Réquisitoire du procureur – affaire Rajk − 1949

Principaux extraits du réquisitoire du procureur lors du procès dit de l’affaire Rajk, Tribunal populaire, Budapest, 16-24 septembre 1949

Les audiences de l’affaire du complot de Laszlo Rajk et de ses complices ont éveillé, à juste titre, un écho puissant dans notre peuple travailleur, chez nos amis étranger et chez nos ennemis étrangers aussi.

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Ce procès a une très grande importance. Je puis affirmer sans exagérer : ce procès est d’importance internationale. En effet, il faut juger des accusés qui n’ont pas seulement levé la main sur le régime de notre République populaire, sur les grandes conquêtes de notre démocratie, mais qui ont été, dans leur activité de conspirateurs, des instruments, des pantins tirés par les ficelles des impérialistes étrangers, ennemis de notre peuple hongrois qui édifie le socialisme.

Ce ne sont pas simplement Rajk et ses complices qui sont assis, là, au banc des accusés, mais aussi leurs incitateurs étrangers, leurs maîtres impérialistes de Belgrade et de Washington.

Quelle est la caractéristique de ce procès ? Cela n’est pas la première fois, honorable Tribunal du Peuple, que des ennemis acharnés de la démocratie Populaire hongroise sont assis au banc des accusés.

Ennemis acharnés de la démocratie populaires Ferenc Nagy et sa bande de conspirateurs l’avaient été aussi, et le Tribunal du Peuple hongrois a prononcé son verdict contre eux. Ennemi acharné de la démocratie populaire hongroise, Jozsef Mindszenty l’a été aussi et il a reçu également le châtiment qu’il méritait.

Laszlo Rajk et ses complices diffèrent de ces autres ennemis de la République ppulaire que le brasde notre justice démocratique a frappés les années précédentes, entre autres parce qu’ils ont érigé la bassesse et l’hypocrisie en système, parce qu’ils n’ont pas attaqué ouvertement en ennemis, mais furtivement, sous le couvert de l’obscurité, en s’introduisant à la dérobée dans le Parti dirigeant de notre démocratie Populaire et dans l’appareil d’Etat de notre République.

Nous nous trouvons en face de reptiles, de serpents sournois et rampants, d’ennemis plus dangereux et plus odieux que jamais il en fût. Ces ennemis de notre démocratie Populaire que nous avons dévoilés et mis hors d’état de nuire, étaient aussi en collusion avec les impérialistes étrangers et se sont efforcés de renverser notre régime.

Laszlo Rajk et ses complices étaient également les valets, les laquais des impérialistes étrangers; mais ce qui les distingue particulièrement, ce qui caractérise particulièrement ce procès criminel, c’est le fait que la clique dirigeante yougoslave — qui, aujourd’hui, tient sous son joug les héroïques peuples yougoslaves et usurpe le pouvoir en Yougoslavie — Tito et sa bande, y figurent en tant qu’intermédiaires, en tant qu’agents principaux des impérialistes étrangers, en tant que groupe d’assaut de l’impérialisme.

Si nous considérons les résultats de ces débats, il est nécessaire de tenir compte des particularités propres à ce Procès criminel.

Honorable Tribunal du Peuple ! Si nous prenons en considération les données, du procès, nous pouvons constater que chacune des affirmations de l’acte d’accusation, chaque donnée de l’enquête sont entièrement prouvées.

Les dépositions des accusés et des témoin.s les résultats des confrontations ont prouvé dans toute son étendue, ont confirmé l’accusation, ont prouvé entièrement l’acte d’accusation.

Tous ceux qui possèdent encore la moindre parcelle d’impartialité doivent reconnaître qu’au cours du procès, la vérité s’est manifestée plus claire que le jour, par la déposition des accusés, et celle des nombreux témoins, par la comparaison multilatérale de ces dépositions, par les preuves matérielles qui ont figuré à ce procès.

