kémaliste a dû finalement se jeter elle-même dans les bras de l’impérialisme anglo-français, se transformant de plus en plus en une semi-colonie, en une part du monde impérialiste, réactionnaire.

Dans la situation internationale d’aujourd’hui, tout « héros », dans les colonies et semi-colonies, doit se mettre soit du côté du front impérialiste, et alors il fera partie des forces de la contrerévolution mondiale, soit du côté du front antiimpérialiste, et alors il fera partie des forces de la révolution mondiale. Il doit choisir l’une de ces deux voies, il n’y en a pas de troisième.

   Au point de vue de la situation intérieure, la bourgeoisie chinoise aurait dû tirer de l’histoire les leçons qui s’imposaient. En 1927, à peine la révolution venait-elle de remporter des victoires, grâce aux efforts du prolétariat, de la paysannerie et des autres fractions de la petite bourgeoisie, que la classe capitaliste chinoise, ayant à sa tête la grande bourgeoisie, repoussa brutalement les masses populaires, s’empara des fruits de la révolution, conclut une alliance contrerévolutionnaire avec l’impérialisme et les forces féodales ; pendant dix ans, elle s’épuisa à mener une guerre d’ »extermination des communistes ».

Mais qu’en est-il résulté ? Aujourd’hui, alors qu’un ennemi puissant a pénétré profondément dans notre territoire et que la Guerre de Résistance se poursuit depuis deux ans, se peut-il qu’on veuille encore appliquer les vieilles recettes de la bourgeoisie d’Europe et d’Amérique ?

Il y a eu « dix ans d’extermination des communistes », mais aucune société capitaliste de dictature bourgeoise n’en est sortie. Songe-t-on encore à une nouvelle tentative ? Il est vrai que des « dix ans d’extermination des communistes » est sortie la « dictature d’un seul parti », mais c’est une dictature semi-coloniale et semi-féodale. De quatre ans d’ »extermination des communistes » (de 1927 à l’Incident du 18 Septembre 1931) est sorti le « Mandchoukouo », et en 1937 après six autres années de cette « extermination », les impérialistes japonais pénétraient au sud de la Grande Muraille.

   Aujourd’hui, si quelqu’un songe à une seconde décennie d’ »extermination », c’est d’un nouveau type d’ »extermination des communistes » qu’il s’agira, quelque peu différent de l’ancien. Ne s’est-il pas trouvé déjà un homme au pied léger qui a devancé tout le monde et s’est hardiment chargé de cette nouvelle entreprise d’ »extermination des communistes » ? Oui, c’est Wang Tsing-wei, le célèbre anticommuniste d’un nouveau genre.

Celui qui veut entrer dans sa bande est parfaitement libre de le faire ; mais alors, ne sera-t-il pas encore plus gênant pour lui de chanter, entre autres, les mérites de la dictature bourgeoise, de la société capitaliste, du kemalisme, de l’Etat moderne, de la dictature d’un seul parti, de la « doctrine unique » ?

Et si, au lieu d’entrer dans sa bande, on veut joindre le camp de la résistance au Japon, s’imaginant pouvoir, une fois la victoire acquise, repousser du pied le peuple qui a combattu l’envahisseur, s’approprier les fruits de cette victoire et établir la « dictature permanente d’un seul parti », n’est-ce pas donner dans les chimères ?

« Résistons au Japon ! » « Résistons au Japon ! » Mais qui résiste en fait ? Sans les ouvriers, les paysans et les autres fractions de la petite bourgeoisie, vous ne pourrez rien faire. Quiconque, du reste, osera leur donner un coup de pied se fera écraser ; n’est-ce pas là du simple bon sens ? Mais les irréductibles de la bourgeoisie chinoise (j’entends les irréductibles seulement) semblent n’avoir rien appris depuis vingt ans. Ne continuent-ils pas à réclamer à cor et à cri la « limitation du Parti communiste », la « désintégration du Parti communiste » et la « lutte contre le Parti communiste » ?

N’avons-nous pas vu se succéder les « Mesures pour la limitation de l’activité des partis hérétiques », les « Mesures pour la solution du problème des partis hérétiques » et les « Instructions pour la solution du problème des partis hérétiques » ?

Mais, bon sang, s’ils continuent à « limiter » et à « résoudre » de la sorte, on se demande quel destin ils réservent à la nation et à eux-mêmes ! A ces messieurs, nous leur conseillons sincèrement ceci : Ouvrez les yeux, regardez la Chine et le monde, voyez ce qui se passe à l’intérieur et à l’extérieur du pays, voyez l’état actuel des choses, et ne retombez plus dans les mêmes erreurs ! Si vous persistez, la nation connaîtra un sort désastreux, sans aucun doute, mais je pense que les choses n’iront pas très bien pour vous non plus.

Ce qui est sûr et certain, absolument indiscutable, c’est que, si vous autres, les irréductibles de la bourgeoisie chinoise, vous ne voulez pas vous ressaisir, votre avenir sera loin d’être brillant ; vous serez les artisans de votre propre perte.

Aussi espérons-nous qu’en Chine le front uni antijaponais sera maintenu, qu’il ne sera pas l’apanage d’une clique, mais un front où tous coopèrent pour le triomphe de la cause antijaponaise ; c’est la seule bonne politique, toute autre serait mauvaise. Voilà ce que nous vous conseillons sincèrement, nous les communistes ; vous ne pourrez pas dire que nous ne vous avons pas prévenus.

   Le vieux dicton chinois : « S’il y a de la nourriture, que chacun ait sa part » est plein de vérité. De même que tous doivent combattre l’ennemi, de même tous doivent pouvoir manger, tous ont droit au travail et à l’instruction. « A moi tout le gâteau ! » et « Que personne s’avise de me faire du tort », voilà bien des façons de seigneur féodal, mais ce vieux truc ne prend plus dans les années 40 de notre siècle.

   Nous autres communistes, nous ne repousserons jamais aucun révolutionnaire ; nous maintiendrons le front uni en pratiquant une coopération durable avec toutes les classes et couches sociales, tous les partis et groupes politiques et tous ceux qui sont prêts à combattre le Japon jusqu’au bout.

Mais si l’on veut évincer le Parti communiste, ça n’ira pas ; si l’on veut rompre le front uni, ça n’ira pas non plus. La Chine doit persévérer dans la Résistance, l’union et le progrès. Nous ne tolérerons pas la capitulation, la rupture et la régression.

VIII. Contre les phraseurs « de gauche »

   Si l’on ne suit pas la voie capitaliste de dictature bourgeoise, peut-on alors suivre la voie socialiste de dictature prolétarienne ?

   Non, ce n’est pas possible non plus.

   Il ne fait aucun doute que la révolution en est encore à sa première phase et n’entrera que plus tard, lors de son développement ultérieur, dans la seconde phase, celle du socialisme. La Chine ne connaîtra le vrai bonheur qu’avec le socialisme.

Mais ce n’est pas encore le moment de le réaliser. La tâche présente de la révolution chinoise est de combattre l’impérialisme et le féodalisme ; avant que cette tâche soit achevée, il ne saurait être question de socialisme. La révolution chinoise doit traverser inévitablement deux phases, d’abord celle de la démocratie nouvelle, puis celle du socialisme.

De plus, la première phase sera assez longue, elle ne peut s’achever du jour au lendemain. Nous ne sommes pas des utopistes et nous ne pouvons pas faire abstraction des conditions existantes.

   Des propagandistes malintentionnés confondent à dessein ces deux phases différentes de la révolution et prêchent la prétendue théorie de la révolution unique pour démontrer que toutes les étapes de la révolution se retrouvent dans les trois principes du peuple et que le communisme a, par conséquent, perdu sa raison d’être. Ils se servent de cette « théorie » pour s’élever énergiquement contre le communisme et le Parti communiste, la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée, ainsi que contre la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia.

Leur but est de supprimer carrément toute révolution, de s’opposer à une révolution démocratique bourgeoise conséquente et à une résistance conséquente contre le Japon, et de préparer l’opinion à la capitulation devant l’envahisseur.

Cette campagne est inspirée par les impérialistes japonais et fait partie de leur plan. En effet, après avoir occupé Wouhan, ceux-ci ont compris que la force militaire seule ne saurait asservir la Chine, aussi en sont-ils venus à lancer une offensive politique et à user d’appâts économiques.

L’offensive politique vise à séduire les éléments hésitants dans le front antijaponais, à provoquer la rupture du front uni, à saper la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste. Les appâts économiques prennent la forme de « création d’entreprises industrielles mixtes ».

En Chine centrale et méridionale, l’occupant japonais autorise les capitalistes chinois à prendre une participation de 51 pour cent au capital des entreprises, la part du capital japonais étant de 49 pour cent ; en Chine du Nord, il autorise une participation de 49 pour cent, la part du capital japonais étant de 51 pour cent.

En outre, l’occupant promet de rendre aux capitalistes chinois les biens qu’ils possédaient et de les convertir en actions, sous forme d’apport de capital. Ainsi, des capitalistes qui ont abdiqué toute conscience, ne voyant que le profit et oubliant le devoir, brûlent déjà de l’envie de tenter l’expérience.

Certains d’entre eux, représentés par Wang Tsing-wei, ont déjà capitulé. D’autres, camouflés dans le front antijaponais, songent également à passer à l’ennemi. Mais, avec la mauvaise conscience des coupables, ils craignent que le Parti communiste ne leur barre la route, ils redoutent encore plus que le peuple ne les flétrisse comme des traîtres.

Aussi se sont-ils concertés et ont-ils décidé de préparer d’abord l’opinion dans les milieux culturels et dans ceux de la presse. Le plan décidé, les choses n’ont pas traîné ; ils ont embauché quelques « phraseurs métaphysiciens », flanqués de quelques trotskistes, pour brandir la plume telle une épée, faire du tapage, frapper à tort et à travers.

D’où la kyrielle de bobards destinés à tromper ceux qui ne connaissent pas l’époque dans laquelle ils vivent : la « théorie de la révolution unique » et les allégations pour soutenir que le communisme ne convient pas à la situation de la Chine, que le Parti communiste n’y a pas sa raison d’être, que la VIIIe Armée de Route et la Nouvelle IVe Armée sabotent la Guerre de Résistance et ne font que se déplacer sans combattre, que la région frontière du Chensi-Kansou-Ninghsia est un fief féodal, que le Parti communiste n’obéit pas aux ordres, ne veut pas l’unification, mène des intrigues et fomente des troubles tout cela n’a pour but que de fournir aux capitalistes de bonnes raisons d’empocher leurs 49 ou 51 pour cent et de vendre les intérêts de toute la nation à l’ennemi au moment propice. C’est « voler les poutres les piliers et les remplacer par des pièces vermoulues ».

C’est préparer les esprits ou l’opinion publique à la capitulation. Ainsi, ces messieurs qui prêchent avec le plus grand sérieux la « théorie de la révolution unique » pour combattre le communisme et le Parti communiste ne travaillent en réalité que pour leurs 49 ou 51 pour cent, et quel mal ils se donnent pour cela ! La « théorie de la révolution unique » est la théorie du renoncement à la révolution, voilà le fond du sac.

   Mais il est d’autres gens qui, sans avoir, semble-t-il, de mauvaises intentions, se laissent égarer par la « théorie de la révolution unique », par l’idée purement subjective d’ »accomplir d’un seul coup la révolution politique et la révolution sociale » ; ils ne comprennent pas que la révolution est divisée en étapes, que nous ne pouvons passer à la seconde qu’une fois la première accomplie, qu’il n’existe aucune possibilité de tout « accomplir d’un seul coup ».

Ces conceptions sont également très nuisibles : elles brouillent les étapes de la révolution et affaiblissent nos efforts pour la tâche présente. Il est juste et conforme à la théorie marxiste du développement de la révolution d’affirmer que, des deux étapes de la révolution, la première prépare les conditions de la seconde, que les deux étapes doivent se succéder sans qu’il soit permis d’intercaler une étape de dictature bourgeoise.

Cependant, prétendre que la révolution démocratique n’a pas de tâches qui lui soient propres et ne correspond pas à une période déterminée, mais qu’elle peut, en même temps que les siennes, accomplir des tâches réalisables seulement dans une autre période, par exemple celles de la révolution socialiste, et appeler cela tout « accomplir d’un seul coup », c’est soutenir une vue utopique, inacceptable pour les vrais révolutionnaires.

IX. Contre les irréductibles

   Les irréductibles de la bourgeoisie viennent alors nous dire : « Bon ! vous autres communistes, vous remettez le régime socialiste à une étape ultérieure et vous dites : ’Les trois principes du peuple étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète’. Eh bien ! remisez donc pour le moment votre communisme. » Récemment, de tels propos, camouflés sous l’enseigne de la « doctrine unique », sont devenus une clameur effroyable ; au fond, ce n’est que le hurlement des irréductibles qui aspirent au pouvoir absolu de la bourgeoisie. Mais, par politesse, disons simplement que c’est un manque total de bon sens.

   Le communisme est le système complet de l’idéologie prolétarienne en même temps qu’un nouveau régime social. Cette idéologie et ce régime social diffèrent de toute autre idéologie et de tout autre régime social ; ils sont les plus parfaits, les plus progressistes, les plus révolutionnaires, les plus rationnels de toute l’histoire de l’humanité. L’idéologie et le régime social du féodalisme sont entrés au musée de l’histoire.

Ceux du capitalisme sont, eux aussi, entrés au musée dans une partie du monde (en U.R.S.S.) ; partout ailleurs, ils ressemblent à « un moribond qui décline rapidement, comme le soleil derrière les collines de l’ouest » ; ils seront bientôt bons pour le musée.

Seuls l’idéologie et le régime social du communisme se répandent dans le monde entier avec l’impétuosité de l’avalanche et la force de la foudre ; ils feront fleurir leur merveilleux printemps. L’introduction du communisme scientifique en Chine a élargi l’horizon des hommes et changé la face de la révolution chinoise.

Sans la doctrine communiste pour la guider, la révolution démocratique ne pourra jamais triompher en Chine, ni, à plus forte raison, l’étape suivante de la révolution. Voilà pourquoi les irréductibles de la bourgeoisie demandent à grands cris que l’on « remise » le communisme. En vérité, il n’est pas possible de le « remiser », car la Chine serait perdue. Le communisme est pour le monde d’aujourd’hui l’étoile conductrice, et la Chine ne fait pas exception.

   Chacun sait que, en matière de régime social, le Parti communiste a un programme pour le présent et un programme pour l’avenir, autrement dit, un programme minimum et un programme maximum.

La démocratie nouvelle pour le présent, le socialisme pour l’avenir : ce sont les deux parties d’un tout organique, régies par la seule et même idéologie communiste. N’est-ce donc pas le comble de l’absurdité que de crier qu’il faut « remiser » le communisme parce que le programme minimum du Parti communiste et les idées politiques fondamentales des trois principes du peuple sont pratiquement les mêmes ?

Pour nous communistes, c’est parce qu’ils sont pratiquement les mêmes qu’il nous est possible d’admettre « les trois principes du peuple comme politique du front uni antijaponais », d’affirmer que, « les trois principes du peuple étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète ».

Autrement, cette possibilité serait exclue. Ce que nous avons là, c’est le front uni du communisme et des trois principes du peuple à l’étape de la révolution démocratique, le genre de front uni que le Dr Sun Yat-sen avait en vue lorsqu’il disait : « Le communisme est un grand ami des trois principes du peuple ». Rejeter le communisme revient en fait à rejeter le front uni. C’est justement parce qu’ils veulent appliquer leur doctrine du parti unique et rejeter le front uni que les irréductibles ont fabriqué de telles absurdités pour rejeter le communisme.

   D’ailleurs, la « doctrine unique » est tout aussi absurde. Aussi longtemps qu’il existera des classes, il y aura autant de doctrines que de classes, et même les différents groupes d’une seule classe pourront avoir chacun leur propre doctrine. Puisque la classe féodale a son féodalisme, la bourgeoisie son capitalisme, les bouddhistes leur bouddhisme, les chrétiens leur christianisme, les paysans leur polythéisme, puisque, ces dernières années, il se trouve encore des gens pour préconiser le kemalisme, le fascisme, le vitalisme, la « doctrine de répartition selon le travail fourni », pourquoi le prolétariat ne pourrait-il pas avoir son communisme ?

Puisque les « ismes » sont innombrables, pourquoi à la vue du seul communisme crie-t-on qu’il faut le « remiser » ? A dire vrai, il ne peut être question de le « remiser » ; mieux vaut entrer en compétition. Si le communisme est battu, nous, communistes, nous accepterons la défaite de bonne grâce. S’il ne Test pas, qu’on « remise » au plus vite cette « doctrine unique » contraire au principe de la démocratie.

   Pour éviter les malentendus et pour ouvrir les yeux aux irréductibles, il faut montrer clairement l’analogie et les différences entre les trois principes du peuple et le communisme.

   En comparant les deux doctrines, on constatera aussi bien l’analogie que les différences.

   Premièrement, l’analogie. Elle réside dans le programme politique fondamental des deux doctrines pour l’étape de la révolution démocratique bourgeoise en Chine. Les trois principes politiques révolutionnaires : nationalisme, démocratie et bienêtre du peuple, selon la nouvelle interprétation des trois principes du peuple donnée par le Dr Sun Yat-sen en 1924, sont analogues dans leurs grandes lignes au programme politique communiste pour l’étape de la révolution démocratique chinoise.

Cette analogie et l’application des trois principes du peuple donnèrent naissance au front uni des deux doctrines et des deux partis. C’est une erreur de négliger cet aspect de la question.

   Deuxièmement, les différences :

1) Une différence partielle des programmes pour l’étape de la révolution démocratique. Le programme communiste pour tout le cours de la révolution démocratique prévoit les pleins droits pour le peuple, la journée de travail de huit heures et une révolution agraire radicale, points qui ne figurent pas dans les trois principes du peuple. Si on ne les y incorpore pas et si on n’est pas prêt à les réaliser, il n’y aura qu’une analogie de base entre les deux programmes démocratiques, on ne pourra pas dire qu’ils sont tout à fait les mêmes.

2) Une différence en ce qui concerne la révolution socialiste.

La doctrine communiste prévoit, en plus de l’étape de la révolution démocratique, celle de la révolution socialiste ; c’est pourquoi, outre un programme minimum, elle a un programme maximum, c’est-à-dire le programme pour la réalisation du socialisme et du communisme.

Les trois principes du peuple ne prévoient que l’étape de la révolution démocratique, non celle de la révolution socialiste ; aussi ne contiennent-ils qu’un programme minimum et pas de programme maximum, c’est-à-dire pas de programme pour la réalisation du socialisme et du communisme.

3) Une différence dans la conception du monde. La conception communiste du monde est le matérialisme dialectique et le matérialisme historique, alors que la conception du monde contenue dans les trois principes du peuple, c’est la conception historique qui s’exprime dans le principe du bienêtre du peuple, et elle est dans son essence dualiste ou idéaliste ; les deux conceptions sont opposées l’une à l’autre.

4) Une différence quant à la capacité d’aller jusqu’au bout dans la révolution. Les communistes unissent la théorie à la pratique, c’est-à-dire qu’ils sont des révolutionnaires conséquents. Chez les partisans des trois principes du peuple, exception faite de ceux qui sont tout à fait fidèles à la révolution et à la vérité, l’unité de la théorie et de la pratique n’existe pas et il y a contradiction entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font ; en d’autres termes, ils ne sont pas des révolutionnaires conséquents.

Telles sont les différences entre les deux doctrines, les différences qui distinguent les communistes des partisans des trois principes du peuple. C’est assurément une grave erreur de négliger ces différences, de ne voir que l’unité et non les contradictions.

   Quand on aura compris cela, on saura pourquoi les irréductibles de la bourgeoisie demandent de « remiser » le communisme. Ne pas voir que c’est pour assurer le pouvoir absolu à la bourgeoisie serait totalement de bon sens.

X. Les anciens et les nouveaux trois principes du peuple

   Les irréductibles de la bourgeoisie ne comprennent absolument rien aux transformations historiques ; leurs connaissances sont si pauvres qu’elles sont pratiquement nulles. Ils ne voient les différences ni entre le communisme et les trois principes du peuple, ni entre les anciens et les nouveaux trois principes du peuple.

   Nous, communistes, nous admettons « les trois principes du peuple comme base politique du front uni national antijaponais » ; nous affirmons que, « les trois principes du peuple étant aujourd’hui nécessaires à la Chine, notre Parti est prêt à lutter pour leur réalisation complète » ; nous reconnaissons que le programme minimum du communisme et les idées politiques fondamentales des trois principes du peuple sont pratiquement les mêmes. Mais de quels trois principes du peuple s’agit-il ?

De ceux dont le Dr Sun Yat-sen a donné une interprétation nouvelle dans le « Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang » et d’aucun autre. Je voudrais que messieurs les irréductibles parcourent eux aussi ce Manifeste, dans un de ces moments de quiétude satisfaite qui suivent leur travail de « limitation du Parti communiste », de « désintégration du Parti communiste » et de « lutte contre le Parti communiste ».

Le Dr Sun Yat-sen a déclaré dans le Manifeste : « Là est la bonne interprétation des trois principes du peuple du Kuomintang ». Ainsi, ces principes sont les seuls véritables ; toutes les autres versions sont fausses. Seule l’interprétation contenue dans le « Manifeste du Ier Congrès national du Kuomintang » est la « bonne interprétation », alors que toutes les autres sont fausses. Il y a tout lieu de croire que ce n’est pas là un « bobard » communiste, car beaucoup de membres du Kuomintang et moi-même personnellement, nous avons été témoins de l’adoption du Manifeste.

   Le Manifeste marque la séparation entre deux époques dans l’histoire des trois principes du peuple. Avant le Manifeste, ils appartenaient à l’ancienne catégorie ; c’étaient ceux de l’ancienne révolution démocratique bourgeoise d’un pays semi-colonial, ceux de l’ancienne démocratie, les anciens trois principes du peuple.

   Après le Manifeste, ils appartiennent à la nouvelle catégorie ; ce sont ceux de la nouvelle révolution démocratique bourgeoise d’un pays semi-colonial, ceux de la démocratie nouvelle, les nouveaux trois principes du peuple. Ces derniers seuls sont les trois principes du peuple révolutionnaires de la période nouvelle.

   Ces trois principes du peuple révolutionnaires de la période nouvelle, ces nouveaux, ces vrais trois principes du peuple, ce sont ceux qui comportent les trois thèses politiques fondamentales : alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et soutien aux paysans et aux ouvriers. Dans la période nouvelle, sans ces trois thèses, et n’en manquerait-il qu’une seule, les trois principes du peuple deviennent faux ou incomplets.

   En premier lieu, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement l’alliance avec la Russie. Il est parfaitement clair que, dans la situation actuelle, si l’on n’adopte pas la politique d’alliance avec la Russie, avec le pays du socialisme, on sera forcément réduit à une politique d’alliance avec l’impérialisme, avec les puissances impérialistes. Ne l’avons-nous pas vu déjà après 1927 ?

Lorsque la lutte entre l’Union soviétique socialiste et les puissances impérialistes s’intensifiera, la Chine devra se ranger d’un côté ou de l’autre. Cela est inévitable. Est-il possible qu’il en soit autrement ? Non, c’est une illusion.

Tous les pays du monde seront entraînés dans l’un ou l’autre de ces deux fronts et la « neutralité » ne sera dès lors qu’un terme trompeur. Cela est vrai en particulier pour la Chine : luttant contre une puissance impérialiste qui a pénétré profondément dans son territoire, elle n’a aucun espoir de remporter la victoire finale sans l’aide soviétique.

Si l’alliance avec l’Union soviétique est abandonnée au profit d’une alliance avec l’impérialisme, il faut alors ôter le qualificatif de « révolutionnaires » aux trois principes du peuple, devenus réactionnaires. Disons, en dernière analyse, qu’il n’y a pas de trois principes du peuple « neutres », ils ne peuvent être que révolutionnaires ou contre-révolutionnaires.

Mais ne serait-il pas plus héroïque d’engager un « combat entre deux feux », suivant la formule avancée autrefois par Wang Tsing-wei, et d’avoir une version des trois principes du peuple qui serve ce « combat » ? Le malheur est que l’inventeur de cette formule, Wang Tsing-wei, a lui-même abandonné (ou « remisé ») cette version pour adopter les trois principes du peuple de l’alliance avec l’impérialisme.

Si l’on soutient qu’il y a une différence entre les impérialistes d’Orient et ceux d’Occident, et que, lui s’étant allié avec les impérialistes d’Orient, on va s’allier avec tels ou tels impérialistes d’Occident pour diriger l’attaque vers l’est, n’aura-t-on pas adopté une conduite tout à fait révolutionnaire ? Mais que vous le vouliez ou non, les impérialistes d’Occident sont décidés à combattre l’Union soviétique et le communisme, si donc vous vous alliez avec eux, ils vous demanderont de diriger l’attaque vers le nord, et votre révolution n’aboutira à rien.

Puisqu’il en est ainsi, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement l’alliance avec la Russie, et en aucun cas l’alliance avec l’impérialisme contre la Russie.

   En second lieu, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement l’alliance avec le Parti communiste. On est l’allié du Parti communiste ou on le combat. L’anticommunisme est la politique des impérialistes japonais et de Wang Tsing-wei, et si c’est ce que vous voulez aussi, très bien, ils vous inviteront à entrer dans leur Société anticommuniste. Ne seriez-vous pas alors un peu suspect de collaboration avec le Japon ? Moi, direz-vous, je n’irai pas avec le Japon, mais avec une autre puissance.

C’est tout aussi ridicule. Qu’importé avec qui vous irez, du moment que vous êtes anticommuniste, vous êtes un traître à la nation, parce que vous ne pouvez plus combattre le Japon. J’irai, direz-vous, combattre le Parti communiste indépendamment. C’est pure divagation. Comment les « héros » d’un pays colonial et semi-colonial peuvent-ils s’attaquer à une entreprise contrerévolutionnaire de cette importance sans compter sur les forces impérialistes ?

Pendant dix ans, on a fait appel à presque toutes les puissances impérialistes du monde pour combattre le Parti communiste, sans obtenir aucun résultat ; comment, aujourd’hui, parviendra-t-on soudain à le combattre « indépendamment » ? Il y a, paraît-il, hors de notre Région frontière, des gens qui disent : « Combattre le Parti communiste, c’est bien, mais on ne réussira pas à le battre. » Si la remarque a vraiment été faite, elle est fausse à moitié : en effet, en quoi est-ce « bien » de combattre le Parti communiste ?

Mais l’autre moitié est juste, car il est vrai qu’ »on ne réussira pas à le battre ». La raison essentielle, il faut la chercher non chez les communistes, mais dans le peuple, qui tient au Parti communiste et ne veut pas le combattre. Si vous le combattez à un moment où l’ennemi de la nation a pénétré profondément dans notre territoire, le peuple sera sans pitié pour vous, il vous en demandera compte sur votre vie.

C’est chose certaine, celui qui veut combattre le Parti communiste doit s’attendre à être réduit en miettes. S’il ne tient pas à subir ce sort, il vaut nettement mieux qu’il s’abstienne. C’est le conseil que nous donnons sincèrement à tous les « héros » de l’anticommunisme. Ainsi, rien n’est plus clair : aujourd’hui, les trois principes du peuple doivent comprendre l’alliance avec le Parti communiste, sous peine d’aller à l’échec. C’est pour eux une question de vie ou de mort ; unis au Parti communiste, ils survivront ; opposés au Parti communiste, ils disparaîtront. Qui donc pourrait prouver le contraire ?

   En troisième lieu, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comprennent nécessairement une politique en faveur des paysans et des ouvriers. Si vous ne voulez pas de cette politique, si vous ne voulez pas soutenir sincèrement les paysans et les ouvriers, si vous ne voulez pas « éveiller les masses », comme le recommande le testament du Dr Sun Yat-sen, vous préparez l’échec de la révolution et votre propre échec. Staline a dit : « …la question nationale est, au fond, une question paysanne. »

Cela veut dire que la révolution chinoise est, au fond, une révolution paysanne, que la résistance que nous opposons au Japon est donc la guerre de résistance des paysans contre le Japon. Appliquer le système politique de démocratie nouvelle revient, au fond, à accorder aux paysans leurs droits. Les nouveaux, les vrais trois principes du peuple sont, au fond, les principes de la révolution paysanne. Le problème de la culture des masses, c’est, au fond, l’élévation du niveau culturel des paysans. La Guerre de Résistance est, au fond, une guerre paysanne.

On applique aujourd’hui le « principe d’aller dans les montagnes » ; là, on organise des réunions, on travaille, on fait la classe, on édite des journaux, on écrit des livres, on joue des pièces de théâtre : tout cela, au fond, est fait pour les paysans. Tout ce qui est nécessaire à la Guerre de Résistance ainsi qu’à notre subsistance est, au fond, fourni par les paysans.

Quand on dit « au fond », cela veut dire « pour l’essentiel », mais cela ne signifie pas qu’on néglige les autres fractions de la population, comme Staline lui-même l’a expliqué. Les paysans constituent les 80 pour cent de la population de la Chine ; même un écolier le sait. Aussi la question paysanne est-elle devenue la question fondamentale de la révolution chinoise, et les paysans en sont-ils la force principale. Après les paysans, il y a les ouvriers, dont l’effectif vient au second rang dans la population chinoise. La Chine a plusieurs millions d’ouvriers industriels et plusieurs dizaines de millions d’artisans et d’ouvriers agricoles.

La Chine ne peut pas vivre sans les ouvriers des diverses industries, parce que ce sont eux les producteurs du secteur industriel de notre économie. Et la révolution ne peut pas triompher sans la classe ouvrière de l’industrie moderne, parce que c’est elle qui dirige la révolution chinoise et qui a l’esprit le plus révolutionnaire.

Dans ces conditions, les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais, comportent nécessairement une politique en faveur des paysans et des ouvriers. S’ils ne comportaient pas cette politique, ne prévoyaient pas un soutien sincère aux paysans et aux ouvriers et ne visaient pas à « éveiller les masses », leur échec serait certain.

   On peut donc déduire que les trois principes du peuple qui s’écarteraient des trois thèses politiques fondamentales : alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et soutien aux paysans et aux ouvriers, n’auraient aucun avenir. Tout partisan honnête des trois principes du peuple se doit d’y réfléchir sérieusement.

   Les trois principes du peuple qui comprennent les trois thèses politiques fondamentales – les trois principes du peuple révolutionnaires, les nouveaux, les vrais – sont ceux de la démocratie nouvelle, le développement des anciens trois principes du peuple, la grande contribution du Dr Sun Yat-sen, le produit de l’époque où la révolution chinoise est devenue une partie de la révolution mondiale socialiste.

C’est ceux-là seulement que le Parti communiste chinois considère comme étant « aujourd’hui nécessaires à la Chine », et pour lesquels il « est prêt à lutter » jusqu’à « leur réalisation complète ». C’est ceux-là seulement qui présentent une analogie fondamentale avec le programme politique du Parti communiste chinois pour l’étape de la révolution démocratique, c’est-à-dire avec son programme minimum.

   Quant aux anciens trois principes du peuple, ils étaient un produit de l’ancienne période de la révolution chinoise. La Russie d’alors était un Etat impérialiste et il ne pouvait naturellement y avoir de politique d’alliance avec elle ; en Chine, il n’y avait pas alors le Parti communiste, et il ne pouvait évidemment y avoir de politique d’alliance avec lui.

Le mouvement ouvrier et paysan n’avait pas encore révélé toute son importance politique ni attiré l’attention sur lui et il ne pouvait donc y avoir de politique d’alliance avec les ouvriers et les paysans. C’est pourquoi les trois principes du peuple d’avant la réorganisation du Kuomintang en 1924 appartiennent à l’ancienne catégorie et sont périmés. Le Kuomintang ne pouvait pas avancer à moins d’en faire les nouveaux trois principes du peuple.

Grâce à sa clairvoyance, Sun Yat-sen le comprit et, avec l’aide de l’Union soviétique et du Parti communiste chinois, il donna une nouvelle interprétation des trois principes du peuple, Ceux-ci furent dotés de caractéristiques nouvelles, conformes à l’époque, ce qui permit de réaliser le front uni des trois principes du peuple avec le communisme, d’établir pour la première fois une coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste, d’obtenir l’adhésion de toute la nation et d’entreprendre la révolution de 1924-1927.

   Les anciens trois principes du peuple étaient révolutionnaires dans l’ancienne période, dont ils reflétaient les particularités historiques.

Mais si, dans la nouvelle période, après l’établissement des nouveaux trois principes du peuple, on s’obstine à s’accrocher aux choses périmées, à combattre l’alliance avec la Russie après la naissance de l’Etat socialiste, à s’opposer à l’alliance avec le Parti communiste après la fondation de celui-ci, à lutter contre la politique de soutien aux paysans et aux ouvriers après leur prise de conscience et la manifestation de leur force politique, on fait alors des trois principes du peuple quelque chose de réactionnaire, qui ne répond pas à l’esprit de l’époque actuelle.

La réaction d’après 1927 résulta précisément de la méconnaissance de l’esprit de l’époque. « Qui comprend les signes de son temps est un grand homme », dit un proverbe. J’espère que les partisans actuels des trois principes du peuple s’en souviendront.

   Pour ce qui est des anciens trois principes du peuple, ils ne présentent aucune analogie fondamentale avec le programme minimum communiste, parce qu’ils appartiennent au passé et sont périmés.

S’il s’agit de trois principes du peuple dirigés contre la Russie, contre le Parti communiste et contre les paysans et les ouvriers, ce sont des principes réactionnaires qui non seulement n’ont plus rien de commun avec le programme minimum communiste, mais sont ennemis du communisme ; il n’y a donc aucune base de discussion possible. A cela aussi les partisans des trois principes du peuple feraient bien de réfléchir sérieusement.

   De toute façon, tant que les tâches de la lutte contre l’impérialisme et le féodalisme n’auront pas été achevées pour l’essentiel, aucun homme de conscience n’abandonnera les nouveaux trois principes du peuple. Seuls des gens comme Wang Tsing-wei les ont abandonnés. En dépit de l’ardeur de ceux-ci à faire appliquer leurs faux trois principes du peuple qui sont contre la Russie, contre le Parti communiste et contre les paysans et les ouvriers, il se trouvera toujours des hommes honnêtes, des hommes épris de justice qui continueront à défendre les vrais trois principes du peuple de Sun Yat-sen.

Si, après la réaction de 1927, les vrais partisans des trois principes du peuple, qui continuaient le combat pour la révolution chinoise, étaient encore nombreux, maintenant que l’ennemi de notre nation a pénétré profondément dans notre territoire, il est certain qu’ils sont légion. Nous autres communistes, nous persévérerons dans une coopération à long terme avec tous les partisans sincères des trois principes du peuple et, tout en repoussant les traîtres et les anticommunistes invétérés, nous n’abandonnerons jamais aucun de nos amis.

XI. La culture de Démocratie Nouvelle

   Nous avons expliqué plus haut les particularités historiques du système politique de la Chine dans la nouvelle période, ainsi que la question de la république de démocratie nouvelle. Nous pouvons aborder maintenant la question de la culture.

   Toute culture est, sur le plan idéologique, le reflet de la politique et de l’économie d’une société donnée. En Chine, il existe une culture impérialiste, qui est le reflet de la domination ou de la domination partielle, politique et économique, de l’impérialisme sur la Chine. Cette culture est non seulement entretenue par les institutions culturelles administrées directement en Chine par les impérialistes, mais encore prônée par des Chinois sans pudeur. Toute culture qui porte en elle des idées servîtes entre dans cette catégorie.

En Chine, il existe aussi une culture semi-féodale, reflet de la politique et de l’économie semi-féodales du pays ; ses représentants comprennent tous ceux qui prônent le culte de Confucius, l’étude du canon confucéen, l’ancienne morale et les vieilles idées et qui s’opposent à la culture nouvelle et aux idées nouvelles. La culture, impérialiste et la culture semi-féodale sont deux sœurs très unies qui ont contracté une alliance réactionnaire pour s’opposer à la nouvelle culture chinoise.

Ces cultures réactionnaires sont au service des impérialistes et de la classe féodale et doivent être abattues. Sinon, il sera impossible d’édifier une culture nouvelle. Sans destruction, pas de construction ; sans barrage, pas de courant ; sans repos, pas de mouvement. Entre la culture nouvelle et les cultures réactionnaires une lutte à mort est engagée.

   Quant à la culture nouvelle, elle est, sur le plan idéologique, le reflet de la politique et de l’économie nouvelles, et elle est à leur service.

   Comme nous l’avons exposé dans la section 3, depuis que la Chine a vu naître une économie capitaliste, la société chinoise a peu à peu changé de nature : elle a cessé d’être entièrement féodale pour devenir semi-féodale, bien que l’économie féodale prédomine encore. Par rapport à cette dernière, le capitalisme est une économie nouvelle. En même temps que cette économie nouvelle, capitaliste, apparaissaient et se développaient de nouvelles forces politiques : la bourgeoisie, la petite bourgeoisie et le prolétariat.

Et la culture nouvelle est, sur le plan idéologique, le reflet des nouvelles forces économiques et politiques, et elle est à leur service. Sans l’économie capitaliste, sans la bourgeoisie, la petite bourgeoisie et le prolétariat, sans les forces politiques que représentent ces classes, ni l’idéologie ni la culture nouvelles n’auraient pu naître.

   Les nouvelles forces politiques, économiques et culturelles sont toutes des forces révolutionnaires qui s’opposent à l’ancienne politique, à l’ancienne économie et à l’ancienne culture. Celles-ci se composent de deux parties : d’une part, la politique, l’économie et la culture semi-féodales, proprement chinoises ; d’autre part, la politique, l’économie et la culture impérialistes, qui sont prépondérantes dans l’alliance de ces deux parties.

Elles sont aussi nuisibles l’une que l’autre et doivent être détruites complètement. La lutte entre l’ancien et le nouveau dans la société chinoise, c’est la lutte entre les forces nouvelles, celles des masses populaires les classes révolutionnaires, et les forces anciennes, celles de l’impérialisme et de la classe féodale ; c’est la lutte entre la révolution et la contrerévolution. Elle dure depuis un siècle déjà, si on la fait remonter à la Guerre de l’Opium, et depuis près de trente ans, si on la fait débuter à la Révolution de 1911.

   Mais comme il a été dit plus haut, une révolution elle aussi peut être ancienne ou nouvelle ; nouvelle à une époque de l’histoire, elle devient ancienne à une autre. Les cent ans de la révolution démocratique bourgeoise de Chine se divisent en deux grandes périodes : les quatre-vingts premières années et les vingt dernières.

Chacune possède une particularité historique fondamentale : dans la première, la révolution démocratique bourgeoise appartient à l’ancienne catégorie ; dans la seconde, du fait de l’évolution de la situation politique internationale et intérieure, elle appartient à la nouvelle catégorie. Démocratie ancienne pour les quatre-vingts premières années, démocratie nouvelle pour les vingt dernières années. Cette distinction sur le plan politique apparaît également sur le plan culturel.

   Comment se manifeste-t-elle sur le plan culturel ? C’est ce que nous allons expliquer.

XII. Les particularités historiques de la Révolution Culturelle en Chine

   Sur le front culturel ou sur le front idéologique, la période qui précède le Mouvement du 4 Mai et celle qui le suit constituent deux périodes historiques distinctes.

   Avant le Mouvement du 4 Mai, la lutte sur le front culturel en Chine opposait la nouvelle culture bourgeoise à la vieille culture féodale. Les luttes entre le système scolaire moderne et le système des examens impériaux, entre la nouvelle école et l’ancienne, entre les études à l’occidentale et les études à la chinoise étaient toutes de cette nature.

Par système scolaire moderne, nouvelle école ou études à l’occidentale on entendait essentiellement (nous disons essentiellement, parce qu’il s’y mêlait encore bien des séquelles de la féodalité chinoise) les sciences de la nature et les doctrines sociales et politiques de la bourgeoisie dont avaient besoin ses représentants. A l’époque, l’idéologie de cette nouvelle école joua un rôle révolutionnaire en combattant l’idéologie féodale chinoise ; elle était au service de la révolution démocratique bourgeoise de l’ancienne période.

Toutefois, comme la bourgeoisie chinoise était impuissante et que le monde était déjà parvenu au stade de l’impérialisme, cette idéologie bourgeoise fut repoussée dès les premières rencontres par l’alliance réactionnaire des idées serviles, inculquées par l’impérialisme étranger, et des idées féodales de « retour aux anciens ».

Face à la contre-offensive esquissée par cette alliance idéologique réactionnaire, la nouvelle école roula ses drapeaux, fit taire ses tambours et sonna la retraite ; son âme perdue, il ne resta d’elle que l’enveloppe. Dès l’époque de l’impérialisme, l’ancienne culture démocratique bourgeoise, corrompue, avait perdu toute vigueur ; sa défaite était inévitable.

   Mais à partir du « 4 Mai », les choses ont changé de cours. Une force culturelle toute nouvelle est apparue en Chine, ce sont la culture et l’idéologie communistes, guidées par les communistes chinois, autrement dit, la conception communiste du monde et la théorie communiste de la révolution sociale.

Le Mouvement du 4 Mai se produisit en 1919 ; la fondation du Parti communiste chinois et le début réel du mouvement ouvrier datent de 1921. Ces événements ont eu lieu après la Première guerre mondiale et la Révolution d’Octobre, c’est-à-dire au moment où, sur le plan mondial, la question nationale et le mouvement révolutionnaire dans les colonies prenaient un aspect nouveau Ici, la relation entre la révolution chinoise et la révolution mondiale devient manifeste.

Grâce à l’apparition sur la scène politique chinoise de nouvelles forces politiques prolétariat et Parti communiste, la nouvelle force culturelle, en nouvel uniforme et pourvue d’armes nouvelles, rassemblant tous les alliés possibles et se rangeant en ordre de bataille, lançait une offensive hardie contre les cultures impérialiste et féodale.

Cette force nouvelle a connu une grande expansion dans le domaine des sciences sociales (philosophie, sciences économiques, politiques, militaires, historiques) comme dans celui de la littérature et de l’art (théâtre, cinéma, musique, sculpture, peinture). Depuis vingt ans, partout où elle a porté ses attaques, elle a suscité une grande révolution, aussi bien dans le contenu idéologique que dans la forme (dans la langue écrite, par exemple). Elle a donné une impulsion si forte, fait preuve d’une puissance si considérable qu’elle fut irrésistible. La mobilisation qu’elle a réalisée est d’une ampleur sans égale dans l’histoire de la Chine.

Et Lou Sin est le porte-drapeau le plus glorieux et le plus intrépide de cette nouvelle force culturelle. Commandant en chef de la révolution culturelle chinoise, il est grand non seulement comme homme de lettres, mais encore comme penseur et révolutionnaire.

D’une rectitude inflexible, sans une ombre de servilité ou d’obséquiosité qualité inestimable pour le peuple d’un pays colonial ou semi-colonial Lou Sin représente sur le front culturel l’écrasante majorité du peuple ; il est le héros national le plus lucide, le plus courageux, le plus ferme, le plus loyal et le plus ardent qui ait jamais livré assaut aux positions ennemies.

La voie dans laquelle il s’est engagé est celle de la nouvelle culture du peuple chinois.

   Avant le « 4 Mai », la nouvelle culture chinoise relevait de la culture de l’ancienne démocratie et constituait une partie de la révolution culturelle capitaliste de la bourgeoisie mondiale. Depuis le « 4 Mai », elle relève de la démocratie nouvelle et fait partie de la révolution culturelle socialiste du prolétariat mondial.

   Avant le « 4 Mai », le mouvement de la nouvelle culture, ou révolution culturelle chinoise, était mené par la bourgeoisie, qui jouait encore le rôle dirigeant. Depuis le « 4 Mai », la culture et l’idéologie de la bourgeoisie retardent encore plus que ses institutions politiques et ne sont plus du tout en mesure de jouer ce rôle.

Tout au plus peuvent-elles, en période de révolution et jusqu’à un certain point, faire partie d’une alliance dont la direction revient nécessairement à la culture et l’idéologie du prolétariat. C’est là un fait patent, indéniable.

   La culture de démocratie nouvelle, c’est la culture anti-impérialiste antiféodale des masses populaires ; c’est aujourd’hui la culture du front uni de résistance contre le Japon. Elle ne peut être dirigée que par la culture et l’idéologie du prolétariat, c’est-à-dire par l’idéologie communiste ; la culture et l’idéologie d’aucune autre classe ne peuvent assumer ce rôle. Bref, la culture de démocratie nouvelle, c’est la culture antiimpérialiste et antiféodale, appartenant aux masses populaires et dirigée par le prolétariat.

XIII. Les quatre périodes

   La révolution culturelle est le reflet, sur le plan idéologique, de la révolution politique et de la révolution économique, et elle est à leur service. En Chine, il y a un front uni dans la révolution culturelle comme dans la révolution politique.

   L’histoire du front uni dans la révolution culturelle a connu, au cours des vingt dernières années, quatre périodes. La première couvre les deux années de 1919 à 1921 ; la deuxième, les six années de 1921 à 1927 ; la troisième, les dix années de 1927 à 1937 ; la quatrième, les trois années de 1937 à nos jours.

   La première période va du Mouvement du 4 Mai 1919 à la fondation du Parti communiste chinois en 1921. Cette période a été marquée essentiellement par ce Mouvement.

   Le Mouvement du 4 Mai fut aussi bien antiimpérialiste qu’antiféodal. Sa portée historique exceptionnelle réside dans le fait que, dépassant la Révolution de 1911, il revêt le caractère d’une lutte conséquente et intransigeante contre l’impérialisme et le féodalisme.

Ce caractère provient de ce que l’économie capitaliste chinoise avait fait un pas en avant, et que les intellectuels révolutionnaires chinois, ayant vu s’effondrer trois grandes puissances impérialistes : la Russie, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, et s’affaiblir deux autres : l’Angleterre et la France, tandis que le prolétariat russe fondait un Etat socialiste et que le prolétariat allemand, hongrois et italien était en révolution, en conçurent un nouvel espoir quant à la libération de la nation chinoise.

Le Mouvement du 4 Mai est né à l’appel de la révolution mondiale, à l’appel de la révolution russe, à l’appel de Lénine. Il fait partie de la révolution mondiale prolétarienne de l’époque. Bien que le Parti communiste chinois n’existât pas encore lors du « 4 Mai », un grand nombre d’intellectuels approuvaient déjà la révolution russe et commençaient à avoir des idées communistes. Le Mouvement du 4 Mai était, à l’origine, un mouvement révolutionnaire d’un front uni formé de trois éléments : intellectuels aux idées communistes, intellectuels révolutionnaires de la petite bourgeoisie et intellectuels de la bourgeoisie (ces derniers en formaient l’aile droite).

Son point faible, c’est qu’il se limitait aux intellectuels, les ouvriers et les paysans n’y participant pas. Mais lorsqu’il engendra le Mouvement du 3 Juin, auquel prirent part non plus seulement les intellectuels mais les larges masses du prolétariat, de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie, il devint un mouvement révolutionnaire d’envergure nationale. La révolution culturelle qu’il avait entreprise était un mouvement d’opposition intransigeante à la culture féodale. Il n’y avait jamais eu dans l’histoire chinoise de révolution culturelle aussi vaste et aussi radicale.

Son grand mérite est d’avoir arboré, à ce moment-là, à la fois le drapeau de la lutte contre l’ancienne morale, pour la nouvelle, et celui de la lutte pour la nouvelle littérature, contre l’ancienne. Toutefois, ce mouvement culturel n’avait pas encore la possibilité de s’étendre aux masses ouvrières et paysannes.

Il a certes lancé le mot d’ordre d’ »une littérature pour les gens du peuple », mais ce qu’on entendait alors par « gens du peuple » devait en fait se limiter aux intellectuels de la petite bourgeoisie et de la bourgeoisie des villes, c’est-à-dire à l’intelligentsia urbaine. Le Mouvement du 4 Mai a préparé, sur le plan des idées et dans le domaine des cadres, la fondation du Parti communiste chinois en 1921, ainsi que le Mouvement du 30 Mai 1925 et l’Expédition du Nord. Les intellectuels bourgeois formaient l’aile droite du Mouvement du 4 Mai ; dans la deuxième période, la plupart d’entre eux entrèrent en compromis avec l’ennemi et passèrent à la réaction.

   Dans la deuxième période, marquée par la fondation du Parti communiste chinois, par le Mouvement du 30 Mai et l’Expédition du Nord, le front uni des trois classes constitué pendant le Mouvement du 4 Mai s’est maintenu, il s’est même développé ; la paysannerie y a été entraînée, et toutes ces classes formèrent sur le plan politique un front uni : première coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste.

Le Dr Sun Yat-sen est un grand homme non seulement parce qu’il dirigea la grande Révolution de 1911 (qui était toutefois une révolution démocratique de l’ancienne période), mais aussi parce que, sachant « suivre les courants mondiaux et répondre aux besoins des masses », il formula les trois thèses politiques révolutionnaires fondamentales : alliance avec la Russie, alliance avec le Parti communiste et soutien aux paysans et aux ouvriers, et donna une nouvelle interprétation des trois principes du peuple, établissant ainsi les nouveaux trois principes du peuple qui comportent ces trois thèses politiques fondamentales.

Jusque-là, les trois principes du peuple présentaient peu d’intérêt pour les milieux enseignants, universitaires et pour la jeunesse, parce qu’ils ne proposaient de mots d’ordre ni contre l’impérialisme, ni contre le régime féodal ni contre la culture et l’idéologie féodales. C’étaient les anciens trois principes du peuple, que l’on considérait comme le drapeau provisoire d’un groupe de gens qui s’en servaient pour accaparer le pouvoir, c’est-à-dire pour accéder à des fonctions officielles, comme un drapeau pour de pures manœuvres politiques.

Mais, par la suite, apparurent les nouveaux trois principes du peuple, avec leurs trois thèses politiques fondamentales, qui, grâce à la coopération entre le Kuomintang et le Parti communiste et aux efforts des membres révolutionnaires des deux partis, furent propagés dans toute la Chine et se répandirent dans une partie des milieux enseignants et universitaires et dans la masse des étudiants.

Ce résultat est dû entièrement au fait que les anciens trois principes du peuple étaient devenus les trois principes du peuple de démocratie nouvelle, anti-impérialistes et antiféodaux, comportant les trois thèses politiques fondamentales ; sans ce développement, la propagation des idées qu’ils contiennent aurait été impossible.

   Pendant cette période, les trois principes du peuple révolutionnaires devinrent la base politique du front uni du Kuomintang, du Parti communiste et de toutes les classes révolutionnaires ; comme « le communisme est un grand ami des trois principes du peuple », les deux doctrines se constituèrent en front uni formé, du point de vue des classes sociales, par le prolétariat, la paysannerie, la petite bourgeoisie urbaine et la bourgeoisie.

Appuyant leur action sur l’hebdomadaire communiste Hsiangtaotcheoupao, sur le quotidien kuomintanien de Changhaï Minkouojepao et sur les journaux de diverses régions, les deux partis menèrent en commun la propagande anti-impérialiste ; en commun, ils se dressèrent contre l’enseignement féodal basé sur le culte de Confucius et l’étude du canon confucéen, contre la littérature et la langue littéraire écrite de l’ancien style féodal, pour préconiser la nouvelle littérature et la nouvelle langue écrite au contenu anti-impérialiste et antiféodal. Au cours des campagnes dans le Kouangtong et de l’Expédition du Nord, ces idées anti-impérialistes et antiféodales furent introduites dans les armées chinoises et devinrent l’instrument de leur réforme.

Parmi des millions et des millions de paysans furent lancés les mots d’ordre : « A bas les fonctionnaires corrompus ! » et « A bas les despotes locaux et les mauvais hobereaux !’ ce qui déchaîna de grandes luttes révolutionnaires paysannes.

Grâce à tout cela, et aussi grâce à l’aide de l’Union soviétique, la victoire fut remportée dans l’Expédition du Nord. Mais aussitôt que la grande bourgeoisie eut accédé au pouvoir, elle liquida cette révolution, et la situation politique entra dans une phase nouvelle.

   La troisième période fut la nouvelle période révolutionnaire allant de 1927 à 1937. Vers la fin de la période précédente, des changements s’étaient produits dans le camp révolutionnaire : la grande bourgeoisie chinoise était passée dans le camp contre-révolutionnaire des impérialistes et des forces féodales, et la bourgeoisie nationale l’avait suivie ; ainsi, des quatre classes du camp révolutionnaire, il n’en restait que trois : le prolétariat, la paysannerie et les autres fractions de la petite bourgeoisie (y compris les intellectuels révolutionnaires).

C’est pourquoi la révolution chinoise entra inévitablement dans une phase nouvelle, au cours de laquelle le Parti communiste chinois fut seul à diriger les masses dans la lutte révolutionnaire. Cette période fut à la fois celle des campagnes « d’encerclement et d’anéantissement » menées par la contrerévolution et celle de la pénétration en profondeur de la révolution. Les campagnes « d’encerclement et d’anéantissement » revêtirent alors deux formes, l’une militaire et l’autre culturelle, la pénétration en profondeur de la révolution prenant deux formes également, l’une agraire et l’autre culturelle.

A l’instigation des impérialistes, les forces contre-révolutionnaires de toute la Chine et du monde entier furent mobilisées pour cette double campagne « d’encerclement et d’anéantissement », qui ne dura pas moins de dix ans et fut d’une atrocité inouïe ; plusieurs centaines de milliers de communistes et d’étudiants furent massacrés et des millions d’ouvriers et de paysans furent l’objet d’une sauvage répression.

Ceux qui étaient responsables de ces campagnes croyaient pouvoir « liquider une fois pour toutes » le communisme et le Parti communiste. Pourtant, c’est le contraire qui se produisit : les deux campagnes se soldèrent par un échec lamentable. La campagne militaire aboutit à la marche de l’Armée rouge vers le nord pour résister au Japon, et la campagne culturelle, au déclenchement du mouvement révolutionnaire de la jeunesse du 9 décembre 1935.

Et le résultat commun des deux campagnes fut l’éveil de toute la nation. Ce furent trois résultats positifs. Mais voici le plus curieux : Alors que le Parti communiste se trouvait absolument sans défense dans toutes les institutions culturelles des régions contrôlées par le Kuomintang, comment se fait-il que la campagne culturelle du Kuomintang ait connu là aussi un échec complet ? Cela ne donne-t-il pas matière à de profondes réflexions ? C’est du reste au cours de cette campagne que Lou Sin, acquis au communisme, est devenu la grande figure de la révolution culturelle chinoise.

   Le résultat négatif de ces campagnes « d’encerclement et d’anéantissement » menées par la contrerévolution, ce fut l’invasion de notre pays par l’impérialisme japonais. Là est la raison principale de la haine, aujourd’hui encore si vivace, que notre peuple tout entier porte à ces dix années de campagne anticommuniste.

   Au cours des luttes engagées durant cette période, les révolutionnaires s’en tinrent fermement à la démocratie nouvelle et aux nouveaux trois principes du peuple anti-impérialistes et antiféodaux des masses populaires, alors que la contrerévolution pratiquait un despotisme fondé sur l’alliance des propriétaires fonciers et de la grande bourgeoisie, alliance placée sous les ordres de l’impérialisme.

Ce despotisme a causé l’échec politique et culturel des trois thèses fondamentales de Sun Yat-sen et de ses nouveaux trois principes du peuple, plongeant ainsi la nation chinoise dans de profonds malheurs.

   La quatrième période, c’est la période actuelle de la Guerre de Résistance contre le Japon. Dans le cours sinueux de la révolution chinoise réapparaît, mais en plus vaste, le front uni des quatre classes. Il comprend en effet, dans la couche supérieure de la société, de nombreux représentants des milieux gouvernants, dans la couche moyenne, la bourgeoisie nationale et la petite bourgeoisie, et, dans la couche inférieure, tous les prolétaires.

Ainsi, les différentes couches sociales de la nation se sont coalisées dans une lutte résolue contre l’impérialisme japonais. La première phase de cette période précède la chute de Wouhan. Un grand élan animait alors la vie du pays dans tous les domaines : on remarquait, sur le plan politique, une tendance à la démocratisation et, sur le plan culturel, une assez large mobilisation des masses.

La chute de Wouhan a inauguré la deuxième phase, marquée par de nombreux changements dans la situation politique : une fraction de la grande bourgeoisie s’est rendue à l’ennemi, tandis que l’autre fraction cherche à liquider au plus tôt la Guerre de Résistance. Ce phénomène se traduit sur le plan culturel par les agissements réactionnaires de YéTsing, Tchang Kiun-mai et autres, ainsi que par l’absence de liberté de parole et de presse.

   Pour surmonter cette crise, il faut combattre résolument toutes les idées opposées à la Résistance, à l’union et au progrès. Pas d’espoir de gagner la guerre si l’on ne détruit pas ces idées réactionnaires. Quel est l’avenir de cette lutte ? C’est la grande question qui préoccupe le peuple dans tout le pays. A en juger par la situation intérieure et internationale, le peuple chinois vaincra, si nombreuses que soient les difficultés qu’il rencontrera sur le chemin de la Résistance.

Dans les vingt années qui ont suivi le Mouvement du 4 Mai, le progrès est plus grand que dans les quatre-vingts années précédentes, plus grand même que ce qui a été accompli durant les millénaires de toute l’histoire de la Chine. N’est-il pas facile d’imaginer jusqu’où ira la Chine en vingt nouvelles années de progrès ?

Le déchaînement furieux des forces ténébreuses de l’intérieur et de l’extérieur a certes plongé la nation dans le malheur, mais ce déchaînement, s’il montre la puissance qui reste encore aux forces ténébreuses, indique aussi que ce sont leurs dernières convulsions et que les masses populaires approchent peu à peu de la victoire. Cela est vrai pour la Chine comme pour tout l’Orient et pour le monde entier.

XIV. Les déviations dans la question du caractère de la culture

   Le nouveau se forge toujours dans des luttes âpres et difficiles. Il en est ainsi de la culture nouvelle qui, depuis vingt ans, suit une voie sinueuse, marquée de trois tournants, marquée d’épreuves où se sont révélés le bon comme le mauvais.

   Les éléments irréductibles de la bourgeoisie se trompent entièrement sur la question culturelle comme sur la question du pouvoir politique. Ils ignorent les particularités historiques de la nouvelle période en Chine et ne reconnaissent pas la culture de démocratie nouvelle des masses populaires. Leur point de départ, c’est le despotisme de la bourgeoisie, qui se traduit sur le plan culturel par le despotisme de la culture bourgeoise.

Une partie des représentants de la culture dits de l’école européenne et américaine (je dis bien une partie seulement), qui en fait ont jadis soutenu la politique d’ »extermination des communistes » pratiquée sur le plan culturel par le gouvernement du Kuomintang, soutiennent maintenant, semble-t-il, sa politique de « limitation » et de « désintégration » du Parti communiste. Ils ne veulent pas qu’en matière politique ou culturelle les ouvriers et les paysans lèvent la tête.

Mais le despotisme culturel des irréductibles bourgeois est dans une impasse ; comme le despotisme politique, il ne trouve ni les conditions intérieures ni les conditions extérieures qu’il lui faut. C’est pourquoi il vaudrait mieux le « remiser ».

   En ce qui concerne l’orientation de la culture nationale, l’idéologie communiste joue le rôle dirigeant, et nous devons nous employer tant à propager le socialisme et le communisme parmi la classe ouvrière qu’à éduquer les paysans et les autres fractions de la masse, de manière appropriée et systématique, dans l’esprit du socialisme. Mais la culture nationale, considérée dans son ensemble, n’est pas encore socialiste.

