Dans A
propos de la révolution de l’opéra de Pékin, Jiang
Qing formule la position réaliste socialiste concernant cet opéra,
dans les conditions concrètes chinoises.
Je tiens tout d’abord à vous féliciter pour ce
festival, première campagne pour la révolution de l’opéra de
Pékin. Vous avez tous fourni un labeur considérable. Les résultats
en sont prometteurs et auront probablement une profonde influence.
Désormais, on met en scène des opéras de Pékin
à thème révolutionnaire contemporain, mais chacun s’en fait-il la
même idée? Je crois qu’il serait prématuré de l’affirmer.
Il faut avoir une confiance inébranlable dans la
réalisation d’opéras de Pékin sur des thèmes révolutionnaires
contemporains.
Il serait inconcevable que les ouvriers, paysans
et soldats, créateurs véritables de l’histoire et seuls maîtres de
notre pays socialiste dirigé par le Parti communiste, n’aient pas
une place prédominante à la scène.
Nous devons créer une littérature et des arts
qui protègent la base économique socialiste de notre pays. Au
moment où l’on ne distingue pas clairement l’orientation, tous nos
efforts doivent tendre à la dégager. A titre de renseignement, je
citerai deux chiffres, deux chiffres qui n’ont pas laissé de me
surprendre.
Voici le premier chiffre : on évalue à trois
mille environ, le nombre de compagnies théâtrales dans l’ensemble
du pays (abstraction faite des troupes amateurs ou sans licence).
Elles comprennent environ 90 troupes professionnelles de théâtre
moderne, plus de 80 ensembles artistiques et plus de 2 800 compagnies
qui montent divers genres d’opéras.
Les empereurs, rois, généraux, ministres,
damoiseaux, damoiselles et autres génies malfaisants, règnent sur
l’opéra, tandis que les compagnies de théâtre moderne, plutôt que
de dépeindre les ouvriers, paysans et soldats, montent le plus
souvent des pièces « célèbres », « étrangères » ou « à
thèmes anciens », tant et si bien que la scène du théâtre
moderne est, elle aussi, occupée par les Chinois et les personnages
étrangers des époques révolues.
Le théâtre est un moyen d’éduquer le peuple,
mais à l’heure actuelle, nos scènes sont encombrées d’empereurs,
de rois, de généraux, de ministres, de damoiseaux et de
damoiselles, d’un fatras d’idées féodales et bourgeoises. Un tel
état de choses ne peut protéger notre base économique, il risque,
au contraire, d’exercer un rôle de sape sur elle.
Le second chiffre : il y a plus de six cents
millions d’ouvriers, paysans et soldats dans notre pays, tandis que
les propriétaires fonciers, paysans riches, contre-révolutionnaires,
mauvais éléments, droitiers et éléments bourgeois ne sont
qu’une poignée.
Qui faut-il servir? Cette poignée d’individus ou
plus de six cents millions d’hommes?
Cette question ne doit pas retenir l’attention des
seuls communistes, mais celle de tous les travailleurs patriotes de
la littérature et des arts.
Ce sont les paysans qui cultivent les céréales
que nous mangeons; ce sont les ouvriers qui tissent les vêtements
que nous portons et qui construisent les maisons que nous habitons;
ce sont les soldats de l’Armée populaire de libération qui assurent
pour nous la défense nationale en montant une garde vigilante, mais
nous ne les portons pas à la scène!
Puis-je vous demander quelle position de classe on
adopte ainsi et où se trouve cette « conscience » d’artiste dont
on parle tant?
La représentation d’opéras de Pékin à thème
révolutionnaire contemporain n’est pas un travail de tout repos et
vous connaîtrez des revers, mais si vous gardez présents à
l’esprit les chiffres que je viens de citer, vous parviendrez à
éviter ces revers ou du moins à en rencontrer le moins possible.
Pourtant, si vous deviez en rencontrer, cela
n’aurait guère d’importance; la marche de l’histoire est toujours
sinueuse, mais jamais la roue de l’histoire ne reculera.
Pour nous, l’opéra sur des thèmes
révolutionnaires contemporains doit refléter la vie réelle au
cours des quinze années qui ont suivi la fondation de la République
populaire de Chine et créer des types de héros caractéristiques de
notre époque.
C’est notre tâche primordiale, mais cela ne
signifie pas que nous refusons les opéras historiques. Les pièces
historiques révolutionnaires représentaient une proportion non
négligeable du programme de ce festival; nous avons besoin d’opéras
historiques révolutionnaires décrivant la vie et les luttes du
peuple avant la fondation de notre Parti.
