Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • PCE : Le rôle de la femme dans la lutte pour l’indépendance et la liberté de l’Espagne

    Article d’Emilia Elias datant de 1938, publié dans le numéro spécial intitulé « Espana » de l’hebdomadaire « La Correspondance Internationale » N° 27, du 12 mai 1938

    Au nombre de tous les éléments incorporés à la lutte que mène actuellement le peuple espagnol contre le fascisme, figurent les masses féminines d’Espagne qui, dès le premier moment de cette guerre pour notre liberté et notre indépendance, se sont mises sans restriction au service de la cause du peuple, Elles vouèrent à la lutte tous leurs efforts matériels, qui allèrent bien des fois jusqu’au sacrifice de leur vie.

    Mais elles surent aussi exalter par leurs paroles, par leur sentiment élevé des nécessités de la guerre, l’ardeur de leurs fils, de leurs compagnons, les poussant à s’incorporer à la masse immense des hommes qui, saisissant les armes, se sont dressés pour défendre le sol de l’Espagne contre l’invasion fasciste.

    Il ne faudrait pas croire cependant qu’avant le 18 juillet 1936 les femmes ne fussent pas intervenues activement dans la lutte révolutionnaire. Au contraire, en organisant des grèves de caractère économique et des manifestations féminines de masse, les femmes n’ont cessé de proclamée publiquement leur haine de la tyrannie et leur opposition à la tyrannie et à tous les ennemis du véritable peuple espagnol.

    Lorsque en 1931, avec la proclamation de la République, on vit se déployer un mouvement de masse qui tendait à abattre complètement et définitivement un régime d’opprobre et de tyrannie, les femmes participèrent elles aussi à cet éveil des masses populaires et contribuèrent, dans une mesure importante, à secouer l’indifférence de certaines couches de la population.

    Et lorsque la République, dans un élan de justice, accorda aux femmes une partie des revendications défendues par le mouvement pour l’émancipation féminine (droit d’élire et d’être élues, égalité de droits pour les enfants légitimes et naturels, reconnaissance de la personnalité civile, etc.), les femmes se sentirent renforcée et aidées par les pouvoirs publics, et cela suffit pour que, conscientes de leurs responsabilités et sûres de travailler à leur complète émancipation, elles se lancent dans la lutte politique.

    C’est ainsi qu’en 1934, avec son tragique cortège d’iniquités, les femmes lutèrent vaillamment contre ta réaction, qu’elles constituèrent un élément puissant lors des héroïques journées de la révolution d’Octobre. Dans la rue, dans les syndicats, dans les partis, les femmes travaillèrent avec une ardeur pleine de foi pour écraser la réaction barbare qui, dans les rues d’Oviedo, mitraillait les femmes qui défendaient leur droit et celui de leurs enfants à une vie de liberté et de Justice. Aida Lafuente, l’héroïque jeune fille asturienne qui mourut à son poste de combat en octobre 1934, est le symbole de cette lutte magnifique, et son souvenir vivra éternellement dans le cœur de toutes les femmes.

    Au mois d’août de la même année eut lieu à Madrid La Ire Conférence nationale des femmes antifascistes, où celles-ci déclarèrent publiquement leur opposition ouverte à la tyrannie. Quelques jours plus tard, les femmes organisèrent la grande manifestation présidée par la Pasionaria et dont le but était de protester contre le décret du gouvernement Samper relatif à la mobilisation des réservistes.

    A l’aube de 1936, l’approche des élections qui devaient voir le triomphe du Front populaire donna aux femmes de nouvelles occasions de lutter. Elles surent les mettre à profit et la lutte électorale leur permit d’apporter de nouvelles preuves de leur sentiment des responsabilités et de leur maturité politique.

    Des centaines de meetings, d’assemblées, de réunions furent organisés avec la collaboration des femmes et eurent pour effet de mobiliser et d’enthousiasmer les masses de la ville et des champs.

    Et, le 16 février, Le triomphe dru Front populaire fut dû pour une bonne part à la vigilance des femmes qui, tant comme électrices que comme gardiennes spontanées de la régularité des opérations, surent rendre sans effet les innombrables illégalités auxquelles la réaction eut recours pour empêcher la victoire du Front populaire.

    La date tragique du 18 juillet 1936 vint compléter la préparation politique des femmes et donner son plein essor à leur participation aux luttes révolutionnaires.

    A cette heure, comme toujours, le souffle ardent de la Pasionaria vint nous animer, nous les femmes d’Espagne. Elle qui sait si bien trouver le mot d’ordre et le geste qu’exige chaque situation, face à l’insurrection fasciste et a l’assaut des troupes d’invasion, elle lança le défi à l’ennemi ce « No pasaran ! » que le monde entier, moins de vingt-quatre heures après qu’ait éclaté la rébellion, entendit sur les ondes de l’Union Radio, se cri qui est devenu depuis lors le cri de guerre des antifascistes espagnols et que les femmes, avec le peuple tout entier, ont fait leur, dont elles ont fait un mot d’ordre inébranlable, travaillant inlassablement à en faire une réalité. Il l’a été.

    La foi de la Pasionaria pénétra, les âmes de toutes les femmes, qui s’incorporèrent à la lutte avec une ardeur combative. Aussi, la guerre que vit l‘Espagne a-t-elle été pour les masses féminines une gigantesque école, une immense source d’expériences, Et le résultat a été qu’à la guerre et à ses problèmes se sont intégrées non seulement les femmes placées à l’avant-garde du mouvement féminin, mais une grande quantité de femmes indifférentes aux problèmes politiques et sociaux.

    Car toutes ont clairement vu qu’aujourd’hui, au prix du sang des masses populaires espagnoles, au prix du sacrifice quotidien des hommes venus de tous les pays se joindre au peuple espagnol dans sa lutte, se décide sur notre sol l’avenir de tous les opprimés, comme se décide aussi l’avenir des femmes, asservies et humiliées par la misère, l’inculture et l’injustice.

    Et dès les premiers moments, elles luttèrent ; dès les premiers moments, leurs voix s’élevèrent pour réclamer leur part des tâches de la guerre et participer ainsi à la victoire.

    L’effort déployé par les femmes a revêtu toutes les formes de l’activité. D’une façon générale, l’on peut dire que les femmes ont tout fait pour collaborer à la victoire. Elles ont créé des ateliers, elles y ont travaillé ; elles ont fondé des homes pour arracher les enfants aux tourments des villes sauvagement bombardées par l’aviation fasciste ; elles apportent leur aide sur les fronts ; elles travaillent dans les hôpitaux comme infirmières et comme visiteuses sociales ; durant les tragiques journées de siège de Madrid, elles ont collaboré à l’approvisionnement de la ville ; elles ont été miliciennes ; elles collaborent aux services culture sur les fronts ; enfin, elles mènent un travail qui prouve leur maturité politique et leur compréhension des questions syndicales en prenant une part directe à la direction des partis et des syndicats.

    De plus, les femmes ont réalisé un intense travail de propagande et d’agitation et elles sont parvenues ainsi, jusque dans les régions de l’arrière moins éprouvées par la guerre, à élever magnifiquement le moral et à inculquer à tous la conscience de la nécessité de vivre en accord avec les exigences de la lutte.

    Il convient de souligner également l’esprit de sacrifice et la haute conscience politique manifestés par les femmes dans l’accomplissement d’une tâche dont elles s’acquittent avec la plus grande simplicité et la plus émouvante modestie, nous voulons parler des services de transfusion de sang aux blessés. Dans ce domaine, ce sont les femmes qui ont apporté la collaboration la plus active et la plus dévouée.

    Et elles le font non seulement dans un généreux sentiment d’humanité bien conforme à la nature spécifique de la femme, mais aussi pour des raisons plus complexes, qui donnent plus de prix encore à leur sacrifice.

    Elles savent et elles le disent, que la vie d’un blessé est sacrée ; elles savant qu’arracher ses victimes à l’ennemi équivaut à gagner une bataille. Nous voudrions pouvoir citer toutes ces femmes, dire avec quelle abnégation elles s’acquittent de ce devoir sacré, mais trop nombreuses sont celles dont nous ne connaîtrons jamais le nom, tellement grande est la modestie dont elles font preuve en restant dans l’anonymat.

    Mais nous connaissons le cas d’Eloïsa Cano, qui a donné son sang trente-deux fois ; nous connaissons celui de Catalina Mayoral, cette infirmière qui, elle aussi, a donné son sang à de nombreuses reprises, et celui d’une jeune femme, presque une adolescente, fille de service avant l’insurrection, qui a fourni neuf fois déjà son sang et est prête à continuer lorsque ce sera nécessaire. Elle est très fière de sa qualité de « donneuse universelle », qui lui permettra de prêter son concours dans un très grand nombre de cas.

    Les femmes ont également joué un rôle actif dans l’aide aux évacués et aux réfugiés. Qu’elles collaborent à l’évacuation des enfants et des femmes de Madrid, de Malaga, d’Almeria et autres villes victimes de l’agression fasciste, pour les installer dans d’autres localités plus éloignées du front, ou qu’elles offrent leur maison, leurs services, leur aide pour améliorer la vie des réfugiés, les femmes ont tout fait pour mener à bien cette tâche. Nombreux sont les cas où des femmes ont cédé jusqu’à leur lit et leurs vêtements, jusqu’à leur maison tout entière, pour accueillir des femmes et des enfants maltraités par la guerre.

    Nous connaissons une femme qui, bien qu’elle n’occupât qu’un petit logement, exigu même pour les besoins des siens, installa chez elle une famille composée de deux femmes et de trois enfants. Elle rayonnait en parlant de sa joie lorsque, la nuit, elle pouvait contempler le bien-être des petits couchés dans son lit, bien qu’elle même dormît sur le sol.

    Cette aide aux enfants, les femmes l’apportent également dans des garderies et des homes où elles vivent auprès des enfants, les soignant et en prennent soin avec un zèle et une abnégation véritablement maternelle. On trouve dans ces services des éducatrices remarquables, et d’autres qui, avant le 18 juillet, étant à la retraite, ont repris leur professeur pour diriger des homes d’enfants évacués, travail d’ordinaire épuisant, mais qui apporte la satisfaction d’accomplir un devoir imposé par la guerre.

    En octobre 1937 eut lieu, à Valence la IIème Conférence nationale des femmes antifascistes. Ouvrières, paysannes, intellectuelles vinrent rendre compte de leur activité et nous comprimes alors qu’il n’y en a pas, si spéciale soit-elle, à laquelle les femmes n’aient pas participé. Des paysannes des provinces de Cordoue, Guadalajara, Cuenca et Valence montèrent à la tribune. Presque toutes venaient de villages fout proches de la ligne de feu et nous apprîmes d’elles comment la récolte d’olives, et toutes les récoltes en général, avaient pu être sauvées en maints endroits, malgré l’absence des hommes, tous partis pour le front, grâce au travail intense des femmes. Nous nous souvenons d’une paysanne de la province de Cordoue qui nous disait, enthousiaste :

    « A quelques kilomètres du front, nous avons sauvé la récolte d’olives, parce que nous savions qu’à chaque olive que nous cueillions, nous gagnions une bataille sur d’ennemi. »

    Nous entendons aussi la voix des ouvrières de choc de plusieurs ateliers de Madrid, qui réalisent des prouesses semblables à celles des ouvrières Soler, qui a réussi à intensifier sa production dans une mesure telle qu’au lieu des cinq pantalons qu’elle confectionnait par jour, elle a atteint le chiffre de dix-huit. Et les ouvrières de l’atelier d’intendance « Pasionaria » (créé et organisé par le Comité national des femmes antifascistes) ont établi des journées de choc et certaines ouvrières, comme la camarade Maria Martinez Carton, arrivent à faire vingt-cinq uniformes par semaine. Les ouvrières de ces ateliers rivalisent d’ardeur au travail, ce qui a pour effet d’augmenter considérablement la production.

    Dans l’industrie de guerre, les femmes réalisent également un magnifique effort, qui démontre combien les masses féminines ont raison de demander leur rapide et totale incorporation à la production. Car ces femmes, aujourd’hui ouvrières consommées, n’ont pas toujours travaillé à la fabrique. Nombre d’entre elles étaient des domestiques misérablement exploitées dans des milieux bourgeois et toutes souffraient de l’oppression et de l’obscurantisme auxquels la réaction a soumis la femme espagnole durant des siècles.

    Leur activité présente est d’autant plus remarquable. Elles ont vu dans la guerre l’occasion de satisfaire leurs aspirations et celles de toutes les victimes de l‘oppression. Elles comprennent que prendre une part active à l‘élaboration de notre victoire est pour elles un devoir dont l’accomplissement leur permettra de conquérir leur liberté et celle de leurs enfants, en même temps que l’indépendance de leur patrie.

    Citons à l’appui de cette affirmation le cas de Maria Acon, tourneuse à la fabrique Ferrobellum responsable de sa section de travail, qui fut bonne d’enfants jusqu’au 18 juillet ; l’exemple magnifique de Margarita Sanchez, de la fabrique Moreno, à Madrid, qui, au bout de deux semaines à peine de travail, était parvenue à dépasser de 100 % la norme de production. Il ne s’agit naturellement pas là de cas fortuits, d’une simple question d’habileté professionnelle, mais bien du résultat de toute une conception du problème politique que pose la guerre et que les femmes ont su comprendre : les héros de la production participent aussi activement que les héros du front à la victoire finale.

    Dans leur ascension à cette maturité de conscience civique, les femmes n’ont pas lutté seules. Elles se sont senties aidées, soutenues par le parti communiste et ses dirigeants qui les ont constamment stimulées, qui les ont accompagnées dans la voie de leur développement, Aucune femme n’a oublié et n’a manqué de faire son profit des paroles de José Diaz dans son rapport à l’assemblée plénière élargie du Comité central du parti communiste :

    « Il faut que les communistes intensifient et amplifient le travail parmi les femmes. Il faut consolider l’organisation des Femmes antifascistes, déjà existante, mais cela ne suffit pas. Il faut mobiliser toutes les femmes d’Espagne pour la défense de la patrie et de l’indépendance nationale ; il faut créer un mouvement des femmes de l’Espagne nouvelle, auquel s’incorporent toutes celles qui veulent contribuer à l‘écrasement du fascisme et se sacrifier, s’il le faut, pour que leurs enfants puissent vivre dans une Espagne cultivée, prospère et heureuse.

    Il faut renforcer notre travail en ce qui concerne les femmes, car, si nous considérons la combativité et l’abnégation admirables dont font preuve les héroïques femmes de notre peuple, nous devons reconnaître que la proportion des femmes affiliées à notre parti n’est pas ce qu’elle devrait être et ce qu’elle pourrait être. »

    Et non seulement dans ce document, guide et stimulant puissant pour notre travail, mais dans tous ses articles, dans tous ses rapports le secrétaire général du parti communiste trouve toujours l’expression exacte pour rendre compte de la situation des femmes.

    Avec cet ardent appui, avec l’exemple merveilleux de la Pasionaria, les femmes d’Espagne sauront continuer à marcher de l’avant, à contribuer de toute leur énergie, au prix même de leur vie, s’il le fallait, à l’écrasement du fascisme barbare et au triomphe de la démocratie et de l’indépendance de l’Espagne.

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  • Georges Dimitrov: une année de lutte héroïque du peuple espagnol

    Article écrit à l’occasion du premier anniversaire de la rébellion franquiste.

    Une année s’est écoulée depuis que le peuple espagnol, aux avant-postes de la lutte contre la réaction mondiale et le fascisme, défend courageusement sa liberté et son indépendance, sauvegardant par là même les intérêts de la démocratie, de la civilisation et de la paix contre les barbares fascistes et les fauteurs de guerre.

    On peut affirmer sans exagération qu’après la Grande Révolution d’Octobre, cette lutte héroïque est un des événements les plus considérables de l’histoire politique d’après-guerre de l’Europe.

    Lorsque, le 18 juillet de l’année dernière, le télégraphe apportait la nouvelle de la rébellion des généraux fascistes contre la République espagnole, personne ne pouvait penser que la guerre civile provoquée par les scélérats fascistes en Espagne durerait aussi longtemps. Les amis aussi bien que Les ennemis du peuple espagnol, chacun à sa façon, comptaient que la guerre serait liquidée dans le plus bref délai.

    La rébellion fasciste fut réprimée en quelques jours par les ouvriers espagnols et la milice populaire dans les centres les plus importants du pays.

    Madrid et Valence, Barcelone et Bilbao, Tolède, Malaga, Alicante et Almeria, presque toutes les villes importantes d’Espagne se trouvèrent dans les mains du gouvernement républicain.

    Les généraux rebelles, qui se dressaient contre les conquêtes démocratiques de la révolution espagnole et, au début de la rébellion, s’appuyaient principalement sur les officiers contre-révolutionnaires haïs du peuple, sur les troupes marocaines et sur les légionnaires étrangers, se heurtèrent à la résistance armée de toutes les forces de la révolution espagnole, de tout le peuple espagnol, groupé dans les rangs du Front populaire autour du gouvernement républicain.

    Il est hors de doute que sans l’intervention des, Etats fascistes, sans les armes, les avions et les troupes régulières qui ont été mis à la disposition des généraux rebelles par Hitler et Mussolini, le peuple espagnol aurait depuis longtemps débarrassé son pays des brutes fascistes.

    Les faits, déjà connus de chacun montrent que les généraux rebelles n’auraient pas osé entreprendre la guerre contre la République espagnole s’ils n’avaient pas reçu à cet effet les inspirations des Etats fascistes. En réalité, ce complot sanglant contre le peuple espagnol fut préparé et organisé à Berlin et à Rome.

    Les fauteurs fascistes de guerre se sont servis des généraux contre-révolutionnaires pour mettre la main sur l’Espagne, sur ses richesses ; sur ses matières premières en vue de l’industrie de guerre, et pour se créer des positions dans la Méditerranée en vue de la nouvelle guerre impérialiste qu’ils préparent.

    Hitler et Mussolini comptaient manifestement que les généraux Franco et Mola, servant d’instruments entre leurs mains, réussiraient en quelques jours à s’emparer de Madrid, à abolir le régime républicain et à leur offrir un riche butin sous la forme de l’Espagne dite « nationale ».

    Ce qui les confirmait dans cette conviction, c’est certainement le fait que le gouvernement républicain d’alors, en dépit des avertissements répétés du Parti communiste espagnol, n’adoptait pas de mesures radicales contre le complot que préparaient les généraux contre-révolutionnaires et pouvait être pris à l’improviste.

    Mussolini et Hitler espéraient que le fascisme pourrait vaincre l’Espagne sans rencontrer de résistance armée sérieuse de la part des masses du peuple, comme ce fut le cas en Italie en 1922 et en Allemagne en 1933.