   Comme la politique, l’économie et la culture de démocratie nouvelle sont placées sous la direction du prolétariat, elles contiennent toutes un facteur socialiste, qui n’est pas un facteur ordinaire, mais un facteur décisif. Cependant, considérées dans leur ensemble, ni les conditions politiques ni les conditions économiques et culturelles ne sont encore celles du socialisme, mais celles de la démocratie nouvelle.

La raison en est que la révolution, dont la tâche principale, à l’étape actuelle, est de combattre l’impérialisme étranger et les forces intérieures féodales, est une révolution démocratique bourgeoise et non une révolution socialiste visant à renverser le capitalisme. Dans le domaine de la culture nationale, c’est une erreur de prétendre qu’à présent elle est ou devrait déjà être entièrement socialiste. C’est confondre la propagation de l’idéologie communiste avec la réalisation d’un programme d’action immédiat.

C’est confondre la position et les méthodes communistes adoptées dans l’examen des problèmes, dans l’étude des différentes disciplines, dans le travail et la formation des cadres avec la ligne à suivre pour l’éducation et la culture nationales à l’étape de la révolution démocratique en Chine. Une culture nationale de contenu socialiste est nécessairement le reflet d’une politique et d’une économie socialistes.

Comme il y a un facteur socialiste dans notre politique et notre économie, notre culture nationale, qui en est le reflet, contient également un facteur socialiste ; mais, à considérer notre société dans son ensemble, nous n’y avons pas encore établi aujourd’hui une politique et une économie entièrement socialistes, et nous ne pouvons donc avoir une culture nationale entièrement socialiste.

Comme la révolution chinoise actuelle est une partie de la révolution socialiste prolétarienne mondiale, la culture nouvelle de la Chine d’aujourd’hui participe de la nouvelle culture socialiste prolétarienne mondiale dont elle est une grande alliée ; certes, à ce titre, elle contient l’important facteur de la culture socialiste, mais si nous considérons l’ensemble de notre culture nationale, ce n’est pas entièrement en qualité de culture socialiste qu’elle fait partie de cette culture socialiste prolétarienne mondiale, mais en qualité de culture de démocratie nouvelle, de culture anti-impérialiste et antiféodale des masses populaires.

Puisque la révolution chinoise actuelle ne peut se passer du rôle dirigeant du prolétariat, la nouvelle culture, elle non plus, ne peut se passer du rôle dirigeant dévolu à la culture et à l’idéologie du prolétariat, c’est-à-dire à l’idéologie communiste. Mais comme ce rôle consiste, à l’étape présente, à guider les masses populaires dans leurs efforts pour mener une révolution politique et culturelle antiimpérialiste et antiféodale, le contenu de la nouvelle culture nationale, considérée dans son ensemble, appartient encore à la démocratie nouvelle et non au socialisme.

   Il est hors de doute que le moment est venu pour nous de propager plus largement encore l’idéologie communiste et de redoubler d’efforts dans l’étude du marxisme-léninisme ; sinon, nous ne pourrons conduire la révolution chinoise à l’étape ultérieure, celle du socialisme, ni mener l’actuelle révolution démocratique à la victoire.

Cependant, nous devons distinguer non seulement la diffusion de l’idéologie communiste et la propagande en faveur du système social communiste d’avec la réalisation du programme d’action de la démocratie nouvelle, mais aussi l’application de la théorie et des méthodes communistes à l’examen des problèmes, à l’étude des différentes disciplines, au travail et à la formation des cadres d’avec la ligne de la démocratie nouvelle fixée pour l’ensemble de la culture nationale. Ce serait indubitablement une erreur de confondre les unes avec les autres.

   Il apparaît donc que le contenu de la nouvelle culture nationale de la Chine, dans la phase actuelle, n’est ni le despotisme de la culture bourgeoise ni le pur socialisme prolétarien, mais la démocratie nouvelle, antiimpérialiste et antiféodale, des masses populaires, le rôle dirigeant étant assumé par la culture et l’idéologie socialistes du prolétariat.

XV. Une culture nationale et scientifique des masses populaires

   La culture de démocratie nouvelle est nationale. Elle lutte contre l’oppression impérialiste et exalte la dignité et l’indépendance de la nation chinoise. Elle est propre à notre nation dont elle porte les caractéristiques.

Elle s’allie avec la culture socialiste ou la culture de démocratie nouvelle de toutes les autres nations et établit avec ces cultures des relations qui permettent un enrichissement et un développement mutuels, afin de constituer une nouvelle culture mondiale. Mais, étant nationale et révolutionnaire, notre culture ne peut absolument pas s’allier avec la culture impérialiste réactionnaire d’aucune nation.

La Chine doit largement assimiler la culture progressiste des pays étrangers et en nourrir la sienne, travail qui a été jusqu’ici très insuffisant. Nous devons assimiler tout ce qui peut aujourd’hui nous être utile et puiser non seulement dans la culture socialiste ou de démocratie nouvelle de notre époque, mais encore dans l’ancienne culture des pays étrangers, par exemple, dans la culture qu’ont connue divers pays capitalistes au siècle des lumières.

Cependant, toutes les choses qui viennent de l’étranger doivent être traitées comme des aliments ; ceux-ci sont mastiqués dans la bouche, puis élaborés dans l’estomac et l’intestin ; sous l’action de la salive et des sucs gastro-intestinaux, ils sont dissociés en deux parties, le chyle qui est assimilé et les déchets qui sont éliminés ainsi seulement nous en tirerons profit ; nous ne devons rien assimiler sans discernement, en avalant tout d’un seul trait.

C’est un point de vue erroné que de préconiser une « occidentalisation intégrale ». L’assimilation purement formelle des choses de l’étranger a jadis causé de grands torts à notre pays. De même, en appliquant le marxisme en Chine, les communistes doivent unir pleinement et de façon appropriée la vérité universelle du marxisme et la pratique concrète de la révolution chinoise ; en d’autres termes, le marxisme ne sera utile que s’il se combine aux caractéristiques de la nation et prend une forme nationale déterminée ; on ne peut nullement l’appliquer d’une manière subjective et formaliste.

Les marxistes formalistes ne font que se moquer du marxisme et de la révolution chinoise ; il n’y a pas place pour eux dans les rangs de notre révolution. La culture chinoise doit avoir sa forme propre, c’est-à-dire une forme nationale. Nationale par sa forme, de démocratie nouvelle par son contenu, telle est notre culture nouvelle d’aujourd’hui.

   La culture de démocratie nouvelle est scientifique. Elle s’oppose à toute idée féodale et superstitieuse ; elle préconise la recherche de la vérité à partir des faits, la vérité objective, l’unité de la théorie et de la pratique. Sur ce point, le prolétariat chinois, avec sa pensée scientifique, peut constituer avec les matérialistes et les hommes de science de la bourgeoisie chinoise encore progressistes un front uni contre l’impérialisme, le féodalisme et la superstition ; mais il faudra se garder de jamais former un front uni avec un idéalisme réactionnaire quel qu’il soit.

Les communistes peuvent établir, avec certains idéalistes, voire avec des croyants, un front uni anti-impérialiste et antiféodal sur le plan de l’action politique, mais ils ne devront jamais partager les conceptions idéalistes ou religieuses de ces derniers. Durant les longs siècles de la société féodale chinoise, il s’est créé une brillante culture.

Elucider le processus de développement de cette culture antique, la débarrasser des scories de nature féodale et en assimiler l’essence démocratique est une condition nécessaire pour développer la nouvelle culture nationale et renforcer la confiance en l’avenir de la nation. Mais il ne faut jamais rien retenir et emmagasiner sans esprit critique. Il faut distinguer tout ce qui est pourri et qui appartient à la classe dominante féodale de l’excellente culture populaire du passé qui, elle, possède un caractère plus ou moins démocratique et révolutionnaire.

Le nouveau système politique et économique de la Chine provient du développement de l’ancien système politique et économique ; de même, la nouvelle culture de la Chine provient du développement de l’ancienne ; aussi devons-nous respecter notre histoire, et non rompre avec elle. Mais ce respect consiste à conférer à l’histoire une place déterminée en tant que science, à prendre en considération son développement dialectique, et non à glorifier le passé pour condamner le présent, ni à louer les éléments féodaux pernicieux.

Quant aux masses populaires et aux étudiants, l’essentiel est de les orienter afin qu’ils ne regardent pas en arrière, mais en avant.

   La culture de démocratie nouvelle appartient aux masses populaires, et partant elle est démocratique. Elle doit être au service des masses laborieuses, ouvrières et paysannes, qui constituent plus de 90 pour cent de la population de la Chine, et devenir progressivement leur propre culture.

Entre les connaissances à donner aux cadres révolutionnaires et celles destinées aux masses révolutionnaires, il faut faire une différence de degré tout en assurant leur unité ; de même il faut faire une distinction entre l’élévation du niveau des connaissances et leur popularisation, tout en les liant l’une à l’autre. La culture révolutionnaire est pour les masses populaires une arme puissante de la révolution. Avant la révolution, elle la prépare idéologiquement ; puis, dans le front général de la révolution, elle constitue un secteur important, indispensable. Et les travailleurs culturels révolutionnaires sont les commandants aux différents échelons de ce front culturel. « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire » ; on voit par là combien le mouvement culturel révolutionnaire est important dans la pratique du mouvement révolutionnaire. L’un comme l’autre relèvent des masses.

Aussi les travailleurs culturels progressistes doivent-ils, dans la Guerre de Résistance, avoir leurs propres bataillons culturels, qui sont les masses populaires. Un travailleur culture] révolutionnaire qui s’écarte des masses est « un général sans armée » ; il ne dispose plus de la puissance de feu qui pourrait abattre l’ennemi. Pour atteindre ce but, il faut réformer la langue écrite dans des conditions déterminées et rapprocher notre langage de celui du peuple, car le peuple est une source intarissable de richesses pour la culture révolutionnaire.

   La culture nationale et scientifique des masses populaires, c’est la culture anti-impérialiste et antiféodale du peuple, la culture de démocratie nouvelle, la nouvelle culture de la nation chinoise.

   Par leur union, la politique, l’économie et la culture de démocratie nouvelle donneront une république de démocratie nouvelle, une République chinoise digne de ce nom, la Chine nouvelle que nous voulons créer.

   La voici déjà à portée de notre vue ; acclamons-la !

   Déjà le mât du navire pointe à l’horizon ; applaudissons-la Chine nouvelle et souhaitons-lui la bienvenue !

   Saluons-la des deux bras : La Chine nouvelle est à nous !

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : De la juste solution des contradictions au sein du peuple

19 juin 1957

Deux types de contradiction de caractère différent

   Notre pays est aujourd’hui plus uni que jamais. La victoire de la révolution démocratique bourgeoise et celles de la révolution socialiste, ainsi que nos succès dans l’édification socialiste, ont rapidement modifié l’aspect de la vieille Chine. L’avenir s’annonce encore plus radieux pour notre patrie. La division du pays et le chaos, abhorrés par le peuple, appartiennent à un passé définitivement révolu.

Sous la direction de la classe ouvrière et du Parti communiste, nos 600 millions d’hommes, étroitement unis, se consacrent à l’œuvre grandiose de l’édification socialiste. L’unification de notre pays, l’unité de notre peuple et l’union de toutes nos nationalités, telles sont les garanties fondamentales de la victoire certaine de notre cause. Mais cela ne signifie nullement qu’il n’existe plus aucune contradiction dans notre société. Il serait naïf de le croire ; ce serait se détourner de la réalité objective.

Nous sommes en présence de deux types de contradictions sociales : les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple. Ils sont de caractère tout à fait différent.

   Pour avoir une connaissance juste de ces deux types de contradictions, il est tout d’abord nécessaire de préciser ce qu’il faut entendre par « peuple » et par « ennemis ». La notion de « peuple » prend un sens différent selon les pays et selon les périodes de leur histoire. Prenons l’exemple de notre pays.

Au cours de la Guerre de Résistance contre le Japon, toutes les classes et couches sociales et tous les groupes sociaux opposés au Japon faisaient partie du peuple, tandis que les impérialistes japonais, les traîtres et les éléments pro-japonais étaient les ennemis du peuple.

Pendant la Guerre de Libération, les ennemis du peuple étaient les impérialistes américains et leurs laquais – la bourgeoisie bureaucratique, les propriétaires fonciers et les réactionnaires du Kuomintang qui représentaient ces deux classes, alors que toutes les classes et couches sociales et tous les groupes sociaux qui combattaient ces ennemis faisaient partie du peuple.

A l’étape actuelle, qui est la période de l’édification socialiste, toutes les classes et couches sociales, tous les groupes sociaux qui approuvent et soutiennent cette édification, et y participent, forment le peuple, alors que toutes les forces sociales et tous les groupes sociaux qui s’opposent à la révolution socialiste, qui sont hostiles à l’édification socialiste ou s’appliquent à la saboter, sont les ennemis du peuple.

   Les contradictions entre nous et nos ennemis sont des contradictions antagonistes.

Au sein du peuple, les contradictions entre travailleurs ne sont pas antagonistes et les contradictions entre classe exploitée et classe exploiteuse présentent, outre leur aspect antagoniste, un aspect non antagoniste. Les contradictions au sein du peuple ne datent pas d’aujourd’hui, mais leur contenu est différent dans chaque période de la révolution et dans la période de l’édification socialiste.

Dans les conditions actuelles de notre pays, les contradictions au sein du peuple comprennent les contradictions au sein de la classe ouvrière, les contradictions au sein de la paysannerie, les contradictions parmi les intellectuels, les contradictions entre la classe ouvrière et la paysannerie, les contradictions qui opposent les ouvriers et les paysans aux intellectuels, les contradictions qui opposent les ouvriers et les autres travailleurs à la bourgeoisie nationale, les contradictions au sein de la bourgeoisie nationale elle-même, etc.

Notre gouvernement populaire est l’authentique représentant des intérêts du peuple, il est au service de celui-ci ; mais entre lui et les masses il y a également des contradictions.

Ce sont notamment celles qui existent entre les intérêts de l’Etat et de la collectivité d’une part et ceux de l’individu de l’autre, entre la démocratie et le centralisme, entre les dirigeants et les dirigés, entre certains travailleurs de l’Etat au style de travail bureaucratique et les masses populaires. Ce sont là aussi des contradictions au sein du peuple. D’une façon générale, les contradictions au sein du peuple reposent sur l’identité fondamentale des intérêts du peuple.

   Dans notre pays, les contradictions entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale sont de celles qui se manifestent au sein du peuple. La lutte entre ces deux classes relève en général du domaine de la lutte de classes au sein du peuple, car, en Chine, la bourgeoisie nationale revêt un double caractère.

Dans la période de la révolution démocratique bourgeoise, elle présentait un caractère révolutionnaire, mais en même temps une tendance au compromis. Dans la période de la révolution socialiste, elle exploite la classe ouvrière et en tire des profits, mais en même temps elle soutient la Constitution et se montre disposée à accepter la transformation socialiste.

Elle se distingue des impérialistes, des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie bureaucratique. Les contradictions qui l’opposent à la classe ouvrière sont des contradictions entre exploiteurs et exploités ; elles sont certes de nature antagoniste.

Cependant, dans les conditions concrètes de notre pays, ces contradictions antagonistes peuvent se transformer en contradictions non antagonistes et recevoir une solution pacifique si elles sont traitées de façon judicieuse. Si les contradictions entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale ne sont pas réglées correctement, c’est-à-dire si nous ne pratiquons pas à l’égard de celle-ci une politique d’union, de critique et d’éducation, ou si la bourgeoisie nationale n’accepte pas une telle politique, elles peuvent devenir des contradictions entre nous et nos ennemis.

   Comme les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple sont de nature différente, elles doivent être résolues par des méthodes différentes. En somme, il s’agit, pour le premier type de contradictions, d’établir une claire distinction entre nous et nos ennemis, et, pour le second type, entre le vrai et le faux. Bien entendu, établir une claire distinction entre nous et nos ennemis, c’est en même temps distinguer le vrai du faux. Ainsi, par exemple, la question de savoir qui a raison et qui a tort – nous ou les forces réactionnaires intérieures et extérieures que sont l’impérialisme, le féodalisme et le capital bureaucratique – est également une question de distinction entre le vrai et le faux, mais elle est différente par sa nature des questions sur le vrai et le faux qui se posent au sein du peuple.

   Notre Etat a pour régime la dictature démocratique populaire dirigée par la classe ouvrière et fondée sur l’alliance des ouvriers et des paysans. Quelles sont les fonctions de cette dictature ? Sa première fonction est d’exercer la répression, à l’intérieur du pays, sur les classes et les éléments réactionnaires ainsi que sur les exploiteurs qui s’opposent à la révolution socialiste, sur ceux qui sapent l’édification socialiste, c’est-à-dire de résoudre les contradictions entre nous et nos ennemis à l’intérieur du pays.

Par exemple, arrêter, juger et condamner certains contre-révolutionnaires et retirer, pour une certaine période, aux propriétaires fonciers et aux capitalistes bureaucratiques le droit de vote et la liberté de parole — tout cela entre dans le champ d’application de notre dictature.

Pour maintenir l’ordre dans la société et défendre les intérêts des masses populaires, il est également nécessaire d’exercer la dictature sur les voleurs, les escrocs, les assassins, les incendiaires, les bandes de voyous et autres mauvais éléments qui troublent sérieusement l’ordre public. La dictature a une deuxième fonction, celle de défendre notre pays contre les activités subversives et les agressions éventuelles des ennemis du dehors.

Dans ce cas, la dictature a pour tâche de résoudre sur le plan extérieur les contradictions entre nous et nos ennemis. Le but de la dictature est de protéger le peuple tout entier dans le travail paisible qu’il poursuit pour transformer la Chine en un pays socialiste doté d’une industrie, d’une agriculture, d’une science et d’une culture modernes. Qui exerce la dictature ?

C’est, bien entendu, la classe ouvrière et le peuple dirigé par elle. La dictature ne s’exerce pas au sein du peuple. Le peuple ne saurait exercer la dictature sur lui-même, et une partie du peuple ne saurait opprimer l’autre.

Ceux qui, parmi le peuple, enfreignent la loi doivent être punis selon la loi, mais il y a là une différence de principe avec la répression des ennemis du peuple par la dictature. Au sein du peuple, c’est le centralisme démocratique qui est appliqué. Notre Constitution stipule que les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté de parole, de la presse, de réunion, d’association, de cortège, de manifestation, de croyance religieuse ainsi que d’autres libertés.

Elle stipule aussi que les organismes de l’Etat pratiquent le centralisme démocratique, qu’ils doivent s’appuyer sur les masses populaires et que leur personnel doit servir le peuple. Notre démocratie socialiste est la démocratie la plus large, une démocratie qui ne peut exister dans aucun Etat bourgeois. Notre dictature est la dictature démocratique populaire dirigée par la classe ouvrière et fondée sur l’alliance des ouvriers et des paysans.

Cela signifie que la démocratie est pratiquée au sein du peuple et que la classe ouvrière, s’unissant avec tous ceux qui jouissent des droits civiques, les paysans en premier lieu, exerce la dictature sur les classes et éléments réactionnaires, et sur tous ceux qui s’opposent à la transformation et à l’édification socialistes. Par droits civiques, on entend, sur le plan politique, le droit à la liberté et le droit à la démocratie.

   Mais cette liberté est une liberté qui s’accompagne d’une direction, et cette démocratie une démocratie à direction centralisée, ce n’est donc pas l’anarchie. L’anarchie ne répond pas aux intérêts et aux aspirations du peuple.

   Certaines personnes dans notre pays se sont réjouies des événements de Hongrie. Elles espéraient que des événements semblables se produiraient en Chine, que les gens descendraient par milliers dans la rue et se dresseraient contre le gouvernement populaire.

De telles espérances sont contraires aux intérêts des masses populaires et ne sauraient trouver leur appui. En Hongrie, une partie des masses, trompée par les forces contre-révolutionnaires du dedans et du dehors, a eu le tort de recourir à la violence contre le gouvernement populaire, ce dont pâtirent l’Etat et le peuple. Il faudra beaucoup de temps pour réparer les dommages causés à l’économie par quelques semaines d’émeutes.

D’autres personnes dans notre pays ont pris une attitude hésitante à l’égard des événements de Hongrie, parce qu’elles ignorent l’état réel de la situation mondiale. Elles s’imaginent que sous notre régime de démocratie populaire, il y a trop peu de liberté, moins que dans le régime démocratique parlementaire d’Occident.

Elles réclament le système des deux partis, tel qu’il existe en Occident, avec un parti au pouvoir et l’autre dans l’opposition. Mais ce système dit bipartite n’est qu’un moyen pour maintenir la dictature de la bourgeoisie, il ne peut en aucun cas garantir la liberté des travailleurs. En réalité, la liberté et la démocratie n’existent que dans le concret, et jamais dans l’abstrait.

Dans une société où il y a lutte de classes, quand les classes exploiteuses ont la liberté d’exploiter les travailleurs, ceux-ci n’ont pas la liberté de se soustraire à l’exploitation ; quand la bourgeoisie jouit de la démocratie, il n’y a pas de démocratie pour le prolétariat et les autres travailleurs.

Certains pays capitalistes admettent l’existence légale de partis communistes, mais seulement dans la mesure où elle ne lèse pas les intérêts fondamentaux de la bourgeoisie ; au-delà de cette limite, ils ne la tolèrent plus.

Les gens qui revendiquent la liberté et la démocratie dans l’abstrait considèrent la démocratie comme une fin et non comme un moyen. Parfois, il semble que la démocratie soit une fin, mais en réalité elle n’est qu’un moyen. Le marxisme nous enseigne que la démocratie fait partie de la superstructure, qu’elle est du domaine de la politique. Cela signifie qu’en fin de compte la démocratie sert la base économique.

Il en est de même de la liberté. La démocratie et la liberté sont relatives et non absolues, elles sont apparues et se sont développées dans des conditions historiques spécifiques. Au sein du peuple, la démocratie est corrélative du centralisme, et la liberté, de la discipline.

Ce sont deux aspects contradictoires d’un tout unique ; ils sont en contradiction, mais en même temps unis, et nous ne devons pas souligner unilatéralement l’un de ces aspects et nier l’autre. Au sein du peuple, on ne peut se passer de liberté, mais on ne peut non plus se passer de discipline; on ne peut se passer de démocratie, mais on ne peut non plus se passer de centralisme.

Cette unité de la démocratie et du centralisme, de la liberté et de la discipline constitue notre centralisme démocratique. Sous un tel régime, le peuple jouit d’une démocratie et d’une liberté étendues, mais en même temps, il doit se tenir dans les limites de la discipline socialiste. Tout cela, les masses populaires le comprennent bien.

   Nous sommes pour une liberté qui s’accompagne d’une direction et pour une démocratie à direction centralisée, mais cela ne signifie nullement qu’on puisse recourir à la contrainte pour résoudre les questions idéologiques et les questions portant sur la distinction entre le vrai et le faux qui surgissent au sein du peuple. Tenter de résoudre ces questions au moyen d’ordres administratifs ou de la contrainte est non seulement inefficace, mais nuisible.

Nous ne pouvons supprimer la religion avec des ordres administratifs, ni forcer les gens à ne pas croire. On ne peut obliger les gens à renoncer à l’idéalisme ni à adopter le marxisme. Toute question d’ordre idéologique, toute controverse au sein du peuple ne peut être résolue que par des méthodes démocratiques, par la discussion, la critique, la persuasion et l’éducation ; on ne peut la résoudre par des méthodes coercitives et répressives.

Mais afin de pouvoir exercer une activité productrice efficace, étudier avec succès et vivre dans des conditions où règne l’ordre, le peuple exige de son gouvernement, des dirigeants de la production et des dirigeants des institutions de culture et d’éducation qu’ils émettent des ordres administratifs appropriés ayant un caractère contraignant. Le bon sens indique que sans ces derniers, il serait impossible de maintenir l’ordre dans la société.

Dans la solution des contradictions au sein du peuple, les ordres administratifs et les méthodes de persuasion et d’éducation se complètent mutuellement. Même les ordres administratifs émis pour maintenir l’ordre dans la société doivent être accompagnés d’un travail de persuasion et d’éducation, car le seul recours aux ordres administratifs est, dans bien des cas, inefficace.

   Ce procédé démocratique destiné à résoudre les contradictions au sein du peuple, nous l’avons résumé en 1942 dans la formule: « Unité – critique _ unité ». Plus explicitement, c’est partir du désir d’unité et arriver, en résolvant les contradictions par la critique ou la lutte, à une nouvelle unité reposant sur une base nouvelle. D’après notre expérience, c’est la méthode correcte pour résoudre les contradictions au sein du peuple.

En 1942, nous l’avons utilisée pour résoudre les contradictions qui existaient au sein du Parti communiste entre les dogmatiques et la masse des membres du Parti, entre le dogmatisme et le marxisme. Les dogmatiques « de gauche » avaient employé dans la lutte à l’intérieur du Parti la méthode « lutter à outrance, frapper sans merci ».

C’était une méthode erronée. En critiquant le dogmatisme « de gauche », nous n’avons pas employé cette vieille méthode ; nous en avons adopté une nouvelle : partir du désir d’unité et arriver, en distinguant le vrai du faux par la critique ou la lutte, à une nouvelle unité reposant sur une base nouvelle. C’est la méthode qui fut employée en 1942 au cours du mouvement de rectification. Quelques années plus tard, lors du VIIe Congrès du Parti communiste chinois tenu en 1945, l’unité de tout le Parti fut réalisée, ce qui permit la grande victoire de la révolution populaire.

L’essentiel est ici de partir du désir d’unité. Car s’il n’y a pas subjectivement ce désir d’unité, la lutte une fois déclenchée, les choses finissent toujours par se gâter irrémédiablement. N’est-ce pas là en revenir au fameux « lutter à outrance, frapper sans merci » ? Et que reste-t-il alors de l’unité du Parti ?

C’est justement cette expérience qui nous a conduits à la formule : « Unité – critique – unité ». En d’autres termes, « tirer la leçon des erreurs passées pour en éviter le retour et guérir la maladie pour sauver l’homme ». Nous avons étendu l’application de cette méthode au-delà des limites du Parti.

Dans les bases antijaponaises, nous l’avons utilisée pour régler avec le plus grand succès les rapports entre la direction et les masses, entre l’armée et le peuple, entre les officiers et les soldats, entre les différentes unités de l’armée, entre les différents groupes de cadres. L’emploi de cette méthode remonte à une époque encore plus ancienne dans l’histoire de notre Parti.

Lorsqu’en 1927 nous avons créé une armée et des bases révolutionnaires dans le Sud, nous en usions déjà pour régler les rapports entre le Parti et les masses, entre l’armée et le peuple, entre les officiers et les soldats, ainsi que d’autres rapports au sein du peuple. Seulement, pendant la Guerre de Résistance nous l’avons utilisée plus consciemment.

Après la libération du pays, nous avons adopté cette même méthode « Unité — critique — unité » dans nos relations avec les partis démocratiques et les milieux industriels et commerçants. Notre tâche actuelle est de continuer à en étendre l’application et à l’employer de mieux en mieux dans tout le peuple en exigeant qu’elle serve à la solution des contradictions internes dans toutes les usines, coopératives, entreprises commerciales, écoles, administrations, organisations populaires, bref, parmi nos 600 millions d’habitants.

   Dans les conditions ordinaires, les contradictions au sein du peuple ne sont pas antagonistes. Cependant, elles peuvent le devenir si on ne les règle pas d’une façon correcte ou si l’on manque de vigilance et qu’on se laisse aller à l’insouciance et à la négligence. Dans un pays socialiste, ce phénomène n’est habituellement que partiel et temporaire.

La raison en est que le système de l’exploitation de l’homme par l’homme y est supprimé et que les intérêts du peuple y sont foncièrement identiques. Les actes antagonistes qui ont pris lors des événements de Hongrie une si grande ampleur s’expliquent par le rôle que des facteurs contre-révolutionnaires intérieurs et extérieurs y ont joué.

C’est là également un phénomène temporaire, et pourtant spécifique. Les réactionnaires à l’intérieur d’un pays socialiste, de connivence avec les impérialistes, cherchent à faire aboutir leur complot en exploitant les contradictions au sein du peuple pour fomenter la division et susciter le désordre. Cette leçon des événements de Hongrie mérite notre attention.

   L’emploi de méthodes démocratiques pour résoudre les contradictions au sein du peuple paraît à beaucoup une question nouvelle.

En réalité, il n’en est rien. Les marxistes ont toujours considéré que le prolétariat ne peut accomplir son œuvre qu’en s’appuyant sur les masses populaires, que les communistes, lorsqu’ils déploient leur activité parmi les travailleurs, doivent employer les méthodes démocratiques de persuasion et d’éducation, et qu’il est absolument inadmissible de recourir à l’autoritarisme ou à la contrainte.

Le Parti communiste chinois est fidèle à ce principe marxiste-léniniste. Nous avons toujours soutenu qu’il faut, sous le régime de la dictature démocratique populaire, adopter deux méthodes différentes – la dictature et la démocratie – pour résoudre les deux types de contradictions, différents par leur nature, que sont les contradictions entre nous et nos ennemis et les contradictions au sein du peuple. Cette idée se retrouve dans beaucoup de documents de notre Parti et a été exposée par nombre de ses dirigeants.

Dans mon article « De la dictature démocratique populaire », j’écrivais en 1949 : « D’un côté, démocratie pour le peuple, de l’autre, dictature sur les réactionnaires ; ces deux aspects réunis, c’est la dictature démocratique populaire. » Je soulignais que, pour résoudre les problèmes au sein du peuple, « la méthode employée est une méthode démocratique, c’est la persuasion et non la contrainte ». Dans mon intervention devant la deuxième session du Comité national de la 1re Conférence consultative politique du Peuple chinois, tenue en juin 1950, je disais aussi :

   L’exercice de la dictature démocratique populaire implique deux méthodes : A l’égard des ennemis, celle de la dictature ; autrement dit, aussi longtemps qu’il sera nécessaire, nous ne leur permettrons pas de participer à l’activité politique, nous les obligerons à se soumettre aux lois du gouvernement populaire, nous les forcerons à travailler de leurs mains pour qu’ils se transforment en hommes nouveaux.

Par contre, à l’égard du peuple, ce n’est pas la contrainte, mais la méthode démocratique qui s’impose; autrement dit, le peuple a le droit de participer à l’activité politique; il faut employer à son égard les méthodes démocratiques, d’éducation et de persuasion, au lieu de l’obliger à faire ceci ou cela.

Cette éducation, c’est l’auto-éducation au sein du peuple ; la critique et l’autocritique en constituent la méthode fondamentale.

   Ainsi, à maintes occasions, nous avons parlé de l’emploi des méthodes démocratiques pour résoudre les contradictions au sein du peuple et nous les avons pour l’essentiel appliquées dans notre travail ; parmi les cadres et le peuple, beaucoup savent d’ailleurs les pratiquer. Pourquoi y a-t-il aujourd’hui encore des gens à qui cette question semble nouvelle ?

C’est que dans le passé la lutte entre nous et nos ennemis du dedans et du dehors était extrêmement âpre et que les gens n’accordaient pas autant d’attention que maintenant aux contradictions au sein du peuple.

   Beaucoup ne savent pas distinguer nettement ces deux types de contradictions, différents par leur caractère – contradictions entre nous et nos ennemis et contradictions au sein du peuple – et les confondent volontiers. Et il faut reconnaître qu’il est parfois facile de les confondre. Il nous est arrivé, dans notre travail, de faire de telles confusions.

Au cours de l’élimination des contre-révolutionnaires, des gens honnêtes ont été pris pour des coupables ; de tels cas se sont présentés et se présentent encore aujourd’hui. Si nous avons pu limiter nos erreurs, c’est que notre politique a été de tracer une ligne de démarcation entre nous et nos ennemis et de rectifier les erreurs dès qu’on en a eu connaissance.

   La philosophie marxiste considère que la loi de l’unité des contraires est la loi fondamentale de l’univers. Cette loi agit universellement dans la nature tout comme dans la société humaine et dans la pensée des hommes. Entre les aspects opposés de la contradiction, il y a à la fois unité et lutte, c’est cela même qui pousse les choses et les phénomènes à se mouvoir et à changer. L’existence des contradictions est universelle, mais elles revêtent un caractère différent selon le caractère des choses et des phénomènes.

Pour chaque chose ou phénomène déterminé, l’unité des contraires est conditionnée, passagère, transitoire et, pour cette raison, relative, alors que la lutte des contraires est absolue. Lénine a exposé clairement cette loi. Dans notre pays, un nombre croissant de gens la comprennent. Cependant, pour beaucoup, reconnaître cette loi est une chose et l’appliquer dans l’examen et la solution des problèmes, une autre.

Beaucoup n’osent pas reconnaître ouvertement qu’il existe encore au sein de notre peuple des contradictions, alors que ce sont précisément elles qui font avancer notre société. Beaucoup refusent d’admettre que les contradictions continuent à exister dans la société socialiste, et, lorsqu’ils se trouvent en face de contradictions sociales, ils agissent avec timidité et ne peuvent manifester aucune initiative ; ils ne comprennent pas que c’est dans l’incessant processus consistant à traiter et à résoudre avec justesse les contradictions que se renforceront toujours l’unité et la cohésion de la société socialiste.

Ainsi, il nous faut entreprendre un travail d’explication parmi notre peuple, et en premier lieu parmi les cadres, afin de les aider à comprendre les contradictions de la société socialiste et de leur apprendre à les résoudre par des méthodes justes.

   Les contradictions de la société socialiste diffèrent radicalement de celles des anciennes sociétés, comme la société capitaliste.

Les contradictions de la société capitaliste se manifestent par des antagonismes et des conflits aigus, par une lutte de classes acharnée ; elles ne peuvent être résolues par le régime capitaliste lui-même, elles ne peuvent l’être que par la révolution socialiste. Il en va tout autrement des contradictions de la société socialiste, qui ne sont pas antagonistes et peuvent être résolues une à une par le régime socialiste lui-même.

   Dans la société socialiste, les contradictions fondamentales demeurent comme par le passé la contradiction entre les rapports de production et les forces productives, la contradiction entre la superstructure et la base économique. Toutefois, ces contradictions se distinguent foncièrement, par leur caractère et leurs manifestations, des contradictions entre rapports de production et forces productives, entre superstructure et base économique dans l’ancienne société. Le régime social actuel de notre pays est de loin supérieur à celui d’autrefois. S’il n’en était pas ainsi, l’ancien régime n’aurait pas été renversé et il aurait été impossible d’instaurer le nouveau régime.

Lorsque nous disons que, par comparaison avec les anciens rapports de production, les rapports de production socialistes correspondent mieux au développement des forces productives, nous entendons par là qu’ils permettent à celles-ci de se développer à des rythmes inconnus de l’ancienne société, grâce à quoi la production ne cesse de s’étendre et satisfait progressivement les besoins toujours croissants du peuple.

Dans l’ancienne Chine dominée par l’impérialisme, le féodalisme et le capital bureaucratique, les forces productives se développaient avec une extrême lenteur. Pendant les cinquante et quelques années qui ont précédé la libération du pays, la production annuelle de l’acier, non compris celle du Nord-Est, n’a pas dépassé quelques dizaines de milliers de tonnes ; et si l’on y ajoute celle du Nord-Est, la production annuelle maximum d’acier fut à peine supérieure à 900.000 tonnes. En 1949, la production de l’acier dans tout le pays n’était que de cent mille et quelques dizaines de milliers de tonnes.

Mais sept ans seulement après la Libération, elle atteignait déjà quatre millions et plusieurs centaines de milliers de tonnes. Nous avons aujourd’hui une industrie mécanique qui existait à peine dans l’ancienne Chine, une industrie automobile et une industrie aéronautique qui n’y existaient pas du tout. Dans quelle voie devait s’engager la Chine, une fois la domination de l’impérialisme, du féodalisme et du capital bureaucratique renversée par le peuple ?

Celle du capitalisme ou celle du socialisme ? Beaucoup de gens n’y voyaient pas clair. Mais les faits nous ont apporté la réponse : seul le socialisme peut sauver la Chine. Le régime socialiste a provoqué le développement impétueux de nos forces productives; même nos ennemis de l’extérieur sont obligés de le reconnaître.

   Mais le régime socialiste vient d’être instauré dans notre pays, il n’est pas encore complètement établi ni entièrement consolidé. Dans les entreprises industrielles et commerciales mixtes, à capital privé et d’Etat, les capitalistes touchent encore un intérêt fixe, il y a donc toujours exploitation ; du point de vue de la propriété, ces entreprises n’ont pas encore un caractère entièrement socialiste.

Un certain nombre de nos coopératives agricoles de production et de nos coopératives artisanales de production ont toujours un caractère semi-socialiste ; et même dans les coopératives entièrement socialistes, il reste encore à résoudre certaines questions concernant la propriété. Entre les différentes branches de notre économie comme en chacune d’elles, des rapports conformes aux principes socialistes s’établissent graduellement en matière de production et d’échange ; et ces rapports trouvent peu à peu des formes relativement adéquates.

Dans les deux secteurs de l’économie socialiste fondés l’un sur la propriété du peuple entier et l’autre sur la propriété collective, ainsi que dans leurs rapports entre eux, l’établissement d’une juste proportion entre l’accumulation et la consommation constitue un problème complexe auquel il n’est d’ailleurs pas facile de trouver d’emblée une solution parfaitement rationnelle.

En résumé, les rapports de production socialistes sont déjà créés et ils correspondent au développement des forces productives, mais ils sont encore loin d’être parfaits et cette imperfection est en contradiction avec le développement des forces productives.

Non seulement les rapports de production correspondent au développement des forces productives tout en étant en contradiction avec lui, mais, de plus, la superstructure correspond à la base économique en même temps qu’elle est en contradiction avec elle. La superstructure – le système étatique et les lois du régime de la dictature démocratique populaire, ainsi que l’idéologie socialiste guidée par le marxisme-léninisme – joue un rôle positif en contribuant au succès des transformations socialistes et en favorisant la mise sur pied d’une organisation socialiste du travail; elle correspond à la base économique socialiste, c’est-à-dire aux rapports de production socialistes.

Mais l’existence de l’idéologie bourgeoise, d’un style bureaucratique de travail dans nos administrations et d’insuffisances dans certains maillons de nos institutions d’Etat est en contradiction avec la base économique socialiste. Nous devons constamment résoudre de telles contradictions, compte tenu des circonstances concrètes. Bien entendu, ces contradictions une fois résolues, de nouveaux problèmes viendront se poser. De nouvelles contradictions demanderont à être résolues.

Par exemple, les contradictions entre la production et les besoins de la société, qui continueront à exister pendant une période prolongée comme une réalité objective, demandent à être réglées par les plans d’Etat suivant un processus constant de rajustement. Dans notre pays, on dresse chaque année un plan économique et on établit un rapport approprié entre l’accumulation et la consommation, afin de parvenir à un équilibre entre la production et les besoins de la société.

Cet équilibre n’est autre qu’une unité passagère et relative des contraires. Un an passe, cet équilibre, considéré dans son ensemble, est rompu par la lutte des contraires; l’unité se modifie, l’équilibre se transforme en déséquilibre, l’unité cesse d’être l’unité, et il faut établir de nouveau l’équilibre et l’unité pour l’année suivante. C’est là la supériorité de notre économie planifiée. En fait, cet équilibre et cette unité sont partiellement rompus chaque mois, chaque trimestre, et cela exige des rajustements partiels.

Parfois, c’est parce que nos mesures subjectives ne correspondent pas à la réalité objective que des contradictions se font jour et que l’équilibre est rompu; c’est ce que nous appelons commettre une erreur. Des contradictions apparaissent sans cesse et sans cesse on les résout, telle est la loi dialectique du développement des choses et des phénomènes.

   La situation actuelle est la suivante : Les vastes et tempétueuses luttes de classe, menées par les masses en période révolutionnaire, sont pour l’essentiel achevées, mais la lutte des classes n’est pas encore complètement terminée ; les larges masses accueillent favorablement le nouveau régime, mais elles n’y sont pas encore très habituées; les travailleurs du gouvernement n’ont pas assez d’expérience, et ils doivent continuer à examiner et à approfondir certaines questions concernant les mesures politiques concrètes.

Cela signifie qu’il faut du temps pour que notre régime socialiste grandisse et se consolide, pour que les masses populaires s’habituent à ce nouveau régime et que nos travailleurs d’Etat puissent étudier et acquérir de l’expérience.

Il est donc tout à fait indispensable que nous soulevions aujourd’hui la question de la limite précise à tracer entre les deux types de contradictions — contradictions entre nous et nos ennemis et contradictions au sein du peuple — ainsi que la question de la juste solution à donner aux contradictions au sein du peuple, afin d’unir toutes les nationalités du pays pour un nouveau combat, la bataille engagée contre la nature, de développer notre économie et notre culture, d’aider toute la nation à traverser d’une façon relativement aisée la période actuelle de transition, de renforcer notre nouveau régime et d’édifier notre nouvel Etat.

L’élimination des contre-révolutionnaires

   L’élimination des contre-révolutionnaires est une lutte qui relève des contradictions entre nous et nos ennemis. Parmi le peuple, il y a des gens qui voient cette question un peu autrement. Deux catégories de gens ont des vues qui diffèrent des nôtres.

Ceux qui ont des vues droitistes ne font pas de différence entre nous et nos ennemis, ils prennent les ennemis pour nos propres gens. Ils considèrent comme des amis ceux que les larges masses considèrent comme des ennemis. Ceux qui ont des vues gauchistes étendent tellement le champ des contradictions entre nous et nos ennemis qu’ils y font entrer certaines contradictions au sein du peuple ; ils considèrent comme des contre-révolutionnaires des personnes qui en réalité ne le sont pas.

Ces deux points de vue sont erronés. Ils ne permettent ni l’un ni l’autre de résoudre correctement la question de l’élimination des contre-révolutionnaires, ni d’apprécier correctement notre travail dans ce domaine.

   Pour apprécier à sa juste valeur notre travail d’élimination des contre-révolutionnaires, examinons les répercussions des événements de Hongrie dans notre pays.

Ces événements ont provoqué un certain remous parmi une partie de nos intellectuels, sans pourtant soulever des tempêtes. Comment expliquer cela ? L’une des raisons en est, il faut le dire, que nous avions réussi à liquider la contre-révolution de façon assez radicale.

   Certes, la solidité de notre Etat n’est pas due en premier lieu à l’élimination des contre-révolutionnaires. Elle est due avant tout à ceci : Nous avons un parti communiste et une armée de libération aguerris par une lutte révolutionnaire de plusieurs dizaines d’années, et un peuple travailleur également aguerri par cette lutte.

Notre Parti et notre armée sont enracinés dans les masses ; ils se sont forgés au feu d’une longue lutte révolutionnaire ; ils sont aptes au combat. Notre République populaire n’a pas été créée du jour au lendemain, elle s’est développée progressivement à partir des bases révolutionnaires.

La lutte a aussi trempé à des degrés divers un certain nombre de personnalités démocrates, qui ont traversé la période d’épreuves avec nous. La lutte contre l’impérialisme et la réaction a trempé un certain nombre de nos intellectuels, et beaucoup d’entre eux, après la Libération, sont passés par l’école de la rééducation idéologique, destinée à leur apprendre à faire une distinction nette entre nous et nos ennemis.

En outre, la solidité de notre Etat est due à nos mesures économiques foncièrement justes, à la stabilité et à l’amélioration progressive des conditions de vie du peuple, à la justesse de notre politique à l’égard de la bourgeoisie nationale et des autres classes, ainsi qu’à d’autres raisons encore.

Cependant, nos succès dans la liquidation de la contre-révolution sont incontestablement une des causes importantes de la consolidation de notre Etat. Pour toutes ces raisons, il n’y a pas eu, lors des événements de Hongrie, d’agitations parmi nos étudiants qui, à part un petit nombre, sont patriotes et favorables au socialisme, bien que beaucoup d’entre eux ne soient pas issus de familles de travailleurs. Il en va de même pour la bourgeoisie nationale, et à plus forte raison pour les masses fondamentales — les ouvriers et les paysans.

   Après la Libération, nous avons éliminé un bon nombre de contre-révolutionnaires. Certains d’entre eux, qui avaient commis de grands crimes, furent condamnés à mort.

C’était tout à fait indispensable, le peuple l’exigeait et on l’a fait pour le libérer de l’oppression que faisaient peser sur lui depuis de longues années les contre-révolutionnaires et toutes sortes de tyrans locaux, autrement dit, pour libérer les forces productives. Si nous n’avions pas agi ainsi, les masses populaires n’auraient pu relever la tête.

A partir de 1956, toutefois, la situation a radicalement changé. A considérer l’ensemble du pays, le gros des contre-révolutionnaires a été éliminé. Notre tâche fondamentale n’est plus de libérer les forces productives, mais de les protéger et de les développer dans le cadre des nouveaux rapports de production.

Ne comprenant pas que notre politique actuelle correspond à la situation actuelle et que la politique appliquée dans le passé correspondait à la situation du passé, certains veulent se servir de notre politique actuelle pour remettre en question les décisions antérieures et cherchent à nier nos immenses succès dans l’élimination des contre-révolutionnaires.

Cela est complètement erroné, et les masses populaires ne le toléreront pas. Notre travail d’élimination des contre-révolutionnaires est marqué essentiellement par des succès, mais des erreurs ont aussi été commises.

Dans certains cas, il y a eu des excès, et dans d’autres, des contre-révolutionnaires ont échappé au châtiment. Notre politique en cette matière est la suivante : « Tout contre-révolutionnaire est à éliminer ; toute erreur est à corriger. » Notre ligne de conduite dans le travail d’élimination des contre-révolutionnaires, c’est la liquidation de la contre-révolution par les masses.

Certes, malgré l’application de cette ligne de masse, des fautes peuvent encore se produire dans notre travail, mais elles seront moins nombreuses et plus faciles à corriger. C’est dans la lutte que les masses s’instruisent. Si elles agissent correctement, elles acquièrent l’expérience des actions correctes ; si elles commettent des erreurs, elles en tirent la leçon.

   Là où des erreurs ont été découvertes dans notre travail d’élimination des contre-révolutionnaires, nous avons pris ou nous prenons des mesures pour les corriger. Celles qui n’ont pas encore été découvertes seront corrigées dès qu’elles viendront au jour.

Les décisions portant disculpation ou réhabilitation doivent être proclamées dans le même cadre que les décisions erronées antérieures. Je propose qu’on procède cette année ou l’année prochaine à une vérification générale du travail d’élimination des contre-révolutionnaires, afin de dresser le bilan de l’expérience acquise, de faire prévaloir ce qui est juste et de combattre les tendances malsaines.

Cette vérification, si elle relève de l’autorité centrale, doit se faire sous l’égide du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale et du Comité permanent du Comité national de la Conférence consultative politique ; et si elle relève des autorités locales, elle doit se faire sous l’égide des comités populaires provinciaux ou municipaux et des comités de la Conférence consultative politique du même échelon. Durant cette vérification, nous devons aider les nombreux cadres et éléments actifs ayant pris part au travail d’élimination, et non refroidir leur zèle.

Il serait faux de les décourager. Il n’en demeure pas moins que les erreurs, une fois découvertes, doivent être corrigées. Telle doit être l’attitude de tous les services de sécurité publique, parquets, départements judiciaires, prisons et établissements de rééducation par le travail.

Nous espérons que les membres du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale, les membres du Comité national de la Conférence consultative politique ainsi que les députés participeront à cette vérification, s’ils en ont la possibilité. Cela nous permettra de perfectionner notre législation et de traiter correctement les affaires relatives aux contre-révolutionnaires et autres criminels.

   Actuellement, en ce qui concerne les contre-révolutionnaires, la situation peut se résumer en ces mots : Il y a encore des contre-révolutionnaires, mais en petit nombre. Ce qu’il faut voir d’abord, c’est qu’il en existe encore. Certains disent qu’il n’y en a plus, que le calme règne partout, qu’on peut dormir sur ses deux oreilles. Cela ne correspond pas à la réalité. En fait, il existe encore des contre-révolutionnaires (naturellement pas partout ni dans chaque organisation) et il est encore nécessaire de poursuivre la lutte contre eux.

Il faut comprendre que les contre-révolutionnaires cachés, donc non éliminés, ne renonceront pas à leurs desseins, qu’ils chercheront toutes les occasions pour créer des troubles. Les impérialistes américains et la clique de Tchiang Kaï-chek ne cessent d’envoyer chez nous leurs agents se livrer au sabotage. Même après l’élimination de tous les contre-révolutionnaires existants, il peut encore en surgir de nouveaux. Si nous laissons s’endormir notre vigilance, nous tomberons dans de graves erreurs qui nous coûteront cher.

Partout où les contre-révolutionnaires font leur sale besogne, il faut les éliminer énergiquement. Mais, bien entendu, si nous considérons l’ensemble du pays, il n’y a plus beaucoup de contre-révolutionnaires. Il serait faux de dire qu’ils sont encore très nombreux en Chine. Admettre une telle appréciation, ce serait également créer de la confusion.

La coopération agricole

   Nous avons une population agricole de plus de 500 millions d’habitants, aussi la situation de nos paysans a-t-elle une importance extrême pour le développement de notre économie et la consolidation de notre pouvoir. J’estime que la situation est bonne pour l’essentiel. L’organisation des coopératives agricoles est chose faite, ce qui a résolu dans notre pays une contradiction majeure, celle entre l’industrialisation socialiste et l’économie agricole individuelle.

La rapidité avec laquelle s’est achevée la coopération agricole a suscité des craintes chez certains, qui se demandaient si des erreurs n’allaient pas en résulter. Il en existe certes quelques-unes, mais elles ne sont heureusement pas très graves ; dans l’ensemble, la situation est saine.

Les paysans travaillent avec beaucoup d’ardeur et, en dépit des inondations, de la sécheresse et du vent qui ont causé des dégâts plus graves l’année dernière qu’au cours des années précédentes, la production des céréales dans tout le pays a augmenté. Certaines personnes n’en ont pas moins soulevé un typhon en miniature : elles déclarent que la coopération ne vaut rien, qu’elle ne présente aucun avantage.

En fait, la coopération présente-t-elle des avantages ? Parmi les documents distribués à la séance d’aujourd’hui, il y en a un sur la coopérative de Wang Kouo-fan du district de Tsouenhoua, dans la province du Hopei ; je vous conseille de le lire. Cette coopérative est située dans une région montagneuse qui a toujours été très pauvre et où l’on vivait chaque année de l’aide en grain fournie par le gouvernement populaire. Lors de sa création, en 1953, elle fut surnommée « Coopérative des Gueux ». On lutta avec acharnement pendant quatre ans, et chaque année la situation s’améliorait ; la plupart des familles ont maintenant des réserves de grain.

Ce que la coopérative de Wang Kouo-fan est capable de faire, d’autres coopératives doivent pouvoir le faire aussi, dans les conditions normales, même s’il leur faut un peu plus de temps. Il n’y a donc aucune raison de dire que la coopération agricole ne vaut rien.

   On voit aussi par là que la création de coopératives exige nécessairement une lutte rude et difficile. C’est à travers les difficultés et les vicissitudes que grandit le nouveau. Ce serait une pure illusion de croire que sur la voie du socialisme on peut avancer sans difficultés ni détours, sans faire le maximum d’efforts, qu’il suffit de se laisser pousser par le vent et que le succès vient facilement. Qui soutient activement les coopératives ? L’écrasante majorité des paysans pauvres et des paysans moyens-pauvres qui constituent plus de 70 pour cent de la population rurale. Les autres paysans, pour la plupart, mettent également leurs espoirs dans les coopératives. Ceux qui sont réellement mécontents ne forment qu’une infime minorité.

Mais beaucoup de personnes n’ont pas analysé cette situation et n’ont pas examiné sous tous leurs aspects les succès des coopératives, ainsi que leurs insuffisances et ce qui en est la cause, elles ont pris tel aspect partiel et isolé pour l’ensemble ; de ce fait, certains ont soulevé un typhon miniature, en prétendant que les coopératives ne présentent pas d’avantages.

   Combien de temps faudra-t-il pour que les coopératives se consolident et qu’on cesse de prétendre qu’elles ne présentent pas d’avantages ? A en juger par l’expérience du développement de nombreuses coopératives, cela prendra probablement cinq ans ou un peu plus.

Actuellement, la plupart des coopératives du pays n’existent que depuis un peu plus d’un an, et il n’est pas juste d’exiger que tout y aille bien. A mon avis, si les coopératives établies au cours du premier quinquennat peuvent être consolidées au cours du second, ce sera déjà très bien.

   Nos coopératives se consolident progressivement. Certaines contradictions restent à résoudre ; par exemple, celles qui se manifestent soit entre l’Etat et les coopératives, soit à l’intérieur des coopératives ou entre les coopératives. Nous devons constamment veiller à résoudre ces contradictions sous l’angle de la production et de la répartition.

Pour la production, d’une part, l’exploitation coopérative doit se soumettre aux plans économiques uniques de l’Etat, tout en conservant une certaine souplesse et une certaine autonomie, sans toutefois porter atteinte à ces plans de l’Etat, ni à la politique et aux lois et décrets de celui-ci ; d’autre part, chaque famille qui adhère à une coopérative doit se soumettre au plan général de sa coopérative ou de son équipe de production, avec cette réserve qu’elle peut elle-même établir des plans appropriés pour sa parcelle individuelle et le reste de son exploitation personnelle.

Pour la répartition, nous devons prendre en considération à la fois les intérêts de l’Etat, de la collectivité et de l’individu. Il faut établir une proportion adéquate entre l’impôt agricole perçu par l’Etat, le fonds d’accumulation de la coopérative et les revenus personnels des paysans, et veiller à effectuer les rajustements nécessaires pour résoudre les contradictions au fur et à mesure qu’elles surgissent dans ce domaine.

L’Etat doit accumuler des fonds, et les coopératives également, mais ces accumulations ne sauraient être excessives. Nous devons faire tout notre possible pour que, dans les années de récolte normale, les revenus personnels des paysans augmentent d’année en année grâce à l’accroissement de la production.

   Beaucoup disent que la vie des paysans est dure. Est-ce vrai ? En un sens, cela est vrai. En effet, comme la Chine a été soumise pendant plus d’un siècle au joug et à l’exploitation des impérialistes et de leurs agents, elle est devenue un pays très pauvre, où le niveau de vie est bas non seulement chez les paysans, mais aussi chez les ouvriers et les intellectuels.

Pour élever progressivement le niveau de vie de tout le peuple, plusieurs dizaines d’années d’efforts ardus sont nécessaires. En ce sens, « vie dure » est l’expression qui convient.

Mais en un autre, elle est fausse, car il n’est pas vrai que dans les sept années qui se sont écoulées depuis la Libération seule la vie des ouvriers se soit améliorée et pas celle des paysans. En fait, pour les paysans comme pour les ouvriers, à l’exception d’un nombre infime de gens, la vie s’est déjà améliorée dans une certaine mesure. Depuis la Libération, les paysans ne sont plus exploités par les propriétaires fonciers et la production se développe chaque année.

Prenons par exemple les céréales. En 1949, la production des céréales dans le pays dépassait de peu 105 millions de tonnes ; or, en 1956, elle a dépassé 180 millions de tonnes, ce qui représente une augmentation de près de 75 millions de tonnes. L’impôt agricole perçu par l’Etat, qui s’élève seulement à une quinzaine de millions de tonnes par an, ne peut être considéré comme lourd.

La quantité de céréales achetée chaque année aux paysans au prix normal dépasse à peine 25 millions de tonnes. Le total de ces deux chapitres s’élève ainsi à une quarantaine de millions de tonnes. D’ailleurs, plus de la moitié de cette quantité est vendue dans les campagnes et dans les agglomérations rurales.

On ne peut donc dire que la vie des paysans ne s’est pas améliorée. Nous comptons stabiliser, durant plusieurs années, au niveau approximatif de quarante et quelques millions de tonnes par an, la quantité globale de grain constituée par l’impôt agricole et les achats faits aux paysans, afin que l’agriculture puisse se développer et les coopératives se consolider.

Ainsi, le petit nombre de familles paysannes qui n’a pas encore assez de grain n’aura plus à souffrir de ce manque et toutes les familles paysannes, à l’exception de certaines exploitations spécialisées dans les cultures industrielles, auront du grain en excédent ou suffisamment pour leurs besoins ; il n’y aura plus de paysans pauvres et tous les paysans connaîtront un niveau de vie égal ou supérieur à celui des paysans moyens. Il n’est pas juste de faire une comparaison superficielle entre les revenus annuels moyens d’un paysan et ceux d’un ouvrier et de dire qu’ils sont trop bas chez l’un et trop hauts chez l’autre.

La productivité du travail chez l’ouvrier est beaucoup plus élevée que chez le paysan, et par ailleurs le coût de la vie pour les paysans est bien moins élevé que pour les ouvriers des villes ; c’est pourquoi on ne saurait affirmer que les ouvriers bénéficient d’avantages spéciaux de la part de l’Etat.

Néanmoins, pour un petit nombre d’ouvriers et de travailleurs de l’Etat, les salaires sont un peu trop élevés, les paysans ont donc des raisons d’en être mécontents ; aussi est-il nécessaire de procéder, selon les circonstances, à quelques rajustements appropriés.

Les industriels et les commerçants

   Dans le domaine de la réforme de notre régime social, on a achevé en 1956, outre l’organisation des coopératives dans l’agriculture et l’artisanat, la transformation des entreprises de l’industrie et du commerce privés en entreprises mixtes, à capital privé et d’Etat.

L’accomplissement rapide et sans à-coups de cette tâche est étroitement lié au fait que la contradiction entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale a été traitée par nous comme une contradiction au sein du peuple. Cette contradiction de classes est-elle entièrement résolue ?

Non, elle ne l’est pas encore ; il faudra une très longue période pour qu’elle le soit tout à fait. Pourtant, il y a des gens qui disent que les capitalistes sont déjà si bien rééduqués qu’ils ne se distinguent presque plus des ouvriers, et qu’ils n’ont plus besoin de poursuivre leur rééducation.

D’autres soutiennent même que les capitalistes sont devenus meilleurs que les ouvriers. D’autres encore déclarent : Si la rééducation est nécessaire, pourquoi la classe ouvrière n’en a-t-elle pas besoin ? Ces opinions sont-elles justes ? Naturellement non.

   Quand s’édifie une société socialiste, tout le monde a besoin d’être rééduqué, les exploiteurs comme les travailleurs. Qui dit que la classe ouvrière n’a pas besoin d’être rééduquée ? La rééducation des exploiteurs et celle des travailleurs sont évidemment de deux types différents, et il ne faut pas les confondre.

Dans la lutte de classes et dans la bataille contre la nature, la classe ouvrière transforme la société dans son ensemble, et elle se transforme elle-même en même temps. La classe ouvrière doit constamment apprendre dans le cours de son travail et progressivement éliminer ses défauts; elle ne doit jamais s’arrêter.

Ainsi, nous par exemple : Beaucoup d’entre nous font quelques progrès chaque année, c’est-à-dire que, chaque année, nous nous rééduquons. Moi-même, j’avais autrefois diverses idées non marxistes ; c’est plus tard que j’ai embrassé le marxisme. J’ai étudié un peu le marxisme dans les livres et fait ainsi ma première rééducation idéologique, mais je me suis surtout transformé dans le cours d’une lutte de classes prolongée.

Et je dois continuer à étudier si je veux faire encore des progrès ; sinon, je me laisserai distancer. Les capitalistes seraient-ils si parfaits qu’ils n’auraient, eux, plus besoin de se rééduquer ?

   Certains disent que la bourgeoisie chinoise n’a plus aujourd’hui son double caractère, qu’elle n’a plus qu’un seul caractère. Est-ce vrai ? Non.

