Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Edmund Husserl et le monde comme horizon des possibles

    Qu’est-ce que le monde selon la phénoménologie d’Edmund Husserl ?

    Ce sont des objets saisis par la pensée et rien d’autre.

    Le monde existe bien sûr, mais ce qu’il est pour nous, c’est ce qu’on saisit par la conscience. Le reste, c’est autre chose, quelque chose qui ne nous concerne de toutes façons pas.

    Le monde, c’est le monde que la conscience saisit ou qu’elle peut saisir, rien d’autre. Il dit dans ses Méditations cartésiennes :

    « Les objets n’existent pour nous et ne sont ce qu’ils sont que comme objets d’une conscience réelle ou possible. »

    Le monde est alors à l’image du mode de production capitaliste avec ses marchandises qu’on peut produire et acheter, c’est-à-dire qu’il consiste purement et simplement en un horizon des possibles pour l’ego. Le subjectivisme absolu n’est pas replié sur lui-même : il engloutit sa part du monde.

    La phénoménologie est le discours au sujet de ce subjectivisme absolu de l’ego absolu, l’étude de toutes les expériences faites selon la perspective anti-matérialiste de la saisie subjectiviste (et non pas subjective) de quelque chose :

    « Il faudra élaborer une théorie constitutive de la nature physique, toujours « donnée » et — l’un impliquant l’autre — toujours présupposée existante; — une théorie de l’homme, de la société humaine, de la culture,… etc.

    Chacune de ces notions désigne un vaste ensemble de recherches différentes, correspondant aux concepts de l’ontologie naïve, tels que : espace réel, temps réel, causalité réelle, objet réel, qualité réelle,… etc.

    Il s’agit chaque fois de dévoiler l’intentionnalité impliquée dans l’expérience elle-même (en tant qu’elle est un état vécu transcendantal) ; il s’agit d’une explicitation systématique des « horizons » de l’expérience, c’est-à-dire d’une explicitation des évidences possibles qui pourraient en « remplir » les intentions, et qui, à leur tour, conformément à une loi de structure essentielle, feraient renaître autour d’elles des « horizons « toujours nouveaux ; et cela en étudiant continuellement les corrélations intentionnelles. »

    Seulement, le mode de production capitaliste exige également une accumulation, pas seulement un subjectivisme qui se réalise. Il a besoin d’un subjectivisme qui va se réaliser également.

    Il faut donc une idéologie faisant de l’ego une action tournée vers la réalisation de la consommation. Il faut que l’ego ne soit pas quelque chose de fixe, établi par la consommation, il doit être défini comme existant par les différents cycles de réalisation capitaliste.

    Il faut à la fois une consommation faite, établissant l’ego – en réalité l’être humain aliéné – et une consommation à faire. Voilà pourquoi Edmund Husserl dit que :

    « Il appartient donc à l’essence de l’ego de vivre toujours en des systèmes d’intentionnalités et des systèmes de leurs concordances, tantôt s’écoulant dans l’ego, tantôt formant de potentialités stables, pouvant toujours être réalisées. »

    Toute l’existence est ici définie comme allant dans un sens et dans un autre ; la vie consiste en suivre sa « conscience » en satisfaisant une saisie de choses et une saisie possible de choses. Le monde est là à notre disposition comme horizon des possibles.

    C’est le marché capitaliste de l’époque du mode de production capitaliste développé qui se réalise ici comme définition même de la « conscience ».

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    comme subjectivisme absolu

  • Edmund Husserl et la quête de l’absolu subjectiviste

    On a chez Edmund Husserl un ego absolu. En pratiquant le doute cartésien, en remettant tout en cause, on arrive à l’égo. Mais cet ego est notre seule porte vers la réalité, du moins sur la réalité saisie par nous (et pour nous la seule réalité).

    Dans Idées I, Edmund Husserl dit de la conscience :

    « C’est donc elle qui demeure comme le « résidu phénoménologique » cherché ; elle demeure, bien que nous ayons mis « hors circuit » le monde tout entier, avec toutes les choses, les êtres vivants, les hommes, y compris nous-mêmes.

    Nous n’avons proprement rien perdu mais gagné la totalité de l’être absolu, lequel, si on l’entend correctement, recèle en soi toutes les transcendances du monde, les constitue en son sein. »

    Edmund Husserl expose donc un moi – l’ego – composé d’un ensemble de pensées – le cogitantum. Cet ensemble est permis par le fait de penser – le cogito. Ce fait de penser repose sur le moi – l’ego.

    On a ici une boucle ne reposant sur rien, mais dont l’affirmation comme pseudo « synthèse » permet de justifier le subjectivisme dont le mode de production capitaliste a besoin. Que faire cependant de la réalité ?

    Eh bien la réalité n’est plus la réalité – mais uniquement la réalité pensée. Il faut tout considérer, y compris les différentes pensées, comme une structure du moi.

    Chaque simple ego porte donc un structure établissant des intentions avec le monde, mais il est même un monde dans un monde, chaque individu portant l’absolu de par la structure du moi qui est sans limites.

    Edmund Husserl dit donc qu’il a une mission : trouver cette structure du moi, définir ce qu’elle est en tant qu’absolu. On en revient ici à l’hindouisme pour qui il faut chercher en soi l’esprit absolu.

    Dans ses Méditations cartésiennes, Edmund Husserl nous dit ainsi :

    « La subjectivité transcendantale n’est pas un chaos d’états intentionnels. Elle n’est pas davantage un chaos de types de structure constitutifs, dont chacun serait ordonné en lui-même par son rapport à une espèce ou forme d’objets intentionnels.

    Autrement dit : la totalité des objets et types d’objets que je puis concevoir, ou, pour parler en langage transcendantal, que le moi transcendantal peut concevoir, n’est pas un chaos, mais un ensemble ordonné ; de même, corrélativement, la totalité des types des multiplicités indéfinies (de phénomènes) liées noétiquement et noématiquement, qui correspondent aux types d’objets.

    Ceci nous fait prévoir une synthèse constitutive universelle, où toutes les synthèsesjouent de concert suivant un ordre déterminé, et qui embrasse par conséquent toutes les entités réelles et possibles, en tant qu’elles existent pour le moi transcendantal, et, corrélativement, tous les modes de conscience correspondant, réels ou possibles.

    En d’autres termes, une tâche formidable se dessine, qui est celle de toute la phénoménologie transcendantale.

    Cette tâche, la voici : dans l’unité d’un ordre systématique et universel, et en prenant pour guide mobile le système de tous les objets d’une conscience possible, — système qu’il s’agira de dégager par degrés — et, dans ce système, celui de leurs catégories formelles et matérielles, effectuer toutes les recherches phénoménologiques en tant que recherches constitutives, en les ordonnant systématiquement et rigoureusement les unes par-rapport aux autres. »

    La phénoménologie consiste ainsi en le catalogue de l’absolu au sein du moi. Bien entendu, le moi peut corriger certaines interprétations de la réalité, si jamais le désaccord est trop grand. Mais tous les rapports sont individuels et extensibles ; il n’y a pas de réalité, mais des phénomènes divers et variés saisis de manière diverse et variée.

    Sans cette saisie, sans l’intention de la conscience de les saisir, on ne peut pas savoir que ces phénomènes existent et d’ailleurs qu’ils existent ou pas est indifférent. La réalité ne compte que dans la mesure où elle est saisie. C’est la conséquence relativiste du subjectivisme absolu : ne compte pour l’ego ce qui passe par lui.

    Edmund Husserl dit dans ses Méditations cartésiennes que :

    « En qualité d’ego, je me trouve dans un monde ambiant qui « existe pour moi » d’une manière continue.

    Dans ce monde se trouvent des objets comme « existants pour moi », notamment ceux qui me sont déjà connus dans leurs articulations permanentes, et ceux dont la connaissance n’est qu’anticipée. »

    Et :

    « Si des objets « sont » pour moi au sens le plus large — objets réels, états vécus, nombres, relations, lois, théories, etc , — cela n’a tout d’abord rien à voir avec l’évidence.

    Cela signifie tout simplement que ces objets « valent » pour moi ; autrement dit, ils sont mes cogitata, et ces cogitata sont présents à la conscience dans le mode positionnel de la croyance. »

    On a ainsi la théorie des flux de la conscience combinée au principe de l’ego comme absolu :

    « L’univers du vécu qui compose le contenu « réel » de l’ego transcendantal n’est compossible que sous la forme universelle du flux, unité où s’intègrent tous les éléments particuliers, comme s’écoulant eux-mêmes. »

    Le moi est tout puissant car il n’existe que par lui-même et est donc le monde, l’absolu. Le monde extérieur, réel, n’existe qu’en partie, celle saisie par le moi – et cela suffit largement au moi, qui de toutes façons ne vit que par lui-même, le monde se résumant à lui-même.

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    comme subjectivisme absolu

  • La phénoménologie et le monde multiple des subjectivismes multiples

    Chez Edmund Husserl, il n’y a donc pas la conscience, le moi, mais « ma conscience », « mon moi ». Ce n’est plus le fait de penser qui compte, mais les pensées individuelles – subjectives.

    Ces pensées sont des « choix », relevant du libre-arbitre – il ne faut jamais perdre de vue que la substance de la phénoménologie d’Edmund Husserl vise à réfuter le matérialisme dialectique, le déterminisme.

    Edmund Husserl dépasse donc Descartes en accordant une dimension entièrement individuelle à la conscience. Il le fait au moyen de son conception de l’intentionnalité, comme ici dans les Méditations cartésiennes :

    « Il faudra élargir le contenu de l’ego cogito transcendental, lui ajouter un élément nouveau et dire que tout cogito pu encore tout état de conscience « vise » quelque chose, et qu’il porte en lui-même, en tant que « visé » (en tant qu’objet d’une intention) son cogitatum respectif.

    Chaque cogito, du reste, le fait à sa manière.

    La perception de la « maison » « vise » (se rapporte à) une maison — ou, plus exactement, telle maison individuelle — delà manière perceptive ; le souvenir de la maison « vise » la maison comme souvenir ; l’imagination, comme image; un jugement prédicatif ayant pour objet la maison « placée là devant moi » la vise de la façon propre au jugement prédicatif ; un jugement de valeur surajouté la viserait encore à sa manière, et ainsi de suite.

