1937
La relation entre la connaissance et la pratique –
le savoir et l’action.
[Il a existé dans notre Parti des camarades,
tenants du dogmatisme, qui, pendant longtemps, ont
rejeté
l’expérience de la révolution chinoise, nié cette vérité que »
le marxisme n’est pas un dogme,
mais un guide pour l’action « ,
et n’ont fait qu’effrayer les gens à l’aide de mots et de phrases
isolés,
extraits au petit bonheur des textes marxistes.
Il a existé également d’autres camarades,
tenants de l’empirisme, qui, pendant longtemps, se sont
cramponnés
à leur expérience personnelle, limitée, sans comprendre
l’importance de la théorie pour
la pratique révolutionnaire ni
voir la situation de la révolution dans son ensemble. Ils ont eu
beau
travailler avec zèle, leur travail se faisait à
l’aveuglette.
Les conceptions erronées de ces deux groupes
de camarades, en particulier les conceptions
dogmatiques, ont causé,
au cours des années 1931-1934, un préjudice énorme à la
révolution
chinoise.
En outre, les dogmatiques, parés de la toge
marxiste, ont induit en erreur nombre de nos camarades.
Le présent
ouvrage a pour but de dénoncer, en partant des positions de la
théorie marxiste de la
connaissance, les erreurs subjectivistes
commises par les partisans du dogmatisme et de
l’empirisme, et en
particulier du dogmatisme, au sein de notre Parti.
Comme l’accent est mis sur la dénonciation de
cette variété du subjectivisme, le dogmatisme, qui
méprise la
pratique, cet ouvrage est intitulé De la pratique.
Les conceptions
développées ici par Mao Tsé-toung ont été exposées dans un
cycle de conférences
qu’il a faites à l’Ecole militaire et
politique antijaponaise de Yenan, en juillet 1937.]
Le matérialisme prémarxiste considérait le
problème de la connaissance sans tenir compte de la
nature sociale
des hommes, sans tenir compte du développement historique de
l’humanité et, pour
cette raison, il était impuissant à
comprendre que la connaissance dépend de la pratique sociale,
c’est-à-dire qu’elle dépend de la production et de la lutte des
classes.
Les marxistes estiment, au premier chef, que l’activité de production des hommes constitue la base même de leur activité pratique, qu’elle détermine toute autre activité.
Dans leur connaissance, les hommes dépendent essentiellement de leur activité de production matérielle, au cours de laquelle ils appréhendent progressivement les phénomènes de la nature, ses propriétés, ses lois, ainsi que les rapports de l’homme avec la nature ; et par leur activité de production, ils apprennent également à connaître, à des degrés différents et d’une manière progressive, les rapports déterminés existant entre les hommes.
De toutes ces connaissances, aucune ne saurait
s’acquérir en dehors de l’activité de production.
Dans la société sans classes, tout individu, en
tant que membre de cette société, joint ses efforts à
ceux des
autres membres, entre avec eux dans des rapports de production
déterminés et se livre à
l’activité de production en vue de
résoudre les problèmes relatifs à la vie matérielle des hommes.
Dans les sociétés de classes, les membres des
différentes classes entrent également, sous des formes
variées,
dans des rapports de production déterminés, se livrent à une
activité de production dirigée
vers la solution des problèmes
relatifs à la vie matérielle des hommes.
C’est là l’origine même du développement de la
connaissance humaine.
La pratique sociale des hommes ne se limite pas à
la seule activité de production ; elle revêt encore
beaucoup
d’autres formes : lutte des classes, vie politique, activités
scientifiques et artistiques ; bref,
en tant qu’être social,
l’homme participe à tous les domaines de la vie pratique de la
société.
C’est ainsi que dans son effort de connaissance,
il appréhende, à des degrés divers, non seulement
dans la vie
matérielle, mais également dans la vie politique et culturelle (qui
est étroitement liée à la
vie matérielle), les différents
rapports entre les hommes.
Parmi ces autres formes de pratique sociale, la
lutte des classes, sous ses diverses manifestations,
exerce en
particulier une influence profonde sur le développement de la
connaissance humaine.
Dans la société de classes, chaque homme occupe
une position de classe déterminée et il n’existe
aucune pensée
qui ne porte une empreinte de classe.
Les marxistes estiment que l’activité de
production de la société humaine se développe pas à pas,
des
degrés inférieurs aux degrés supérieurs ; en conséquence, la
connaissance qu’ont les hommes,
soit de la nature soit de la
société, se développe aussi pas à pas, de l’inférieur au
supérieur, c’est-à-
dire du superficiel à ce qui est en
profondeur, de l’unilatéral au multilatéral.
Au cours d’une très longue période historique,
les hommes n’ont pu comprendre l’histoire de la
société que d’une
manière unilatérale, parce que, d’une part, les préjugés des
classes exploiteuses
déformaient constamment l’histoire de la
société, et que, d’autre part, l’échelle réduite de la
production limitait l’horizon des hommes.
C’est seulement lorsque le prolétariat moderne
est apparu en même temps que des forces
productives gigantesques –
la grande industrie – que les hommes ont pu atteindre à une
compréhension historique complète du développement de la société
et transformer cette
connaissance en une science, la science
marxiste.
Les marxistes estiment que les hommes n’ont
d’autre critère de la vérité de leur connaissance du
monde
extérieur que leur pratique sociale.
Car, en fait, c’est seulement en arrivant, dans la
pratique sociale (dans le processus de la production matérielle, de
la lutte des classes, des expériences scientifiques), aux résultats
qu’ils attendent que
les hommes reçoivent la confirmation de la
vérité de leurs connaissances.
S’ils veulent obtenir des succès dans leur
travail, c’est-à-dire arriver aux résultats attendus, ils
doivent
faire en sorte que leurs idées correspondent aux lois du monde
extérieur objectif ; si tel n’est
pas le cas, ils échouent dans la
pratique.