D’une part, les éléments bourgeois sont déjà devenus des membres du personnel administratif des entreprises mixtes et sont en train d’être transformés d’exploiteurs en travailleurs vivant de leur propre travail ; d’autre part, ils reçoivent encore de ces entreprises un intérêt fixe, cela signifie qu’ils n’ont pas encore rompu avec l’exploitation. Leur idéologie, leurs sentiments, leur mode de vie laissent subsister un fossé entre eux et la classe ouvrière. Comment peut-on prétendre alors qu’ils n’ont plus un double caractère ?

Même quand ils cesseront de toucher leur intérêt fixe et ne porteront plus l’étiquette de bourgeois, ils auront encore besoin de poursuivre longtemps leur rééducation idéologique. Si la bourgeoisie n’avait plus son double caractère, comme on le prétend, alors la tâche d’étudier et de se rééduquer n’existerait plus pour les capitalistes.

   Il faut dire que non seulement cette opinion ne correspond pas à la situation réelle des industriels et des commerçants, mais aussi qu’elle ne répond pas aux aspirations de la majorité d’entre eux. Ces dernières années, la plupart des industriels et des commerçants se sont mis volontiers à l’étude et ont obtenu des progrès notables.

La rééducation des industriels et des commerçants ne peut s’effectuer à fond que dans le cours de leur travail; ils doivent travailler dans les entreprises aux côtés des ouvriers et des employés, faire des entreprises le terrain même de leur rééducation. Cependant, il est également important pour eux de modifier par l’étude certaines de leurs vieilles conceptions. Cette étude doit être librement consentie.

Quand ils reviennent dans leurs entreprises, après plusieurs semaines de cours, beaucoup découvrent qu’ils trouvent plus facilement un langage commun avec les ouvriers et les représentants de la participation d’Etat, ce qui est tout au bénéfice du travail commun. Ils comprennent par leur propre expérience que la poursuite de l’étude et de la rééducation leur est profitable. L’idée qu’il n’est plus nécessaire d’étudier et de se rééduquer ne représente donc nullement le point de vue de la majorité des industriels et des commerçants, seuls pensent ainsi un petit nombre d’entre eux.

Les intellectuels

   Les contradictions au sein de notre peuple se manifestent aussi parmi les intellectuels. Plusieurs millions d’intellectuels, qui servaient autrefois l’ancienne société, sont maintenant passés au service de la société nouvelle. La question qui se pose est celle-ci : De quelle façon peuvent-ils s’adapter aux besoins de la société nouvelle et comment les aiderons-nous à y parvenir ? C’est là également une des contradictions au sein du peuple.

   Au cours des sept dernières années, la plupart de nos intellectuels ont fait des progrès notables. Ils se prononcent pour le régime socialiste. Nombre d’entre eux s’appliquent à étudier le marxisme, et certains sont devenus des communistes. Le nombre de ces derniers, quoique encore peu élevé, ne cesse d’augmenter. Evidemment, il y a encore des intellectuels qui continuent à douter du socialisme ou qui ne l’approuvent pas, mais ce n’est qu’une minorité.

   La Chine a besoin que le plus grand nombre possible d’intellectuels se mettent au service de l’oeuvre gigantesque et ardue de son édification socialiste.

Nous devons faire confiance à tous les intellectuels qui sont vraiment désireux de servir la cause du socialisme, améliorer radicalement nos rapports avec eux et les aider à résoudre tous les problèmes qui réclament une solution, afin de leur donner la possibilité de faire valoir pleinement leurs talents.

Nombre de nos camarades ne savent pas rallier à eux les intellectuels, ils se montrent rigides à leur égard, ils ne respectent pas leur travail et, dans le domaine scientifique et culturel, ils se permettent une ingérence déplacée dans les affaires dont ils n’ont pas à se mêler. Nous devons en finir avec tous ces défauts.

   Bien que la masse de nos intellectuels ait déjà fait des progrès, elle ne doit pas pour autant s’abandonner à la suffisance. Pour être pleinement au niveau des exigences de la société nouvelle et faire corps avec les ouvriers et les paysans, les intellectuels doivent poursuivre leur rééducation, se débarrasser progressivement de leur conception bourgeoise du monde et adopter la conception prolétarienne, communiste, du monde.

Le changement de conception du monde est un changement radical, et on ne peut pas dire que la plupart de nos intellectuels l’ont déjà accompli. Nous espérons que nos intellectuels continueront d’avancer et que, progressivement, dans le cours de leur travail et de leur étude, ils acquerront une conception communiste du monde, s’assimileront le marxisme-léninisme et se fondront en un tout avec les ouvriers et les paysans. Nous espérons qu’ils ne s’arrêteront pas à mi-chemin et qu’à plus forte raison ils ne feront pas marche arrière, car cela les conduirait à une impasse.

Les changements intervenus dans notre régime social et la suppression, pour l’essentiel, de la base économique de l’idéologie bourgeoise font qu’il existe pour la masse de nos intellectuels non seulement la nécessité mais aussi la possibilité de modifier leur conception du monde. Toutefois, un changement complet de la conception du monde exige un temps très long. Il nous faut y aller patiemment et éviter toute précipitation.

   En fait, il y aura nécessairement des gens qui, intérieurement, ne voudront jamais accepter le marxisme-léninisme et le communisme. Nous ne devons pas trop exiger d’eux ; tant qu’ils se soumettent aux exigences de l’Etat et poursuivent des activités honnêtes, nous devons leur donner la possibilité de se livrer à un travail approprié.

   Ces derniers temps, on a constaté un fléchissement dans le travail idéologique et politique parmi les étudiants et les intellectuels, et certaines déviations sont apparues. Il en est qui pensent apparemment qu’ils n’ont pas besoin de se soucier de la politique, de l’avenir de leur pays et des idéaux de l’humanité. A leurs yeux, le marxisme aurait fait fureur un certain temps et serait un peu passé de mode maintenant. Etant donné cette situation, il est à présent nécessaire de renforcer notre travail idéologique et politique.

Etudiants et intellectuels doivent s’appliquer à l’étude. Tout en travaillant à leur spécialité, ils doivent faire des progrès sur le plan idéologique et sur le plan politique, et pour cela étudier le marxisme, les questions politiques et les problèmes d’actualité. Sans vue politique juste, on est comme sans âme.

La rééducation idéologique était nécessaire et elle a donné des résultats positifs. Toutefois, les méthodes employées étaient un peu rudes et ont blessé certains. Cela n’est pas bien. A l’avenir, nous devons éviter ce défaut. Tous les organismes et toutes les organisations doivent assumer la responsabilité du travail idéologique et politique.

   Cette tâche incombe au Parti communiste, à la Ligue de la Jeunesse, aux organismes gouvernementaux directement intéressés, et à plus forte raison aux directeurs et aux enseignants des établissements scolaires. Notre politique dans le domaine de l’éducation doit permettre à ceux qui la reçoivent de se former sur le plan moral, intellectuel et physique pour devenir des travailleurs cultivés, ayant une conscience socialiste. Il faut mettre en honneur l’idée de construire notre pays avec diligence et économie.

Nous devons faire comprendre à toute la jeunesse que notre pays est encore très pauvre, qu’il n’est pas possible de modifier radicalement cette situation en peu de temps, que c’est seulement par leurs efforts unis que la jeunesse et tout le peuple pourront créer, de leurs propres mains, un Etat prospère et puissant en l’espace de quelques dizaines d’années.

Le régime socialiste nous a ouvert la voie vers la société idéale de demain, mais pour que celle-ci devienne une réalité, il nous faut travailler dur. Certains de nos jeunes gens pensent que, la société étant devenue socialiste, tout doit être parfait, qu’on peut y jouir d’une vie de bonheur toute faite, sans avoir à fournir d’efforts. Cette façon de voir les choses n’est pas réaliste.

Les minorités nationales

   Nos minorités nationales forment une population de plus de 30 millions d’habitants. Bien qu’elles ne constituent que les 6 pour cent de la population totale du pays, elles vivent dans de vastes régions qui s’étendent sur 50 à 60 pour cent de tout le territoire.

C’est pourquoi il est absolument nécessaire que de bons rapports s’établissent entre les Hans et les minorités nationales. La clé du problème est de surmonter le chauvinisme grand-han.

Il faut en même temps surmonter le nationalisme local partout où il existe chez les minorités nationales. Le chauvinisme grand-han comme le nationalisme local sont préjudiciables à l’union de toutes les nationalités.

Il s’agit là d’une des contradictions au sein du peuple qu’il faut résoudre. Nous avons déjà accompli un certain travail dans ce domaine et, dans la plupart des régions où vivent les minorités nationales, les relations entre nationalités se sont bien améliorées par rapport au passé ; pourtant, il reste des problèmes à régler.

Dans certaines régions, le chauvinisme grand-han et le nationalisme local existent l’un et l’autre à un degré sérieux, et cela appelle notre pleine attention. Grâce aux efforts du peuple des diverses nationalités au cours des dernières années, les réformes démocratiques et les transformations socialistes sont déjà achevées pour l’essentiel dans la plus grande partie de nos régions de minorités nationales.

Au Tibet, les réformes démocratiques n’ont pas encore commencé parce que les conditions n’y sont pas mûres. Conformément à l’accord en dix-sept points conclu entre le Gouvernement populaire central et le Gouvernement local du Tibet, la réforme du régime social y sera réalisée ; cependant, il ne faut pas se montrer impatient, la décision sur le moment où il convient de procéder à cette réforme ne pourra être prise que lorsque la grande majorité des masses tibétaines et des chefs du Tibet le jugeront possible.

La décision a maintenant été prise de ne pas appliquer de réformes durant la période du deuxième plan quinquennal. Quant à la question de savoir si ces réformes seront entreprises au cours du troisième quinquennat, elle ne pourra être résolue qu’à la lumière de la situation du moment.

Planification d’ensemble et dispositions appropriées

   Par planification d’ensemble, il faut entendre la planification qui tient compte de l’ensemble des intérêts de nos 600 millions d’habitants. Lorsque nous établissons un plan, réglons une affaire ou réfléchissons à un problème, nous devons toujours partir du fait que notre pays a 600 millions d’habitants ; en aucun cas, nous ne devons oublier cela.

Pourquoi soulevons-nous cette question ? Y aurait-il encore des gens qui ne savent pas que notre pays a 600 millions d’habitants ? On le sait, mais dans la pratique, certains l’oublient et font comme s’ils pensaient que moins il y a de personnes et plus le cercle est étroit, mieux cela vaut.

Les gens qui sont pour le « cercle étroit » vont à l’encontre de l’idée qu’il faut mettre en œuvre tous les facteurs positifs, rallier tous ceux qui peuvent être ralliés et, dans la mesure du possible, transformer les facteurs négatifs en facteurs positifs pour les mettre au service de la grande cause de l’édification de la société socialiste. J’espère que ces gens élargiront leur horizon, qu’ils reconnaîtront vraiment que notre pays a 600 millions d’habitants, que c’est un fait objectif, que c’est notre capital.

Notre pays a une forte population, c’est une bonne chose, mais, naturellement, cela implique des difficultés. Notre oeuvre d’édification se développe impétueusement dans tous les domaines; nous avons remporté d’importants succès, mais dans la période actuelle de transition, riche en grands changements sociaux, on rencontre encore beaucoup de problèmes difficiles.

Progrès et difficultés – c’est là une contradiction. Or, toute contradiction doit être et peut parfaitement être résolue. Notre principe, c’est de faire une planification d’ensemble et de prendre des dispositions appropriées.

Qu’il s’agisse des céréales, des calamités naturelles, de l’emploi, de l’éducation, des intellectuels, du front uni de toutes les forces patriotiques, des minorités nationales ou de toute autre question, nous devons partir de la nécessité d’une planification d’ensemble pour tout le peuple et prendre des dispositions appropriées, conformément aux possibilités du moment et du lieu, et après avoir consulté les représentants de tous les milieux intéressés.

En aucun cas, nous ne devons tourner le dos au travail, nous plaignant qu’il y a trop de gens, qu’ils sont arriérés et que les choses sont embarrassantes et difficiles à régler.

Ce que je viens de dire signifie-t-il que le gouvernement s’occupera lui-même de toutes les personnes et de toutes les affaires ? Evidemment non.

Les organisations populaires et les masses elles-mêmes peuvent trouver les moyens de s’occuper d’un grand nombre de gens et d’affaires. Elles sont capables de trouver beaucoup de solutions excellentes. Cela aussi entre dans le champ de notre principe de planification d’ensemble et de dispositions appropriées. Nous devons orienter dans cette voie les organisations populaires et les masses de tout le pays.

« Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » et « Coexistence à long terme et contrôle mutuel »

   Sur quelle base les mots d’ordre « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » et « Coexistence à long terme et contrôle mutuel » ont-ils été lancés ? Ils l’ont été d’après les conditions concrètes de la Chine, sur la base de la reconnaissance des différentes contradictions qui existent toujours dans la société socialiste et en raison du besoin urgent du pays d’accélérer son développement économique et culturel.

La politique « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » vise à stimuler le développement de l’art et le progrès de la science, ainsi que l’épanouissement de la culture socialiste dans notre pays.

Dans les arts, formes différentes et styles différents devraient se développer librement, et dans les sciences, les écoles différentes s’affronter librement. Il serait, à notre avis, préjudiciable au développement de l’art et de la science de recourir aux mesures administratives pour imposer tel style ou telle école et interdire tel autre style ou telle autre école.

Le vrai et le faux en art et en science est une question qui doit être résolue par la libre discussion dans les milieux artistiques et scientifiques, par la pratique de l’art et de la science et non par des méthodes simplistes.

Pour déterminer ce qui est juste et ce qui est erroné, l’épreuve du temps est souvent nécessaire. Au cours de l’Histoire, ce qui est nouveau et juste n’est souvent pas reconnu par la majorité des hommes au moment de son apparition et ne peut se développer que dans la lutte, à travers des vicissitudes.

Il arrive souvent qu’au début ce qui est juste et bon ne soit pas reconnu pour une « fleur odorante », mais considéré comme une « herbe vénéneuse ». En leur temps, la théorie de Copernic sur le système solaire et la théorie de l’évolution de Darwin furent considérées comme erronées et elles ne s’imposèrent qu’après une lutte âpre et difficile. L’histoire de notre pays offre nombre d’exemples semblables. Dans la société socialiste, les conditions nécessaires à la croissance des choses nouvelles sont foncièrement différentes, et bien meilleures que dans l’ancienne société.

Cependant, il est encore fréquent que les forces naissantes soient refoulées et des opinions raisonnables étouffées. Il arrive aussi qu’on entrave la croissance des choses nouvelles non par volonté délibérée de les étouffer, mais par manque de discernement.

   C’est pourquoi, pour déterminer ce qui est juste et ce qui est erroné en science et en art, il faut adopter une attitude prudente, encourager la libre discussion et se garder de tirer des conclusions hâtives. Nous estimons que c’est une telle attitude qui permettra d’assurer au mieux le développement de la science et de l’art.

   Le marxisme, lui aussi, s’est développé au cours de la lutte. Au début, il a fait l’objet de toutes les attaques possibles et a été assimilé à une « herbe vénéneuse ». Actuellement encore, en bien des endroits dans le monde, on ne cesse de l’attaquer et de le considérer comme une « herbe vénéneuse ». Il occupe cependant une position toute différente dans les pays socialistes. Mais même dans ces pays, il existe encore des idées non marxistes, voire antimarxistes.

Certes, en Chine, la transformation socialiste, en tant qu’elle concerne la propriété, est pratiquement achevée; les vastes et tempétueuses luttes de classe, menées par les masses en période révolutionnaire, sont pour l’essentiel terminées. Néanmoins, il subsiste des vestiges des classes renversées des propriétaires fonciers et des compradores, la bourgeoisie existe encore, et la transformation de la petite bourgeoisie ne fait que commencer. La lutte de classes n’est nullement arrivée à son terme.

La lutte de classes entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre les diverses forces politiques et entre les idéologies prolétarienne et bourgeoise sera encore longue et sujette à des vicissitudes, et par moments elle pourra même devenir très aiguë. Le prolétariat cherche à transformer le monde selon sa propre conception du monde, et la bourgeoisie, selon la sienne.

A cet égard, la question de savoir qui l’emportera, du socialisme ou du capitalisme, n’est pas encore véritablement résolue. Les marxistes demeurent une minorité aussi bien dans l’ensemble de la population que parmi les intellectuels. C’est pourquoi le marxisme doit continuer à se développer par la lutte. C’est dans la lutte seulement que le marxisme peut se développer: il en a été ainsi dans le passé, il en est ainsi dans le présent, et il en sera nécessairement ainsi à l’avenir.

Ce qui est juste se développe toujours dans un processus de lutte contre ce qui est erroné. Le vrai, le bon et le beau n’existent jamais qu’au regard du faux, du mauvais et du laid, et se développent dans la lutte contre eux. Au moment même où l’humanité rejette quelque chose de faux et accepte une vérité, une nouvelle vérité entre à son tour en lutte contre de nouvelles opinions erronées. Cette lutte ne cessera jamais. C’est la loi du développement de la vérité, et c’est évidemment aussi la loi du développement du marxisme.

   Il faudra encore un temps assez long pour décider de l’issue de la lutte idéologique entre le socialisme et le capitalisme dans notre pays.

La raison en est que l’influence de la bourgeoisie et des intellectuels venus de l’ancienne société existera longtemps encore dans notre pays et y subsistera longtemps en tant qu’idéologie de classe.

Si on ne saisit pas bien cela et à plus forte raison si on ne le comprend pas du tout, on commettra les plus graves erreurs, on méconnaîtra la nécessité de la lutte idéologique. Celle-ci se distingue des autres formes de lutte; on ne peut y appliquer que la méthode patiente du raisonnement, et non la méthode brutale de la contrainte.

Actuellement, le socialisme bénéficie dans la lutte idéologique de conditions extrêmement favorables. Les forces essentielles du pouvoir sont entre les mains du peuple travailleur, dirigé par le prolétariat.

Le Parti communiste est fort et son prestige est grand. Bien que notre travail comporte des insuffisances et des erreurs, tout homme équitable peut voir que nous sommes loyaux envers le peuple, que nous sommes à la fois déterminés et aptes à édifier notre pays de concert avec le peuple, que nous avons déjà remporté de grands succès et que nous en remporterons d’autres, encore plus importants.

Les éléments de la bourgeoisie et les intellectuels issus de l’ancienne société sont en grande majorité patriotes, ils veulent servir leur patrie socialiste en plein épanouissement et comprennent que s’ils s’écartent de la cause du socialisme et du peuple travailleur dirigé par le Parti communiste, ils ne sauront plus sur quoi s’appuyer et ils n’auront plus de brillantes perspectives d’avenir.

   On demandera : Etant donné que dans notre pays le marxisme est déjà reconnu comme idéologie directrice par la majorité des gens, peut-on le critiquer ?

Bien sûr que oui. Le marxisme est une vérité scientifique, il ne craint pas la critique. Si le marxisme craignait la critique, s’il pouvait être battu en brèche par la critique, il ne serait bon à rien. De fait, les idéalistes ne critiquent-ils pas le marxisme tous les jours et de toutes les façons possibles ?

Les gens qui s’en tiennent à des points de vue bourgeois et petits-bourgeois sans vouloir en démordre ne critiquent-ils pas le marxisme de toutes les façons possibles ? Les marxistes ne doivent pas craindre la critique, d’où qu’elle vienne. Au contraire, ils doivent s’aguerrir, progresser et gagner de nouvelles positions dans le feu de la critique, dans la tempête de la lutte. Lutter contre les idées erronées, c’est en quelque sorte se faire vacciner ; grâce à l’action du vaccin, l’immunité de l’organisme se trouve renforcée. Les plantes élevées en serre ne sauraient être robustes.

L’application de la politique « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent », loin d’affaiblir la position dirigeante du marxisme dans le domaine idéologique, la renforcera au contraire.

   Quelle politique devons-nous adopter à l’égard des idées non marxistes ? Quand il s’agit de contre-révolutionnaires avérés et d’éléments qui sapent la cause du socialisme, la question est aisée à résoudre : on les prive tout simplement de la liberté de parole.

Mais quand nous avons affaire aux idées erronées existant au sein du peuple, c’est une autre question. Peut-on bannir ces idées et ne leur laisser aucune possibilité de s’exprimer ? Bien sûr que non. Il serait non seulement inefficace, mais encore extrêmement nuisible d’adopter des méthodes simplistes pour résoudre les questions idéologiques au sein du peuple, les questions relatives à l’esprit de l’homme. On peut interdire l’expression des idées erronées, mais ces idées n’en seront pas moins là.

Et les idées justes, si elles sont cultivées en serre, si elles ne sont pas exposées au vent et à la pluie, si elles ne se sont pas immunisées, ne pourront triompher des idées erronées lorsqu’elles les affronteront. Aussi est-ce seulement par la méthode de la discussion, de la critique et de l’argumentation qu’on peut véritablement développer les idées justes, éliminer les idées erronées et résoudre les problèmes.

   L’idéologie de la bourgeoisie et celle de la petite bourgeoisie trouveront sûrement à se manifester. A coup sûr, ces deux classes s’obstineront à s’affirmer par tous les moyens, dans les questions politiques et idéologiques. Il est impossible qu’il en soit autrement.

Nous ne devons pas recourir à des méthodes de répression pour les empêcher de s’exprimer ; nous devons le leur permettre, et en même temps engager un débat avec elles et critiquer leurs idées de façon appropriée. Il est hors de doute que nous devons soumettre à la critique toute espèce d’idées erronées.

Certes, on aurait tort de ne pas critiquer les idées erronées et de les regarder tranquillement se répandre partout et s’emparer du marché -toute erreur est à critiquer, toute herbe vénéneuse est à combattre-, mais cette critique ne doit pas être dogmatique ; il faut écarter la méthode métaphysique et faire tout son possible pour employer la méthode dialectique. Une analyse scientifique et une argumentation pleinement convaincante sont ici de rigueur.

Une critique dogmatique ne donne aucun résultat. Nous combattons toute herbe vénéneuse, mais il faut distinguer avec soin ce qui est réellement herbe vénéneuse et ce qui est réellement fleur odorante. Nous devons ensemble, les masses et nous, apprendre à faire soigneusement cette distinction et, en nous servant de méthodes correctes, lutter contre les herbes vénéneuses.

   Tout en réfutant le dogmatisme, nous devons veiller à réfuter le révisionnisme. Le révisionnisme ou opportunisme de droite est un courant idéologique bourgeois; il est encore plus dangereux que le dogmatisme. Les révisionnistes ou opportunistes de droite approuvent le marxisme du bout des lèvres et attaquent eux aussi le « dogmatisme ».

Mais leurs attaques visent en fait la substance même du marxisme. Ils combattent ou dénaturent le matérialisme et la dialectique, ils combattent ou tentent d’affaiblir la dictature démocratique populaire et le rôle dirigeant du Parti communiste, ainsi que la transformation et l’édification socialistes.

Lors même que la révolution socialiste a remporté pratiquement la victoire dans notre pays, il y a encore un certain nombre de gens qui rêvent de restaurer le régime capitaliste ; ils mènent la lutte contre la classe ouvrière sur tous les fronts, y compris celui de l’idéologie. Dans cette lutte, les révisionnistes sont leurs meilleurs adjoints. Pris au pied de la lettre, les deux mots d’ordre « Que cent fleurs s’épanouissent » et « Que cent écoles rivalisent » n’ont pas un caractère de classe : ils peuvent être utilisés par le prolétariat aussi bien que par la bourgeoisie et d’autres gens.

Chaque classe, chaque couche sociale et chaque groupe social a sa notion propre des fleurs odorantes et des herbes vénéneuses. Mais alors, du point de vue des larges masses populaires, quels doivent être aujourd’hui les critères nous permettant de distinguer les fleurs odorantes et les herbes vénéneuses ?

Comment déterminer, dans le cadre de la vie politique de notre peuple, si nos paroles et nos actes sont justes ou erronés ? Nous estimons que, d’après les principes de notre Constitution et conformément à la volonté de l’immense majorité de notre peuple et aux positions politiques communes proclamées à diverses occasions par nos partis politiques, il est possible de formuler, dans leurs traits généraux, les critères que voici :

   Est juste

   1) ce qui favorise l’union du peuple de toutes les nationalités de notre pays et non ce qui provoque la division en son sein ; 2) ce qui favorise la transformation et l’édification socialistes et non ce qui nuit à cette transformation et à cette édification ; 3) ce qui favorise le renforcement de la dictature démocratique populaire et non ce qui sape ou affaiblit cette dictature ; 4) ce qui favorise le renforcement du centralisme démocratique et non ce qui le sape ou l’affaiblit ; 5) ce qui favorise le renforcement de la direction exercée par le Parti communiste et non ce qui rejette ou affaiblit cette direction ; 6) ce qui favorise la solidarité internationale socialiste et la solidarité internationale de tous les peuples pacifiques et non ce qui porte préjudice à ces deux formes de solidarité.

   De ces six critères, les plus importants sont celui de la voie socialiste et celui du rôle dirigeant du Parti. C’est en vue de développer et non d’entraver la libre discussion des divers problèmes parmi le peuple que ces six critères sont mis en avant.

Ceux qui ne les approuvent pas peuvent toujours donner leur avis et développer leurs arguments. Cependant, lorsque la majorité des gens disposera de critères nettement définis, on pourra développer la critique et l’autocritique dans une voie juste et déterminer, au moyen de ces critères, si les paroles et les actes des gens sont justes ou erronés, s’il s’agit de fleurs odorantes ou d’herbes vénéneuses.

Les critères énumérés ci-dessus sont des critères politiques. Naturellement, pour déterminer la justesse des thèses scientifiques ou la valeur artistique des œuvres d’art, il faut encore certains critères spécifiques, mais ces six critères politiques sont applicables à toute activité scientifique et artistique. Est-il possible, en effet, que dans un pays socialiste comme le nôtre il y ait une activité scientifique ou artistique utile qui soit en contradiction avec eux ?

   Les points de vue que je viens d’exposer ont pour base les conditions historiques spécifiques de la Chine. Les conditions varient suivant les pays socialistes et les partis communistes, c’est pourquoi nous estimons qu’il n’y a pour ces pays et ces partis nulle obligation de suivre nos méthodes.

   Le mot d’ordre « Coexistence à long terme et contrôle mutuel » est également le produit des conditions historiques spécifiques de notre pays. Il n’a pas été formulé subitement, il s’est élaboré pendant plusieurs années.

L’idée de la coexistence à long terme est depuis longtemps vivante chez nous. L’an dernier, lorsque le régime socialiste a été établi pour l’essentiel, ce mot d’ordre a été clairement formulé. Pourquoi faut-il admettre la coexistence prolongée des partis démocratiques de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie avec le parti de la classe ouvrière ?

Parce que nous n’avons aucune raison de ne pas appliquer la politique de la coexistence à long terme à l’égard de tous les partis politiques qui travaillent sincèrement à l’unité du peuple pour la cause du socialisme et qui jouissent de la confiance du peuple. Je disais déjà en juin 1950, à la deuxième session du Comité national de la 1re Conférence consultative politique du Peuple chinois :

   Si quelqu’un veut vraiment servir le peuple, s’il a réellement aidé le peuple dans ses moments difficiles, s’il a bien agi et continue de bien agir, sans s’arrêter à mi-chemin, le peuple et le gouvernement populaire n’auront aucune raison de le renier et de lui refuser les moyens de vivre et de servir le pays.

   Ce que je disais là constitue précisément la base politique pour la coexistence à long terme des différents partis. Coexistence prolongée du Parti communiste et des partis démocratiques, tel est notre désir, telle est aussi notre politique.

Quant à savoir si les partis démocratiques pourront exister durant une longue période, cela n’est pas simplement déterminé par le seul désir du Parti communiste, cela est aussi fonction du comportement des partis démocratiques et partant de la confiance qu’ils se voient accorder par le peuple. Le contrôle mutuel entre les partis politiques existe également depuis longtemps déjà, en ce sens qu’ils se donnent des conseils et se critiquent mutuellement.

Le contrôle mutuel n’est naturellement pas unilatéral : le Parti communiste peut contrôler les partis démocratiques, et ceux-ci peuvent aussi contrôler le Parti communiste. Pourquoi admet-on le contrôle des partis démocratiques sur le Parti communiste ? Parce qu’un parti, tout comme un individu, a grand besoin d’entendre des opinions différentes des siennes. Chacun sait que c’est le peuple travailleur et les membres du Parti qui exercent principalement le contrôle sur le Parti communiste.

Mais si les partis démocratiques font de même, le bénéfice n’en sera que plus grand. Evidemment, les conseils échangés entre les partis démocratiques et le Parti communiste et la critique réciproque ne joueront un rôle positif dans le contrôle mutuel que s’ils se conforment aux six critères politiques exposés ci-dessus.

C’est pourquoi nous espérons que les partis démocratiques accorderont l’attention nécessaire à la rééducation idéologique et rechercheront avec le Parti communiste la coexistence à long terme et le contrôle mutuel, afin de répondre aux besoins de la société nouvelle.

Les troubles créés par un petit nombre de gens

   En 1956, un petit nombre d’ouvriers et d’étudiants se sont mis en grève dans certains endroits. La cause immédiate de ces troubles était qu’on n’avait pas satisfait à certaines revendications matérielles. Quelques-unes pouvaient et auraient dû être satisfaites, d’autres, déplacées ou excessives, ne pouvaient l’être sur le moment. Mais une cause encore plus importante en était la bureaucratie des dirigeants.

La responsabilité des erreurs engendrées par cette bureaucratie doit être imputée dans certains cas aux organismes supérieurs, et on ne peut rejeter toute la faute sur les échelons inférieurs. Ces troubles avaient encore une autre cause: l’éducation idéologique et politique insuffisante des ouvriers et des étudiants. La même année, les troubles suscités par un petit nombre de membres des coopératives agricoles avaient aussi pour causes principales la bureaucratie de la direction et une éducation insuffisante des masses.

   Il faut reconnaître qu’une partie des masses a tendance à porter son attention sur des intérêts immédiats, partiels et personnels, et ne comprend pas ou ne comprend pas suffisamment ce que représentent les intérêts à long terme, d’importance nationale et collectifs.

Bon nombre de jeunes gens, par manque d’expérience politique et d’expérience de la vie sociale, ne savent pas comparer la nouvelle Chine avec l’ancienne ; ils ont du mal à comprendre à fond quelles luttes extraordinairement dures notre peuple a dû soutenir pour parvenir à se libérer du joug de l’impérialisme et des réactionnaires du Kuomintang et quelle longue période d’efforts acharnés est nécessaire pour construire une société socialiste radieuse.

C’est pourquoi il faut poursuivre sans cesse parmi les masses une éducation politique vivante et efficace, leur dire toujours la vérité sur les difficultés qui surgissent et examiner avec elles les moyens de les surmonter.

   Nous n’approuvons pas les troubles, car les contradictions au sein du peuple peuvent être résolues suivant la formule : « Unité – critique – unité », tandis que les troubles causent toujours des préjudices et ne favorisent pas les progrès du socialisme.

Nous sommes convaincus que les larges masses populaires de notre pays sont pour le socialisme, qu’elles sont hautement disciplinées, raisonnables, et que jamais elles ne participeront aux troubles sans raisons. Cependant, cela ne signifie pas que les possibilités de troubles parmi les masses soient déjà exclues dans notre pays. Sur cette question, nous devons prêter attention aux points suivants :

1) Pour liquider radicalement les causes de troubles, il faut éliminer résolument la bureaucratie, intensifier comme il se doit l’éducation idéologique et politique et régler toutes les contradictions de façon adéquate. Si ces conditions sont remplies, normalement il ne devra plus y avoir de troubles.

2) Si, par suite de notre travail défectueux, des troubles surgissent, il faut ramener sur le bon chemin les masses qui y prennent part, il faut utiliser ces troubles comme un moyen particulier pour améliorer notre travail et pour éduquer les cadres et les masses, et il faut résoudre les questions laissées en suspens. Au cours du règlement des troubles, on doit effectuer un travail minutieux, et non recourir à des méthodes simplistes, ni se hâter de déclarer l’affaire close.

Les meneurs ne doivent pas être congédiés à la légère, à l’exception de ceux qui ont transgressé la loi pénale et des contre-révolutionnaires actifs, lesquels seront traduits en justice. Dans un grand pays comme le nôtre, il n’y a pas lieu de s’alarmer si un petit nombre de gens fomentent des troubles ; ces troubles devraient plutôt nous aider à nous débarrasser de la bureaucratie.

Dans notre société, il y a également un petit nombre de gens qui, au mépris de l’intérêt public et du bon sens, enfreignent la loi et commettent des crimes. Il se pourrait qu’ils utilisent et dénaturent notre politique en présentant délibérément des exigences déraisonnables afin d’exciter les masses, ou bien qu’ils répandent à dessein des rumeurs pour créer des incidents et troubler l’ordre public.

Nous n’avons pas l’intention de laisser ces gens-là agir à leur guise. Au contraire, une action judiciaire doit être intentée contre eux. Le peuple exige qu’ils soient châtiés ; ne pas les châtier serait aller contre sa volonté.

Une chose mauvaise peut-elle se transformer en une bonne ?

   Comme je l’ai dit, dans notre société, les troubles parmi les masses sont une mauvaise chose et nous ne les approuvons pas. Cependant, de tels incidents peuvent nous inciter à en tirer des leçons, à éliminer la bureaucratie et à éduquer les cadres et les masses. En ce sens, une mauvaise chose peut se transformer en une bonne. Les désordres ont un double caractère. Ils peuvent tous être envisagés de ce point de vue.

   Les événements de Hongrie n’étaient pas une bonne chose, cela, chacun le sait. Cependant, ils ont, eux aussi, un double caractère. Parce que nos camarades hongrois ont pris de justes mesures au cours de ces événements, ceux-ci se sont transformés de chose mauvaise en chose bonne. L’Etat hongrois est maintenant plus solidement établi que par le passé, et les autres pays du camp socialiste en ont également tiré une leçon.

   De même, la campagne anticommuniste et antipopulaire menée à l’échelle mondiale dans la seconde moitié de 1956 est naturellement une mauvaise chose. Mais elle a instruit et trempé les partis communistes et la classe ouvrière des différents pays et s’est ainsi transformée en une bonne chose. Dans de nombreux pays, une partie des membres ont quitté, durant cette campagne, les partis communistes. Leur départ a fait diminuer les effectifs des partis, ce qui est naturellement une mauvaise chose. Mais elle a aussi son bon côté.

Les éléments instables n’ont pas voulu rester dans le parti communiste et l’ont quitté, mais la grande majorité de ses membres, qui sont demeurés fermes dans leurs convictions, sont encore plus solidement unis dans la lutte ; n’est-ce pas là une bonne chose ?

   Bref, nous devons apprendre à examiner les problèmes sous tous leurs aspects, à voir non seulement la face mais aussi le revers des choses et des phénomènes.

Dans des conditions déterminées, quelque chose de mauvais peut produire de bons résultats et, à son tour, quelque chose de bon peut en produire de mauvais. Il y a plus de deux mille ans, Laotse disait déjà : « Sur le malheur s’appuie le bonheur et dans le bonheur se cache le malheur. » Lorsque les Japonais ont envahi la Chine, ils ont qualifié cela de victoire. Et les Chinois ont appelé défaite la conquête par l’agresseur de vastes territoires du pays.

Cependant, dans la défaite de la Chine il y avait le germe de la victoire, et la victoire du Japon renfermait la défaite. L’histoire n’a-t-elle pas confirmé cela ? Actuellement, partout dans le monde, on discute de l’éventualité d’une troisième guerre mondiale. Nous devons être préparés psychologiquement à cette éventualité et l’envisager d’une manière analytique. Nous sommes résolument pour la paix et contre la guerre.

Mais si les impérialistes s’entêtent à déclencher une nouvelle guerre, nous ne devons pas en avoir peur. Notre attitude devant cette question est la même que devant tous les désordres : primo, nous sommes contre, et secundo, nous n’en avons pas peur. La Première guerre mondiale a été suivie par la naissance de l’Union soviétique avec une population de 200 millions d’habitants. La Seconde guerre mondiale a été suivie de la formation du camp socialiste qui englobe une population de 900 millions d’âmes.

   Il est certain que si les impérialistes s’obstinent à déclencher une troisième guerre mondiale, des centaines de millions d’hommes passeront du côté du socialisme et il ne restera pas beaucoup de place sur terre pour les impérialistes; il est même possible que le système impérialiste s’effondre complètement. Dans des conditions déterminées, chacun des deux aspects opposés d’une contradiction se transforme immanquablement en son contraire par suite de la lutte entre eux. Ici, les conditions sont importantes.

Sans des conditions déterminées, aucun des deux aspects en lutte ne peut se transformer en son contraire. De toutes les classes dans le monde, c’est le prolétariat qui désire le plus changer de situation, et ensuite, c’est le semi-prolétariat ; car le premier ne possède absolument rien et le second ne possède que bien peu.

La situation telle qu’elle existe aujourd’hui, où les Etats-Unis détiennent la majorité à l’O.N.U. et contrôlent de nombreuses régions du monde, est seulement temporaire. Un jour, elle changera nécessairement.

La situation de la Chine en tant que pays pauvre, auquel les droits sont déniés sur l’arène internationale, changera également : le pays pauvre deviendra un pays riche, l’absence de droits deviendra la plénitude des droits, c’est-à-dire qu’il se produira une conversion des choses en leur contraire. Ici, les conditions qui jouent un rôle décisif sont le régime socialiste et les efforts conjugués d’un peuple uni.

Le régime de stricte économie

   Je voudrais parler ici brièvement de la question du régime de stricte économie. Nous voulons entreprendre une édification de grande envergure, mais notre pays est encore très pauvre — il y a là une contradiction. Un des moyens pour la résoudre, c’est de déployer des efforts soutenus en faveur d’une stricte économie dans tous les domaines.

Dans le mouvement sanfan, en 1952, nous avions lutté contre la corruption, le gaspillage et la bureaucratie, l’effort principal étant porté sur la lutte contre la corruption. En 1955, nous avons préconisé une stricte économie en mettant l’accent sur la lutte contre les dépenses excessives dans les constructions de base de caractère improductif et sur l’économie de matières premières dans la production industrielle, et nous avons remporté de grands succès sur ce terrain.

Mais à ce moment-là, cette ligne de conduite n’était pas encore consciencieusement appliquée dans toutes les branches de l’économie nationale, ni dans les administrations, les unités de l’armée, les établissements d’enseignement et les organisations populaires en général. Cette année, nous demandons qu’on pratique une stricte économie et qu’on lutte contre le gaspillage dans tous les domaines de la vie du pays. Nous manquons encore d’expérience dans l’édification. Ces dernières années, de grands succès ont été obtenus, mais il y a eu également du gaspillage.

Nous devons construire progressivement bon nombre d’entreprises modernes, de grandes dimensions, pour donner à notre industrie l’ossature sans laquelle il serait impossible, en quelques dizaines d’années, de transformer notre pays en une grande puissance industrielle moderne.

Cependant, pour la majeure partie de nos entreprises, ce ne sont pas ces dimensions qui s’imposent : il faut créer davantage d’entreprises petites et moyennes, et aussi utiliser pleinement la base industrielle léguée par l’ancienne société, travailler le plus économiquement possible et faire plus de choses avec moins d’argent.

Après que la deuxième session plénière du Comité central issu du VIIIe Congrès du Parti communiste chinois, tenue en novembre dernier, eut souligné avec encore plus d’énergie le principe de la pratique d’une stricte économie et de la lutte contre le gaspillage, de bons résultats ont été obtenus au cours de ces derniers mois. Le mouvement actuel pour un régime de stricte économie doit être conséquent et durable.

La lutte contre le gaspillage, comme la critique d’autres défauts ou erreurs, peut être comparée avec l’habitude de faire sa toilette. Ne doit-on pas faire sa toilette tous les jours ?

Le Parti communiste, les partis démocratiques, les démocrates sans parti, les intellectuels, les industriels et les commerçants, les ouvriers, les paysans et les artisans, en un mot, nous tous – les 600 millions de Chinois – nous devons nous efforcer d’accroître la production, appliquer le régime de stricte économie et combattre les prodigalités et le gaspillage. Cela est d’une grande importance non seulement au point de vue économique, mais encore au point de vue politique.

Chez beaucoup de nos cadres se développent des tendances dangereuses, qui se manifestent par leur répugnance à partager avec les masses les joies et les peines et par leur souci de renom et de profits personnels. C’est très mauvais.

Au cours du mouvement pour l’accroissement de la production et la réalisation d’économies, nous devons simplifier nos organismes et transférer des cadres aux échelons inférieurs, pour qu’un grand nombre d’entre eux retournent à la production ; c’est l’une des méthodes pour surmonter ces dangereuses tendances. Il faut que les cadres et le peuple aient toujours présent à l’esprit que la Chine est un grand pays socialiste, et en même temps un pays pauvre, économiquement arriéré – c’est là une grande contradiction.

Pour que notre pays devienne prospère et puissant, plusieurs dizaines d’années d’efforts opiniâtres sont nécessaires, et parmi ces efforts, l’application d’une politique de diligence et d’économie dans l’édification du pays, politique qui implique une stricte économie et la lutte contre le gaspillage.

La voie de l’industrialisation de la Chine

   En parlant de la voie de l’industrialisation, j’ai surtout en vue les rapports entre le développement de l’industrie lourde, de l’industrie légère et de l’agriculture. Il faut souligner que l’industrie lourde est le noyau de notre édification économique. Cependant, nous devons en même temps accorder notre pleine attention au développement de l’agriculture et de l’industrie légère.

   La Chine étant un grand pays agricole, dont la population est rurale à plus de 80 pour cent, le développement de l’industrie doit aller de pair avec celui de l’agriculture.

C’est seulement ainsi que l’industrie aura des matières premières et des débouchés, qu’il sera possible d’accumuler des fonds relativement importants pour créer une puissante industrie lourde. Tout le monde sait que l’industrie légère et l’agriculture sont étroitement liées. Sans agriculture, pas d’industrie légère. Ce qui, par contre, n’est pas encore compris très clairement, c’est l’importance de l’agriculture comme débouché pour l’industrie lourde.

On le saisira toutefois mieux quand, avec le progrès de sa refonte technique et de sa modernisation, l’agriculture exigera de plus en plus de machines, d’engrais, d’ouvrages hydrauliques, d’énergie électrique et de moyens de transport, aussi bien que de combustibles et de matériaux de construction pour la population rurale.

Si, dans la période du deuxième et du troisième plan quinquennal, notre agriculture parvient à se développer encore davantage, entraînant un essor correspondant de l’industrie légère, toute l’économie nationale en profitera. Ce développement de l’agriculture et de l’industrie légère assurera des débouchés et des fonds pour l’industrie lourde et en accélérera l’expansion.

Aussi, ce qui, à première vue, peut sembler un ralentissement du rythme de l’industrialisation ne l’est pas en fait et pourrait même se traduire en définitive par une accélération. Il n’est pas impossible qu’en trois quinquennats, ou en une période un peu plus longue, la production annuelle de l’acier dans notre pays passe d’un peu plus de 900.000 tonnes – production annuelle record d’avant la Libération, atteinte en 1943 – à 20 millions de tonnes ou davantage. La population urbaine et rurale ne manquera pas de s’en réjouir.

   Je n’ai pas l’intention de parler longuement aujourd’hui des questions économiques. Nous n’avons pas encore suffisamment d’expérience dans le domaine de l’édification économique, car elle a commencé il y a sept ans à peine, il nous faut donc en acquérir davantage. Pour faire la révolution, nous n’avions pas non plus d’expérience au début, et c’est seulement après avoir fait un certain nombre de culbutes que nous en avons acquis et que nous avons remporté la victoire dans tout le pays.

Maintenant, nous devons faire en sorte que le temps nécessaire pour acquérir de l’expérience dans l’édification économique ne soit pas aussi long que celui dont nous avons eu besoin pour acquérir l’expérience de la révolution, et que cette expérience ne nous coûte pas aussi cher. Il faudra payer, bien sûr, mais espérons que le prix ne sera pas aussi élevé qu’il l’a été dans la période révolutionnaire.

Sachons comprendre qu’il existe ici une contradiction : celle entre les lois objectives du développement économique de la société socialiste et notre connaissance subjective – contradiction qui doit être résolue dans la pratique.

Elle se manifeste aussi comme une contradiction entre les hommes, c’est-à-dire entre ceux qui ont une conception relativement juste des lois objectives et ceux qui en ont une conception relativement fausse ; il s’agit là encore d’une contradiction au sein du peuple. Toute contradiction est une réalité objective, et notre tâche est de la comprendre et de la résoudre le mieux possible.

   Pour transformer la Chine en un pays industriel, nous devons étudier sérieusement l’expérience d’avant-garde de l’Union soviétique. L’Union soviétique construit le socialisme depuis quarante ans déjà, et son expérience est fort précieuse pour nous. Voyons qui a conçu et équipé pour nous tant d’usines importantes. Les Etats-Unis ? Ou la Grande-Bretagne ? Non.

Seule l’Union soviétique fait cela parce qu’elle est un pays socialiste, notre allié. A côté de l’Union soviétique, certains pays frères d’Europe orientale nous ont également donné quelque aide. Il est parfaitement vrai que nous devons étudier l’expérience positive de tous les pays, qu’ils soient socialistes ou capitalistes. Cela est incontestable. Mais l’essentiel est d’étudier celle de l’Union soviétique. Il y a deux manières d’apprendre.

L’une, dogmatique, consiste à emprunter tout, que cela convienne ou non aux conditions de notre pays. Cette manière-là n’est pas la bonne. L’autre consiste à faire travailler nos cerveaux et à apprendre ce qui convient aux conditions de notre pays, c’est-à-dire à assimiler l’expérience qui peut nous être utile. C’est celle-là que nous devons adopter.

   Renforcer notre solidarité avec l’Union soviétique et avec tous les pays socialistes, telle est notre politique fondamentale, là sont nos intérêts essentiels. Ensuite, nous devons renforcer et développer notre solidarité avec les pays d’Asie et d’Afrique, ainsi qu’avec tous les pays et tous les peuples épris de paix.

Unis à ces deux forces, nous ne serons pas isolés. Pour ce qui est des pays impérialistes, nous devons également nous unir avec leurs peuples et chercher à réaliser la coexistence pacifique avec ces pays, à faire du commerce avec eux et à empêcher une guerre éventuelle ; mais nous ne devons en aucun cas nourrir à leur égard des vues qui ne correspondent pas à la réalité.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Décision du Comité central sur la Grande Révolution culturelle prolétarienne (Décision en 16 articles)

8 Août 1966

Attribué à Mao Zedong.

1. Une nouvelle étape de la révolution socialiste

   La grande Révolution culturelle prolétarienne en cours est une grande révolution qui touche l’homme dans ce qu’il a de plus profond.

   Elle représente une nouvelle étape, marquée par une plus grande profondeur et une plus grande ampleur du développement de la révolution socialiste de notre pays.

   A la dixième session plénière du Comité central issu du VIIIe Congrès du Parti communiste chinois, le camarade Mao Tsé-toung a dit : Pour renverser un pouvoir politique, on commence toujours par préparer l’opinion publique et par agir dans le domaine idéologique.

   Cela est vrai aussi bien pour une classe révolutionnaire que pour une classe contre-révolutionnaire.

   La pratique a prouvé que cette thèse du camarade Mao Tsé-Toung est tout à fait juste.

   Bien que renversée, la bourgeoisie tente de corrompre les masses et de conquérir leur cœur au moyen de la pensée, de la culture, des mœurs et des coutumes anciennes des classes exploiteuses en vue de sa restauration.

   Le prolétariat doit faire le contraire : opposer une riposte de front à chaque défi lancé par la bourgeoisie dans le domaine idéologique et transformer la physionomie morale de toute la société avec la pensée, la culture et les mœurs et coutumes nouvelles qui sont propres au prolétariat.

   A l’heure actuelle, nous avons pour but de combattre et d’écraser les responsables engagés dans la voie capitaliste, de critiquer les « autorités » académiques réactionnaires de la bourgeoisie, de critiquer l’idéologie de la bourgeoisie et de toutes les autres classes exploiteuses, et de réformer le système d’enseignement, la littérature, l’art et toutes les autres branches de la superstructure qui ne correspondent pas à la base économique socialiste, ceci pour contribuer à la consolidation et au développement du système socialiste.

2. Le courant principal et les vicissitudes

   Les larges masses des ouvriers, paysans et soldats, des intellectuels révolutionnaires et des cadres révolutionnaires forment la force principale de cette grande Révolution culturelle.

   Un grand nombre de jeunes révolutionnaires, naguère inconnus, y sont devenus de courageux pionniers.

   Ils ont fait preuve de vigueur et de sagesse.

   Sous forme de dazibao et de grands débats, par une large et libre expression d’opinions, par une dénonciation complète et par une critique à fond, ils ont lancé une offensive résolue contre les représentants de la bourgeoisie, qu’ils agissent à découvert ou qu’ils soient dissimulés.

   Dans un mouvement révolutionnaire d’une aussi grande envergure, il est inévitable qu’ils aient telle ou telle insuffisance, mais leur orientation révolutionnaire générale a toujours été juste.

   C’est le courant principal de la grande Révolution culturelle prolétarienne.

   C’est suivant cette orientation générale que se poursuit la grande Révolution culturelle prolétarienne.

   La Révolution culturelle étant une révolution, elle se heurte inéluctablement à une résistance.

   Cette résistance vient principalement de ceux qui, après s’être infiltrés dans le Parti, parviennent à des postes de direction mais suivent la voie capitaliste.

   Elle vient aussi de la force d’anciennes habitudes de la société.

   A présent, cette résistance est encore assez forte et opiniâtre.

   Mais la grande Révolution culturelle prolétarienne est, après tout, une tendance générale irrésistible.

   Un grand nombre de faits ont montré qu’une telle résistance peut être rapidement balayée, pourvu que les masses soient pleinement mobilisées.

   Du fait que la résistance est assez forte, la lune connaîtra des flux et des reflux, voire même des reflux répétés.

   Ces flux et reflux n’ont pourtant rien de nuisible.

   Ils permettront au prolétariat et autres couches laborieuses, notamment à la jeune génération, de se tremper et d’en tirer leçons et expériences, et les aideront à comprendre que la voie révolutionnaire est tortueuse et non sans obstacle.

3. Accorder la primauté à l’audace et mobiliser sans réserve les masses

   L’issue de l’actuelle grande Révolution culturelle dépendra de l’audace de la direction du Parti à mobiliser ou non sans réserve les masses.

   Il existe à présent quatre cas différents en ce qui concerne l’attitude des organisations du Parti aux divers échelons dans leur façon de diriger le mouvement de la Révolution culturelle :

   1. Les dirigeants de l’organisation du Parti se tiennent au premier rang du mouvement et osent mobiliser sans réserve les masses.

   Accordant la primauté à l’audace, ils sont des militants communistes intrépides et de bons élèves du président Mao.

   Ils préconisent les dazibao et les grands débats ; ils encouragent les masses à dénoncer les génies malfaisants de tout acabit, et aussi à critiquer les insuffisances et les erreurs dans leur propre travail.

   Cette juste direction provient de ce qu’ils donnent la primauté à la politique prolétarienne et mettent la pensée-maotsétoung au premier plan.

   2. Pour de nombreux organismes, les responsables comprennent très mal encore leur rôle de dirigeants dans cette grande lutte, et leur direction est loin d’être sérieuse et efficace.

   Aussi se trouvent-ils dans une position faible et s’avèrent-ils incapables.

   Pour eux, c’est la crainte qui prévaut ; ils se cramponnent aux vieux règlements, ne veulent pas rompre avec les procédés routiniers ni aller de l’avant.

   Pris à l’improviste par le nouvel ordre révolutionnaire des masses, ils voient leur direction dépassée par la situation et par les masses.

   3. Dans certains organismes, les responsables ont commis telles ou telles erreurs dans leur travail quotidien.

   Plus que les autres, la crainte les hante.

   Ils redoutent que les masses ne se dressent et ne les prennent en défaut.

   En réalité, s’ils font sérieusement leur autocritique et acceptent la critique des masses, ils pourront bénéficier de la compréhension du Parti et des masses.

   Mais s’ils agissent autrement, ils continueront à commettre des erreurs et deviendront même des pierres d’achoppement pour le mouvement de masse.

   4. Pour certains autres organismes, la direction est contrôlée par des éléments qui se sont infiltrés dans le Parti, détiennent des postes de direction mais s’engagent dans la voie capitaliste.

   Ces éléments au pouvoir ont extrêmement peur d’être dénoncés par les masses ; ils cherchent par conséquent tous les prétextes pour réprimer le mouvement de masse.

   Ils recourent aux manœuvres telles que celles qui consistent à détourner les objectifs ou à faire passer pour blanc ce qui est noir, dans l’espoir de conduire le mouvement dans une mauvaise voie.

   Et quand ils se sentent très isolés et ne peuvent plus continuer à agir de la même façon, ils ont recours à d’autres intrigues en frappant les gens dans le dos, en répandant de faux bruits, en brouillant autant qu’ils le peuvent la distinction entre révolution et contre-révolution afin d’attaquer les révolutionnaires.

   Ce que le Comité central du Parti demande des comités du Parti à tous les échelons, c’est de persévérer dans la juste direction, d’accorder la primauté à l’audace, de mobiliser sans réserve les masses, d’en finir avec cet état de faiblesse et d’impuissance, d’encourager les camarades qui ont commis des erreurs, mais qui veulent les corriger, à rejeter le fardeau de leurs fautes et à se joindre à la lutte, de relever de leurs fonctions les responsables engagés dans la voie capitaliste, et de leur reprendre la direction pour la rendre aux révolutionnaires prolétariens.

4. Que les masses s’éduquent dans le mouvement

   Dans la grande Révolution culturelle prolétarienne, les masses ne peuvent que se libérer par elles-mêmes, et l’on ne peut en aucune façon agir à leur place.

   Il faut avoir confiance dans les masses, s’appuyer sur elles et respecter leur esprit d’initiative.

   Il faut rejeter la crainte et ne pas avoir peur des troubles.

   Le président Mao nous a toujours enseigné qu’une révolution ne peut s’accomplir avec tant d’élégance et de délicatesse, ou avec tant de douceur, d’amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d’âme.

   Que les masses s’éduquent dans ce grand mouvement révolutionnaire, et opèrent la distinction entre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, entre les façons d’agir correcte et incorrecte !

   Il faut utiliser pleinement la méthode des dazibao et des grands débats pour permettre de larges et francs exposés d’opinions, afin que les masses puissent exprimer leurs vues justes, critiquer les vues erronées et dénoncer tous les génies malfaisants.

   De cette façon, les larges masses pourront, dans la lutte, élever leur conscience politique, accroître leur capacité et leurs talents, distinguer ce qui est juste de ce qui ne Test pas et distinguer les ennemis qui se dissimulent parmi elles.

5. Appliquer résolument la ligne de classe du Parti

   Qui sont nos ennemis, qui sont nos amis ?

   C’est là une question d’une importance primordiale pour la révolution, c’est là également une question d’une importance primordiale pour la grande Révolution culturelle.

   La direction du Parti doit exceller à découvrir la Gauche, développer et renforcer les rangs de la Gauche et s’appuyer résolument sur la Gauche révolutionnaire.

   C’est seulement ainsi que l’on pourra, au cours du mouvement, isoler complètement

   les éléments de droite les plus réactionnaires, gagner les éléments du centre, unir la grande majorité et finalement réaliser, par ce mouvement, l’unité de plus de 95% des cadres et de plus de 95% des masses.

   Il faut concentrer les forces pour frapper la poignée de droitiers bourgeois et de révisionnistes contre-révolutionnaires ultra-réactionnaires.

   Leurs crimes d’opposition au Parti, au socialisme et à la pensée-maotsétoung doivent être dénoncés et critiqués à fond afin que ces gens soient isolés au maximum.

   Le mouvement en cours vise principalement les responsables du Parti engagés dans la voie capitaliste.

   Il faut veiller à ce qu’une stricte distinction soit farte entre les éléments de droite anti-parti et anti-socialistes et ceux qui, tout en soutenant le Parti et le socialisme, ont tenu des propos erronés ou commis des actes erronés, écrit de mauvais articles ou des œuvres dont le contenu laisse à désirer.

   Il faut veiller à ce qu’une stricte distinction sort faite entre les savants despotes réactionnaires et les « autorités » réactionnaires de la bourgeoisie d’une part, et ceux qui ont des idées académiques bourgeoises ordinaires d’autre part.

6. Résoudre correctement les contradictions au sein du peuple

   Il faut faire une stricte distinction entre les deux sortes de contradictions de nature différente : les contradictions au sein du peuple et celles entre nos ennemis et nous-mêmes.

   Les contradictions au sein du peuple ne doivent pas être traitées de la même façon que celles qui nous opposent à nos ennemis, tout comme les contradictions entre nos ennemis et nous-mêmes ne doivent pas être considérées comme des contradictions au sein du peuple.

   Il est normal qu’il y art des opinions différentes parmi les masses populaires.

   La confrontation de différentes opinions est inévitable, nécessaire et bénéfique.

   Au cours d’un débat normal mené à fond, les masses populaires sauront affirmer ce qui est juste et corriger ce qui est erroné et parviendront graduellement à l’unanimité.

   La méthode de raisonner avec farts à l’appui et celle de la persuasion par le raisonnement doivent être appliquées au cours du débat.

   Il n’est pas permis d’user de contrainte pour soumettre la minorité qui soutient des vues différentes.

   La minorité doit être protégée, parce que parfois la vérité est de son côté.

   Même si elle a des vues erronées, il lui est toujours permis de se défendre et de réserver ses opinions.

   Dans un débat, on doit avoir recours au raisonnement et non pas à la contrainte ou à la coercition.

   Au cours du débat, chaque révolutionnaire doit savoir réfléchir indépendamment et développer cet esprit communiste qui est d’oser penser, d’oser parler et d’oser agir. Dans le cadre d’une même orientation générale, les camarades révolutionnaires doivent, en vue de renforcer l’unité, éviter les discussions sans fin sur des questions secondaires.

7. Se mettre en garde contre les personnes qui cherchent à ravaler des révolutionnaires au rang de « contre-révolutionnaires »

   Des responsables de certains établissements d’enseignement, organismes ou groupes de travail ont organisé des contre-attaques visant les masses qui les ont critiqués à l’aide de dazibao.

   Ils ont même avancé des slogans selon lesquels s’opposer aux responsables d’un organisme ou d’un groupe de travail, c’est s’opposer au Comité central du Parti, c’est s’opposer au Parti et au socialisme, c’est faire de la contre-révolution.

   En agissant de la sorte, ils frapperont inévitablement des éléments actifs qui sont des révolutionnaires authentiques. C’est là une erreur d’orientation, une erreur de ligne, et cela est absolument inadmissible.

   D’aucuns, qui ont des idées gravement erronées, et, en particulier, des éléments de droite anti-parti et anti-socialistes ont profité de certaines insuffisances et erreurs apparues dans le mouvement de masse pour répandre des rumeurs et des calomnies et provoquer des troubles ; ils ravalent délibérément une partie des masses au rang de « contre-révolutionnaires ».

   Il est nécessaire de se mettre en garde contre ces pickpockets et de dévoiler à temps leurs tours.

   Aucune mesure ne doit être prise contre les étudiants et élèves des universités, instituts, écoles secondaires et primaires à propos de problèmes qui surgissent parmi eux au cours du mouvement, exception faite des contre-révolutionnaires actifs contre qui jouent des preuves évidentes et qui sont coupables de meurtre, d’incendie, d’empoisonnement, de sabotage, de vol de secrets d’Etat, etc., et dont les cas sont à régler conformément à la loi.

