Résolution sur la Campagne Internationale contre la Guerre au sixième congrès de l’Internationale Communiste

Considérant la préparation active des puissances impérialistes pour une intervention contre l’URSS, pour la guerre contre la révolution chinoise et pour la guerre entre les puissances impérialistes elles-mêmes ; considérant le rôle de trahison de toutes les tendances de la social-démocratie internationale qui activement et cyniquement aident leur impérialisme respectif dans ses préparatifs d’une nouvelle boucherie mondiale, le Congrès estime qu’il est du devoir de tous les communistes, dans la situation tendue actuelle, de renforcer la lutte contre les dangers de guerre et d’entreprendre sans délai une campagne internationale contre la guerre impérialiste imminente.

Le Congrès invite les Comités centraux de tous les Partis à entreprendre immédiatement un travail politique, d’organisation, de propagande et d’agitation pour préparer une Journée Internationale de lutte contre la guerre impérialiste et de défense de l’US ; journée de combat de tous les travailleurs, sous les mots d’ordre : «Guerre à la guerre impérialiste». «Défense de l’US». «Soutien des peuples révolutionnaires des colonies».

«À bas la désillusion des masses par les social-patriotes». «Formez des organisations de défense prolétarienne».

Les Comités centraux de chaque PC devront, en partant de la situation concrète de leur pays respectifs, prendre les mesure pratiques pur réaliser la Journée Internationale (meetings de masses, démonstrations dans les rues, grèves de protestation et autres formes de lutte).

Le Congrès invite les CEIC à prendre toutes mesures nécessaires pour organiser de telles démonstrations à l’échelle internationale, pour les coordonner et assurer une action simultanée, conformément à la décision du Congrès, dans le but de renforcer l’unité d’action contre la guerre et de rassembler les plus larges masses possibles de travailleurs, y compris les soldats.

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de l’Internationale Communiste

Résolution sur la Situation dans l’US et le PCUS au sixième congrès de l’Internationale Communiste

Le 6e Congrès Mondial constate, avec la plus grande satisfaction, les progrès gigantesques réalisés dans la seule patrie du prolétariat, l’URSS, sous la direction du PC, au cours des quatre dernières années écoulées depuis le 5e Congrès Mondial.

L’ensemble de la production a dépassé le niveau d’avant-guerre et la rapidité de ses progrès est plus grande que celle des pays capitalistes ; l’économie du pays prend un vif essort ; le développement du secteur socialiste est plus rapide que celui de l’ensemble de l’économie, la grande industrie et l’électrification progressent rapidement de gigantesques installations, celle des centrales électriques du Volkhov et du Dniepr, le chemin de fer Turkestan-Sibérie, les immenses usines nouvelles prouvent la force créatrice du prolétariat victorieux et montrent les succès Importants de l’édification du socialisme.

Contrairement à ce qui se passe dans les pays capitalistes d’Europe, le relèvement de l’économie s’est effectué sans prêts de l’étranger, exclusivement grâce aux propres forces du pays, dans une lutte ininterrompue contre la pression de l’encerclement capitaliste.

La situation du prolétariat s’est rapidement relevée. La journée de sept heures entre en application, celle de six heures pour les mineurs du fond.

Le salaire réel a doublé depuis 1923, il dépasse actuellement le niveau d’avant-guerre d’une façon notable, même si on ne prend pas en considération les avantages de l’assurance sociale.

La situation des travailleurs dans les campagnes, c’est-à-dire des petits et moyens paysans auxquels la révolution a donné la terre, qu’elle a libérés de leurs dettes et qui actuellement bénéficient pour le relèvement de leur économie de l’appui énergique de la dictature, s’est aussi notablement améliorée.

Le développement de l’économie paysanne individuelle est intimement lié à celui de la corporation parmi les paysans et particulièrement à l’extension des formes collectives de l’agriculture, qui commencent à se développer dans de vastes proportions ; il est étroitement lié au développement des exploitations soviétiques existantes et à la création de nouvelles, ainsi qu’à l’intensification de la lutte contre les éléments capitalistes dans les campagnes, c’est-à- dire contre les koulaks.

Le pouvoir prolétarien a su maintenir dans des limites éroites les poussées du capitalisme qui, base de la nouvelle politique économique, s’opèrent dans les villes et les campagnes, il a su découvrir et châtier le sabotage contre-révolutionnaire d’une partie des techniciens spécialistes les plus haut placés, financés par d’anciens propriétaires et par des gouvernements hostiles.

Les capitalistes et les social-démocrates se sont trompés dans leur espoir que la nouvelle politique économique signifie le commencement d’un retour du capitalisme.

Ce ne sont pas les éléments capitalistes qui s’accroissent aux dépens du secteur socialiste, c’est le contraire qui se produit, l’importance et le poids du secteur socialiste grandissent continuellement ; ce secteur exerce une influence de plus en plus étendue sur le secteur de l’économie privée.

Le 6 e Congrès Mondial constate que ces succès de l’édification socialiste dans l’URSS, renforcent les positions de la classe ouvrière internationale, dirigée par son avant-garde les partis communistes, dans la lutte contre le capital international ; que ces succès stimulent la radicalisation des plus larges masses de traivailleurs des pays capitalistes et des colonies et font de l’URSS, plus que jamais, la citadelle de la révolution mondiale, et du PCUS, l’avant-garde léniniste dont l’expérience énorme éduque idéologiquement et instruit pratiquement toutes les Sections de l’IC

En confirmant pleinement et entièrement les décisions du 15 e Congrès du PCUS, le Congrès Mondial fait ressortir que : «Malgré le rôle dirigeant et toujours plus considérable du noyau socialiste dans l’économie, l’accroissement des forces prodtrtives dans l’économie de l’URSS est inévitablement accompagné d’une aggravation partielle des antagonismes de classes.

Les couches du capital privé, dans les villes et dans les campagnes, s’unissant à certains éléments bureaucratiques de l’appareil économique et administratif soviétique, s’efforcent d’augmenter leur résistance à l’offensive de la classe ouvrière, tentent d’exercer sur certaines couches d’employés et d’intellectuels, sur les couches arriérées des artisans, des paysans et des ouvriers une influence hostile à la dictature du prolétariat.

À cette influence hostile et à l’activité grandissante des éléments capitalistes, la classe ouvrière, sous la conduite du PCUS, oppose un régime de dictature prolétarienne renforcée, un essort plus considérabte encore de l’activité, de l’initiative et de l’éducation des masses prolétarienne.» (Résolution du 15 e Congrès sur le compte rendu du C.C.)

Dans les conditions créées par l’encerclement capitaliste et la pression accentuée du capital mondial contre la forteresse de tous les travailleurs : l’URSS — pression qui augmente l’activité des éléments capitalistes des villes et des campagnes contre le régime de la dictature du prolétariat il faut que l’État prolétarien, pour triompher des difficultés de l’édification socialiste, ainsi que l’ont montré les obstacles rencontrés au cours de la dernière campagne de stockage des céréales, mène une politique active de transformation de tous les rapports sociaux dans le sens du collectivisme.

On ne peut surmonter ces difficultés que par la lutte la plus énergique contre les éléments capitalistes de l’économie, par une consolidation toujours accrue de l’alliance avec la masse déterminante de la paysannerie (les paysans moyens), par une lutte résolue contre les koulaks et par l’appui vraiment solide du prolétariat sur les paysans pauvres.

Le 6 e Congrès Mondial souligne l’accroissement de l’autorité et de l’influence du PCUS parmi les travaillears de l’URSS et du monde entier. Il enregistre l’accroissement numérique du PCUS grâce à l’adhésion de nouveaux ouvriers des entreprises ; il note le développement et le renforcement de la démocratie prolétarienne, la confiance toujours accrue de la classe ouvrière de l’URSS dans le parti glorieux de Lénine, le PCUS.

Le 6 e Congrès Mondial constate que grâce à la politique communiste conséquente du PCUS, celui-ci a réussi à consolider la dictature du prolétariat et à entreprendre avec succès l’édification du socialisme. Par leur appui sans réserves au PCUS dans sa politique juste, toutes les Sections de l’IC encouragent l’œuvre d’édification du socialisme du PCUS.

Le Congrès ratifie les décisions du 15 e Congrès du Parti et du Plenum du CEIC relatives à l’exclusion de l’opposition et flétrit l’activité menchéviste et contre-révolutionmire des anciens opposants après leur exclusion. Le Congrès invite le PCUS à poursuivre, de toute énergie, la lutte contre la tendance trotskiste — déjà insignifiante d’ailleurs par sa faiblesse numérique — et engage de même tous les autres partis de l’IC à combattre et à déjouer, par un travail idéologique et d’organisation, toute tentative de créer une opposition trotskiste dans leurs rangs.

La dictature du prolétariat dans l’URSS est menacée non pas de dégénérescence, comme le prétendait l’opposition, mais d’une attaque armée de la part de la bourgeoisie mondiale, dont le règne est de plus en plus ébranlé par les progrès de l’État de la dictature prolétarienne.

C’est pourquoi le 6 e Congrès Mondial fait appel au prolétariat de tous les pays, aux opprimés et exploités du monde entier, qu’ils fassent tous les efforts pour prévenir l’attaque qui se prépare contre l’US, la seule patrie des ouvriers. Les travailleurs du monde entier doivent tout faire pour défendre et protéger l’US, première forteresse victorieusement conquise par le prolétariat mondial et base solide pour le déploiement de la révolution prolétarienne mondiale.

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Manifeste du sixième congrès de l’Internationale Communiste

À tous les ouvriers et paysans !

Aux travailleurs du monde entier !

À tous les peuples coloniaux opprimés !

Aux soldats et marins des armées et flottes capitalistes ! Camarades ! Frères !

Le 6e Congrès de l’IC, représentant des ouvriers révolutionnaires de tous les pays, de tous les peuples, de toutes les nations et races, élève sa voix de Moscou, capitale rouge du nouveau monde qui se lève, et vous invite, vous les masses de millions d’hommes du monde entier, à vous préparer à la lutte défensive contre les forces du capitalisme devenant de plus en plus insolentes.

Le maître du monde, le capital, qui exploite honteusement la force de travail et la suce jusqu’à la moelle, qui, d’un rythme fébrile, use l’organisme du prolétaire devenu un simple appendice de la technique capitaliste, qui met les découvertes grandioses de la science au service de Mammon, qui emploie des machines et appareils nouveaux et merveilleux, qui introduit de plus en plus le travail à la chaine, mettant des millions de prolétaires sur le pavé et leur jetant des pierres en guise de pain, ce capital part en guerre contre les droits et libertés de la classe ouvrière, dont il diminue de plus en plus le niveau de vie, tire le glaive sanglant de la terreur blanche et — tout en se dissimulant derrière le voile de phrases creuses et mensongères sur la paix mondiale — pose les mines destructives d’une nouvelle guerre mondiale.

L’impérialisme met à nouveau la guerre à l’ordre du jour. Chaque jour s’accentue la concurrence entre les plus importants États des cliques financières-capitalistes ; leur offensive contre les colonies devient de plus en plus forte, elles tentent de resserrer de plus en plus l’étreinte autour du corps gigantesque de l’Union des républiques prolétariennes.

Les États-Unis de l’Amérique du Nord, où, dès rentrée du port, s’élève la statue de la mettent de plus en plus audacieusement la main sur de nouveaux et entre autres sur les Dominions de leur rivale principale, la Grande-Bretagne.

Solidement assis sur ses puissants coffres forts d’acier, plein à craquer de l’or extrait récemment encore du sang versé sur les champs de bataille de l’Europe, le capital américain sape la République du Mexique, envoie ses expéditions punitives au Nicaragua, maintien des navires de guerre dans les ports de Chine.

Après avoir su s’attacher toute une série de pays européens et de l’Amérique du Sud par la chaîne d’or des crédits, le capital américain ne craint pas de les traiter comme des chiens en leur criant brutalement : «Couche-toi !» quand ils osent résister à sa volonté sacrée.

Sur les côtes de l’océan Pacifique, sur le territoire sans fin de la Chine, le capital américain rencontre l’impérialisme rapace, violent, rusé et astucieux du Japon dont les troupes ont occupé une importante partie de la Chine. L’impérialisme japonais mène une guerre d’anéantissement contre toutes les forces du peuple chinois, qui n’entendent pas se soumettre à son régime barbare et sanglant.

Des dizaines de millions d’ouvriers, et d’artisans sont assujettis au joug de l’impérialisme japonais, qui, tout en réglant brutalement son compte au peuple chinois, se prépare à un duel terrible avec son rival américain et s’assure en même temps un certain répit, au moyen d’agressions contre l’US.

Ces agressions constituent un chaînon dans la longue chaîne de l’hostilité générale des États impérialistes contre l’État de la dictature prolétarienne, qui vit, se développe et travaille partout son édification, en dépit des hurlements de haine poussés dans le camp des ennemis et es cliquetis de sabre menaçants par lesquels on tente d’intimider et de mettre à genoux la dictature des ouvriers.

En dépit de toutes les contradictions qui existent entre les puissances du capital, en dépit des antagonismes réciproques qui s’approfondissent de plus en plus, les puissances préparent, la Grande-Bretagne en tête, la guerre contre l’US. Elles la préparent systématiquement. Elles la préparent par tous les moyens. Elles la préparent à chaque instant.

Les tentatives d’une série de puissances de la puissante Amérique jusqu’à la lamentable Autriche, ce moignon mutilé dans les rangs des puissances européennes — d’organiser un blocus financier et économique contre l’US ; la rupture des relations diplomatiques ainsi que l’organisation des alliances diplomatiques et militaires contre l’US ; les menaces provocatrices continuelles de la part de la république du maréchal Pilsudski, de ce militaire orgueilleux qui élève cyniquement les prétendues représentations des peuples au rangs des prostituées et frappe le sol de sa botte avec d’autant plus de bruit qu’il est abject et plus honteux lorsqu’il lèche les bottes des généraux et des ministres de la France et de la Grande-Bretagne ; l’activité à peine dissimulée des états- majors de l’Entente dans les États baltes limitrophes et en Roumanie et, finalement, les provocations insolentes de la part de l’impérialisme japonais — tout cela doit être un signal d’alarme pour les honnêtes ouvriers, pour tous les prolétaires et tous les opprimés du monde qui voient dans l’US leur patrie arrachée au prix du sang versé par les fils de la classe ouvrière aux propriétaires et capitalistes, ces ennemis mortels du peuple laborieux.

Les brigands «civilisés» les chiens sanguinaires des États-Unis, les fripons de la diplomatie secrète, les magnats des banques les rois des trusts qui mènent guerre criminelle en Chine, qui bombardent les villes chinoises, qui occupent le sol chinois, qui privent le peuple chinois de ses dernières ressources et exterminent ses fils les plus vigoureux, qui préparent des agressions contre eux, qui organisent leurs forces pour l’agression contre l’US, aussi bien sur terre que sur mer, sous l’eau et dans l’air, et s’arment jusqu’aux dents, qui mobilisent la science pour les buts de la guerre la plus barbare, la plus dévastatrice, la plus inhumaine qui doit étouffer l’humanité par des gaz asphyxiants et la faire se tordre dans les souffrances de maladies mortelles inoculées artificiellement, qui imaginent le moyen-âgeux procès du singe contre le Darwinisme, la doctrine la meilleure du 19e siècle, qui édictent des lois venimeuses contre les idées «nuisibles» et qui ont exécuté Sacco et Vanzetti par la chaise électrique — ce crime si effroyable qui vous glace le sang dans les veines et provoque involontairement des mots de malédiction et de vengeance — ces brigands «civilisés», avec toute leur valetaille instruite et non instruite, laïque et cléricale, pussent de hauts cris contre la barbarie des bolcheviks et proclament leur «amour de la paix».

L’histoire de l’humanité n’a jamais vécu de moment d’une telle hypocrisie et tartuferie, elle n’a encore jamais eu une idéologie aussi odieuse et aussi mensongère que l’idéologie moderne «pacifiste» de l’impérialisme, dont le rôle, dans la politique extérieure, est de préparer la guerre la de la manière la plus infime, la plus barbare, la plus contre-révolutionnaire et la plus dévastatrice.

Plus la course aux armements effrénée s’accentue, plus énergiques deviennent les efforts de ces agents officiels et non officiels dans la production d’une phraséologie «pacifiste», dans la fabrication de pactes de «paix», dans l’organisation de conférences, dans l’élaboration de projets et de propositions sur la «paix».

La «SdN», ce rejeton de Versailles, qui est le traité de brigandage le plus éhonté des dernières décades, déguise l’activité réelle de ses membres par l’élaboration des projets de désarmement.

L’US démasque leurs jeux : les plus grands amis de la paix refusent de désarmer. La comédie diplomatique se transforme en une farce grossière. Les masques pacifiques tombent à terre et chacun peut voir la grimace impérialiste en plein jour.

La «SdN» est en première ligne une organisation contre- révolutionnaire, mais en temps elle est tournée contre l’Amérique.

C’est pourquoi la République du dollar, par la bouche de son commissionnaire, a mis à l’ordre du jour son propre «pacte».

L’hégémonie du capital américain qui possède les meilleures machines, les plus grands stocks d’or et la meilleure technique de guerre est bien obligée de conserver sa valeur juridique internationale !

La guerre est «mise hors la loi». Le Japon «ne fait pas la guerre» en Chine, mais «protège uniquement ses intérêts»; les États-Unis n’égorgent pas le Nicaragua au moyen de la guerre, mais «prennent uniquement soin de l’ordre»; tous les pays capitalistes ne s’arment pour la guerre mais désirent lutter uniquement pour la «civilisation».

Les gens d’affaires de la politique impérialiste qui masquent leurs convoitises impérialistes et leurs intentions de guerre derrière le rideau de fumée de pactes pacifistes ainsi que par le poison assoupissant de phrases creuses pacifistes, mettent tout en œuvre pour charger de chaînes, quand il en est encore temps, la classe ouvrière, pour tordre le cou aux mouvements révolutionnaires dans les colonies et affaiblir l’arrière des Républiques soviétiques.

La terreur et la corruption, l’exploitation impitoyable des ouvriers et la corruption de leurs couches supérieures, le front uni contre les organisations des larges masses lorsqu’elles menacent de devenir dangereuses, la politique de scission des rangs ouvriers, les attaques toujours croissantes contre les PC, tels sont les symptômes actuels.

Une vague de représailles en Angleterre et aux États-Unis, en France et Japon, va de pair avec la vague inouïe de terreur en Italie et dans les Balkans, avec les exécutions en masse en Chine. La hache du bourreau de la «civilisation bourgeoise» travaille sans répit.

Sans tressaillement, les bourreaux impérialistes regardent leurs victimes, bien qu’ils pressentent que du sang des sacrifiés surgiront des milliers de vengeurs.

Dans cette époque où tout sent la poudre et le sang dans le monde entier, où les antagonistes du capitalisme acquissent une tension extrême, où la lutte de classe du prolétariat s’accentue, où les masses de millions d’esclaves coloniaux se soulèvent, où de nouvelles colonnes d’assujettis arrivent toujours plus nombreux pour défendre l’US, foyer des mouvements d’émancipation, dans cette époque apparaît de nouveau au premier plan le rôle de traître de la social-démocratie, de la 2e Internationale, et de leur succursale d’Amsterdam.

Du point de vue des intérêts de classe du prolétariat, il faut maintenant, plus que jamais, qu’il ait la notion complète du caractère nettement délimité de sa classe, qu’il ait conscience de ce qu’il y a d’inconciliable entre ses intérêts et les intérêts du capital et de l’État capitaliste.

Aux attaques insolentes du capital, à son exploitation inhumaine, au chômage, à la politique de dissolution des organisations ouvrières, à la terreur fasciste il faut répliquer par la contre-attaque prolétarienne.

C’est à cette époque unique, sous le règne du talon de fer du capital des trusts, que les pontifes de la social-démocratie qui trahissent cyniquement toutes les traditions de la lutte de classes et piétinent la plus élémentaire dignité du prolétariat, prêchent la collaboration de classes, la «paix industrielle», «la démocratie de l’économie». «Paix industrielle» dans l’économie et coalition avec la bourgeoisie dans la politique, telle est toute la sagesse félonne de la social-démocratie.

Il est maintenant particulièrement nécessaire, du point de vue des intérêts de classe du prolétariat, de démasquer tout acte belliqueux de la bourgeoisie, de rappeler le danger de guerre et d’alarmer les masses.

Et c’est justement à cette époque que les politiciens social- démocrates construisent des croiseurs-cuirassés, prennent l’initiative d’une excitation à la guerre la plus infâme, se prosternent devant le militarisme, améliorent activement les armées capitalistes, font des éloges à la SdN impérialiste, diffament l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, fondent d’attendrissement devant le document mensonger des bourreaux de Sacco et Vanzetti et sont pleins de la bave pacifiste la plus venimeuse.

Tout en essayant d’innocenter de toutes leurs forces les préparatifs de guerre effectifs de l’impérialisme, ils accusent l’US d’impérialisme. Eux, les héros du 4 août 1914, se mettent à plat ventre devant les États-majors impérialistes.

Ils tendent déjà la main pour toucher le denier de Judas pour les jours où, le casque de guerre sur la tête, ils se rangeront dans les rangs de la bourgeoisie contre les soldats de la révolution prolétarienne !

Du point de vue de l’intérêt de classe du prolétariat, il est plus que jamais nécessaire d’établir l’unité du prolétariat industriel et les masses laborieuses des colonies. Cependant, les social-démocrates se mettent, sur cette question, du côté des oppresseurs, du côté des impérialistes, du côté des États de brigands impérialistes et de leurs agents.

Les socialistes français ont soutenu leur gouvernement quand celui-ci faisait raser les pauvres villages des Kabyles et les villes syriennes par le feu de ses canons lourds ; le gouvernement Macdonald intervenait ouvertement comme l’étrangleur des hindous et, en ce moment, des membres du Labour Party exécutent aux Indes les ordres directs de la bourgeoisie britannique. Tous les partis socialistes soutiennent, en fait leur gouvernement dans la question chinoise et se permettent seulement, dans les cas exceptionnels, et sous la pression des masses, de timides observations critiques.

Le congrès des socialistes à Bruxelles qui ne soutenait pas le Kuomintang dans la période de son passe révolutionnaire, se solidarise maintenant avec ceux-ci, tenant qu’il est devenu le chien de garde sanguinaire de 1’impérialisme et le bourreau le plus odieux du mouvement ouvrier. Le congrès de Bruxelles a adopté ces résolutions vraiment révoltantes dans la question coloniale et presque littéralement tirées des documents de la SdN.

Ainsi la social-démocratie est devenue la force principale qui sépare les ouvriers des pays industriels des masses laborieuses dans les colonies.

Enfin, du point de vue des intérêts de classe du prolétariat, l’unité de la classe ouvrière elle-même est plus que jamais nécessaire.

Dans la lutte contre l’adversaire puissamment organisé, dans la lutte contre les trusts gigantesques, dans la lutte contre la force d’État du capital qui veille sur les intérêts de l’oligarchie financière-capitaliste, le maximum d’unité de la classe ouvrière est nécessaire. Et c’est juste à ce moment que l’agence social-démocrate de la bourgeoisie impérialiste se met à l’œuvre pour accomplir l’ordre précis de diviser les rangs ouvriers !

Les dirigeants des partis social-démocrates et des syndicats réformistes, les héros de l’unité avec la bourgeoisie, de ses trusts et son État-major, les apôtres de la paix industrielle et de la coalition avec les hommes d’affaires de la banque et de la bourse, mettent tout en œuvre pour exclure les communistes et les prolétaires révolutionnaires en général de toutes les organisations de masses, divisent les syndicats, ils divisent les organisations sportives, Ils dispersent les rangs des libre-penseurs prolétariens.

Plus ils sont résolument pour l’unité avec la bourgeoisie, plus ils luttent rageusement contre l’unité avec le prolétariat.

L’IC invite tous les ouvriers, tous les travailleurs à serrer plus étroitement les rangs, à faire l’unité de toute la classe ouvrière, à réaliser l’unité de la classe ouvrière avec la paysannerie laborieuse, à réaliser l’unité du prolétariat avec les peuples orientaux asservis contre les oppresseurs, contre tous les ennemis de classe.

Le 6 e Congrès de l’IC a adopté un programme international qui lie et engage toutes les Sections.

Pour la première fois depuis l’existence du mouvement ouvrier révolutionnaire, la classe ouvrière aura dans ses mains un document dont les articles font loi pour les millions d’ouvriers organisés dans toutes les parties du monde et parmi toutes les races des nations de la terre.

Ce n’est pas un document de flagornerie pacifiste devant la bourgeoisie et de paix obséquieuse avec elle. Il n’est pas une déclaration pharisaïque infâme et basse d’unité avec la bourgeoisie, d’une unité qui ne signifie autre chose que le passage dans le camp de l’ennemi de classe, une désertion, une trahison, un acte de renégat.

C’est l’étoile polaire dans la lutte des millions d’opprimés contre les oppresseurs, dans la lutte des masses prolétariennes, dans la lutte des travailleurs de couleur, blancs, jaunes et noirs, sous les tropiques et dans les coins les plus reculés de notre planète, dans les usines et dans les plantations, dans les mines et dans les chemins de fer, dans les forêts et dans les villes, dans le désert et partout où sévit la lutte de classes. C’est le programme de l’unité de la classe ouvrière et de la lutte à vie et à mort contre la bourgeoisie, c’est le programme de la dictature prolétarienne mondiale inéluctable.

L’IC invite tous les travailleurs au rassemblement le plus étroit sous la bannière de la lutte de classes, de la révolution prolétarienne, de la dictature de la classe ouvrière.

Grâce à la tension la plus extrême de ses forces, le monde capitaliste a réussi de sortir des ruines et de l’effondrement de la première guerre impérialiste, il a réussi, en pressurant de façon énorme les ouvriers et en les courbant sous la férule de l’esclavage. Mais il commence de nouveau étouffer sous le poids de ses propres contradictions.

Sa fatalité historique le pousse à nouveau et avec une force élémentaire puissante dans le remous de formidables catastrophes dont l’haleine mortelle s’étend sur le monde entier.

Les cliques impérialistes qui ont peur de leur propre historique et qui sont pourtant son instrument, qui ne peuvent pas se décider de déchaîner les esprits de guerre et qui font en même temps tout pour leur enlever leurs chaînes et déclencher leur danse sanglante, qui trompent tout le monde par un palabre pacifiste inepte en même temps qu’elles cherchent la gâchette des mitrailleuses – ces cliques impérialistes poussent le monde de nouveaux au bord de l’inévitable.

L’IC invite tous les travailleurs à l’œuvre de défense. Dès aujourd’hui, jour par jour, inlassablement, il faut rallier les rangs des combattants.

Dès aujourd’hui, il faut que nous rassemblons les masses, qu’ on envoie les missionnaires fidèles de la classe ouvrière chez les soldats et les marins, dans les armées et les flottes, pour préparer le jour et l’heure où, en réponse à l’appel infâme des impérialistes que les prolétaires s’entre-tuent, les lourds canons tourneront sur leurs axes et dirigeront leur gueule contre la tête des impérialistes, cette cible la meilleure pendant la guerre impérialiste.

La brute impérialiste qui, de ses yeux troubles, ne regardant que le passé historique et incapable de soulever le voile de l’avenir, se console dans l’illusion du calme relatif en Europe, à laquelle le vampire américain inocule de temps en temps une dose d’élixir d’or vivifiant.

Mais l’œil sagace du prolétaire qui a fait l’expérience sur sa propre peau, de toutes les beautés magnifiques de la rationalisation capitaliste et de toute l’ironie de la paix industrielle, distingue et reconnaît l’accumulation gigantesque des contradictions capitalistes et l’accroissement de la lutte de classes qui se produit un peu partout.

La grève en Angleterre, l’insurrection viennoise, les grèves en Allemagne, les résultats électoraux en France et en Allemagne, la réaction des ouvriers allemands devant la nouvelle trahison de la social-démocratie dans l’affaire du croiseur-cuirassé, la résistance violente des ouvriers et paysans chinois, le grondement croissant du tonnerre des volcans révolutionnaires aux Indes d’où sort déjà comme avertissement, une colonne de fumée, le mécontentement croissant en Amérique du Sud, la progression de la conscience de classe chez les nègres et des milliers d’autres symptômes — ne démontrent-ils pas que la taupe de l’histoire mine d’une façon excellente le monde capitaliste ?

L’IC invite tous les travailleurs, et en premier lieu les ouvriers industriels, à la lutte pour le maintien de chaque pouce de terrain des positions conquises, pour la lutte contre l’offensive du capital, pour la lutte contre l’exploitation éhontée, contre l’esclavage du prolétariat, contre la politique impérialiste, contre la guerre.

L’IC invite tous les travailleurs et opprimés à la défense dévouée de la révolution chinoise dont les martyrs et les héros sont tombés sous la hache du bourreau.

L’IC invite tous les prolétaires honnêtes à s’unir pour former un mur de fer autour de l’US, contre laquelle l’impérialisme lève son glaive. L’IC invite à la plus grande vigilance et à la lutte directe contre les mensonges pacifistes et contre la tromperie pacifiste. L’IC invite à la rupture immédiate avec la bourgeoisie et à l’unité de tous les rangs dans la classe ouvrière, à la lutte sans merci contre tes ennemis du prolétariat.

Contre l’unité social-démocrate avec la bourgeoisie — pour l’unité de classe des prolétaires.

Contre le social-impérialisme — Pour le soutien héroïque des frères dans les colonies !

Contre le mensonge pacifiste — pour la lutte corps et âme contre la guerre impérialiste !

Contre le réformisme et le fascisme — pour la révolution prolétarienne

Vive la dictature prolétarienne en Union Soviétique !

Vive la révolution mondiale prolétarienne !

Moscou, 1er septembre 1928

Le 6e Congrès Mondial de l’IC

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Thèses sur le Mouvement Révolutionnaire dans les Colonies et Semi-colonies au sixième congrès de l’Internationale Communiste

1. — Introduction

§1. Le 6e Congrès de l’IC déclare que les Thèses sur les questions nationale et coloniale, élaborées par Lénine et adoptées par le 2 e Congrès Mondial, conservent toute leur importance et doivent continuer à guider l’activité des PC.

Après le 2e Congrès, l’importance des colonies et semi-colonies, comme facteur de crise du système mondial, a augmenté d’actualité.

D’une part, en tant qu’objet d’exploitation dont l’impérialisme ne saurait se passer, les colonies sont devenues, plus encore qu’auparavant, une source perpétuelle de conflits et guerres entre impérialistes.

Les guerres de rapine et les nouveaux plans militaires des États impérialistes contre divers peuples restés plus ou moins indépendants, les préparatifs croissants des puissances impérialistes en vue de guerres pour un nouveau partage des colonies se développent sans cesse.

D’autre part, le monde immense des colonies et des semi-colonies s’est transformé en un foyer inextinguible de mouvements révolutionnaires de masses.

Ce phénomène, dont la signification historique est gigantesque, résulte en partie des changements qui se sont opérés pendant et après la guerre impérialiste, dans la situation intérieure des principales colonies et semi-colonies, dans leur structure économique et sociale : renforcement des éléments de développement industriel capitaliste, aggravation de la crise agraire, accroissement et commencement d’organisation du prolétariat, paupérisation des grandes masses paysannes, etc., en partie aussi des changements dans la situation internationale : d’une part, les difficultés rencontrées par les principales puissances impérialistes pendant la guerre et la crise d’après-guerre de l’impérialisme mondial, plus tard, l’agressivité accrue de la politique coloniale de l’Angleterre, du Japon, des États-Unis, de la France, de l’Italie, de la Hollande, comme conséquence, de la «paix» impérialiste ; d’autre part, la transformation de la Russie de paissance impérialiste en puissance prolétarienne anti-impérialiste, la lutte victorieuse des peuples de l’URSS contre l’impérialisme mondial pour la défense de leur indépendance, l’exemple de la solution révolutionnaire de la question nationale, l’influence de l’édification socialiste soviétique, enfin le renforcement du mouvement communiste dans les pays capitalistes, et son action en faveur des colonies.

Tous ces faits ont considérablement accéléré l’éveil politique des formidables masses populaires des pays coloniaux et semi-coloniaux et provoqué une série de grands soulèvements révolutionnaires qui, pour la plupart, lièrent étroitement d’une façon originale, la lutte libératrice anti-impérialiste et le développement des forces de la lutte de classes à l’intérieur.

2. La Révolution chinoise a eu la plus grande importance internationale. Le massacre des ouvriers chinois à Shanghai, le 30 mai 1925 fut le signal du déchainement d’une formidable vague révolutionnaire en Chine.

Les plus grands centres industriels : Shanghai, Tientsin, Hankéou, Canton et la colonie anglaise de Hongkong furent l’arène de grèves révolutionnaires de masses, qui soulevèrent une vague d’action des masses paysannes contre les propriétaires fonciers chinois et la «gentry».

Déjà, dans cette étape initiale du large mouvement national-révolutionnaire, la bourgeoisie nationale s’est efforcée de limiter la lutte révolutionnaire exclusivement à des objectifs nationaux, tels que la lutte contre les militaristes, le boycott des impérialistes, etc.

Au moment même où se levait la vague révolutionnaire, la contre-révolution commençait à organiser ses forces (coup d’État de Tchang Kai Chek en mars 1926, massacre des manifestations d’étudiants à Pékin, organisation de l’aile droite du Kuomintang qui engagea la lutte contre les paysans dans le Kyantoung et le Kyangsi, etc.).

L’expédition vers le Nord, qui commença en été 1926, la conquête d’une série de provinces, la défaite et l’effondrement de nombreux groupements militaristes furent accompagnés d’une formidable croissance du mouvement des masses (occupation des concessions anglaises à Hankéou et Kioukiang, grève générale à Shanghai, qui se transformera en une insurrection armée, croissance gigantesque du mouvement paysan).

L’insurrection victorieuse de Shanghai, en avril 1927, posa la question de l’hégémonie du prolétariat dans le mouvement national- révolutionnaire, poussa définitivement la bourgeoisie indigène dans le camp de la réaction et détermina le coup d’État de Tchang Kai Chek.

Les actions indépendantes des ouvriers luttant pour le pouvoir, et surtout l’essor continu du mouvement paysan, se transformant en révolution agraire poussèrent aussi le gouvernement de Wouhan, formé sous la direction de l’aile petite-bourgeoise du Kuomintang, dans le camp de la contre-révolution.

Cependant, la vague révolutionnaire déclinait déjà. Dans une série d’insurrections (insurrection de Ho Lung, Vé Ting, soulèvements paysans dans le Hounan, Houpé, Kyantoung, Kiangsou) la classe ouvrière et les paysans tentèrent d’arracher le pouvoir aux impérialistes, à la bourgeoisie et aux propriétaires fonciers et d’empêcher par là la défaite de la révolution.

Ils n’y réussirent pas. La dernière puissante manifestation de cette vague révolutionnaire fut l’insurrection de l’héroïque prolétariat de Canton, qui sous le mot d’ordre des Soviets, tenta de lier la révolution agraire au renversement du Kuomintang et l’établissement de la dictature du prolétariat et des paysans.

§3. Aux Indes, la politique de l’impérialisme anglais, entravant le développement de l’industrie indigène, souleva un fort mécontentement de la bourgeoisie hindoue dont la consolidation, en tant que classe, remplaça la division antérieure en sectes religieuses et en castes, s’exprima en 1916 par la fusion du Congrès National Hindoue — organe de la bourgeoisie hindoue — avec la Ligue Musulmane et dressa, face à l’impérialisme anglais, le front uni national.

La crainte d’un mouvement révolutionnaire pendant la guerre obligea l’impérialisme anglais à faire des concessions à la bourgeoisie indigène ; elles s’exprimèrent dans le domaine économique par une augmentation des droits de douane sur les produits importés ; dans le domaine politique, par les piètres réformes parlementaires introduites en 1919.

Cependant, les conséquences désastreuses de la guerre impérialiste (famine et épidémies de 1918), l’aggravation catastrophique de la situation des grandes masses de la population laborieuse, l’influence de la révolution d’Octobre en Russie et d’une série de soulèvements dans les pays coloniaux (par exemple la lutte du peuple turc pour l’indépendance) suscitèrent dans les masses du peuple hindou une intense fermentation qui s’exprima par une série d’actions révolutionnaires contre l’impérialisme anglais.

Ce premier grand mouvement anti-impérialiste aux Indes (1919-22) se termina par la trahison de la bourgeoisie hindoue envers la cause de la révolution nationale, trahison déterminée, surtout par la crainte de la vague grandissante des insurrections de paysans et des grèves des ouvriers contre les patrons indigènes.

La débâcle du mouvement national-révolutionnaire et la désagrégation graduelle du nationalisme bourgeois permirent à l’impérialisme anglais de revenir à la politique d’entraves au développement industriel des Indes.

Les dernières mesures de l’impérialisme anglais aux Indes démontrent que la contradiction objective entre le monopole colonial et la tendance des Indes à un développement économique indépendant s’aggrave d’année en année et mené à une nouvelle et profonde crise révolutionnaire.

Le véritable danger pour la domination anglaise vient non pas du camp de la bourgeoisie, mais du mouvement de masses croissant des ouvriers hindous qui se développe en de formidables grèves ; en même temps, l’aggravation de la crise à la campagne témoigne de la maturation de la révolution agraire. Ces phénomènes déterminent un changement total de la situation politique aux Indes.

§4. En Indonésie, l’impérialisme hollandais est de plus en plus obligé d’accorder aux puissances plus fortes (impérialismes américain et anglais) la possibilité d’importer toujours plus de marchandises et de capitaux. L’impérialisme hollandais est ainsi obligé de jouer en fait en Indonésie un rôle subalterne, un rôle «d’agent» qui exerce en outre les fonctions de gendarme et de bourreau.

L’insurrection qui éclata à Java, en novembre 1926, fut directement causée par la crise qui aggrava la situation des grandes masses de la population et par la répression cruelle du mouvement national-révolutionnaire par le gouvernement.

L’insurrection fut dirigée en grande partie par les communistes. Le gouvernement a réussi à la noyer dans le sang, à écraser le PC, exterminer ou à emprisonner des milliers des meilleurs de combattants du prolétariat et des paysans.

Les réformes insignifiantes mises en scène plus tard par le gouvernement pour atténuer la haine des larges masses populaires et pour acheter le soutien des chefs national-réformistes, dans l’œuvre «d’apaisement» des masses n’améliorèrent en rien la situation des couches du peuple.

La crise économique qui continue, celle des industries du sucre et du caoutchouc, en particulier l’offensive du capital pour aggraver les conditions de travail et le chômage croissant, créent les conditions objectives de nouvelles actions inévitables des masses ouvrières et paysannes contre l’impérialisme.

§5. En Afrique du Nord, commença en 1925 une série de soulèvements des tribus kabyles du Riff contre les impérialismes français et espagnols. Elles furent suivies d’un soulèvement des tribus Druzes, de la Syrie, sous «mandat», contre l’impérialisme français.

Au Maroc, les impérialistes ne réussirent à maîtriser ce soulèvement qu’après une guerre prolongée. La pénétration renforcée du capital étranger dans ces pays donne naissance à de nouvelles forces sociales. L’apparition et la croissance du prolétariat urbain s’exprime par une vague de grèves de masses qui, pour la première fois, se développent en Palestine, en Syrie, en Tunisie et en Algérie.

Peu à peu, quoique très lentement, les paysans de ces pays entreront aussi dans la lutte.

§6. L’expansion économique et militaire croissante de l’impérialisme nord-américain dans les pays de l’Amérique latine fait de ce continent un des principaux théâtres des antagonismes de tout le système colonial impérialiste.

L’influence de l’Angleterre qui, avant la guerre, était décisive dans ces pays, réduisant beaucoup d’entre eux à l’état de semi-colonie, fut supplantée après la guerre par une dépendance, plus forte encore, à l’égard des États-Unis.

Grâce à une exportation croissante de capitaux, l’impérialisme nord- américain conquiert les postes de commande de l’économie de ces pays, soumet leurs gouvernements à son contrôle financier et, en même temps, les excite les uns contre les autres.

Cette politique agressive de l’impérialisme américain prend de plus en plus un caractère de violence non déguisée, allant jusqu’à l’intervention armée (Nicaragua).

La lutte d’émancipation nationale contre l’impérialisme américain qui a commencé en Amérique latine est en grande partie dirigée par la petite-bourgeoise.

La bourgeoisie nationale, qui forme une couche très réduite de la population (sauf en Argentine, au Brésil, au Chili) liée, d’une part, aux grands propriétaires fonciers, et, d’autre part, au capital américain, est dans le camp de la contre-révolution.

La révolution mexicaine, qui débuta par la lutte révolutionnaire des paysans pour la terre, contre les propriétaires fonciers et l’Église, revêtit en même temps à un degré considérable le caractère d’une lutte des masses contre l’impérialisme américain et anglais et aboutit à la constitution d’un gouvernement de la petite-bourgeoisie, qui s’efforce de conserver le pouvoir par des concessions aux grands propriétaires fonciers et à l’impérialisme nord-américain.

Les insurrections paysannes, les grèves des ouvriers, etc., en Equateur, contre le gouvernement des propriétaires fonciers de la côte et contre le gouvernement des banquiers et de la bourgeoisie commerçante de Guayaquil déterminèrent un coup d’État militaire et l’instauration d’un gouvernement militaire dictatorial en 1925 ; une série de coups d’État militaires au Chili : une guerre de Partisans au Nicaragua contre l’impérialisme nord-américain ; une série d’insurrections dans le sud du Brésil ; l’insurrection des ouvriers agricoles de Patagonie, en Argentine ; les soulèvements d’Indiens, en Bolivie, Equateur et Colombie, les rébellions, les grèves générales spontanées et les manifestations de masses au Venezuela et en Colombie ; les mouvements anti-impérialistes de masses à Cuba et dans toute l’Amérique Centrale, en Colombie etc., etc., tous ces événements des dernières années témoignent d’un élargissement et d’un approfondissement du processus révolutionnaire et surtout de la colère croissante des pays de l’Amérique latine contre l’impérialisme mondial.

§7. Dans la plupart des cas l’impérialisme a jusqu’à présent réussi à noyer dans le sang le mouvement révolutionnaire des pays coloniaux. Mais toutes ces questions fondamentales qui provoquèrent ces mouvements sont restées sans solution.

La contradiction objective entre la politique coloniale de l’impérialisme mondial et le développement indépendant des peuples coloniaux n’a nullement disparu ni en Chine, ni aux Indes, ni dans aucun autre des pays coloniaux et semi-coloniaux, au contraire, elle s’aggrave toujours plus et ne peut être éliminée que par la lutte révolutionnaire victorieuse des masses travailleuses des colonies.

Tant que cette contradiction n’aura pas été éliminée, elle agira dans chaque colonie et semi-colonie comme un des principaux facteurs objectifs de la révolution. En même temps, la politique coloniale des États impérialistes agit comme un des plus puissants générateurs d’antagonisme et de guerres, entre eux.

Cet antagonisme s’aggrave de plus en plus et joue, dans les semi-colonies surtout, en dépit de blocs fréquents des impérialistes, un rôle plus ou moins considérable. Mais les antagonismes entre le monde impérialiste d’un côté, l’URSS et le mouvement ouvrier révolutionnaire des pays capitalistes de l’autre, ont la plus grande importance pour le développement du mouvement révolutionnaire dans les colonies.

§8. La formation d’un front de combat entre les forces actives et la révolution socialiste mondiale (l’US et le mouvement ouvrier dans les pays capitalistes) d’une part, et, de l’autre, les forces de l’impérialisme, ont, à l’époque actuelle de l’Histoire universelle, une signification primordiale décisive.

Les masses laborieuses des colonies luttant contre l’esclavage impérialiste forment une puissante armée militaire de la révolution socialiste mondiale.

Les pays coloniaux sont actuellement pour l’impérialisme mondial le secteur du front le plus dangereux.

Les mouvements révolutionnaires libérateurs des colonies et des semi-colonies se groupent de plus en plus autour du drapeau de l’US, convaincus par une amère expérience, qu’il n’y a pour eux de salut que dans l’alliance avec le prolétariat révolutionnaire, dans la victoire de la révolution prolétarienne mondiale sur l’impérialisme mondial.

De leur côté, le prolétariat de l’URSS et le mouvement ouvrier dans les pays capitalistes, dirigés par l’IC, soutiennent et soutiendront de plus en plus énergiquement par leur action, la lutte émancipatrice de tous les peuples coloniaux dans leur lutte pour l’émancipation définitive du joug de l’impérialisme.

Plus : l’alliance de l’URSS et du prolétariat révolutionnaire des pays impérialistes crée pour les masses laborieuses des peuples de Chine, des Indes et de tous les pays arriérés coloniaux et semi-coloniaux la possibilité d’un développement indépendant, libre, économique et culturel, brûlant l’étape de la domination du régime capitaliste et même le développement des rapports capitalistes en général.

L’époque de l’impérialisme, des guerres et des révolutions, dans laquelle nait la dictature du prolétariat, ouvre ainsi une perspective tout à fait nouvelle au développement des peuples coloniaux.

Étant donné que de l’analyse d’ensemble de l’économie mondiale contemporaine ne résulte nullement de la perspective d’une nouvelle période prolongée de prospérité capitaliste, mais, au contraire, la chute inévitable du capitalisme, qui a déjà terminé son rôle historique progressif et est devenu un frein au progrès, se décompose cédant la place à la dictature prolétarienne (URSS) et mène l’humanité à de nouvelles catastrophes.

Ainsi il y a la possibilité objective d’un développement non capitaliste des colonies arriérées, d’une transformation de la révolution démocratique-bourgeoise en révolution socialiste prolétarienne dans les colonies avancées grâce à l’aide de la dictature prolétarienne des autres pays.

Si les conditions objectives sont favorables, cette possibilité devient réalité, la marche réelle des événements étant déterminée par la lutte, et seulement la lutte. Défendre cette voie en théorie et en pratique, lutter pour elle avec abnégation, est le devoir de tous les communistes. Cette perspective pose également devant les colonies le problème de la prise du pouvoir révolutionnaire par les Soviets.

Toutes les questions fondamentales du mouvement révolutionnaire des colonies et des semi-colonies se trouvent ainsi en liaison étroite avec la lutte formidable et historique, entre le système capitaliste et le système socialiste, menée actuellement, à l’échelle mondiale, par l’impérialisme contre l’URSS et, à l’intérieur de chaque pays capitaliste, entre la domination de classe de la bourgeoisie et le mouvement communiste.

Dans cette lutte la collaboration du prolétariat révolutionnaire du monde entier et des masses laborieuses des colonies est la garantie la plus sûre de victoires sur l’impérialisme.

Dans cette lutte, tout conflit armé entre deux États impérialistes, et toute guerre des impérialistes contre l’URSS doivent être utilisés pour mobiliser les masses des colonies et les entraîner dans une lutte décisive pour la victoire des ouvriers et paysans.

2. — Traits caractéristiques de la vie économique des colonies et de la politique coloniale impérialiste

§9. L’histoire des colonies ne peut être comprise que si elle est considérée comme une partie de l’histoire du développement de l’économie capitaliste dans son ensemble, de ses formes les plus primitives à sa dernière : l’impérialisme.

À mesure que le capitalisme englobe de plus en plus l’immense domaine colonial dans la sphère de son économie mondiale basée sur l’exploitation et la chasse au profit, l’histoire économique et politique des pays coloniaux et semi-coloniaux reflète, comme un miroir, tous les traits caractéristiques de la soi-disant mission civilisatrice et culturelle du mode de production capitaliste et de l’ordre social bourgeois.

Elle découvre surtout, avec une franchise implacable, les méthodes et la pratique de l’accumulation primitive du capital. Une politique de conquêtes et d’oppression d’une cruauté inouïe avec sa rapine coloniale et ses expéditions punitives, ses guerres d’opium et ses incursions de pirates, son ravitaillement forcé de la population indigène en eau-de-vie, en bibles et autres poisons, produits en abondance par les pays très chrétiens d’Europe et d’Amérique, tels furent les principaux facteurs qui favorisèrent le renforcement du régime capitaliste.

En dépit des odieux mensonges des impérialistes et de leurs valets réformistes (Macdonald, Otto Bauer et Cie) qui affirment que l’impérialisme «apporte aux peuples arriérés la prospérité, le progrès et la culture» le passage à l’époque du capitalisme monopoliste n’a aucunement allégé le fardeau qui pèse sur les formidables masses des peuples coloniaux.

Les conséquences désastreuses qu’entraîne partout le développement capitaliste, surtout dans la première phase de son existence, se reproduisent dans les colonies à un degré monstrueux et avec une rapidité accrue grâce à la pénétration du capital étranger.

Le progrès provoqué par le capitalisme, au contraire, ne s’y fait généralement pas du tout sentir.

Là où l’impérialisme régnant a besoin dans les colonies d’un appui social, il s’unit aux couches dirigeantes de l’ancien régime social — les féodaux et la bourgeoisie marchande et usurière — contre la majorité du peuple. Partout, l’impérialisme s’efforce de conserver et d’éterniser toutes les formes précapitalistes (surtout dans les campagnes) qui sont la base d’existence de ses alliés réactionnaires.

Les masses populaires de ces pays sont contraintes de payer des sommes immenses pour l’entretien de l’armée, de la gendarmerie et de l’appareil administratif du régime colonial.

La famine et les épidémies qui se développent surtout parmi les paysans paupérisés ; l’expropriation en masse des terres de la population indigène ; les conditions inhumaines de travail (dans les plantations et les mines des capitalistes blancs, etc., etc.), pires parfois que l’esclavage avoué exercent partout leur influence néfaste sur la population des colonies et déterminent parfois l’extinction de peuplades entières.

Le «rôle éducatif culturel» des États impérialistes dans les colonies est en réalité celui de bourreau.

§10. Parmi les pays coloniaux, il faut distinguer entre les colonies des pays capitalistes qui servaient de territoire de colonisation pour le surplus de leur population et qui devinrent ainsi le prolongement de leur système capitaliste (Australie, Canada, etc.) et les colonies qui sont exploitées par les impérialistes surtout comme débouchés, source de matières premières et sphère d’investissement des capitaux.

Cette distinction a une grande importance, non seulement historique, mais aussi économique et politique. Les colonies du premier type sont devenues, par leur développement général, des Dominions, c’est-à-dire des parties du système impérialiste jouissant de droits égaux ou presque égaux à ceux de la métropole.

Le développement capitaliste y reproduit, au sein de la population blanche immigrée, la même structure sociale que celle de la métropole. Il n’est pas question de régime colonial sous la forme existant dans les colonies du second type.

Entre ces deux types, existe un type transitoire où à côté de nombreuses populations indigènes existe une population blanche considérable formée de colons. (Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Algérie, etc., etc.).

La bourgeoisie, venue de la métropole, représente au fond dans ces pays (colonies d’émigration) un «prolongement» colonial de la bourgeoisie de la métropole. Les intérêts de cette bourgeoise sont en grande partie identiques aux intérêts coloniaux la métropole.

La métropole est intéressée, jusqu’à un certain degré, de renforcer sa «filiale» capitaliste dans la colonie, surtout quand cette «filiale» de l’impérialisme réussit à subjuguer l’ancienne population indigène ou même à la faire disparaître complètement.

D’autre part, la rivalité des divers systèmes impérialistes pour l’influence dans ces pays demi-indépendants peut aboutir à leur indépendance de la métropole et même à leur rattachement aux concurrents de celle-ci. Ces causes contraignent souvent l’impérialisme à accorder à son agence une certaine indépendance politique et économique dans ces colonies (Dominions) qui deviennent alors des puissances alliées et apparentées à leur impérialisme respectif.

§11. Au fond, le régime colonial impérialiste consiste en un monopole, basé non seulement sur la pression économique mais aussi sur la contrainte non économique, de la bourgeoisie du pays impérialiste dans le pays dépendant, monopole qui a deux fonctions principales ; d’un côté, l’exploitation impitoyable des colonies (diverses formes de tributs directs ou indirects, surprofits provenant de l’écoulement des produits industriels de la métropole et de l’approvisionnement de l’industrie de la métropole en matières premières à bas prix avec l’utilisation de main-d’œuvre à très bon marché); d’autre part, le monopole impérialiste sert à conserver et à développer les conditions de sa propre existence, c’est-à-dire l’assujettissement des masses coloniales.

Dans sa fonction d’exploiteur l’impérialisme est, par rapport au pays colonial, avant tout un parasite qui suce le sang de son organisme économique.

Le fait que ce parasite représente envers sa victime une haute culture, en fait un exploiteur d’autant plus puissant et dangereux, mais du point de vue du pays colonial, ne modifie en rien le caractère parasitaire de ses fonctions.

L’exploitation capitaliste de chaque pays impérialiste a suivi la voie du développement des forces productives. Les formes spécifiquement coloniales d’exploitation capitaliste, employées par la bourgeoisie anglaise, française et autres, freinent, par contre, en fin de compte, le développement des forces productives de leurs colonies.

Elles consistent à n’effectuer que le minimum de travail constructif (chemins de fer, ports) nécessaire à la domination militaire du pays, au fonctionnement ininterrompu de la machine fiscale et aux besoins du commerce du pays impérialiste.

L’agriculture des colonies est obligée, en grande partie, de travailler pour l’exportation, mais l’agriculture n’est nullement libérée par là des entraves des formes économiques précapitalistes.

En règle générale, elle se transforme en économie marchande «libre» grâce à la subordination des formes de production précapitalistes aux du capital financier, l’intensification des méthodes précapitalistes d’exploitation, à l’assujettissement de l’économie paysanne au joug du capital marchand et usuraire, qui se développe rapidement, au renforcement des charges fiscales, etc., etc.

L’exploitation des paysans se renforce, mais leurs méthodes de production ne sont pas renouvelées. En règle générale, la transformation industrielle des matières premières coloniales s’opère non pas dans la colonie, mais dans les pays capitalistes, avant tout dans la métropole.

Les bénéfices tirés des colonies n’y sont pas, pour la plupart, dépensés productivement, ils sont extraits du pays pour être investis soit dans la métropole, soit dans de nouvelles sphères d’expansion de l’impérialisme.

Ainsi, l’exploitation coloniale est, par sa tendance fondamentale, un frein au développement des forces productives des colonies, elle opère le pillage des richesses naturelles et, surtout, épuise les réserves de forces productives humaines du pays colonial.

§12. Cependant, dans la mesure où l’exploitation coloniale détermine un certain développement de la production dans les colonies, ce développement, grâce au monopole impérialiste, prend une orientation spéciale et n’est encouragé que dans la mesure où il correspond aux intérêts de la métropole, au maintien de son monopole colonial en particulier.

Elle peut pousser une partie des paysans, par exemple, à passer de la culture des céréales à celle du coton, du sucre, du caoutchouc (Soudan, Cuba, Java, Égypte, etc.), mais cela s’opère d’une façon qui, non seulement, ne correspond pas aux intérêts du développement économique des pays coloniaux, mais au contraire, renforce encore davantage la dépendance des colonies à l’égard des métropoles impérialistes.

Dans le but d’élargir l’approvisionnement de l’impérialisme mondial en matières premières, on crée de nouvelles cultures agricoles pour remplacer celles qu’anéantit la politique coloniale.

Les nouveaux systèmes d’irrigation, construits dans ce but pour remplacer les anciens systèmes détruits, se transforment aux mains des impérialistes en un instrument d’exploitation renforcée des paysans.

Dans le but d’élargir le marché intérieur, on fait des tentatives d’adapter au mode de production capitaliste les rapports agraires créés en partie par la politique coloniale elle-même. Les plantations de toute sorte servent les intérêts du capital financier des métropoles.

L’exploitation des richesses minérales des colonies est faite en vue des besoins de l’industrie de la métropole, surtout afin de la rendre indépendante des sources de matières premières des autres pays, sur lesquels ne s’exerce pas son monopole.

Ce sont les principales sphères de la production coloniale. Le développement de la production dans les colonies grandit relativement, là seulement où la fabrication est une opération extrêmement simple (industrie du tabac, du sucre, etc.) et où les frais de transport des matières premières peuvent être sensiblement réduits par leur transformation sur place.

En tout cas, les entreprises capitalistes, créées dans les colonies par les impérialistes (à l’exception de certaines entreprises créées pour des buts de guerre) portent essentiellement ou exclusivement un caractère capitaliste-agraire caractérisé par une faible composition organique du capital.

La véritable industrialisation des pays coloniaux, en particulier la création d’une industrie viable de construction mécanique capable de favoriser le développement indépendant des forces productives du pays, loin d’être encouragée, est au contraire entravée par la métropole.

C’est en cela, au fond, que consiste sa fonction d’oppression coloniale, le pays colonial est contraint de sacrifier les intérêts de son développement indépendant et de jouer le rôle d’appendice économique (agriculture, matières premières) du capitalisme étranger, afin de renforcer, au détriment des classes laborieuses du pays colonial, le pouvoir économique et politique de la bourgeoisie du pays impérialiste, de perpétuer son monopole colonial et de renforcer son expansion dans le reste du monde.

De même que le «capitalisme classique» de l’époque pré- impérialiste démontrait, on ne peut plus clairement, par sa rapine dans les colonies, tous les caractères négatifs de la destruction du passé sans édification créatrice d’une économie nouvelle ; de même l’indice le plus caractéristique de la décadence de l’impérialisme, son caractère usuraire et parasitaire apparaît clairement dans son économie coloniale.

La tendance des grandes puissances impérialistes à adapter toujours davantage et toujours plus exclusivement leurs colonies monopolisées aux besoins de l’économie capitaliste de la métropole, entraîne non seulement la destruction du régime économique traditionnel de la population coloniale indigène, mais aussi à une rupture de l’équilibre entre les différents branches de la production et, en fin de compte, à un ralentissement artificiel du développement des forces productives des colonies.

La tendance générale commune à toutes les métropoles consiste, d’une part, à faire de la colonie une partie subordonnée de son système impérialiste, afin de permettre à celui-ci de se suffire à lui- même économiquement et de s’opposer aux autres systèmes impérialistes, et, d’autre part, à priver la colonie des rapports directs avec l’ensemble de l’économie mondiale et à prendre la fonction d’intermédiaire et d’arbitre suprême de ses rapports économiques avec le monde extérieur.

Cette tendance des impérialistes à renforcer la dépendance unilatérale des colonies à l’égard de la métropole, aiguise la rivalité des diverses puissances impérialistes, des trusts internationaux, etc.

Le développement des rapports capitalistes et l’exploitation des masses populaires des colonies déterminés par ces conditions revêtent des formes très variées.

§13. L’immense majorité de la population des colonies étant attachée à la terre dans les campagnes, les formes rapaces d’exploitation des paysans employées par l’impérialisme et ses alliés (la classe des propriétaires fonciers et le capital marchand et usuraire) acquièrent une importance particulière.

Grâce à l’intervention de l’impérialisme (impôts, importation de marchandises industrielles de la métropole, etc.) l’incorporation des campagnes dans l’économie monétaire et marchande est accompagnée de la paupérisation de l’économie paysanne, de la ruine de l’artisanat paysanne, etc., etc. et s’opère d’une façon beaucoup plus rapide que naguère dans les pays capitalistes avancés : au contraire, le développement industriel ralenti fixe des limites étroites à la prolétarisation.

Cette formidable disproportion entre la destruction rapide des anciennes formes économiques et le lent développement des formes nouvelles a en Chine, aux Indes, en Indonésie, en Égypte, etc., un extraordinaire «manque de terre» et la surpopulation des campagnes, une grande augmentation de la rente foncière et un morcellement extrême des terres cultivées par les paysans.

En plus tout le poids des anciens rapports d’exploitation et d’oppression féodaux ou semi-féodaux, sous des formes quelque peu «modernisées» mais pas plus supportables, pèse comme par le passé sur les paysans.

Le capitalisme, qui a englobé les campagnes des colonies dans son système fiscal et son appareil commercial et qui a provoqué un bouleversement dans les rapports précapitalistes (par exemple en supprimant la communauté villageoise) aucunement émancipé par là les paysans du joug des formes précapitalistes d’oppression et d’exploitation, et n’a fait que les exprimer en argent (la corvée et le fermage en nature sont en partie remplacés par le fermage en argent, l’impôt en nature par l’impôt en argent, etc., etc.) ce qui a encore aggravé la misère des paysans.

Au «secours» de la situation précaire des paysans sont venus les usuriers qui les spolient et parfois (par exemple, dans certaines régions des Indes et de la Chine) créent un esclavage héréditaire pour dettes.

En dépit de toute la diversité des rapports agraires dans les divers pays coloniaux et même dans les différentes régions d’un même pays, la situation misérable des masses paysannes est presque partout la même : en grâce à un échange non équivalent ; en partie, grâce à une exploitation directe, les paysans de ces pays sont hors d’état d’élever le niveau de la technique et de l’organisation de leur culture.

La productivité de leur travail et leur consommation diminuent. La paupérisation des paysans dans ces pays est un phénomène général.

Aux Indes, en Chine, en Indonésie, la paupérisation des paysans a atteint un tel degré, qu’actuellement le type dominant à la campagne est le paysan pauvre sans terre ou presque sans terre, souvent en proie à la famine. La grande propriété foncière n’est presque jamais liée à la grande exploitation agricole et ne sert qu’à tirer des paysans le paiement des fermages.

Il existe du reste souvent toute une hiérarchie de fermiers et de sous-fermiers, intermédiaires parasitaires entre le cultivateur et le grand propriétaire foncier (gentry, zamindar) ou l’État.

Les vieux réseaux d’irrigation artificielle, qui sont dans ces pays d’une grande importance pour l’agriculture, sont d’abord tombés en déchéance grâce à l’intervention de l’impérialisme et lorsqu’ils furent ensuite rétablis sur une base capitaliste, leur usage devient trop coûteux pour le paysan.

Les mauvaises récoltes deviennent de plus en plus fréquentes. Devant les calamités et les épidémies de toute sorte, le paysan est sans défense.

De grandes masses de paysans sont éliminées du processus de production ; ils n’ont aucune possibilité de trouver du travail dans les villes, trouvent rarement du travail dans les campagnes et se transforment en misérables coolies.

Cette situation misérable des paysans a pour conséquence une crise du marché intérieur pour l’industrie et constitue donc un fort obstacle au développement capitaliste du pays.

De même que la bourgeoisie nationale des Indes, de Chine, d’Égypte, l’impérialisme se heurte à cette misère des paysans comme un obstacle à l’élargissement de son exploitation ; mais, comme elle, il est si étroitement lié par ses intérêts économiques et politiques à la grande propriété foncière et au capital marchand et usuraire, qu’il ne peut réaliser une réforme agraire de quelque importance.

L’économie domestique et l’artisanat paysan se désagrègent de plus en plus. Le développement du commerce crée large couche de bourgeoisie commerçante indigène, exerçant aussi la fonction d’accapareur, d’usurier, etc.

La prédominance et l’hégémonie du capital marchand et usuraire, dans les conditions spécifiques de l’économie coloniale, entrave la croissance du capital industriel.

Dans la lutte pour le marché intérieur, le capital national se heurte toujours davantage à la concurrence des capitaux étrangers importés et au frein que constituent les rapports précapitalistes dans les campagnes. En dépit de ces obstacles nait, dans certaines branches de production, une grande industrie indigène (industrie légère surtout). Le capital national et les banques nationales naissent et se développent.

Les pitoyables tentatives de réaliser des réformes agraires sans préjudices pour le régime colonial, tendent à réaliser une lente transformation du propriétaire semi-féodal en propriétaire capitaliste, et dans certains cas, la formation de petite couche de paysans riches.

En pratique, cela ne conduit qu’à une paupérisation toujours plus grande de l’écrasante majorité des paysans, ce qui paralyse davantage le développement du marché intérieur. Sur la base de ces processus économiques contradictoires se développent les principales forces sociales des mouvements coloniaux.

§14. Dans la période de l’impérialisme, le rôle du capital financier dans la conquête du monopole économique et politique dans les colonies apparaît avec une netteté particulière.

Cela se manifeste en particulier dans certaines conséquences économiques déterminées par l’exploitation du capital dans les colonies.

Ce capital afflue particulièrement dans le commerce, joue principalement le rôle de capital usuraire (prêts) et vise à conserver et à renforcer l’appareil d’oppression de l’État impérialiste dans les colonies (par les emprunts d’État, etc.), ou à conquérir un contrôle complet des organes gouvernementaux soi-disant indépendants de la bourgeoisie indigène des pays semi-coloniaux.

L’exportation du capital dans les colonies y accélère le développement des rapports capitalistes.

La partie du capital exporté, qui est investie dans la production des colonies, détermine en partie une accélération du développement industriel ; non dans le but de favoriser l’indépendance de l’économie coloniale, mais au contraire, pour en renforcer la dépendance à l’égard du capital financier des pays impérialistes.

En général, les capitaux importés dans les colonies sont employés presque exclusivement pour saisir et extraire les matières premières ou pour en développer les voies de communication (chemins de fer, constructions navales, aménagement des ports, etc.) qui facilitent l’enlèvement des matières premières et lient plus étroitement les colonies aux métropoles.

La forme de prédilection des investissements dans l’agriculture est la participation des capitaux dans les grandes plantations, dans le but de produire des aliments à bon marché et monopoliser des sources immenses de matières premières.

Le transfert dans les métropoles de la plus grande partie de la plus-value tirée de la main-d’œuvre à bas prix des esclaves coloniaux ralentit considérablement l’essor de l’économie des pays coloniaux, le développement de leurs forces productives et fait obstacle à l’émancipation économique et politique des colonies.

Une autre caractéristique fondamentale des rapports entre les États capitalistes et les colonies est la tendance de divers groupes monopolistes du capital financier à monopoliser tout le commerce extérieur de certains pays coloniaux et semi-coloniaux, à les soumettre ainsi à leur contrôle et à réglementer tous les canaux qui lient l’économie coloniale au marché mondial.

L’influence directe que cette monopolisation du commerce extérieur, par un petit nombre de firmes d’exportation monopolistes, exerce sur le développement capitaliste des colonies, s’exprime moins par le développement du marché intérieur national que par l’adaptation du commerce intérieur disséminé des colonies aux besoins de l’exportation et par l’absorption des richesses naturelles des pays coloniaux par les parasites impérialistes.

Cette particularité du développement du commerce colonial trouve aussi son expression dans la forme et le caractère des banques impérialistes dans les colonies : elles mobilisent l’épargne de la population indigène pour financer le commerce extérieur des colonies, etc.

§15. Toute la politique économique envers les colonies est guidée par le souci de conserver et de renforcer leur dépendance, d’intensifier leur exploitation et d’entraver le plus possible leur développement indépendant. Seules, des circonstances particulières peuvent obliger la bourgeoisie des États capitalistes à favoriser le développement de la grande industrie dans les colonies.

Ainsi, la nécessité de conduire ou de préparer une guerre, dans une certaine mesure, la création de diverses entreprises métallurgiques et chimiques dans les colonies qui ont le plus d’importance stratégique (par exemple aux Indes).

La concurrence des rivaux plus forts peut obliger la métropole à accorder certaines concessions dans la politique douanière, mais en ayant soin de se garantir de taxes de faveur.

Afin de corrompre certaines couches de la bourgeoisie des colonies et semi-colonies, surtout dans les périodes d’essor du mouvement révolutionnaire, elle peut diminuer, dans une certaine mesure, sa pression économique ; mais, dès que ces circonstances extraordinaires, et pour la plupart non économiques, disparaissent, la politique économique des puissances impérialistes s’efforce aussitôt d’opprimer et d’entraver le développement économique des colonies.

C’est pourquoi le développement de l’économie nationale des colonies et surtout leur industrialisation, le développement indépendant et complet de leur industrie, ne peuvent s’effectuer qu’en contradiction flagrante avec la politique de l’impérialisme.

C’est pourquoi le caractère spécifique du développement des pays coloniaux s’exprime en ce que la croissance des forces productives s’effectue à travers des difficultés exceptionnelles, des spasmes et qu’elle est artificiellement limitée à certaines branches industrielles.

Tout cela détermine inévitablement une pression sans cesse croissante de l’impérialisme sur les pays coloniaux et semi-coloniaux qui suscite une résistance de plus en plus forte des facteurs sociaux économiques engendrés par l’impérialisme lui-même.

L’entrave permanente au développement indépendant renforce toujours davantage l’antagonisme et provoque des crises révolutionnaires, des mouvements de boycott, des soulèvements nationaux- révolutionnaires, etc.

D’une part, les contradictions objectives immanentes du développement capitaliste dans les colonies se renforcent, et par là s’intensifient également les contradictions entre le développement des colonies et les intérêts de la bourgeoisie des États impérialistes.

D’autre part, la nouvelle forme d’exploitation capitaliste crée une force vraiment révolutionnaire : le prolétariat, autour duquel les millions de paysans s’unissent de plus en plus pour opposer une résistance organisée à l’oppression du capital financier.

Toutes ces palabres des impérialistes et de leurs valets sur la politique de décolonisation menée par les puissances impérialistes, l’encouragement au «libre essor des colonies» ne sont que mensonges impérialistes. Il est extrêmement important que les communistes démasquent ce mensonge aussi bien dans les pays impérialistes que dans les pays coloniaux.

3. — La stratégie et la tactique communistes en Chine, aux Indes et dans les pays coloniaux semblables

§16. Comme dans toutes les colonies et semi-colonies, le développement des forces productives et la collectivisation du travail en Chine et aux Indes sont à un niveau relativement bas.

Cette circonstance ajoutée à l’oppression étrangère et à la présence de fortes survivances du féodalisme et des rapports précapitalistes, détermine le caractère de la prochaine étape de la révolution dans ces pays. Dans le mouvement révolutionnaire de ces pays, il s’agit d’une révolution démocratique-bourgeoise, c’est-à-dire, d’une étape où se préparent les prémisses de la dictature prolétarienne et de la révolution socialiste.

On peut donc fixer les tâches fondamentales suivantes aux révolutions démocratiques-bourgeoises des colonies et semi-colonies :

a) Modifier le rapport des forces en faveur du prolétariat ; libérer le pays du joug de l’impérialisme (nationalisation des concessions, voies ferrées, banques et autres entreprises étrangères); créer l’unité nationale là où elle n’est pas encore réalisée ; renverser le pouvoir des classes exploiteuses derrières lesquelles est l’impérialisme ; organiser des conseils ouvriers et paysans et une Armée Rouge ; instaurer la dictature du prolétariat et des paysans ; consolider l’hégémonie du prolétariat.

b) Réaliser la révolution agraire ; libérer les paysans de toutes les formes précapitalistes et coloniales d’exploitation et d’esclavage, nationaliser la terre ; prendre des mesures radicales pour alléger la situation des paysans, afin d’établir entre la ville et la campagne l’alliance économique et la plus étroite.

c) Avec le développement ultérieur de l’industrie, des transports etc., et la croissance correspondante du prolétariat, développer l’organisation syndicale de la classe ouvrière, consolider le PC et lui acquérir une solide position dirigeante parmi les masses travailleuses, conquérir la journée de huit heures.

d) Etablir l’égalité des nationalités et des sexes (égalité des droits pour la femme); séparer l’État et l’Église et abolir les castes ; enseignement politique et relèvement du niveau intellectuel général des masses urbaines et rurales, etc.

La marche du mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans, ses succès ou ses défaites dans la lutte contre les impérialistes, les féodaux et la bourgeoisie détermineront dans quelle mesure la révolution démocratique-bourgeoise pourra réaliser pratiquement toutes ses tâches fondamentales, et la partie d’entre elles qui ne peut être réalisée que par la révolution socialiste.

La libération des colonies du joug impérialiste est facilitée par le développement de la révolution socialiste dans le monde capitaliste et ne peut être assurée définitivement que par la victoire du prolétariat dans les pays capitalistes avancés.