    Mais tous ces calculs étaient complètement erronés. La noix d’Espagne était trop dure pour les dents du fascisme. L’Espagne de 1936 n’était ni l’Italie de 1922, ni l‘Allemagne de 1913.

    La rébellion fasciste en Espagne fut déclenchée après la première victoire de la révolution démocratique du peuple espagnol, à un moment où le prolétariat espagnol et les masses du peuple avaient déjà tiré les enseignements des événements d’Italie, d’Allemagne et d’Autriche, où les fondements du Front populaire antifasciste étaient déjà posés.

    Du fait qu’elle avait renversé la monarchie moyenâgeuse et instauré la république parlementaire démocratique, la révolution espagnole avait fait jaillir en une inépuisable source les forces du peuple espagnol en lutte avec la contre-révolution, qui apportait le retour à l’ancien régime des propriétaires fonciers et des oligarchies financières.

    Pour le peuple, la lutte contre la rébellion fasciste est, pour cette raison, indissolublement liée au maintien et au développement des conquêtes démocratiques de sa révolution contre le régime de moyen âge et d’obscurantisme, contre les propriétaires fonciers, l’aristocratie pourrie et le des officiers contre-révolutionnaires.

    C’est quand ils ont constaté l’impuissance de Franco, en présence de la riposte énergique du peuple espagnol, à faire triompher le fascisme à l’aide des Marocains et de la Légion étrangère, que les Etats fascistes ont pris directement en mains la conduite de la guerre contre la République espagnole.

    Ce sont, en fait, des détachements des armées allemandes et italiennes, leur artillerie, leurs tanks et leurs avions qui luttent sous Madrid et Guadalajara, sur les fronts nord et sud, contre la vaillante armée républicaine, détruisant les villes, anéantissant les villages, noyant sous des torrents de sang la terre du peuple espagnol. La flotte des Etats fascistes bloque les ports espagnols, les bombarde et les détruit. Madrid, Guernica et Almeria perpétueront à jamais dans la conscience de l’humanité progressive le sinistre souvenir de la barbarie fasciste.

    Et plus le peuple espagnol montre d’énergie, d’enthousiasme et d’assurance dans la justice de la cause pour laquelle il lutte, plus il renforce l’année républicaine après chaque provocation nouvelle des envahisseurs fascistes, serrant ses rangs, supprimant les faiblesses et les défauts dans la conduite de la guerre, plus Hitler et Mussolini accentuent cyniquement leur interventions, en déclarant ouvertement qu’ils n’admettront pas l’existence d’une Espagne républicaine.

    Traduits dans la langue ordinaire, les derniers articles de Mussolini se résument en cette formule cynique et éhontée : « l’Espagne doit être une colonie fasciste, ou bien elle sera réduite en ruines. »

    A la lumière des faits, il est difficile de trouver dans l’histoire politique moderne des pages plus honteuses que la conduite des principaux Etats capitalistes d’Occident, qui se donnent fièrement le nom d’Etats démocratiques, à l’égard du peuple espagnol et de sa lutte pour la liberté et I ‘indépendance.

    Au moment où, à la face du monde entier les envahisseurs fascistes font ouvertement une guerre de brigandage en Espagne, ces Etats, et en premier lieu l’Angleterre, jouent depuis près d’un an la farce de lia « non-intervention » dans les affaires d’Espagne et continuent à chercher, même après le rejet du contrôle dit international pat Hitler et Mussolini, des formules transactionnelles, d’accord avec les impudents envahisseurs fascistes.

    La Société des nations, dont les statuts contiennent un paragraphe spécial sur les sanctions contre l’agresseur, paragraphe qui prévoit précisément les cas analogues à l’intervention armée faite actuellement par l’Allemagne et l’Italie contre le peuple espagnol, garde un silence obstiné.

    Bien qu’il soit évident que les envahisseurs fascistes, s’ils réussissent à asservir l’Espagne, ne tarderont pas à manigancer des rébellions pareilles à celle de Franco en Tchécoslovaquie, en Autriche, au Danemark, en Belgique et dans d’autres pays, la S. d. N., sous la pression de l’Angleterre surtout, évite soigneusement de prendre dans la question espagnole des décisions qui garantissent les droits internationaux du gouvernement constitutionnel de l’Espagne.

    De la sorte, elle encourage en fait les envahisseurs et les agresseurs fascistes. Les Etats-Unis démocratiques, avec Roosevelt à leur tête, ont adopté une attitude d’« observateurs impassibles ». Les efforts de l’Union soviétique, qui s’est rangée avec résolution et esprit de suite du côté du peuple espagnol, pour pousser les Etats non fascistes à pratiquer une politique ferme et énergique vis-à-vis des envahisseurs fascistes afin de garantir à l’Espagne républicaine les droits et les possibilités légitimes de défense contre l’ agression et d’exercice de son autorité souveraine sur son propre territoire, n’ont pas donné jusqu’à présent de résultats positifs.

    Les intérêts égoïstes des grands capitalistes et des cliques financières d’Angleterre, de France et des Etats-Unis continuent à primer non seulement les intérêts du peuple espagnol de la sauvegarde de la paix, mais aussi les véritables intérêts et l’avenir de leurs propres peuples.

    Tableau étrange, qui doit faire sérieusement réfléchir tout ouvrier et tout partisan de la démocratie et de la paix !

    Au moment où les Etats fascistes agissent de concert contre la République espagnole, où Berlin Rome et Tokyo préparent méthodiquement, pas à pas, une nouvelle guerre mondiale de rapine, où le renforcement de l’intervention de Mussolini et de Hitler en Espagne s’accompagne d’une provocation de la clique militaire japonaise sur l’Amour et d’opérations militaires dans la Chine du Nord, les gouvernements des grands Etats d’Occident discutent sans fin, s’entretiennent sur le plan de « non-intervention » et de « contrôle » qui a fait fiasco, et pratiquent la politique de l’autruche vis-à-vis des envahisseurs, des fauteurs de guerre enragés et forcenés.

    On ne saurait admettre que la politique des milieux dirigeants d’Angleterre, de France, des Etats-Unis dans la question espagnole et dans celle de la sauvegarde de la paix réponde aux dispositions, aux sentiments et a la volonté de l’immense majorité du peuple de ces pays. Voilà pourquoi, pour justifier leur politique.

    Ils ne cessent d’agiter devant leurs peuples le spectre de la guerre, qui sera soi-disant déclenchée par les Etats fascistes, si les pays non-fascistes de la S. d. N. se dressent résolument contre les envahisseurs.

    Mais il est évident, pour quiconque connaît la véritable situation internationale, la situation dans les pays fascistes eux-mêmes et le rapport des forces entre les partisans de la paix et les fauteurs de guerre, qu’il s’agit tout simplement d’une spéculation indigne sur les tendances antiguerrières des grandes masses.

    La conquête de l’Espagne n’est-elle pas précisément, pour les Etats fascistes, une des principales conditions de la guerre mondiale qu’ils préparent ? Leur permettre de se consolider en Espagne, c’est les aider à accentuer leurs préparatifs de guerre, c’est transformer ce pays en base d’agression contre la France, c’est les laisser renforcer leurs positions militaires et stratégiques dans la Méditerranée.

    La vérité authentique, dans cette question, est que la défaite du peuple espagnol centuplerait la menace de guerre et hâterait considérablement le déroulement de la guerre par les agresseurs fascistes.

    La victoire du peuple espagnol, par contre, dresserait une nouvelle barrière contre le déclenchement de la guerre. Ceux qui veulent sérieusement le maintien de la paix doivent tout faire pour que les envahisseurs fascistes soient expulsés d’Espagne dans le plus bref délai possible et pour que le peuple espagnol puisse assurer sa liberté et son indépendance.

    Lloyd George lui-même, bien qu’admirateur de Hitler, n’a pu nier cette vérité. Dans un discours qu’il a prononcé dernièrement sur la question espagnole à la Chambre des Communes, il a déclaré : « On dit que, si nous montrons de la fermeté à l’égard de Berlin et de Rome, ce sera la guerre. Je vous dis, moi : Si nous ne montrons pas cette fermeté, ce sera la guerre à coup sûr. »

    Une des principales conditions qui permettra aux Etats non-fascistes d’occident d’adopter cette attitude de laisser-faire à l’égard des envahisseurs fascistes, de s’en laver les mains comme Pilate, c’est certainement le fait que, jusqu’à présent, le prolétariat mondial n’a pas réussi à agir en commun et dans la plénitude de ses moyens pour faire aboutir les revendications les plus importantes en faveur du peuple espagnol : « retrait immédiat des forces armées d’intervention, italiennes et allemandes, hors d’Espagne ; levée du blocus de La République espagnole ; reconnaissance de tous les droits internationaux du gouvernement légal de l’Espagne ; application des statuts de la S. d. N. aux agresseurs fascistes qui ont attaqué le peuple espagnol.

    Ces revendications, posées, dans leurs lignes essentielles par l’Internationale communiste bientôt après le début de la rébellion fasciste en Espagne, ont été, par la suite, proclamées également par l’Internationale ouvrière socialiste. Ce sont incontestablement les revendications de tout ouvrier conscient, de tout honnête partisan de la paix.

    Le prolétariat international est indéniablement aux côtés du peuple espagnol contre les rebelles et les, envahisseurs fascistes. Il a manifesté et continue à manifester sa solidarité avec les combattants espagnols. Il ne se borne pas à les aider matériellement, à leur envoyer des vivres et des ambulances. Une partie de ses meilleurs fils combat, sur les fronts de Madrid, de Guadalajara et ailleurs, dans les rangs de I ‘armée républicaine.

    Mais tout cela est loin d’être suffisant. Le mouvement ouvrier international, ses organisations politiques et syndicales ne peuvent estimer avoir rempli leur devoir ir envers le peuple espagnol et la défense de la paix « avant d’avoir obtenu ; la garantie des droits internationaux de la République espagnole et la cessation de l’intervention fasciste en Espagne. »

    A cet effet, il est nécessaire d’intensifier de toute façon une campagne effective de solidarité en faveur du peuple espagnol dans tous les pays.

    Il faut mobiliser toutes les forces pour rendre impossible la politique de Laisser-faire à l’égard des envahisseurs fascistes. Il faut comprendre que l’Angleterre joue le rôle principal en Europe sous ce rapport, et que, de ce fait, la classe ouvrière d’Angleterre, le peuple Anglais sont particulièrement responsables des destinées du peuple espagnol et du maintien de la paix. On ne saurait tolérer certains actes scandaleux, comme celui du leader labouriste Lansbury qui, une « feuillé de vigne » à la main, va s’incliner devant Hitler et Mussolini, et celui du Secrétaire général des Trades-Unions, Citrine, qui reprend les refrains de Chamberlain et d’Eden pour endormir l’opinion publique anglaise au moment où les hordes fascistes d’Italie et d’Allemagne font couler le sang du peuple espagnol et détruisent les villes et les villages d’ Espagne.

    Pour assurer une défense efficace du peuple espagnol et de la paix internationale, « il faut absolument une action commune et unanime de toutes les organisations internationales de la classe ouvrière. »

    Qu’on ne dise pas que cette action unanime est impossible. Il est vrai que bien des obstacles se dressent sur ce chemin.

    Il y a, au sein de l’International ouvrière socialiste et de la Fédération syndicale internationale, des leaders et des groupes qui, mus par des considérations qui n’ont rien à voir avec les intérêts du, prolétariat international et du peuple espagnol, se prononcent contre l’unité d’action des organisations ouvrières internationales et menacent même de quitter l’internationale socialiste en cas d’acceptation d’un pacte d’unité d’action avec l’Internationale communiste.

    Mais faut-il vraiment considérer pareille situation « comme établie une fois pour toutes et non sujette à changements ? Il faut écarter les obstacles et non capituler devant eux. Il faut placer les intérêts du prolétariat international de la cause de la défense de la paix, qui coïncident avec les intérêts dit peuple espagnol, au-dessus des considérations de personnes et de groupe. »

    Les entrevues des représentants de l’Internationale communiste et de l’Internationale socialiste Annemasse et à Paris ont montré que les deux parties sont d’accord pour les revendications essentielles visant à la défense du peuple espagnol et au maintien de la paix.

    Pourquoi, dès lors, ne pas faire la seule chose qui puisse rapidement et sûrement à la réalisation de ces revendications : organiser une action commune des organisations ouvrières internationales sur toute la ligne et utiliser unanimement toutes les forces de réserves dont dispose le mouvement ouvrier mondial ?

    Au jour anniversaire de la lutte héroïque du peuple espagnol, devant les progrès sinistres de l’intervention fasciste en Espagne et de la nouvelle agression japonaise dans la Chine du Nord, cette question se pose devant chaque organisation ouvrière, devant chaque militant du gouvernement ouvrier, devant tous les partisans de la démocratie et de la paix, « avec la plus grande acuité et demande une solution pratique ».

    Au cours d’une année de combats continus et acharnés, le prolétariat espagnol a su sauvegarder les conquêtes de la révolution démocratique, consolidé l’unité dans les rangs du Front populaire, assurer la création d’une armée populaire républicaine qui compte un demi-million d’hommes et lutte héroïquement. Il fraye la voie à son parti politique unique et à la fusion de ses syndicats. Il travaille sans répit à assurer toutes les conditions intérieures nécessaires pour la victoire définitive sur le fascisme.

    Le prolétariat espagnol qui, avec le parti communiste à sa tête, marche aux premiers rangs de son peuple, rempli à son honneur le devoir qui lui incombe aux avant-postes de la lutte contre la réaction mondiale et le fascisme. Le prolétariat mondial, de son côté, doit remplir « jusqu’au bout sont devoir » en vers son glorieux détachement espagnol.

    C’est pourquoi les communistes, en intensifiant de toutes les façons leurs propres actions pour la défense du peuple espagnol et de la paix, « ne se lasseront pas d’indiquer encore plus opiniâtrement la nécessité impérieuse de l’unité d’action du mouvement ouvrier international et de lutter de, toutes leurs forces pour la réalisation de celte unité dans le plus bref délai.

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  • Dolores Ibarruri (La Pasionaria): Des milices à l’armée régulière

    Notre Espagne, l’Espagne des romances et des légendes, est un pays singulier, qu’il est difficile de comparer à aucun autre.

    La fierté de son peuple, son courage devant la souffrance, sa vaillance devant des ennemis supérieurs, sa confiance en lui-même, son mépris de la mort, unis à un profond sentiment d’indépendance et de liberté, ont fait qu’à toutes les époques, lorsque les guerres d’invasion et de conquête, ou les guerres civiles, ensanglantèrent le sol de l’Espagne, des entrailles mêmes du peu pile sont sortis des hommes qui, par leurs hauts faits, par leur courage, par leurs dons, par leur indomptable vaillance, sont passés à la postérité couvert de gloire et de popularité.

    Des guérilleros, des francs-tireurs sans aucune formation militaire, deviennent, au feu des luttes quotidiennes, des généraux consommés et, avec des soldats aussi audacieux qu’eux-mêmes, défont les meilleures armées du monde.

    Le peuple espagnol est une source inépuisable de courage et d’abnégation. Aux heures critiques pour la patrie, il s’est dressé pour lutter avec une vaillance admirable et offrir le sacrifice de sa vie avec une simplicité spartiate.

    Ses navigateurs sillonnèrent l’océan Atlantique et découvrirent un monde nouveau. Ses soldats portèrent si haut le renom de l‘Espagne, ils la firent si grande et si puissante, que « le soleil ne se couchait jamais » dans son empire.

    Ses écrivains, ses savants, ses artistes, la couvrirent de gloire. Ses fils et ses filles furent toujours un exemple magnifique d’héroïsme, de vaillance et d’abnégation.

    De cette Espagne, de ce peuple admirable qui apporta au monde la science, la civilisation, l’art et la culture, les grands propriétaires féodaux, le clergé, la caste militaire aristocratique, les caciques, firent un peuple pauvre, triste et arriéré. Durant plusieurs siècles, vivant du souvenir de ses grandeurs passées, il alla en descendant l’échelle de la civilisation et du progrès.

    Les héritiers, les descendants de ceux qui, ruinèrent l’Espagne, qui la disqualifièrent dans le concert des nations importantes du monde, pensèrent pouvoir continuer la politique esclavagiste de leurs ancêtres, Ils crurent que la domination et l’oppression auxquelles, durant des siècles, ils avaient soumis les masses populaires espagnoles, avaient ruiné leurs énergies, avaient fait d’elles un immense troupeau qu’il serait facile de domestiquer, de marquer au fer infamant de la domination fasciste.

    Ils se trompaient. Les glorieuses traditions d’héroïsme du peuple restaient une réalité vivante sous les décombres de cette Espagne qui fut un jour reine du monde. Le soulèvement du groupe de généraux traîtres, alliés au fascisme étranger, fut comme le souffle qui dispersa les cendres sous lesquelles ardait la vaillance indomptable de l’âme populaire.

    Et le monde stupéfait contempla un spectacle merveilleux. Un peuple pauvre, opprimé, arriéré, se dressa tel un géant et fit reculer ceux qui pensaient qu’il serait facile de lui imposer leur domination.

    Les factieux avaient bien préparé le terrain. Deux années de gouvernements réactionnaires leur avaient permis d’occuper des positions maîtresses, de s’emparer des ressorts du pouvoir, d’avoir en main la majorité de l’armée.

    Le 18 juillet 1936, tout l’appareil de l’Etat fut brisé. Le pouvoir fut dans la rue. Et c’est alors qu’on vit toute la grandeur de notre glorieux peuple, qui sut recréer l’appareil de l’Etat et donna ces légions d’hommes, ces légions de héros, qui défendent avec une si prodigieuse énergie le sol de leur patrie, leurs libertés, et le droit de la République espagnole que le fascisme tente d’étrangler…

    C’était aux premiers jours de l’insurrection. Une part de l’Espagne saignait sous la sauvage emprise de la réaction triomphante. La surprise, la félonie des traîtres qui, au premier moment, se présentèrent en arborant le drapeau de la République, avaient semé le désarroi dans les masses populaires qui, indécises, avaient peine à comprendre de quoi il s’agissait. Les factieux profitèrent de cette confusion pour soumettre quelques provinces. Pourtant, ils n’y parvinrent pas sans que des groupes d’ouvriers, de paysans, d’intellectuels, de soldats, ne luttassent et ne mourussent en défendant la République, en défendant la démocratie.

    Dans le reste de l’Espagne, en particulier là où l’éducation politique des masses était plus poussée, les travailleurs, attachés à la démocratie et à l’indépendance de l’Espagne, pleins de haine pour le fascisme, unis aux classes moyennes et à la petite bourgeoisie, se dressèrent en un élan de généreuse abnégation.