Après avoir subi un échec, ils en tirent la
leçon, modifient leurs idées de façon à les faire
correspondre
aux lois du monde extérieur et peuvent ainsi transformer l’échec en
succès ; c’est ce
qu’expriment les maximes : » La défaite est
la mère du succès » et » Chaque insuccès nous rend plus
avisés ».
La théorie matérialiste-dialectique de la
connaissance met la pratique à la première place ; elle
estime que
la connaissance humaine ne peut, en aucune manière, être coupée de
la pratique et rejette
toutes ces théories erronées qui nient
l’importance de la pratique et coupent la connaissance de la
pratique.
Lénine a dit : » La pratique est supérieure
à la connaissance (théorique), car elle a la dignité non
seulement du général, mais du réel immédiat (1). »
La philosophie marxiste – le matérialisme
dialectique – a deux particularités évidentes. La première,
c’est
son caractère de classe : elle affirme ouvertement que le
matérialisme dialectique sert le
prolétariat ; la seconde, c’est
son caractère pratique : elle met l’accent sur le fait que la
théorie
dépend de la pratique, que la théorie se fonde sur la
pratique et, à son tour, sert la pratique.
La vérité d’une connaissance ou d’une théorie
est déterminée non par une appréciation subjective,
mais par les
résultats objectifs de la pratique sociale.
Le critère de la vérité ne peut être que la
pratique sociale. Le point de vue de la pratique, c’est le
point de
vue premier, fondamental de la théorie matérialiste-dialectique de
la connaissance (2).
Mais de quelle manière la connaissance humaine
naît-elle de la pratique et comment sert-elle, à son
tour, la
pratique ?
Pour le comprendre, il suffit d’examiner le
processus de développement de la connaissance.
Dans le processus de leur activité pratique, les
hommes ne voient, au début, que les côtés apparents
des choses et
des phénomènes, leurs aspects isolés et leur liaison externe.
Par exemple, des gens de l’extérieur sont venus
enquêter à Yenan.
Le premier jour ou les deux premiers jours, ils
ont vu la ville, sa topographie, ses rues et ses
maisons, ils sont
entrés en contact avec beaucoup de personnes, ont assisté à des
réceptions, des
soirées, des meetings, entendu différentes
interventions, lu divers documents ; ce sont là les côtés
apparents et des aspects isolés des phénomènes, avec leur liaison
externe.
Ce degré du processus de la connaissance se nomme
le degré de la perception sensible, c’est-à-dire
le degré des
sensations et des représentations.
En agissant sur les organes des sens des membres
du groupe d’enquête, ces différents phénomènes
rencontrés à
Yenan ont provoqué des sensations et fait surgir dans leur cerveau
toute une série de
représentations, entre lesquelles s’est établi
un lien approximatif, une liaison externe : tel est le premier degré
de la connaissance.
A ce degré, les hommes ne peuvent encore élaborer
des concepts, qui se situent à un niveau plus
profond, ni tirer des
conclusions logiques.
La continuité de la pratique sociale amène la
répétition multiple de phénomènes qui suscitent chez
les hommes
des sensations et des représentations.
C’est alors qu’il se produit dans leur cerveau un
changement soudain (un bond) dans le processus de
la connaissance,
et le concept surgit.
Le concept ne reflète plus seulement l’apparence
des choses, des phénomènes, leurs aspects isolés,
leur liaison
externe, il saisit les choses et les phénomènes dans leur essence,
dans leur ensemble,
dans leur liaison interne.
Entre le concept et la sensation, la différence
n’est pas seulement quantitative mais qualitative.
En allant plus loin dans cette direction, à
l’aide du jugement, de la déduction, on peut aboutir à des
conclusions logiques.
L’expression du San kouo yen yi (3) : » II
suffit de froncer les sourcils et un stratagème vient à
l’esprit »
ou celle du langage ordinaire : » Laissez-moi réfléchir »
signifient que l’homme opère
intellectuellement à l’aide de
concepts, afin de porter des jugements et de faire des déductions.
C’est
là le second degré de la connaissance.
Les membres du groupe d’enquête qui sont venus
chez nous, après avoir réuni un matériel varié et y
avoir »
réfléchi « , pourront porter le jugement suivant : » La
politique de front uni national contre le
Japon, appliquée par le
Parti communiste, est conséquente, sincère et honnête. »
S’ils sont, avec la même honnêteté, partisans
de l’unité pour le salut de la nation, ils pourront,
partant de ce
jugement, aller plus loin et tirer la conclusion suivante : » Le
front uni national contre
le Japon peut réussir. »
Dans le processus général de la connaissance par
les hommes d’un phénomène, ce degré des
concepts, des jugements
et des déductions apparaît comme le degré le plus important, celui
de la
connaissance rationnelle.
La tâche véritable de la connaissance consiste à
s’élever de la sensation à la pensée, à s’élever
jusqu’à la
compréhension progressive des contradictions internes des choses,
des phénomènes tels
qu’ils existent objectivement, jusqu’à la
compréhension de leurs lois, de la liaison interne des
différents
processus, c’est-à-dire qu’elle consiste à aboutir à la
connaissance logique.
Nous le répétons : La connaissance logique
diffère de la connaissance sensible, car celle-ci
embrasse des
aspects isolés des choses, des phénomènes, leurs côtés
apparents, leur liaison externe,
alor que la connaissance logique,
faisant un grand pas en avant, embrasse les choses et les
phénomènes
en entier, leur essence et leur liaison interne, s’élève jusqu’à
la mise en évidence des
contradictions internes du monde qui nous
entoure, et par là même est capable de saisir le
développement de ce monde dans son intégrité,
dans la liaison interne de tous ses aspects.
Une telle théorie, matérialiste-dialectique, du
processus de développement de la connaissance,
fondée sur la
pratique, allant du superficiel à ce qui est en profondeur, était
inconnue avant le
marxisme.