Un certain minimum de conditions sont indispensables au passage de la révolution à sa phase socialiste ; par exemple, un certain niveau de développement industriel, une organisation syndicale prolétarienne et un puissant PC.

Le plus important est précisément le développement d’un fort PC ayant une grande influence sur les masses, ce qui, dans ces pays, serait un processus lent et pénible au plus haut point, s’il n’était accéléré par la révolution démocratique-bourgeoise engendrée déjà par les conditions objectives de ces pays.

§17. Dans les colonies, la révolution se distingue de la révolution dans un pays indépendant, surtout par sa liaison organique avec la lutte pour l’émancipation nationale du joug impérialiste. Le facteur national a une grande influence sur le processus révolutionnaire de toutes les colonies et semi-colonies, où l’esclavage impérialiste apparaît dans tout son cynisme qui exaspère les masses populaires.

D’une part, l’oppression nationale accélère la maturation de la crise révolutionnaire, renforce le mécontentement des masses ouvrières et paysannes, facilite leur mobilisation et donne aux explosions révolutionnaires le caractère d’un mouvement élémentaire de masse, d’une véritable révolution populaire.

D’autre part, le facteur national peut non seulement influencer le mouvement de la classe ouvrière et des paysans, mais encore modifier, au cours de la révolution, la position de toutes les autres classes ; en premier lieu, la petite-bourgeoisie pauvre des villes et les intellectuels petits-bourgeois tombent dans une mesure assez large, au début, sous l’influence des forces révolutionnaires actives ; deuxièmement, la position de la bourgeoisie coloniale dans la révolution démocratique-bourgeoise a, en grande partie, un caractère de duplicité ; au cours de la révolution, ses oscillations sont encore plus fortes que celles de la bourgeoisie des pays indépendants (par exemple, celles de la bourgeoisie russe en 1905-17).

Il est très important, selon les circonstances concrètes, d’étudier attentivement l’influence particulière du facteur national, qui détermine en grande partie l’originalité de la révolution coloniale : il est très important d’en tenir compte dans la tactique du PC intéressé.

À côté de la lutte pour l’émancipation nationale, le problème de la révolution agraire constitue l’axe de la révolution dans les pays coloniaux avancés.

C’est pourquoi les communistes doivent suivre avec la plus grande attention le développement de la crise agraire et l’aggravation des contradictions de clases à la campagne ; ils doivent, dès le début, donner une orientation consciente et révolutionnaire au mécontentement des masses ouvrières et au mouvement paysan ; les orienter contre l’exploitation et l’esclavage impérialistes et contre le joug des divers rapports précapitalistes féodaux ou semi-féodaux, qui ruinent l’économie paysanne.

L’état considérablement arriéré de l’agriculture, l’existence d’un système de fermage inhumain, le joug du capital marchand et usuraire sont les plus grandes entraves au développement des forces productives de l’agriculture des colonies et sont en contradiction inouïe avec les formes très développées, créées et monopolisées par l’impérialisme, de l’échange entre la production agricole des colonies et le marché mondial.

§18. La bourgeoisie nationale de ces pays coloniaux n’occupe pas une position uniforme envers l’impérialisme.

Une partie de cette bourgeoisie, la bourgeoisie marchande avant tout, sert directement les intérêts du capital impérialiste (la bourgeoisie dite des compradores). Dans l’ensemble, elle défend d’une façon plus ou moins conséquente, comme les alliés féodaux de l’impérialisme et les fonctionnaires indigènes les mieux rétribués, un point de vue antinational, impérialiste, dirigé contre tout le mouvement national.

Le reste de la bourgeoisie indigène, en particulier la fraction représentant les intérêts de l’industrie indigène, se place sur le terrain du mouvement national et constitue une tendance particulièrement hésitante, et encline aux compromis qu’on appelle national-réformisme (ou, d’après la terminologie des thèses du 2e Congrès : orientation «démocratique-bourgeoise»).

Il est vrai qu’on n’observe plus en Chine, après 1925, cette position intermédiaire de la bourgeoisie nationale entre le camp révolutionnaire et le camp impérialiste.

Par suite de la situation particulière, une grande partie de la bourgeoisie nationale chinoise s’est mise, au début, à la tète de la guerre nationale libératrice ; plus tard, elle a passé définitivement au camp de la contre-révolution.

Aux Indes et en Égypte, nous observons encore pour le moment un mouvement nationaliste bourgeois typique, — un mouvement opportuniste, enclin à de grandes hésitations, oscillant entre l’impérialisme et la révolution.

L’indépendance du pays à l’égard de l’impérialisme, qui correspond aux intérêts de tout le peuple colonial correspond aussi aux intérêts de la bourgeoisie nationale, mais elle est en contradiction absolue avec toute la nature du système impérialiste.

Mais les divers capitalistes indigènes sont en grande partie liés par leurs intérêts immédiats et d’une façon très variée au capital impérialiste. L’impérialisme peut en corrompre directement une partie importante ; il pourrait même leur créer dans une plus large mesure que jusqu’ici, une certaine position de comprador, d’intermédiaire commercial, d’exploiteur subalterne, de garde-chiourme du peuple asservi. Mais l’impérialisme se réserve la position de maître d’esclaves et d’exploiteur monopoliste suprême.

L’impérialisme ne consentira jamais volontairement à la bourgeoisie nationale une domination souveraine, la possibilité d’un développement capitaliste indépendant et «libre» et l’hégémonie sur le peuple «indépendant».

Ici, la contradiction d’intérêts entre la bourgeoisie nationale des pays coloniaux et l’impérialisme est objective, fondamentale sur ce point, l’impérialisme exige la capitulation de la bourgeoisie nationale.

La bourgeoisie indigène plus faible est toujours prête à capituler devant l’impérialisme. Sa capitulation n’est toutefois pas définitive tant que le danger d’une révolution de classe n’est pas immédiat, réel, aigu, menaçant de la part des masses.

Pour éviter ce danger, et, pour renforcer sa position à l’égard de l’impérialisme, ce nationalisme bourgeois s’efforce, dans ces colonies, de gagner l’appui de la petite- bourgeoisie, des paysans et d’une partie de la classe ouvrière.

Elle a peu de chances de succès en ce qui concerne la classe ouvrière (après le réveil de la classe ouvrière à la vie politique dans ces pays); il lui importe donc d’autant plus d’obtenir le soutien des paysans.

Mais là est le point le plus faible de la bourgeoisie coloniale. L’exploitation insupportable des paysans dans les colonies ne peut être abolie que par la révolution agraire.

Les intérêts immédiats de la bourgeoisie de la Chine, des Indes et de l’Égypte sont si étroitement liés à la propriété foncière, au capital usuraire et, en général, à l’exploitation des masses paysannes, que la bourgeoisie intervient non seulement contre la révolution agraire, mais aussi contre toute réforme agraire décisive.

Elle craint, non sans raison, que le seul fait de poser nettement le problème agraire ne provoque l’effervescence révolutionnaire et n’accélère son allure parmi les masses paysannes.

Aussi la bourgeoisie réformiste est-elle presque incapable d’aborder la solution pratique de ce problème fondamental et difficile.

Par contre, elle cherche, par des phrases et des gestes nationalistes sans portée, à maintenir les masses petites-bourgeoises sous son influence et à obliger l’impérialisme à certaines concessions.

Mais les impérialistes tendent de plus en plus fortement la corde, la bourgeoisie nationale n’étant pas en état de leur opposer la moindre résistance sérieuse.

C’est pourquoi la bourgeoisie nationale cherche dans chaque conflit avec l’impérialisme, d’une part, à simuler une «fermeté de ses principes nationalistes», d’autre part, à semer des illusions sur la possibilité d’un compromis pacifique avec l’impérialisme. Les masses sont nécessairement détrompées sur les deux points et perdront ainsi leurs illusions réformistes.

§19. Une fausse appréciation de cette tendance fondamentale nationale réformiste de bourgeoisie nationale crée, dans ces pays coloniaux, l’éventualité de lourdes fautes dans la stratégie et la tactique des PC. Deux genres d’erreurs sont possibles :

a) L’incompréhension de la différence entre l’orientation national- réformiste et la tendance national-révolutionnaire peut conduire à une politique qui consiste à se mettre à la remorque de la bourgeoisie, à une délimitation politique et organique insuffisamment nette du prolétariat à l’égard de la bourgeoisie, à une imprécision des mots d’ordre révolutionnaires les plus importants (notamment du mot d’ordre de la révolution agraire).

Ce fut l’erreur fondamentale du PC en Chine en 1925-27.

b) La sous-estimation de l’importance particulière du national- réformisme bourgeois — distinct du camp féodal impérialiste — grâce à sa grande influence sur la petite-bourgeoisie, les paysans et même une partie de la classe ouvrière, au moins dans les premières étapes du mouvement, peut conduire à une politique sectaire, à l’isolément des communistes des masses laborieuses, etc.

Dans les deux cas, on n’accorde pas une attention suffisante à l’application des tâches que le 2 e Congrès de l’IC a déjà fixées comme les tâches particulières des PC des pays coloniaux, c’est-à-dire la lutte contre le mouvement démocratique bourgeois au sein du même pays.

Sans cette lutte, sans la libération des masses travailleuses de l’influence de la bourgeoisie et du national-réformisme on ne peut atteindre le but stratégique fondamental du mouvement communiste dans la révolution démocratique bourgeoise : l’hégémonie du prolétariat.

Sans hégémonie du prolétariat, dont la position dirigeante du PC est partie intégrante, la révolution démocratique bourgeoise, à son tour, ne peut être menée jusqu’au bout — sans parler de la révolution socialiste.

§20. La petite-bourgeoisie joue un rôle très important dans ces pays coloniaux et semi-coloniaux. Elle est constituée de diverses couches qui jouent un rôle très différent dans les diverses périodes du mouvement national révolutionnaire.

L’artisan, qui souffre de la concurrence que lui font les marchandises importées, est hostile à l’impérialisme.

Mais, en même temps, il est intéressé à exploiter sans limites les compagnons et apprentis qu’il occupe, et c’est pourquoi il est également hostile au mouvement ouvrier conscient de ses buts de classe. Il souffre largement lui-même de l’exploitation du capital marchand et usuraire.

La position incertaine et contradictoire au plus haut point de cette couche détermine ses oscillations : elle tombe souvent sous l’influence de réactionnaires utopiques. Le commerçant, citadin et rural, est lié à l’exploitation des campagnes par le commerce et de l’usure, il s’agrippe aux vieilles formes d’exploitation et les préfère aux perspectives d’élargissement du marché intérieur.

Mais ces couches ne forment pas une masse homogène. La bourgeoisie commerçante, liée sous une forme quelconque aux compradores, a une autre position que celle dont l’activité se limite exclusivement au marché intérieur.

Les intellectuels petits-bourgeois, les étudiants, etc., sont très souvent les représentants les plus énergiques non seulement des intérêts spécifiques de la petite-bourgeoise, mais encore des intérêts objectifs et généraux de l’ensemble de la bourgeoisie nationale.

Dans la première période du mouvement national, ils interviennent fréquemment comme champions des aspirations nationales. Leur rôle est relativement grand à la surface du mouvement.

En général, ils ne peuvent pas être les défenseurs des intérêts paysans, le milieu social dont ils sortent étant lié à la propriété foncière. La vague révolutionnaire montante peut les pousser dans le mouvement ouvrier, où ils apportent leur idéologie petite-bourgeoise hésitante et indécise.

Quelques-uns seulement peuvent rompre avec leur classe, au cours de la lutte, s’élever jusqu’à concevoir les tâches de la lutte de classe du prolétariat et devenir d’actifs défenseurs des intérêts prolétariens. Il n’est pas rare que des intellectuels petits- bourgeois donnent à leur idéologie une couleur socialiste et même communiste.

Dans la lutte contre l’impérialisme, ils ont joué et jouent encore aujourd’hui dans certains pays, comme l’Indes, l’Égypte, un rôle révolutionnaire. Le mouvement de masse peut les entraîner mais aussi les pousser dans le camp de la pire réaction ou bien favoriser la diffusion, dans leurs rangs, de tendances réactionnaires utopiques.

À côté de ces couches, existe dans les villes coloniales une nombreuse population citadine pauvre, que sa situation pousse objectivement vers la révolution : artisans n’exploitant pas le travail d’autrui, marchands de rue, intellectuels sans travail, paysans ruinés à la recherche de gagne-pain, etc… En outre, dans les villes comme dans les campagnes, existe une nombreuse couche des «coolies», semi- prolétaires qui n’ont pas passé par l’école de la fabrique et vivent de gains occasionnels.

Les paysans sont, aux côtés du prolétariat et comme alliés du prolétariat, une des forces motrices de la révolution. Les innombrables millions de paysans forment l’écrasante majorité de la population, même dans les colonies les plus développées (dans certaines colonies 90c/o de la population).

Les principaux alliés du prolétariat à la campagne sont les masses considérables des fermiers affamés, des petits paysans écrasés de la misère et toutes les formes d’exploitation précapitalistes et capitalistes, qui ont perdu en grande partie leur culture même sur la terre louée, qui sont rejetés du processus de production et dépérissent lentement de faim et de maladie, et, enfin, les ouvriers agricoles.

Les paysans ne peuvent conquérir leur émancipation que sous la direction du prolétariat, mais ce n’est qu’allié aux paysans que le prolétariat peut mener à la victoire la révolution démocratique bourgeoise.

Dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, où existent encore de fortes survivances du féodalisme et des rapports précapitalistes, la différenciation parmi les paysans s’effectue à une allure relativement faible.

Cependant les rapports du marché s’y sont développés au point que les paysans ne forment plus une masse homogène au point de vue de classe. Dans la campagne chinoise et hindoue, dans certaines régions surtout, peut déjà rencontrer des éléments issus de la paysannerie, qui exploitent les ouvriers agricoles et les paysans par l’usure, le commerce, l’emploi de main-d’œuvre, la location et la sous-location de la terre, du bétail et des engins agricoles.

Dans la première période de la lutte des paysans contre les propriétaires fonciers, il est généralement possible que le prolétariat entraîne toute la paysannerie.

Mais, par la suite, certaines couches supérieures de paysans peuvent passer à la contre-révolution. Le prolétariat ne peut conquérir le rôle dirigeant à l’égard des paysans qu’à la condition de lutter avec abnégation pour leurs revendications partielles pour l’accomplissement total de la révolution agraire et d’être à la tête de la lutte des larges masses pour la solution révolutionnaire du problème agraire.

§21. La classe ouvrière des pays coloniaux et semi-coloniaux possède des caractères spéciaux qui jouent un rôle très important dans la formation d’un mouvement ouvrier indépendant et d’une idéologie prolétarienne de classe dans ces pays. La majorité écrasante du prolétariat colonial vient de la campagne paupérisée, avec laquelle l’ouvrier reste lié même quand il est à l’usine.

Dans la plupart des colonies (à l’exception de quelques grandes villes industrielles comme Shanghai, Bombay, Calcutta, et autres) nous n’avons, général, que la première génération prolétarienne occupée dans la grande l’industrie.

Le reste du prolétariat est constitué par les artisans ruinés et rejetés de l’artisanat en décomposition, qui est largement répandue même dans les colonies les plus avancées. L’artisan ruiné, le petit propriétaire apporte, au sein de la classe ouvrière, une mentalité et une idéologie corporatives qui permettent l’infiltration de l’influence nationale réformiste dans le mouvement ouvrier des colonies.

La forte fluctuation de ses effectifs (changement fréquent de la main-d’œuvre dans les fabriques, retour à la campagne et afflux de nouvelles masses paysannes paupérisées dans l’industrie, la forte proportion de femmes et d’enfants, la diversité des langues et l’analphabétisme, les préjugés religieux et de caste rendent difficiles l’agitation et la propagande systématiques et retardent le développement de la conscience de classe parmi les ouvriers.

Cependant, l’exploitation implacable pratiquée dans les formes les plus brutales par le capital indigène et étranger, l’absence de tout droit politique pour les ouvriers, créent les conditions objectives sur la base desquelles le mouvement ouvrier des colonies surmonte rapidement toutes les difficultés et entraîne chaque année des masses sans cesse plus grandes dans la lutte contre les exploiteurs indigènes et les impérialistes.

La première période du développement du mouvement ouvrier dans les colonies et semi-colonies (de 1919 à 1923 environ) fut organiquement liée à l’essor général du mouvement national- révolutionnaire qui suivit la guerre mondiale ; elle est caractérisée par la subordination des intérêts de la classe ouvrière aux intérêts de la lutte anti-impérialiste dirigée par la bourgeoisie indigène.

Quand les grèves et autres actions ouvrières portent un caractère organisé, elles sont organisées d’ordinaire par les intellectuels petits-bourgeois qui limitent les revendications ouvrières aux questions de la lutte nationale.

Au contraire, le caractère le plus important de la seconde période de l’essor du mouvement ouvrier, qui commença dans les colonies après le 5e Congrès est constitué par l’entrée de la classe ouvrière des colonies dans l’arène comme force et classe indépendante qui s’oppose à la bourgeoisie nationale et engage la lutte contre elle ses propres intérêts de classe et pour l’hégémonie dans la révolution nationale en général.

Cette particularité de la nouvelle étape des révolutions coloniales est confirmée absolument par l’histoire de ces dernières années, par l’exemple de la grande révolution chinoise et de l’insurrection en Indonésie en particulier.

Tout prouve, qu’aux Indes aussi, la classe ouvrière se libère de l’influence des chefs nationaux-réformistes et social-réformistes et devient un facteur indépendant en lutte contre les impérialistes britanniques et la bourgeoisie indigène.

§22. Pour fixer correctement les tâches immédiates du mouvement révolutionnaire, il importe de prendre comme point de départ le degré de maturité atteint par ce mouvement dans les divers pays coloniaux.

Le mouvement révolutionnaire de Chine se distingue du mouvement actuel des Indes par une série de traits essentiels qui caractérisent la différence de maturité du mouvement dans ces deux pays.

L’expérience passée de la révolution chinoise doit absolument être utilisée dans le mouvement des Indes et des autres pays coloniaux analogues.

Mais, ce serait une manière tout à fait erronée d’appliquer l’expérience chinoise si nous voulions fixer les tâches immédiates, les mots d’ordre et les méthodes tactiques aux Indes, en Égypte, etc…, dans la forme qui était en Chine par exemple, pendant la période de Wouhan, ou bien dans la forme nécessaire actuellement.

La tendance à ignorer les difficultés inéluctables et les objectifs particuliers de l’étape présente du mouvement révolutionnaire des Indes, de l’Égypte, etc…, ne peut être que funeste.

Il importe de réaliser un grand travail pour constituer et éduquer les PC, pour développer les organisations syndicales du prolétariat, pour orienter les syndicats dans la voie révolutionnaire, pour déployer des actions économiques et politiques de masses, pour conquérir les masses et les libérer de l’influence de la bourgeoisie national-réformiste : avant d’accomplir dans ces pays avec quelques chances de succès les tâches qui étaient pleinement justes en Chine, pendant la période de Wouhan, comme objectifs immédiats de la lutte de la classe ouvrière et des paysans.

Les intérêts de la lutte pour la domination de classe de la bourgeoisie nationale obligent les Partis bourgeois les plus importants des Indes et de l’Égypte (swarajistes, wafdistes) à manifester encore leur opposition contre le bloc impérialiste-féodal régnant. Cette opposition n’est pas révolutionnaire, mais simplement réformiste et opportuniste : cela ne signifie cependant pas qu’elle n’ait de ce fait aucune portée spécifique.

La bourgeoisie n’a pas la force qui mène la lutte contre l’impérialisme. Mais cette opposition réformiste possède une signification réelle et spéciale — négative et positive — pour le développement du mouvement révolutionnaire, dans la mesure où elle possède une influence sur les masses. Le fait le plus important, c’est qu’elle entrave et retarde le développement du mouvement révolutionnaire, dans la mesure où elle réussit entraîner les masses travailleuses et à les éloigner de la lutte révolutionnaire.

Mais, d’autre part, l’action de l’opposition bourgeoise contre le bloc impérialiste féodal régnant — même si elle ne vise pas très loin — peut accélérer dans une certaine mesure l’éveil des larges masses travailleuses à la vie politique : quoique sans grande importance en eux-mêmes, les conflits concrets et déclarés entre la bourgeoisie national-réformiste et l’impérialisme peuvent, dans certaines conditions, devenir la cause indirecte du déclenchement de grandes actions révolutionnaires de masses. Certes, la bourgeoisie réformiste s’efforce elle-même d’empêcher que son action d’opposition ait de telles conséquences et de les paralyser d’avance d’une façon ou de l’autre.

Mais là où existent les conditions objectives d’une profonde crise politique, l’action de l’opposition nationale-réformiste, ses conflits avec l’impérialisme même les plus insignifiants et les moins liés au véritable foyer de la révolution, peuvent acquérir une importance des plus graves.

Les communistes doivent apprendre à utiliser chacun de ces confits, à les aviver, à en renforcer la portée, à les lier avec l’agitation pour les mots d’ordre révolutionnaires, à les porter à la connaissance des larges masses, à pousser ces masses à une action indépendante, ouverte avec leurs propres revendications, etc.

§23. Dans la lutte contre des Partis tels que les swarajistes et les wafdistes, la tactique juste consiste dans ce moment à démasquer avec succès leur véritable caractère national-réformiste.

Ces Partis ont déjà trahi maintes fois la lutte pour l’émancipation nationale, sans avoir passé encore définitivement au camp contre- révolutionnaire, comme le Kuomintang. Il est certain qu’ils le feront plus tard, mais actuellement ils sont dangereux précisément parce que leur véritable figure n’est pas encore démasquée aux yeux des larges masses travailleuses.

Dans ce but, un très grand travail d’éducation communiste est encore nécessaire, de plus, ces masses doivent acquérir elles-mêmes une nouvelle et très grande expérience politique. Si, les communistes ne réussissent pas à ébranler déjà maintenant la confiance des masses travailleuses dans la direction bourgeoise, national-réformiste, du mouvement national, cette direction deviendra un immense danger pour la révolution lors de la prochaine montée de la vague révolutionnaire.

C’est pourquoi il importe, par une tactique communiste juste, correspondant aux conditions de l’étape actuelle, d’aider les masses travailleuses des Indes, d’Égypte, de l’Indonésie et des autres colonies analogues, à se libérer de l’influence des Partis bourgeois.

Cela ne sera pas obtenu au moyen de grandes phrases, paraissant très radicales, sur l’absence de toute différence entre l’opposition nationale-réformiste (swarajistes, wafdistes, etc…) et les impérialistes britanniques ou leur alliés féodaux contre-révolutionnaires. Les chefs nationaux- réformistes pourraient facilement utiliser une telle exagération pour exciter les masses contre les communistes.

Les masses voient le principal ennemi immédiat de l’émancipation nationale dans le bloc impérialiste-féodal, ce qui est juste en soi même à l’étape présente du mouvement aux Indes, en Égypte et en Indonésie (pour autant qu’on n’envisage qu’un côté de la question).

Dans la lutte contre cette force contre-révolutionnaire dominante, les communistes hindous, égyptiens et indonésiens doivent être au premier rang, ils doivent combattre plus énergiquement, d’une façon plus conséquente et plus hardiment que n’importe quel groupe petit-bourgeois national- révolutionnaire : naturellement, pas pour organiser des putschs, des tentatives prématurée de soulèvements d’une petite minorité révolutionnaire, mais pour mobiliser les plus larges masses travailleuses pour des démonstrations et autres actions, afin de s’assurer une véritable participation de ces masses à l’insurrection victorieuse dans l’étape ultérieure de la lutte révolutionnaire.

Mais il n’est pas moins important de démasquer implacablement aux masses travailleuses le caractère national-réformiste des swarajistes, wafdistes et autres Partis nationalistes ; de leurs chefs en particulier, leur inconséquence et leurs oscillations dans le mouvement national, leurs marchandages, leur volonté de compromis avec les impérialistes britanniques, leurs capitulations passées et leurs actions contre-révolutionnaires, leur résistance réactionnaire aux revendications de classe du prolétariat et des paysans, leurs phrases nationalistes creuses, les illusions néfastes qu’ils répandent sur la décolonisation pacifique du pays et leur sabotage des méthodes révolutionnaires dans la lutte pour l’émancipation nationale. Il faut repousser tout bloc entre le PC et l’opposition nationale-réformiste.

Cela n’exclut pas des ententes temporaires et la coordination de certaines actions bien déterminées contre l’impérialisme, si l’action de l’opposition bourgeoise peut être utilisée pour déclencher un mouvement masses et si ce ententes ne restreignent en rien la liberté d’agitation et d’organisation du PC parmi les masses.

Il est bien entendu que les communistes doivent lutter simultanément, le plus vigoureusement, idéologiquement et politiquement contre le nationalisme bourgeois et contre la moindre expression de son influence au sein du mouvement ouvrier.

En de tels cas, le PC doit veiller particulièrement non seulement à conserver toute son indépendance politique et à montrer son propre visage, mais encore en se fondant sur des faits, ouvrir les yeux des masses travailleuses, qui sont sous l’influence de l’opposition bourgeoise, afin qu’elles voient toute l’insécurité de cette opposition et le danger des illusions démocratiques-bourgeoises qu’elle répand.

§24. Une fausse appréciation de l’orientation fondamentale du Parti de la grosse bourgeoisie nationale entraîne le danger d’une fausse appréciation du caractère et du rôle des Partis petits- bourgeois. En règle générale, le développement de ces Partis évolue de la position nationale-révolutionnaire à la position nationale- réformiste.

Même des mouvements tels que le sunyatsénisme en Chine, le gandhisme aux Indes, le Sarekat Islam en Indonésie, furent au début des tendances idéologiques radicales petites-bourgeoises, devenues plus tard, au service de la grosse bourgeoisie, des tendances nationales-réformistes.

Depuis lors, s’est de nouveau formée aux Indes, en Égypte et en Indonésie une aile radicale de groupes petits- bourgeois (par exemple, le Parti républicain, le Watani, le Sarekat- Rayat) qui représentent un point de vue national-révolutionnaire plus moins conséquent. Aux Indes, il est possible que de nouveaux groupes et Partis analogues petits-bourgeois radicaux se forment.

Mais il ne faut pas oublier que ces Partis liés au fond à la bourgeoise nationale. Les intellectuels petits-bourgeois qui sont à la tête de ces Partis, présentent des revendications nationales-révolutionnaires.

Mais ils sont en même temps plus ou moins consciemment les représentants d’un développement capitaliste de leur pays.

Certains de ces éléments peuvent devenir les adeptes de toutes sortes d’utopies réactionnaires, mais face à l’impérialisme et au féodalisme, ils sont, au début — et c’est ce qui les distingue des Partis de la grande bourgeoisie nationale — non les représentants du réformisme, mais les représentants plus ou moins révolutionnaires des intérêts anti- impérialistes de la bourgeoisie coloniale jusqu’au moment où le développement du processus révolutionnaire pose nettement et avec acuité, les problèmes intérieurs fondamentaux de la révolution démocratique-bourgeoise, notamment la question de la révolution agraire et de la dictature du prolétariat et des paysans.

Alors les Partis petits-bourgeois cessent ordinairement d’avoir un caractère révolutionnaire. Dès que la révolution oppose les intérêts de classe du prolétariat et des paysans non seulement à la domination du bloc féodal et impérialiste, mais aussi à la domination de la classe de la bourgeoisie, les groupes petits-bourgeois ordinairement au côté Partis nationaux-réformistes.

Il est absolument indispensable que les PC de ces pays procèdent dès le début et de la façon la plus nette à une délimitation politique et organique entre eux et tous les Partis groupes petits-bourgeois.

Une collaboration momentanée entre le PC et le mouvement national-révolutionnaire est admissible si elle est exigée par l’intérêt de la lutte révolutionnaire : en certaines circonstances même, une alliance temporaire peut même être conclue si le mouvement national révolutionnaire lutte effectivement contre le pouvoir établi, s’il est réellement et si ses représentants n’empêchent pas les communistes d’éduquer les paysans et les larges masses des travailleurs dans l’esprit révolutionnaire.

Mais au cours de toute collaboration, il faut comprendre très clairement qu’elle ne doit pas dégénérer en une fusion du mouvement communiste avec le mouvement petit- bourgeois révolutionnaire. Le mouvement communiste doit absolument maintenir en toutes circonstances l’indépendance du mouvement prolétarien, son autonomie dans l’agitation, l’organisation et l’action.

Critiquer l’inconséquence et l’indécision des groupes petits- bourgeois, prévoir leur oscillations, se préparer à y faire face et utiliser en même temps toutes les ressources révolutionnaires de ces couches, mener une lutte conséquente l’influence petite-bourgeoise dans les rangs du prolétariat, s’efforcer par tous les moyens d’arracher les larges masses paysannes de l’influence des Partis petits-bourgeois, leur enlever l’hégémonie sur la paysannerie — voilà les tâches des PC.

§25. Le mouvement révolutionnaire des Indes, de l’Égypte, etc…, n’atteindra un degré de maturité aussi élevé que celui de Chine, que dès une grande vague révolutionnaire se soulèvera dans ces pays.

Au cas où elle se produirait avec retard, la maturation politique et organique des forces motrices de la révolution pourra s’opérer par un développement graduel, relativement lent.

Mais si la prochaine grande vague révolutionnaire se lève plus tôt, le mouvement peut rapidement atteindre un haut degré de maturité. Si les conditions sont exceptionnellement favorables, il n’est même pas exclu que la révolution y conduise d’emblée à la conquête du pouvoir par le prolétariat et les paysans.

Mais il est aussi possible que le processus révolutionnaire soit interrompu pour un temps plus ou moins long, surtout si la prochaine vague révolutionnaire n’atteint qu’une force et une durée relativement faibles. C’est pourquoi il importe d’analyser avec grande netteté chaque situation concrète.

Les facteurs suivants sont d’une portée décisive dans le développement de la révolution d’un stade à un autre plus élevé :

1) Le degré de développement de la direction révolutionnaire prolétarienne du mouvement, c’est-à-dire du PC (effectifs du Parti, son degré d’indépendance, sa conscience de classe, sa capacité combative, son autorité, sa liaison avec les masses et son influence dans les syndicats et sur le mouvement paysan);

2) Le degré d’organisation et d’expérience révolutionnaire de la classe ouvrière, et, dans une certaine mesure, des paysans.

L’expérience révolutionnaire des masses, c’est l’expérience de la lutte, d’abord elles doivent se libérer de l’influence des Partis bourgeois et petits-bourgeois.

Comme ces conditions ne se rencontrent pas à un degré suffisant, dans les meilleurs des cas, avant la première explosion de la révolution, il faut que la crise révolutionnaire soit extraordinairement profonde, la vague révolutionnaire très longue et très forte pour que la révolution démocratique bourgeoise puisse aboutir, du premier coup, à la victoire complète du prolétariat et des paysans.

On peut imaginer telle éventualité par exemple, si l’impérialisme dominant est entraîné simultanément dans une longue guerre au dehors du pays colonial.

§26. La dialectique historique, vivante et concrète que nous a montrée la première étape de la révolution démocratique bourgeoise en Chine, donne aux communistes, surtout à ceux qui militent dans les pays coloniaux, une expérience précieuse qu’il faut étudier minutieusement pour en tirer les enseignements, surtout en ce qui concerne les erreurs commises par les communistes dans le travail colonial.

La durée de la vague révolutionnaire y fut extraordinairement longue (plus de 2 ans), parce qu’elle était liée à une guerre intérieure prolongée.

L’expédition du Nord n’ayant pas été menée directement contre les grandes puissances impérialistes, ces dernières — par suite de leur rivalité réciproque — restèrent au début partiellement passives, la direction bourgeoise du mouvement avait en mains, depuis plusieurs années déjà, Canton qui représentait un certain territoire, quoique limité, un pouvoir central, s’appuyant sur une armée, etc…, cela explique pourquoi dans ce cas exceptionnel, une grande partie de la bourgeoisie considéra d’abord la guerre d’émancipation nationale comme sa cause.

Le Kuomintang, au sein duquel elle jouait en fait le rôle dirigeant, fut un certain temps, à la tête du mouvement national révolutionnaire, et ce fait constitua dans les évènements ultérieurs le plus grand danger pour la révolution.

D’autre part, une des particularités de la situation chinoise est le fait que le prolétariat y est proportionnellement plus fort par rapport à sa bourgeoisie que le prolétariat des autres colonies. Certes, il était faiblement organisé, mais avec la montée de la vague révolutionnaire, la croissance des organisations ouvrières fut extrêmement rapide.

Le PC, de petit groupe qu’il était, porta des effectifs à 60,000 membres (plus tard encore davantage) en un très court laps de temps et gagna une grande influence parmi les masses ouvrières. Naturellement un grand nombre d’éléments petits- bourgeois sont ainsi entrés dans le Parti. Le Parti manquait d’expérience révolutionnaire et encore plus de tradition bolchéviste.

Les éléments hésitants, encore très peu libérés des tendances petites- bourgeoises opportunistes, qui ne comprenaient assez bien les tâches indépendantes et le rôle du PC et qui étaient contre tout développement énergique de la révolution agraire, prirent la place prépondérante dans sa direction.

L’adhésion momentanée des communistes au Parti dirigeant la révolution nationale — au Kuomintang — répondait en elle-même aux exigences de la situation la lutte et même aux intérêts du travail nécessaire des communistes parmi les masses travailleuses considérables qui suivaient ce Parti.

De plus, le PC de Chine reçut au début, sur le territoire soumis au pouvoir du Kuomintang, la possibilité de développer une agitation indépendante parmi les mases ouvrières et paysannes et parmi les soldats de l’armée nationale, et parmi leurs organisations. À ce moment, le Parti avait plus de possibilités qu’il n’en a utilisées.

Il n’a pas assez nettement expliqué alors aux masses sa position de classe prolétarienne et révolutionnaire distincte du sunyatsenisme et des autres tendances petites-bourgeoises.

Dans les rangs du Kuomintang, les communistes n’ont pas mené une politique indépendante, ils ont perdu de vue que lorsque la formation d’un bloc devient nécessaire, les communistes doivent y avoir une attitude critique envers les éléments bourgeois et intervenir toujours comme une force indépendante.

Les communistes renoncèrent à démasquer les hésitations de la bourgeoisie nationale, du nationalisme bourgeois alors que cette action devait être une des tâches les plus importantes du PC pendant la première étape.

La scission inéluctable du Kuomintang se rapprochait à mesure que l’armée nationale avançait ; la direction du PC chinois n’a rien ou presque rien entrepris pour préparer le Parti à cette scission, pour lui assurer des positions indépendantes et unifier les ouvriers et les paysans révolutionnaires en un bloc de lutte indépendant qui aurait pu être opposé à la direction du Kuomintang.

Aussi, le coup d’État de Tchang Kai Chek a-t-il surpris le prolétariat révolutionnaire, aucunement préparé, et suscité la confusion dans ses rangs. Mais la direction du PC ne conquit pas même alors que la révolution passait à une nouvelle étape et ne changea pas le cours du Parti dans la direction nécessitée par le coup d’État.

L’aile gauche des chefs petits-bourgeois du Kuomintang ayant marché pendant quelque temps encore avec le PC, une délimitation territoriale s’est opérée : les gouvernements de Nankin et Wouhan se formèrent. Mais, à Wouhan, le PC ne joua pas non plus un rôle dirigeant.

Bientôt, commença sur le territoire de Wouhan une seconde période caractérisée d’une part par les éléments naissant d’une dualité du pouvoir non encore cristallisée (les unions paysannes se sont emparées à la campagne d’un certain nombre de fonctions appartenant au pouvoir, les syndicats ont étendu leurs fonctions sous la pression des masses qui tendaient à une solution (plébéienne autonome de la question du pouvoir), d’autre part, par l’absence de conditions assez mûres pour organiser des Soviets comme organe de l’insurrection contre le gouvernement de Wouhan qui menait encore une lutte révolutionnaire contre le gouvernement de Nankin représentant la bourgeoisie qui a trahi la révolution.

Le PC a entravé directement alors l’action indépendante des masses révolutionnaires, il ne les a pas aidées à rassembler et à organiser leurs forces, il n’a pas contribué à saper l’influence et les positions des chefs du Kuomintang dans le pays et dans l’armée, il n’a utilisé dans ce but sa participation au gouvernement, au contraire, il a couvert toute l’activité du gouvernement (certains membres dirigeants petits-bourgeois du Parti sont allés jusqu’à participer au désarmement des ouvriers à Wouhan et à sanctionner l’expédition punitive à Tchangcha !).

À la base de cette politique opportuniste était l’espoir d’éviter la rupture avec les leaders petits-bourgeois du gouvernement de Wouhan. Mais en fait cette rupture ne fut qu’ajournée. Quand les soulèvements de masses prirent un caractère menaçant, les chefs du Kuomintang de Wouhan cherchèrent à s’unir avec leurs alliés de l’autre côté de la barricade.

Le mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans poursuivait toujours ses efforts pour atteindre la victoire. Maintenant, le PC de Chine a redressé sa politique, élu une nouvelle direction et occupé sa place à la tête de la révolution.

Mais la vague révolutionnaire régresse déjà. Dans les combats héroïques de masse, menés sous le d’ordre des Soviets, seuls des succès temporaires furent atteints. Dans quelques régions seulement la révolution agraire s’est développée à temps ; dans les autres, l’immense arrière-garde paysanne vint trop tard.

Aujourd’hui, à la place des fautes opportunistes grossières passées se manifestent dans certaines localités, des erreurs putschistes très dangereuses. De grandes fautes ont aussi été commises par les communistes dans la préparation des insurrections. Les lourdes défaites ont de nouveau rejeté la révolution qui entrait déjà au Sud dans la seconde étape de son développement, au point de départ de cette étape.

§27. La bourgeoisie nationale de Chine étant parvenue au pouvoir, la composition de l’ancien bloc des militaristes s’est modifiée. Le nouveau bloc au pouvoir est aujourd’hui le principal ennemi immédiat de la révolution.

Pour le renverser, il faut conquérir à la révolution les masses décisives du prolétariat et des paysans. C’est en cela que consiste la tâche la plus importante du PC de Chine dans la période présente. Les ouvriers chinois possèdent déjà une expérience considérable.

Il faut renforcer et rendre plus révolutionnaire le mouvement syndical, consolider le PC. Une certaine partie des paysans chinois s’est déjà débarrassée des illusions démocratiques bourgeoises et a montré une activité considérable dans la lutte révolutionnaire, mais c’est là seulement une minorité insignifiante de l’immense masse paysanne de Chine.

Il est fort possible que certains groupes petits-bourgeois se rallient à la position du national-réformisme (au sein ou en marge du Kuomintang), afin d’acquérir une influence parmi les masses travailleuses au moyen d’une certaine opposition démocratique bourgeoise (Tang Pin Shan et les chefs syndicaux social-démocrates appartiennent aussi à ces réformistes petits-bourgeois).

Il ne faut pas sous-estimer la portée de ces tentatives. Les isoler et les démasquer devant les masses par une juste tactique communiste est une condition absolument indispensable pour que le PC puisse occuper une situation effectivement dirigeante au moment d’une nouvelle vague révolutionnaire en Chine.

Déjà maintenant le Parti doit propager partout parmi les masses l’idée des Soviets, l’idée de la dictature du prolétariat et des paysans, l’idée qu’une nouvelle insurrection armée victorieuse des masses est inéluctable.

Le Parti doit déjà souligner dans son agitation la nécessité de renverser le bloc au pouvoir et mobiliser les masses pour des manifestations révolutionnaires.

Tout en tenant compte minutieusement des conditions objectives qui continuent à mûrir la révolution, tout en utilisant toute possibilité de mobiliser les masses, le PC doit s’orienter invariablement et opiniâtrement vers la prise du pouvoir d’État, l’organisation des Soviets comme organe d’insurrection, l’expropriation des propriétaires fonciers, l’expulsion des impérialistes étrangers et la confiscation de leurs biens.

4. — Les tâches immédiates des communistes

§28. La création et le développement des PC les pays coloniaux et semi-coloniaux, la suppression de la disproportion extrême entre la situation révolutionnaire objective et la faiblesse du facteur subjectif, constituent une des tâches les plus urgentes de l’IC.

Cette tâche se heurte à un certain nombre de difficultés, conditionnées par le développement historique et la structure sociale de ces pays. Le développement industriel de ces pays est faible et la classe ouvrière, encore jeune et relativement (par rapport à la population) peu nombreuse.

La terreur du régime colonial, l’analphabétisme, la diversité des langues, etc…, rendent difficile l’organisation et le développement de la classe ouvrière en général et la rapide croissance des PC en particulier. La fluctuation des effectifs de la classe ouvrière, la grande proportion des femmes et des enfants sont les traits caractéristiques du prolétariat colonial.

Dans un grand nombre de régions prédominent les ouvriers saisonniers et même les cadres fondamentaux du prolétariat ont encore un pied dans le village. Cela facilite la liaison entre la classe ouvrière et les paysans, mais rend difficile le développement de la conscience de classe du prolétariat.

L’expérience a démontré que dans la plupart des pays coloniaux et semi-coloniaux, une partie importante, sinon prédominante, des cadres communistes est recrutée, au début, parmi la petite bourgeoisie et notamment parmi les intellectuels révolutionnaires, très fréquemment parmi les étudiants.

Il n’est pas rare que ces éléments viennent au Parti parce qu’ils voient en lui l’ennemi le plus énergique de l’impérialisme ; ils ne comprennent cependant pas toujours assez, que le PC n’est pas seulement un Parti de lutte contre l’exploitation impérialiste et l’oppression nationale, mais qu’il lutte en tant que Parti du prolétariat, énergiquement, contre toute exploitation et oppression.

Au cours de la lutte révolutionnaire, un grand nombre de ces communistes s’élèvent jusqu’au point de vue de classe prolétarien, tandis qu’une partie d’entre eux se débarrasse difficilement de l’état d’esprit, des hésitations et des oscillations de la petite-bourgeoise, se sont précisément ces éléments du Parti qui ont le plus de difficultés à apprécier avec justesse, au moment critique, le rôle de la bourgeoisie nationale, et d’agir méthodiquement et sans hésitation dans le problème de la révolution agraire, etc.

Les pays coloniaux n’ont aucune tradition social-démocrate, mais n’ont aussi aucune tradition marxiste. Nos jeunes Partis doivent se débarrasser des survivances de l’idéologie nationaliste petite-bourgeoise au cours de la lutte et de la formation du Parti, pour trouver la voie du bolchévisme.

Ces difficultés objectives obligent d’autant plus l’IC à consacrer une attention toute spéciale à la formation du Parti dans les colonies et semi-colonies.

Une responsabilité, particulièrement grande à ce sujet, incombe aux PC des pays impérialistes.

Il faut pour cela non seulement une aide dans l’élaboration d’une ligne politique juste, une analyse minutieuse de l’expérience dans le domaine de l’organisation et de l’agitation, mais encore une éducation systématique des cadres communistes, l’édition et la traduction d’un certain minimum de littérature marxiste-léniniste dans la langue des divers pays coloniaux, enfin une aide des plus actives dans l’étude et l’analyse marxistes des problèmes économiques et sociaux des pays coloniaux et semi-coloniaux, dans la création d’une presse du Parti, etc.

Les PC des pays coloniaux et semi-coloniaux ont pour devoir de faire tous leurs efforts pour éduquer un cadre militants issus de la classe ouvrière ; utilisant les intellectuels du Parti comme directeurs et conférenciers des cercles de propagande, des écoles du Parti légales et illégales dans le but de d’éduquer les meilleurs ouvriers pour en faire des agitateurs, des propagandistes, des organisateurs et des chefs imprégnés de l’esprit léniniste.

Les PC des colonies doivent aussi devenir de véritables PC par leur composition sociale.

Tout en absorbant les meilleurs intellectuels révolutionnaires, en se forgeant dans la lutte quotidienne et les grandes batailles révolutionnaires, les PC doivent consacrer leur plus grande attention à l’organisation communiste dans les fabriques, dans les mines, parmi les ouvriers des transports et parmi les demi-serfs des plantations.

Partout où le capitalisme concentre le prolétariat, le PC doit créer ses cellules ; dans les quartiers ouvriers, dans les corons, les dans les casernes ouvrières des plantations fortifiées et barricadées contre les agitateurs. Il ne faut négliger non plus le travail parmi les artisans, les apprentis et les coolies. Les ouvriers indigènes et les ouvriers venant des métropoles doivent être organisés dans la même organisation du Parti.

Il faut utiliser en l’adaptant à la situation des pays coloniaux, l’expérience des plus vieux Partis sur la coordination du travail légal et illégal, afin d’éviter si possible ce qui est arrivé, par exemple en Chine où des organisations de masses considérables furent anéanties relativement, rapidement et sans grande résistance par les coups de la réaction, ce qui a extraordinairement affaibli la liaison du PC avec les masses.

§29. La principale des tâches immédiates générale des communistes consiste, dans les colonies et semi-colonies, outre le développement des PC, à travailler dans les syndicats.

Recruter les inorganisés avant tout dans les branches industrielles les plus importantes telles que la métallurgie, le sous-sol, les transports, le textile, etc…, transformer les organisations actuelles en véritables syndicats de classe, lutter contre les chefs syndicaux-réformistes et réactionnaires pour la direction des organisations, ce sont là les tâches dans le domaine syndical.

L’autre catégorie des tâches consiste à défendre les intérêts économiques et les revendications immédiates des ouvriers dans la lutte contre les patrons, et à diriger énergiquement et intelligemment les grèves. Dans les syndicats réactionnaires, qui groupent des masses ouvrières, les communistes ont le devoir de mener un travail de propagande révolutionnaire.

Dans les pays où la situation détermine la nécessité de créer des syndicats révolutionnaires séparés (parce que la direction syndicale réactionnaire empêche de recruter les inorganisés, enfreint les exigences les plus élémentaires de la démocratie syndicale, transformé les syndicats en organisations jaunes, etc., etc.), cette question doit être résolue en accord avec direction de l’ISR.

Il importe de suivre avec une attention toute particulière les intrigues de l’Internationale d’Amsterdam dans les pays coloniaux (Chine, Indes, Afrique du Nord) et démasquer aux yeux des masses sa nature réactionnaire.

Le PC de la «métropole» a pour devoir d’aider efficacement le mouvement syndical révolutionnaire des colonies par des conseils et par l’envoi d’instructeurs permanents. Sous ce rapport, il a été très peu fait jusqu’à présent.

§30. Là où existent les organisations paysannes, quel que soit leur caractère, pourvu qu’elles soient de véritables organisations de masses, le Parti doit prendre toutes les mesures pour y pénétrer.

Une des tâches immédiates du Parti consiste à poser correctement le problème agraire dans la classe ouvrière, à lui faire comprendre l’importance et le rôle décisif de la révolution agraire, à faire connaître aux membres du Parti les méthodes d’agitation, de propagande et d’organisation parmi les paysans.

Chaque organisation du Parti a devoir d’étudier la situation agraire particulière dans le rayon de son activité et de formuler les revendications immédiates correspondantes des paysans.

Les communistes doivent chercher partout à imprimer un caractère révolutionnaire au mouvement paysan existant. Ils doivent organiser aussi de nouveaux comités ou unions de paysans révolutionnaires.

Un contact régulier doit être maintenu entre ces organisations et le PC. Aussi bien dans les masses paysannes, que parmi les ouvriers, il faut mener une propagande énergique en faveur d’une alliance entre le prolétariat et les paysans.

Les «partis ouvriers et paysans» peuvent trop facilement se transformer en vulgaires Partis petits-bourgeois quel que soit le caractère révolutionnaire qu’ils peuvent avoir dans certaines périodes, c’est pourquoi leur fondation n’est pas recommandable.

Le PC ne doit jamais édifier son organisation sur la base la fusion de deux classes, de même qu’il ne peut se proposer d’organiser d’autres Partis sur ce principe caractéristique pour les groupes petits-bourgeois.

Le bloc de combat des masses ouvrières et paysannes peut trouver son expression dans des Conférences et Congrès des représentants des Unions (ou Comités) de paysans révolutionnaires et des syndicats, convoqués périodiquement et minutieusement préparés en certaines circonstances il peut être opportun de créer des Comités d’action révolutionnaires pour coordonner l’activité des organisations ouvrières et paysannes et pour diriger diverses actions de masses, etc…

Enfin, dans la période de l’insurrection, une des tâches fondamentales du PC sera la formation de Conseils de députés ouvriers et paysans (Soviets).

Quelles que soient les circonstances, le PC doit s’efforcer de conquérir une influence décisive sur le mouvement paysan, rechercher et appliquer les formes d’organisation d’un bloc ouvrier et paysan qui facilitent le plus possible la direction du mouvement paysan et créent les conditions pour une transformation future de ces formes en Soviets comme organes de l’insurrection et du pouvoir.

§31. La jeunesse prolétarienne des pays coloniaux souffre tout particulièrement. Son importance parmi la classe ouvrière y est beaucoup plus forte que dans les anciens pays capitalistes.

L’exploitation des jeunes n’y connaît aucune restriction légale : temps de travail illimité, conditions de travail inouïes, cruauté des patrons et des contremaîtres.

La situation de la jeunesse paysanne n’est pas meilleure. Il n’est pas étonnant que la jeunesse ouvrière et paysanne participent activement à les mouvements révolutionnaires des pays coloniaux.

Cette jeunesse constituait la grande partie des organisations révolutionnaires et des armés paysannes en Chine, des bataillons des Partisans coréens qui luttèrent contre les colonisateurs japonais, des rebelles héroïques d’Indonésie, etc.

La tâche la plus importante et la plus urgente de l’ICJ dans les pays coloniaux est de créer des organisations révolutionnaires de masses sous la direction communiste.

L’éducation de cadres dirigeants vraiment communistes pour le mouvement des jeunes est aussi importante que le caractère de masses et la composition essentiellement prolétarienne des organisations de la jeunesse communiste.

À côté de la jeunesse ouvrière, il est opportun de recruter les meilleurs éléments révolutionnaires parmi les étudiants et la jeunesse paysanne, tout en cherchant à renforcer les éléments prolétariens dans les organes des fédérations de jeunesses.

Le recrutement en masse de la jeunesse e non prolétarienne est admissible pour les JC seulement si une composition prolétarienne prédominante et une ferme direction communiste y sont assurées.

En participant à toute la lutte du PC, la jeunesse communiste doit éviter aussi bien la tendance à remplacer le Parti dans la direction de la classe ouvrière (tendance dite «avant-gardiste» que la mentalité liquidatrice qui s’exprime par la négation de la nécessité d’un mouvement communiste des jeunes et qui réduit le rôle des fédérations de jeunesses communistes à celui d’organisations d’étudiants ou d’organisations générales et indéterminées de la jeunesse.

Les JC des colonies doivent également utiliser le système des organisations légales auxiliaires pour conquérir les larges masses de la jeunesse ouvrière et paysanne et des étudiants révolutionnaires et les arracher à l’influence du national-réformisme et des tendances pseudo-révolutionnaires ; il faut leur donner un programme révolutionnaire et y assurer la direction du Parti et des JC.

Les JC doivent travailler dans les organisations de ce genre qui existent déjà, les entraîner dans l’action révolutionnaire et y conquérir l’influence et la direction.

En utilisant ces organisations et en entraînant les masses de la jeunesse travailleuse à la lutte révolutionnaire, les organisations de la JC ne doivent pas perdre leur indépendance ou réduire leur travail propre. La perte de leur physionomie communiste et la perte éventuelle de la direction du mouvement révolutionnaire des jeunes, qui en serait la conséquence sont un grand danger pour les organisations de la JC.

C’est pourquoi, tout en travaillant parmi les organisations auxiliaires les utiliser et les développer, la JC doit renforcer son travail propre, intervenir ouvertement devant les masses de la jeunesse travailleuse et recruter à la JC les meilleurs éléments de ces organisations de masses.

Les Sections de jeunes des syndicats et des unions paysannes, les unions de la jeunesse ouvrière, les associations antimilitaristes, les groupes sportifs, les sociétés locales d’étudiants, etc…, sont de telles organisations de masses.

Le 6 e Congrès de l’IC fait un devoir à tous les PC des pays coloniaux de contribuer énergiquement à la création et au développement d’un mouvement de la jeunesse communiste et de lutter contre toute mentalité retardataire au sein de la classe ouvrière et des syndicats, qui tend à négliger les intérêts de la jeunesse ouvrière et à refuser de participer à la lutte pour l’amélioration de la situation de la jeunesse exploitée.

§32. Dans les pays coloniaux, l’exploitation de la main-d’œuvre des femmes et da enfants a pris une envergure particulièrement grande et des formes barbares.

Un salaire de famine des plus misérables, une journée de travail insupportablement longue, dans certaines contrées l’achat des femmes et des enfants pour travailler dans les plantations à des conditions d’esclavage, l’existence d’enfer dans les maisons d’ouvriers, la conduite barbare et les sévices de la part des employeurs — telles sont les conditions de travail des femmes et des enfants.

Cependant, la bourgeoisie, les missionnaires, etc…, qui disposent de fortes sommes d’argent mènent parmi les femmes prolétariennes un vaste travail réactionnaire ; mais les ouvrières coloniales poussées au désespoir s’éveillent petit à petit à la conscience de classe, entrent dans la voie révolutionnaire, rallient énergiquement et courageusement les rangs du prolétariat en lutte.

La preuve, en est d’abord, dans la participation pleine d’abnégation des travailleuses chinoises aux luttes révolutionnaires (grèves en masse des femmes, héroïsme de certaines ouvrières, entrée des paysannes dans les troupes de Partisans).

Les PC des colonies et semi-colonies doivent consacrer une grande attention au travail parmi ces couches ouvrières, notamment dans les entreprises où prédomine la main-d’œuvre féminine, ils doivent organiser systématiquement les femmes dans les syndicats et recruter les meilleures d’entre elles au Parti.

Tout en luttant contre l’influence des organisations hostiles, le Parti doit s’efforcer de conquérir les femmes travailleuses en employant tous les moyens d’agitation et de propagande légales et illégales par la parole et par l’écrit.

En dehors de ces tâches générales, les communistes des colonies ont encore une série de tâches spécifiques qui découlent des particularités de la structure sociale et économique et de la situation politique de chaque pays. Tout en laissant chaque Parti fixer l’ensemble de ces tâches dans son programme d’action concret, le Congrès signale quelques-unes des tâches immédiates les plus importantes.

§33. En Chine, la nouvelle vague révolutionnaire posera de nouveau au Parti la tâche pratique immédiate de la préparation et l’exécution de l’insurrection armée comme unique voie pour accomplir la révolution démocratique bourgeoise et renverser le pouvoir des impérialistes, des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie nationale : le pouvoir du Kuomintang.

Dans le moment présent, caractérisé dans son ensemble par l’absence de vague révolutionnaire des grandes masses du peuple chinois, la ligne générale du Parti est la lutte pour la conquête des masses.

Cette politique menée dans les conditions de renforcement du mouvement anti-impérialiste, d’un certain réveil du mouvement de grève et de l’action paysanne qui continue, exige du Parti la tension de toutes ses forces pour rassembler et unir le prolétariat autour des principaux mots d’ordre du parti, un immense travail d’organisation pour renforcer les syndicats et les unions paysannes révolutionnaires, le maximum d’adaptation à la direction du travail quotidien, économique et politique parmi les masses du prolétariat et des paysans, un travail intense pour expliquer au prolétariat l’expérience de la révolutionnaire écoulée.

En même temps, le Parti doit expliquer aux masses l’impossibilité d’une amélioration radicale de leur situation, l’impossibilité de renverser la domination des impérialistes et de résoudre les problèmes de la révolution agraire sans renverser le pouvoir du Kuomintang et des militaristes et instaurer le pouvoir des soviets.

Le Parti doit utiliser chaque conflit, même le plus insignifiant entre les ouvriers et les capitalistes à la fabrique, entre les paysans et les propriétaires fonciers à la campagne, entre les soldats et les officiers dans l’armée, pour approfondir et aiguiser ces conflits de classes dans le but de mobiliser les larges masses d’ouvriers et de paysans et de les conquérir au Parti.

Le Parti doit utiliser tous les cas de violence de l’impérialisme international contre le peuple chinois, violence qui revêt actuellement le caractère de conquête militaire de régions entières, tous les exploits sanglants de la réaction enragée, pour élargir la protestation populaire des masses contre les classes dominantes.

Le succès de cette lutte pour la conquête des masses est déterminé en grande partie par l’application d’une tactique appréciant justement la situation, par la correction des fautes et des tendances d’extrême-gauche (putschisme, aventurisme militaire, terreur individuelle, etc.) et de l’opportunisme qui a trouvé son expression dans ‘la revendication de la convocation de l’Assemblée Nationale et de la restauration du gouvernement du Kuomintang.

En même temps le Parti doit vaincre toutes les tendances à remplacer les méthodes de conviction et d’éducation des masses par des méthodes de contrainte et de commandement, qui renforcent le danger d’isolement du Parti envers les masses travailleuses déjà si sérieux dans la situation actuelle de terreur terrible.

Dans le travail intérieur, le Parti doit s’efforcer de réorganiser les cellules et les comités locaux anéantis par la réaction ; améliorer la composition sociale du Parti en concentrant une attention particulière à la création de cellules du Parti dans les principales branches de la production, les principales fabriques, ateliers de chemin de fer.

Le PC chinois doit également consacrer l’attention la plus sérieuse régularisation de la composition sociale de ses organisations à la campagne afin qu’elles se recrutent principalement parmi les éléments prolétariens, semi-prolétariens et pauvres des campagnes.

Application du principe du centralisme démocratique, autant que le permettent les conditions du travail illégal de la démocratie intérieure du Parti, la discussion et solution collective des questions ; en temps, la lutte contre les tendances ultra-démocratiques de certaines organisations, qui conduisent à la rupture de la discipline du Parti, au manque croissant de responsabilité et à la destruction de l’autorité des centres dirigeants du Parti.

Il faut renforcer le travail d’éducation théorique des membres du Parti, élever leur niveau politique, exercer une propagande systématique du marxisme et du léninisme, étudier les expériences et les leçons des anciennes étapes de la révolution chinoise (période du Wouhan, insurrection de Canton, etc…).

À l’égard des «tiers» Partis (de Tang Pin Shan, Wang Chin Wei) qui sont un instrument de la contre-révolution capitaliste et agrarienne, la tâche du PC chinois consiste à les combattre énergiquement, à démasquer en se basant sur la pratique da mouvement anti-impérialiste et du mouvement de masses, leur activité nationale-réformiste, et à les dénoncer comme agences des classes dirigeantes.

Les principaux mots d’ordre pour conquérir les masses sont :

1) Suppression de la domination des impérialiste ;

2) Confiscation des entreprises et des banques étrangères ;

3) Unification du pays avec le droit de chaque nation de disposer d’elle-même ;

4) Renversement du pouvoir des militaristes et du Kuomintang ;

5) Instauration du pouvoir des Soviets ouvriers, paysans et soldats ;

6) Journée de 8 heures, augmentation des salaires, aide aux chômeurs et assurances sociales ;

7) Confiscation de toute la terre appartenant aux grands propriétaires fonciers ; remise de la terre aux paysans et aux soldats ;

8) Suppression de tous les impôts du gouvernement des militaristes et des fonctionnaires locaux ; impôt progressif unique sur les revenus ;

9) Alliance avec l’URSS et le mouvement prolétarien international.

§34. Les tâches fondamentales des communistes hindous sont : la lutte contre l’impérialisme anglais pour la libération du pays, la suppression de tous les vestiges du féodalisme, la révolution agraire, l’instauration de la dictature du prolétariat et des paysans sous la forme de la république soviétique.

Ces tâches ne pourront être accomplies avec succès que lorsque sera créé un puissant PC qui sera se mettre à la tête des larges masses de la classe ouvrière, des paysans et de tous les travailleurs et les entraîner à l’insurrection armée contre le bloc féodal-impérialiste.

Le mouvement de grèves du prolétariat hindou qui se développe actuellement, son indépendance envers le nationalisme bourgeois, le caractère général de ce mouvement, son extension à presque toutes les branches de la production, la fréquence et la durée prolongée des grèves, l’opiniâtreté et la grande vigueur des ouvriers dans leur conduite, le fait que les chefs des grèves sortent des masses ouvrières elles-mêmes, tout cela signifie un tournant dans l’histoire du prolétariat hindou et montre qu’aux Indes les conditions nécessaires à la création d’un PC de masses sont mûres.

La fusion de tous les groupes communistes et des communistes isolés disséminés dans tout le pays en un Parti unique illégal, indépendant et centralisé est le premier devoir des communistes hindous.

Tout en repoussant le principe de fondation du Parti sur deux classes, les communistes doivent utiliser les liaisons des Partis ouvriers et paysans existant avec les masses laborieuses pour renforcer leur propre Parti. Ils ne doivent pas oublier que l’hégémonie du prolétariat ne peut être réalisée sans l’existence d’un PC uni, ferme et armé de la théorie marxiste.

L’agitation du PC doit être liée à la lutte des ouvriers pour leurs revendications immédiates et expliquer en même temps les buts généraux du PC et ses méthodes pour les atteindre.

Il est nécessaire de construire des Cellules dans les entreprises qui prennent part active au mouvement ouvrier, l’organisation et à la direction des grèves et des actions politiques. Les organisations communistes doivent dès le début, consacrer une attention particulière à la création de cadres dirigeants ouvriers pour le Parti.

Dans les syndicats, les communistes hindous doivent démasquer impitoyablement les chefs nationaux-réformistes, mener une lutte énergique pour transformer les syndicats en véritables organisations de classes du prolétariat et pour remplacer la direction réformiste actuelle par les représentants révolutionnaires des masses ouvrières.

Il faut particulièrement démasquer la méthode de prédilection des réformistes hindous qui consiste à faire trancher les conflits par le

représentant de l’impérialisme anglais comme arbitre «impartial» entre les ouvriers et les patrons. Dans cette lutte il faut poser les revendications de démocratie syndicale, de composition de l’appareil syndicale par les ouvriers, etc…

Les points d’appui pour le travail du Parti dans les syndicats doivent être les fractions communistes et les groupes formés de communistes et sympathisants. Il faut aussi utiliser la vague de grèves actuelle pour organiser les ouvriers inorganisés.

Les mineurs et les métallurgistes, les coolies travaillant dans les plantations et les salariés agricole général, sont la partie la moins organisée du prolétariat hindoue : les communistes doivent leur consacrer l’attention nécessaire.

Les communistes doivent démasquer le national-réformisme du Congrès National Hindou et opposer à toutes les phrases des swarajistes, des ghandistes etc., sur la résistance passive le mot d’ordre implacable de lutte armée pour libérer le pays et en chasser les impérialistes.

Quant aux paysans et aux organisations paysannes, les communistes hindous ont pour tâche tout d’abord de faire connaître aux grandes masses de paysans les revendications générales du Parti dans la question agraire. Dans ce but, le Parti doit élaborer un programme d’action.

Par l’intermédiaire des ouvriers liés avec la campagne et directement aussi, les communistes doivent stimuler la lutte des paysans leurs revendications partielles, et au cours de la lutte, organiser des unions paysannes. Il faut particulièrement veiller à ce que les organisations paysannes qui seront créées ne tombent pas sous des exploiteurs des campagnes.

Il faut donner aux organisations paysannes existantes un programme clair de revendications concrètes et soutenir l’action des paysans par des manifestations ouvrières dans les villes.

Il ne faut pas oublier qu’en aucune occasion les communistes ne doivent renoncer à leur droit de critiquer ouvertement la tactique opportuniste et réformiste de la direction des organisations de masses dans lesquelles ils travaillent.

§35. En Indonésie, l’écrasement de l’insurrection de 1926, l’arrestation et l’exil de milliers de membre de notre Parti l’ont extrêmement désorganisé. La nécessité de reconstituer les organisations anéanties de notre Parti exige de nouvelles méthodes de travail correspondant aux conditions illégales créées par le régime policier de l’impérialisme hollandais.

Transfert du centre de gravité du Parti là où est concentré le prolétariat urbain et rural, — les fabriques et les plantations ; reconstitution des syndicats dissous et lutte pour leur vie légale ; attention particulière aux revendications partielles pratiques des paysans ; développement et renforcement des organisations paysannes ; travail dans toutes les organisations nationales de masses, où le P.C doit constituer des fractions et grouper autour de lui les éléments nationaux-révolutionnaires ; lutte énergique contre les social-démocrates hollandais qui, avec l’appui du gouvernement essayent de constituer une base dans le prolétariat indigène ; entraînement des nombreux ouvriers chinois dans la lutte de classes et dans la lutte nationale-révolutionnaire ; établissement de liaisons avec le mouvement communiste de Chine et des Indes, — voilà quelques-unes des principales tâches du PC d’Indonésie.

§36. En Corée, les communistes doivent renforcer leur travail au sein du prolétariat et, dans leur effort d’augmenter l’activité et renforcer l’organisation des fédérations ouvrières et paysannes, réorganiser les syndicats, y englober les principales couches de la classe ouvrière et rattacher les luttes économiques aux revendications politiques.

En même temps, ils doivent lier la revendication de l’émancipation nationale du pays partielle au mot d’ordre de la révolution agraire, qui acquiert de plus en plus d’actualité par suite de la paupérisation croissante des paysans sous le régime de famine coloniale.

Au sein des masses laborieuses affiliées aux grandes unions religieuses nationales (Tchen Do Gil, etc…) il faut mener un travail patient d’éducation révolutionnaire afin de les soustraire de l’influence des chefs nationaux réformistes.

Il faut renforcer l’influence communiste dans toutes les organisations révolutionnaires de masses existantes.

Au lieu de créer un Parti national révolutionnaire unique basé sur l’adhésion individuelle, il faut s’efforcer de coordonner et d’unir l’activité des différentes organisations nationales révolutionnaires à l’aide de comités et de créer effectif des éléments révolutionnaires e tout en les hésitations des nationalistes et en les démasquant constamment devant les masses.

Il faut recruter de nouvelles forces dans le PC, surtout les ouvriers industriels. Ce sera la meilleure garantie de développement du Parti et cela facilitera en la liquidation nécessaire de l’esprit de fraction nuisible au sein du Parti.

§37. En Égypte, le PC ne jouera un rôle important dans le mouvement national que lorsqu’il s’appuiera sur le prolétariat organisé. L’organisation de syndicats des ouvriers égyptiens, le renforcement et la direction des luttes de classes sont donc la première et la plus importante tâche du PC.

Le plus grand danger pour le mouvement syndical d’Égypte est actuellement la conquête des syndicats par les nationalistes bourgeois. Sans lutte énergique contre leur influence une véritable organisation de classe des ouvriers est impossible.

Un des défauts essentiels des communistes égyptiens dans le passé fut de travailler exclusivement parmi les ouvriers des villes. Poser correctement la question agraire, entraîner le plus possible dans la lutte et organiser les larges masses d’ouvriers agricoles et de paysans, voilà une des tâches principales du Parti. Il faut consacrer une attention particulière à l’édification même du Parti qui est encore très faible.

§38. Dans les colonies françaises de l’Afrique du Nord, le communistes doivent travailler dans toutes les organisations nationales révolutionnaires de masses déjà existantes, afin d’y unir les éléments vraiment révolutionnaires sur un programme conséquent et clair de bloc ouvrier et paysan pour la lutte.

Quant à l’organisation de l’«Etoile Nord-Africaine», les communistes doivent travailler à ce qu’elle ne se développe pas sous la forme d’un parti, mais sous la forme d’un bloc de combat des différentes organisations révolutionnaires, avec adhésion collective de syndicats d’ouvriers industriels et agricoles, d’unions paysannes, etc…; il est nécessaire d’y assurer le rôle dirigeant du prolétariat révolutionnaire ; avant tout, il faut développer le mouvement syndical qui est la base d’organisation de l’influence communiste dans les masses.

La collaboration toujours plus étroite de la partie révolutionnaire du prolétariat blanc avec la classe ouvrière indigène est notre tâche constante. Dans la question agraire il faut savoir diriger la haine croissante de la population rurale, déterminée par la politique d’expropriation de l’impérialisme français, dans la voie d’une lutte bien organisée (meilleure organisation des grèves ouvriers agricoles, renforcement des syndicats d’ouvriers agricoles en Algérie, etc..).

Les organisations communistes de chaque pays doivent recruter en premier lieu les ouvriers indigènes et lutter contre le mépris envers eux. Les PC qui sont vraiment composés de prolétaires indigènes doivent être formellement et effectivement des Sections indépendantes de l’IC.

§39. Parallèlement à la question coloniale, le 6e Congrès attire sérieusement l’attention des PC sur la question nègre. La situation des nègres dans les divers pays est différente ; elle exige donc une étude et une analyse concrète.

On peut diviser les territoires habités par des masses de nègres de la façon suivante : 1) États-Unis et quelques pays sud- américains où les masses compactes de nègres constituent une minorité par rapport à la population blanche ; 2) l’Union sud-africaine où les nègres constituent la majorité par rapport aux colons blancs ; 3) les États nègres qui sont en fait des colonies ou des semi-colonies de l’impérialisme (Libéria, Haïti, St.- Domingue); 4) Toute l’Afrique Centrale est divisée en colonnes et en territoires sous mandat des diverses puissances (Angleterre, France, Portugal, etc..).

Les tâches des PC doivent être définies en tenant compte de chaque situation concrète.

Aux États-Unis, vivent 12 millions de nègres. La plupart sont des fermiers qui paient leur fermage en nature et vivent dans des

conditions semi-féodales. La situation de ces fermiers nègres est la même que celle des salariés agricoles et ne se distingue que formellement de l’esclavage aboli par la législation.

Les propriétaires fonciers blancs qui cumulent les fonctions de seigneurs fonciers, de commerçants et d’usuriers, donnent le fouet aux nègres, pratiquent une politique de séjour forcé et d’autres méthodes de la démocratie bourgeoise américaine et reproduisent les pires formes d’exploitation de la période d’esclavage.

Grâce à l’industrialisation du Sud, un prolétariat nègre commence à se constituer. En même temps se poursuit de plus en plus rapidement l’émigration des nègres vers le Nord où leur immense majorité est formée d’ouvriers non qualifiés.

La croissance du prolétariat nègre est l’événement le plus important des dernières années. Mais en même temps dans les quartiers nègres se forme une petite bourgeoisie qui donne naissance à des intellectuels et à une faible couche de bourgeoisie qui deviennent les agents de l’impérialisme.

Une des tâches les plus importantes du PC consiste à lutter pour l’égalité complète et réelle des nègres pour l’abolition de toute inégalité sociale et politique et de toute inégalité de races.

Le PC a le devoir de lutter de toute son énergie contre la moindre expression de chauvinisme blanc, d’organiser une résistance active contre la justice du lynch, de renforcer son travail parmi les ouvriers nègres, de recruter les plus conscients dans le parti, de lutter pour leur admission dans toutes les organisations des ouvriers blancs et, avant tout, dans les syndicats (ce qui n’exclut pas, s’il le faut, leur organisation en syndicats séparés), d’organiser les masses paysannes et les ouvriers agricoles du Sud, de travailler parmi les masses nègres en expliquant le caractère utopique et réactionnaire des tendances petites-bourgeoises tel le Garveyisme, et en combattant leur influence sur la classe ouvrière.

Dans les États du Sud, où sont des masses compactes de nègres il faut lancer le mot d’ordre du droit des nègres à disposer d’eux-mêmes. La transformation radicale du régime agraire des États du Sud est une des tâches essentielles de la révolution.

Les communistes nègres doivent expliquer aux ouvriers et paysans nègres que seule une alliance étroite et une lutte commune avec le prolétariat blanc contre la bourgeoisie américaine peuvent les libérer de l’exploitation barbare, que seule la révolution prolétarienne triomphante résoudra définitivement le problème agraire et national du Sud des États-Unis, dans l’intérêt de la masse écrasante de la population nègre du pays.