    Les partis et les organisations syndicales appelèrent le peuple à la lutte, et le peuple répondit de manière unanime. Un groupe de militaires de métier, loyaux à la République, restés au côté du gouvernement, se mirent à la tête de des colonnes hétérogènes d’hommes et de femmes, d’enfants même, qui, brûlant d’Indignation, s’élancèrent à l’assaut des repaires des insurgés.

    La caserne de la Montagne, le Campamento, Alcalda de Henares, furent les premières forteresses ennemies abattues par le peuple. Il y trouva des centaines de fusils qui servirent à armer les premières forces partant pour la Sierra de Guadarrama afin de contenir l’avance de l’ennemi qui, par les hauteurs de Leon et de Somosierra, tentait d’approcher de Madrid.

    Tout était désorganisé. Le groupe de militaires loyaux ne suffisait pas pour encadrer les milliers de volontaires qui voulaient lutter, qui partaient sans armes pour les fronts, décidés à les arracher à l’ennemi ou à attendre qu’un camarade tombe et qu’ils puissent reprendre son fusil ou son escopette.

    Durant plusieurs jours, la lutte resta indécise, confuse. Mais l’apparition d’avions italiens et allemands dans le ciel de l‘Espagne, l’aide délibérée de l’Italie et de l’Allemagne aux insurgés, apportèrent l’éclatante démonstration de ce qui l ne s’agissait pas d’un simple soulèvement réactionnaire, ni d’une mutinerie de caserne.

    Il s’agissait de quelque chose de plus grave, de plus sérieux, de plus dangereux. Il s’agissait des pyrites de Huelva du mercure d’Almaden, du fer d’Euzkadi, des fruits et des huiles de Valence et d’Andalousie. C’étaient les Baléares, le Maroc, c’était la domination de la Méditerranée qui étaient en jeu !

    C’est tout cela que convoitaient l’Allemagne et l’Italie, et il se trouva des hommes − qui se disent Espagnols − assez misérables et assez lâches pour ne pas hésiter à livrer ces richesses en échange de l’aide étrangère dans leur tentative pour soumettre le peuple espagnol au plus sombre des esclavages, à l ’esclavage fasciste. Les traîtres n’appartenaient pas au peuple. Ils constituaient une caste fermée. Ils étaient les descendants de ces militaires, de ces aristocrates qui, durant la guerre d’indépendance de 1808, trahirent et livrèrent l’Espagne en se soumettant à Napoléon, tandis qu’à Baylen et à Gérone, à Saragosse et à Madrid, le peuple conquérait au prix de flots de sang la liberté et l’indépendance de son pays.

    Le parti communiste fut le premier à sonner l’alarme.

    Ce n’est pas seulement une guerre contre les fascistes espagnols − écrivait le Mundo Obrero, 0rgane central du parti communiste, quelques jours après l’insurrection − mais une nouvelle guerre d’indépendance. Et pour faire face aux unités militaires que le fascisme international envoie contre notre peuple, il faut que nous organisions notre propre armée.

    Cette nécessité impérieuse de la lutte, notre gouvernement ne la comprit pas, comme ne la comprirent pas non plus les autres organisations et partis. La C.N.T. combattit de longs mois durant notre mot d’ordre de création de l’armée régulière. « L’Espagne est le pays des francs-tireurs, déclarait-on, et nous n’avons pas besoin d’armée. »

    Aussi bien les ministres républicains qui se succédèrent au gouvernement que le socialiste Largo Caballero perdirent, par leur incompréhension, un temps précieux, qui nous eût été fort nécessaire.

    Mais le parti communiste ne se contenta pas de lancer le mot d’ordre de la création d’une armée régulière. Il commença à l‘organiser, dans la mesure de ses possibilités, en créant le Ve Régiment.

    Aux derniers jours de juillet 1936, immédiatement après la prise de la caserne de la Montagne, le parti communiste commença à organiser les milices populaires, formations d’un type entièrement original. Ce n’était pas encore l’armée régulière, mais c’en était l’embryon, le commencement d’une organisation militaire uniformisée, disciplinée, dotée d’un commandement régulier.

    Tous les partis et toutes les organisations constituèrent leurs propres milices. La C.N.T., l’U.G.T., le parti socialiste, les partis républicains. Tous rivalisèrent d’ardeur pour donner des soldats, des hommes et des femmes pour les fronts.

    En différents points de Madrid, des casernes furent organisées. Cet exemple fut suivi dans le reste de L’Espagne. On y vît accourir des hommes et des femmes de toutes les tendances, de tous les âges. Ils voulaient se battre…

    Ils voulaient apprendre le maniement des armes, ils désiraient ardemment recevoir une instruction militaire, ils demandaient avec ferveur qu’ont les envoyât sur les fronts. Les militaires de métier se rendirent dans ces casernes pour y éduquer et préparer militairement les travailleurs. Les premiers bataillons de milices s’organisèrent. Certains d’entre eux furent bientôt populaires pour leur héroïsme, pour leur vaillance dans les combats, vaillance et héroïsme que le peuple exalta en de belles chansons. Ils se rendirent célèbres par leur mépris de la mort. Dans les fabriques comme au champs, dans les rues et sur les places, les ouvriers et les paysans, les enfants et les jeunes gens, entonnaient l’hymne des miliciens…

    Les bataillons d’acier
    En chantant vont à la mort…

    En quelques jours, les milices populaires croissent rapidement. Le Ve Régiment forme les bataillons suivants :

    « Loyal », « Jeunesses ouvrières et paysannes », « Octobre », Thaelmann », « Fer », « Lions rouges », « Balles rouges », « Boulangers », « La Plume », « Fédération des étudiants », « Asturies », « Condes », « Benito », « Leningrad », « Commune de Paris », « Commune de Madrid » « Marins de Cronstadt », « Jaen », « Lister », « P. U. A. » − toutes les glorieuses « compagnies de fer », numéros 1 à 33.

    En plus de ces bataillons, le parti communiste constitue la « Colonne Mangada », la « Colonne Galan », où combat le « Campesino », qui est aujourd’hui l’un des chefs militaires les plus populaires, et la « Colonne Perea ». Certains des bataillons cités plus haut sont créés par les Jeunesses.

    Aux côtés de ces forces constituées au sein du Ve Régiment et des Jeunesses, luttaient les colonnes de la C.N.T., de la F.A.I. et les milices du parti socialiste.

    Les organisateurs des milices populaires ne se bornèrent pas à les former en unités de caractère militaire. Ils organisèrent en même temps un travail d’éducation politique, publiant des journaux dont certains, comme la Milicia Popular, atteignit bientôt un tirage quotidien de 75.000 exemplaires.

    Chaque bataillon eut son journal. Dans les casernes et dans les tranchées, des journaux muraux furent créés. Les milices populaires les plus importantes et les plus remarquables étaient celles du Ve Régiment, et elles servirent d’exemple à celles créées par tous les partis et organisations. Ces milices organisèrent un Service militaire de santé et une Intendance qui servirent plus tard de modèles pour Les services de l‘armée. Elles organisèrent les premières bases d’une industrie de guerre, qui se mit à fabriquer des bombes, des munitions diverses, des autos blindées. On créa des ateliers fixes et volants pour la réparation des armes.

    Des hôpitaux modèles, des maisons de repos, des sanatoria, des homes pour les orphelins de miliciens, des ateliers de couture, des écoles de préparation militaire technique, des centres de lutte contre l’analphabétisme, furent également créés. Des groupes d’admirables artilleurs furent formés. On organisa les premiers bataillons de cavalerie. On prépara les ouvriers et les paysans à entrer dans les écoles techniques supérieures.

    C’est des milices du Ve Régiment que sortirent les premiers aviateurs. Ces hommes, qui jusque-là ne connaissaient que le maniement de leur antique charrue, tiennent aujourd’hui les commandes des avions républicains avec une adresse consommée et une maîtrise qui ne le cède en rien à celle des aviateurs sortis des écoles de préparation aéronautique des pays capitalistes.

    Les premiers tankistes, les groupes d’« antitankistes », les « dinamiteros » (création originale de la guerre du peuple espagnol), le premier bataillon de femmes, les premières Centuries internationales, les groupes de francs-tireurs qui, dans le camp ennemi , ont mené et continuent à mener un admirable travail, luttant les armes à la main et sabotant les mines, les centrales électriques, les ponts, les chemins de fer, les fabriques, etc. − toutes ces formations furent préparées, organisées, éduquées dans les casernes du Ve Régiment.

    Les milices réalisèrent un intense travail d’agitation et de propagande. Elles publièrent des centaines de milliers de manifestes, d’affiches. Elles organisèrent le travail de propagande dans le camp ennemi.

    Elles assurèrent leur union avec les populations de l’arrière en organisant d’innombrables manifestations de propagande, des représentations théâtrales, cinématographiques, des émissions radiophoniques. Elles formèrent des brigades de choc pour aider les paysans lors des semailles et des moissons. Elles établirent d’étroites relations avec les ouvriers des fabriques. Elles devinrent l’âme même du peuple, ses animatrices, prêtes à tout pour le défendre.

    Quatre bataillons des milices, « Leningrad », « Cronstadt », « Commune de Paris » et « Madrid », arrêtèrent l’avance de l’ennemi aux portes mêmes de la capitale de la République.

    La création des commissaires politiques (délégués, comme ils s’appelaient dans les milices) fut la conséquence logique des caractères politiques particuliers des milices.

    Le parti communiste, défenseur enthousiaste et dévoué du Front populaire, donna aux milices qu’il organisait un caractère d’unité bien marqué. Cependant, chaque jour qui passait faisait apparaitre plus clairement la nécessité de la création d’une armée régulière, d’autant plus que l’absence d’un commandement centralisé et les différentes tendances idéologiques qui dirigeaient et inspiraient tout le travail et la vie des milices, provoquaient parfois des heurts et des frictions bien propres à diminuer l’efficacité combative de nos forces.

    Nos hommes luttaient sans plan organisé, contre des années puissantes, des chefs militaires sachant organiser et diriger la guerre. C’est ainsi que nous subîmes les défaites du Nord, les déroutes de Malaga et de Tolède. Chez nos soldats, tout était enthousiasme, courage, esprit de sacrifice, abnégation, mais aussi absence de moyens techniques. Chez l’ennemi, il y avait la science militaire, une discipline de fer, une organisation, un abondant matériel de guerre.

    Instruites par les dures leçons des luttes de chaque jour, grâce aussi au dévouement des militaires professionnels et à l’aide de tous les partis et organisations, particulièrement du parti communiste, nos milices se transformèrent, au feu même des combats, en organisations militaires de plus en jour plus disciplinées, plus conscientes.

    En même temps que les milices populaires, les unités militaires qui avaient subsisté après l’insurrection, se développaient puissamment, grâce aux renforts et à l’incorporation de nombreux volontaires, venus des villes et des champs combattre pour la défense des libertés populaires, L’existence parallèle des milices et de des restes de l’armée constituait un obstacle à la réalisation systématique de grandes opérations.

    Le 21 octobre 1936, répondant à l’ardent désir de la majorité des milices, qui voulaient être considérées comme des unités régulières de l’armée, Largo Caballero publiait un décret incorporant à l’armée régulière toutes les milices qui existaient alors. Leurs chefs furent, mis sur un pied d’égalité avec les officiers de métier de l’armée.

    L’incorporation des milices aux formations régulières eut pour effet de créer une armée d’une nature foncièrement différente de celle de l’armée espagnole d’avant l’insurrection fasciste. Les milices apportèrent à l’armée toute la sève, la vigueur et l’enthousiasme du peuple.

    Le corps des commissaires politiques qui avait été l’âme et l’esprit des milices populaires, fut également incorporé à l’armée régulière, où, comme au sein des milices, les commissaires, par leur travail dévoué, héroïque, inlassable, font de chaque soldait, de chaque chef, un ferme combattant de la liberté et de la démocratie.

    Tous les chefs et les officiers de l’Armée populaire régulière de l’Espagne savent qu’ils luttent non seulement pour l’indépendance de leur pays, pour libérer notre patrie de l’Invasion fasciste, mais aussi pour jeter les bases d’une Espagne nouvelle.

    Tous savent qu’ils luttent pour qu’en Espagne il n’y ait plus de paysans sans terre, pour qu’on ne voie pas ressusciter les caciques, pour que les ouvriers jouissent d’une vie de dignité et de culture, pour que les femmes ne soient pas les éternelles esclaves, pour que soient abolis les castes et les privilèges d’une minorité.

    L’armée est en marche. Et l’armée de l’Espagne républicaine n’est plus la vieille armée où les hommes étaient, tout juste bons à servir de chair à canon, une armée avec laquelle personne ne comptait en cas de guerre. Aucune armée du monde capitaliste n’offre le merveilleux spectacle que donne la nôtre. Sur la ligne même du feu, les milices de la culture se dépensent, sans compter pour lutter contre l’analphabétisme, et les hommes qui ont appris à lire et à écrire au front se comptent par milliers.

    Nos soldats ne sont plus les miliciens des premières semaines, déguenillés, mal armés, indisciplinés, pleins d’héroïsme et dénués de préparation militaire. Ce sont des soldats redoutables qui unissent à leur vaillance et à leur héroïsme une préparation militaire poussée, une connaissance technique de la guerre qui leur a permis d’anéantir les divisions allemandes à Jarama, d’écraser les unités italiennes à Guadalajara, de conquérir Brunete, Villanueva del Pardillo, Villanueva de la Canada et tant d’autres localités.

    Ce sont les soldats de l’armée régulière qui ont conquis Belchite, Quinto et Codo ; ce sont eux, les braves qui remportèrent la victoire de Teruel et qui résistent aujourd’hui avec sérénité à la furieuse offensive des forces fascistes.

    Nous avons une armée, et nous pouvons dire avec un légitime orgueil que c’est une armée sortie du peuple et au service du peuple. Une armée qui est l’expression même du Front populaire. Une armée résolue à poursuivre les glorieux exploits de ses premières grandes victoires, une armée qui a une âme, une armée qui vit, une armée qui se bat aujourd’hui avec un héroïsme exemplaire pour l’Espagne, pour la démocratie, pour la paix du monde.

    Nous avons créé cette armée en luttant non seulement contre les fascistes espagnols et leurs alliés allemands et italiens, mais aussi, chose plus douloureuse, contre l’indifférence et la trahison des pays qui se disent démocratiques.

    Nous avons plus d’un demi-million d’hommes sous les armes. Nous avons la possibilité d’atteindre le million, Nous disposons de réserves inépuisables. En même temps que nous nous défendons, que nous défendons notre sol, nous avons créé une industrie de guerre aujourd’hui en plein développement.

    Nous n’avions pas de tanks ; aujourd’hui nous avons des régiments de tanks et de chars d’assaut. Nous n’avions pas d’aviation ; nous en avons une aujourd’hui, et des pilotes capables de rivaliser avec les meilleurs du monde. Nous n’avions pas de moyens de transport ; nous avons aujourd’hui des milliers de camions qui circulent sur tous les fronts et toutes les routes d’Espagne. Nous n’avions pas d’artillerie ; nos artilleurs et nos batteries jouent aujourd’hui un rôle décisif dans les combats.

    Nous avons réorganisé notre cavalerie, et nous avons aujourd’hui d’importantes unités de cette arme. Nous n’avions pas assez d’officiers, et en une année et demie de guerre de nouveaux cadres ont été formés, qui n’ont rien à envier aux hommes sortis des anciennes académies militaires.

    La tradition n’a pas été rompue. L’Espagne continue à être une source inépuisable de héros. Nous ressentons une profonde fierté à l’idée que nous avons des hommes tels que le général Miaja, défenseur de la capitale de la République ; tels que le général Rojo, artisan de la victoire de Teruel ; tels qu’Hernandez Sarabia, Pozas, Cordon, Estrada, Burillo, Marquez, les frères Galan, Vivancos, chefs et officiers loyaux de notre armée : tels que Lister, Modesto, El Campesino, Carton, Toral, Durutti, Mera, et tant d’autres, dont les noms formeraient une liste interminable. Nous sommes fiers de l’héroïsme obscur et silencieux de nos commissaires qui sont « les premiers à avancer, les derniers à reculer ».

    Nous avons aujourd’hui plus confiance que jamais dans le triomphe de notre cause. Notre confiance s’appuie nom seulement sur le sentiment de la justice de la cause que noms défendons, mais aussi sur la force de notre armée, sur notre potentiel militaire. Nous combattons à l’avant-garde de la lutte de la démocratie mondiale contre le fascisme.

    Les sacrifices ne nous importent pas. Nous souhaitons seulement que les pays qui se sont contentés jusqu’ici de nous témoigner une admiration platonique, comprennent la responsabilité historique qui pèse sur eux et se décident une fois pour toutes à mettre un terme à leur politique de concessions et de tergiversations face aux fanfaronnades du fascisme. Le fascisme n’est fort que pour autant que ses adversaires se montrent faibles.

    L’Espagne donné l’exemple. Notre peuple montre aux démocraties le chemin qui conduit à la victoire.

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  • Dolores Ibarruri (La Pasionaria) – ¡No pasarán!

    [Dolores Ibarruri (La Pasionaria), ¡No pasarán!, 19 juillet 1936, Appel effectué du balcon du ministère de l’intérieur à Madrid]

    Ouvriers ! Paysans !

    Antifascistes ! Espagnols patriotes !

    Face au soulèvement militaire fasciste, tous debout ! Défendons la République ! Défendons les libertés populaires et les conquêtes démocratiques du peuple !

    Par les communiqués du gouvernement et du Front populaire, le peuple connaît la gravité du moment actuel.

    Au Maroc et aux Canaries, les travailleurs sont en lutte aux côtés des forces restées fidèles à la République, contre les militaires et les fascistes insurgés.

    Au cri de :  » Le fascisme ne passera pas, les bourreaux d’octobre ne passeront pas ! »…

    Les ouvriers et les paysans de diverses provinces d’Espagne s’incorporent à la lutte contre les ennemis de la République. Les communistes, les socialistes et les anarchistes, les républicains démocrates, les soldats et les forces demeurées loyales à la République ont infligé les premières défaites aux factieux qui traînent dans la boue de la trahison l’honneur militaire dont ils se glorifiaient tant.

    Tout le pays vibre d’indignation devant ces misérables qui veulent plonger l’Espagne démocratique et populaire dans un enfer de terreur et de mort. Mais ils ne passeront pas ! 

    L’Espagne entière s’apprête au combat. A Madrid, le peuple est dans la rue, soutenant le gouvernement et le stimulant avec son énergie et son esprit de lutte, pour que les militaires et les fascistes insurgés soient totalement écrasés. Jeunes, préparez-vous au combat !