C’est le matérialisme marxiste qui, pour la
première fois, a résolu correctement ce problème, en
mettant en
évidence, de façon matérialiste et dialectique, le mouvement
d’approfondissement de la
connaissance, mouvement par lequel les
hommes, dans la société, passent de la connaissance
sensible à la
connaissance logique au cours de leur pratique, complexe et sans
cesse répétée, de la
production et de la lutte des classes.
Lénine a dit : » Les abstractions de
matière, de loi naturelle, l’abstraction de valeur, etc., en un mot
toutes les abstractions scientifiques (justes, sérieuses, pas
arbitraires) reflètent la nature plus
profondément, plus
fidèlement, plus complètement (4). »
Le marxisme-léninisme estime que les deux degrés
du processus de la connaissance ont ceci de
particulier qu’au degré
inférieur la connaissance intervient en tant que connaissance
sensible, au
degré supérieur en tant que connaissance logique,
mais que ces deux degrés constituent les degrés
d’un processus
unique de la connaissance.
La connaissance sensible et la connaissance
rationnelle diffèrent qualitativement, elles ne sont
toutefois pas
coupées l’une de l’autre, mais unies sur la base de la pratique.
Comme le prouve notre pratique, ce que nous avons perçu par les sens
ne peut être immédiatement
compris par nous, et seul ce que nous
avons bien compris peut être senti d’une manière plus
profonde.
La perception ne peut résoudre que le problème
des apparences des choses et des phénomènes ; le
problème de
l’essence, lui, ne peut être résolu que par la théorie.
La solution de ces problèmes ne peut être
obtenue en aucune façon en dehors de la pratique.
Quiconque veut connaître un phénomène ne peut y
arriver sans se mettre en contact avec lui, c’est-
à-dire sans vivre
(se livrer à la pratique) dans le milieu même de ce phénomène.
On ne pouvait connaître d’avance, alors que la
société était encore féodale, les lois de la société
capitaliste,
puisque le capitalisme n’était pas encore apparu et que la pratique
correspondante faisait
défaut.
Le marxisme ne pouvait être que le produit de la
société capitaliste.
A l’époque du capitalisme libéral, Marx ne
pouvait connaître d’avance, concrètement, certaines lois
propres à
l’époque de l’impérialisme, puisque l’impérialisme, stade suprême
du capitalisme, n’était
pas encore apparu et que la pratique
correspondante faisait défaut ; seuls Lénine et Staline purent
assumer cette tâche.
Si Marx, Engels, Lénine et Staline ont pu
élaborer leurs théories, ce fut surtout, abstraction faite de
leur
génie, parce qu’ils se sont engagés personnellement dans la
pratique de la lutte de classes et de
l’expérience scientifique de
leur temps; sans cette condition, aucun génie n’aurait pu y
réussir.
» Sans sortir de chez lui, un sieoutsai (5)
peut savoir tout ce qui se passe sous le soleil » n’était
qu’une
phrase vide dans les temps anciens où la technique n’était
pas développée ; bien qu’à notre époque
de technique développée
cela soit réalisable, ceux qui acquièrent vraiment du savoir par
eux-mêmes
sont, dans le monde entier, ceux qui sont liés à la
pratique.
Et c’est seulement lorsque ces derniers auront
acquis du » savoir » par la pratique et que leur savoir lui
aura été transmis au moyen de l’écriture et de la technique que le
sieoutsai pourra, indirectement,
» savoir tout ce qui se passe
sous le soleil « .
Pour connaître directement tel phénomène ou tel
ensemble de phénomènes, il faut participer
personnellement à la
lutte pratique qui vise à transformer la réalité, à transformer
ce phénomène ou
cet ensemble de phénomènes, car c’est le seul
moyen d’entrer en contact avec eux en tant
qu’apparences ; de même,
c’est là le seul moyen de découvrir l’essence de ce phénomène ou
de cet
ensemble de phénomènes, et de les comprendre.
Tel est le processus de connaissance que suit tout
homme dans la réalité, bien que certaines gens,
déformant à
dessein les faits, prétendent le contraire.
Les plus ridicules sont ceux qu’on appelle les »
je-sais-tout » et qui, n’ayant que des connaissances
occasionnelles, fragmentaires, se proclament les » premières
autorités du monde « , ce qui témoigne
tout simplement de leur
fatuité. Les connaissances, c’est la science, et la science ne
saurait admettre
la moindre hypocrisie, la moindre présomption ; ce
qu’elle exige, c’est assurément le contraire :
l’honnêteté et la
modestie.
Si l’on veut acquérir des connaissances, il faut
prendre part à la pratique qui transforme la réalité.
Si l’on
veut connaître le goût d’une poire, il faut la transformer : en la
goûtant.
Si l’on veut connaître la structure et les
propriétés de l’atome, il faut procéder à des expériences
physiques et chimiques, changer l’état de l’atome.
Si l’on veut connaître la théorie et les
méthodes de la révolution, il faut prendre part à la révolution.
Toutes les connaissances authentiques sont issues de l’expérience
immédiate.
Toutefois, on ne peut avoir en toutes choses une
expérience directe ; en fait, la majeure partie de nos
connaissances sont le produit d’une expérience indirecte, par
exemple toutes les connaissances que
nous tenons des siècles passés
et des pays étrangers.
Pour nos ancêtres, pour les étrangers, elles ont
été, ou elles sont, le produit de leur expérience
directe, et
elles sont sûres si au moment où elles ont fait l’objet d’une
expérience directe, elles ont
répondu à l’exigence de
l’ »abstraction scientifique » dont parle Lénine et ont
reflété scientifiquement
la réalité objective ; dans le cas
contraire, elles ne le sont pas.
C’est pourquoi les connaissances d’un homme se
composent uniquement de deux parties : les
données de l’expérience
directe et les données de l’expérience indirecte.
Et ce qui est pour moi expérience indirecte reste
pour d’autres expérience directe.
Il s’ensuit que, prises dans leur ensemble, les
connaissances de quelque ordre que ce soit sont
inséparables de
l’expérience directe.