   Pour éviter que la lutte sort détournée de son objectif principal, il n’est pas permis d’inciter, sous quelque prétexte que ce sort, une partie des masses à lutter contre une autre partie des masses, un groupe d’étudiants contre un autre groupe d’étudiants ; même s’il s’agit de vrais éléments de droite, leurs problèmes doivent être réglés selon le cas dans la dernière étape du mouvement.

8. A propos des cadres

   Les cadres rentrent grosso modo dans les quatre catégories suivantes :

   1. bons ;

   2. relativement bons ;

   3. ceux qui ont commis de graves erreurs mais qui ne sont pas des droitiers anti-parti et anti-socialistes ;

   4. un petit nombre de droitiers anti-parti et anti-socialistes.

   D’une façon générale, les deux premières catégories (ceux qui sont bons ou relativement bons) constituent la grande majorité.

   Les droitiers anti-parti et anti-socialistes doivent être complètement dénoncés, abattus, mis hors d’état de nuire et discrédités, et leurs influences liquidées. En même temps, il leur sera indiqué une issue, de sorte qu’ils puissent rentrer dans le droit chemin.

9. A propos des groupes, des comités et des congrès de la Révolution culturelle

   Nombre de choses nouvelles ont commencé à apparaître dans le mouvement de la grande Révolution culturelle prolétarienne.

   Les groupes et les comités de la Révolution culturelle ainsi que d’autres formes d’organisation, créés par les masses dans de nombreuses écoles et de nombreux organismes, sont quelque chose de nouveau et d’une grande importance historique.

   Les groupes, les comités et congrès de la Révolution culturelle sont les meilleures formes nouvelles d’organisation dans lesquelles les masses s’éduquent elles-mêmes sous la direction du Parti communiste.

   Ils constituent un excellent pont permettant à notre Parti de maintenir des contacts étroits avec les masses. Ils sont des organes du pouvoir de la Révolution culturelle prolétarienne.

   La lutte menée par le prolétariat contre la pensée, la culture, les mœurs et les coutumes anciennes léguées par toutes les classes exploiteuses durant des millénaires couvrira nécessairement une période extrêmement longue.

   Par conséquent, les groupes, comités et congrès de la Révolution culturelle ne doivent pas être des organisations temporaires, mais des organisations de masse permanentes appelées à fonctionner longtemps.

   Ils conviennent non seulement aux établissements d’enseignement et aux organismes d’État, mais aussi, pour l’essentiel, aux usines, mines et entreprises, aux quartiers de villes et aux villages.

   Il est nécessaire d’appliquer un système d’élection générale semblable à celui de la Commune de Paris, pour élire les membres des groupes et des comités de la Révolution culturelle et les représentants aux congrès de la Révolution culturelle.

   Les listes des candidats doivent être proposées par les masses révolutionnaires après d’amples consultations, et les élections n’auront lieu qu’après des discussions répétées de ces listes par les masses.

   Les masses ont à tout moment le droit de critiquer les membres des groupes et comités de la Révolution culturelle et les représentants élus aux congrès de la Révolution culturelle.

   Les dits membres et représentants peuvent être remplacés par élection ou révoqués par les masses après discussions s’ils se montrent incompétents.

   Les groupes, comités et congrès de la Révolution culturelle dans les établissements d’enseignement doivent être composés essentiellement de représentants des étudiants et élèves révolutionnaires.

   En même temps, ils doivent comprendre un certain nombre de représentants du corps enseignant et du personnel administratif révolutionnaires.

10. Réforme de l’enseignement

   Réformer l’ancien système d’éducation ainsi que les anciens principes et méthodes d’enseignement est une tâche d’une importance extrême de la grande Révolution culturelle prolétarienne en cours.

   Le phénomène des intellectuels bourgeois dominant nos établissements d’enseignement doit complètement prendre fin au cours de cette grande Révolution culturelle.

   Dans tous les établissements d’enseignement, il faut appliquer à fond la politique formulée par le camarade Mao Tsé-toung suivant laquelle l’éducation doit être au service de la politique du prolétariat et se combiner avec le travail productif, afin que tous ceux qui reçoivent l’éducation puissent se développer moralement, intellectuellement et physiquement pour devenir des travailleurs cultivés dotés d’une conscience socialiste.

   La scolarité doit être réduite.

   Le programme d’études doit être réduit et amélioré.

   Les matières d’enseignement doivent être radicalement réformées, certaines d’entre elles doivent tout d’abord être simplifiées.

   Tout en se consacrant principalement aux études proprement dites, les élèves et étudiants doivent apprendre encore autre chose.

   En d’autres termes, ils doivent non seulement s’instruire sur le plan culturel, mais également sur celui de la production industrielle et agricole et de l’art militaire ; et ils doivent participer, chaque fois qu’elles s’engagent, aux luttes de la Révolution culturelle critiquant la bourgeoisie.

11. A propos de la critique faite nommément dans la presse

   En menant le mouvement de masse de la Révolution culturelle, nous devons bien combiner la propagation de la conception prolétarienne du monde, celle du marxisme-léninisme, de la pensée-maotsétoung avec la critique de l’idéologie bourgeoise et féodale.

   Il faut organiser la critique des représentants typiques de la bourgeoisie qui se sont infiltrés dans le Parti et des « autorités » académiques réactionnaires de la bourgeoisie ; elle porte sur toutes sortes de points de vue réactionnaires dans les domaines de la philosophie, de l’histoire, de l’économie politique, de la pédagogie, dans les œuvres littéraires et artistiques, dans la théorie littéraire et artistique et dans les sciences de la nature.

   Toute critique à faire nommément dans la presse doit être soumise aux discussions du comité du Parti au même échelon, et dans certains cas, à l’approbation du comité du Parti à l’échelon supérieur.

12. Politique à l’égard des hommes de science, des techniciens et du personnel ordinaire

   Au cours du présent mouvement il faut continuer à appliquer la politique d’ »unité-critique-unité » à l’égard des hommes de science, des techniciens et du personnel ordinaire, pourvu qu’ils soient patriotes, travaillent activement, ne s’opposent pas au Parti et au socialisme et ne soient pas de connivence avec l’étranger.

   Une attention particulière doit être accordée aux hommes de science et aux membres du personnel scientifique et technique qui se sont distingués dans leur travail.

   Quant à leur conception du monde et à leur style de travail, nous pouvons les aider à se réformer graduellement.

13. Dispositions à prendre pour la combinaison avec le mouvement d’éducation socialiste dans les villes et à la campagne

   L’effort principal du mouvement de la Révolution culturelle prolétarienne en cours porte sur les institutions culturelles et d’éducation et les organes dirigeants du Parti et du gouvernement dans les villes grandes et moyennes.

   La grande Révolution culturelle a enrichi le mouvement de l’éducation socialiste dans les villes et à la campagne et l’a porté à un niveau plus élevé.

   Il faut mener ces deux mouvements en combinant étroitement l’un avec l’autre. Des dispositions doivent être prises à cet effet par les différentes régions et les différents départements, en tenant compte de leurs conditions spécifiques.

   A la campagne et dans les entreprises établies socialiste, on peut ne pas changer les dispositions initiales et poursuivre le mouvement selon ces dispositions, si celles-ci sont adéquates et appliquées de façon satisfaisante.

   Néanmoins, les questions soulevées par la grande Révolution culturelle prolétarienne en cours doivent être soumises, au moment opportun, aux dicussions des masses, en vue de faire rayonner grandement et encore davantage l’idéologie prolétarienne et liquider complètement l’idéologie bourgeoise.

   Dans certains endroits, on prend la grande Révolution culturelle prolétarienne comme axe pour entraîner le mouvement d’éducation socialiste, afin de procéder à l’assainissement sur les plans politique, idéologique, organisationnel et économique.

   Cela peut se faire si le comité du Parti de ces endroits juge convenable cette façon d’agir.

14. Faire la révolution et promouvoir la production

   La grande Révolution culturelle prolétarienne a pour but la révolutionnarisation de la pensée de l’homme, afin que, dans tous les domaines du travail, on puisse obtenir des résultats meilleurs quant à la quantité, la rapidité, la qualité et l’économie.

   Tant que les masses sont pleinement mobilisées et que les dispositions adéquates sont prises, on peut assurer la bonne marche et de la Révolution culturelle et de la production, et garantir la bonne qualité du travail dans tous les domaines.

   La grande révolution culturelle prolétarienne constitue une puissante force motrice dans le développement des forces productives de notre société. Il est erroné d’opposer la grande Révolution culturelle au développement de la production.

15. Les forces armées

   Dans les forces armées, la Révolution culturelle et le mouvement d’éducation socialiste doivent être menés conformément aux instructions de la Commission militaire du Comité central du Parti et du Département politique général de l’Armée populaire de libération.

16. La pensée-maotsétoung est notre guide d’action dans la grande Révolution culturelle prolétarienne

   Dans la grande Révolution culturelle prolétarienne, il faut porter haut le grand drapeau rouge de la pensée-maotsétoung et mettre la politique prolétarienne au poste de commandement.

   Le mouvement d’étude et d’application vivantes des œuvres du président Mao Tsé-toung doit être développé parmi les larges masses des ouvriers, des paysans et des soldats, des cadres et des intellectuels, et la pensée-maotsétoung doit être considérée comme notre guide d’action dans la Révolution culturelle.

   Dans cette grande Révolution culturelle si complexe, il est d’autant plus nécessaire pour les comités du Parti aux différents échelons d’étudier et d’appliquer consciencieusement et de façon vivante les œuvres du président Mao.

   Ils doivent surtout étudier et étudier encore les écrits du président Mao concernant la Révolution culturelle et les méthodes de direction du Parti, tels que : « La Démocratie nouvelle », « Interventions aux causeries sur la littérature et l’art à Yenan », « De la juste solution des contradictions au sein du peuple », « Intervention à la Conférence nationale du Parti communiste chinois sur le travail de propagande », « Quelques questions sur les méthodes de direction » et « Méthodes de travail des comités du Parti ».

   Les comités du Parti aux différents échelons doivent suivre les instructions données depuis des années par le président Mao, appliquer la ligne de masse dite « partir des masses pour retourner aux masses », et se faire d’abord des élèves des masses avant de devenir leurs maîtres.

   Il faut s’efforcer d’éviter les vues unilatérales et bornées.

   Il faut encourager la dialectique matérialiste et s’opposer à la métaphysique et à la scolastique.

   Sous la direction du Comité central du Parti ayant à sa tête le camarade Mao Tsé-toung, la grande Révolution culturelle prolétarienne remportera à coup sûr une victoire grandiose.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : Bon voyage, Leighton Stuart !

18 Août 1949

[John Leighton Stuart, né en Chine en 1876, fut un fidèle agent de l’agression culturelle américaine en Chine. Il commença à travailler comme missionnaire en Chine à partir de 1905 et devint en 1919 recteur de l’Université Yenking, fondée par les États-Unis à Pékin.

Le 11 juillet 1946, il fut nommé ambassadeur des États-Unis en Chine auprès du gouvernement du Kuomintang. Il soutint activement les réactionnaires du Kuomintang dans la conduite de la guerre civile et mena diverse intrigues politiques contre le peuple chinois.

Le 2 août 1949, tous les tentatives de l’impérialisme américain pour entraver la victoire de la révolution populaire chinoise ayant définitivement échoué, Leighton Stuart dut quitter la Chine sans tambour ni trompette.]

   Il est compréhensible que la date choisie pour la publication du Livre blanc américain ait été le 5 août, moment où Leighton Stuart était parti de Nankin pour Washington, mais n’y était pas encore arrivé ; en effet, Leighton Stuart est le symbole de l’échec complet de la politique d’agression des États-Unis.

Leighton Stuart est un Américain né en Chine où ses relations sociales étaient fort étendues ; il a dirigé des années durant des écoles de missionnaires en Chine, il fut mis quelque temps en prison par les Japonais pendant la Guerre de Résistance, il affectait habituellement d’aimer la Chine aussi bien que les États-Unis et il était fort capable de jeter de la poudre aux yeux d’un bon nombre de Chinois. C’est pourquoi il fut choisi par George C. Marshall comme ambassadeur des États-Unis en Chine et devint une des figures les plus en vue du groupe Marshall.

   Aux yeux de ce groupe, il n’a qu’un seul défaut, à savoir que la période tout entière où il a été ambassadeur en Chine, comme représentant de la politique de ce groupe, est précisément la période au cours de laquelle le peuple chinois a infligé à cette politique la défaite la plus complète ; ce n’est pas là une mince responsabilité.

Il est donc tout naturel que le Livre blanc, destiné à éluder cette responsabilité, ait été publié à un moment où Leighton Stuart était en route pour Washington mais n’y était pas encore arrivé.

   La guerre visant à transformer la Chine en une colonie des États-Unis, et dans laquelle ces derniers donnent l’argent et les armes alors que Tchiang Kaï-chek fournit les hommes pour se battre au profit des États-Unis et massacrer le peuple chinois, a constitué une part importante de la politique d’agression mondiale l’impérialisme américain après la Seconde guerre mondiale.

La politique d’agression des États-Unis a plusieurs objectifs, dont les trois principaux sont l’Europe, l’Asie et l’Amérique. La Chine, centre de gravité de l’Asie, est un vaste pays peuplé de 475 millions d’habitants ; en s’emparant de la Chine, l’impérialisme américain mettrait la main sur toute l’Asie.

Son front en Asie une fois consolidé, il pourrait concentrer ses forces pour attaquer l’Europe. Quant à son front en Amérique, il le considère comme relativement solide. Voilà les beaux calculs des agresseurs américains.

   Or, en premier lieu, le peuple américain et les autres peuples du monde ne veulent pas de la guerre. En second lieu, l’attention de États-Unis a été absorbée en grande partie par la prise de conscience des peuples d’Europe, par l’apparition des Démocraties populaire en Europe orientale, et tout particulièrement par l’imposante présence de l’Union soviétique, ce rempart de la paix d’une puissance sans précédent, à cheval sur l’Europe et l’Asie, qui oppose une résistance opiniâtre à la politique d’agression des États-Unis.

En troisième lieu, et c’est là le principal, le peuple chinois a pris conscience ; le forces armées et la force organisée des masses populaires, dirigée par le Parti communiste chinois, sont devenues plus puissantes que jamais. En conséquence, la clique régnante de l’impérialisme américain s’est vue obligée de renoncer à une politique de grandes attaques armées directes contre la Chine et d’adopter une politique consistant à aider Tchiang Kaï-chek à faire la guerre civile.

   Des forces navales, terrestres et aériennes des États-Unis ont, en fait, participé à la guerre en Chine. Il y avait des bases navales américaines à Tsingtao, à Changhaï et au Taïwan. Des troupes américaines étaient stationnées à Peiping, Tientsin, Tangchan, Tsinhouangtao, Tsingtao, Changhaï et Nankin. Les forces aériennes des États-Unis contrôlaient l’espace aérien de toute la Chine et ont photographié toutes les régions stratégiques du pays pour établir des cartes militaires.

A Anping près de Peiping, à Kieoutai près de Tchang-tchouen, à Tangchan et dans la péninsule de Kiaotong, des troupes ou du personnel militaire des États-Unis se sont heurtés à l’Armée populaire de Libération qui, à plusieurs occasions, a fait des prisonniers.

[A la suite de la capitulation du Japon en 1945, des troupes américaines, ayant pour but d’entreprendre une agression contre le territoire de la Chine et de porter atteinte à sa souveraineté ainsi que de s’ingérer dans ses affaires intérieures, débarquèrent en Chine et tinrent garnison à Peiping, Changhaï, Nankin, Tientsin, Tangchan, Kaiping, Tsinhouangtao, Tsinghai, Tsingtao et en d’autres lieux. De plus, elles firent de continuelles incursions dans les régions libérées.

Le 29 juillet 1946, les troupes américaines à Tientsin, coopérant avec les troupes de la bande de Tchiang Kaï-chek, attaquèrent Anping, district de Hsiangho, province du Hopei ; c’est l’incident d’Anping dont il est question dans le texte.

Le 1er mars 1947, des troupes américaines firent une reconnaissance militaire des positions de l’Armée populaire de Libération à Hohsipao, situé entre Tchangtchouen et Kieoutai en Chine du Nord-Est. C’est l’incident de Kieoutai. Le 16 juin 1946, les troupes américaines à Tangchan, province du Hopei, firent un raid contre Songkiaying et d’autres localités ; en juillet, elles exécutèrent un raid contre le village de Sanho, district de Louanhsien, et le village de Sihonan, district de Tchangli, tous deux près de Tangchan.

C’est l’Incident de Tangchan. Parmi les nombreuses attaques contre la péninsule de Kiaotong, les plus connues sont les deux suivantes : l’une lancée le 28 août 1947 par des avions et des navires de guerre américains contre Langnouankeou et l’île de Siaoli, district de Meouping, et l’autre lancée le 25 décembre 1947 contre le village de Wanglintao, situé au nord du district de Tsimo, par des forces américaines coopérant avec les troupes de la bande de Tchiang Kaï-chek.

A tous ces actes d’agression des forces américaines contre les régions libérées, l’Armée populaire de Libération de Chine ou les forces armée populaires locales opposèrent une juste et sévère action de légitime défense.]

   Les escadrilles de Chennault ont pris une large part à la guerre civile.

[Claire Lee Chennault fut conseiller américain auprès de l’armée de l’air du gouvernement du Kuomintang.

Après la capitulation du Japon, il organisa, avec une partie du personnel de la 14° Air Force américaine, des escadrilles de transport aérien pour aider le Kuornintang à faire la guerre civile ; ses escadrilles prirent même une part directe dans les raids criminels de reconnaissance et de bombardement sur les régions libérées.]

Non seulement l’aviation américaine a transporté des troupes pour Tchiang Kaï-chek, elle a aussi bombardé et coulé le croiseur Tchongking qui s’était mutiné contre le Kuomintang.

Dans tous ces cas, il s’agit d’actes de participation directe à la guerre, à ceci près que cette participation n’a pas encore fait l’objet d’une déclaration ouverte, ni n’a pris une grande envergure, la méthode principale d’agression employée par les États-Unis étant d’aider Tchiang Kaï-chek à faire la guerre civile en lui fournissant en abondance d l’argent, des armes et des conseillers.

   Ce qui détermina les États-Unis à recourir à cette méthode, ce fut la situation objective en Chine et dans le reste du monde, et non le fait que le groupe Truman-Marshall, clique régnante de l’impérialisme américain, n’eût pas désiré déclencher une agression directe contre la Chine. En outre, au moment où les États-Unis ont commencé à aider Tchiang Kaï-chek à faire la guerre civile, une comédie fut mise en scène où ils jouèrent le rôle de médiateur dans le conflit qui opposait le Kuomintang au Parti communiste ; ce fut une tentative d’amollir la volonté du Parti communiste chinois, de tromper le peuple chinois et d’arriver ainsi, sans coup férir, à contrôler toute la Chine. Les négociations de paix échouèrent, la tromperie fit faillite et le rideau se leva sur la guerre.

   Libéraux ou « individualistes démocrates » qui nourrissez des illusions sur les États-Unis et avez la mémoire courte, lisez, s’il vous plaît, ces propos d’Acheson :

   « Quand vint la paix, les États-Unis se trouvèrent en Chine devant trois possibilités : 1) ils pouvaient se retirer purement et simplement ; 2) ils pouvaient intervenir militairement sur une grande échelle pour prêter main-forte aux nationalistes dans la destruction des communistes ; 3) ils pouvaient enfin, tout en aidant les nationalistes à asseoir leur autorité sur la. plus grande étendue possible du territoire chinois, s’efforcer d’éviter la guerre civile en travaillant à un compromis entre les deux parties. »

   Pourquoi la première politique ne fut-elle pas adoptée ? Acheson dit :

   « La première possibilité, et je crois que l’opinion publique américaine jugeait alors ainsi, aurait représenté l’abandon de nos responsabilités internationales et de notre politique traditionnelle d’amitié pour la Chine avant que nous eussions fait un effort déterminé qui fût de quelque secours. »

   Il en est donc ainsi : Les « responsabilités internationales » des États-Unis et leur « politique traditionnelle d’amitié pour la Chine » ne sont rien d’autre que leur intervention en Chine. L’intervention est appelée acceptation des responsabilités internationales et témoignage d’amitié pour la Chine ; quant à la non-intervention, il n’en est pas question. Sur ce point, Acheson salit l’opinion publique américaine ; celle dont il parle est « l’opinion publique » de Wall Street, et non l’opinion publique du peuple américain.

   Pourquoi la seconde politique ne fut-elle pas adoptée ? Acheson dit :

   « La seconde politique possible, bien qu’elle puisse, théoriquement et rétrospectivement, paraître séduisante, était totalement impraticable. Les nationalistes avaient été incapables d’anéantir les communistes durant les dix années précédant la guerre.

Or, après la guerre, les nationalistes étaient, nous l’avons déjà montré affaiblis, démoralisés et impopulaires. Ils avaient rapidement perdu le soutien du peuple et leur prestige dans les régions reprises aux Japonais, par suite du comportement de leurs fonctionnaires civils et militaires.

Par contre, les communistes étaient beaucoup plus forts qu’ils ne l’avaient jamais été et contrôlaient la plus grande partie de la Chine du Nord. Étant donné l’incapacité des forces nationalistes, qui devait plus tard être tragiquement démontrée, les communistes n’auraient probablement plus en être délogés que par les forces américaines.

Il est évident que le peuple américain n’aurait pas approuvé un engagement aussi colossal de nos armées, en 1945 ou plus tard. Nous en sommes donc venus à la troisième politique possible… »

   Excellente idée ! Les États-Unis donnent l’argent et les arme et Tchiang Kaï-chek fournit les hommes pour se battre au profit de États-Unis et massacrer le peuple chinois, dans le but d’« anéantir le communistes » et de faire de la Chine une colonie des États-Unis, en sorte que ces derniers puissent s’acquitter de leurs « responsabilités internationales » et mettre à exécution leur « politique traditionnelle d’amitié pour la Chine ».

   Bien que le Kuomintang fût corrompu et incapable, « démoralisé et impopulaire », les États-Unis ne lui en ont pas moins donné de l’argent et des armes pour qu’il fît la guerre. Une intervention directe par les armes était opportune « théoriquement ». Pour les gouvernants américains, elle semble l’être aussi « rétrospectivement ».

C’est qu’une pareille entreprise aurait été vraiment intéressante et pouvait même « paraître séduisante », mais elle n’aurait pas été possible en pratique, car « il est évident que le peuple américain ne l’aurait pas approuvée ».

Ce n’est pas que le groupe impérialiste de Trumann, Marshall, Acheson et autres ne l’eût pas désirée − il la désirait très vivement −, mais la situation en Chine, aux États-Unis et aussi dans l’ensemble du monde (un point dont Acheson n’a pas parlé) ne la permettait pas ; faute de mieux, ce groupe dut prendre la troisième voie.

   Que ceux d’entre les Chinois qui croient qu’« on peut remporter la victoire même sans l’aide internationale » écoutent ! Acheson est en train de vous faire une leçon.

C’est un bon professeur, qui donne des leçons gratuites, il dit toute la vérité avec un zèle infatigable, il ne dissimule rien. Les États-Unis se sont abstenus d’envoyer des forces importantes pour attaquer la Chine, non que le gouvernement des États-Unis ne le désirât pas, mais parce qu’il avait des raisons d’hésiter. Premièrement, il craignait l’opposition du peuple chinois et il avait peur de s’enliser dans un bourbier dont il ne pourrait plus sortir.

Deuxièmement, il craignait l’opposition du peuple américain et il n’osa pas décréter la mobilisation. Troisièmement, il craignait l’opposition des peuples de l’Union soviétique, d’Europe et des autres pays du monde ; il se serait exposé à la condamnation universelle.

   La charmante franchise d’Acheson a des limites, il ne tient pas à parler de la troisième raison. C’est qu’il a peur de perdre la face devant l’Union soviétique, c’est qu’il craint que le plan Marshall en Europe, qui est déjà un échec malgré les allégations contraires, ne finisse lamentablement par s’effondrer tout à fait.

   Que ceux d’entre les Chinois qui sont des libéraux ou individualistes démocrates aux idées confuses et à courte vue écoutent ! Acheson est en train de vous faire une leçon ; c’est un bon professeur pour vous.

Il a balayé d’un seul coup vos rêves d’humanité, de justice et de vertu américaines. N’en est-il pas ainsi ? Pouvez-vous trouver la moindre trace d’humanité, de justice ou de vertu dans le Livre blanc ou dans la lettre d’Acheson ?

   Certes, les États-Unis ont la science et la technique. Mais malheureusement elles sont dans les mains des capitalistes et non dans celles du peuple, et elles sont employées, dans le pays, à exploiter et à opprimer le peuple et, à l’étranger, à perpétrer des agressions et à massacrer.

Il y a aussi la « démocratie » aux États-Unis, mais malheureusement elle n’est qu’un autre nom de la dictature d’une seule classe, la bourgeoisie. Les États-Unis ont beaucoup d’argent, mais malheureusement ils ne veulent en donner qu’à la clique réactionnaire de Tchiang Kaï-chek, qui est pourrie jusqu’à la moelle.

Les États-Unis sont bien disposés, paraît-il, à donner aujourd’hui comme dans l’avenir de l’argent à leur cinquième colonne en Chine, mais ne tiennent pas à en donner au commun des libéraux ou individualistes démocrates, beaucoup trop plongés dans les livres et incapables d’apprécier les faveurs ; naturellement, les États-Unis tiennent encore moins à donner de l’argent aux communistes.

De l’argent, disent-ils, on peut vous en donner, mais il y a une condition. Laquelle ? Marcher avec nous. Les Américains ont répandu un peu de farine de secours à Peiping, Tientsin et Changhaï, pour voir qui se courbera pour en ramasser. Comme Kiang Tai Kong quand il pêchait, ils ont lancé la ligne pour le poisson qui veut se faire prendre. Mais celui qui avale une pitance distribuée avec mépris aura mal au ventre.

[Kiang Tai Kong vécut sous la dynastie des Tcheou. Selon une légende populaire, il allait pêcher sur la rivière Weichouei en tenant une ligne avec un hameçon sans crochet et sans appât à trois pieds au-dessus de l’eau, et en disant : « Que le poisson destiné à être pris morde ! » Voir Récits sur l’expédition du roi Wou contre la dynastie des Yin.

« Pitance distribuée avec mépris » rappelle les aumônes que l’on tend à quelqu’un pour lui faire un affront. C’est une allusion à une anecdote du Livre des rites dans laquelle il est question d’un homme affamé de la principauté de Tsi, qui aima mieux mourir de faim que d’accepter la pitance qu’on lui donnait d’une manière injurieuse.]

   Nous autres Chinois, nous avons du caractère. Beaucoup de ceux qui étaient jadis des libéraux ou individualistes démocrates se sont dressés, face aux impérialistes américains et à leurs valets, les réactionnaires du Kuomintang. Wen Yi-touo se dressa, frappant du poing sur la table, fit face avec colère aux pistolets du Kuomintang et préféra la mort à la soumission. Tchou Tse-tsing, quoique gravement malade, aima mieux mourir de faim que d’accepter des « denrées de secours » américaines.

[Tchou Tse-tsing (1898-1948), homme de lettres chinois et professeur d’université. Après la Guerre de Résistance, il apporta un appui actif au mouvement des étudiants contre la domination de Tchiang Kaï-chek.

En juin 1948, il donna sa signature à la déclaration qui protestait contre la renaissance, encouragée par les États-Unis, du militarisme japonais, et qui exprimait le refus d’accepter la farine du « secours américain ». Il vivait alors dans une grande pauvreté. Il mourut à Peiping le 12 août 1948 de misère et de maladie, mais jusque sur son lit de mort il enjoignit encore à sa famille de ne pas acheter sa ration de farine américaine, distribuée par le gouvernement du Kuomintang.]

Han Yu de la dynastie des Tang a écrit un « Panégyrique de Po Yi » ; il y glorifiait un homme ayant pas mal d’idées « individualistes démocratiques » et qui se déroba à son devoir envers le peuple de son pays, abandonna son poste et s’opposa à la guerre populaire de libération de ce temps-là, conduite par le roi Wou. Han Yu a eu tort de louer Po Yi.

[Han Yu (768-824) fut . un écrivain célèbre de la dynastie des Tang. Le « Panégyrique de Po Yi » est un morceau en prose écrit par lui. Po Yi, qui vivait vers la fin de la dynastie des Yin, s’opposa à l’expédition du roi Wou des Tcheou contre la maison des Yin. Après la chute de la dynastie des Yin, il se réfugia dans le mont Cheouyang et mourut de faim plutôt que de se nourrir du grain des Tcheou.]

Nous devrions plutôt écrire des panégyriques de Wen Yi-touo et de Tchou Tse-tsing, qui ont donné la preuve de l’esprit héroïque de notre nation.

   Qu’importe si nous devons affronter quelques difficultés ! Que les États-Unis nous imposent le blocus ! Qu’ils le maintiennent huit ou dix ans, et alors tous les problèmes de la Chine auront été résolus ! Les Chinois trembleront ils devant des difficultés, alors que la mort· même ne leur fait pas peur ? Lao Tse a dit : « Le peuple ne craint pas la mort, pourquoi l’en menacer ? »

L’impérialisme américain et ses valets, les réactionnaires de Tchiang Kaï-chek, ne nous ont pas seulement « menacés » de mort, ils ont réellement fait mourir beaucoup d’entre nous.

A côté d’hommes comme Wen Yi-touo, ils ont tué de millions de Chinois, au cours des trois années écoulées, avec des arme américaines : carabines, mitrailleuses, mortiers, lance-fusées, obusiers, tanks, avions, bombes. Cette situation arrive maintenant à son terme. Ils connaissent la défaite. Ce n’est pas eux qui lancent main tenant des attaques contre nous, c’est nous qui les attaquons. Il n’en ont plus pour longtemps.

[Wen Yi-touo (1899-1946), célèbre poète chinois, savant et professeur d’université. Animé d’une haine profonde contre la réaction et la corruption du gouvernement de Tchiang Kaï-chek, il prit, à partir de 1943, une part active à la lutte pour la démocratie.

Après la Guerre de Résistance contre le Japon, il s’éleva vigoureusement contre la collusion du Kuomintang avec l’impérialisme américain dont l’objectif était de déclencher la guerre civile contre le peuple. Le 15 juillet 1946, il fut assassiné à Kunming par les bandits du Kuomintang.]

   C’est vrai, les quelques problème qu’ils nous laissent, tels que le blocus, le chômage, la famine, l’inflation et les prix qui montent, sont des difficultés, mais déjà nous avons commencé à respirer plus librement qu’au cours des trois années écoulées. Nous sommes sortis victorieux de l’épreuve des trois dernières années, pourquoi ne pourrions-nous pas surmonter les quelques difficultés d’aujourd’hui ? Pourquoi ne pourrions-nous pas vivre sans les États-Unis ?

   Quand !’Armée populaire de Libération traversa le Yangtsé, le gouvernement de Nankin, ce gouvernement colonial américain, se sauva à la débandade. Mais Son excellence l’ambassadeur Stuart ne bougea point de sa place, l’œil au guet, dans l’espoir de rouvrir boutique sous une nouvelle enseigne ce de faire un nouveau coup de filet.

Or, que vit-il ? A part l’Armée populaire de Libération qui passait devant lui, colonne après colonne, et les ouvriers, paysans et étudiants qui se levaient en foule nombreuse, il vit encore quelque chose : Les libéraux ou individualistes démocrates chinois, sortis en force, criaient des mots d’ordre avec les ouvriers, les paysans, les soldats et les étudiants et parlaient eux aussi de révolution. Bref, il fut laissé à l’écart, « triste et seul, le corps et l’ombre se consolant l’un l’autre ».

[Citation tirée du Mémoire présenté à l’Empereur de Li Mi (224-287).]

Comme il n’avait plus rien à faire, il dut prendre la route, sa serviette sous le bras.

   Il y a encore en Chine des intellectuels et d’autres personnes qui ont des idées confuses et des illusions sur les États-Unis. Aussi devons-nous les convaincre, les gagner à nous, les éduquer et nous unir avec eux, pour qu’ils se rangent aux côtés du peuple, au lieu de tomber dans les pièges tendus par l’impérialisme.

Mais le prestige de l’impérialisme américain parmi le peuple chinois a fait complètement faillite, et le Livre blanc américain est le procès-verbal de cette faillite. Les progressistes doivent faire bon usage du Livre blanc pour éduquer le peuple chinois.

   Leighton Stuart est parti et le Livre blanc est arrivé. Très bien.

   Très bien. Les deux événements méritent d’être célébrés.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : Problèmes stratégiques de la guerre de partisans contre le Japon

Mai 1938

I. Pourquoi posons-nous les problèmes stratégiques de la guerre de partisans ?

   Dans la Guerre de Résistance contre le Japon, la guerre régulière joue le rôle principal, et la guerre de partisans un rôle auxiliaire. Nous avons déjà résolu correctement ce problème. Dès lors, seuls des problèmes tactiques semblent se poser dans la guerre de partisans ; pourquoi posons-nous donc aussi les problèmes de stratégie ?

Si la Chine était un petit pays, où le rôle des opérations de partisans se réduit à appuyer, directement et à courte distance, les opérations des troupes régulières au cours des campagnes, évidemment il ne se poserait que des problèmes tactiques, et il ne serait aucunement question de stratégie.

D’un autre côté, si la Chine était un pays aussi puissant que l’Union soviétique, de sorte que tout envahisseur pourrait en être chassé rapidement ou qu’il ne serait pas en mesure d’y occuper un vaste territoire même s’il y restait plus longtemps, les opérations de partisans ne joueraient également qu’un rôle d’appui au cours des campagnes, et il est évident que seuls des problèmes tactiques se poseraient, et qu’il ne serait pas question de stratégie.

   Cependant, les circonstances suivantes font que des problèmes stratégiques se posent dans la guerre de partisans : la Chine n’est pas un petit pays, elle n’est pas non plus un pays comme l’Union soviétique ; la Chine est un pays grand, mais faible. Ce pays grand mais faible est attaqué par un autre pays, petit, mais fort ; cependant, il connaît actuellement une époque de progrès : là est toute la question.

   En raison de cette situation, notre ennemi a pu occuper un territoire très vaste, et la guerre a pris le caractère d’une guerre de longue durée.

   Le territoire envahi par l’ennemi dans notre grand pays est très vaste, mais du fait que nous avons pour ennemi un petit pays qui n’a pas de forces armées suffisantes et que, dans le territoire qu’il a envahi, beaucoup de régions échappent à son contrôle, la guerre de partisans antijaponaise consistera essentiellement non pas en des opérations à l’intérieur des lignes pour appuyer les opérations de campagne de l’armée régulière, mais en des opérations indépendantes, à l’extérieur des lignes.

   En outre, du fait que la Chine connaît une époque de progrès, c’est-à-dire qu’il existe en Chine une puissante armée et de larges masses populaires dirigées par le Parti communiste, la guerre de partisans antijaponaise sera une guerre non pas de petite, mais de grande envergure. De là naît tout un ensemble de problèmes tels que la défense stratégique et l’attaque stratégique.

Comme la guerre sera longue et par conséquent acharnée, la guerre de partisans doit accomplir un grand nombre de tâches inhabituelles ; ainsi se posent également les problèmes des bases d’appui, du passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement, etc.

   Il en résulte que la guerre de partisans antijaponaise en Chine sort du cadre de la tactique et frappe à la porte de la stratégie ; ainsi, l’examen de la question de la guerre de partisans sous l’angle de la stratégie s’avère indispensable.

Il est à noter en particulier qu’une guerre de partisans aussi étendue et d’aussi longue durée est quelque chose de fort nouveau dans toute l’histoire des guerres, quelque chose qu’on ne saurait séparer de l’époque où nous vivons ? les années 30 et 40 du XXe siècle ? ni de l’existence du Parti communiste et de l’Armée rouge.

   Là est le nœud de la question. Sans doute, notre ennemi caresse encore de beaux rêves en se comparant aux Mongols qui avaient asservi la Chine au temps de la dynastie des Song, aux Mandchous qui avaient assujetti la Chine des Ming, aux Anglais qui avaient pris l’Amérique du Nord et l’Inde, aux conquérants des pays latins qui avaient occupé l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, etc.

   De tels rêves n’ont plus de valeur pratique dans la Chine d’aujourd’hui, car elle présente certains facteurs qui n’existaient pas lors des événements historiques qu’on vient d’évoquer. L’un de ces facteurs est cette guerre de partisans, qui constitue un fait fort nouveau. Si notre ennemi néglige ce facteur, il le paiera cher. C’est la raison pour laquelle les opérations de partisans antijaponaises doivent être examinées sous l’angle de la stratégie, bien qu’elles ne jouent qu’un rôle auxiliaire dans l’ensemble de la Guerre de Résistance.

   Alors, pourquoi n’appliquerait-on pas aux opérations de partisans les principes stratégiques généraux de la Guerre de Résistance ?

   Les problèmes stratégiques de la guerre de partisans antijaponaise sont certes étroitement liés aux problèmes stratégiques de la Guerre de Résistance dans son ensemble et ont avec eux beaucoup de points communs ; mais, d’un autre côté, la guerre de partisans se distingue de la guerre régulière, elle a ses particularités.

   C’est pourquoi la stratégie de la guerre de partisans possède, elle aussi, un grand nombre de caractères spécifiques. On ne peut donc pas transposer tels quels les principes stratégiques généraux de la Guerre de Résistance dans la guerre de partisans du fait des particularités qu’elle comporte.

II. Le principe fondamental de la guerre : Conserver ses forces et anéantir celles de l’ennemi

   Avant de parler concrètement de la stratégie de la guerre de partisans, il faut s’arrêter à la question fondamentale de la guerre en général.

   Les règles de l’action militaire découlent toutes d’un seul principe fondamental : s’efforcer de conserver ses forces et d’anéantir celles de l’ennemi. Dans une guerre révolutionnaire, ce principe est directement lié au principe politique fondamental de la guerre.

Par exemple, le principe politique fondamental de la Guerre de Résistance de la Chine contre le Japon, c’est-à-dire le but politique de cette guerre, est de chasser les impérialistes japonais et de créer une Chine nouvelle, indépendante, libre et heureuse. Cela signifie, sur le plan militaire, défendre la patrie par les armes et chasser les bandits japonais. Pour atteindre ce but, les armées doivent, dans leurs opérations, faire tout leur possible pour conserver leurs forces et anéantir les forces de l’ennemi.

   Mais alors, comment expliquer l’honneur que l’on attache au sacrifice héroïque dans la guerre ? Chaque guerre demande des sacrifices, parfois même des sacrifices énormes. Cela ne serait-il pas en contradiction avec le principe de la conservation des forces ?

En réalité, il n’y a là aucune contradiction ; ce sont, plus exactement, deux aspects contradictoires qui se conditionnent l’un l’autre. C’est que les sacrifices sont indispensables non seulement pour anéantir les forces de l’ennemi, mais aussi pour conserver les siennes propres ; ce renoncement partiel et temporaire à conserver ses forces (les sacrifices, ou, en d’autres termes, le prix à payer) est précisément indispensable pour conserver définitivement l’ensemble des forces.

Du principe fondamental exposé ci-dessus découle toute la série des règles nécessaires à la conduite des opérations militaires, à commencer par celles du tir (se couvrir soi-même et exploiter sa puissance de feu : l’un pour conserver ses forces, l’autre pour anéantir les forces de l’ennemi), et jusqu’à celles de la stratégie, toutes sont inspirées de ce principe fondamental, et toutes sont destinées à en permettre la réalisation, qu’elles se rapportent à la technique militaire, à la tactique, aux campagnes ou à la stratégie.

   Conserver ses forces et anéantir celles de l’ennemi, tel est le principe fondamental de toutes les règles de la guerre.

III. Six problèmes stratégiques spécifiques de la guerre de partisans contre le Japon

   Examinons maintenant quelles lignes de conduite ou quels principes nous devons adopter dans les opérations de la guerre de partisans antijaponaise pour conserver nos forces et anéantir celles de l’ennemi.

   Généralement, dans la Guerre de Résistance (comme d’ailleurs dans toute guerre révolutionnaire), les détachements de partisans se créent à partir de rien et, d’une petite force, se transforment en une grande ; ils doivent donc non seulement conserver leurs forces mais encore les accroître.

   La question se pose par conséquent ainsi : sur quelles lignes de conduite ou sur quels principes faut-il nous appuyer pour arriver à conserver ou à accroître nos forces et à anéantir les forces de l’ennemi ? Voici quelles sont, en termes généraux, les principales de ces lignes de conduite :

1. Initiative, souplesse et plan dans la conduite des opérations offensives au cours d’une guerre défensive, des opérations de décision rapide au cours d’une guerre de longue durée et des opérations à l’extérieur des lignes au cours de la guerre à l’intérieur des lignes ;

2. Coordination avec la guerre régulière ;

3. Création de bases d’appui ;

4. Défense stratégique et attaque stratégique ;

5. Passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement ;

6. Etablissement de rapports justes dans le commandement.

   Ces lignes de conduite constituent tout le programme stratégique de la guerre de partisans antijaponaise et la voie nécessaire pour conserver et accroître nos forces, détruire et chasser les forces ennemies, coordonner la guerre de partisans avec la guerre régulière, et remporter la victoire finale.

IV. Initiative, souplesse et plan dans la conduite des opérations offensives au cours d’une guerre défensive, des opérations de décision rapide au cours d’une guerre de longue durée et des opérations à l’extérieur des lignes au cours de la guerre à l’intérieur des lignes

   Ce chapitre se subdivise en quatre parties : 1) la liaison entre la défensive et l’offensive, entre la guerre de longue durée et les opérations de décision rapide, entre les opérations à l’intérieur des lignes et les opérations à l’extérieur des lignes ; 2) l’initiative dans toute action militaire ; 3) la souplesse dans l’utilisation des forces ; 4) l’établissement d’un plan pour chaque opération.

   Voyons le premier point.

   Dans la mesure où le Japon est un pays puissant et mène l’offensive, et où nous-mêmes sommes un pays faible et sommes sur la défensive, l’ensemble de la Guerre de Résistance se définit du point de vue stratégique comme une guerre défensive et de longue durée. A considérer les lignes où se déroulent les opérations, l’ennemi opère à l’extérieur des lignes et nous à l’intérieur des lignes. C’est là un aspect de la question.

   Mais il y en a un autre, exactement contraire. Bien que l’armée ennemie soit forte (du point de vue de son armement, de certaines qualités de ses effectifs et de certains autres facteurs), elle est numériquement faible ; bien que notre armée soit faible (également du point de vue de son armement, de certaines qualités de ses effectifs et de certains autres facteurs), elle est numériquement très forte ; en outre, il faut tenir compte du fait que l’ennemi, qui envahit notre pays, appartient à une nation étrangère, tandis que nous résistons à l’agression étrangère sur notre propre sol.

   Tout cela détermine la ligne stratégique suivante : tout en appliquant la stratégie de la guerre défensive, on peut et on doit entreprendre des campagnes et des combats offensifs ; en appliquant la stratégie de la guerre de longue durée, on peut et on doit entreprendre des campagnes et des combats de décision rapide ; et en appliquant la stratégie de la guerre à l’intérieur des lignes, on peut et on doit entreprendre, dans les campagnes et les combats, des opérations à l’extérieur des lignes.

   Telle est la ligne stratégique qui doit être appliquée durant toute la Guerre de Résistance. Cela est valable aussi bien pour la guerre régulière que pour la guerre de partisans. La seule différence en ce qui concerne la guerre de partisans se trouve dans le degré et la forme de réalisation.

Dans la guerre de partisans, les opérations offensives prennent généralement la forme d’attaques par surprise. Dans la guerre régulière, bien qu’on doive et qu’on puisse entreprendre aussi des attaques par surprise, on n’arrive à surprendre l’ennemi qu’à un degré moindre.

La guerre de partisans exige, dans une très grande mesure, une décision rapide ; cependant, le rayon de l’encerclement dans lequel les partisans saisissent l’ennemi au cours des campagnes et des combats à l’extérieur des lignes est restreint. Tout cela distingue les opérations des partisans des opérations régulières.

   II en découle que, dans leurs opérations, les détachements de partisans doivent concentrer autant de forces que possible, agir en secret et avec la rapidité de l’éclair, exécuter contre l’ennemi des raids inattendus et obtenir une décision rapide des combats ; il faut éviter par tous les moyens de rester passif dans la défensive et de prolonger les combats, et il faut se garder d’éparpiller ses forces au moment d’engager une action.

Bien entendu, dans la guerre de partisans, on a recours à la défensive non seulement sur le plan stratégique mais aussi sur le plan tactique ; la fixation de l’ennemi et les opérations de protection dans les combats, l’organisation de la défense dans les défilés, dans les lieux d’accès difficile, le long des cours d’eau et dans les agglomérations rurales pour user et épuiser l’ennemi, les opérations de couverture en cas de retraite, etc. sont autant d’éléments de la défense tactique dans la guerre de partisans.

Mais l’orientation essentielle doit y être l’offensive, c’est une guerre d’un caractère offensif plus marqué que la guerre régulière. En outre, l’offensive des partisans doit prendre la forme d’attaques par surprise ; ici plus encore que dans la guerre régulière, il est inadmissible de se trahir par des fanfaronnades bruyantes.

Bien qu’il y ait des cas, dans la guerre de partisans, où les combats se prolongent pendant plusieurs jours, par exemple lors d’une attaque contre un ennemi peu nombreux, isolé et privé d’aide extérieure, on doit, en règle générale, y rechercher plus encore que dans la guerre régulière la conclusion rapide des combats, ce qui est imposé par le fait même que l’ennemi est fort et que nous sommes faibles.

   La guerre de partisans, par sa nature même, se fait avec des forces dispersées, ce qui donne à ses opérations un caractère d’ubiquité. En outre, une série d’autres tâches qui lui sont dévolues, celles de harceler l’ennemi, de l’immobiliser, d’exécuter des sabotages et d’effectuer le travail de masse, exigent la dispersion des forces. Cependant, les détachements et les corps de partisans doivent concentrer leurs forces principales lorsqu’ils se donnent pour tâche d’anéantir les forces de l’ennemi et surtout lorsqu’ils s’efforcent de briser l’offensive de l’ennemi. « Concentrer de grandes forces pour battre de petites unités de l’ennemi » demeure l’un des principes des opérations militaires dans la guerre de partisans.

Il en découle également, du point de vue de la Guerre de Résistance dans son ensemble, que l’on ne peut atteindre les buts de la défensive stratégique et parvenir à la victoire définitive sur l’impérialisme japonais que par l’accumulation d’un grand nombre de campagnes et de combats offensifs tant dans la guerre régulière que dans la guerre de partisans, c’est-à-dire en remportant un grand nombre de victoires dans ces opérations offensives.

Ce n’est qu’en livrant un grand nombre de combats rapides, c’est-à-dire en remportant des succès dans des opérations de décision rapide au cours des campagnes et des combats offensifs, que l’on peut atteindre les buts stratégiques de cette guerre prolongée : d’une part, gagner du temps pour accroître notre capacité de résistance, d’autre part, attendre, tout en hâtant leur venue, des changements dans la situation internationale et l’effondrement interne de l’ennemi pour passer à la contre-offensive stratégique et chasser les bandits japonais hors de Chine.

   Il faut concentrer des forces supérieures dans chaque combat et engager, aussi bien dans la période de la défensive stratégique que dans la période de la contre-offensive stratégique, des opérations à l’extérieur des lignes dans chaque campagne ou combat pour encercler l’ennemi et l’anéantir ; s’il n’est pas possible d’encercler toutes ses forces, il faut en encercler une partie ; s’il n’est pas possible d’anéantir complètement les forces encerclées, il faut en anéantir une partie ; enfin, s’il est impossible de faire prisonnières en masse ces troupes encerclées, il faut infliger à l’ennemi les plus grandes pertes possibles en tués et en blessés.

   C’est seulement en livrant un grand nombre de ces combats d’anéantissement que nous pourrons changer la situation en notre faveur, rompre définitivement l’encerclement stratégique, c’est-à-dire ruiner le plan de l’ennemi qui voulait se battre à l’extérieur des lignes, et, finalement, joignant nos efforts à l’action des forces internationales et à la lutte révolutionnaire du peuple japonais, tomber de tous les côtés sur l’impérialisme japonais et lui donner le coup de grâce.

   Ces résultats, nous les obtiendrons surtout par les opérations régulières, tandis que les opérations de partisans auront à jouer un rôle moins important. Les unes et les autres ont toutefois ceci de commun qu’il faudra accumuler de nombreuses petites victoires pour en faire une grande victoire. C’est dans ce sens que nous parlons du grand rôle stratégique de la guerre de partisans dans tout le cours de la Guerre de Résistance.

   Passons maintenant aux problèmes de l’initiative, de la souplesse et du plan dans la guerre de partisans.

   Qu’est-ce que l’initiative dans la guerre de partisans ? Dans toute guerre, les parties belligérantes s’efforcent par tous les moyens de conquérir l’initiative, que ce soit sur le champ de bataille, dans un théâtre d’opérations, dans une zone de guerre ou même au cours de toute la guerre, car initiative signifie liberté d’action pour une armée.

   Quand une armée a perdu l’initiative et se trouve acculée à la passivité, elle est privée de la liberté d’action et s’expose à être défaite ou anéantie. Sur le plan stratégique, il est évidemment plus difficile de prendre l’initiative dans la guerre défensive et les opérations à l’intérieur des lignes que dans la guerre offensive et les opérations à l’extérieur des lignes. Cependant, l’impérialisme japonais présente deux points faibles principaux : premièrement, ses forces armées ont des effectifs insuffisants et, deuxièmement, il fait la guerre en terre étrangère.

   En outre, la sous-estimation des forces de la Chine et les contradictions à l’intérieur du camp des militaristes japonais ont conduit le commandement japonais à commettre toute une série d’erreurs telles que de n’avoir accru ses effectifs que petit à petit, d’avoir manqué de coordination stratégique, de ne plus avoir, à certains moments, de direction d’attaque principale, d’avoir laissé passer le moment propice pour certaines opérations et de n’avoir pas su anéantir les troupes encerclées, ce qui peut, dans son ensemble, être considéré comme le troisième point faible de l’ennemi.

   Ainsi, les militaristes japonais, en dépit de l’avantage qu’ils ont de faire une guerre offensive et d’opérer à l’extérieur des lignes, perdent l’initiative un peu plus chaque jour, parce que leurs effectifs sont insuffisants (le Japon est un petit pays, sa population est peu nombreuse et ses ressources insuffisantes, c’est un pays impérialiste féodal, etc.), parce qu’ils font la guerre en terre étrangère (et une guerre impérialiste, donc barbare) et parce qu’ils commettent des maladresses dans le commandement.

   Actuellement, le Japon ne veut pas encore terminer la guerre et ne le peut pas. Il n’a pas arrêté son offensive stratégique, mais la situation générale lui interdit de dépasser certaines limites ; c’est la conséquence logique de ses trois points faibles. Avaler toute la Chine est au-dessus de ses forces.

   Le jour viendra où le Japon perdra complètement l’initiative ; déjà on en perçoit les premiers signes. D’un autre côté, la Chine se trouvait, au début de la guerre, dans une position plutôt passive ; mais maintenant qu’elle a accumulé de l’expérience, elle commence à s’engager dans une voie nouvelle, celle de la guerre de mouvement, c’est-à-dire des opérations offensives, des opérations de décision rapide et des opérations à l’extérieur des lignes dans les campagnes et les combats, ce qui, avec la ligne de conduite de développer partout la guerre de partisans, fait passer progressivement l’initiative de son côté.

   Dans la guerre de partisans, le problème de l’initiative est encore plus important. En effet, dans la plupart des cas, les détachements de partisans opèrent dans des conditions difficiles : ils n’ont pas d’arrière, ils sont faibles en face d’un ennemi puissant, ils manquent d’expérience (quand ils sont nouvellement organisés), ils sont isolés les uns des autres, etc. Il n’en est pas moins possible de prendre l’initiative dans la guerre de partisans, à condition surtout de mettre à profit les trois points faibles de l’ennemi indiqués ci-dessus.

   Profitant de l’insuffisance en effectifs des forces ennemies (du point de vue de l’ensemble de la guerre), les partisans peuvent sans crainte englober dans leurs opérations de vastes territoires ; profitant de ce que l’ennemi fait la guerre en terre étrangère et qu’en outre ses méthodes sont particulièrement barbares, les partisans peuvent hardiment s’assurer le soutien de millions et de millions d’hommes ; profitant des maladresses du commandement ennemi, les partisans peuvent donner libre carrière à toute leur ingéniosité. Bien entendu, l’armée régulière doit, elle aussi, utiliser tous ces points faibles de l’ennemi pour en forger les armes de sa propre victoire, mais il importe tout particulièrement aux détachements de partisans de le faire.

   Les points faibles des détachements de partisans eux-mêmes peuvent être éliminés peu à peu au cours de la lutte, et quelquefois ces points faibles sont même ce qui leur permet de prendre l’initiative. Ainsi, c’est justement grâce à leurs faibles effectifs que les détachements de partisans peuvent opérer à l’arrière de l’ennemi, apparaissant et disparaissant comme par magie et enlevant à l’ennemi toute possibilité d’action contre eux. Pareille liberté de mouvement est impossible aux troupes régulières, trop massives.

   Lorsque l’ennemi dirige contre eux une offensive concentrique, en plusieurs colonnes, les détachements de partisans ont beaucoup de difficultés à garder l’initiative et ils la perdent facilement. Dans ces conditions, si l’on n’apprécie pas correctement la situation et si l’on prend des décisions erronées, on risque de tomber dans la passivité et de ne pouvoir briser l’encerclement. Cela peut aussi se produire lorsque l’ennemi se défend et que nous attaquons. Par conséquent, prendre l’initiative n’est possible que si on apprécie correctement la situation (chez soi et chez l’ennemi) et si on prend des décisions militaires et politiques justes.

   Avec une appréciation pessimiste, ne correspondant pas à la situation objective, et avec les décisions de caractère passif qui en découlent, nous nous priverions certainement nous-mêmes de l’initiative et nous nous condamnerions à la passivité. De la même façon exactement, une appréciation exagérément optimiste, ne correspondant pas à la situation objective, et les décisions aventureuses (risques injustifiés) qui en découlent nous feraient perdre l’initiative et nous mettraient finalement dans la même position que les pessimistes.

L’initiative n’appartient en propre à aucun homme de génie ; elle ne peut naître que d’une étude réfléchie et d’une appréciation correcte de la situation objective, des décisions militaires et politiques correctes d’un chef intelligent. Ainsi, l’initiative est le fruit d’un effort conscient, elle n’est jamais donnée toute prête.

   S’il arrive que des erreurs dans l’appréciation ou dans les décisions ou encore une pression irrésistible de l’ennemi aient réduit des unités de partisans à la passivité, le problème consiste pour elles à s’efforcer d’en sortir. C’est de la situation concrète que dépend la façon d’en sortir. Dans bien des cas, il faut « se retirer ». Savoir se retirer est l’une des caractéristiques des partisans. Se retirer est le principal moyen pour sortir de la passivité et pour reprendre l’initiative.

Mais ce n’est pas là le seul moyen. Très souvent, c’est au moment même où l’ennemi exerce sa pression la plus forte et où les difficultés sont pour nous les plus grandes que la situation commence à devenir défavorable pour l’ennemi et favorable pour nous. Il arrive souvent que le retour à une situation favorable et la reprise de l’initiative sont dus aux efforts que l’on fait pour « tenir encore un peu ».

   Venons-en maintenant à la souplesse. La souplesse, c’est la manifestation concrète de l’initiative. La souplesse dans l’utilisation des forces est encore plus nécessaire dans la guerre de partisans que dans la guerre régulière.

   Il faut que les dirigeants de la guerre de partisans comprennent que la souplesse dans l’utilisation des forces est le principal moyen pour changer la situation en notre faveur et pour nous emparer de l’initiative. Les particularités de la guerre de partisans exigent que les forces soient utilisées avec souplesse, conformément aux tâches posées et aux conditions telles que la situation de l’ennemi, la configuration du terrain et les sentiments de la population locale.

   Les principales formes d’utilisation des forces sont la dispersion, la concentration et le déplacement. Le dirigeant de la guerre de partisans se sert des détachements de partisans comme un pêcheur de son filet ; le pêcheur doit savoir jeter son filet et il doit savoir aussi le ramener.

   Lorsqu’il le jette, il faut qu’il connaisse parfaitement la profondeur des eaux, la vitesse du courant, qu’il sache s’il y a ou non des écueils. De même, lorsque les détachements de partisans sont utilisés en ordre dispersé, leur commandant doit veiller soigneusement à ce qu’ils ne subissent pas de pertes dues à une méconnaissance de la situation et aux opérations erronées qu’elle entraîne.

   Exactement comme le pêcheur, pour ramener son filet, doit en tenir fermement les extrémités dans ses mains, ainsi, dans la guerre de partisans, le commandant doit assurer la liaison et les communications avec tous ses détachements et garder en main une partie suffisante de ses forces principales. Pour prendre du poisson, il faut changer souvent de place ; les détachements de partisans doivent aussi se déplacer fréquemment. Dispersion, concentration et déplacement sont les trois formes d’une utilisation souple des forces dans la guerre de partisans.

   En général, la dispersion des forces dans la guerre de partisans, ou, comme on dit, « la division du tout en parties », s’applique principalement dans les cas suivants : 1) lorsque l’ennemi passe à la défensive, qu’il nous est temporairement impossible d’agir avec des forces concentrées et que nous voulons créer une menace pour l’ennemi sur un large front ; 2) dans les régions où les forces de l’ennemi sont faibles, lorsque nous voulons les harceler et les désorganiser partout à la fois ; 3) lorsqu’il n’est pas possible de briser une offensive concentrique de l’ennemi et qu’il y a lieu de distraire son attention pour pouvoir nous dérober ; 4) lorsque les conditions de terrain ou des difficultés de ravitaillement l’exigent ; 5) lorsque le travail de masse doit s’effectuer dans des régions étendues.

   Cependant, quelle que soit la situation, lorsqu’on disperse les forces, on ne doit pas perdre de vue :

1) qu’il ne faut pas disperser les forces également partout, mais en conserver toujours une partie relativement importante dans une région propice aux mouvements, pour être en mesure de parer aux événements imprévus et pour l’employer à la principale des tâches imposées aux forces dispersées ;

2) qu’il faut donner à chacun des détachements séparés une mission bien précise, et lui indiquer son rayon d’action, la durée des opérations, un point de ralliement, les moyens de liaison, etc. La concentration des forces, ou, comme on dit, « l’intégration des parties en un tout », est une méthode employée principalement pour anéantir les forces de l’ennemi lorsqu’il déclenche une offensive. Mais elle peut quelquefois s’appliquer quand l’ennemi est sur la défensive, pour anéantir certaines de ses troupes en station.

   La concentration des forces ne signifie pas une concentration absolue. On concentre les forces principales pour les utiliser dans une direction importante, tandis que, dans les autres directions, on laisse ou on envoie une partie des forces pour fixer l’ennemi, le harceler, exécuter des sabotages ou faire du travail de masse.

La souplesse dans la dispersion ou la concentration des forces, en a port avec la situation, est la méthode principale de la guerre de partisans ; mais il faut également savoir déplacer (ou transférer) les forces avec souplesse. Quand l’ennemi se sent sérieusement menacé par les partisans, il ne tarde pas à envoyer des troupes pour les attaquer ou les écraser.

   C’est alors que les partisans doivent juger de la situation : si le combat peut être livré, il faut le livrer sur le lieu même, sinon, il faut, sans perdre de temps, passer rapidement dans un autre lieu.