Dans l’Union sud-africaine, les masses nègres constituent la majorité de la population, leurs terres sont expropriées par les colons blancs et par l’État, elles sont privées des droits politiques et du droit de circuler librement, elles souffrent de la pire oppression de race et de classe et des méthodes d’exploitation et d’oppression précapitalistes et capitalistes.

Le PC, qui a déjà obtenu certains succès dans le prolétariat nègre, a le devoir de poursuivre avec encore plus d’énergie sa lutte pour l’égalité complète des nègres, l’abolition de toutes les mesures et lois spécialement dirigées contre eux et la confiscation des terres appartenant aux propriétaires fonciers.

En recrutant les ouvriers nègres, en les organisant dans les syndicats, en luttant pour l’admission des nègres dans les syndicats des ouvriers blancs, le Parti a le devoir de lutter par tous les moyens contre tous les préjugés de race parmi les ouvriers blancs et les déraciner complètement de ses propres rangs.

Le Parti doit lancer avec énergie et conséquence le mot d’ordre de la fondation d’une république indigène indépendante qui assurerait les droits de la minorité blanche, il doit lutter par l’action pour la réalisation de ce mot d’ordre.

Dans la mesure où le des rapports capitalistes désagrège le régime des tribus, le Parti doit renforcer l’éducation de classe des couches exploitées de la population nègre et s’efforcer de les arracher à l’influence des exploiteurs, qui deviennent de plus en plus les agents de l’impérialisme.

Dans les colonies du Centre de l’Afrique, l’exploitation prend les pires formes et réunit les méthodes d’exploitation esclavagistes, féodales et capitalistes.

Dans la période d’après-guerre, le capital des métropoles impérialistes s’efforce avec une force toujours plus grande de pénétrer les colonies africaines, il y favorise la concentration des grandes masses exploitées et prolétarisées dans les plantations, dans les mines, etc…

Le Congrès fait un devoir aux PC des métropoles d’en finir avec l’indifférentisme dont ils font preuve à l’égard des mouvements de masses dans ces colonies, et de commencer à aider énergiquement ces mouvements aussi bien dans les métropoles que dans les colonies elles-mêmes.

Ils doivent étudier attentivement la situation dans ces pays afin de démasquer les exploits sanglants de l’impérialisme et de créer la possibilité d’une liaison organique avec les éléments prolétariens naissants de ces colonies, et les plus implacablement exploitées par l’impérialisme.

§40. En Amérique latine, les communistes doivent prendre partout une part active au mouvement révolutionnaire de masses dirigé contre le régime des gros agrariens et contre l’impérialisme, même là où ce mouvement est encore sous la direction de la petite-bourgeoisie.

Toutefois, les communistes ne doivent à aucune condition se soumettre à leurs alliés temporaires.

En luttant pour l’hégémonie dans le mouvement révolutionnaire, les PC doivent, en premier lieu, toujours conserver leur indépendance politique et d’organisation et travailler pour devenir le Parti dirigeant du prolétariat. Dans leur agitation, les communistes doivent souligner particulièrement les mots d’ordre suivants :

1) Expropriation (sans indemnité) et remise aux ouvriers agricoles, aux fins de travail en commun, d’une partie des grosses plantations et latifundia ; répartition de la partie restante entre les paysans, les fermiers et les colons ;

2) confiscation des entreprises étrangères (mines, entreprises industrielles, banques, etc..) et des entreprises les plus importantes de la bourgeoisie nationale et des gros propriétaires terriens ;

3) annulation des dettes d’État et liquidation de tout contrôle sur le pays de la part de l’impérialisme ;

4) introduction de la journée de 8 heures et abolition des conditions de travail semi-esclavagistes ;

5) armement des ouvriers et des paysans et transformation de l’armée en milice ouvrière et ;

6) instauration du pouvoir des Soviets d’ouvriers, paysans et soldats, au lieu de la domination de classe des gros propriétaires fonciers et de l’Église. Le mot d’ordre du gouvernement ouvrier et paysan, opposé aux soi-disant gouvernements «révolutionnaires» que crée la dictature militaire de la petite-bourgeoisie, doit occuper le centre de l’agitation communiste.

Dans ces pays, la condition fondamentale du succès de l’ensemble du mouvement révolutionnaire est dans la consolidation de l’idéologie et de l’organisation des PC et en leur liaison avec les masses travailleuses et les organisations de masse.

Les PC doivent tendre inlassablement à organiser les ouvriers industriels dans les syndicats de classe, en premier lieu les ouvriers des grandes entreprises appartenant à l’impérialisme, élever leur niveau politique et leur conscience de classe et à déraciner l’idéologie réformiste, anarcho- syndicaliste et corporative.

En même temps, il faut organiser les paysans, les fermiers, les colons dans les unions paysannes. Il faut développer la Ligue anti-impérialiste au sein de laquelle doivent travailler les fractions communistes.

La collaboration la plus étroite entre toutes les organisations révolutionnaires de masses des ouvriers et paysans, la liaison entre les PC des pays de l’Amérique latine, leur liaison avec les organisations internationales respectives, et avec le prolétariat révolutionnaire des États-Unis sont parmi les tâches importantes.

§41. Les tâches les plus importantes des PC des pays impérialistes dans la question coloniale ont un triple caractère. Premièrement, il faut établir une liaison active entre les PC et les syndicats des métropoles, et les organisations révolutionnaires correspondantes des colonies.

Les liaisons établies jusqu’à présent entre les PC des métropoles et le mouvement révolutionnaire des pays coloniaux correspondants ne peuvent être considérées comme suffisantes, à quelques rares exceptions près.

Ce fait ne peut être expliqué que partiellement par les difficultés objectives. Il faut reconnaître que tous les Partis de l’IC ne comprennent pas encore l’importance décisive de l’établissement de liaisons étroites, régulières et permanentes avec les mouvements révolutionnaires dans les colonies, afin de soutenir ces mouvements de façon active, directe et pratique.

Ce n’est que dans la mesure où les PC des pays impérialistes soutiennent en fait le mouvement révolutionnaire dans les colonies et la lutte des pays coloniaux contre l’impérialisme, que leur position dans la question coloniale peut être considérée comme véritablement bolchéviste.

C’est là, en général, le critère de leur activité révolutionnaire.

La seconde catégorie de tâches consiste à soutenir véritablement la lutte des peuples coloniaux contre l’impérialisme par l’organisation d’actions de masse effectives du prolétariat.

Dans ce domaine, l’activité des PC des pays capitalistes les plus importants fut aussi insuffisante. La préparation et l’organisation de telles actions de solidarité doivent absolument devenir un des éléments essentiels de l’agitation communiste parmi les masses ouvrières des pays capitalistes.

Les communistes doivent démasquer le véritable caractère de rapine du régime colonial capitaliste par tous les moyens d’agitation dont ils disposent (presse, manifestations publiques, tribunes parlementaires), ils doivent déchirer implacablement le réseau de mensonges qui présente le système colonial comme œuvre de civilisation et de progrès général.

Dans ce domaine, une tâche particulière consiste à lutter contre les organisations missionnaires, qui sont un des points d’appui les plus actifs de l’expansion impérialiste et de l’asservissement des peuples coloniaux.

Les communistes doivent mobiliser les larges masses ouvrières et paysannes des pays capitalistes pour la revendication de l’indépendance complète et la souveraineté des peuples coloniaux.

La lutte contre la répression sanglante des soulèvements coloniaux, contre l’intervention armée des impérialistes dans les révolutions nationales, contre la croissance de l’agressivité guerrière de l’impérialisme, contre les nouvelles conquêtes militaires, doit être une lutte systématique, organisée et pleine d’abnégation de la part du prolétariat mondial.

Il est nécessaire de tirer toutes les leçons du fait qu’aucune des Sections de l’IC dans les pays capitalistes n’est arrivée à mobiliser les masses dans une mesure suffisante pour défendre effectivement la révolution chinoise contre l’offensive ininterrompue de l’impérialisme mondial.

Les préparatifs en vue d’une guerre mondiale, la croisade des impérialistes contre les peuples de «leurs» colonies dans le but de les «pacifier» posent la tâche de soutenir activement les révolutions coloniales, et cet objectif doit occuper le centre de la lutte du prolétariat des pays capitalistes.

La lutte contre la politique coloniale de la social-démocratie doit être considérée par le PC une partie organique de sa lutte contre l’impérialisme. Par sa position dans la question coloniale, à son dernier Congrès de Bruxelles, la 2 e Internationale a sanctionné définitivement ce qu’avait déjà révélé clairement toute l’activité pratique des différents Partis socialistes des pays impérialistes, après la guerre.

La politique coloniale de la social-démocratie est une politique d’appui actif de l’impérialisme dans l’œuvre d’exploitation et d’oppression des peuples coloniaux. Elle a adopté officiellement le point de vue de la SdN, qui veut que les classes dominantes des pays capitalistes développés soient en «droit» de régner sur la majorité des peuples du globe pour les soumettre à un régime féroce d’exploitation et d’asservissement.

Afin de tromper une partie de la classe ouvrière et l’intéresser au maintien du régime de rapine coloniale, la social- démocratie défend les exploits les plus honteux et les plus repoussants de l’impérialisme dans les colonies.

Elle cache le véritable caractère du système colonial capitaliste, le lien qui existe entre la politique coloniale et le danger d’une nouvelle guerre impérialiste menaçant le prolétariat et les masses travailleuses du monde entier.

Là où l’indignation des peuples coloniaux prend la forme d’une lutte d’émancipation contre l’impérialisme, la social- démocratie se range toujours en fait et malgré toutes ses phrases mensongères, du côté des bourreaux de la révolution.

Ces dernières années, les socialistes de tous les pays capitalistes votent les crédits de leurs gouvernements pour mener la guerre contre les peuples coloniaux en lutte pour leur libération (Maroc, Syrie, Indonésie), ils prennent part eux-mêmes directement à l’exploitation coloniale, des socialistes français sont nommés gouverneurs de colonies aux ordres des gouvernements impérialistes, les coopératives socialistes de Belgique participent aux entreprises coloniales (pour l’exploitation de la population nègre du Congo), ils approuvent les mesures les plus féroces pour étouffer les soulèvements coloniaux (les chefs du Labour Party britannique ont défendu l’intervention en Chine, le Parti socialiste hollandais est intervenu pour réprimer le soulèvement en Indonésie).

La théorie social-démocrate, affirmant que le régime colonial capitaliste peut être réformé et devenir un «bon régime colonial» n’est qu’un masque derrière lequel les social-démocrates cherchent à cacher leur véritable figure social-démocrate.

Les communistes doivent leur arracher ce masque et montrer aux masses travailleuses des pays impérialistes que les Partis socialistes sont les coparticipants et les collaborateurs directs de la politique coloniale impérialiste, que dans ce domaine ils ont trahi de la façon la plus odieuse tout le programme socialiste, qu’ils sont devenus les agents de l’impérialisme rapace dans les métropoles et les colonies.

Les communistes doivent suivre avec la plus grande attention toutes les tentatives de la social-démocratie qui cherche, avec l’aide des gouvernements capitalistes, à étendre son influence dans les colonies et à y fonder des Sections et des organisations.

Ces tentatives correspondent à la politique de cette fraction des colonialistes impérialistes qui se proposent de consolider ses positions dans les colonies au moyen de la corruption de certaines couches indigènes.

Les conditions spécifiques de certaines colonies peuvent contribuer à un certain succès de cette politique et déterminer un développement temporaire du mouvement réformiste dans ces pays sous l’influence de la social-démocratie des pays capitalistes.

La tâche du PC consiste à lutter énergiquement contre de semblables tentatives, à démasquer la politique coloniale des socialistes devant les masses indigènes et à étendre ainsi aux chefs social-démocrates, ces laquais de l’impérialisme, la haine méritée que les peuples coloniaux opprimés vouent aux impérialistes.

Dans tous ces domaines, les PC des pays capitalistes ne peuvent obtenir des succès que s’ils développent une propagande intense dans leurs propres rangs, pour expliquer le point de vue communiste dans la question coloniale, pour déraciner toutes les survivances de l’idéologie social-démocrate dans cette question et pour repousser à toute déviation de la juste ligne léniniste.

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de l’Internationale Communiste

Thèses sur la lutte contre la guerre impérialiste et la tâche des communistes au sixième congrès de l’Internationale Communiste

1. — La Menace de guerre impérialiste

§1. Dix ans après la guerre mondiale, les grandes puissances impérialistes signent le pacte de Kellogg mettant la guerre hors la loi ; elles parlent de désarmement, elles s’efforcent, en soutenant les leaders de la social-démocratie internationale, de faire croire aux ouvriers et aux travailleurs que la domination du capital de monopole assure la paix dans le monde entier.

Le 6e Congrès Mondial de l’IC dénonce toutes ces manœuvres comme destinées à tromper ignominieusement les masses.

Il rappelle au prolétariat international, aux peuples travailleurs et opprimés du monde entier l’expérience des dernières années, les incessantes petites guerres de brigandage des puissances impérialistes contre les peuples des colonies et les événements de cette dernière année, l’intervention contre la révolution chinoise, l’aggravation du conflit entre les puissances qui méditent un nouveau partage de la Chine, la concentration de troupes en Pologne, la menace directe qui est faite à l’indépendance de la Lithuanie — et, en même temps, le danger de plus en plus pressant où se trouve l’US, en face du bloc des impérialistes, à la tête duquel s’est placée l’Angleterre. Le Congrès rappelle tous ces faits qui illustrent la criminelle politique de guerre des impérialistes, capable de provoquer soudainement une formidable conflagration mondiale.

Le 6e Congrès Mondial a donné l’analyse des forces politiques et économiques entrées en action pour préparer la prochaine guerre.

Les changements qui se sont produits dans la situation internationale depuis le 5e Congrès sont caractérisés par une formidable aggravation de tous les antagonismes capitalistes, par un très considérable renforcement économique et politique de l’US, par une rapide croissance du mouvement national-révolutionnaire dans les colonies et semi-colonies, avant tout en Chine, et par l’aggravation de la lutte de classes entre la bourgeoisie et le prolétariat dans les pays capitalistes.

Les antagonismes entre puissances impérialistes, dans la lutte pour les marchés, manifestent de plus en plus nettement. Mais plus encore ces antagonismes se dessine le confit qui divise le monde entier en deux camps : d’une part, la totalité du monde capitaliste ; de l’autre, l’URSS autour de laquelle se groupent le prolétariat et les peuples opprimés des colonies.

La lutte pour la destruction du pouvoir soviétique et de la révolution chinoise, pour une domination illimitée sur la Chine et pour la possession du marché russe, c’est-à-dire pour la possibilité d’utiliser les incommensurables réservoirs de matières premières et les débouchés offerts par ces pays, est une question de la plus haute importance pour le capital international et c’est sur ce point que se situe actuellement le danger d’une nouvelle guerre impérialiste.

§2. La guerre impérialiste qui s’annonce, ne sera pas seulement une guerre de machines, dans laquelle on utilisera de formidables quantités de ressources matérielles, mais elle atteindra des millions et des millions d’hommes, elle frappera la masse des populations dans les pays belligérants. Les lignes de démarcation entre le front et l’arrière s’effaceront de plus en plus.

Le Congrès signale le grandiose accroissement des armements, de considérables innovations dans la technique militaire, les mesures prises pour militariser les populations et la vie économique de tous les pays capitalistes, la militarisation de l’Italie fasciste, la réforme militaire en France, les nouvelles lois militaires inspirées par la réaction en Tchécoslovaquie, l’intensification des préparatifs de guerre en Pologne, en Roumanie, sous la direction des états-majors des grandes puissances impérialistes, les préparatifs qui ont lieu en Allemagne pour restaurer l’ancien militarisme sous de nouvelles formes, la militarisation générale en Amérique, les préparatifs de guerre de la Grande-Bretagne dans ses Dominons, dans l’Inde en premier lieu, etc.

La rivalité de l’Amérique et de l’Angleterre, comme puissances navales, nécessite de nouveaux armements. Dans la militarisation des masses, il est très important de considérer qu’en fait ces mesures générales étendent à la jeunesse et, partiellement, au moins en théorie, aux femmes (en France, en Pologne, en Bulgarie, etc.).

§3. En même temps que les impérialistes poursuivent leurs armements et leurs préparatifs de guerre, nécessités par la politique extérieure, ils accentuent la réaction chez eux, à l’intérieur. Si l’arrière ne «se tient pas tranquille» les impérialistes pourront guerroyer. La bourgeoisie prend toutes les mesures pour prévenir une résistance organisée quelconque des ouvriers contre sa politique de guerre.

Pour avoir cette «couverture de l’arrière», la bourgeoisie prend différentes mesures : telles sont les lois sur les syndicats en Angleterre, en Norvège, l’arbitrage en Allemagne, le plan de Mond concernant la collaboration des compagnies de chimie industrielle, la campagne pour la paix industrielle, pour les syndicats apolitiques (le «spencérisme» en Angleterre), les Union Company en Amérique, les syndicats fascistes de l’État italien, la loi sur la militarisation des syndicats en temps de guerre en France.

Toutes ces mesures ont pour objet d’assurer l’écrasement par la force armée de tout mouvement de la classe ouvrière aussitôt que la guerre aura été déclarée.

D’autre part il existe, non officiellement, des troupes armées telles que le «Casque d’Acier» en Allemagne, les «Schützkorps» en Finlande, les «Strelki» (chasseurs) en Pologne, la «Défense Nationale» en Autriche, etc.; toutes ces formations ont pour but de briser les grèves et d’écraser les mouvements ouvriers non seulement en temps de guerre, mais même dans la période des préparatifs.

À ces organisations militaires ou semi-militaires se rattachent certaines ligues de femmes dans un grand nombre de pays. Les grandes puissances impérialistes soutiennent le fascisme dans l’Europe sud- orientale, ainsi qu’en Pologne, en Roumanie ; car les méthodes fascistes sont d’une grande importance pour la préparation et le déclenchement de la guerre impérialiste, particulièrement contre l’URSS.

Les persécutions et les mesures de répression contre les PC sont aggravées systématiquement ; les sections de l’IC dans tous les pays impérialistes sont menacées d’être bientôt réduites à une existence illégale.

§4. Tandis que se poursuivent les armements et de grandioses préparatifs de guerres impérialistes, la bourgeoisie et les pacifistes petits-bourgeois s’efforcent par des discours hypocrites de tromper les masses laborieuses sur la réalité des faits ; sous couleur de pacifisme et de politique «pacifique» ils essaient systématiquement de dresser le prolétariat contre l’US.

Dans la prochaine guerre, qui sera déclarée à l’US, le cri lancé par les bourgeois sera : «La guerre pour la paix ! Contre le bolchévisme destructeur de la civilisation !» La bourgeoisie et ses acolytes, les social-démocrates et petits- bourgeois pacifistes, parlent beaucoup de désarmement, de sécurité, d’arbitrage ; il s’agit, paraît-il, de mettre la guerre hors la loi ; tous ces bavardages ne peuvent que profiter à la politique nationaliste ; ce sont là des actes de profonde hypocrisie.

La SdN, qui a été constituée voilà neuf ans, comme association d’impérialistes pour maintenir la paix de Versailles, basée sur un traité de brigandage, et pour écraser le mouvement révolutionnaire dans le monde entier, devient de plus en plus l’instrument immédiat des préparatifs de guerre impérialiste contre l’URSS.

Toutes les alliances créées sous le protectorat de la SdN, tous les pactes ne servent qui dissimuler et à favoriser les préparatifs de guerre, particulièrement contre l’US.

§5. Les impérialistes ne peuvent poursuivre leur politique de guerre qu’avec la collaboration active de la social-démocratie internationale. La guerre mondiale de 1914-18 avait déjà montré les réformistes sous leur vraie figure de social-patriotes et de chauvins.

Depuis lors, la politique de la social-démocratie en est venue à s’affirmer ouvertement comme un social-impérialisme. Les leaders de la social-démocratie et des syndicats d’Amsterdam s’avèrent, sur toutes les questions décisives, non seulement les défenseurs, mais les militants actifs et l’avant-garde de l’impérialisme. Ils s’emploient tant qu’ils peuvent à favoriser les préparatifs de guerre impérialiste contre l’URSS.

Les leaders réformistes cherchent à accroître les scissions dans le mouvement ouvrier, en accentuant la lutte contre le mouvement communiste, en des dissensions dans les syndicats et dans les organisations des masses prolétariennes (en Allemagne et en Angleterre); ces procédés, au même degré que leur stratégie de défaitistes dans les grandes batailles économiques, tendent à renforcer la bourgeoisie, à affaiblir les positions du prolétariat et, par conséquent, à créer les conditions qui permettront à la bourgeoisie d’entreprendre de nouvelles guerres impérialistes.

Le prolétariat doit considérer avec la plus grande attention les méthodes au moyen desquelles la social-démocratie prépare idéologiquement la guerre contre l’US. Voici quelques-unes de ces méthodes : a) on répand des légendes comme celle de «l’impérialisme rouge» et du «militarisme rouge», on assimile le fascisme au bolchévisme, etc.; b) on affirme que la dictature du prolétariat serait une cause de guerre, ou qu’elle en serait du moins une des causes ; e) hypocritement, on prend cette position : «nous voulons soutenir les Soviets, mais nous nous opposons aux communistes et à l’IC»; on propage des opinions défaitistes sur le gouvernement soviétique, sous de fallacieuses formules «de gauche».

Les dangers de guerre nous ont fourni, en cette dernière année, plusieurs exemples de l’application de cette méthode, notamment chez les social-démocrates en Allemagne. Non moins nettement, ces procédés ont été employées chez les alliés de la social-démocratie, les trotskistes, qui, par exemple, sont venus nous parler «thermidor», d’un «envahissement de koulaks», etc.

Les soi-disant leaders «de gauche» de la social-démocratie que le 8e Plenum a caractérisés comme les ennemis les plus dangereux dans le mouvement ouvrier, ont entièrement justifié cette caractéristique par leur de trahison au cours de la dernière année et par leur conduite au Congrès de Bruxelles de la 2e Internationale : ce sont eux qui avec des phrases «de gauche» en des circonstances critiques, s’efforcent de tirer d’affaire aussi bien la bourgeoisie que les leaders réformistes de droite.

Ils disent du régime soviétique et du mouvement communiste que ce sont les ennemis du front unique prolétarien, les ennemis de la «paix universelle» et les alliés «de la réaction» pour induire en erreur et troubler les ouvriers ; ils facilitent ainsi à la bourgeoisie l’application de sa politique de guerre.

§6. Les événements des dernières années ont montré que le front principal de la politique de toutes les puissances impérialistes est de plus en plus nettement tourné contre l’US et la révolution chinoise.

Mais les antagonismes s’aggravent aussi entre puissances impérialistes se disputant l’hégémonie. Si la première guerre mondiale de 1914-18 a directement amené une révolution prolétarienne et sa victoire dans l’ancien empire des Tsars, si elle a développé le mouvement émancipateur dans les colonies, si elle a provoqué des soulèvements et des mouvements révolutionnaires des masses prolétariennes en Europe, la guerre prochaine éveillera de puissants mouvements révolutionnaires qui s’étendront aux ouvriers de l’industrie américaine, aux larges masses paysannes dans les pays d’économie agricole et aux nombreux millions d’habitants des colonies opprimées.

La crise du capitalisme, dont l’expression la plus nette est la guerre, peut provoquer un large mouvement révolutionnaire des masses, même avant que n’éclate le conflit.

Les communistes doivent grouper les masses, les organiser et les diriger dans ce mouvement comme dans la lutte quotidienne, afin d’obtenir par des actes révolutionnaires, la conquête du pouvoir par le prolétariat, le renversement de la bourgeoisie, l’établissement de la dictature prolétarienne.

Si, les communistes, en Europe, ne réussissent pas à accentuer la lutte quotidienne pour les revendications les plus urgentes des ouvriers et à la transformer en une lutte ouverte par le pouvoir, pour le renversement de la bourgeoisie, — dans les principaux États impérialistes, c’est seulement le renversement de la bourgeoisie qui pourrait empêcher une guerre, — cette lutte constante pour les intérêts immédiats des travailleurs.

Combinée avec celle qu’il faut mener contre l’impérialisme en général, augmentera considérablement l’activité de la classe ouvrière et gênera la bourgeoisie, tant dans ses préparatifs que dans ses entreprises de guerre.

Il est clair que les tentatives de guerre des impérialistes devant être différées, grâce aux manifestations de masses du prolétariat, il deviendra plus facile dans la suite de transformer cette guerre impérialiste en guerre civile, et, par conséquent, de renverser les impérialistes.

En tout cas, le prolétariat a de plus en plus de tendances vers la gauche, ainsi que les autres couches de travailleurs ; le mouvement dans les colonies et semi-colonies se développe formidablement ; cela crée une large base pour la diffusion de l’influence de l’IC et pour le renforcement de la lutte des communistes contre toute la politique de la bourgeoisie mondiale, qui mène aussi bien à aggraver l’exploitation et l’oppression qu’à déclencher des conflits et à provoquer des guerres.

2. — Le prolétariat devant la guerre

§7. La guerre est inséparable du capitalisme ! La lutte contre la guerre exige, avant tout, que l’on comprenne clairement, dans chaque cas particulier, de quelle guerre il s’agit et quelles en sont les causes.

Les réactionnaires tentent de justifier la guerre comme un phénomène naturel inévitable ; non moins réactionnaires sont ceux qui, par des plans utopiques, par des phrases vides de sens, par des traités, des pactes prétendent arriver à supprimer la guerre ; à tout cela prolétariat oppose la marxiste-léniniste, profondément méditée, qui est la seule base scientifique d’une lutte effective contre la guerre.

La cause originelle de la guerre, en tant que phénomène historique, ne réside pas dans «un mauvais principe» naturel, inné aux hommes, et non pas davantage dans une «mauvaise» politique des gouvernements ; cette cause réside dans la division de la société en classes, dont les unes se composent d’exploiteurs et les autres d’exploités.

Le capitalisme est la cause des guerres de l’histoire moderne. Ces guerres n’ont rien d’insolite, elles ne le contredisent pas aux bases du capitalisme et de la propriété privée sur les moyens de production, ni au système de concurrence et d’exploitation ; elles en sont les conséquences directes.

L’impérialisme, en tant que stade du capitalisme arrivé à la période des monopoles, accentue les antagonismes dans telle mesure que la «paix» n’est qu’une pause en attendant de nouvelles guerres.

La surface du globe et ses richesses économiques (exception pour les territoires où s’est établie la dictature du prolétariat) sur sont presque tout entières assujettis aux monopoles d’un petit nombre de grandes puissances. Mais comme le développement économique et politique des différents pays ne se fait pas à une cadence égale, il s’ensuit constamment la nécessité de refaire le partage du monde.

Et, en fin de compte, ce partage ne peut se faire que par des guerres entre les principales puissances impérialistes. D’autre part, l’exploitation de centaines de millions de prolétaires et d’esclaves dans les colonies ne peut être maintenue que par des guerres d’oppression où l’on verse beaucoup de sang.

La guerre est inséparable du capitalisme : donc, on ne peut «supprimer» la guerre qu’en supprimant le capitalisme ; donc, il faut renverser la classe des capitalistes-exploiteurs, il faut établir la dictature du prolétariat. Il faut construire le socialisme et l’on arrivera à faire disparaître les distinctions de classes. Toutes autres théories et propositions, si «réalistes» qu’elles puissent sembler, ne sont que tromperies et ne peuvent que prolonger le système de l’exploitation et des guerres.

C’est pourquoi le léninisme rejette toutes les théories pacifistes sur «la suppression de la guerre» en régime capitaliste, et indique aux masses ouvrières, à tous les opprimés, la seule voie qui conduise au but : le renversement du capitalisme.

§8. Mais le renversement du capitalisme n’est pas possible sans violence, sans insurrection armée, sans une suite de guerres du prolétariat contre la bourgeoisie.

À l’époque actuelle de guerres impérialistes et de révolution mondiale, il est inévitable, l’a prouvé Lénine, que des guerres civiles soient déclarées par prolétariat à la bourgeoisie ; on ne peut éviter des guerres de la dictature prolétarienne contre les États bourgeois et le capitalisme ; on ne peut éviter des guerres nationales-révolutionnaires des peuples opprimés contre l’impérialisme.

C’est pourquoi précisément, le prolétariat révolutionnaire, combattant pour le socialisme, combattant pour mettre fin à toutes les guerres, ne peut en aucune manière se prononcer indistinctement contre toute guerre.

N’importe quelle guerre procède uniquement de la politique de certaines classes qui recourent en certaines circonstances à «d’autres moyens», d’autres procédés de violence. Par conséquent, le prolétariat doit soigneusement analyser la signification historique et politique, le sens de classe de toute guerre qui se déclare, et il doit évaluer avec une attention particulière le rôle des classes dirigeantes dans tous les pays belligérants du point de vue de la révolution prolétarienne internationale.

L’époque actuelle nous oblige de distinguer trois genres de guerres : 1. guerres entre États impérialistes ; 2. guerres de contre- révolution impérialiste, dirigées contre des États prolétariens, contre les pays où l’on édifie le socialisme ; 3. guerres nationales- révolutionnaires, principalement dans les colonies, contre l’impérialisme, qui répondent à l’oppression et aux attaques des puissances.

Dans le premier cas. — et nous avons un exemple classique dans la guerre mondiale de 1914-18, — les deux parties mènent une guerre impérialiste réactionnaire.

Dans le deuxième cas. — par exemple l’intervention contre la Russie soviétique (1918-21), — ce sont les impérialistes seuls qui mènent la guerre réactionnaire. Et, en face d’eux, la dictature prolétarienne mène alors une guerre révolutionnaire, pour la cause da socialisme, dans l’intérêt du prolétariat mondial.

Dans le troisième cas. — par exempte dans la guerre que les impérialistes mènent contre la révolution chinoise, — c’est encore l’impérialisme qui se livre à des opérations de réaction et de brigandage ; mais la guerre que font les populations opprimées à l’impérialisme est juste : bien plus, elle est révolutionnaire, et, à l’époque actuelle, elle est un des moyens de propagation de la révolution prolétarienne mondiale.

Après avoir analysé ainsi, selon l’esprit marxiste, le caractère de chaque guerre, le prolétariat fixe sa position de principe et sa tactique. Le prolétariat lutte quand il y a guerre entre des États impérialistes : son point de vue est alors celui du défaitisme à l’égard de son propre gouvernement : il veut transformer la guerre impérialiste en guerre civile contre la bourgeoisie.

Le prolétariat des pays impérialistes adopte la même position de principe quand il s’agit d’une guerre d’oppression, dirigée contre un mouvement national- révolutionnaire, et notamment contre les peuples des colonies ; le prolétariat doit se conduire de la même façon s’il y a une guerre contre-révolutionnaire des impérialistes menaçant la dictature prolétarienne.

En même temps, le prolétariat soutient mène toutes les guerres nationales-révolutionnaires, toutes guerres du socialisme contre l’impérialisme, et organise la défense de la révolution nationale, de tout État où est établie la dictature prolétarienne.

§9. Tant que le prolétariat n’aura pas établi sa dictature, il devra, pour fixer sa tactique en temps de guerre dans son pays, analyser soigneusement et en détail la guerre en cours et chacune de ses phases. Des guerres nationales peuvent en effet devenir des guerres impérialistes.

On ne saurait suppléer l’analyse du caractère d’une guerre par l’examen de ses aspects formels, apparents, en considérant par exemple qu’il s’agit d’une agression. Dans la guerre de 1914, par exemple, il était absurde de s’en tenir à des apparences de ce genre ; cela ne pouvait servir qu’à duper les masses.

Dans les guerres des puissances impérialistes contre les États révolutionnaires, la question de ces apparences d’offensive doit être envisagée, non d’un point de vue stratégique, mais dans un sens historique et politique. Celui qui attaque le premier n’est pas nécessairement celui qui fait une guerre injuste : l’injustice est du côté de celui qui représente la réaction, la contre-révolution, l’exploitation, l’impérialisme, contre une révolution nationale ou prolétarienne.

On peut appliquer d’une façon mensongère l’argument de l’agression : les socialistes français nous en ont donné un exemple, en 1925, quand ils ont pris parti pour la France qui déclarait la guerre au Maroc soulevé : ils ont prétendu alors que c’était le Maroc qui attaquait : et en était ainsi en fait.

Ce fut aussi la position prise par les impérialistes-socialistes (Labour Party) quand la Grande- Bretagne intervint en Chine en 1927 : ils parlèrent alors de «protéger la propriété et les vies des sujets britanniques».

§10. De la de position de principe adoptée par le prolétariat, devant chaque guerre en particulier, dépend l’attitude qu’il doit adopter aussi dans la question de la «défense de la patrie».

Le prolétariat n’a point de patrie tant qu’il n’a pas conquis le pouvoir politique et n’a pas arraché les moyens de production à ses exploiteurs. L’expression de «défense de la patrie» est une de celles que l’on rencontre constamment, dans tous les milieux : elle sert simplement à justifier la guerre.

Quand le prolétariat où un État prolétarien luttent contre l’impérialisme, les travailleurs ont le devoir de défendre leur patrie socialiste. Dans les guerres nationales révolutionnaires, le prolétariat doit défendre son pays contre les impérialistes. Mais dans les guerres impérialistes, il doit, aussi énergiquement que possible, dénoncer «la défense de la patrie», qui n’est plus alors qu’une défense des exploiteurs et une trahison a l’égard du socialisme.

a) Le prolétariat lutte contre les guerres impérialistes

1) La lutte contre la guerre impérialiste avant son déclenchement

§11. La lutte des communistes contre la guerre diffère radicalement de la politique des pacifistes de toutes nuances. Les communistes ne considèrent pas séparément la lutte contre la guerre et la lutte de classes ; leur combat pour la paix fait partie de l’action générale entreprise par le prolétariat pour renverser la bourgeoisie.

Ils savent que les guerres impérialistes sont inéluctables, tant que subsistera la domination de la bourgeoisie.

Ceux qui auront considéré cette tendance objective de l’histoire, concluront peut-être qu’il serait absurde de lutter d’une façon plus spéciale contre la guerre. Bien plus : certains social-démocrates accusent même les communistes d’encourager les guerres impérialistes, dans l’esprit de hâter la révolution.

La première appréciation est une erreur. La deuxième est une stupide calomnie.

Bien que les communistes soient convaincus que la guerre impérialiste est inévitable, ils s’efforcent, dans l’intérêt des masses ouvrières et de tous les travailleurs auxquels ces guerres imposent les plus lourds sacrifices, ils s’efforcent, disons-nous, de lutter par tous les moyens, obstinément, contre la guerre impérialiste, et de la prévenir par la révolution prolétarienne.

Dans cette lutte, ils s’efforcent de grouper autour d’eux les masses, et ainsi, s’ils ne peuvent empêcher la guerre, ils tenteront du moins de la transformer en guerre civile pour renverser la bourgeoisie.

§12. Le premier devoir des communistes, dans leur lutte contre la guerre impérialiste, c’est de faire tomber le rideau derrière lequel la bourgeoisie prépare la guerre, et de montrer aux masses la véritable situation. Avant tout, cela signifie qu’il faut mener la lutte la plus acharnée, dans la politique et dans la propagande contre le pacifisme.

Les communistes doivent considérer soigneusement et discerner nettement toutes les nuances du pacifisme, que l’on peut présenter ainsi, en ne parlant que des principales : a) Il y a le pacifisme officiel qui sert aux gouvernements capitalistes à masquer leurs manœuvres, leurs intrigues entre eux et à l’égard de l’US (SdN, Locarno, Conférence du désarmement, «mise de la guerre hors la loi», etc.);

b) Il y a le pacifisme de la 2 e Internationale (Hilferding, Paul Boncour, Macdonald), qui n’est qu’une ramification du pacifisme officiel de différents gouvernements, mais qui décore sa rhétorique de phrases «socialistes» ou même «marxistes»;

c) Il y a le pacifisme «radical» ou «révolutionnaire» de certains socialistes «de gauche» qui reconnaissent les dangers de guerre et n’y opposent que des niaiseries. Souvent ils exagèrent, quand ils parlent de la violence destructive des armes les plus modernes, et ils le font à dessein de démontrer qu’une guerre prolongée serait impossible, ou bien qu’on n’arriverait pas à la transformer en guerre civile ;

d) Il y a un pacifisme teinté de religiosité, qui se base sur un mouvement clérical.

Dans leur lutte contre le pacifisme, les communistes doivent s’attacher soigneusement à faire la différence entre le pacifisme et les erreurs des masses populaires : celles-ci sont opposées à la guerre, elles sont disposées à l’empêcher, mais elles ne voient pas encore le seul chemin qui leur permettrait d’atteindre le but, celui de la révolution : elles sont donc victimes d’imposteurs, de ceux qui représentent les diverses tendances pacifistes.

Les communistes, qui ont l’obligation d’expliquer sans relâche aux masses leurs erreurs et de les amener au front révolutionnaire pour la lutte contre la guerre, doivent lutter implacablement contre les mensonges des pacifistes et dénoncer infatigablement ceux-ci ;

e) Le pacifisme «coopératif» qui existe sous ce nom, joue un rôle particulier : il repose sur l’Alliance Coopérative Internationale et sur la Guilde Coopérative Internationale des Femmes à Londres. À ces organisations on peut rattacher celles de la bourgeoisie de gauche, comme par exemple, la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté.

§13. Plus les dangers de guerre sont pressants et évidents, plus devient dangereuse la tendance de ce qu’on appelle le «pacifisme radical» qui est, actuellement, représenté surtout par les social- démocrates de «gauche» en Allemagne, par le Labour Party indépendant en Angleterre et par les social-démocrates de plusieurs petits États (dont la Hollande et la Norvège): dans cette tendance, on donne comme mots d’ordre de belles phrases comme ceci : «qu’il n’y ait plus jamais de guerre»; «boycottons la guerre»; «grève générale en réplique à toute déclaration de guerre»; «grève militaire», etc. De ces phrases, les leaders réformistes se servent largement pour duper les masses. (C’est ainsi que l’Internationale d’Amsterdam parle de grève générale).

Dans les instructions que Lénine donnait à la délégation syndicale des Soviets, envoyée à la Conférence de la Paix, à La Haye, en décembre 1922, il attirait très justement toute l’attention des camarades sur la lutte à mener contre cette variété de pacifisme.

Cette précaution a encore aujourd’hui toute sa valeur parce que, même dans les rangs communistes, il subsiste encore, inconsciemment, de forts préjugés et des déviations sur cette question. C’est pourquoi il est nécessaire :

a) De réagir contre des phrases bruyantes comme celles-ci : «nous ne tolérerons plus la guerre»; «qu’il n’y ait jamais plus de guerres». Les communistes ne peuvent pas se borner seulement à corriger ces mots d’ordre, ils doivent mener une lutte active contre cette agitation, en dénonçant ceux qui l’inspirent, en en démontrant le vrai caractère, qui est de dissimuler les préparatifs de guerre.

En de nombreux cas, on peut en dire autant du mot d’ordre «guerre à la guerre» que les social-démocrates lancent hypocritement comme une promesse, dans le but de duper les masses ;

b) Il faut lutter contre les propositions des pacifistes «radicaux» qui prétendent prévenir les guerres. Les communistes ne peuvent pas se borner à dénoncer ces gens-là comme des phraseurs qui ne font rien pour réaliser leurs propositions si joliment radicales (grève générale, grèves militaires).

Les communistes doivent montrer toute la fausseté de ces propositions pacifistes, toute leur puérilité, en expliquant aux masses la situation véritable dans laquelle éclate la guerre, en démontrant qu’il est impossible de limiter la lutte à des méthodes déterminées, mais qu’il est indispensable de recourir à toutes les formes de la lutte de classes ;

c) Il faut mener une lutte implacable et opposer ouvertement la critique contre toutes les manifestations qui seraient faites à l’étourdie, au sujet des dangers de guerre, dans les rangs de nos PC. Cela est particulièrement indispensable à l’égard des erreurs que les nôtres commettraient dans leurs articles, dans la presse et dans leurs discours aux parlements. En aucun cas, il n’est pas admissible que l’on fasse le silence sur des erreurs de ce genre.

§14. Tout en combattant le pacifisme et en s’opposant aux phrases révolutionnaires trop légèrement lancées, les communistes doivent remplir, dans leur lutte contre la guerre impérialiste, un certain nombre de tâches d’agitateurs et de propagandistes. Ces tâches, les voici :

a) Ils doivent réfuter en temps utile les sophismes et les phrases à l’aide desquelles la bourgeoisie et la social-démocratie essaient de justifier la guerre. Au premier plan, en ce sens, signalons le mot d’ordre de «défense de la patrie».

La guerre faite à la Chine en 1927, a montré ce que valaient des mots d’ordre comme «la défense des vies et des propriétés», «la protection du commerce», «l’honneur du drapeau», etc.

Durant la dernière guerre impérialiste, l’Entente, pour mobiliser les masses, parlait de «luttes contre le militarisme prussien»; les puissances de l’Europe centrale parlaient de «lutte contre le tsarisme».

Dans la prochaine guerre de l’Italie avec la France ou avec la Yougoslavie, on parlera de «lutte contre le fascisme réactionnaire»; la bourgeoisie, française ou serbe, utilisera les sentiments antifascistes des masses populaires pour justifier une guerre impérialiste.

D’autre part, le fascisme, pour qu’on accepte sa politique de force, sa politique impérialiste, fait valoir que la péninsule est surpeuplée, qu’il y a une nécessité naturelle d’expansion, etc. Les PC ne se sont pas encore suffisamment appliqués à dénoncer tous ces sophismes.

b) «Il faut expliquer sans relâche, inlassablement, aussi concrètement que possible, comment les choses se sont passées durant la dernière guerre, et comment elles ne pouvaient se passer autrement. Il faut en particulier montrer que «la défense de la patrie» sera nécessairement mise en question, et que l’immense majorité des travailleurs résoudra nécessairement ce problème au profit de la bourgeoisie.» (Lénine)

«Utilisant la récente expérience de la guerre, nous devons faire comprendre qu’une multitude de questions théoriques et pratiques se poseront dès le lendemain de la déclaration de guerre, et que la majorité des mobilisés sera dans l’impossibilité d’examiner ces questions avec plus ou moins de lucidité, en conscience et sans prévention.» (Lénine)

«Il faut expliquer aux gens les réalités des circonstances qui font le mystère dans lequel naît la guerre, et l’impuissance des organisations ouvrières, même soi-disant révolutionnaires, devant une guerre imminente.» (Lénine)

Les bolchéviks qui avaient leur organisation clandestine bien agencée, ont été le seul Parti qui ait pu continuer un travail révolutionnaire contre la guerre. Mais ils n’ont pas pu empêcher les masses d’accepter le moi d’ordre de «la défense de la patrie»; encore moins ont-ils pu empêcher la guerre ; et pourtant, alors, la lutte de classes du prolétariat en Russie prenait un élan et, dans les rues de Pétersbourg, quelques semaines avant la déclaration de guerre, des barricades avaient surgi.

Il faut d’abord donner une sérieuse explication des immenses difficultés d’une lutte effective contre la guerre ; on pourra seulement alors examiner les problèmes de tactique de cette lutte ;

c) Enfin, il faut expliquer en détail aux masses ouvrières, l’expérience de la dernière guerre mondiale (1914-18), les différentes

tendances dans le mouvement ouvrier, la lutte des bolchéviks contre la guerre et leur mot d’ordre essentiel : «transformation de la guerre impérialiste en guerre civile».

§15. Ce travail d’agitation et de propagande doit être exactement combiné avec l’activité révolutionnaire quotidienne du Parti dans les masses. Ce sont là les plus importantes obligations dans la lutte contre la guerre impérialiste avant qu’elle soit déclenchée.

a) Le travail du Parti dans les entreprises et dans les syndicats doit en premier lieu viser les branches industrielles pour la mobilisation et la conduite de la guerre : la métallurgie, les produits chimiques, les transports. On attribuera une toute particulière importance de l’application juste du front unique prolétarien, dont les résultats devront être consolidés sous forme d’organisations, comités d’action, etc.

b) Étant donné que, dans la plupart des pays, c’est la classe paysanne qui constitue la masse de l’armée, on s’attachera particulièrement à la propagande antimilitariste parmi les paysans.

Ce travail sera favorisé par l’hostilité qui, presque partout dans les campagnes, s’affirme contre la guerre.

La bourgeoisie s’efforce de maintenir son influence sur les campagnes et d’exciter la «combativité» des paysans ; elle recourt pour cela à l’intervention des gros propriétaires, des paysans riches, des organisations d’anciens combattants, de la presse, de l’Église et de diverses méthodes fascistes ou pacifistes.

À cette activité, les communistes doivent opposer la leur dans les villages en y accentuant la lutte de classes, ils doivent faire dans les masses paysanne de la propagande contre la guerre en basant sur l’expérience de la guerre mondiale, en combinant leur propagande avec la lutte pour les revendications économiques des paysans pauvres ; ils doivent expliquer l’attitude du prolétariat à l’égard de la guerre ; ils doivent faire du travail fractionnelle dans les syndicats réactionnaires de paysans ; ils doivent organiser, contre la guerre, des Conférences de paysans pauvres et dans leur propagande au sein de l’armée, tenir compte des intérêts spécifiques de ces derniers.

c) Les mouvements nationaux dans les Balkans, en Pologne et ailleurs doivent jouer un rôle très considérable dans la lutte contre le danger de guerre impérialiste et pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile. La lutte contre le danger de guerre impérialiste dans ces pays se rattache étroitement à celle qu’il faut mener contre les survivances du féodalisme, contre l’oppression nationale, dans le but développer une révolution agraire et nationale.

C’est pourquoi c’est un problème d’extrême importance pour les PC que celui de créer et d’élargir les blocs révolutionnaires du prolétariat, des paysans et des nationalités opprimées contre le capitalisme, contre les dangers de guerre impérialiste.

d) C’est est une question d’une importance décisive que le travail parmi les jeunes, et, avant tout, dans la jeunesse ouvrière. Tous les communistes, et pas seulement les organisations de nos jeunesses, doivent lutter avec la plus grande énergie contre les organisations sportives bourgeoises, contre les organisations fascistes, les écoles militaires, etc., dans lesquelles la bourgeoisie prépare les jeunes gens pour la guerre impérialiste.

Ensuite, il faut lutter contre la préparation militaire des jeunes gens avant la caserne, comme on la pratique dans les pays bourgeois.

Là où cette préparation aurait un caractère obligatoire, les communistes invitent les jeunes ouvriers à y prendre part, et organisent dans ces formations leur propagande pour éclairer la jeunesse et bien provoquer la décomposition des organisations militaires bourgeoises. Le même travail doit être fait dans les organisations de volontaires et associations de citoyens pour la préparation militaire.

Dans ce but, les PC et la direction des jeunesses délèguent en mission certains de leurs membres à ces organisations, mais ils n’invitent pas la jeunesse ouvrière à en faire partie ; ils demandent à celle-ci d’entrer dans les organisations prolétariennes de défense ou de créer des organisations de ce genre.

c) Étant donnée l’importance du rôle des femmes dans l’industrie, surtout en cas de guerre, le travail parmi les ouvrières et les femmes d’ouvriers s’impose particulièrement ; il faut combattre l’influence que peuvent avoir sur elles les impérialistes par l’intermédiaire des organisations petites-bourgeoises ; il faut les organiser en syndicats et autres groupements de masses prolétariennes.

Il faut particulièrement tenir compte des plans de militarisation des femmes et considérer aussi avec une grande attention l’accroissement (c’est un fait) de l’influence exercée sur elles par les organisations pacifistes, confessionnelles et nationalistes de la bourgeoisie. Aucune négligence à l’égard de cette propagande ne saurait être admise ; ce travail ne saurait être laissé seulement aux femmes communistes ; c’est une erreur d’appréciation qu’il faut détruire par tous les moyens.

f) L’activité antimilitariste, le travail dans l’armée et la flotte, parmi les conscrits et les réservistes, dans les organisations de défense bourgeoise, où les éléments prolétariens doivent être fortement représentés, — voilà un tout organique, constituant le travail révolutionnaire du Parti dans les masses, travail qui doit atteindre tous les ouvriers.

§16. Lénine estimait que «le seul moyen» de poursuivre tout le travail révolutionnaire après la déclaration de guerre serait de créer une organisation clandestine. Il faut également qu’il y ait une organisation illégale pour lutter contre la guerre avant même la déclaration du conflit. C’est un problème des plus importants dont l’étude pratique a été menée jusqu’à présent d’une façon très insuffisante : on l’a trop négligé et l’on n’y voit pas encore bien clair.

Dans certains cercles de plusieurs de nos Partis, on garde ce préjugé nettement opportuniste de confier le travail de propagande antimilitariste uniquement aux jeunesses ou à des organisations spéciales, comme si le travail dans l’armée n’était pas obligatoire pour l’ensemble du Parti.

Il faut résolument réagir contre cette manière de voir et commencer dès à présent le travail selon l’esprit des directives de Lénine. Les tâches à accomplir sont les suivantes :

a) Élargir le réseau de nos cellules de fabriques et d’usines qui, par suite de la terreur exercée par le patronat et par les régimes policiers, devront toutes, en des circonstances déterminées, se replier dans l’illégalité, dans une situation clandestine ; tout sera pour préparer cette manœuvre.

b) On préparera les organes de direction, l’appareil de liaison, ainsi que les organes de la presse du Parti dont le fonctionnement devra être assuré, même sous le régime de répression le plus sévère.

Sans renoncer à utiliser toutes les possibilités que leur offre la légalité, les PC doivent, dès à présent, s’appliquer très activement à l’étude de ces problèmes. S’ils négligeaient ce devoir, le régime de terreur qui doit être établi dès la déclaration de guerre et dont nous avons déjà des symptômes dans plusieurs pays, anéantirait forcément les organisations du Parti et compromettait ainsi les ressources essentielles d’une lutte révolutionnaire contre la guerre.

§17. Les PC doivent actuellement concentrer tous leurs efforts sur la préparation, la conquête et l’organisation des masses pour la lutte contre la guerre impérialiste.

Les batailles du prolétariat et des autres éléments laborieux contre le renforcement de l’exploitation et de l’oppression — sur des questions de salaires, d’heures de travail, d’impôts, d’habitations, de politique sociale, d’injustices, de persécutions et de renforcement du danger fasciste — ne doivent pas être limitées aux seules revendications du mouvement ; elles doivent toujours se rattacher nettement à la lutte contre la politique de guerre impérialiste ; toutes les questions importantes de politique extérieure, d’armements, de mise en œuvre de nouvelles ressources militaires, etc., doivent être soumises à l’examen des masses et utilisées pour des manifestations révolutionnaires.

Dans cette lutte, le PC, sans cesser d’évaluer raisonnablement ses forces, doit hardiment et résolument prendre la tête des masses. Il doit organiser des manifestations, des grèves de protestation contre la politique de guerre de la bourgeoisie impérialiste et, au moment voulu, poser devant les masses la question de la grève générale et d’autres formes de luttes encore plus sérieuses.

2) La lutte en temps de guerre impérialiste

§18. Le programme politique des communistes en temps de guerre impérialiste est celui-là même que le Parti des bolchéviks, sous la direction de Lénine, avait élaboré et a appliqué dans sa lutte héroïque contre la première guerre mondiale. Les points essentiels de ce programme sont les suivants :

a) Refus de détendre la patrie impérialiste dans une pareille guerre ; on expliquera aux ouvriers et aux paysans le caractère réactionnaire de la guerre ; on combattra très énergiquement toutes les tendances du mouvement ouvrier qui essaieraient, ouvertement ou par des détours, de justifier la guerre ;

b) Défaitisme : on contribuera, dans chaque pays, à la défaite du gouvernement impérialiste dont on est sujet ;

c) Véritable internationalisme : non plus en phrases «internationalistes» ni en «accords» de pure forme ; mais un véritable travail révolutionnaire défaitiste du prolétariat dans tous les pays belligérants, ayant pour objet, dans chaque pays, le renversement de la bourgeoisie dirigeante ;

d) Transformation de la guerre impérialiste des États en guerre civile du prolétariat contre la bourgeoisie. Pour la dictature du prolétariat, pour le socialisme, par des manifestations révolutionnaires de masses à l’arrière et par la fraternisation sur le front ;

c) Une paix «juste» ou «démocratique» à la fin d’une guerre impérialiste est impossible si la bourgeoisie n’a pas été renversée, si le pouvoir n’a pas été pris par le prolétariat dans les principaux États belligérants. C’est pourquoi le mot d’ordre essentiel doit être non la paix, mais la révolution prolétarienne. Les communistes doivent lutter énergiquement contre toutes les phrases sur la paix qui deviennent, à un certain moment, le principal instrument idéologique de la bourgeoisie empêcher que sa guerre ne se transforme en guerre civile.

On ne peut pas limiter le travail à la propagande de ce programme ; il est indispensable de conquérir les masses ouvrières à la lutte pour ce programme en appliquant la tactique du front unique par en bas.

§19. «Transformer la guerre impérialiste en guerre civile», cela veut dire, avant tout, qu’il y aura des manifestations révolutionnaires de masses. Les communistes renoncent délibérément à employer tous les prétendus «moyens» de lutte contre la guerre qui empêchent le développement des manifestations révolutionnaires de masses.

Par conséquent, ils repoussent aussi les actes individuels qui ne se rattachent pas à l’action révolutionnaire des masses ou qui n’en favorisent pas le développement ; ils combattent la propagande de ces recettes contre la guerre qui sont en faveur parmi les éléments petits- bourgeois dans le mouvement ouvrier, comme, par exemple, le «refus de porter les armes», «le refus de tirer», etc.

Ces pauvres moyens sont encore largement recommandés dans les masses et bien des ouvriers croient sérieusement qu’on peut arriver par là à quelque chose.

En réalité, cette propagande est absurde et nuisible. Les communistes doivent dire aux ouvriers que la lutte contre la guerre n’est pas l’acte d’un seul homme à un moment déterminé ; que les manifestations révolutionnaires de masses des ouvriers et des paysans pauvres, à l’arrière comme au front, pour renverser la bourgeoisie, et la lutte à main armée sont les seuls moyens à employer, auxquels tous les autres doivent être subordonnés.

En combattant les recettes en question, qui nuisent à l’action des masses, les communistes éveillent dans la classe ouvrière l’héroïsme révolutionnaire pour la lutte contre la guerre impérialiste.

§20. C’est toujours du point de vue de la transformation de guerre impérialiste en guerre civile que les communistes apprécient la question de la grève générale contre la guerre.

Ils ne peuvent considérer la grève générale, en soi, comme un moyen de lutte contre la guerre. Dés 1907, Lénine combattait le point de vue de Gustave Hervé, repoussant le mot d’ordre de la grève générale, cette «panacée» qu’on proposait sans tenir compte des circonstances et de la situation concrète, indépendamment de l’ensemble de la lutte de classes du prolétariat.

En 1922, Lénine adoptait sur ce point une position encore plus nette, d’après l’expérience de la guerre mondiale.

Les indications et instructions données ce sujet par Lénine aux délégués pour la Conférence de La Haye restent entièrement valables jusqu’à présent : il est possible de «répliquer» à la guerre par la grève, de même qu’il est impossible d’y «répliquer» par la révolution dans le sens le plus simple et le plus littéral de ces termes.

Mais si les communistes repoussent le mot d’ordre de «la grève générale en réplique à la guerre», et préviennent les ouvriers contre de telle illusions. Qui ne peuvent que nuire à la véritable lutte contre la guerre, ils ne renoncent pas pour cela la grevé générale, envisagée comme un des moyens de lutte, et ils considèrent comme une déviation opportuniste, à rejeter résolument, le refus de se servir de ce moyen.

Avec d’autres actions de masses (manifestations, grèves dans les usines qui travaillent pour la défense nationale, grève des transports, etc.), la grève générale, mobilisant les masses, est un des principaux moyens de lutte et, comme transition vers le soulèvement armé, est un des stades à franchir pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile.

Cependant, cette transformation ne dépend pas seulement de la volonté du Parti ; elle suppose une situation révolutionnaire, la capacité et les dispositions du prolétariat à opérer en masse, etc., toutes conditions qui n’existent pas encore à la déclaration de guerre, mais seulement au cours du conflit.

Et même durant la guerre, la grève générale ne vient pas toute seule, elle est le résultat d’un flux grandissant d’actes révolutionnaires de masses (manifestations, grèves partielles, etc.) et du côté des communistes d’une préparation persévérante de lourds sacrifices.

La grève générale en temps de guerre donnera sans aucun doute des résultats révolutionnaires plus vite qu’en temps de paix ; mais il ne sera nullement plus facile de la préparer et de l’organiser.

La bourgeoisie prendra ses mesures de précaution ; elle répondra à la grève par la mobilisation des ouvriers grévistes ou par la militarisation des entreprises.

C’est pourquoi les communistes ne peuvent, même en temps de guerre, se borner à une propagande abstraite de la grève générale ; ils doivent continuer leur travail révolutionnaire quotidien dans les entreprises et les syndicats, détendant toujours les revendications économiques des ouvriers, rattachant ces revendications à la propagande contre la guerre, organisant des Comités révolutionnaires d’usines, conquérant la base des organisations syndicales, éliminant des organisations les éléments social-patriotes, et quand la base sera conquise, faisant élire de nouveau organes dirigeants à opposer à ceux des réformistes, organisant malgré ces derniers, déclenchant et élargissant des grèves partielles, etc.

La grève générale ne doit pas être un mit d’ordre en l’air, elle doit plutôt être le but et le résultat de tout ce travail pratique.

Dans ce cas, le prolétariat révolutionnaire doit se préparer, si la grève générale réussit, à la diriger fermement, en des circonstances favorables, vers une insurrection armée.

§21. Toujours du point de vue de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, les communistes repoussent le mot d’ordre du refus du service militaire (boycottage de la guerre) que préconisent certains pacifistes «radicaux» et social-démocrates de «gauche»

a) L’idée de rendre la guerre impérialiste impossible en demandant aux mobilisés de ne pas répondre à l’appel, est aussi illusoire que l’idée de la grève générale comme «réplique» à la guerre.

Ceux qui recommandent cette recette affaiblissent la vraie lutte révolutionnaire contre la guerre.

b) Quand bien même ce «boycottage de masses» réussirait partiellement, il en résulterait que les ouvriers les plus résolus, les plus conscients, ne se trouveraient pas dans l’armée. Le travail systématique des révolutionnaires dans l’armée — une des tâches essentielles de la lutte coutre la guerre — ne pourrait être accompli.

C’est pourquoi Lénine avait parfaitement raison quand il écrivait, en 1922, d’après l’expérience de la guerre mondiale : «Boycotter la guerre, c’est une phrase stupide. Les communistes doivent marcher pour n’importe quelle guerre réactionnaire.»

Mais cette directive de Lénine à l’égard du service militaire ne signifie pas que les communistes doivent faire de l’agitation dans les masses ouvrières pour qu’elles s’engagent dans l’armée bourgeoise.

Elle signifie que les communistes doivent résolument lutter contre le mot d’ordre du boycottage, qui ne peut que nuire et engendre des illusions, qu’ils doivent travailler pour la révolution et l’organisation des masses dans l’armée bourgeoise, pour l’armement du prolétariat, pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile.

C’est pourquoi, quand se pose la question de l’entrée dans l’armée bourgeoise, ou bien celle du refus de porter les armes (boycottage), les communistes doivent conseiller aux ouvriers et aux paysans pauvres d’accepter le service militaire, d’apprendre à se servir des armes, de faire dans l’armée du travail révolutionnaire, afin de pouvoir, le moment venu, tourner leurs armes contre la bourgeoisie.

Si au moment d’une déclaration de guerre se dessine un grand mouvement de masses, tendant à refuser le service militaire, il faut que les communistes soient dans les rangs de ce mouvement qu’ils lui donnent un caractère révolutionnaire, qu’ils émettent des revendications concrètes et des mots d’ordre d’action de masses contre la guerre impérialiste ; il faut enfin qu’ils utilisent au maximum ce mouvement pour révolutionner les masses.

Mais, en des cas pareils les communistes doivent combattre l’idéologie, le mot d’ordre pacifiste du boycottage. Ils doivent en toute franchise déclarer que ce moyen de lutte est insuffisant, qu’on rien fait quand on a simplement refusé de porter les armes ; ils doivent expliquer aux masses la seule juste méthode de lutte contre la guerre impérialiste est de chercher à transformer celle-ci en guerre civile. Il faut faire une propagande énergique pour que l’on comprenne la nécessité du travail révolutionnaire dans l’armée bourgeoise.

Si la situation générale le permet, les communistes doivent utiliser des mouvements de masse de ce genre pour constituer des détachements de Partisans et pour développer immédiatement la guerre civile. Ceci se rapporte principalement aux pays où il existe un puissant mouvement national-révolutionnaire.

Dans ces pays, si la guerre est déclarée, ou bien durant la guerre (surtout si elle se fait contre l’US), et si la situation est favorable, les communistes peuvent lancer le mot d’ordre d’un soulèvement national-révolutionnaire contre les impérialistes et de la formation immédiate de troupes de Partisans.

§22. Dans les pays où le service militaire n’est pas obligatoire, le gouvernement, au début de la guerre, ouvrira une campagne pour obtenir des engagements et, en cas de nécessité, établira le service universel obligatoire. Bien entendu, dans ces pays, la lutte des PC a aussi pour but de transformer la guerre impérialiste en guerre civile.

Mais, dans les cadres cette lutte, les communistes doivent également réagir contre la propagande bourgeoise réclamant des volontaires ; ils doivent aussi lutter contre l’établissement du service militaire obligatoire.

Cependant, on se gardera bien de laisser croire aux ouvriers qu’en refusant d’entrer dans l’armée et en combattant toute loi qui tendrait à établir le service militaire universel, on pourrait empêcher la guerre : ce serait une illusion ; et elle aurait pour effet d’incliner les travailleurs à juger inutile le travail révolutionnaire dans l’armée.

Il faut bien expliquer aux masses que cette lutte sur un terrain secondaire n’est pas tout dans la bataille générale engagée contre la guerre impérialiste. Il faut organiser le travail révolutionnaire dans l’armée et en déclarer nettement, ouvertement par la propagande, la nécessité.

§23. Pour la transformation la guette impérialiste en guerre civile, le travail révolutionna ire sur le front est de la plus haute importance. En cela, les communistes ne doivent pas se borner à une simple propagande ; ils doivent lancer des mots d’ordre d’action qui correspondront à la situation concrète.

a) Lorsque les soldats élèvent des revendications économiques et des plaintes, on recourra aux moyens du refus collectif de servir ou du sabotage ; on organisera également certaines grèves de soldats et de matelots.

b) Le principal mot d’ordre d’action sur le front, c’est celui de la fraternisation. Le but est de rapprocher les soldats, les ouvriers et les paysans, des deux côtés des tranchées et de les unir contre les généraux de la bourgeoisie.

L’expérience de la dernière guerre mondiale a démontré que la fraternisation de masses amène inévitablement une décomposition des armées, un regroupement de classes, et une lutte armée entre soldats et officiers. Les communistes à l’armée sont tenus d’organiser la fraternisation, en lui donnant une couleur politique bien nette, avant tout, en ce qui concerne la question de la paix et l’organisation des forces révolutionnaires dans l’armée.

3) La guerre civile du prolétariat contre la bourgeoisie §24. La guerre impérialiste de 1914-18 s’est transformée, dans un certain nombre de pays de l’Europe orientale et centrale, en une guerre civile qui a permis au prolétariat russe de remporter la victoire.

Les leçons de la révolution d’Octobre ont une signification décisive en ce qui concerne l’attitude du prolétariat à l’égard de la guerre, Elles montrent : 1) que, dans ses guerres impérialistes, la bourgeoisie est forcée d’armer les ouvriers, mais qu’aux moments critiques, dans les défaites, etc., elle perd le contrôle des masses armées ;

2) qu’une lutte poursuit logiquement contre la guerre suppose un travail pour révolutionner la masse des soldats, c’est-à- dire pour préparer la guerre civile ;

et 3) que les guerres civiles exigent une préparation sérieuse du prolétariat et de son Parti.

L’expérience des années qui suivirent, — 1919 et 1923 en Allemagne, 1923 en Bulgarie, 1924 en Esthonie, juillet 1927 à Vienne, en Autriche, — montre que la guerre civile du prolétariat est provoquées nous seulement par les guerres impérialistes de la bourgeoisie, mais aussi par la situation «normale» du capitalisme contemporain qui aggrave au dernier degré la lutte de classes et crée des situations révolutionnaires.

Les soulèvements du prolétariat a Shanghai en mars 1927, et à Canton, en décembre de la même année, comportent aussi d’importantes leçons pour le prolétariat, surtout les nations opprimées, pour les colonies et semi-colonies. Les événements de Shanghai, en particulier, montrent comment l’insurrection prolétarienne peut servir d’arme dans une guerre nationale contre l’impérialisme et ses laquais.

Cette expérience oblige les communistes, dans leur lutte contre les guerres impérialistes et contre-révolutionnaires, à poser, avant tout, nettement, devant les masses, les problèmes de la guerre civile prolétarienne, à étudier les leçons de ces soulèvements et à se les assimiler.

§25. Ces leçons, les voici :

a) Pour les conditions primordiales d’un soulèvement Il faut qu’il y ait une situation révolutionnaire, c’est-à-dire une crise du pouvoir des classes dirigeants, causée, par exemple, par des défaites militaires.

Il faut que, plus que d’ordinaire, la situation des masses soit devenue pénible et l’oppression plus dure à supporter, que les masses soient plus actives et prêtes à lutter pour le renversement du gouvernement par la révolution ; il faut qu’il y ait un PC éprouvé, dont l’influence s’étende sur les couches les plus actives du prolétariat.

b) Pour ce qui est de la préparation du soulèvement L’insurrection doit s’appuyer non seulement sur le Parti dirigeant, mais sur les masses ouvrières.

Le travail de préparation dans les organisations des masses prolétariennes, et en tout premier lieu dans les syndicats, leur participation active aux préparatifs d’insurrection, la création d’organes insurrectionnels pour le groupement des masses, tout cela est de la plus haute importance. Les problèmes de l’insurrection doivent être posés devant les masses.

L’insurrection doit s’appuyer sur l’élan révolutionnaire de toute la population laborieuse et avant tout sur les éléments semi-prolétariens et sur les paysans pauvres.

Il est indispensable de travailler énergiquement à provoquer la décomposition de l’armée bourgeoise ; au moment de l’insurrection, la lutte s’engage pour la conquête de l’armée.

L’organisation de l’insurrection et la préparation militaire doivent compter parmi les tâches les plus importantes, dans le travail entrepris parmi les masses prolétariennes, ainsi que dans les colonies et semi-colonies.

Pour fixer le moment où doit se déclencher l’insurrection, on tiendra compte de toutes ces considérations objectives et subjectives.

La date définitive ne pourra être bien choisie que s’il y a déjà un contact étroit entre le Parti et les masses du prolétariat révolutionnaire.

c) En ce qui concerne l’application même de la décision prise, on tiendra compte pour règle générale, qu’il ne faut pas jouer avec une insurrection ; dès qu’on a provoqué le soulèvement, il est indispensable de poursuivre très énergiquement l’offensive jusqu’à écrasement définitif de l’adversaire.

Toutes tergiversations amènent nécessairement à la défaite du mouvement armé ; il est indispensable de jeter le gros des forces dont on dispose contre les forces principales de l’adversaire ; il faut faire en sorte qu’au moment décisif, sur le point stratégique le plus important, la victoire soit du côté du prolétariat, il est indispensable de propager sans retard l’insurrection sur le plus large terrain possible.

Il faut de l’art dans une insurrection : c’est avant tout un problème de politique et non pas seulement de science militaire. La direction d’un soulèvement ne peut appartenir qu’à un Parti révolutionnaire. Au moment de l’insurrection, le Parti doit subordonner toute son activité aux besoins de la lutte armée.

b) Le prolétariat défend l’US contre l’impérialisme §26. La guerre des impérialistes contre l’US est, de toute évidence, une guerre de classe, une guerre contre-révolutionnaire de la bourgeoisie contre le prolétariat.

Elle a pour principal but de renverser la dictature du prolétariat et d’établir un régime de terreur blanche contre la classe ouvrière et les masses laborieuses dans tous les pays.

La tactique du prolétariat des pays capitalistes, dans la lutte contre cette guerre, se base avant tout sur le programme bolchévik de lutte contre la guerre impérialiste : il faut transformer cette guerre des bourgeoisies en guerre civile.

Cependant, les méthodes et les problèmes de la lutte, tant avant que pendant la guerre, doivent être adaptés aux conditions concrètes de la préparation de cette guerre et à son caractère de classe.

La tactique subit d’importantes modifications dans la mesure où c’est «l’adversaire», pour les soldats d’une attaque armée lancée par un État impérialiste, est un pays de dictature prolétarienne et non pas une autre puissance impérialiste.

§27. En concrétisant la question du travail de propagande, à l’occasion d’une guerre impérialiste ou de préparatifs de guerre contre l’US, il est nécessaire de noter ce qui suit :

a) Le pacifisme, (dissimulant les préparatifs de guerre, est, pour ces derniers, un adjuvant très important.

C’est pourquoi il est indispensable de renforcer la lutte contre le pacifisme et contre ses mots d’ordre spécifiques : contre la SdN qui dirigera la prochaine guerre déclarée à l’US au nom de la «civilisation» et de la «paix» ; contre le «pacifisme réaliste» qui considère l’US, ainsi que les révolutions prolétariennes et coloniales, comme menaçant la paix : contre le pacifisme «radical» qui veut, sous prétexte de s’opposer à «toute guerre» discréditer l’idée de la défense du pouvoir soviétique.

b) La social-démocratie en vient à préparer activement la guerre contre-révolutionnaire, la guerre contre le pouvoir soviétique. C’est pourquoi il est indispensable de renforcer par tous les moyens la lutte contre les leaders social-démocrates de droite comme de «gauche», ainsi que contre leurs acolytes, les trotskistes et les anarcho-syndicalistes.

Avant tout il est nécessaire de dénoncer et de discréditer dans les masses divers mots d’ordre et arguments dont ces éléments se serviront pour essayer de justifier une guerre faite à l’URSS : «lutte pour la démocratie, contre la dictature»; «dégénérescence»; «thermidor» du pouvoir soviétique ; et autres fables sur «l’impérialisme rouge»; et d’autres mots d’ordre comme celui de la «neutralité en cas de guerre» etc.

§28. La classe ouvrière internationale et les larges masses des travailleurs, voyant en l’US leur défenseur, la considèrent avec de plus de sympathie.

Si, en outre, on remarque que la guerre impérialiste contre l’URSS en tant que guerre de classes, sera comprise par les masses ouvrière vite que ne le fut la guerre de 1917 ; que les masses ont maintenant l’expérience de la première guerre impérialiste mondiale et que l’avant-garde du prolétariat trouve dans l’IC une solide organisation révolutionnaire, on peut affirmer que les possibilités de lutte contre la guerre se sont accrues, que les conditions premières sont acquises pour l’application d’une tactique plus hardie.

a) Il est beaucoup plus facile à présent qu’en 1914 de prévenir une guerre, en renforçant la lutte de classes, en la poussant jusqu’à des manifestations des masses révolutionnaires contre le gouvernement qui aurait l’intention de déclarer la guerre à l’US.

Les ouvriers anglais ont donné un exempte significatif d’une pareille action révolutionnaire en 1920 lorsque, créant des Comités d’action, ils ont forcé leur gouvernement à renoncer au mauvais coup qu’il méditait contre l’URSS.

b) Les conditions premières pour que le prolétariat des pays capitaliste transforme une guerre impérialiste contre l’URSS en guerre civile contre la bourgeoisie se présenteront plus vite que dans une guerre entre impérialistes.