Je dois, sous ce rapport, mettre en relief non seulement le fait que les accusés ont eu pleine liberté pour se défendre et qu’ils se sont défendus, mais aussi que les accusés et les témoins, un par un, ont éclairci indépendamment les uns des autres, des détails, toujours nouveaux, les différents aspects d’un même événement; que les confrontations faites par le Tribunal ont éclairci même les nuances de divergence qui, lors de certaines questions de détail, s’étaient produites çà et là dans les dépositions des accusés.

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Voilà pourquoi nous avons obtenu cette image claire du travail abject de ce complot monté par d’infâmes malfaiteurs; ce fut précisément cela, en premier lieu, qui rendit possible de dégager le véritable ensemble des faits au cours du procès, dans. toute son étendue, conformément à la vérité.

Qu’il me soit permis d’attirer l’attention du Tribunal du Peuple sur le fait, qu’en ce qui concerne par exemple la fameuse entrevue de Rajk et de Rankovitch à Paks, en octobre 1948, cinq personnes ont fait des dépositions : en dehors d’Antal Klein, de György Tarisznya et de Rajk.

Pàlffy et Brankov en ont aussi parlé, mais ils ont fait ressortir chacun des, détails, différents détails que l’un d’eux seulement pouvait connaître et nous devons constater que malgré cela, il n’y avait aucune contradiction, ni au point de vue du temps., ni au point de vue des faits, et ce sont justement ces détails, vus sous tous leurs aspects et leur conformité qui prouvent qu’il s’agit bien de la vérité toute pure.

Qu’il me soit permis d’attirer votre attention également sur le fait que le sujet des négociations secrètes de Rajk et de Rankovitcb à Kelebia, en décembre 1947, fut le même que celui des négociations de Palffy et de Nedelkovitch, lors du Congrès des Partisans à Rome.

Cette conformité prouve qu’il s’agissait d’une conjuration étendue, d’un plan immonde, à la réalisation duquel on avait procédé de plusieurs côtés, d’un projet sur lequel les accusés travaillaient, sur l’ordre de leurs maîtres étrangers, en faisant concorder leur action pendant des années.

Je dois encore constater que Rajk et Brankov, par exemple, exposent d’une manière concordante pour l’essentiel, le soi-disant plan stratégique de Tito et des siens, au sujet de la décomposition intérieure des démocraties populaires, leur opposition à l’Union Soviétique et le rôle joué dans ce plan, par les dirigeants traîtres yougoslaves.

Les divergences de nuances, touchant les détails, dans les dépositions de Rajk et de Brankov, prouvent justement le fait que Brankov, tout comme Rajk, ont appris ces projets indépendamment l’un de l’autre et qu’ils les exposent chacun à travers leur propre état d’esprit.

L’essentiel des deux dépositions con-corde quand même. Il appert des dépositions de tous les deux que les objectifs de la clique de Tito étaient les mêmes avant la résolution connue du Bureau d’Information, qu’après la résolution.

Seuls les méthodes et les moyens changèrent après la résolution du Bureau d’Information qui dévoila Tito et les siens. Dans cet ordre d’idées, j’attire aussi votre attention sur le fait que Pàlffy recevait, par l’intermédiaire de ses propres liaisons, des colonels yougoslaves Lozitch et Jokali, les mêmes ordres que ceux que Rajk recevait indirectement ou directement de Rankovitch.

Et s’il y a eu, dans les dépositions de Palffy et de Rajk, quelques divergences insignifiantes sur les détails — ainsi par exemple sur la date fixée pour le coup d’Etat, ou sur le fait de savoir si Rajk pressa ou ajourna le coup d’Etat — ces divergences ne font que prouver la réalité, la véritable existence de ce complot.

Elles démontrent que Rajk, tout comme Palffy, ont exposé ici au procès, ce qu’ils avaient avaient appris indépendamment l’un de l’autre, par leurs propres liaisons yougoslaves.

Au cours du procès, Honorable Tribunal du Peuple, ce ne sont pas seulement les accusations formulées dans l’acte d’accusation, qui ont été prouvées dans toute leur étendue, mais de nouveaux faits importants ont surgi aussi, faits qui n’étaient apparus ni dans l’acte d’accusation, ni au cours de l’enquête.