    Ces états de conscience sont aussi appelés états intentionnels. Le mot intentionnalité ne signifie rien d’autre que cette particularité foncière et générale qu’a la conscience d’être conscience de quelque chose, de porter, en sa qualité de cogito, son cogitatum en elle-même. »

    Du point de vue matérialiste dialectique, on voit aisément que c’est ici une tautologie : la conscience est conscience, car elle est conscience ; l’individu est un individu, car il est un individu.

    Qu’est-ce qu’une conscience ? Un assemblage de choses conscientisées. Et qu’est-ce qu’un assemblage de choses conscientisées ? Une conscience.

    Le principe d’intentionnalité vient masque cette tautologie en prétendant que les activités consciences sont des choix – des choix faits par quoi, cependant ? Une conscience séparée, un moi pur ? Ou bien par l’assemblage des choses conscientisées ?

    Il y a là évidemment un problème de fond qu’Edmund Husserl ne sera jamais en mesure de résoudre, sauf au moyen d’une « réduction phénoménologique » qu’il faudrait pratiquer, sorte de méditation délirante pour se replier en soi-même et être en mesure de s’observer.

    Mais là n’était de toutes façons pas son rôle. Ce qui comptait historiquement pour le mode de production capitaliste, c’est que soit formulé le principe que la conscience est un état, que même dans son rapport aux objets réels, la conscience ne soit qu’un état. Ainsi, tout est état de la conscience, même un rapport concret à un objet réel.

    Il suffit alors de dire que l’objet réel est inatteignable, qu’on n’en cerne qu’un aspect particulier – et alors, par ce tour de passe-passe, on obtient un mode aux particularités infinies saisies par une infinité d’individus.

    Le monde est différent pour chaque individu et le monde n’existe pour chaque individu que dans la mesure et de la manière où cet individu est tourné vers le monde.

    Il y autant de mondes que d’individus – et autant d’individus que de mondes, car le monde est lui-même dispose d’une infinité de facettes.

    On est dans le subjectivisme le plus complet, mais qui prétend justement que tout est par définition incomplet, multiple, séparé, particulier, etc.

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    comme subjectivisme absolu

  • La phénoménologie comme dépassement subjectiviste de Descartes

    Edmund Husserl entend dire « je pense quelque chose donc je suis », il ne veut plus d’un Dieu support de la conscience. La conscience doit se voir prouver son existence… par elle-même. C’est le subjectivisme, d’autant plus agressif qu’il lui fait combattre le matérialisme ayant atteint son niveau dialectique et donc assumant d’autant mieux le déterminisme, la réfutation du « libre-arbitre ».

    Edmund Husserl lève donc le drapeau du moi absolu et dit que Descartes a échoué a justifié suffisamment le moi, et que lui va le faire en justifiant le moi par le moi lui-même.

    Voici ce qu’il dit dans les Méditations cartésiennes données comme conférences à Paris en 1929 :

    « Contrairement à Descartes, nous nous proposerons pour tâche de dégager le champ infini de l’expérience transcendantale.

    Si l’évidence cartésienne — celle de la proposition : Ego cogito, ego sum — est demeurée stérile, c’est parce que Descartes a négligé deux choses : d’abord d’élucider une fois pour toutes le sens purement méthodique de l’ἐποχή [épochè, c’est-à-dire la suspension du jugement] transcendantale, — et, ensuite, de tenir compte du fait que l’ego peut, grâce à l’expérience transcendantale, s’expliciter lui-même indéfiniment et systématiquement ; que, de ce fait, ce moi constitué un champ d’investigation possible, particulière et propre. »

    Il va de soi que la difficulté intellectuelle propre à l’étude du subjectivisme, c’est qu’on passe dans un discours justement à la fois idéaliste et subjectiviste, qu’il tend à devenir ainsi toujours plus cryptique, incompréhensible, avec différentes couches accumulées de discours obscurs pour masquer le caractère délirant de la démarche.

    Ce que dit Edmund Husserl ici, c’est que Descartes fait d’une fin en soi son « doute » l’amenant à réfuter le monde pour se tourner vers la conscience, et qu’il ajoute Dieu comme support à la conscience. Edmund Husserl entend modifier cela : il va changer ce « doute » et faire se tourner la conscience non plus vers Dieu, vers elle-même en la tournant vers un monde partiel, subjectiviste.

    Ce que cela veut dire, c’est que contrairement à Descartes chez qui la conscience existe, mais de manière vide, chez Edmund Husserl elle existe mais de manière pleine, et même elle n’existe que de manière pleine.

    Edmund Husserl

    Edmund Husserl théorise en fait une sorte d’egologie, de discours sur l’ego. La conscience, c’est un ensemble de vécus subjectif virtuellement sans limites (d’où « transcendental », traversant toute la réalité ou plutôt ici tous les possibles).

    Dans les Méditations cartésiennes, Edmund Husserl parle ainsi de la conscience comme d’un assemblage de vécus formant une entité mouvant dans l’univers, à sa manière :

    « Il est cependant possible de montrer que l’évidence absolue du Je suis s’étend aussi, nécessairement, aux multiplicités de l’expérience interne que nous avons de la vie transcendantale et des particularités habituelles du moi (…).

    Le « je suis » transcendantal embrasse dans l’universalité de sa vie une multiplicité indéfinie et inachevée d’états concrets individuels. »

    C’est le subjectivisme le plus complet, puisque tout le monde est différent, car chacun est une entité constituée d’une conscience consistant en des pensées intentionnelles sur des choses spécifiques.

    C’est au sens strict l’idéologie du mode de production capitaliste.

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  • La phénoménologie comme prolongement de la «révolution cartésienne»

    Pour que sa philosophie soit reconnue comme vision bourgeoisie du monde, Edmund Husserl avait besoin d’une légitimation. Pour ce faire, il a longuement expliqué sa conception dans un cycle de deux conférences, en quatre parties, qui ont eu lieu à la Sorbonne les 23 et 25 février 1929 ; l’ouvrage qui en ressortit fut justement intitulé Méditations cartésiennes.

    Husserl présente Descartes comme point de départ de la philosophie qu’il considère comme moderne, et qu’il faut comprendre comme bourgeoise :

    « Un fait, certes, porte à réfléchir : les sciences positives se sont fort peu souciées de ces Méditations qui, cependant, .devaient leur fournir un fondement rationnel absolu.

    Il est vrai qu’après s’être brillamment développées pendant trois siècles, ces sciences se sentent aujourd’hui entravées dans leur progrès par l’obscurité qui règne dans leurs fondements mêmes. Mais là même où elles essaient de renouveler ces fondements, elles ne songent pas à remonter aux Méditations de Descartes.

    C’est, par ailleurs, un fait considérable qu’en philosophie les Méditations aient fait époque, et cela de manière toute particulière, précisément en vertu de leur retour à l’ego cogito pur. Descartes inaugure un type nouveau de philosophie.

    Avec lui la philosophie change totalement d’allure et passe radicalement de l’objectivisme naïf au subjectivisme transcendantal, subjectivisme qui, en dépit d’essais sans cesse renouvelés, toujours insuffisants, paraît tendre pourtant à une forme définitive. »

    Ainsi, Descartes a mené une révolution philosophique, mais les sciences ne l’ont pas vu : la solution est qu’elle se tourne vers Descartes. On aura compris bien entendu que Husserl dit cela car il se veut justement celui qui conjugue la « révolution cartésienne » et les sciences.

    Cependant, Husserl ne peut pas suivre la manière dont Descartes prenait les sciences. En effet, Descartes avait la même conception que Pythagore et Platon, que tout l’idéalisme : le monde est de type logico-mathématique, et non pas naturel-physique.

    Or, Husserl doit sauver l’idéalisme face au matérialisme. Et les avancées scientifiques ont été immenses, la réalité est puissamment transformée. Le matérialisme est donc solidement ancré de par la transformation des forces productives et celles-ci croissant, il devient de plus en plus solide.

    Inversement, les classes dominantes sont de plus en plus décadentes et basculent dans le subjectivisme. Le mode de production capitaliste façonne lui-même tout le monde dans une tendance au subjectivisme, à la réduction à un consommateur – producteur.

    Il faut donc pour Husserl accompagner cela, ce qu’il fait en parlant de manière ininterrompue de « crise » de « l’occident » et en faisant basculer l’idéalisme dans le subjectivisme.

    Ce subjectivisme n’assume plus l’ensemble de la réalité, fut-elle logico-mathématique (que ce soit religieusement comme pour Platon ou de manière bourgeoise-transformatrice chez Descartes).

    Il faut ici que la science elle-même devienne relativiste et donc qu’elle se soumette au subjectivisme exposé philosophiquement. Il faut noter bien entendu que Husserl accompagne en même temps les tendances subjectivistes existant dans les sciences, notamment en mathématiques.

    Husserl expose donc dans les Méditations cartésiennes que Descartes doit être dépassé :

    « Descartes lui-même s’était donné d’avance un idéal scientifique, celui de la géométrie, ou, plus exactement, de la physique mathématique. Cet idéal a exercé pendant des siècles une influence néfaste.

    Du fait qu’il ait été adopté par Descartes sans critique préalable, ses Méditations se ressentent aussi.

    Il semblait naturel à Descartes que la science universelle dût avoir la forme d’un système déductif, système dont tout l’édifice reposerait ordine geometrico sur un fondement axiomatique servant de base absolue à la déduction.

    L’axiome de la certitude absolue du moi et de ses principes axiomatiques innés joue chez Descartes, par rapport à la science universelle, un rôle analogue à celui des axiomes géométriques en géométrie.

    Mais le fondement est encore plus profond ici qu’en géométrie et est appelé à constituer le dernier fondement de la science géométrique elle-même. Quant à nous, tout cela ne doit aucunement nous influencer. »

    Husserl veut en effet faire du « moi » une valeur en soi, qui n’a pas besoin de support, qui se justifie en existant – c’est-à-dire en consommateur – producteur au sein du mode de production capitaliste.

    C’est le subjectivisme.