La source de toutes les connaissances réside dans
les sensations reçues du monde extérieur objectif
par les organes
des sens de l’homme ; celui qui nie la sensation, qui nie
l’expérience directe, qui nie
la participation personnelle à la
pratique destinée à transformer la réalité n’est pas un
matérialiste.
C’est la raison pour laquelle les »
je-sais-tout » sont si ridicules. Il y a un vieux proverbe
chinois : « Si l’on ne pénètre pas dans la tanière du tigre,
comment peut-on capturer ses petits ? »
Ce proverbe est vrai pour la pratique humaine, il
l’est également pour la théorie de la connaissance.
La connaissance
coupée de la pratique est inconcevable.
Pour mettre en évidence le mouvement
matérialiste-dialectique de la connaissance – mouvement de
l’approfondissement progressif de la connaissance – qui surgit sur la
base de la pratique transformant
la réalité, nous allons donner
encore quelques exemples concrets.
Dans la période initiale de sa pratique, période
de la destruction des machines et de la lutte
spontanée, le
prolétariat ne se trouvait, dans sa connaissance de la société
capitaliste, qu’au degré de
la connaissance sensible et
n’appréhendait que des aspects isolés et la liaison externe des
différents
phénomènes du capitalisme.
Il n’était encore que ce qu’on appelle une »
classe en soi « .
Mais dès la seconde période de sa pratique,
période de la lutte économique et politique consciente et
organisée, du fait de son activité pratique, de son expérience
acquise au cours d’une lutte prolongée,
expérience qui fut
généralisée scientifiquement par Marx et Engels et d’où naquit la
théorie marxiste
qui servit à l’éduquer, il fut à même de
comprendre l’essence de la société capitaliste, les rapports
d’exploitation entre les classes sociales, ses propres tâches
historiques, et devint alors une » classe
pour soi « .
C’est la même voie que suivit le peuple chinois
dans sa connaissance de l’impérialisme. Le premier
degré fut celui
de la connaissance sensible, superficielle, tel qu’il fut marqué, à
l’époque des
mouvements des Taiping (6), des Yihotouan (7) et
autres, par la lutte sans discrimination contre les
étrangers.
Le second degré seulement fut celui de la
connaissance rationnelle, lorsque le peuple chinois
discerna les
différentes contradictions internes et externes de l’impérialisme,
lorsqu’il discerna
l’essence de l’oppression et de l’exploitation
exercées sur les larges masses populaires de Chine par
l’impérialisme qui s’était allié avec la bourgeoisie compradore et
la classe féodale chinoises ; cette
connaissance ne commença
qu’avec la période du Mouvement du 4 Mai 1919 (8).
Considérons maintenant la guerre. Si la guerre
était dirigée par des gens sans expérience dans ce
domaine, ils
ne pourraient, au premier degré, comprendre les lois profondes qui
régissent la
conduite d’une guerre donnée (telle notre Guerre
révolutionnaire agraire des dix dernières années).
Au premier degré, ils ne pourraient acquérir que
l’expérience d’un grand nombre de combats dont
beaucoup, du reste,
se termineraient pour eux par des défaites.
Néanmoins, cette expérience (l’expérience des
victoires et surtout des défaites) leur permettrait de
comprendre
l’enchaînement interne de toute la guerre, c’est-à-dire les lois de
cette guerre
déterminée, d’en comprendre la stratégie et la
tactique et, par là même, de la diriger avec assurance.
Si, à un tel moment, la direction de la guerre
passait à un homme dépourvu d’expérience, celui-ci
aurait, à son
tour, à subir un certain nombre de défaites (c’est-à-dire à
acquérir de l’expérience) avant
de bien comprendre les lois
réelles de la guerre.
Il nous arrive souvent d’entendre des camarades,
qui hésitent à se charger de tel ou tel travail,
déclarer qu’ils
craignent de ne pouvoir s’en acquitter. Pourquoi ce manque
d’assurance ?
Parce qu’ils n’ont pas saisi le contenu et les
conditions de ce travail selon les lois qui les régissent,
ou bien
ils n’ont jamais eu l’occasion de s’occuper d’un tel travail ou bien
ils ne l’ont eue que rarement ; il ne peut donc être question pour
eux d’en connaître les lois.
Mais lorsqu’on aura fait devant eux
une analyse détaillée de la nature et des conditions du travail,
ils
commenceront à être plus sûrs d’eux-mêmes et accepteront de
s’en charger.
Si, au bout d’un certain temps consacré à ce
travail, ils acquièrent de l’expérience, et s’ils veulent
bien,
sans parti pris, examiner à fond l’état de la situation, au lieu de
considérer les choses d’une
manière subjective, unilatérale et
superficielle, ils seront capables de tirer par eux-mêmes les
conclusions concernant la manière dont il convient de s’y prendre,
et ils se mettront à travailler avec
bien plus d’assurance.
Seuls les gens qui ont une vue subjective,
unilatérale et superficielle des problèmes se mêlent de
donner
présomptueusement des ordres ou des instructions dès qu’ils
arrivent dans un endroit
nouveau, sans s’informer de l’état de la
situation, sans chercher à voir les choses dans leur ensemble
(leur
histoire et leur état présent considéré comme un tout) ni à en
pénétrer l’essence même (leur
caractère et leur liaison interne)
; il est inévitable que de telles gens trébuchent.
Il apparaît, en conséquence, que le premier pas
dans le processus de la connaissance, c’est le contact
avec le monde
extérieur : le degré des sensations.
Le second, c’est la synthèse des données
fournies par les sensations, leur mise en ordre et leur
élaboration
: le degré des concepts, des jugements et des déductions.
C’est seulement lorsque les données sensibles
sont en grand nombre (et non pas fragmentaires,
incomplètes),
conformes à la réalité (et non pas illusoires), qu’il est
possible, sur la base de ces
données, d’élaborer des concepts
corrects, une logique juste.
Il faut souligner ici deux points importants.