Ainsi, par exemple, ce qui était nouveau dans la déposition de Brankov, c’est le fait que Tito et les siens ont poursuivi leur travail de destruction, côte à côte avec les services d’espionnage impérialistes, non seulement dans chacun des pays de démocratie populaire, mais aussi dans les pays capitalistes où ils existe un fort mouvement ouvrier et des Partis Communistes possédant une large influence sur les grandes masses.

Un fait nouveau dans la déposition de Brankov a été aussi la révélation du rôle que Tito et les siens avaient l’intention de donner à Anrtal Ban dans le nouveau gouvernement à créer, après la réalisation du coup d’Etat armé, après l’assassinat des hommes dirigeants de la démocratie hongroise.

Nous nette savions pas jusqu’à présent, Brankov ne l’avoua qu’au procès et, en même temps il dévoila les véritables rapports d’Antal Ban avec les milieux dirigeants yougoslaves actuels.

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Il devint manifeste que Tito et les siens voulaient admettre Antal Ban au nouveau gouvernement hongrois, parce qu’il était un ancien espion de la police yougoslave et qu’ils pouvaient ainsi le tenir en main, tout comme les autres, Rajk et Anton Rob.

Par la déposition de Rajk, toute la politique de Tito et des siens, depuis la fin de la guerre, et même dès avant la fin de la guerre, apparaît sous une lumière nouvelle.

A l’audience, Rajk a exposé, sur la base de ses pourparlers avec Rankovitch à Kelebia, que les dirigeants actuels yougoslaves avaient poursuivi, dès le lendemain de la guerre et même durant la guerre, une politique antisoviétique ; qu’au début, on n’avait destiné à la Yougoslavie qu’un rôle de réserve au cours de cette campagne antisoviétique ; et qu’ils ne prirent le chemin de la politique ouvertement antisoviétique qu’au moment où les forces socialistes portèrent un coup après l’autre aux forces de la réaction dans les démocraties populaires et que l’on ne pouvait plus compter sur l’avènement au pouvoir de la réaction dans ces pays.

Tout cela nous était nouveau et tout cela n’a pu être rédigé d’une façon aussi précise dans l’acte d’accusation, d’après les données de l’enquête (…).

Honorable Tribunal du Peuple, il ne suffit pas de connaître les crimes des accusés pour porter un verdict contre eux. Il faut connaître le contenu, les buts et les dessous politiques de ce complot pour apprécier tout le poids des crimes des accusés (…).

Nous devrions, en effet, mettre au banc d’infâmie non seulement les auteurs directs du crime, mais aussi leurs instigateurs. Il est bien vrai qu’en condamnant Laszlo Rajk et sa bande de conspirateurs, le Tribunal du Peuple hongrois condamne également, dans le sens politique et moral, les traîtres de la Yougoslavie, la bande criminelle des Tito, Rankovitch, Kardelj et Djilas.

L’importance internationale de ce procès consiste précisément en cela, que nous condamnons par la même occasion, les traîtres et les déserteurs yougoslaves de la démocratie et du socialisme.

Nous démasquons leur double jeu, leur perfidie, leurs manigances contre la démocratie et le socialisme, leurs projets et leurs actes assassins. Ce procès a démasqué la clique de Tito, le gros des dirigeants actuels de la Yougoslaie, en tant qu’alliés des impérialistes américains, en tant que vulgaires agents des organisations d’espionnage américains (…).

Ces méthodes de gangster sont autant d’accessoires du programme politique des traîtres yougoslaves. C’est sur ce programme politique que l’audience a jeté une lumière crue.

L’essentiel de ce programme politique était de servir l’impérialisme occidental dans sa lutte contre la démocratie et le socialisme, principalement dans l’Europe du Sud-Est. Rajk et Brankov ont exposé le programme de Tito et de sens gens, au sujet de l’hégémonie yougoslave, et de la Fédération balkanique à organiser, sous la direction de la Yougoslavie ; dans cette fédération d’Etats, le rôle dirigeant de la Yougoslavie aurait servi à dresser graduellement ces pays contre l’Union Sociétique et à les livrer aux impérialistes.