C’est pourquoi, bien que les communistes des pays capitalistes, en cas de guerre contre l’URSS, repoussent le mot d’ordre d’une «grève générale» et ne se livrent pas là-dessus des illusions, ils doivent prévoir de plus grandes possibilités d’utiliser les grèves de masses et la grève générale avant la déclaration de guerre, dès le moment de la mobilisation.

d) En cas d’attaque par les armes contre l’US les communistes des nations opprimées et des États impérialistes doivent appliquer tous leurs efforts à provoquer le soulèvement des minorités nationales en Europe et dans les colonies ou semi-colonies, et à organiser des guerre nationales émancipatrices contre impérialismes ennemis du pouvoir soviétique.

§29. Dans la mesure où la guerre impérialiste sera dirigée contre l’US, patrie du prolétariat international, la tactique à appliquer, comparativement à celle que motiverait une guerre entre impérialistes, se modifie de la manière suivante :

a) Le prolétariat des pays impérialistes ne doit pas seulement lutter pour la défaite de son gouvernement dans cette guerre ; il doit activement chercher la victoire du pouvoir soviétique.

b) C’est pourquoi sa tactique et le choix des moyens de lutte, sont déterminés non seulement par les intérêts de la lutte de classes dans son pays, mais aussi par les intérêts de la guerre sur le front puisque c’est une guerre de classe de la bourgeoisie contre l’État prolétarien.

c) L’Armée Rouge n’est pas une armée «ennemie»: c’est l’armée du prolétariat international. Le prolétariat des pays capitalistes, en temps de guerre contre l’URSS ne se laissera pas intimider par la bourgeoisie qui l’accusera de haute trahison, et il ne renoncera pas sous la menace, à soutenir l’Armée Rouge contre sa propre bourgeoisie.

§30. Si «la défense de la patrie» dans les pays impérialistes est inadmissible, elle constitue un devoir impérieux pour tout révolutionnaire dans un État placé sons le régime de la dictature prolétarienne. La défense est ici représentée par le prolétariat armé de l’URSS.

La victoire de la Révolution d’Octobre a donné aux ouvriers du monde entier une patrie socialiste — l’US. La défense de l’URSS contre la bourgeoisie internationale répond aux intérêts de classe et est un devoir d’honneur du prolétariat international.

En 1919-21, les armées de l’intervention, lancées par quatorze États, au nombre desquels se trouvaient les plus grandes puissances impérialistes, ont été vaincues par le pouvoir soviétique, grâce au prolétariat international qui luttait pour la dictature prolétarienne en URSS en organisant des actions de masses révolutionnaires.

Une nouvelle attaque contre l’US montrera que, malgré tous les préparatifs qui auront été faits, la solidarité internationale du prolétariat est un fait, en dépit de toutes les manœuvres contre-révolutionnaires de la social-démocratie.

Il faut considérer comme les alliés du prolétariat international, dans la défense de l’U.R.S.S : 1) les paysans pauvres et la masse moyenne dans les campagnes de l’Union ; 2) le mouvement national- révolutionnaire émancipateur dans les colonies et semi-colonies.

§31. La politique internationale de l’URSS, répondant aux intérêts du prolétariat qui est la classe dirigeante de l’Union et à ceux du prolétariat international, unissant fortement tous les alliés du prolétariat avec la dictature prolétarienne, créant une base pour l’utilisation des antagonismes entre les États capitalistes, est une politique de paix.

Son dessein est de monter la garde au profit de la Révolution internationale, de protéger les entreprises de l’édification du socialisme dont l’existence même et la croissance contribuent déjà à révolutionner le monde ; elle tend à différer le plus possible tout conflit armé avec l’impérialisme.

À l’égard des États capitalistes, pour ce qui est de leurs rapports entre eux avec leurs colonies, cette politique consiste à lutter contre les impérialistes, les campagnes de brigandage dans colonies et contre le pacifisme qui sert à masquer ces entreprises.

La politique de paix de l’État prolétarien ne signifie pas du tout que le pouvoir soviétique se soit résigné à agréer l’existence capitaliste, comme le racontent des calomniateurs, les social- démocrates et leurs acolytes, les trotskistes, qui cherchent à discréditer ce pouvoir aux yeux du prolétariat international.

La politique de l’État soviétique est celle qu’a tracée Lénine pour la dictature prolétarienne. Elle présente seulement un autre aspect plus avantageux dans les circonstances actuelles de la lutte contre le capitalisme à laquelle s’est attachée l’URSS, avec persévérance, depuis la révolution d’Octobre.

§32. Le prolétariat de l’US n’a pas d’illusions à la possibilité d’une paix solide avec les impérialistes. Il sait qu’une attaque de l’impérialisme contre le pouvoir soviétique est inévitable, que, dans le processus de la révolution prolétarienne mondiale, des guerres entre États prolétariens et États bourgeois, pour que le monde s’affranchir du capitalisme, sont inévitables et nécessaires.

Aussi le premier devoir du prolétariat militant pour le socialisme, est-il de faire tous les préparatifs indispensables, dans sa politique, dans son économie, dans son armée, pour le cas d’une guerre ; il doit fortifier son Armée Rouge, puissant instrument du prolétariat, il doit former les masses laborieuses aux exercices militaires.

Dans les États impérialistes, il y a une contradiction criante entre leur politique de formidables d’armements et leurs doucereuses phrases de paix. Cette contradiction n’existe pas du côté du pouvoir soviétique qui prépare sa défense, qui prépare la guerre révolutionnaire et maintient logiquement, persévéramment, une politique de paix.

3. — Le prolétariat et l’armée

c) Le prolétariat soutient et mène les guerres nationales- révolutionnaires des peuples opprimés contre l’impérialisme

§33. Les guerres nationales-révolutionnaires des peuples opprimés des colonies et semi-colonies contre les impérialistes, dont Lénine avait prévu le développement inévitable dès 1916, et qui s’annonçaient d’abord théoriquement, sont devenues un fait d’histoire en ces dernières années.

Telles sont : la guerre du Maroc contre l’impérialisme français et espagnol ; les insurrections en Syrie ; les guerres du Mexique et du Nicaragua contre l’impérialisme des États- Unis ; les guerres de Canton révolutionnaire contre Hongkong en 1925, et, enfin, l’expédition du Nord, en Chine, en 1926-27. Les guerres nationales-révolutionnaires joueront un rôle important dans l’époque actuelle de révolution mondiale.

C’est pourquoi le prolétariat doit apporter la plus extrême attention aux leçons et à l’expérience qui se dégagent de ces guerres, surtout aux leçons qui nous restent de l’expédition de 1926-27 dans le nord chinois.

Le prolétariat chinois soutenait alors avec pleine raison, l’expédition des sudistes contre les militaires du Nord et les impérialistes cachés derrière ces derniers, bien que la direction des sudistes fût entre les mains de la bourgeoisie.

Non seulement le prolétariat désirait la défaite du gouvernement contre- révolutionnaire nordiste et y travaillait, mais il agissait contre la bourgeoisie hésitante, contre les conciliateurs, contre la trahison bourgeoise, il agissait pour la conduite révolutionnaire de la guerre et pour l’hégémonie du prolétariat dans cette vaste action.

Cette ligne générale, qui avait été indiquée aux communistes chinois par l’IC, était conforme aux principes de Marx et d’Engels à l’égard des guerres nationales du siècle passé, ainsi qu’à la doctrine de Lénine.

§34. Mais le PC chinois a commit un certain nombre de fautes grossières, qui doivent rester de sérieuses leçons pour les communistes de tous les peuples opprimés.

Le devoir du PC chinois dans cette guerre était d’utiliser, par tous les moyens, la situation révolutionnaire qui existait alors pour créer son armée prolétarienne, pour étendre son organisation militaire, préparer les ouvriers et les paysans, pour faciliter au prolétariat les voies qui le conduiraient à diriger la révolution.

Bien que, pendant l’expédition du Nord, les conditions objectives aient été favorables au PC, celui-ci se montra pratiquement incapable d’utiliser l’appareil militaire et politique du Kuomintang pour agir dans l’armée, et n’essaya pas de se créer une armée à lui.

Le PC s’appliquait exclusivement à manœuvrer avec les officiers du Kuomintang au lieu de concentrer ses efforts dans la propagande parmi la masse des soldats, dans l’organisation de celle-ci, au lieu d’amener les masses ouvrières et paysannes à cette armée pour en changer le caractère.

Le PC n’eut pas conscience de l’importance révolutionnaire d’un armement des masses ouvrières et paysannes et ne s’occupa pas, comme il convenait, de préparer et de diriger une guerre de Partisans, avec des éléments recrutés dans la classe paysanne.

§35. En soutenant toute guerre nationale révolutionnaire, le prolétariat doit appliquer une tactique déterminée par l’analyse concrète des circonstances, par le rôle que jouent les diverses classes, etc.

C’est ainsi que la tactique de Marx, en 1848, lorsqu’il lança le mot d’ordre de la guerre contre le tsarisme, était autre que celle qu’il adopta en 1870, quand l’Allemagne attaqua Napoléon III.

Les communistes chinois ont eu parfaitement raison de conclure, lors de l’expédition dans le Nord, une alliance provisoire avec la bourgeoisie démocratique et de marcher avec celle-ci, tant qu’elle lutta contre les agents de l’impérialisme, — d’autant plus qu’alors, les communistes avaient la possibilité de faire de la propagande et d’éclairer les esprits dans le camp national-révolutionnaire.

Cependant, la tactique des communistes allemands, en 1923, lorsque se posa la question de la défense nationale contre l’invasion de l’impérialisme français, devait être toute différente.

Le PC allemand devait rattacher la question de la défense du pays à celle de la lutte pour le renversement de la bourgeoisie qui était incapable de jouer un rôle révolutionnaire. C’est sur le même plan que les communistes chinois doivent placer maintenant la question de la lutte nationale contre l’intervention japonaise.

Ils doivent rattacher la question de la défense révolutionnaire du pays à celle de la lutte pour le renversement de Tchang Kai Chek et de la bourgeoisie du Kuomintang, pour la réalisation de la dictature révolutionnaire-démocratique des ouvriers et des paysans.

Il est nécessaire, cependant, de noter que les guerres nationales dans lesquelles le prolétariat, en combattant l’impérialisme, peut provisoirement marcher avec la bourgeoisie démocratique, deviennent de plus en plus rares, car la bourgeoisie des pays opprimés, redoutant une révolution ouvrière et paysanne, devient réactionnaire et se laisse acheter par les impérialistes.

De plus en plus nettement on voit venir des guerres nationales d’un nouveau genre, dans lesquelles seul le prolétariat pourra jouer le rôle dirigeant. Ceci concerne également les guerres nationales de l’Amérique latine contre l’impérialisme des États-Unis. La tendance à la transformation des guerres et soulèvements nationaux en révolutions démocratiques du prolétariat, ou bien en révolutions par le prolétariat, tendance que Lénine avait indiquée dès 1916 s’est considérablement accentuée.

§36. La question d’une guerre nationale-révolutionnaire — étant donné qu’il y a un très grand nombre de nationalités et de minorités nationales opprimées dans plusieurs États de l’Europe refaite par le traité de Versailles, — jouera un rôle considérable sur notre continent, et avant tout quand il s’agira de transformer une guerre impérialiste en guerre civile.

Ce n’est pas seulement en Pologne et en Roumanie que, par des cruautés, par la dernière violence, dans les provinces frontières, on opprime des populations qui cherchent à se rattacher à leur patrie soviétique, Blancs-Russsiens, Ukrainiens et Bessarabiens ; ce n’est pas seulement en Tchécoslovaquie et dans les Balkans ; mais c’est aussi en Italie, en France, en Espagne, en Belgique, en Grande-Bretagne (Irlande) que les PC doivent soutenir les mouvements émancipateurs des nations opprimées et des minorités nationales : les communistes doivent diriger leur lutte révolutionnaire contre l’impérialisme et défendre intraitablement le droit de ces nationalités à disposer d’elles-mêmes, leur droit à la complète indépendance si la question se pose.

En appliquant avec persévérance cette politique, les communistes doivent se préparer et préparer les masses opprimées, le moment où serait déclarée une guerre impérialiste et antisoviétique, à organiser une insurrection ou bien une guerre contre la bourgeoisie.

§37. De la doctrine de Marx et de Lénine, et de l’expérience des guerres nationales de ces dernières années découlent les règles suivantes pour la tactique du prolétariat dans les guerres nationales émancipatrices :

a) Si le prolétariat soutient une guerre de cette sorte, et, dans certains cas, collabore provisoirement avec la bourgeoisie, cela ne signifie jamais qu’il renonce à la lutte de classes. Même dans le cas où la bourgeoisie agirait provisoirement contre l’impérialisme, et en commun avec le prolétariat, elle reste l’ennemie du prolétariat, elle essaie seulement d’utiliser celui-ci, tout en poursuivant des buts qui ne sont qu’à elle.

b) C’est pourquoi le prolétariat ne doit en aucun cas adopter simplement la politique et les mots d’ordre de la bourgeoisie ; mais il doit sans aucun doute agir pour lui-même, d’après un programme politique bien à lui, d’après ses propres mots d’ordre et en créant des organisations révolutionnaires de son milieu (Partis, Syndicats, Milices ouvrières, Troupes prolétariennes).

Les communistes doivent préparer les masses à l’inévitable trahison de la bourgeoisie, et prendre toutes les mesures possibles pour garantir les positions du prolétariat ; Ils doivent gêner, autant qu’ils le pourront, la bourgeoisie dans la lutte que celle-ci mènera pour ses intérêts de classe et ils doivent préparer le renversement de cette puissance impérialiste.

Dans les guerres nationales, où la bourgeoisie, ou bien les gouvernements bourgeois jouent un rôle contre-révolutionnaire (comme dans la lutte actuelle des ouvriers et paysans chinois contre le partage de la Chine par les impérialistes), les communistes doivent agir de manière à renverser le gouvernement bourgeois, sous le mot d’ordre de la défense révolutionnaire du pays.

§38. Par analogie, il faut poser la question de la guerre nationale pour les pays où la différenciation de classes est peu avancée, par exemple chez les Marocains, les Druses, les Syriens et les Arabes.

Dans ces groupes ethniques, l’autorité patriarcale et féodale joue un rôle analogue à celui de la bourgeoisie dans les colonies plus évoluées.

Une collaboration provisoire avec ces chefs durant la lutte révolutionnaire contre l’impérialisme est admissible ; mais on doit toujours considérer le danger que ces chefs ne se laissent acheter par les impérialistes ou ne subordonnent la lutte l’émancipation à leurs intérêts (e caste. C’est pourquoi les guerres nationales de ces peuples doivent autant que possible se rattacher à la lutte contre le féodalisme, ou bien contre les dignitaires féodaux, pour la liquidation de toute féodalité.

§39. Les problèmes du prolétariat international, concernant les guerres émancipatrices des peuples opprimés et les expéditions de l’impérialisme oppresseur contre les mouvements nationaux- révolutionnaires et les révolutions, sont, à peu d’exceptions près, les mêmes que ceux qui se posent lorsqu’il y a guerre impérialiste contre le pouvoir soviétique :

a) Lutte contre la guerre d’oppression par aggravation des antagonismes de classes, dans le but de transformer cette guerre en guerre civile, contre la bourgeoisie impérialiste.

b) Application rigoureuse et suivie de la tactique du défaitisme à l’égard du pays impérialiste et de ses armées ; lutte pour la victoire du pays opprimé, concours donné à ses armées.

c) Encouragements donnés à la fraternisation entre soldats des armées impérialistes et soldats des armées révolutionnaires dans les colonies, ainsi qu’à l’adhésion collective de soldats de l’impérialisme aux armées nationales-révolutionnaires.

d) Lutte, avant tout par des manifestations révolutionnaires de masses, contre l’expédition de navires de guerre et de transport aux colonies ; lutte contre les prolongations de service militaire des soldats engagés dans les guerres coloniales ; lutte contre l’accroissement des budgets de guerre et contre les emprunts que les impérialistes accorderaient à des gouvernements et à des militaristes dans les colonies ; lutte contre les préparatifs de guerre impérialiste sur les territoires concédés, sur les chemins de fer et les fleuves des colonies.

d) Opposition aux massacres commis par les impérialistes dans les colonies, et toutes les mesures qu’ils prennent pour soutenir les gouvernements indigènes, afin d’écraser les masses laborieuses.

§40. En ce qui concerne la lutte actuelle contre l’intervention en Chine, elle diffère, pour la tactique, de celle qui a été menée contre l’intervention, lorsqu’une partie de la bourgeoisie chinoise et le Kuomintang jouaient encore un certain rôle révolutionnaire. Les guerres intérieures d’aujourd’hui entre divers chefs militaristes indigènes sont en somme l’expression des conflits qui existent entre diverses puissances impérialistes sur ta question du partage de la Chine.

Tous les Partis en lutte, qui représentent différentes fractions de la bourgeoisie et des propriétaires, ont un caractère contre- révolutionnaire. Le prolétariat international doit, devant la situation actuelle en Chine, tout en continuant sa lutte active pour la défense des ouvriers et paysans chinois, dénoncer le rôle contre- révolutionnaire de tous les gouvernements bourgeois du pays et des chefs militaristes, qui sont les instruments de l’impérialisme.

Contre l’impérialisme on ne doit soutenir que la révolution des ouvriers et paysans chinois. Il n’est pas permis actuellement d’appliquer aux armées des bourgeois chinois le mot d’ordre de l’adhésion aux peuples opprimés des colonies.

Bien que la tactique ait été ainsi modifiée, la lutte contre l’intervention ne doit en aucun cas faiblir. Pourtant, la majorité des PC ont tiré cette conclusion des modifications de la tactique à l’égard de la révolution chinoise, et ils ont commis ainsi une faute sérieuse.

§41. Une des grosses erreurs de la plupart des PC est de poser la question de la guerre d’une façon abstraite, et exclusivement du point de vue de la propagande et de l’agitation, sans examiner assez sérieusement la question de l’armée, facteur décisif dans toutes les guerres.

Il faut expliquer aux masses le sens de la politique révolutionnaire dans la question de la guerre et il faut travailler l’armée : sans cela, toute lutte contre la guerre impérialiste, tout effort pour préparer les guerres révolutionnaires restent limités au domaine de la théorie.

Le plus souvent, cette erreur s’explique, si l’on peut dire, par l’hérédité, par une tradition pourrie depuis l’ancienne 2e Internationale, qui n’a pas cessé de déclamer contre la guerre impérialiste, mais qui n’a pas fait le moindre travail dans les armées, qualifiant d’«anarchiste» Kart Liebknecht qui réclamait ce travail.

Au lieu d’une politique révolutionnaire dans l’armée, la 2e Internationale recommandait de «remplacer l’armée permanente par une milice populaire».

Ce mot d’ordre, «une milice populaire» qui convenait à l’époque où se formaient en Europe des États nationaux, avait encore une certaine valeur révolutionnaire : car il s’agissait de licencier l’armée permanente en un temps où le tsarisme et l’absolutisme représentaient une menace de réaction pour la révolution (jusqu’à la fin du 19 e siècle). Mais avec l’accroissement de l’impérialisme, ce mot d’ordre ne suffit plus et, en fin de compte, c’est un mot d’ordre chauvin (Hydman, 1912).

La 2e Internationale rénovée a déjà renoncé à sa recette d’une «milice populaire», pour subordonner définitivement sa politique aux intérêts de la bourgeoisie des différents États.

En France, la 2e Internationale, sous prétexte de maintenir ce vieux mot d’ordre de la «milice populaire» se prononce pour une «armée du peuple» impérialiste ; en Allemagne et en Angleterre, sous prétexte de désarmement, elle demande une armée de mercenaires. «Le droit de chaque État de choisir librement l’organisation de son armée» que proclame la 2e Internationale équivaut en fait à la liberté de renouveler les événements du 4 août.

En même temps, les valets de la bourgeoisie, les social-démocrates, continuent leur campagne de calomnies contre l’Armée Rouge et la dictature du prolétariat en URSS dénonçant un prétendu «militarisme rouge».

À cette politique de guerre contre-révolutionnaire, toute faite pour servir les intérêts de la bourgeoisie, les communistes opposent une politique de guerre révolutionnaire, dans l’intérêt de la révolution prolétarienne internationale.

Bien entendu, il ne peut y avoir de recette générale pour savoir quelle position on doit prendre à l’égard de telle ou telle armée. Le prolétariat doit se guider dans ses rapports avec les différentes armées sur des principes différents : il doit se demander quelle classe et quelle politique sont servies par telle ou telle armée.

Ce qu’il importe de considérer, ce n’est pas précisément le système militaire en vigueur dans tel ou tel État, ni la forme d’organisation de l’armée ; mais, il faut savoir avant tout si cette armée, par son rôle politique, est impérialiste, nationale ou prolétarienne.

Les communistes doivent se guider sur l’engagement de Marx et d’Engels qui, à l’époque des grandes guerres nationales, se prononçaient contre l’idée des milices populaires, utopie de la démocratie petite-bourgeoise, et se déclaraient pour le service militaire obligatoire, pour la démocratisation des armées existantes et leur transformation en armées révolutionnaires : après la Commune de Paris, Marx et Engels, — dégageant la leçon la plus importante de la Commune, du point de vue de la révolution prolétarienne, — réclamèrent la destruction de l’appareil politique bourgeois et, pour la question militaire, le licenciement des armées bourgeoises permanentes que devaient remplacer des troupes formées de tout l’ensemble du peuple armé.

Lénine restitua et développa l’enseignement de Marx et d’Engels, falsifié par la 2 e Internationale, et rédigea le programme militaire de la révolution prolétarienne.

a) Attitude du prolétariat à l’égard de l’armée des États impérialistes

§43. Dans les États impérialistes, l’attitude du prolétariat à l’égard de l’armée est déterminée par ce qui suit :

L’armée, indépendamment de l’organisation qu’elle peut avoir, constitue une partie de l’appareil de l’État bourgeois que le prolétariat, quand il fera sa révolution, devra briser et non pas démocratiser.

Le problème se posant ainsi, il n’y a plus aucune distinction à faire entre divers modes d’organisation, entre une armée permanente ou une milice, entre une armée recrutée par le service universel obligatoire ou bien formée de mercenaires, de soldats de métier. «Pas un soldat, pas un sou pour votre armée», — c’est-à-dire la lutte la plus implacable contre le militarisme bourgeois, contre toutes ses armées, quelle qu’en soit l’organisation, le rejet de tous crédits de guerre, etc.

Ce principe est applicable aussi bien à l’armée permanente qu’à une milice démocratique, qui sont deux aspects de la même réalité : l’armement de la bourgeoisie contre le prolétariat. Les revendications démocratiques partielles, auxquelles le prolétariat ne renonce en aucun cas, prennent un caractère tout autre qu’en temps de révolution démocratique : elles ont pour but non de démocratiser l’armée ou la milice, mais d’en provoquer la décomposition.

Bien entendu, cette position de principe, toujours la même à l’égard de toutes les armées impérialistes, ne doit pas nous conduire à ignorer les grosses différences qui existent entre les systèmes de défense et d’organisation de l’armée de tels ou tels États : ces différences ont leur importance pour le travail pratique.

Bien que les armées des pays impérialistes soient des éléments de l’appareil d’État bourgeois, elles englobent de plus en plus, directement ou indirectement, les forces vives des populations, par suite des rivalités et des guerres qui se produisent entre États capitalistes : ainsi, l’ensemble de la population est militarisée («la nation armée»), les femmes mobilisées, la jeunesse soumise à la préparation militaire, etc.).

Quand la guerre mondiale fut achevée, cette tendance fut affaiblie pendant un certain temps ; mais à présent, à la veille d’une nouvelle guerre, elle se manifeste très fortement (aux États-Unis, en France, en Pologne).

Cependant, par une conséquence directe, les antagonismes de classes entre la bourgeoisie et le prolétariat, entre les exploiteurs et les exploités, ont leurs répercussions dans les armées, entre les officiers et les simples soldats. La militarisation des masses a pour effet, comme le disait Engels, de ruiner toutes les armées bourgeoises par l’intérieur.

Les communistes ne doivent donc pas boycotter ces armées, ils doivent y entrer et y prendre, en révolutionnaires, la direction de ce processus objectif de décomposition intérieure.

La bourgeoisie s’efforce par tous les moyens de se donner une armée sûre, — par un dressage sévère, par les cruautés de la discipline, en isolant les soldats de la population, en leur interdisant de s’occuper de politique et même, dans certains cas, en leur assurant une situation privilégiée dans la société.

On notera qu’en ces dernières années, même dans les pays où existe encore le service militaire obligatoire, comme la France, ou bien là où il a existé (en Allemagne), la bourgeoisie adopte de plus en plus le système du recrutement d’une armée de métier, composée d’éléments d’élite.

Mais elle ne peut échapper à la nécessité de militariser les masses : elle ne réussit qu’à combiner l’utilisation des «mercenaires» avec celle de la «nation armée» ou bien d’organisations telles que les milices.

Elle ne peut arrêter, elle peut seulement retarder le processus de décomposition de ses armées et gêner considérablement le travail révolutionnaire. Aussi les communistes ont-ils l’important devoir d’étudier les conditions de travail qui leur sont faites par la réaction et d’opposer aux nouvelles méthodes de la bourgeoisie de nouvelles méthodes de travail révolutionnaire.

§45. L’attitude du prolétariat à l’égard de l’armée impérialiste doit exactement correspondre à son attitude devant la guerre impérialiste. Aussi le défaitisme et le mot d’ordre de transformer la guerre impérialiste en guerre civile nous sont-ils des indications sur la manière dont il faut considérer les problèmes plus particuliers de la défense et de l’organisation de l’armée.

Milice bourgeoise, service militaire obligatoire pour tous, éducation militaire de la jeunesse, — tout cela comptait jadis parmi les revendications de la démocratie révolutionnaire ; mais en tout cela, nous ne trouvons plus que des moyens ordinaires de réaction, pour l’oppression des masses et la préparation de la guerre impérialiste ; il faut donc lutter contre tout cela très énergiquement.

Ce principe de la politique communiste est applicable même dans les pays où la bourgeoisie a formé des troupes de métier et renoncé au service militaire obligatoire pour tous (par exemple, en Allemagne).

Bien que le service obligatoire présente certains avantages pour le travail révolutionnaire, en permettant aux ouvriers d’apprendre l’usage des armes, les communistes, dans un État impérialiste, ne doivent pas réclamer l’application de ce système ; ils doivent au contraire le combattre, de même qu’ils s’opposeront à la formation d’armées de métier.

Le mot d’ordre «transformons la guerre impérialiste en guerre civile» nous montre comment les communistes doivent lutter contre toutes mesures (dont le service obligatoire) conduisant à la militarisation des masses.

En militarisant les ouvriers et en leur enseignant l’emploi des armes, l’impérialisme crée des conditions favorables pour la victoire du prolétariat dans une guerre civile ; c’est pourquoi le prolétariat ne peut recourir aux arguments des pacifistes pour s’opposer à la militarisation des masses.

Combattant pour la révolution, pour le socialisme, nous ne renonçons pas à porter les armes. Nous nous efforçons seulement de dénoncer les méthodes de militarisation impérialiste toutes calculées pour servir la bourgeoisie.

À cette militarisation, nous opposons le mot d’ordre de l’armement du prolétariat. En même temps, les communistes ont devoir de soutenir et de mettre en évidence les revendications des soldats qui, dans des circonstances déterminées, stimulent la lutte de classes au sein de l’armée et peuvent fortifier les rapports entre soldats d’origine prolétarienne ou paysanne et les ouvriers non encasernés.

§46. Les revendications partielles peuvent être :

a) Concernant le système de défense

Le licenciement des armées de métier, des cadres et unités de soutien.

Le désarmement et le licenciement de la gendarmerie, de la police, des gardes mobiles et autres forces spécialement armées pour la guerre civile.

Le désarmement et le licenciement des sociétés et ligues fascistes.

La suppression des conseils de guerre et la réduction du temps de service militaire.

L’application du système territorial (les soldats faisant leur service dans leur région d’origine).

La suppression de l’encasernement obligatoire.

La création de Comités de soldats.

Le droit, pour les organisations ouvrières, d’enseigner à leurs membres le maniement des armes et de choisir à leur gré des moniteurs.

La réduction du temps de service militaire ayant été, dans certains cas, projetée et appliquée par les gouvernements capitalistes, certains doutes se sont élevés sur le bien-fondé de cette revendication de notre part. Mais cette réduction, en soi, a pour effet, en certains cas, d’affaiblir et non de renforcer le système de l’armée impérialiste.

Elle doit donc être réclamée, à titre de revendication partielle, pour les armées constituées en vertu du service obligatoire, si les conditions suivantes sont réalisées :

1) Une ligne défaitiste très nette ;

2) toutes précautions prises pour qu’on ne puisse confondre ces revendications partielles avec celles des social-démocrates ; 3) détruire toutes illusions quant à la possibilité de supprimer par ces moyens-là le militarisme.

Il va de soi que les revendications partielles doivent toujours être concrètes, c’est-à-dire qu’elles doivent être présentées sous la forme et au moment où elles ont le plus de chances de devenir populaires dans les masses et de révolutionner celles-ci.

Lorsqu’une réduction du temps de service militaire est projetée par des gouvernements capitalistes ou réclamée par des social-démocrates, il est indispensable de lutter d’abord contre les mesures habituellement prises parallèlement pour renforcer le système bourgeois (militarisation de toute la population, formation de solides cadres du métier, etc.).

Et à ce programme faussement démocratique de la réduction du service militaire, il faut opposer un programme radical de défaitistes, fait de revendications partielles.

À l’égard des armées de métier, des troupes mercenaires, il faut en général demander non une réduction de leur temps de service, mais le droit pour ces éléments de quitter le service à leur gré, à tout moment.

b) Concernant les droits et la vie matérielle des soldats Augmentation de la solde.

Amélioration de l’ordinaire.

Organisation de commissions administratives composées de soldats.

Suppression des peines disciplinaires.

Abolition de l’obligation de rendre aux chefs les honneurs militaires (salut, etc.).

Châtiments très sévères pour tous sévices qu’exerceraient des officiers ou sous-officiers sur des soldats.

Droit de porter un costume de civil en dehors du service.

Droit de sortie quotidienne pour les encasernés.

Congés avec augmentation de solde pendant les congés.

Droit de mariage sans autorisation spéciale.

Indemnités de famille.

Droit d’abonnement à n’importe quels journaux.

Droit de se syndiquer et de former des syndicats.

Droits électoraux et droit de fréquenter des réunions politiques.

Dans nombre d’États impérialistes, une forte partie de l’armée est constituée par des minorités nationales opprimées, tandis que les cadres d’officiers sont formés en totalité ou en majeure partie de représentants de la nationalité dominante : cette situation générale, crée un terrain tout à fait favorable pour le travail révolutionnaire dans l’armée.

C’est pourquoi nous devons joindre à nos revendications partielles pour la masse des soldats, des réclamations pour les minorités nationales (par exempte, droit de service au pays natal, de parler la langue maternelle à l’exercice, de commander, etc.).

§47. Les revendications de ces deux catégories (nous ne les avons pas toutes énumérées) doivent être formulées non seulement au sein de l’armée, mais en dehors (dans les parlements, dans les meetings, etc.). Cette propagande ne peut avoir d’utilité si elle garde toujours caractère concret. Pour cela il faut :

1) Bien connaître l’armée, les conditions du service, les intérêts et les revendications du soldat, etc., ce qui peut être obtenu par un contact personnel constant.

2) Tenir compte du système de défense de l’État et de la façon dont s’y présente la question militaire, à tout moment.

3) Tenir compte du moral de l’armée et de la situation politique du pays à tout moment. On ne réclamera, par exemple, l’élection des officiers par les soldats que si la décomposition de l’armée est assez avancée.

4) Rattacher les revendications partielles aux mots d’ordre essentiels du PC : armement du prolétariat, milice prolétarienne, etc.

Toutes ces revendications n’auront de valeur révolutionnaire que si elles se rattachent à un net programme politique, tendant à révolutionner l’armée bourgeoise.

Il faut particulièrement s’attacher à organiser les soldats pour qu’ils défendent leurs propres intérêts en complète union avec le prolétariat révolutionnaire, tant avant leur entrée au service (associations de conscrits, caisses de solidarité) qu’après (Comité de soldats) et enfin quand ils auront cessé de servir (associations d’anciens soldats révolutionnaires).

Les syndicats ouvriers ont la tâche de maintenir la liaison avec ceux de leurs membres qui sont encasernés et de contribuer à la formation des susdites organisations.

§48. Les conditions du travail révolutionnaire dans les armées de métier diffèrent de celles qui se sont dans les armées recrutées par le service obligatoire. Il est ordinairement difficile de faire dans les premières de la propagande pour les revendications partielles indiquées ci-dessus. Néanmoins, on ne doit pas sous aucun prétexte renoncer à ce travail.

Les armées de métier principalement formées d’éléments prolétariens (chômeurs) et de paysans pauvres : c’est une base pour travailler la masse de soldats. On tiendra soigneusement compte de la composition sociale et des particularités des troupes.

Contre les troupes spéciales constituées par la bourgeoisie pour combattre le prolétariat (gendarmerie, police) et, en particulier, contre les bandes de volontaires armés (les fascistes) on fera la propagande la plus énergique.

On luttera surtout implacablement contre les homélies réformistes, parlant «d’utilité publiques», de «police populaire», de «droit normal» des fascistes, et autres fadaises, et l’on s’occupera surtout d’exciter les haines de la population contre ces troupes spéciales dont on dénoncera le véritable caractère.

Mais on travaillera en même temps à provoquer la décomposition sociale dans les organisations militaires et à reconquérir ce qu’elles peuvent compter d’éléments prolétariens.

§49. Le travail révolutionnaire dans l’armée doit concorder avec celui qui est fait dans les masses du prolétariat et des paysans pauvres. S’il y a situation révolutionnaire ; si le prolétariat des usines élit ses comités, le mot d’ordre des comités de soldats devient actuel et contribue à rapprocher la masse des soldats du prolétariat et des paysans pauvres dans la lutte pour le pouvoir.

Même dans les armées de métier, les communistes devront, là où les circonstances le leur permettront, organiser la masse des soldats pour la création de Conseils (Soviets) et la mobiliser contre les généraux et la bourgeoisie. Là où la composition sociale des troupes ne le permettra pas, il faudra exiger le désarmement immédiat et le licenciement de toutes les troupes.

b) La question militaire en temps de révolution prolétarienne §50. Les principaux mots d’ordre des revendications partielles de la démocratie parlent du désarmement de la bourgeoisie et de l’armement du prolétariat.

À diverses étapes de la révolution, l’armement du prolétariat se fait de différentes manières. Avant la prise du pouvoir et dans la première période qui suit la conquête, il faut une milice prolétarienne, de travailleurs et une garde rouge. Il faut aussi des Partisans rouge. L’Armée Rouge est la forme d’organisation militaire d’un pouvoir soviétique, c’est l’armée de la dictature du prolétariat.

Le mot d’ordre de la milice prolétarienne (travailleurs, ouvriers, paysans) pour les pays impérialistes, n’est qu’une variante de la formule de l’armement du prolétariat, pour l’étape de la politique guerre de révolution prolétarienne dans la période où elle organise l’Armée Rouge.

En l’absence d’une situation immédiatement révolutionnaire, ce mot d’ordre n’a qu’une importance de propagande : néanmoins, il peut devenir un mot d’ordre d’actualité dans la lutte contre le fascisme.

En tout cas, le mot d’ordre de la milice prolétarienne ou de la milice des travailleurs est un appel lancé aux masses prolétariennes elles-mêmes et non une revendication posée au gouvernement bourgeois.

Par conséquent, ce n’est que dans des cas exceptionnels (par exemple, en présence d’un gouvernement social-démocrate dans les pays où les social-démocrates sont en majorité au Parlement et dans les masses) que l’on peut justement réclamer des gouvernements ou des parlements la formation d’une milice ouvrière.

Et il ne s’agit alors que de démasquer le Parti social-démocrate.

La garde rouge est organe d’insurrection. Faire de l’agitation en vue de sa constitution et la constituer — tel est le devoir des communistes en présence d’une situation immédiatement révolutionnaire.

§51. En aucun cas on ne saurait perdre de vue que, dans les pays impérialistes, l’existence d’une milice prolétarienne ou d’une garde rouge dans le cadre de l’État bourgeois, en temps de «paix générale», est inadmissible et impossible.

La milice prolétarienne est l’organisation armée du prolétariat luttant pour l’instauration de la dictature du prolétariat, où l’organe de cette dictature prolétarienne pour l’écrasement des exploiteurs.

C’est en cela que notre mot d’ordre de la milice prolétariennes distingue des projets réformistes concernant la «défense ouvrière» jaune, composée d’éléments prolétariens spécialement triés, inconscients ou soudoyés.

De semblables organisations de la «défense ouvrière» furent employées pour la dissolution et la répression du prolétariat dans la Ruhr, en mai 1923, et après l’insurrection viennoise, en 1927. Les communistes se doivent de lutter avec acharnement contre ces manœuvres trompeuses des social- démocrates.

§52. Il convient de distinguer entre ces mots d’ordre de combat : la milice ouvrière, ou milice prolétarienne, ou garde rouge, qui doivent exister avant la prise du pouvoir et ne sont que des formes embryonnaires de l’Armée Rouge — et, d’autre part, les milices qui sont créées après l’instauration et la consolidation de la dictature du prolétariat, lorsque l’État et les différences de classes seront en voie disparition.

Pour se défendre contre l’impérialisme, le prolétariat a besoin d’une Armée Rouge puissante, disciplinée, bien armée et combative. Actuellement, pour répondre à exigences, il faut une armée permanente, constituant le noyau des masses armées de la population laborieuse.

C’est une absurdité petite-bourgeoise et contre-révolutionnaire que d’exiger de la dictature du prolétariat, dans l’ambiance d’un milieu capitaliste, l’adoption immédiate et intégral du système de la milice.

La réalisation plus ou moins complète du principe de la milice, sans affaiblissement de la force militaire, ne sera possible que sur la base du développement intégral des forces productrices en régime socialiste et de l’éducation communiste des masses.

Seule la victoire de la révolution prolétarienne dans plusieurs grands pays capitalistes pourrait (comme la constaté encore la 8 e Assemblée du CEIC) avoir cette conséquence que, dans sa politique militaire, le gouvernement prolétarien s’occuperait immédiatement de remplacer l’Armée Rouge permanente par une milice de classes.

En tout cas, l’organisation de la défense de la dictature du prolétariat doit revêtir un net caractère de classe, tant par l’esprit, la discipline que par le système. Les éléments faisant partie de la classe des exploiteurs ne doivent pas être admis dans le service actif.

c) Attitude du prolétariat à l’égard de l’armée des pays coloniaux et semi-coloniaux

§53. Avec la période des révolutions et des guerres nationales des peuples opprimés contre l’impérialisme, la question militaire a pris dans tous les pays coloniaux et semi-coloniaux une importance décisive.

Cela s’applique aussi bien aux pays qui sont ou ont été en guerre avec l’impérialisme (Chine, Maroc, Syrie, Nicaragua) qu’à ceux dans lesquels la guerre doit être comprise autrement (Indes, Égypte, Mexique, Philippines, Corée). Il est clair que la question, lorsqu’il y a des guerres de nationalités contre l’impérialisme, doit se poser d’une tout autre façon que dans un conflit de pays impérialistes.

§54. On ne saurait perdre de vue qu’il existe actuellement dans ces pays deux types d’armées entièrement différents : d’un côté, l’armée nationale (qui n’est pas toujours une armée révolutionnaire), de l’autre, les armées des impérialistes (qui sont ou des corps expéditionnaires envoyés par les métropoles, ou des armées composées d’indigènes d’autres colonies, ou, enfin, des troupes recrutées dans le pays même).

En Chine, nous trouvons les deux espèces et nous voyons comment les armées nationales se transforment en armées de l’impérialisme ; après le coup d’État de Tchang Kai Chek, l’armée nationale de la Chine méridionale s’est mise, en réalité, au service des impérialistes.

Il est évident que l’attitude du prolétariat et des classes révolutionnaires doit être entièrement différente à l’égard de ces deux types d’armées.

En ce qui concerne les armées nationales il convient d’appliquer, avec certaines rectifications, le programme militaire de Marx et Engels de 1848 à 1870 — un programme de la démocratisation de ces armées, afin de les transformer en troupes révolutionnaires ; en ce qui concerne les armées des impérialistes, nous ne pouvons appliquer que le programme défaitiste — il faut provoquer leur décomposition à l’intérieur ; au cas où l’on se trouverait en présence de divisions spéciales d’officiers ou de formations militaires bourgeoises de classe, il faut arriver à les isoler et à les liquider, c’est-à-dire suivre le programme esquissé plus haut pour notre action dans les États impérialistes.

À côté de ces deux types d’armées, il y a lieu de distinguer du point de vue tactique, dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, encore un troisième type d’armée, au sein de laquelle se déroule une lutte entre le mouvement national et les impérialistes, une lutte menée à l’intérieur d’une seule et même armée se trouvant sous le commandement des impérialistes (Inde, Égypte, Indochine, Syrie, Algérie, Tunisie, etc.).

En de pareils cas, en fonction des conditions concrètes, il est nécessaire de combiner les éléments des deux programmes, à savoir, le programme défaitiste par rapport aux armées et aux différentes divisions de l’armée se trouvant sous le commandement impérialiste avec le mot d’ordre de l’armement du peuple (milice) et le mot d’ordre de l’armée nationale.

Il faut adapter le mot d’ordre de l’armée nationale au milieu concret et le poser de manière à exclure la possibilité de n’importe quel abus de la part des impérialistes et de leurs larbins (l’armée complètement indépendante en face des impérialistes et ayant une plus large organisation démocratique, élisant ses officiers, etc.).

Dans les pays coloniaux comme dans les métropoles nos mots d’ordre doivent exiger l’évacuation des colonies par les armées impérialistes, le rappel des cadres et du corps des officiers des armées indigènes.

§55. Pour déterminer la position à adopter par rapport au système militaire dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, il est nécessaire de tenir compte du rôle politique joué à tel ou tel moment, par tel ou tel pays, au cours des étapes décisives de la révolution internationale : le pays en question est-il un allié ou un ennemi de l’US, un allié ou un ennemi de la révolution chinoise, etc.

En général, le prolétariat et les masses laborieuses des pays opprimés doivent défendre le système d’armement démocratique, sur la base duquel tous les travailleurs apprennent le maniement des armes, système qui élève la capacité de défense du pays contre l’impérialisme, assure aux ouvriers et aux paysans de l’influence sur l’armée et facilite la lutte pour l’hégémonie du prolétariat dans la révolution démocratique.

Les mots d’ordre : service militaire obligatoire, éducation militaire de la jeunesse, milice démocratique, armée nationale, etc., font ici partie du programme révolutionnaire, — et il n’en est pas de même dans les États impérialistes.

À notre époque, la tactique des mouvements nationaux révolutionnaires doit être subordonnée aux intérêts de la révolution prolétarienne mondiale. Les révolutionnaires ne peuvent adopter le même programme dans ceux des pays opprimés qui jouent aussi un rôle d’oppresseurs et de vassaux des impérialistes, en faisant la guerre à une révolution prolétarienne ou nationale.

Là, nos militants doivent absolument combiner la propagande de la guerre pour la défense d’autres pays révolutionnaires, la propagande d’une politique de guerre révolutionnaire, du défaitisme par rapport à la guerre que mène leur pays et à son armée. C’est cette ligne qu’il convient de suivre actuellement dans les provinces de la Chine qui sont au pouvoir des généraux du Kuomintang.

§56. En établissant le programme militaire des pays opprimés, il faut tenir compte du stade de développement économique et politique dans lequel ils se trouvent.

1. Dans les pays qui n’ont pas encore passé par la révolution démocratique, on doit appliquer en général le mot d’ordre de l’armement général du peuple (de la milice nationale) et cela, avant tout, là où les distances entre la bourgeoisie et le prolétariat ne sont pas encore très marquées (Syrie, Maroc et Égypte).

Ce mot d’ordre doit être rattaché à des revendications démocratiques dirigées contre le féodalisme, le militarisme féodal et bourgeois. Dans les pays où la division des classes est nettement prononcée et où la révolution n’est pas encore achevée, exemple en Amérique latine, il faut un mot d’ordre de classe : on réclamera une milice ouvrière et paysanne.

2. Dans les pays qui traversent l’étape de la révolution démocratique, le mot d’ordre de la milice ne suffit plus : il faut demander l’organisation d’une armée révolutionnaire. Bien entendu, ceci n’empêche pas de lancer en même temps le mot d’ordre de la milice, surtout lors de la préparation d’une insurrection.

On notera que l’armement du prolétariat, loin de s’opposer à l’armement du peuple tout entier, est une partie fondamentale de l’armement général. Tout en participant à l’organisation de l’armement général du peuple, il est absolument nécessaire de créer des unités prolétariennes spéciales dirigées par des chefs qu’elles auront élus.

3. Dans les pays arrivés à l’étape de transition entre la révolution démocratique et la révolution prolétarienne, on peut appliquer, avec certaines modifications concrètes, le programme militaire des communistes dans les pays impérialistes.

Le mot d’ordre de la milice démocratique est remplacé par de la milice prolétarienne (milice des travailleurs, milice ouvrière et paysanne). Lorsque, au cours de la révolution dans les colonies, surgit la question de la prise immédiate du pouvoir, il est nécessaire de mettre à l’ordre du jour, en même temps que la question de l’organisation des Soviets, celle de l’organisation de l’Armée Rouge.

Les formes révolutionnaires-démocratiques d’organisation de l’armée sont alors périmées ; on adopte l’organisation de classe dictée par la révolution prolétarienne.

§57. Pour lutter contre l’impérialisme en réalisant une politique militaire nationale-révolutionnaire, il est nécessaire de se livrer à un travail systématique d’agitation et de propagande parmi les armées coloniales.

Les communistes et les nationalistes-révolutionnaires doivent par conséquent la plus sérieuse attention à l’étude des différentes catégories d’armées coloniales et à l’élaboration de méthodes effectives de travail elles. Comme le montre l’exemple de la Chine, le travail fait dans des armées de mercenaires indigènes peu disciplinés et mal payés a souvent les plus grandes chances de succès.

Les revendications partielles peuvent être à un certain point analogues à celles qui ont déjà été citées pour les États impérialistes.

Mais, là aussi, il faut tenir compte avec la plus grande minutie de l’ensemble des conditions concrètes (origine, composition et esprit des armées, situation matérielle, etc.). On s’appliquera à formuler les revendications des soldats indigènes, à les soutenir contre les vexations et les brimades exercées à leur égard par les officiers de race blanche.

Le travail des communistes dans les armées nationales doit revêtir un autre caractère, mais, comme l’a démontré l’expérience de la guerre en Chine en 1926-27, il est extrêmement important. Ici la tâche des communistes consiste à organiser des cellules dans toute l’armée, à en faire un instrument conscient de lutte contre l’impérialisme, à combattre, dans l’intérêt de la révolution nationale, les éléments douteux parmi les officiers, à subordonner le commandement, là où il ne se trouve encore entre les mains des communistes, au contrôle des soldats, au moyen de la plus large démocratie révolutionnaire.

Il ne faut pas oublier qu’à l’époque de la Révolution française, les armées de la Convention ont remporté leurs grandes victoires avec le système de l’élection des officiers qui y était en vigueur. Par contre, l’organisation non démocratique des armées du sud chinois, en 1926-27, facilita la trahison et le coup d’État que la bourgeoisie et ses généraux ont perpétré.

4. — Le prolétariat devant le problème du désarmement et la lutte contre le fascisme

§58. Dans la préparation morale et matérielle de nouvelles guerres impérialistes contre-révolutionnaires, l’impérialisme se heurte actuellement à une difficulté très sérieuse — un sentiment instinctif contre la guerre qui, depuis la dernière guerre mondiale, s’est emparé des masses et surtout des ouvriers, des paysans et des femmes laborieuses.

Aussi l’impérialisme est-il obligé de préparer la guerre sous le couvert du pacifisme. En même temps le pacifisme acquiert une signification nouvelle, objective en tant qu’idéologie et instrument de lutte de l’impérialisme mondial contre l’URSS, protagoniste et soutien de la révolution mondiale. C’est là qu’il faut trouver le sens et le but principal des propositions et conférences de désarmement des États impérialistes, et en particulier du «travail» de la SdN dans cette sphère, de la discussion de la «question de sécurité», des projets de création de tribunaux d’arbitrage, des pactes déclarant «la guerre hors la lois», etc.

Tous ces projets, traités, conférences pacifistes aboutissent à ce qui suit :

a) les impérialistes réussissent à dissimuler leurs armements ;

b) les grandes puissances intriguent les unes contre les autres et chacune, en essayant d’obtenir des traités, la réduction des armements de l’adversaire, ne songe qu’à renforcer sa propre puissance militaire ;

c) des conventions temporaires sont conclues entre les grandes puissances en vue de consolider leur pouvoir sur les pays faibles et opprimés ;

d) sous le couvert des mots d’ordre pacifistes, c’est une mobilisation idéologique et contre l’URSS, qui a lieu. Le désarmement des impérialistes n’est pas autre chose indirecte ou directe, à la guerre.

C’est pourquoi la lutte contre le mensonge du désarmement et le pacifisme constitue actuellement l’une des principales tâches de la lutte contre la guerre impérialiste.

a) Le programme social-démocrate de désarmement et le léninisme

§59. Le principal instrument de l’impérialisme dans cette comédie est la social-démocratie, qui entretient dans les masses des illusions sur la possibilité d’un désarmement et de la suppression de toute guerre en affirmant qu’il n’est nécessaire de renverser d’abord l’impérialisme.

Il existe dans la social-démocratie deux tendances sur la question du désarmement qui sont en même temps des tendances du pacifisme bourgeois.

L’une de ces tendances, dont Kautsky fut le héraut dès 1911, «discerne» certaines forces objectives du capitalisme, en réalité inexistantes, forces qui conduiraient au désarmement et à la suppression des guerres ; cette tendance représente la politique de collaboration avec la bourgeoisie de «gauche» en vue de réduire les armements, d’obtenir la conclusion de traités internationaux entre impérialistes, d’empêcher ou même «d’interdire» la guerre, etc.

Dès 1916, Lénine qualifiait cette position de «pacifisme entièrement bourgeois». De 1914 à 1918, ces points de vue constituèrent l’idéologie du «centre», mais depuis la fin de la guerre mondiale et le début des manœuvres pacifistes auxquelles se livrent les gouvernements impérialistes, ils sont devenus partie intégrante de la politique des sphères dirigeantes de la 2e Internationale.

Cette politique est soutenu aussi bien par les social-démocrates de droite que par la majorité des social-démocrates de «gauche». Elle se fait passer pour une politique de pacifisme «réaliste» et ne se distingue en rien de la politique de la bourgeoisie impérialiste.

Ici vient se rattacher la théorie du «capitalisme organisé» affirmant que, dans son stade impérialiste actuel, le capitalisme développe lui-même les facteurs objectifs destinés à vaincre la guerre et l’expulser du «monde civilisé», etc. Ici également se rattache la théorie de l’«ultra-impérialisme» des «alliances», impérialistes, des «pactes» et cartels internationaux, comme autant de moyens destinés à supprimer les antagonismes impérialistes. En réalité, il n’existe dans l’impérialisme aucune tendance visant à supprimer la guerre.

Au contraire, tous les faits, que dénombrent les «pacifistes réalistes», pour endormir les masses, sont des symptômes décelant la préparation de guerres impérialistes sur une échelle formidable, de guerres qui entraîneront non plus seulement quelques nations, mais des groupes entiers de nations.

En régime capitaliste, les États-Unis d’Europe ou les États-Unis du Monde sont une utopie. Mais si même ils se réalisaient, ils prendraient inévitablement un caractère réactionnaire, car ils constitueraient une Union pour l’écrasement de la révolution prolétarienne et du mouvement national-libérateur des peuples coloniaux. Toutes les tendances dirigées dans ce sens (par exemple, le mouvement paneuropéen) sont nettement réactionnaires.

§60. Les Partisans de la seconde tendance interviennent en qualité de pacifistes «radicaux» ou «révolutionnaires» et revendiquent le désarmement intégral seulement de la bourgeoisie mass aussi du prolétariat, c’est-à-dire le renoncement au mot d’ordre de l’armement du prolétariat.

Pendant la guerre impérialiste, cette position fut adoptée par quelques internationalistes révolutionnaires qui ne trouvaient pas d’autre expression à leur désir foncièrement loyal d’en finir avec le militarisme. En réalité, ce mot d’ordre ne tient pas compte de la nécessité d’armer le prolétariat, pour la guerre civile, il repousse celle-ci comme tout armement en général, et ce n’est pas un mot d’ordre révolutionnaire : ça été, en somme, l’expression du désespoir de la petite-bourgeoisie.

La critique faite par Lénine en 1916 conserve toute sa vigueur et, actuellement, il faut lui donner plus d’acuité, quoique le groupe des partisans de ce mot d’ordre soit fort insignifiant en ce moment. La révolution d’Octobre a montré à tout loyal révolutionnaire la nécessité absolue de l’armement du prolétariat.

Remplacer le mot d’ordre de l’armement du prolétariat par celui de son désarmement, ce ne peut être actuellement qu’une devise contre-révolutionnaire. C’est pourquoi les communistes doivent s’appliquer à montrer la situation véritable aux ouvriers que séduit le mot d’ordre du désarmement, en particulier, dans les petits États, et lutter impitoyablement contre les leaders de «gauche» qui défendent cette doctrine.

Nous trouvons encore la théorie d’après laquelle les «tribunaux d’arbitrage» obligatoire entre nations pourraient empêcher la guerre.

Mais on sait que des institutions de ce genre ne valent guère mieux que des bulles de savon qui éclatent au premier choc ; ou bien alors ces «tribunaux» se font les instruments de la piraterie des grandes puissances impérialistes.

Cependant, les deux tendances social-démocrates s’entendent sur un point dans les questions de désarmement et de pacifisme : elles estiment que le principal obstacle au désarmement est constitué par pays où «il n’y a pas de démocratie» c’est-à-dire par l’existence de la dictature du prolétariat en URSS.

b) Le projet soviétique de désarmement

§61. Il était déjà spécifié dans les thèses de la 8e Assemblée Plénière du CEIC que le prolétariat international doit occuper, par rapport à l’opinion de l’US sur la question du désarmement, une position de principe toute différente de celle qu’il convient d’adopter par rapport aux hypocrites projets de désarmement présentés par les États capitalistes.

Étant donné l’importance particulière de cette question dans la lutte contre les pacifistes, il est nécessaire de la poser devant les masses avec la plus grande netteté.

La proposition de désarmement général et intégral faite par le gouvernement soviétique à la commission préparatoire qu’avait réunie la SdN en novembre 1927, se distingue radicalement des phrases et projets des impérialistes et de leurs larbins social- démocrates aussi bien par son but que par sa sincérité et, enfin, par son importance.

Le projet soviétique se propose non pas pour répandre les illusions pacifistes, mais de les détruire, non de soutenir le capitalisme en taisant ou en estompant ses côtés défectueux, mais de diffuser la thèse de base marxiste affirmant que le désarmement et la suppression des guerres ne sont possibles qu’avec la chute du capitalisme.

Le gouvernement soviétique a proposé aux impérialistes qui bavardaient cyniquement sur ce thème de désarmer effectivement ; il leur a arraché leur masque de pacifisme. Il va de soi qu’aucun communiste ne comptait que les impérialistes accepteraient le projet soviétique.

Néanmoins, cette proposition n’avait rien d’hypocrite, elle était faite entièrement de bonne foi, car elle n’est pas en contradiction avec la politique intérieure et extérieure de l’État ouvrier, tandis que les phrases des impérialistes sur le désarmement contredisent la politique d’oppression et de brigandage des gouvernements bourgeois.

Le pouvoir soviétique est la dictature du prolétariat au service des intérêts de la majorité de la population exploitée depuis des siècles. Le pouvoir soviétique ne suit pas une politique de pillage et d’oppression ; il a une politique de paix dans l’intérêt du prolétariat international.

Par son importance objective également, la proposition de l’US se distingue des projets bourgeois et social-démocrates. Elle ne masque pas une politique d’agression, elle n’est pas l’expression du désespoir de la petite-bourgeoise, mais elle exprime l’un des buts du socialisme, but que le prolétariat révolutionnaire réalisera après sa victoire dans le cadre mondial.

§62. Pour combattre le projet soviétique, les social-démocrates ont employé les moyens les plus perfides, utilisant les mots d’ordre fournis par le trotskisme.

Ils ont essayé de discréditer aux yeux des masses la proposition de désarmement du gouvernement soviétique en la présentant comme la «révision du léninisme» contre une transition vers «thermidor» etc.

Il découle de tout ce qui précède que ce sont là de basses calomnies. Le second projet de mars 1928, présenté par la délégation soviétique après le rejet de son programme de désarmement intégral, et proposant le désarmement partiel avec la réduction graduelle des forces territoriales et navales, ne constitue nullement une concession au pacifisme ; au contraire, il achève de soulever le masque et éclaire particulièrement l’attitude des grandes puissances à l’égard des petits États et des nations exploitées.

La position du gouvernement soviétique dans la question du désarmement est la continuation de la politique de Lénine et la réalisation méthodique de sa doctrine.

c) Lutte du prolétariat contre le pacifisme

§63. Les ouvriers de l’US, qui ont battu la bourgeoisie dans la guerre civile et qui ont instauré dans leur pays la dictature du prolétariat, peuvent, dans la lutte contre le pacifisme, cette arme empoisonnée de l’impérialisme, employer une nouvelle méthode consistant à proposer aux impérialistes le désarmement général.

Mais le prolétariat qui est encore en lutte pour le pouvoir dans les États capitalistes, ne peut employer cette méthode. Les propositions ou les revendications de désarmement que le prolétariat de ces pays pourrait adresser à sa propre bourgeoisie et à ses sous-ordres ne seraient un acte révolutionnaire, mais le remplacement du mot d’ordre de l’armement du prolétariat par le mot d’ordre de désarmement, par le renoncement à la guerre civile.

C’est pourquoi les communistes doivent combattre de la manière la plus énergique les fausses déductions de ce genre, tirées du projet de désarmement présenté par le gouvernement soviétique, qui sont en contradiction avec le sens révolutionnaire de ce programme, et, dans les rangs du Parti lui-même, est nécessaire de condamner impitoyablement toute déviation de cette espèce.

§64. Cette différence dans les méthodes de lutte contre le pacifisme appliquées par le prolétariat de l’US et la classe ouvrière des pays capitalistes n’est nullement l’indice d’une contradiction entre ces derniers et il ne faut pas en conclure que les communistes, dans les capitalistes, ne doivent pas se servir de la proposition de désarmement du gouvernement soviétique pour faire de l’agitation parmi les masses.

Au contraire, la désarmement du pouvoir soviétique doit être exploitée, dans des buts d’agitation, bien plus énergiquement et plus largement que cela n’a eu lieu jusqu’à présent.

Mais il faut l’exploiter, non en posant les mêmes revendications dans son propre pays, mais : 1) en recrutant des partisans de l’US, qui défend la paix et le socialisme, pour la protéger contre l’impérialisme ;

2) en exploitant les résultats de la politique soviétique de désarmement et de dénonciation des impérialistes dans notre lutte pour la destruction de toutes les illusions pacifistes, et cela par la propagande dans les masses en faveur du seul moyen susceptible d’aboutir au désarmement et à la suppression de la guerre : l’armement du prolétariat, le renversement de la bourgeoisie et l’instauration de la dictature du prolétariat.

5. — Les lacunes du travail et les tâches des PC

§65. La 8 e Assemblée Plénière a souligné nombre de lacunes et de fautes des PC et a indiqué toute une série de tâches concrètes spéciales qui doivent être remplies par toutes les Sections en vue de la lutte contre la guerre.

Ces indications demeurent entièrement en vigueur. Depuis la 8 e Assemblée Plénière nous nous sommes enrichis d’une expérience nouvelle. Le 6 e Congrès tire de cette expérience toutes les déductions convenables en vue de l’activité future des PC.

§66. Le défaut principal dont toutes les Sections de l’IC sont encore affligées est la sous-estimation du danger et de l’imminence de la guerre. Cela est évident par le fait que presque toutes les Sections ne travaillent pas avec l’énergie requise à réaliser les décisions de la 8 e Assemblée Plénière. Deux événements récents de la plus haute importance — la note de l’Angleterre à l’Égypte et la guerre du Japon contre la Chine — ont passé inaperçus comme de menus incidents absolument insignifiants.

En présence de la rapide progression de gauche des masses indiquant qu’elles sentent le danger de guerre, les communistes risquent de se trouver à la remorque de la classe ouvrière au lieu de la mener au combat contre la guerre.

Nombre de Sections se trouvent sous l’influence de la propagande bourgeoise et social-démocrate en faveur de la «paix», du «désarmement» et de «l’arbitrage international» et ne croient pas à la proximité du danger de guerre, dont elles parlent comme de quelque chose de très éloigné.

La sous-estimation du danger de guerre, en particulier de celui qui menace l’US, se manifeste par l’incompréhension de faits et de manifestations qui révèlent la préparation continue de la guerre.

Ainsi, par exemple, après le rappel de Rakovski, un assez grand intervalle de temps s’est écoulé avant que les camarades français aient apprécié cet événement comme un engagement décisif de la France dans la voie de la préparation diplomatique de la guerre contre l’US.

Le Parti yougoslave reconnaît qu’il ne se rendait pas compte de la proximité du danger de guerre pendant le conflit italo-yougoslave. Plusieurs PC dans États Baltes n’ont pas saisi du premier coup le sens véritable des méthodes de préparation du bloc antisoviétique des États Baltes (par exemple, les pourparlers touchant l’union douanière entre l’Esthonie et la Lettonie).

Toutes ces erreurs, reconnues et rectifiées par la suite par les Partis respectifs, montrent combien il est dangereux de laisser passer sans y prendre garde les mesures tendant à la préparation de la guerre. Il faut se tenir constamment en éveil et suivre les formes concrètes par lesquelles se manifeste le danger de guerre.

§67. Un des principaux défauts de l’action des Partis contre la guerre est leur manière de voir trop abstraite, schématique, superficielle même sur cette question.

Certaines Sections bornent leur activité à des interventions dans les parlements et les réunions publiques ; interventions dans lesquelles la question de la guerre est habituellement reléguée à l’arrière-plan.

Nos Partis n’ont pas encore appris à combiner notre lutte parlementaire contre la guerre avec le travail en dehors du parlement en vue de populariser nos revendications (tout le travail des communistes tchécoslovaques dans l’affaire Saint-Gothard et dans la question de l’expédition d’armes en Chine s’est borné à de timides protestations au parlement et dans les journaux).

Les problèmes internationaux et le problème de la guerre sont inséparables, ils sont une partie de la lutte générale de classe, ils doivent être liés aux conflits de classe intérieurs, et en particulier aux conflits dans les entreprises de l’industrie de guerre proprement dite.

La mécanisation des forces militaires et la militarisation de l’industrie rattachée directement à la guerre réclament une activité énergique parmi ces branches d’industrie ainsi que parmi les organisations syndicales et les autres organisations ouvrières qui s’y trouvent. Il n’y a encore que peu d’indices témoignant que les PC aient sérieusement entrepris l’accomplissement de cette tâche élémentaire.

§68. Le problème de la guerre est toujours considéré d’une façon trop abstraite ; de là l’incapacité où l’on est de prendre une position déterminée sur les questions de la politique de guerre. Parfois les Partis ne réagissent pas, ou bien réagissent trop tard contre le mensonger antimilitarisme des social-démocrates qui trouve souvent un écho dans les masses (par exempte, la campagne des social- démocrates se posant en adversaires de principe de la guerre en Allemagne); parfois les PC cherchent à éviter les problèmes concrets de la politique de guerre au moyen de phrases d’ordre général et, au lieu de traiter les questions pratiques, répètent des mots d’ordre abstraits de propagande.

C’est surtout dans les questions concernant l’armée que l’on remarque une tendance à éviter ce qui touche à la lutte des revendications et des réformes partielles concrètes qui affaibliraient effectivement le militarisme (réduction de la durée du service militaire, luttes à propos de la composition des armées de métier, etc.).

La lutte pour les réformes est entièrement abandonnée aux social-démocrates, auxquels on n’oppose pas de véritable programme politique prolétarien pour la question de l’armée, programme visant l’affaiblissement du militarisme et formulant des propositions pratiques concernant l’armement des ouvriers.

Un petit nombre de Sections seulement ont pris les mesures d’organisation qui s’imposent pour mener à bien un travail antimilitariste systématique. Le travail parmi les soldats et les matelots est fort peu satisfaisant dans les pays les plus menaçants par leur puissance militaire On ne comprend pas qu’il s’agit d’un travail de masses, qu’il y aurait là un moyen d’agitation et de propagande parmi les militaires.

Dans certains pays, l’activité parmi la jeunesse est menée sur une base trop restreinte ; en d’autres, elle est réduite au travail parmi les recrues, sans base d’organisation suffisante dans la masse des soldats. Si le travail parmi les marins est mené avec énergie insuffisante dans les pays impérialistes, cela prouve que l’on sous-estime le rôle de la marine dans la prochaine guerre. Nulle part on n’a méthodiquement exploité l’influence familles sur les militaires de l’armée et de la flotte et sur les conscrits.

§69. On sous-estime presque partout l’importance immense du travail parmi les paysans des minorités nationales et dans les colonies. Il est nécessaire d’apporter la plus grande attention au travail dans tous ces domaines.

L’action contre la guerre dans les compagnes ne doit pas être menée seulement sous forme de campagnes occasionnelles, de manifestations bruyantes, etc.

Il faut une action méthodique et systématique qui se rattache aux revendications immédiates de la paysannerie laborieuse. La tâche spéciale qui s’impose est l’action parmi la jeunesse paysanne. Il est absolument nécessaire de consacrer une attention particulière à l’établissement d’une liaison entre le village et les paysans à l’armée par la correspondance, avec le concours des permissionnaires, etc. L’expérience acquise dans ce domaine est de la plus haute importance en cas de guerre.

Pour ce qui est du travail parmi les minorités nationales, nous devons, avec assez d’énergie qu’auparavant, défendre les revendications des nations opprimées, lutter contre les vexations exercées à leur égard par les gouvernements impérialistes, diriger le travail des organisations nationales-révolutionnaires.

Les PC des métropoles doivent établir une liaison constante avec les organisations communistes et les syndicats des pays coloniaux correspondants. Les PC des métropoles doivent, par des actions de masses, soutenir de toute manière les mouvements révolutionnaires des colonies.

Les PC de tous les pays doivent apporter une attention particulière à la création d’organisations sans Parti dans le genre, par exemple, de la Ligue anti-impérialiste, et en général la construction d’un front unique du prolétariat des pays capitalistes les avec le mouvement national-libérateur des peuples opprimés en vue de la lutte contre la guerre.

§70. La lutte contre le fascisme n’a pas été jusqu’à présent poussée d’une façon satisfaisante dans nombre de Sections. Il est nécessaire de développer la plus vigoureuse initiative dans ce domaine tant sous le rapport de la lutte idéologique que sous celui des manifestations révolutionnaires de masses contre le fascisme.

En même temps, il y a lieu de tenir compte non seulement des tendances fascistes manifestes, mais aussi des tendances et organisations semi-fascistes agissant sous le drapeau démocrate ou social-démocrate (la «bannière d’Empire» en Allemagne, les tendances social-fascistes aux sommets de la bureaucratie social-démocrate et syndicale, le fascisme à l’usine, etc.). Cette lutte contre le fascisme doit, sous toutes ses formes, être liée le plus étroitement possible à la lutte contre la guerre impérialiste.

§71. La période actuelle est caractérisée par une nouvelle vague de propagande pour la «paix» et le «désarmement» et par une propagande intense pour l’«interdiction de la guerre» de la part de la bourgeoisie. Jusqu’à présent ce pacifisme n’a pas été combattu avec assez d’énergie.

On a manifesté, également, trop peu d’activité dans la lutte contre la propagande bourgeoise en faveur de la paix et la propagande social-démocrate contre le soi-disant «impérialisme rouge» de l’US, contre le «bolchévisme, facteur de guerre». Si l’on a dénoncé le caractère véritable de la SdN, qui joue un rôle primordial dans la création des illusions pacifistes des masses, on ne l’a pas fait avec assez de méthode et d’énergie.

Dans la plupart des cas on a complètement négligé la principale tâche des communistes, devant les résultats de la Conférence de Genève ; cette tâche était d’associer la lutte contre la guerre à la propagande de la dictature du prolétariat et de l’armement du prolétariat. En certains pays on a commis des erreurs pacifistes, qui se sont traduites par la proclamation du mot d’ordre du désarmement.

§72. Après la 8e Assemblée Plénière, la plupart des PC n’ont pas accordé l’attention nécessaire à la popularisation parmi les membres du Parti de la méthode si juste de Lénine pour lutter contre la guerre.

Les principales questions de la lutte contre la guerre n’ont pas été suffisamment étudiées dans les organes théoriques et la presse des Partis, particulièrement en ce qui concerne l’éclaircissement des questions concrètes partielles, ce qu’il faut considérer comme un grand défaut dans le travail des Partis, étant donné que, dans la plupart des cas, il s’agit de questions d’actualité et que la presse social-démocrate, quant à elle, leur a accordé une grande attention.

Le travail des Partis souffre encore d’un manque de clarté idéologique dans toutes ces questions. Certains camarades (en France, en Suisse et en Autriche) ont soulevé la question de la «défense de la patrie» en cas de guerre avec l’Italie. D’autres sont Partisans du boycottage pur et simple des camps d’entraînement militaire (en Amérique).

Tous ces exemples de déviations, redressées il est vrai dans la suite par les organes dirigeants des Partis, montrent néanmoins qu’il est absolument nécessaire de se livrer, tant à l’intérieur des Partis eux-mêmes que dans les masses, à la propagande la plus sérieuse et la plus large au sujet du danger de guerre et des méthodes à employer pour le combattre.

§73. Les principales tâches d’agitation dans la lutte contre le danger de guerre, et en particulier contre la provocation et la préparation d’une guerre qui serait faite à l’US sont les suivantes :

1) En vue du danger de guerre tout proche, les principaux mots d’ordre doivent être «la défense de l’US», «soutien de la lutte révolutionnaire des peuples coloniaux et des peuples opprimés» «la lutte contre la guerre impérialiste».

2) Le travail d’agitation doit continuellement tendre à démasquer les desseins de pillages des différents groupes impérialistes dans tous les pays.

Il doit particulièrement viser les’ impérialistes américains, les impérialistes anglais qui dirigent la préparation de la guerre contre l’US, et les impérialistes anglais et japonais, promoteurs des interventions militaires en Chine. Il faut réclamer la publication de tous les traités secrets et de tous les accords militaires secrets.

3) Il faut critiquer et dénoncer les propositions social-démocrates en faveur de la «limitation des armements», pour la défense du protocole de Genève et du système d’un tribunal d’arbitrage obligatoire.

4) Il faut mener une campagne énergique en vue de démasquer la propagande de la «paix industrielle» de la collaboration des classes, syndicats neutres (apolitiques) et d’Union Company, préconisés par les leaders des syndicats réformistes ; tout cela, dans le fond, sert à préparer la guerre.

5) Il faut, dès à présent, entreprendre d’expliquer pourquoi les ouvriers devront, pendant la prochaine guerre, vouloir la défaite de leur patrie impérialiste. Le mot d’ordre de «la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile» doit être, dès à présent, avant toute déclaration de guerre, l’idée directrice de notre propagande.