    Femmes, héroïques femmes du peuple ! Souvenez-vous de l’héroïsme des femmes des Asturies en 1934. Luttez vous aussi aux côtés des hommes pour défendre la vie et la liberté de vos enfants que le fascisme menace !

    Soldats, fils du peuple ! Restez fidèles au gouvernement et à la République, luttez aux côtés des travailleurs, aux côtés des forces du Front populaire, aux côtés de vos parents, de vos frères et de vos camarades ! Luttez pour l’Espagne du 16 février, luttez pour la République, aidez-les à vaincre !

    Travailleurs de toutes tendances ! Le gouvernement met entre vos mains des armes pour sauver l’Espagne et le peuple de l’horreur et de la honte que représenterait la victoire des bourreaux d’octobre couverts de sang. Que nul n’hésite ! Soyez tous prêts pour l’action ! Chaque ouvrier, chaque antifasciste doit se considérer comme un soldat en armes.

    Peuples de Catalogne, du Pays basque et de Galice ! Espagnols de partout ! Défendons la République démocratique, consolidons la victoire obtenue par le peuple le 16 février.

    Le Parti communiste vous appelle au combat. Il appelle tout spécialement les ouvriers, les paysans, les intellectuels à occuper un poste de combat pour écraser définitivement les ennemis de la République et des libertés populaires.

    Vive le Front populaire ! Vive l’union de tous les antifascistes ! Vive la République du peuple ! Les fascistes ne passeront pas ! Ils ne passeront pas ! [¡No pasarán!]

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  • La guerre d’Espagne: trahison et déroute de la République

    L’union UGT-CNT et le renforcement de l’unification des forces dans le régime républicain ne pouvaient pas aller sans contradictions, dont la première victime fut Francisco Largo Caballero. Son positionnement visant à placer le PSOE comme seul guide au-delà de la mêlée ne pouvait plus fonctionner après la crise de 1937, qui le voit être remplacé par Juan Negrín, également du PSOE.

    Ce dernier était moins à gauche politiquement, mais il était un fervent partisan de l’unité républicaine, de l’unification des forces, de leur rationalisation.

    Juan Negrín

    Son nouveau gouvernement, en mai 1937, fut composé de trois membres du PSOE, deux de la Gauche Républicaine, un de la Gauche Républicaine de Catalogne, un du parti de l’Union Républicaine, deux du PCE, un du PSUC, un du Parti Nationaliste Basque, la CNT préférant rester à l’écart le temps en quelque sorte de « digérer » la situation, avant donc de revenir en avril 1938.

    Ce gouvernement d’avril 1938 se composait comme suit : quatre ministres PSOE (Premier ministre ainsi que Défense nationale, État, Intérieur, Justice), un du PCE (Agriculture), un de la CNT (Santé publique et Éducation), trois de la Gauche Républicaine (Finances et Économie, Travaux publics et un sans portefeuille), un de la Gauche Républicaine de Catalogne (Travail et Assistance sociale), un du parti de l’Union Républicaine (Communications et Transports), un du Parti Nationaliste Basque (sans portefeuille).

    Cette disposition reflétait l’esprit d’union, dans un esprit républicain, avec en arrière-plan la CNT et l’UGT formant le noyau dur du régime, ce qui devait s’accompagner pour ces syndicats, bien sûr, d’une avancée sociale formidable lorsque la victoire serait atteinte. Le PCE était le fer de lance de cette opération de modernisation de la République, afin d’en faire un bastion imprenable.

    Le poing levé rapproché de la tête, symbole du Front populaire

    Juan Negrín apparaissait ainsi comme celui qui tenta de sauver la mise coûte que coûte, en profitant de l’unification des forces politiques pour renforcer l’économie de guerre et se maintenir en considérant que la Seconde Guerre mondiale, qui ne pouvait être qu’imminente, modifierait les rapports de force ; la République sachant se maintenir, vaille que vaille, si l’Espagne n’avait plus le soutien germano-italien.

    C’est la raison pour laquelle fut décidé le départ des Brigades Internationales, comme opération diplomatique internationale appelant au désengagement, et que son programme en Treize points, du 30 avril 1938, visait à l’unité la plus large et se voulait un programme d’accord faisant vaciller le camp de l’armée franquiste :

    1. Assurer l’indépendance absolue et la totale intégrité de l’Espagne
    2. Départ des troupes étrangères
    3. République démocratique avec un gouvernement jouissant de toute l’autorité
    4. Référendum pour déterminer la structure juridique et sociale de la République espagnole
    5. Libertés régionales sans nuire à l’unité espagnole.
    6. Liberté de conscience et de culte garantie par l’état
    7. Garantie de la propriété légitime et protection des moyens de production
    8. Démocratie paysanne et abrogation de la propriété semi-féodale
    9. Législation sociale qui garantit les droits du travailleur
    10. Amélioration culturelle, physique et morale de la race
    11. Armée au service de la nation, sans l’influence des partis
    12. La guerre n’est plus considérée comme instrument de la politique nationale
    13. Amnistie large pour les Espagnols qui veulent reconstruire et fortifier l’Espagne

    L’armée de Franco, bien supérieure militairement, comptait toutefois aller jusqu’au bout ; Juan Negrín le savait et résumait par conséquent sa pensée ainsi :

    « Continuer de se battre, parce qu’il n’y avait pas d’autres choix, même si vaincre n’était pas possible, sauver donc ce qui pouvait l’être – et au bout du compte notre respect de soi-même… Pourquoi continuer de résister ? Simplement parce que nous savions ce que la capitulation signifierait. »

    En décembre 1938, le gouvernement fut obligé de quitter Barcelone pour Gérone, puis pour Figueras, les troupes franquistes envahissant en deux mois la Catalogne, provoquant une fuite de 400 000 personnes vers la France.

    Dans la foulée, la Grande-Bretagne et la France, qui avaient pratiqué un blocus maritime de « non-intervention », reconnurent le régime. Le maréchal Pétain devint le nouvel ambassadeur de France en Espagne et les accords Bérard-Jordana franco-espagnols furent mis en place, établissant une sorte de bon voisinage diplomatique.

    L’esprit de capitulation prédomina alors dans le reste du territoire républicain. Julián Besteiro, un socialiste tentant d’amener les Britanniques à promouvoir une sorte de compromis, et le militaire Segismundo Casado, organisèrent une junte militaire afin de renverser le régime.

    Un Consejo de Defensa Nacional (Conseil de Défense National) fut érigé en mars 1939, appelant à la capitulation, ce que réfutaient Juan Negrín, tant qu’il n’y avait pas de garanties certaines, et bien sûr les communistes, qui furent alors les grandes cibles militaires du coup d’État, notamment à Madrid, où fut même exécuté Luis Barceló, dirigeant du premier corps d’armée du Centre.

    Le coup de force réussit, au prix de 2000 morts, avec l’appui de la CNT (et notamment du militaire Cipriano Mera qui dirigea l’écrasement des communistes à Madrid), et de l’aile droite de l’UGT, nommant chef du gouvernement le général José Miaja. Mais Franco refusa quoique ce soit d’autre que la capitulation totale.

    La zone républicaine en février 1939

    Le 1er avril 1939, Franco put ensuite annoncer la victoire finale, alors que furent exécutés 50 000 personnes dans la foulée, 500 000 autres étant emprisonnées.

    Quant au coup d’État, il eut tout de même le mérite du point de vue franquiste de dédramatiser la fin de la République, de la transformer en capitulation politique.

    Il est significatif sur ce plan que le cénétiste Cipriano Mera fut par la suite gracié et expulsé par le régime fasciste de Franco en 1946, qu’un bateau anglais amena José Miaja au Mexique avec sa famille, tandis que Segismundo Casado exilé en Amérique latine put revenir sans soucis en Espagne dès 1961, tentant même sans succès de réintégrer l’armée.

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  • La guerre d’Espagne et l’unité CNT – UGT

    Ce qui caractérise l’Espagne républicaine, c’est la prédominance de l’esprit révolutionnaire, les masses s’engouffrant dans les organisations de gauche, mais aussi dans les deux syndicats : l’Union General de Trabajadores (UGT) fondé en 1888 et lié au PSOE, la Confederacion National del Trabajo (CNT), fondée en 1910 et ayant comme objectif le communisme libertaire.

    Affiche de la CNT :
    Dans les champs et les usines, aux syndicats !

    La lutte contre le fascisme avait galvanisé les masses, renforçant leur détermination, mais aussi leur conscience de la situation. Deux dynamiques s’entrecroisaient alors, se soutenant et se confrontant.

    La CNT était extrêmement puissante en Catalogne, son bastion ; elle représentait, de par sa tradition, une force capable d’organiser. C’était d’une valeur inestimable alors que la société devait se réorganiser.

    La décentralisation, source de faiblesse pour la CNT en raison de l’absence de ligne politique claire, s’avérait excellente pour prendre des initiatives à la base, par les milices tout d’abord, la gestion d’entreprises ensuite.

    Affiche de la CNT-FAI :
    Dans les champs et les usines, aux syndicats !

    L’UGT était très faible en Catalogne, mais disposait d’une qualité que la CNT n’avait pas : la liaison avec le PSOE qui permettait une grande capacité politique et donc des choix pouvant être décisifs. Cela est d’autant plus vrai que le PCE participait à cet élan transformant tant l’UGT que le PSOE en organisations révolutionnaires.

    En octobre 1937, le comité national de l’UGT avait nommé ses dirigeants, pratiquement tous du PSOE, avec une toute petite minorité du PCE, mais malgré tout avec une tendance essentielle à l’unité.

    Camarade : pour l’alliance UGT CNT

    C’est cela qui changeait tout, alors que la ligne ultra, avec le POUM et une partie de la CNT, avait été mise de côté. L’unification était inévitable, restait à savoir de quelle manière.

    De fait, dès juillet 1937, le principe de systématiser à tous les niveaux du pays les comités UGT-CNT avait été mis en avant par les deux syndicats. Il semblait inconcevable qu’il y ait deux syndicats majeurs, avec tous deux plus d’un million de membres, prétendant avoir les mêmes objectifs révolutionnaires.

    Reste que cela posait problème quant à l’unité à réaliser, à l’unification : s’agissait-il d’un saut qualitatif, ou simplement d’un moyen pour la CNT de phagocyter le gouvernement, qui était sous hégémonie du PSOE ?

    UGT CNT
    Unité ouvrière pour écraser le fascisme

    La CNT voulait-elle réaliser un gouvernement syndical, ce que refusaient l’UGT, le PSOE et le PCE ? Inversement, ces dernières accepteraient-elles les exigences de la CNT concernant les initiatives à la base ?

    L’unité d’action, décidée en 1938, montre qu’il s’agissait bien, chez tous, d’aller dans le sens de l’unification. L’UGT et la CNT reconnurent le gouvernement, tout en se présentant en quelque sorte comme la colonne vertébrale du régime. Toute une série de meetings fut menée sur le territoire républicain, afin de présenter l’alliance des travailleurs révolutionnaires comme une force essentielle de soutien au gouvernement.

    Tant la CNT que la FAI adhérèrent de ce fait au Front populaire, la CNT ayant de nouveau un ministre au gouvernement.

    Vers l’unité d’action de la classe ouvrière pour la victoire dans la guerre et dans la révolution des travailleurs d’Espagne, unissons-nous !

    C’était une victoire historique pour le mouvement ouvrier, car cela témoignait de la capacité à s’unir face à l’adversité, de se lancer dans la bataille pour la production.

    La CNT n’avait plus rien à voir avec une organisation excellente dans son organisation à la base, mais totalement velléitaire dans ses projets, voire franchement aventuriste. A partir du moment où elle avait accepté d’avoir des ministres, elle rompait avec sa culture, s’étant toujours vantée jusque-là de ne jamais avoir eu de permanents.

    UGT CNT, une puissance qui en résulte

    La CNT avait surtout compris que la situation catalane était particulière, que le reste de l’Espagne connaissait une situation totalement différente, sans parler évidemment des zones dominées par l’armée putschiste, où la terreur assassinait tous les cadres révolutionnaires.

    Elle contribuait à la dynamique générale avec sa propre expérience, très riche, d’organisation ouvrière. Cela avait un prix toutefois. L’absence d’expérience politique faisait que la situation exigeait une centralisation que la CNT ne savait pas gérer.

    Un comité national fut mis en place, ses décisions données aux comités régionaux tenues clandestines pour des raisons de sécurité, un comité exécutif se chargeant finalement des choix politiques, laissant à la base de simples aspects économiques.

    Cela provoqua une cassure historique avec les courants ultras de l’anarchisme, ainsi qu’avec les forces anarcho-syndicalistes dans le monde.

    Affiche de la CNT pour l’unité syndicale, avec un foulard rouge et un foulard rouge et noir.

    Le PSOE avait de son côté également changé ; la ligne de Largo Caballero était remise en cause : il apparaissait clairement que le PSOE n’était pas en mesure d’agir seul. La conception d’un PSOE menant seul la révolution s’effondrait exactement comme s’était écroulée la social-démocratie autrichienne. Un « parti socialiste » pratiquement communiste sans l’assumer sombrait dans des contradictions fondamentales.

    Quant au PCE, tout cela était finalement la clef de voûte de son travail politique : l’unification de toutes les organisations ouvrières, une unité complète des masses, voilà ce qui composait la ligne de l’Internationale Communiste comme base sur lequel devait s’élever un Front populaire (puis une Démocratie populaire).

    C’était le sens de la fondation des Juventudes Socialistas Unificadas (JSU), en 1936, avec comme socle l’unification de la Unión de Juventudes Comunistas de España et des Juventudes Socialistas de España.

    Il s’agissait d’une dynamique en deux temps : l’unité-unification devait former le noyau d’un régime ayant une démarche républicaine pour ne pas perdre la petite-bourgeoisie ni la bourgeoisie libérale.

    Affiche de la Fédération ibérique des Jeunesses Libertaires en faveur de l’unité UGT CNT

    Le problème était ici que la position unificatrice du PCE rentrait en conflit avec la ligne de la CNT, qui était de pousser l’UGT à ce que toute la société passe sous la coupe des syndicats. Cela ne posait pas en soi de problèmes au PCE, à part qu’il s’agissait de ne pas s’aliéner les classes non révolutionnaires pourtant alliées au régime pour des raisons historiques, ni non plus de basculer dans ce que le PCE considérait être un « égoïsme syndical ».

    Nouvelle Espagne antifasciste

    Le grand souci était celui de l’efficacité : dans le cas d’entreprises réduites au niveau familial, la productivité était faible. Dans tous les cas, les collectivisations tendaient à renforcer la décentralisation, ou un basculement vers le syndicat, au lieu de vers le gouvernement central en plein affrontement militaire avec l’armée putschiste disposant désormais d’un vaste territoire.

    Le PCE était, pour cette raison, doté d’un grand prestige chez les officiers, chez les diplômés, apparaissant comme ferme militairement, mais temporisant socialement, ce qui rassurait la petite-bourgeoisie et faisait de l’aile droite du PSOE une alliée.

    Tout dépendrait donc de la capacité de la CNT à ne pas vouloir aller trop vite, à l’opposé de ce qui avait été le plus souvent fait jusque-là. Le problème fut alors le manque de temps : l’armée putschiste n’avait pas attendu ce gigantesque éclaircissement au sein du camp républicain.

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  • La guerre d’Espagne et la crise de 1937

    Au début de l’année 1937, l’Espagne républicaine est sur la défensive ; elle a su défendre Madrid, elle profitait de l’aide de l’U.R.S.S. et des Brigades Internationales, mais l’initiative restait dans le camp du putsch de Francisco Franco.

    Affiche du PSU : Les nuits sont fraîches, travaille pour le front

    Le 8 février, l’armée putschiste prenait ainsi l’importante ville de Málaga, pratiquant meurtres et viols en masse, au point d’horrifier l’armée italienne.

    Lors de cette bataille, les milices, la plupart anarchistes, n’étaient pas réorganisées dans l’Armée Populaire Républicaine, et n’appliquaient pas des méthodes modernes : on ne trouvait ni tranchées, ni barrages. C’était un exemple, parmi tant d’autres, de l’esprit anarchiste refusant le centralisme et les grades, au profit de l’esprit milicien.

    Les forces de l’armée populaire républicaine

    L’urgence de la situation accéléra le processus de maturation des contradictions. En avril, la ville de l’indépendance basque, Guernica, fut bombardée par la légion Condor ; elle est prise dans la foulée, tout comme rapidement après Bilbao. C’est ensuite l’Aragon qui tombe, puis la ville de Santander.

    L’offensive républicaine pour soulager Madrid dans la bataille de Brunete échoua également ; les Brigades Internationales y virent un tiers de leurs membres tués, un autre tiers blessé ; au total, cette bataille causa la mort de 20 000 personnes du côté républicain (contre 17 000 chez les « nationaux »), avec la perte également de la moitié de l’aviation, pour un gain de 5 km. Le Nord-Ouest de l’Espagne, qui résistait encore, tomba finalement aussi.

    Nécrologie dans l’organe du 5e régiment de Buenaventura Durruti, grande figure communiste libertaire, salué ici comme un un héros du peuple

    Par contre, la bataille du Jarama, au prix du sang, se termina par un statu quo, empêchant Madrid d’être coupé du Nord-Est encore libre, ce à quoi contribua également la victoire dans la bataille de Guadalajara. L’armée putschiste se rapprocha cependant tellement de Valence, la nouvelle capitale, que le gouvernement républicain dut être évacué en novembre à Barcelone.

    Entre-temps, dans cette même ville, l’ultra-gauche avait profité de l’atmosphère de tension pour réaliser un coup de force. Elle profita pour cela du fait que, afin de pacifier cette dernière ville et d’éviter les tensions internes multiples entre la CNT et la République pour le contrôle des patrouilles, la manifestation du premier mai fut annulée.

    Affiche du PSU : La cinquième colonne est un péril

    En l’absence d’esprit unitaire, la moindre étincelle pouvait provoquer des troubles, qui partirent effectivement, le lendemain, de la prise de contrôle du central téléphonique par les gardes d’assauts républicains en raison du refus fréquent des téléphonistes CNT de faire suivre les messages gouvernementaux, n’hésitant pas à interrompre même le président de la République, le ministre de la marine et de l’Armée de l’air, le président de la Généralité de la Catalogne.

    La CNT répondit à la visite des gardes d’assaut par des coups de feu et dans la foulée, sur la principale place, des barricades sont érigées à l’initiative de l’ultra-gauche, composée principalement des « Amis de Durruti », du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste, des « léninistes-bolcheviques » et des jeunesses anarchistes.

    Des affiches furent collées dans la ville, appelant à l’exécution des dirigeants socialistes et républicains, au nom de la révolution.