Le premier, dont il a été question précédemment
et sur lequel il convient de revenir une fois de plus,
est la
dépendance de la connaissance rationnelle à l’égard de la
connaissance sensible.
Toute personne qui considère que la
connaissance rationnelle peut ne pas provenir de la
connaissance
sensible est un idéaliste.
L’histoire de la philosophie a connu une école »
rationaliste » qui n’admet que la réalité de la raison
et nie
celle de l’expérience, qui croit que l’on ne peut se fonder que sur
la raison et non sur
l’expérience sensible ; l’erreur de cette
école est d’avoir interverti l’ordre des choses.
Si l’on peut se fier aux données de la
connaissance rationnelle, c’est justement parce qu’elles
découlent
des données de la perception sensible ; autrement, elles
deviendraient un fleuve sans
source, un arbre sans racines, elles
seraient quelque chose de subjectif, qui naîtrait de soi-même et
auquel on ne pourrait se fier.
Du point de vue de l’ordre du processus de la
connaissance, l’expérience sensible est la donnée
première, et
nous soulignons l’importance de la pratique sociale dans le processus
de la
connaissance, car c’est seulement sur la base de la pratique
sociale de l’homme que peut naître chez
lui la connaissance, qu’il
peut acquérir l’expérience sensible issue du monde extérieur
objectif.
Pour un homme qui se serait bouché les yeux et
les oreilles, qui se couperait complètement du
monde extérieur
objectif, il ne pourrait être question de connaissance.La
connaissance commence avec l’expérience, c’est là le matérialisme
de la théorie de la
connaissance.
Le second point, c’est la nécessité
d’approfondir la connaissance, la nécessité de passer du degré de
la connaissance sensible au degré de la connaissance rationnelle,
telle est la dialectique de la théorie
de la connaissance (9).
Estimer que la connaissance peut s’arrêter au
degré inférieur, celui de la connaissance sensible,
estimer qu’on
ne peut se fier qu’à la connaissance sensible et non à la
connaissance rationnelle, c’est
répéter les erreurs, connues dans
l’histoire, de 1′ » empirisme « .
Les erreurs de cette théorie consistent à ne pas
comprendre que, tout e;n étant le reflet de certaines
réalités du
monde objectif (je ne parlerai pas ici de cet empirisme idéaliste
qui limite l’expérience à
ce qu’on appelle l’introspection), les
données de la perception sensible n’en sont pas moins
unilatérales,
superficielles, que ce reflet est incomplet, qu’il ne traduit pas
l’essence des choses.
Pour refléter pleinement une chose dans sa
totalité, pour refléter son essence et ses lois internes, il
faut
procéder à une opération intellectuelle en soumettant les riches
données de la perception
sensible à une élaboration qui consiste
à rejeter la balle pour garder le grain, à éliminer ce qui est
fallacieux pour conserver le vrai, à passer d’un aspect des
phénomènes à l’autre, du dehors au
dedans, de façon à créer un
système de concepts et de théories ; il faut sauter de la
connaissance
sensible à la connaissance rationnelle.
Cette élaboration ne rend pas nos connaissances
moins complètes, moins sûres.
Au contraire, tout ce qui, dans le processus de la
connaissance, a été soumis à une élaboration
scientifique sur la
base de la pratique, reflète, comme le dit Lénine, d’une manière
plus profonde,
plus fidèle, plus complète, la réalité
objective.
C’est ce que ne comprennent pas les »
praticiens » vulgaires qui s’inclinent devant l’expérience et
dédaignent la théorie, si bien qu’ils ne peuvent embrasser le
processus objectif dans son ensemble,
n’ont ni clarté d’orientation
ni vastes perspectives et s’enivrent de leurs succès occasionnels et
de
leurs vues étroites.
Si ces gens dirigeaient la révolution, ils la
conduiraient dans une impasse.
La connaissance rationnelle dépend de la
connaissance sensible et celle-ci doit se développer en
connaissance rationnelle, telle est la théorie
matérialiste-dialectique de la connaissance.
En philosophie, ni le » rationalisme »
ni l’ » empirisme » ne comprennent le caractère historique
ou
dialectique de la connaissance, et, bien que ces théories
recèlent l’une comme l’autre un aspect de la
vérité (il s’agit du
rationalisme et de l’empirisme matérialistes et non idéalistes),
elles sont toutes
deux erronées du point de vue de la théorie de
la connaissance considérée dans son ensemble.
Le mouvement matérialiste-dialectique de la
connaissance, qui va du sensible au rationnel,
intervient aussi bien
dans le processus de la connaissance du petit (par exemple, la
connaissance
d’une chose, d’un travail quelconque) que dans le
processus de la connaissance du grand (par
exemple, la connaissance
de telle ou telle société, de telle ou telle révolution).
Néanmoins, le mouvement de la connaissance ne
s’achève pas là.
Si on arrêtait le mouvement
matérialiste-dialectique de la connaissance à la connaissance
rationnelle, on n’aurait parlé que de la moitié du problème, et
même, du point de vue de la
philosophie marxiste, de cette moitié
qui n’est pas la plus importante. La philosophie marxiste
estime que
l’essentiel, ce n’est pas de comprendre les lois du monde objectif
pour être en état de
l’expliquer, mais c’est d’utiliser la
connaissance de ces lois pour transformer activement le monde.
Du point de vue marxiste, la théorie est
importante, et son importance s’exprime pleinement dans
cette parole
de Lénine : » Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement
révolutionnaire (10). «
Mais le marxisme accorde une grande importance à
la théorie justement et uniquement parce qu’elle peut être un guide
pour l’action.
Si, étant arrivé à une théorie juste, on se
contente d’en faire un sujet de conversation pour la laisser
ensuite
de côté, sans la mettre en pratique, cette théorie, si belle
qu’elle puisse être, reste sans
intérêt.
La connaissance commence avec la pratique ; quand
on a acquis par la pratique des connaissances
théoriques, on doit
encore retourner à la pratique.