6) La lutte contre le partage impérialiste de la Chine doit être menée par tous les PC sous la forme de grandes campagnes de masses et sous la forme d’une lutte contre les mesures spéciales, militaires et politiques, des grandes puissances. Elle est liée de la manière la plus étroite à la lutte contre le danger d’une nouvelle guerre impérialiste.

§74. Les mesures les plus importantes, indiquées déjà en grande partie dans les thèses de la 8e Assemblée Plénière, sont les suivantes : manifestations des femmes et des enfants sur le chemin des troupes envoyées au front et sur les lieux d’embarquement, manifestations des femmes, des enfants et des invalides devant les édifices des parlements ; agitation contre la guerre parmi les organisations féminines prolétariennes et petites-bourgeoises, convocation de conférences de délégués sous le mot d’ordre contre la guerre impérialiste ; assemblées de femmes devant les fabriques et les usines, ainsi que dans les quartiers ouvriers qui enverront des délégués ; utilisation des assemblées de délégués actuellement existantes ou à créer comme organes permanents assurant la campagne contre la guerre impérialiste.

Il faut réaliser plus nettement la tactique du front unique et le travail des comités «Bas les mains devant l’URSS» et attirer les syndicats à ces comités : il faut mener sur toute la ligne la lutte contre le fascisme constituant l’un des bataillons armés de la contre-révolution ; il faut constituer, partout où cela est possible, des organisations de masses dans le genre de l’Union Allemande des Combattants du Front Rouge ; il est indispensable d’agir, dans les organisations sportives, contre le fascisme, contre la guerre : il est indispensable d’utiliser systématiquement et de renforcer les organisations de classe existantes des victimes de la guerre (mutilées, veuves, etc.) en vue de la lutte contre la guerre impérialiste.

Les JC doivent développer, en contact étroit avec le Parti, un travail des plus énergiques parmi la jeunesse ouvrière et paysanne, dans laquelle se recrutent les soldats.

Les organisations d’instituteurs, de parents et d’élèves et les groupes communistes d’enfants doivent également être utilisés : il faut créer de nouvelles organisations parmi les enfants en vue de lutter contre l’influence impérialiste dans les écoles.

§75. La préparation des PC eux-mêmes est une tâche de la plus haute importance. On cultivera dans les Sections de l’IC une conscience plus profonde de la solidarité internationale : c’est la condition indispensable de la préparation des PC à la guerre.

Le contact le plus étroit doit être établi entre toutes les Sections avant le début de la guerre ; ce contact doit être maintenu par tous les moyens pendant toute la guerre.

Au cours de la mobilisation qui précédera la guerre, la terreur exercée contre tout mouvement révolutionnaire et contre les PC sera des plus atroces. Des milliers et des milliers d’ouvriers communistes et révolutionnaires seront envoyés dans des camps de concentration d’après des listes établies d’avance.

Les impérialistes auront à cœur d’anéantir non seulement les PC légaux, mais tout l’appareil et la direction des Partis illégaux.

Les Partis doivent, d’ores et déjà, se préparer à tout cela. Les PC légaux doivent songer très sérieusement à préparer, pour le moment où il le faudra, leur retraite dans l’action illégale et clandestine.

Les Partis déjà illégaux doivent prévoir leur direction et leur organisation pour le temps où la terreur sera plus impitoyable encore qu’en ce moment. Il faut préparer à temps le changement des méthodes d’organisation, des liaisons d’organisation, de haut en bas. Les membres du Parti doivent être préparés à la nouvelle situation qui résultera pour eux de la mobilisation et du début de la guerre.

§76. Le 6 e Congrès Mondial rappelle à tous les communistes cette parole de Lénine : la lutte contre la guerre est loin d’être une chose

facile. Il propose à tous les Partis de se soumettre à une critique très sévère et de contrôler le travail effectué jusqu’à présent pour lutter contre le danger de guerre et préparer les Partis à la lutte pendant la guerre. Il leur fait un devoir de relever impitoyablement et de corriger aussitôt toutes les fautes commises.

Le 6 e Congrès Mondial engage toutes les Sections à donner à la lutte contre la guerre un caractère plus international, à prendre les mesures préparatoires à la coordination internationale des interventions révolutionnaires afin de se trouver en état, le moment venu, d’opposer à la guerre de grandes interventions internationales de masses.

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de l’Internationale Communiste

Thèses sur la Situation Internationale et les Tâches au sixième congrès de l’Internationale Communiste

Introduction

§1. Après la première guerre mondiale, le mouvement ouvrier international a traversé diverses phases historiques de développement, expression des différentes phases de la crise générale du système capitaliste.

La première période, période de crise aiguë du système capitaliste, période d’interventions révolutionnaires directes du prolétariat, dont le point culminant fut l’année 1921, s’acheva, d’une part, par la victoire de l’URSS sur les forces de l’intervention de la contre-révolution intérieure, par la consolidation de la dictature prolétarienne et par l’organisation de l’IC ; d’autre part, par de pénible défaites du prolétariat de l’Europe occidentale et par le début d’une offensive générale de la bourgeoisie.

Le dernier chaînon de cette période fut la défaite du prolétariat allemand en 1923.

Cette défaite fut le point de départ de la seconde période constituée graduellement par la stabilisation partielle du système capitaliste, par le processus de «relèvement» de l’économie capitaliste, le développement et l’extension de l’offensive du capital, de nouveaux combats défensifs de l’armée prolétarienne affaiblie par ses graves défaites ; d’autre part, cette période fut celle d’un rapide processus de relèvement de l’URSS, de succès sérieux dans l’édification du socialisme et d’une influence politique croissante des PC sur les grandes masses du prolétariat.

Enfin, la troisième période est, au fond, celle du relevèrent de l’économie capitaliste et parallèlement, de celle de l’URSS, au-delà de leurs niveaux d’avant-guerre (début de la période dite de «reconstruction», nouvelle croissance des formes socialistes de l’économie sur la base d’une technique nouvelle).

Pour le monde capitaliste, cette période est celle d’un rapide développement de la technique, d’une croissance intense des cartels, des trusts, des tendances au capitalisme d’État, et conjointement, celle d’un puissant développement des contradictions de l’économie mondiale, se mouvant dans des formes déterminées tout le cours antérieur de la crise du capitalisme (marchés réduits, URSS, mouvements coloniaux, accroissement des contradictions intérieures de l’impérialisme).

Cette troisième période, qui a particulièrement aggravé la contradiction existante entre la croissance des forces productives et la réduction des marchés, rend inévitable une nouvelle phase de guerres impérialistes entre les États impérialistes, de guerres de ces derniers contre l’URSS, de guerres de libération nationale contre les impérialistes et leurs interventions, de batailles de classes gigantesques.

En aiguisant les contradictions internationales (contradictions entre les pays capitalistes et l’URSS, occupation militaire du Nord de la Chine comme commencement de son démembrement et de la lutte entre les impérialistes, etc.) et les contradictions intérieures dans les pays capitalistes (radicalisation de masses de la classe ouvrière, intensification de la lutte de classes), en déchaînant les mouvements coloniaux (Chine, Inde, Égypte, Syrie), cette période aboutit fatalement, par un nouveau développent de la stabilisation capitaliste, à nouvel ébranlement de la stabilisation capitaliste et à une aggravation aiguë de la crise générale du capitalisme.

1. — L’économie mondiale et sa technique

§2. Il est incontestable que l’essor considérable de la technique des pays capitalistes prend dans certains d’entre eux (États-Unis, Allemagne) le caractère d’une révolution technique.

D’une part, l’accroissement gigantesque du nombre des moteurs à combustion interne, l’électrification, le développement des procédés chimiques dans l’industrie, les nouvelles méthodes pour obtenir du combustible et des matières premières synthétiques (benzine, soie artificielle), l’emploi des métaux légers, l’extension considérable des transports automobiles ; d’autre part, les nouvelles formes de l’organisation du travail combinées avec le développement excessivement rapide du travail à la chaîne, ont relevé de nouveaux les forces productives du capitalisme.

Sur cette base se développe le chiffre d’affaires du commerce extérieur et s’élève considérablement l’exportation des capitaux ; il faut noter que l’importance de cette forme de liaison économique entre les pays s’est sensiblement accrue par rapport à la période d’avant-guerre.

§3. Dans le domaine de l’économie, on observe un accroissement excessivement rapide des monopoles capitalistes (cartels, trusts, consortiums de banques qui ont aussi une influence croissante sur l’agriculture). Parallèlement à l’organisation du capital en cartels et en trusts dans les frontières «nationales» se développe aussi le processus d’accroissement des groupements financiers-capitalistes internationaux.

On observe aussi un accroissement des tendances au capitalisme d’État, tant sous la forme du capitalisme d’État au sens propre du mot (centrales électriques d’État, entreprises industrielles et de transports municipales) que sous la forme d’une fusion croissante des organisations patronales avec les organes du pouvoir d’État.

§4. La crise générale du capitalisme prend de nouvelles formes et développe des contradictions spécifiques sur la base de ces modifications radicales de la structure de tout le système économique mondial.

Le déplacement du centre économique du capitalisme, d’Europe en Amérique, et la tendance croissante de l’Europe, organisée en trusts et renforcée, de s’affranchir de la domination économique des États-Unis, le développement du capitalisme dans les pays coloniaux et semi-coloniaux ; la disproportion énorme entre le rythme de croissance de la puissance économique et militaire des différents pays et l’envergure de leurs possessions coloniales ; le danger qui menace les positions des impérialistes dans les colonies et avant tout en Chine : le développement de l’URSS comme facteur de radicalisation de la classe ouvrière de tous les pays et des masses travailleuses des colonies, opposé au système capitaliste mondial ; toutes ces contradictions ne peuvent pas ne pas aboutir en fin de compte à une nouvelle explosion.

§5. Les forces productives accrues du capitalisme entrent toujours plus en conflit avec les limites des marchés intérieurs réduits par la ruine d’après-guerre dans différents pays impérialistes et par la paupérisation croissante des masses paysannes dans les colonies et avec la structure de l’économie mondiale d’après-guerre dont les contradictions se sont accrues et compliquées à l’extrême par le nouvel antagonisme de principe entre l’URSS et les pays capitalistes.

La rupture de l’équilibre entre l’Amérique et l’Europe trouve son expression la plus vive dans le «problème allemand» et dans le déclin de l’impérialisme britannique.

L’Allemagne qui s’est rapidement développée, dans une grande mesure grâce aux crédits américains, et qui est contrainte de payer les réparations et les intérêts de ses dettes, ne trouve pas de marchés suffisants pour l’exportation de ses marchandises, et tout le système de ses rapports se maintient par les crédits américains toujours renouvelés qui, à leur tour, augmentent la capacité de concurrence de l’Allemagne sur le marché mondial.

Le déclin de l’impérialisme britannique se manifeste directement par la continuité du déclin et du marasme de l’industrie britannique dont les principales branches d’exportation, malgré toutes les tentatives de rationalisation, malgré l’offensive croissante contre le niveau de vie de la classe ouvrière, sont de moins en moins capables de soutenir la concurrence sur le marché mondial.

Il se manifeste par la réduction constante de l’exportation des capitaux britanniques et par la perte de la position dominante de la bourgeoisie anglaise comme créancière et banquière mondiale. Il se manifeste surtout par un chômage chronique considérable.

Ce déclin économique, en rapport avec le développement des Dominions et l’éveil révolutionnaire des colonies, se traduit par des tendances de désagrégation de l’Empire britannique.

§6. Les succès dans le domaine de la technique et de l’organisation ont contribué à un chômage en masse chronique dans les principaux pays industriels. L’armée des chômeurs est plusieurs fois supérieure à l’armée industrielle de réserve d’avant-guerre et n’est pas absorbée totalement dans les périodes de conjoncture favorable.

Aux États-Unis, par exemple, où la technique a fait les progrès les plus considérables, parallèlement à une forte croissance de la production se produit une réduction de la main-d’œuvre employée par le capital industriel.

Même dans les pays où existe ce développement de la technique, la rationalisation, cause d’une grande extension de la production, entraîne une intensification énorme et une accélération terrible du travail, une dépense extrêmement épuisante de la main- d’œuvre.

La mécanisation du travail permet aux capitalistes d’employer de plus en plus la main d’œuvre non qualifiée (femmes et adolescents) et, en général, de remplacer la main-d’œuvre qualifiée par de la main-d’œuvre non qualifiée.

Les tentatives d’atténuer ces difficultés par la constitution de cartels européens et internationaux reproduisent sur une plus large base et sous de nouvelles formes la concurrence (détermination de la quote de production, lutte contre les entreprises non-adhérentes aux cartels, etc.) entre l’Angleterre et les États du continent européen et sur le continent européen lui- même, avec sa division politique et économique et ses nombreuses barrières douanières.

Dans ces conditions, le problème des marchés et des sphères d’investissement de capitaux devient excessivement aigu.

De là, résulte l’approche d’une nouvelle phase de grandes collisions militaires, d’une guerre d’intervention contre l’URSS, de là découle l’imminence très proche d’une intervention en Chine. En définitive, le développement des contradictions de la stabilisation capitaliste aboutit donc fatalement à la transformation de la période de «stabilisation» actuelle en période de grandes catastrophes.

2. — Les relations internationales et les problèmes de «politique étrangère»

§7. Les rapports entre les États capitalistes et l’URSS, l’attitude de l’impérialisme envers la Chine, les rapports entre l’Europe, surtout entre la Grande-Bretagne et les États-Unis, constituent la base des rapports internationaux en général dans la période actuelle.

Le développement de l’Allemagne, cause du regroupement des puissances, est un des principaux facteurs des changements dans les rapports entre les États d’Europe.

§8. Il faut reconnaître que le facteur essentiel du développement actuel du capitalisme en général est le transfert du centre économique aux États-Unis d’Amérique et, sur cette base, la croissance de leur agressivité impérialiste.

En qualité de créditeur permanent de l’Europe, les États-Unis sont le levier de l’essor de l’Europe centrale, ils consolident en même temps leurs positions dans presque toutes les parties du monde : l’Amérique latine devient progressivement, par l’évincement du capital britannique, une «sphère d’influence» énorme des États-Unis qui répriment sur le continent américain toute résistance par le fer et par le feu (Nicaragua, etc.), le Canada, voire même l’Australie, gravitent toujours plus vers eux dans la ligne de la «collaboration économique»: l’hégémonie des États-Unis y est assurée d’avance.

Dans le monde entier, les États-Unis poursuivent un vaste plan de conquête des principales sources de matières premières et d’affaiblissement des positions de l’Angleterre, en détruisant son monopole du naphte et du caoutchouc, en sapant sa base dans la production du coton en Égypte et au Soudan, etc.; en Afrique, les États-Unis développent de larges plans destinés à saper la puissance de l’Angleterre dans le domaine de la production du coton ; en Chine, ils se heurtent au Japon et à l’Angleterre et occupent une position plus solide en se retranchant pour le moment derrière le principe de la «porte ouverte», mais, en fait, ils participent au partage de la Chine.

Ainsi, l’impérialisme de l’Amérique du Nord passe toujours plus de la politique de «pénétration pacifique» à la politique d’occupation militaire directe des colonies.

§9. Cette rapide expansion des États-Unis se heurte fatalement aux intérêts du capitalisme britannique en décadence, mais encore puissant. Les contradictions entre la république du dollar avec son intense rythme de développement, mais ne possédant que relativement peu de colonies, et l’empire colonial britannique en déclin, avec son énorme monopole colonial, constitue l’axe des contradictions internationales de la période actuelle ; c’est ici que se trouve le nœud de la prochaine lutte pour le nouveau partage du monde colonial (et pas seulement du monde colonial).

La «collaboration» anglo-américain est devenue une rivalité anglo- américaine féroce, qui développe les perspectives d’une énorme collision de forces.

§10. L’influence du capital américain en Europe s’est manifestée surtout sur l’essor économique de l’Allemagne. De puissance qui gisait dans le bas-fond de la ruine économique, l’Allemagne s’est élevée de nouveau à une grande hauteur, à l’aide des crédits systématiques des États-Unis. Le rôle politique de l’Allemagne s’est élevé en conséquence.

La croissance du capitalisme monopoliste en Allemagne provoque, d’une part, la désagrégation croissante du Traité de Versailles, d’autre part une orientation qui se précise toujours plus, dans le sens «occidental», c’est-à-dire impérialiste et antisoviétique.

Si, dans les temps de son humiliation économique, politique et nationale, l’Allemagne cherchait un accord avec l’État prolétarien, unique État dressé contre l’asservissement impérialiste de l’Allemagne, les tendances croissantes du néo-impérialisme allemand poussent toujours plus la bourgeoisie allemande à une position antisoviétique.

§11. Ce fait doit lui-même fatalement modifier les groupes de puissances européennes. L’existence de nombreuses contradictions internes à l’Europe (avant tout l’antagonisme franco-italien dans les Balkans et dans l’Afrique du Nord), sur la base d’une instabilité générale des rapports, provoque un regroupement permanent des puissances. Cependant, à travers la bigarrure de ces groupements changeants, une tendance fondamentale se précise, celle de la lutte contre l’US.

Les accords et les traités innombrables entre petits et grands États (Pologne, Roumanie, Italie, Hongrie, Tchécoslovaquie, États limitrophes, etc.) dirigés contre l’URSS et conclus d’après les directives venant de Londres et de Paris, expriment cette tendance avec une netteté toujours plus grande. Le changement de position de l’Allemagne achève dans une certaine mesure, une phase de ce processus de préparation de la guerre du bloc contre-révolutionnaire des impérialistes contre l’URSS.

§12. La lutte pour les marchés et les sphères d’investissements de capitaux est non seulement pleine de menaces de guerre contre l’URSS et entre les États impérialistes, elle a déjà abouti à une grande guerre d’intervention pour le partage de l’immense marché chinois.

Là où les impérialistes sont en présence d’un objet d’exploitation et d’un mouvement révolutionnaire qui sape la domination des principes capitalistes, la formation de blocs impérialistes généraux est des plus probables.

C’est pourquoi, parallèlement au bloc des puissances impérialistes contre l’URSS, existe une intervention militaire contre-révolutionnaire générale contre les forces de la révolution chinoise.

Mais cette lutte commune contre la révolution chinoise développe de profondes contradictions d’intérêts au sein du bloc des impérialistes, en premier lieu entre l’impérialisme rapace et franchement annexionniste du Japon et l’énorme puissance de l’impérialisme américain qui, dans l’étape actuelle, se drape dans la toge du pacifisme. Ainsi, la guerre des impérialistes contre le peuple chinois peut déchaîner un formidable conflit entre eux.

3. — Le pouvoir d’État de la bourgeoisie et le regroupement des forces de classes

§13. Dans l’énorme majorité des pays capitalistes, la politique de la bourgeoisie est déterminée actuellement par deux tâches essentielles : premièrement, l’augmentation de la «capacité de concurrence», c’est-à-dire le développement de la rationalisation capitaliste ; deuxièmement, la préparation de la guerre.

Du point de vue social, de classe, cette politique de la bourgeoisie aboutit, d’une part, à renforcer la pression sur la classe ouvrière et à élever le taux de son exploitation, et d’autre part, pour parer aux conséquences de cette exploitation accrue, l’emploi de méthodes de corruption économique et politique dont la social-démocratie est de plus en plus l’agent.

§14. La centralisation du capital et la participation de la grosse propriété foncière à l’organisation générale du capital financier, par l’intermédiaire du système bancaire, consolident toujours plus les forces des grands exploiteurs, dont les organisations fusionnent directement avec les organes du pouvoir d’État.

Si le système dit «du capitalisme d’État de guerre» fut dans une grande mesure un «système économique d’État de siège» «aboli» à la fin de la guerre, la croissance des tendances au capitalisme d’État, qui reposent actuellement sur le développement des forces productives et la concentration rapide de l’économie, est à son tour, une prémisse objective la mobilisation économique militaire pour les collisions à venir.

Dans la préparation des forces productives, le déplacement qui s’opère vers l’industrie chimique joue un rôle prédominant dans la guerre moderne et souligne encore davantage toute l’importance de ce fait.

§15. Cette évolution des rapports entre l’État et les organisations patronales, la concentration de toutes les forces de la bourgeoisie dans l’État bourgeois provoquent dans tous les pays capitalistes une évolution réactionnaire de tout «le régime étatique bourgeois».

Cette évolution, expression typique de la période critique actuelle du capitalisme, s’exprime sur le terrain politique par la crise générale de la démocratie et du parlementarisme bourgeois et son empreinte sur toutes les collisions économiques entre le capital et le travail en leur donnant une acuité inouïe. Toute grande grève économique met aux prises les ouvriers avec des trusts capitalistes géants étroitement liés au pouvoir d’État des impérialistes.

Chacune de ces grèves acquiert pour cette raison un caractère politique, c’est-à-dire un caractère général de classe. Le développement de chacune de ces grèves lui imprime le caractère d’une grève «dirigée» contre l’État. Cet état de choses oblige la bourgeoisie et son pouvoir d’État à recourir à des formes compliquées de corruption économique et politique de certaines couches de la classe ouvrière et de ses organisations politiques et syndicales.

La liaison des cadres supérieurs des syndicats réformistes et des Partis «réformistes» avec les organisations patronales et l’État bourgeois — les ouvriers devenant fonctionnaires de l’État et fonctionnaires des organisations patronales, la théorie et la pratique de la démocratie économique, de la «paix industrielle», etc. — ce sont là des moyens préventifs contre le développement de la lutte de classes.

§16. En même temps, les États impérialistes perfectionnent toujours davantage leurs instruments et leurs méthodes de répression contre les détachements révolutionnaires du prolétariat, en particulier contre les PC, les seuls Partis qui organisent et mènent la lutte révolutionnaire de la classe ouvrière contre les guerres impérialistes et l’exploitation croissante.

Ces mesures sont liées aussi directement avec la préparation des États impérialistes à la guerre, mais reflètent en même temps la grande acuité des contradictions de classe et en particulier l’acuité de toutes les formes et de toutes les méthodes de lutte de classes, qui se traduit par l’application toujours plus fréquente des méthodes fascistes de la part de la bourgeoisie.

On compte ici : le bill sur les syndicats en Angleterre, la loi militaire de Paul-Boncour et la répression contre les communistes en France, les lois sur la protection de l’État (par exemple dans les Balkans), la destruction des syndicats et la terreur contre les communistes en Italie, la terreur au Japon, en Pologne, les massacres de communistes, d’ouvriers et de paysans révolutionnaires en Chine et la répression contre les révolutionnaires dans les colonies en général, les tentatives de dissolution de l’Union des Combattants du Front Rouge en Allemagne, etc., etc.

Dans les pays où les communistes sont encore légaux, la bourgeoisie, avec l’aide de la social-démocratie s’efforce de les rendre illégaux.

C’est pourquoi la préparation des masses à la lutte et le combat énergique contre les tentatives d’attaque répétées de la part de la bourgeoisie sont à l’ordre du jour.

§17. Parallèlement, s’accroit sous des formes très variées la résistance de la classe ouvrière déjà remise des lourdes défaites de la période précédente. Le développement des contradictions de la stabilisation capitaliste, la rationalisation, le chômage croissant, la pression toujours plus forte sur la classe ouvrière, la ruine de la petite bourgeoisie, etc., accentuent inévitablement la lutte de classes et élargissent sa base.

À cela s’ajoute le processus de «radicalisation général de la classe ouvrière» dans les pays de l’Europe, l’affaiblissement de l’influence des Partis purement bourgeois sur la masse des ouvriers qui se rallient en partie à la social-démocratie, en partie au communisme, le passage des éléments les plus combatifs de la classe ouvrière de la social-démocratie au communisme, la social-démocratie s’appuyant toujours plus sur les couches petites-bourgeoises et déplaçant ainsi sa base sociale, de la classe ouvrière vers la petite-bourgeoisie.

L’influence des PC croit au sein de la classe ouvrière. Si le début de la période de stabilisation et d’offensive générale du capital a suscité de grandes luttes défensives, la nouvelle phase détermine de même l’apparition de vastes luttes de masses : avant tout la vague de grèves dans différents pays (Allemagne, France, Tchécoslovaquie, etc.), l’insurrection du prolétariat de Vienne, les manifestations à l’occasion de l’exécution de Sacco et Vanzetti, le mouvement en faveur l’URSS, etc.

Ainsi, la reproduction des contradictions de la stabilisation capitaliste, l’acuité croissante de la lutte de classes aboutissent, malgré les contre-mesures prises par la bourgeoisie et la social-démocratie, à une différenciation idéologique et à la croissance des forces révolutionnaires au sein de la classe ouvrière, et à la consolidation des positions du communisme an sein du mouvement ouvrier international.

4. — La lutte de classes, la social-démocratie et le fascisme

§18. Malgré l’aggravation de la lutte de classes, le réformisme donne des indices de sa vitalité et de sa ténacité politiques dans le mouvement ouvrier d’Europe et d’Amérique.

La cause générale, sociale et économique de ce fait fondamental est dans le développement lent de la crise du capitalisme, dans la croissance de certaines de ses parties intégrantes principales et dans le déclin relativement lent des autres.

Les faits suivants s’y rapportent : consolidation croissante des positions des États-Unis comme exploiteur, créditeur et usurier mondial («prospérité» des États- Unis); grande puissance coloniale de l’Angleterre qui perd, progressivement seulement, ses positions sur le marché mondial ; essor de l’économie allemande, etc.

En liaison avec ce premier processus, il existe un processus secondaire d’intégration des appareils de l’État et des organisations patronales avec les cadres supérieurs des organisations ouvrières dirigées par la social- démocratie, formation de nouveaux fonctionnaires avec des bureaucrates ouvriers (fonctionnaires d’État, des municipalités, des organisations patronales, fonctionnaires au service des organisations «communes» des ouvriers et des capitalistes, «représentants du prolétariat» dans l’administration des postes, les conseils de chemins de fer, où ils prennent la parole au nom des syndicats, de la coopération, etc.).

§19. Ce processus d’embourgeoisement des cadres supérieurs de la bureaucratie ouvrière est consciemment appuyé et favorisé par la social-démocratie qui a passé de la défense timide à l’appui ouvert et à l’édification active du capitalisme, des phrases sur la lutte de classes à la prédication de la «paix industrielle», de la «défense de la patrie» à la préparation de la guerre contre l’URSS (Kautsky), de la défense en paroles des colonies à un appui direct de la politique d’oppression coloniale, du pacifisme petit-bourgeois à la déification de la SdN impérialiste, du révisionnisme faussement marxiste au libéralisme du Labour Party britannique.

§20. Cette position idéologique correspond entièrement et pratiquement à l’activité de la social-démocratie et des leaders syndicaux réformistes, en premier lieu leur campagne pour l’application générale des méthodes américaines de corruption et de décomposition de la classe ouvrière (activité du Bureau International du Travail, conférences de délégués du Conseil général et du Labour Party avec les associations patronales en Angleterre, le Conseil Économique National en France, le «Schlichtungswesen» en Allemagne, les lois d’arbitrage obligatoire dans différents pays scandinaves, création d’un organe commun «Chambre de Commerce» et «Chambre ouvrière» en Autriche, etc.).

Le rôle perfide de la social-démocratie et des leaders des syndicats réformistes pendant les grèves et les crises politiques, pendant les confits et les insurrections dans les colonies, leur justification de la terreur contre les ouvriers (grève anglaise, insurrection de Vienne, grève des ouvriers des métaux en Allemagne, fusillade contre les ouvriers en Tchécoslovaquie et en Pologne, insurrection en Indonésie, révolution en Chine, insurrections Syrie et au Maroc, etc., etc., se complètent actuellement par leurs attaques acharnées contre les communistes et les ouvriers révolutionnaires (politique d’exclusion et de scission des syndicats, des coopératives et autres organisations de masses dans divers pays).

§21. Cette politique de division de la classe ouvrière est largement pratiquée par les leaders réformistes qui, sur l’ordre de la bourgeoisie excluent les meilleurs éléments révolutionnaires des organisations de masses du prolétariat.

Elle est une partie intégrante de leur politique de collaboration avec la bourgeoisie, son but est de saper dès le début l’unité intérieure des rangs prolétariens et d’affaiblir ainsi leur résistance aux attaques du capital. Cette politique est un des chaînons indispensables de toute leur politique social- impérialiste (politique des armements, antisoviétique et de brigandage dans les colonies).

Pour contrebalancer ces tentatives réformistes de désagrégation du front prolétarien de l’intérieur, les communistes doivent entreprendre et développer, actuellement surtout, une contre-offensive énergique pour résister à la politique réformiste de scission des organisations de masses du prolétariat (Syndicats, Coopératives, associations culturelles et sportives, etc.) par la lutte de masses pour l’unité de classe.

Les prétendus leaders «de gauche» de la social-démocratie jouent un rôle particulièrement odieux dans les menées scissionnistes du réformisme. En paroles, ils préconisent l’unité, mais en fait, ils appuient toujours et sans réserves les méthodes criminelles de scission de la 2e Internationale et des partisans d’Amsterdam.

§22. Dans le domaine de la politique extérieure, l’état-major de la social-démocratie et des syndicats réformistes des pays impérialistes exprime d’une façon conséquente les intérêts de l’État bourgeois.

Appuyer cet État, ses forces armées, sa police, ses aspirations d’expansion, son hostilité de principe contre l’URSS, appuyer les traités et accords spoliateurs, la politique coloniale, les occupations, les annexions, les protectorats et les mandats : appuyer la SdN et la campagne haineuse des puissances impérialistes contre l’URSS ; participer à la tromperie «pacifiste» des masses, à la préparation de guerre contre les républiques prolétariennes, à la tromperie des ouvriers coloniaux (Purcell aux Indes, résolution de la 2e Internationale sur la question coloniale), — tels sont les traits essentiels de la ligne de conduite effective de la social-démocratie dans le domaine de la politique extérieure.

§23. La social-démocratie a joué durant toute la période écoulée le rôle de dernière réserve de la bourgeoisie, du parti «ouvrier» bourgeois. Par ses soins, la bourgeoisie a frayé la voie à la stabilisation du capitalisme (série de cabinets de coalition en Europe).

La consolidation du capitalisme a rendu superflue, dans une certaine mesure, la fonction de la social-démocratie comme parti dirigeant. Son évincement des coalitions et la formation de gouvernements «purement bourgeois» ont succédé à l’«ère» dite du «pacifisme démocratique». Jouant, d’une part, le rôle d’opposition ; d’autre part, celui d’agitateur et de propagandiste de la politique du «pacifisme réaliste» et de la «paix industrielle», la social-démocratie a maintenu son influence sur des couches importantes de la classe ouvrière, a conquis une partie des ouvriers qui ont quitté les partis bourgeois, acquis de l’influence parmi les couches de la petite- bourgeoisie en voie de radicalisation (élections en France et en Allemagne) et en Europe centrale est entrée de nouveau au gouvernement.

Il faut se rendre compte cependant que ces nouveaux gouvernements de coalition avec la participation directe de la social-démocratie, ne peuvent être et ne seront une simple répétition des combinaisons précédentes, spécialement en ce qui concerne les questions de la politique extérieure, en général, et les questions de politique militaire en particulier. La direction sociale-démocrate jouera ici un rôle infiniment plus perfide que dans toutes les étapes antérieures.

Il faut également tenir compte qu’en liaison surtout avec la pratique des coalitions de la social-démocratie et avec l’évolution de ses leaders officiels, un renforcement de l’«aile» gauche de la social-démocratie (austro-marxisme, tranmelisme, idéologie de l’Independant Labour Party en Angleterre, du maximalisme en Italie) est possible, celle-ci trompant les masses ouvrières par des méthodes plus subtiles et par conséquent plus dangereuses pour la cause de la révolution prolétarienne.

L’expérience des périodes critiques (révolution de 1923 en Allemagne, grève anglaise, insurrection de Vienne), ainsi que l’attitude des social-démocrates de «gauche» dans la question de la préparation de guerre des impérialistes contre l’URSS, ont démontré que les leaders social-démocrates «de gauche» sont en fait les ennemis les plus dangereux du communisme et la dictature du prolétariat.

Ceci est particulièrement confirmé par l’ignoble conduite de la social-démocratie autrichienne, ce «parti modèle» de l’aile «gauche» de la 2e Internationale, lors des sanglants combats du prolétariat de Vienne en juillet 1927.

Cette faillite complète des Bauer, Adler et C ie démontre avec évidence que l’«austro-marxisme», accentuant toujours plus nettement ses tendances réactionnaires, après la répression de l’insurrection de Vienne, trahit constamment, dans la pratique, d’une façon ignoble, la cause ouvrière et est, aux mains des réformistes, l’instrument le plus dangereux pour duper les masses révolutionnaires.

C’est pourquoi, tout en tenant compte du processus de radicalisation des ouvriers au sein même de la social-démocratie et en s’efforçant d’étendre toujours plus leur influence sur eux, les communistes doivent démasquer impitoyablement les leaders social-démocrates «de gauche» comme les agents les plus dangereux de la politique bourgeoise au sein de la classe ouvrière et conquérir la masse ouvrière qui abandonne fatalement la social-démocratie.

§24. Tout en s’assurant le concours de la social-démocratie, la bourgeoisie, dans des moments critiques et des conditions déterminées, organise une forme fasciste du régime.

Le trait caractéristique du fascisme est qu’au moment de l’ébranlement du régime économique capitaliste et en raison de circonstances objectives et subjectives, la bourgeoisie profite du mécontentement de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine et rurale et même de certaines couches du prolétariat déclassé, pour créer un mouvement de masses réactionnaire, afin de barrer la route au développement de la révolution.

Le fascisme a recours à des méthodes de violence directe pour briser la force des organisations de la classe ouvrière et des paysans pauvres et prendre le pouvoir.

Une fois au pouvoir, le fascisme s’efforce d’établir l’unité politique et organique de toutes les classes dominantes de la société capitaliste (banques, grande industrie, grande agriculture) et réalise leur dictature intégrale, ouverte et conséquente.

Il met à la disposition des classes dominantes ses forces armées, spécialement dressées en vue de la guerre civile. Il réalise un nouveau type d’État s’appuyant ouvertement sur la violence, la contrainte et la corruption, non seulement des couches petites-bourgeoises, mais aussi de certains éléments de la classe ouvrière (employés, anciens leaders réformistes transformés en fonctionnaires d’État, fonctionnaires syndicaux ou du Parti fasciste, paysans pauvres et prolétaires déclassés recrutés dans la «milice fasciste»).

Le fascisme italien, par différents procédés (appui du capital américain, oppression sociale et économique extrême des masses, certaines formes de capitalisme d’État), est parvenu ces dernières années à atténuer les suites de la crise politique et économique intérieure, et il a créé un type classique de régime fasciste.

Des tendances fascistes et des embryons de fascisme existent maintenant presque partout sous une forme plus ou moins développée, l’idéologie de la collaboration de classes — idéologie officielle de la social-démocratie — a beaucoup de points communs avec celle du fascisme. Les méthodes fascistes appliquées dans la lutte contre le mouvement révolutionnaire, existent sous une forme embryonnaire dans la pratique de nombreux Partis social- démocrates et de la bureaucratie syndicale réformiste.

Dans les rapports internationaux, le fascisme poursuit une politique de violence et de provocation. La dictature fasciste en Pologne et en Italie manifeste de plus en plus des tendances agressives, elle est pour le prolétariat de tous les pays une menace constante pour la paix, un danger d’aventures militaires et de guerres.

5. — Les pays coloniaux et la révolution chinoise

§25. La crise générale du système capitaliste mondial trouve actuellement une brillante expression dans les insurrections et les révolutions coloniales et semi-coloniales.

La résistance à la politique impérialiste des États-Unis (Mexique, Nicaragua), le mouvement de l’Amérique latine contre les États-Unis, l’insurrection coloniale de Syrie et du Maroc, l’effervescence constante en Égypte, en Corée, l’insurrection en Indonésie, le processus de développement de la crise révolutionnaire aux Indes, enfin la grande révolution en Chine, tous ces événements indiquent le rôle gigantesque des colonies et des semi-colonies dans la lutte révolutionnaire contre l’impérialisme.

§26. Le principal de ces faits, événement d’importance historique mondiale, c’est la grande révolution chinoise.

Elle entraîne dans son orbite directement des dizaines de millions et indirectement des centaines de millions d’hommes, énorme masse humaine qui, pour la première fois, participe avec une telle force à la lutte contre l’impérialisme.

Le voisinage immédiat de la Chine avec l’Indochine et les Indes élève l’importance de la révolution chinoise à un degré considérable. Enfin, le cours même de cette révolution, son caractère démocratique, sa croissance inévitable en une révolution prolétarienne manifestent le rôle international de la révolution chinoise dans toute son ampleur aux yeux du prolétariat mondial.

§27. La révolution chinoise étant une révolution anti-impérialiste et d’affranchissement national, est en même temps, par son contenu objectif, et dans sa phase actuelle, une révolution démocratique bourgeoise qui, fatalement, se transformera en révolution prolétarienne.

Au cours de son développement, de la mobilisation des larges masses ouvrières et paysannes, du développement effectif de la révolution agraire qui, d’une façon plébéienne, règle les comptes avec les propriétaires fonciers : la «gentry», les «toukaos», la bourgeoisie nationale (du Kuomintang) à la suite de divers coups d’État a définitivement passé dans le camp de la contre-révolution, à une alliance avec les féodaux et à un accord avec les spoliateurs impérialistes.

C’est pourquoi la lutte contre l’impérialisme est inséparable de la lutte pour la terre et de la lutte contre le pouvoir de la bourgeoisie contre-révolutionnaire.

Elle est inséparable de la lutte contre les agrariens (gentry, toukaos), contre les militaristes, contre leurs guerres intestines qui causent le pillage des masses populaires et renforcent la position des impérialistes.

L’affranchissement de la Chine n’est possible que par la lutte contre la bourgeoisie chinoise, par la lutte pour la révolution agraire, la confiscation des terres des agrariens et l’exonération des paysans des impôts inouïs qui pèsent sur eux.

L’émancipation de la Chine est impossible sans la victoire de la dictature du prolétariat et des paysans, sans la confiscation des terres, sans la nationalisation des entreprises étrangères, des banques, des transports, etc., etc.

Ces tâches ne peuvent être résolues qu’à la condition d’une insurrection victorieuse des larges masses paysannes qui marchent sous la direction et l’hégémonie du prolétariat révolutionnaire chinoise.

La période actuelle de la révolution chinoise est caractérisée par les traits suivants : le bloc des impérialistes, des féodaux et de la bourgeoisie, malgré l’existence de contradictions intérieures dans ce bloc, a infligé une grave défaite au prolétariat et à la paysannerie et a détruit physiquement une partie importante des cadres du PC Le mouvement ouvrier ne s’est pas encore entièrement remis de ses défaites.

Le développement du mouvement paysan continue dans de nombreuses régions ; là où l’insurrection paysanne a été victorieuse furent constitués des organes du pouvoir paysan et parfois des soviets paysans. Le PC se renforce intérieurement et devient plus cohésif, son autorité et son influence croissent parmi les larges masses ouvrières et paysannes.

En général, tenant compte du développement différent dans les diverses parties de l’immense territoire de la Chine, il faut caractériser la période actuelle comme une phase de préparation des forces des masses pour une nouvelle poussée révolutionnaire.

§28. Aux Indes a commencé une recrudescence du mouvement national révolutionnaire. Cette nouvelle vague est caractérisée par l’intervention indépendante du prolétariat (grèves du textile à Bombay et des cheminots à Calcutta, manifestations du Premier Mai, etc.).

Cette nouvelle poussée a ses racines profondes dans toute la situation du pays. L’industrialisation qui s’est considérablement accélérée pendant la guerre et dans la période d’après-guerre s’est maintenant ralentie.

La politique de l’impérialisme britannique entrave le développement industriel de l’Inde et aboutit à l’expropriation et à la paupérisation des paysans. Les tentatives de créer une petite couche de riches paysans, servant d’appui au gouvernement britannique et au féodalisme indigène, au moyen de réformes agraires insignifiantes, sont accompagnées d’une paupérisation et d’une exploitation croissante des grandes masses paysannes.

L’exploitation rapace des ouvriers qui, par endroits, a conservé une forme semi-esclavagiste, se lie à une intensification extrême du travail. Dans la lutte contre cette exploitation barbare, le prolétariat s’affranchit de l’influence de la bourgeoisie et du réformisme, bien que l’appareil syndical soit encore aux mains des réformistes.

Le mouvement paysan, désorganisé en 1922 par la trahison de Gandhi et objet de répressions violentes de la part de la réaction féodale, marche lentement mais inévitablement vers un nouvel essor. La bourgeoisie libérale nationale (aile directrice du Parti swarajiste), contrainte de nouveau à renouveler son opposition plus ou moins loyale à l’égard de l’impérialisme britannique par suite de l’intransigeance de ce dernier, cherche, malgré ses interventions antibritanniques, à établir un accord avec lui aux dépens des masses laborieuses.

D’autre part, tout le développement de l’Inde pousse les larges masses de la ville et de la campagne, en premier lieu la paysannerie ruinée et paupérisée, dans la voie de la révolution.

Seul, le bloc des ouvriers, des paysans et de la partie révolutionnaire des intellectuels sera en état, sous la conduite du prolétariat, de briser le bloc des impérialistes, des propriétaires fonciers et de la bourgeoisie opportuniste, de déclencher la révolution agraire et de percer le front impérialiste aux Indes.

L’union des éléments et des groupes communistes en un puissant PC, l’union des masses prolétariennes dans les Syndicats, la lutte systématique pour y démasquer complètement et en chasser les leaders social-traîtres, telles sont les tâches indispensables de la classe ouvrière de l’Inde et les conditions nécessaires d’une lutte révolutionnaire des masses pour l’indépendance de l’Inde.

§29. La nouvelle poussée de la révolution chinoise et l’aggravation inévitable de la situation révolutionnaire aux Indes peut créer une situation mondiale nouvelle et renverser la stabilisation relative du régime capitaliste. Le développement des conflits entre les puissances impérialistes, leur bloc contre l’URSS et l’acuité profonde de la lutte entre l’impérialisme et le monde colonial confirment une fois de plus le caractère général de l’époque comme «époque de guerres et de révolutions».

6. — La tactique et les tâches fondamentales de l’IC

§30. La lutte contre la guerre impérialiste imminente, la défense de l’URSS, la lutte contre l’intervention en Chine et contre le partage de la Chine, la défense de la révolution chinoise et des insurrections coloniales, telles sont les principales tâches internationales du mouvement communiste dans la période actuelle : la solution de ces tâches doit être liée à la lutte quotidienne de la classe ouvrière contre l’offensive du capital et doit être subordonnée à la lutte pour la dictature du prolétariat.

§31. La lutte contre la menace des guerres impérialistes entre pays capitalistes et d’une guerre impérialiste contre l’URSS doit se faire systématiquement, de jour en jour. Cette lutte est impossible sans démasquer impitoyablement le pacifisme qui, dans les conditions actuelles, est un des principaux instruments aux mains des impérialistes pour préparer les guerres et cacher cette préparation.

Cette lutte est impossible sans démasquer la SdN, un des principaux instruments du «pacifisme» impérialiste. Cette lutte est impossible enfin sans démasquer la social-démocratie qui aide l’impérialisme à couvrir du drapeau du pacifisme la préparation des nouvelles guerres.

Dans ce domaine, les tâches essentielles des PC sont : démasquer constamment par des faits l’action de la SdN : soutenir continuellement les propositions de désarmement de l’URSS ; démasquer, dans ce domaine, leurs gouvernements respectifs (interpellations aux parlements, manifestations de masses dans les rues, etc.): éclairer toujours la question de l’armement effectif des États impérialistes, de l’industrie chimique, des budgets de guerres, des traitée et des complots publics et secrets de l’impérialisme, du rôle des impérialistes en Chine ; dénoncer les mensonges des «pacifistes réalistes» social-démocrates concernant le super impérialisme et le rôle de la SdN ; éclairer et expliquer toujours les «résultats» de la première guerre mondiale, sa préparation secrète militaire et diplomatique, lutte contre le pacifisme de toute espèce et propagande des mots d’ordre communistes, en premier lieu du mot d’ordre de la défaite de sa propre patrie impérialiste et de la transformation de la guerre impérialiste en une guerre civile ; travail parmi les soldats et les marins, création de cellules clandestines, action parmi les paysans.

§32. La victoire des impérialistes dans leur lutte contre l’URSS ne signifierait pas seulement la défaite du prolétariat de l’URSS, mais aussi la plus grave défaite du prolétariat international depuis qu’il existe. Le mouvement ouvrier serait refoulé pour des dizaines d’années. La réaction la plus violente régnerait dans toute l’Europe.

Si la classe ouvrière a fait des conquêtes importantes grâce à l’influence de la révolution d’Octobre et comme résultat des révolutions d’Allemagne, d’Autriche et d’autres pays, la défaite du prolétariat de l’URSS ouvrirait une nouvelle page de l’histoire par une terreur contre-révolutionnaire d’une violence et d’une férocité inouïes. Ainsi la défense de l’URSS ne peut pas ne pas être au centre de l’attention.

C’est pourquoi l’alarme pour le sort de l’URSS, contre laquelle se dressent les forces militaires des impérialistes, doit susciter un travail systématique pour préparer la transformation de la guerre contre l’URSS en guerre civile contre les gouvernements impérialistes, en guerre pour la défense de l’URSS.

§33. La lutte contre la guerre impérialiste, la lutte pour la défense de la révolution chinoise et de l’URSS, exigent que la classe ouvrière accentue son internationalisme de combat. L’expérience a démontré que les PC ne sont pas à la hauteur de ces tâches internationales.

Déjà le 7 e Plénum élargi a constaté que tous les Partis de l’IC ont manifesté insuffisamment d’énergie dans la lutte pour soutenir la grève anglaise et la révolution chinoise. L’expérience ultérieure a confirmé que ces tâches internationales du mouvement étaient insuffisamment comprises. En divers cas, en particulier dans la lutte contre l’intervention en Chine, la capacité de mobilisation des Sections de l’IC se manifesta d’une manière insuffisante.

Le Congrès attire l’attention de tous les PC sur la nécessité de remédier résolument à ces lacunes, de mener une action systématique dans ces questions (vaste exposé dans la presse, littérature de propagande et etc.), de procéder d’une façon plus énergique à leur auto-éducation et à l’éducation des larges masses prolétariennes dans un esprit international et de lutte.

§34. Le soutien du mouvement colonial, surtout de la part des PC des pays impérialistes oppresseurs est une des tâches les plus importantes du moment actuel.

La lutte contre l’intervention en Chine, contre la répression des mouvements de libération dans toutes les colonies, le travail dans l’armée et dans la marine, le soutien énergique des peuples coloniaux soulevés telles doivent être les mesures à prendre dans l’avenir le plus proche. Le Congrès charge le CEIC de porter plus d’attention aux mouvements coloniaux, de réorganiser et de renforcer les Sections chargées de ce travail.

Le Congrès souligne aussi particulièrement la nécessité d’organiser par tous les moyens le mouvement des nègres aux États- Unis d’Amérique, comme dans les autres pays (en particulier en Afrique du Sud). En conséquence, le Congrès exige qu’une lutte décisive et impitoyable soit entreprise contre toutes les manifestations du «chauvinisme blanc».

§35. Dans les pays capitalistes «avancés» où se dérouleront les combats les plus décisifs pour la dictature prolétarienne et pour le socialisme la tactique générale des PC doit être orientée contre toute «intégration» des organisations ouvrières dans les organisations capitalistes privées ou étatiques, contre l’union des syndicats avec les trusts, contre la «paix industrielle», contre l’arbitrage obligatoire, contre le pouvoir gouvernemental de la bourgeoisie et contre les trusts.

Les PC doivent expliquer inlassablement aux masses ouvrières les liens intimes qui existent entre la prédication de la «paix industrielle» et de l’arbitrage, la répression contre l’avant-garde révolutionnaire du mouvement prolétarien et la préparation de la guerre impérialiste.

§36. Étant donné la trustification intense de l’industrie, les tendances au capitalisme d’État, l’interprétation des organisations de l’État et des trusts et l’appareil des syndicats réformiste, étant donné la nouvelle idéologie complètement bourgeoise et activement impérialiste de la social-démocratie, il faut également intensifier la lutte contre ces «partis ouvriers de la bourgeoisie».

Le renforcement cette lutte résulte de la modification du rapport des forces et de la position de la social-démocratie qui est entrée dans une période plus «mûre» — du point de vue de l’impérialisme — de son développement.

Le Congrès approuve donc entièrement la tactique tracée par le 10e Plénum du CEIC. L’épreuve de cette tactique par l’expérience des élections françaises et du mouvement anglais, a entièrement confirmé son absolue justesse.

§37. Cette tactique modifie la forme, mais ne change nullement le contenu principal de la tactique du front unique.

Le renforcement de la lutte contre la social-démocratie déplace le centre de gravité vers le front unique, vers la base, mais ne diminue nullement, augmente même encore, le devoir des communistes de faire la distinction entre les ouvriers social-démocrates qui se trompent en toute sincérité, d’une part et les leaders social-démocrates, vils serviteurs des impérialistes, d’autre part.

De même, le mot d’ordre «Aller aux masses» (y compris celles qui suivent les partis bourgeois et celles qui suivent la social-démocratie) n’est nullement retiré de l’ordre du jour, mais, bien au contraire, il se place encore plus au centre de tout le travail de l’IC.

Sollicitude pour les besoins quotidiens de la classe ouvrière, défense énergique des plus petites revendications de la masse ouvrière, pénétration profonde au sein de toutes les organisations de masse du prolétariat, quelles qu’elles soient (syndicales, culturelles, sportives, etc.), consolidation des positions du Parti dans les fabriques et les usines, dans les grandes entreprises, en particulier, travail parmi les couches arriérées du prolétariat (ouvriers agricoles) et les chômeurs, en reliant absolument les petites revendications quotidiennes avec les mots d’ordre fondamentaux du Parti ; telle est la tâche essentielle du Parti.

La conquête et la mobilisation effective des masses ne sont possibles que par l’accomplissement de ces tâches.

§38. Dans le domaine du mouvement syndical, le Congrès fait le plus énergique appel à tous les Partis pour intensifier au maximum le travail, précisément sur ce secteur du front.

La lutte pour l’influence des communistes dans les syndicats doit actuellement se faire d’autant plus énergique que, dans plusieurs pays, les réformistes poussent à l’exclusion des communistes (et des éléments de gauche en général) des syndicats. Sans la consolidation des positions nécessaires, les communistes risqueraient d’être isolés de toute la masse des prolétaires organisés dans les syndicats.

C’est pourquoi les communistes doivent, par une action quotidienne, patiente et dévouée dans les syndicats, conquérir aux yeux des larges masses syndiquées une autorité d’organisateurs expérimentés et habiles, lutteurs non seulement pour la dictature prolétarienne, mais aussi pour les revendications courantes de la masse ouvrière, autorité de dirigeants dans la conduite des grèves.

Dans ces luttes, les PC, l’opposition syndicale révolutionnaire et les syndicats révolutionnaires ne pourront conquérir le rôle dirigeant que par une lutte acharnée contre la social-démocratie et la bureaucratie syndicale politiquement corrompue.

Pour remporter des succès décisifs dans la conquête des masses, il faut surtout porter l’attention sur la préparation minutieuse des grèves (travail de masses, consolidation des fractions syndicales, etc.), leur réalisation habile (création des Comités de grève et utilisation des Comités d’entreprise) et donner aux masses l’explication des causes et des conditions du succès ou l’insuccès de chaque grève ou conflit économique.

Devant le front unique de l’État bourgeois, des organisations patronales et de la bureaucratie syndicale réformiste qui, ensemble, s’efforcent d’étouffer les mouvements de grève par l’arbitrage obligatoire, la tâche essentielle consiste à donner libre cours à l’énergie et à l’initiative des masses et, si la situation s’y prête, à déclencher un mouvement de grève, même contre la volonté de la bureaucratie syndicale réformiste.

Sans se laisser prendre à la provocation des réformistes, qui tendent à l’exclusion des communistes et à la scission du mouvement syndical, et prenant les mesures nécessaires pour paralyser les coups inattendus des réformistes, il est nécessaire de lutter par tous moyens contre la tactique de capitulation. (Unité «à tout prix», renonciation à défendre les camarades exclus et à mener une lutte énergique contre l’arbitrage obligatoire, la subordination absolue à l’appareil syndical bureaucratique, atténuation de la critique à l’égard de la direction réformiste, etc.).

Organiser les inorganisés, conquérir les syndicats réformistes, organiser les exclus, rattacher à la Fédération syndicale révolutionnaire, si les conditions sont propices (dans les pays où le mouvement syndical est scindé), les organisations locales qui auront été gagnées au mouvement syndical révolutionnaire, telles sont les tâches qui sont à l’ordre du jour.

Les communistes ne doivent, en aucun cas, abandonner l’initiative dans la lutte pour l’unité du mouvement syndical national. Ils doivent mener une lutte contre la politique scissionniste de l’Internationale d’Amsterdam et de ses sections nationales.

Par suite de l’aggravation de lutte entre le communisme et le réformisme, il est de toute importance de développer l’action des fractions syndicales communistes, l’opposition syndicale, des syndicats révolutionnaires et renforcer par tous les moyens le travail et l’activité de l’ISR.

Les PC doivent appuyer l’action du Secrétariat du Pacifique et le Secrétariat Syndical de l’Amérique Latine, dans la mesure où ces derniers se tiennent sur le terrain de la lutte de classes, mènent une lutte révolutionnaire contre l’impérialisme et s’efforcent de conquérir l’indépendance des colonies et des semi-colonies.

§39. L’importance croissante de la jeunesse dans l’industrie, par suite de la rationalisation capitaliste, la menace croissante de guerre, posent avec une acuité particulière la question du renforcement de l’action parmi les jeunes.

Le Congrès charge l’ICJ d’étudier la question de sa tactique et de ses méthodes de travail, en partant de la nécessité d’organiser plus largement la jeunesse ouvrière, d’employer des méthodes plus variées pour la recruter, de répondre plus vivement et plus activement aux aspirations économiques, culturelles générales et théoriques de la jeunesse, tout en gardant le caractère politique des JC.

En vertu de l’importance croissante de la jeunesse dans la production, il est nécessaire, d’une part, de renforcer le travail des Sections syndicales ; d’autre part, de prendre des mesures pour organiser, sous la direction de Fédération des JC, des associations spéciales de jeunes, qui aient pour tâche de lutter pour les besoins économiques de la jeunesse là où elle n’est pas admise dans syndicats.

La lutte économique, la participation à la conduite des grèves et, dans des cas particuliers, l’organisation de grèves de jeunes, l’action dans les syndicats, la lutte l’admission des jeunes dans les syndicats, la pénétration des JC dans toutes les organisations, quelles qu’elles soient, comprenant de la jeunesse ouvrière, (syndicats, organisations sportives, etc.), l’action antimilitariste, un tournant décisif dans la tactique et les méthodes pour intensifier l’action de masses — telles sont les principales tâches de l’ICJ, sans la solution desquelles elle ne sera en état d’organiser une véritable lutte de masses contre l’impérialisme et la guerre.

Estimant que ce changement de tactique vers l’action de masses est nécessaire, le Congrès exige de la part de toutes les Sections de l’IC et du CEIC.

Qu’une aide plus systématique soit donnée aux organisations de JC et que celles-ci soient dirigées d’une façon plus régulière. Les PC et les Fédérations de JC doivent porter une attention redoublée au travail parmi les enfants des ouvriers et à l’activité des Fédérations Communistes d’Enfants.

En même-temps, le Congrès charge le CEIC de prendre, par l’intermédiaire du SIF, des mesures destinées à renforcer le travail parmi les ouvrières industrielles et parmi les masses travailleuses féminines en général, en utilisant à cet effet l’expérience des «assemblées de déléguées» ouvrières.

§40. Avec la menace croissante de nouvelles guerres impérialistes, l’action des communistes dans les larges couches de travailleurs, acquiert une importance particulière. En se basant sur les résultats des élections en France et en Allemagne, le Congrès décide d’intensifier le travail parmi les ouvriers agricoles et les petits paysans.

Le Congrès attire particulièrement l’attention sur la nécessité d’intensifier le travail parmi les paysans, en notant que ce travail est délaissé par la plupart des PC. Le Congrès charge le CEIC de prendre toutes les mesures pour ranimer le travail parmi les paysans, surtout dans les pays agraires (Roumanie, Pays balkaniques, Pologne, etc.), de même qu’en France, en Allemagne, en Italie, etc.

Le Congrès charge le CEIC de prendre d’urgence des mesures pour ranimer le travail de l’Internationale des Paysans et exige que toutes les Sections de l’IC soutiennent ce travail.

§41. Le Congrès charge le CEIC de prendre toutes les mesures nécessaires pour venir en aide aux organisations qui mènent une lutte d’émancipation dans les pays capitalistes et dans les colonies, qui mobilisent la large masse des travailleurs pour la défense de la révolution chinoise et de l’URSS, qui viennent en aide aux victimes de la terreur blanche, etc.

Il est nécessaire d’intensifier et d’améliorer le travail des communistes dans les organisations telles que les «groupes d’unité», la «Ligue de la lutte contre l’impérialisme», l’«Association des Amis de l’URSS» le SRI, le SOI, etc., etc. Les PC sont tenus d’aider par tous les moyens ces organisations, de contribuer à la diffusion de leur presse, de soutenir leurs Sections, etc.

§42. La répression croissante et la nouvelle intensification de la lutte de classes, en liaison avec la possibilité de guerre, posent aux PC la tâche d’envisager et de résoudre en temps opportun la question de l’appareil illégal, susceptible d’assurer la conduite des combats imminents, l’unité de la ligne et de l’action communistes.

7. — Le bilan du travail, les succès, les erreurs et les tâches des diverses Sections

§43. Le Congrès constate les succès nombreux et considérables obtenus dans le travail de l’IC.

Parmi ces succès, il faut noter : la croissance de l’influence du communisme, la propagation de son influence dans les pays de l’Amérique latine, en Afrique, en Australie et dans plusieurs pays d’Asie (renforcement du communisme au Japon, extension de son influence en Chine); extension de l’influence de l’IC dans les pays de l’impérialisme, malgré la stabilisation partielle du capitalisme et la solidité relative de la social-démocratie (Allemagne, France, Tchécoslovaquie, Grande-Bretagne); la croissance des Partis illégaux qui malgré les coups inouïs de la terreur policière et fasciste (Italie, Pologne, d’une part, et, d’autre part, Chine et Japon), en Chine surtout, la terreur a un caractère inouï d’assassinat en masse ; enfin, la bolchévisation accrue des PC, l’accumulation d’expérience, la consolidation intérieure, la liquidation des luttes intestines, la liquidation de l’opposition trotskiste dans l’IC.

Mais il faut noter en même temps plusieurs défauts importants dans les Sections de l’IC ; le développement, encore faible de l’internationalisme combatif, un certain provincialisme qui se manifeste par une sous-estimation de l’importance des questions d’une envergure particulièrement grande, l’insuffisance du travail dans les syndicats ; l’incapacité de consolider par l’organisation l’accroissement de l’influence politique et la stabilité des effectifs du Parti ; l’attention insuffisante de certains Partis pour le travail parmi les paysans et les minorités nationales opprimées, un certain bureaucratisme de l’appareil et des méthodes de travail des Partis (liaison insuffisante avec les masses, initiative insuffisante pour recruter des adhérents, travail insuffisamment vivant des cellules de base et transfert du centre de gravité sur le travail des fonctionnaires du parti); le niveau théorique et politique, relativement bas, des cadres du parti, la liaison parfois faible avec les grandes entreprises, la réorganisation des Partis sur la base des cellules d’entreprises est loin d’être achevée, etc.

§44. Le PC anglais, dont l’activité a été appréciée par le 7 e Plénum élargi, se trouve actuellement devant de nouvelles tâches.

Le revirement brusque à droite du Conseil Général et du Labour Party, le «mondisme», le processus de transformation du Labour Party en un Parti social-libéral sur le modèle des Partis social-démocrates du continent (application d’une discipline politique appropriée, centralisation plus forte de l’appareil, etc.), l’exclusion des communistes et des ouvriers révolutionnaires en général des syndicats, le «commencement de la scission des syndicats par les réformistes (par exemple, en Ecosse)», mais, d’autre part, la croissance des tendances de gauche parmi les ouvriers du rang, tout cela imposait au PC anglais une position de classe plus nette, une lutte décisive contre le Labour Party.

Le PC anglais qui a démontré savoir s’approcher des syndicats et qui a mené habilement son travail dans plusieurs domaines pratiques, n’a cependant pas compris immédiatement la nouvelle situation ; à son dernier Congrès, il a commis une grande erreur en proclamant comme mot d’ordre central celui d’un gouvernement ouvrier contrôlé par le Comité Exécutif du Labour Party.

Le 9e Plénum du CEIC a pris, concernant la nouvelle situation en Angleterre, une résolution tactique qui marquait un tournant dans tout le travail du PC anglais. L’expérience a démontré que cette ligne tactique correspond à la situation nouvelle particulière qui existe en Angleterre et dans le mouvement ouvrier anglais.

L’indépendance de classe complète du PC, la lutte irréductible contre le Labour Party, la dénonciation énergique de la «paix industrielle» avec le roi de l’industrie chimique, le fasciste Mond ; l’extension et la consolidation du mouvement minoritaire ; la direction des grèves ; la lutte active contre la politique extérieure du gouvernement et contre le Labour Party ; la lutte contre l’intervention en Chine et la préparation de la guerre contre l’URSS ; l’appui à la révolution hindoue ; telles sont les tâches fondamentales du PC au moment actuel.

En même temps, le Parti doit prendre toutes mesures pour augmenter ses effectifs, développer son travail dans les entreprises, renforcer son appareil, pour se lier davantage avec les masses des fabriques et des usines, supprimer l’étroitesse qui existe encore dans son idéologie et dans ses principes politiques, etc., etc.

Le Congrès de l’IC fait un devoir au Parti de développer une large discussion sur son changement de tactique et sur les méthodes d’application de cette tactique.

§45. La juste appréciation de la ligne politique et du travail du PC français fut donnée au 6e et en particulier au 9e Exécutif élargi. Ce dernier reconnut qu’il était nécessaire de procéder à un changement tactique dans la politique du PCF, à l’égard des élections parlementaires.

En même temps, le CEIC souligna la nécessité de changer l’attitude du PCF envers le Parti socialiste et de liquider définitivement dans ses rangs les vieilles traditions parlementaires et «cartellistes».

L’expérience de la lutte électorale a démontré l’exactitude de la campagne électorale, diverses erreurs et lacunes ont apparu dans l’activité du Parti (campagne électorale trop superficielle, absence d’une liaison de ce travail avec la lutte directe du prolétariat, faiblesse des cadres du parti, action insuffisante parmi les ouvriers agricoles et parmi les paysans).

C’est pourquoi le Parti français a maintenant comme principales tâches : renforcer l’action de masses au sein du prolétariat industriel, en particulier, dans les usines), intensifier le recrutement, améliorer radicalement le travail syndical, déployer plus d’activité dans la conduite des grèves et dans la lutte directe du prolétariat en général, organiser les ouvriers non syndiqués, appliquer une démocratie syndicale plus large à tous les degrés de l’organisation au sein de la CGTU, améliorer le travail des communistes dans les syndicats.

Le Parti doit intensifier son action antimilitariste et coloniale et son activité parmi ouvriers étrangers.

Dans la vie intérieure du Parti, celui-ci doit avant tout lutter énergiquement contre les courants de droite qui s’opposent plus ou moins ouvertement à la nouvelle ligne politique du Parti (déviations parlementaires, vestiges des courants anarcho-syndicalistes, tendance au rétablissement des organisations territoriales).

En même temps, le Parti doit vaincre les tendances de «gauche» (exagération du rôle du Parti et «autoritarisme» de la part des communistes dans les syndicats, négation de la tactique du front unique, etc.).

Dans le domaine de l’organisation, le Parti doit prendre des mesures pour élargir sa base dans les grandes entreprises, y consolider ses Cellules, pour en animer la vie politique et recruter de nouveaux adhérents.

§46. Le Parti italien, malgré la terreur exceptionnelle dont il a été l’objet, a su conserver son organisation illégale et continuer sa propagande et son agitation, en sa qualité d’unique Parti luttant effectivement pour le renversement du fascisme et du régime capitaliste. Il a su gagner une influence décisive parmi les éléments les plus actifs de la classe ouvrière, grâce auxquels la CGT a pu résister, malgré la trahison des leaders réformistes.

Cependant, le Parti a commis la faute de n’avoir pas modifié à temps les méthodes de travail d’organisation de façon à conserver son entière combativité révolutionnaire dans la nouvelle situation, dans les conditions de la réaction et des lois d’exception fascistes.

C’est pourquoi les tâches d’organisation acquièrent en ce moment une importance exclusive pour le Parti italien (formation de nouveaux cadres, rétablissement de puissantes organisation de masses, nouvelles méthodes de travail, d’agitation, etc.).

Dans sa vie intérieure, le Parti a liquidé le «bordighisme», idéologie autrefois dominante parmi les membres du parti, et a en grande partie assuré l’unité des de points de vue idéologiques et politiques.

Ces succès permettent au Parti de continuer avec énergie redoublée sa lutte contre les déviations de droite (refus de lutter pour le rôle dirigeant du prolétariat), car dans les conditions actuelles, ces déviations sont un sérieux danger pour le Parti.

En temps, le PC italien doit se dresser énergiquement contre toute tendance à nier ou à réduire les possibilités d’une vaste action pour la conquête des masses qui se trouvent sous l’influence de courants antifascistes non communistes ou que le fascisme s’efforce d’influencer.

Le Congrès charge les camarades italiens d’utiliser plus qu’auparavant les possibilités de travail au sein des organisations fascistes de masses et de créer des organisations de masses indépendantes dans le but d’étendre l’influence du Parti.

§47. Les 3 millions 1⁄4 de suffrages recueillis par le PC d’Allemagne aux dernières élections démontrent, d’une part, la croissance considérable de l’influence communiste sur les masses ouvrières, et, d’autre part, la forte contradiction entre l’influence du Parti et la force de ses effectifs (stabilité des effectifs du parti, 3,250,000 électeurs pour 125,000 membres cotisants du Parti).

Les succès qui, dans une certaine mesure ont été réalisés dans le domaine du mouvement syndical, ne correspondent nullement à l’ampleur des tâches qui se dressent dans ce domaine devant le Parti. Comme un grand succès, il faut signaler l’Association des Combattants du Front Rouge qui se développe en une organisation de masses.

Les déviations d’extrême-gauche, complètement surmontées, la désagrégation du «Leninbund», dont le noyau social-démocrate a démontré lui-même sa vraie essence, constituent également une grande victoire pour le PC allemand. Étant un des meilleurs détachements de l’armée prolétarienne révolutionnaire internationale, le PC allemand a, en même temps, contre lui une social-démocratie des mieux organisées, ayant encore des racines extrêmement fortes dans le pays, ce qui crée un terrain favorable pour les déviations de droite au sein même du mouvement communiste.

Pour cette raison, la lutte conséquente contre les déviations droite (mot d’ordre du contrôle ouvrier sur l’industrie dans le moment présent, opposition aux décisions du 4 e Congrès de l’ISR, attitude de conciliation à l’égard de la social-démocratie de gauche, etc.), la liquidation absolue des tendances conciliatrices à l’égard de ces déviations, en attirant simultanément les meilleures forces du Parti qui tiennent sur la des décisions de l’IC et du Congrès d’Essen du PCA, au travail responsable du Parti, en s’orientant catégoriquement vers la consolidation du Parti, en liant toutes les forces de la direction actuelle, en renforçant son caractère collectif et en maintenant la subordination de la minorité à la majorité — telle est la tâche actuelle.

Il faut comprendre ici : formation de nouveaux cadres prolétariens, relèvement de l’activité de la masse du parti, relèvement du niveau culturel, et théorique de ses militants actifs, amélioration de la presse et augmentation de son tirage, amélioration du travail syndical et la conduite des grèves.

§48. Le PC de Tchécoslovaquie continue à progresser dans la voie de sa transformation en un vrai Parti de masses du prolétariat.

Cependant de grands défauts s’y manifestent encore : une certaine passivité opportuniste de la direction et une insuffisante capacité à mobiliser rapidement les masses (par exemple, la protestation contre l’interdiction de la Spartakiade) pour une résistance de masse, exagération des principes légalistes dans le travail pratique, insuffisante attention à la question paysanne et à la question nationale, lenteur extrême à surmonter les défauts du travail syndical (absence d’une ligne communiste nettement exprimée, les syndicats rouges repliés sur eux-mêmes), insuffisance des liaisons à l’intérieur des syndicats réformistes, etc.).

En même temps, il faut insister tout particulièrement sur la nécessité de lutter énergiquement contre le gouvernement, de défendre les positions légales du Parti et de se préparer aux conditions illégales de travail et de lutte.

§49. — Le PC Polonais (illégal) a, dans des conditions compliquées de terreur fasciste, non seulement gardé ses positions, mais a augmenté aussi le nombre de ses membres et, davantage encore son influence politique. Le PCP se transforme en un facteur politique sérieux dans le pays entier et surtout dans les centres industriels.

Ayant complètement corrigé les erreurs opportunistes les plus grossières commises au moment du coup d’État de Pilsudski, le Parti suit actuellement une ligne politique juste. Cependant la lutte intérieure, qui n’est pas justifiée par des divergences considérables ni réellement politiques, constitue un danger des plus graves.

Étant donné l’importance particulière du PC polonais et la grande responsabilité qui lui incomberait en cas de guerre, le Congrès exige la cessation complète de la lutte fractionnelle et donne au CEIC un mandat spécial au nom du Congrès, pour prendre les mesures nécessaires dans ce but.

§50. Des tâches excessivement importantes se posent actuellement aux PC des Balkans. Elles découlent de l’instabilité dans la situation politique intérieure des pays balkaniques, de l’acuité croissante de leur crise agraire, de la complexité des problèmes nationaux et du fait que les Balkans sont au nombre des foyers les plus dangereux de préparation de nouvelles guerres.

Ces derniers temps, presque tous les PC balkaniques ont traversé une crise intérieure sérieuse, provoquée par les erreurs politiques, les déviations de droite de certains groupes dirigeants et par la lutte fractionnelle acharnée dont l’origine est dans les pénibles défaites et la situation objective extrêmement compliquée.

Actuellement les PC balkaniques sont presque tous en voie de liquider cette crise intérieure et, malgré la terreur gouvernementale, presque tous se consolident, rétablissent et étendent leur contact avec les masses ouvrières et paysannes. Le Congrès souligne particulièrement la nécessité pour les Partis balkaniques de suivre une politique juste dans la question nationale et d’entreprendre un vaste travail d’agitation et d’organisation parmi les masses paysannes.

Maintenant que le PC roumain a fait de grands efforts pour liquider la crise intérieure qui paralysait son travail jusqu’à ces derniers temps, le Congrès souligne avec insistance les tâches politique et d’organisation qui lui incombent du fait que la bourgeoisie et les féodaux roumains s’efforcent d’être à l’avant-garde de la préparation de l’offensive réactionnaire contre l’URSS.

Les Partis balkaniques doivent, mieux qu’auparavant, coordonner et lier leur travail sous le mot d’ordre politique commun à eux tous, formation de la Confédération Ouvrière et Paysanne des Balkans.

§51. Quant aux pays scandinaves, le Congrès y constate une aggravation des contradictions de classes, un nouveau glissement brusque de la social-démocratie vers la droite et, en Norvège, une capitulation complète du centrisme (tranmælisme) devant la social-démocratie et son passage direct au socialisme ministériel.

Parallèlement se produit une radicalisation des masses ouvrières qui, toujours plus, se rallient aux mots d’ordre de combat des PC (grève des ouvriers du Livre, grève de protestation contre les nouvelles lois sur les grèves en Suède, lutte des ouvriers du bâtiment contre la loi sur l’arbitrage obligatoire, création d’organisations armées de self-défense par les travailleurs de la terre et des forêts dans le but de se défendre contre les organisations de briseurs de grève en Norvège).