    Dans les semaines qui précédèrent l’insurrection, les « Amis de Durruti » avaient collé des affiches avec cet appel :

    « Agrupación de Los Amigos de Durruti. A la classe travailleuse :

    1 – Constitution immédiate d’une Junte révolutionnaire formée par les ouvriers de la ville, de la campagne et par les combattants.

    2 – Salaire familial. Carte de rationnement. Direction de l’économie et contrôle de la distribution par les syndicats.

    3 – Liquidation de la contre-révolution.

    4 – Création d’une armée révolutionnaire.

    5 – Contrôle absolu de l’ordre public par la classe travailleuse.

    6 – Opposition ferme à tout armistice.

    7 – Justice prolétarienne.

    8 – Abolition des échanges de personnalité. [N.D.T. : Echange entre Franco et la République de prisonniers antifascistes contre des prisonniers fascistes.]

    Travailleurs, attention ! Notre regroupement s’oppose à l’avancée de la contre-révolution. Les décrets sur l’ordre public, soutenus par Aiguadé, ne seront pas appliqués. Nous exigeons la liberté de Maroto et des autres camarades détenus.

    Tout le pouvoir à la classe travailleuse. Tout le pouvoir économique aux syndicats.

    Contre la Généralité, la Junte révolutionnaire. »

    Voici le contenu d’un tract des « Amis de Durruti » du début de mai 1936 :

    « CNT – FAI Agrupación de Los Amigos de Durruti.

    TRAVAILLEURS !

    Une junte révolutionnaire. Exécution des coupables. Désarmement de tous les corps armés. Socialisation de l’économie. Dissolution des partis politiques qui ont agressé la classe des travailleurs.

    Ne cédons pas la rue. La révolution avant tout. Nous saluons nos camarades du POUM qui ont fraternisé dans la rue avec nous.

    VIVE LA REVOLUTION SOCIALE ! A BAS LA CONTRE-REVOLUTION ! »

    Voici le texte d’un tract diffusé au même moment, dans le même esprit, par les bolcheviques-léninistes, c’est-à-dire les trotskystes :

    « VIVE L’OFFENSIVE REVOLUTIONNAIRE ! Aucun compromis ! Désarmement de la Garde nationale républicaine et des gardes d’assaut réactionnaires.

    C’est le moment décisif. Plus tard il sera trop tard.

    Grève générale dans toutes les usines, sauf celles qui sont liées à la poursuite de la guerre, jusqu’à la démission du gouvernement réactionnaire.

    Seul le pouvoir ouvrier peut assurer la victoire. Armement total de la classe ouvrière ! Vive l’unité d’action C.N.T.-F.A.I.-P.O.U.M. ! Vive le front révolutionnaire du prolétariat ! Comités de défense révolutionnaires dans les ateliers, les usines et les districts ! »

    Cette ultra-gauche proposa à la CNT de renverser le régime, mais celle-ci refusa et appela à cesser tout combat, alors que le PCE fut aux premières loges pour s’affronter militairement au coup de force.

    Finalement, la République parvint à pacifier les rues, au moyen de 6000 gardes d’assaut, dont une partie importante était anarchiste, saluant le drapeau noir et rouge de la CNT en passant devant son siège, alors que l’aviation annonce aux 28e division, ancienne colonne Ascaso, et 29e division du POUM qu’elles seront bombardées si elles continuent leur marche sur Madrid. La tentative de coup d’État aura fait 500 morts.

    Les « Amis de Durruti » furent en conséquence exclus de la CNT. C’était un symbole déchirant pour la CNT : Buenaventura Durruti avait été la grande figure insurrectionnelle de la CNT, la grande figure de l’idéologie des milices, lui-même avait été tué à Madrid en 1936, reparti au combat alors que sa colonne avait été pratiquement anéantie quelques jours auparavant, 400 personnes survivant sur 3000.

    Le groupe des « Amis de Durruti », rassemblant plusieurs milliers de personnes, possédait une véritable légitimité anarchiste, sa ligne étant celle de la CNT historiquement.

    Voici ce que les « Amis de Durruti » reprochaient à la CNT, dans leur organe El Amigo del Pueblo (l’ami du peuple), en février 1938 :

    « Lorsqu’une organisation a passé toute sa vie à défendre la révolution sociale, elle a l’obligation de la faire lorsque précisément l’occasion s’en présente. En juillet, la conjoncture y était favorable. La CNT devait se jucher jusqu’au sommet de la direction du pays, en donnant des coups de pieds qui en auraient fini avec tout ce qui était archaïque, avec tout ce qui était vétuste, et ainsi nous aurions gagné la guerre et nous aurions gagné la révolution.

    Mais c’est tout le contraire qui se produisit. C’est la collaboration avec la bourgeoisie dans les sphères étatiques qui fut choisie, au moment précis où l’Etat éclatait en mille morceaux. »

    C’était là un idéalisme le plus complet. Inversement, en choisissant de ne pas renverser la République, la CNT montrait qu’elle avait rompu avec sa perspective insurrectionnelle et compris la nature du nouveau régime, allant dans le sens de l’unification des forces révolutionnaires.

    Quant au Parti Ouvrier d’Unification Marxiste (Partido Obrero de Unificación Marxista), sa tentative d’appuyer les « Amis de Durruti » tant militairement que politiquement, ou encore pratiquement avec leur imprimerie, lui coûta très cher.

    Affiche de la JSU dénonçant le POUM pour sa ligne anti-Front populaire

    Dirigé par un ancien secrétaire national de la CNT, Andreu Nin qui fut retrouvé exécuté, le POUM a été la cible d’une offensive tout azimut de la part du PCE.

    Aux yeux du PCE, la tentative d’insurrection à Barcelone montrait que le POUM était une cinquième colonne, terme utilisé par les franquistes pour désigner leurs partisans clandestins au sein du territoire républicain.

    Affiche anti-POUM appelant à démasquer le masque du provocateur fasciste

    Le PCE fit pression et obtient que le POUM, dont le positionnement était en fin de compte anti-antifasciste, dans l’esprit trotskyste, soit interdit pour ses activités anti-républicaines ; fort de quelques milliers de membres, il n’existait en tant que tel qu’en Catalogne.

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  • La guerre d’Espagne, Madrid invincible et le Parti Communiste d’Espagne

    Deux forces principales existaient à gauche au moment du coup d’État militaire de Francisco Franco : le gouvernement, d’esprit libéral-démocratique et socialisant, ainsi que la CNT. Le premier entendait maintenir le régime, suivant une ligne de front antifasciste, sans armer les masses pour autant ; la seconde entendait armer les masses, mais sans se préoccuper du régime ni du front antifasciste.

    Les deux furent obligés de composer, en raison de la situation : sans un régime centralisé, on ne pouvait faire face à l’armée de Franco et sans les masses, la lutte était impossible.

    L’armée populaire est l’armée de la république

    On comprend l’impact énorme que pouvait avoir le Parti Communiste d’Espagne (PCE), qui se positionnait à la fois pour le front antifasciste, ainsi que pour l’armement des masses.

    Ouvriers, paysans, soldats, intellectuels,
    renforcez les rangs du Parti Communiste

    Cette combinaison s’avérait d’autant plus juste avec la situation de Madrid. La CNT y était peu présente et lorsque le gouvernement décida de quitter précipitamment la ville menacée pour s’installer à Valence, c’est le PCE qui assuma le combat.

    D’abord gagner la guerre,
    moins de discours vains !

    Voici comment le journaliste soviétique Mikhail Koltzov raconte ce qu’il a vu le 6 novembre 1936 :

    « Je me mis en route pour le ministère de la guerre, au commissariat pour la guerre. Il n’y avait pratiquement personne. J’allais aux bureaux du premier ministre. Le bâtiment était fermé. J’allais au ministère des affaires étrangères. C’était déserté.

    Au bureau de censure de la presse étrangère un officiel me dit que le gouvernement, deux heures auparavant, avait reconnu que la situation à Madrid était désespérée et était déjà parti. Largo Caballero avait interdit la publication de la moindre information au sujet de l’évacuation « afin d’éviter la panique ».

    J’allais au ministère de l’intérieur. Le bâtiment était pratiquement vide. J’allais au comité central du Parti Communiste. Une réunion plénière du Bureau Politique s’y tenait. Ils me dirent que ce même jour Largo Caballero avait subitement décidé d’évacuer.

    Sa décision a été approuvée par la majorité du cabinet. Les ministres communistes voulaient rester, mais il leur avait été rendu clair qu’un tel pas discréditerait le gouvernement et qu’ils étaient obligés de partir comme tous les autres.

    Même les plus connus dirigeants des différentes organisations, pas plus que les départements et agences d’État, avaient été informé du départ du gouvernement. Ce n’est qu’au dernier moment que le ministre dit au chef de l’équipe centrale générale que le gouvernement partait. »

    Mikhail Koltzov raconte alors qu’il continue de visiter tous les bâtiments, sans trouver personne. Les portes étaient toutes ouvertes, tout était abandonné sur place. Le PCE s’est alors retrouvé en première ligne, formant le noyau dur des forces armées défendant Madrid, transformant cette ville en bastion inexpugnable de la révolution. Madrid était la forteresse, la ville invincible de l’antifascisme.

    Appel du 5e régiment : Pour défendre Madrid
    enrôle toi dans les 4 bataillons de choc

    Le PCE était arrivé très difficilement à ce niveau d’organisation. Il est pourtant né très tôt, dès 1921, de la fusion du Parti Communiste Espagnol fondé en 1919 par des jeunes socialistes et du Parti Communiste Ouvrier Espagnol fondé en 1920 par des socialistes, notamment dans les régions de Bizkaye et des Asturies.

    Son dirigeant, Antonio García Quejido (1856-1927), est une figure du PSOE, dont il avait été le rédacteur de son organe de presse, El Socialista, et pas moins que l’un des fondateurs de l’UGT, dont il fut le premier dirigeant.

    Affiche antifasciste du syndicat national ferroviaire UGT durant la guerre civile

    Comme la plupart des Partis Communistes au moment de leur création cependant, il existait de profondes divergences au sein de la direction, avec notamment des influences gauchistes. En 1925, il existait pas moins de trois lignes différentes, plus une s’étant établie à l’extérieur du PCE et en exil, à Paris, sous le nom de Groupe Communiste Espagnol.

    De fait, lorsque la monarchie s’effondre en 1931, le PCE avait moins de 1500 membres et l’Unión de Juventudes Comunistas 400.

    La nouvelle situation, marqué par un calme institutionnel et la légalisation, permit très rapidement une légère amélioration, avec 11000 membres et 6000 pour l’Unión de Juventudes Comunistas, obtenant 50 000 voix aux élections parlementaire.

    Panneau durant la guerre civile avec un portrait de Staline soulignant l’appui soviétique

    Le Parti Socialiste Unifié de Catalogne, quant à lui, issu de la fusion du PSOE et du PCE, formant la section relativement autonome de ce dernier en Catalogne, possédait 800 membres. Dans le même sens fut formé un PC d’Euzkadi. Le PCE intégra également la Izquierda Revolucionaria y Antiimperialista et le Partido Social Revolucionario ; sa tentative de fonder un syndicat, la Confederación General del Trabajo Unitario, échoua relativement, avec 37 000 membres en 1932.

    Sa ligne politique était cependant la plus cohérente et la plus conséquente. Dès le départ, le PCE a posé une ligne anti-féodale, consisant à attaquer la persistance des grandes propriétés terriennes, à souligner la question des minorités nationales, à dénoncer la monarchie et la féodalité prédominant politiquement, à appeler à la formation d’un bloc populaire.

    Ses exigences étaient la démission du gouvernement et de nouvelles élections avec libre-expression pour la gauche, la libération des prisonniers politiques et l’amnistie, la confiscation des terres des grands propriétaires et redistribution gratuites aux paysans et ouvriers agricoles, le rétablissement du statut spécial de la Catalogne et droit à l’auto-détermination de la Catalogne, du Pays Basque et de la Galice, la baisse des impôts des paysans, petits-commerçants, artisans et industriels, l’amélioration des conditions de vie, l’épuration de l’armée des éléments fascistes et dissolution des organisations fascistes.

    Avec son positionnement de plus grand partisan du Front antifasciste sur la base du dénominateur commun du refus du coup d’État et de mobilisateur acharné dans les masses, le PCE apparaissait comme la force la plus conséquente. C’est la raison pour laquelle que la ligne du PCE fut politiquement la plus efficace : le 1er mai 1936, 600 000 personnes défilèrent à Madrid dans les comités du Front populaire lancés à l’initiative du PCE.

    Le bonnet phrygien aux couleurs républicaines espagnoles, avec les drapeaux de la république, de la CNT, suivis de deux autres aux symboles communistes

    Le PCE progressa alors de manière fulgurante, disposant d’une presse avec plusieurs journaux, dont le Mundo Obrero, d’une association ayant un grand impact comme l’Asociación de Amigos de la URSS et surtout d’un nouveau jeune dirigeant, José Díaz.

    José Díaz

    En novembre 1933, le PCE obtint son premier député, ayant obtenu 170 000 voix, avant d’en avoir 17 lors des élections de 1936 lors de la victoire du Front populaire. Le nombre d’adhérents explose alors : s’il y avait un peu plus de 19 000 membres en 1935, en février 1936 le PCE en a 30 000, un mois plus tard 50 000, en avril 60 000, en juin 84 000, début juillet 100 000. Début 1937, le chiffre sera de 200 000, puis rapidement de 300 000 et même de pratiquement 500 000.

    En avril 1936 fusionnèrent également les jeunesses socialistes et communistes, devenant la Juventud Socialista Unificada, liée au PCE, qui avait pas moins que 350 000 membres en 1937.

    Affiche de la JSU : L’alliance nationale de la jeunesse, garantie de la victoire

    L’Armée Populaire Républicaine elle-même se constituait en s’appuyant sur le Parti Communiste d’Espagne et son école de cadres formant à la chaîne des responsables de haut niveau.

    Sur les 7000 promotions dans l’armée en 1938, la grande majorité consiste en des communistes ; dans les six sections de l’armée républicaines, on avait 163 commandants de brigades étant communistes et 33 anarchistes, 61 commandants de divisions communistes et 9 anarchistes, 15 commandants de corps d’armées communistes et 6 anarchistes, tandis que pour les postes de commandants, on avait 3 communistes, 2 sympathisants communistes et un non-communiste.

    Affiche du PSU et de la CGT : Plus d’hommes ! Plus d’armes ! Plus de munitions !

    Ce succès communiste aboutissait inévitablement à des tensions avec les autres courants révolutionnaires, ce que tenteront d’utiliser les trotskystes par un soulèvement anti-républicain à Barcelone, en 1937.

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  • La guerre d’Espagne: terreur et contre-violence

    Il n’est pas possible de comprendre la guerre d’Espagne sans saisir climat de terreur et de contre-violence systématiques qui ont régné. La situation était marquée par des urgences, des choix difficiles pour les républicains, alors que la ligne de l’armée de Francisco Franco était exterminatrice et justifiée idéologiquement, depuis 1937, par les Falange Española Tradicionalista y de las Juntas de Ofensiva Nacional Sindicalista, fusion idéologique des troupes d’extrême-droite pour mobiliser la population dans une orientation désormais fasciste.

    Affiche de l’UGT : c’est l’alerte contre le fascisme

    On a un exemple parlant de la violence régnant alors avec les troupes basques décidant en 1936 de capituler face à l’armée de Francisco Franco à San Sebastián, afin de préserver la ville de la destruction, et exécutant les miliciens anarchistes opposés à la reddition.

    Dans un même esprit jusqu’au-boutiste, lors de la prise de Tolède la même année, une quarantaine d’anarchistes à cours de munitions préféra incendier le bâtiment où ils étaient plutôt que de se rendre, alors qu’en même temps les troupes nationalistes tuèrent à l’hôpital de la ville les docteurs, les infirmières et les blessés.

    Appel du 5e régiment des milices populaires à rejoindre le première compagnie anti-tankiste

    La ligne de l’armée putschiste était, en effet, très simple et correspondait aux intérêts de l’armée, des grands propriétaires terriens et de l’Église. Elle consistait en la liquidation pure et simple de tous les individus liés à une culture idéologique de gauche, ainsi que libérale ou franc-maçonne.

    La prise de villes et les conquêtes territoriales s’accompagnaient par conséquent systématiquement par l’extermination en masse des responsables et cadres de la gauche, suivis d’une purge dans la société elle-même, le tout accompagné de viols.

    8000 personnes furent exécutées à Séville, 10 000 à Cordoue, 4 000 à Badajoz. Des milliers de civils fuyant la ville de Málaga furent massacrés par l’aviation et des bombardements depuis les navires, alors que 3500 personnes seront assassinées la première semaine suivant la prise de la ville, puis 17 000 les années suivantes.

    Affiche républicaine dénonçant le camp des nationaux

    Le bombardement de la ville de Durango en mars 1937 par l’aviation allemande à la demande de l’armée de Francisco Franco visa même directement la population civile : d’abord, en bombardant l’église au moment de la messe, puis en repassant ensuite lorsque étaient arrivés les pompiers et les ambulances depuis Bilbao.

    Affiche républicaine appelant à évacuer
    Madrid devant les bombardements

    Les exemples sont innombrables et toujours difficilement documentés de par la chape de plomb établi par le régime à ce sujet par la suite ; aujourd’hui encore, on trouve ainsi régulièrement des charniers datant de l’époque de la guerre civile. Les chiffres concernant les gens exécutés sommairement vont de 40 000 à 400 000.

    Au cours de ce processus, l’Armée espagnole utilisa notamment comme troupes de chocs les « regulares », membres des Fuerzas Regulares Indígenas, volontaires marocains encadrés par des officiers pour des opérations de massacre. Au nombre de 30 000 dès le départ, ces troupes furent les plus décorées de toute l’armée.

    L’Église approuva entièrement ces massacres, de manière ouverte, avec à la fois un soutien intérieur et extérieur. Le cardinal Isidro Gomá y Tomás (1869-1940) fut ici d’une aide précieuse sur le plan idéologique, légitimant la terreur la plus sanglante, au nom de l’affirmation d’un État assumant la confession catholique romaine.

    Quant au Vatican, il émit des positions soutenant sans critique aucune les putschistes. Voici ce que dit la l’encyclique du pape Pie XI, Divini Redemptoris, en mars 1937 :

    « Horreurs du communisme en Espagne.

    20. Et là où, comme en Notre chère Espagne, le fléau communiste n’avait pas eu le temps encore de faire sentir tous les effets de ses théories, il s’est déchaîné, hélas ! avec une violence plus furieuse.

    Ce n’est pas l’une ou l’autre église, tel ou tel couvent qu’on a abattus, mais quand ce fut possible, ce sont toutes les églises et tous les couvents et toute trace de la religion chrétienne qu’on a voulu détruire, même quand il s’agissait des monuments les plus remarquables de l’art et de la science !