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    comme subjectivisme absolu

  • La phénoménologie et le flux de la conscience comme solution au dilemme cartésien

    La base de la philosophie bourgeoise du capitalisme élancé, c’est le Cogito ergo sum de Descartes. Le « je pense donc je suis » suffit pour la bourgeoisie qui, comme Descartes, pense que l’homme est « comme maître et possesseur de la nature ».

    Au départ, lorsqu’il était progressiste, le capitalisme portait la lecture protestante de la conscience, avec une éthique du travail, un élan de la conscience dans les avancées morales-sociales.

    Une fois lancé, le capitalisme abandonna toutefois toute vision du monde générale, pour ne plus que se focaliser sur l’individu faisant des choix en toute conscience, sans armature morale comme dans le protestantisme.

    Avec le cogito de Descartes, le capitalisme assumait une lecture pragmatique-productive, en reprenant l’idéalisme de Pythagore et Platon comme quoi le monde est mathématique et comme quoi on peut donc se l’approprier en développant les connaissances à ce niveau.

    René Descartes par Frans Hals,
    vers 1649-1700

    Il y avait toutefois un problème théorique de fond dans le dispositif idéologique. En effet, le Cogito ergo sum entraîne une réduction à l’infini. Si l’on dit « Je pense donc je suis », il faut avoir conscience qu’on le pense. Or, pour penser qu’on le pense, il faut penser qu’on le pense. Et pour penser qu’on pense qu’on le pense, il faut encore penser et ainsi de suite à l’infini.

    Tout l’idéalisme de la démarche anti-matérialiste, anti-Aristote, anti-Avicenne, anti-Averroès, anti-Spinoza, anti-Feuerbach anti-Marx apparaît ici crûment.

    Edmund Husserl vient réparer ici le dispositif, y réussissant bien mieux que Henri Bergson, qui tenta de son côté de pareillement moderniser le système de pensée bourgeois. En fait, la version de Henri Bergson a été accepté en France, jusqu’à être intégré dans l’idéologie dominante, pour le reste de la bourgeoisie dans le monde, c’est Edmund Husserl qui a joué ce rôle de complément / correction.

    Son système est d’ailleurs bien plus élaboré que celui de Henri Bergson. Ce dernier a cherché à combiner matérialisme et idéalisme, reconnaissant les flux de la conscience mais les plaçant dans un cadre où spiritualité et matérialisme se mélange. Le tout est inspirant, mais c’est techniquement intenable pour une vision du monde à l’échelle d’une classe.

    Edmund Husserl a lui produit un système extrêmement développé et qui, à défaut d’être correct de par son idéalisme, est bien plus avancé et colmate les brèches.

    Pour résumer le plus simplement possible, on peut formuler l’opposition ainsi :

    Descartes / Husserl

    Je pense donc je suis / Je pense quelque chose donc je suis

    Le problème de fond de Descartes est en effet qu’il a besoin de Dieu comme support justifiant l’existence de la conscience. L’être humain n’est ici pas un animal, car Dieu lui a donné une âme et lui a accordé de ce fait le libre-arbitre.

    Mais de ce fait, la valeur de l’être humain penche vers Dieu et par définition la réalité est considérée comme secondaire. Elle est mise à l’écart, car la conscience lui est extérieure.

    Or, le mode de production capitaliste s’étant élancé, systématisé, il ne s’agit pas seulement de soumettre la réalité dans une perspective transformatrice – utilitaire. Il faut la définir en tant que tel selon les perspectives du capitalisme lui-même.

    Il faut que la réalité soit définie non plus seulement par le capitaliste s’appropriant le monde, mais par les gens vivant dans le capitalisme. La réalité doit être défini de manière subjectiviste – consommatrice.

    Husserl se débarrasse par conséquent de tout support métaphysique – religieux. Il prend comme support, non pas la réalité – car il est idéaliste – mais le mouvement de la conscience, son activité. Chez lui, la conscience est le présent vivant de ses contenus présents.

    C’est de fait l’idéologie du consommateur – producteur.

    La conscience est conscience de quelque chose, la conscience est tournée vers quelque chose, elle est choix de se tourner, elle est intention.

    On peut, dans les faits, remplacer le mot de « phénoménologie » par « intentionnalisme ». La philosophie de Husserl est une philosophie de l’intentionnalité de la conscience, qui par là même prouve son existence.

    C’est l’idéologie de toute personne dans le capitalisme, qui consomme intentionnellement, qui produit intentionnellement, qui s’identifie à cette activité, qui se résume à cette activité elle-même.

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  • La phénoménologie, vision du monde la plus pure du subjectivisme bourgeois

    La phénoménologie est, au sens strict, la philosophie de la bourgeoisie ayant abandonné les Lumières ; elle est le subjectivisme érigé en vision du mode. Tous les modes de pensée bourgeois, quels qu’ils soient, reviennent à la phénoménologie. Edmund Husserl (1859-1938) est le penseur-clef du relativisme-libéralisme, la figure incontournable de la modernité capitaliste.

    La phénoménologie se veut le discours (logos, en grec) sur les phénomènes (phanomeon, en grec) ; Edmund Husserl en parle en 1927 dans la définition faite pour l’Encyclopædia Britannica comme d’une « méthode descriptive d’un nouveau type ».

    La phénoménologie cherche en effet à décrire les faits par le prisme subjectif de « l’intention » de la conscience : la conscience, en se tournant vers les faits, les prend d’une certaine manière et pas d’une autre.

    Il n’y a plus de vérité unique, de réalité matérielle possédant une dignité en soi. Il y a les consciences saisissant chacune subjectivement des fractions de la réalité, toute différente, alors que la réalité elle-même apparaît comme une abstraction de toutes manières inatteignable.

    Edmund Husserl

    La phénoménologie est, dans les faits, la transposition de l’idéalisme de l’hindouisme dans le capitalisme développé. L’hindouisme relativise le monde qui n’est qu’une émanation d’un Dieu au-delà de la matière ; chaque personne ne perçoit qu’un aspect de ce Dieu suprême ayant réalisé le monde dans un rêve qu’il fait.

    La phénoménologie accepte ce point de vue et valide l’expérience subjective perçue comme authentique. Lorsque Michel Foucault regarde la révolution iranienne de 1979 non pas dans les faits, mais dans le ressenti subjectif des gens, il applique le principe de la phénoménologie.

    Henry Corbin, le spécialiste majeur de l’Islam iranien, explique en 1978 dans l’introduction de son œuvre En islam iranien : aspects spirituels et philosophiques :

    « Il sera fait ici un usage fréquent du mot phénoménologie. Sans vouloir nous rattacher à quelque courant déterminé de la phénoménologie, nous prenons le terme étymologiquement, comme correspondant à ce que désigne la devise grecque « Sauver les phénomènes », c’est les rencontrer là où ils ont lieu et où ils ont leur lieu.

    En sciences religieuses, c’est les rencontrer dans les âmes des croyants, plutôt que dans les monuments d’érudition critique ou dans les enquêtes circonstancielles. Laisser se montrer ce qui s’est montré à eux, car c’est cela le fait religieux.

    Il peut s’agir du croyant naïf, comme il peut s’agir du plus profond théosophe mystique. Mollâ Sadrâ lui-même disait que l’ésotériste se sent beaucoup plus proche du croyant naïf que du théologien rationaliste, parce qu’il est en mesure lui, sans faire d’allégories, de « sauver le phénomène », le sens de l’exotérique (zâhir) professé par le croyant naïf.

    Dans ces conditions, nous pouvons alors distinguer ce qui est « phénoménologiquement vrai » de ce qui est « historiquement vrai », au sens où l’entend la critique scientifique de nos jours. »

    Ce qui compte, ce n’est pas les faits, l’histoire, mais la manière subjective qu’a la conscience de saisir intentionnellement ces faits. C’est cela qui serait vrai, car le monde consiste en des consciences.

    La phénoménologie est ainsi la vision du monde la plus pure du subjectivisme bourgeois. Elle valide la conscience non seulement comme ayant le libre-arbitre, capable de choix, en réfutation de tout déterminisme. Mais elle met également en valeur une conscience active, qui saisit la réalité de manière intentionnelle.

    Il n’a plus simplement une perception qui peut être trompeuse, comme chez René Descartes. On a une conscience conquérante, prête à engloutir le monde. La phénoménologie est le reflet du subjectivisme se faisant le moyen pour le mode de production capitaliste d’engloutir le monde.

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    comme subjectivisme absolu

  • The irruption the Covid-19 crisis as political economy test

    [Article from the next number of the international PDF review Communism.]

    The irruption the Covid-19 crisis has produced a series of reactions and non-reactions that say a lot about the political economy of the revolutionary organizations, or sometimes the lack of it, or even the non-revolutionary character of them.

    It is well known that the main problem of the revolutionary dilemma is to avoid Reformism when being realistic, and avoid the ultra-left tendency when being revolutionary. This is the main contradiction explaining the positions that has been taken across the world. This is contradiction is of course sharpened by the deepness of the crisis. This is literally a crash test.

    The negation of the crisis

    Most commonly, there have been more or less no reactions. Most of the revolutionary organizations are in fact radicalized petty-bourgeois, isolated in a bubble, acting only in a parasitic form, needing “social movements” to pretend to exist. They were therefore not able to face the irruption of the crisis. Their lack of political economy just paralyzed them. A French group like “Unité Communiste Lyon” is able to publish Trotskyst-like articles when the trade-unions are active (“let’s ask for more”, “let’s go further” etc.), but just had just nothing to say about the crisis when it came, as its identity is purely parasitic.

    But what we see can be also astonishing. The German media “Dem Volke dienen”, which uphelds Maoism, didn’t react at all, continuing as nothing would happen (like publishing a picture of a simple graffiti in Berlin in support of the Irish liberation), with very few articles… denouncing the government measures of interdiction of groupings (for blocking the spread of the virus)! There was even a “rebel” small grouping in the streets to support political prisoners in the city of Bremen. In the same spirit, there was a call for the First of May demonstration signed by Turkish associations from Switzerland and Austria which are linked to the TKP/ML.