Cette radicalisation des masses se traduit par un mouvement en faveur d’un accord entre les syndicats scandinaves et les syndicats de l’URSS et par la Conférence de Copenhague russo-finno-norvégienne qui témoigne de la volonté des masses à constituer l’unité internationale des syndicats.

Malgré ces succès, les PC scandinaves, doivent, plus énergiquement qu’auparavant, s’efforcer de consolider leur influence politique et idéologique sur les masses travailleuses par un renforcement de leur organisation, d’étendre et de consolider la radicalisation du prolétariat par des méthodes appropriées d’organisation.

§52. Le Workers Party américain (communiste) a ranimé son activité en mettant à profit la crise qui, dans une certaine mesure, se manifeste dans l’industrie américaine et l’accroissement du chômage (résultant de l’accroissement extrêmement rapide de la partie constante du capital au détriment du capital variable et le progrès de la technique dans la production).

De nombreux combats de classes, obstinés et acharnés (en premier lieu la grève des mineurs), ont trouvé dans le PC un dirigeant ferme et énergique. La campagne au sujet de l’exécution de Sacco et Vanzetti a été également menée sous la direction du PC.

Cependant, on remarque dans le PC américain, un certain affaiblissement résultant de la lutte fractionnelle de nombreuses années.

Parallèlement à ces succès, il faut noter diverses erreurs de droite envers le Parti socialiste, le travail insuffisamment énergique pour l’organisation des inorganisés, l’organisation d’un mouvement parmi les nègres et le fait qu’il ne mène pas une lutte assez prononcée contre la politique de spoliation des États-Unis en Amérique latine.

Ces erreurs ne peuvent cependant être attribuées exclusivement à la majorité de la direction.

En ce qui concerne la question de la formation d’un «Labour Party», le Congrès décide d’en transférer le centre de gravité sur le travail dans les syndicats, sur l’organisation des inorganisés dans les syndicats, en créant ainsi une base à la réalisation effective du mot d’ordre d’un large «Labour Party» organisé de la base.

La tâche essentielle du Parti est de mettre fin à la lutte des fractions qui ne repose pas sur des divergences de principes quelque peu sérieuses, d’intensifier le recrutement des ouvriers et d’opérer un changement décisif en mettant les ouvriers à des postes dirigeants dans le Parti.

§53. Le PC japonais, avec son appareil illégal, a paru pour la première fois sur l’arène de la lutte électorale ; malgré la terreur, il a fait son travail d’agitation dans les masses, il a son organe illégal, il mène des campagnes de masses (par exemple, la campagne de protestation contre la dissolution des trois organisations de masses : le Rodo Nominto, la Fédération des syndicats de gauche : le Hioguika, et l’organisation des Jeunesses). La tâche essentielle du parti, qui élimine ses oscillations idéologiques, est de suivre la voie de la transformation du PC en Parti de masses.

À cet effet, il est nécessaire de faire un travail tenace parmi les masses prolétariennes, de travailler dans les syndicats, de lutter pour leur unité, et de mener une action parmi les masses paysannes en s’appuyant surtout sur le mouvement des fermiers.

Bien que le travail du Parti soit extrêmement difficile (loi punissant de la peine de mort les «idées subversives») et que les effectifs soient insuffisants, il doit faire tous ses efforts pour défendre la révolution chinoise et lutter contre la politique spoliatrice de l’impérialisme japonais.

§54. Le PC chinois a subi de nombreuses défaites des plus cruelles résultant des erreurs extrêmement graves commises dans le passé : l’absence d’indépendance et de liberté de critique à l’égard du Kuomintang, l’incompréhension du passage d’une étape de la révolution à une autre et de la nécessité de se préparer à temps à la résistance, enfin l’erreur d’avoir freiné la révolution agraire.

Sous le coup des défaites, ce Parti héroïque a corrigé ses erreurs en déclarant une guerre sans merci à l’opportunisme.

Mais la direction du PC chinois tomba dans une autre erreur, du fait qu’elle n’a pas résisté assez énergiquement aux tendances nettement «putschistes» et aventuristes, causes des soulèvements de Wouhan, Houpé, etc., qui conduit à des défaites ; d’autre part, certains camarades sont tombés dans une erreur opportuniste en lançant le mot d’ordre de l’Assemblée Nationale. Le Congrès estime que la tentative de considérer l’insurrection de Canton comme un putsch est complètement fausse.

Le soulèvement de Canton, qui fut un combat héroïque d’arrière-garde du prolétariat chinois dans la période écoulée de la révolution chinoise, restera, malgré les erreurs grossières de sa direction, l’insigne de la phase de la révolution ; de la phase soviétique.

Actuellement, la période entre deux vagues de l’essor révolutionnaire, la tâche principale du Parti est de lutter pour conquérir les masses, de faire un travail de masses parmi les ouvriers et les paysans, de reconstituer leurs organisations, de mettre à profit tout mécontentement contre les agrariens, contre les bourgeois, les généraux ct impérialistes étrangers pour développer la lutte révolutionnaire. À cet effet, il faut consolider le Parti lui-même par tous les moyens.

Le mot d’ordre de l’insurrection des masses se transforme en un mot d’ordre de propagande, et ce n’est que dans la condition de préparation réelle des masses et d’un nouvel essor révolutionnaire, qu’il deviendra de nouveau un mot d’ordre de réalisation immédiate, sur une base supérieure, sous le drapeau de la dictature du prolétariat et des paysans basée sur les Soviets.

§55. Dans les pays d’Amérique latine, la principale tâche des communistes est d’organiser des PC et de les renforcer.

Dans certains pays (Argentine, Brésil, Mexique, Uruguay), les PC sont nés il y a quelques années déjà et c’est pourquoi ils ont maintenant pour tâche de raffermir leur idéologie et de renforcer leur organisation, de devenir de véritables Partis de masses.

Dans certains autres pays, il n’existe pas encore de PC indépendants, organisés en Partis prolétariens.

Le Congrès charge le CEIC de porter plus d’attention aux pays de l’Amérique latine en général, à l’élaboration d’un «programme d’action» de ces Partis (les questions particulièrement importantes sont la question agraire-paysanne et la lutte contre l’impérialisme des États-Unis), à l’organisation de ces Partis, à la création de rapports justes entre eux et les organisations sans Parti (syndicats, organisations paysannes), à leur travail parmi les masses, à la consolidation et à l’extension des syndicats, à leur unification et à leur centralisation, etc.

§56. Le Congrès constate la croissance de l’influence communiste dans les pays de l’Afrique du Sud. Le Congrès impose aux communistes la tâche essentielle d’organiser les masses travailleuses nègres, de consolider leurs syndicats par tous les moyens, de lutter contre le chauvinisme «blanc».

La lutte contre l’impérialisme étranger de toute espèce, la défense de l’égalité absolue et complète des droits, la lutte acharnée contre toutes les lois d’exception relatives aux nègres, l’appui le plus décisif à la lutte des paysans contre l’expropriation de leurs terres, leur organisation pour la révolution agraire, le renforcement des groupes et des PC, — telles sont les tâches fondamentales des communistes.

§57. Le Congrès constate avec une satisfaction particulière que dans le pays de la dictature prolétarienne, en URSS, le Parti du prolétariat, le PC de l’URSS, après avoir liquidé la déviation social-démocrate du trotskisme et surmonté diverses difficultés objectives économiques de la période de reconstruction, a remporté de sérieux succès dans l’œuvre d’édification socialiste en URSS et a passé au travail direct de reconstruction socialiste de l’économie rurale.

Le travail ultérieur de l’édification socialiste en URSS devra se développer sur la base de l’industrialisation et d’un renforcement de l’édification socialiste dans les campagnes (domaines d’État, exploitations agricoles collectives et organisation de la masse des exploitations agricoles individuelles en coopératives), en réalisant systématiquement le mot d’ordre de Lénine : soutenir le paysan pauvre, s’allier au paysan moyen et lutter contre le koulak.

Le Congrès constate que le PC de l’URSS a remarqué à temps les éléments de bureaucratisme de certains degrés de l’appareil de l’État, de l’appareil économique, syndical et même de l’appareil du parti, et mené une lutte impitoyable contre ces tendances.

Le développement de l’autocritique, l’intensification de la lutte contre le bureaucratisme, la cohésion des forces et le développement de l’activité de la classe ouvrière qui détient l’hégémonie dans le développement révolutionnaire de l’URSS, telles sont les tâches principales du Parti.

Le Congrès exprime la certitude le Parti sortira vainqueur non seulement des difficultés économiques, inhérentes à l’état général arriéré du pays, mais aussi, à l’aide du prolétariat international, de tout conflit extérieur, préparé systématiquement par les dirigeants des États impérialistes.

8. — La lutte pour la ligne léniniste et pour l’unité de l’IC

§58. En face des grandes difficultés de la période de stabilisation dans les pays capitalistes et des difficultés de la période de reconstruction dans l’URSS, des groupes d’opposition se sont formés dans l’IC et ont essayé de s’organiser à l’échelle internationale.

Leurs diverses ailes et nuances (de l’extrême droite à l’extrême «gauche») ont trouvé leur expression la plus complète dans la critique de la dictature de l’URSS, en lui attribuant calomnieusement un caractère plus ou moins petit-bourgeois et en portant atteinte à la possibilité de mobiliser le prolétariat international.

Dans les Sections nationales, ces conceptions étaient liées avec celles d’extrême-droite (groupe Souvarine en France) et d’extrême-«gauche» (Korsch, Maslow Allemagne).

Tous ces courants inspirés et groupés par le trotskisme, après avoir constitué un bloc unique, se sont rapidement désagrégés après la défaite de l’opposition dans le PCUS. Le noyau fondamental de ce bloc, le «Leninbund» basé sur la plate-forme du trotskisme et organisé en un Parti indépendant.

S’est démasqué lui- même comme une agence social-démocrate avérée ; une partie considérable de ses effectifs avait passé directement à la social- démocratie, cet ennemi déclaré et acharné de la théorie et de la pratique de la dictature du prolétariat.

§59. À l’intérieur des PC, actuellement les déviations sont surtout des déviations de droite par rapport à la position politique juste, à cause de la stabilisation partielle du capitalisme et de l’influence de la social-démocratie.

Elles se manifestent par les restes de «légalisme», par l’obéissance excessive aux lois, en se tenant à la remorque d’un mouvement de grèves, par une attitude erronée envers la social-démocratie (par exemple, la résistance aux décisions du 9e Plénum du CEIC qui s’est manifestée dans une certaine mesure en France), par une réaction insuffisante à l’égard des événements internationaux, etc.

Étant donnée l’existence de Partis social- démocrates relativement forts, ces déviations de droite sont particulièrement dangereuses et la lutte contre elles doit être placée au premier plan, ce qui présume une lutte systématique contre l’attitude conciliatrice envers le courant de droite au sein des PC.

Cependant, il existe aussi des déviations «de gauche» qui trouvent leur expression dans la tendance à nier la tactique du front unique et à ne pas comprendre l’importance énorme du travail syndical ; elles se manifestent aussi par la «phrase» révolutionnaire, et, en Chine par les tendances putschistes.

§60. Le Congrès impose à tous les Partis le devoir de lutter contre ces déviations avant tout au moyen de la persuasion.

Le Congrès constate que les décisions du 7 e Plénum élargi sur l’élévation du niveau théorique des cadres, sur la participation de nouveaux militants au travail responsable, etc., n’ont pas été réalisées dans plusieurs des pays les plus avancés.

Devant la complexité extrême de toute la situation internationale et la possibilité de grands changements historiques, le Congrès estime nécessaire de prendre toutes mesures pour élever le niveau théorique des PC en général et de leurs cadres.

Devant la nécessité de renforcer la direction centrale de l’IC et d’assurer une liaison plus étroite avec les Partis, le Congrès décide que les représentants autorisés des Partis les plus importants doivent être mis à la disposition de l’IC en qualité de militants permanents de la direction.

§61. Le Congrès fait devoir au CEIC d’assurer aussi à l’avenir l’unité de l’IC et de ses Sections. Ce n’est qu’à la condition d’un travail coordonné pour la liquidation des divergences sur une base normale du Parti et, avant tout, par les méthodes de démocratie intérieure, qu’il est possible de surmonter les difficultés énormes du présent et de résoudre les grands problèmes de l’avenir immédiat.

Les graves erreurs qui se révèlent à présent dans la vie intérieure de nos Partis (tendances bureaucratiques dans certains pays, baisse des effectifs, manque d’activité politique des organisations de base, etc.), ne peuvent être liquidés qu’en élevant le niveau politique des PC à tous les échelons de leur organisation sur la base d’une plus grande démocratie intérieure.

Ceci n’exclut nullement, mais nécessite un renforcement, par tous les moyens de la discipline de fer à l’intérieur du Parti, une subordination absolue de la minorité à la majorité, une subordination absolue des organes subordonnés et des autres organisations du Parti (fractions parlementaires, fractions syndicales, presse, etc.) au centre du Parti, de toutes les Sections de l’IC, au CEIC.

Le renforcement de la discipline prolétarienne dans les Partis, leur consolidation, la liquidation des luttes fractionnelles, etc., sont des conditions absolues à la lutte victorieuse du prolétariat contre toutes les forces mobilisées de l’impérialisme.

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de l’Internationale Communiste

Statuts de l’Internationale Communiste établis en 1928

1. Les principes fondamentaux

§1. L’IC, association internationale des travailleurs, est l’organisation des PC des différents pays en un PC unique mondial.

Guide et organisateur du mouvement révolutionnaire mondial du prolétariat, champion des principes et des buts du communisme, l’IC lutte pour la conquête de la majorité de la classe ouvrière et des grandes couches de paysans pauvres, pour les principes et les buts du communisme, pour l’instauration de la dictature mondiale du prolétariat, pour la création d’une Fédération mondiale des Républiques socialistes soviétiques, pour l’abolition complète des classes et la réalisation du socialisme, première étape de la société communiste.

§2. Les Partis adhérant à l’IC portent le nom de : «Parti Communiste de … (Section de l’IC)». Dans chaque pays, il ne peut exister qu’u seul Parti adhérant comme Section à l’IC.

§3. Est membre d’un PC et de l’IC celui qui accepte le programme et les statuts du PC du pays où il réside et de l’IC, adhère à l’une des organisations de base du Parti et y milite activement, se soumet à toutes les décisions du Parti et de l’IC et paye régulièrement ses cotisations.

§4. La base d’organisation du PC est la cellule d’entreprise (cellule d’usine, de fabrique, de mine, de bureau, de magasin, de ferme, etc.) groupant tous les membres du Parti qui travaillent dans ladite entreprise.

§5. L’IC et ses Sections sont fondées sur les principes du centralisme démocratique, dont voici les plus essentiels :

a) Eligibilité de tous les organismes dirigeants du Parti, supérieurs et subalternes, par les assemblées générales des membres, les Conférences, les Congrès ;

b) Obligation pour tous ces organismes de rendre compte périodiquement de leur activité à leurs électeurs ;

c) Obligation pour les organismes subalternes d’appliquer les décisions des organismes supérieurs du Parti, stricte discipline dans le Parti, exécution exacte et sans délai des décisions de l’IC, de ses organismes et des centres dirigeants du Parti.

Les questions ne sont discutées par les membres du Parti et les organisations que jusqu’à ce qu’une décision soit prise par les organismes compétents du Parti. Une fois qu’une décision a été prise par les Congrès de l’IC, les Congrès de ses Sections ou par leurs organes dirigeants respectifs, cette décision doit être obligatoirement appliquée, même si une partie des membres du Parti ou des organisations locales ne sont pas d’accord avec elle.

Dans les conditions d’illégalité du Parti, la nomination des organismes subalternes par les organismes supérieurs, ainsi que la coopération ratifiée par les organismes supérieurs sont admissibles.

§6. Dans toutes les organisations hors du Parti et groupant des masses d’ouvriers et de paysans (Syndicats, coopératives, sociétés sportives, associations des anciens combattants) dans leurs organismes dirigeants, leurs Congrès et Conférences ainsi que dans les Conseils municipaux, les Parlements, etc., une fraction communiste doit être organisée – s’il y a au moins deux membres du Parti – dans le but d’étendre l’influence du Parti et d’appliquer sa politique dans ces organisations et institutions.

§7. Les fractions communistes sont subordonnées aux organismes respectifs du Parti.

Remarque 1. – Les fractions communistes des organisations internationales (Internationale Syndicale Rouge, Secours Rouge International, Secours Ouvrier International, etc…) sont subordonnées au CEIC. Rermarque 2. – La structure des fractions communistes et la forme de direction de leur travail sont réglées par des instructions spéciales du CEIC et des Comités centraux des Sections de l’IC

2. Le Congrès Mondial de l’IC

§8. L’organisme suprême de l’IC est le Congrès Mondial des représentants de tous les Partis (Sections) et organisations affiliées à l’IC.

Le Congrès Mondial examine et tranche les plus importantes questions ayant trait au programme, à la tactique, à l’organisation et à l’activité de l’IC et de ses Sections. Seul il peut modifier le programme et les statuts de l’IC.

Le Congrès se réunit une fois tous les deux ans. La date de convocation et le nombre de représentants de chaque Section sont fixés par le CEIC.

Le nombre des vois délibératives de chaque Section au Congrès, Mondial est fixé par une décision particulière du Congrès, d’après les effectifs de chaque Parti et l’importance politique du pays. Les mandats impératifs ne sont pas admis.

§9. Un Congrès Mondial extraordinaire de l’IC doit être convoqué si plusieurs Partis ayant eu ensemble, au dernier Congrès, au moins la moitié des voix délibératives en font la demande.

§10. Le Congrès mondial élit le Comité Exécutif (CEIC) et la Commission Internationale de Contrôle (C.IC).

§11. Le siège du CEIC est fixé par le Congrès.

3. Le CEIC et ses organismes

§12. Le CEIC est l’organisme dirigeant de l’IC dans l’intervalle des Congrès. C’est cet organisme qui donne les directives à toutes les Sections de l’IC et qui contrôle leur activité.

Le CEIC édite l’organe central de l’IC au moins en 4 langues.

§13. Les décisions du CEIC sont obligatoires pour toutes les Sections et doivent être immédiatement appliquées par celles-ci. Les Sections peuvent faire appel des décisions du CEIC devant le Congrès Mondial, mais jusqu’à ce que ces décisions soient annulées par le Congrès, leur application est obligatoire pour les Sections.

§14. Les Comités centraux des Sections de l’IC sont responsables devant leurs Congrès et devant le CEIC. Ce dernier a le droit d’annuler et de modifier les décisions des Congrès des Sections ainsi que de leurs Comités centraux et de prendre des décisions dont l’exécution est obligatoire pour eux. (Voir le §13).

§15. Le CEIC a le droit d’exclure de l’IC des Sections entières, des groupes et des membres isolés, ayant violé le programme et les statuts de l’IC ou les décisions des Congrès Mondiaux et de CEIC.

Les Sections, groupes ou membres exclus dont le droit de faire appel devant le Congrès Mondial.

§16. Le CEIC ratifie le programme des diverses Sections de l’IC Dans le cas où le CEIC refuserait de ratifier le programme d’une Section, celle-ci a le droit de faire appel devant le Congrès Mondial de l’IC.

§17. Les organes centraux de presse des différentes Sections de l’IC doivent publier toutes les décisions et documents officiels du CEIC.

Ces décisions doivent autant que possible être publiées aussi dans les autres organes de presse des Sections.

§18. Le CEIC a le droit d’admettre dans l’IC, avec voix consultative, les organisations et partis sympathisants au communisme.

§19. Le CEIC élit un Présidium qui lui est subordonné et qui est un organisme permanent menant tout le travail du CEIC dans l’intervalle des séances de ce dernier.

§20. Le CEIC et son Présidium ont le droit de créer des bureaux permanents (d’Europe Occidentale, d’Amérique du Sud, d’Orient, etc.), pour établir une liaison plus étroite avec les diverses Sections de l’IC et une meilleure direction de leurs actions.

Remarque. – La sphère d’activité des Bureaux permanents du CEIC est fixée par ce dernier ou par son Présidium. Les Sections de l’IC qui entrent dans la sphère des Bureaux permanents doivent être mises au courant des pouvoirs de ces derniers.

§21. Les Sections doivent appliquer les indications et les directives des Bureaux permanents respectifs du CEIC. Elles peuvent présenter leurs objections contre ces décisions devant le CEIC ou son Présidium. Mais cela ne les dispense pas de l’application des décisions des Bureaux permanents tant qu’elles ne sont pas annulées par le CEIC ou son Présidium.

§22. Le CEIC et son Présidium ont le droit d’envoyer leurs représentants dans les Sections de l’IC Ces représentants reçoivent les instructions du CEIC et sont responsables devant lui de leur activité.

Ils ont le droit d’assister à toutes les réunions et séances des organismes centraux et des organisations locales des Sections auxquels ils sont affectés. Ils remplissent leur mission dans leur contrat le plus étroit avec le CC de la Section intéressée. Mais, dans certains cas, leurs interventions dans les Congrès, les Conférences et les réunions des Sections, peuvent être dirigées contre ce CC, si sa ligne politique n’est pas conforme aux directives du CEIC. Les représentants ont, en particulier, pour fonction de veiller à l’exécution des décisions des Congrès et du CEIC.

Le CEIC et son Présidium ont aussi le droit d’envoyer des instructeurs dans les diverses Sections de l’IC Les droits et les devoirs des instructeurs sont fixés par le CEIC, devant lequel ils sont responsables de leur travail.

§23. Les séances du CEIC ont lieu au moins une fois tous les six mois.

Les séances sont régulières lorsque la moitié au moins des membres sont présents.

§24. Les séances du Présidium du CEIC ont lieu au moins une fois tous les quinze jours. Elles sont régulières lorsque la moitié au moins des membres sont présents.

§25. Le Présidium désigne un Secrétariat politique qui est un organisme délibératif. Le Secrétariat politique prépare aussi les questions en vue des séances du CEIC et de son Présidium : il est leur organisme exécutif.

§26. Le Présidium choisit la rédaction des publications périodiques et autres de l’IC.

§27. Le Présidium du CEIC organise une Section de travail parmi les femmes, des commissions permanentes pour diriger le travail des différents groupes de Sections de l’IC (Secrétariat de pays) et les autres Sections qui sont nécessaires pour son travail.

4. La Commission Internationale de Contrôle (CIC)

§28. La CIC examine les questions relatives à l’unité et à la cohésion des Sections affiliées à l’IC et à la conduite des membres de telle ou telle Section en tant que communistes.

À cet égard, la CIC :

a) examine les plaintes portées contre l’action des Comités centraux des PC par des membres du Parti ayant subi des sanctions disciplinaires à la suite de divergences politiques ;

b) étudie les affaires analogues concernant les membres des organismes centraux des PC ou les simple membres des Partis, lorsqu’elle le juge elle-même nécessaire, ou lorsque les organismes exécutifs du CEIC le lui proposent ;

c) contrôle et vérifie les finances de l’IC.

La CIC n’intervient pas dans les divergences politiques ni dans les conflits administratifs et d’organisation qui surgissent dans les Partis.

Le siège de la CIC est fixé par cette dernière d’accord avec le CEIC.

5. Les rapports entre les Sections de l’IC et le CEIC

§29. Les Comités centraux des Sections affiliées à l’IC, de même que les Comités centraux des organisations admises en qualité de sympathisantes doivent envoyer régulièrement au CEIC des procès- verbaux de leurs séances et des comptes rendus de leur travail.

§30. La démission de membres ou de groupes entiers de membres des Comités centraux est qualifiée de désorganisation du mouvement communiste. Tout poste dirigeant dans le Parti appartient non pas au détenteur de ce poste, mais à toute l’IC Les membres élus des organismes dirigeants centraux des Sections ne peuvent se démettre de leur mandat avant la réélection qu’avec l’assentiment du CEIC.

Les démissions acceptées par les Comités centraux sans l’assentiment du CEIC ne sont pas valables.

§31. Les Sections affiliées à l’IC, particulièrement les Sections des métropoles et celles de leurs colonies, ainsi que celles de pays voisins, doivent établir entre elles le contact le plus étroit en vue de l’organisation et de l’information, par une représentation mutuelle dans les Conférences et les Congrès et, avec l’assentiment du CEIC, par l’échange de militants dirigeants.

§32. Deux ou plusieurs Sections de l’IC qui (comme les Sections des pays scandinaves et balkaniques) sont politiquement liées entre elles par des conditions communes de lutte, peuvent, avec l’assentiment du CEIC, et dans le but de coordonner leur action, s’unir en Fédération travaillant sous la direction et le contrôle du CEIC.

§33. Les Sections de l’IC versent au CEIC des cotisations régulières dont le montant est fixé par ce dernier.

§34. Les Congrès des Sections, tant ordinaires qu’extraordinaires, ne peuvent être convoqués qu’avec l’assentiment du CEIC.

Au cas où une Section n’aurait pas convoqué un Congrès du Parti avant la réunion du Congrès Mondial, elle doit, avant d’élire les délégués au Congrès Mondial, réunir une Conférence du Parti ou une séance plénière du CC en vue de l’étude des questions qui se poseront au Congrès.

§35. L’Association internationale de la Jeunesse communiste (ICJ.) constitue une Section de l’IC Elle jouit de tous les droits d’une Section et est subordonnée au CEIC.

§36. Les PC doivent être prêts à passer dans l’illégalité ; le CEIC doit les aider à s’y préparer.

§37. Les membres des Sections de l’IC ne peuvent émigrer de leur pays qu’avec l’autorisation du CC de la Section dont ils font partie.

Les communistes qui ont émigré doivent adhérer à la Section du pays où ils viennent s’établir. Ceux qui quittent leur pays sans l’autorisation du CC de leur Section ne peuvent être reçus dans une autre Section de l’IC.

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de l’Internationale Communiste

Programme de l’Internationale Communiste établi en 1928

Adopté par le 6e Congrès mondial le 1er septembre 1928 à Moscou

Introduction

L’époque de l’impérialisme est celle du capitalisme mourant. La guerre mondiale de 1914-18 et la crise générale du capitalisme qu’elle a déchaînée furent le résultat d’une profonde contradiction entre le développement des forces productives de l’économie mondiale et les frontières des États.

Elles ont montré et prouvé que les conditions matérielles du socialisme au sein de la société capitaliste sont déjà mûres et que, l’enveloppe capitaliste de la société étant devenue un obstacle intolérable au développement ultérieur de l’humanité, l’histoire a mis à l’ordre du jour le renversement du joug capitaliste par la révolution.

L’impérialisme soumet les innombrables masses prolétariennes de tous les pays — dans les métropoles de la puissance capitaliste comme dans les coins les plus reculés du monde colonial — à la dictature d’une ploutocratie capitaliste financière.

L’impérialisme met à nu et approfondit avec la force d’éléments déchaînés toutes les contradictions de la société capitaliste, développe à l’extrême l’oppression des classes, aiguise au plus haut degré la lutte entre les États capitalistes, engendre l’inéluctabilité des guerres impérialistes mondiales qui ébranlent tout le système des rapports existants et achemine la société, avec une irrésistible nécessité, vers la révolution prolétarienne mondiale.

Enchaînant l’univers dans les liens du capital financier, contraignant, par le sang, par le fer et par la faim, les prolétaires de tous les pays, de toutes les nationalités et de toutes les races à se courber sous son joug, aggravant formidablement l’exploitation, l’oppression et l’asservissement du prolétariat qu’il met devant la tâche immédiate de conquérir le pouvoir, l’impérialisme crée la nécessité d’une étroite cohérence des ouvriers en une armée internationale unique des prolétaires de tous les pays, formée indépendamment des frontières d’États, des différences de nationalité, de culture, de langue, de race, de sexe et de profession.

L’impérialisme, en développant et en achevant ainsi la création des conditions matérielles du socialisme, place le prolétariat en face de la nécessité de s’organiser en une association ouvrière internationale de combat et assure, par-là, la cohésion de l’armée de ses propres fossoyeurs.

L’impérialisme détache, d’autre part, la partie la plus aisée de la classe ouvrière des grandes masses. Cette  «aristocratie » ouvrière, corrompue par l’impérialisme, qui constitue les cadres dirigeants des Partis social-démocrates, intéressée au pillage impérialiste des colonies, dévouée à  «sa » bourgeoisie et à  «son » État impérialiste, se trouva, à l’heure des batailles décisives, aux côtés de l’ennemi de classe du prolétariat.

La scission du mouvement socialiste provoquée par cette trahison de 1914 et les trahisons ultérieures des Partis social-démocrates, devenus en fait des partis ouvriers bourgeois, ont prouvé que le prolétariat mondial ne peut remplir sa mission historique — briser le joug de l’impérialisme et conquérir la dictature prolétarienne — que par une lutte implacable contre la social-démocratie. L’organisation des forces de la révolution internationale n’est donc possible que sur la plate-forme du communisme. À la Deuxième Internationale opportuniste de la social-démocratie, devenue l’agent des impérialistes au sein de la classe ouvrière, s’oppose inéluctablement la Troisième, l’IC, organisation universelle de la classe ouvrière, incarnant l’unité authentique des ouvriers révolutionnaires de tous les pays.

La guerre de 1914-18 provoqua les premières tentatives de créer une nouvelle Internationale révolutionnaire comme contrepoids de la Deuxième Internationale social-chauvine et comme instrument de résistance à l’impérialisme guerrier (Zimmerwald, Kienthal). La victoire de la révolution prolétarienne en Russie donna l’impulsion à la constitution de PC dans les métropoles capitalistes et dans les colonies.

En 1919, fut fondée l’IC qui, pour la première fois dans l’histoire, unit effectivement dans la lutte révolutionnaire des éléments avancés du prolétariat d’Europe et d’Amérique aux prolétaires de Chine et des Indes, aux travailleurs nègres d’Afrique et d’Amérique.

Parti international unique et centralisé du prolétariat, l’IC est la seule continuatrice des principes de la Première Internationale appliqués sur la base nouvelle d’un mouvement prolétarien révolutionnaire de masses.

L’expérience de la première guerre impérialiste, de la crise révolutionnaire du capitalisme qui lui a succédé et des révolutions de l’Europe et des pays coloniaux, l’expérience de la dictature du prolétariat et de l’édification du socialisme en U.R.S.S, l’expérience du travail de toutes les Sections de l’IC, fixée dans les décisions de ses Congrès, et enfin, l’internationalisation de plus en plus grande de la lutte entre la bourgeoisie impérialiste et le prolétariat, rendent indispensable l’élaboration d’un programme de l’IC, unique et commun à toutes ses Sections.

Le programme de l’IC réalise ainsi la plus haute synthèse critique de l’expérience du mouvement révolutionnaire international du prolétariat, il est un programme de lutte pour la dictature mondiale du prolétariat, un programme de lutte pour le communisme mondial.

L’IC, qui unit les ouvriers révolutionnaires et entraîne des millions d’opprimés et d’exploités contre la bourgeoisie et ses agents  «socialistes », se considère comme la continuatrice historique de la  «Ligue des communistes » et de la Première Internationale qui furent sous la direction immédiate de Karl Marx, et comme l’héritière des meilleures traditions d’avant-guerre de la Deuxième Internationale.

La Première Internationale jeta les bases doctrinales de la lutte internationale du prolétariat pour le socialisme. La Deuxième Internationale, dans sa meilleure époque, prépara le terrain à une large expansion du mouvement ouvrier parmi les masses.

La Troisième IC, continuant l’œuvre de la Première Internationale et recueillant les fruits des travaux de la Deuxième, en a résolument rejeté l’opportunisme, le social-chauvinisme, la déformation bourgeoise du socialisme, et a commencé à réaliser la dictature du prolétariat.

L’IC continue par cela les traditions héroïques et glorieuses du mouvement ouvrier international : celles des chartistes anglais et des insurgés français de 1830, celles des ouvriers révolutionnaires français et allemands de 1848 ; celles des combattants immortels et des martyrs de la Commune de Paris ; celles des soldats valeureux des révolutions allemande, hongroise et finlandaise ; celles des ouvriers courbés naguère sous le despotisme des tsars et devenus des réalisateurs victorieux de la dictature du prolétariat ; celles des prolétaires chinois, héros de Canton et de Shanghai.

S’inspirant de l’expérience historique du mouvement ouvrier révolutionnaire de tous les continents et de tous les peuples, l’IC se place entièrement et sans réserves, dans son activité théorique et pratique, sur le terrain du marxisme révolutionnaire dont le léninisme — qui n’est pas autre chose que le marxisme de l’époque de l’impérialisme et des révolutions prolétariennes — est le développement ultérieur.

En défendant et en propageant le matérialisme dialectique de Marx et d’Engels, en l’appliquant comme la méthode révolutionnaire de connaissance de la réalité dans un but de transformation révolutionnaire de cette dernière, l’IC combat activement toutes les variétés de la pensée bourgeoise et de l’opportunisme théorique et pratique.

Demeurant sur le terrain de la lutte de classe prolétarienne conséquente, subordonnant les intérêts passagers, partiels, corporatifs et nationaux du prolétariat à ses intérêts permanents, généraux et internationaux, l’IC démasque impitoyablement, quels qu’en soient les aspects, la doctrine de la  «paix sociale » empruntée par les réformistes à la bourgeoise.

Exprimant la nécessité historique de l’organisation internationale des prolétariens révolutionnaires, fossoyeurs du système capitaliste. L’IC est l’unique force internationale qui ait pour programme la dictature du prolétariat et le communisme et qui agisse au grand jour comme organisatrice de la révolution prolétarienne mondiale.

1. — Le système mondial du capitalisme, son développement et sa ruine inévitable

1. Les lois générales du développement du capitalisme et l’époque du capital industriel

La société capitaliste, fondée sur le développement de la production des marchandises, est caractérisée par le monopole de la classe des capitalistes et des gros propriétaires fonciers sur les moyens de production les plus importants et décisifs, par l’exploitation de la main-d’œuvre salariée de la classe des prolétaires, privés des moyens de production et obligés de vendre leur force de travail, par la production des marchandises en vue d’en retirer des profits, par l’absence de plan et l’anarchie qui résulte de ces diverses causes dans l’ensemble du procès de la production.

Les rapports sociaux d’exploitation et la domination économique de la bourgeoisie trouvent leur expression politique dans l’organisation de l’État capitaliste, appareil de coercition contre le prolétariat.

L’histoire du capitalisme confirme entièrement la doctrine de Marx sur les lois du développement de la société capitaliste et sur les contradictions inhérentes à ce développement, qui mènent le système capitaliste à sa perte inéluctable.

La bourgeoisie fut contrainte, dans sa course aux profits, de développer, dans des proportions toujours croissantes, les forces productives, de renforcer et d’étendre la domination des rapports capitalistes de production.

Le développement du capitalisme, pour cette raison, reproduisit constamment sur une base élargie toutes les contradictions internes du système, avant tout, la contradiction décisive existant entre le caractère social du travail et le caractère privé de l’appropriation, entre la croissance des forces productives et les rapports capitalistes de propriété.

La propriété des moyens de production et le fonctionnement spontané et anarchique de la production elle-même provoquèrent la rupture de l’équilibre économique entre les différentes branches de la production, par suite du développement de la contradiction entre la tendance de la production à une extension illimitée et la consommation limitée des masses prolétariennes (surproduction générale), ce qui entraîna des crises périodiques dévastatrices et livra des masses de prolétaires au chômage.

La domination de la propriété privée s’exprima par une concurrence sans cesse croissante, aussi bien à l’intérieur de chaque pays capitaliste que sur le marché mondial. Cette dernière forme de rivalité entre capitalistes eut pour conséquence les guerres qui accompagnent inévitablement le développement capitaliste.

Les avantages techniques et économiques de la grande production provoquèrent, d’autre part, par le jeu de la concurrence, l’élimination et la destruction des formes précapitalistes de l’économie, une concentration et une centralisation croissante du capital. Dans l’industrie, cette loi de concentration et de centralisation se manifesta avant tout par le dépérissement de la petite production ou par sa réduction au rôle d’auxiliaire subordonné des grandes entreprises.

Dans l’agriculture, dont le développement est nécessairement retardataire par suite du monopole de la propriété du sol et de la rente absolue, cette loi s’exprima non seulement par la différenciation de la paysannerie et la prolétarisation de larges couches de paysans, mais encore et surtout par des formes visibles ou voilées de la domination du gros capital sur la petite économie rurale qui, dans ce cas, ne peut conserver une apparence d’indépendance qu’au prix d’une extrême intensité du travail et d’une sous- consommation systématique.

L’utilisation croissante des machines, le perfectionnement constant de la technique et, sur cette base, la croissance incessante de la composition organique du capital accompagnées de la division croissante du travail, de l’augmentation de son rendement et de son intensité, signifiaient également un emploi plus large de la main-d’œuvre féminine et enfantine et la formation d’énormes armées industrielles de réserve, sans cesse grossies par les paysans prolétarisés, évincés des campagnes, et par la petite et moyenne bourgeoisie ruinée des villes.

À l’un des pôles des rapports sociaux, formation de masses considérables de prolétaires, intensification continue de l’exploitation de la classe ouvrière, reproduction sur une base élargie des contradictions profondes du capitalisme et de leurs conséquences (crises, guerres, etc.), augmentation constante de l’inégalité sociale, croissance de l’indignation du prolétariat rassemblé et éduqué par le mécanisme même de la production capitaliste, tout cela sape infailliblement les bases du capitalisme et rapproche le moment de son écroulement.

Un profond bouleversement se produisit en même temps dans tout l’ordre moral et culturel de la société capitaliste : décomposition parasitaire des groupes de rentiers de la bourgeoisie, dissolution de la famille, exprimant la contradiction croissante entre la participation en masse des femmes à la production sociale et les formes de la famille et de la vie domestique héritées dans une large mesure des époques économiques antérieures ; développement monstrueux des grandes villes et médiocrité de la vie rurale par suite de la division et de la spécialisation du travail ; appauvrissement et dégénérescence de la vie intellectuelle et de la culture générale ; incapacité de la bourgeoisie de créer, en dépit des grands progrès des sciences naturelles, une synthèse philosophique scientifique du monde ; développement des superstitions idéalistes, mystiques et religieuses, tous ces phénomènes signalent l’approche de la fin historique du système capitaliste.

2. L’époque du capital financier (impérialisme)

La période du capitalisme industriel fut, en général, une période de  «libre concurrence » pendant laquelle le capitalisme évolua avec une certaine régularité et se répandit sur tout le globe par le partage des colonies encore libres, conquises par la force des armes, le poids des contradictions internes du capitalisme sans cesse croissantes retombant principalement sur la périphérie coloniale opprimée, terrorisée et systématiquement rançonnée.

Cette période fit place, vers le début du 20e siècle, à celle de l’impérialisme, caractérisée par le développement du capitalisme par sauts brusques et par conflits, la libre concurrence cédant rapidement le pas au monopole, les terres coloniales naguère  «libres » étant déjà partagées et la lutte pour un nouveau partage des colonies et des sphères d’influence commençant à prendre inévitablement et en premier lieu la forme de la lutte armée.

Les contradictions du capitalisme acquirent ainsi toute leur ampleur mondiale et leur expression la plus nette à l’époque de l’impérialisme (capitalisme financier), qui représente une nouvelle forme historique du capitalisme lui-même, un rapport nouveau entre les différentes parties de l’économie capitaliste mondiale et une modification des rapports entre les classes fondamentales de la société capitaliste.

Cette nouvelle période historique résulte de l’action des lois essentielles du développement de la société capitaliste. Elle mûrit avec le développement du capitalisme industriel, en est la continuation historique. Elle accentua la manifestation des tendances fondamentales et des lois du mouvement de la société capitaliste, ses contradictions et ses antagonismes fondamentaux. La loi de concentration et de la centralisation du capital aboutit à la formation de puissants groupements monopolistes (cartels, Syndicats, trusts), à une nouvelle forme d’entreprises géantes combinées, liées en un seul faisceau par les banques.

La fusion du capital industriel et du capital bancaire, l’entrée de la grande propriété foncière dans le système général du capitalisme désormais caractérisé par les monopoles, transformèrent la période du capital industriel en celle du capital financier.

La  «libre concurrence » du capitalisme industriel, qui remplaça autrefois le monopole féodal et le monopole du capital commercial, se transforma elle-même en monopole du capital financier. Les monopoles capitalistes, issus de la libre concurrence, ne la suppriment cependant pas, mais la dominent ou coexistent avec elle, provoquant ainsi des contradictions, des heurts et des conflits d’une acuité et d’une gravité particulières.

L’emploi grandissant de machines compliquées, des procédés chimiques et de l’énergie électrique, la croissance de la composition organique du capital sur cette base et la chute du taux du profit qui en est la conséquence — et qui n’est enrayée qu’en partie, en faveur des plus grandes associations monopolistes, par la politique des hauts prix des cartels — provoquant la continuation de la course aux surprofits coloniaux et la lutte pour un nouveau partage du monde.

La production en masse, standardisée, exige de nouveaux débouchés extérieurs. La demande croissante de matières premières et de combustibles provoque d’âpres rivalités pour en accaparer les sources. Enfin, le haut protectionnisme, empêchant l’exportation des marchandises et assurant un surprofit au capital exporté, crée des stimulants complémentaires à l’exportation des capitaux qui devient la forme décisive et spécifique de la liaison économique entre les différentes parties de l’économie capitaliste mondiale.

En résumé, la possession monopolisée des débouchés coloniaux, des sources de matières premières et des sphères d’investissements de capitaux, accroît d’une manière extrêmement rapide l’inégalité du développement capitaliste et aggrave, entre les  «grandes puissances » du capital financier, les conflits pour un nouveau partage des colonies des sphères d’influence.

La croissance des forces productives de l’économie mondiale conduit donc à une plus grande internationalisation de la vie économique et, en même temps, à la lutte pour un nouveau partage du monde, déjà partagé entre les grands États du capital financier ; elle provoque aussi un changement et une aggravation des formes de cette lutte : le remplacement de plus en plus fréquent de la concurrence au moyen de la baisse des prix, par appel direct à la force (boycottage, haut protectionnisme, guerres douanières, guerres au sens propre du mot, etc.).

Le capitalisme, sous sa forme monopoliste, est, par conséquent, accompagné de guerres impérialistes inévitables, qui, par leur ampleur et la puissance destructive de la technique employée, n’ont pas de précédent dans l’histoire du monde.

3. Les forces de l’impérialisme et les forces de la révolution

La forme impérialiste du capitalisme qui exprime la tendance à la cohésion des diverses factions de la classe dominante, oppose les grandes masses du prolétariat non à un patron isolé, mais, de plus en plus, à la classe entière des capitalistes et à son État.

D’autre part, cette forme de capitalisme brise les frontières des États nationaux devenues trop étroites et élargit les cadres du pouvoir capitaliste des grandes puissances, opposant à ce pouvoir les millions d’hommes des nationalités opprimées, des  «petites » nations et des peuples coloniaux. Enfin, cette forme de capitalisme oppose avec plus d’acuité les États impérialistes les uns aux autres.

Dans cet état de choses, le pouvoir politique acquiert pour la bourgeoisie une importance particulière, il devient la dictature d’une oligarchie financière et capitaliste, l’expression de sa puissance concentrée. Les fonctions de cet État impérialiste qui comprend de nombreuses nationalités, se développent dans tous les sens. Le développement des formes de capitalisme d’État facilite à la fois la lutte sur les marchés extérieurs (mobilisation militaire de l’économie) et la lutte contre la classe ouvrière.

Le développement monstrueux à l’extrême du militarisme (armée, flottes aérienne et navale, armes chimiques et bactériologiques), la pression croissante de l’État impérialiste sur la classe ouvrière (exploitation accrue et répression directe, d’une part, corruption systématique de la bureaucratie réformiste dirigeante, de l’autre), expriment l’énorme accroissement du rôle de l’État. Dans ces conditions, toute action plus ou moins importante du prolétariat se transforme en une action contre l’État, c’est-à-dire en une action politique.

Ainsi, le développement du capitalisme et, plus particulièrement, l’époque impérialiste reproduisent les contradictions fondamentales du capitalisme à une échelle de plus en plus considérable.

La concurrence entre petits capitalistes ne cesse que pour faire place à la concurrence entre grands capitalistes ; lorsque celle-ci se calme, se déchaîne la concurrence entre les formidables coalitions des magnats du Capital et de leurs États ; les crises locales et nationales s’étendent à divers pays et finissent par embrasser le monde entier ; les guerres locales font place aux guerres de coalitions et aux guerres mondiales ; la lutte de classes passe de l’action isolée de certains groupes d’ouvriers, à des luttes nationales, puis à la lutte internationale du prolétariat mondial contre la bourgeoisie mondiale.

Enfin, se dressent et s’organisent contre les forces du capital financier puissamment organisé, deux grandes forces révolutionnaires : d’une part, les ouvriers des États capitalistes et, de l’autre, les masses populaires des colonies ployées sous le joug du capital étranger, mais luttant sous la direction et l’hégémonie du mouvement révolutionnaire prolétarien international.

Cette tendance révolutionnaire fondamentale est cependant temporairement paralysée par la corruption de certains éléments du prolétariat européen, nord-américain et japonais, acquis à la bourgeoisie impérialiste et par la trahison de la bourgeoisie nationale des pays coloniaux et semi-coloniaux effrayée par le mouvement révolutionnaire des masses.

La bourgeoisie des grandes puissances impérialistes recevant un profit supplémentaire, tant en raison de sa position sur le marché mondial en général (technique plus développée, exportation des capitaux, dans les pays où le taux du profit est plus élevé, etc.) qu’en raison du pillage des colonies et des semi-colonies, a pu élever, grâce à ces surprofits, les salaires d’une partie de  «ses » ouvriers, les intéressant ainsi au développement du capitalisme de leur  «patrie », au pillage des colonies et à la fidélité envers l’État impérialiste.

Cette corruption systématique s’est particulièrement manifestée et se manifeste encore sur une large échelle dans les pays impérialistes les plus puissants ; elle trouve son expression la plus éclatante dans l’idéologie et l’action de l’aristocratie ouvrière et des couches bureaucratiques de la classe ouvrière, c’est-à-dire des cadres dirigeants de la social-démocratie et des Syndicats qui se sont révélés les agents directs de l’influence bourgeoise au sein du prolétariat et les meilleurs soutiens du régime capitaliste.

Mais, après avoir développé l’aristocratie corrompue de la classe ouvrière, l’impérialisme en détruit en fin de compte l’influence sur le prolétariat, dans la mesure où l’accentuation des contradictions du régime, l’aggravation des conditions d’existence et le chômage de grandes masses ouvrières, les dépenses et les charges énormes provoquées par les conflits armés, la perte par certaines puissances des monopoles qu’elles détenaient sur le marché mondial, la séparation des colonies, etc., ébranlent dans les masses la base du social-impérialisme.

De même, la corruption systématique de diverses couches de la bourgeoisie des colonies et des semi-colonies, leur trahison du mouvement national-révolutionnaire et leur rapprochement avec les puissances impérialistes ne paralysent que temporairement le développement de la crise révolutionnaire.

Ce procès mène, en fin de compte, au renforcement de l’oppression impérialiste, à l’affaiblissement de l’influence de la bourgeoisie nationale sur les masses populaires, à l’aggravation de la crise révolutionnaire, au déchaînement de la révolution agraire des grandes masses paysannes et à la création de conditions favorables à l’hégémonie du prolétariat des pays coloniaux et dépendants dans la lutte des masses populaires, pour l’indépendance et pour une complète libération nationale.

4. L’impérialisme et la chute du capitalisme

L’impérialisme a porté les forces productives du capitalisme mondial à un haut degré de développement. Il a achevé la préparation des prémices matérielles pour l’organisation socialiste de la société. Il démontre par ses guerres que les forces productives de l’économie mondiale ont dépassées les cadres restreints des États impérialistes et exigent l’organisation de l’économie sur une échelle internationale mondiale.

L’impérialisme s’efforce de résoudre cette contradiction en frayant, par le fer et par le feu, la voie à un trust capitaliste étatique mondial et unique qui organiserait l’économie mondiale. Cette sanglante utopie est glorifiée par les idéologues social-démocrates qui y voient la méthode pacifique du nouveau capitalisme  «organisé ». Elle se heurte, dans la réalité, à des obstacles objectifs insurmontables d’une telle ampleur que le capitalisme est appelé à s’effondrer inévitablement sous le poids de ses propres contradictions.

La loi de l’inégalité du développement capitaliste, accentué à l’époque impérialiste, rend impossibles les groupements stables et durables de puissances impérialistes. D’autre part, les guerres impérialistes qui se transforment en guerres mondiales par lesquelles la loi de concentration du capital s’efforce d’atteindre son extrême limite — le trust mondial unique — s’accompagnent de telles dévastations, imposent à la classe ouvrière et aux millions de prolétaires et de paysans des colonies de telles charges, que le capitalisme périra inévitablement sous les coups de la révolution prolétarienne, bien avant d’avoir atteint ce but.

Phase suprême du développement capitaliste, portant à un développement d’une formidable ampleur les forces productives de l’économie mondiale, recréant le monde entier à son image, l’impérialisme entraîne dans le champ d’exploitation du capital financier toutes les colonies, toutes les races et tous les peuples.

Mais la forme monopoliste du capital développe en même temps à un degré croissant les éléments de dégénérescence parasitaire, de pourriture et de déclin du capitalisme. En détruisant, dans une certaine mesure, cette force motrice qu’est la concurrence, en menant une politique de hauts prix fixés par les cartels, en disposant sans restriction du marché, le capital monopoliste tend à entraver le développement ultérieur des forces productives.

Prélevant sur des millions d’ouvriers et de paysans coloniaux des surprofits fabuleux et accumulant les énormes revenus de cette exploitation, l’impérialisme crée un type d’État rentier en voie de dégénérescence parasitaire et de putréfaction, et des couches entières de parasites vivant des coupons de rentes. Achevant le processus de la création des prémices matérielles du socialisme (concentration des moyens de production, immense socialisation du travail, croissance des organisations ouvrières), l’époque impérialiste aggrave les contradictions existant entre les  «grandes puissances » et engendre des guerres qui aboutissent à la dislocation de l’unité de l’économie mondiale.

L’impérialisme est pour cette raison le capitalisme pourrissant et mourant et, en général, la dernière étape de l’évolution capitaliste, le prélude de la révolution socialiste mondiale.

La révolution prolétarienne internationale découle ainsi des conditions du développement du capitalisme en général, et de sa phase impérialiste, en particulier. Le système capitaliste aboutit dans son ensemble à une faillite définitive. La dictature du capital financier périt, faisant place à la dictature du prolétariat.

2. — La crise générale du capitalisme et la première phase de la révolution mondiale

1. La guerre mondiale et le développement de la crise révolutionnaire

La lutte entre les principaux États capitalistes pour un nouveau partage du monde provoqua la première guerre impérialiste mondiale (1914-18).

Cette guerre ébranla le système capitaliste mondial et inaugura la période de sa crise générale. Elle mit à son service toute l’économie nationale des pays belligérants, créant ainsi la poigne de fer du capitalisme d’État ; elle entraîna de fabuleuses dépenses improductives, détruisit une quantité énorme de moyens de production et de main-d’œuvre, ruina les grandes masses populaires, imposa des charges innombrables aux ouvriers industriels, aux paysans et aux peuples coloniaux.

Elle aggrava fatalement la lutte de classes, qui se transforma en action révolutionnaire de masses et en guerre civile. Le front impérialiste fut rompu dans son secteur le plus faible, en Russie tsariste. La révolution russe de février 1917 brisa le pouvoir, l’autocratie des gros propriétaires fonciers. La révolution d’Octobre renversa le pouvoir de la bourgeoisie.

Cette révolution prolétarienne victorieuse expropria les expropriateurs, ôta à la bourgeoisie et aux grands propriétaires fonciers les moyens de production, établit et affermit, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la dictature du prolétariat dans un grand pays, réalisa un nouveau type d’État, l’État soviétique, et inaugura la révolution prolétarienne internationale.

L’ébranlement profond du capitalisme mondial, l’aggravation de la lutte de classes et l’influence immédiate de la révolution prolétarienne d’Octobre, déterminèrent des révolutions et des mouvements révolutionnaires tant en Europe que dans les pays coloniaux et semi-coloniaux : janvier 1918, révolution ouvrière en Finlande ; août 1918,  «émeutes du riz » au Japon ; novembre 1918, révolutions en Autriche et en Allemagne, renversant des monarchies semi-féodales ; mars 1919, révolution prolétarienne en Hongrie et soulèvement en Corée ; avril 1919, République des Soviets en Bavière ; janvier 1920, révolution nationale bourgeoise en Turquie ; septembre 1920, occupation des usines par les ouvriers en Italie ; mars 1921, soulèvement de l’avant-garde ouvrière en Allemagne ; septembre 1923, insurrection en Bulgarie ; automne 1923, crise révolutionnaire en Allemagne ; décembre 1924, insurrection en Estonie ; avril 1925, soulèvement au Maroc ; août 1925, soulèvement en Syrie ; mai 1926, grève générale en Angleterre ; juillet 1927, insurrection ouvrière à Vienne. Ces faits et des événements tels que l’insurrection de l’Indonésie, l’effervescence profonde de l’Inde, la grande révolution chinoise qui a ébranlé tout le continent asiatique, forment les chaînons de l’action révolutionnaire internationale et sont les éléments constituants de la grave crise générale du capitalisme.

Ce procès de la révolution mondiale comprend la lutte immédiate pour la dictature du prolétariat, les guerres de libération nationale et les soulèvements coloniaux contre l’impérialisme, indissolublement liés au mouvement agraire des grandes masses paysannes. La masse innombrable des hommes s’est ainsi trouvée entraînée dans le torrent révolutionnaire. L’histoire du monde est entrée dans une nouvelle phase, celle de la crise générale et durable du système capitaliste.

L’unité de l’économie mondiale s’exprime dans le caractère international de la révolution ; et l’inégalité de développement des diverses parties de l’économie mondiale dans le fait que les révolutions n’éclatent pas simultanément dans les différents pays.

Les premières tentatives de révolution, nées de la crise aigüe du capitalisme (1918-21), se terminèrent par la victoire et l’affermissement de la dictature du prolétariat dans l’URSS et par la défaite du prolétariat dans divers autres pays.

Ces défaites sont dues, avant tout, à la tactique de trahison des chefs social-démocrates et des leaders réformistes du mouvement syndical ; au fait que les communistes n’entraînaient pas encore la majorité de la classe ouvrière et que dans plusieurs pays, des plus importants, il n’existait pas encore de PC

À la suite de ces défaites qui rendirent possibles l’exploitation accrue des masses prolétariennes et des peuples coloniaux, et une brusque réduction de leur niveau de vie, la bourgeoisie put réaliser une stabilisation partielle du régime capitaliste.

2. La crise révolutionnaire et la social-démocratie contre-révolutionnaire

Les cadres dirigeants des partis social-démocrates et des Syndicats réformistes et les organisations capitalistes de combat du type fasciste ont acquis, au cours de la révolution internationale, la plus grande importance comme force contre-révolutionnaire combattant avec ardeur la révolution et soutenant de même la stabilisation partielle du Capital.

La guerre de 1914-18 fut accompagnée de la honteuse faillite de la 2e Internationale social-démocrate.

En contradiction absolue avec la thèse du Manifeste du PC de Marx et d’Engels, qui affirme que les prolétaires n’ont pas de patrie en régime capitaliste, en contradiction absolue avec les résolutions adoptées contre la guerre par les Congrès socialistes internationaux de Stuttgart et de Bâle, les chefs des Partis social-démocrates nationaux, à quelques exceptions près, votèrent les crédits de guerre, se prononcèrent résolument pour la  «défense nationale » de leurs  «patries » impérialistes (c’est-à-dire des États de la bourgeoisie impérialiste) et, au lieu de s’opposer à la guerre impérialiste, devinrent ses fidèles soldats, ses propagandistes et ses thuriféraires (le social-patriotisme se transformait ainsi, par voie de croissance, en social-impérialisme).

Dans la période suivante, la social-démocratie défendit les traités spoliateurs (Brest-Litovsk, Versailles); elle intervint activement aux côtés des généraux dans la répression sanglante des soulèvements prolétariens (Noske); elle combattit les armes à la main la première République prolétarienne (la Russie des Soviets); elle trahit honteusement le prolétariat au pouvoir (Hongrie); elle adhéra à la Société des nations impérialiste (A. Thomas, Paul-Boncour, Vandervelde); elle prit carrément le parti des esclavagistes impérialistes contre les esclaves coloniaux (le  «Labour Party » anglais); elle soutint activement les bourreaux les plus réactionnaires de la classe ouvrière (Bulgarie, Pologne); elle prit l’initiative des  «lois militaires » impérialistes (France); elle trahit la grande grève générale du prolétariat anglais ; elle aida à étouffer la grève des mineurs anglais ; elle aida et elle aide encore à opprimer la Chine et l’Inde (gouvernement Mac Donald); elle assume le rôle de propagandiste de la Société des nations impérialiste, de héraut du Capital et de force organisatrice de la lutte contre la dictature du prolétariat dans l’URSS (Kautsky, Hilferding).

Poursuivant systématiquement cette politique contre-révolutionnaire, la social-démocratie opère au moyen de ses deux ailes : l’aile droite, ouvertement contre-révolutionnaire, indispensable aux négociations et à la liaison directe avec la bourgeoisie, et l’aile gauche destinée à tromper les ouvriers avec une subtilité particulière.

La  «gauche » social-démocrate, usant volontiers de la phrase pacifiste et parfois même de la phrase révolutionnaire, agit en réalité contre les ouvriers, surtout aux heures les plus critiques (les  «indépendants » anglais et la  «gauche » du Conseil général des Trade-Unions pendant la grève générale de 1926 ; Otto Bauer et Cie pendant l’insurrection viennoise, etc.) et constitue pour cette raison la fraction la plus dangereuse des partis social-démocrates.

Servant au sein de la classe ouvrière les intérêts de la bourgeoisie et se plaçant entièrement sur le terrain de collaboration de classes et de la coalition avec la bourgeoisie, la social-démocratie est, à certains moments, contrainte de passer à l’opposition et même de simuler la défense des intérêts de classe du prolétariat dans sa lutte économique ; elle le fait à seule fin d’acquérir la confiance d’une partie de la classe ouvrière et de trahir ses intérêts permanents, d’autant plus honteusement, à l’heure des batailles décisives.

Le rôle essentiel de la social-démocratie est maintenant de saper l’indispensable unité de combat du prolétariat en lutte contre l’impérialisme.

Scindant et divisant le front rouge unique de la lutte prolétarienne contre le Capital, la social-démocratie est le principal appui de l’impérialisme dans la classe ouvrière.

La social-démocratie internationale de toutes nuances, la 2e Internationale et sa filiale syndicale, la Fédération syndicale internationale d’Amsterdam, sont ainsi devenues des réserves de la société bourgeoise, son plus sûr rempart.

3. La crise du capitalisme et le fascisme

A côté de la social-démocratie, à l’aide de laquelle la bourgeoisie réprime le mouvement ouvrier ou endort sa vigilance de classe, se dresse le fascisme.

L’époque de l’impérialisme, l’aggravation de la lutte de classes et la croissance, surtout après la guerre impérialiste mondiale, des facteurs de guerre civile, ont provoqué la faillite du parlementarisme.

De là, les  «nouvelles » méthodes et les nouvelles formes de gouvernement (le système des  «petits cabinets », la formation d’oligarchies agissant dans les coulisses, la déchéance et la falsification de la  «représentation populaire », les restrictions apportées aux  «libertés démocratiques », qui sont parfois abolies, etc.).

Cette offensive de la réaction bourgeoise impérialiste prend, dans certaines conditions historiques, la forme du fascisme. Ces conditions sont : l’instabilité des rapports capitalistes, l’existence d’importants éléments sociaux déclassés, l’appauvrissement de grandes couches de la petite bourgeoisie des campagnes et, enfin, la constante menace d’action de masse du prolétariat.

Afin de s’assurer une stabilité, une fermeté et une continuité plus grandes du pouvoir, la bourgeoisie est de plus en plus contrainte de passer du système parlementaire à la méthode fasciste, indépendante des rapports et des combinaisons de partis.

Cette méthode est celle de la dictature directe, idéologiquement camouflée à l’aide de  «l’idée nationale » et de la représentation  «corporative » (qui est en réalité celle des divers groupes des classes dominantes); elle exploite le mécontentement des masses petite-bourgeoises, des intellectuels et d’autres milieux sociaux, au moyen d’une démagogie sociale assez particulière (antisémitisme, attaques partielles contre le capital usurier, indignation contre les  «parlotes parlementaires ») et de la corruption : création d’une hiérarchie solide et rétribuée des formations fascistes, création d’un appareil de parti et d’un corps de fonctionnaires ; le fascisme s’efforce, ce faisant, de pénétrer dans les milieux ouvriers où il recrute les éléments les plus arriérés en mettant à profit le mécontentement causé par la passivité de la social-démocratie, etc.

Le fascisme s’assigne pour tâche principale la destruction de l’avant- garde ouvrière révolutionnaire, c’est-à-dire des éléments communistes du prolétariat et de leurs cadres. Démagogie sociale combinée avec la corruption et la terreur blanche et liée à une politique extérieure impérialiste très agressive, tels sont les traits caractéristiques du fascisme. Recourant pendant les périodes les plus critiques pour la bourgeoisie à une phraséologie anticapitaliste, le fascisme perd en route ses grelots anticapitalistes et se révèle de plus en plus, dès qu’il s’est affermi au pouvoir, comme la dictature terroriste du gros Capital.

S’adaptant aux changements de la conjoncture politique, la bourgeoisie utilise tour à tour les méthodes du fascisme et celles de la coalition avec la social-démocratie, qui elle-même joue fréquemment, aux heures les plus critiques pour le capitalisme, un rôle fasciste.

Elle manifeste dans son développement des tendances fascistes, ce qui ne l’empêche pas, dans d’autres conjonctures politiques, de fronder contre le gouvernement bourgeois, en qualité de parti d’opposition. Les méthodes fascistes et de coalition avec la social-démocratie, qui sont des méthodes inusitées du capitalisme  «normal » et qui attestent la crise générale du régime, la bourgeoisie s’en sert pour ralentir la marche ascendante de la révolution.

4. Les contradictions de la stabilisation capitaliste et l’inéluctabilité de la chute révolutionnaire du capitalisme

L’expérience de toute la période historique d’après-guerre démontre que la stabilisation du capitalisme, réalisée par l’impitoyable oppression de la classe ouvrière et l’aggravation systématique de ses conditions de vie, ne peut qu’être partielle, temporaire et précaire.

Le développement fébrile et saccadé de la technique, confinant dans certains pays à une nouvelle révolution technique, l’accélération du procès de concentration et décentralisation du capital, la création de trusts gigantesques, de monopoles  «nationaux » et «internationaux », l’interpénétration des trusts et de l’État, la croissance de l’économie capitaliste mondiale, ne peuvent cependant, remédier à la crise générale du système capitaliste.

La division de l’économie mondiale en secteurs capitaliste et socialiste, le rétrécissement des débouchés, le mouvement anti-impérialiste des colonies aggravent à l’extrême toutes les contradictions du capitalisme qui se développe sur sa nouvelle base d’après-guerre.

Le progrès technique lui-même et la rationalisation de l’industrie qui ont pour revers la fermeture et la liquidation d’entreprises, la limitation de la production, l’exploitation impitoyable et rapace de la main-d’œuvre aboutissent à un chômage chronique d’une ampleur sans précédent. L’aggravation absolue des conditions de vie de la classe ouvrière, même dans les pays capitalistes très développés, devient un fait évident.

La concurrence croissante entre les pays impérialistes, la menace constante de guerres et l’acuité grandissante des conflits de classes créent les conditions d’une phase nouvelle et supérieure du développement de la crise générale du capitalisme et de la révolution prolétarienne mondiale.

À la suite du premier cycle des guerres impérialistes (guerre mondiale de 1914-18) et de la victoire remportée en octobre 1917 par la classe ouvrière dans l’ancien Empire des tsars, l’économie mondiale s’est scindée en deux parties irréductiblement opposées : les États impérialistes et la dictature du prolétariat dans l’URSS.

La différence de structure sociale, la nature de classe du pouvoir, différent aussi, l’opposition fondamentale des fins poursuivies en politique intérieure et extérieure, comme en politique économique et culturelle, les tendances, différentes en principe, du développement des deux systèmes, opposent violemment le monde capitaliste à l’État du prolétariat victorieux.

Deux systèmes antagonistes s’affrontent dans le cadre de l’économie mondiale, jadis unique : capitalisme et socialisme. La lutte de classes dans laquelle autrefois le prolétariat n’avait pas d’État à lui, se reproduit maintenant sur une échelle immense, vraiment universelle, la classe ouvrière internationale ayant déjà son État, sa seule patrie.

L’existence de l’US et l’influence qu’elle exerce en tous lieux sur les masses laborieuses opprimées, sont la manifestation éclatante de la crise profonde du système capitaliste mondial, de l’extension et de l’aggravation sans précédent de la lutte de classes.

Le monde capitaliste, incapable de surmonter ses contradictions internes, tente de créer des groupements internationaux (Société des nations) dont l’objet principal est d’arrêter le développement irrésistible de la crise révolutionnaire et d’étouffer par le blocus ou la guerre l’Union des Républiques prolétariennes.

Toutes les forces du prolétariat révolutionnaire et des masses coloniales opprimées se concentrent en même temps autour de l’URSS : face à la coalition mondiale du Capital, précaire et rongée à l’intérieur, mais armée jusqu’aux dents, se dresse la coalition mondiale, unique, du Travail.

Une nouvelle contradiction fondamentale d’une envergure et d’une signification historiques mondiales a surgi ainsi à la suite du premier cycle des guerres impérialistes : la contradiction entre l’URSS et le monde capitaliste.

Les antagonismes se sont aussi aggravés dans le secteur capitaliste de l’économie mondiale. Le déplacement du centre économique de l’univers aux États-Unis d’Amérique, la transformation de la  «République du dollar » en exploiteur mondial ont tendu les relations entre les États-Unis et le capitalisme européen, celui de Grande- Bretagne en premier lieu.

Le conflit entre le plus puissant des vieux pays impérialistes et conservateurs, la Grande-Bretagne, et le plus grand pays du jeune impérialisme, qui a déjà réussi à conquérir l’hégémonie mondiale, les États-Unis, devient l’axe des conflits mondiaux entre les États du capital financier.

L’Allemagne, durement rançonnée par le traité de Versailles, s’est rétablie économiquement, rentre dans l’arène de la politique impérialiste, commence à reparaître sur le marché mondial comme un concurrent sérieux. Autour du Pacifique, s’enchevêtrent des antagonismes dont le conflit américano-japonais est l’axe principal. Parallèlement à ces antagonismes fondamentaux, des conflits d’intérêts se développent entre des groupements instables et changeants de puissances, les États de second ordre étant réduits, aux mains des géants impérialistes et de leurs coalitions, à un rôle accessoire.

L’accroissement de la capacité de production de l’appareil industriel du capitalisme mondial, en face du rétrécissement des marchés intérieurs de l’Europe par suite de la guerre et de la sortie de l’US du domaine des échanges purement capitalistes, l’extrême monopolisation des principales sources de matières premières et de combustibles, ont pour conséquence le développement de conflits entre États capitalistes.

La lutte  «pacifique » pour le pétrole, le caoutchouc, le coton, la houille, les métaux, pour un nouveau partage des débouchés et des sphères d’investissements de capitaux, conduit inévitablement à une nouvelle guerre mondiale, qui sera d’autant plus dévastatrice que la technique de guerre progresse à une allure folle.

Les contradictions entre les métropoles et les pays coloniaux et semi-coloniaux croissent parallèlement.

L’affaiblissement — dans une certaine mesure — de l’impérialisme européen, comme conséquence de la guerre, le développement du capitalisme aux colonies, l’influence de la Révolution soviétique, les tendances centrifuges au sein de la plus grande puissance navale et coloniale, la Grande-Bretagne (Canada, Australie, Afrique du Sud) ont facilité les soulèvements des colonies et des semi-colonies. La grande révolution chinoise qui a ébranlé des centaines de millions d’hommes du peuple chinois ouvre une brèche énorme dans le système de l’impérialisme.

La constante effervescence révolutionnaire de centaines de millions d’ouvriers et de paysans des Indes menace de ruiner la domination de la Grande-Bretagne, citadelle de l’impérialisme mondial. La croissance des tendances hostiles au puissant impérialisme des États-Unis dans les pays de l’Amérique latine y constitue une force contraire à l’expansion du capital nord- américain.

Le mouvement révolutionnaire des colonies qui entraîne dans la lutte contre l’impérialisme l’immense majorité de la population du globe assujettie par l’oligarchie financière et capitaliste de quelques  «grandes puissances » impérialistes, manifeste à son tour la profonde crise générale du système capitaliste. Mais aussi, en Europe, où l’impérialisme accable les petites nations sous son talon de fer, la question nationale est un facteur d’aggravation des contradictions internes du capitalisme.

Enfin, la crise révolutionnaire mûrit irrésistiblement dans les centres mêmes de l’impérialisme : l’offensive de la bourgeoisie contre la classe ouvrière, contre son niveau d’existence, contre ses organisations et ses droits politiques, et l’extension de la terreur blanche provoquent la résistance grandissante des grandes masses prolétariennes et l’aggravation de la lutte de classes entre le prolétariat et le Capital trusté.

Les batailles grandioses entre le Travail et le Capital, la radicalisation grandissante des masses, l’influence et l’autorité croissantes des PC, l’immense mouvement de sympathie des masses ouvrières pour le pays de la dictature prolétarienne, tout cela signale nettement l’approche d’un nouvel essor révolutionnaire dans les métropoles de l’impérialisme.

Le système de l’impérialisme mondial et la stabilisation partielle du capitalisme sont donc minés de divers côtés : contradictions et conflits entre les puissances impérialistes ; multitude des peuples coloniaux soulevés pour la lutte ; prolétariat révolutionnaire des métropoles ; dictature du prolétariat dans l’URSS détenant l’hégémonie du mouvement révolutionnaire mondial. La révolution internationale est en marche.

L’impérialisme groupe ses forces contre elle. Expéditions coloniales, nouvelle guerre mondiale, campagne contre l’URSS sont à l’ordre du jour. Le déchaînement de toutes les forces de la révolution mondiale et la chute inévitable du capitalisme en résulteront inéluctablement.

3. — Le communisme mondial, but final de l’IC

Substituer à l’économie capitaliste mondiale le système du communisme mondial, tel est le but auquel aspire l’IC Préparée par tout le développement historique, la société communiste est l’unique issue pour l’humanité. Seule elle, détruira les contradictions du système capitaliste qui menacent l’humanité de dégénérescence et la poussent à sa perte.

La société communiste abolira la division de la société en classes ; en d’autres termes, elle supprimera, en même temps que l’anarchie de la production, tous les aspects et toutes les formes d’exploitation et d’oppression de l’homme par l’homme.

Il n’y aura plus de classes en lutte, mais les membres d’une seule et même association mondiale de travail. Pour la première fois dans l’histoire, l’humanité prendra son sort dans ses propres mains. Au lieu de détruire un nombre incalculable de vies humaines et de richesses immenses dans des luttes de classes et de peuples, l’humanité portera toute son énergie dans la lutte contre les forces de la nature, pour développer et accroître sa propre puissance collective.

La propriété privée des moyens de production abolie et transformée en propriété collective, le système communiste mondial substitue aux lois élémentaires du marché mondial et de la concurrence, au procès aveugle de la production sociale, l’organisation consciente et concertée — sur un plan d’ensemble — tendant à satisfaire les besoins rapidement croissants de la société.