Le rôle actif de la connaissance ne s’exprime pas
seulement dans le bond actif de la connaissance
sensible à la
connaissance rationnelle, mais encore, ce qui est plus important, il
doit s’exprimer dans
le bond de la connaissance rationnelle à la
pratique révolutionnaire.
Ayant acquis la connaissance des lois du monde, on
doit la diriger de nouveau vers la pratique de la
transformation du
monde, l’appliquer de nouveau dans la pratique de la production, dans
la pratique
de la lutte révolutionnaire de classe et de la lutte
révolutionnaire pour la libération de la nation, de
même que dans
la pratique de l’expérience scientifique.
Tel est le processus de vérification et de
développement de la théorie, le prolongement de tout le
processus
de la connaissance.
La question de savoir si une théorie correspond à
la vérité objective n’est pas et ne peut être résolue
entièrement dans le mouvement de la connaissance sensible à la
connaissance rationnelle dont il a
été parlé plus haut.
Pour résoudre complètement cette question, il
est nécessaire de diriger de nouveau la connaissance
rationnelle
vers la pratique sociale, d’appliquer la théorie dans la pratique et
de voir si elle peut
conduire au but fixé.
Nombre de théories des sciences de la nature sont
reconnues vraies non seulement parce qu’elles ont
été considérées
comme telles lorsque des savants les ont élaborées, mais parce
qu’elles se sont
vérifiées ensuite dans la pratique scientifique.
De même, le marxisme-léninisme est reconnu comme
vérité non seulement parce que cette doctrine
a été
scientifiquement élaborée par Marx, Engels, Lénine et Staline,
mais parce qu’elle a été
confirmée par la pratique ultérieure de
la lutte révolutionnaire de classe et de la lutte révolutionnaire
pour la libération de la nation.
Le matérialisme dialectique est une vérité
générale parce que personne, dans sa pratique, ne peut
sortir de
ce cadre.
L’histoire de la connaissance humaine nous apprend
que de nombreuses théories étaient d’une vérité
incomplète, et
que c’est leur vérification dans la pratique qui a permis de la
compléter.
Nombre de théories étaient erronées, et c’est
leur vérification dans la pratique qui a permis d’en
corriger les
erreurs.
C’est pourquoi la pratique est le critère de la
vérité. » Le point de vue de la vie, de la pratique, doit
être le point de vue premier, fondamental de la théorie de la
connaissance (11). »
Staline s’est exprimé d’une manière remarquable
à ce sujet :
» … la théorie devient sans objet si elle
n’est pas rattachée à la pratique révolutionnaire ; de même,
exactement, que la pratique devient aveugle si sa voie n’est pas
éclairée par la théorie
révolutionnaire (12). »
Est-ce là que s’achève le mouvement de la
connaissance ?
Nous répondons oui et non. Quand l’homme, dans la
société, s’adonne à une activité pratique en vue
de la
modification d’un processus objectif déterminé (qu’il soit naturel
ou social) à un degré
déterminé de son développement, il peut,
grâce au reflet du processus objectif dans son cerveau et à
sa
propre activité subjective, passer de la connaissance sensible à la
connaissance rationnelle,
élaborer des idées, des théories, des
plans ou des projets qui correspondent, dans l’ensemble, aux
lois de
ce processus objectif ; il peut ensuite appliquer ces idées,
théories, plans ou projets à la
pratique de la modification du
même processus objectif ; s’il parvient au but fixé, c’est-à-dire
s’il
réussit, dans la pratique de ce processus, à réaliser, au
moins dans leurs grands traits, les idées,
théories, plans ou
projets préalablement élaborés, le mouvement de la connaissance de
ce processus
déterminé peut alors être considéré comme achevé.
Par exemple, dans le processus de modification de
la nature, la réalisation d’un plan de construction,
la
confirmation d’une hypothèse scientifique, la création d’un
mécanisme, la récolte d’une plante
cultivée, ou bien, dans le
processus de modification de la société, le succès d’une grève,
la victoire
dans une guerre, l’accomplissement d’un programme
d’enseignement, signifient que chaque fois le
but fixé a été
atteint.
Néanmoins, d’une manière générale, il est
rare, tant dans la pratique d’une modification de la nature
que dans
celle d’une modification de la société, que les idées, théories,
plans ou projets,
préalablement élaborés par les hommes, se
trouvent réalisés sans subir le moindre changement.
C’est que les gens qui transforment la réalité
sont constamment soumis à de multiples limitations :
ils sont
limités non seulement par les conditions scientifiques et
techniques, mais encore par le
développement du processus objectif
lui-même et le degré auquel il se manifeste (les aspects et
l’essence du processus objectif n’étant pas encore complètement mis
en évidence).
Dans une telle situation, par suite de
l’apparition dans la pratique de circonstances imprévues, les
idées, théories, plans ou projets se trouvent souvent partiellement
et parfois même entièrement
modifiés.
En d’autres termes, il arrive que les idées,
théories, plans ou projets, tels qu’ils ont été élaborés à
l’origine, ne correspondent pas à la réalité, soit partiellement
soit totalement, et se trouvent être,
partiellement ou totalement
erronés.
Bien souvent, c’est seulement après des échecs
répétés qu’on réussit à éliminer l’erreur, à se
conformer aux
lois du processus objectif, à transformer ainsi le subjectif en
objectif, c’est-à-dire à
parvenir, dans la pratique, aux résultats
attendus.En tout cas, c’est à ce moment que le mouvement de la
connaissance des hommes concernant un
processus objectif déterminé,
à un degré déterminé de son développement, peut être considéré
comme achevé.
Toutefois, si l’on considère le processus dans
son développement, le mouvement de la connaissance
humaine ne
s’achève pas là.
Tout processus, qu’il soit naturel ou social,
progresse et se développe en raison de ses contradictions
et luttes
internes, et le mouvement de la connaissance humaine doit également
progresser et se
développer en conséquence.