    This is a reaction of negation of the crisis. It was not taken seriously, it was merely taken as an “event” which would be not directly linked to class struggle, to the capitalist mode of production. So, as it would come from “outside”, it could not have a real sense in itself. And as we see, with such a caricature, the only criticism possible would therefore concerns the quarantine (denounced as a practice “of the Middle Ages”), the restrictions of movement, etc. All of this would be an imperialist plot, a capitalist use of the crisis! The situation would be dictatorial. In France, as say in a fantasized way some people pretending to be “Maoists”:

    “Police harass passers-by, especially young people who look black or Arab.”

    The Finnish group Punalippu (“Red Flag”) sums up this ultra-left interpretation as following:

    “The only legitimate position, Marxist-Leninist-Maoist, is that all actions of the bourgeois dictatorship must be condemned, as they do not serve the people but imperialism, and thus there is only one option for them: a revolution (…).The coronary threat has highlighted a huge number of capitulations.

    The legal left and the forces in the yoke of its influence generally seem to support capitulation. Some have already materialized, for example on the 13th of March when the planned climate strike in Tampere – and reportedly in others cities as well – was canceled under the pretext of preventing the spread of the corona. Apparently this infectious disease is a more serious threat than the much talked climate crisis? Is there no coronavirus on a dead planet?”

    The “plot” of the crisis, “alarmism” and “tailism”

    In some cases, there was another form of negation of the crisis, with a theory of the plot. The bourgeoisie would use the Covid-19 virus to mask the crisis of capitalism. The Norwegian media “Tjen Folket”, published for example the Rød Front long call for the First of May demonstration, which contains only three times only the word corona:

    “The crisis in capitalism is not primarily a « corona crisis ». The capitalist economy explodes in a new cyclical crisis about every ten years.
    Today’s crisis follows the crises and recessions of 1990-93, 1998-2002 and 2008-2009.

    For 200 years, the capitalist system has gone into crisis every 8 to 10 years. The crisis is part of capitalism. They are called « banking crisis », « IT crisis », « financial crisis », « oil crisis » or « corona crisis » only on the basis of the circumstances or where the crisis first manifests, but these names never describe the real cause of the crisis (…).

    Everywhere, we now see that the corona virus is used as a pretext to lock people in and prevent people from organizing and fighting unemployment and poverty. A curfew is introduced and a curfew is enforced with violence.

    Why? Because rulers tremble because they know the crisis can cause uncontrollable rage from the masses.”

    This is not dialectical Materialism, but practically a magical conception of the world. And as it’s magical, petty-bourgeois, it’s irrational. The Maoist US Incendiary Editorial Board kicked in this context its leading figure out, which in response made a self-criticism:

    “Comrades in the US have generated two lines on this: that COVID-19 is a real tiger, and that COVID-19 is a paper tiger. Despite the centrists who would play with words to appeal to populism, who try to uphold revolutionary slogans while buying into the bourgeoisie’s alarmism, these are the only two lines.

    While well-meaning comrades may equate the two opposing lines, their centrism actually serves the ruling class. It is urgent they understand this and confess and self-criticize for their alarmism and tailism, which negates organizing for socialist revolution.

    Not only is COVID-19 not the real paper tiger that the bourgeoisie and even some comrades make it out to be, but it wasn’t even the cause for economic crisis.”

    The sanitary crisis would not be of a real dimension – we come here back to the erroneous conception of the Covid-19 crisis interpreted as coming from “outside” capitalism.

    The absurd conception of the sanitary crisis as a mask

    One important article summing up here this wrong reading of the situation is “World economy heading for depression: coronavirus hides the crisis of imperialism”, published by the Brazilian media A nova democracia. It gives data about the weakness of the capitalist economy at the end of 2019 and says:

    “Industrial production and financial market stock exchanges collapsed in early March in practically the world. The trigger, as the world press monopoly advertises, is the expansion of the coronavirus.

    However, it is actually the crisis of relative capital overproduction.
    Coronavirus alone could not have such an impact on the world economy. The reason for the interruption of the reproduction of capital is capital itself. The Crítica da Economia portal, citing newspapers from the reaction itself, noted that the coronavirus is now less lethal than the flu (…).

    The occurrence of coronavirus is just a fact that aggravates the economy. However, behind this fact there is already a latent relative overproduction of capital.

    The crisis of relative overproduction of capital occurs when the production of capital exceeds too much the consumption capacity of society defined, ultimately, by the contradiction between the social character of production and the capitalist appropriation of the product.”

    This is absolutely non-dialectical. What is here said:

    * does not understand that the Covid-19 crisis is not coming from outside the Capitalist mode of production, but that it is a component of it;

    * underestimates in a mechanical way the effects of a sanitary crisis, because of the understanding capitalism not as a mode of production (of everyday life) but as a “structural system”;

    * has the petty bourgeois conception of the capitalist mode of production being able of “thinking” and “masking”.

    To say that the Covid-19 can only “aggravates” a crisis which is proper of capitalism is not Marxism, but Structuralism. It is speaking of capitalism as it would float above reality.

    Reformists and Revisionnists on the Front

    The Covid-19 crisis has shown the vacuity of the ultra-leftist. But it has also permitted the Reformists and Revisionists to express their ability to adapt themselves. As they place themselves as “Planists” in capitalism, they can afford to develop an efficient demagogy, because they don’t need to give any content. They just need to pretend have a better organization form. They naturally obtain much more echo than the ultra-leftists, as they recognize the sanitary crisis and as they propose a “solution”.

    In fact, they propose nothing, but it’s easy: they say they would act in a better way, because of an orientation turned in direction of the people. The best example for this is the Workers’ Party of Belgium. Its denunciation of “austerity” and its promotion of a “medicine for the people” is absolutely formal. There is no content except a point of view, flatly christian, of Good versus Bad. This is all the more striking when we know that this Party pretended in the 1990’s to be the nerve center of the International Communist Movement.

    Another good example, because ideologically from the same kind, is the Revolutionary Communist Party of Canada, an organization defining itself as Maoist but having the same complete rejection of the Great Proletarian Cultural Revolution like the Workers’ Party of Belgium. The RCP of Canada presents therefore the things in the same mechanistic manner, without any content, in its article COVID-19: events reveal that we are in the antechamber of socialism :

    “In fact, the present situation reveals, even more clearly than usual, that with a level of economic concentration as high as in Canada, and with the considerable amount of knowledge, techniques and means that necessarily accompany such a level of concentration, it would be relatively easy to solve all the problems of society (poverty, unemployment, economic crises, corruption, waste, disease, lack of services, shortages, etc.) and to meet all the needs of the people by implementing centralized planning and mobilizing the popular masses.

    In fact, if this does not happen, it is only because the process that would have to be set in motion in order to achieve it – the abolition of bourgeois private property and the complete collectivization of the means of production – would go against the interests and will of the capitalist class currently at the top of society.”

    Socialism is here as easy as pressing the “centralization” button and then the one to “mobilize the masses”. It is not possible to be more empty. This emptiness is at least hidden under Romanticism with the approach to promote China and Cuba as fighting with efficiency the Covid-19 crisis. Those countries would be “socialist” and their sense of organization, as their “socialist” interests, would have make possible for them to success on the sanitary Frontline. The Communist Party of the Philippines praises Cuba, the French Editions Prolétariennes which upholds Mao praises China as applying nowadays with success the principles of the Cultural Revolution (!), the French PRCF, uniting the “Left” of the Revisionnist French CP, praises both.

    The Communist Worker Union (MLM) – Colombia does it also, in its article The USSR and its struggle against epidemics, in a manner which is at the same time hidden and absurd on all levels. It is spoken of “State monopoly Capitalism”, which is an absurd concept invented by Eugen Varga and upheld by the Khrushchev’s Revisionism. And such monopolism is considered as a better social form, when in fact it should be considered as totally decadent and reactionary!

    “Today there is no socialism in any country, although there are countries that call themselves as such, for example in China, North Korea or Vietnam, which decades ago were socialists, today there is only a monopoly state capitalism.

    The current Coronavirus pandemic (Covid-19) has shown that such countries have been better off than capitalist countries where the role of the state is less and at the exclusive service of private monopolies, even if, when they were truly socialist, they would have defeated the epidemic more easily.

    While Italy, Spain and now the United States, capitalist countries where private health systems predominate, are being devastated by the epidemic, with little possibility of maneuver and with all the burden on workers in those countries.”

    This is an amazing praise of social-fascism!Against the theory of the Plot and against PlanismThe Covid-19 crisis has proven that most of the political economy of revolutionary organizations is either not revolutionary or that they are no organizations. They are shapeless expression of the petty-bourgeoisie aiming to weigh on the bourgeoisie. Their vision of the world is eclectic, with a strong petty bourgeoisie tendency to consider capitalism as organized, the Bourgeois state as an unilateral monster.

    Their Utopian proposals, when really constructed, become in an inevitable way Planism, which has nothing to do with socialist Planning, which is not a method but an ideological driving of existing forces on the basis of the communist vision of the world. The theory of the “Plot” from above to mask the crisis of capitalism is here even typical of the anticommunist Socialists from the 1920’s-1930’s, and even Planism corresponds in an important way to their mechanical conception of “centralization” as solution of all the problems.

    The problem in the background is the inability to understand the capitalist mode of production and their idealism bringing them to consider that the Covid-19 comes from outside and that it is so only a small parameter more in the capitalist “structure”.

  • L’irruption de la crise de Covid-19 comme test d’économie politique

    [This article in English]

    [Article du prochain numéro de la revue internationale au format PDF Communisme.]

    L’irruption de la crise de Covid-19 a produit une série de réactions et de non-réactions qui en disent long sur l’économie politique des organisations révolutionnaires, ou parfois leur absence, ou même le caractère non révolutionnaire de celles-ci.

    Il est bien connu que le principal dilemme révolutionnaire est d’éviter le réformisme tout en étant réaliste et d’éviter la tendance ultra-gauchiste tout en étant révolutionnaire. C’est la principale contradiction expliquant les positions qui ont été prises à travers le monde.

    Cette contradiction est bien entendu accentuée par la profondeur de la crise. Il s’agit littéralement d’un crash test.