De plus, nous devons instituer des modèles dans
ce domaine et produire des pièces historiques en conformité avec le
point de vue du matérialisme historique qui puissent, par leur thème
ancien, servir l’époque actuelle.
Bien entendu, ce travail doit être entrepris à
la condition préalable qu’il ne gêne pas l’accomplissement de la
tâche principale : la représentation de la vie actuelle et de
l’image des ouvriers, paysans et soldats.
Nous n’avons pas l’intention de rejeter toutes les
pièces traditionnelles. A l’exception des pièces présentant des
fantômes et de celles prônant la capitulation et la trahison, de
bons opéras traditionnels pourront encore être montés.
Mais ces derniers n’auront qu’une audience
négligeable si l’on ne procède pas à un travail d’arrangement et
de révision attentif.
Je me suis rendue systématiquement au théâtre
depuis plus de deux ans et un examen profond des acteurs et du public
m’a poussée à conclure que le travail d’arrangement et de révision
des pièces traditionnelles est nécessaire, sans pouvoir toutefois
remplacer la tâche principale.
Mais comment se mettre à la tâche? Je pense que
la question clé est celle du livret.
En effet, sans livret, avec les seuls metteurs en
scène et acteurs, on ne parviendrait pas à réaliser de mise en
scène ni à présenter une quelconque pièce.
Certains disent que le livret est la base de la
production théâtrale, en quoi ils ont parfaitement raison et c’est
pourquoi nous devons mettre l’accent sur la création.
Au cours des dernières années, et en particulier
dans le domaine de l’opéra de Pékin, la création théâtrale était
distancée par la réalité de la vie.
Les librettistes étaient peu nombreux et
l’expérience de la vie leur faisait défaut. Dans ces conditions, il
est normal qu’aucune bonne pièce n’ait été créée.
Pour résoudre le problème de la création, il
faut réaliser la triple association de la direction, des artistes
professionnels et des masses populaires.
J’ai étudié récemment le processus de création
de la pièce La grande muraille de la mer de Chine méridionale et je
me suis aperçue qu’il était exactement celui que je viens
d’indiquer.
Tout d’abord, la direction a formulé un sujet;
les auteurs de la pièce entreprirent alors de se familiariser, et
cela à trois reprises, avec la vie du milieu en question. Ils
participèrent même à une opération militaire d’encerclement
d’agents ennemis.
Puis, après la première rédaction de la pièce,
eut lieu une discussion à laquelle participèrent de nombreux
dirigeants de la garnison de Canton; enfin, après les répétitions,
on sollicita le jugement de divers milieux afin d’améliorer la
pièce.
De cette manière, en consultant sans cesse
autrui, et en apportant de constantes améliorations à son travail,
cette équipe parvint à produire une très bonne pièce, reflétant
la lutte dans sa réalité actuelle en un laps de temps relativement
court.
Le Comité municipal du Parti de Changhaï porte
une grande attention au problème de la création; le camarade Keh
King-che s’en occupe personnellement. Dans toutes les localités, il
faut charger des cadres compétents de stimuler le travail de
création.
On ne peut guère compter produire des livrets
directement pour l’opéra de Pékin dans un avenir rapproché.
Cependant, il faut désigner dès à présent des camarades qui
auront à faire ce travail. Ils apprendront tout d’abord les
rudiments de leur art, puis ils iront acquérir quelque expérience
de la vie. Ils pourront commencer par écrire des pièces brèves,
pour passer graduellement à la création d’opéras complets. Les
pièces courtes, à la condition d’être bien écrites, sont
également précieuses.
Il faut former des forces neuves pour le travail
de création, leur faire prendre contact avec le monde réel; ainsi,
en trois à cinq ans, elles s’épanouiront et obtiendront de
fructueux résultats.
La transposition est également un bon moyen
d’obtenir de nouvelles pièces.
La transposition demande un choix prudent. Il faut
voir tout d’abord si la tendance politique est bonne ou non, puis si
la pièce s’adapte aux possibilités de la troupe.
En procédant à la transposition, il importe
d’analyser soigneusement l’œuvre originale et d’en souligner les
qualités sans chercher à leur apporter des modifications
superflues, tandis que les faiblesses doivent être corrigées.
Deux points demandent une attention particulière
dans la transposition de divers genres d’opéras en opéras de Pékin;
d’une part, il importe que l’adaptation réponde aux caractéristiques
de l’opéra de Pékin en ce qui concerne le chant et l’acrobatie.