Les crises dévastatrices et les guerres plus dévastatrices encore disparaîtront avec l’anarchie de la production et de la concurrence.

Au gaspillage formidable des forces productives, au développement convulsif de la société, le communisme oppose l’emploi systématique de toutes les ressources matérielles de la société et une évolution économique indolore basés sur le développement illimité, harmonieux et rapide des forces productives.

L’abolition des classes et de la propriété privée supprime l’exploitation de l’homme par l’homme. Le travail cesse d’être accompli au profit de l’ennemi de classe et de n’être qu’un moyen d’existence, il se transforme en un besoin primordial et vital ; la pauvreté, l’inégalité économique, la misère des classes asservies, le niveau misérable de la vie matérielle, en général, s’évanouissent ; la hiérarchie des hommes dans la division du travail et la contradiction entre le travail intellectuel et le travail physique disparaissent, comme aussi toutes les traces de l’inégalité sociale des sexes.

Les organismes de la domination de classe, le pouvoir de l’État, en premier lieu, disparaissent en même temps. Incarnation de la domination de classe, l’État se meurt à mesure que disparaissent les classes et toutes les formes de contrainte.

La disparition des classes est accompagnée de l’abolition de tout monopole de l’instruction. La culture devient le patrimoine de tous et les idéologies de classes d’antan cèdent la place à une conception matérialiste scientifique du monde. Toute domination de l’homme par l’homme devient dès lors impossible ; un champ illimité s’ouvre à la sélection sociale, au développement harmonieux de toutes les facultés de l’humanité.

L’essor des forces productives ne se heurte plus à aucune borne sociale. La propriété privée des moyens de production, l’esprit de lucre, l’ignorance artificiellement entretenue dans les masses, leur pauvreté, obstacle au progrès technique de la société capitaliste, les dépenses improductives énormes, tout cela n’existe plus dans la société communiste.

Utilisation aussi rationnelle que possible des forces de la nature et des conditions naturelles de la production dans les diverses parties du monde, abolition de la contradiction entre les villes et les campagnes (contradiction qui tient au regard systématique de l’agriculture sur l’industrie et au niveau inférieur de sa technique), union intime de la science et de la technique, des recherches et de leurs applications pratiques dans la plus large mesure sociale, organisation rationnelle du travail scientifique, emploi des méthodes les plus perfectionnées de statistique et de régularisation de l’économie selon un plan d’ensemble, accroissement rapide des besoins sociaux, puissants moteurs animant tout le système, tout cela assure le maximum de rendement au travail collectif et libère, à son tour, l’énergie humaine pour le plus grand essor de la science et des arts.

Le développement des forces productives de la société communiste mondiale permet d’élever le bien-être de l’humanité entière, de réduire au minimum le temps consacré à la production matérielle et détermine ainsi un épanouissement de la culture, inconnu de l’histoire.

Cette nouvelle culture de l’humanité, unifiée pour la première fois — toutes les frontières d’État étant détruites — reposera, contrairement à la culture capitaliste, sur des relations claires et lucides entre les hommes. Aussi enterrera-t-elle à jamais toute mystique, toute religion, tout préjugé, toute superstition et donnera-t-elle une puissante impulsion au développement de la connaissance scientifique qui ne connaîtra point d’obstacles.

Cette phase supérieure du communisme, dans laquelle la société communiste se sera développée sur sa propre base, où le développement harmonieux des hommes s’accompagnera d’une croissance prodigieuse des forces productives, où la société aura inscrit sur son drapeau : «De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins» — suppose en tant que condition historique préalable une phase inférieure de son évolution, le socialisme. La société communiste ne fait ici que sortir de la société capitaliste ; elle en sort recouverte à tous égards dans la vie économique, morale, intellectuelle, des tares de la vieille société dont elle est née ; les forces productives du socialisme ne sont pas encore suffisamment développées pour assurer la répartition des produits du travail selon les besoins ; ils sont répartis selon le travail.

La division du travail, c’est-à-dire l’attribution de certaines fonctions spéciales à des groupes déterminés de personnes, subsiste encore ; l’opposition entre le travail intellectuel et le travail physique en particulier n’est pas encore radicalement supprimée.

Malgré l’abolition des classes, des vestiges de l’ancienne division de la société subsistent et, partant, des vestiges du pouvoir, de la contrainte, du droit. Il existe encore des survivances attardées de l’inégalité. La contradiction entre la ville et la campagne n’est ni abrogée, ni entièrement disparue.

Mais aucune force sociale ne soutient ni ne défend ces vestiges de l’ancienne société. Liés à un niveau déterminé du développement des forces productives, ils disparaissent graduellement à mesure que l’humanité, libérée des chaînes du régime capitaliste, maîtrise rapidement les forces de la nature, se rééduque dans l’esprit du communisme et passe du socialisme au communisme intégral.

4. — La période de transition du capitalisme au socialisme et la dictature du prolétariat

1. La période de transition et la conquête du pouvoir par le prolétariat

Entre la société capitaliste et la société communiste s’étend une période de transformation révolutionnaire à laquelle correspond une période de transition politique durant laquelle l’État ne peut être qu’une dictature révolutionnaire du prolétariat.

La transition de la dictature mondiale de l’impérialisme à la dictature mondiale du prolétariat embrasse une longue période de luttes, de revers et de victoires du prolétariat, une période de crise continue du système capitaliste et de croissance des révolutions socialistes, c’est-à-dire de guerres civiles du prolétariat contre la bourgeoisie, période de guerres nationales et de soulèvements coloniaux qui, tout en n’étant pas eux-mêmes des mouvements socialistes du prolétariat révolutionnaire, deviennent objectivement, parce qu’ils ébranlent la domination impérialiste, parties intégrantes de la révolution prolétarienne mondiale ; période qui comprend la coexistence, au sein de l’économie mondiale, des systèmes sociaux et économiques capitaliste et socialiste avec leurs rapports  «pacifiques » et leurs luttes armées, période de formation d’unions d’États soviétiques socialistes et période de guerres des États impérialistes contre elles ; période de liaison toujours plus étroite entre les États soviétiques et les peuples coloniaux, etc.

L’inégalité du développement économique et politique est une loi absolue du capitalisme. Cette inégalité s’accentue et s’aggrave à l’époque impérialiste. Il en résulte que la révolution prolétarienne internationale ne peut être considérée comme une action unique, simultanée et universelle. La victoire du socialisme est donc possible, au début dans quelques pays capitalistes, voire même dans un seul isolément.

Mais chaque victoire du prolétariat élargit la base de la révolution mondiale et aggrave, par conséquent, la crise générale du capitalisme. L’ensemble du système capitaliste s’achemine ainsi à sa faillite définitive. La dictature du capital financier succombe, cédant la place à la dictature du prolétariat.

Les révolutions bourgeoises consistaient dans la libération politique d’un système de rapports de production déjà dominant dans l’économie et le passage du pouvoir d’une classe d’exploiteurs à une autre.

La révolution prolétarienne signifie, par contre, l’intervention violente du prolétariat dans le régime de propriété de la société bourgeoise, l’expropriation des classes exploiteuses et le passage du pouvoir à une classe qui se donne pour tâche fondamentale la refonte totale de la base économique de la société et la destruction de toute exploitation de l’homme par l’homme.

Mais, si les révolutions bourgeoises ont mis des siècles à abolir la domination politique de la noblesse féodale dans le monde entier, brisant cette domination par des révolutions successives, la révolution prolétarienne internationale, quoiqu’elle ne soit pas un acte unique et qu’elle s’étende sur toute une époque, pourra, grâce à la liaison plus étroite entre les pays, accomplir plus rapidement sa tâche.

Ce n’est qu’après la victoire complète du prolétariat dans le monde et l’affermissement de son pouvoir mondial que s’ouvrira une longue époque d’intense édification de l’économie socialiste mondiale.

La conquête du pouvoir par le prolétariat est la condition préliminaire de la croissance des forces socialistes de l’économie et de l’essor culturel du prolétariat qui, se transformant consciemment lui- même, devient le dirigeant de la société dans tous les domaines de la vie, entraîne dans ce procès de refonte les autres classes et crée, par là même, un terrain favorable à la disparition des classes.

Dans la lutte pour la dictature du prolétariat et pour la transformation ultérieure du régime social, l’union des ouvriers et paysans, base de la dictature du prolétariat réalisée sous l’hégémonie idéologique et politique des prolétaires, s’organise en face du bloc des propriétaires fonciers et des capitalistes.

La période de transition est, dans son ensemble, caractérisée par l’implacable répression de la résistance des exploiteurs, par l’organisation de l’édification socialiste, par la rééducation en masse des hommes dans l’esprit du socialisme et par la destruction progressive des classes sociales. Ce n’est qu’en accomplissant ces grandes tâches historiques que la société de la période de transition commence à se transformer en société communiste.

Ainsi, la dictature du prolétariat mondial est la condition préalable et nécessaire du passage de l’économie capitaliste mondiale à l’économie socialiste.

Cette dictature ne peut s’instituer que par la victoire du socialisme dans différents pays ou groupes de pays, les nouvelles Républiques prolétariennes s’unissant par des liens fédératifs à leurs devancières et le réseau de ces unions fédératives s’élargissant et comprenant les colonies affranchies du joug de l’impérialisme, pour constituer finalement l’Union des Républiques socialistes soviétiques du monde et réaliser l’unification de l’humanité sous l’hégémonie internationale du prolétariat organisé en État.

La conquête du pouvoir par le prolétariat n’est pas une  «conquête » pacifique de la machine toute prête de l’État bourgeois par une majorité parlementaire. La bourgeoisie use de tous les moyens de contrainte et de terreur pour défendre et affermir sa propriété conquise par le pillage et sa domination politique.

Comme la noblesse féodale autrefois, elle ne peut céder sa place historique à une classe nouvelle sans lui opposer une résistance acharnée et désespérée. La violence de la bourgeoisie ne peut donc être brisée que par la violence implacable du prolétariat.

La conquête du pouvoir par le prolétariat, c’est l’abolition violente du pouvoir de la bourgeoisie, la destruction de l’appareil d’État capitaliste (armée bourgeoise, police, hiérarchie bureaucratique, tribunaux, Parlement, etc.) remplacé par les nouveaux organes du pouvoir prolétarien qui sont, avant tout, des instruments de répression destinés à briser la résistance des exploiteurs.

2. La dictature du prolétariat et sa forme soviétique

Comme l’a démontré l’expérience de la révolution russe d’octobre 1917 et de la révolution hongroise, qui ont infiniment élargi l’expérience de la Commune de Paris de 1871, la forme du pouvoir prolétarien qui répond le mieux au but est le nouveau type d’État différent, en principe, de l’État bourgeois, non seulement par son essence de classe, mais encore par sa structure interne : l’État soviétique. Ce type d’État qui surgit directement du grand mouvement des masses leur assure le maximum d’activité et offre, par conséquent, le plus de garanties d’une victoire définitive.

L’État du type soviétique qui réalise la forme supérieure de la démocratie, la démocratie prolétarienne, s’oppose nettement à la démocratie bourgeoise, forme voilée de la dictature de la bourgeoise.

L’État soviétique c’est la dictature du prolétariat, la classe ouvrière détenant le monopole du pouvoir. Au contraire de la démocratie bourgeoise, il proclame hautement son esprit de classe et se donne ouvertement pour tâche de réprimer la résistance des exploiteurs dans l’intérêt de l’immense majorité de la population.

Il prive de droits politiques ses ennemis de classe et peut, dans des conditions historiques particulières, donner au prolétariat des privilèges temporaires afin de l’affermir dans son rôle dirigeant à l’égard de la paysannerie petite-bourgeoise infiniment disséminée. Désarmant ses ennemis de classe et brisant leur résistance, il considère la suppression de leurs droits politiques et une certaine limitation de leur liberté, comme des mesures temporaires destinées à combattre les tentatives des exploiteurs de défendre ou de rétablir leurs privilèges.

Il écrit sur son drapeau que le prolétariat détient le pouvoir non pour le perpétuer, non pour en user dans ses intérêts étroitement corporatifs et professionnels, mais afin de grouper de plus en plus les masses arriérées et disséminées du prolétariat et du semi-prolétariat des campagnes et d’unir les paysans travailleurs aux ouvriers les plus avancés, en éliminant progressivement et systématiquement toute division de la société en classes.

Forme d’unification et d’organisation universelle des masses sous la direction du prolétariat, les Soviets entraînent en fait les masses les plus grandes des ouvriers, des paysans et de tous les travailleurs dans la lutte, dans l’édification du socialisme et dans la gestion de l’État. Ils s’appuient dans tout leur travail sur les organisations de masse de la classe ouvrière et réalisent une large démocratie parmi les travailleurs ; ils sont plus près des masses que n’importe quelle autre forme du pouvoir.

Le droit de procéder à de nouvelles élections et de révoquer les mandataires, l’union du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, les élections sur la base des entreprises (usines, ateliers, etc.) et non de circonscriptions territoriales, sont autant de facteurs qui assurent au prolétariat et aux grandes masses de travailleurs soumises à son influence une participation systématique constante et active à toutes les affaires publiques économiques, politiques, militaires et culturelles. Ils établissent, de ce fait, une profonde ligne de démarcation entre la République parlementaire bourgeoise et la dictature soviétique du prolétariat.

La démocratie bourgeoise repose, avec son égalité purement formelle des citoyens devant la loi, sur une inégalité flagrante des classes dans le domaine matériel et économique.

Dépendant et affermissant la possession exclusive et considérée comme intangible des moyens de production essentiels par la classe capitaliste et les grands propriétaires fonciers, la démocratie bourgeoise transforme par là même, pour les classes exploitées, et en premier lieu pour le prolétariat, l’égalité purement formelle devant la loi, les droits et les libertés démocratiques, d’ailleurs systématiquement limités dans la pratique, en une fiction juridique, et par conséquent, en un instrument de duperie et d’asservissement des masses.

La prétendue démocratie exprime la domination politique de la bourgeoisie, elle est pour cette raison une démocratie capitaliste. L’État soviétique, en privant la classe exploiteuse des moyens de production qu’il monopolise entre les mains du prolétariat, classe dirigeante, garantit avant tout et surtout les conditions matérielles de réalisation des droits de la classe ouvrière et des travailleurs en général, la possession par celle-ci des immeubles et des édifices publics, des imprimeries, des moyens de locomotion, etc.

Dans le domaine des droits politiques et généraux, l’État soviétique, en privant de ces droits les ennemis du peuple et les exploiteurs, détruit pour la première fois, complètement, l’inégalité des citoyens, fondée, dans les régimes d’exploitation, sur les différences de sexe, de religion, de nationalité ; il établit dans ce domaine une égalité qui n’existe dans aucun pays bourgeois ; la dictature du prolétariat bâtit inflexiblement la base matérielle sur laquelle se réalise cette égalité. Telles sont les mesures d’émancipation de la femme, d’industrialisation des anciennes colonies, etc.

La démocratie soviétique est ainsi une démocratie prolétarienne, une démocratie des masses laborieuses, une démocratie dirigée contre les exploiteurs.

L’État soviétique désarme entièrement la bourgeoisie et concentre toutes les armes dans les mains du prolétariat ; c’est l’État du prolétariat armé.

L’organisation des forces armées y repose sur le principe de classe, dont s’inspire tout le régime de la dictature du prolétariat ; il assure le rôle dirigeant au prolétariat industriel. Cette organisation, étayée par la discipline révolutionnaire, établit en même temps que la participation des soldats de l’Armée rouge et des marins de la Flotte rouge à l’administration du pays et à l’édification du socialisme, leur liaison étroite et constante avec les masses laborieuses.

3. La dictature du prolétariat et l’expropriation des expropriateurs

Le prolétariat victorieux use du pouvoir conquis comme d’un instrument de révolution économique c’est-à-dire pour la transformation révolutionnaire du régime de propriété capitaliste en un régime de production socialiste.

Le point de départ de cette profonde révolution économique est dans l’expropriation des gros propriétaires fonciers et des capitalistes c’est-à-dire dans la transformation de la propriété monopoliste de la bourgeoisie en propriété de l’État prolétarien. L’IC assigne dans ce domaine à la dictature du prolétariat les tâches fondamentales suivantes :

A. Industrie, transports, P.T.T.

a) Confiscation et nationalisation prolétarienne de toutes les grandes entreprises industrielles (fabriques, usines, mines, centrales électriques) appartenant au capital privé ; transfert aux Soviets de toutes les entreprises de l’État et des municipalités ;

b) Confiscation et nationalisation prolétarienne des transports ferroviaires, automobiles et fluviaux, appartenant au capital privé, des transports aériens (flotte aérienne de commerce et de voyage); transfert aux Soviets de tous les moyens de transport appartenant à l’État et aux municipalités ;

c) Confiscation et nationalisation prolétarienne des services de liaison appartenant au capital privé (télégraphe, téléphone, radio); transfert aux Soviets de tous ces services appartenant à l’État, aux municipalités, etc.;

d) Organisation de la gestion ouvrière de l’industrie. Création d’organismes gouvernementaux de gestion avec participation directe des Syndicats, un rôle correspondant étant assuré aux Comités d’usines, de fabriques, etc.;

e) Adaptation de l’activité industrielle aux besoins des grandes masses des travailleurs. Réorganisation des branches d’industrie qui produisaient pour la consommation des anciennes classes dirigeants (articles de luxe, etc.).

f) Renforcement des branches d’industrie favorisant l’essor de l’agriculture, afin d’affermir la liaison avec l’économie rurale, d’assurer le progrès des domaines agricoles de l’État, et d’accélérer le développement de l’économie nationale en général.

B. Agriculture

a) Confiscation et nationalisation prolétarienne de la grande propriété foncière dans les villes et dans les campagnes (propriétés privées, propriétés de l’Église, couvents, etc. ); transfert aux Soviets des propriétés foncières de l’État et des municipalités, y compris les forêts, le sous-sol, les eaux, etc.; nationalisation ultérieure de tout le sol ;

b) Confiscation de tous les biens constituant l’outillage des grandes propriétés foncières (bâtiments, outillage et matériel divers, bétail, entreprises de transformation des produits agricoles, grandes minoteries, fromageries, laiteries, sécheries, etc.);

c) Transfert des grands domaines, et, plus particulièrement de ceux qui ont une grande importance économique ou peuvent servir d’entreprises modèles, aux organismes de la dictature du prolétariat ; organisation de domaines agricoles soviétiques ;

d) Remise d’une partie des anciennes propriétés foncières et d’autres terres confisquées — notamment de celles qui étaient affermées par les paysans et servaient à les asservir économiquement —, en jouissance aux paysans (aux paysans pauvres et à une partie des paysans moyens). La part des terres transmises aux paysans est déterminée par les besoins économiques et par la nécessité de neutraliser les paysans et de les rallier au prolétariat ; elle varie donc selon les conditions ;

e) Interdiction de la vente et de l’achat des terres, afin de conserver la terre aux paysans et d’empêcher qu’elle ne passe aux capitalistes, spéculateurs, etc.; répression énergique de toute infraction à cette loi ;

f) Lutte contre l’usure. Annulation des contrats d’asservissement. Annulation des dettes des paysans exploités. Exemption des paysans les plus pauvres de l’impôt, etc.;

g) Larges mesures d’ensemble, de la part de l’État, pour élever les forces productives de l’agriculture ; développement de l’électrification des campagnes, de la fabrication des tracteurs, de la production des engrais chimiques et des semences sélectionnées, élevage du bétail de race dans les domaines soviétiques, ample organisation du crédit agricole pour l’amélioration du sol, etc.;

h) Appui général et financier à la coopération agricole et à toutes les formes de production collective dans les campagnes (associations, communes, etc.). Propagande systématique de la coopération paysanne (coopérative de vente, d’approvisionnement, de crédit) sur la base de l’initiative et de l’activité des masses paysannes : propagande en faveur du passage à la grande production agraire, qui, par son incontestable supériorité technique et économique et par ses grands avantages économiques immédiats, constitue le moyen de transition au socialisme le plus accessible aux grandes masses des paysans travailleurs.

C. Commerce et crédit

i) Nationalisation prolétarienne des banques privées (remise à l’État prolétarien de toutes les réserves d’or, valeurs, dépôts, etc.) et transfert à l’État prolétarien des banques nationales, municipales, etc.;

j) Centralisation de toutes les opérations bancaires et subordination de toutes les grandes banques nationalisées à la Banque centrale de l’État ;

k) Nationalisation et transfert aux organismes de l’État soviétique du commerce de gros et des grandes entreprises commerciales de détail (entrepôts, élévateurs, magasins, stocks de marchandises, etc.);

l) Encouragement par tous les moyens de la coopération de consommation considérée comme une partie intégrante extrêmement importante de l’appareil de répartition ; unification du système de travail de la coopération et participation active des masses à son édification ;

m) Monopole du commerce extérieur ;

n) Annulation des dettes de l’État envers les capitalistes étrangers et nationaux.

D. Protection du travail, conditions de vie des travailleurs, etc.

a) Réduction de la journée de travail à sept heures — six heures dans les industries insalubres. Réduction ultérieure de la journée de travail et passage à la semaine de cinq jours, dans les pays à production développée. Journée de travail correspondant à l’augmentation du rendement du travail ;

b) Interdiction, en règle générale, du travail des femmes la nuit et dans les industries insalubres.

Interdiction du travail des enfants. Interdiction des heures supplémentaires ;

c) Réduction de la journée de travail des jeunes (journée de six heures au maximum pour les adolescents jusqu’à 18 ans). Réorganisation socialiste du travail des jeunes, combinant la production matérielle avec l’instruction générale et politique ;

d) Assurances sociales de toutes formes (invalidité, vieillesse, accidents, chômage, etc.) aux frais de l’État (aux frais du patronat, dans la mesure où subsistent les entreprises privées) et gérées d’une façon complètement autonome par les assurés ;

e) Larges mesures d’hygiène sociale, assistance médicale gratuite, lutte contre les maladies sociales (alcoolisme, maladies vénériennes, tuberculose);

f) Égalité sociale des sexes devant la loi et dans les mœurs, transformation radicale de la législation du mariage et de la famille, reconnaissance de la maternité comme fonction sociale, protection de la maternité et de l’enfance. Premières mesures tendant à l’entretien et à l’éducation des enfants et de la jeunesse par la société (crèches, jardins et maisons d’enfants, etc.). Création d’institutions permettant de réduire progressivement le travail domestique (restaurants et lavoirs publics), lutte systématique, dans le domaine de la culture générale, contre l’idéologie et les traditions qui asservissent la femme.

D. Habitation

a) Confiscation de la grande propriété immobilière ;

b) Transfert des immeubles confisqués aux Soviets locaux qui en assureront la gestion ;

c) Installation des ouvriers dans les quartiers bourgeois ;

d) Mise à la disposition des organisations ouvrières des palais et des édifices privés et publics importants ;

e) Réalisation d’un large programme de construction d’habitations.

E. Questions nationale et coloniale

f) Reconnaissance pour toutes les nationalités, sans distinction de race, du droit de disposer librement d’elles-mêmes jusqu’à former des États indépendants ;

g) Unification et centralisation volontaires des forces militaires et économiques de tous les peuples affranchis du capitalisme pour la lutte contre l’impérialisme et l’édification de l’économie socialiste ;

h) Lutte énergique, par tous les moyens, contre toute restriction ou limitation des droits d’un peuple, d’une nationalité ou d’une race, quels qu’ils soient. Égalité complète des nations et des races ;

i) Garantie de développement et soutien par toutes les forces et tous les moyens de l’État soviétique, de la culture nationale des nations affranchies du capitalisme, poursuite d’une politique prolétarienne persévérante dans le développement du contenu de ces cultures ; j) Large assistance au développement économique, politique et culturel des  «régions » et des  «colonies » précédemment opprimées, afin d’y constituer les bases solides d’une égalité nationale effective et complète ;

k) Lutte contre toutes les survivances du chauvinisme, des haines nationales, des préjugés de race et de tous les autres produits de la barbarie féodale et capitaliste.

F. Moyens d’influence idéologique

l) Nationalisation des imprimeries ;

m) Monopolisation des journaux et des éditions ;

n) Nationalisation des grandes entreprises de cinéma, des théâtres, etc.; o) Utilisation des moyens nationalisés de  «production intellectuelle » à des fins de large instruction politique et générale des travailleurs et d’édification d’une nouvelle culture socialiste sur une base prolétarienne de classe.

4. Les bases de la politique économique de la dictature du prolétariat

Il est nécessaire de prendre en considération les règles suivantes dans l’accomplissement de ces diverses tâches de la dictature du prolétariat :

1. L’abolition complète de la propriété privée du sol et sa nationalisation ne peuvent avoir lieu immédiatement dans les pays capitalistes les plus avancés où le principe de la propriété privée est profondément enraciné dans les grandes masses paysannes. La nationalisation du sol ne peut être réalisée dans ces pays que progressivement, par diverses mesures transitoires.

2. La nationalisation de la production ne doit pas s’étendre, en règle générale, aux petites et moyennes entreprises (de paysans, d’artisans, de petits et moyens commerçants, etc.). Premièrement, parce que le prolétariat doit établir une distinction rigoureuse entre la propriété du simple producteur de marchandises, fondée sur son travail même et qu’il est possible et nécessaire de faire entrer peu à peu dans la voie de l’édification socialiste, et la propriété du capitaliste, exploiteur d’autrui, dont la liquidation est la condition indispensable de toute édification du socialisme.

Deuxièmement, parce que le prolétariat, arrivé au pouvoir, n’a pas assez de forces organisatrices, surtout pendant les premières phases de la dictature, pour détruire le capitalisme et organiser en même temps la liaison des unités individuelles de production — petites et moyennes — sur une nouvelle base socialiste ; ces petites exploitations individuelles (les exploitations paysannes avant tout) ne seront entraînées que peu à peu dans la voie de l’organisation socialiste générale de la production et de la répartition, grâce à l’appui systématique et puissant que l’État prolétarien prêtera à toutes les forces de leur collectivisation.

Tout essai de transformation de leur régime économique par contrainte, toute collectivisation forcée ne donneraient que des résultats négatifs.

3. L’existence d’un grand nombre de petites unités de production (en premier lieu, d’exploitations paysannes, de fermes, d’ateliers d’artisans, de fonds de petits commerçants, etc.), non seulement dans les colonies, les semi-colonies et les pays économiquement arriérés où les masses petite-bourgeoises forment l’énorme majorité de la population, mais encore dans les centres de l’économie capitaliste mondiale (les États-Unis, l’Allemagne et, jusqu’à un certain point, l’Angleterre), rendent, dans une certaine mesure, nécessaire au premier degré du développement le maintien du marché comme forme de liaison économique, le maintien du système monétaire, etc.

La diversité des types économiques (de la grande industrie socialisée à la petite production artisanale et paysanne) qui ne peut manquer d’être accompagnée de leur lutte, la diversité des classes et des groupements de classe qui leur correspondent, qui ont des stimulants économiques différents dans leur activité et qui luttent pour leurs intérêts économiques, enfin l’existence, dans tous les domaines de la vie économique, de coutumes et de traditions héritées de la société bourgeoise qui ne peuvent disparaître d’emblée, — exigent que la direction économique du prolétariat combine dans de justes proportions, sur la base du marché, la grande industrie socialiste et la petite exploitation des simples producteurs de marchandises, réalise, en d’autres termes, une combinaison susceptible d’assurer en même temps le rôle dirigeant de l’industrie socialiste et l’essor maximum de la masse principale des exploitations paysannes.

Plus est grande dans l’ensemble de l’économie nationale l’importance du travail des petits paysans disséminés, plus aussi est grand le rôle du marché, moindre est l’importance de la gestion directe d’après un plan établi, plus le plan d’ensemble de l’économie dépend de la prévision des rapports économiques spontanés.

Inversement, moindre est le poids de la petite économie dans l’économie nationale, plus importante la part du travail socialisé, plus puissante la masse des moyens de production concentrés et socialisés, et moindre est l’étendue du marché, plus s’accroît l’importance du plan d’ensemble à l’égard du jeu spontané des lois de l’échange, et plus les méthodes de gestion directe de la production et de la répartition conformément à un plan établi sont importantes et universellement applicables.

Les avantages techniques et économiques de la grande industrie socialisée, la centralisation par l’État prolétarien de tous les leviers de commande de l’économie (industrie, transports, grandes exploitations agricoles, banques, etc.), la gestion de l’économie selon un plan, la puissance de l’État dans son ensemble (budget, impôts, législation administrative et législation générale) conduisent, à condition que la dictature du prolétariat suive une politique juste — qu’elle tienne, en d’autres termes, un compte exact des rapports des forces sociales —, à l’élimination constante et systématique des vestiges du capital privé et des nouveaux éléments capitalistes qui, dans les villes comme les campagnes (paysans riches, koulaks), naissent du développement de la simple production marchande dans les conditions créées par une liberté de commerce plus ou moins grande et par le marché.

La masse principale des exploitations paysannes (c’est-à-dire les petites et les moyennes exploitations) sont, d’autre part, systématiquement incorporées par la coopération et l’extension des formes collectives de l’agriculture au système général du socialisme en voie de développement.

Les formes et les méthodes d’activité économique, d’apparence capitaliste, liées aux rapports économiques du marché (calcul de la valeur, rétribution du travail en argent, achat et vente, crédits et banques, etc.) jouent, dans la mesure où elles desservent de plus en plus les entreprises de type socialiste conséquent, c’est-à-dire le secteur socialiste de l’économie, le rôle de leviers du socialisme.

Ainsi, les rapports économiques du marché portent — la dictature du prolétariat et une politique juste de l’État soviétique étant données — dans leur développement les germes de leur propre destruction : en contribuant à l’élimination du capital privé, à la transformation de l’économie rurale, à la centralisation et à la concentration des moyens de production aux mains de l’État prolétarien, ils facilitent l’élimination des rapports économiques du marché.

Au cas probable d’une intervention militaire des capitalistes et d’une guerre contre-révolutionnaire de longue durée contre la dictature du prolétariat, la direction économique devra s’inspirer, avant tout, des intérêts de la défense de la dictature du prolétariat ; la nécessité peut s’imposer d’une politique communiste économique de guerre (communisme de guerre) qui n’est autre que l’organisation rationnelle de la consommation en vue de la défense, accompagnée d’une pression accrue sur les éléments capitalistes (confiscations, réquisitions, etc.), d’une abrogation plus ou moins complète de la liberté du commerce et des rapports du marché et d’un bouleversement profond des stimulants individuels de la petite production, toutes choses liées à une baisse des forces productives du pays. Cette politique de  «communisme de guerre », sapant la base matérielle des ennemis de la classe ouvrière à l’intérieur du pays, assurant la répartition rationnelle des stocks existants, secondant la défense armée de la dictature du prolétariat et trouvant en cela sa justification historique, ne peut être considérée comme un système  «normal » de politique économique de la dictature du prolétariat.

[pas de « 4. »]

5. La dictature du prolétariat et les classes sociales La dictature du prolétariat continue la lutte de classes dans de nouvelles conditions. C’est une lutte tenace, sanglante et sans effusion de sang, violente et pacifique, militaire et économique, pédagogique et administrative, contre les forces et les traditions de l’ancienne société, contre les capitalistes de l’extérieur, contre les débris des classes exploiteuses à l’intérieur du pays, contre les pousses d’une bourgeoisie nouvelle naissant de la production marchande pas encore éliminée.

Dans la période de liquidation de la guerre civile, la lutte de classes opiniâtre continue sous des formes nouvelles et, avant tout, sous la forme de la lutte entre les vestiges et les nouvelles pousses des vieux systèmes économiques d’une part, et les formes socialistes de l’économie de l’autre. Les formes mêmes de cette lutte se modifient aux différentes étapes du développement socialiste, au début duquel elles peuvent revêtir une certaine âpreté.

Au début de la dictature prolétarienne, la politique du prolétariat à l’égard des autres classes et groupes sociaux du pays est déterminée par les principes suivants :

1. La grande bourgeoisie et les grands propriétaires fonciers, les officiers de carrière dévoués à ces classes, les généraux et la haute bureaucratie sont les ennemis irréductibles de la classe ouvrière ; contre eux la lutte la plus implacable. L’utilisation des capacités d’organisation d’une certaine partie d’entre eux n’est possible, en règle générale, qu’après l’affermissement de la dictature du prolétariat et la répression décisive de tous les complots et soulèvements des exploiteurs.

2. En ce qui concerne les intellectuels-techniciens éduqués dans les traditions bourgeoises, et dont les couches supérieures sont étroitement attachées aux postes de commande du capital, le prolétariat, tout en réprimant avec la dernière énergie toute velléité de mouvement contre-révolutionnaire des intellectuels hostiles, doit tenir compte de la nécessité d’utiliser cette force sociale qualifiée dans l’œuvre d’édification socialiste et encourager par tous les moyens les neutres et plus encore ceux qui sympathisent avec la révolution ouvrière.

Le prolétariat, développant les perspectives de l’édification économique, technique et culturelle du socialisme dans toute leur ampleur, s’efforce de conquérir systématiquement les intellectuels-techniciens, de les soumettre à son influence idéologique et de s’assurer leur étroite collaboration dans l’œuvre de transformation sociale.

3. La tâche du PC à l’égard des paysans consiste à gagner à sa cause, en s’appuyant sur le prolétariat rural, toutes les populations exploitées et laborieuses des campagnes.

Établissant une distinction entre les diverses couches paysannes et tenant compte de leur importance respective, le prolétariat victorieux doit soutenir par tous les moyens les paysans pauvres et les semi-prolétaires des campagnes, leur remettre une partie des terres des grands propriétaires fonciers, faciliter leur lutte contre le capital usurier, etc.

Le prolétariat doit, en outre, neutraliser les paysans moyens et réprimer toute résistance de la bourgeoisie rurale alliée aux propriétaires fonciers. Le prolétariat doit passer, dans la mesure où il affermit sa dictature et développe l’édification socialiste, d’une politique de neutralisation de la masse des paysans moyens à une politique d’alliance durable avec elle, sans toutefois admettre aucun partage du pouvoir.

Car la dictature du prolétariat exprime le fait que seuls les ouvriers industriels sont en mesure de diriger l’ensemble des travailleurs ; monopole prolétarien du pouvoir, elle est, d’autre part, une forme particulière de l’alliance du prolétariat, avant-garde des travailleurs, et de nombreuses catégories non prolétariennes de travailleurs, contre le Capital pour consommer son renversement définitif, pour réprimer à fond la résistance et les tentatives de restauration de la bourgeoisie et pour instaurer et affermir le socialisme.

4. La petite bourgeoisie des villes, oscillant sans cesse entre la réaction la plus noire et la sympathie pour le prolétariat, doit également être neutralisée et, autant que possible, conquise par le prolétariat. On atteint ce but en lui conservant sa petite propriété et une certaine liberté de transactions économiques, et la libérant du joug du crédit usuraire, et en lui assurant l’aide multiple du prolétariat dans la lutte contre toutes les formes de l’oppression capitaliste.

[pas de « 5. »]

6. Les organisations de masses dans le système de la dictature du prolétariat

Les objectifs et les fonctions des organisations de masses — et en premier lieu des organisations ouvrières —, changent radicalement dans l’accomplissement de toutes ces tâches de la dictature prolétarienne. Les Syndicats, organisations ouvrières de masses dans lesquelles s’organisent et s’éduquent pour la première fois les couches les plus étendues du prolétariat, sont, en régime capitaliste, le principal instrument de la lutte par la grève, puis de l’action de masses contre le capital trusté et son État. Ils se transforment sous la dictature prolétarienne en levier essentiel de la dictature, en une école du communisme qui entraîne les grandes masses du prolétariat dans l’œuvre de gestion socialiste de l’industrie, en organisations directement liées à tous les organes de l’État, agissant sur toutes les branches de son activité, veillant à la fois aux intérêts permanents et immédiats de la classe ouvrière et combattant les déformations bureaucratiques des organes de l’État soviétique.

Les Syndicats fournissent les cadres dirigeants de l’édification, entraînent dans ce travail les grandes couches du prolétariat et luttent contre les déformations bureaucratiques qui naissent fatalement de l’influence des classes étrangères au prolétariat et de l’insuffisante culture de masses, ils forment ainsi l’ossature des organisations économiques et sociales du prolétariat.

Les coopératives ouvrières sont, en dépit des utopies réformistes, condamnées en régime capitaliste à un rôle relativement modeste.

Sous l’empire des conditions générales du système capitaliste et de la politique réformiste de leurs dirigeants, elles dégénèrent fréquemment en appendice du régime ; sous la dictature prolétarienne, elles peuvent devenir et deviendront les parties constitutives essentielles de l’appareil de répartition.

Enfin, la coopération agricole des paysans (coopératives de vente, d’achat, de crédit, de production) peut et doit — si elle est bien dirigée, si elle combat systématiquement les éléments capitalistes et s’assure la participation effective de la grande masse des paysans travailleurs appuyant le prolétariat — devenir l’une des formes d’organisation fondamentales reliant la ville à la campagne.

Les sociétés coopératives formées par les paysans et qui — dans la mesure où elles sont viables — se transforment fatalement, pour la plupart, dans les conditions capitalistes, en entreprises capitalistes (placées sous la dépendance de l’industrie capitaliste, des banques capitalistes, du milieu économique capitaliste, en général, et dirigées par des réformistes, par la bourgeoisie rurale, et parfois même par des propriétaires fonciers) — se transforment, en régime de dictature prolétarienne, dans un tout autre sens ; elles dépendent de l’industrie prolétarienne, des banques prolétariennes, etc.

Si le prolétariat suit une politique juste, si les éléments capitalistes sont systématiquement combattus dans la coopération comme au dehors, si l’industrie socialiste exerce son rôle dirigeant, la coopération agricole devient l’un des principaux leviers de la transformation socialiste des campagnes et de la collectivisation de l’agriculture.

Les coopératives de consommation et, plus particulièrement, les coopératives agricoles dirigées par la bourgeoisie et par ses agents sociaux-démocrates, peuvent être néanmoins au début, dans certains pays, des foyers d’activité contre-révolutionnaire et de sabotage de l’édification économique de la révolution ouvrière.

Le prolétariat assure l’unité de volonté et d’action dans toute l’œuvre de lutte et d’édification de ses organisations les plus diverses appelées à constituer les leviers de l’État soviétique et à le rattacher aux grandes masses de toutes les couches de classe ouvrière par le rôle dirigeant du PC dans le système de la dictature prolétarienne.

Le Parti du prolétariat s’appuie directement sur les Syndicats et sur les autres organisations englobant les masses ouvrières et, par leur intermédiaire, les paysans (Soviets, coopératives, Jeunesses communistes, etc.). Par ces leviers, il dirige l’ensemble du système.

Le prolétariat ne pourra remplir son rôle d’organisateur de la société nouvelle que grâce à l’appui dévoué et absolu prêté au pouvoir des Soviets par toutes les organisations de masses animées d’une volonté de classe entièrement unanime dirigée par le Parti.

7. La dictature du prolétariat et la révolution culturelle Ce rôle d’organisateur de la société nouvelle suppose, dans le domaine de la culture générale, la maturation culturelle du prolétariat lui-même, une refonte de sa propre nature par ses propres efforts, la formation incessante, dans ses rangs, de nouveaux cadres de militants susceptibles d’acquérir toutes les ressources de la science, de la technique et de l’administration et de les mettre en œuvre pour l’édification du socialisme et de la nouvelle culture socialiste.

Si la révolution bourgeoise, accomplie contre le féodalisme, supposait l’existence au sein même de l’ancien régime, d’une classe nouvelle supérieure, par sa maturité culturelle, à la classe dominante et exerçant déjà l’hégémonie dans la vie économique, la révolution prolétarienne se développe dans d’autres conditions.

Exploitée dans l’ordre économique, opprimée dans l’ordre politique, accablée dans le domaine de la culture en régime capitaliste, la classe ouvrière ne se transforme elle-même que dans la période de transition, après avoir conquis le pouvoir, en détruisant le monopole bourgeois de l’instruction, en s’assimilant la science, en profitant des leçons de l’œuvre édificatrice la plus vaste.

La formation d’une conscience communiste de masse et la réalisation du socialisme exigent une transformation des masses humaines qui n’est possible que par l’action pratique, par la révolution ; la révolution est donc nécessaire, non seulement parce que la classe dominante ne peut être renversée par aucun autre moyen, mais encore parce que la classe qui la renverse ne peut sortir des ornières boueuses de la vieille société et devenir capable de créer la société nouvelle que par la révolution.

La classe ouvrière, abolissant le monopole capitaliste des moyens de production, doit également abolir le monopole bourgeois de l’instruction, s’emparer en d’autres termes de toutes les écoles, y compris les écoles supérieures.

La préparation, au sein de la classe ouvrière, de spécialistes de la production (ingénieurs, techniciens, organisateurs, etc.), de spécialistes militaires, de savants, d’artistes, etc., est pour la cause du prolétariat une tâche d’une importance particulière à laquelle il faut ajouter le développement général de la culture des masses prolétariennes, leur instruction politique, l’augmentation de leurs connaissances et de leur qualification technique, la création chez elles d’habitudes de travail social et administratif, la lutte contre les vestiges des préjugés bourgeois et petit-bourgeois, etc.

Ce n’est que dans la mesure où le prolétariat formera ses propres forces d’avant-garde pour les placer à tous les  «postes de commande » de la culture et de l’édification socialiste, ce n’est que dans la mesure où ses forces grandiront entraînant sans cesse de nouveaux éléments de la classe ouvrière dans le procès de transformation révolutionnaire de la culture et supprimeront ainsi peu à peu au sein de la classe ouvrière même la division en éléments  «avancés » et  «arriérés », que le succès de l’édification victorieuse du socialisme sera assuré et garanti contre la gangrène bureaucratique et la dégénérescence de la classe ouvrière.

Mais le prolétariat transforme aussi au cours de la révolution les autres classes, les nombreux éléments de la petite bourgeoisie des villes et des campagnes, en premier lieu et plus particulièrement les paysans travailleurs.

Faisant concourir les grandes masses à la révolution culturelle, les entraînant dans l’édification socialiste, les unissant et les éduquant dans l’esprit communiste par tous les moyens qui sont à sa disposition, luttant avec énergie contre toutes les idéologies anti- prolétariennes et corporatives, combattant opiniâtrement et systématiquement l’obscurantisme des campagnes, la classe ouvrière prépare (sur la base du développement des formes collectives de l’économie) l’élimination de la division de la société en classes.

Parmi les objectifs de la révolution culturelle intéressant les plus grandes masses, la lutte contre la religion, cet opium des peuples, tient une place spéciale ; cette lutte doit être poursuivie inflexiblement et systématiquement.

Le pouvoir prolétaire doit supprimer tout appui de l’État à l’Église, agent des classes dominantes, mettre un terme à toute intervention de l’Église dans l’éducation et l’enseignement organisés par l’État et réprimer sans merci l’activité contre-révolutionnaire des organisations ecclésiastiques.

Le pouvoir prolétarien, admettant la liberté religieuse et abolissant les privilèges de la religion naguère dominante, entretient en même temps, par tous les moyens à sa portée, une active propagande antireligieuse et reconstruit tout l’enseignement et toute l’éducation sur la base de la conception scientifique matérialiste du monde.

8. La lutte pour la dictature mondiale du prolétariat et les principaux types de révolutions

La révolution prolétarienne internationale résulte de procès divers et non simultanés : révolutions prolétariennes proprement dites ; révolutions du type démocratique-bourgeois se transformant en révolutions prolétariennes ; guerres d’émancipation nationale, révolutions coloniales.

Ce n’est qu’en fin de compte que le procès révolutionnaire aboutit à la dictature mondiale du prolétariat.

L’inégalité du développement capitaliste, accentuée dans la période impérialiste, cause la diversité des types de capitalisme de maturité inégale dans les divers pays et les conditions variées et spécifiques du procès révolutionnaire. Ces circonstances rendent historiquement inévitable la diversité des voies et de l’allure de la conquête du pouvoir par le prolétariat ; elles rendent nécessaires dans divers pays certaines étapes transitoires vers la dictature du prolétariat et la diversité des formes du socialisme en voie de construction.

La diversité des conditions et des voies qui conduisent à la dictature du prolétariat dans les différents pays peut être schématiquement réduite à trois types principaux.

Pays du capitalisme hautement développé (États-Unis, Allemagne, Angleterre, etc.) possédant de puissantes forces productives, une production fortement centralisée où la petite économie n’a qu’une importance relativement faible, jouissant d’un régime politique de démocratie bourgeoise formé depuis longtemps.

Dans ces pays, le passage direct à la dictature du prolétariat est la principale revendication politique du programme. Dans le domaine économique, les points essentiels sont : l’expropriation de toute la grande production, l’organisation d’un grand nombre d’entreprises agricoles soviétiques d’État, et, inversement, la remise d’une partie relativement faible des terres aux paysans ; l’étendue relativement restreinte des rapports économiques spontanés du marché ; l’allure rapide de l’évolution socialiste en général et de la collectivisation de l’économie paysanne en particulier.

Pays d’un développement capitaliste moyen (Espagne, Portugal, Pologne, Hongrie, Balkans, etc.) qui conservent des vestiges assez importants du régime semi-féodal dans l’agriculture, possèdent cependant un certain minimum de conditions matérielles indispensables à l’édification socialiste mais n’ont pas encore achevé leur transformation démocratique-bourgeoise.

Dans certains de ces pays, une transformation plus ou moins rapide de la révolution démocratique bourgeoise en révolution socialiste est possible ; dans d’autres, sont possibles divers types de révolutions prolétariennes ayant, cependant, à accomplir des tâches de caractère bourgeois- démocratique d’une grande ampleur.

Ici, la dictature du prolétariat peut donc ne pas s’établir d’emblée ; elle s’institue au cours de la transformation de la dictature démocratique du prolétariat et des paysans en dictature socialiste du prolétariat ; quand la révolution revêt immédiatement un caractère prolétarien, elle suppose la direction, par le prolétariat, d’un large mouvement paysan-agraire ; la révolution agraire y joue, en général, un très grand rôle, parfois décisif ; au cours de l’expropriation de la grande propriété foncière, une grande partie des terres confisquées est mise à la disposition des paysans ; les rapports économiques du marché conservent une grande importance au lendemain de la victoire du prolétariat ; amener les paysans à la coopération puis les grouper dans des associations de production est une des tâches les plus importantes de l’édification socialiste.

L’allure de cette édification est relativement lente.

Pays coloniaux et semi-coloniaux (Chine, Indes, etc.) et pays dépendants (Argentine, Brésil et autres) possédant un embryon d’industrie, parfois même une industrie développée, insuffisante toutefois dans la majorité des cas pour l’édification indépendante du socialisme ; pays où prédominent les rapports sociaux du moyen-âge féodal ou le  «mode asiatique de production » tant dans la vie économique que dans sa superstructure politique ; pays enfin, où les principales entreprises industrielles, commerciales, bancaires, les principaux moyens de transports, les plus grands domaines, les plus grandes plantations, etc., sont aux mains de groupes impérialistes étrangers.

La lutte contre le féodalisme et contre les formes précapitalistes de l’exploitation et la révolution agraire poursuivie avec esprit de suite, d’une part ; la lutte contre l’impérialisme étranger, pour l’indépendance nationale, d’autre part, ont ici une importance primordiale. Le passage à la dictature du prolétariat n’est possible dans ces pays, en règle générale, que par une série d’étapes préparatoires, par toute une période de transformations de la révolution bourgeoise démocratique en révolution socialiste ; le succès de l’édification socialiste y est, dans la plupart des cas, conditionné par l’appui direct des pays de dictature prolétarienne.

Dans les pays encore plus arriérés (dans certaine partie de l’Afrique, par exemple), où il n’y a pas ou presque pas d’ouvriers salariés, où la majorité des populations vit en tribus, où subsistent encore les formes primitives de l’organisation sociale, où la bourgeoisie nationale fait presque défaut, où l’impérialisme étranger joue, avant tout, le rôle d’un occupant militaire qui s’empare des terres, la lutte pour l’émancipation nationale est au premier plan. Le soulèvement national et sa victoire peuvent ouvrir ici la voie à une évolution vers le socialisme sans passer par le stade du capitalisme, si une aide effective et puissante leur est apportée par les pays de dictature prolétarienne.

Ainsi, à l’époque où la conquête du pouvoir par le prolétariat est à l’ordre du jour dans les pays capitalistes avancés, où la dictature du prolétariat existe déjà dans l’URSS et constitue un facteur d’importance mondiale, les mouvements de libération des pays coloniaux et semi-coloniaux, suscités par la pénétration du capitalisme mondial, peuvent aboutir, malgré l’insuffisante maturité des rapports sociaux de ces pays considérés isolément, à leur développement socialiste grâce à l’aide et à l’appui de la dictature du prolétariat et du mouvement prolétarien international en général.

9. La lutte pour la dictature mondiale du prolétariat et la révolution coloniale

Les conditions particulières de la lutte révolutionnaire dans les pays coloniaux et semi-coloniaux, l’inéluctabilité d’une longue période de luttes pour la dictature démocratique du prolétariat et des paysans et pour sa transformation en dictature prolétarienne, enfin, l’importance décisive des facteurs nationaux, imposent aux PC de ces pays diverses tâches particulières dont l’accomplissement doit préparer les voies à la dictature du prolétariat.

L’IC estime que les principales sont les suivantes :

1. Renversement de la domination de l’impérialisme étranger, des féodaux et de la bureaucratie agrarienne.

2. Établissement d’une dictature démocratique du prolétariat et des paysans sur la base des Soviets.

3. Complète indépendance nationale et formation de l’État national.

4. Annulation des dettes de l’État.

5. Nationalisation des grandes entreprises (industries, transports, banques, etc.) appartenant aux impérialistes.

6. Confiscation des domaines appartenant aux grands propriétaires fonciers, aux églises et aux monastères. Nationalisation du sol.

7. Journée de 8 heures.

8. Organisation d’une armée révolutionnaire ouvrière et paysanne.

Au cours de l’extension et de l’intensification de la lutte (sabotage de la part de la bourgeoisie, confiscation des entreprises appartenant aux éléments bourgeois qui sabotent, entraînant inévitablement la nationalisation de la grande industrie) dans les colonies et semi- colonies où le prolétariat joue un rôle dirigeant et prédominant, la révolution démocratique-bourgeoise se transformera en révolution prolétarienne.

Dans les pays où le prolétariat fait défaut, le renversement du pouvoir des impérialistes doit signifier l’organisation du pouvoir des Soviets populaires (de paysans) et la confiscation au profit de l’État des entreprises et des terres appartenant aux étrangers.

Au point de vue de la lutte contre l’impérialisme et de la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, les révolutions coloniales et les mouvements de libération nationale jouent un rôle immense.

L’importance des colonies et des semi-colonies dans la période de transition résulte également du fait qu’elles sont en quelque sorte la campagne mondiale, en présence des pays industriels qui jouent le rôle de la cité mondiale ; l’organisation de l’économie socialiste mondiale et la coordination rationnelle de l’industrie et l’agriculture dépendent dans une large mesure de l’attitude envers les anciennes colonies de l’impérialisme.

La réalisation d’une alliance fraternelle et combative avec les masses laborieuses des colonies est donc un des objectifs principaux du prolétariat industriel du monde qui exerce l’hégémonie de la direction dans la lutte contre l’impérialisme.

La marche de la révolution mondiale qui entraîne les ouvriers des métropoles dans la lutte pour la dictature du prolétariat, dresse également des centaines de millions d’ouvriers et de paysans coloniaux contre l’impérialisme étranger.

Étant donné l’existence de foyers du socialisme organisés en Républiques soviétiques et la croissance de leur puissance économique, les colonies détachées de l’impérialisme se rapprochent dans le domaine économique des centres industriels du socialisme mondial auxquels elles s’unissent ; peu à peu elles sont entraînées dans l’édification socialiste, évitent la phase du développement capitaliste comme système dominant et acquièrent la possibilité d’un progrès économique et culturel rapide.

En se groupant politiquement autour des centres de la dictature du prolétariat, les Soviets ouvriers et paysans des anciennes colonies plus développées s’intègrent au système grandissant de la Fédération des Républiques Soviétiques, et, par là même, au système mondial de la dictature du prolétariat.

Le socialisme, nouveau mode de production, atteint ainsi dans son essor une envergure mondiale.

5. — La dictature du prolétariat dans l’URSS et la révolution sociale mondiale

1. L’édification du socialisme dans l’URSS et la lutte de classes

La scission de l’économie mondiale en pays du capitalisme et pays du socialisme en voie d’édification est la manifestation essentielle de la profonde crise du système capitaliste.

L’affermissement intérieur de la dictature prolétarienne dans l’URSS, les succès de l’édification socialiste, l’influence et l’autorité croissantes de l’URSS parmi les masses prolétariennes et les peuples opprimés des colonies attestent par conséquent la continuation, le renforcement et le développement de la révolution socialiste mondiale.

Disposant dans le pays même des prémices matérielles nécessaires et suffisantes, non seulement au renversement des grands propriétaires fonciers et de la bourgeoisie, mais aussi à l’édification du socialisme intégral, les ouvriers des Républiques soviétiques, aidés du prolétariat international, ont héroïquement repoussé les agressions des forces armées de la contre-révolution intérieure et étrangère, affermi leur alliance avec les grandes masses paysannes et obtenu des succès considérables dans le domaine de l’édification socialiste.

La liaison de l’industrie socialiste prolétarienne avec la petite économie rurale, liaison qui assure à la fois la croissance des forces productives de l’agriculture et le rôle dirigeant de l’industrie socialiste ; la soudure de cette industrie avec l’agriculture, au lieu de la production capitaliste pour la consommation improductive des classes parasitaires ; la production, non en vue du profit capitaliste, mais en vue de la satisfaction des besoins rapidement croissants des masses qui constituent en fin de compte un stimulant puissant à la production ; enfin l’extrême concentration des principaux leviers de commande économiques aux mains de l’État prolétarien, l’importance croissante de la direction selon un plan d’ensemble, l’économie qui en résulte ainsi que la répartition la plus rationnelle des moyens de production, sont autant de facteurs qui donnent au prolétariat la possibilité d’aller rapidement de l’avant dans la voie de l’édification socialiste.

Élevant les forces productives de toute l’économie du pays, poursuivant inflexiblement une politique d’industrialisation de l’URSS, industrialisation dont l’allure accélérée est dictée par toute la situation internationale et intérieure, le prolétariat de l’URSS, malgré les tentatives réitérées de boycottage financier et économique dont il est l’objet de la part des puissances capitalistes, augmente systématiquement l’importance du secteur socialisé (socialiste) de l’économie nationale, tant dans le domaine des moyens de production que dans ceux de la production globale et de la circulation des marchandises.

L’industrie, les transports et le système bancaire de l’État socialiste entraînent ainsi sans cesse davantage à leur suite la petite économie rurale sur laquelle ils agissent au moyen des leviers du commerce d’État et de la coopération rapidement croissante, dans les conditions déterminées par la nationalisation du sol et l’essor de l’industrialisation.

Dans l’agriculture plus spécialement, l’essor des forces productives a lieu dans des conditions limitant la différenciation sociale des paysans (nationalisation du sol et, par conséquent, interdiction d’acheter et de vendre des terres, impôts fortement progressifs, crédit à la coopération des paysans pauvres et moyens et à leurs associations de production, législation réglant l’emploi de la main- d’œuvre salariée, suppression de certains droits politiques et sociaux aux paysans riches — koulaks —, organisation de paysans pauvres, etc.).

Mais les forces productives de l’industrie socialiste n’étant pas encore assez développées pour doter en grand l’agriculture d’une nouvelle technique et réunir rapidement dès à présent les exploitations paysannes en de grands domaines agricoles collectifs, les koulaks croissent dans une certaine mesure en nombre et établissent une liaison d’abord économique, puis politique, avec les éléments  «de la nouvelle bourgeoisie ».

Maître des positions stratégiques dominantes de la vie économique ; évinçant systématiquement dans les villes les vestiges du capital privé, dont l’importance a été sensiblement réduite au cours de la dernière période de la  «nouvelle politique économique » ; limitant par tous les moyens l’action des exploiteurs de la population rurale, qui naissent du développement des rapports marchands et monétaires ; soutenant les domaines de l’État et encourageant leur création ; entraînant la masse essentielle des paysans simples producteurs de marchandises dans le système général de l’organisation économique soviétique et, par conséquent, dans l’œuvre d’édification socialiste au moyen de la coopération dont les progrès rapides, en régime de dictature prolétarienne et sous la direction économique de l’industrie socialiste, s’identifient avec l’essor du socialisme ; passant de la période de reconstruction à celle de la reproduction élargie de toute la base technique de la production du pays, le prolétariat de l’URSS se donne pour tâche — et en aborde d’ores et déjà la réalisation — une vaste édification fondamentale (production de moyens de production en général, industrie lourde et électrification en particulier) et, parallèlement au développement de la coopération de vente, d’achat et de crédit, l’organisation de plus en plus large des paysans en coopératives de production conçues sur une base collectiviste et nécessitant un puissant appui matériel de la part de l’État prolétarien.

Le socialisme qui est déjà le facteur économique décisif du développement de l’économie de l’URSS, fait ainsi de grands progrès et surmonte d’un effort systématique les difficultés suscitées par le caractère petit-bourgeois du pays et liées à une aggravation momentanée des antagonismes de classes.

La nécessité de renouveler l’outillage industriel et de créer de vastes entreprises nouvelles ne peut manquer de faire naître dans le développement du socialisme de sérieuses difficultés qui s’expliquent en fin de compte par l’état arriéré de la technique et de l’économie du pays et par les dévastations des années de guerre impérialiste et de guerre civile.

La condition de la classe ouvrière et des grandes masses laborieuses ne cesse cependant de s’améliorer. Parallèlement à la rationalisation socialiste et à l’organisation scientifique de l’industrie, la journée de 7 heures est graduellement introduite. De nouvelles perspectives pour l’amélioration des conditions de travail et d’existence de la classe ouvrière sont ainsi créées.

La classe ouvrière unie sous la direction d’un PC trempé dans les luttes révolutionnaires, appuyée dans les campagnes sur les paysans pauvres, solidement alliée aux masses de paysans moyens et combattant inlassablement les koulaks, entraîne des masses sans cesse élargies de dizaines de millions de travailleurs dans l’œuvre d’édification du socialisme sur la base de la croissance économique de l’URSS et de l’importance grandissante du secteur socialiste de son économie.

Ses principaux moyens pour atteindre ce but sont : le développement de grandes organisations de masses (le Parti, comme force dirigeante, les Syndicats, assise du régime de la dictature du prolétariat, les Jeunesses communistes, la coopération sous toutes ses formes, les organisations des ouvrières et des paysannes, les associations diverses, les organisations de correspondants ouvriers et paysans de la presse, les organisations sportives, scientifiques, éducatives et culturelles), l’encouragement prodigué à l’initiative des masses, la désignation d’ouvriers et à des postes responsables dans tous les organes économiques et administratifs.

La participation incessante et croissante des masses à l’édification du socialisme, le renouvellement constant de l’appareil de l’État, des organes économiques, des Syndicats et du Parti par de nouveaux militants prolétariens, l’enseignement supérieur donné à des ouvriers et, plus particulièrement, à de jeunes ouvriers, afin de former de nouveaux cadres de techniciens socialistes dans toutes les branches de l’édification, telles sont les principales garanties contre la bureaucratisation et contre la dégénérescence sociale des cadres prolétariens dirigeants.

2. L’importance de l’URSS. Ses obligations révolutionnaires internationales.

L’impérialisme russe terrassé, les anciennes colonies et les nationalités opprimées de l’Empire des tsars émancipées, la dictature du prolétariat assure une base solide au développement culturel et politique des nationalités, au prix d’un effort persévérant, par l’industrialisation de leurs territoires. Consacrant dans la Constitution de l’Union le droit des régions et des Républiques fédérées, réalisant intégralement le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, la dictature du prolétariat assure l’égalité non seulement formelle mais aussi effective des diverses nationalités de l’union.

Pays de la dictature du prolétariat et de l’édification du socialisme, pays des immenses conquêtes de la classe ouvrière, de l’union des ouvriers et des paysans et d’une nouvelle culture en marche sous le drapeau du marxisme, l’URSS devient nécessairement la base du mouvement universel des classes opprimées, le foyer de la révolution internationale, le facteur le plus grand de l’histoire du monde.

Le prolétariat de tous les pays trouve pour la première fois dans l’URSS une véritable patrie, et les mouvements coloniaux un puissant centre d’attraction.

L’URSS est ainsi, au milieu de la crise générale du capitalisme, un facteur des plus importants, non seulement parce que, détachée du système capitaliste mondial, elle a posé les fondements d’un nouveau système économique socialiste, mais encore parce qu’elle joue un rôle révolutionnaire d’une importance exceptionnelle, énorme : moteur international de la révolution prolétarienne, incitant les prolétaires de tous les pays à la conquête du pouvoir, exemple vivant démontrant que la classe ouvrière, capable de détruire le capitalisme, sait aussi édifier le socialisme, prototype des relations fraternelles de toutes les nationalités au sein de l’Union des Républiques socialistes soviétiques de l’univers et de la réunion des travailleurs de tous les pays dans le système économique mondial unique du socialisme que le prolétariat international établira après la conquête du pouvoir.

L’existence simultanée de deux systèmes économiques, le système socialiste de l’URSS et le système capitaliste des autres pays, impose à l’État prolétarien le devoir de repousser les attaques du monde capitaliste (boycottage, blocus, etc.), de manœuvrer dans le domaine économique et de mettre à profit les relations économiques avec les pays capitalistes (par le monopole du commerce extérieur constituant une des conditions essentielles d’une édification socialiste efficace, par les crédits, emprunts, concessions, etc.).

Il s’agit d’abord et principalement de nouer des relations aussi larges que possible avec l’étranger, dans les limites où elles sont profitables à l’URSS pour consolider son industrie, jeter les bases d’une industrie lourde et de l’électrification et enfin de créer une industrie socialiste de construction mécanique.

Ce n’est que dans la mesure où cette indépendance économique lui est assurée malgré l’encerclement capitaliste, que l’URSS se sent sérieusement prémunie contre la destruction éventuelle de l’œuvre d’édification socialiste et contre son inféodation au système capitaliste mondial.

Les États capitalistes, quels que soient leurs intérêts en U.R.S.S, hésitent, constamment sollicités en sens contraire par leur intérêts commerciaux et par la crainte du développement de l’URSS qui est aussi celui de la révolution mondiale.

La tendance à l’encerclement de l’URSS et à la guerre contre-révolutionnaire en vue de restaurer un régime universel de terrorisme bourgeois, est la tendance essentielle et fondamentale de la politique des puissances capitalistes.

Les tentatives systématiques d’encerclement politique de l’URSS et le danger grandissant d’une agression n’empêcheront pas le PC de l’URSS, Section de l’IC, dirigeant la dictature du prolétariat en U.R.S.S, de remplir ses devoirs internationaux et de soutenir tous les opprimés : le mouvement ouvrier des pays capitalistes, le mouvement des peuples coloniaux contre l’impérialisme, la lutte contre toutes les formes d’oppression nationale.

3. Les obligations du prolétariat international à l’égard de l’URSS Le prolétariat international, dont l’URSS est la seule patrie, le rempart de ses conquêtes, le facteur essentiel de son affranchissement international, a pour devoir de contribuer au succès de l’édification du socialisme dans l’URSS et de la défendre par tous les moyens contre les attaques des puissances capitalistes.

«La situation politique mondiale met maintenant à l’ordre du jour la dictature du prolétariat ; tous les événements de la politique mondiale se concentrent fatalement autour de ce seul point central ; la lutte de la bourgeoisie mondiale contre la République des Soviets en Russie, appelée à grouper inévitablement autour d’elle, d’une part, les mouvements soviétiques des ouvriers avancés de tous les pays et, de l’autre, tous les mouvements d’affranchissement national des colonies et des nationalités opprimées». (Lénine)

Le devoir du prolétariat international est de répondre à l’agression et à la guerre des États impérialistes contre l’URSS par les actions de masses les plus audacieuses et les plus résolues et par la lutte pour le renversement des gouvernements impérialistes sous les mots d’ordre de la dictature du prolétariat et de l’alliance avec l’URSS.

Il sera nécessaire dans les colonies et plus particulièrement dans celles du pays impérialiste assaillant l’URSS de mettre à profit ce déplacement des forces armées de l’impérialisme pour développer au plus haut degré la lutte anti-impérialiste et pour secouer par l’action révolutionnaire le joug de l’impérialisme et conquérir l’indépendance complète.

Le développement du socialisme dans l’URSS et la croissance de son influence internationale, s’ils mobilisent contre elle la haine des puissances capitalistes et de leur agence social-démocrate, suscitent d’autre part les plus vives sympathies des grandes masses des travailleurs du monde entier et font naître dans les classes opprimées de tous les pays la ferme volonté de se battre par tous les moyens, en cas d’agression impérialiste, pour le pays de la dictature du prolétariat.

Ainsi, le développement des contradictions de l’économie mondiale, le développement de la crise générale du capitalisme et l’agression impérialiste contre l’URSS aboutiront infailliblement à une formidable explosion révolutionnaire qui ensevelira le capitalisme dans les pays  «civilisés », déchaînera la révolution victorieuse dans les colonies, élargira immensément la base de la dictature du prolétariat et constituera dès lors un grand pas vers la victoire définitive du socialisme dans le monde.

6. — La stratégie et la tactique de l’IC dans la lutte pour la dictature du prolétariat

1. Les idéologies hostiles au communisme au sein de la classe ouvrière

Le communisme révolutionnaire se heurte, dans sa lutte contre le capitalisme pour la dictature du prolétariat, à de nombreuses tendances au sein de la classe ouvrière, exprimant à un degré plus ou moins grand la subordination idéologique de celle-ci à la bourgeoisie impérialiste ou la pression idéologique sur le prolétariat, de la petite et moyenne bourgeoisie qui s’insurge de temps à autre contre le dur régime du capital financier, mais est incapable de suivre une stratégie et une tactique fermes, fondées sur une pensée scientifique et de mener la lutte avec l’organisation et la stricte discipline qui sont propres au prolétariat.

La formidable puissance sociale de l’État impérialiste et de toutes ses institutions auxiliaires — école, presse, théâtre, Église —, se traduit avant tout dans la classe ouvrière par l’existence de tendances confessionnelles et réformistes, obstacle principal à la révolution socialiste du prolétariat.

Les tendances confessionnelles, teintées de religion, de la classe ouvrière trouvent leur expression dans les Syndicats confessionnels souvent liés aux organisations politiques correspondantes de la bourgeoisie et rattachés à telle ou telle organisation cléricale de la classe dominante (Syndicats catholiques, Jeunesses chrétiennes, organisations sionistes et autres).

Toutes ces tendances qui manifestent avec éclat la captivité idéologique de certains milieux prolétariens, ont le plus souvent un aspect romantique féodal. Consacrant au nom de la religion toutes les infamies du régime capitaliste et terrorisant leurs fidèles par la menace des châtiments d’outre-tombe, les dirigeants de ces organisations forment au sein du prolétariat la cohorte des agents les plus réactionnaires de la classe ennemie.

Le réformisme  «socialiste » contemporain constitue l’aspect commercial cynique, laïque et impérialiste de la soumission idéologique du prolétariat à l’influence de la bourgeoisie.

Prenant ses commandements des tables de la loi impérialiste, le réformisme  «socialiste » a, de nos jours, son modèle accompli, consciencieusement antisocialiste et franchement contre-révolutionnaire, dans la Fédération américaine du travail.

La dictature  «idéologique » de la bureaucratie syndicale américaine parfaitement domestiquée, exprimant elle-même la dictature  «idéologique » du dollar, est devenue, par l’intermédiaire du réformisme anglais et des socialistes monarchiques du Labour Party, partie intégrante essentielle de la théorie et de la pratique de la social-démocratie internationale et des leaders de l’Internationale d’Amsterdam.

Les chefs de la social-démocratie allemande et autrichienne se bornent à revêtir les mêmes théories d’une phraséologie marxiste servant à dissimuler leur trahison complète du marxisme.

Le réformisme  «socialiste », ennemi principal du communisme révolutionnaire dans le mouvement ouvrier, possède une large base d’organisation dans les Partis social-démocrates et, par leur intermédiaire, dans les Syndicats réformistes, il se manifeste dans toute sa politique et toute sa théorie comme une force dirigée contre la révolution prolétarienne.

En politique extérieure, les Partis social-démocrates ont participé à la guerre impérialiste sous le drapeau de la  «défense nationale ».

L’expansion de l’État impérialiste et la  «politique coloniale » ont leur appui de tous les instants ; l’orientation vers la  «sainte alliance » contre-révolutionnaire des puissances impérialistes (Société des nations), la prédication du  «super-impérialisme », la mobilisation des masses sous des mots d’ordre pseudo-pacifistes, l’appui actif aux menées et préparatifs de guerre de l’impérialisme contre l’URSS, tels sont les traits caractéristiques de la politique extérieure du réformisme.

En politique intérieure, la social-démocratie se donne pour tâche de soutenir le régime capitaliste et de collaborer avec lui.

Appui sans réserves à la rationalisation et à la stabilité du capitalisme, paix des classes,  «paix industrielle », politique d’intégration des organisations ouvrières aux organisations patronales et à l’État impérialiste spoliateur, application de la  «démocratie économique » qui n’est en réalité que la subordination complète au capital trusté, culte de l’État impérialiste et particulièrement de ses enseignes pseudo-démocratiques, participation à la formation des organes de cet État (police, armée, gendarmerie, justice de classe), défense de cet État contre toute attaque du prolétariat communiste révolutionnaire, rôle de bourreau de la social-démocratie dans les crises révolutionnaires, telle est la politique intérieure du réformisme. Simulant la lutte syndicale, le réformisme se donne pour tâche, dans ce domaine également, d’éviter tout ébranlement à la classe capitaliste et d’assurer en tout cas l’inviolabilité complète de la propriété capitaliste.

Dans le domaine de la théorie, la social-démocratie, passant du révisionnisme à un réformisme libéral-bourgeois achevé et au social- impérialisme avéré, a complètement renié le marxisme : à la doctrine marxiste de contradictions du capitalisme, elle a substitué la doctrine bourgeoise du développement harmonieux du régime ; elle a relégué aux archives la doctrine des crises et de la paupérisation du prolétariat ; elle a transformé la théorie ardente et menaçante de la lutte de classes en prédication banale de la paix des classes ; elle a transformé la doctrine de l’aggravation des antagonismes de classes en la fable petite-bourgeoise de la  «démocratisation » du Capital ; à la théorie de l’inévitabilité des guerres en régime capitaliste ; elle a substitué la duperie bourgeoise du pacifisme et la prédication mensongère du super impérialisme ; elle a échangé la théorie de la chute révolutionnaire du capitalisme contre la fausse monnaie du capitalisme  «sain » se transformant paisiblement en socialisme, à la révolution elle substitue l’évolution ; à la destruction de l’État bourgeois ; la participation active à son édification ; à la doctrine de la dictature du prolétariat ; la théorie de la coalition avec la bourgeoisie ; à la doctrine de la solidarité prolétarienne internationale ; celle de la défense nationale impérialiste, au matérialisme dialectique de Marx, une philosophie idéaliste en coquetterie avec les déchets religieux de la bourgeoisie.

On distingue au sein de ce réformisme social-démocrate plusieurs courants qui font particulièrement ressortir la dégénérescence bourgeoise de la sociale démocratie.

Le  «socialisme constructif » (Mac Donald et C ie ), portant jusque dans son appellation l’idée de lutte contre la révolution prolétarienne et l’approbation du régime capitaliste, continue les traditions bourgeoises, libérales, philanthropiques et anti-révolutionnaires du Fabianisme (les Webb, Bernard Shaw, lord Ollivier et autres).