    La négation de la crise

    Le plus souvent, il n’y a eu, plus ou moins, aucune réaction. La plupart des organisations révolutionnaires sont en fait de type petit-bourgeois radicalisé, isolées, dans une bulle, n’agissant que sous une forme parasitaire, ayant besoin de « mouvements sociaux » pour faire semblant d’exister. Elles n’ont donc pas pu faire face à l’irruption de la crise. Leur manque d’économie politique les a tout simplement paralysées. Un groupe français comme « Unité Communiste Lyon » est en mesure de publier des articles à la trotskyste lorsque les syndicats sont actifs (« demandons plus », « allons plus loin » etc.), mais n’a tout simplement rien à dire sur la crise lorsque celle-ci arrive, car son identité est purement parasitaire.

    Mais ce que nous voyons peut aussi être étonnant. Le média allemand « Dem Volke dienen », qui soutient le maoïsme, n’a pas réagi du tout, continuant comme si rien ne se passait (comme avec la publication de la photo d’un simple graffiti à Berlin en soutien à la libération de l’Irlande), avec très peu d’articles… dénonçant la mesures gouvernementales d’interdiction des groupements (pour bloquer la propagation du virus) ! Il y a même eu un petit groupe « rebelle » se regroupant dans les rues dans la ville de Brême pour soutenir les prisonniers politiques. Dans le même esprit, un appel à la manifestation du 1er mai a été signé par des associations turques de Suisse et d’Autriche liées au TKP/ML.

    Il s’agit d’une réaction de négation de la crise. Elle n’a pas été prise au sérieux, elle a simplement été prise comme un « événement » qui ne serait pas directement lié à la lutte des classes, au mode de production capitaliste. Donc, comme cela proviendrait de « l’extérieur », cela ne pourrait pas avoir un vrai sens en soi. Et comme on le voit, avec une telle caricature, la seule critique possible porterait donc sur la quarantaine (dénoncée comme une pratique « du Moyen Âge »), les restrictions de circulation, etc. Tout cela serait un complot impérialiste, une utilisation capitaliste de la crise ! La situation serait dictatoriale. En France, comme disent de façon fantasmée certaines personnes se faisant passer pour des « maoïstes »:

    « La police harcèle les passants, et surtout les jeunes qui ont l’air noirs ou arabes. »

    Le groupe finlandais Punalippu (Drapeau Rouge) résume de la manière suivante cette interprétation d’ultra-gauche :

    « La seule position légitime, marxiste-léniniste-maoïste, est que toutes les actions de la dictature bourgeoise doivent être condamnées, car elles ne servent pas le peuple mais l’impérialisme, et donc il n’y a qu’une seule option pour lui : une révolution (…).

    La menace coronaire a mis en évidence un grand nombre de capitulations. La gauche légale et les forces sous le joug de son influence semblent généralement soutenir la capitulation. Certains se sont déjà matérialisées, par exemple le 13 mars avec la grève pour le climat prévue à Tampere – et, semble-t-il, dans d’autres villes également – qui a été annulée sous prétexte d’empêcher la propagation du coronavirus.

    Apparemment, cette maladie infectieuse est une menace plus grave que la crise climatique dont on parle beaucoup? Il n’y a pas de coronavirus sur une planète morte ? »

    Le « complot » de la crise, « l’alarmisme » et le « suivisme »

    Dans certains cas, il y a eu une autre forme de négation de la crise, avec une théorie du complot. La bourgeoisie utiliserait le virus Covid-19 pour masquer la crise du capitalisme. Le média norvégien « Tjen Folket » a par exemple publié le long appel long du Rød Front pour la manifestation du 1er mai, qui ne contient que trois fois le mot corona :

    « La crise du capitalisme n’est pas avant tout une « crise corona ». L’économie capitaliste explose dans une nouvelle crise cyclique tous les dix ans environ.

    La crise d’aujourd’hui fait suite aux crises et récessions de 1990-93, 1998-2002 et 2008-2009.

    Depuis 200 ans, le système capitaliste est en crise tous les 8 à 10 ans. La crise fait partie du capitalisme. Elles sont appelées « crise bancaire », « crise informatique », « crise financière », « crise pétrolière » ou « crise corona », uniquement en fonction des circonstances ou du moment où la crise se manifeste pour la première fois, mais ces noms ne décrivent jamais la véritable cause de la crise (…).

    Nous voyons maintenant que partout le virus corona est utilisé comme prétexte pour enfermer les gens et les empêcher d’organiser et de lutter contre le chômage et la pauvreté. Un couvre-feu est instauré et un couvre-feu est imposé avec violence. Pourquoi ? Parce que les dirigeants tremblent parce qu’ils savent que la crise peut provoquer une rage incontrôlable des masses. »

    Ce n’est pas du matérialisme dialectique, mais pratiquement une conception magique du monde. Et comme c’est magique, petit-bourgeois, c’est irrationnel. Le comité éditorial d’Incendiary,un média maoïste américain, a dans ce contexte éjecté sa principale figure, qui en réponse a fait une autocritique :

    « Les camarades aux États-Unis ont généré deux lignes à ce sujet : que le COVID-19 est un vrai tigre et que le COVID-19 est un tigre de papier.

    Malgré les centristes qui joueraient avec les mots pour faire appel au populisme, qui essaient de maintenir les slogans révolutionnaires tout en gobant l’alarmisme de la bourgeoisie, ce sont les deux seules lignes existantes.

    Bien que des camarades bien intentionnés peuvent placer sur le même plan les deux lignes opposées, leur centrisme sert en fait la classe dirigeante. Il est urgent qu’ils comprennent cela, le reconnaissent et réalisent des autocritiques pour leur alarmisme et leur suivisme, qui nie l’organisation de la révolution socialiste.

    Non seulement le COVID-19 n’est pas le vrai tigre de papier que la bourgeoisie et même certains camarades prétendent qu’il est, mais ce n’est même pas la cause de la crise économique. »

    La crise sanitaire n’aurait pas une dimension réelle – nous revenons ici à la conception erronée de la crise de Covid-19 interprétée comme venant de « l’extérieur » du capitalisme.

    La conception absurde de la crise sanitaire comme masque

    Un article important résumant ici cette fausse lecture de la situation est L’économie mondiale se dirige vers la dépression : le coronavirus cache la crise de l’impérialisme, article publié par le média brésilien A nova democracia. Il donne des informations sur la faiblesse de l’économie capitaliste fin 2019 et dit :

    « La production industrielle et les bourses des marchés financiers se sont effondrées début mars dans pratiquement le monde entier. Le déclencheur, comme l’annonce le monopole de la presse mondiale, serait l’expansion du coronavirus.

    Mais c’est en réalité la crise de surproduction relative de capital.

    Le coronavirus à lui seul ne pouvait pas avoir un tel impact sur l’économie mondiale. La raison de l’interruption de la reproduction du capital est le capital lui-même. Le portail Crítica da Economia, citant des journaux de la réaction elle-même, a noté que le coronavirus est désormais moins meurtrier que la grippe (…).

    La présence de coronavirus n’est qu’un fait qui aggrave l’économie. Cependant, derrière ce fait, il y a déjà une surproduction relative de capital latente.

    La crise de surproduction relative de capital survient lorsque la production de capital dépasse trop la capacité de consommation de la société définie, en définitive, par la contradiction entre le caractère social de la production et l’appropriation capitaliste du produit. »

    C’est absolument non dialectique. Ce qui est dit ici :

    – ne comprend pas que la crise de Covid-19 ne vient pas de l’extérieur du mode de production capitaliste, mais qu’elle en est une composante ;

    – sous-estime de manière mécanique les effets d’une crise sanitaire, en raison de la compréhension du capitalisme non pas comme un mode de production (de la vie quotidienne) mais comme un « système structurel » ;

    – a la conception petite-bourgeoise du mode de production capitaliste comme en mesure de « penser » et de « masquer ».

    Dire que le Covid-19 ne peut qu’aggraver une crise propre au capitalisme n’est pas le marxisme, mais le structuralisme. C’est parler du capitalisme de manière telle qu’il flotterait au-dessus de la réalité.

    Réformistes et révisionnistes sur le front

    La crise du Covid-19 a montré la vacuité de l’ultra-gauche. Mais elle a aussi permis aux réformistes et aux révisionnistes d’exprimer leur capacité à s’adapter. En se positionnant comme « planistes » dans le capitalisme, ils peuvent se permettre de développer une démagogie efficace, car ils n’ont pas besoin de donner de contenu. Ils ont juste besoin de prétendre avoir une meilleure forme d’organisation. Ils obtiennent naturellement beaucoup plus d’écho que l’ultra-gauche, car ils reconnaissent la crise sanitaire et ils proposent une « solution ».

    En fait, ils ne proposent rien, mais c’est facile : ils disent qu’ils agiraient mieux, grâce à une orientation tournée vers le peuple. Le meilleur exemple en est le Parti du Travail de Belgique. Sa dénonciation de « l’austérité » et sa promotion d’une « médecine pour le peuple » sont absolument formelles. Il n’y a pas de contenu sauf un point de vue, carrément chrétien, du bien contre le mal. C’est d’autant plus frappant lorsqu’on sait que ce parti prétendait, dans les années 90, être le centre névralgique du Mouvement Communiste International.

    Un autre bon exemple, parce qu’idéologiquement du même genre, est le Parti communiste révolutionnaire du Canada, une organisation se définissant comme maoïste mais ayant le même rejet complet de la Grande Révolution culturelle prolétarienne que le Parti du Travail de Belgique. Le PCR du Canada présente donc les choses de la même manière mécaniste, sans aucun contenu, dans son article COVID-19 : des événements qui nous révèlent que nous sommes dans l’antichambre du socialisme :

    « En fait, la situation actuelle révèle, encore plus clairement qu’à l’habitude, qu’avec un niveau de concentration économique aussi élevé qu’au Canada et qu’avec la somme considérable de connaissances, de techniques et de moyens qui accompagnent nécessairement un tel niveau de concentration, il serait relativement facile de solutionner l’ensemble des problèmes de la société (pauvreté, chômage, crises économiques, corruption, gaspillage, maladies, manque de services, pénuries, etc.) et de répondre à l’ensemble des besoins du peuple en mettant en place une planification centralisée et en mobilisant les masses populaires.