    La fureur communiste ne s’est pas contentée de tuer des évêques et des milliers de prêtres, de religieux et de religieuses, s’en prenant plus particulièrement à ceux et à celles qui justement s’occupaient avec plus de zèle des ouvriers et des pauvres, mais elle fit un nombre beaucoup plus grand de victimes parmi les laïques de toute classe, qui, encore maintenant, chaque jour, peut-on dire. sont massacrés en masse pour le seul fait d’être bons chrétiens ou du moins opposés à l’athéisme communiste.

    Et cette épouvantable destruction est perpétrée avec une haine, une barbarie, une sauvagerie qu’on n’aurait pas cru possibles en notre temps. Aucun particulier de jugement sain, aucun homme d’État, conscient de sa responsabilité, ne peut, sans frémir d’horreur, penser que les événements d’Espagne pourraient se répéter demain en d’autres nations civilisées. »

    Ce soutien aux massacres de l’armée de Francisco Franco par l’Église a traumatisé très profondément les principaux intellectuels catholiques français, auparavant pro-franquistes, qu’étaient François Mauriac, Georges Bernanos, Jacques Maritain.

    Georges Bernanos racontera en 1938 dans Les Grands Cimetières sous la lune ce qu’il a vu, les massacres franquistes et le soutien de l’Église catholique. En voici un extrait significatif, où des républicains sont brûlés vifs :

    « On conduisit le bétail jusqu’à la plage où on le fusilla sans se presser, bête par bête. Je ne mets nullement en cause l’évêque archevêque de Palma ! il se fit représenter, comme d’habitude, à la cérémonie, par un certain nombre de ses prêtres qui, sous la surveillance des militaires, offrirent leurs services à ces malheureux. On peut se représenter la scène : « Allons, padre, celui-là est-il prêt ? – Une minute, monsieur le capitaine, je vais vous le donner tout de suite. »

    Leurs excellences affirment avoir obtenu, dans de pareilles conjonctures, des résultats satisfaisants, que m’importe !

    Le travail achevé, les Croisés mirent les bestiaux par tas, absous et non absous, puis les arrosèrent d’essence que l’on appelle là-bas gazoline.

    Il est bien possible que cette purification ait revêtu alors, en raison de la présence des prêtres de service, une signification liturgique.

    Malheureusement je n’ai vu que le surlendemain ces hommes noirs et luisants, tordus par la flamme. Un goudron puant sortait d’eux, par rigoles, et fumait sous le soleil d’août. »

    Voici également comment il décrit les purges menées :

    « Dès lors, chaque nuit, des équipes recrutées par lui opérèrent dans les hameaux et jusque dans les faubourgs de Palma. Où que ces messieurs exerçassent leur zèle, la scène ne changeait guère.

    C’était le même coup discret frappé à la porte de l’appartement confortable, ou à celle de la chaumière, le même piétinement dans le jardin plein d’ombre, ou sur le palier le même chuchotement funèbre, qu’un misérable écoute de l’autre côté de la muraille, l’oreille collée à la serrure, le cœur crispé d’angoisse. – « Suivez-nous ! » – … Les mêmes paroles à la femme affolée, les mains qui rassemblent en tremblant les hardes familières, jetées quelques heures plus tôt, et le bruit du moteur qui continue à ronfler, là-bas, dans la rue.

    « Ne réveillez pas les gosses, à quoi bon ? Vous me menez en prison, n’est-ce pas señor ? – Perfectamente », répond le tueur, qui parfois n’a pas vingt ans.

    Puis c’est l’escalade du camion où l’on retrouve deux ou trois camarades, aussi sombres, aussi résignés, le regard vague … Hombre ! La camionnette grince, s’ébranle. Encore un moment d’espoir, aussi longtemps qu’elle n’a pas quitté la grand-route.

    Mais voilà déjà qu’elle ralentit, s’engage en cahotant au creux d’un chemin de terre. « Descendez ! » Ils descendent, s’alignent, baisent une médaille, ou seulement l’ongle du pouce.

    Pan ! Pan ! Pan ! – Les cadavres sont rangés au bord du talus, où le fossoyeur les trouvera le lendemain, la tête éclatée, la nuque reposant sur un hideux coussin de sang noir coagulé.

    Je dis fossoyeur, parce qu’on a pris soin de faire ce qu’il fallait non loin d’un cimetière. L’alcade écrira sur son registre : « Un tel, un tel, un tel, morts de congestion cérébrale ». »

    Le philosophe espagnol Miguel de Unamuno (1864-1936), qui soutenait l’armée putschiste, fut mis de côté par le régime pour sa vive dénonciation des crimes de guerre, exprimant son dégoût devant les meurtres sans justification et le slogan « ¡Viva la muerte! » (« Vive la mort ! ») des insurgés :

    « J’ai dit que l’Espagne serait sauvée par la civilisation chrétienne occidentale, mais les méthodes ne sont pas civilisées mais militarisées, non pas occidentales mais africaines, non pas chrétiennes, mais catholiques à la traditionnaliste espagnole, c’est-à-dire anti-chrétiennes. »

    Une contre-violence implacable s’organisera également du côté républicain. A l’opposé de la répression sanglante organisée et méthodique du côté de l’armée putschiste, l’approche fut spontanée, relevant de l’esprit des sortes de comités de salut public qu’étaient les initiatives révolutionnaires locales, avec notamment les checas.

    Chaque organisation mit en place rapidement sa Checa, terme repris à la Tchéka soviétique, c’est-à-dire d’une police secrète disposant de vastes locaux pour procéder à des interrogatoires et des exécutions.

    Campagne d’agitation du 5e régiment

    L’État central aurait aimé faire en sorte de respecter des processus légaux, mais les forces révolutionnaires considéraient que l’enjeu dépassait cela, à quoi s’ajoutait la colère de la population. Entre amener des prisonniers nationalistes depuis Madrid assiégée dans une prison dans l’arrière-pays ou les fusiller et partir au front, le choix était vite fait.

    Les bombardements, notamment, provoquèrent des révoltes violentes dont les prisonniers « nationalistes » furent victimes. Témoignage de la force de cette vindicte, un exemple terrible fut le lynchage d’un pilote d’avion ayant sauté en parachute, que la foule avait pris pour un Allemand de la légion Condor aidant militairement Francisco Franco, alors qu’il s’agissait en réalité d’un soviétique au service de la République.

    Journal du 5e régiment : Femme ! demande ton poste dans les 4 bataillons de choc

    La philosophe Simone Weil (1909-1943), qui avait rejoint la CNT durant la guerre d’Espagne avant de plonger définitivement dans le mysticisme chrétien, participant d’ailleurs ensuite en France à un réseau « planiste » et corporatiste, écrivit une lettre à George Bernanos, comme pour se poser en équivalent catholique du côté républicain, dans une même réfutation de la « mort » :

    « Mais les chiffres ne sont peut-être pas l’essentiel en pareille matière. L’essentiel, c’est l’attitude à l’égard du meurtre.

    Je n’ai jamais vu, ni parmi les Espagnols, ni même parmi les Français venus soit pour se battre, soit pour se promener – ces derniers le plus souvent des intellectuels ternes et inoffensifs – je n’ai jamais vu personne exprimer même dans l’intimité de la répulsion, du dégoût ou seulement de la désapprobation à l’égard du sang inutilement versé.

    Vous parlez de la peur. Oui, la peur a eu une part dans ces tueries ; mais là où j’étais, je ne lui ai pas vu la part que vous lui attribuez. Des hommes apparemment courageux – au milieu d’un repas plein de camaraderie, racontaient avec un bon sourire fraternel combien ils avaient tué de prêtres ou de « fascistes » – terme très large. »

    Antoine de Saint-Exupéry, catholique qui fut correspondant de guerre en Espagne, ne prit pareillement pas partie, dénonçant les républicains :

    « Ici on tue comme on déboise »

    En réalité, les exécutions se faisaient ainsi par dizaines, et non par centaines et encore moins par milliers comme dans le camp « nationaliste » ; la seule exception consistait en les opérations, surtout anarchistes, contre le clergé, qui furent régulières et sanglantes, et la liquidation de 2000 prisonniers sur 10 000 au moment de la bataille de Madrid.

    Au total, environ 40 000 personnes furent les victimes du camp républicain, le plus souvent de manière désordonnée, sans vision d’ensemble, dans l’urgence afin de faire face au coup d’État fasciste.

    En arrière-plan, cela posait la question de la perspective générale, centralisée, de la question des priorités.

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  • La guerre d’Espagne et les Brigades Internationales

    L’U.R.S.S. ne se contenta pas de fournir des armes, ainsi que de très nombreux conseillers militaires afin de suppléer à l’absence de cadres dans l’armée, ceux-ci état en écrasante majorité passés au coup d’État. Elle lança également, par l’intermédiaire de l’Internationale Communiste, à la mise en place de Brigades Internationales.

    Une colonne des Brigades Internationales

    Le 16 octobre 1936, Staline avait envoyé le télégramme suivant au secrétaire général du PCE, Jose Diaz, qui fut publié dans le Mundo Obrero (Monde ouvrier) et annonça l’esprit de l’initiative :

    « Le peuple travailleur de l’Union Soviétique ne fait que remplir sa tâche quand il fait ce qu’il peut pour aider les masses révolutionnaires en Espagne. Il sait que la libération de l’Espagne de l’oppression de la réaction fasciste n’est pas une affaire privée des Espagnols, mais la cause commune de l’entière humanité progressiste. »

    Tous les peuples du monde sont
    dans les Brigades Internationales
    aux côtés du peuple espagnol

    Les Brigadas Internacionales furent constituées le 22 octobre 1936 ; elles étaient constituées de volontaires, initialement des Partis Communistes de nombreux pays du monde, devant rejoindre l’Armée républicaine. Le centre de recrutement était à Paris, supervisé par Karol « Walter » Świerczewski, l’un des principaux commandants de brigades par la suite (puis général de l’Armée rouge, général polonais lors de la bataille de Berlin).

    Les premiers bataillons formés étaient regroupés dans la 11e Brigade, appartenant légalement à l’Armée républicaine ; très rapidement différentes brigades furent formées et leur composition enfin stabilisée dans la première partie de 1937, après des changements selon les langues parlées afin de faciliter les communications, la formation d’une presse interne, la questions des soins hospitaliers, etc.

    Les Internationaux, unis aux Espagnols pour lutter contre l’envahisseur

    Il st à noter que sur le plan de la santé, le communiste canadien Norman Béthune joua un rôle important, étant le premier à systématiser la transfusion sanguine lors des interventions sur les fronts militaires, rejoignant par la suite l’Armée rouge chinoise, Mao Zedong ayant porté une grande attention à saluer sa mémoire.

    Le premier bataillon fut fondé le 19 octobre 1936, étant surtout composé de Polonais, mais également de gens de pratiquement tous les pays slaves. Il avait comme nom Dombrowski, du nom du révolutionnaire polonais Jarosław Dombrowski qui fut général de la Commune de Paris de 1871.

    Le second fut le bataillon Commune de Paris, fondé un peu plus tôt, le 22 octobre 1936, principalement composé de Français et de Belges, mais également de gens de Grande-Bretagne et d’Amérique du Nord.

    Le Front populaire de Madrid au Front populaire du monde – hommage aux Brigades Internationales

    Le troisième bataillon formé fut celui d’Edgar André,formé en 28 octobre 1936. Le nom est celui de l’ouvrier portuaire Edgar André membre du Parti Communiste d’Allemagne en 1933, torturé à mort par les nazis pendant trois ans et demi puis exécuté en 1936. Sa dernière déclaration fut la suivante :

    « Votre honneur n’est pas mon honneur, car des visions du monde nous séparent, des classes nous séparent, un profond gouffre. Si vous deviez rendre l’impossible possible et amener un combattant innocent au billot [pour avoir la tête tranchée à la hache], alors je suis prêt de faire ces pas difficiles. Je ne veux pas de grâce ! J’ai vécu en tant que combattant et je mourrai en tant que combattant, avec comme derniers mots : vive le communisme. »

    Le quatrième bataillon fondé, le 29 octobre 1936, avait comme nom Garibaldi, républicain ayant joué un rôle historique dans l’unification de l’Italie ; il était surtout composé d’Italiens.

    L’unité de l’armée et du peuple sera l’arme de la victoire [le drapeau républicain côtoie le drapeau des Brigades Internationales]

    Le 10 novembre 1936 furent fondés deux bataillons, un s’appelant bataillon Thaelmann, du nom du secrétaire général du Parti Communiste d’Allemagne emprisonné par les nazis, l’autre le bataillon Franco-Belge, qui prit ensuite le nom d’André Marty, du nom du leader de la mutinerie de l’armée française de la mer Noire en 1919, lui même était membre des Brigades.

    S’ensuivirent toute une série de bataillons fondés sur le même modèle. On a ainsi le bataillon Louise Michel, composé de Français et de Belges, du nom d’une des figures de la Commune de Paris, le bataillon Tchapaiev, composé de multiples nationalités de l’Est de l’Europe, du nom du commandant de l’Armée rouge russe en 1919.

    Le Front populaire de Madrid au Front populaire du monde – hommage aux Brigades Internationales

    On a le bataillon Henri Vuillemin, composé de Français (du nom d’une figure communiste française), ainsi que les bataillons Rakoski (du nom de Mathias Rakoski, chef historique communiste ukrainien) et Adam Miskiewicz (composé de Polonais et d’autres slaves, du nom du poète national polonais).

    On a le Bataillon 12 février, composé uniquement d’Autrichiens, qui fut fondé en juin 1937 ; le 12 février 1934 fut la date d’un putsch austro-fasciste et de la résistance ouvrière s’ensuivant.

    On a également le Bataillon Hans Beimler, enfin, qui était composé surtout de Scandinaves et de Néerlandais ; fondé en mars 1937, son nom est celui du commissaire politique du bataillon Thaelmann tombé lors de la bataille de Madrid, deux millions de personnes allant par la suite saluer son cercueil.

    Avec surtout des Français, on a les bataillons La Marseillaise, Henri Barbusse, Vaillant-Couturier, Six Février ; d’Amérique du Nord principalement, on a les bataillons Abraham Lincoln, Georges Washington, Mackenzie-Papineau, d’Amérique du Sud, le bataillon Spagnolo. Furent également formés des bataillons Masaryk, Dimitrov, etc.

    La raison de cette mobilité fut les importantes pertes des Brigades Internationales, qui formaient des bataillons de choc ; le nombre de brigadistes tués atteint, selon les sources, les 10 000 personnes au moins. Il fallait réorganiser les bataillons, tout en les inscrivant au mieux dans l’Armée Populaire de la République.

    Les groupes et volontaires étrangers dans les rangs républicains

    On considère que grosso modo pratiquement 60 000 personnes ont participé aux Brigades Internationales, avec une rotation faisant qu’il y avait à chaque fois 20 000 brigadistes présents. 53 nationalités étaient représentées, avec grosso modo 9000 Français, 5000 Allemands, 3350 Italiens, 3000 Polonais, 3000 Soviétiques, 2800 Américains, 2300 Britanniques, 1600 Belges, 1500 Autrichiens, 1500 Tchécoslovaques, 800 Cubains.

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  • La guerre d’Espagne: gouvernement populaire et défense de Madrid

    La guerre d’Espagne fut une guerre défensive des progressistes ; il y eut bien entendu des avancées sociales et culturelles considérées comme nécessaires par tout le monde, mais les exigences étaient fort différentes et l’aspect principal était celui la dimension protectrice.

    Il s’agissait de faire front, ce qui n’allait pas sans contradictions donc puisque les exigences des uns ou des autres pouvaient entrer en conflit avec le processus.

    Trois membres du bataillon féminin des milices populaires à Madrid

    Déjà, il existait une contradiction entre le gouvernement républicain, lié à un État dont la force armée s’était effondrée, et les syndicats l’ayant protégé du coup d’État militaire. Ces syndicats avaient été reconnus par la République, parfois même armés, reste que ceux-ci avaient formé dès le coup d’État leurs propres structures.

    Le président de la Généralité de la Catalogne, Lluís Companys, se voyait donc devoir entrer en collaboration avec un Comitè Central de Milícies Antifeixistes (Comité central des milices antifascistes), regroupant toute la gauche révolutionnaire et indépendantiste catalane.

    Ses dirigeants se répartissaient comme suit : CNT 4 postes, UGT 3 postes, Gauche Révolutionnaire Catalane 3 postes, Parti Socialiste Unifié de Catalogne (fusion notamment du PSOE et du PCE en Catalogne) 1 poste, Parti Ouvrier d’Unification Marxiste (marxiste proche du trotskysme) 1 poste, Action Catalane Républicaine 1 poste, enfin 1 poste pour un syndicat de viticulteurs sans terre et 2 pour des responsables militaires nommés par la Généralité catalane.

    La situation n’était pas propre à la Catalogne ; on trouvait aussi notamment un Comité Exécutif Populaire de Valence, un Conseil Régional de Défense de l’Aragon, un Comité de Salut Public de Malaga, un Comité de Guerre de Gijon, un Comité Populaire de Sama de Langreo, etc.

    La Gauche Républicaine à l’avant-garde contre le fascisme international, par la municipalité de Valence

    La République accorda également son autonomie au pays basque non occupé par l’armée de Francisco Franco (Viscaya et Guipúzcoa), sous le nom d’Euzkadi et dans la foulée l’armée basque, l’Euzko Gudarostea, mobilisa 100 000 personnes.

    La Catalogne, cependant, présentait une grande particularité. En effet, c’était le bastion de la CNT, qui se posait comme organe d’organisation des masses pour la période post-révolutionnaire elle-même. Si donc, la CNT est en mesure de pratiquer ce qu’elle appelle le communisme libertaire, alors elle le fait immédiatement.

    Ce n’est même pas un choix rationnel, c’est dans les principes même de l’organisation, qui se veut dès à présent la structure horizontale et fédéraliste conforme au « communisme libertaire ».

    Par conséquent, dans les zones catalanes contrôlées par la CNT, la production était sous contrôle ouvrier à 75 %, ce qui est bien moins le cas dans les zones contrôlées par l’UGT.

    Tramway aux couleurs de la CNT à Barcelone

    Comme la production industrielle catalane représentait les 2/3 de celle de l’Espagne, cela signifie qu’une partie significative était socialisée, principalement par la CNT. 

    La CNT disposait donc de collectivités de pêches, de spectacles publics (Espectáculos Públicos de Barcelona Socializados  avec 10 000 employés), des services de transports (3322 employés sur 3442 étant à la CNT), d’usines textiles comme La España Industrial ou métallurgiques comme Hispano Suiza et Rivière, de la production électrique (Servicios Eléctricos Unificados de Catalunya avec 11500 employés), etc.