S’il s’agit d’un mouvement social, les véritables
dirigeants révolutionnaires doivent non seulement
savoir corriger
les erreurs qui apparaissent dans leurs idées, théories, plans ou
projets, comme cela a
été dit précédemment, il faut encore,
lorsqu’un processus objectif progresse et passe d’un degré de
son
développement à un autre, qu’ils soient aptes, eux-mêmes et tous
ceux qui participent à la
révolution avec eux, à suivre ce
progrès et ce passage dans leur connaissance subjective,
c’est-à-dire
qu’ils doivent faire en sorte que les nouvelles tâches
révolutionnaires et les nouveaux projets de
travail proposés
correspondent aux nouvelles modifications de la situation.
Dans une période révolutionnaire, la situation
change très vite ; si les révolutionnaires n’adaptent
pas
rapidement leur connaissance à la situation, ils seront incapables
de faire triompher la
révolution.
Il arrive souvent, néanmoins, que les idées
retardent sur la réalité, et cela parce que la connaissance
humaine se trouve limitée par de nombreuses conditions sociales.
Nous luttons dans nos rangs révolutionnaires
contre les entêtés dont les idées ne suivent pas le
rythme des
modifications de la situation objective, ce qui, dans l’histoire,
s’est manifesté sous la
forme de l’opportunisme de droite.
Ces gens ne voient pas que la lutte des contraires
a déjà fait avancer le processus objectif alors que
leur
connaissance en reste encore au degré précédent.
Cette particularité est propre aux idées de tous
les entêtés. Leurs idées sont coupées de la pratique
sociale, et
ils ne savent pas marcher devant le char de la société pour le
guider, ils ne font que se
traîner derrière, se plaignant qu’il
aille trop vite et essayant de le ramener en arrière ou de le faire
rouler en sens inverse.
Nous sommes également contre les phraseurs »
de gauche « .
Leurs idées s’aventurent au-delà d’une étape de
développement déterminée du processus objectif :
les uns prennent
leurs fantaisies pour des réalités, d’autres essaient de réaliser
de force, dans le
présent, des idéaux qui ne sont réalisables que
dans l’avenir ; leurs idées, coupées de la pratique
actuelle de la
majorité des gens, coupées de la réalité actuelle, se traduisent
dans l’action par
l’aventurisme.
L’idéalisme et le matérialisme mécaniste,
l’opportunisme et l’aventurisme se caractérisent par la
rupture
entre le subjectif et l’objectif, par la séparation de la
connaissance et de la pratique.
La théorie marxiste-léniniste de la
connaissance, qui se distingue par la pratique sociale
scientifique,
doit forcément livrer un combat résolu contre ces conceptions
erronées.
Les marxistes reconnaissent que, dans le processus
général, absolu du développement de l’univers, le développement
de chaque processus particulier est relatif, et que, par conséquent,
dans le flot
infini de la vérité absolue, la connaissance qu’ont
les hommes d’un processus particulier à chaque
degré de son
développement n’est qu’une vérité relative.
De la somme d’innombrables vérités
relatives se
constitue la vérité absolue (13).
Dans son développement, un processus objectif est
plein de contradictions et de luttes, il en est de
même d’un
mouvement de la connaissance humaine.
Tout mouvement dialectique dans le monde objectif
trouve, tôt ou tard, son reflet dans la
connaissance humaine.
Dans la pratique sociale, le processus
d’apparition, de développement et de disparition est infini,
également infini est le processus d’apparition, de développement et
de disparition dans la
connaissance humaine.
Puisque la pratique des hommes, qui transforme la
réalité objective suivant des idées, des théories,
des plans,
des projets déterminés, avance toujours, leur connaissance de la
réalité objective n’a pas
de limites.
Le mouvement de transformation, dans le monde de
la réalité objective, n’a pas de fin, et l’homme
n’a donc jamais
fini de connaître la vérité dans le processus de la pratique.
Le marxisme-léninisme n’a nullement épuisé la
vérité ; sans cesse, dans la pratique, il ouvre la voie
à la
connaissance de la vérité. Notre conclusion est l’unité
historique, concrète, du subjectif et de
l’objectif, de la théorie
et de la pratique, du savoir et de l’action ; nous sommes contre
toutes les conceptions erronées, » de gauche » ou de
droite, coupées de l’histoire concrète.
A l’époque actuelle du développement social,
l’histoire a chargé le prolétariat et son parti de la
responsabilité d’acquérir une juste connaissance du monde et de le
transformer.
Ce processus, la pratique de transformation du
monde, processus déterminé par la connaissance
scientifique, est
arrivé à un moment historique, en Chine comme dans le monde entier,
à un moment
d’une haute importance, sans précédent dans
l’histoire de l’humanité – le moment de dissiper
complètement les
ténèbres en Chine comme dans le monde entier, et de transformer
notre monde en
un monde radieux, tel qu’on n’en a jamais connu.
La lutte du prolétariat et du peuple
révolutionnaire pour la transformation du monde implique la
réalisation des tâches suivantes : la transformation du monde
objectif comme celle du monde
subjectif de chacun – la
transformation des capacités cognitives de chacun comme celle du
rapport
existant entre le monde subjectif et le monde objectif.
Cette transformation a déjà commencé sur une
partie du globe, en Union soviétique.
On y accélère actuellement le processus. Le
peuple chinois et les peuples du monde entier sont
engagés dans ce
processus de transformation ou le seront.
Et le monde objectif à transformer inclut tous
les adversaires de cette transformation ; ils doivent
passer par
l’étape de la contrainte avant de pouvoir aborder l’étape de la
transformation consciente.
L’époque où l’humanité entière entreprendra de
façon consciente sa propre transformation et la
transformation du
monde sera celle du communisme mondial.Par la pratique découvrir les
vérités, et encore par la pratique confirmer les vérités et les
développer.
Partir de la connaissance sensible pour s’élever
activement à la connaissance rationnelle, puis partir
de la
connaissance rationnelle pour diriger activement la pratique
révolutionnaire afin de
transformer le monde subjectif et
objectif.