Parfois, pour écraser les unités ennemies une à une, il faut, dès qu’on en a anéanti une en un endroit, se porter rapidement en un autre endroit pour en anéantir une seconde ; il arrive parfois aussi que, dans un endroit donné, la situation ne soit pas favorable au combat : il faut alors rompre immédiatement avec l’ennemi et aller livrer combat ailleurs.

   Si la menace de l’ennemi se fait particulièrement pressante, les partisans ne doivent pas s’attarder dans un même lieu, mais se déplacer avec la rapidité du vent et du torrent. En général, le déplacement doit s’effectuer dans le secret et rapidement. Il faut recourir fréquemment à des moyens ingénieux pour tromper l’ennemi, lui tendre des pièges ou le désorienter, par exemple : faire des démonstrations d’un côté pour attaquer de l’autre, se montrer subitement ici et un moment après ailleurs, tantôt attaquer l’ennemi et tantôt rompre le combat, opérer de nuit, etc.

   La souplesse dans la dispersion, la concentration et le déplacement des forces est la manifestation concrète de l’initiative dans la guerre de partisans. La routine et la lourdeur conduisent inévitablement à la passivité et à des pertes inutiles.

   La valeur d’un chef intelligent se révèle non dans sa compréhension de l’importance d’employer les forces avec souplesse, mais dans son aptitude, le moment venu, à disperser, concentrer et déplacer ses forces selon la situation concrète. L’art d’apprécier une situation et de choisir avec bonheur le moment favorable n’est pas chose facile. Seuls peuvent l’acquérir ceux qui font preuve d’objectivité dans l’étude, de persévérance dans la recherche, et de pénétration. Pour que la souplesse ne se transforme pas en action impulsive, un examen sérieux de la situation est indispensable.

   Passons enfin au problème du plan. Pour remporter la victoire dans la guerre de partisans on ne peut se passer d’un plan. Agir au hasard signifie jouer à la guerre de partisans, ou se comporter en profane. Les opérations, aussi bien pour toute une région de partisans que pour un détachement ou un corps isolé, doivent toujours être précédées de l’établissement d’un plan aussi poussé que possible.

C’est le travail préparatoire à faire avant toute action. La connaissance de la situation, la détermination des tâches, la disposition des forces, l’instruction militaire et politique, l’approvisionnement en vivres, la mise en ordre de l’équipement, la recherche de l’appui de la population, etc., tout cela constitue le travail du dirigeant qui doit réfléchir soigneusement à tout, appliquer les décisions et en contrôler l’exécution. Sans cela, aucune initiative, aucune souplesse, aucune offensive n’est possible.

   Il est vrai que les conditions de la guerre de partisans ne permettent pas l’établissement de plans aussi détaillés que celles des opérations régulières, et qu’il serait faux d’espérer élaborer un plan d’une haute précision dans la guerre de partisans, mais dans les limites fixées par la situation objective, il est indispensable d’établir un plan aussi précis que possible. La lutte contre l’ennemi n’est pas une plaisanterie. Il est bon qu’on le sache.

Tout ce qui vient d’être dit sert à illustrer le premier des problèmes stratégiques de la guerre de partisans : initiative, souplesse et plan dans la conduite des opérations offensives au cours d’une guerre défensive, des opérations de décision rapide au cours d’une guerre de longue durée et des opérations à l’extérieur des lignes au cours de la guerre à l’intérieur des lignes.

C’est là le principe stratégique capital de la guerre de partisans. Si ce problème est résolu, la poursuite victorieuse de la guerre de partisans, en ce qui regarde la direction militaire, sera dans une grande mesure assurée.

   On a parlé plus haut de bien des choses, mais tout se rapporte à un seul et même problème : celui des opérations offensives dans les campagnes et les combats. On ne peut avoir définitivement l’initiative que si l’offensive a été victorieuse. Il faut entreprendre des opérations offensives de sa propre initiative, et non parce qu’on se trouve dans l’obligation d’attaquer.

   La souplesse dans l’utilisation des forces répond à un seul problème central : la conduite d’opérations offensives ; de même, le plan est surtout nécessaire pour assurer la victoire dans les opérations offensives. La défense tactique n’a aucun sens si elle ne soutient pas directement ou indirectement une offensive. La décision rapide a trait à la durée de l’offensive, et l’extérieur des lignes à la sphère de l’offensive. L’offensive est le seul moyen pour anéantir les forces de l’ennemi en même temps que le principal moyen pour conserver les nôtres.

La défense et la retraite pures et simples ne jouent qu’un rôle temporaire et partiel pour la conservation de nos forces et ne peuvent être en rien un moyen d’anéantissement des forces de l’ennemi. Le principe ci-dessus indiqué s’applique, dans l’ensemble, aussi bien à la guerre régulière qu’à la guerre de partisans, seule sa forme de réalisation diffère en degré dans l’un et l’autre cas.

Mais pour conduire la guerre de partisans, il est important, indispensable, de pas perdre de vue cette différence, qui fait précisément que les méthodes de la guerre de partisans se distinguent de celles de la guerre régulière. Si l’on ignore cette différence, il est impossible de conduire la guerre de partisans à la victoire.

V. Coordination avec la guerre régulière

   Le deuxième problème stratégique de la guerre de partisans concerne la coordination de celle-ci avec la guerre régulière. Il s’agit de mettre en lumière le lien entre les opérations de partisans et les opérations régulières, en partant du caractère des opérations concrètes des partisans. Pour frapper l’ennemi avec efficacité, il est important de comprendre ce lien.

   Il y a trois sortes de coordination entre la guerre de partisans et la guerre régulière : en stratégie, dans les campagnes et dans les combats. Prise dans son ensemble, la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi, dont le rôle est d’affaiblir ce dernier, de fixer ses forces et d’entraver ses communications, et qui apporte, dans tout le pays, son soutien moral aux troupes régulières et au peuple tout entier, etc. est en coordination stratégique avec la guerre régulière. Prenons pour exemple la guerre de partisans dans les trois provinces du Nord-Est.

Avant le début de la Guerre de Résistance à l’échelle nationale, il ne pouvait naturellement pas être question de coordination, mais aussitôt cette guerre commencée, la signification de cette coordination devint évidente. On peut dire que chaque fois qu’ils tuent à l’ennemi un soldat de plus, obligent l’ennemi à user une cartouche de plus, attirent sur eux un soldat ennemi de plus pour qu’il ne soit pas envoyé au sud de la Grande Muraille, les détachements de partisans opérant dans ces régions contribuent à l’ensemble de la Guerre de Résistance.

   On peut en dire autant de l’action démoralisatrice qu’ils font subir à l’armée et au pays ennemis, et de l’influence heureuse et exaltante qu’ils exercent sur notre armée et notre peuple. En ce qui concerne les opérations de partisans menées de part et d’autre des lignes de chemin de fer Peiping-Soueiyuan, Peiping-Hankeou, Tientsin-Poukeou, Tatong-Poutcheou, Tchengting-Taiyuan et Changhaï-Hangtcheou, le rôle stratégique de la coordination est encore plus évident.

   La coordination de ces opérations de partisans avec les opérations des troupes régulières ne se borne pas au rôle qu’elle joue actuellement dans la défense stratégique, alors que l’ennemi développe une offensive stratégique ; elle fera échouer les opérations de l’ennemi lorsque celui-ci, ayant terminé son offensive stratégique, passera à la consolidation des territoires occupés ; et, lorsque l’armée régulière passera à la contre-offensive stratégique, elle permettra de chasser l’ennemi et de récupérer tous les territoires perdus.

Il serait inadmissible de méconnaître l’énorme importance du rôle que joue la guerre de partisans dans la coordination stratégique. Les dirigeants des détachements de partisans et les chefs de l’armée régulière doivent bien comprendre l’importance de ce rôle.

   En outre, la guerre de partisans joue un rôle dans la coordination des opérations au cours des campagnes. Par exemple, lors de la bataille de Hsinkeou, au nord de Taiyuan, les partisans détruisirent, dans les régions au nord et au sud de Yenmenkouan, la ligne de chemin de fer Tatong-Poutcheou et les routes qui passent par Pinghsingkouan et Yangfangkeou, jouant ainsi un rôle d’appui très important. Prenons un autre exemple.

Après l’occupation de Fenglingtou par l’ennemi, les opérations de partisans étendues à toute la province du Chansi (réalisées essentiellement par des forces de l’armée régulière) ont joué un rôle d’appui encore plus important lors des opérations défensives sur les rives ouest et sud du fleuve Jaune, situées respectivement dans les provinces du Chensi et du Honan. De même, la guerre de partisans, s’étendant à l’ensemble des cinq provinces de la Chine du Nord, apporta un soutien important aux opérations de nos troupes régulières lorsque l’ennemi attaqua le Chantong du Sud.

   Pour réaliser les tâches de coordination au cours des campagnes, les dirigeants des bases de partisans à l’arrière de l’ennemi et les commandants des corps de partisans envoyés temporairement hors des bases doivent disposer leurs forces le plus rationnellement possible. Compte tenu des conditions de temps et de lieu, ils doivent, en adoptant des méthodes différentes, déployer une action énergique contre les points vitaux et les plus vulnérables de l’ennemi, de façon à l’affaiblir, à fixer ses forces, à entraver ses communications et à galvaniser nos troupes qui combattent à l’intérieur des lignes.

   Si chaque secteur de partisans ou chaque détachement de partisans agit seul, sans se préoccuper de la coordination de ses opérations avec celles des troupes régulières au cours des campagnes, il jouera bien un certain rôle d’appui dans l’ensemble de la stratégie, mais la portée en sera réduite.

Tous les dirigeants de la guerre de partisans doivent prêter à cette question une attention particulière. Pour réaliser la coordination au cours des campagnes, il est absolument indispensable de munir de moyens de liaison par radio tous les détachements et corps de partisans de quelque importance.

   Enfin, la coordination dans les combats, c’est-à-dire la coordination sur le champ de bataille, fait partie des tâches de tous les détachements de partisans qui agissent non loin d’un champ de bataille à l’intérieur des lignes ; cela ne s’applique naturellement qu’aux détachements de partisans opérant à proximité des troupes régulières ou à des unités temporairement détachées de l’armée régulière pour des opérations de partisans.

   Les détachements de partisans doivent, dans ce cas, accomplir les missions qui leur sont assignées, sur les instructions du commandement des troupes régulières, et qui consistent habituellement à fixer une partie des forces de l’ennemi, à entraver ses communications, à effectuer des reconnaissances, à servir de guides aux troupes régulières, etc.

Même s’ils n’ont pas reçu d’instructions de ce genre, les détachements de partisans n’en doivent pas moins, de leur propre initiative, accomplir ces tâches. Il serait absolument inadmissible qu’ils restent les bras croisés ou errent à l’aventure sans porter de coups à l’ennemi. les plus vulnérables de l’ennemi, de façon à l’affaiblir, à fixer ses forces, à entraver ses communications et à galvaniser nos troupes qui combattent à l’intérieur des lignes.

Si chaque secteur de partisans ou chaque détachement de partisans agit seul, sans se préoccuper de la coordination de ses opérations avec celles des troupes régulières au cours des campagnes, il jouera bien un certain rôle d’appui dans l’ensemble de la stratégie, mais la portée en sera réduite. Tous les dirigeants de la guerre de partisans doivent prêter à cette question une attention particulière.

   Pour réaliser la coordination au cours des campagnes, il est absolument indispensable de munir de moyens de liaison par radio tous les détachements et corps de partisans de quelque importance. Enfin, la coordination dans les combats, c’est-à-dire la coordination sur le champ de bataille, fait partie des tâches de tous les détachements de partisans qui agissent non loin d’un champ de bataille à l’intérieur des lignes ; cela ne s’applique naturellement qu’aux détachements de partisans opérant à proximité des troupes régulières ou à des unités temporairement détachées de l’armée régulière pour des opérations de partisans.

Les détachements de partisans doivent, dans ce cas, accomplir les missions qui leur sont assignées, sur les instructions du commandement des troupes régulières, et qui consistent habituellement à fixer une partie des forces de l’ennemi, à entraver ses communications, à effectuer des reconnaissances, à servir de guides aux troupes régulières, etc.

   Même s’ils n’ont pas reçu d’instructions de ce genre, les détachements de partisans n’en doivent pas moins, de leur propre initiative, accomplir ces tâches. Il serait absolument inadmissible qu’ils restent les bras croisés ou errent à l’aventure sans porter de coups à l’ennemi.

VI. Création de bases d’appui

   Le troisième problème stratégique de la guerre de partisans contre le Japon concerne la création de bases d’appui. Leur nécessité et leur importance découlent de la longue durée et du caractère acharné de la guerre.

   Jusqu’au moment où la contre-offensive stratégique à l’échelle nationale permettra de récupérer tous les territoires perdus, le front ennemi pénétrera profondément dans la partie centrale de notre pays, le coupera en deux, et près de la moitié, voire la plus grande partie de notre territoire sera entre les mains de l’ennemi et deviendra son arrière.

   Nous devrons développer la guerre de partisans sur l’ensemble de ce vaste territoire occupé et transformer en front de combat les arrières de l’ennemi, de façon qu’il soit obligé de se battre constamment sur tout le territoire qu’il aura occupé. Tant que nous n’aurons pas commencé notre contre-offensive stratégique, tant que nous n’aurons pas repris les territoires perdus, nous devrons poursuivre avec ténacité la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi.

Bien qu’il ne soit pas possible de déterminer avec précision combien de temps durera cette période, il est certain qu’elle sera longue. Cela signifie que notre guerre sera une guerre de longue durée. En même temps, l’ennemi, s’efforçant de sauvegarder ses intérêts dans les territoires occupés, intensifiera nécessairement chaque jour sa lutte contre les partisans, les soumettant à sa répression féroce, surtout lorsque son offensive stratégique aura pris fin.

Ainsi, la guerre sera non seulement longue mais encore acharnée et, sans bases d’appui, il ne sera pas possible de soutenir longtemps la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi.

   En quoi consistent les bases d’appui de la guerre de partisans ? Ce sont des bases stratégiques sur lesquelles les détachements de partisans s’appuient pour accomplir leurs tâches stratégiques et atteindre leurs buts : conserver et accroître leurs forces, détruire et chasser celles de l’ennemi. Sans ces bases, nous ne pourrions nous appuyer sur rien pour accomplir toutes les tâches stratégiques et atteindre les buts de la guerre.

A proprement parler, la guerre de partisans menée à l’arrière de l’ennemi se caractérise par des opérations militaires sans arrière, car les partisans y sont séparés de l’arrière général du pays. Cependant, sans bases d’appui, la guerre de partisans ne saurait durer longtemps ni se développer ; ces bases d’appui sont justement les arrières des partisans.

   L’histoire connaît un grand nombre de guerres paysannes faites suivant la méthode des « hors-la-loi », elles furent toutes infructueuses. En notre siècle de progrès des moyens de communication et de la technique, il serait d’autant plus illusoire de compter sur cette méthode pour remporter la victoire. La mentalité de « hors-la-loi » n’en existe pas moins encore aujourd’hui chez les paysans ruinés, et leurs conceptions, se reflétant dans la conscience des dirigeants de la guerre de partisans, se manifestent par la négation de la nécessité des bases d’appui ou la sous-estimation de leur importance.

   C’est pourquoi, s’orienter vers la création des bases d’appui, il faut commencer par éliminer la mentalité de « hors-la-loi » de la conscience des dirigeants de la guerre de partisans. La question de savoir si les bases d’appui sont nécessaires et comment il faut en apprécier le rôle, en d’autres termes, la lutte entre la conception des bases d’appui et la mentalité de « hors-la-loi », doit apparaître au cours de toute guerre de partisans, et la guerre de partisans contre le Japon ne saurait, jusqu’à certain point, constituer une exception. C’est pourquoi la lutte idéologique contre la mentalité de hors-la-loi est indispensable.

Seules la liquidation complète de cette mentalité, la formulation et l’application d’une politique pour la création des bases d’appui permettront de soutenir avec succès une guerre de partisans de longue durée.

   La nécessité et l’importance des bases d’appui une fois exposées, passons aux problèmes qui en découlent, et qu’il est nécessaire de comprendre et de résoudre lors de la création de ces bases. Ces problèmes sont les suivants : types de bases d’appui, régions de partisans et bases d’appui, conditions pour la création de bases d’appui, consolidation et élargissement des bases d’appui, types d’encerclement réalisés par nous et par l’ennemi.

Section 1. Types de bases d’appui

   Les bases d’appui de la guerre de partisans antijaponaise sont principalement de trois types : bases d’appui dans les montagnes, bases d’appui dans les plaines et bases d’appui dans les régions de rivières, lacs et estuaires.

Tout le monde comprend l’intérêt qu’il y a de créer des bases d’appui dans les régions montagneuses. Les bases qui ont été créées, qui se créent ou qui se créeront dans le Tchangpaichan, le Woutaichan, le Taihangchan, le Taichan, le Yenchan et le Maochan sont de ce type.

[Le Tchangpaichan est une chaîne de montagnes à la frontière nord­est de la Chine. Après l’Incident du 18 Septembre 1931, il devint une base de partisans, dirigée par le Parti communiste chinois, dans la lutte contre les envahisseurs japonais.

Le Woutaichan est une chaîne de montagnes à la limite du Chansi, du Hopei et de l’ancienne province du Tchahar. En octobre 1937, la VIIIe Armée de Route, dirigée par le Parti communiste chinois, a entrepris la création de la base antijaponaise du Chansi­Tchahar­Hopei, centrée sur le Woutaichan.

Le Taihangchan est une chaîne de montagnes à la limite des provinces du Chansi, du Hopei et du Honan. En novembre 1937, il devint le centre de la base antijaponaisedu Chansi du Sud­Est, créée par la VIIIe Armée de Route.

Le Taichan se trouve dans la partie centrale de la province du Chantong et constitue l’une des hauteurs principales de la chaîne montagneuse du Taiyi. Au cours de l’hiver 1937, les détachements de partisans, dirigés par le Parti communiste chinois, ont entrepris la création de la base du Chantong central, centrée sur la région du Taiyi.

Le Yenchan est une chaîne de montagnes à la limite du Hopei et de l’ancienne province du Jéhol. Au cours de l’été 1938, la VIIIe Armée de Route a entrepris la création de la base antijaponaise du Hopei de l’Est, centrée sur la région du Yenchan.

Le Maochan se situe dans le sud de la province du Kiangsou. En juin 1938, la Nouvelle IVe Armée, dirigée par le Parti communiste chinois, a entrepris la création de la base antijaponaise du Kiangsou du Sud, centrée sur la région du Maochan.]

   Ces bases deviendront les points d’appui qui permettront le mieux de poursuivre de façon prolongée la guerre de partisans antijaponaise ; elles deviendront d’importants bastions dans la Guerre de Résistance. Il nous faut développer la guerre de partisans dans toutes les régions montagneuses se trouvant à l’arrière de l’ennemi et y créer des bases d’appui. Les plaines, sous ce rapport, le cèdent naturellement aux montagnes.

Mais cela ne signifie nullement que l’on ne puisse développer la guerre de partisans dans les plaines, que l’on ne puisse y créer aucune base. Dans les plaines de la province du Hopei et dans celles du nord et du nord-ouest de la province du Chantong, la guerre de partisans a déjà connu un vaste développement et cela démontre la possibilité de la développer dans les plaines.

Jusqu’à présent, la possibilité de créer dans ces régions des bases durables n’a pas encore été prouvée, mais il faut noter que la possibilité d’y créer des bases temporaires est déjà établie et que celle d’y créer des bases pour de petits détachements ou des bases de caractère saisonnier semble bien devoir exister.

   Cela, parce que d’une part l’ennemi ne dispose pas de forces armées en suffisance et mène une politique dont la férocité n’a jamais été égalée et que, d’autre part, la Chine a un vaste territoire et une forte population qui résiste au Japon. Il existe donc des conditions objectives pour développer la guerre de partisans dans les plaines et y créer des bases temporaires ; si, de plus, notre commandement est à la hauteur de sa tâche, nous devons évidemment considérer comme possible la création dans les plaines de bases mobiles, mais durables pour de petits détachements.

   Lorsque l’ennemi cessera son offensive stratégique et passera à la consolidation des territoires qu’il aura occupés, il ne fait aucun doute qu’il mènera une offensive acharnée contre toutes les bases de la guerre de partisans, et celles des plaines recevront naturellement les premiers coups.

   Il sera alors impossible aux grandes unités de partisans qui y opèrent de s’y maintenir longtemps et il leur faudra, dans la mesure où la situation l’exigera, se retirer progressivement dans les montagnes. Par exemple, elles se retireront des plaines du Hopei vers le Woutaichan et le Taihangchan et des plaines du Chantong dans le Taichan et la péninsule de Kiaotong.

   Toutefois, on laissera encore un grand nombre de petits détachements de partisans dispersés dans divers districts des vastes plaines ; ces détachements passeront à la tactique des opérations mobiles, en d’autres termes, ils utiliseront des bases mobiles, qui s’installeront tantôt ici, tantôt là. Les conditions de la guerre nationale n’excluent pas cette possibilité. Quant aux opérations de partisans de caractère saisonnier, sous le couvert de la végétation l’été et à la faveur des cours d’eau gelés l’hiver, nul doute qu’elles ne soient possibles.

   Comme l’ennemi n’a pas, à l’heure actuelle, les moyens de s’occuper des partisans et que même dans l’avenir il lui sera toujours difficile de s’en occuper suffisamment, il faut absolument s’orienter à présent, dans les plaines, vers un large développement de la guerre de partisans et vers la création de bases temporaires, et, dans l’avenir, s’orienter résolument vers une guerre de partisans avec de petits détachements du moins, une guerre de partisans de caractère saisonnier, et vers la création de bases mobiles.

Les régions de rivières, lacs et estuaires offrent, par leurs conditions objectives, de plus grandes possibilités que les plaines au développement de la guerre de partisans et à la création de bases d’appui ; et elles ne le cèdent, de ce point de vue, qu’aux régions montagneuses. Les innombrables combats dramatiques menés par les « pirates » et les « bandits des rivières » tout au long de notre histoire et la guerre de partisans soutenue durant plusieurs années dans la région du lac Honghou, au temps où notre armée s’appelait Armée rouge, tout cela montre qu’il est possible de développer la guerre de partisans et de créer des bases d’appui dans les régions de rivières, lacs et estuaires.

Cependant, les partis politiques et les masses qui résistent aux envahisseurs japonais continuent à accorder peu d’attention à ce problème. Bien que, dans ces régions, les conditions subjectives n’existent pas encore, il ne fait pas de doute que nous devons examiner très attentivement cette possibilité et nous mettre au travail.

   Une guerre de partisans efficace doit être organisée dans la région du lac Hongtseh au nord du Yangtsé, dans la région du lac Taihou au sud de ce fleuve, et dans toutes les régions de ports et d’estuaires des territoires que l’ennemi occupe le long des cours d’eau et du littoral, et, en outre, des bases d’appui durables doivent être créées à l’intérieur ou à proximité de ces régions ; ce sera un aspect du développement de la guerre de partisans dans tout le pays.

Perdre cela de vue signifierait offrir à l’ennemi la possibilité d’utiliser librement les communications par eau, ce qui serait évidemment une lacune dans le plan stratégique de la Guerre de Résistance. Il faut combler cette lacune à temps.

Section 2. Régions de partisans et bases d’appui

   Dans la guerre de partisans faite à l’arrière de l’ennemi, les régions de partisans se distinguent des bases d’appui. Les territoires qui sont encerclés par l’ennemi, mais qui ne sont pas occupés par lui ou qui ont déjà été libérés, par exemple certains districts de la région du Woutaichan (c’est-à-dire la région frontière du Chansi-Tchahar-Hopei) ainsi que certains secteurs des régions du Taihangchan et du Taichan, constituent déjà des bases d’appui toutes prêtes.

   En s’appuyant sur ces bases, les partisans peuvent commodément développer la guerre de partisans. Cependant, en d’autres endroits proches de ces bases, la situation est différente, par exemple, dans les parties est et nord de la région du Woutaichan, c’est-à-dire dans certains secteurs du Hopei de l’Ouest et du Tchahar du Sud, ainsi que dans de nombreux secteurs à l’est de Paoting et à l’ouest de Tsangtcheou, où les partisans, à l’étape initiale du développement de la guerre de partisans, ne peuvent pas encore occuper tout le territoire et doivent se limiter ordinairement à des raids.

   Ces régions appartiennent aux détachements de partisans dès qu’ils arrivent et se retrouvent au pouvoir du gouvernement fantoche quand ils s’en vont ; elles ne sont pas encore des bases de partisans, mais seulement ce qu’on appelle des régions de partisans.

Elles ne deviendront des bases d’appui qu’après avoir passé par les étapes indispensables de la guerre de partisans, lorsque des forces importantes de l’ennemi y auront été anéanties ou repoussées, que le pouvoir du gouvernement fantoche aura été balayé, que les masses populaires auront été éveillées à l’activité, que des organisations de masse pour la lutte contre les envahisseurs japonais et des forces armées populaires y auront été créées et qu’un pouvoir de Résistance y aura été instauré. L’adjonction de ces bases nouvelles à celles qui existent déjà constitue ce que l’on appelle l’élargissement des bases d’appui.

   Dans certains endroits, le territoire tout entier où opèrent les partisans a été au début une région de partisans. C’est, par exemple, le cas de la partie orientale de la province du Hopei. Depuis longtemps, des organes du pouvoir fantoche y existaient en même temps qu’y opéraient les forces armées de la population locale insurgée et des détachements de partisans envoyés de la région du Woutaichan. Au début, les partisans ne pouvaient que choisir de bonnes positions dans cette région pour en faire leurs arrières temporaires ou bases temporaires.

   C’est seulement quand les forces de l’ennemi sur ce territoire auront été anéanties et qu’on aura développé le travail pour mobiliser les masses populaires que cette situation caractéristique de la région de partisans prendra fin, et que le territoire deviendra une base d’appui, plus stable.

   On voit par là que la transformation d’une région de partisans en base d’appui est une œuvre qui demande beaucoup d’efforts et qui ne peut se réaliser que dans la mesure où les forces de l’ennemi sont anéanties et les masses mobilisées sur le territoire de cette région.

   Beaucoup d’endroits en resteront longtemps au stade de la région de partisans. L’ennemi fera bien tous ses efforts pour les maintenir sous son contrôle, mais il ne pourra pas y établir solidement le pouvoir fantoche ; de même, nous nous efforcerons de développer par tous les moyens la guerre de partisans, mais nous n’arriverons pas à y établir un pouvoir de Résistance. Les régions proches des voies ferrées et des grandes villes occupées par l’ennemi, ainsi que certaines régions de plaine en sont des exemples.

Quant aux grandes villes, aux gares de chemin de fer et à certaines régions de plaine que l’ennemi contrôle avec des forces importantes, la situation y est autre : les détachements de partisans peuvent seulement s’en approcher, mais ils ne peuvent y pénétrer, un pouvoir fantoche relativement stable y étant établi.

   A la suite d’erreurs dans notre travail de direction, ou sous une forte pression de l’ennemi, le processus inverse peut se dérouler : les bases d’appui se transforment en régions de partisans et les régions de partisans en régions relativement bien tenues par l’ennemi. Cette situation peut se produire, et les dirigeants de la guerre de partisans doivent être sur leurs gardes.

   Ainsi, du fait de la guerre de partisans et de notre lutte contre l’ennemi, le territoire occupé par l’ennemi peut se diviser en régions de trois types différents : le premier type, ce sont les bases d’appui antijaponaises qui sont entre les mains de nos détachements de partisans et sous le contrôle de notre pouvoir ; le deuxième type, ce sont les régions occupées qui restent aux mains des impérialistes japonais et du pouvoir fantoche ; le troisième type, ce sont les régions pour la possession desquelles les deux parties sont en lutte et qu’on appelle les régions de partisans.

   Les dirigeants de la guerre de partisans ont le devoir de faire tous leurs efforts pour élargir les régions du premier et du troisième type et pour réduire les régions du deuxième type. Telle est la tâche stratégique de la guerre de partisans.

Section 3. Conditions pour la création des bases d’appui

   Les conditions fondamentales pour créer une base d’appui, c’est d’avoir des forces armées antijaponaises et d’utiliser ces forces pour infliger des défaites à l’ennemi et soulever les masses populaires. Ainsi, le problème de la création des bases d’appui est avant tout un problème de forces armées.

Les dirigeants de la guerre de partisans doivent employer tous leurs efforts à former un ou même plusieurs détachements de partisans et en faire progressivement, au cours de la lutte, des corps de partisans, et éventuellement des unités et des corps de l’armée régulière. L’organisation des forces armées constitue le maillon essentiel dans la création de bases d’appui.

Sans ces forces, ou avec des forces trop faibles, rien ne pourra se faire. Telle est la première condition. La deuxième condition indispensable pour créer des bases d’appui est d’infliger des défaites à l’ennemi en utilisant les forces armées dans des actions menées en commun avec les masses populaires.

   Toute région contrôlée par l’ennemi est une base d’appui pour lui et non pour la guerre de partisans. Il va de soi qu’il est impossible de transformer une base d’appui de l’ennemi en une base d’appui de la guerre de partisans sans écraser l’ennemi. Et même des régions contrôlées par les partisans tomberont sous le contrôle de l’ennemi, si nous ne brisons pas ses attaques et ne parvenons pas à le vaincre, et alors il sera, là aussi, impossible de créer des bases d’appui.

   La troisième condition indispensable pour créer des bases d’appui, c’est de soulever les masses populaires en vue de la lutte contre les envahisseurs japonais en mettant en œuvre toutes nos énergies, forces armées comprises. C’est au cours de cette lutte qu’il faut armer le peuple, c’est-à-dire créer des forces d’autodéfense et des détachements de partisans.

C’est aussi au cours de cette lutte qu’il faut constituer des organisations de masse ; à mesure que s’accroissent la conscience politique et l’esprit combatif des ouvriers, des paysans, des jeunes, des femmes, des enfants, des commerçants, des membres des professions libérales, il convient de les unir dans les organisations correspondantes de lutte contre les envahisseurs japonais, et d’élargir progressivement ces organisations.

Si les masses ne sont pas organisées, elles ne peuvent pas manifester leur force dans la résistance au Japon. C’est encore au cours de cette lutte qu’il faut liquider tous les traîtres, cachés ou avoués, mais cela aussi n’est possible que si l’on s’appuie sur la force des masses populaires.

   Il est particulièrement important d’amener les masses populaires à créer ou à renforcer dans la lutte même les organes locaux du pouvoir antijaponais. Là où les anciens organes chinois du pouvoir n’ont pas été détruits par l’ennemi, il faut les réorganiser et les renforcer avec l’appui des larges masses populaires. Là où ils sont déjà détruits, il faut faire appel à l’effort des larges masses populaires pour les rétablir.

   Ce pouvoir doit appliquer la politique du front uni national antijaponais. Il doit unir toutes les forces du peuple contre l’ennemi unique : les impérialistes japonais et leurs laquais, les traîtres et les réactionnaires. Une base d’appui de la guerre de partisans ne peut être réellement établie qu’après la réalisation graduelle des trois conditions fondamentales : créer des forces armées antijaponaises, infliger des défaites à l’ennemi et mobiliser les masses populaires.

   Il faut mentionner en outre les conditions géographiques et économiques. Nous avons déjà abordé la question des conditions géographiques plus haut, à la section « Types de bases d’appui », en indiquant les trois catégories de conditions.

Nous nous contenterons de mentionner ici la condition principale : la nécessité d’un vaste territoire. Lorsque nous sommes cernés par l’ennemi des quatre côtés ou de trois seulement, les régions montagneuses nous offrent naturellement les meilleures conditions pour la création de bases d’appui durables ; mais ce qui est encore plus important, c’est l’existence d’un espace permettant aux détachements de partisans de manœuvrer, c’est-à-dire l’existence d’un territoire étendu.

   Si cette condition est remplie, la guerre de partisans peut se développer et se maintenir même dans les plaines, sans parler des régions de rivières, de lacs et d’estuaires. Par suite de l’étendue du territoire chinois et de l’insuffisance de l’ennemi en forces armées, la guerre de partisans en Chine bénéficie déjà en général de cette condition.

   Du point de vue de la possibilité de faire la guerre de partisans, cette condition est importante et même capitale. Dans les petits pays comme, par exemple, la Belgique, où cette condition n’existe pas, la possibilité de poursuivre une guerre de partisans est très réduite, voire nulle. Mais en Chine cette condition n’est pas à créer, elle ne pose pas de problème, nous la tenons de la nature et n’avons qu’à en profiter.

   Pour les conditions économiques en tant que telles, il en va de même que pour les conditions géographiques. Nous examinons pour l’instant le problème de la création de bases d’appui non pas dans les déserts car dans les déserts il n’y a pas d’ennemis mais à l’arrière de l’ennemi ; or, là où l’ennemi peut pénétrer, les Chinois vivent depuis très longtemps et il y existe de toute évidence une base économique de ravitaillement ; par conséquent, la question des conditions économiques permettant de créer des bases d’appui ne se pose pas.

Partout ou vivent des Chinois et où l’ennemi a pénétré, il faut s’efforcer, quelles que soient les conditions économiques, de développer la guerre de partisans et de créer des bases d’appui, permanentes ou temporaires.

   Au point de vue politique, par contre, les conditions économiques posent un problème, celui de la politique économique. C’est un problème d’une haute importance pour la création des bases d’appui. Notre politique économique dans les bases d’appui de la guerre de partisans doit se conformer aux principes du front uni national antijaponais, c’est-à-dire qu’il faut répartir rationnellement les charges de la guerre et protéger le commerce.

   En aucun cas, les pouvoirs locaux et les partisans ne doivent violer ces principes, sous peine d’exercer une influence négative sur la création des bases et sur la poursuite de la guerre de partisans. Une répartition rationnelle des charges de la guerre implique l’application du mot d’ordre « Que celui qui a de l’argent donne de l’argent ». Toutefois, les paysans doivent, dans une certaine mesure, approvisionner en vivres les détachements de partisans.

   La protection du commerce exige que les détachements de partisans observent une stricte discipline ; ils ne doivent absolument pas confisquer les entreprises commerciales, quelles qu’elles soient, à l’exception de celles qui appartiennent à des traîtres dont le crime a été dûment prouvé. C’est une chose difficile, mais cette politique a été décidée et il faut l’appliquer.

Section 4. Consolidation et élargissement des bases d’appui

   Pour enfermer l’ennemi, qui s’est introduit en Chine, à l’intérieur de ses points d’appui peu nombreux, c’est-à-dire dans les grandes villes et le long des principales voies de communication, il faut développer le plus possible la guerre de partisans dans toutes les directions à partir des bases de partisans, et faire pression sur tous les points d’appui de l’ennemi, de façon à menacer son existence et à ébranler le moral de son armée, et, en même temps, à élargir nos propres bases d’appui.

   C’est là une nécessité absolue. Il faut lutter contre l’esprit conservateur dans la conduite de la guerre de partisans.

   Qu’il ait son origine dans le désir d’une vie tranquille ou dans la surestimation des forces de l’ennemi, cet esprit conservateur nuit, dans l’un ou l’autre cas, à la cause de la Guerre de Résistance et exerce une influence négative sur la guerre de partisans et sur l’existence des bases d’appui elles-mêmes.

   En même temps, il ne faut pas oublier de consolider nos bases d’appui, ce qui comporte comme tâches principales la mobilisation et l’organisation des masses populaires, ainsi que l’instruction des détachements de partisans et des forces armées locales. La consolidation des bases d’appui est indispensable à la conduite d’une guerre de longue durée, elle est également indispensable à l’élargissement ultérieur des bases, car il n’est pas possible de leur donner une large expansion sans les consolider.

   Les détachements de partisans qui s’occuperaient uniquement d’élargir les bases d’appui, en oubliant de les consolider, seraient incapables de résister aux attaques de l’ennemi, et, par suite, ils ne perdraient pas seulement le territoire conquis lors de l’élargissement des bases, ils compromettraient encore l’existence même des bases.

Le principe juste est d’élargir les bases tout en les consolidant ; tel est le bon moyen pour s’assurer la possibilité de progresser avec succès dans l’offensive et de se défendre avec succès lors de la retraite.

   Du moment qu’il s’agit d’une guerre de longue durée, le problème de la consolidation et de l’élargissement des bases d’appui se pose en permanence devant chaque détachement de partisans.

   Sa solution concrète dépend des circonstances. Dans telle période, on mettra l’accent sur l’élargissement des bases, c’est-à-dire sur l’extension des régions de partisans et l’accroissement des détachements de partisans. Dans telle autre, on mettra l’accent sur la consolidation des bases, c’est-à-dire sur l’organisation des masses populaires et l’instruction des détachements armés.

   Comme la tâche d’élargissement et celle de consolidation sont de caractère différent, les dispositions militaires et les tâches correspondantes seront différentes, elles aussi. Ce problème ne peut être résolu avec succès que si l’on insiste sur l’une ou l’autre de ces deux tâches suivant le moment et la situation.

Section 5. Types d’encerclement réalisés par nous et par l’ennemi

   Si l’on considère la Guerre de Résistance dans son ensemble, il ne fait pas de doute que nous nous trouvons stratégiquement encerclés, puisque l’ennemi se livre à une offensive stratégique et opère à l’extérieur des lignes, et que nous sommes sur la défensive stratégique et opérons à l’intérieur des lignes. C’est le premier type d’encerclement de nos forces par l’ennemi.

Mais comme, de notre côté, nous adoptons à l’égard d’un ennemi qui, opérant à l’extérieur des lignes, marche sur nous en plusieurs colonnes le principe d’opérations offensives à l’extérieur des lignes dans les campagnes et les combats, nous pouvons encercler, avec des forces supérieures en nombre, chacune des colonnes ennemies qui progressent dans notre direction. C’est le premier type d’encerclement de l’ennemi par nous.

   D’autre part, si l’on considère les bases d’appui de la guerre de partisans situées à l’arrière de l’ennemi, chacune de ces bases isolées est cernée par l’ennemi soit des quatre côtés, comme la région du Woutaichan, soit de trois seulement, comme celle du nord-ouest du Chansi. C’est le deuxième type d’encerclement de nos forces par l’ennemi.

   Toutefois, si l’on considère toutes les bases de la guerre de partisans dans leurs liaisons mutuelles, et chaque base dans ses liaisons avec le front de l’armée régulière, on constate qu’un grand nombre d’unités ennemies sont encerclées par nous. Par exemple, dans la province du Chansi, nous avons déjà cerné de trois côtés (de l’est, de l’ouest et du sud) la ligne de chemin de fer Tatong-Poutcheou, et nous avons complètement investi la ville de Taiyuan ; dans les provinces du Hopei et du Chantong, on trouve également un grand nombre d’encerclements de ce genre.

C’est le deuxième type d’encerclement de l’ennemi par nous. Ainsi, ces deux types d’encerclement mutuel rappellent le jeu de weiki les campagnes et les combats que l’ennemi mène contre nous et que nous menons contre l’ennemi ressemblent à la prise des pions, et les points d’appui de l’ennemi et nos bases de partisans ressemblent aux « fenêtres » sur l’échiquier. La nécessité de se ménager des fenêtres montre toute l’importance du rôle stratégique des bases d’appui de la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi.

   L’examen de cette question au point de vue de la Guerre de Résistance nous montre que les autorités militaires supérieures du pays, d’une part, et les dirigeants de la guerre de partisans dans les différentes régions, d’autre part, doivent mettre à l’ordre du jour le développement de la guerre de partisans à l’arrière de l’ennemi et la création de bases d’appui partout où cela est possible, et qu’ils doivent passer à la réalisation de cette tâche en la considérant comme stratégique.

   Si nous réussissions, par notre action sur le plan international, à créer dans le Pacifique un front antijaponais auquel la Chine participerait en tant qu’unité stratégique et au sein duquel l’Union soviétique et les autres pays qui pourraient s’y intégrer constitueraient d’autres unités stratégiques, nous aurions sur l’ennemi l’avantage d’un encerclement de plus : il se créerait dans la région du Pacifique une ligne extérieure à partir de laquelle nous pourrions encercler et anéantir le Japon fasciste. Cette question n’a évidemment pas encore une portée pratique aujourd’hui, mais une telle perspective n’est pas exclue.

VII. Défense stratégique et attaque stratégique dans la guerre de partisans

   Le quatrième problème stratégique de la guerre de partisans concerne la défense stratégique et l’attaque stratégique. Il consiste à savoir comment, dans la guerre de partisans contre le Japon, appliquer concrètement, dans la défensive comme dans l’offensive, le principe des opérations offensives exposé ci-dessus à propos du premier problème.

   Dans la défense stratégique et l’attaque stratégique (il serait plus juste de dire la contre-attaque stratégique) à l’échelle nationale s’inscrivent la défense stratégique et l’attaque stratégique réalisées à petite échelle dans la région de chaque base d’appui de partisans et autour d’elle.

   Dans le premier cas, il s’agit de la situation stratégique qui se crée lorsque l’ennemi attaque et que nous sommes sur la défensive, et de notre stratégie pour cette période. Dans le second cas, il s’agit de la situation stratégique qui se crée lorsque l’ennemi est sur la défensive et que nous attaquons, et de notre stratégie pour cette période.

Section 1. La défense stratégique dans la guerre de partisans

   Lorsque la guerre de partisans aura commencé et atteint une certaine ampleur, et surtout lorsque l’ennemi aura mis fin à son offensive stratégique contre l’ensemble de notre pays et passé à la défense des territoires occupés, l’offensive de l’ennemi contre les bases d’appui de la guerre de partisans deviendra inéluctable.

Il est indispensable de le comprendre, car dans le cas contraire les dirigeants de la guerre de partisans ne se tiendraient pas sur leurs gardes, et face à une offensive sérieuse de l’ennemi, ils seraient saisis de panique et se feraient battre.

   Pour liquider la guerre de partisans et ses bases d’appui, l’ennemi aura souvent recours à l’attaque concentrique : par exemple, des expéditions punitives » ont déjà été lancées quatre ou cinq fois dans la région du Woutaichan, et pour chacune d’elles, le plan prévoyait une attaque simultanée conduite en trois ou quatre, et même en six ou sept colonnes.

L’ennemi attaquera les partisans et leurs bases d’appui avec un acharnement d’autant plus grand que la guerre de partisans se sera développée plus largement, que les bases d’appui en seront devenues plus importantes par leur position et que ses propres bases stratégiques et voies de communication importantes se trouveront plus menacées.

   Par conséquent, plus les attaques ennemies contre les partisans sont acharnées dans une région, plus les succès de la guerre de partisans s’y avèrent grands et plus sa coordination avec les opérations régulières s’y révèle efficace.

   Dans le cas d’une attaque concentrique de l’ennemi en plusieurs colonnes, le principe des opérations de partisans consiste à briser cette attaque concentrique en passant à la contre-attaque. Il est facile de la briser si les colonnes de l’ennemi qui avance ne représentent chacune qu’une unité, grande ou petite, sans forces d’appui, et s’il n’a pas la possibilité de laisser des garnisons, de construire des fortifications et des routes carrossables le long de sa ligne d’attaque. L’ennemi mène alors des opérations offensives et à l’extérieur des lignes, tandis que nous nous trouvons sur la défensive et opérons à l’intérieur des lignes.

   La disposition de nos troupes doit être calculée de façon à en utiliser une petite partie pour fixer les forces de plusieurs colonnes de l’ennemi, et à lancer nos forces principales contre une seule de ces colonnes, en adoptant dans nos campagnes et nos combats la méthode des attaques par surprise (essentiellement des embuscades) et en frappant l’ennemi pendant qu’il est en marche. Soumis à toute une série d’attaques par surprise, l’ennemi, quoique fort, s’affaiblit et souvent se replie sans avoir pu atteindre ses buts.

A ce moment, les détachements de partisans, tout en le poursuivant, peuvent continuer de l’affaiblir en lui portant des coups inattendus.

   Quand l’ennemi n’a pas encore arrêté son attaque ou qu’il n’a pas encore effectué son repli, il occupe toujours les chefs-lieux de district et les bourgs sur le territoire de nos bases d’appui.

En ce cas, nous devons encercler l’ennemi dans ces chefs-lieux de district ou ces bourgs, le couper de ses sources de ravitaillement et détruire ses voies de communication ; puis, lorsqu’il ne peut plus se maintenir et commence à se replier, c’est le moment à saisir pour le pourchasser. Une fois l’ennemi défait dans une direction, il faut porter rapidement nos forces dans une autre direction, et défaire ainsi par fractions l’ennemi qui se livre à une attaque concentrique.

   Une vaste base d’appui, comme par exemple la région du Woutaichan, constitue une « région militaire » qui se divise en quatre, cinq « sous-régions militaires » ou davantage, chacune comprenant des détachements armés opérant de façon indépendante. En appliquant les méthodes d’opérations décrites plus haut, ces détachements brisent ouvrent en même temps ou successivement les attaques de l’ennemi.

   Dans un plan d’opérations visant à repousser une attaque concentrique, nos forces principales sont généralement disposées à l’intérieur des lignes. Dans le cas où nous disposerions de forces suffisantes, il faut en utiliser une faible partie (par exemple des détachements de partisans de districts et d’arrondissements, et éventuellement, des unités détachées des forces principales) à l’extérieur des lignes pour détruire les voies de communication de l’ennemi et immobiliser ses renforts.

Si l’ennemi se maintient longtemps sur le territoire de nos bases d’appui, nous pouvons adopter une tactique inverse, c’est-à-dire laisser une partie de nos forces à l’intérieur de ces bases d’appui pour investir et harceler l’ennemi, et attaquer avec le gros de nos forces la région d’où il est venu, y développer notre activité militaire et contraindre de la sorte l’ennemi à se retirer de nos bases pour aller attaquer le gros de nos forces. C’est ce qu’on appelle « attaquer la principauté de Wei pour sauver celle de Tchao ».

[En l’an 353 av. J.­C., les troupes de la principauté de Wei assiégèrent la ville de Hantan, capitale de la principauté de Tchao. Le prince de Tsi ordonna à ses généraux Tien Ki et Souen Pin de porter secours à la principauté de Tchao.

Souen Pin, tenant compte de ce que les troupes d’élite de Wei combattaient dans la principauté de Tchao et que la principauté de Wei se trouvait sans défense, attaqua cette dernière. L’armée de Wei revint alors en arrière pour sauver son pays; les troupes du prince de Tsi, profitant de l’épuisement de l’armée ennemie, infligèrent à celle-ci une lourde défaite à Koueiling (dans la partie nord­est de l’actuel district de Hotseh, province du Chantong); ainsi, le siège fut levé devant la capitale de Tchao. Depuis lors, les stratèges chinois appellent toute tactique similaire la méthode d' »attaquer la principauté de Wei pour sauver celle de Tchao ».]

   Durant les opérations visant à briser une attaque concentrique de l’ennemi, les forces d’autodéfense antijaponaises locales et toutes les organisations locales de masse doivent être totalement mobilisées pour prendre part aux opérations ou activités militaires et aider par tous les moyens nos troupes dans la lutte contre l’ennemi.

Pour combattre l’ennemi, il est important de prendre deux mesures : décréter localement l’état de siège et, dans la mesure du possible, « consolider les remparts et vider les champs ». La première mesure est nécessaire pour réprimer l’activité des traîtres à la nation et priver l’ennemi de la possibilité d’obtenir des renseignements, la deuxième pour appuyer les opérations de nos troupes (consolider les remparts) et pour priver l’ennemi de ravitaillement (vider les champs). Par « vider les champs », il faut entendre rentrer la moisson dès qu’elle est mûre.

   Souvent, pendant sa retraite, l’ennemi brûle les maisons dans les villes qu’il abandonne et les villages situés le long de sa ligne de retraite, dans le but de ruiner les bases d’appui de la guerre de partisans, mais ce faisant, il se prive d’habitations et de ravitaillement lors de sa nouvelle attaque et se nuit à lui-même. C’est là un exemple concret qui montre comment une seule et même chose comporte deux aspects contraires.

   Les dirigeants de la guerre de partisans ne doivent pas envisager l’idée d’abandonner leur base d’appui et de passer à une autre, sans avoir effectué des tentatives répétées pour repousser la puissante attaque concentrique de l’ennemi et sans avoir acquis la conviction qu’il est impossible de la briser en cet endroit.

Dans de telles circonstances, il ne faut pas se laisser aller au pessimisme. En général, dans les régions montagneuses, il est toujours possible de briser l’attaque concentrique de l’ennemi et de tenir les bases d’appui, à condition toutefois que le commandement ne commette pas d’erreurs de principe.

Ce n’est que dans les régions de plaine et dans les conditions d’une forte attaque concentrique de l’ennemi qu’il faut, partant de la situation concrète, envisager la solution suivante : laisser dans cette région un grand nombre de petits détachements de partisans en vue d’opérations dispersées et transférer temporairement les grosses unités de partisans dans les régions montagneuses, de façon qu’elles puissent revenir déployer leurs activités dans les plaines après le départ des forces principales de l’ennemi.

   Par suite de la contradiction entre l’étendue du territoire de la Chine et l’insuffisance des forces de l’ennemi, ce dernier ne peut pas, en règle générale, recourir à la méthode de la « guerre de blockhaus », que le Kuomintang a appliquée dans la période de la guerre civile en Chine.

Nous devons cependant considérer que l’ennemi peut, dans une certaine mesure, se servir de cette méthode contre des bases de partisans qui menacent particulièrement ses points vitaux. Nous devons, même dans ce cas, être prêts à poursuivre fermement la guerre de partisans.

   Si nous avons été capables de poursuivre une guerre de partisans même dans les conditions de la guerre civile, il est certain que cela est d’autant plus réalisable dans une guerre nationale. Car même si l’ennemi parvient à mettre en ligne contre certaines de nos bases d’appui des forces d’une supériorité écrasante, en qualité comme en quantité, les contradictions nationales entre l’ennemi et nous n’en resteront pas moins entières et les fautes du commandement des troupes ennemies n’en seront pas moins inévitables.

Nos victoires sont fondées sur un sérieux travail parmi les masses et sur des méthodes de guerre pleines de souplesse.

Section 2. L’attaque stratégique dans la guerre de partisans

   Après que l’attaque de l’ennemi a été brisée et avant qu’il n’en entreprenne une nouvelle, il y a une période où il se trouve sur la défensive stratégique et où nous passons à l’offensive stratégique.

   En une telle période, notre ligne d’opérations ne consiste pas à attaquer un ennemi qui tient fermement ses positions défensives et e nous ne sommes pas sûrs de vaincre, mais à détruire ou à chasser systématiquement hors de régions déterminées les forces ennemies eu considérables et les troupes fantoches dont les détachements de partisans peuvent venir à bout ; de même, nous devons élargir les territoires occupés par nous, soulever les masses populaires dans la lutte contre l’envahisseur, compléter et instruire les détachements de partisans et en organiser de nouveaux.

Si, une fois ces tâches réalisées jusqu’à un certain point, l’ennemi est toujours sur la défensive, nous pouvons entreprendre un nouvel élargissement des régions occupées par nous, attaquer les villes et les voies de communication tenues par des forces ennemies peu importantes et les occuper pour un temps ou pour une longue période, suivant les circonstances.

   Telles sont les tâches de l’attaque stratégique, dont le but est de mettre à profit la période où l’ennemi se trouve sur la défensive pour accroître avec efficacité nos forces armées et la force des masses populaires, ainsi que pour réduire avec efficacité les forces de l’ennemi et pour nous mettre en mesure de briser, par des opérations planifiées et vigoureuses, la nouvelle attaque qu’entreprendra l’ennemi.

   Le repos et l’instruction des troupes sont nécessaires. La période où l’ennemi passe à la défensive est le meilleur moment pour le repos et l’instruction. Mais il ne s’agit pas de s’occuper exclusivement de cela, en se désintéressant de tout le reste ; il faut trouver du temps pour le repos et l’instruction au cours même de l’élargissement du territoire occupé par nous, de l’anéantissement des petites unités ennemies et du travail pour la mobilisation des masses. C’est habituellement à ce moment-là que l’on résout les difficultés dans l’approvisionnement en vivres, vêtements, couvertures, etc.

   C’est aussi le moment de détruire sur une vaste échelle les voies de communication de l’ennemi, de paralyser ses transports et d’apporter par là une aide directe aux troupes régulières au cours de leurs campagnes. Alors, dans toutes les bases de partisans, toutes les régions de partisans et tous les détachements de partisans, se manifeste un enthousiasme général, et les régions saccagées par l’ennemi se relèvent peu à peu des ruines et renaissent à la vie.

Dans les régions occupées par l’ennemi, les masses populaires s’en réjouissent aussi, partout s’étend le prestige des détachements de partisans.

   Dans le camp de l’ennemi et de ses laquais, les traîtres, grandit la panique, s’aggrave la désagrégation, en même temps que s’accroît la haine pour les partisans et les bases d’appui et que s’intensifient les préparatifs contre les partisans C’est pourquoi, lors de l’attaque stratégique, les dirigeants de la guerre de partisans doivent se garder de chanter victoire, de sous-estimer l’ennemi, de négliger le renforcement de l’union dans leurs rangs et la consolidation des bases et des détachements de partisans.

   En un tel moment, ils doivent savoir observer chaque mouvement de l’ennemi et découvrir les signes annonciateurs d’une nouvelle attaque, de façon à pouvoir, dès que celle-ci commence, mettre fin en bon ordre à leur attaque stratégique, passer à la défensive stratégique et briser au cours de celle-ci l’attaque de l’ennemi.

VIII. Passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement

   Le cinquième problème stratégique de la guerre de partisans contre le Japon est le passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement. La nécessité et la possibilité d’un tel passage découlent également de la longue durée et du caractère acharné de la guerre.

   En effet, si la Chine pouvait rapidement remporter la victoire sur les bandits japonais et recouvrer les territoires perdus et si, en conséquence, la guerre n’était pas longue et n’avait rien d’acharné, la transformation de la guerre de partisans en guerre de mouvement ne serait pas une nécessité.

   Mais comme, au contraire, la guerre se révèle longue et acharnée, on ne peut s’y adapter qu’à la condition de transformer la guerre de partisans en guerre de mouvement.

Dans la mesure où la guerre est longue et acharnée, elle permettra aux détachements de partisans d’acquérir la trempe nécessaire et de se transformer peu à peu en unités régulières ; en conséquence de quoi les formes de combat qu’ils utilisent se rapprocheront aussi, peu à peu, de celles des unités régulières, et la guerre de partisans se développera en guerre de mouvement.

   Les dirigeants de la guerre de partisans doivent voir clairement cette nécessité et cette possibilité, alors seulement ils pourront s’en tenir fermement à la ligne de la transformation de la guerre de partisans en guerre de mouvement et la mettre systématiquement en pratique. Actuellement, dans nombre de régions, par exemple dans la région A Woutaichan, la guerre de partisans doit son développement à l’envoi de forts détachements de l’armée régulière. Bien que les opérations militaires dans ces régions soient en général des opérations de partisans, elles contiennent cependant dès le début des éléments de la guerre de mouvement. Pour autant que la guerre se prolongera, ces éléments augmenteront progressivement.

   C’est en cela que consiste l’avantage de la présente guerre de partisans antijaponaise, avantage qui non seulement favorisera son développement rapide, mais encore l’élèvera rapidement à un niveau supérieur ; la présente guerre de partisans se fait dans des conditions nettement plus favorables que n’en ont connu les partisans des trois provinces du Nord-Est.

   La transformation des détachements de partisans, qui font actuellement une guerre de partisans, en des unités régulières, qui feront une guerre de mouvement, exige deux conditions : l’accroissement de leurs effectifs et l’élévation de leur qualité.

Pour accroître les effectifs, outre l’enrôlement direct de la population dans les détachements, on peut fusionner de petits détachements ; l’élévation de la qualité exige qu’au cours de la guerre les combattants se trempent et que leur armement soit amélioré.

   En procédant à la fusion des petits détachements, il faut, d’une part, se garder du régionalisme, qui ne compte qu’avec les intérêts locaux et s’oppose pour cela à cette fusion, et, d’autre part, lutter contre l’esprit purement militaire, qui ne tient pas compte des intérêts locaux.

Le régionalisme se manifeste au sein des détachements locaux de partisans et des organes locaux du pouvoir. Souvent, on s’y préoccupe uniquement des intérêts locaux et on oublie les intérêts généraux, ou bien, n’ayant pas l’habitude de l’action collective, on cherche à agir seul.

Les chefs des forces principales de partisans ou des corps de partisans doivent en tenir compte et appliquer une méthode de fusion progressive et partielle, de façon à laisser aux autorités locales des forces suffisantes pour le développement ultérieur des opérations de partisans. Pour réaliser la fusion des petites unités, il faut tout d’abord leur faire entreprendre des actions concertées, puis les intégrer dans les grandes unités sans toutefois détruire la structure organique de ces détachements et sans changer leurs cadres.

   A l’opposé du régionalisme, l’esprit purement militaire est le point de vue erroné de ceux qui, au sein des forces principales, cherchent uniquement à augmenter leurs unités sans se préoccuper d’aider les forces armées locales.

Ils ne comprennent pas que le passage de la guerre de partisans à la guerre de mouvement ne signifie point l’abandon de la guerre de partisans, mais la formation graduelle, au cours d’un large développement de la guerre de partisans, de forces principales qui soient capables de conduire une guerre de mouvement et autour desquelles doivent continuer à exister un grand nombre de détachements menant une guerre de partisans étendue.

   Ces nombreux détachements de partisans constituent une puissante force auxiliaire autour des forces principales et représentent en même temps une source intarissable pour l’accroissement ultérieur de celles-ci.

   C’est pourquoi un dirigeant de forces principales qui manifesterait un état d’esprit purement militaire, sans tenir compte des intérêts de la population locale et des organes locaux du pouvoir, aurait à surmonter cette erreur, afin qu’aux deux aspects de cette tâche l’élargissement des forces principales et l’accroissement du nombre de détachements armés locaux soit donnée la place qui leur revient.

   Pour élever la qualité des détachements de partisans, il faut effectuer un bon travail politique et d’organisation dans leurs rangs, améliorer leur équipement, leur technique militaire, leur tactique et renforcer leur discipline, en prenant progressivement modèle sur l’armée régulière et en éliminant les habitudes de partisans.

   Dans le domaine de l’éducation politique, il faut s’efforcer de faire comprendre aux commandants et aux combattants la nécessité d’élever les détachements de partisans au niveau des troupes régulières, il faut encourager tout le monde à travailler dans ce sens et assurer la réalisation de cet objectif par le travail politique.

   Dans le domaine du travail d’organisation, il faut pourvoir progressivement les détachements de partisans de tout ce que doit comporter une formation régulière, à savoir un appareil militaire et politique, des cadres militaires et politiques, des méthodes de travail correspondantes et un système permanent d’approvisionnement, de service sanitaire, etc.

   En ce qui concerne l’équipement, il faut améliorer la qualité et augmenter la variété de l’armement, et accroître les moyens de transmission indispensables. Dans le domaine de la technique militaire et de la tactique, il faut élever les détachements de partisans au niveau des corps de troupes régulières.

   Quant à la discipline, il faut en élever le niveau jusqu’à obtenir que des règles uniformes soient observées et que les ordres et instructions soient strictement exécutés ; il faut déraciner le laisser-aller et l’esprit d’indiscipline. L’accomplissement de ces tâches exige de longs efforts et n’est pas l’affaire d’un jour, mais c’est dans ce sens qu’il faut agir.

   C’est le seul moyen pour permettre à chaque base d’appui de la guerre de partisans de constituer des troupes régulières et d’accéder aux formes de la guerre de mouvement capables de frapper l’ennemi avec encore plus d’efficacité. Là où opèrent des détachements ou des cadres envoyés par l’armée régulière, il est relativement facile de parvenir à ce but. Il en résulte que toutes les troupes régulières ont l’obligation d’aider les détachements de partisans à se transformer en unités régulières.