    La situation était similaire dans les campagnes, 70 % des terres catalanes étaient expropriées, mais la question agraire était tellement explosive que cela fut également vrai ailleurs : 70 % des terres furent expropriées en Aragon n’étant pas sous contrôle des putschistes, 91 % en Estrémadure républicaine, 58 % en Castille – La Manche, 53 % en Andalousie républicaine, 13 % dans la communauté de Valence.

    Au total, 54 % de la superficie agricole de la République avait été expropriée.

    Le communisme libertaire fut même proclamé en Aragon, avec à peu près 450 collectivités rurales, pratiquement toutes aux mains de la CNT, sauf une vingtaine liées à l’UGT. Dans la communauté de Valence, sur les 353 collectivités, 264 étaient dirigées par la CNT, 69 par l’UGT, 20 de manière mixte par les deux syndicats, alors que fut formé un Conseil d’exportation agricole régional par les deux syndicats, gérant eux-mêmes l’exportation des oranges en Europe ; la ville d’Alcoy vit son industrie et ses services passés entièrement dans les mains des syndicats.

    Cette situation était bien entendu intenable, de par l’existence d’un double pouvoir, avec d’un côté principalement la CNT faisant cavalier seul, de l’autre la République, avec à sa tête Francisco Largo Caballero, le dirigeant de l’aile gauche du PSOE, en tant que premier ministre du « gouvernement de la victoire ».

    Front populaire !
    Front de la victoire de la liberté !

    La République avait pris les initiatives suivantes, dès le départ : révocation des fonctionnaires sympathisant avec le coup d’État, nationalisation des chemins de fer, jeu sur les prix des produits alimentaires et des vêtements, confiscation des grandes propriétés rurales, fermeture des institutions religieuses, instauration de tribunaux populaires, etc.

    A cela s’ajoutait la nécessité de refonder une armée en tant que telle, qui prit le 28 octobre 1936 le nom d’Ejército Popular de la República (Armée Populaire de la République), avec formation immédiate de brigades mixtes, afin d’intégrer les milices populaires, et le rappel de toutes les personnes ayant fait leur service militaire depuis 1932.

    Toutes les milices placées dans l’armée populaire

    Il s’agissait également d’unifier les « patrouilles de contrôle », formations mises en place par les syndicats et menant des opérations de police.

    Dans ce processus fut formé, en novembre, le second « gouvernement de la victoire ». Francisco Largo Caballero en était encore le premier ministre, mais les organisations révolutionnaires autres que le PSOE, qui assumait ouvertement la nécessité de la révolution également, s’intégraient au gouvernement en tant que tel.

    Outre Francisco Largo Caballero, l’aile gauche du PSOE possédait les ministères de l’intérieur et des affaires étrangères et constituait donc le principal parti, l’ossature du régime. Deux autres membres du PSOE, de l’aile modérée, étaient aux postes des finances, ainsi que de l’industrie et du commerce, de la marine et de l’air.

    Affiche de l’UGT :
    Travailleurs! Tous contre le fascisme!

    La Gauche Républicaine disposait du ministère des travaux publics, la Gauche Républicaine catalane celui du travail et de la santé, l’Union Républicaine celui des communications et de la marine marchande.

    Le PCE, lui, était aux commandes des ministères de l’Agriculture, de l’Éducation et des Beaux-arts ; la CNT elle-même avait des ministères (Santé et assistance sociale, Justice, Commerce, alors que l’Industrie va à un des signataires du manifeste des 30).

    L’armée putschiste étant aux portes de Madrid, les 510 tonnes d’or de la banque d’Espagne furent évacuée et envoyée en U.R.S.S., alors que cette dernière fournissait de l’armement autant que possible. Au total, l’U.R.S.S. aura fourni 1500 tonnes de poudre, 862 millions de cartouches, 500 000 fusils, 50 000 grenades, 3,4 millions de projectiles d’artillerie, plus de 15 000 mitrailleuses, plus de 1500 canons, plus de 700 tanks et véhicules blindés, plus de 800 avions, 110 000 bombes pour avions.

    Mise en avant de Staline dans le camp républicain espagnol

    Ce soutien fut décisif alors que l’armée putschiste pénètre dans Madrid et que la bataille fait rage, au niveau de la Cité Universitaire et de son parc boisé, au nord-est de la ville. Dans le prolongement, les unités de tanks T-26 fournis par l’U.R.S.S. ainsi que les 132 avions utilisés dans la contre-offensive permettent de battre l’ennemi.

    La Cité Universitaire resta alors la ligne de front, jamais l’armée putschiste n’osera plus jamais attaquer Madrid pour tout le reste de la guerre d’Espagne.

    Au cours de cette défense de Madrid étaient également intervenues des unités dont la renommée fut résolument glorieuse : les Brigades Internationales.

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  • La guerre d’Espagne : le pays divisé en deux

    Les forces libérales de gauche et républicaines firent le choix de refuser le coup d’État, mais les masses populaires elles-mêmes prirent immédiatement l’initiative, l’UGT et la CNT déclarant une grève générale.

    La carte en août-septembre 1936 : en bleu les zones sous contrôle nationaliste, avec leur progression en vert. En rouge, les zones républicaines.

    A Barcelone, la CNT avait lancé la bataille pour le contrôle des arsenaux, alors que s’opposait au coup d’État les organismes policiers qu’étaient la Garde Civile et la Garde d’Assaut.

    Barcelone le 19 juillet 1936

    A Madrid, les masses avaient pris d’assaut la caserne de la Montana, sous l’impulsion des Milicias Antifascistas Obreras y Campesinas (Milices Antifascistes Ouvrières et Paysannes) existant depuis 1934, comme organisme généré du Parti Communiste d’Espagne.

    Elles se transformèrent rapidement en cinq régiments de défense de Madrid, le cinquième étant la plus connue, en tant que Quinto Regimiento de Milicias Populares (cinquième régiment de milices populaires), intervenant avec succès contre une opération des « nationaux » pour prendre Madrid et devenant l’une des plus fameuses brigades de choc de la République.

    Le Quinto Regimiento de Milicias Populares

    Les situations dépendaient du rapport de force et de la capacité de l’armée putschiste à s’organiser assez rapidement et à faire face à la contre-offensive républicaine.

    Dans de nombreux cas, les « nationaux » s’enfermèrent dans des casernes, attendant l’arrivée hypothétique des troupes.

    Dans certains cas, le plan échouait, comme à Albacete où la Garde Civile fut écrasée le 25 juillet, alors que deux jours après à Saint-Sébastien la caserne de Loyola se rendait, et que celle de Valence était prise le 31 juillet.

    Dans d’autres, c’était un triomphe, le plus fameux pour les « nationaux » étant la défense du 19 juillet au 26 septembre de l’Alcázar de Tolède, forteresse avec des murs de pratiquement quatre mètres d’épaisseur, rassemblant plus de mille nationaux et leurs familles. Les « nationaux » avaient emmagasiné de la nourriture, plus d’un million de munitions, de l’armement, pris des otages, etc.

    L’armée des « nationaux » intervint finalement in extremis, alors que la forteresse allait être prise.

    La bataille de l’Alcázar de Tolède

    Les cas opposés existaient aussi : la ville de Sigüenza fut prise aux unités de la CNT, du PCE et de l’UGT, alors que les 800 derniers combattants tenaient coûte que coûte, regroupés dans une cathédrale.

    Les principales villes restaient en tout cas républicaines. Et le 19 juillet, la communiste Dolores Ibarruri, qui sera surnommée « La Pasionaria », tint un discours fameux, du balcon du ministère de l’intérieur à Madrid, où fut prononcée l’expression « No Pasaran », «Ils ne passeront pas », qui devient le grand mot d’ordre antifasciste.

    « La Pasionaria » lors de son discours à Madrid

    Le régime républicain ne cédait pas et l’Espagne se vit donc coupée en deux, l’armée putschiste organisant une Junta de Defensa Nacional et organisant un second État pour administrer les zones sous son contrôle, avec notamment les villes de Pampelune, Saragosse, Oviedo, Salamaque, Avila, Ségovie, Cadiz et Séville.

    Le Quinto Regimiento de Milicias Populares, force de choc de l’antifascisme à Madrid

    Du côté des « nationaux », comme se désignent les partisans du putsch, il y a également le soutien décisif du Portugal, subissant la dictature d’António de Oliveira Salazar. Les ports portugais vont servir d’interface pour les soutiens matériels de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, qui ont joué un rôle crucial lors du putsch lui-même pour le transport aéroporté des troupes.

    L’Allemagne nazie avait reçu, en effet, une demande d’aide de la part des « nationaux », et elle mit en place l’Operation Feuerzauber (« Opération Feu magique »), ce qui aboutit progressivement à la mise en place d’une Légion Condor dont l’existence fut niée jusqu’en 1939.

    Une centaine d’avions épaulait ainsi les « nationaux », qui profitaient également de 10 000 soldats allemands, le plus souvent des cadres et des spécialistes, ainsi que de matériel (artillerie, chars, véhicules, etc.).

    1808, 1936,
    de nouveau pour notre indépendance

    Du côté italien furent envoyés au départ 3000 soldats dès décembre 1936, puis finalement pas moins de 75 000 soldats, formant des Corpo Truppe Volontarie, dont les divisions ont des noms évocateurs : « Dio lo Vuole » (Dieu le veut), « Fiamme Nere » (Flammes noires), « Penne Nere » (Plumes noires), « Littorio »… A cela s’ajoute une légion portugaise de 12 000 hommes partie rejoindre les « nationaux » espagnols.

    Le camp des « nationaux » disposa donc rapidement de très bons cadres militaires, à quoi s’ajoutait le fait que l’élite de l’armée, présente au Maroc colonisé et forte de 35 000 hommes, était entièrement avec elle.

    C’est pour cette raison que Francisco Franco, à la mort accidentelle de José Sanjurjo, devint le chef du putsch : l’armée marocaine l’estimait, lui-même ayant été le chef de l’académie militaire, et ayant dirigé lui-même l’écrasement de la révolution des Asturies en 1934. 

    Francisco Franco et les généraux rebelles durant la guerre d’Espagne

    Le putsch militaire fut à ce titre implacable, dans la tradition anti-populaire instaurée dans les Asturies : tous les responsables de la gauche sont assassinés, les maires comme les fonctionnaires, ainsi que les cadres des organisations et syndicats. L’armée est épurée elle-même durant ce processus ; les organisations conservatrices et fascistes sont intégrées dans l’opération.

    Le massacre de la ville de Badajoz, avec 4 000 personnes massacrées, est même présenté comme exemple en cas d’opposition au coup d’État. Le régime proposé était clair et sa démarche aisément lisible et lorsque la Junta de Defensa Nacional, basée à Burgos, fit de Francisco Franco le 29 septembre 1936 le Generalísimo, il était évident aux yeux de tous que l’objectif était la prise par l’armée du pouvoir totale.

    5e régiment : Citoyens, Madrid a besoin de vous pour sa défense

    Du côté républicain, la situation était inverse sur le plan militaire : il n’y avait que très peu d’officiers n’ayant pas rejoint les « nationaux » ou déserté ; 1/3 du matériel militaire seulement se situe dans sa partie géographique.

    C’est très clairement l’absence de cadres militaires qui fit échouer l’offensive de Cordoue, en août 1936 et la situation semblait ne pas pouvoir s’améliorer : la France et l’Angleterre, deux démocraties bourgeoises, n’intervenaient pas. La France ferma même ses frontières le 8 août. Une réunion internationale à Londres, le 9 septembre 1936, vit cette position soutenue par 23 pays.

    Seulement deux pays s’engagent à soutenir la République : le Mexique et l’U.R.S.S., pays se situant tous deux loin géographiquement mais leur intervention fut un élément décisif, alors que se profilait la première bataille générale : celle pour Madrid.

    Madrid sera la tombe du fascisme

    L’armée putschiste contrôlait une partie du nord-ouest et la pointe au sud, ainsi que le nord du Maroc. Il lui fallait contrôler sur toute la frontière avec le Portugal, pays l’appuyant, et surtout tenter de prendre Madrid le plus rapidement possible.

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  • Le Front populaire d’Espagne face aux menées fascistes et au coup de force militaire

    La libération des 30 000 prisonniers politiques par le Front populaire et l’instauration d’un gouvernement de centre-gauche soutenue par la gauche apparaît immédiatement comme une tendance terrible pour les forces conservatrices, car montrant le Front populaire capable d’une grande stabilité de par sa conquête du centre et d’un grand élan de par le renforcement de la gauche révolutionnaire.

    Affiche du Parti Communiste d’Espagne en faveur du vote pour le Front populaire pour favoriser l’amnistie effectivement réalisée ensuite

    Initialement, la République apparaissait comme une sorte de tampon entre les forces conservatrices et progressistes ; dans ses deux premières années, la répression républicaine avait fait à gauche 400 morts, 3.000 blessés, 9.000 arrêtés, 160 déportés, 160 saisies de journaux ouvriers (et 4 de journaux d’extrême-droite).

    Le Front populaire apparaissait comme un changement dans le précaire équilibre, d’autant plus que cela succédait à la tentative échouée de l’extrême-droite de faire pencher la balance dans l’autre sens.

    Des mouvements de masse s’exprimèrent d’ailleurs immédiatement et l’agitation gagna les campagnes. Apparut alors une atmosphère de guerre civile, avec des affrontements armés très brutaux : pour saisir cette tension régnante, il faut saisir que les forces conservatrices possédaient, en effet, deux factions de plus, pratiquant une ligne agressive de provocations et d’affrontements.

    Dès les années de gouvernement de droite, ces deux factions menaient une vaste agitation pour apparaître comme la seule vraie alternative ; avec la victoire du Front populaire, à la pression des forces conservatrices s’ajoutaient l’intervention de ces deux factions cherchant à provoquer le chaos et à polariser.

    Tout d’abord, il y a la Falange Española – phalange espagnole – fondée en 1933 par José Antonio Primo de Rivera, fils du dictateur Miguel Primo de Rivera, ainsi que par Julio Ruiz de Aida, aviateur qui avec un frère de Francisco Franco pilota le vol transatlantique de l’hydravion Plus Ultra.

    José Antonio Primo de Rivera, en 1934

    Son modèle est l’Italie fasciste et son objectif la formation de troupes de choc – les chemises bleues – pour un coup de force ; électoralement elle ne dépassa pas les 0,7 % et les 15000 membres.

    Toutefois, les phalangistes étaient capables de mener des opérations, leur ligne étant immédiatement pratique et se construisant dans l’offensive anti-communiste. José Antonio Primo de Rivera résumera son option en disant, de manière typique dans la démagogie nationale et sociale :

    « Quand on outrage la Justice et la Patrie, la seule dialectique qui vaille est celle des poings et des pistolets. »

    L’arrière-plan idéologique consiste en une sorte de traditionalisme révolutionnaire, dans une veine romantique célébrant un passé idéalisé. José Antonio Primo de Rivera formule cela notamment ainsi :

    « Rendre aux hommes l’ancienne saveur de la règle et du pain ; voilà la tâche de notre temps.

    Leur faire voir que la règle vaut plus que le déchaînement ; que même pour se déchaîner parfois il faut être sûr de pouvoir revenir à un point d’attache fixe.

    Et d’autre part, dans le domaine économique faire que l’homme remette les pieds sur la terre, le lier d’une manière plus profonde à ses choses : au foyer où il vit et à l’œuvre quotidienne de ses mains.

    Conçoit-on une forme plus féroce d’existence que celle du prolétaire qui vit peut-être pendant quatre lustres en fabriquant la même vis dans le même atelier immense sans jamais voir complet l’objet dont va faire partie cette vis et sans être lié à l’usine par autre chose que par la froideur inhumaine de la feuille de paye ?

    Toutes les jeunesses conscientes de leur responsabilité s’efforcent de redresser le monde (…).

    Tout ceux qui comme nous sont venus au monde après des catastrophes comme celle de la Grande guerre et comme la crise, et après des événements comme la dictature et la République espagnole, sentent, ce qui est latent en Espagne, le besoin dont chaque jour réclame avec plus d’insistance la réalisation au grand jour – et je le soutins ici l’autre nuit – d’une révolution.

    Cette révolution a deux veines : la veine d’une justice sociale profonde et qu’il n’y a pas d’autre remède que d’implanter et la veine d’un sentiment traditionnel profond, d’une moelle traditionnelle espagnole qui peut-être ne réside pas où beaucoup de gens le pensent et qu’il faut à tout prix rajeunir. »

     

    José Antonio Primo de Rivera

    José Antonio Primo de Rivera prône un mouvement anti-mouvement, un mouvement révolutionnaire contre-révolutionnaire, une ligne matérielle anti-matérielle :

    « Ce mouvement présent n’est pas un parti, mais plutôt un anti-parti, un mouvement, nous le proclamons, qui n’est ni de droite, ni de gauche.

    La droite, au fond, aspire à maintenir une organisation économique qui s’est montrée incapable et la gauche a anéantir une organisation économique, détruisant dans ce bouleversement les réalisations bonnes qui auraient pu être maintenues.

    D’un côté comme de l’autre, ces idées sont appuyées par des considérations spirituelles.

    Tous ceux qui nous écoutent de bonne foi savent que ces considérations spirituelles ont leur place dans notre mouvement, mais que pour rien au monde, nous ne lierons notre destinée à un groupe politique ou une classe sociale se rangeant sous la dénomination arbitraire de droite ou de gauche.

    La Patrie est un tout comprenant tous les individus de quelque classe sociale que ce soit. La patrie est une synthèse transcendantale, une synthèse indissoluble devant atteindre des buts qui lui sont propres. Nous, que cherchons-nous ? Que le mouvement présent et le Gouvernement qu’il créera soit un instrument ayant une autorité agissante au service de cette unité constante, de cette unité irrévocable qui s’appelle «La Patrie». »

    A ce titre, le mouvement se veut ouvertement idéaliste et romantique, voire franchement poétique :

    «  Je crois que le drapeau est brandi. Nous allons le défendre joyeusement, poétiquement.

    Certains estiment que pour s’opposer à la marche d’une révolution, il faut, pour grouper les volontés contraires, proposer des solutions mitigées et dissimuler dans sa propagande, tout ce qui pourrait éveiller un enthousiasme, éviter toute position énergique et absolue.

    Quelle erreur ! Les peuples n’ont jamais été plus remués que par les poètes et malheur à celui qui ne saura opposer une poésie créatrice à une poésie dévastatrice.

    Pour notre idéal, soulevons ces aspirations de l’Espagne, sacrifions-nous, renonçons-nous, et nous triompherons, le triomphe (en toute franchise) nous ne pourrons l’obtenir aux prochaines élections. Aux prochaines élections votez pour celui qui vous paraîtra le moins mauvais.