La pratique, la connaissance, puis de nouveau la
pratique et la connaissance.
Cette forme cyclique n’a pas de fin, et de plus, à
chaque cycle, le contenu de la pratique et de la
connaissance
s’élève à un niveau supérieur.
Telle est dans son ensemble la théorie
matérialiste-dialectique de la connaissance, telle est la
conception que se fait le matérialisme dialectique de l’unité du
savoir et de l’action.
NOTES
1. V. I. Lénine, Notes sur La Science de la
logique de Hegel, livre trois, troisième section : » L’idée
»
dans » Résumé de La Science de la logique de Hegel »
(septembre-décembre 1914).
2. Voir K. Marx : » Thèses sur Feuerbach »
(printemps 1845) et V. I. Lénine : Matérialisme et
empiriocriticisme (second semestre 1908), chapitre II, section 6.
3. Son kouo yen yl (Le Roman des Trois Royaumes),
célèbre roman historique dont l’auteur est
Louo Kouan-tchong (fin
du XIVème siècle-début du XVème).
4. V. I. Lénine : Notes sur La Science de la
logique de Hegel, livre trois : » Science de la logique
subjective ou la théorie du concept » dans » Résumé de
La Science de la logique de Hegel « .
5. A partir de la dynastie des Tang, les examens
Impériaux de la Chine féodale furent organisés à
trois échelons
: national, provincial et du district (ou tcheou). Celui qui
réussissait aux examens de
district s’appelait sieoutsai.
6. Mouvement révolutionnaire paysan du milieu du
xixème siècle dirigé contre la domination
féodale et
l’oppression nationale de la dynastie des Tsing.
En janvier 1851, Hong Sieou-tsiuan, Yang
Sieou-tsing et d’autres chefs de ce mouvement
organisèrent un
soulèvement dans le Kouangsi et proclamèrent la fondation du
Royaume céleste des
Taiping.
En 1852, l’armée paysanne quitta le Kouangsi et
se dirigea vers le nord, traversant le Hounan, le
Houpei, le Kiangsi
et l’Anhouei.
En 1853, elle prit Nankin, centre urbain du
Bas-Yangtsé. Une partie de ses forces continua sa
marche vers le
nord et poussa jusqu’aux abords de Tientsin, grande ville de la Chine
du Nord.
Comme l’armée des Taiping omit d’établir de
solides bases d’appui dans les territoires qu’elle
occupait, et que
son groupe dirigeant, après avoir fait de Nankin la capitale, commit
de nombreuses
fautes politiques et militaires, elle ne put résister
aux attaques conjointes des troupes contre-
révolutionnaires du
gouvernement des Tsing et des pays agresseurs, la Grande-Bretagne,
les Etats-
Unis et la France, et elle fut vaincue en 1864.7. 11
apparut en 1900 dans le nord de la Chine; ce fut un mouvement de
lutte armée dirigé contre
l’impérialisme.
Ce mouvement groupait principalement les larges
masses de paysans et d’artisans qui, organisées en
sociétés
secrètes et utilisant les croyances religieuses et les superstitions
comme moyen de liaison,
combattirent vaillamment les forces
coalisées d’agression de huit puissances impérialistes :
Etats-
Unis, Grande-Bretagne, Japon, Allemagne, Russie, France,
Italie et Autriche.
Ces forces réprimèrent sauvagement le mouvement
après s’être emparées de Pékin et de Tientsin.
8. Mouvement révolutionnaire anti-impérialiste
et antiféodal qui éclata le 4 mai 1W19. Dans la
première moitié
de l’année, la Grande-Bretagne, la France, les Etats-Unis, le Japon,
l’Italie et
d’autres puissances impérialistes, victorieuses dans la
Première guerre mondiale, avaient tenu à
Paris une conférence
pour partager le butin de guerre et décidé que le Japon prendrait
possession
des droits privilégiés de l’Allemagne dans la province
chinoise du Chantong.
Les étudiants de Pékin furent les premiers à
exprimer leur ferme opposition en organisant des
meetings et des
manifestations le 4 mai.
Le gouvernement des seigneurs de guerre du
Peiyang exerça une répression contre eux et opéra plus
de trente
arrestations.
En signe de protestation, ils déclenchèrent une
grève à laquelle un grand nombre d’étudiants d’autres
endroits
firent écho.
Le 3 juin, le gouvernement des seigneurs de guerre
du Peiyang procéda à des arrestations massives
à Pékin, et, en
deux jours, environ 1 000 étudiants furent arrêtés. Les événements
du 3 juin
accrurent encore l’indignation du peuple tout entier.
Le 5 juin, les ouvriers et les commerçants
commencèrent à faire grève à Changhaï et en de
nombreux autres
endroits.
Ce mouvement patriotique qui, au début, englobait
surtout des intellectuels, prit bientôt une ampleur
nationale avec
la participation du prolétariat, de la petite bourgeoisie et de la
bourgeoisie.
Parallèlement à son développement, le mouvement
de la culture nouvelle contre le féodalisme, pour
la science et la
démocratie, déclenché avant le » 4 Mai « , se transforma
en un puissant mouvement
révolutionnaire culturel dont le contenu
principal était la propagation du marxisme-léninisme.
9. V. I. Lénine, Notes sur La Science de la
logique de Hegel, livre trois, troisième section : » L’idée »
dans » Résumé de La Science de la logique de Hegel »
(septembre-décembre 1914), où Lénine dit:
« Pour comprendre,
il faut commencer à comprendre, à étudier empiriquement, s’élever
de
l’empirique au général ».
10. V. I. Lénine : Que faire ? (automne
1901-février 1902
11. V. I. Lénine : Matérialisme et
emplrlocritlclsme, chapitre II, section 6.
12. J. Staline : Des principes du léninisme
(avril-mai 1924), partie III : » La théorie « .
13. Voir V. I. Lénine : Matérialisme et empiriocriticisme, chapitre II, section 5.
=>Oeuvres de Mao Zedong