    En fait, si cela ne se produit pas, c’est uniquement parce que le processus qu’il faudrait enclencher pour y parvenir – l’abolition de la propriété privée bourgeoise et la collectivisation complète des moyens de production – irait à l’encontre des intérêts et de la volonté de la classe des capitalistes présentement au sommet de la société. »

    Le socialisme est ici aussi simple que d’appuyer sur le bouton « centralisation », puis sur celui de « mobiliser les masses ». Il n’est pas possible d’être plus vide. Ce vide est au moins caché sous le romantisme avec l’approche de promouvoir la Chine et Cuba comme combattant avec efficacité la crise de Covid-19. Ces pays seraient « socialistes » et leur sens de l’organisation, tout comme leurs intérêts « socialistes », leur auraient permis de réussir sur le front sanitaire. Le Parti Communiste des Philippines fait l’éloge de Cuba, les éditions prolétariennes françaises qui soutiennent Mao louent la Chine comme appliquant avec succès de nos jours les principes de la révolution culturelle (!), le PRCF français, unissant la «gauche» du PC révisionniste français, vante les deux.

    L’Union Ouvrière Communise (MLM) de Colombie le fait aussi, dans son article L’URSS et sa lutte contre les épidémies, d’une manière à la fois cachée et absurde à tous les niveaux. Il est parlé de « capitalisme monopoliste d’État », concept absurde inventé par Eugen Varga et soutenu par le révisionnisme de Khrouchtchev. Et une telle forme monopoliste est considéré comme une meilleure forme sociale, alors qu’en fait elle devrait être considérée comme totalement décadente et réactionnaire!

    « Aujourd’hui, il n’y a le socialisme dans aucun pays, bien qu’il y ait des pays qui se présentent comme tels, par exemple en Chine, en Corée du Nord ou au Vietnam, qui étaient socialistes il y a des décennies ; aujourd’hui il n’y a qu’un capitalisme d’État monopoliste.

    L’actuelle pandémie de coronavirus (Covid-19) a montré que ces pays étaient mieux lotis que les pays capitalistes où le rôle de l’État est moindre et au service exclusif des monopoles privés, même si, s’ils avaient été vraiment socialistes, ils auraient vaincu l’épidémie plus facilement.

    Alors que l’Italie, l’Espagne et maintenant les États-Unis, pays capitalistes où les systèmes de santé privés prédominent, sont dévastés par l’épidémie, avec peu de possibilités de manœuvre et avec tout le fardeau pour les travailleurs de ces pays. »

    C’est un incroyable éloge du social-fascisme!

    Contre la théorie du complot et contre le planisme

    La crise de Covid-19 a prouvé que la plupart de l’économie politique des organisations révolutionnaires n’est pas révolutionnaire ou que ce ne sont pas des organisations. Ce sont des expressions informes de la petite-bourgeoisie visant à peser sur la bourgeoisie. Leur vision du monde est éclectique, avec une forte tendance petite-bourgeoise à considérer le capitalisme comme organisé, l’État bourgeois comme un monstre unilatéral.

    Leurs propositions utopiques, lorsqu’elles sont réellement construites, deviennent de manière inévitable du planisme, qui n’a rien à voir avec la planification socialiste, celle-ci n’étant pas une méthode mais une conduite idéologique des forces existantes sur la base de la vision communiste du monde. La théorie du « complot » par en-haut pour masquer la crise du capitalisme est même ici typique des socialistes anticommunistes des années 1920-1930, et même le planisme correspond de manière importante à leur conception mécanique de la « centralisation » comme solution à tous les problèmes.

    Le problème à l’arrière-plan est l’incapacité à comprendre le mode de production capitaliste, et leur idéalisme les amenant à considérer que le Covid-19 vient de l’extérieur et ne serait donc qu’un petit paramètre de plus dans la « structure » capitaliste.

  • La GOULag dans l’après-guerre, jusqu’en 1953

    Le GOULag n’a nullement été une exception due aux années 1930 et, pour cette raison, dans l’immédiate après-guerre, il prolonge son existence, en tant que composante marginale de la société soviétique.

    Le problème fondamental de cette existence à la marge fut la naissance d’une couche criminelle façonnée culturellement par l’identité des camps et réfutant toute socialisation, faisant de l’anti-soviétisme le noyau dur de leur action criminelle résolument anti-sociale.

    Ces éléments criminels, considérés comme non prioritaires par rapport aux contre-révolutionnaires, purent profiter de la situation pour chercher à conquérir l’hégémonie au sein des camps. Il y a là un problème fondamental tenant à la dimension administrative des camps, qui se contentaient de mettre de côté et ne parvenaient pas à tourner les choses favorable culturellement.

    Cela fut d’autant plus vrai après 1945, alors qu’il y avait une vague de détenus farouchement anti-communistes liés aux nazis pendant la seconde guerre mondiale ou issue de l’intense lutte des classes suivant 1945.

    Pour cette raison, il fut mis en place par la GOULag, en février 1948, des Osobye lagéria, camps spéciaux, pour les éléments contre-révolutionnaires les plus dangereux. Il y avait un peu plus de 100 000 détenus dans ces camps spéciaux en 1949, 257 000 en 1952.

    Au premier juillet 1946, il y avait 806 193 prisonniers dépendants de la GOULag, dont 506 289 relevaient du contingent du camp, c’est-à-dire qu’ils étaient condamnés à plus de trois ans et devaient par conséquent purger leur peine dans des unités de camp.

    Au premier janvier 1951, le chiffre s’est considérablement agrandi. Alors que l’URSS s’est agrandi territorialement par rapport à avant 1939, il y a 579 918 personnes détenues dans les camps pour avoir mené des activités contre-révolutionnaires et 1 948 228 personnes détenues pour des crimes.

    Parmi la première catégorie, on a 334 538 condamnés pour trahison à l’URSS (article 58), 46 582 pour participation à des groupes anti-soviétiques, 18 337 pour espionnage, 7 515 pour terrorisme et 2 329 pour intentions terroristes, 3 250 pour sabotage.

    Parmi la seconde catégorie, on a 637 055 personnes condamnées pour vol de la propriété publique, 394 241 pour vol de la propriété personnelle, 65 816 pour banditisme, 93 477 pour hooliganisme, etc.

    2,9 % des détenus ont été condamnés à une peine de moins d’un an, 8,8 % à une peine entre 1 et 3 ans, 16,3 % entre 3 et 5 ans, 53,9 % entre 5 et 10 ans, 9,2 % entre 10 et 15 ans, 4,1 % entre 15 et 20 ans, 4,8 % à plus de 20 ans.

    La proportion des prisonniers en fonction de leur nationalité correspond grosso modo à l’URSS ; au 1er janvier 1951 on a ainsi parmi les prisonniers 1 405 522 Russes, 506 221 Ukrainiens, 96 741 Biélorusses, 56 928 Tatars, 30 029 Ouzbeks, 25 906 Kazakhs, 23 704 Azéris, 23 583 Géorgiens, 26 764 Arméniens, 25 425 Juifs, etc. avec toutefois une proportion plus forte de personnes issues des nouvelles républiques (43 016 Lituaniens, 28 520 Lettons, 24 618 Estoniens).

    Au premier janvier 1953, il y avait 2 472 247 prisonniers dans les camps et colonies (et 152 614 dans les prisons).

    Dès la mort de Staline, les départements productifs de la GOULag furent remis aux ministères concernés par leurs activités et la GOULag elle-même passa du ministère de l’intérieur au ministère de la justice.

    En apparence, cela semblait une démarche logique, en réalité cela allait dans le sens du démantèlement effectif des camps de travail pour les éléments anti-sociaux. Il y eut une vaste amnistie, d’un million de détenus, provoquant d’importants troubles sociaux dans le pays en raison d’une vague de crimes, et l’URSS devenue révisionniste bascula dans une forme de terrorisme d’État totalement étranger au principe de la répression socialistes des éléments anti-sociaux.

    Que ceux-ci terminent dans des camps de travail impliquait la lutte des classes et l’URSS révisionniste allait à rebours d’une telle démarche.

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  • L’appareil de la GOULag comme administration et le rapport au Parti

    La question historique du GOULag du point de vue communiste tient à la nature du projet, c’est-à-dire du rapport dialectique naturel entre une forme juridique-administrative et une fonction économique-politique.

    Le souci est qu’il y a eu un décalage est qu’on est passé à un rapport dialectique non forcément évident entre une forme juridique-politique et une fonction économique-administrative. Cela a provoqué d’énormes tensions dans le rapport entre le Parti et le Commissariat aux affaires intérieures.

    Du moment en effet que les projets étaient conçus à l’avance, avec un haut niveau technique, on passa à toute une procédure administrative, nécessitant des appels à un haut niveau de conception, de mise en opération, d’ingénierie industrielle pour relier les différents circuits, à quoi s’ajoute un ample support technique.

    Or, c’était là tout à fait différent du rôle de la GOULag comme supervision économique-politique de décisions administratives établies par le droit soviétique. On est passé au mode suivant : le droit punit en assumant d’être politique et le commissariat gère de manière administrative les détenus, en intégrant simplement une dimension économique.

    Le droit a quitté le terrain administratif pour se retrouver placé de manière partidaire et inversement le Commissariat aux affaires intérieures s’est articulé comme simple administration, perdant son affirmation politique pour se contenter d’être économique en soi.

    Ce déplacement fut grave, car il fit passer la GOULag d’appareil à celui d’administration, la dimension d’appareil étant masqué. La conséquence fut une confrontation entre appareils, entre le droit et la GOULag, par l’intermédiaire au NKVD dont celle-ci dépendait.

    Concrètement, cela s’exprima par l’opposition entre la lecture juridique Vyshinsky et celle, de type pragmatique-machiavélique, de Guenrikh Iagoda et Nikolaï Iejov, dirigeants du NKVD. Ces derniers exprimaient un appareil grisé par le succès, emporté par son élan, s’imaginant administration et cherchant par là à agrandir de manière subjectiviste son champ d’activité.

    Andreï Vychinski protesta par exemple la chose suivante : il y avait 1 251 501 personnes dans les prisons, camps et colonies en date du 1er octobre 1935, contre 519 501 au 1er janvier 1932. Il fallait donc se demander ce qui était responsable de cette augmentation de 210,9 %. Cela tenait évidemment aux velléités hégémoniques du NKVD. D’ailleurs, le NKVD, disposait désormais de tribunaux spéciaux dans les camps de travail.