Répudiant en principe la dictature du prolétariat et le recours à la violence contre la bourgeoisie, le  «socialisme constructif » concourt aux violences exercées contre le prolétariat et contre les peuples coloniaux.

Apologiste de l’État capitaliste, préconisant le capitalisme d’État sous le masque du socialisme, proclamant — en même temps que les plus vulgaires idéologues de l’impérialisme des deux hémisphères —  «préscientifique » la théorie de la lutte des classes, le  «socialisme constructif » préconise en paroles un programme modéré de nationalisation avec indemnité, d’impôts sur la rente foncière, d’impôts sur les successions et les surprofits comme le moyen de détruire le capitalisme.

Adversaire décidé de la dictature du prolétariat dans l’URSS, le  «socialisme constructif », étroitement allié à la bourgeoisie, est l’ennemi actif du mouvement communiste du prolétariat et des révolutions coloniales.

Le coopératisme ou socialisme coopérateur (Charles Gide, Totomiantz et C ie ) repousse avec autant d’énergie la lutte de classes et préconise la coopération de consommation comme le moyen de vaincre pacifiquement le capitalisme, tout en contribuant en réalité par tous les moyens à son affermissement. Il est une variété du  «socialisme constructif ».

Le  «coopératisme » qui dispose du vaste appareil de propagande des organisations de masses de la coopération de consommation exerce dans la vie quotidienne une influence systématique sur les grandes masses, combat avec acharnement le mouvement ouvrier révolutionnaire et entrave la réalisation de ses buts ; il représente actuellement un des facteurs les plus actifs de la contre-révolution réformiste.

Le  «Guild Socialism » (Penty, Orage, Hobson, etc.) s’efforce avec éclectisme de réunir le syndicalisme  «révolutionnaire » et le Fabianisme libéral bourgeois, la décentralisation anarchiste (guildes industrielles nationales) et la centralisation du capitalisme d’État, le corporatisme artisanal, borné, médiéval et le capitalisme moderne.

Procédant de la revendication verbale de  «l’abolition du salariat » considéré comme  «immoral » et qui devrait être remplacé par le contrôle ouvrier de l’industrie, le  «Guild Socialism » élude complètement la question essentielle : celle du pouvoir.

S’appliquant à réunir les ouvriers, les intellectuels et les techniciens dans une fédération nationale industrielle de  «guildes » et à transformer pacifiquement celles-ci en organes d’administration de l’industrie dans les cadres de l’État bourgeois ( »contrôle intérieur ») le  «Guild Socialism » défend en réalité cet État, dissimule son caractère de classe, impérialiste, anti-prolétarien, lui assigne un rôle  «au-dessus des classes » de représentant des intérêts communs des  «consommateurs » en contrepoids aux  «producteurs » organisés dans les guildes.

Par sa propagande de  «démocratie fonctionnelle », c’est-à- dire d’une représentation des classes de la société capitaliste sous la forme des professions et de leurs fonctions sociales dans la production, le  «Guild Socialism » fraie la voie à  «l’État corporatif » du fascisme. Répudiant le parlementarisme et  «l’action directe », la plupart des adeptes de ce mouvement vouent la classe ouvrière à une inaction complète et à la soumission passive à la bourgeoisie.

Ce socialisme est une variété utopiste et trade-unioniste de l’opportunisme et ne peut, par conséquent, manquer de jouer un rôle contre-révolutionnaire.

L’austro-marxisme est une autre forme particulière du réformisme social-démocrate. Partie intégrante de la  «gauche » social-démocrate, il représente la façon la plus subtile de duper les masses ouvrières.

Prostituant la terminologie marxiste et rompant à la fois avec les principes fondamentaux du marxisme révolutionnaire (des austro- marxistes se déclarent, en philosophie, adeptes de Kant, de Mach, etc.), flirtant avec la religion, empruntant aux réformistes anglais la théorie de la  «démocratie fonctionnelle », se plaçant sur le terrain de l’édification de la République, c’est-à-dire de la construction de l’État bourgeois, l’austro-marxisme recommande la coopération des classes dans les périodes dites  «d’équilibre des forces sociales », c’est-à-dire précisément lorsque mûrit la crise révolutionnaire.

Cette théorie n’est rien d’autre que la justification de la coalition avec la bourgeoisie pour le renversement de la révolution prolétarienne sous le masque de la défense de la  «démocratie » contre les attaques de la réaction.

La violence admise par l’austro-marxisme en cas d’attaques de la réaction se transforme objectivement dans la pratique en violence de la réaction contre la révolution prolétarienne.

Le  «rôle fonctionnel » de l’austro-marxisme consiste à tromper les ouvriers qui vont au communisme ; aussi l’austro-marxisme est-il un ennemi particulièrement redoutable du prolétariat, plus redoutable même que les partisans déclarés du social-impérialisme de forbans.

Si toutes les tendances, parties intégrantes du réformisme  «socialiste », constituent une sorte d’agence de la bourgeoisie impérialiste au sein de la classe ouvrière, le communisme se heurte, d’autre part, à divers courants petit-bourgeois reflétant et exprimant les fluctuations des couches sociales instables (petite bourgeoisie urbaine, moyenne bourgeoisie en voie de dissolution, prolétariat en guenilles (lumpenprolétariat), bohème intellectuelle déclassée, artisans tombés dans la misère, certains groupes de paysans et maints autres éléments).

Ces courants, qui se distinguent par une extrême instabilité politique, dissimulent souvent sous une phraséologie de gauche une politique de droite ou tombent dans l’aventurisme, substituent à la connaissance objective des forces en présence une bruyante gesticulation politique, passent fréquemment de la  «surenchère » révolutionnaire la plus insolente au plus profond pessimisme et à de véritables capitulations devant l’ennemi.

Ces courants peuvent, dans certaines conditions, surtout au moment de changements brusques dans la situation politique et dans la nécessité de reculs momentanés, jouer dans les rangs du prolétariat un rôle désorganisateur des plus dangereux et entraver ainsi le mouvement ouvrier révolutionnaire.

L’anarchisme dont les représentants les plus en vue (Kropotkine, Jean Grave et autres) trahirent et passèrent, pendant la guerre de 1914 à 1918, à la bourgeoisie impérialiste, nie la nécessité de grandes organisations centralisées et disciplinées du prolétariat et laisse ainsi ce dernier impuissant en présence des organisations puissantes du Capital. Sa propagande du terrorisme individuel détourne le prolétariat des méthodes d’organisation et de lutte de masses.

Répudiant la dictature du prolétariat au nom d’une  «liberté » abstraite, l’anarchisme prive le prolétariat de son arme la plus importante et la plus efficace contre la bourgeoisie, contre ses armées et ses organes de répression. Éloigné de tout mouvement de masses dans les centres les plus importants de la lutte prolétarienne, l’anarchisme se réduit de plus en plus à une secte qui, par toute sa tactique, par toutes ses manifestations et notamment par ses manifestations contre la dictature de la classe ouvrière dans l’URSS s’intègre objectivement au front des forces anti-révolutionnaires.

Tout comme l’anarchisme, le syndicalisme  «révolutionnaire », dont de nombreux idéologues passèrent aux heures les plus critiques de la guerre à la contre-révolution  «antiparlementaire » du type fasciste ou devinrent de paisibles réformistes du type social-démocrate, par sa négation de la lutte politique… (et particulièrement du parlementarisme révolutionnaire) et de la dictature révolutionnaire du prolétariat, par sa propagande d’une décentralisation corporative du mouvement ouvrier en général et du mouvement syndical en particulier, par sa négation de la nécessité du parti du prolétariat, par sa négation de la nécessité de l’insurrection et enfin par sa surestimation de la grève générale ( »tactique des bras croisés »), entrave partout où il exerce quelque influence la radicalisation des masses ouvrières.

Ses attaques contre l’URSS connexes à la négation de la dictature du prolétariat le mettent, sous ce rapport, sur le même plan que la social-démocratie.

Toutes ces tendances, toutes ces nuances rejoignent la social- démocratie, ce principal ennemi de la révolution prolétarienne dans la question politique fondamentale de la dictature du prolétariat.

C’est pourquoi elles font toutes, avec plus ou moins de décision, front unique avec la social-démocratie contre l’URSS La social-démocratie, ayant complètement renié le marxisme, s’appuie d’autre part, de plus en plus, sur l’idéologie des  «fabiens », du socialisme constructif et du  «Guild Socialism ».

Ainsi se forme une idéologie libérale-réformiste officielle du  «socialisme » bourgeois de la 2e Internationale.

Dans les pays coloniaux et parmi les peuples et les races opprimés, le communisme se heurte, au sein du mouvement ouvrier, à l’influence de tendances particulières qui jouèrent, à une époque déterminée, un certain rôle positif, mais qui deviennent, dans une nouvelle étape, des forces réactionnaires.

Le sun-yat-sénisme fut, en Chine, l’idéologie d’un  «socialisme » petit-bourgeois et populaire. La notion du peuple voilait et dissimulait dans la doctrine des  «trois principes » (nationalisme, démocratisme, socialisme) la notion des classes sociales ; le socialisme n’était plus un mode spécifique de production, réalisé par une classe déterminée, le prolétariat, mais il devenait un état indéterminé d’aisance générale ; la lutte contre l’impérialisme ne se rattachait pas au développement de la lutte de classes dans le pays.

C’est pourquoi le sun-yat-sénisme, qui a joué, dans la première phase de la révolution chinoise, un très grand rôle positif, est devenu, par suite de la différenciation sociale ultérieure et de la marche de la révolution chinoise, un obstacle à cette révolution.

Les épigones du sun-yat-sénisme, en exagérant précisément les caractères de cette doctrine devenus objectivement réactionnaires, en ont fait l’idéologie officielle du Kuomintang devenu ouvertement contre-révolutionnaire.

La formation idéologique des masses du prolétariat et des paysans travailleurs de Chine doit, par conséquent, s’accompagner d’une lutte énergique contre le leurre du Kuomintang et surmonter les vestiges du sun-yat-sénisme.

Les tendances telles que le gandhisme hindou, profondément pénétrées d’idées religieuses, idéalisant les formes les plus réactionnaires et les plus arriérées de l’économie sociale, ne voyant d’issue que dans le retour à ces formes arriérées et non dans le socialisme prolétarien, prêchant la passivité et la négation de la lutte des classes, deviennent, au cours du développement de la révolution, des forces franchement réactionnaires.

Le gandhisme est de plus en plus une idéologie opposée à la révolution des masses populaires. Le communisme doit le combattre avec énergie. Le garvéisme, qui fut l’idéologie des petits propriétaires et des ouvriers nègres d’Amérique et qui a gardé une certaine influence sur les masses nègres, est devenu de même un obstacle à l’entrée de ces masses dans la voie révolutionnaire.

Après avoir revendiqué pour les nègres une complète égalité sociale, il s’est transformé en une sorte de  «sionisme » nègre qui, au lieu de préconiser la lutte contre l’impérialisme américain, lance le mot d’ordre  «du retour en Afrique ».

Cette idéologie dangereuse, qui n’a rien d’authentiquement démocratique et se plaît à agiter les attributs aristocratiques d’un  «royaume nègre » inexistant, doit se heurter à une résistance énergique, car, loin de contribuer à la lutte émancipatrice des masses nègres contre l’impérialisme américain, elle lui fait obstacle.

A toutes ces tendances s’oppose le communisme prolétarien.

Grande idéologie de la classe ouvrière révolutionnaire internationale, il se distingue de toutes et en premier lieu de la social-démocratie par la lutte révolutionnaire, théorique et pratique qu’il mène en plein accord avec la doctrine de Marx et d’Engels pour la dictature prolétarienne en utilisant toutes les formes de l’action de masse du prolétariat.

2. Les tâches essentielles de la stratégie et de la tactique communistes

La lutte victorieuse de l’IC pour la dictature du prolétariat suppose dans tous les pays l’existence d’un PC trempé dans les combats, discipliné, centralisé, étroitement attaché aux masses.

Le Parti est l’avant-garde de la classe ouvrière, avant-garde formée des membres les meilleurs, les plus conscients, les plus actifs et les plus courageux de cette classe. Il incarne l’expérience de toute la lutte prolétarienne.

Étayé par la théorie révolutionnaire marxiste, représentant les intérêts généraux et permanents de l’ensemble de la classe, le Parti incarne l’unité des principes, de la volonté et de l’action révolutionnaires du prolétariat.

Il constitue une organisation révolutionnaire cimentée par une discipline de fer et par l’ordre révolutionnaire le plus strict du centralisme démocratique ; ces résultats sont obtenus par la conscience de l’avant-garde prolétarienne, par son dévouement à la révolution, par son contact permanent avec les masses prolétariennes, par la justesse de sa direction politique que l’expérience des masses même éclaire et contrôle.

Le PC doit, pour accomplir sa tâche historique, conquérir la dictature prolétarienne — poursuivre et atteindre d’abord les fins stratégiques suivantes :

Gagner à son influence la majorité de sa propre classe, y compris les ouvrières et la jeunesse ouvrière. Il est, à cet effet, nécessaire d’assurer l’influence décisive du PC sur les vastes organisations de masses du prolétariat (Soviets, Syndicats, Comités d’entreprises, coopératives, organisations sportives, culturelles, etc.).

Il importe surtout, pour gagner la majorité du prolétariat, de conquérir les Syndicats, véritables organisations de masses de la classe ouvrière, liées à sa lutte quotidienne. Le travail dans les Syndicats réactionnaires, qu’il faut savoir gagner habilement, l’acquisition de la confiance des larges masses de syndiqués, le remplacement des dirigeants réformistes de ces Syndicats, constituent l’une des tâches les plus importantes de la période préparatoire.

La conquête de la dictature du prolétariat suppose également l’hégémonie du prolétariat sur de grandes couches des masses laborieuses.

Le PC doit, dans ce but, gagner à son influence les masses de la population pauvre des villes et des campagnes, les couches inférieures des intellectuels, les «petites gens» en un mot, c’est-à-dire la population petite-bourgeoise en général. L’action tendant à assurer l’influence du Parti sur les paysans a une importance particulière.

Le PC doit s’assurer l’appui complet des éléments les plus proches du prolétariat dans les campagnes : ouvriers agricoles et paysans pauvres. La nécessité s’impose donc d’organiser comme tels les ouvriers agricoles, de les appuyer par tous les moyens dans leur lutte contre la bourgeoisie rurale et de poursuivre une action énergique parmi les petits paysans et les paysans parcellaires.

La politique du PC doit s’efforcer de neutraliser les paysans moyens (dans les pays capitalistes développés). L’accomplissement de ces diverses tâches par le prolétariat, devenu le représentant des intérêts du peuple entier et le guide des grandes masses populaires dans leur lutte contre l’oppression du capital financier, est la condition préalable nécessaire d’une révolution communiste victorieuse.

La lutte révolutionnaire dans les colonies, les semi-colonies et les pays dépendants constitue, du point de vue de la lutte mondiale du prolétariat, une des plus importantes tâches stratégiques de l’IC Cette lutte suppose la conquête, sous les drapeaux de la révolution, des plus grandes masses de la classe ouvrière et des paysans des colonies, conquête impossible sans une étroite collaboration entre le prolétariat, des nations oppressives et les masses laborieuses des nations opprimées.

Tout en organisant la révolution contre l’impérialisme, sous le drapeau de la dictature du prolétariat, dans les puissances dites «civilisées», l’IC soutient toute résistance à la violence impérialiste dans les colonies, dans les semi-colonies et dans les pays dépendants (exemple : l’Amérique latine); elle combat par la propagande toutes les variétés du chauvinisme, tous les procédés impérialistes employés à l’égard des races et des peuples subjugués, grands et petits (attitude à l’égard des nègres, «de la main-d’œuvre jaune», antisémitisme, etc.); elle soutient la lutte de ces races et de ces peuples contre la bourgeoisie des nations oppressives.

L’IC combat surtout avec énergie le chauvinisme des grandes puissances, prêché tant par la bourgeoisie impérialiste que par son agence social-démocrate, la 2 e Internationale ; elle oppose sans cesse à la pratique de la bourgeoisie impérialiste celle de l’US qui a su établir des relations fraternelles entre des peuples égaux en droits.

Les PC doivent, dans les pays de l’impérialisme, venir systématiquement en aide aux mouvements révolutionnaires émancipateurs des colonies et de façon générale aux mouvements des nationalités opprimées. Le devoir de prêter à ces mouvements le concours le plus actif incombe en premier lieu aux ouvriers du pays dont la nation opprimée dépend politiquement, économiquement ou financièrement.

Les PC doivent reconnaître hautement le droit de séparation des colonies et préconiser cette séparation, c’est-à-dire l’indépendance des colonies envers l’État impérialiste. Ils doivent reconnaître le droit de défense armée des colonies contre l’impérialisme (droit à l’insurrection et à la guerre révolutionnaire), et préconiser et appuyer énergiquement cette lutte par tous les moyens. Les PC ont le même devoir à l’égard de toutes les nations opprimées.

Dans les colonies et semi-colonies, les PC doivent combattre opiniâtrement l’impérialisme étranger, tout en préconisant obligatoirement le rapprochement et l’alliance avec le prolétariat des pays impérialistes ; lancer, répandre et appliquer ouvertement le mot d’ordre de la révolution agraire en soulevant les grandes masses de paysans pour le renversement du joug des propriétaires fonciers et en combattant l’influence réactionnaire et médiévale du clergé, des missions et d’autres éléments analogues.

La tâche fondamentale est ici de former des organisations indépendantes d’ouvriers et de paysans (P.C. comme parti de classe du prolétariat, Syndicats, ligues et Comités de paysans, Soviets dans les situations révolutionnaires, etc.) et de les soustraire à l’influence de la bourgeoisie nationale, avec laquelle des accords temporaires ne sont admissibles que dans la mesure où elle n’entrave pas l’organisation révolutionnaire des ouvriers et des paysans et où elle combat effectivement l’impérialisme.

Tout PC doit tenir compte, dans la détermination de sa tactique, de la situation concrète intérieure et extérieure, du rapport des forces sociales, du degré de stabilité et de vigueur de la bourgeoisie, du degré de préparation du prolétariat, de l’attitude des couches intermédiaires, etc.

C’est en s’inspirant de ces conditions générales et de la nécessité de mobiliser, d’organiser les masses les plus étendues au moment le plus aigu de la lutte que le Parti formule ses mots d’ordre et précise ses méthodes de combat. Lançant des mots d’ordre transitoires au début d’une situation révolutionnaire et formulant des revendications partielles déterminées par la situation concrète, le Parti doit subordonner ces revendications et ces mots d’ordre à son but révolutionnaire qui est la prise du pouvoir et le renversement de la société capitaliste-bourgeoise.

Il serait également inadmissible que le Parti négligeât les besoins et la lutte quotidienne de la classe ouvrière ou se confinât au contraire dans les limites de ces besoins et de cette lutte. Sa mission est de prendre ces besoins quotidiens comme point de départ et de conduire la classe ouvrière à la bataille révolutionnaire pour le pouvoir.

Lorsqu’une poussée révolutionnaire a lieu, lorsque les classes dirigeantes sont désorganisées, les masses en état d’effervescence révolutionnaire, les couches sociales intermédiaires disposées dans leurs hésitations à se joindre au prolétariat, lorsque les masses sont prêtes au combat et aux sacrifices, le Parti du prolétariat a pour but de les mener directement à l’assaut de l’État bourgeois.

Il le fait par la propagande de mots d’ordre transitoires de plus en plus accentués (Soviets, contrôle ouvrier de la production, Comités paysans pour l’expropriation de la grande propriété foncière, désarmement de la bourgeoisie, armement du prolétariat, etc.) et par l’organisation d’actions des masses, auxquelles doivent être subordonnées toutes les formes de l’agitation et de la propagande du Parti, y compris l’agitation parlementaire.

À ces actions de masses se rapportent : les grèves et les manifestations combinées, les grèves combinées avec les manifestations armées, enfin la grève générale liée à l’insurrection armée contre le pouvoir d’État de la bourgeoisie.

Cette dernière forme supérieure de la lutte est soumise aux règles de l’art militaire ; elle suppose un plan stratégique des opérations offensives, l’abnégation et l’héroïsme du prolétariat.

Les actions de cette sorte sont obligatoirement conditionnées par l’organisation des grandes masses en formation de combat, dont la forme même entraîne et met en branle le plus grand nombre possible de travailleurs (Soviets des députés ouvriers et paysans, Soviets de soldats, etc.) et par un renforcement du travail révolutionnaire dans l’armée et dans la flotte.

Il est nécessaire de s’inspirer, en passant à des mots d’ordre nouveaux plus accentués, de la règle fondamentale de tactique politique du léninisme. Cette règle veut que l’on sache amener les masses à des positions révolutionnaires, en leur permettant de se convaincre par leurs propres expériences de la justesse de la politique du Parti.

L’inobservation de cette règle mène inévitablement à la rupture avec les masses, au «putschisme», à la dégénérescence idéologique du communisme qui aboutit à un sectarisme de «gauche» et à un aventurisme «révolutionnaire» petit-bourgeois.

Mais il n’est pas moins dangereux de ne pas mettre à profit l’apogée d’une situation révolutionnaire lorsqu’il est du devoir du Parti d’attaquer l’ennemi avec audace et décision. Manquer cette occasion, ne pas déclencher l’insurrection, c’est laisser l’initiative à l’adversaire et vouer la révolution à une défaite.

Quand la poussée révolutionnaire fait défaut, les PC s’inspirant des besoins quotidiens des travailleurs doivent formuler des mots d’ordre et des revendications partielles en les rattachant aux objectifs fondamentaux de l’IC Ils se garderont cependant de donner des mots d’ordre transitoires spécialement appropriés à une situation révolutionnaire et qui, en l’absence de celle-ci, se transforment en des mots d’ordre d’intégration au système des organisations capitalistes (exemple : le contrôle ouvrier, etc.).

Les mots d’ordre et les revendications partielles conditionnent absolument, de façon générale, une bonne tactique ; les mots d’ordre transitoires sont inséparables d’une situation révolutionnaire. Il est, d’autre part, incompatible avec les principes tactiques du communisme de renoncer «en principe» aux revendications partielles et aux mots d’ordre transitoires, ce serait condamner en réalité le Parti à la passivité et l’isoler des masses.

La tactique du front unique, moyen le plus efficace de lutte contre le Capital et de mobilisation des masses dans un esprit de classe, moyen de démasquer et d’isoler les chefs réformistes, est un des éléments de la tactique des PC pendant toute la période prérévolutionnaire.

La juste application de la tactique du front unique, et plus généralement la solution du problème de la conquête des masses, suppose à son tour une action systématique et persévérante dans les Syndicats et dans les autres organisations de masses du prolétariat.

L’affiliation au Syndicat, fût-il le plus réactionnaire pourvu qu’il soit une organisation de masses, est de devoir immédiat de tout communiste. Ce n’est que par une action constante et suivie dans les Syndicats et dans les entreprises pour la défense énergique et ferme des intérêts des ouvriers — la bureaucratie réformiste étant parallèlement combattue sans merci —, que l’on peut se mettre à la tête de la lutte ouvrière et rallier au Parti la masse des syndiqués.

A l’encontre de la politique scissionniste des réformistes, les communistes défendent l’unité syndicale sur la base de la lutte de classes, dans chaque pays, et à l’échelle internationale en soutenant et en affermissant de toutes leurs forces l’action de l’Internationale syndicale rouge.

Prenant partout la défense des intérêts immédiats, quotidiens de la masse ouvrière et des travailleurs en général, exploitant à des fins d’agitation et de propagande révolutionnaire la tribune parlementaire bourgeoise, subordonnant tous les objectifs partiels à la lutte pour la dictature du prolétariat, les Partis de l’IC formulent des revendications partielles et donnent des mots d’ordre dans les principaux domaines suivants :

Question ouvrière — au sens étroit du mot : questions se rapportant à lutte économique (lutte contre l’offensive du capital trusté, salaires, journées de travail, arbitrage obligatoire, chômage) qui deviennent des questions de lutte politique générale (grands conflits industriels, droits de coalition et de grève, etc.); questions nettement politiques (impôts, cherté de la vie, fascisme, répression contre les partis révolutionnaires, terreur blanche, politique générale du gouvernement); questions de politique mondiale (attitude envers l’URSS et les révolutions coloniales, lutte pour l’unité du mouvement syndical international, lutte contre l’impérialisme et les menaces de guerre, préparation systématique à la lutte contre la guerre impérialiste).

Dans la question paysanne, le problème des impôts, des hypothèques, de la lutte contre le capital usurier, de la pénurie des terres dont souffrent les paysans pauvres, du fermage et des redevances, etc., suscitent des revendications partielles du même ordre.

Le PC partant de là, doit accentuer et généraliser ses mots d’ordre jusqu’à réclamer la confiscation des domaines des grands propriétaires fonciers et le gouvernement ouvrier et paysan (synonyme de dictature du prolétariat dans les pays capitalistes développés et synonyme de dictature démocratique du prolétariat et des paysans dans les pays arriérés et diverses colonies).

Il est également nécessaire de poursuivre une action systématique au sein de la jeunesse ouvrière et paysanne (principalement au moyen de l’ICJ. Et de ses Sections) ainsi que parmi les femmes ouvrières et paysannes, en s’inspirant de leurs conditions d’existence, de leurs luttes, et en rattachant leurs revendications aux revendications générales et aux mots d’ordre de combat du prolétariat.

Dans la lutte contre l’oppression des peuples coloniaux, les PC formulent dans les colonies mêmes des revendications partielles dictées par la situation particulière de chaque pays : égalité complète des nationalités et des races ; abolition des privilèges des étrangers ; liberté d’association pour les ouvriers et les paysans ; diminution de la journée de travail ; interdiction du travail des enfants ; abolition des contrats spoliateurs et usuriers ; réduction et suppression du fermage ; diminution des impôts ; refus de payer les impôts, etc., etc.

Tous ces mots d’ordre partiels doivent être subordonnés aux revendications essentielles des PC : indépendance complète du pays, expulsion des impérialistes, gouvernement ouvrier et paysan, la terre au peuple, journée de huit heures, etc.

Dans les pays de l’impérialisme, les PC ont le devoir de soutenir cette lutte des colonies, de réclamer avec ténacité le rappel des troupes impérialistes, de défendre par la propagande dans l’armée et la flotte les pays opprimés luttant pour leur émancipation, de mobiliser les masses pour le boycottage du transport des troupes et des armes, d’organiser, en relation avec ces actions, des grèves et d’autres formes de protestations de masses, etc.

L’IC doit porter une attention particulière à la préparation systématique de la lutte contre les dangers de guerre impérialiste.

Démasquer impitoyablement le social-chauvinisme, le social- impérialisme, les phrases pacifistes qui dissimulent les dessins impérialistes de la bourgeoisie ; répandre les mots d’ordre essentiels de l’IC ; poursuivre chaque jour un travail d’organisation dans ce sens et en combiner obligatoirement les formes légales et illégales ; poursuivre un travail organisé dans l’armée et la flotte, telle doit être l’activité des PC Les morts d’ordre fondamentaux de l’IC doivent être les suivants : transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, défaite de  «son propre » gouvernement impérialiste, défense par tous les moyens de l’URSS et des colonies en cas de guerre impérialiste contre elles.

La propagande de ces mots d’ordre, la dénonciation des sophismes  «socialistes » et du camouflage  «socialiste » de la Société des nations, le rappel constant de l’expérience de la guerre de 1914-18, sont des devoirs impératifs qui incombent à toutes les Sections et à tous les membres de l’IC

La coordination du travail et des actions révolutionnaires et leur bonne direction imposent au prolétariat international une discipline internationale de classe, dont la discipline internationale la plus rigoureuse dans les rangs des PC est la condition essentielle. Cette discipline communiste internationale doit se traduire par la subordination des intérêts partiels et locaux du mouvement à ses intérêts généraux et permanents, et par la stricte application de toutes les décisions des organes dirigeants de l’IC par tous les communistes.

À l’inverse de la 2e Internationale social-démocrate où chaque parti se soumet à la discipline de  «sa propre » bourgeoisie nationale et de sa  «patrie », les Sections de l’IC ne connaissent qu’une discipline, celle du prolétariat international qui assure la lutte victorieuse des ouvriers de tous les pays pour la dictature mondiale du prolétariat.

À l’inverse de la 2e Internationale, qui divise les Syndicats, combat les peuples coloniaux et s’unit à la bourgeoisie, l’IC est l’organisation qui défend l’unité des prolétaires de tous les pays, des travailleurs de toutes les races et de tous les peuples en lutte contre le joug impérialiste.

Quelle que soit la terreur sanglante de la bourgeoisie, les communistes mènent ce combat avec abnégation et courage, sur tous les secteurs du front international de la lutte de classes, fermement convaincus de l’inévitabilité et de l’inéluctabilité de la victoire du prolétariat.

«Les communistes ne s’abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l’ordre social traditionnel».

«Que les classes dirigeantes tremblent à l’idée d’une révolution communiste. Les prolétaires n’ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner».

«Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !»

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de l’Internationale Communiste

La question américaine au sixième congrès de l’Internationale Communiste

Ce qui apparaît, bien après le sixième congrès et en profitant du recul, c’est que la clef est la question américaine. Il y a deux aspects : d’un côté, la question de l’implantation réelle du Parti Communiste, de l’autre le développement du capitalisme qui y a lieu.

Ce qui est marquant, déjà, c’est que dans ce pays marqué par un important chômage provoqué par la rationalisation de la production, le Parti Communiste n’arrive pas à avancer, alors que l’impérialisme américain a profité inversement de manière absolue de l’affaiblissement des capitalismes d’Europe de l’Ouest.

L’impérialisme américain est agressif et progresse à pas de géants, cependant les communistes de ce pays ne parviennent pas à déborder la réforme malgré les énormes complications sociales provoquées par la dynamique capitaliste américaine.

On l’aura compris, ils n’arrivent pas à saisir les États-Unis comme réalité historique et courent derrière des questions sociales, sans disposer d’une mise en perspective.

Le Parti Communiste des États-Unis n’a de ce fait pas réussi à intégrer des afro-américains et il ne comprend pas pourquoi, alors qu’il a levé le drapeau de l’internationalisme.

Il faudra attendre les années suivant le congrès pour un intense travail en ce domaine, sous l’impulsion de Harry Haywood théorisant cet aspect. Il résumera son point de vue en 1948 dans l’ouvrage Negro Liberation, Harry Haywood devenant la figure majeure de la question afro-américaine du point de vue communiste ; après 1953 il réfutera le révisionnisme et sera un ardent partisan de Mao Zedong.

Harry Haywood

Il y a ensuite la question de l’analyse de l’approfondissement du mode de production capitaliste, de son enracinement dans le 24 heures sur 24 de la vie quotidienne. L’Internationale Communiste passe complètement à côté de cette question ; pour eux, la question est pliée, le capitalisme n’aura de toutes façons pas le temps de se développer.

Seul Boukharine cherche à analyser en profondeur ce qui se déroule aux États-Unis, mais il passe totalement à côté du sujet.

Il prétend ainsi que :

« Ces transformations techniques, qui, dans certains pays, en premier lieu aux États-Unis et en Allemagne, constituent presque un bouleversement technique, sont liées à la « trustification » de l’économie nationale, à la création de consortiums bancaires colossaux et à la progression des tendances au capitalisme d’État sous des formes diverses.

Sous de nouvelles formes, se développe de plus en plus le processus d’unification des trusts, cartels, consortiums bancaires, avec les organes d’État de la bourgeoisie impérialiste.

Nous le constatons en Italie au Japon, aux États-Unis, en Allemagne, sous les formes les plus diverses. C’est ainsi que (aux États-Unis) Hoover peut être appelé à juste titre le ‘’directeur général des trusts.’’ »

C’est là considérer un « capitalisme organisé » et non pas voir le développement en écho du capital en activité dans des secteurs toujours plus divers. Il y a pour cette raison une lecture quantitative du décalage entre les États-Unis et les autres pays, sans compréhension de la qualité acquise par le développement capitaliste américain, qui ne connaît pas de limites.

Pour lui, la crise aboutit à la disproportion entre le capitalisme américain et les autres capitalismes, et il ne voit pas l’autre aspect que la disproportion constitue également un développement inégal, que les États-Unis sont le lieu du capitalisme s’élançant librement.

Boukharine se heurte très clairement à cette question :

« J’ai déjà mentionné le fait du passage de la situation directement révolutionnaire d’Europe en Orient et dans la périphérie coloniale en général. C’est également le résultat de la crise d’après-guerre, mais les puissants troubles révolutionnaires, sur cette périphérie du capitalisme, ne sont-ils pas l’expression d’une crise profonde?

Ensuite, que signifie la disproportion entre les États-Unis et l’Europe, qui essaye de se libérer de l’hégémonie américaine ? Cette disproportion signifie également un changement dans la structure du système de l’économie mondiale.

Enfin, le rétrécissement des marchés à l’intérieur des pays capitalistes, la ruine et le paupérisme dans les colonies, en transformant la question des relations mutuelles entre la production et la consommation, sont loin de constituer des conditions « normales » pour le capitalisme. »

Ainsi, la guerre est ici un produit mécanique d’un objectif : conquérir des territoires ; on retombe sur la conception erronée de Rosa Luxembourg. C’est particulièrement clair lorsque Boukharine dit que :

« Nous observons à l’heure actuelle une série d’antagonismes des plus aigus, qui se développent dans diverses directions : Amérique-Grande-Bretagne, Allemagne-France, Italie-France, etc. (…).

Prenons par exemple les États-Unis d’une part et l’Angleterre, d’autre part. Nous observons un fort développement du capitalisme américain, tandis que les États-Unis ne sont pas jusqu’ici une grande puissance coloniale.

L’Empire mondial de la Grande-Bretagne est un empire colonial. Or, on peut précisément dire de l’Angleterre qu’elle subit une période de décadence, malgré son puissant monopole colonial.

Un décalage similaire se retrouve également dans d’autres pays.

Prenons l’Allemagne actuelle : au point de vue économico-technique, c’est un pays de « première rang » cependant elle n’a ni colonie, ni mandat, ni protectorat. Il est pareillement intéressant de comparer l’Italie avec l’Espagne, et ainsi de suite.

Mais comme ces antagonismes sont liés à la croissance des forces productives, ils provoqueront un nouveau partage du monde, des colonies ou d’autres territoires. Et cela signifie la guerre.

Il résulte de l’analyse économique générale de l’économie mondiale présente, du point de vue des rapports spécifiques entre les pays impérialistes, du point de vue de la crise générale du capitalisme, à partir de tous ces points décisifs, que la guerre constitue le problème capital du jour. »

Boukharine rate en fait le développement américain, qu’il ne parvient à lire que dans ses rapports avec le reste du capitalisme mondial. Cela va empêcher d’analyser le capitalisme américain dans sa particularité, et donc de prévoir la crise de 1929, alors que l’Internationale Communiste anticipait déjà des troubles profonds à ce niveau aux États-Unis.

De là viendra l’incapacité à voir comment la particularité américaine va se généraliser à l’ensemble des pays capitalistes après 1945.

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de l’Internationale Communiste

La question coloniale au sixième congrès de l’Internationale Communiste

Lorsque le sixième congrès de l’Internationale Communiste s’ouvre le 17 juillet 1928, la situation est à la fois totalement différente et entièrement similaire de lors du premier congrès. On vient de fêter les dix ans de la révolution d’Octobre 1917 et pourtant la vague révolutionnaire n’a pas abouti à la formation de nouveaux pays socialistes.

Pourtant, les Partis Communistes se sont formés dans le monde entier et l’agitation révolutionnaire est puissamment active, alors qu’il est clair que les États capitalistes se précipitent dans une nouvelle guerre mondiale.

Dès le départ, mentionnant la terrible répression anticommuniste dans les pays capitalistes, Boukharine mentionne un pays où une incroyable effervescence se produit : la Chine. Tel est le panorama : d’un côté, une défaite de la vague immédiate suivant la révolution russe, de l’autre un prolongement de la vague générale, impliquant cependant des complexités innombrables dans son processus.

Et, dans ce cadre, la question coloniale apparaît comme ayant pris une importance capitale. C’était prévu, depuis le début l’Internationale Communiste cherche à être en mesure d’aborder correctement cette question, d’en faire un aspect solide de son identité. Le sixième congrès ici est un tournant, puisque c’est enfin chose faite.

Une conférence de l’Internationale Communiste en 1927; sous le point rouge, Ho Chi Minh

Si les trotskystes peuvent aussi aisément dénoncer le « recul » de la radicalité de l’Internationale Communiste, c’est parce qu’ils se focalisent sur les pays européens et nient les révolutions dans les pays dominés ; ils ne « voient » ainsi pas l’énorme activité de l’Internationale Communiste.

C’est le japonais Katayama Sen qui, au début du sixième congrès, résume bien cet aspect, dans un manifeste sur la révolution chinoise rédigée par les communistes américains, anglais et japonais, soit ceux des principales puissances impérialistes alors :

« Le sixième congrès voit comme une de ses principales tâches l’organisation des forces internationales du prolétariat en soutien de la lutte national-révolutionnaire et une accélération de la victoire de la révolution chinoise. »

C’est le Finlandais Otto Kuusinen, lors de la 29e session (il y en eut 46 en tout), qui exposa les questions du mouvement révolutionnaire dans les colonies ; il explique à ce sujet que :

« La Chine est le seul pays colonial où nous ayons un parti massif. Dans les autres colonies et semi-colonies, même dans les plus importantes, nous ne possédons pas de véritable parti. Notre tâche la plus importante, dans les pays coloniaux, consiste par conséquent à y créer des partis communistes (…) .

Nous avons été témoins du soulèvement de la première grande vague du mouvement révolutionnaire colonial : d’abord dans l’ Inde et en Égypte, ensuite en Chine, en Indonésie, etc. Cette première vague a été repoussée.

Mais déjà la seconde vague révolutionnaire approche.

Elle doit aboutir à la libération des peuples coloniaux, grâce à la lutte des masses ouvrières et paysannes. Les décisions du VIe Congrès mondial serviront de guides au mouvement révolutionnaire ouvrier et paysan des pays coloniaux. »

De fait, pour la première fois, un congrès de l’Internationale Communiste affronte réellement la question coloniale, et elle le fait de manière très approfondie. Il y a deux raisons pour cela. La première, c’est qu’il a fallu disposer de relais dans les pays coloniaux et si au départ il n’y avait que des éléments isolés, il y a désormais de vraies structures dans certains pays.

De l’autre, la vague de la révolution mondiale s’était déportée en Asie. La Chine est en effervescence, mais l’insurrection de Canton en 1927 a échoué, scellant par là la tentative seulement urbaine et ouvrière et réfutant définitivement le trotskysme en Chine. L’avenir est désormais à la ligne de Mao Zedong.

La question qui se pose justement alors est la suivante : si effectivement il faut bien mobiliser les paysans (et donc Trotsky a tort avec sa révolution permanente censée être purement ouvrière, sans étapes), comment faut-il interpréter la situation de la bourgeoisie nationale ?

De plus, dans certains pays, il y a des mouvements nationaux-révolutionnaires aux velléités indépendantistes, et même des courants panislamiques. Comment les interpréter ?

Ho Chi Minh

Le congrès réfute déjà une théorie, celle de la « décolonisation ». Certains pensent que l’Inde s’industrialise ; selon les économistes bourgeois, elle serait déjà dans les huit principaux pays industriels. Cette conception nie que l’impérialisme parasite les pays opprimés, elle est réfutée.

Il est également constaté que la social-démocratie n’a aucune ligne concernant la question coloniale. Elle a abandonné les positions d’avant 1914 et se contente désormais d’accompagner la modernisation impérialiste dans les colonies, sous des prétextes de réformes.

Restait à savoir quelle ligne adopter. Concrètement, cela concerne quelques pays en particulier, là où il y a suffisamment de cadres communistes bien implantés pour avoir un impact national : la Chine bien sûr, mais également l’Inde et l’Indonésie, ainsi que l’Indochine. Il ressort, surtout de l’expérience chinoise, qu’il faut faire de la bourgeoisie nationale une alliée, mais nullement s’y subordonner.

La question se posait pareillement en Amérique latine, où si les luttes de classes se développaient, elles n’avaient pas le niveau d’affrontement asiatique. Les communistes avaient des partis significatifs au Brésil et au Mexique désormais.

Cependant, en Argentine les problèmes internes posaient un réel souci ; en Colombie il existe un Parti socialiste révolutionnaire qui deviendra le Parti Communiste Colombien en 1930, mais il existe en son sein une forte orientation syndicaliste-révolutionnaire.

Au Pérou il se formera à la fin de l’année 1928, sous l’impulsion de José Carlos Mariategui, un Parti Socialiste péruvien adhérant à l’Internationale Communiste et devenant le Parti Communiste péruvien en 1930. Au Venezuela, le Parti se formera en 1931.

José Carlos Mariategui

Le souci est que ces pays étant formellement indépendants, les communistes avaient beaucoup de mal à saisir leur nature semi-coloniale. Pour eux, leur pays était réellement indépendant, même s’il était influencé. La lecture des rapports entre les classes était pour cette raison malaisée.

La présence de l’impérialisme américain était pourtant flagrante ; entre 1912 et 1928, les investissements américains avaient augmenté de 82 % au Pérou, de 676 % au Brésil, de 1026 % en Argentine, de 2906 % au Chili, de 5300 % au Venezuela, de 6000 % en Colombie.

L’Internationale Communiste constatait bien qu’il y avait d’un côté les grands propriétaires terriens, de l’autre une bourgeoisie. Mais elle distinguait en fait mal comment la bourgeoisie consistait en la bourgeoisie nationale, la bourgeoisie compradore servant d’intermédiaire et en la bourgeoisie bureaucratique qui est, elle, vendue à l’impérialisme.

Elle ne maîtrisait pas encore le principe du capitalisme bureaucratique, capitalisme déformé au service de l’impérialisme. Cela ne sera lisible qu’avec le maoïsme et en attendant les communistes bataillent pour interpréter des mouvements bourgeois d’apparence libérale, voire même libéral en tant que tel, mais inconstant, oscillant, etc.

Or, cela une conséquence fondamentale. En effet, si l’on ne comprend pas le capitalisme bureaucratique, on voit qu’un pays peut être une semi-colonie avec des grands propriétaires terriens, mais on ne sait pas où est l’aspect principal.

Dans les faits, il s’agit du semi-féodalisme, car il est l’arriération permettant la domination impérialiste. Mais en l’absence de cette compréhension, on oscille alors entre une affirmation anti-impérialiste et une lutte anti-féodale, sans savoir quel est le fil conducteur.

L’Internationale Communiste prônait ainsi bien une révolution en deux étapes ininterrompues : d’abord une phase révolutionnaire bourgeoise-démocratique, ensuite une phase prolétarienne. Mais la première était mal ou pas définie et le passage naturel de l’un à l’autre était encore peu clair et plus deviné qu’autre chose.

Cela se relie particulièrement à la question de la mobilisation des masses opprimées par le colonialisme, notamment pour les pays dominés par un autre pays où il y a un Parti Communiste qui existe de manière relativement forte. La France est bien entendu concernée, avec la question du soutien aux communistes d’Afrique du Nord ; il y a également la Hollande avec l’Indonésie.

À ce sujet, l’Italien Ercoli (c’est-à-dire Palmiro Togliatti) dit que :

« J’estime que le défaut fondamental de l’activité de nos sections dans les colonies, défaut qui est peut-être une conséquence de tendances plus ou moins inspirées par la social-démocratie, est que nous ne cherchons pas suffisamment à établir la liaison avec les mouvements des indigènes.

Dans les colonies elles-mêmes, nous devons lutter contre le réformisme et montrer au prolétariat des pays dits civilisés, au prolétariat naissant des colonies, nous devons leur montrer à tous, dans notre lutte quotidienne, le seul chemin qui les mènera à la libération.

En même temps, ils doivent comprendre que la voie des compromis, proposés par la social-démocratie, conduit à la coopération avec l’impérialisme et que la victoire n’est possible que sous le drapeau du prolétariat, qui lutte sciemment pour la libération du monde entier, sous l’étendard de l’Internationale Communiste. (Applaudissements.) »

Concrètement, le mouvement communiste international ne parviendra effectivement jamais à passer le cap et à se développer en Afrique, à part dans les pays d’Afrique du Nord, ainsi qu’en Afrique du Sud.

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de l’Internationale Communiste

Les foyers impérialistes de guerre et la question polonaise au moment du sixième congrès de l’Internationale Communiste

Au moment du sixième congrès de l’Internationale Communiste, les contradictions inter-impérialistes battent leur plein.

La Grèce et la Bulgarie sont sous la coupe britannique, la Tchécoslovaquie et la Roumanie sous la coupe française. La Yougoslavie est au cœur d’une rivalité franco-britannique, l’Italie bien plus faible cherchant à s’y faire une place, tout en visant également l’Autriche.

À cela s’ajoute en Europe des questions nationales multiples nées du découpage de 1918 (la Hongrie a perdu une partie significative de sa population, le Sud-Tyrol autrichien est désormais italien, la Macédoine est à cheval sur plusieurs pays, etc.).

Le Bulgare Vassil Kolarov, membre du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste, souligne d’ailleurs que dès que la guerre serait déclarée, il faudrait dans les zones des nations opprimées immédiatement aller dans les montagnes pour lancer la guerre de guérilla.

L’Écossais Tom Bell présente comme suite le noyau dur de la dynamique conflictuelle inter-impérialiste :

« L’ antagonisme anglo-américain est, à l’heure actuelle. l’antagonisme fondamental.

Son développement futur conduira inévitablement à la guerre. Les années qui viennent seront remplies par les préparatifs militaires et politiques de la prochaine guerre.

Ses principaux participants seront la Grande-Bretagne et l’Amérique. Cette préparation sera la clé fondamentale de la situation internationale dans la période qui vient. »

Il souligne que la prochaine guerre sera d’une ampleur bien plus grande encore qu’en 1914-1918 ; c’est un exemple tout à fait parlant de comment, dès 1928, l’Internationale Communiste a parfaitement compris la tendance historique du moment :

« Nous sommes témoins d’un développement ininterrompu du militarisme et d’une accélération gigantesque du rythme de la préparation à la guerre des pays dits grandes puissances.

Les chiffres que nous possédons montrent nettement, que la prochaine guerre impérialiste dépassera en ampleur la guerre de 1914-18. que personne n’a plus l’audace d’appeler la dernière des guerres. »

Il mentionne également un aspect essentiel, celui de la Pologne :

« Pour conclure, je veux indiquer que, précisément au moment où nous débattons au Congrès la question de l’attitude de l’Internationale Communiste devant la guerre, nous apprenons que le conflit entre la Pologne et la Lituanie s’est considérablement aggravé.

C’est le résultat inévitable des intrigues des puissances impérialistes. Ces événements doivent également nous rappeler la nécessité de renforcer notre action anti-militariste et d’exécuter les tâches, que le Congrès de l’Internationale nous impose.

Nous devons, dans les circonstances actuelles, défendre le gouvernement soviétique plus délibérément que jamais. Les derniers événements en Pologne confirment notre tactique fondamentale dans la question de la guerre, qui constitue en ce moment le problème principal, qui se pose devant l’Internationale Communiste.

Nous devons nous préparer à la crise qui vient, et qui sera indiscutablement une dure épreuve pour l’Internationale Communiste. »

La question polonaise est effectivement essentielle, alors que dans les pays voisins de l’URSS, en Lettonie, en Lituanie, en Estonie et en Finlande, sous influence britannique (et sous pression polonaise), les organisations du mouvement ouvrier sont écrasées et qu’il y a une mobilisation sur une base nationaliste des forces armées, voire même de la population.

La Pologne écrasa pareillement violemment la Hramada, une structure paysanne biélorusse regroupant 100 000 paysans.

C’est que l’expansionnisme polonais est particulièrement violent ; à sa tête, on a Józef Piłsudski, dont l’obsession est la destruction de la Russie pour laisser la place à un empire polonais.

Initialement socialiste, Józef Piłsudski prit le pouvoir par un coup d’État en 1926 et développa un régime autoritaire nationaliste anticommuniste, équivalent à celui de la Finlande. La différence était que l’expansionnisme polonais, dans la nostalgie de l’empire passée, était extrêmement violent.

Józef Piłsudski en mai 1926 au moment du coup d’Etat

La Pologne de Józef Piłsudski s’appuyait sur deux fondements :

– le prométhéisme, c’est-à-dire l’appui aux forces centrifuges en URSS pour provoquer son éclatement, ce qui signifie argent, matériel et espions envoyés en soutien aux forces nationalistes ;

– l’établissement de la Fédération entre Mers, sous l’égide de la Pologne bien entendu, englobant en plus d’elle la Lituanie, la Biélorussie et l’Ukraine.

Ce dernier point est essentiel. Si le discours polonais vise à présenter cette nation de manière unilatérale comme « martyr », en réalité elle a été un empire qui n’a pas tenu. La République des Deux Nations, avec la Lituanie et la Pologne, a été une grande puissance de 1569 à 1795 ; en 1610, les forces polonaises sont à Moscou et nomment un tsar catholique pour vassaliser la Russie.

Ce fut un échec complet et la Pologne fut même ensuite rayée de la carte de 1795 à 1918, subissant alors une terrible oppression nationale autrichienne, prussienne et russe.

Józef Piłsudski intervient ici comme expression du courant polonais revanchiste, voulant refaire de la Pologne une grande puissance au cœur de l’Europe de l’Est. Une grande polémique stratégique eut d’ailleurs lieu à l’époque chez les réactionnaires, alors que la Pologne avait 27 millions d’habitants, dont un tiers de non polonais occupant toute la partie est du pays.

Le concurrent du socialiste « impérial » Józef Piłsudski était le « national-démocrate » Roman Dmowski, qui prônait une Pologne « ethniquement homogène », uniquement catholique, avec également une alliance avec la Russie. Le « camp de la Grande Pologne » de Roman Dmowski adopta toujours plus une ligne ouvertement fasciste, dans une version donc nationaliste étroite, à l’opposé de la lecture impériale de Józef Piłsudski.

Ce dernier, avec sa vision expansionniste, était évidemment un levier formidable pour les pays capitalistes pour pousser à la déstabilisation de l’URSS ; d’innombrables campagnes d’espionnage et de sabotage partirent de Pologne.

Le grand souci était qui plus est que dans toute cette fièvre nationaliste polonaise, le Parti Communiste ne parvenait pas à avancer, plafonnant en dessous de 20 000 membres, tout en se divisant en de multiples fractions scissionnistes, représentant une véritable catastrophe aux yeux de l’Internationale Communiste qui devait constamment faire la police.

Celle-ci va d’ailleurs pas moins que dissoudre en août 1938 à la fois le Parti Communiste de Pologne, le Parti Communiste de Biélorussie occidentale et celui d’Ukraine occidentale, considérant qu’ils ont été infiltrés par les services secrets polonais.

Cette situation polonaise joua un rôle immense dans la priorité stratégique soviétique de neutraliser à tout prix la Pologne en cas de guerre mondiale.

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de l’Internationale Communiste

Le sixième congrès de l’Internationale Communiste et la menace très concrète de guerre contre l’URSS

Si l’Internationale Communiste est dominée en large partie par une approche techniciste, c’est que pour elle il y a urgence. Il y avait urgence, alors que la vague révolutionnaire mondial se lançait ; il y a désormais urgence par rapport à la menace d’une guerre contre l’URSS.

La Pravda du 17 juillet 1928, le jour de l’ouverture du sixième congrès, pose ainsi dans son article sur Le Congrès communiste mondial, évidemment en tête de ce quotidien, que :

« Premièrement, la question de la guerre se trouve posée, devant le VIe Congrès de l’Internationale Communiste, comme la plus importante de l’ordre du jour.

La bourgeoisie prépare (et a déjà commencé sur certains points), de nouvelles guerres, tandis que la social-démocratie de chaque pays, en criant qu’elle lutte pour la paix, fait campagne contre ceux, que lui désigne la bourgeoisie de son pays.

Elle attaque l’U.R.S.S., elle attaque la révolution chinoise, elle excite les antagonismes nationaux des peuples de l’Europe et des autres parties du monde.

La question de la guerre ne saurait être posée devant le Congrès de l’Internationale Communiste, sans être liée à la question du renforcement de la lutte contre la social-démocratie et les réformistes.

C’est la deuxième des questions qu’il aura à traiter. Le Congrès devra donc élaborer les mesures pratiques, que les partis communistes doivent prendre aussi bien avant la guerre qu’au début de la guerre. »

La Pravda publia également à cette occasion un message d’Ernst Thälmann, dirigeant du Parti Communiste d’Allemagne, axant pareillement l’actualité par rapport à la menace de guerre contre l’URSS :

« Le point central des tâches, qui s’imposent à tous les partis communistes, et en particulier à la section allemande de l’Internationale communiste, est la lutte contre le redoutable danger d’une nouvelle guerre impérialiste contre l’Union soviétique.

Le capitalisme allemand, qui a repris des forces, prend également part avec zèle à la préparation de cette guerre.

Le gouvernement socialiste actuel de l’Allemagne coopérera, dans le domaine de la politique extérieure, à la préparation de la guerre. A l’intérieur du pays, il mènera la politique réactionnaire des patrons, politique qui consiste à asservir les travailleurs.

Le parti communiste, sans hésiter une minute, luttera de la manière la plus impitoyable et la plus acharnée contre ce gouvernement de social-traîtres. Il mettra en jeu tous les moyens pour déterminer les masses prolétariennes à lutter pour son renversement. »

Dès le début du congrès, Ernst Thälmann insiste sur cet aspect :

« Nous pensons que dans le moment historique présent l’Internationale Communiste saura passer sa grande épreuve du feu dans les tempêtes de la guerre à venir, tout comme le Parti russe s’est maintenue victorieusement durant la guerre mondiale. »

La menace de guerre contre l’URSS, alors que la guerre impérialiste est inéluctable, est ainsi un leitmotiv du sixième congrès ; l’Ecossais Tom Bell, qui présente cette question, souligne que non seulement tout Parti Communiste doit lutter contre cette menace, mais que toutes les activités de chaque parti doit également posséder un rapport avec cela.

Au sens strict, le sixième congrès définit le parti communiste de chaque pays comme la force révolutionnaire luttant contre la crise générale du capitalisme qui s’est transformée en élan vers une guerre impérialiste relativement imminente, avec l’URSS étant à protéger à tout prix.

Eugen Varga résume le point de vue du congrès en disant :

« Camarades ! Notre congrès a comme tâche de tirer les leçons stratégiques sur la base de l’analyse des périodes passées et de constater les tâches actuelles pour les prochaines années.

Le point central du développement des prochaines années est sans aucun doute le danger de guerre : la tâche principale de l’ensemble du mouvement communiste dans ces prochaines années est de détourner le danger de guerre menaçant l’Union Soviétique. »

Les délégués des différents pays, lors de leurs interventions, accordèrent une place significative à cette question, en présentant la situation relative à cela chez eux. Le communiste italien Garlandi (en fait Ruggero Grieco) nota par exemple la situation profondément instable dans son pays et expliqua ainsi avec justesse que :

« Le fascisme ne peut plus désormais que tenter de sortir de la crise économique par la guerre. »

L’Allemand Ernst Schneller constata que l’Allemagne profitait du soutien de l’impérialisme américain, ce dernier cherchant à empêcher la concurrence d’une alliance franco-britannique. Or, de par l’immense force des monopoles en Allemagne, cela aboutit à une redynamisation rapide de l’impérialisme allemand. La menace de guerre contre l’URSS est tout à fait réelle.

Le Français Henri Barbé – quelques mois après il deviendra pratiquement le dirigeant du PCF, pour finalement rejoindre le fascisme aux côtés de Jacques Doriot – présenta les chiffres concernant la course française aux armements. Le budget de la marine avait quadruplé entre 1922 et 1928 ; le budget général des armées était en 1927/1928 le double d’avant 1914.

Le nombre d’appelés chaque année s’élève à 240 000, à quoi s’ajoutent 150 000 soldats de métier, 30 000 officiers, 45 000 gendarmes, 200 000 hommes dans les troupes coloniales.

L’Américain Jay Lovestone – qui devint par la suite rapidement un « oppositionnel » boukharinien puis un anticommuniste patenté – présenta de son côté la force incroyable de l’économie américaine, qui a pratiquement doublé en vingt ans avant 1914, puis encore doublé en dix ans depuis la fin de la guerre mondiale.

30 % du budget allait pour le renforcement de sa marine militaire ; la doctrine Monroe faisait de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale un protectorat américain. Seuls l’Argentine, le Brésil et le Chili parviennent un tant soit peu à disposer d’une certaine autonomie.

Dans ce cadre, les États-Unis se présentent comme une force de « paix » afin d’affaiblir les puissances coloniales et de conquérir des zones d’influence nouvelles. Ils sont particulièrement en concurrence avec l’empire britannique, qui a par ailleurs été chassé du Canada, passé sous la coupe américaine.

Tous ces pays poussent naturellement également à une guerre avec l’URSS, mais le pays qui est en première ligne pour cela est la Pologne.

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de l’Internationale Communiste

Union et désunion dans les rangs au sixième congrès de l’Internationale Communiste

Dans la foulée de la présentation du bilan de la direction par Boukharine, pratiquement 90 orateurs prennent la parole. Cela est marqué par trois soucis.

Tout d’abord, il y a des orateurs du même pays, du même Parti, qui interviennent et se dénoncent les uns les autres, ou bien la majorité, la minorité, etc. Ensuite, tous ces orateurs parlent comme si tout le monde connaissait en détail la situation chez eux, ce qui est vrai de la part de la direction de l’Internationale Communiste, mais naturellement pas des délégués en général.

On a notamment les délégués américains qui intervinrent à de nombreuses reprises, s’étalant sur la situation dans leur pays et sur les problèmes internes du Parti, accaparant une énergie importante.

Cela signifie ainsi que les orateurs prennent la parole, disent qu’ils soutiennent les thèses du rapport de la direction, puis se lancent dans leur interprétation de la situation dans leur pays, dénoncent X ou Y, les accusent d’être la source des maux du Parti, rentrent dans les détails, perdant de ce fait forcément tout le monde en cours de route.

Cela ressemble, en apparence au moins, aux congrès précédents, sauf qu’il y a deux aspects bien différents. Il y a d’abord la quantité : bien plus de personnes ont prises la parole. Il y a ensuite la qualité : la présentation de la situation dans le pays et dans le Parti est à chaque fois très détaillée, très précise.

Or, à partir du moment où l’on est désormais dans une capacité opérationnelle avec un certain niveau, une certaine dimension, tout cela n’est plus possible et il faut aller de l’avant. De fait, le ménage commence à être fait. Ainsi, Hans Tittel est le seul représentant de l’aile droite du KPD au VIe congrès ; il se fera qui plus est exclure du Parti à la fin de l’année. L’expulsion des éléments d’ultra-gauche ou déviant à droite a d’ailleurs en général déjà été lancé.

Au VIe congrès, Ercoli (c’est-à-dire Palmiro Togliatti) souligne d’ailleurs qu’à part le parti italien ayant combattu tant l’ultra-gauche que les déviations droitières, tous les autres partis pratiquement ont changé de direction depuis le dernier congrès.

Palmiro Togliatti

Que ce soit Ercoli-Togliatti qui dise cela est lourd de sens ; on sait comment après 1953 il va devenir une figure de proue du révisionnisme. C’est à cela qu’on voit un point essentiel dans l’histoire du mouvement communiste international.

L’Internationale Communiste n’est pas le Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik), au sens d’un Parti avec une actualité unique, une direction solidifiée, une idéologie guide. L’Internationale Communiste se veut depuis le départ un Parti Communiste Mondial, sauf que son actualité a toujours reposé sur la constitution de Partis Communistes et leur développement tant pratique qu’organisationnel.

Il y a ainsi une dimension techniciste de la part de la direction, amenant à des directives tendant au gauchisme, comme avec Zinoviev pour les cinq premiers congrès. Et lorsque la vague révolutionnaire semble passer par une période de relative stabilisation, le succès de la droite avec Boukharine amène un certain glissement pragmatique dans l’Internationale Communiste.

Cela est évidemment plus aisément visible a posteriori. Cependant, cela explique le double caractère des dirigeants de l’Internationale Communiste.

Il est en effet souvent considéré comme frappant que des figures communistes comme Maurice Thorez ou Palmiro Togliatti soient passés si facilement dans le camp révisionniste.

Maurice Thorez

Cela apparaît pourtant comme bien plus compréhensible lorsqu’on porte son attention sur l’Internationale Communiste. En effet, la formation des Partis Communistes dans le monde n’a pas été celle du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik). Le matérialisme dialectique était bien entendu transmis, ainsi que les principes fondamentaux, mais pour ainsi dire par la bande.

La base de la formation des Partis Communistes dans le monde, c’est l’Internationale Communiste et principalement ses congrès. Or, ceux-ci portent sur l’actualité politique, les questions tactiques, parfois des questions de fond comme le rapport aux paysans, à la petite-bourgeoise… et jamais sur les questions idéologiques en tant que tel.

C’est cela qui fait que lorsqu’on a des Partis Communistes avec une réelle base, des luttes concrètes de grande ampleur, avec un niveau idéologique élevé pour des raisons historiques, notamment avec la social-démocratie auparavant, on obtient l’Allemand Ernst Thälmann, le Bulgare Georgi Dimitrov, le Tchécoslovaque Klement Gottwald.

Inversement, lorsqu’on a des Partis Communistes naissant dans un élan sérieux, mais ne parvenant pas à passer le premier cap en raison de lourdes traditions réformistes, syndicalistes révolutionnaires, ou bien une défaite… on a le Français Maurice Thorez, l’Italien Togliatti, le Finlandais Otto Kuusinen, le Hongrois Eugen Varga.

C’est cela qui rend difficile à suivre l’Internationale Communiste, puisque des tendances erronées ou contre-révolutionnaires (comme le trotskysme) sont expulsés, sans que pour autant il y ait une base idéologique qui soit établie comme c’est le cas en URSS.

L’Internationale Communiste vise avant tout à une « méthode » pour analyser les situations et organiser les tactiques correspondantes. Et justement Togliatti devint une figure dans l’Internationale Communiste en se posant comme au-delà des conflits internes, des oppositions entre minorité et majorité. Il le fait d’autant plus aisément qu’il est italien et que face au régime fasciste, les communistes sont réduits à la portion congrue et assument un esprit unitaire.

Pareillement, Maurice Thorez va apparaître comme la figure autour duquel le ménage est fait dans la section française. Mais c’est un produit d’une exigence extérieure, venant de l’Internationale Communiste, et se réduisant à une dimension technique.

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de l’Internationale Communiste

La question de la social-démocratie au sixième congrès de l’Internationale Communiste

Si Boukharine a une conception du « capitalisme d’État » qui substantiellement est la même que celle de la social-démocratie, cela doit également beaucoup au fait que celle-ci ne s’est pas effondrée, comme l’Internationale Communiste l’avait déduit de la situation nouvelle.

D’un côté Boukharine est influencé par la social-démocratie, de l’autre c’est un moyen d’expliquer le maintien de celle-ci.

Selon Boukharine, le capitalisme est désormais caractérisé par des « tendances au capitalisme d’État » dans le cadre d’une centralisation du capital parallèle au développement des forces productives. Cela forme une stabilité réelle qui est, pour lui, la cause du maintien de la social-démocratie.

Boukharine ajoute également un autre aspect à cette question de la corruption par un capitalisme qui fonctionne : il souligne l’imbrication de la social-démocratie dans des institutions nouvelles, dans le cadre du rapport capital-travail.

Or, si l’on regarde bien là, on a la même thèse que la social-démocratie, qui n’a cessé d’affirmer que la situation « à l’ouest » de l’Europe était substantiellement différente de la situation « à l’est », qu’elle serait en mesure de jouer sur l’État et l’économie, etc.

Boukharine

Le problème à l’arrière-plan est en fait très simple à saisir. Comme le fait remarquer au congrès un délégué soviétique, il existe un profond décalage entre l’influence politique des Partis Communistes, qui grandit, et le travail organisationnel qui lui reste arriéré. Il donne plusieurs exemples, dont celui français : la SFIC a reçu en 1928 un million de voix, 300 000 travailleurs ont soutenu sa campagne, mais le nombre de membres n’est que de 52 000.

En comparaison, le Parti Communiste de Tchécoslovaquie, pratiquement le modèle du genre, a obtenu également plus d’un million de voix dans un pays bien plus petit (1/7e des voix), mais lui s’appuie sur 150 000 membres.

Dans les faits, il y a une grande sympathie ouvrière pour les communistes, avec pourtant une incapacité communiste à réaliser une ligne de masses, alors que la social-démocratie est quant à elle parvenue à se maintenir et à verrouiller de très nombreuses structures, notamment syndicales et sportives.

En Allemagne, comme le constate Thälmann, le Parti Communiste a eu 550 000 voix aux élections, la social-démocratie 9 millions, alors que celle-ci se place entièrement dans le cadre constitutionnel et n’a pas hésité à chercher la confrontation physique avec les communistes lors de la campagne électorale.

La maison Karl Liebknecht à Berlin, siège du Parti Communiste d’Allemagne de 1926 à 1933

La social-démocratie parvient dans les faits à se maintenir et cela, du point de vue de l’Internationale Communiste, au moyen de son aile gauche, qui tout en légitimant l’aile droite, diffuse des illusions dans les masses sur les objectifs et la détermination à aller au socialisme.

Les masses sont trompées par la social-démocratie, qui est pourtant un facteur de soutien au régime, voire une institution directe du régime comme en Pologne où avec Pilsudski la social-démocratie s’est convertie en une fraction nationaliste « de gauche » ultra-militariste et anti-communiste.

Dans un tel contexte, Boukharine semble apporter la réponse au problème, en disant que la social-démocratie est devenue un appendice d’un capitalisme désormais organisé.

Cela va produire une ligne dans l’Internationale Communiste qui va chercher la polarisation avec la social-démocratie, au lieu de chercher à dépasser celle-ci en étant plus dense, plus profonde qu’elle. Il faudra attendre le prochain congrès pour que le principe d’engloutissement de la social-démocratie, pour ainsi dire, soit mis en place.

Il se formulera alors avec le Front populaire, puis pendant la guerre avec la Démocratie populaire.

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de l’Internationale Communiste

Boukharine et la stabilisation relative comme capitalisme transformé au sixième congrès de l’Internationale Communiste

Au sixième congrès de l’Internationale Communiste, Boukharine fait triompher l’évaluation de la situation comme quoi le capitalisme connaît une stabilisation relative.

S’il a été nommé, c’est parce que contrairement aux courants ultra-gauchistes, lui assume que la crise générale du capitalisme connaît des modifications dans ses expressions. Loin de la phraséologie ultra-révolutionnaire coupée des réalités, il assume la complexité du travail à mener.

Dans son allocution, il précise ainsi que :

« Notre tâche s’est compliquée jusqu’à l’extrême.

Le premier élan, la première grande vague révolutionnaire, qui s’est avancée à travers l’Europe, a abouti à la défaite de la classe ouvrière des pays capitalistes.

Les perspectives de faillite immédiate du capitalisme ont été remplacées par d’autres perspectives quelque peu différentes.

Nous avons vérifié la justesse des vues de Lénine, qui estimait que, pour la bourgeoisie, il n’y avait pas de situation sans issue : la bourgeoisie, dans un des pays qui ont été le plus soumis à l’influence du mouvement révolutionnaire, a su se tirer d’affaire.

Le capitalisme se hâte actuellement de construire ses forteresses, le capitalisme s’arme avec précipitation. Il construit et s’arme en même temps.

La chute du capitalisme ne s’est pas réalisée en ligne droite, mais suis un mouvement en zig-zag, par des améliorations partielles de certaines parties du système capitaliste, il passe par ce que nous appelons la stabilisation capitaliste partielle.

Il s’en est résulté, pour le mouvement communiste, de nouvelles difficultés considérables ; de nouveaux problèmes se sont posés devant l’Internationale communiste.

L’Internationale communiste en bloc et pour chacun des partis qui la composent, a dû imaginer et élaborer une tactique extrêmement complexe de préparation et de mobilisation des forces de la classe ouvrière.

L’Internationale communiste a dû chercher dans la vie quotidienne, en se basant sur le développement des contradictions de la stabilisation capitaliste, les moyens de mobiliser les masses pour une nouvelle vague et de porter au capitalisme un nouveau coup cette fois encore plus grandiose et plus destructif. »

Ce qui est dit là correspond au triomphe sur le trotskysme. Boukharine insère toutefois dans cette vision des choses sa propre interprétation d’un capitalisme qui, pour lui, a changé de forme.

Boukharine utilise un argument très précis. Il dit que le principe d’une troisième période se justifie par le fait que le niveau d’avant-guerre a de nouveau été dépassé par la production capitaliste. Cela signifie pour lui qu’il y a eu une réorganisation de l’économie capitaliste, qu’une étape a été passée.

Il explique que le capitalisme américain se développe incroyablement tout en employant moins d’ouvriers (production plus grande de 26 % entre 1919 et 1927, pour 11 % d’ouvriers en moins), qu’en Allemagne le capitalisme s’est relancé notamment grâce au progrès technique, que la France se transforme en puissance industrielle, que même la Grande-Bretagne a un capitalisme qui se relance dans certains secteurs malgré la fragilisation de son empire, etc.

Compte-rendu des interventions des délégués au sixième congrès

Boukharine souligne notamment comment les États-Unis développent le travail à a chaîne, utilisent de nouvelles machines et de nouveaux appareils, ont une production électrique qui a pratiquement quintuplé, etc.

Il explique alors que le capitalisme reprend en général et ce de manière organisée. Il attribue cette « reconstruction » à la formation de monopoles, de consortiums bancaires immenses et, depuis la guerre, à des « tendances capitalistes d’État grandissantes de tout type ».

Il assume ouvertement cette conception capitaliste d’État dans son bilan, dès le départ, au moment de l’évaluation de la situation. C’est une véritable thèse politique. Boukharine parle de :

« l’excroissance des organisations économiques de la bourgeoisie impérialiste avec ses organes d’État ».

Boukharine dit ainsi d’un côté qu’il y a une stabilisation du capitalisme, qu’elle est relative car la crise continue, mais de l’autre il affirme que cette stabilisation n’est pas momentanée et que la crise n’est plus là, mais va revenir de manière encore plus prononcée.

Boukharine modifie concrètement la thèse de la crise générale du système capitaliste mondiale. Il dit : on pensait que le capitalisme était en train de s’effondrer, puis finalement on a constaté une stabilisation « relative », mais comme le capitalisme continue voire reprend sa marche, alors cette conception « relative » n’a plus de sens ou bien un sens forcément différent.

Cela préfigure la thèse révisionniste, développée par Eugen Varga par la suite, du « capitalisme monopoliste d’État » dans les années 1950-1960.

Qui plus est, la social-démocratie va dans les années 1920 exactement dans ce sens-là. Boukharine le sait très bien et il s’empresse de souligner que lui, à la différence de la social-démocratie ne dit pas que la crise générale est terminée ; selon lui elle se prolonge, mais sa forme a changé.

La période de la guerre et de l’après-guerre aurait amené des « modifications essentielles » dans la construction du capitalisme. L’URSS serait elle-même une preuve, comme corps étranger, du changement de cette construction.

On aurait donc une situation où les tensions s’aggravent de fait, car la moindre grève a un impact sur un État devenant une excroissance des monopoles.

La révolution consiste alors en l’appropriation de ce capitalisme d’État, qui par ailleurs est en concurrence avec les autres capitalismes d’État, d’où l’inéluctabilité de la guerre.

Cette lecture passée en contrebande au sein du congrès de l’Internationale Communiste ne tiendra pas longtemps ; il se fera débarquer en avril 1929.

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de l’Internationale Communiste