IX. Rapports dans le commandement

   Le dernier problème stratégique de la guerre de partisans contre le Japon porte sur les rapports dans le commandement. Sa solution correcte est l’une des conditions nécessaires pour développer avec succès la guerre de partisans.

   Comme les détachements de partisans sont la forme inférieure d’organisation des forces armées et que leur caractéristique est l’éparpillement des opérations, la guerre de partisans ne permet pas le commandement hautement centralisé propre à la guerre régulière. Si l’on tente de transposer dans la guerre de partisans les méthodes de commandement de la guerre régulière, on restreindra inévitablement la grande mobilité de la guerre de partisans, et celle-ci perdra son dynamisme.

   Le haut degré de centralisation du commandement est en contradiction directe avec cette grande mobilité. Non seulement il ne convient pas, mais encore il est impossible d’appliquer un système de commandement hautement centralisé à la guerre de partisans, caractérisée par sa grande mobilité.

   Cela ne signifie cependant pas que la guerre de partisans puisse se développer avec succès sans aucun commandement centralisé. Dans les conditions où de vastes opérations de partisans et de vastes opérations régulières sont en cours en même temps, une coordination appropriée est indispensable entre elles.

Il faut alors un commandement pour coordonner les opérations régulières avec les opérations de partisans, il faut, en d’autres termes, une direction stratégique unique assurée par l’état-major général et les commandements des zones d’opérations.

   Lorsqu’il existe dans une région ou une base de partisans un grand nombre d’unités de partisans parmi lesquelles il y a d’ordinaire un ou plusieurs corps principaux de partisans (parfois des corps de l’armée régulière y opèrent aussi) et nombre de détachements de partisans, grands et petits, jouant un rôle auxiliaire et qu’il s’y trouve de nombreuses forces armées de la population non détachées de la production, l’ennemi adopte généralement un dispositif unique pour toutes ses forces en vue d’une action concertée contre les partisans.

   C’est pourquoi, dans de telles régions de partisans ou bases d’appui, se pose le problème d’un commandement unique, c’est-à-dire d’un commandement centralisé.

   Il en résulte que le principe du commandement dans la guerre de partisans consiste, d’une part, à s’opposer à la centralisation absolue et, d’autre part, à s’opposer à la décentralisation absolue ; il exige un commandement centralisé en stratégie et un commandement décentralisé dans les campagnes et les combats.

   Le commandement centralisé en stratégie implique : à l’échelle nationale, l’établissement du plan d’ensemble et la direction générale des opérations de partisans, la coordination des opérations de partisans et des opérations régulières dans chaque zone de guerre, et enfin, dans chaque région de partisans et dans chaque base d’appui, la direction unique de toutes les forces armées antijaponaises.

   Ici, l’absence d’accord et d’unité, l’absence de centralisation est nuisible, et c’est pourquoi il faut réaliser par tous les moyens l’accord, l’unité et la centralisation. Pour toutes les questions générales, c’est-à-dire les questions d’ordre stratégique, les échelons inférieurs doivent en référer aux échelons supérieurs et se soumettre à leur direction pour réaliser une coordination efficace.

   Mais la centralisation du commandement doit s’en tenir là. Franchir ces limites, s’ingérer dans le détail concret des affaires des échelons inférieurs, par exemple dans les dispositions spécifiques d’une campagne ou d’un combat, est tout aussi nuisible.

   Les affaires concrètes doivent en fait être réglées en fonction des situations concrètes qui varient selon le temps et le lieu et ne peuvent être connues des échelons supérieurs, fort éloignés. Cela exige la décentralisation du commandement dans les campagnes et les combats. Ce principe s’applique également, d’une façon générale, aux opérations régulières, surtout si les moyens de transmission sont insuffisants.

   En un mot, nous sommes pour des opérations de partisans menées avec indépendance et initiative, sous un commandement stratégique unique. Il se crée, dans les bases de partisans, une région militaire qui se divise en plusieurs sous-régions militaires ; chacune de celles-ci se subdivise en districts et chaque district en arrondissements.

   A cette division correspond un système de subordination respective des autorités, de celles de l’arrondissement à celles du district, de celles du district au commandement de la sous-région militaire, de celui-ci au commandement de la région militaire, et les forces armées sont subordonnées à ces différents échelons suivant leur caractère.

Les rapports entre les échelons ci-dessus s’établissent conformément au principe énoncé plus haut, de façon que la ligne de conduite générale soit fixée car l’échelon supérieur et l’action concrète entreprise, selon les données de la situation concrète, par les échelons inférieurs, qui ont ici le droit d’agir indépendamment.

   Lorsque l’échelon supérieur a des remarques à faire à l’échelon inférieur à propos d’une action concrète, il peut et doit les exprimer sous forme d’ »instructions », mais jamais sous forme d’ « ordres » catégoriques. Plus la région est étendue, la situation complexe et l’échelon supérieur éloigné, plus le commandement local doit avoir de liberté dans l’action concrète, pour adapter celle-ci plus étroitement aux conditions locales et aux exigences de la situation locale.

   Cela est nécessaire pour permettre aux échelons inférieurs et au personnel local de développer leur aptitude à travailler dans l’indépendance, à faire face à des situations complexes et à mener avec succès la guerre de partisans.

Si une unité ou un corps est engagé dans une action unique, les rapports dans le commandement s’y établissent sur le principe de la centralisation, car le commandement supérieur est alors au courant de la situation ; mais si cette unité ou ce corps passe aux opérations dispersées, c’est le principe de la centralisation pour les questions générales et de la décentralisation pour les questions concrètes qui s’applique, car la situation concrète ne peut alors être suivie par le commandement supérieur.

Si ce qui doit être centralisé ne l’est pas, cela indique que les échelons supérieurs ont manqué à leur devoir et que les échelons inférieurs ont outrepassé leurs pouvoirs. Cela est inadmissible dans les rapports d’un échelon supérieur quelconque avec un échelon inférieur, et particulièrement entre échelons militaires. Si ce qui doit être décentralisé ne l’est pas, cela indique que les échelons supérieurs monopolisent le pouvoir et que les échelons inférieurs n’ont pas d initiative.

Cela est également inadmissible dans les rapports d’un échelon supérieur avec un échelon inférieur, et tout particulièrement dans les rapports de commandement dans la guerre de partisans. Le problème des rapports de commandement ne peut être résolu correctement que sur la base du principe exposé ci-dessus.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Mao Zedong : A propos des méthodes de direction

1943

1. Il y a deux méthodes que nous, communistes, devons appliquer dans n’importe quel travail : l’une consiste à lier le général au particulier, l’autre, à lier la direction aux masses.

2. Pour l’accomplissement de quelque tâche que ce soit, il est impossible, sans lancer un appel général, d’entraîner les masses à l’action.

   Mais si les dirigeants se bornent à cet appel, s’ils ne s’occupent pas personnellement, de façon concrète et approfondie, dans quelques-unes des organisations, de l’exécution du travail pour lequel ils ont lancé l’appel – en sorte que, après avoir obtenu un premier résultat, ils puissent, grâce à l’expérience acquise, orienter le travail dans les autres secteurs qu’ils dirigent -, ils ne seront pas à même de vérifier si l’appel général est juste, ni d’enrichir son contenu ; et cet appel général risque alors de n’aboutir à rien.

   Ainsi, en 1942, au cours du mouvement de rectification, des succès ont été remportés là où on a su lier l’appel général à une direction concrète dans tel ou tel secteur particulier ; en revanche, là où on n’a pas adopté cette méthode, aucun succès n’a été obtenu.

   En 1943, au cours du même mouvement, les bureaux et sous-bureaux du Comité central, les comités régionaux et préfectoraux du Parti doivent, afin d’acquérir de l’expérience, procéder comme suit :

   Tout en lançant un appel général (le plan du mouvement pour l’année), ils choisiront dans leur propre organisme, ainsi que dans les organismes, les écoles et les forces armées du voisinage, deux ou trois unités (il n’est pas nécessaire d’en prendre beaucoup) qu’ils soumettront à une étude approfondie, pour saisir dans le détail comment s’y déroule le mouvement de rectification et pour examiner de près le cas de quelques membres représentatifs du personnel (là non plus il n’est pas nécessaire d’en prendre beaucoup), examen qui portera sur leur passé politique, leurs caractéristiques idéologiques, leur application à l’étude et la qualité de leur travail ; ils guideront eux-mêmes les responsables de ces unités dans la recherche d’une solution concrète des questions pratiques.

   Les responsables de chaque organisme, école ou unité de l’armée doivent procéder de la même manière, puisque ceux-ci se composent à leur tour d’un certain nombre d’unités plus petites.

   C’est là aussi une méthode qui permet d’apprendre tout en dirigeant.

   Aucun responsable ne peut assumer la direction générale des unités qui lui sont confiées s’il n’acquiert pas l’expérience pratique dans quelques-unes d’entre elles, auprès de certaines personnes et sur des questions déterminées.

   Il faut populariser largement cette méthode, afin que les cadres dirigeants à tous les échelons sachent l’appliquer.

3. L’expérience de 1942 a par ailleurs démontré que, pour assurer le succès du mouvement de rectification, il est nécessaire, au cours même du mouvement, de former dans chaque unité un groupe dirigeant composé d’un petit nombre d’éléments actifs réunis autour du principal responsable et d’assurer la liaison étroite de ce groupe dirigeant avec les larges masses qui participent au mouvement.

   Si actif que soit le groupe dirigeant, son activité se réduirait à l’effort infécond d’une poignée de gens, si elle n’était pas liée avec celle des larges masses.

   Mais, d’autre part, l’activité des larges masses qui n’est pas orientée comme il convient par un fort groupe dirigeant ne peut se maintenir longtemps, ni se développer dans une direction juste et s’élever à un niveau supérieur.

   Les masses, en tout lieu, comprennent grosso modo trois sortes d’éléments : ceux qui sont relativement actifs, ceux qui sont relativement arriérés et ceux qui sont entre les deux.

   C’est pourquoi les dirigeants doivent être capables de réunir autour d’eux le petit nombre des éléments actifs et s’appuyer sur ces derniers pour élever le niveau des éléments intermédiaires et rallier les éléments arriérés. Un groupe dirigeant vraiment uni et lié aux masses se constituera progressivement, dans la lutte même des masses et non à l’écart de celle-ci.

   Dans la majorité des cas, le groupe dirigeant ne doit ni ne peut rester immuable dans sa composition du début à la fin d’une grande lutte ; il faut promouvoir continuellement les éléments actifs qui se sont distingués au cours de la lutte et les substituer aux membres du groupe dirigeant qui sont comparativement moins qualifiés ou qui ont dégénéré.

   L’une des raisons essentielles pour laquelle, en bien des endroits et dans nombre d’organismes, on n’arrive pas à faire progresser le travail, c’est l’absence d’un tel groupe dirigeant, solidement uni, lié aux masses et qui demeure constamment sain.

   Si, par exemple, dans une école d’une centaine de personnes, il n’existe pas de groupe dirigeant constitué en fonction de la situation (et non pas formé arbitrairement), composé de quelques-uns, parfois un peu plus d’une dizaine, des éléments les plus actifs, les plus droits et les plus capables parmi les enseignants, les employés et les élèves, cette école fonctionnera certainement mal.

   L’indication relative à la création d’un noyau dirigeant, formulée par Staline dans la neuvième des douze conditions de la bolchévisation des partis communistes1, nous devons l’appliquer partout, sans exception, dans les organismes, les écoles, les unités de l’armée, les usines, les villages, qu’ils soient grands ou petits.

   Le choix des membres d’un tel groupe dirigeant doit avoir pour critère les quatre conditions qu’a formulées Dimitrov en parlant de la politique des cadres : dévouement le plus profond, liaison avec les masses, capacité de s’orienter par soi-même dans toutes les situations, esprit de discipline2.

   Que l’on accomplisse une des tâches centrales – guerre, production, éducation (mouvement de rectification compris) – ou d’autres tâches, comme le contrôle du travail, la vérification des cadres, il faut, tout en liant l’appel général à une direction concrète dans tel ou tel secteur particulier, assurer la liaison du groupe dirigeant avec les larges masses.

4. Dans toute activité pratique de notre Parti, une direction juste doit se fonder sur le principe suivant : partir des masses pour retourner aux masses. Cela signifie qu’il faut recueillir les idées des masses (qui sont dispersées, non systématiques), les concentrer (en idées généralisées et systématisées, après étude), puis aller de nouveau dans les masses pour les diffuser et les expliquer, faire en sorte que les masses les assimilent, y adhèrent fermement et les traduisent en action, et vérifier dans l’action même des masses la justesse de ces idées.

   Puis, il faut encore une fois concentrer les idées des masses et les leur retransmettre pour qu’elles soient mises résolument en pratique.

   Et le même processus se poursuivra indéfiniment, ces idées devenant toujours plus justes, plus vivantes et plus riches. Voilà la théorie marxiste de la connaissance.

5. Des rapports justes doivent s’établir entre le groupe dirigeant et les larges masses, que ce soit dans une organisation ou au cours d’une lutte ; la direction ne peut formuler des idées justes que si elle recueille les idées des masses et les concentre, puis les retransmet aux masses, afin qu’elles les appliquent fermement ; en mettant en pratique les idées de l’organisme dirigeant, il faut lier l’appel général à une direction concrète dans tel ou tel secteur particulier.

   Au cours du mouvement actuel de rectification, toutes ces conceptions doivent être largement propagées, afin que nos cadres puissent corriger leurs points de vue erronés à propos des méthodes de direction.

   Beaucoup de camarades ne s’attachent pas à unir autour d’eux les éléments actifs pour former un noyau dirigeant ou ne sont pas capables de le faire ; ils ne s’attachent pas à établir un lien étroit entre ce noyau dirigeant et les larges masses ou ne sont pas capables de le faire ; c’est pourquoi leur direction devient bureaucratique et se coupe des masses.

   Beaucoup de camarades ne s’attachent pas à dresser le bilan de l’expérience acquise dans la lutte des masses ou ne sont pas capables de le faire ; se croyant intelligents, ils aiment exposer de manière subjective une foule d’opinions qui se réduisent, en fait, à des paroles creuses et qui n’ont aucun rapport avec la réalité.

   Beaucoup de camarades se contentent de lancer un appel général pour l’accomplissement d’une tâche et ne s’attachent pas à passer immédiatement à un travail de direction particulier et concret ou ne sont pas capables de le faire, de sorte que leur appel reste sur leurs lèvres, sur le papier ou dans la salle de conférence, et leur travail de direction tombe dans le bureaucratisme.

   Au cours du mouvement actuel de rectification, nous devons corriger ces défauts et apprendre à employer, dans notre étude comme dans le contrôle du travail et la vérification des cadres, les méthodes suivantes : lier la direction aux masses et lier le général au particulier. Nous appliquerons ces méthodes dans tout travail que nous ferons.

6. Recueillir les idées des masses et les concentrer, puis les retransmettre aux masses, afin qu’elles les appliquent fermement, et parvenir ainsi à élaborer de justes idées pour le travail de direction : telle est la méthode fondamentale de direction.

   Au cours du processus de concentration des idées et de leur ferme application, il faut lier l’appel général à une direction concrète dans tel ou tel secteur particulier ; cela fait partie intégrante de la méthode fondamentale.

   Il faut, à partir de nombreux cas de direction concrète, formuler des idées générales (appel général), les mettre à l’épreuve dans beaucoup d’unités différentes (non seulement il faut le faire soi-même, mais également inviter les autres à le faire), puis concentrer les nouvelles expériences (en faire le bilan) et élaborer des directives nouvelles pour guider partout les masses.

   Nos camarades doivent procéder ainsi au cours du mouvement actuel de rectification, de même que dans tout autre travail. Une bonne direction découle de l’aptitude des dirigeants à procéder selon cette méthode.

7. Lorsqu’un organisme dirigeant supérieur et ses différents services confient aux échelons inférieurs une tâche quelconque (guerre révolutionnaire, production ou éducation ; mouvement de rectification, contrôle du travail ou vérification des cadres ; travail de propagande, travail d’organisation ou élimination des éléments hostiles ; etc.), ils doivent passer par les principaux responsables de l’organisme inférieur intéressé, pour que ceux-ci prennent eux-mêmes leurs responsabilités ; on parviendra ainsi à une division du travail en même temps qu’à une direction unique (centralisation de l’autorité).

   Il ne faut pas seulement qu’un service d’un organisme supérieur prenne contact avec le service correspondant de l’échelon inférieur (par exemple, un bureau de l’échelon supérieur, chargé de l’organisation, de la propagande ou de l’élimination des éléments hostiles, avec le bureau correspondant de l’échelon inférieur), ce qui laisse dans l’ignorance le principal responsable de l’organisme inférieur (par exemple, le secrétaire, le président, le chef d’un département ou le directeur d’une école) ou l’empêche d’assumer ses responsabilités.

   Il faut que le principal responsable et les personnes responsables qui lui sont immédiatement subordonnées soient tous informés de la tâche assignée et répondent de son exécution.

   Cette méthode de centralisation de l’autorité, qui associe la division du travail à une direction unique, permet, par l’intermédiaire du principal responsable, de mobiliser pour une tâche donnée un grand nombre de cadres, parfois même tout le personnel d’un organisme ; ainsi, on pourra remédier au manque de cadres dans tel ou tel service et faire qu’un grand nombre de personnes deviennent des cadres actifs dans l’accomplissement de cette tâche.

   C’est là encore une manière de lier la direction aux masses.

   Prenons, par exemple, la vérification des cadres.

   Si ce travail se fait isolément, s’il est confié seulement à un petit nombre de personnes d’une section de l’organisme dirigeant comme le bureau d’organisation, il ne sera sûrement pas bien accompli ; mais si, pour procéder à cette vérification, le chef d’un organisme ou d’une école mobilise un grand nombre de personnes de son organisme ou d’étudiants de son établissement, voire parfois tout le personnel ou tous les étudiants, et si le chef du bureau d’organisation de l’échelon supérieur oriente convenablement ce travail et applique le principe qui consiste à lier la direction aux masses, la vérification des cadres sera sûrement faite de façon satisfaisante.

8. Dans une région, il ne saurait y avoir en même temps plusieurs tâches centrales ; pour une période donnée, il ne peut y en avoir qu’une seule, à laquelle s’ajoutent d’autres tâches de deuxième ou de troisième ordre.

   C’est pourquoi le principal responsable d’une région doit, en tenant compte de l’histoire et des circonstances de la lutte dans cette région, accorder à chacune des tâches la place qui lui revient ; il ne doit pas agir sans aucun plan, en passant d’une tâche à l’autre à mesure que les instructions lui parviennent, car cela donnerait lieu à autant de « tâches centrales » et aboutirait à la confusion et au désordre.

   Les organismes supérieurs, pour leur part, ne doivent pas assigner aux organismes inférieurs beaucoup de tâches à la fois sans les classer selon leur degré d’importance et d’urgence et sans spécifier laquelle est la tâche centrale ; car cela désorganiserait le travail des organismes inférieurs et les empêcherait d’obtenir les résultats prévus.

   Un dirigeant doit considérer la situation dans son ensemble, à la lumière des conditions historiques et des circonstances dans une région donnée, déterminer correctement le centre de gravité et l’ordonnance du travail pour chacune des périodes envisagées, puis faire appliquer fermement la décision prise afin que des résultats certains soient obtenus ; cela relève de l’art de diriger.

   C’est également une question de méthode de direction qu’il faut chercher à résoudre lorsqu’on applique les principes : lier la direction aux masses et lier le général au particulier.

9. Nous n’allons pas épuiser ici tous les éléments du problème des méthodes de direction, mais nous espérons qu’à la lumière des principes qui viennent d’être exposés les camarades, dans les différentes régions, se livreront à de sérieuses réflexions et feront appel à leur faculté créatrice.

   Plus la lutte est ardue, plus il importe que les communistes lient étroitement leur travail de direction aux exigences des larges masses et leur appel général à une direction concrète dans tel ou tel secteur particulier, pour qu’on en finisse définitivement avec les méthodes de direction subjectivistes et bureaucratiques.

   Tous les camarades du Parti qui assument une fonction dirigeante doivent, à chaque instant, opposer les méthodes de direction scientifiques, marxistes, aux méthodes subjectivistes, bureaucratiques, et se servir des premières pour éliminer les secondes.

   Les subjectivistes et les bureaucrates ne connaissent pas les principes qui consistent à lier la direction aux masses et le général au particulier, ce qui entrave considérablement le travail de notre Parti.

   Pour combattre ces méthodes de direction subjectivistes et bureaucratiques, nous devons propager largement et faire pénétrer en profondeur les méthodes de direction scientifiques, marxistes.

=>Oeuvres de Mao Zedong

Sirak Sikder : Le rôle des dirigeants et des cadres dans la révolution (1972)

Un parti consiste en des dirigeants et des cadres.  Les dirigeants et les cadres sont deux aspects différents d’une contradiction1.  Les dirigeants et les cadres ont respectivement un rôle précis dans la révolution.

Ligne du parti et direction

Le président Mao a dit :

« La direction implique deux responsabilité principales : élaborer des idées et bien se servir des cadres ».

« Les choses telles qu’établir des plans, prendre des décisions et donner des ordres et des directives sont toutes dans la catégorie de « élaborer des idées » »2.

Cela signifie qu’il est de la responsabilité de la direction de produire des lignes politiques, militaires, organisationnelles, idéologiques, méthodologiques et autres et de se servir des cadres pour les réaliser.

Le rôle de la direction dans la préparation de la ligne et dans l’utilisation des cadres est déterminant.  La chose la plus importante pour le développement et la victoire d’un parti est la détermination d’une ligne correcte.  Si la ligne est correcte, les forces de qualité inférieure deviennent plus fortes, si il n’y a pas d’armée, elle se développera, s’il n’y a pas de pouvoir politique, il sera atteint, des cadres sont recrutés, ils sont motivés pour se sacrifier, avoir de la discipline et obéir au centre.

Si la ligne est erronée, les cadres ne sont pas motivés pour se sacrifier, n’ont pas de discipline.

Finalement, ils s’en vont et le parti perd aussi un succès pré-obtenu.  Si la ligne est correcte, le sacrifice et le massacre des cadres sont utiles tandis qu’ils sont vains quand la ligne est erronée.  Par conséquent, une ligne correcte est la vie du parti.  Le grand Lénine a produit la ligne correcte du Parti communiste de l’Union soviétique et le parti a accepté et a activé cela.  Par conséquent, le sacrifice du peuple et du prolétariat en Union Soviétique est devenu significatif (plus tard, ce sacrifice est devenu inutile quand les révisionnistes se sont emparés du pouvoir là-bas).

Le président Mao Zedong a produit la ligne correcte du grand Parti communiste chinois, le parti l’a acceptée et matérialisée.  Ainsi, la révolution chinoise obtient des victoires, et le sacrifice et le massacre des cadres sont utiles.

Siraj Sikder a produit la ligne correcte du Mouvement des travailleurs du Bengale Oriental et du Parti prolétarien, l’organisation l’a acceptée et les cadres l’ont matérialisée.  Ainsi, l’organisation remporte constamment des victoires et évolue, et le sacrifice et le massacre des cadres, des guérilleros et des sympathisants sont utiles.

Ce n’est qu’en raison de cette ligne correcte que le Mouvement des travailleurs s’est développé, que des cadres ont été recrutés et qu’ils ont été incités au sacrifice.  Il s’est maintenu et développé dans une situation critique de lutte de classe et nationale, et finalement, en remplissant son rôle historique, il a constitué le Parti prolétarien du Bengale Oriental.

Le Parti prolétarien, malgré l’attaque intérieure et extérieure violente d’ennemis nationaux et de classe et de leurs agents, se maintient en raison de sa ligne correcte et de son développement constant.

Par conséquent, le Parti prolétarien du Bengale Oriental s’est développé comme un parti s’appuyant sur les masses à l’échelle de tout le Bengale Oriental et a atteint le niveau pour lancer une guerre massive de libération nationale armée.

De l’autre côté, les lignes erronées et traitres de Huq-Toha, Motin-Aluddin, Debem-Basar, Kaji-Rono, Moni Singh-Mujaffar, etc, ces différents types de dirigeants révisionnistes ont dévoilé leur visage devant les véritables cadres et révolutionnaires ordinaires; et les cadres, réalisant leur trahison, rejoignent le véritable parti révolutionnaire en grand nombre.  Par conséquent, différents types de révisionnistes sont sérieusement isolés et ont atteint le stade de la destruction finale.

Le massacre et le sacrifice des cadres moyens qui leurs sont affiliés sont mal employés, dans la mauvaise voie, et ne servent à rien.  En raison de la ligne erronée et traitre du Parti communiste de l’Inde-Pakistan avant 1947, le sacrifice de centaines de milliers de membres des masses et de révolutionnaires prolétariens ont été vain et la bourgeoisie bureaucratique collaboratrice impérialiste et les féodalistes se sont emparés du pouvoir en Inde-Pakistan.

La ligne erronée de la direction du Parti communiste d’Indonésie s’est soldée par la mort de centaines de milliers de communistes et de simples citoyens.

La ligne bourgeoise traitre du Parti communiste soviétique a transformé l’Union Soviétique en un pays socio-impérialiste, un pays pour la constitution duquel des millions de révolutionnaires et de prolétaires ont sacrifié leur vie et le Parti communiste a été transformé en un parti fasciste bourgeois.

En conséquence, le sacrifice de millions de membres des masses et de révolutionnaires prolétariens n’a servi à rien.  La ligne traitre de la direction du parti de plusieurs pays de l’Europe de l’Est  et le parti mongol se sont transformés en partis révisionnistes et ces pays sont devenus des colonies social-impérialistes soviétiques ou des pays dépendants3.

C’est la raison pour laquelle le président Mao a dit : « La chose la plus dangereuse est l’émergence du révisionnisme dans le comité central ».  C’est parce que le comité central est l’organe principal suprême et que l’organisation entière est subordonnée à cela.  Donc l’émergence et l’importance du révisionnisme dans le comité central signifie que l’organisation est devenue révisionniste.

C’est pourquoi les agents de classe et les ennemis nationaux chez nous et à l’étranger, les différents types de révisionnistes et les autres réactionnaires font un effort maximum pour s’emparer de la direction du parti et détruire le parti révolutionnaire du prolétariat et en faire un parti qui protège l’intérêt des ennemis intérieurs et internationaux.

La clique du traitre Fazlu, l’ennemi de classe à l’intérieur du Parti prolétarien du Bengale Oriental, de connivence avec les ennemis nationaux et de classe nationaux et internationaux et leurs différentes formes d’agents impérialistes ont fait un effort maximum pour s’emparer de la direction du Parti prolétarien du Bengale Oriental.  Son but étant de s’emparer de la direction pour produire une ligne traitre, utiliser les services de tous les cadres pour matérialiser cela, mener leur sacrifice dans la mauvaise direction et servir les ennemis de classe et nationaux chez nous et à l’étranger et leurs différentes formes d’agents révisionnistes.

Ils ont nié le rôle de la direction convenable et de la ligne correcte du camarade Siraj Sikder, ont fait mention du sacrifice et du massacre des cadres et ont produit un effort haï pour utiliser cela pour satisfaire leur propre ignoble intérêt.

Ils voulaient que les cadres ne comprennent pas l’importance de la direction et de la ligne correctes de Siraj Sikder, qu’ils pensent que c’était sans valeur et secondaire et soient la cible du plan général de la clique de Fazlu pour la prise du pouvoir du parti.

En formant la clique, le traitre Fazlu s’est opposé à la popularisation de la direction correcte du camarade Siraj Sikder.  Populariser la direction correcte signifie d’instaurer un seul centre à l’intérieur du parti et de le renforcer, de rendre le centre influent et puissant, de rendre les cadres du parti et les gens confiants et obéissants à la direction, de terroriser les ennemis et de faire une déchirure parmi eux.

L’objectif de la clique de Fazlu était de briser et d’affaiblir l’unique centre, d’amoindrir son influence et son pouvoir, de faire que les cadres du parti et les masses manquent de confiance à l’égard de la direction et aider les ennemis.

Il s’est opposé à la popularisation de la direction, et a calomnié de la façon la plus ignoble la direction, il a fait des tonnes d’effort pour l’écraser et le discréditer et a même organisé un complot pour tuer la direction correcte.  Son but final était de s’emparer du pouvoir du parti grâce à ces actes malfaisants.

Comment la direction prépare-t-elle la ligne correcte ?

La ligne correcte de la direction ne se développe qu’après la répétition, à plusieurs reprises, du cycle de la matière à la conscience et de la conscience à la matière, c’est-à-dire de la pratique à la connaissance et de la connaissance à la pratique.

C’est l’épistémologie du marxisme, c’est-à-dire l’épistémologie matérialiste dialectique.  Le président Mao l’a examinée plus minutieusement dans « A propos des méthodes de direction ».

Là, il a dit :

« Toute direction correcte de notre parti est nécessairement ‘partir des masses pour retourner aux masses’.  Cela signifie: recueillir les idées des masses (idées diffuses et peu méthodiques) et les concentrer (par l’étude, les transformer en idées concentrées et systématiques) pour ensuite aller vers les masses propager et expliquer ces idées jusqu’à ce que les masses les comprennent comme étant les leurs, les retiennent et les traduisent action et tester la justesse de ces idées dans l’action. 

Puis, encore une fois, rassembler les idées issues des masses et encore une fois aller vers les masses afin que ces idées soient appuyées et menées à bonne fin.  Et ainsi de suite maintes et maintes fois dans une spirale sans fin, les idées devenant plus correctes, plus essentielles et plus riches chaque fois.  Telle est la théorie marxiste de la connaissance ».

De cela, nous obtenons les deux processus suivants de développement de la connaissance :

A : Connaissance perceptuelle issue de la matière – Pratique

Recueillir les idées des masses, c’est-à-dire aller au contact de l’objet, traduire cela au niveau cérébral et accumuler une connaissance perceptuelle.  Pour cela, la direction a besoin de rompre la glace. Cela signifie résoudre tous les problèmes quant à la direction dans une unité ou dans une zone.

B : Connaissance conceptuelle – Stade de la théorie

Cette étape est celle de transformer des idées recueillies en idées synthétisées, de créer une ligne connaissance conceptuelle – théorie – plan – général, c’est-à-dire d’élever le stade de connaissance perceptuelle – matière au stade de connaissance conceptuelle – conscience.

C : Contact avec la matière – Pratique

Amener la ligne connaissance conceptuelle – conscience – théorie – plan – général aux masses, activer cela, c’est-à-dire appliquer la ligne connaissance conceptuelle – conscience – théorie – plan – général à la pratique et éprouver la justesse de la ligne théorie – plan – général par la transformation, avec persévérance, de la matière selon cela.

La transformation de la matière se produisant au cours de la pratique selon la ligne connaissance conceptuelle – conscience – théorie – plan – général est correcte.  A ce stade, la connaissance pour ce qui concerne la matière complète.

Si la connaissance conceptuelle n’est pas complètement en conformité avec le changement et la transformation de la matière, alors, nous devons créer une connaissance perceptuelle dans la pratique et l’application, effacer les erreurs en faisant la récapitulation de l’expérience et des recherches et faire une nouvelle ligne théorie – plan – général, c’est-à-dire que la connaissance conceptuelle doit être créée.

Là encore, cela doit être appliqué dans la pratique pour vérification.  Nous devons mettre cela en pratique pour changer et transformer la matière.  Ainsi, la ligne correcte se développe en suivant les cycles répétés de matière – pratique – connaissance perceptuelle vers la ligne conscience – connaissance conceptuelle – théorie – plan – général et de la ligne conscience – connaissance conceptuelle – théorie – plan – général vers la matière – pratique – connaissance perceptuelle.  Nous devons aussi appliquer la méthode de la ligne de masse pour guider les cadres.

Si nous n’appliquons pas cette méthode, la direction sera bureaucratique et subjective.

Cela signifie que les bureaucrates donnent seulement un ordre mais cela devient subjectif parce qu’il n’a aucune base matérielle.

Par conséquent, la ligne de direction correcte ne tombe pas du ciel et n’est pas innée.

Elle ne vient que de la pratique.  Les lignes correctes de la lutte de classe et nationale ne viennent que de la lutte de classe et nationale.

Différentes formes de révisionnistes et la clique de Fazlu disent que le Parti prolétarien du Bengale Oriental et que le camarade Siraj Sikder ne sont pas en contact avec la population alors que la ligne du parti est correcte.

Cela signifie que la ligne correcte du Parti prolétarien du Bengale Oriental est innée chez le camarade Siraj Sikder ou qu’elle tombe du ciel.  Cela montre bien que les différentes formes de révisionnistes et la clique de Fazlu sont des idéalistes.

Le rôle créatif de l’humain

Le rôle créatif de l’humain est de recueillir l’expérience matérielle, de la résumer, de produire la ligne correcte et d’appliquer cela dans la guidance générale.

Cela variera selon les hommes, c’est-à-dire que les compétences varieront selon les hommes.  Le rôle créatif de la direction est d’une extrême nécessité. 

De tels dirigeants sont indispensables pour la révolution. Avec l’aide du Marxisme−Léninisme−Pensée Maotstétoung, ils sont capables de résumer l’expérience matérielle, de produire la ligne correcte et de mettre cela en pratique.

Comme le rôle créatif varie selon les hommes, certains deviennent de grands génies, certains deviennent de grands marxistes-léninistes. 

Malgré que les responsabilités soient réparties sur base des différentes compétences, tout le monde devrait être au service de la population de façon désintéressée.  Si quelqu’un a davantage de compétences, il ou elle n’a pas le droit d’être en position de maître au-dessus de la population.

Le président Mao a enseigné aux dirigeants et aux cadres :

« Nous devons tout apprendre de lui (Norman Béthune) l’esprit d’absolu altruisme.  Avec cet esprit, tout le monde peut être très utile au peuple.  L’aptitude d’un homme peut être grande ou petite, mais si il a cet esprit, il est déjà noble d’esprit et pur, un homme intègre moralement et au-dessus des intérêts vulgaires, un homme qui a de la valeur pour la population »

La clique du traitre Fazlu a refusé d’admettre le rôle créatif de la direction du parti et du camarade Siraj Sikder en disant des choses telles que le camarade Siraj Sikder n’a aucun rôle dans le développement du parti et dans l’atteinte du stade actuel afin qu’il puisse matérialiser son plan pour s’emparer de la direction du parti.  Il pensait [Fazlu] qu’il était la personne la plus qualifiée au monde et que donc « la terre s’arrêtera de tourner sans lui ».

Plutôt que d’être un serviteur désintéressé du peuple, il voulait se tenir au-dessus des camarades du parti et du peuple et être le maître.  Il se faisait l’illusion d’instaurer une autocratie.

La direction collective et le rôle de l’individu

La direction se compose des cadres les plus avancés du parti.  Chaque direction a un rôle matériel dans la révolution.

Il est de la responsabilité des révolutionnaires prolétariens et de la direction de garantir les pleines perspectives de développement de tous les membres de la direction et d’en même temps, activer la direction collective en conservant une vie démocratique parmi les dirigeants et ainsi d’effectuer une coordination appropriée entre le rôle individuel et la direction collective.

Au cours de la lutte de classe et nationale du prolétariat et du peuple, la direction et les dirigeants politiques prolétariens se développent.  Un tel dirigeant joue un rôle essentiel parmi la direction (par exemple, Comité central) dans la production de la ligne et l’utilisation des cadres.

L’organe de direction examine et prend en considération la ligne de ce genre de dirigeant, accepte cela et active la démocratie et la direction collective et le parti tout entier et la révolution remportent la victoire.

Le grand Lénine en Union Soviétique a produit la ligne du parti et la façon d’utiliser les cadres, ce que le Comité central et tout le parti a examiné, pris en considération et accepté.  Les camarades de tout le parti ont matérialisé cela.

Ainsi, le Comité central a donné l’occasion de développer entièrement le rôle personnel du grand Lénine et en même temps, il a maintenu la démocratie et la direction collective.

En Chine, le président Mao a composé la ligne et la méthode de travail du parti.  Le parti les a acceptés et les a matérialisés.  Par conséquent, toute la Chine a été libérée.

Enver Hoxha en Albanie a fixé la ligne et la méthode de travail du parti. Le parti les a acceptés et les a matérialisés.  La même chose s’est passée dans le cas du Vietnam et de la Corée.

En présence de réactionnaires et d’opportunistes également, le rôle individuel devient important dans la direction collective.

On l’a vu dans le cas de différentes formes de révisionnistes et de réactionnaires également où certains individus dans la direction déterminent une ligne et une méthode de travail erronées et se servent de cela.  Kautsky, en tant que dirigeant de la Deuxième Internationale, a utilisé sa ligne et sa méthode de travail révisionniste réactionnaire et a dupé les cadres, le prolétariat et les masses.

Khrouchtchev a produit une ligne révisionniste réactionnaire, l’a activée et a transformé le Parti communiste soviétique et l’Etat en un parti et un Etat bourgeois.  Brejnev marche sur ses traces.

Moni Singh, Mojaffar, Huq, Toha, Bashar, Motin, Kaji, etc, les différentes formes de révisionnistes jouent respectivement un rôle principal dans leurs organes dirigeants réactionnaires.

Dans le Mouvement des travailleurs du Bengale Oriental et le Parti prolétarien, le camarade Siraj Sikder a produit la ligne correcte, le Conseil révolutionnaire et le Comité central ont accepté ces lignes correctes et tout le parti les a activées.  En conséquence, le parti a obtenu des victoires et des progrès continuels.

La démocratie et la direction collective est activée par le comité central grâce à l’examen, l’acceptation et l’accord de la ligne générale composée par le camarade Siraj Sikder.

Par conséquent, le camarade Siraj Sikder a joué un rôle fondamental et central dans la ligne et l’utilisation des cadres parmi la direction collective.

Dans la récente conspiration pour détruire le Parti prolétarien du Bengale Oriental, entre Fazlu, Sultan, Humayun Kabir, etc, la clique du traitre Fazlu a joué le rôle principal.

Comme ses prédécesseurs Khrouchtchev-Liu Chao Chi, la clique Fazlu s’est montrée médiocre dans le rôle de la direction correcte, comme Khrouchtchev (Khrouchtchev, au nom de l’opposition au prétendu culte de la personnalité de Staline a voulu effacer l’immense contribution de Staline dans le cadre de la révolution ruse, allant jusqu’à le qualifier de réactionnaire) en se déclarant direction collective mais en voulant en fait établir leur propre direction réactionnaire et autocratique.  Cataloguant la direction comme réactionnaire, ils ont joué le rôle principal dans la création de la clique et dans la trahison.

Par conséquent, nous constatons que dans tous les cas, tant révolutionnaires que contre-révolutionnaires ou réactionnaires, l’individu particulier joue un rôle essentiel et central parmi la direction collective.

Direction correcte : création de la révolution

Le prolétariat, au cours de la lutte de classe et nationale contre la bourgeoisie et les autres classes exploiteuses, aujourd’hui ou demain, crée son propre parti politique révolutionnaire représentatif et crée également une direction capable pour guider le parti politique.

Cela signifie que la création d’un parti politique et d’une direction correcte est l’aboutissement inévitable du mouvement de l’histoire.

Donc, la création du Parti communiste chinois et Mao Zedong ne sont pas un quelconque événement accidentel, mais plutôt l’aboutissement inévitable de la lutte de classe et du développement social de la Chine.

Par conséquent, l’aboutissement inévitable du développement social du Bengale Oriental est la naissance d’un parti politique correct et d’une direction du prolétariat.

Le dirigeant du Parti prolétarien, étant soit un membre du Comité central ou d’un Comité local, est issu du peuple par la lutte de classe et national, il obéi continuellement à la population, a un contact étroit avec elle et il sait centraliser et activer les opinions du peuple.  Ce genre de dirigeant est le véritable représentant du prolétariat et avoir ce genre de direction est le signe de la maturité politique d’un parti prolétarien reconnu par le peuple.  L’espoir de victoire de la cause du prolétariat se trouve là.

De manière absolument correcte, Lénine a dit :

« Pas une seule classe dans l’histoire n’a atteint le pouvoir sans produire ses dirigeants politiques… »

Il a de plus ajouté :

« La formation de dirigeants de parti influents et expérimentés est un travail long et difficile.  Et sans lui, la dictature du prolétariat et son ‘unité de volonté’ restent de simples vœux pieux ».

Le Parti prolétarien du Bengale Oriental et sa direction se sont développés au cours de la lutte de classe et nationale du prolétariat et du peuple.  Ce n’est pas un phénomène accidentel.

Capable de créer une ligne correcte et de l’activer, et reconnu par une énorme quantité de camarades du parti et  du peuple, la direction correcte du camarade Siraj Sikder démontre que le Parti prolétarien du Bengale Oriental devient politiquement mûr.  En refusant d’admettre cette réalité, la clique de Fazlu voulait diriger en donnant la priorité à l’opportunisme et à l’intérêt individuel dans la lutte de classe et nationale.  Ainsi, plutôt que d’être compatible avec la marche de l’histoire il est devenu son obstacle en s’y opposant tel un scélérat. Inévitablement, comme Bakounine, Bernstein, Kautsky, Khrouchtchev et Liu Chao Chi, il a été renvoyé vers la poubelle de l’histoire.

La direction est sujette au changement

Le président Mao a dit :

« Dans le processus de la grande lutte, la composition du groupe de dirigeants ne devrait et ne peut pas, dans la plupart des cas, rester totalement inchangé tout au long des stades initial, du milieu et final ».

Cela signifie qu’au cours de la lutte, la direction se divise constamment en deux.  Certains cadres principaux sont opportunistes, révisionnistes, s’abâtardissent, conspirent, forment des cliques ou sont exclus comparé aux cadres nouveaux venus.  C’est pourquoi les éléments opportunistes, révisionnistes, immoraux, conspirateurs, de clique et exclus sont mis au rebus et remplacés par les nouveaux cadres au sang neuf et capables.

Ceci est applicable à la direction suprême et au dirigeant ou président du Comité central du Parti également.  Si le président ne s’empare pas lui-même de la lutte entre les deux lignes, ne lutte pas et écarte les aspects non-prolétariens, laisse les aspects non-prolétariens être principaux et qu’à la fin, cela devient réellement principal, alors, ses activités politiques et autres seront orientées d’après une perspective non-prolétarienne.  Donc tout sera faux.  Inévitablement, les éléments purs et prolétariens du parti poursuivront une lutte contre cela et le président, s’il n’est pas bon et qualifié, sera abandonné.

En Chine et dans de nombreux partis prolétariens du monde, plusieurs fois, le président ou le secrétaire adjoint ont été évincés parce qu’ils s’étaient transformés en non-prolétariens.  
Beaucoup de ceux liés à la création du Mouvement des travailleurs du Bengale Oriental, l’organisation préalable au Parti prolétarien du Bengale Oriental, ont été abandonnés au cours de la révolution.  De nombreux membres de l’organe principal du Mouvement des travailleurs du Bengale Oriental, le conseil révolutionnaire, ont été abandonnés parce qu’ils s’étaient rendus inaptes.

En tant que membre du premier Comité central du Parti prolétarien du Bengale Oriental, la clique Fazlu-Sultan, en complicité avec les ennemis de classe nationaux et internationaux, a soutenu une conspiration, a formé une clique et une faction.  Ils ont été évincés.

Le même processus s’est également produit à différents niveaux du Mouvement des travailleurs du Bengale Oriental.  Le même processus se produit aussi à différents niveaux du Parti prolétarien.  Cela signifie que le processus « Eliminer la crasse et prendre le vert » est également applicable à la direction.

Evaluations de la direction et des cadres

En s’opposant à la ligne réactionnaire bourgeoise de Khrouchtchev, le Parti communiste chinois a dit :

« Le P.C.C. a toujours estimé qu’il faut faire une analyse complète, objective et scientifique des mérites et des erreurs de Staline, en recourant à la méthode du matérialisme historique et en représentant l’histoire telle qu’elle est, et non pas répudier Staline de façon totale, subjective et grossière, en recourant à la méthode de l’idéalisme historique, en déformant et en altérant à plaisir l’histoire. »4

A partir de cela, nous comprenons qu’il faut que nous évaluions la direction et les cadres avec l’aide du matérialisme historique par une analyse matérielle et scientifique.  Nous devons présenter l’histoire telle qu’elle est arrivée.  D’une manière plus résumée, Mao a dit ici :

« Tracer deux lignes de distinction.  Premièrement entre la révolution et la contre-révolution, entre Yan’an et Xi’an.  Certains ne comprennent pas qu’ils doivent tracer cette ligne de distinction.  Par exemple, lorsqu’ils combattent la bureaucratie, ils parlent de Yan’an comme si ‘rien n’était bien là’ et ne parviennent pas à faire une comparaison et à faire la distinction entre la bureaucratie à Yan’an et la bureaucratie à Xi’an.  Ceci est fondamentalement erroné.  Deuxièmement, à l’intérieur des rangs révolutionnaires, il est nécessaire de faire une distinction claire entre le juste et le faux, entre les réussites et les défauts, et de bien faire comprendre lequel des deux est principal et lequel est secondaire.  

Par exemple, les réussites équivalent-elles à 30% ou à 70% de l’ensemble?  Ni comprendre ni exagérer ne feront l’affaire.  Nous devons avoir une évaluation fondamentale du travail d’une personne et établir si ses réussites équivalent à 30% et ses erreur à 70% ou vice-versa.  Si ses réussites équivalent à 70% de l’ensemble, alors, en général, son travail devrait être approuvé.  Il serait totalement faux de décrire un travail dans lequel les réussites sont principales comme un travail dans lequel les erreurs sont principales. 

Dans notre approche des problèmes, il ne faut pas que nous oubliions de tracer ces deux lignes de distinction, entre la révolution et la contre-révolution, et entre les réussites et les défauts.  Nous serons capables de bien gérer les choses si nous tenons compte de ces deux distinctions.  Sinon, nous confondrons la nature des problèmes.  Pour bien établir ces distinctions, une étude et une analyse consciencieuses sont bien sûr nécessaires.  Il faut que notre attitude à l’égard de chaque personne et de chaque question soit une attitude d’analyse et d’étude. »

Il se peut que la direction et les cadres fassent des erreurs.  Nous devons lutter contre celles-ci d’après la méthode démocratique de la critique – autocritique.  « Il faut que nous insistions sur l’analyse des circonstances dans lesquelles les erreurs ont été commises, sur le contenu des erreurs et sur leurs racines sociales, historiques et idéologiques, et il faut que ceci soit fait dans l’esprit d’ ‘apprendre des erreurs passées pour éviter les erreurs futures’ et de ‘guérir la maladie pour sauver le patient’ afin de parvenir à l’objectif double de la clarté dans l’idéologie et de l’unit entre les camarades.»5  

La direction et les camarades ont une vie personnelle qui leur est propre.  A moins que des défauts personnels soient liés à des erreurs politiques ou organisationnelles, il n’y a pas lieu d’être trop critique et d’embarrasser les camarades concernés.  Si c’est le cas, les membres du parti se concentreront entièrement sur des erreurs mineures, mettront le parti en danger et oublieront les tâches politiques du parti.  Cela servira uniquement le souhait de l’ennemi.  

Comme son maître Khrouchtchev, la clique du traitre Fazlu a évalué le camarade Siraj Sikder et d’autres véritables camarades par l’entremise de l’idéalisme historique, a déformé l’histoire et la vérité en les changeant selon son désir, inventant de prétendues erreurs, manquements et crimes [soi-disant] imposés par le camarade Siraj Sikder et d’autre véritables camarades, a fait courir des rumeurs et des diffamations contre eux, se concentrant surtout sur leur vie personnelle.  Comme Khrouchtchev, il (Fazlu), au nom de l’opposition à l’individualisme, a totalement nié le rôle du camarade Siraj Sikder.

Donc, nous devons nous opposer à la méthode bourgeoise réactionnaire de Khrouchtchev et de son élève, la clique Fazlu, dans l’évaluation de la direction et des cadres et suivre la méthode marxiste.

Le rôle des cadres dans la révolution

Au sujet du rôle des cadres, le président Mao a dit :

« Une fois que la ligne politique est établie, les cadres sont le facteur décisif ».

Après que la ligne de parti soit établie, le parti a besoin de cadres qui, en étant d’esprit déterminé, sans peur du sacrifice, franchissant tous les virages et tous les obstacles, mettront la ligne du parti en pratique et lutteront pour parvenir à la victoire.

Le parti entre en contact avec les masses grâce aux cadres et la ligne du parti est activée grâce aux cadres.

L’effort assidu, le sacrifice et le massacre des cadres portent leur fruit lorsqu’ils sont utilisés pour matérialiser la ligne correcte du parti, ce qui signifie que le parti parvient au développement et au succès et qu’à la fin, la classe du prolétariat et la population parviennent à la libération.  Si la ligne du parti est erronée, leur effort, sacrifice et massacre ne servent à rien.

C’est pour cette raison que les cadres sont obligés d’atteindre les qualifications minimales suivantes :

« Un cadre est ferme dans la mise en œuvre de la ligne du parti s’il se tient à la discipline du parti, si il a des liens étroits avec les masses, si il a la capacité de trouver ses positions de façon autonome et si il est actif, travailleur et désintéressé. »

La responsabilité des cadres est de continuellement contrôler la direction, de parvenir à l’aptitude d’établir ce qui est bien et ce qui est mal, de réaliser consciemment le rôle de la direction en déterminant la ligne du parti, de rester fidèle à la direction correcte du parti et de défendre, renforcer et populariser cela, de constamment augmenter leur capacité de travail et de se rendre de plus en plus capables de prendre la responsabilité de servir le peuple.

Sur la manière d’utiliser les cadres

Le président Mao a dit :

« Premièrement, leur donner des conseils.  Cela signifie leur accorder carte blanche dans leur travail afin qu’ils aient le courage d’assumer leur responsabilité et en même temps, leur donner des instructions opportunes pour que, guidés par la ligne politique du parti, ils soient en mesure de faire un usage complet de leur initiative.

Deuxièmement, élever leur niveau. Cela signifie les instruire en leur donnant la chance d’étudier afin qu’ils puissent améliorer leur compréhension théorique et leur capacité de travail.

Troisièmement, vérifier leur travail, les aider à résumer leur expérience, à faire avancer leurs réalisations et à corriger leurs erreurs.  Attribuer le travail sans se renseigner et ne réagir que lorsque de graves erreurs sont faites- ce n’est pas la manière de prendre soin des cadres.

Quatrièmement, en général, utiliser la méthode de la persuasion avec les cadres qui ont fait des erreurs et les aider à les corriger.  Il faut que la méthode de la lutte soit limitée à ceux qui font de graves erreurs et qui néanmoins, refusent d’accepter les conseils.  Ici, la patience est indispensable.  Il est injuste de cataloguer à la légère les gens d’ ‘opportunistes’.  Cinquièmement, les aider avec leurs difficultés.  Quand les cadres sont en difficulté des suites d’une maladie, de moyens limités, d’ennuis domestiques ou autres, nous devons être sûrs de leur donner le plus d’attention possible. »

Quand on juge leur travail, il ne faut pas seulement que nous recueillions les avis du niveau auquel il ou elle appartient, mais aussi des rangs inférieurs, et même si possible, également de la population.  Cela veut dire que nous devons évaluer le travail des cadres d’en haut et d’en bas.

Conclusion

« Le peuple et seul le peuple, est la force motrice dans la réalisation de l’histoire du monde ».

Penser autrement est de l’idéalisme historique.  De plus, le président Mao a ajouté :

« Si seules les masses sont actives sans un solide groupe de dirigeants pour organiser leur activité de manière correcte, une activité pareille ne peut pas être poursuivie pendant longtemps ».

C’est la raison pour laquelle le président Mao a dit :

« S’il doit y avoir une révolution, il doit y avoir un parti révolutionnaire ».

Un parti révolutionnaire est le type de groupe de dirigeants qui est la force au cours de l’aboutissement de la cause du peuple.  Le rôle du parti est de diriger les masses et le prolétariat dans la lutte contre les ennemis de classe (et les ennemis nationaux), de comprendre les lois de ces luttes et de les guider en conséquence, et d’ainsi transformer la société et le monde.

La responsabilité de la direction du parti est de comprendre les lois de la lutte de classe et de la lutte nationale; de produire une ligne correcte et de guider les cadres pour matérialiser cela.  En étant guidés par la direction, la responsabilité des cadres est de matérialiser la ligne du parti et de diriger le prolétariat et les masses dans la lutte de classe et dans la lutte nationale.

La direction révolutionnaire est essentielle pour rendre actifs les cadres du parti révolutionnaire.  Sans cela, les cadres du parti ne peuvent pas poursuivre leurs activités et les élever à un niveau supérieur.  Et il ne peut pas y avoir de parti révolutionnaire non plus.  Entre les masses et le parti, le parti est l’aspect principal pour guider le peuple et diriger les masses.

Le peuple est l’aspect principal dans la question de la transformation de la société et du monde; entre la direction et les cadres, la direction est l’aspect principal dans la création de la ligne et l’utilisation des cadres dans le parti tandis que les cadres sont l’aspect principal dans l’application de la ligne du parti.

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1 – Le président Mao a dit : « Chaque différence est une contradiction ».  Entre les dirigeants et les cadres, il y a une différence de niveau et de compétence.  C’est la raison pour laquelle les cadres ont une contradiction avec les dirigeants. Il s’agit d’une contradiction au sein du peuple.  Le leadership doit garder cette contradiction non-antagoniste en se rendant compte des lois des cadres, en les guidant en conséquence et en appliquant correctement la démocratie, le centralisme et la méthode de la ligne de masse.  Il se peut que la contradiction entre les cadres et le leadership prenne une forme antagoniste.  Lorsque le leadership tout entier ou une partie de celui-ci devient révisionniste ou réactionnaire ou contre-révolutionnaire, il se peut que leur contradiction avec les cadres moyens prenne une forme antagoniste.  Ces dirigeants sont alors évincés.

2 – Citation de Mao Zedong

3 – Bulgarie, Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie, Allemagne de l’Est, etc.  La Yougoslavie dépend de l’impérialisme américain

4 – PCC, « Sur la question de Staline », 1963

5 – Mao Zedong, Oeuvres choisies, vol III

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Siraj Sikder : Découvrons la loi des cliques, et combattons les (mai 1972)

Le marxisme nous enseigne qu’ « en découvrant la loi de la matière, on peut transformer en conséquence ».

De même, en découvrant la loi des cliques, on peut combattre les cliques, les briser et empêcher qu’il ne s’en forme de nouvelles.

En conséquence, nous pouvons utiliser la connaissances des cliques dans notre propre intérêt. Alors, de matière en soi, elles se transforment en matière pour soi. [1]

Nous avons pris connaissance de l’émergence de cliques dans les organisations révolutionnaires de différents pays du monde, de l’incidence et du résultat final de la formation de cliques dans les organisations petites bourgeoises et dans les factions bourgeoises soi-disant marxistes du Bengale oriental. Dans notre parti, il y a eu des incidences de formation de cliques, comme la clique de Sadek à Hazipur, et la clique de Abul Hasan-Shanti Lal.

Mais comme ces phénomènes ont été limités, ils ne nous ont pas permis de découvrir la loi générale sur les cliques.

Par contre nous avons eu le loisir d’examiner de près le clique de Fazlu et Sultan, ses activités, sa signification, sa portée et ses conséquences. Cela nous a permis de formuler une loi générale s’appliquant à ce type de phénomènes.

L’intérêt personnel est l’aspect principal de toutes les cliques

Rêvant de devenir rapidement un leader connu dans tout le pays et une autorité dans le parti, Sadek de Hazipur a formé une clique et mené des activités aventuristes. Son but était de se faire un nom, et de devenir un leader et une autorité du parti.

Abul Hasan a formé une clique pour bénéficier de libéralités sexuelles, détourner de l’argent et devenir dirigeant.

Fazlu, au lieu de placer son intérêt sexuel en dessous de l’intérêt révolutionnaire, a fait le contraire et a travaillé pour obtenir une position et se faire un nom dans le parti. Il était critiqué pour cela depuis son ralliement à la révolution, et a fini par perdre son poste dans le parti.

C’est alors qu’il a formé une clique.

Sultan n’a pas placé son propre intérêt sexuel en dessous de l’intérêt révolutionnaire, et il travaillait pour obtenir un poste.

Dès qu’il a été démis de son poste, il a formé une clique.

Ainsi, les causes fondamentales de la formation de cliques sont : l’intérêt sexuel, l’intérêt pour un poste, l’intérêt pour la notoriété, autrement dit, l’intérêt personnel, autrement dit, les intérêts bourgeois.

La conspiration, la diffamation et les rumeurs sont employés pour former une clique

Les faiseurs de cliques, en s’éloignant de la voie démocratique de type « unité – critique – unité » qui permet de résoudre les contradictions au sein du parti, choisissent la voie de la conspiration, diffusent des rumeurs et des diffamations. Ils ne disent rien dans les réunions, rien aux camarades concernés, rien à la direction.

Sadek de Hajipur a raconté des mensonges absurdes et infondés au sujet du parti et de sa direction, a conspiré secrètement avec des renégats, a organisé la supercherie de se présenter comme une autorité du parti.

Fazlu, en ne disant rien lors des réunions au sujet des cadres concernés, a répandu des mensonges et des absurdités, des rumeurs, les a empêché d’en faire le rapport, a formé une clique qui a volé l’argent et les armes du parti.

Sultan a fait la même chose en ne disant rien en face à face ou dans les réunion.

La raison de cela est que si ces personnages avaient répandu rumeurs et calomnies en réunion ou en présence des camarades concernés, ils auraient été chassés pour avoir dit des choses fausses et sans fondement. C’est pourquoi ils agissent derrière et pas devant. Ils sont les vents empoisonnés de la nuit qui n’ont pas leur place en plein jour. Ils sont chassés par la lumière de la réalité.

Les opportunistes au sein du parti sont à l’origine des cliques

Sadek de Hajipur a donné un espace aux opportunistes et aux renégats et a formé une clique.

De la même façon, Abul Hasan a formé une clique avec les opportunistes.

Fazlu a ouvert la voie à Sultan, un élément opportuniste et dégénéré qui a succombé à ses propres intérêts sexuels. Ils ont créé un espace pour tous les opportunistes au sein du parti qui étaient insatisfaits du parti pour des raisons personnelles ou autres, et ceux qui étaient critiqués par le parti.

Ainsi, ils ont formé une clique d’opportunistes, de dégénérés et de renégats, de tous les mécontents, ont trompés les cadres principaux et le peuple, et se sont présentés comme les autorités du parti.

Les faiseurs de clique jouent sur deux tableaux, comme Khrouchtchev

Quand Sadek parlait du parti, il montrait son allégeance, mais en fait il conspirait en secret.

Fazlu s’est avéré être un excellent acteur quand il parlait aux camarades et aux dirigeants, il écrivait même des vers à la gloire de Siraj Sikder, disait que celui ou celle qui s’oppose au camarade Sikder n’était pas un vrai révolutionnaire ; mais déjà il répandait des mensonges haineux, des diffamations et des rumeurs contre le camarade Siraj Sikder. Il a demandé à des camarades d’écrire des lettres, alors qu’il préparait sa fuite, disait une chose à l’un et le contraire à l’autre. Il était élogieux devant, mais semait la discorde derrière.

La clique de Sultan et Fazlu a fait preuve d’une grande obéissance en paroles. Personne ne croyait qu’ils ne pourraient faire du tort au parti, encore moins qu’ils allaient prendre la fuite ; et pourtant ils ont conspiré, volé les fonds et les armes du parti, formé une clique et organisé leur fuite.