    Ce qui était critiqué ici, c’était de fait l’autonomisation relative du NKVD, avec une mise de côté du droit de l’État soviétique en tant que tel. Andreï Vychinski développera ainsi des critiques au NKVD par rapport aux camps, tant dans les procédures que dans le mode opératoire.

    Guenrikh Iagoda, le responsable du NKVD, fut par conséquent démis en septembre 1936 et arrêté en avril 1937 ; c’est Andreï Vychinski qui fut procureur à son procès où il fut condamné à mort pour aide au factionnalisme en vue de prendre le contrôle du régime, ce qui exprimait à l’arrière-plan un positionnement du NKVD comme une simple administration pouvant pencher indifféremment dans une tendance ou une autre, et non plus un appareil dépendant du Parti.

    Le successeur de Guenrikh Iagoda, Nikolaï Iejov, eut la même tendance à profiter de l’importance du NKVD, rentrant à ce sujet notamment en conflit avec Viatcheslav Molotov. La direction du Parti dénonça finalement ouvertement les méthodes du NKVD dans une lettre du 11 novembre 1938, stoppant son pouvoir juridique le 15, stoppant sa campagne de purge le 17, alertant l’ensemble des responsables régionaux du Parti sur les défaillances du NKVD le 25. Nikolaï Iejov fut mis de côté en 1938, arrêté en avril de la même année et exécuté en février 1940.

    Il est évident que le reproche fait par le Parti au NKVD – l’abandon du travail de renseignement pour la simplification par les arrestations massives – n’aurait pas eu lieu d’être si le NKVD, par l’administration de la GOULag, n’avait pas eu cette tendance à l’hégémonisme et à l’occupation étendue de différents domaines.

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  • Les conditions dans les camps de la GOULag

    Les camps de travail supervisés par la GOULag se définissaient par une lecture de classe. Il fallait tant briser les éléments sociaux que donner des espaces pour la rééducation par le travail, ainsi que parvenir à l’auto-suffisance des camps eux-mêmes.

    Ils semblaient ainsi un enfer pour les éléments anti-sociaux niant le pouvoir soviétique et confrontés à sa toute-puissance. Le moindre aspect de socialisation leur apparaissait comme une terrible agression à leur encontre. C’est là la source des ressorts psychologiques fantasmatiques et extrêmement violents des écrits contre-révolutionnaires à ce sujet.

    Des ressorts qui s’appuient également, bien entendu, sur une confrontation violente avec le personnel du NKVD. L’affrontement possédait une dimension physique inéluctable, particulièrement ardue dans des conditions de précarité matérielle marquée.

    On a à l’inverse le parcours de Naftaly Frenkel (1880-1960), arrêté pour contrebande en 1923 et envoyé dans un camp de travail. Il participa si bien au travail et proposa des critiques si constructives qu’il deviendra l’une des principales figures de la GULag, se chargeant notamment du chantier de la voie ferrée Baikal Amour Magistral, devenant le chef du directorat pour les réseaux ferroviaires, se voyant attribuer l’Ordre de Lénine en 1933, en 1940, en 1943, ainsi que l’Ordre socialiste du travail.

    Il y avait concrètement dans les camps un découpage en trois catégories des détenus.

    Il y avait ceux issus de la classe ouvrière et de la paysannerie et qui n’étaient pas condamnés à plus de cinq ans d’emprisonnement. Il y avait une seconde catégorie du même profil social, mais avec plus de cinq ans comme condamnation. Il y avait la troisième catégorie avec tout d’abord les éléments extérieurs à la classe ouvrière et la paysannerie, et ensuite les contre-révolutionnaires en général.

    Les premiers disposaient un régime de faveur, pouvant quitter le camp, occuper des positions dans l’administration, diriger des équipes de travail, etc. Les seconds avaient des fonctions comme employés, dans des usines, peuvent quitter temporairement leurs logements, etc. Les derniers étaient consignés et menaient les travaux les plus durs.

    La première catégorie voyait deux jours de travail comptés comme trois jours de prison, la seconde trois jours de travail pour quatre de prison, la troisième quatre jours de travail pour cinq jours de prison.

    À cela il faut ajouter les détenus aux courtes peines, les femmes, les mineurs, les personnes âgées, les handicapés, qui travaillaient dans des secteurs spécifiques, relevant de l’industrie légère, de l’agriculture, de petits et moyens ateliers (couture, menuiserie, forge, etc.), le travail du bois.

    Ces grandes différences au sein des camps modifie résolument la nature du vécu dans ceux-ci. C’est particulièrement vrai pour la période de l’établissement de ceux-ci, dans un contexte extrêmement difficile pour l’URSS en général, qui faisait face parfois à des famines. Obtenir une alimentation correcte impliquait de participer à la bataille de la production et il y avait une proportion entre le travail rendu et l’alimentation donnée.

    Les conditions historiques, particulièrement arriérées, de l’URSS d’alors firent ainsi que, malgré l’installation de bases hospitalières, les décès furent à certains moments relativement important en raison de la tuberculose, du typhus, de la malnutrition, ainsi que des auto-mutilations faites afin d’éviter le travail.

    En 1932, 4,8 % des 275 861 prisonniers moururent, ce qui était grosso modo le chiffre traditionnel de mortalité des camps dans les années 1930, à l’exception de 1933 avec 15,2 % des 440 008 prisonniers et des 101 000 prisonniers décédés en 1941, année de l’attaque de l’Allemagne nazie où 420 000 détenus furent également envoyés au front à la fin de l’année.

    Pendant la guerre, la GOULag fut également dans l’obligation de bloquer la libération de 50 000 détenus condamnés pour « agitation antisoviétique, crimes de guerre graves, vol à main armée et vol qualifié, récidivistes, élément socialement dangereux, membres de la famille de traîtres et autres criminels particulièrement dangereux ». Ceux-ci furent obligés de rester dans le camp, mais en obtenant le statut de travailleur, avec une rémunération normale donc et avec un logement séparé des détenus.

    Entre 1934 et 1940, 288 300 prisonniers moururent ; après 1945, le chiffre baissa encore, tombant à 1-3 % des détenus chaque année. Il y eut au total un peu plus d’un million de morts entre 1930 et 1953.

    Ces chiffres font ressortir l’ampleur de la bataille contre les éléments anti-sociaux et la tentative de les encadrer de manière adéquate. Il y a initialement peu de gardes et les évasions étaient très nombreuses, entre 58 000 et 83 000 chaque année entre 1934 et 1937, 32 000 en 1938. Il y avait encore 18 342 évasions en 1947, alors que 10 % des détenus n’étaient pas surveillés la même année.

    Ce n’est qu’avec la mise en place d’une structuration à tous les niveaux que les inévitables prisonniers de la lutte des classes furent administrés de manière adéquate. Pour cette raison, l’instauration d’un salaire devint également la norme.

    Il y a eu dès le départ des récompenses monétaire pour les détenus travaillant de manière satisfaisante, accomplissant ou dépassant ce qui était attendu d’eux. L’initiative fut généralisée à partir de 1950. Les détenus recevaient un salaire dont était retiré une part pour l’alimentation et les habits, part ne tombant pas en-dessous de 10 % du salaire.

    La moitié environ des prisonniers touchaient plus de la moitié de ce salaire, qui est grosso modo à 50-70 % du salaire normal pour un travail équivalent.

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  • La contribution économique de la GOULag

    Les camps avaient différentes tailles, des activités très différentes, se situaient dans des zones très différentes qu’on peut distinguer en quatre catégories (chaud, tempéré, froid, septentrionales), qui elles-mêmes étaient administrativement sub-divisées en trois (I, II, III).

    Le camp d’Aktiubinsk, au Kazakhstan, a existé de 1940 à 1946 avec environ 8000 prisonniers ; celui d’Arkhangelsk, au nord de la Russie européenne avait le même nombre et a existé de 1938 à 1940. Le premier s’occupait d’extraire des métaux, le second de produire de la pâte à papier.

    Le Sazlag, camp d’Asie centrale à Tachkent, en Ouzbékistan, exista de 1930 à 1943, avec un peu plus de 12 000 prisonniers à la fin, produisant du coton avec également des activités dans des manufactures de coton. Le camp de Jezkazgan, au Kazakhstan au tout début des années 1940, disposait à peu près du même nombre de détenus pour construire l’industrie liée au cuivre.

    Le camp d’Ivdel, dans la région de Sverdlovsk, dans la plaine occidentale de la Sibérie, fondé en 1937, avait environ 16 000 prisonniers pour la coupe du bois ; c’était un nombre typique de détenus pour les camps ayant cette activité.

    Le Siblag, à Novossibirsk, fondé en 1929, avait 45 000 détenus pour l’agriculture, la coupe de bois, la construction de route ; le Dallag, en extrême-Orient, existant de 1929 à 1939 pour notamment l’extraction de charbon et d’or, rassemblait pratiquement 65 000 détenus à son apogée.

    Le Volgolag de Rybinsk, au cœur de la Russie européenne, qui exista de 1935 à 1942, avait 90 000 détenus pour la construction de systèmes hydrauliques ; il en va de même pour le camp de Pechora, dans la zone Arctique, pour la construction d’une voie ferrée entre Kotlas et Vorkuta.

    Au-delà de ces différences quantitatives, il était qualitativement clair que dans tous les cas, les conditions de travail étaient élémentaires, le travail très basique, les détenus peu qualifiés, si l’on omet les OKB, Opytnoye Konstruktorskoye Buro, Bureaux expérimentaux de conception, organisés pour accueillir le personnel scientifique condamné (y passèrent notamment le concepteur aéronautique Andreï Tupolev et l’ingénieur des missiles et des voyages spatiaux Sergueï Korolev).

    Il s’agissait simplement de défricher et de mettre en place ou d’aider à la mise en place de projets ; la GOULag supervisait une contribution à l’économie, elle était un appui. Cela ne constituait nullement le « cœur » de la production soviétique, comme la contre-révolution l’a prétendu.