    Notre Espagne ne sortira pas de ces élections. Notre place n’est pas là dans cette atmosphère trouble, lourde, comme celle d’un bordel, d’une taverne après une nuit crapuleuse Je crois que je suis candidat, mais sans foi, ni respect; je l’affirme dès maintenant, au risque de détourner de moi les électeurs.

    Cela m’est égal. Nous n’allons pas disputer aux familiers les restes de ces banquets pourris; notre place est au dehors, bien que provisoirement nous puissions y assister.

    Notre place est à l’air libre, sous la nuit claire, l’arme au bras, sous les étoiles. Que les autres continuent leur festin.

    Nous resterons dehors, sentinelles fermes et vigilantes, pressentant l’aurore dans l’allégresse de nos cœurs. »

    L’hymne de la phalange, Cara al sol, qui devint l’hymne du régime franquiste lui-même, correspond entièrement à ce romantisme :

    Cara al sol con la camisa nueva (Face au soleil avec ma nouvelle chemise)
    que tú bordaste en rojo ayer, (que tu brodas de rouge hier,)
    me hallará la muerte si me lleva (Si la mort me cherche elle me trouvera)
    y no te vuelvo a ver. (et je ne te reverrai plus jamais.)

    Formaré junto a mis compañeros (Je serai aux côtés des camarades)
    que hacen guardia sobre los luceros, (qui montent la garde sur les étoiles,)
    impasible el ademán, (l’attitude impassible)
    y están presentes en nuestro afán. (et qui sont, présents dans notre effort.)

    Si te dicen que caí, (Si on te dit que je suis tombé,)
    me fuí al puesto que tengo allí. (c’est que je m’en serai allé au poste qui m’attend dans l’au-delà.)

    Volverán banderas victoriosas (Ils reviendront victorieux, les drapeaux)
    al paso alegre de la paz (au pas allègre de la paix,)
    y traerán prendidas cinco rosas: (et cinq roses seront attachées)
    las flechas de mi haz. (Aux flèches de mon faisceau.)

    Volverá a reír la primavera, (Il rira de nouveau le printemps,)
    que por cielo, tierra y mar se espera. (que les cieux, la terre, la mer espèrent.)

    Arriba escuadras a vencer (Debout, légions, courez à la victoire,)
    que en España empieza a amanecer. (qu’une aube nouvelle se lève sur l’Espagne.)

    La conclusion de l’hymne se faisait bras tendu, aux cris successifs de España! ¡Una! (Espagne ! Une !), ¡España! ¡Grande! (Espagne ! Grande !), ¡España! ¡Libre! (Espagne ! Libre !), ¡Arriba España! (Debout l’Espagne !).

    Ensuite, il y a la Juntas de Ofensiva Nacional-Sindicalista – Union d’Offensive National-Syndicaliste –, formée en 1931 par Ramiro Ledesma Ramos, qui vise la formation d’une organisation de masse, une sorte de CNT nationaliste, sur la base d’une idéologie national-révolutionnaire.

    José Antonio Primo de Rivera et Ramiro Ledesma Ramos

    Ramiro Ledesma Ramos, maîtrisant bien la langue allemande, est pétri de philosophie idéaliste allemand, de Johann Gottlieb Fichte à Friedrich Nietzsche, et profondément marqué par Oswald Spengler et sa théorie conservatrice révolutionnaire du déclin de l’occident. C’est un véritable intellectuel, qui tente de théoriser une voie propre au fascisme espagnol. 

    C’est le sens de sa conception du national-syndicalisme, permettant l’établissement d’une société à la fois hiérarchique et égalitaire car corporatiste, pavant la voie à une nouvelle dimension impériale pour l’Espagne, conformément aux exigences d’une époque qu’il voit comme renversant partout les valeurs du libéralisme.

    Dans son ouvrage La conquête de l’Etat, Ramiro Ledesma Ramos résume notamment sa ligne idéologique en deux points :

    « Nos griffes espagnoles – symboles d’Empire – serreront le rapace capitalisme étranger. »

    « Face aux libéraux nous sommes actuels. Face aux intellectuels nous sommes impériaux. Vivent les valeurs espagnoles ! »

    Si la ligne de José Antonio Primo de Rivera est celle de la formation d’une organisation de cadres fascistes en faveur du coup de force, Ramiro Ledesma Ramos est lui un adepte de la « mobilisation totale » telle que conceptualisée historiquement dans les milieux « nationaux-bolcheviks ».

    Ramiro Ledesma Ramos est un adepte de la militarisation de masse, en tant que mouvement fasciste :

    « La jeunesse espagnole actuelle a devant elle une étape comparable à celle qu’ont traversée tous les peuples et toutes les races au commencement de leur expansion et de leur croissance. Une étape également comparable à celle de tous ceux qui se savent prisonniers, cernés et entourés d’ennemis.

    La première chose à faire en pareil cas est la suivante et seulement la suivante : IL FAUT ÊTRE DES SOLDATS.

    La jeunesse d’Espagne se trouve maintenant devant ce très exigeant dilemme : ou se militariser ou périr. Il est impossible de l’ignorer. »

    Les deux organisations fusionnent historiquement en 1934, avec comme mots d’ordre « Arriba Espana ! Espana Una Grande y Libre ! », « Por la Patria, el Pan y la Justicia ! » ; leur symbole consistant en un drapeau reprenant les couleurs anarchistes (le rouge et le noir), à quoi sont associés le faisceau de cinq flèches et un joug, blasons respectifs d’Isabelle Ire de Castille et de Ferdinand V d’Aragon.

    Affiche de l’extrême-droite espagnole

    José Antonio Primo de Rivera en devient le dirigeant, Ramiro Ledesma Ramos en est le théoricien, qui a d’ailleurs la carte numéro 1 de par l’antériorité de son mouvement. Les tensions apparaissent cependant rapidement, Ramiro Ledesma Ramos regrettant le manque d’interventionnisme social alors qu’il y a la révolution dans les Asturies ; il est alors exclu.

    José Antonio Primo de Rivera tente alors, sans succès, de rejoindre le « bloc national » formé par la CEDA, ainsi que les monarchistes de Rénovation espagnole et de la Communion traditionalistes, avec également les agrariens, les radicaux et les républicains conservateurs.

    Finalement, dans un contexte d’affrontements en 1936 – la ligne des phalangistes étant de chercher systématiquement la confrontation – il est procédé à l’arrestation de José Antonio Primo de Rivera, puis de Ramiro Ledesma Ramos ; ce dernier tenta d’arracher son arme à des policiers et fut tué dans l’action, José Antonio Primo de Rivera est plus tard fusillé.

    Dans ce contexte d’interventions armées, José Castillo, membre du PSOE et lieutenant de la Garde d’Assaut – un corps policier particulièrement pro-républicain – est exécuté par un commando phalangiste, le 12 juillet 1936. En réponse, José Calvo Sotelo, monarchiste et principal dirigeant de la faction ultra des forces conservatrices, est exécuté par un commando de la Garde d’Assaut et des Jeunesses Socialistes.

    Cela est pris comme prétexte pour une partie de l’armée qui avait déjà organisé un vaste plan pour un coup d’État. Le nouveau gouvernement de Front populaire avait compris cette menace et déplacé les généraux présentant une menace : Francisco Franco fut envoyé aux îles Canaries, Manuel Goded aux îles Baléares, Emilio Mola à Pampelune.

    Francisco Franco en 1930

    Cela n’empêche pas la conjuration militaire, et à la suite de l’exécution de José Calvo Sotelo, le multi-millionnaire Juan March finança un avion pour que le général Franco, jusque-là encore attentiste, puisse aller au Maroc, prend le contrôle des troupes et organise un putsch militaire le 17 juillet, avec un écho immédiat en Espagne.

    Sur 170 000 soldats, 83 000 rejoignent le coup d’État, ainsi que 50% des généraux, 30% des colonels et lieutenants-colonels et 80% des jeunes officiers capitaines et lieutenants, galvanisés tant par le nationalisme des forces conservatrices que les appels fascistes des phalangistes à une insurrection généralisée pour régénérer le pays.

    Le premier ministre Santiago Casares Quiroga, de la Gauche Républicaine, démissionna alors, incapable de faire face à l’événement. Il fut remplacé par Diego Martínez Barrio de l’Union Républicaine, qui échoua à négocier et fut remplacé au bout de quelques heures.

    Arriva alors José Giral, de la Gauche Républicaine, partisan de faire bloc avec toute la gauche pour contrer le coup d’État et donc d’armer les organisations de celle-ci. C’était le début de la guerre civile.

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  • Le Front populaire en Espagne en 1936

    Lorsque diverses affaires ébranlèrent le gouvernement en 1936, notamment une affaire de roulette truquée (le Straperlo) soutenue par le ministre de l’intérieur, le président préfère dissoudre l’assemblée que nommer le dirigeant de la CEDA, José María Gil-Robles, comme premier ministre. Un tel triomphe de la CEDA aurait amené une atmosphère de guerre civile et seules des élections pouvaient vérifier quel était le rapport de force.

    Or, la situation était particulièrement tranchée, tant depuis la répression massive suivant la révolution des Asturies en Espagne qu’avec l’exemple terrible du national-socialisme allemand. Par conséquent, la gauche fit en sorte de s’unir, au sein d’un Front populaire.

    On retrouve ainsi, dans cette alliance, des forces républicaines plus ou moins libérales, avec Manuel Azaña et la Izquierda Republicana (Gauche Républicaine), le Partido Republicano Democrático Federal (Parti Républicain Démocrate Fédéral), la Unión Republicana (Union Républicaine).

    Ce sont eux qui en sont le noyau dur, avec le PSOE ; ils déterminent le programme du pacte – programme de Front populaire, établi à la mi-janvier 1936.

    Le symbole du Front populaire

    On y trouve ainsi la libération des prisonniers politiques arrêtés après novembre 1933, la réintégration des fonctionnaires suspendus ou licenciés pour des raisons politiques, la révision de la loi sur l’ordre public, des enquêtes sur les violences policières.

    Sur le plan économique, le programme soutenait les petites entreprises et comptait étendre les interventions de l’État dans les travaux publics, ainsi qu’instaurer un nouveau système d’impôts.

    Le programme du Front populaire était, de fait, une actualité incontournable. Il s’agissait de faire avancer de nouveau la révolution bourgeoise démocratique, en s’opposant frontalement aux forces féodales.

    Cela ne semblait pas « révolutionnaire » en apparence du point de vue marxiste ou anarchiste, mais c’était incontournable historiquement : les marxistes le savaient, les anarchistes le sentaient.

    Pour cette raison, soutiennent de l’intérieur ce pacte, en étant seulement pour ainsi dire « présents » ou témoins, le PCE, la Fédération Nationale des Jeunesses Socialistes, l’UGT, le Parti Syndicaliste.

    Appuie cette alliance un regroupement du même type, le Front d’Esquerres de Catalunya (Front des Gauches de Catalogne), avec dix organisations de la gauche catalane, la principale étant la Esquerra Republicana de Catalunya (Gauche Républicaine de Catalogne).

    Appuie également cette alliance la CNT, qui pour la première fois ne mène pas campagne pour le boycott des élections. La CNT se retrouvait piégée : elle était anti-politique et anti-parlementaire, se considérait comme la seule organisation possible des masses, mais elle devait composer avec la réalité.

    Les élections de février et mai 1936 montrèrent la polarisation de la société espagnole. Le Front populaire obtint 3,75 millions de voix, le Front de la gauche catalane 700 000 voix, ce qui donnait un total de 4,451 millions de voix, contre 4,375 millions de voix aux forces conservatrices.

    Le centre, de son côté, s’effondrait, avec 333 000 voix.

    En raison cependant du système électoral donnant une prime au gagnant – 80 % des sièges dès qu’on dépasse 50 %, le reste allant aux autres partis – le Front populaire obtint 285 sièges, les forces conservatrices 131, le centre 57.

    Le PSOE avait ainsi 99 sièges, la Gauche Républicaine 87, l’Union Républicaine 37, la Gauche Républicaine de Catalogne 21, le PCE 17.

    L’Espagne vote pour les gauches

    Le gouvernement, toutefois, ne fut composé que de l’Izquierda Republicana (Gauche Républicaine) et de l’Unión Republicana (Union républicaine), même le PSOE n’y participa pas. En juin, Manuel Azaña, seul candidat, fut élu président par les élus, selon le même principe : la gauche soutenait les républicains, les libéraux-progressistes, mais son programme était bien différent.

    Cette dépendance du gouvernement vis-à-vis de la gauche et les grandes mobilisations de masse qui suivirent la victoire conférèrent un caractère explosif à la situation.

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  • Les contradictions de la CNT dans l’Espagne du début des années 1930

    La « révolution des Asturies » marqua très profondément les masses populaires espagnoles et posa un lourd problème à la CNT. La CNT avait, en effet, participé comme observateur à la réunion secrète à Saint-Sébastien qui avait mis en place le principe de renversement du régime.

    Si elle avait soutenu indirectement l’initiative, elle avait par contre ouvertement appelé à l’abstention aux élections de 1933, contribuant clairement à la victoire électorale des forces conservatrices, qui avaient mené une répression importante, notamment contre la CNT.

    Appel à l’abstention de la CNT aux élections de 1933 : hommes libres, ne votez pas !

    L’union générale populaire aux Asturies contrariait également la ligne de la CNT qui était de se poser comme seule organisation générale des masses. Une rectification semblait alors clairement nécessaire, la CNT ne pouvant plus faire cavalier seul.

    La question républicaine heurtait, en fait, de plein fouet la nature même de la CNT. L’objectif de la CNT était de parvenir à combiner la revendication sociale et une organisation immédiatement conforme au projet de société appelé « communisme libertaire », consistant en un collectivisme décentralisé et fédéraliste.

    La CNT est donc plus qu’un syndicat, du moins à ses propres yeux : elle est la structure organisationnelle de la société future, présente dès aujourd’hui. Elle a d’autant plus cette considération qu’elle est née en Catalogne, région la plus industrialisée du pays, et que son essor semble inexorable.

    Née en 1910, en tant que syndicat appelé Solidaridad Obrera  (« Solidarité Ouvrière ») avec un noyau dur de 26 571 personnes dès le départ, l’organisation devient, à son congrès de 1911 la Confederación Nacional del Trabajo, Confédération Nationale du Travail, membre de l’AIT (association internationale des travailleurs, regroupant des structures anarcho-syndicalistes).

    Solidaridad Obrera devient la Confederación Nacional del Trabajo

    Appelant immédiatement à la grève générale, ce qui lui vaut une interdiction jusqu’en 1914, cela ne l’empêche pas d’organiser une grève générale avec l’UGT en 1917. Au congrès de Madrid, en 1919, la CNT dispose de 705 512 adhérents, dont 424 578 en Catalogne.

    Cela lui permet de traverser avec succès les années de plomb allant de 1919 à 1923, où aux pistoleros exécutant des dirigeants, notamment de la CNT, répondent des actions armées anarchistes. La dictature établie en 1923 paralyse cependant profondément la CNT, qui a fait le choix de l’anarchisme dans une approche uniquement syndicaliste et rejette par conséquent la politique.

    L’illégalité nuit profondément à l’organisation et l’instauration de la Seconde République ne fit que prolonger la crise, qui s’exprime par un conflit entre deux tendances proposant des solutions différentes.

    La première, celle qui prédomine, s’appuie sur une minorité ayant formé une structure semi-clandestine à l’intérieur de la CNT, la Federación Anarquista Ibérica (FAI), qui prit ce nom afin d’être organisée tant en Espagne qu’au Portugal.

    La FAI entendait donner à la CNT un tournant politique, sur une base strictement anarchiste cependant, c’est-à-dire rompant avec le syndicalisme économique et social pour une ligne ouvertement insurrectionnelle, fondé sur l’action directe.

    Tierra y Libertad (Terre et liberté), organe de la FAI à Barcelone. Ici en 1934 : La question n’est pas gouvernement de droite ou gouvernement de gauche, mais république bourgeoise ou communisme libertaire.

    La CNT tenta alors plusieurs fois de lancer un processus insurrectionnel, comme en janvier 1932, en janvier et en décembre 1933, avec à chaque fois de très violents échecs.

    Cela est prétexte à une critique virulente, menée de la part de militants souvent plus âgés et ayant exercé de lourdes responsabilités dans la CNT.

    Organisés autour d’Ángel Pestaña et de Joan Peiró, et ayant été notamment responsables du journal de la CNT, Solidaridad Obrera, un groupe de trente personnes signent un manifeste, en août 1931, appelant à une participation à la vie sociale générale, afin de s’imposer au fur et à mesure comme la principale force, également à travers les revendications minimales.

    Durant la dictature, Ángel Pestaña appelait déjà à participer aux élections des comités paritaires afin de parvenir à exister légalement, cette ligne fut qualifiée de « possibiliste ».

    La ligne des « trentistes » renouvelait simplement cette approche, considérant que le nouveau régime n’était pas encore considéré par les masses comme entièrement pourri, que la crise économique était extrême, la situation précaire, qu’il ne fallait donc pas avoir une conception abstraite de la révolution, attaquant très violemment la FAI pour ses initiatives insurrectionnelles utilisant pratiquement la CNT comme levier.

    On lit dans le manifeste :

    « La confédération est une organisation révolutionnaire, pas une organisation qui cultive le spectacle, la mutinerie, qui utilise la violence pour la violence, la révolution pour la révolution.

    C’est pourquoi nous nous adressons à tous les militants. Nous leur rappelons que la situation est sérieuse est que chacun porte la responsabilité de ses actions et de ses lacunes.

    Quand on participe aujourd’hui, demain ou après-demain à des mouvements révolutionnaires, on ne doit pas oublier qu’on a une responsabilité par rapport à la C.N.T. ; une organisation, qui a le droit de se contrôler elle-même, de surveiller ses propres activités, d’agir de sa propre initiative et selon sa propre volonté.

    La confédération décide, quand et sous quelles conditions elle agit. Elle les personnes et les moyens pour imposer ce qu’elle doit faire. »

    Une tension extrême existait donc entre une minorité agissante, prônant l’insurrection, et une autre minorité s’affirmant comme démocratique à la base et ouverte aux revendications mêmes minimales.

    Le conflit s’exprima ouvertement dès la fin de la dictature : les « trentistes » furent expulsés, Ángel Pestaña fonda en 1932 un Parti Syndicaliste.

    Affiche du Parti Syndicaliste

    La question au sein de la CNT restait pourtant irrésolue dans la première partie des années 1930 : fallait-il mener une ligne à la fois contre les conservateurs et la gauche, ou bien considérer les conservateurs comme la priorité ? La CNT sera alors amené très vite à devoir faire ses choix.

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