Les paroles des chants doivent répondre aux
variations rythmiques de la musique vocale de l’opéra de Pékin et
il faut en adopter la langue caractéristique, sinon les acteurs ne
pourraient chanter.
D’autre part, il n’est pas nécessaire de faire
trop de concessions aux acteurs.
Un opéra doit avoir un clairement défini, être
d’une structure rigoureuse et les personnages doivent avoir du
relief. Il ne faut jamais que l’intérêt de la pièce se disperse et
se perde parce que l’on aura voulu confier de belles tirades à
chacun des principaux protagonistes.
L’opéra de Pékin est un art outré, de plus, il
a toujours dépeint les temps anciens et les gens qui y vivaient.
C’est pourquoi il est relativement aisé, dans
l’opéra de Pékin, de camper des personnages négatifs et il se
trouve d’ailleurs des gens pour apprécier grandement cela.
D’autre part, il est très difficile de créer des
personnages positifs, mais nous devons néanmoins créer des figures
de héros révolutionnaires d’avant-garde.
Dans le livret initial de la pièce La Montagne du
Tigre prise d’assaut, réalisée à Changhaï, les caractères
négatifs avaient beaucoup de relief, tandis que les personnages
positifs étaient d’une grande fadeur.
La direction accorda un soin particulier à cette
question et cet opéra fut remarquablement amélioré.
A présent, la scène où paraît l’ermite Ting-ho
a été supprimée. On n’a pour ainsi dire pas touché au rôle du «
Vautour », le chef des bandits (l’acteur chargé de ce rôle joue
très bien), mais comme les personnages positifs Yang Tse-jong et
Chao Kien-po ont été mis en relief, les personnages négatifs ont
perdu de leur importance.
Il existe des opinions divergentes au sujet de
cette pièce; il serait bon d’en discuter. Chacun doit considérer sa
position. Prenez-vous position pour les personnages positifs ou pour
les personnages négatifs?
Il paraît que certains s’opposent encore à la
description de personnages positifs; cette position n’est pas
correcte. Les honnêtes gens sont toujours en majorité, non
seulement dans un pays socialiste comme le nôtre, mais également
dans les pays impérialistes, où le peuple travailleur constitue la
majorité de la population.
De même dans les pays révisionnistes, où les
révisionnistes ne sont qu’une minorité.
Il est important que nous donnions une image
artistique des révolutionnaires d’avant-garde afin d’éduquer et de
galvaniser le public et de l’entraîner dans la marche en avant.
Notre but, en créant des opéras sur des thèmes révolutionnaires
contemporains est essentiellement d’exalter les personnages positifs.
La pièce Sœurs héroïques de la steppe,
réalisée par la troupe d’opéra de Pékin du Théâtre artistique
de Mongolie intérieure est excellente. Le librettiste écrivit
la pièce sous l’impulsion d’une émotion révolutionnaire, provoquée
par les exploits des deux petites héroïnes.
Toute la partie centrale de la pièce est très
émouvante, mais l’auteur manquait encore d’un contact suffisant avec
la vie, d’autre part, il produisit cette œuvre dans des délais
extrêmement brefs, sans avoir le temps d’en ciseler toute la matière
et il s’ensuit que le début et la fin ne sont pas très
satisfaisants. Aussi a-t-on l’impression de voir une belle
peinture dans un cadre de bois grossier.
Il y a encore un point sur lequel cette pièce
mérite d’attirer l’attention, c’est qu’il s’agit d’un opéra de
Pékin destiné aux enfants.
Bref, cet opéra repose sur une base solide et
c’est une bonne œuvre. J’espère que son auteur se plongera plus
profondément dans la vie réelle du peuple et qu’il fera de son
mieux pour parfaire son œuvre.
A mon avis, nous devons respecter les fruits de
notre travail et ne pas nous en désintéresser.
Certains camarades en effet se refusent à
apporter des modifications à un travail déjà terminé, mais cette
attitude les empêche de produire de meilleures réalisations.
Dans ce domaine, Changhaï nous fournit un bon
exemple; c’est parce que les artistes de Changhaï se sont montrés
disposés à apporter modification sur modification au livret
original que La Montagne du Tigre prise d’assaut a pu être ce
qu’elle est actuellement.
Ainsi, les œuvres présentées à l’occasion de
ce festival devront encore être améliorées, sans pour autant que
l’on rejette ce qui était valable de manière inconsidérée.
En conclusion, je souhaite que chacun consacre une part de son énergie à se faire l’élève des autres, afin de tirer profit de ce festival; les résultats pourront ensuite être présentés au grand public sur toutes les scènes du pays. »
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