Sur la base de ses négociations avec Rankovitch à Abbazia, Kelebia et Paks, Rajk a brossé un tableau exact et complet de la politique et de la tactique de Tito et de ses gens qui voulaient créer un bloc balkanique antisoviétique à la solde des impérialistes.

La politique de la clique de Tito a connu deux phases. Dans la première, alors dans les pays d’Europe orientale, le sort de la lutte entre la réaction bourgeoise et la démocratie populaire n’était pas encore décidé et qu’on pouvait s’attendre à ce que la réaction ait le dessus, Tito et ses gens prirent une attitude réservée, ils ne montrèrent pas encore leur jeu, ils ne se présentèrent pas encore ouvertement comme la troupe d’assaut antisoviétique de l’impérialisme américain.

Ils n’apparurent comme tels, que dans la deuxième phase du développement de l’Europe Orientale, lorsque les forces de la démocratie et du socialisme eurent déjà remporté dans ces pays une victoire décisive et qu’on ne pouvait plus confier eux troupes vaincues de la réaction ouverte le regroupement des forces politiques antisoviétiques et pro-impérialistes.

Ainsi, jusqu’à la résolution du Bureau d’Information, Tito et ses gens entèrent d’entraver, par des moyens soi-disant pacifiques, l’évolution paisible de la démocratie populaire ; ce n’est que plus tard, qu’ils commencèrent à appliquer des méthodes de terrorisme et de putsch (…).

En prononçant la sentence contre Palffy et Korondy, pensez à leurs prédécesseurs,à leurs modèles qu’ils tâchaient d’imiter, aux officiers de Pronay et aux Ostenburg, les assassins de 1919.

En prononçant la sentence contre Brankov, pensez à Rankovitch, au bourreau dont cet homme était un des agents principaux, pensez aux souffrances des patriotes yougoslaves. En prononçant la sentence contre Szönyi, pensez à ses maîtres, les impérialistes américains qui voulaient faire partager au peuple hongrois le sort, les souffrances et le martyre du peuple grec.

Notre peuple exige la peine de mort pour les traîtres, et moi, en ma qualité de représentant du ministère public, je fais mienne cette exigence. Il faut écraser la tête de la vipère qui veut nous mordre. Il faut défendre les conquêtes de notre démocratie, notre indépendance nationale, notre pacifique travail de construction, contre les traîtres et les assassins.

Il faut prononcer un jugement qui apprenne à chaque espion impérialiste et à chaque traître ce qui l’attend s’il ose lever la main sur notre République populaire. Il n’y a qu’un moyen pour se défendre contre les chiens enragés : les abattre.

Le Tribunal du Peuple, en prononçant sa sentence, doit être conscient de son devoir suprême qui est de défendre le peuple contre la cinquième colonne à la solde des impérialistes. L’intérêt du peuple exige l’application de la peine la plus lourde prescrite par la loi à chacun des accusés.

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La Yougoslavie de Tito dans le camp impérialiste (1950)

(Publié dans la revue du Parti Communiste français Cahiers du communisme, en août 1950)

La campagne en faveur du « communisme » yougoslave bat son plein. Il n’est pas de semaine où quelque nouveau reportage ne chante les louanges de Tito, le vrai, le seul, l’unique chef d’Etat dont puissent se réclamer les « révolutionnaires authentiques ».

L’étoile de Tito, au ciel du socialisme, fait pâlir toutes les constellations. Qu’est-ce que l’Union Soviétique peut représenter, elle qui, d’après les déclarations mêmes de ses dirigeants, en est seulement à la phase du passage au communisme, auprès de la Yougoslavie dont M. Claude Bourdet dit par exemple : « Article premier : la Yougoslavie n’est pas une République populaire. C’est un Etat communiste » ?

