Boukharine était une figure importante du Parti bolchevik et, qui plus est, un véritable théoricien. Il pensait que le socialisme pouvait se construire en URSS et à ce titre il a soutenu Staline dès le départ.
Boukharine était cependant largement influencé par l’austro-marxisme et les conceptions social-démocrates d’un capitalisme « organisé ». Il raisonnait en termes d’« organisation » pour évaluer les phénomènes.
N’ayant pas confiance dans l’alliance ouvrière-paysanne en URSS, il était favorable au maintien de la NEP permettant un certain capitalisme et s’opposait à la ligne d’une industrialisation rapide.
Au sens strict, son accession à la direction de l’Internationale Communiste correspond à l’écrasement dans le PCUS(b) des forces d’ultra-gauche et lui-même, n’ayant pas une approche correcte, s’est transformé en porte-parole de l’aile droite, qui veut temporiser et refuse le jusqu’auboutisme liquidateur de Trotsky.
On a un bon résumé de ce processus par Dmitri Manouïlski, dans le cadre de sa longue présentation de la situation en URSS, un moment classique de chaque congrès.
Dmitri Manouïlski souligna que le combat mené contre le trotskysme en URSS a une incidence internationale et qu’il correspond à toute une séquence historique :
« L’opposition trotskyste n’a pas été une apparition de signification simplement « nationale ». La lutte contre l’opposition trotskyste a été menée sur l’ensemble du front international.
L’absence de croyance en la cause de la construction socialiste en Union Soviétique, qui est caractéristique de nos courants oppositionnels, était entrelacé de manière étroite avec des courants pusillanimes, défaitistes, qui ont été produits dans le mouvement ouvrier d’Europe de l’Ouest en raison des événements de 1923 en Allemagne, de la défaite de la grève générale anglaise et par le repli temporaire de la grande révolution chinoise.
L’opposition trotskyste, pour cette raison, non seulement reflétait la pression des classes non prolétariennes de notre pays [qu’est l’URSS], mais reproduisait dans le zig zag historique de sa politique la pression plus élevée du capital mondial sur l’ensemble du prolétariat international et sur sa forteresse révolutionnaire ayant pris la forme de l’URSS.
Les racines de l’idéologie trotskyste ne reposaient pas seulement dans les rapports de classe en Union Soviétique, mais bien plus profondément, elles reposaient dans la situation objective qui s’est produite après le reflux de la première vague révolutionnaire.
La lutte contre l’opposition, partant de là, n’était pas une exportation artificielle de la question russe dans les sections ouest-européennes, mais le résultat d’une retombée autonome dans une social-démocratie revivifiée dans les Partis ouest-européens.
L’offensive de l’opposition en URSS n’a fait qu’accélérer ce processus. »
Le sixième congrès est ainsi marqué par le fait de surmonter un courant, le trotskysme (synonyme d’ultra-gauche avec différentes variantes), qui a été incapable de suivre le rythme de la révolution mondiale.
À ce titre, une partie très importante du congrès – plus d’un quart – est consacrée au bilan. Il est d’usage qu’un congrès s’ouvre par un compte-rendu de l’activité de la direction, compte-rendu validé (ou pas) par le congrès. Cependant, ici, un accent particulier est mis sur l’évaluation du bilan récent, prétexte à une analyse du bilan général.
C’est Boukharine qui se charge du compte-rendu, en tant que chef de file de l’Internationale Communiste en remplacement de Zinoviev, et la première chose qu’il fait, c’est de souligner la différence entre plusieurs périodes.
La première a consisté en la période de crise aiguë, culminant en 1920-1921 et se terminant en 1923. C’est la révolution d’Octobre, les soulèvements en Finlande, en Allemagne, en Hongrie, en Autriche, les événements révolutionnaires de Japon et de Corée, les occupations d’usine italiennes, etc.
La seconde période part de l’échec de la vague révolutionnaire dans les pays d’Europe de l’Ouest et consiste en une offensive du capital. Il a été obtenu une stabilisation économique relative du capitalisme, alors que le centre de gravité passait dans les pays coloniaux (Maroc, Syrie, surtout la Chine, etc.).
La troisième période, qui s’ouvre de fait de manière nouvelle, consiste pour Boukharine en la « reconstruction capitaliste », avec une réorganisation d’un côté, un développement technique de l’autre. Dans ce cadre, le capitalisme constate le formidable développement de l’URSS qui lui fait face, alors que les États-Unis deviennent son bastion. La vague révolutionnaire mondiale continue, dans ce cadre, en se situant désormais dans les pays dominés, principalement en Asie, notamment en Chine.
Si l’on s’arrête à cela, tout est juste et Boukharine a été le levier pour parvenir à suivre correctement le processus de la crise générale du capitalisme.
Cependant, Boukharine a sa propre vision des choses et ajoute un élément de plus : le capitalisme a, selon lui, changé de forme. La « reconstruction capitaliste » aurait modifié la situation du capitalisme, qui serait parvenu à un stade organisé.
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de l’Internationale Communiste