La date du 25 juin 1934 est davantage connue pour la liquidation, en même temps que les putschistes de la « révolution conservatrice », de nombreux dirigeants de la S.A.. Officiellement, du côté nazi, c’est une réponse à la tentative de putsch du dirigeant de la S.A., Ernst Röhm. L’expression la « nuit des longs couteaux » n’a jamais été employée en Allemagne, seulement en France, en Angleterre, etc. comme surnom donnée à une opération qui aurait servi à liquider la « gauche » nazie.
Ce n’est pas le cas. Preuve en est que nulle part le programme du parti nazi ne prévoyait d’expropriations, à part dans le cas d’activités dites anti-nationales, et que de plus le responsable de la S.A. à ce moment-là était Ernst Röhm, placé en réponse aux agissements populistes de Walter Stennes.
Quant à l’arrêt des violences de la S.A. comme prétexte, une telle interprétation n’a pas de sens, alors que l’Allemagne passe sous la coup de bouchers.
En réalité, cette opération contre la direction de la S.A. allait dans le même sens que la liquidation de la ligne de la « révolution conservatrice ». Cette dernière refusait la mobilisation totale ; inversement, les responsables de la S.A. tablaient dessus pour s’imposer.
En raison des traités internationaux d’après-guerre, l’armée allemande ne pouvait pas dépasser 100 000 personnes, alors que les S.A., par l’intégration d’autres structures juste après 1933, principalement nationalistes conservatrices, étaient passés à 4 millions de personnes.
On peut se douter d’ailleurs que cette base ayant quadruplé grosso modo n’est plus du tout celle d’avant 1933, ce qui est un autre argument à l’encontre de la thèse d’une révolte « populaire » de la base de la S.A..
Enfin, citons Gregor Strasser, frère d’Otto Strasser qui lui avait quitté le parti nazi. Gregor Strasser est toujours présenté comme le dirigeant de « l’aile gauche » du nazisme, notamment comme il fut exécuté en 1934. Voici ce qu’il dit on ne peut plus clairement dans une interview au journaliste Hubert Renfro Knickerbocker :
« Nous reconnaissons la propriété privée. Nous reconnaissons l’initiative privée. Nous reconnaissons nos dettes et notre obligation de les payer. Nous sommes contre l’étatisation de l’industrie. Nous sommes contre l’étatisation du commerce. Nous sommes contre l’économie planifiée dans le sens soviétique. »
En réalité, les S.A. étaient portées par l’idéologie du « socialisme national » dans une perspective relativement autarcique ; ce qu’on appelle la « gauche » nazie c’est en réalité la fraction la plus corporatiste.
Par conséquent, mes S.A. poussaient pour être la base de l’armée « nouvelle », dans l’esprit « milicien » du « socialisme » prussien, tandis que l’armée comptait bien entendu conserver ses traditions et son caractère central. De ce côté, ce furent les généraux Walter von Reichenau (1884-1942) et Werner von Blomberg (1878-1946) qui poussèrent à l’intégration de l’armée dans le système nazi.
Le président Paul von Hindenburg décéda alors opportunément le 2 août 1934, permettant à Adolf Hitler de devenir le chef du parti nazi, de l’État, du gouvernement et de l’armée, cette dernière instaurant un serment obligatoire au « Führer » dans ses rangs.
Ce processus passa cependant par la liquidation au préalable tant du bloc de la « révolution conservatrice » ayant la conception d’une armée « prussienne » que des dirigeants de la S.A. ayant une conception plus décentralisée et conforme à leurs envies de carrière.