    Le budget consacré à la GOULag fut pour cette raison toujours restreint, concernant 6,2 % du budget national en 1935 pour atteindre 14,9 % pour la période particulière de 1941-1944. La GOULag ne parvenait par ailleurs pas à réaliser ses plans ; en 1937, son plan général ne fut complété qu’à 71,6 % (80,5 % pour l’hydrotechnique, 62,7 % pour les voies ferres, 63,2 % pour la construction industrielle).

    Tous les détenus ne travaillaient pas non plus. En janvier 1939, sur 1 130 955 détenus, 789 534 avaient une activité productive, 117 353 étaient affectés aux services des camps, 117 896 ne travaillaient pas en raison de leur âge, de leur maladie, etc. 106 172 personnes étaient en route entre des camps ou relevaient d’une production momentanément bloquée, 10 % composant ceux refusant de travailler.

    Agissant comme contribution économique, les camps étaient pour cette raison souvent placées près de grandes villes : Arkhangelsk et Mourmansk dans le nord, Tcheliabinsk et Sverdlovsk dans l’Oural, Omsk, Novossibirsk, Tomsk, Kemerovo, Krasnoyarsk en Sibérie, Moscou, Leningrad et Yaroslavl dans la partie européenne de la Russie.

    On peut découper relativement en blocs à peu près équivalent les principaux types de projet, suivant les domaines :

    – la construction d’entreprises industrielles ;

    – la construction de logements, de bâtiments culturels ;

    – les voies ferrées, les routes et les ponts, les égouts et les conduites d’eau, les centres électriques, la construction hydro-technique (barrages, écluses, centrales hydro-électriques, etc.), la construction de centrales thermiques ;

    – le travail en usine et la maintenance, la fabrication de meubles, la couture et la production de chaussures, le chargement et le déchargement, les travaux agricoles, la mise en place d’une ferme d’État, la pêche ;

    – les mines, le forage et l’excavation, la production de matériaux de construction, la production de pièces détachés et de béton, la construction d’entrepôts et de filiales, la reconstruction d’entreprises.

    Parmi les constructions majeures, on peut mentionner l’usine métallurgique de Tcheliabinsk, l’usine métallurgique et de coke de Novo-Tagil, l’usine d’aluminium Bogoslovsky, l’usine métallurgique transcaucasienne.

    Les installations industrielles mises en place furent légèrement plus nombreuses dans la partie non-européenne de l’URSS ; ce qui était déterminant, c’est en fait l’existence de main d’œuvre ou non dans la zone concernée. La mise en place d’usines, de moissonneuses-batteuses… est faite par la GOULag lorsque les forces locales sont trop faibles.

    En ce qui concerne la coupe de bois, une activité majeure de la GOULag, cela comptait pour autour de 9 % de la production soviétique de bois. C’est seulement pour l’or, l’étain, le nickel que le GOULag menait une action économique essentielle, ainsi que pour l’établissement des premiers centres atomiques après 1945.

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  • Les structures de la GOULag

    Au printemps 1938, les départements de production se généralisèrent ; en juin 1939, on avait 42 regroupements administratifs (départements, divisions, archives). Neuf étaient consacrés à la production :

    – département des forêts ;

    – colonies pénitentiaires et agriculture ;

    – construction ferroviaire (premier département) ;

    – construction ferroviaire (second département) ;

    – construction hydrotechnique ;

    – industrie des combustibles

    – industrie des pâtes et papiers

    – construction maritime

    – métallurgie non ferreuse.

    Il faut attendre 1941 pour trouver un découpage encore plus approfondi. Il y avait alors d’un côté l’administration des camps (UL), et les directorats centraux des camps (GUL). Ces GUL consistaient en des spécialisations :

    – le GULGTS pour les installations hydro-techniques ;

    – le GULGMP pour les mines et l’extraction de métaux ;

    – le GULPS pour la construction industrielle ;

    – le GULZhDS pour les réseaux ferroviaires ;

    – le GUSHOSDOR pour les routes ;

    – l’ULLP pour la production forestière ;

    – le GUSDS (ou Dalstroy) pour les constructions dans le grand Nord ;

    – l’UTP pour la production de carburant et d’énergie ;

    – le GUAS pour la construction d’aérodromes ;

    – l’ULSPZhM pour la construction d’usines sidérurgiques ;

    – l’Osobstroy pour la construction des usines de Kuybyshevsky.

    En 1944 fut fondée une structure centrale, la Glavpromstroy, l’Administration centrale pour la construction industrielle. C’est elle qui supervisait la mise en place d’usines métallurgiques, de chantiers navals, d’industries des pâtes et papiers, etc.

    Cette administration se déclinait elle-même en la Glavalyuminpromstroy pour l’aluminium, la Glavsredazpromstroy pour l’Asie centrale, la Glavyugstroy pour le Sud, la Promstroyproyekt pour l’établissement de projets, etc., ainsi qu’avec de nombreux trusts à un niveau en-dessous : Bazstroy (pour l’aluminium à Bogolovsky), Denprotyazhstroy (pour la région du Dnepr), Kazmed’stroy (pour le Kazakhstan), Magnitostroy (pour Magnitogorsk), Nikopolstroy (pour Nikopol), etc.

    Fut en même temps fondé la Glavgidrostroy qui s’occupait de l’industrie hydro-technique.

    On a ainsi des structures qui avaient été revues, corrigées, réorganisées et ce n’est qu’après la fin de la guerre qu’elles acquerront un caractère définitif.

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  • La question de la structuration de la GOULag

    La GOULag s’inscrit dans une logique mêlant un aspect pénitentiaire à un aspect éducatif-politique, puisque le travail forcé à la fois brise et rééduque les éléments anti-sociaux. C’est une démarche bien particulière, à la marge de la société, comme pour tout système pénal.

    Pour la période 1930-1936, seulement 12 millions de personnes ont eu à faire avec la justice, le chiffre est de 8,6 millions de personnes pour la période 1937-1940. Il faut ici noter par contre que, dans le contexte de l’immédiate avant-guerre, l’année 1940 fut marquée par la condamnations de 2 millions de personnes pour violations de la discipline de travail et absentéisme.

    La plupart de ces inculpés ont été condamnés à des travaux d’intérêt général ou bien à du sursis. Les camps de travail, concernent quant à eux autour d’un million de personnes au départ, grosso modo deux millions de personnes ensuite, sur 160-170 millions d’habitants.

    Rien ne correspond aux thèses farfelues développées tout au long des années 1960-1970 multipliant ce chiffre par 4, 10, 15, 20, etc.

    Personnel du NKVD

    Cela étant la question relève davantage du qualitatif ; quand la thématique des camps de travail soviétiques arrive par exemple en France dans les années 1950, elle est un moyen de dénoncer la dictature du prolétariat et son prolongement inévitable : la soumission par la force des éléments anti-sociaux.

    Cela passe notamment par une démarche « philosophique » de type existentialiste, avec principalement la revue Les Temps modernes de Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty (« A mesure que nous sommes mieux renseignés sur l’importance relative du travail forcé et du travail libre en URSS, sur le volume du travail concentrationnaire, sur la quasi-autonomie du système policier, il devient toujours plus difficile de voir l’URSS comme transition vers le socialisme ou même comme État ouvrier dégénéré »).

    Cette dimension qualitative fut difficile à cerner lors de la mise en place de la GOULag. Il n’y avait pas seulement le passage d’une mobilisation de prisonniers en soutien à un grand projet à celle de l’organisation de tels grands projets eux-mêmes. Toute la définition de l’activité de la GOULag fut source de multiples remaniements, de restructurations.

    L’administration en tant que telle fut d’ailleurs longue à se mettre en place de manière définitive.

    C’est seulement à partir de 1935 que le NKVD dispose en tant que tel d’un département entièrement consacré à la production. Et les changements furent rapidement nombreux ; ainsi, la même année, en octobre, l’Administration centrale des autoroutes et des chemins par terre et des transports routiers (TsUDORTRANS) fut confiée au NKVD et devint ainsi l’Administration de la construction des routes pavées (GUSHOSDOR).

    Toutes les années 1930 furent elles-mêmes marquées par des ajustements, des transferts de compétence, des réorganisations, des restructurations de différentes branches, etc. Le GOULAG était en perpétuelle réorganisation et l’ampleur de ses tâches, leur complexité, multipliaient leurs structures et leurs exigences.

    La GOULag devait en effet s’occuper d’établir des plans, de trouver du personnel qualifié pour la gestion de leur réalisation, de mobiliser des prisonniers, d’assurer la logistique, de mettre en place l’approvisionnement, de s’occuper de la surveillance des camps et des convois, de maintenir une comptabilité, de prévoir un réseau sanitaire, de gérer les aspects juridiques sur place, de disposer d’un réseau vétérinaire, d’avoir des initiatives culturelles-éducatives, d’avoir un département politique bien sûr pour superviser l’ensemble, etc.

    Dans certains cas, l’ampleur qualitative ou quantitative approfondit les difficultés. Les trois camps les plus importants, au milieu des années 1930, les Dmitlag, Belbaltlag et Bamlag, rassemblaient 221 039 détenus, pratiquement la moitié des prisonniers. En 1937, en raison de la vague de répression menée contre la contre-révolution, la GOULag dut ouvrir, au mois d’août, en catastrophe, sept camps pour des activités de bûcherons (Ivdelsky, Kargopolsky, Kuloysky, Lokchimsky, Taishetsky, Tomsk-Asinsky et Ustvymesky).

    Le bâitment central du Dmitlag du NKVD de l’URSS, établi dans un ancien monastère

    Cela impliquait de former un camp à partir de rien, ce qui était une tâche très ardue et la GOULag connut différents échecs sur ce plan. Au sens strict, à part ceux pour les bûcherons, en 1937-1938 il n’y eut d’ailleurs que neuf camps formés sur le tas : ceux d’Arkhangelsk, d’Ust-Borovsky, de Yagrinsky (pour la construction industrielle), de Luga (pour construction d’une base navale), de Podolsky (pour la construction d’aérodrome), de Samara (pour construction d’une centrale hydroélectrique), de Soroksky (dans le cadre de la construction ferroviaire), ainsi que deux autres destinés à la construction de routes.

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