Les faiseurs de clique brisent la discipline du parti

Les faiseurs de clique abandonnent la discipline du parti en présentant les résolutions en déformant leur importance. Ils font cela afin que les cadres fassent l’objet de défiance ; ainsi, l’autorité des cadres est entamée.

Les faiseurs de clique déforment l’histoire et le marxisme

Khrouchtchev a déformé l’histoire et le marxisme pour justifier sa prise de pouvoir.

Il a complètement nié le grand rôle de Staline dans la révolution soviétique, a répandu des calomnies révoltantes à son propos, et a abandonné le marxisme-léninisme en affirmant qu’il était passé de mode et en développant sa propre théorie contre-révolutionnaire.

La clique de Fazlu a elle aussi déformé l’histoire, en concoctant sa théorie réactionnaire et en tentant de justifier sa propre conspiration contre-révolutionnaire pour accéder au pouvoir.

Fazlu a complètement nié le rôle du camarade Siraj Sikder dans le Mouvement des Travailleurs du Bengale Oriental, le grand Payrabagan et le Parti Prolétarien. En déformant l’histoire, il a répandu calomnies et mensonges au sujet du camarade Siraj Sikder.

Les faiseurs de clique tissent des intrigues, se défendent mutuellement, et établissent au autre centre à l’intérieur du parti

Sadek et tous les autres n’ont pas reporté leurs activités au parti, et se sont défendus mutuellement.

Dans la clique de Habul Hasan, personne ne s’est fait connaître.

Fazlu et Sultan n’ont pas fait connaître leurs activités, au contraire ils se sont protégés mutuellement. Fazlu a dissimulé une lettre de Sultan contenant la preuve de son opportunisme, plutôt que de la soumettre au parti.

Fazlu et Sultan on brisé la discipline du parti, ont nommé des cadres illégalement (ce que seul pouvait faire le comité central), les ont financé, ont établi une ligne conspiratrice, se sont présentés comme un centre alternatif en opposition au seul centre du parti, le comité central.

Ils s’envoyaient des télégrammes pour éviter que le parti ne prennent des mesures contre eux. Fazlu et Sultan ont affirmé que le traître renégat Nurul Hasan était un bon camarade, et que les mesures que le parti avait pris contre eux étaient incorrectes.

Ainsi, ils ont donné un espace aux traîtres renégats Dipu et Mahbub. De cette façon ils se sont réduits eux-mêmes à l’état de traîtres renégats.

Des conspirateurs aboutis, comme Khrouchtchev et Liu Chao Chi, travaillent secrètement, et tissent leurs intrigues sans rien faire paraître devant l’autorité.

Khrouchtchev a réussi à prendre le pouvoir.

La clique de Liu Chao Chi a été démasquée et renversée.

Nos conspirateurs à nous sont beaucoup plus idiots. Leurs stratagèmes sont vites découverts et ils se font facilement attraper.

Les faiseurs de clique volent les possessions et utilisent la renommée du parti

Pour arriver à leurs fins, les meneurs de clique volent l’argent, les armes et les possessions du parti, créent de faux comptes et détournent des fonds.

En utilisant le prestige du parti, ils se présentent comme des autorités du parti, disent que le parti est bon, mais que la direction est mauvaise, etc.

Sans en informer le parti, Fazlu et Sultan ont bafoué la confiance du parti, et volé ses fonds. Leur objectif était de voler tout l’argent. Fazlu avait prévu de fuit avec tout l’argent de fonctionnement du parti.

Leur but était de rendre impossible le travail du parti en en volant les ressources, de mettre le parti à genoux pour pouvoir s’établir en tant qu’autorités du parti en échange de l’argent volé.

Les faiseurs de clique établissent des sanctuaires

Les faiseurs de clique essaient d’établir dans leurs zones des sanctuaires loin du comité central et du parti. Ils travaillent de manière à ce que les cadres ne fassent pas confiance au parti et à son comité central, mais à eux et eux seuls.

A Khulna, Fazlu a essayé de former un de ces sanctuaires. A cette fin, il a stocké beaucoup d’armes, a formé des cadres, a imprimé des tracts en son nom personnel, et a profité de la renommée du parti pour recruter des hommes sur la base féodale des liens du sang.

Il s’est opposé à la décision de son transfert par le comité central, et a même exprimé la volonté de travailler sous l’autorité de cadres par lui désignés. Autrement dit, il a essayé par tous les moyens de rester à Khulna.

Si le comité central ne l’avait pas banni de Khulna, il aurait essayé de faire de la zone un sanctuaire puissant, en propageant la défiance envers le comité central et certains camarades, en diffusant des rumeurs, des calomnies et des mensonges parmi les cadres pour conserver leur faveur.

De là, il aurait bénéficié de l’aide d’opportunistes. On trouve un cas de figure similaire en la personne de Motin-Alauddin de Pabna, qui a pu établir un sanctuaire grâce à son influence. Idem pour Toha et compagnie, qui a formé son sanctuaire de la même façon. En d’autres mots, telle zone appartient à Motin, et telle zone appartient à Toha.

En Chine, Peng Chen a établi un sanctuaire dans la municipalité de Pékin. Tau Chu a établi un sanctuaire dans le sud. Nous devons toujours nous garder de ce genre de formation par les conspirateurs, les cliques et les opportunistes.

Les faiseurs de clique rejettent leurs propres erreurs sur les autres et se disent sans reproche

Fazlu et Sultan ont attribué leurs propres erreurs à la direction du comité central et aux autres camarades, et se sont présentés comme sans reproche.

Ils posent de façon à donner l’impression qu’ils livrent un combat politique et idéologique, qu’ils sont innocents et qu’on les a démis de leurs postes injustement. Ils agissent comme Khrouchtchev.

Les cliques et les conspirateurs commettent secrètement des meurtres de camarades ou les font arrêter. Ils deviennent des agents de l’ennemi, à l’intérieur et à l’extérieur

La clique de Fazlu et Sultan ont essayé de faire arrêter par le gouvernement un camarade malade, et ont plus tard conspiré pour le tuer.

Ils ont conspiré pour assassiner des membres de la direction du parti, des membres du comité central et des révolutionnaires authentiques du parti.

Ce faisant, ils n’ont pas hésité à emprunter la voie la plus sale vers l’accès au pouvoir.

Dans l’histoire du parti communiste soviétique, la clique à l’intérieur du parti a fait assassiné le camarade Kirov (chef du parti à Leningrad) en 1934.

Dans l’histoire du parti birman, la clique révisionniste a fait assassiner le Président Thakin Than Tun en 1967.

Dans l’histoire du parti de Chine, les cliques sont dans de nombreux cas devenues des agents de l’ennemi, et ont fait arrêter des centaines de camarades.

Lin Biao a conspiré pour faire tuer le Président Mao.

Ainsi, de nombreuses cliques et conspirateurs sont devenus les agents des ennemis domestiques et internationaux.

Les opportunistes sont avantagés par les activités anti-partidaires des cliques

Certains cadres du parti opportunistes, en s’appuyany sur les activités anti-partidaires des conspirateurs et des cliques, essaient de bénéficier de la structure du parti et d’accéder au pouvoir.

Certains d’entre eux servent d’amplificateurs aux conspirateurs et aux cliques.

Si ces derniers ne prennent pas garde, ils seront pris aux pièges des cliques et des opportunistes et rejoindront leurs rangs. Les cliques et les opportunistes font travailler pour eux les camarades les plus naïfs, qui peuvent en devenir les victimes.

Le but ultime des cliques et des conspirateurs est de s’emparer du pouvoir dans le parti

En répandant les mensonges, les rumeurs et les calomnies les plus sales, la clique de Fazlu et de Sultan a tenté de tourner l’opinion publique contre la direction du parti, le comité central et les camarades disciplinés et honnêtes, de les faire assassiner, de faire en sorte que les camarades qui représentaient un obstacle se fassent arrêter, et de disposer des camarades encore loyaux en leur faisant miroiter des opportunités ou en exerçant leur pression sur eux. Ensuite la clique a tenté de s’emparer du pouvoir dans le parti en formant son propre comité central et en organisant un « quo-de’tat », une soi-disant réunion des camarades de la direction.

Pour commencer, Fazlu et Sultan ont ouvert un espace aux opportunistes et ont trompé des cadres authentiques.

Ensuite, ils ont volé l’argent du parti afin d’interrompre le travail effectué par le comité central mené par le camarade Siraj Sikder, et par les révolutionnaires authentiques ; afin que de leur côté, ils puissent se déplacer aux quatre coins de l’organisation, répandre des rumeurs sur la direction, le comité central et les vrais camarades, pour que l’opinion publique se tourne contre ces derniers. Dans ce but, ils ont envoyé partout leurs porte-flingues.

Ils ont établi une liste des personnes à abattre. Ils ont exigé une réunion camarades dirigeants – l’étape supérieure de leur plan.

Leur conspiration a été découverte grâce à la méfiance de la direction, à la sincérité et à la confiance des camarades envers la direction et la révolution. Tout leur plan réactionnaire s’est effondré comme un château de cartes. Certains des conspirateurs se sont enfui, alors que d’autres essaient encore de se justifier pour sauver leur peau.

En Union Soviétique Khrouchtchev s’est emparé du pouvoir de la même façon. En 1934, le camarade Kirov de Leningrad a été assassiné.

Liu Chao Chi a fait la même tentative mais a échoué. Lin Biao a lui aussi échoué.

Nos conspirateurs n’ont pas réussi non plus à s’emparer du pouvoir dans le parti. De surcroit, ils sont désormais haïs et condamnés par les camarades et le peuple.

Les conspirateurs et les cliques sont en fait les agents du féodalisme, du capitalisme bureaucratique, de l’expansionnisme indien, de l’impérialisme U.S. et du social-impérialisme soviétique

Si la clique de Fazlu et Sultan avait pu s’emparer du pouvoir de cette façon méprisable, ce parti serait-il demeuré un parti révolutionnaire ? Aucunement. Il serait devenu le garant des intérêts des ennemis domestiques et internationaux.

La clique de Fazlu et Sultan a tenté d’unifier les opportunistes et les traîtres renégats, et à conspirer pour faire assassiner ou renverser des cadres authentiques. Ce sont eux qui accordent une importance primordiale à l’intérêt personnel. En conséquence, le parti aussi serait devenu le vecteur des intérêts personnels, le pourvoyeur de libéralités sexuelles, de pouvoir, d’argent, de renommée et de statut social. Cela signifie que le parti n’aurait plus rien de marxiste, ni même d’honnête.

La conséquence aurait été la soumission aux intérêts des ennemis domestiques et internationaux.

Le Parti Prolétarien du Bengale oriental est le danger numéro un pour les ennemis domestiques et internationaux. A présent, la situation est exceptionnellement favorable au développement du parti.

A l’heure actuelle, la clique de Fazlu et Sultan avec ses activités de destruction du parti, est le meilleur appui de nos ennemis.

La chute des faiseurs de clique est inévitable

Les cadres ont fini par prendre connaissance de tous les crimes de la clique de Fazlu et Sultan : on ne peut pas tricher.

Ils sont connus de tous les cadres pour ce qu’ils sont : des voleurs, des conspirateurs, et une clique. Il est clair pour tout le monde qu’ils ont intrigué. Ils ont fini par prendre la fuite et abandonné l’organisation.

Le Président Mao a dit : « une mentalité malhonnête entraîne la chute. »

La chute de Abul Hasan et de Shanti Lal incombe à cela. Les chutes de Khrouchtchev et de Liu Chao Chi ont la même cause, ainsi que celle de Lin Biao.

La chute de Sultan et Fazlu découle de cette même raison. Ils ont joué sur deux tableaux, en se présentant comme des honnêtes hommes, mais le temps a dévoilé leur personnalité répugnante et réactionnaire. On ne peut pas tricher toute sa vie, et leur vrai visage a été découvert.

Ils finiront donc dans les poubelles de l’histoire. Dans le processus de mouvement dans la société, les salissures et la poussière disparaîtront, et ce sont les révolutionnaires authentiques qui feront avancer le mouvement social.

Le parti se renforce en expulsant les opportunistes, les conspirateurs et les éléments dégénérés

Les cliques de Sadek et d’Abul Hasan-Shanti ont quitté le parti. La clique de Fazlu a elle aussi pris la fuite.

En conséquence, le parti a essuyé quelques départs. Des cadres ont quitté le parti et dans certaines zones, notre travail en a pâti, voire a été détruit par les activités anti-organisationnelles des conspirateurs ; certains cadres généraux ont été confrontés à des objections, les ennemis s’en sont réjouis et à cause de cela nous avons perdu de nouveaux contacts.

Mais il y a aussi un aspect positif à tout cela. Car ces conspirateurs créaient de la frustration, de l’hésitation et de l’instabilité chez les cadres du parti. Ils avaient crée un centre alternatif à l’intérieur du parti en affaiblissant ou en brisant la discipline . C’était une bombe à retardement qui a entraîné des meurtres et de la trahison au sein du parti, et qui annonçait de terribles pertes dans le futur.

Staline a dit que les conséquences de la lutte aux côtés de tels alliés, c’est que le parti se trouve pris entre deux feus : le feu des ennemis extérieurs, et le feu des ennemis intérieurs. Dans de telles conditions il est impossible que le parti soit vainqueur.

De l’exemple négatif de l’affaire de la clique de Sultan et Fazlu, le parti a retenu un enseignement de grande valeur. Cette expérience s’est avérée absolument nécessaire pour les luttes contre les futures cliques, conspirations et intrigues.

Quand les complots des faiseurs de clique sont démasqués, certains se disent en faveur de l’unité pour sauver leur peau

Après l’échec de leur complot pour prendre le pouvoir, les acolytes de Fazlu et Sultan étaient en état de choc. La clique de Fazlu a pris la fuite. D’autres se disent en faveur de l’unité pour sauver leur peau. Ils pleurent des larmes de crocodile pour l’unité et les intérêts du parti.

Mais ce n’est qu’un leurre. Maintenant ils parlent de l’unité et des intérêts du parti, mais ils portent préjudice au parti. Il faut vraiment que ces personnes soient animés ar la mauvaise foi pour agir ainsi.

L’unité dont ils parlent, c’est l’unité du parti avec, et dans l’intérêt des opportunistes, des conspirateurs, des factionnaires, des assassins, des réactionnaires, des détournements d’armes, de fonds, etc.

Ils recherchent seulement la clémence temporaire du parti, de manière à pouvoir rester dans le parti pour pouvoir mieux le détruire.

Ce sont les conspirateurs qui ont eu la chance de rester au sein du parti qui ont tué le camarade Kirov, et le camarade Thakin Than Tun en Birmanie.

C’est pourquoi Staline a dit que « le parti ne peut rien faire tant qu’il est pris entre deux feux, celui de l’ennemi extérieur, et celui de l’ennemi à l’intérieur du parti ».

Dans cette situation, c’est la responsabilité du parti de se dissocier fermement des conspirateurs, des opportunistes et des assassins, de les exclure sans conditions, de ne leur laisser aucune chance, de démasquer ceux qui se cachent au sein du parti et de les sanctionner.

Ainsi, il est du devoir du parti de se renforcer en permanence en excluant les opportunistes, les conspirateurs, les cliques, les assassins et les éléments dégénérés ; cela implique qu’il faut rester ferme quand on bat les chiens fous, même lorsqu’ils tombent dans l’eau, pour mener à bien la lutte des classes contre ceux-là, et réaliser l’unité des vrais révolutionnaires à travers ce combat.

Conclusion

Les cadres du parti devraient étudier très attentivement les lois que nous avons pu formuler à partir des cliques que nous avons observées. Les phénomènes ci-dessus mentionnés sont annonciateurs de cliques, d’intrigues et de trahisons.

Les cadres du partis ne devraient jamais prendre ce chemin. Ils doivent être justes, sincères et indépendants d’esprit, emprunter la voie des luttes démocratiques au sein du parti, résoudre les contradictions selon le principe d’ « unité-critique-unité », et œuvrer à un parti uni, discipliné et centré sur son développement.

Celui ou celle qui rompt la discipline sert l’ennemi. C’est pourquoi les cadres doivent se défier des briseurs de discipline, et poursuivre la lutte contre les opportunistes, les conspirateurs, les faiseurs de cliques, les acteurs et les hypocrites jusqu’à son terme.

NOTE

La maladie du cancer existe dans le monde, elle existe que nous y pensions ou pas. Cela signifie que le cancer existe indépendamment de notre pensée. Ainsi, la matière existe en soi. Mais il y a des personnes qui tentent de comprendre le cancer au moyen de la recherche, c’est à dire ses causes, et son traitement.

Quand ces personnes réussiront, le cancer sera transformé en matière pour soi. Les matérialistes croient en cette transformation, alors que les idéalistes disent que nous ne pouvons pas connaître la nature, ni la contrôler, ni la transformer en matière pour soi.

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Siraj Sikder : S’appuyer sur les paysans dans la guerre de libération nationale (octobre 1971)

S’appuyer sur les paysans dans la Guerre de. Libération Nationale!

Briser la campagne d’hiver des bandits militaires pakistanais et les activités anti-populaires du laquais des six montagnes, les réactionnaires fascistes de la « Force de libération » de la Ligue Awami!

Propager la guérilla à de plus larges régions!

Le régime colonial pakistanais au pouvoir a déclenché sa campagne hivernale qui sera intensifiée et impitoyable dès qu’une large panoplie de régions rurales du Bengale oriental s’asséchera.  La campagne se poursuivra jusqu’en juin-juillet 1972.

Le but de la campagne hivernale des fascistes militaires pakistanais est de balayer des villages les guérilleros de l’Armée de Libération nationale dirigée par le Parti prolétarien du Bengale oriental et la  force fasciste de « libération » la Ligue Awami, de nettoyer les villages, d’organiser des élections législatives en décembre et de maintenir le système colonial au pouvoir.

Les réactionnaires du laquais des six montagnes, la force fasciste de « libération » de la Ligue Awani est le problème supplémentaire qui a été ajouté au problème de la campagne hivernale des fascistes militaires pakistanais.  Ils essayent d’écraser le Parti prolétarien du Bengale oriental et la Force de Libération Nationale qu’il dirige.

Par conséquent, dans le contexte de la campagne hivernale des fascistes militaires pakistanais d’une part et l’attaque des réactionnaires fascistes de Ligue Awani, il faut que nous résolvions le problème de nos moyens de subsistance et de notre développement.

1. Afin de détruire  l’Armée de Libération Nationale dirigée par le et Parti prolétarien du Bengale oriental de la Ligue Awani en zone rurale, les fascistes militaires pakistanais vont conduire une campagne d’encerclement et anéantissement, ou de ‘recherche et destruction’.

Ils mettront la première en pratique dans ces régions où ils pensent qu’il y a des activités de l’Armée de libération, par exemple la Front Area n°1 {la région de Payarabagan du district de Barisal était la Front Area n°1 – note de Sarbaharapath}. 

D’abord, ils encerclent toute la région, établissent un campement principal dans les carrefours importants de sorties de ces régions, imposent un couvre-feu et gèrent une sentinelle 24 heures sur 24 dans la région que couvre chaque campement.  Le campement principal communique régulièrement avec la grosse base militaire la plus proche.

Ensuite, ils établissent plusieurs sous campements à l’intérieur de la région encerclée.  Ceux-ci sont généralement installés dans les bâtiments scolaires ou les maisons en brique. 

A partir de ces campements, ils conduisent la campagne de ‘recherche et destruction’ dans chaque village sans exception à l’intérieur de cet encerclement et dans les régions environnantes, ils pillent tout, brûlent tout et tuent tout le monde.

Dans certains cas, sous la menace d’un fusil ou avec l’aide des ennemis nationaux, ils utilisent de force des centaines de personnes de régions voisines pour démasquer les guérilleros et pour piller, brûler et tuer.  Quelques fois, ils se servent de la différence de religion, de langue ou de nationalités et utilisent une section de la population contre une autre.

Ils poursuivent la campagne jusqu’à ce qu’ils se voit confirmée la démolition des guérilleros ou jusqu’à ce qu’ils (les bandits militaires pakistanais) soient vaincus.  Ensuite, ils lèvent l’encerclement et se dispersent.

En règle générale, la campagne de ‘recherche et destruction’ est déclenchée de jour, ils détruisent un village après l’autre.  L’armée de tueurs se rassemble à un endroit en provenance de différents directions et ils rentrent à la base urbaine après avoir mené un massacre toute la journée durant.

Dans la campagne d’encerclement et   ou de ‘recherche et destruction’, dans la plupart des cas, les unités de bandits militaires pakistanais avancent en tirant sans but vers les buissons, les champs. 

Parce qu’ils craignent chaque buisson, chaque champ et chaque maison comme un ennemi et qu’ils ont une peur folle de la possible attaque surprise venant de n’importe quel endroit, leur position est donc facilement susceptible d’être découverte.

Les ennemis nationaux qui ont fui les villes, les ennemis nationaux des régions avoisinantes et leurs agents secrets et publics dans les villages accompagnent les bandits fascistes militaires et leur indiquent le chemin à suivre, effectuent du pillage, des meurtres et des incendies; gèrent leur abri, leur procurent des renseignements, cherchent pour trouver les guérilleros et aident à attraper les personnes suspectes.

2. Avec des renseignements corrects, les fascistes le la « Force de libération » de la Ligue Awami ont cerné certaines de nos unités, ont désarmé des cadres et les ont tués. 

A Tangail, ayant été informé par un président (président d’Union Council – Sarbaharapath), ils ont sauvagement tué nos deux guérilleros en découpant leurs corps et en mettant du sel dans leurs blessures.  Dans de nombreux endroits, ils ont prononcé la peine de mort contre nos cadres.

Avec la confiance en la simplicité, nous avons recruté certains anciens intellectuels et membres du lumpen prolétariat apparentés à la Ligue Awani et à la « Force de libération » qu’elle dirige dans notre Armée de guérilla et les avons sauvé des fascistes militaires pakistanais. 

Mais lorsqu’ils sont entrés en contact avec la « Force de libération » revenue d’Inde, ils ont été motivés par elle et ont abandonné le groupe, ont perfidement averti des localisations de nos cadres et unités et ont rejoint la « Force de libération ». 

Dans certains cas, certains sympathisants intellectuels, bourgeois et féodalistes liés à la Ligue Awami et à la « Force de libération » qu’elle dirige qui ont survécu grâce à notre protection sont devenus des informateurs de la  « Force de libération » de retour d’Inde.

Dans certains cas, sous prétexte de pourparlers d’unité, ils ont trahi à la table des pourparlers d’unité, ont arrêté et désarmé nos cadres et leur ont donné la peine de mort. 

Dans ceci, les gens sont intervenus; ils nous ont protégé et leur ont demandé de les tuer d’abord avant de nous tuer nous.  Effrayés par l’intervention des gens, ils furent contraints de libérer nos cadres.  Dans certains cas, nos cadres ont pu s’enfuir.  

3. Notre force de guérilleros s’est développée à partir de zéro, ils sont peu nombreux, sont armés de pistolets et de vieux modèles de fusils; tous les guérilleros ne sont pas armés en raison du manque d’armes, ils n’ont pas l’habitude de combattre les fascistes militaires pakistanais. 

Ce sont leurs faiblesses.  D’un autres côté, leurs points forts sont que leur discipline est de haute qualité, qu’ils mènent une guerre juste dans leur propre pays, qu’ils sont aiguisés grâce à la liquidation de l’ennemi national, qu’ils ont l’habitude des allers et venues nocturnes, qu’ils ont de solides liens avec différentes unités et rangs supérieurs, il y a un parti politique convenable pour guider les guérilleros, grâce à la formation politique, ils sont poussés au sacrifice et sont plus liés aux masses.

Les points forts des fascistes militaires pakistanais est qu’ils ont le pouvoir d’état, des armes modernes, une morale religieuse féodaliste, un système de communication de haut niveau et la difficulté.  Mais leurs points faibles sont qu’ils mènent une guerre barbare injuste dans un pays étranger et qu’ils n’ont pas le soutien du peuple.  Ils sont peu nombreux et mènent une guerre dans des villages étrangers.

Les points forts des fascistes de la « Force de libération » de la Ligue Awami sont qu’ils ont des armes modernes, des hommes, que l’Inde les aide et les soutient, que les impérialistes les aident et les soutiennent via l’Inde, et qu’ils ont aussi un certain soutien populaire. 

Leurs points faibles sont qu’ils torturent les gens, qu’ils n’ont aucun dirigeant de parti révolutionnaire pour les guider sur le bon chemin, qu’ils se sont vendus aux six montagnes, qu’ils mènent une guerre contre-progressiste d’intérêt impérialiste pour fonder une colonie indienne et impérialiste, qu’ils ont moins de coordination entre eux, qu’ils entrent en désaccords entre eux et qu’ils ne sont pas proches du peuple.

A la suite de nos faiblesses et de la force de l’ennemi, nous devons mener une guerre défensive et la guerre sera prolongée. 

A la suite de notre force et de la faiblesse de l’ennemi, nous pouvons contre-encercler les éléments plus faibles de l’ennemi oppresseur et les écraser rapidement.  De cette façon, nous nous remettrons peu à peu de notre faiblesse et la faiblesse de l’ennemi augmentera.  A la fin, ils seront écrasé par nous.

4. Les fascistes militaires pakistanais, en raison de leur manque d’effectifs, sont contraints de se diviser en unités plus petites (2, 4 ou 6 personnes) dans la campagne d’encerclement et anéantissement ou de ‘recherche et destruction’.  En conséquence, certaines de leurs plus petites unités s’affaiblissent comparé à l’ensemble.

Etant donné qu’ils n’ont pas l’appui du peuple et que les gens ne coopèrent pas avec eux, ils n’ont pas de renseignements corrects au sujet des positions de la guérilla. 

Comme ils mènent une guerre dans des régions étrangères, ils ne connaissent pas les routes et les chemins, et par conséquent, ils ont un trou à l’intérieur de leurs unités en marche, et le trou demeure également à l’intérieur de leur encerclement.

Il se peut que nos guérilleros prennent position à l’intérieur du trou de différentes unités des bandits militaires pakistanais, cherchent et suivent l’unité la plus faible, mobilisent certains guérilleros, mènent une attaque surprise contre le gang de bandits dans un endroit opportun et l’écrase. 

Il se peut que les guérilleros soient déployés pour s’opposer à tout renforcement possible pour secourir l’unité attaquée par d’autres unités voisines.  Les guérilleros encercleront complètement les unités de bandits; feront le net par une fusillade (tir de déblaiement du terrain – Saraharapath), s’assureront qu’aucun bandit n’est en mesure de s’enfuir; écraseront rapidement les ennemis, prendront les blessés et les prisonniers; rassembleront les armes et les uniformes et se disperseront.  Si possible, nous devons attaquer une autre unité de bandits.

Nos forces doivent être concentrées pour attaquer l’ennemi mobile de cette manière; nous devons rester cachés jusqu’à ce que l’attaque commence, le cas échéant, nous devons nous mettre à couvert sous des buissons de plantes, de feuilles et nous tenir en embuscade en nous cachant sous la forêt de buissons, de bambou et de bananier et dans les maisons sur le chemin de l’ennemi.

Si à tort, nous attaquons un ennemi plus puissant ou que pour une autre raison, nous ne pouvons pas être en mesure de rapidement les écraser, nous devons rapidement déployer quelques guérilleros pour arrêter l’ennemi par un tir de couverture pendant que la majorité de nos guérilleros se disperseront. 

Les guérilleros restant se disperseront plus tard.  Lorsque les bandits militaires pakistanais campent dans un bâtiment ou sont là en très grand nombre, nous ne les attaquerons pas.  Nous ne ferons une attaque en embuscade préparée à l’avance que contre l’ennemi mobile.

Nous attaquerons quand nous seront certains que nous pouvons écraser l’ennemi.  Si ce n’est pas possible d’écraser l’ennemi et de s’emparer de ses armes, nous ne gaspillerons pas une seule balle; c’est-à-dire, nous ne mènerons pas une guerre à perte. 

Si l’ennemi est complètement écrasé, nous pourrons nous emparer de ses armes et de ses munitions.  Nous pourrons amoindrir sa force, briser son moral, augmenter le courage du peuple et des guérilleros; nous pourrons également devenir plus forts en étant équipés avec les armes de l’ennemi.

Nous devons mettre les principes suivants en pratique:

‘L’ennemi avance, nous battons en retraite; l’ennemi campe, nous harcelons; l’ennemi fatigue, nous attaquons; l’ennemi bat en retraite, nous poursuivons’. 

‘Nous combattons quand nous sommes certains de gagner; s’il n’y a aucun espoir de gagner, nous battons en retraite; lorsque l’ennemi veut se battre contre nous, nous ne le ferons pas et même, il ne nous trouvera pas, mais lorsque nous voulons nous battre contre lui, nous nous assurons qu’il ne sera pas en mesure de s’échapper, nous l’attaquons correctement et nous l’écrasons; quand nous pouvons l’écraser, nous le faisons, quand nous ne pouvons pas le faire, nous ne les laissons pas nous écraser’.

A notre attaque, nous devons ajouter une résistance populaire. 

Avec l’aide de la population, nous pouvons faire beaucoup de choses comme creuser les routes et en faire des champs, planter du bambou toxique au bord tranchant ou des arbres à noix de bétel sur le chemin de l’ennemi, et les recouvrir pour les camoufler, planter des bâtons toxiques au bord tranchant dans les canaux de genre de ceux à travers lesquels l’ennemi passe, creuser des trous de la taille d’un pied sur la route, planter des bâtons de fer dedans et les recouvrir au niveau de la route pour les camoufler, tendre des embuscades depuis les buissons des villages avec des flèches, des lances et des harpons, faire des pièges à grenade sur le chemin, planter des mines et si possible, dresser des abeilles et en faire des pièges.

Ainsi, la guerre collective des guérilleros et de la population peut infliger d’énormes pertes aux bandits pakistanais. 

Ce genre de guerre commune concertée peut être menée dans nos zones de base stables et instables qui sont libérées de l’ennemi national si les gens sont de notre côté et l’ennemi n’obtiendra aucun renseignement.  Donc, les bandits militaires devront être attirés par la ruse très avant dans les zones libérées et devront être pris au piège dans la mer de guerre concertée du peuple et des guérilleros.  

Par conséquent, en dépit de notre manque d’armés, malgré notre quantité et qualité de soldats, si nous mettons en œuvre la méthode de rassemblement de la plupart des guérilleros, de la participation populaire dans la guerre et de la mobilisation des guérilleros qui ont été formés à la politique révolutionnaire et poussés au sacrifice, cela sera bien des fois plus puissant que la plus faible section des bandits pakistanais. 

Donc, quoique inférieurs au tout, nous sommes supérieurs à la partie.  Par conséquent, dans un contexte d’encerclement et anéantissement, nous prenons une position de guerre défensive, tandis qu’en contre-encerclant leur plus faible section et en la détruisant, nous appliquons la stratégie d’attaque dans la défense.

Lorsque les bandits militaires pakistanais nous attaquerons avec une force énorme, que notre région de guérilla sera plus petite, que la population ne prendra pas part à la guerre, et que la force des différentes unités de bandits militaires pakistanais sera plus élevée que notre capacité d’attaque, nous devrons nous diviser en groupes et nous échapper à travers l’encerclement.  Nous devons étendre la guérilla dans les régions ennemies avoisinantes. 

Si nous avons d’autres régions voisines, nous pouvons nous y installer. 

Dans les régions ennemies, nous pouvons nous abriter parmi les travailleurs agricoles, les paysans pauvres, les paysans moyens inférieurs, les ouvriers et les sympathisants. Si cela n’est pas possible, nous pouvons nous abriter dans les buissons, les forêts et les vastes étendues vertes.

Nous devrions faire des pré-préparatifs au sujet du lieu vers lequel nous déplacer dans le cas où nous pourrions supporter la campagne encercler-anéantir.  Autrement, nous subirons des pertes et des difficultés en nous déplaçant sous la contrainte.  Par exemple, le transfert depuis la Front Area No. 1 sous la pression des bandits militaires pakistanais.

Il faut que les guérilleros s’abritent dans la maison des ouvriers agricoles, des paysans pauvres, des paysans moyens inférieurs et des ouvriers (aussi bien dans les régions ennemies que dans les zones libérées), qu’ils recrutent des guérilleros parmi eux, qu’ils fassent la publicité du parti parmi eux et qu’ils poursuivent la campagne de liquidation de l’ennemi national en se reposant entièrement sur eux. 

Dans les régions ennemies, les activités de la guérilla doivent être exécutées avec initiative, souplesse et but.

Il faut que les différentes unités de guérilleros se voient préciser un endroit, un moyen de contact et des responsabilités.  Il faut que chaque unité ait le pouvoir de fonctionner librement dans les régions ennemies en dehors de l’encerclement-anéantissement.

Après que l’encerclement soit levé, la force de guérilla retournera de nouveau à la zone de base.

C’est la raison pour laquelle il ne faut pas que nous fassions de grosses provisions dans une zone de base instable sur un terrain plat et qu’il faut que nous ne conservions que ce matériel que nous pouvons transporter.  Parmi les matériaux saisis, ce qui est vendable doit être vendu et ce qui est distribuable doit être distribué parmi la population.

Dans ces zones de base instables, il faut mettre l’accent au maximum sur la formation d’une force régulière ou d’une force régulière plus puissante sous le leadership du parti. 

C’est là que réside la clé pour constituer une zone de base.  La manière par laquelle nous devons construire la formation armée est de former le groupe de guérilleros réguliers avec les guérilleros recrutés parmi les irréguliers, la section à partir du groupe de guérilleros réguliers et la compagnie en prenant plusieurs sections. 

Nous devons y développer l’organisation du parti, y gérer le travail politique, la rendre mûre par la guerre, les rendre efficaces dans différents travaux y compris de faire des activités de propagande parmi les masses, en plus de la guerre, de faire la publicité de l’organisation parmi la population, de l’armer, de l’aider à asseoir son autorité politique, de l’organiser dans des organisations de masse. 

De cette façon, une armée invincible qui est motivée par la politique, associée à la population et guidée sous la direction du parti se développera.

Dans les régions libérées stables et instables, nous devons combiner le travail clandestin et le travail public. 

Au cas où notre armée et nos cadres publics sont transférés en raison de l’encerclement-anéantissement ou toute autre raison, les cadres clandestins peuvent construire et guider l’organisation du parti, la milice villageoise, le groupe de guérilleros locaux, le comité d’organisation du village, et les autres organisations de masse et garder le contact avec les rangs supérieurs. 

C’est la raison pour laquelle nous devons construire une organisation de parti dans les zones de base stables et instables.  Lorsque le travail du parti sera un peu public, la section principale restera clandestine; dans la zone ennemie, le travail du parti sera entièrement clandestin. 

Par conséquent, nous devons créer une situation telle que les nouveaux ennemis nationaux ne puissent nous causer aucun mal par le nouvel encerclement-anéantissement ou que si la Force fasciste de libération  la Ligue Awami s’empare de notre zone, nous puissions poursuivre notre travail.

Si les zones sans ennemi national s’élargissent sous notre direction, et qu’une partie de celles-ci tombe sous l’encerclement-anéantissement, nous pouvons nous transférer vers l’autre partie.  Lorsque, dans la Front Area No.1, une partie de notre zone libérée fut encerclée par les bandits militaires pakistanais, certaines régions sont restées en dehors de ça. 

C’est ce que le président Mao a dit, que la condition principale de subsistance des guérilleros en terrain plat est l’expansion des zones de base.

Dès que nous lançons une activité de la guérilla dans une certaine région, nous devons mettre l’accent sur la question de l’expansion.  Pendant les activités de la guérilla, des gens venant de très loin proposent une liste d’ennemis nationaux à liquider et sollicitent les guérilleros. 

Après enquête, les guérilleros accepteront l’appel; d’abord ils n’iront pas trois loin pendant deux/trois jours, ensuite, ils iront loin pour plus de temps.  Ainsi, la guérilla se répandra dans des régions éloignées et les groupes de guérilleros apprendront comment travailler de façon autonome.

Pour les régions depuis lesquelles nous n’avons pas reçu de sollicitation, mais dont nous avons besoin pour propager la guérilla, nous devons envoyer un groupe de courrier ou de cadres. 

Sa tâche sera d’enquêter sur les ennemis nationaux en travaillant clandestinement parmi les travailleurs agricoles, les paysans pauvres, les paysans moyens inférieurs, les ouvriers et les sympathisants, trouver le moyen d’abriter les guérilleros et recruter parmi la population locale.
 
Sur base de leur travail, les unités de guérilleros viendront.  Ils liquideront l’ennemi national et l’équipe de courriers progressera plus loin.  Derrière elle, l’unité de guérilleros suivra, et l’unité organisationnelle suivra l’unité de guérilleros. 

La tâche de l’unité organisationnelle ou de l’individu sera de développer le parti parmi les travailleurs agricoles, les paysans pauvres, les paysans moyens inférieurs et les ouvriers et faire un cercle d’étude parmi ceux qui veulent rejoindre le parti en provenance de la milice villageoise, du groupe de guérilleros locaux et parmi les intellectuels et les patriotes dans les régions où l’ennemi national a été ou est liquidé.

Il ne faut pas que l’expansion soit sans but ni sans plan.  Il faut que le but important de l’expansion soit d’établir un rapport entre les différentes régions, zones de base et zones de front de la guérilla, de progresser en évitant la grosse mobilisation des réactionnaires de la « Force de libération » et de marcher en avant vers des régions appropriées pour la guérilla.  

Les rivières et les canaux sont reliés à nos régions de guérilla.  Par conséquent, nous devons travailler dans les rivières et dans les canaux parmi les passeurs, les pêcheurs et les habitants des îles fluviales et recruter des guérilleros ou déployer des guérilleros avec bateau pour une guérilla navale dans les rivières.  Ils mèneront des activités de guérilla en travaillant comme passeurs ou pêcheurs. 

Les guérilleros des plaines adjacentes aux rivières et aux canaux seront facilement transférés d’une région à une autre par bateau. Les guérilleros naxals peuvent, de façon autonome ou conjuguée avec la plaine, mener la guérilla dans les îles fluviales, sur les berges des rivières et de canaux et dans les rivières et les canaux.  Ils pourront perturber le système de communication de l’ennemi. 

De cette façon, au Bengale oriental, en particulier dans les plaines, les rivières et les canaux, si la guérilla conjuguée est menée, cela ouvrira la porte à de nouvelles perspectives.

Les guérilleros urbains liquideront ces ennemis nationaux qui s’enfuient des régions rurales et fluviales de guérilla.  Comme cela, nous devons combiner le travail urbain avec la guerre révolutionnaire rurale.

5. Dans le cas des réactionnaires de la « Force de libération » de la Ligue Awami, nous devons prendre certaines dispositions particulières.

A l’exception des travailleurs agricoles, des paysans pauvres, des paysans moyens inférieurs, des ouvriers, des membres de la ligue des jeunes et des organisations de masse dirigées par le parti, personne ne devrait être recruté directement vers le parti.  

Ceux qui, parmi les intellectuels ruraux, les anciens de la ligue Awami, de la « Force libération » et autres patriotes, souhaitent rejoindre le parti, avec une enquête convenable, il faut qu’ils soient d’abord organisés dans un cercle d’étude, puis ils devront travailler parmi les paysans, avoir une formation sur la position du parti et aller en opération avec les guérilleros. 

Ainsi, ceux qui remplissent les conditions pour rejoindre le parti peuvent être recrutés pour l’Armée de guérilla.

Ceux issus du milieu intellectuel, les Jaminders, les paysans riches, les paysans moyens et autres classes exploiteuses qui ne veulent pas rejoindre le cercle d’étude ou la parti doivent être empêchés d’être recrutés directement comme guérillero, et si recrutés, il faut les évincer.  En ce qui concerne le débat, il faut se conformer aux principes de discussion.

Les guérilleros et les cadres du parti travailleront en restant rigoureusement dans la clandestinité dans les régions où la « Force de libération » de la Ligue Awami est active, se reposeront principalement sur les ouvriers, les travailleurs agricoles, les paysans pauvres, les paysans moyens inférieurs, resteront dispersés dans leurs maisons, construiront l’organisation du parti parmi eux et travailleront dans des régions plus vastes en se reposant sur eux.

Les paysans constituent la classe la plus révolutionnaire dans les villages.  La Guerre de Libération Nationale est surtout leur guerre.  Notre existence et la victoire de la révolution dépend de combien nous comptons sur eux, les poussons à agir et les organisons.

Dans les régions rurales, nous devons concrétiser solidement la distribution gratuite des terres des ennemis nationaux aux travailleurs agricoles, aux paysans pauvres et diminuer l’exploitation des Jaminders patriotes (gros propriétaires fonciers), des Jotedars (petits propriétaires fonciers) et des usuriers. 

Les masses paysannes nous soutiendront entièrement pendant la matérialisation de notre programme de distribution des terres et de diminution de l’exploitation féodale. 

En s’opposant à ce programme, les réactionnaires de la « Force de libération » de la Ligue Awami seront reconnus comme ennemis des paysans.  Ceci est le point qui sera la distinction importante de notre travail avec eux.

En nous reposant sur eux, nous pouvons écraser les activités de guérilla des laquais des six montagnes.  En se reposant sur les masses, 17 de nos guérilleros ont attaqué 287 de ces réactionnaires, en tuant cinq tandis que le reste fuyait craignant de mourir.  Au final, ils furent tués par les bandits militaires pakistanais.

Nous pouvons mener des activités de guérilla de la façon mentionnée ci-dessus contre les envahisseurs réactionnaires de la « Force de libération » de la Ligue Awami infiltrés dans nos zones libérées, et nous pouvons conserver notre autorité dans nos zones en les renversant et en les évinçant.

6. Récemment, parmi nos guérilleros se sont posées des questions pour savoir si oui ou non nous pouvons poursuivre la guérilla dans les plaines, faire face à l’attaque réactionnaire de la « Force de libération » de la Ligue Awami et travailler dans de telles zones où ils sont présents. 

La question de savoir si oui ou non nous pouvons poursuivre la guérilla dans les plaines résulte de l’intensité et de la violence de la campagne d’encerclement-anéantissement des fascistes militaires pakistanais dans la Front Area No 1 et de la notion à laquelle les cadres sont parvenus par la lecture de livres, notion selon laquelle les collines sont appropriées à la guérilla. 

La dernière question résulte de la présence de la « Force de libération » de la Ligue Awami partout, de leur position de membre ‘naxal’, de leur encerclement et désarmement de nos unité dans la Front Area No 1 et les autres Front Areas, de la capture et du meurtre de nos cadres par eux, et enfin, du repli de nos guérilleros de différents fronts.

La majeure partie du Bengale oriental est constitué de terrains plats et fluviaux.  La victoire et l’échec de la révolution du Bengale oriental dépend du lancement, du maintien et du développement de la guérilla dans ces plaines et ces rivières.

L’expérience des derniers mois a déjà démontré que des zones libérées instables et interchangeables peuvent être établies dans les plaines.  Les Fronts Area No 1, 2, 5 (les Fronts Area No 2 et 5 étaient dans les districts de Barisal et de Faridpur – Sarbaharapath) et celles de Pabna et de Tangail sont des preuves de cela.

Ces régions ne sont pas contrôlées par les ennemis nationaux, les guérilleros se déplacent en toute liberté, l’autorité politique est ou a été instaurée.

Les expériences de la Front Area No 1 et d’autres prouve que la campagne d’encerclement-anéantissement des bandits militaires pakistanais ne peut pas nous écraser et que si nous ne pouvons pas briser cet encerclement-anéantissement en effectuant une contre-attaque, la guérilla peut être étendue vers de nouvelles régions en franchissant l’encerclement. 

Ainsi, après l’encerclement et l’anéantissement sur la Front Area No 1, la guérilla s’est propagée dans certaines régions des districts du Barisal et s’est maintenue.

Mais parmi les guérilleros, des réactionnaires de la Force de libération de la Ligue Awami qui ont rejoint les réactionnaires de la force de libération revenus d’Inde nous ont trahi et les ont informés des positions de nos guérilleros.  Dans certaines régions, les Jotedars, les Jaminders et les intellectuels réactionnaires ont transmis nos renseignements aux réactionnaires de la « Force de libération » de la Ligue Awami, ce qui nous a infligé d’énormes pertes.

Les raisons derrière cet échec sont: ne pas avoir effectué l’organisation du parti, ne pas avoir donné de cours de politique aux guérilleros, le militarisme dans le leadership, ne pas avoir eu de bon rapport entre les commandants et les commissaires politiques de haut rang d’une part et les membres d’autre part, ne pas avoir fait de travail organisationnel parmi les masses, ne pas s’être reposé uniquement sur les paysans et ne pas avoir bien gardé le secret quant aux positions de la guérilla et dans le rapport entre les rangs inférieurs et supérieurs. 

Par conséquent, si nous éliminons ces raisons, la trahison interne et l’apostasie seront empêchées et personne ne sera en mesure de nous séparer du peuple et de nous anéantir.

De plus, les guérilleros doivent être directement recrutés dans les révolutionnaires des travailleurs agricoles, des paysans pauvres, des ouvriers, de la Ligue de la Jeunesse et des organisations de masses dirigées par le parti. 

Ces intellectuels et autres patriotes qui ont rempli les conditions pour devenir membre du parti en rejoignant le cercle d’étude peuvent être admis dans la force de guérilla.   
 
Il faut que les guérilleros abandonnent l’habitude de vie qu’est le camping et s’abritent dispersés dans les maisons des travailleurs agricoles, des paysans pauvres, des paysans moyens inférieurs et des ouvriers, ils doivent participer au travail avec eux et les organiser. 

De cette façon, les cadres seront remodelés, la confiance en la paysannerie se développera et la relation inséparable avec le peuple se développera.

Les réactionnaires de la « Force de libération » de la Ligue Awami sont isolés du peuple; ils restent sur les bateaux ou dans les maisons des Jotedars et des Mahajans (Mahajans signifie usuriers – Sarbaharapath).

Ils recrutent les guérilleros parmi ceux qui ont minimum un diplôme moyen d’école primaire, c’est à dire qui viennent de familles de Jotedars, de Mahjans (usuriers – Sarbaharapath), de paysans riches et de la bourgeoisie.

Dans les régions rurales, la communauté des travailleurs agricoles, des paysans pauvres, des paysans moyens inférieurs et des ouvriers est totalement différente de celle des Jotedars, des Jaminders et des paysans riches. 

En profitant de cette occasion, il est parfaitement possible pour nous de facilement faire un travail clandestin parmi les travailleurs agricoles, les paysans pauvres, les paysans moyens inférieurs et les ouvriers, d’y recruter des guérilleros, d’anéantir l’ennemi national, de construire l’organisation du parti et d’écraser et de désarmer les réactionnaires de la Force de libération de la Ligue Awami.

Dans les régions où il y a la  Force de libération de la Ligue Awami, nous devons travailler en gardant le secret avec sérieux, recruter les guérilleros un par un, rester dans la clandestinité, si nécessaire régulièrement changer d’abri, garder cela secret, entrer dans l’abri la nuit et sortir tôt le matin, le cas échéant, pendant la journée, rester en se servant de méthode telle que de rester sur l’échafaudage. 

Nous devons former les guérilleros au sujet du secret et à faire la propagande en chuchotant et par l’intermédiaire d’affiches et de tracts.

Les travailleurs agricoles et les paysans pauvres d’un village ont des rapports et une familiarité avec ceux d’autres villages.  Ainsi, grâce aux paysans d’un village, nous pouvons faire un groupe de guérilleros, une organisation de parti, anéantir l’ennemi national et propager les activités de la guérilla dans un village après l’autre. 

Nous devons nous servir de ces types d’intellectuels qui peuvent facilement vivre une vie de travailleur agricole ou de paysan pauvre et travailler en gardant le secret sérieusement.

Dans les régions où la Force de libération  ne reste pas en permanence mais où elle se rend souvent, il faut que nous travaillions de la façon mentionnée ci-dessus.  Notre travail se déroule de cette façon dans trois régions proches de Dhaka devant les réactionnaires de la Liberation Force de l’Awami League. 

Dans certains cas, ils s’abritent dans les maisons de nos sympathisants ou de nos cadres.  Bientôt, la campagne pour les désarmer et les renverser va être déclenchée.

L’expérience démontre que sin nous suivons la méthode mentionnée ci-dessus dans le recrutement et le travail, nous pouvons étendre et maintenir la guérilla dans les régions des réactionnaires de la  « Force de libération » de la Ligue Awami et les régions où ils viennent souvent et enfin nous pouvons capturer leurs régions en chassant ces réactionnaires.

Les fascistes de « Force libération » Awani restent généralement sur des bateaux en mouvement.  En règle générale, ils s’arrêtent dans les maisons des Jaminders féodaux, des paysans riches, mangent et boivent avec insouciance, libèrent des ennemis nationaux en échange d’argent, s’abritent dans leurs maisons, perçoivent de l’argent violemment. 

Parfois, ils vont dans les maisons des pauvres et s’ils n’obtiennent pas de viande et de riz, ils les frappent sous la menace d’un fusil, ils utilisent des passeurs sans payer, obligent les gens à transporter des armes, torturent les femmes, commettent des actes de banditisme, endommagent les propriétés des gens, en particulier les cultures et brûlent les Jutes.  

La majeure partie des membres de la « Force de libération »  viennent de familles de Jaminders, de Jotedars, de paysans riches et d’intellectuels, c’est-à-dire des classes exploiteuses. 

Ils utilisent des revolvers pour supprimer les travailleurs agricoles, les paysans pauvres, les paysans moyens inférieurs et les ouvriers.  Sans distinction d’ennemi ou d’allié, ils tuent tout le monde, même leurs propres gens aussi.

Ils n’effectuent pas de propagande parmi la population, ne l’arment pas et n’instaurent pas leur autorité politique, etc.  Plutôt que de s’unir avec les révolutionnaires patriotes, ils ont pris la voie de leur désarmement et de leur liquidation.  Avec ce but, par ordre des réactionnaires du soi-disant gouvernement du Bangladesh, ils travaillent pour l’intérêt des six montagnes.

Pour toutes ces raisons, dans la plupart des régions, la population est furieuse contre eux et craint leur terreur.  Dans certaines régions, les habitants veulent récompenser ceux qui liquideraient les réactionnaires de la « Forcede libération ».  Ils veulent renverser aussi bien les bandits militaires pakistanais que les bandits réactionnaires de la « Force de libération ».

Très souvent, il n’y a aucun contact entre les différentes unités de ce gang de bandits réactionnaires.  Ils se livrent à des tirs fratricides, un groupe désarme ou tue un autre.

Bien qu’ils aient des armes modernes et des hommes, ils n’ont pas la stratégie ni la tactique militaire, la morale ni la confiance en la population qui sont nécessaires pour affronter la campagne d’encerclement et d’anéantissement ou de ‘recherche et destruction’ des bandits militaires pakistanais.

Ceux dont ils utilisent la maison comme abri et qu’ils libèrent, ces ennemis nationaux les anéantiront en appelant les bandits militaires.  Dans certaines régions, les habitants aideront aussi les bandits militaires contre eux.

Il ne sera pas possible pour les grosses unités du gang de bandits réactionnaires de la « Force de libération » de la Lige Awami de se maintenir face à la campagne hivernale des bandits militaires pakistanais.  Ils se sépareront, un grand nombre perdra la vie tandis qu’un grand nombre ira en Inde. 

Ils sont nombreux à déjà aller en Inde avec l’espoir de revenir à la prochaine saison des pluies.  En conséquence des arrestations à Dhaka, les membres d’unités différentes ont perdu contact.

C’est pourquoi la pression exercée par les réactionnaires de la « Force de libération » de la Ligue Awami sur nous s’atténuera.  Dans cette situation, il nous sera possible de recueillir les armes des membres de ce gang de bandits et d’instaurer notre droit dans un rayon plus large de leurs zones abandonnées.  Nous serons en mesure de revenir dans nos anciennes zones.

7. Si nous pouvons passer en revue et appliquer de façon créative les points ci-dessus, nous serons certainement en mesure de maintenir notre développement et notre dynamisme et de remporter la victoire en faisant face à encore plus de problèmes complexes. 

Octobre 1971

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Siraj Sikder et l’épistémologie matérialiste dialectique

Le mot « épistémologie » n’est pas commun, mais il est important. Il vient du grec et signifie parler au sujet de la connaissance (« episteme »), c’est-à-dire l’étude des fondements de la science.

Par exemple, le fondement de la « science » chrétienne est la figure du Christ, et celui du matérialisme dialectique est la matière considérée comme éternelle et en mouvement.

Le grand révolutionnaire bangladeshi Siraj Sikder exprime ici un point de vue très intéressant, très profond, très intense, très dense. Voici ce qu’il dit :

« La ligne correcte de la direction ne se développe qu’après la répétition, à plusieurs reprises, du cycle de la matière à la conscience et de la conscience à la matière, c’est-à-dire de la pratique à la connaissance et de la connaissance à la pratique.

C’est l’épistémologie du marxisme, c’est-à-dire l’épistémologie matérialiste dialectique.

Le président Mao l’a examinée plus minutieusement dans « A propos des méthodes de direction».

Là, il a dit :

« Toute direction correcte de notre parti est nécessairement ‘partir des masses pour retourner aux masses’.  Cela signifie : recueillir les idées des masses (idées diffuses et peu méthodiques) et les concentrer (par l’étude, les transformer en idées concentrées et systématiques) pour ensuite aller vers les masses propager et expliquer ces idées jusqu’à ce que les masses les comprennent comme étant les leurs, les retiennent et les traduisent action et tester la justesse de ces idées dans l’action.

Puis, encore une fois, rassembler les idées issues des masses et encore une fois aller vers les masses afin que ces idées soient appuyées et menées à bonne fin. Et ainsi de suite maintes et maintes fois dans une spirale sans fin, les idées devenant plus correctes, plus essentielles et plus riches chaque fois.  Telle est la théorie marxiste de la connaissance ».

De cela, nous obtenons les deux processus suivants de développement de la connaissance :

A : Connaissance perceptuelle issue de la matière – Pratique

Recueillir les idées des masses, c’est-à-dire aller au contact de l’objet, traduire cela au niveau cérébral et accumuler une connaissance perceptuelle. Pour cela, la direction a besoin de rompre la glace. Cela signifie résoudre tous les problèmes quant à la direction dans une unité ou dans une zone.

B : Connaissance conceptuelle – Stade de la théorie

Cette étape est celle de transformer des idées recueillies en idées synthétisées, de créer une ligne connaissance conceptuelle – théorie – plan – général, c’est-à-dire d’élever le stade de connaissance perceptuelle – matière au stade de connaissance conceptuelle – conscience.

C : Contact avec la matière – Pratique

Amener la ligne Connaissance Conceptuelle – Conscience – Théorie – Plan – Général aux masses, activer cela, c’est-à-dire appliquer la ligne Connaissance Conceptuelle – Conscience – Théorie – Plan – Général à la pratique et éprouver la justesse de la ligne Théorie – Plan – Général par la transformation, avec persévérance, de la matière selon cela.

La transformation de la matière se produisant au cours de la pratique selon la ligne Connaissance Conceptuelle – Conscience – Théorie – Plan – Général est correcte. 

A ce stade, la connaissance pour ce qui concerne la matière complète.

Si la connaissance conceptuelle n’est pas complètement en conformité avec le changement et la transformation de la matière, alors, nous devons créer une connaissance perceptuelle dans la pratique et l’application, effacer les erreurs en faisant la récapitulation de l’expérience et des recherches et faire une nouvelle ligne Théorie – Plan – Général, c’est-à-dire que la connaissance conceptuelle doit être créée.

Là encore, cela doit être appliqué dans la pratique pour vérification. 

Nous devons mettre cela en pratique pour changer et transformer la matière.

Ainsi, la ligne correcte se développe en suivant les cycles répétés de Matière – Pratique – Connaissance Perceptuelle vers la ligne Conscience – Connaissance Conceptuelle – Théorie – Plan – Général et de la ligne Conscience – Connaissance Conceptuelle – Théorie – Plan – Général vers la Matière – Pratique – Connaissance Perceptuelle. 

Nous devons aussi appliquer la méthode de la ligne de masse pour guider les cadres. »

C’est de fait une explication correcte de la loi du reflet. Quand il dit :

« Recueillir les idées des masses, c’est-à-dire aller au contact de l’objet, traduire cela au niveau cérébral et accumuler une connaissance perceptuelle »

Siraj Sikder utilise des mots très clairs pour cela :

– বস্তু signifie objet (« bastu »),

– মস্তিষ্কে signifie cerveau (« mastiṣka »),

– প্রতিফলিত করা signifie refléter (traduit ici en français par « traduire » dans « traduire cela au niveau cérébral »).

Et nous pouvons voir deux étapes : la première de ces étapes concerne les cinq sens. C’est logique, comme les humains sont de la matière vivante. Ce qui conduit les humains n’est pas un « esprit », une « âme », mais leur propre existence matérielle.

Par conséquent, la première étape ne peut être que basé sur la perception, reliée à la pratique, parce que la pratique signifie la transformation et ainsi les ressentis qui vont avec. C’est pourquoi la classe ouvrière est la classe la plus révolutionnaire de l’histoire.

La seconde étape concerne la théorie, la conceptulisation. Ici, Siraj Sikder montre qu’il a parfaitement compris les enseignements de Lénine et, avant lui, de la social-démocratie européenne à la fin du XIXe siècle.

Le matérialisme dialectique considère que sans la conceptualisation, il n’y a pas de synthèse. Bien entendu, la synthèse doit revenir aux masses, et c’est une tâche difficile. Mais rien n’est plus faux que la ligne spontanéiste qui refuse cette conceptualisation.

Lorsque nous regardons Charu Mazumdar, nous pouvons voir qu’il est souvent accusé de gauchisme, en Inde, pour sa ligne de l’anéantissement. Mais si nous regardons les enseignements de Charu Mazumdar, nous ne voyons pas qu’il ait « arrêté » le processus à la première étape. Au contraire, il a bataillé pour la constitution du Parti – précisément pour l’existence du niveau de conceptualisation. Ainsi, il n’était pas un simple partisan de la spontanéité.

Le concept de « Parti » n’est pas simplement un concept « politique », ce n’est pas simplement une « organisation » : c’est un lieu pour la synthèse, et c’est pourquoi il y a toujours une lutte de deux lignes en son sein : cela reflète le processus dialectique qui se déroule.

Le Parti est en lui-même le reflet de la réalité en mouvement, et la pensée guide est l’outil permettant le saut du niveau de la perception à celui de la conceptualisation.

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Siraj Sikder, matière en soi et matière pour soi

Siraj Sikder, le grand révolutionnaire du Bengale Oriental, c’est-à-dire du Bangladesh, a formulé une opinion très intéressante concernant l’utilisation de la matière.

Parlant des cliques d’opportunistes qui se forment à l’intérieur du Parti, Siraj Sikder constate que, forcément, il y a une base matérielle pour cela.

On ne peut pas nier les cliques, on ne peut pas nier la réalité. Par contre en comprenant la loi matérielle donnant naissance à ces cliques, on peut les briser et faire en sorte qu’elles n’apparaissent plus, en utilisant alors l’existence de ces cliques à notre profit.

Siraj Sikder explique ainsi que :

« nous pouvons utiliser la connaissances des cliques dans notre propre intérêt. Alors, de matière en soi, elles se transforment en matière pour soi. »

Dans une note qu’il place alors dans son article, Siraj Sikder précise sa pensée, en prenant l’exemple du cancer. Il dit la chose suivante :

« La maladie du cancer existe dans le monde, elle existe que nous y pensions ou pas. Cela signifie que le cancer existe indépendamment de notre pensée.