Nous assistons donc à cette étrange situation où un système et une idéologie qui seraient les plus dangereux pour les intérêts capitalistes sont portés aux nues dans la presse et dans les déclarations des personnages officiels qui représentent précisément ces intérêts. Pour qui a le moindre bon sens, l’accueil empressé qui est fait à la propagande « titiste », de Franc-Tireur au Figaro, en passant par La Croix, Paris-Presse, France-Soir, etc., constitue déjà la preuve d’une gigantesque mystification. Une mystification semblable à celle de Hitler, que Staline dénonçait en ces termes le 6 novembre 1941 :

« Si ces impérialistes déchaînés et ces pires réactionnaires continuent à se draper dans la toge de « nationalistes » et de « socialistes », ils le font pour tromper le peuple, abuser des naïfs et couvrir du drapeau du « nationalisme » et du « socialisme » leur nature de brigands impérialistes. »

La toge du « communisme national » dans laquelle se drape Tito ne saurait davantage faire illusion. Il y a maintenant plus de deux ans que la résolution du Bureau d’information sur la Yougoslavie formulait le diagnostic du régime établi par Tito et sa clique et donnait une analyse extrêmement précise de la situation en Yougoslavie. La politique extérieure des dirigeants yougoslaves y était déjà caractérisée comme essentiellement antisoviétique. La résolution indiquait que les dirigeants yougoslaves « se sont engagés dans la voie de la division du front unique socialiste contre l’impérialisme, dans-la voie de la trahison de la cause de la solidarité internationale des travailleurs et dans le passage aux positions du nationalisme ». Elle ajoutait, dans un passage capital qu’il n’est pas inutile de citer longuement :

« Les dirigeants yougoslaves s’orientent mal dans la situation internationale et intimidés par le chantage à la menace des impérialistes estiment qu’ils pourraient gagner la bienveillance des Etats impérialistes par des concessions faites à ces Etats, s’entendre avec eux sur l’indépendance de la Yougoslavie et inculquer peu à peu au peuple yougoslave, l’orientation vers ces Etats, c’est-à-dire l’orientation vers le capitalisme. »

« En faisant cela, ils partent tacitement d’une thèse nationaliste bourgeoise bien connue, selon laquelle : « les Etats capitalistes présentent un moindre danger que l’U.R.S.S. pour l’indépendance de la Yougoslavie ».

« Les dirigeants yougoslaves ne comprennent probablement pas ou peut-être font semblant de ne pas comprendre qu’une pareille thèse nationaliste ne peut aboutir qu’à la dégénérescence de la Yougoslavie en une République bourgeoise ordinaire, à la perte de l’indépendance de la Yougoslavie et à sa transformation en une colonie des payé impérialistes. »

L’orientation ainsi définie a été amplement confirmée par les événements de ces deux dernières années. C’est que les tares que l’analyse marxiste avait permis de déceler n’étaient pas seulement le fait d’une politique grossièrement erronée. Elles relevaient, comme la suite l’a démontré, d’une pratique déjà ancienne de la trahison parmi la clique des dirigeants yougoslaves. Mais la résolution du Bureau d’information les contraignit à se démasquer toujours davantage.

C’est en vain que les « idéologues » et propagandistes du « titisme » s’acharnent à édifier le mythe d’une neutralité de Tito, d’une « troisième force yougoslave », qui certes ne se trouverait plus dans le même camp que l’U.R.S.S., les démocraties populaires et le mouvement mondial des combattants de la paix, mais qui ne serait pas non plus dans le camp de l’impérialisme et des forces de guerre. Les faits parlent. Il n’y a pas de neutralité yougoslave. Il n’y a pas de « troisième force titiste ». La Yougoslavie de Tito est bel et bien passée dans le camp américain. Elle est même très exactement à l’avant-garde du dispositif d’agression.

Pour ouvrir les yeux des plus aveugles il y a non seulement le fait que l’attitude des représentants titistes à l’O.N.U. ne se distingue pas de celle des représentants des puissances occidentales ; qu’ils ont été en maintes occasions les porte-parole les plus ardents de l’antisoviétisme à la tribune de Lake-Success ; qu’ils ont été les candidats de Washington au Conseil de Sécurité, où ils ont été élus en violation des règles de l’O.N.U. ; qu’ils ont encore, dernièrement, dans le débat sur la Corée, pris une position identique à celle des Etats-Unis en désignant la Corée du Nord comme l’agresseur, en votant les sommations exigées par Truman, en acceptant par leur présence et leur vote que le Conseil de Sécurité, tel qu’il fonctionne actuellement, joue le rôle d’instrument pur et simple de la politique américaine.