Ainsi, la matière existe en soi. Mais il y a des personnes qui tentent de comprendre le cancer au moyen de la recherche, c’est à dire ses causes, et son traitement.

Quand ces personnes réussiront, le cancer sera transformé en matière pour soi. Les matérialistes croient en cette transformation, alors que les idéalistes disent que nous ne pouvons pas connaître la nature, ni la contrôler, ni la transformer en matière pour soi. »

Ce que dit Siraj Sikder est d’une très grande importance. Il explique que la matière ne peut pas être réfutée : il ne suffit pas de dire que les cliques, ou le cancer, ne devraient pas exister. Il y a une base matérielle qui est à leur origine.

Mais il ne dit pas que cela. Il dit que leur existence appartient à un processus général, qui est l’évolution de la matière. Il ne s’agit donc pas ici simplement de faire « disparaître » le problème, mais d’utiliser sa propre réalité dans un sens favorable.

On image déjà les cris enragés des bourgeois, qui parleront de folie, de mysticisme, etc. Ce sont là les reproches traditionnels faits aux enseignements du matérialisme dialectique, notamment à l’encontre de Mao Zedong.

En effet, comprendre que chaque chose a deux aspects est impossible pour la bourgeoisie. Un point de vue bourgeois ne peut donc avoir qu’un point de vue unilatéral. Il n’y a pas de compréhension que un devient deux, et que donc ce qui se produit relève d’un processus.

Le cancer ne peut ainsi pas être compris de manière abstraite ; pour en saisir la nature, il faut comprendre à quoi il appartient, de quel processus matériel il relève. On comprend que l’horizon bourgeois, foncièrement borné à l’individu, ne soit pas en mesure de saisir ce qui relève du rapport étroit des humains à leur environnement, sans parler évidemment de tous les processus de symbiose qui existent sur le plan des bactéries.

Le processus de « contrôle de la nature », dont parle Sikder, relève justement de ce processus symbiotique.

Les révisionnistes ayant pris le pouvoir en Union Soviétique en 1953 ont eu une interprétation mécaniste de ce principe de « contrôle », d’où les catastrophes qui s’en sont suivies sur le plan écologiste. On peut constater le même phénomène en Chine populaire, suite à la prise du pouvoir par la clique fasciste du révisionnisme en 1976.

Selon le matérialisme dialectique en effet, la « pensée » n’est que le reflet du mouvement général de la matière. Si ainsi l’humanité prend le « contrôle » de la nature, c’est en fait la matière en général qui se saisit elle-même.

L’humanité est un outil de la matière dans le cadre de son évolution générale – et elle est un outil qui elle-même est une partie de la matière.

C’est là quelque chose de difficile à saisir, parce que la bourgeoisie a tout fait pour affirmer l’individu sur tous les plans, en en faisant une sorte de « Dieu ». La matière devrait se soumettre à l’esprit humain, libre de toute matière – cet idéalisme est bien entendu étranger à Siraj Sikder.

D’ailleurs, si le cancer se transforme de matière en soi en matière pour nous, est-ce que cela sera comme l’humanité le « veut », ou bien selon la réalité matérielle du cancer lui-même ? Bien entendu, cela se déroulera selon la logique des faits, selon la loi interne de la matière, et non pas selon notre « volonté ».

Ainsi, comprise de manière adéquate, la formulation par Siraj Sikder du passage de matière en soi à matière pour soi est extrêmement riche en perspective, et demande une réflexion approfondie.

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La conscience, la matière, la réflexion et Siraj Sikder

Les camarades du Bangladesh ont traduit en anglais des documents de Siraj Sikder, ce qui est une grande contribution à l’histoire du mouvement communiste international, mais aussi pour le champ actif de l’idéologie qui est le nôtre.

En particulier, l’importance du document intitulé « Sur certains slogans », de Janvier 1971, est à souligner, car dedans Siraj Sikder exprime l’approche fondamentale du matérialisme dialectique.

Voyons voir en quoi cela consiste.

1.L’affirmation de la loi de la contradiction

Siraj Sikder a compris que chaque nation a été construit par le développement de l’économie dans une situation concrète, et que c’était à considérer pour comprendre comment les changements sociaux se produisent.

Correctement, il souligne:

« La matérialisme dialectique nous enseigne que « La cause fondamentale du développement des choses et des phénomènes n’est pas externe, mais interne ; elle se trouve dans les contradictions internes des choses et des phénomènes eux-mêmes. »

Il nous explique de plus que « le développement de la société est dû surtout à des causes internes et non externes. »

Cela signifie que la raison fondamentale pour laquelle le Bengale oriental démocratique indépendant est le résultat final du développement social du Bengale oriental se trouve à l’intérieur de la société du Bengale oriental. C’est le matérialisme dialectique. »

2.Les slogans comme expression de la pensée

Néanmoins, Siraj Sikder ne serait pas un grand dirigeant s’il ne comprenait que la loi fondamentale de la contradiction. Il comprenait également le principe de la direction.

Ici, Siraj Sikder nous précise la question des slogans comme reflet de la nécessité du développement du Bengale oriental.

« Le prolétariat comme classe est minoritaire à l’heure actuelle dans la société du Bengale oriental et, même, elle le restera jusqu’à un certain stade dans la société socialiste également.

Dans cette situation, comment le prolétariat mènera-t-il les entières masses du pays?

« D’abord, en mettant en avant des slogans politiques fondamentaux qui concordent avec le cours du développement historique et en mettant en avant des slogans d’action pour chaque stade de développement et chaque virage majeur d’événements, afin de traduire ces slogans politiques dans la réalité. » (Mao Zedong)

Ainsi, afin de diriger les masses entières de la société du Bengale oriental, le prolétariat du Bengale oriental doit faire la stratégie politique et les tactiques correspondant au développement historique du Bengale oriental d’une part, et des slogans stratégique et tactique comme réflexion de la stratégie et des tactiques respectives de l’autre, et elles doivent être améliorées également.

Dans ce contexte, il faut étudier et analyser si oui ou non les slogans soulevées par les différentes formes des révisionnistes du Bengale oriental reflètent de manière adéquate la société du Bengale oriental et son développement. »

Même si une minorité, la classe ouvrière, car elle est à l’avant-garde, indique la voie correcte.

3.La matière est dynamique et ce dynamisme a sa propre loi

Ainsi, les slogans sont l’expression – à travers la pensée qui les formule – des nécessités du mouvement de la réalité sociale, c’est à dire de la matière.

Voici ce que dit Siraj Sikder :

« Le matérialisme dialectique nous enseigne que la matière existe indépendamment de notre conscience.

La matière est primaire, tandis que la conscience est le reflet de la matière dans notre cerveau par cinq organes de perception. La conscience est créée à partir de la matière et est secondaire.

Il nous enseigne, en outre, que la matière est dynamique et que ce dynamisme a sa propre loi.

S’il y a plusieurs contradictions dans le processus de développement d’une chose, dans ce cas, chaque contradiction a une existence séparée, elles ont aussi des relations mutuelles et la matière se développe périodiquement grâce à la résolution de la contradiction principale.

Ceci est le reflet de la loi du développement de la matière qui a été inclus dans la loi du matérialisme dialectique et de la contradiction principale. »

4.La matérialisation du programme

Toute cette parfaite compréhension de Siraj Sikder lui fait dire une affirmation qui est un non-sens pour le révisionnisme et le réformisme:

« La République populaire matérialisera le grand programme du Mouvement des Ouvriers du Bengale oriental. »

En effet, selon le matérialisme dialectique, cette phrase signifie que la réalisation de la République populaire est le produit de la pensée, la pensée qui a effectué la synthèse des nécessités de la matière, en produisant par là le grand programme.

Dans la logique du révisionnisme et du réformisme, qui est idéaliste, les « revendications » produisent un mouvement qui fait un programme. Ces « idées » doivent être « acceptées » et apporter une « révolution. »

En fait, une révolution ne se fait pas comme ça. La révolution est le produit de la matière en mouvement, et il y a un mouvement dialectique avec la pensée. La pensée reflète ce mouvement de la matière, et dialectiquement, il jette des forces dans ce mouvement, pour accomplir le saut qualitatif.

C’est pourquoi Siraj Sikder soulève l’importance des slogans, expression des besoins du mouvement de la matière… Et c’est pourquoi la révolution concrétisera la feuille de route synthétisée par l’avant-garde.

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La question de la nation bengalie

La question du Bengale est un cas très proche de la question allemande, les pays allemands se séparant en deux nations : l’Allemagne et l’Autriche. Fondamentalement, dans l’histoire, le Bengale a été coupé en deux parties, partageant le même langage, mais divisées pour ce qui concerne la principale idéologie, qui était, à cette époque féodale, la religion.

En raison de cela et suivant la définition marxiste de la nation, la séparation de l’Ouest et de l’Est est plus proche de la séparation Allemagne / Autriche que de la séparation Allemagne de l’Ouest/de l’Est de 1945-1989.

Voyons maintenant comment le peuple bengali a évolué.

Bengale : l’impossibilité de la conversion à l’Islam de masse depuis l’extérieur

La raison d’une telle séparation comme celle qui s’est déroulée au Bengale – avec la formation du Bangladesh – ne peut pas simplement s’expliquer par les conversions de masses dans le Bengale oriental amenées par les missionnaires musulmans.

L’Islam est arrivé au 12ème siècle, par la conquête d’un côté, par le commerce de l’autre, particulièrement sur la zone côtière, avec le port de Chittagong par exemple. Ensuite, de nombreux missionnaires arrivèrent pour propager l’Islam.

Mais cela ne peut pas avoir amené au fait qu’aujourd’hui, 90,4% de la population du Bangladesh est de culture islamique.

Pourquoi cela ?

a) Premièrement, nous pouvons voir que la culture islamique ne s’est pas répandue avec cette ampleur dans la partie occidentale du Bengale. De plus, l’Islam n’a pas commencé comme un courant tentant de devenir le courant principal.

Il n’a jamais eu les particularités d’une culture minoritaire, comme cela a été le cas à Hyderabad en Andhra Pradesh, où il s’agit d’une sorte « d’île » islamique.

En raison de cela, l’explication qui donne un rôle central aux gouverneurs, rois, nizams, etc. musulmans et aux missionnaires n’est pas valide.

L’Islam a simplement été accepté par les masses du Bengale oriental, et cela d’une manière massive, du jour au lendemain. Le langage bengali – le bangla – est resté pratiquement intouché, restant fortement fondé sur une origine sanskrite et des emprunts aborigènes.

Il n’y a absolument pas eu de processus de construction d’une langue comme l’hindustani, où ce qui est aujourd’hui le hindi et l’ourdou ont massivement emprunté au vocabulaire et aux expressions du persan, en raison de l’influence majeure de la culture islamique.

Les masses du Bangladesh ont même pris la langue comme une arme principale dans le leur lutte contre le Pakistan occidental, une culture où la culture islamique avait l’hégémonie.

b) Ensuite, nous pouvons voir que le Bengale musulman était et est toujours aujourd’hui une petite poche dans une zone du monde où l’hindouisme est toujours une composante principale de l’idéologie dominante : l’Inde.

Le Bengale était loin des centres culturels islamiques ; il était séparé par de nombreux peuples et de nombreuses cultures ; il n’était pas en contact direct.

L’empire britannique a essayé de comprendre cette réalité, et le recensement effectué en 1872 montre que les proches musulmanes au Bengal se situaient dans les plaines alluviales.

Voyant cela, ainsi que seulement un peut plus d’1% de la population interrogée affirmait être d’origine étrangère, les cadres britanniques pensaient qu’ils venaient des basses castes, qui s’étaient converties à l’Islam pour échapper à la domination de l’hindouisme.

Mais cette explication est mécanique. Le Bengale était en effet avant l’Islam sous l’influence du bouddhisme, et le bouddhisme ne connaît pas les castes. Il y avait également le jaïnisme qui existait dans l’Inde ancienne, et qui ne reconnaissait pas les castes.

Pourquoi est-ce que les masses opprimées choisiraient une religion venant de loin, si c’était uniquement pour une question de castes, alors qu’elles pourraient simplement soutenir le bouddhisme, comme auparavant ?

La situation particulière du Bengale

Le matérialisme dialectique nous enseigne que la contradiction est un processus interne. Ainsi, la raison pour le triomphe de l’Islam dans la partie orientale du Bengale doit venir du Bengale oriental lui-même.

L’Islam au Bengale ne peut pas avoir été « importé. »

Donc, regardons l’histoire du Bengale. Nous pouvons voir ces traits particuliers :

a) Suivant les Manusmṛti, connus en Europe sous le nom de « Lois de Manu » (entre 200 avant et 200 après JC), le Bengale ne faisait pas partie de l’Āryāvarta (« la demeure des Aryens » en sanskrit).

b) Ce n’est que sous l’Empire Maurya (321-185 avant JC) que la partie occidentale du Bengale a été jointe pour la première fois à l’Inde ancienne, la partie orientale formant l’extrémité de l’empire.

c) Ce n’est que lors de l’empire Gupta (320-550 après JC), que les chefs locaux ont été écrasés au Bengale.

Qu’est-ce que cela signifie ? Que sous l’empire Maurya, le Bengale (principalement son côté occidental) a connu un saut de civilisation, notablement par l’intermédiaire du grand empereur bouddhiste Ashoka.

Puis, avec l’Empire Gupta et son extermination du Bouddhisme en Inde, le Bengale est devenu le dernier endroit de confrontation entre l’hindouisme et le bouddhisme. S’ensuivit une politique de missionnaires promouvant l’hindouisme.

Il est clair que les empires Maurya et Gupta ont changé la réalité du Bengale occidental, développant sa société à un stage supérieur, avec une administration d’État produite par le haut développement en Inde occidentale.

En raison de cela, l’effondrement de l’empire Gupta a amené une situation de chaos au Bengale, une situation appelée « matsyanyaya. » Une nouvelle dynastie connut une naissance localement, les Palas, qui mirent en avant le bouddhisme – clairement pour avoir un meilleur rapport de force avec l’Inde ancienne, qui était sous domination hindouiste. Même dans le sud est du Bengale, les rois locaux suivaient cette politique pro-bouddhisme.

Mais les Palas essayèrent d’envahir certaines parties de l’Inde ancienne, particulièrement le Bihar, à l’ouest du Bengale. Le centre de gravité se décala à l’ouest, s’éloignant toujours plus du Bengale oriental. Cela aura des conséquences fatales pour l’unité du Bengale.

La source de la division du Bengale

A cette époque, le Bengale bouddhiste qui aurait été une partie de l’Inde ancienne n’aurait pas été possible : les forces hindouistes contrôlaient l’Inde, le Bengale en était dépendant, et ainsi la culture hindouiste se répandit dans la culture des Palas.

Les rois Palas étaient entourés d’un appareil d’État hindouiste (de la poésie aux ministres), se marièrent à des femmes de familles brahmanes ; dans ce processus, le Bengale occidental était attiré par l’Inde ancienne, cette fois de manière décisive.

Le bouddhisme n’était maintenu sous les Palas qu’afin de conserver une identité distincte, que le règne des Palas soit justifié, et également parce qu’il s’agissait d’une expression de la culture bengalie de cette époque.

De fait, le bouddhisme bengali de cette époque était caractérisé par la présence massive de déesses. Nous trouvons par exemple ces importantes figures, présentes dans la version du bouddhisme des Palas :

  • Tara
  • Kurukullâ
  • Aparâjita
  • Vasudharâ
  • Marîchî
  • Paranùabari
  • Prajnâparamitpa
  • Dhundâ

Nous verrons que la présence massive de déesses dans la culture bengali nous aidera d’une manière significative.

Néanmoins, et ce qui compte ici dans ce processus, c’est que ce n’était qu’une question de temps avant que les forces féodales – reliées à l’Inde hindouiste – renversent la dynastie des Palas. Cela se fit sous Vijaysena, un brahmane-guerrier du sud de l’Inde, qui établit une dynastie hindouiste, intégrant le Bouddha comme un avatar (maléfique) de Vishnou.

La dynastie des Senas mit en avant l’hindouisme d’une manière massive, amenant des brahmanes du reste de l’Inde pour former une nouvelle classe dominante, avec des dons de terres également. Les Senas installèrent une petite minorité comme pure « élite » religieuse », d’une manière fortement hiérarchique.

Le Bengale était pratiquement colonisé par l’Inde ancienne hindouiste ; l’impact de cette colonisation avait évidemment un centre de gravité au centre du Bengale.

La dynastie des Senas marqua la ruine du commerce des marchands, qui soutenaient le bouddhisme – ici l’aspect « égalitaire » du bouddhisme montre son aspect pré-bourgeois, très proche du protestantisme, avec également de soulignées la civilisation globale et l’administration unifiée.

Pour cette raison, le Bengale est devenu féodal, par le haut de la société, en raison de l’influence de l’Inde ancienne.

Nous avons ici la clef principale de la division. En effet, nous pouvons voir ici :

a) l’influence Maurya et Gupta a amené le Bengale occidental à un stade plus élevé de culture, tandis que la partie orientale restait arriérée, mais toujours influencée par la culture aborigène et le matriarcat ;

b) Ensuite, il y avait la chance historique pour le Bengale de s’unifier – sous la bannière du bouddhisme, comme ce qui est arrivé dans les pays à l’Est du Bengale (Birmanie, Laos, Thaïlande…). Cette unification aurait été faite par un royaume fondé principalement dans la partie occidentale et la généralisation du commerce.

c) Mais la dynastie Sena s’est effondrée, en raison de l’expansion de l’Inde ancienne, et le Bengale occidental est devenu une composante de celle-ci sur les plans culturels et économiques, ce qui signifie que l’aspect féodal a triomphé sur les aspects pré-bourgeois portés par le bouddhisme et les villes.

d) La partie orientale avait besoin d’un saut qualitatif, qui a été pratiquement raté durant les empires Maurya et Gupta, mais cela ne pouvait pas être fondé sur le bouddhisme, puisqu’il avait été l’idéologie de la dynastie des Palas, dont le fondement était dans la partie orientale ou même au Bihar.

e) L’invasion musulmane est arrivée précisément à ce moment d’une besoin général d’un mouvement anti-féodal.

f) Néanmoins, le mouvement pré-bourgeois anti-brahmane ne sera pas présent qu’à l’est, avec l’Islam – il existera également dans la partie occidentale, par le culte de la déesse qui était déjà présent dans le bouddhisme, et qui sera placé dans l’hindouisme.

Une nouvelle dynamique

Les historiens bourgeois pensent que la conversion de masse à l’Islam a été une réaction paysanne à la pénétration aryenne au Bengale oriental ; en fait, l’Islam à l’est et l’hindouisme influencé par les aborigènes à l’ouest ont été tous deux une expression pré-bourgeoise contre le féodalisme.

Les historiens bourgeois notent que les paysans étaient trop faibles sur le plan économique, mais pensent qu’ils ont essayé de combattre dans les domaines idéologiques et culturels, par les armes de l’Islam empruntés à l’étranger.

Cela signifierait que les paysans seraient une classe unie et consciente – ce qui n’a jamais été le cas dans l’histoire. En fait, les classes pré-bourgeoises ont construit une arme idéologique pour contre-attaquer face à la pénétration féodale au Bengale.

L’invasion islamique – qui n’a pas été une invasion, mais une conquête – a été le détonateur de ce moment historique de la lutte de classe.

Au Bengale oriental, l’Islam a été massivement accepté. Mais cet Islam était spécifiquement bengali. Il y avait une sur-importance accordée aux aspects magiques des missionnaires qui apportaient l’Islam. Ces « soufis » étaient considérés comme guérissant les malades, marchant sur l’eau, etc.

Même si l’Islam au Bangladesh est sunnite, d’une manière unique il célèbre les saints, les tombes sont l’occasion de pèlerinages, etc.

De la même manière, les sites hindous et bouddhistes ont simplement été adaptés au culte musulman.

Au Bengale occidental, l’hindouisme devint hégémonique, mais il a étalement été altéré. La manière principale de considérer l’hindouisme est le kali-kula – le culte de la grande déesse (Mahadevi) ou de la déesse (Devi), également connu sous le nom de shaktisme.

Le film de Satyajit Ray « Devi » dépeint cette réalité ; au Bengale, la déesse Kali est révérée, et le shaktisme peut être considéré comme plus puissant que le shivaïsme et le vaishnavisme, qui représentent des aspects plus typiques de la culture et de l’idéologie patriarcales indo-aryennes.

Ainsi, au Bengale occidental et oriental, l’hindouisme célèbre des déesses comme Durga, Kali, Lakshmi, Sarasvati, Manasa, ou Shashthi, Shitala, Olai Chandi.

Mais ce n’est pas tout. Le syncrétisme est apparu comme la tendance nationale bengalie à l’unification.

Lorsque le Bengale occidental s’est tourné vers une variante de l’hindouisme et le Bengale oriental vers une variante de l’Islam, et en raison de l’unité encore grande entre ces deux parties du monde, une tendance syncrétique s’est développée.

Il s’agissait clairement d’une expression d’éléments pré-bourgeois, qui essayaient d’unifier et non pas de diviser ; en raison de cet aspect bourgeois, l’expression était universaliste.

Dans la partie occidentale, Chaitanya Mahaprabhu (1486–1534) a développé un culte de Krishna comme seul Dieu réel, au-dessus des castes, fondé sur « l’amour » dans une union mystique avec la vérité absolue ; au Bengale oriental, les soufis enseignaient le caractère central de l’amour pour rejoindre Dieu, au-delà des aspects formels de la religion.

Dans ce cas musulman, les soufis ont adopté la position des gourous dans l’hindouisme et le bouddhisme, enseignant la voie de la vérité au disciple, par la méditation en particulier.

La question principale était alors : est-ce que les deux se rejoindraient finalement ? Ou bien ces deux tendances suivraient des voies particulières, modifiant les traits psychologiques en deux parties séparées, donnant naissance à deux différentes nations ?

Si nous avons raison concernant la thèse sur la situation du Bengale à l’arrivée de l’Islam, alors les points suivants doivent être vérifiés :

– tout d’abord, d’acharnées luttes de classe doivent avoir eu lieu avec les nouvelles armes idéologiques (hindouisme shakti et l’islam);

– ces armes, si elles étaient de vraies armes, doivent avoir prouvé leur efficacité, si non alors une autre arme aurait été soulevée;

– la classe dirigeante au Bengale doit nécessairement aussi avoir reflété cette situation de «deux voies culturelles» au Bengale.

Le Bengale réussit à se protéger

De fait, le Bengale a prospéré et a ou défendre sa situation nouvelle. Deux points principaux sont à noter:

a) Sous Shamsuddin Ilyas Shah, qui régna de 1342 à 1358, le Bengale a été unifié. Le Sultanat nouvellement formé a même été capable de résister, sous des généraux hindous et musulmans, à l’attaque du Sultanat de Delhi, dirigé par Firuz Shah Tughlaq.

Le Bengale était alors connu sous le nom de Bangalah et l’État était le sultanat musulman du Bengale. Le sultan était appelé Sultan-i-Bangalah, Shah-i-Bangalah, ou de Shah-i-Bangaliyan.

Le mot est venu en Europe par Marco Polo, donnant naissance au mot « Bengale » (Marco Polo n’a jamais été au Bengale et a même fait une confusion, pensant en fait à une partie de la Birmanie!).

Le nouvel État islamique a modernisé le pays et son système administratif. La culture idéologique, basé sur la culture populaire du Bengale, mettait en avant l’islam, mais de manière locale. De nombreux éléments ont été pris aux arts bouddhiste et hindou (lotus ouvert de profil, éléments floraux, le lotus et le diamant, le lotus à pétales en frise, le trèfle, la rosette, le fleuron, le feston, la corde torsadée, damier, le diamant croisé etc.).

Husain Shah avait même des hindous comme Premier ministre (vizir), médecin, chef des gardes du corps, secrétaire privé, surintendant, etc.

b) Ala-ud-din Husain Shah, qui régna de 1494 à 1519, a défendu la littérature bengalie, promu la coexistence religieuse au Bengale, donnant à Chaitanya Mahaprabhu pleine possibilité de faire la diffusion de sa version mystique du Vishnouisme (ou Vaishnavisme) (pas de castes, culte de l’amour, universalité, etc.).

Cela a été l’aspect positif de la nouvelle situation. Le Bengale existait en tant que structure, avec une solide base interne, ce qui n’aurait pas été possible:

– Si le Bengale était bouddhiste, parce que le conquérant musulman aurait totalement rejeté tout compromis avec les élites locales, et surtout pillé la terre;

– Si le Bengale avait été hindou dans sa version traditionnelle, car alors il aurait idéologiquement submergé par l’Inde ancienne, et serait devenu une simple région orientale, sans réelle possibilité de développement local.

Les hindous ont été intégrés dans la noblesse bengali, nommé par les dirigeants musulmans. Le Bengale existait et pouvait se développer. Cela montre que la résistance pré-bourgeoise pouvait se structurer à travers une certaine variante de l’hindouisme et une certaine version de l’islam.

Regardons maintenant l’aspect négatif. Le fait que deux religions existent au Bengale était un problème idéologique. Pour réaliser une forte unité nationale, l’existence d’une seule unité religieuse dans le pays était nécessaire pour l’élément pré-bourgeois, allié au conquérant locale établissant son autorité.

Nous verrons que cet objectif sera retrouvé beaucoup de fois, même dans l’histoire moderne du Bengale.

Quoi qu’il en soit, à cette époque, les problèmes étaient les suivants:

– il y avait nécessairement deux factions soutenant l’islam ou l’hindouisme comme principal centre idéologique;

– ces factions seraient nécessairement en lutte et essayant de gagner de l’importance au sein du pouvoir d’État, qui était dominée par les conquérants musulmans.

L’épisode de la dynastie Ganesha au 15ème siècle a été une expression de cela: le propriétaire terrien Raja Ganesha a renversé la dynastie musulmane, mis son fils comme souverain musulman pour le renverser dès que l’invasion musulmane était passée, il essaiera même la manœuvre une seconde fois, mais a alors été tué.

Cela montre quelle a été la faiblesse de la position de l’élite locale. Cela aura une conséquence fatale.

L’ère moghole

Le Bengale avait du 12ème siècle au 16ème siècle pour faire son unité. Il a réussi à se protéger et à maintenir sa culture nationale, mais il a échoué à s’unir dans un sens national fort, avec une culture pré-bourgeoise unifiée au niveau de toute la nation.

Cela a eu une terrible conséquence, lorsque l’empereur moghol réussi à envahir le Bengale. Dès cet instant, le Bengale était gouverné par le haut – un haut loin du Bengale lui-même, basé dans le nord de l’Inde.

De 1574 à 1717, le Bengale a été gouverné par 32 subahdars – un subah étant une province moghole et le subahdar un mot désignant le gouverneur, bien sûr choisi par le (grand) moghol ou les plus hauts officiers.

Le Bengale était considéré comme un endroit riche, dont les richesses devaient appartenir au moghol en Inde du Nord, et particulièrement l’armée. Pour cette raison, les cadres de l’Empire moghol ont été envoyés au Bengale.

Le souverain moghol Akbar mis même en place un nouveau calendrier, encore utilisé aujourd’hui. Le but de ce calendrier était d’améliorer la collecte de l’impôt foncier au Bengale. Comme ailleurs sous la domination moghole, le langage utilisé pour la justice et l’administration était le persan.

Le pays n’était plus en mesure de produire sa propre classe dirigeante. La classe dirigeante était une construction faite par le Moghol, et composé d’aristocrates musulmans, parlant l’ourdou comme dans le nord de l’Inde, et séparés sur le plan culturel des autres musulmans.

Akbar célébrant la victoire moghole au Bengale

Fin de l’ère moghole: le Nawabs

Lorsque l’empire moghol était sur le déclin, la situation n’a pas changé. Le Bengale a commencé à être gouverné par une dynastie de gouverneur, et le subahdar bengali était désormais connu comme le nawab du Bengale (le mot donnant le mot français « Nabab »).

Cela signifie que le modèle féodal de l’empire moghol a été importé au Bengale, et même modernisé.

Murshid Quli Khan, premier Nawab (de 1717 à 1727), a aboli le système du jagirdar, terre donnée pour la vie à quelqu’un qui était considéré comme méritoire pour son service militaire (avec sa mort la terre revenait, théoriquement, dans les mains du monarque).

Au lieu du système du jagirdar, qui était adapté à l’État militaire des Moghols, Murshid Quli Khan a installé le système mal zamini. Dans ce système, la terre était louée à un ijaradar – un fermier général.

Cela était plus adapté à une économie où un autocrate avait besoin de richesses produites localement, de la même manière que la monarchie française déclinante avec les « Fermiers Généraux ». Comme le fermier général payait au gouvernement les neuf dixième de la production, il était très engagé pour faire une meilleure production.

Mais Murshid Quli Khan fit face au fait que, ce faisant, il ne pouvait pas fonder ce système sur un ijaradar musulman, parce qu’il avait besoin d’aller contre la culture moghole, et de toute façon il ne recevait plus les cadres plus de l’Empire moghol à placer comme fermier général.

Murshid Quli Khan organisa par conséquent son système ijaradar de cette façon: il a divisé la province en 13 divisions administratives appelées chaklahs, les plus gros fermiers généraux étant mis en place comme chaklahdars, et il a choisi essentiellement des hindous. Des 20 fermiers généraux choisis par Murshid Quli Khan, 19 étaient des hindous.

La colonisation britannique: la première période

De manière intéressante, l’Empire britannique qui a colonisé le Bengale a continué de la « même manière. » L’acte d’établissement permanent de 1793 a rendu héréditaire les positions des fermiers généraux.

Par conséquent, le système de fermiers généraux de Murshid Quli Khan doit être considéré comme un système parasitaire, d’un type féodal. Karl Marx, dans La domination britannique en Inde (1853), a décrit cela comme un « despotisme européen, planté sur le despotisme asiatique » :

« Il ne peut pas, cependant, rester aucun doute, comme quoi la souffrance infligée par les Britanniques sur l’Hindoustan est d’ordre essentiellement différente et infiniment plus intense que ce que tout l’Hindoustan a eu à souffrir auparavant.

Je ne parle pas du despotisme européen, planté sur le despotisme asiatique, par la British East India Company, formant une combinaison plus monstrueuse que tout monstres divin nous surprenant dans le Temple de Salsette [île de Salsette, au nord de Bombay et célèbre pour ses grottes aux 109 temples bouddhistes]. Ce n’est pas une caractéristique distinctive de la domination coloniale britannique, mais seulement une imitation des Hollandais (…).

Aussi étrangement complexe, rapides et destructrices que puissent apparaître l’action successive en Hindoustan de toutes les guerres civiles, les invasions, les révolutions, les conquêtes, les famines, tout cela n’est pas allé plus loin que sa surface.

L’Angleterre a [quant à elle] décomposé l’ensemble du cadre de la société indienne, sans aucun symptôme de la reconstitution qui apparaîtrait.

Cette perte de son ancien monde, avec aucun gain d’un nouveau, donne un genre particulier de mélancolie à la misère actuelle de l’Hindou, et sépare l’Hindoustan, gouverné par la Grande-Bretagne, de toutes ses anciennes traditions, et de l’ensemble de son histoire passée. »

Karl Marx a parfaitement vu cette question de la mélancolie, tellement présente dans les pays opprimés, une mélancolie donnant naissance à de nombreux fondamentalismes romantiques.

En tout cas, du côté britannique, cela a également clairement suivi la logique impérialiste traditionnelle de « diviser pour régner. »

Des commerçants travaillent avec la Compagnie des Indes dans les périodes 1736-1740, l’ensemble des 52 bengali à Calcutta étaient hindous, 10 des 12 de ceux à Dacca, et l’ensemble des 25 à Kashimbazar.

Ensuite, l’empire britannique a défait le nabab à la bataille de Plassey en 1757, créant la présidence du Bengale et dirigeant finalement directement le Bengale et l’Inde.

La colonisation britannique: la deuxième période

La soumission du Bengale par l’impérialisme britannique a apporté une nouvelle situation, dans le sens où au féodalisme post-moghole, il faut ajouter le colonialisme britannique.

Ce ne fut pas compris à cause du manque d’analyse matérialiste dialectique. L’impérialisme a été compris comme le seul et unique responsable de la situation. Cela a été aidé bien sûr par le fait que l’impérialisme britannique a utilisé les hindous comme fermiers généraux.

Pour cette raison, la lutte des classes se développa sur une base religieuse: les grands propriétaires terriens étaient hindous au Bengale, et comme l’impérialisme britannique travaillaient avec eux, alors logiquement l’Islam devait être pris comme un drapeau révolutionnaire.

Cela a également été causée par le fait que les anciens dirigeants – ceux avant les Nawabs semi-autonome et indépendant (par rapport au moghol) et les Nawabs semi-autonome et indépendant (par rapport aux Britanniques), c’est à dire les aristocrates formés par les Moghols – semblaient être un idéal romantique.

Une expression très importante de cette conception romantique jusqu’à aujourd’hui au Bangladesh est l’appréciation très forte du Taj Mahal, qui peut être trouvé dans de nombreux dessins, en particulier sur les rick-shaws.

En raison de cela, l’islam « pur » idéologiquement – celui des moghols, qui semblait « anti-impérialiste » – a été prise comme une arme.

Cela s’est passé avec le mouvement Faraizi, fondée par Haji Shariatullah (1781-1840). Il est allé en Arabie et a utilisé la version de l’islam là-bas – le wahhabisme – comme arme fondamentaliste au Bengale, faisant la promotion d’un islam « purifié » de l’influence hindouiste, c’est-à-dire de la présence britannique.

« Fairaz » désigne l’obligation due à Dieu ; bien sûr, l’islam bengali était très loin de l’islam arabe, avec toutes ses pensées magiques et son esprit d’ouverture d’esprit aux déesses hindoues.

Mais ce mouvement de « purification » a été perçue comme une façon romantique afin, au moins, d’affirmer la nation du Bengale.

Néanmoins, ce fut romantique, et comprenant de manière non dialectique l’hindouisme comme un simple allié de l’impérialisme. Ainsi, ce processus de « purification » de l’islam, même si elle ne s’est pas généralisée – a tué pour de bon la possibilité d’une union du Bengale sous le drapeau bourgeois. Le Bengale aurait pu avoir été unifié seulement si son élément culturel national pouvait être pris comme un dénominateur commun.

Le fondamentalisme a tué cette possibilité. Voulant lutter contre l’impérialisme, les masses paysannes ont rejetée hindouisme comme autant qu’elles le pouvaient, ne voyant pas que le problème était la question agraire.

Haji Shariatullah avait mis en avant une lutte cosmopolite anti-nationale – mais cela semblait révolutionnaire, parce que cela sonnait anti-impérialiste (et par là anti-féodal).

Néanmoins, pour cette raison, le mouvement Fairazi a été pris par les masses comme anti-impérialiste (et par là anti-féodal); un Etat dans l’Etat a été créée au Bengale, formant une énorme opposition à l’Empire britannique.

Les masses n’ont pas vu que le problème était la question agraire, mais ils ont estimé que soutenir le mouvement Fairazi – non pas tant dans la purification religieuse que socialement – était dans leur intérêt.

En ce sens, le mouvement Fairazi était un mouvement anti-féodal, mais dirigé par des cercles intellectuels et non pas une bourgeoisie qui était terriblement faible en raison du type d’économie moghol et post-moghol.

Pour cette raison, le mouvement Fairazi s’est transformé en un mouvement paysan utopique et vint même mettre en avant la doctrine de la propriété de la terre comme revenant au travail.

Logiquement, le même processus a existé avec l’hindouisme, naturellement avec un centre de gravité au Bengale occidental. Les éléments bourgeois ont essayé de construire une nouvelle idéologie, un hindouisme en mesure de mobiliser les masses, en mettant de côté le systèmes des castes et la hiérarchie religieuse.

Ainsi naquit le Brahmo Samaj, fondée par le brahmanes et bourgeois Dwarkanath Tagore (1794 – 1846) et le brahmane et intellectuel Raja Ram Mohan Roy (1772-1833).

Mais plus encore que le mouvement Fairazi, il échoua à mobiliser les masses de façon révolutionnaire – les deux ont été portés par les cercles intellectuels tentant de trouver une sortie universelle de la situation au Bengale alors, mais au moins le mouvement au Bengale oriental a réussi à avoir un forte identité populaire.

Ainsi, les deux ont été progressistes dans le sens où ils ont été critiquant et rejetant le féodalisme, tous les deux ont pris une position universelle, mais les deux ont regardé dans un passé idéalisé pour trouver le noyau de l’idéologie qui aurait dû être trouvé dans le présent.

Tous deux ont été petit-bourgeois, un mouvement romantique. Leur échec était inévitable parce que la bourgeoisie était faible, arrivant trop tard dans l’histoire, et ne pouvait pas freiner le progrès de l’impérialisme.

Mais il y avait une différence: au Bengale occidental, le processus a été organisé autour des cercles petits-bourgeois et grand bourgeois, ce qui est appelé jusqu’à aujourd’hui les « bhadralok » (ou Bhodro Lok), c’est à dire les « gens meilleurs. ».

Les « bhadra lok » étaient culturellement occidentalisés, mais idéologiquement ils voulaient une société bourgeoise et rejetaient par conséquent la culture occidentale (exactement comme le fondateur du Pakistan ne parlait pas l’ourdou et était l’un des hommes les « mieux » habillés dans le monde, soit dans le style anglais).

Au Bengale oriental, le mouvement réussit, au contraire, à profondément influencer les masses, à défaut de les mobiliser de manière révolutionnaire.

La colonisation britannique: troisième période

Après le Brahmo Samaj et le mouvement Fairazi, il n’y avait plus de forces pour unir le Bengale ; la bourgeoisie est arrivée trop tard, et les éléments petits-bourgeois étaient faibles et idéologiquement divisés en deux parties du Bengale.

Au contraire, les forces pour diviser le Bengale étaient fortes. L’empire britannique a joué un rôle important en divisant le Bengale pour des raisons administratives en 1905. Il n’a pas réussi à cela – du Bengale a été unifié à nouveau, en 1919.

Mais il pousse la contradiction entre l’Ouest et l’Est du Bengale. Les Hindous, qui avaient gagné des points avec le colonialisme et ensuite pensaient qu’ils allaient bénéficier d’une Inde indépendante, comme elle serait principalement hindoue, ont mené une lutte contre la partition de 1905.

Les forces petites-bourgeoises, au Bangladesh, craignant l’hégémonie de la partie hindoue, ont accepté pour leur part cette partition, parce qu’ils pensaient que cela permettrait le renforcement de la nation bengalie.

Ce processus, une fois engagé, ne pouvait plus être arrêté: en 1919, les Britanniques ont divisé le peuple bengali avec des élections séparées pour les hindous et les musulmans. Encore une fois, les forces petites-bourgeoises du Bengale oriental ont pensé que cela était favorable à leur affirmation.

Le colonialisme britannique est allé très loin dans cette politique, utilisant même la famine. La famine de 1770 a tué approximativement le tiers de la population (donc, environ 10 millions de personnes); il y eut par la suite des famines en 1783, 1866, 1873-1874, 1892, 1897. Le colonialisme britannique préférait bloquer les approvisionnements, qui étaient au service de ses bénéfices, même si cela signifiait la mort par la faim de millions de personnes.

Quand les Japonais ont conquis la Birmanie, le colonialisme britannique a poursuivi cette politique de façon extrême, donnant la mort à près de 5 millions de personnes au Bengale en 1943-1944. La famine n’a même pas été officiellement déclarée. Satyajit Ray a fait un fameux film sur cet événement, Distant Thunder.

La situation était par conséquent inacceptable et il était nécessaire de faire un saut, à tout prix. Ceci a conduit à la scission du Bengale, en le Bengale occidental et le Pakistan oriental.

En 1947, l’Inde est devenue indépendante, mais bien sûr ce n’était pas possible pour les éléments bourgeois au Bengale Oriental de lutter contre l’Inde pour des liens ouverts avec le Bengale occidental; de toute façon la bourgeoisie (hindoue) du Bengale occidental pensait – à cause de sa propre force – qu’il serait plus intéressant d’être une partie de l’Inde.

Donc, le Bengale oriental s’est précipité dans les bras du « Pakistan », devenant le Pakistan oriental. Les Pakistan occidental et oriental étaient à 1,600 kilomètres de distance ; il n’y avait entre eux aucun lien économique, psychologique et culturel véritable entre les Pakistan de l’Ouest et de l’Est.

Mais c’était une option pratique pour, au moins, avoir ce qui a semblé être un Bengale indépendant.

« Le Pakistan oriental » était une façon de libérer le Bengale de l’Inde « hindouiste. » Le Pakistan était vu comme un retour à l’ère moghole.

Fondamentalement, il est facile de voir que le choix du Pakistan n’était pas en effet une définition religieuse, mais une définition nationale. Une preuve pour ceci était la prise de la chanson « Amar Shonar Bangla » (« Mon Bengale d’or ») écrite par Rabindranath Tagore comme hymne national.

Nous avons ici des éléments étonnants : tout d’abord, cela a signifié que le Pakistan oriental s’est compris comme le vrai Bengale.

Dans la même façon, nous devons voir que l’Inde a également pris une chanson de Tagore comme hymne national – ceci ne peut pas relever du hasard et a été clairement connecté à la question du Bengale Occidental, que l’Inde voulait garder à n’importe quel prix.

Et, finalement, nous devons voir un fait étrange : Amar Shonar Bangla a été à l’origine écrit contre la division 1905, que les dirigeants musulmans du Bengale Oriental ont accepté. Il ne devrait pas être logique de choisir cette chanson – à moins que nous ne comprenions que le but était un Bengale unifié, séparé de l’Inde.

Rabindranath Tagore (1861-1941)

Le Bengale oriental devient le Pakistan oriental

Quand le Bengale oriental a rejoint le Pakistan, l’espoir était que le pays serait gouverné d’une façon qui permettrait à la bourgeoisie orientale du Bengale de se développer. Pour la bourgeoisie qui a adopté l’Islam comme une identité, ceci devrait être une conséquence logique.

Mais l’Islam n’était pas celui du Bengale historiquement; c’était une construction de l’impérialisme, théorisé par des étudiants indiens en Angleterre, inventant un « Pakistan » comme les sionistes ont inventé « l’État d’Israël. » Il n’y avait aucun rapport avec une conception idéalisée d’un « retour au moghol. »

C’était une illusion de penser que l’État pakistanais serait un développement en termes historiques. Et la situation est devenue bientôt épouvantable.

Le Pakistan avait 69 millions de personnes, 44 millions étant au Pakistan oriental. Mais le Pakistan occidental avait une hégémonie totale : il avait la capitale fédérale, le commandement militaire, la cour suprême de justice…

Depuis le début on a donné la priorité au Pakistan occidental qui avait les ¾ des fonds de développement. Le Pakistan oriental produisait la plupart des exportations (jute, thé…), mais avait seulement ¼ des revenus.

Et la situation n’était pas seulement insupportable pour le Pakistan oriental. Le Pakistan est né comme semi-colonie britannique et est de plus en plus devenu une semi-colonie américaine.

Manifestation d’étudiantes à Dhaka, le 21 février 1953,
bravant l’interdiction et exigeant l’emploi de la langue bengalie.

Les masses, dans l’atmosphère révolutionnaire mondiale générale, ont commencé à protester avec les étudiants en 1968, suivis ensuite par les paysans et les ouvriers, dans un front commun contre la dictature militaire.

Un intellectuel rural a réussi à unir le mouvement démocratique paysan au Bengale : Maulana Abdul Hamid Khan Bhashani. Profondément influencé par la Chine, il s’est même séparé de l’Awami League pro-bourgeois (Awami signifiant peuple) pour former le National Awami Party.

Mais Bhashani était un démocrate, dans une période où la révolution démocratique ne pouvait être menée que par le Parti communiste. Pour cette raison, il a fait plusieurs erreurs, notamment en 1970 en laissant la Ligue Awami être seule présente dans les élections.

Sheikh Mujibur Rahman, dirigeant de la Ligue Awami bourgeoise (ou plutôt petit-bourgeoise), a reçu un triomphe, devenant pour les masses le dirigeant de la lutte démocratique. 167 des 169 sièges de l’Assemblée nationale au Pakistan oriental étaient ainsi détenus par la Ligue Awami.

La Ligue Awami n’était certainement pas prête pour la sécession – mais les masses éveillées, notamment par le Parti National Awami, poussait à une libération de l’hégémonie du Pakistan occidental.

A joué ici aussi un rôle important le cyclone de 1970, où 200 000 personnes sont mortes, et où l’État pakistanais n’a pas été en mesure d’organiser un secours sérieux. A ce moment, l’armée officielle du Pakistan – où les officiers étaient principalement du Pakistan occidental – a commencé à être considéré par les larges masses comme une armée d’occupation.

Pour cette raison, le 25 mars 1971, l’armée pakistanaise a fait une intervention, qui est devenu un véritable génocide.

L’objectif de l’armée pakistanaise était d’écraser tous les intellectuels de langue bengali, de violer des femmes autant que possible (environ 200 000), de tuer autant que possible les hindous. La langue bengali et les hindous ont été considérés comme un obstacle à l’unification islamique, et donc, comme des cibles.

Mais ce n’était pas seulement une tactique de l’armée pakistanaise. C’était conforme à l’idéologie d’une partie de la petite-bourgeoisie du Bengale.

Par conséquent, le parti Jamaat-e-Islami a aidé dans les massacres, en tant que volontaires (les « Razakars ») et la formation de milices – Al-Badar et Al-Shams. Cette fraction de l’Est du Bengale s’est donc transformée en une bourgeoisie bureaucratique servant les intérêts pakistanais.

Les résultats de ce processus a été trois millions de morts.

La naissance du Bangladesh

Le soulèvement de masse, la grève générale, la lutte armée généralisée a permis de vaincre l’offensive pakistanaise.

Mais la défaite totale du Pakistan aurait également signifié la défaite de l’Inde. L’Inde ne pouvait pas accepter un Bangladesh indépendant, cela signifierait la perte du Bengale occidental à moyen terme.

Cela était particulièrement évident alors que les conseils ouvriers et paysans se répandaient dans tout le pays, la guerre populaire étant également initiée par différentes organisations, en particulier le Purba Bangla Sarbohara Party (Parti prolétarien du Bengale oriental), dirigé par Siraj Sikder.

Peter Hazlehurst du Times commente alors: « Le Bengale rouge alarmerait Delhi encore plus qu’Islamabad. » Il est à noter que le philosophe français Bernard Henri Lévy, publiant ses premiers travaux sur la question indienne et le Bangladesh, n’a pas compris ce processus et pensait que la guerre populaire initiée n’avait pas comme objectif la révolution démocratique au Bengale, favorisant ainsi le pessimisme et la confusion.

En raison de la situation, l’armée indienne a lancé une offensive contre le Pakistan et organisé depuis le début à grande échelle la « Mukti Bahini », « l’armée de libération » sous contrôle de la Ligue Awami. L’objectif était la formation d’un Bengale oriental, sous contrôle de l’Inde et son maître, le social-impérialisme russe.

La situation était très compliquée pour les révolutionnaires. Ils ont dû se battre contre l’expansionnisme indien et le colonialisme pakistanais, mais aussi contre les forces féodales. Et l’impérialisme américain et le social-impérialisme russe soutenaient certaines fractions pour les transformer en une bourgeoisie bureaucratique.

Carte de la situation militaire en 1971

L’intervention massive de l’Inde a apporté beaucoup de problèmes tactiques, l’ennemi principal changeant de manière rapide. Cela a permis la formation du Bangladesh, sous contrôle indien. Le dirigeant de la Ligue Awami, Sheikh Mujib, est devenu le premier ministre, puis le président.

Représenter le bourgeoisie bureaucratique pro-Inde et pro-URSS social-impérialiste, Sheikh Mujib a commencé à donner la même orientation idéologique. Il a mis en avant, comme principes fondamentaux, « le nationalisme, la laïcité, la démocratie et le socialisme. »

Il a fait en sorte que seule un partie a été toléré dans le pays, la Bangladesh Krishak Sramik Awami League-BAKSAL, et se mit en tant que président à vie.

Ce fut bien sûr inacceptable par les masses, et cela a été utilisé par les impérialistes. Après la famine de 1974, qui a tué 1,5 millions de personnes, l’impérialisme américain a poussé à un coup d’Etat militaire, le 15 août en 1975.

L’officier de l’armée Ziaur Rahman est devenu le dirigeant, qui a créé un parti politique exprimant les intérêts de l’impérialisme américain et de la bourgeoisie bureaucratique qui lui est soumis: le Bangladesh Nationalist Party (BNP).

Ziaur Rahman a fait une politique qui était à l’opposé de la précédente, l’Etat a fait des privatisations, l’islam s’est vu donné un rôle national; Golam Azad, chef exilé du Jamaat-e-Islami, a été autorisé à revenir en Juillet 1978 avec un passeport pakistanais et a pu rester, même après l’expiration du visa, etc

Ziaur Rahman a subi quelques différents coups d’Etat, qui ont tous échoué, même s’il a été tué dans cellede 1981. Son successeur, le lieutenant-général Hussain Muhammad Ershad, a suivi sa politique, mais a formé son propre parti politique, le Parti Jatiya.

Gouvernant d’une manière autocratique, Ershad a ouvert la voie à un Bangladesh «démocratique» – une « démocratie » sous le contrôle des deux fractions de la bourgeoisie bureaucratique.

La domination de la Ligue Awami et du BNP

Sous le régime Ershad – qui a servi comme un Bonaparte dans une situation de crise – la Ligue Awami et le BNP se sont réorganisés.

Khaleda Zia, veuve de Zia, est devenue la dirigeante du BNP, qui a été (et est) une force pro-américaine, et a formé l’alliance des 7 partis.

De l’autre côté, la Ligue Awami a été dirigée par Sheikh Hasina, la fille de Mujib ; la Ligue était (et est) une force pro-indo-soviétique, formant historiquement l’alliance des 15 partis.

Le BNP et la Ligue Awami se sont unis contre la loi martiale d’Ershad. Ils se sont alliés aussi avec la Jamaat-e-Islami, et une « Ligue démocratique » qui était également pro-américaine.

En 1987, la Ligue Awami a boycotté les élections, en 1988, elle a été rejoint dans son boycott par le BNP. La pression générale contre lui – des fractions bureaucratiques, mais aussi des masses, où les révolutionnaires jouaient un rôle significatif – ont amené Ershad à démissionner, en 1990. Son parti politique devint alors un allié de la Ligue Awami.

Depuis 1990, la BNP et la Ligue Awami sont les principaux partis politiques institutionnels, représentant les deux principales tendances bureaucratiques bourgeoise, avec la Jamaat-e-Islami.

En 1991, les deux parties étaient à peu près équivalent, puis, le BNP a gagné en 1996, la Ligue Awami dans une autre élection en 1996, le BNP gagna à nouveau en 2001, la Ligue Awami de nouveau en 2008.

De 1991 à 1996, Khaleda Zia, a été Premier ministre, Sheikh Hasina a alors dominé de 1996 à 2001, Khaleda Zia revint de 2001 à 2006, et après un gouvernement de transition dans une situation instable, avec même un état d’urgence, Sheikh Hasina est revenue au 2009.

Bangladesh: un pays opprimé

Pour comprendre la situation d’aujourd’hui, nous allons jeter un oeil à ce qu’il est possible de lire sur un site web contre les criminels de guerre de 1971:

«En 1971, deux pouvoirs suprêmes les États-Unis et la Chine étaient avec eux. Mais Allah était avec les Bengalis désarmés. Donc nous avons gagné la guerre. Bien que nous ayons perdu nos bien-aimés, mais nous avons eu notre désiré Bangladesh. »

Ce qui est écrit ici m’aide beaucoup à comprendre l’illusion qui prévaut dans beaucoup de secteurs des masses.

Parce que ce n’était pas « Allah », mais l’armée indienne qui a donné des armes et combattu contre l’armée pakistanaise d’un côté, les masses qui se sont armées de l’autre, avec une forte influence communiste.

Mais en raison de la faiblesse de l’avant-garde communiste, le Bangladesh, à sa fondation, est devenu une marionnette de l’Inde et de l’URSS social-impérialiste. Cela a donné de nouveau de la vigueur à l’idéologie du « retour au moghol », qui a été de nouveau utilisée par la bourgeoisie bureaucratique pro-américaine. Et elle a permis aux ex-Razakars de se « justifier. »

Nous avons ici une clé idéologique. Le Bangladesh est né comme un pays sur un génocide de 3 millions de personnes, dont la seule faute était d’être Bengali et en cette nouvelle nation n’a pas été en mesure jusqu’à présent de préserver leur mémoire et de punir les criminels.

Comment cela est-il possible?

C’est parce que l’aspect religieux est si forte que même juste après l’indépendance de 1971, le nouvel État du Bangladesh n’a pas été en mesure de réprimer la razakars, qui ont aidé l’armée pakistanaise dans ses massacres. Même Mujib a utilisé l’islam comme une arme idéologique.

Et, de plus en plus, le Bangladesh connaît une influence plus grande de l’islam. En juin 1988, la constitution a même été modifiée afin d’établir l’Islam comme religion d’État, abandonnant la laïcité de l’État. La Ligue Awami accepte cela – parce qu’elle n’a absolument plus aucun aspect bourgeois, elle est purement bureaucratique.

Ceci est logique: le Bangladesh, rejetant une voie démocratique, est de plus en plus en train d’utiliser l’islam d’une manière national-bureaucratique abstraite, afin de maintenir le Bangladesh tel qu’il est. Même les forces pro-Inde ont besoin de cet islam pour maintenir le Bangladesh comme il est, pour être en mesure d’exister.

L’option des maoïstes au début des années 1970 a été correcte: l’organisation de la révolution agraire se propage comme un feu au Bangladesh, en Inde, au Pakistan, elle permettrait d’unifier les masses qui ont déjà beaucoup de liens culturels. Et cela permettrait de s’opposer à la fois aux forces pro-américaines et pro-URSS.

Mais le Bangladesh a désormais de plus en plus un capitalisme bureaucratique organisé par le haut, avec des milliers d’usines où des grandes rébellions sont mêmes organisées. Il n’est pas possible de nier cette évolution.

Le pays a pris ou prend le tournant, comme beaucoup de pays, d’un pays semi-colonial semi-capitaliste bureaucratique, avec des éléments semi-féodaux massifs sur le plan culturel et idéologique. Il y a même un système idéologique unifié pour justifier l’État: un islam influencé par un romantisme du « retour au moghol. »

Bangladesh: nation inachevée du Bengale

Néanmoins, cette idéologie d’État, de plus en plus influencée par l’islam, a une base très faible. Elle n’est pas conforme à la base nationale.

La révolution de nouvelle démocratie lève ce drapeau, pour unifier les masses contre ceux qui invente de faux principes pour maintenir leur domination.

Mais la principale question révolutionnaire est la suivante: où est le soutien principal de la révolution de nouvelle démocratie?

Hier, cela aurait été essentiellement la révolution agraire. Aujourd’hui, alors que la nation a avancé mais d’une façon erronée, cela doit encore être l’aspect démocratique, mais sur une base populaire. La lutte contre le fascisme et les forces fascistes a de fait été très forte depuis 1971.

Et certainement, la question de la culture bengali joue un rôle central. Une révolution démocratique réalise un aspect universel, et comme il est un voisin très proche sur le plan culturel – le Bengale occidental – la question de la révolution démocratique porte de nouveau la question de la nation bengalie.

Ce n’est pas seulement que le socialisme unifie les peuples, c’est aussi qu’une fédération des deux Bengale a une valeur idéologique démocratique. Tant l’Ouest que l’Est ont vécu des expériences de soumission à des formes qui ne permettent pas leur développement. Ils ont besoin de trouver une autre voie – leur réunion démocratique, d’une manière ou d’une autre, est inévitable.

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Mao Zedong : Déclaration pour soutenir la lutte des Afro-américains contre la répression par la violence

   Déclaration du camarade Mao Zedong, président du Comité central du Parti communiste chinois pour soutenir la lutte des Afro-américains contre la répression par la violence, 16 avril 1968

   Il y a quelques jours, le pasteur afro-américain Martin Luther King a été soudainement assassiné par les impérialistes américains. II était pour la non-violence. Mais les impérialistes américains ne l’ont pas épargné pour autant ; ils ont, au contraire, usé de la violence contre-révolutionnaire et l’ont fait périr sous les coups sanglants de la répression.

Cet événement a été une profonde leçon pour les masses afro-américaines. Il a déchaîné dans leur lutte contre la violence répressive une nouvelle tempête qui balaie plus d’une centaine de villes américaines ; voilà qui est sans précédent dans l’histoire des Etats-Unis. C’est une preuve manifeste de la prodigieuse force révolutionnaire que recèlent les Afro-américains, qui sont plus de 20 millions.

Qu’une telle lutte fasse rage aux Etats-Unis est une manifestation éclatante de l’ensemble de la crise politique et économique que connait aujourd’hui l’impérialisme américain. C’est un rude coup porté à ce dernier ; qui est aux prises avec de multiples difficultés intérieures et extérieures.

Cette lutte n’est pas seulement une lutte pour la liberté et l’émancipation menée par les Afro-américains exploités et opprimés ; elle est aussi un nouvel appel de clairon dans la lutte de tous les Américains exploités et opprimés contre la féroce domination de la bourgeoisie monopoliste. Elle constitue pour tous les peuples du monde comme pour le peuple vietnamien un puissant soutien et un immense encouragement dans leur lutte contre l’impérialisme américain. Au nom du peuple chinois, j’exprime mon ferme soutien à la juste lutte des Afro-américains.

La discrimination raciale qui sévit aux Etats-Unis est un produit du système colonialiste et impérialiste. La contradiction entre les masses afro-américaines et la clique dominante de ce pays est une contradiction de classes. Ce n’est que par le renversement de la domination réactionnaire de la bourgeoisie monopoliste américaine et la destruction du système colonialiste et impérialiste que les Afro-américains parviendront à une émancipation totale.

Les masses afro-américaines et les travailleurs blancs des Etats-Unis ont des intérêts et des objectifs de lutte communs. Aussi la lutte des Afro-américains bénéficie-t-elle de la sympathie et du soutien d’un nombre toujours croissant de travailleurs et de progressistes blancs du pays. Cette lutte s’unira nécessairement avec le mouvement ouvrier américain : ainsi sera-t-il mis fin, une fois pour toutes, à la domination criminelle de la bourgeoisie monopoliste des Etats-Unis.

Je soulignais, en 1963, dans ma « Déclaration pour soutenir les Afro-américains dans leur juste lutte contre la discrimination raciale pratiquée par l’impérialisme américain », que « l’exécrable système colonialiste et impérialiste, dont la prospérité a débuté avec l’asservissement et la traite des Noirs, disparaîtra avec l’émancipation complète des Noirs ». Je maintiens toujours ce point de vue.

A l’heure actuelle, la révolution mondiale est entrée dans une nouvelle et grande époque. La lutte des Afro-américains pour l’émancipation est une composante de la lutte générale des peuples du monde contre l’impérialisme américain, une composante de la révolution mondiale de notre temps. J’appelle les ouvriers, les paysans et les intellectuels révolutionnaires de tous les pays ainsi que tous ceux qui veulent combattre l’impérialisme américain à passer à l’action et à manifester une puissante solidarité aux Afro-américains en lutte.

Peuples du monde, unissez-vous plus étroitement encore, lancez des attaques violentes et soutenues contre notre ennemi commun, l’impérialisme américain, et contre ses complices ! On peut affirmer que le jour n’est plus éloigné qui verra l’effondrement total du colonialisme, de l’impérialisme et de tous les systèmes d’exploitation, ainsi que l’émancipation complète des peuples et des nations opprimés du monde entier.

=>Oeuvres de Mao Zedong