Où et quand les dirigeants yougoslaves ont-ils adopté une attitude « neutraliste » ? Serait-ce par hasard dans l’affaire grecque, où il est prouvé et archi-prouvé qu’ils ont aidé de manière décisive les monarcho-fascistes et leurs maîtres américains. Faut-il rappeler que le 5 juillet 1949, les troupes démocratiques grecques qui défendaient la chaîné frontière du Kaïmatchalan, étaient prises à revers par les troupes monarchistes ?

Or celles-ci ne pouvaient avoir accompli leur mouvement tournant qu’à travers le territoire yougoslave. L’opération avait été précédée par une entrevue entre officiers yougoslaves et officiers monarcho-fascistes, anglais et américains. La commission balkanique de l’O.N.U. a reconnu que les monarcho-fascistes ont « violé » le territoire yougoslave et qu’il y a eu une rencontre entre officiers grecs et yougoslaves au Kaïmatchalan. Mais la trahison est encore allée plus loin, puisque, comme le signalait l’agence Grèce Libre dans un communiqué en date du 16 août 1949 : « Pendant la bataille du Vitsi et au moment où des détachements de l’A.D.G. livraient d’âpres combats, ils essuyèrent d’avant et d’arrière le feu des Yougoslaves. »

D’ailleurs, M. Tsaldaris avait vendu la mèche plusieurs mois à l’avance, en déclarant au début d’avril au correspondant du Daily Mail : « Dans peu de temps, Tito et le roi de Grèce seront des alliés contre la menace bulgaro-kominformiste ». Pour cette gaffe monumentale, Tsaldaris se fit vivement rabrouer par la revue anglaise Time and Tide : « Une proclamation ouverte de Tito qu’il ne sympathise plus avec les insurgés grecs aurait miné les- prétentions du maréchal a être aussi bon communiste que n’importe lequel de ses critiques kominformistes. M. Tsaldaris ne paraît pas avoir compris qu’une telle déclaration ne pourrait qu’aider la propagande du Kominform… » (Voir La Pensée, n° 29.).

Malheureusement les gaffes du genre de celle de M. Tsaldaris, qui permettent de percer à jour les « prétentions » du Maréchal, sont difficiles à éviter. Le correspondant à Athènes du New York Times câblait à son journal, le 21 août dernier : « La fin du conflit grec aura une influence profonde dans les Balkans. L’Albanie sera isolée. La Grèce sera en, position de régulariser ses relations avec la Yougoslavie. L’Autriche espère également y arriver, après que son traité aura finalement été accepté par les Quatre Grands.

Ceci permettra l’extension graduelle d’une ligne, depuis Vienne jusqu’à Athènes. » Inutile de demander pour qui cette « ligne » serait installée. Le même correspondant expliquait tranquillement, le 16 septembre, que les puissances occidentales ont en vue « l’affaiblissement et, éventuellement le changement du régime albanais, la protection de la Yougoslavie et de la Grèce… l’établissement d’un bloc véritablement indépendant (sic), comprenant l’Autriche, la Yougoslavie, l’Albanie et la Grèce ».

On pourrait aisément multiplier de semblables aveux. Citons encore celui de M. John Nuycen, chef de la mission de l’O.E.C.E. en Grèce : « On peut dire que la Grèce constitue l’accès aux Balkans, c’est-à-dire aux pays du rideau de fer. Nous croyons que la porte s’est déjà entrouverte à travers la Yougoslavie. »

Le comportement des Yougoslaves à l’O.N.U., l’affaire grecque éclairent le dessein général de la politique extérieure de la clique Tito. Mais il est encore de nombreux autres indices de la trahison. Les lecteurs des Cahiers ont été largement informés de tout ce qu’ont révélé les procès des agents et espions titistes dans les démocraties populaires : le procès Rajk en Hongrie, le procès Kostov en Bulgarie, celui de Koci Drozé en Albanie, et de leurs complices, ont mis en évidence comme une dimension supplémentaire de la trahison « titiste ».

Comme le dit, à propos du procès de Budapest la résolution du Bureau d’information de novembre 1949 : « C’est pour exécuter la volonté des impérialistes que les traîtres yougoslaves se sont assigné le but de créer, dans les pays de démocratie populaire, des bandes politiques composées d’éléments réactionnaires, nationalistes, cléricaux et fascistes, afin de faire, avec leur appui, des coups d’Etat contre-révolutionnaires dans ces pays, de détacher ces pays de l’Union Soviétique et de tout le camp socialiste et de les soumettre aux forces de l’impérialisme. La clique Tito a fait de Belgrade un centre américain d’espionnage et de propagande anticommuniste. »

La presse bourgeoise a hurlé à l’invraisemblance, à la machination, aux accusations forgées de toutes pièces, aux aveux extorqués, etc. Toute une littérature koestlérienne a refleuri, après que Tito lui-même ait donné le « la ».

Jusqu’au jour où même dans un journal comme Combat, qui avait mené, à l’usage des intellectuels, une campagne acharnée en faveur de Tito, de Rajk, de Kostov et Cie, on a pu lire, sous la plume de M. J. Bloch-Morhange, spécialiste des questions d’espionnage, une démonstration de la culpabilité de Rajk et de ses complices. M. Bloch-Morhange s’appuie sur les documents du procès de Budapest et montre qu’il est impossible de contester la véracité des aveux des accusés.

« Quand Rajk reconnaît, étant étudiant, avoir été arrêté par la police de Budapest à propos d’une affaire de tracts communistes et avoir été relâché en acceptant de se livrer à un, travail d’indicateur, ainsi que le confirme à l’audience le capitaine Boka, ancien attaché à la Préfecture de police de Budapest, il est certain qu’il dit la vérité. »

« Quand il reconnaît, après la guerre d’Espagne, avoir été interné en France dans trois camps, puis libéré pendant l’occupation de la France par l’Allemagne par un commandant allemand, avoir été envoyé en Allemagne, puis rapatrié en Hongrie, il est vraisemblable qu’il dit la vérité…

« Quand Rajk reconnaît avoir rencontré à la fin de l’année 1945 ou au début de 1946, l’officier américain Martar Himmler, il est vraisemblable qu’il dit la vérité. »

« Quand Rajk reconnaît que lorsque l’O.S.S. (Office of Strategic Services) ayant passé la main aux agents de renseignements yougoslaves, on lui rappela qu’on détenait les preuves de sa lâcheté de 1931, il est vraisemblable qu’il dit la vérité », et quelles que soient la thèse particulière de M. J. Bloch-Morhange et sa prudence de langage, il en a assez dit pour édifier les plus sceptiques. Tito et sa clique apparaissent bien comme les hommes à tout faire des services de renseignements des puissances occidentales, comme les hommes du complot et de la guerre.

Leur rôle de provocateurs est encore plus éclatant depuis l’intervention impérialiste américaine en Corée. C’est sur eux que compte Washington pour tenter de laver, le cas échéant, par une généralisation du conflit, l’humiliant échec des troupes de Mac Arthur. Ils multiplient les incidents aux frontières de l’Albanie, de la Bulgarie, de la Hongrie et s’ingénient à tenir prêt un prétexte pour le moment où il plairait à leurs maîtres de Wall-Street de déclencher la troisième guerre mondiale.

L’éditorial du Monde du 15 juillet 1950, décrit assez bien le mécanisme de l’opération :

« Si la Yougoslavie estimait sa sécurité et son indépendance nationale en danger, on croit dans les milieux des Nations Unies que le gouvernement de Belgrade solliciterait l’intervention du Conseil de Sécurité. »

Et Le Monde poursuit :

« Le Conseil de Sécurité serait évidemment amené à adopter vis-à-vis d’elle la même attitude qu’à l’égard de la Corée du Sud et à appliquer les mêmes articles de la Charte. »

Ainsi, que Tito lève le petit doigt et l’on peut être assuré, par tout ce qui a précédé, qu’il le lèverait au commandement de Truman et ceux qui règnent à Washington et font la loi présentement au Conseil de Sécurité se lanceraient dans la plus criminelle des aventures.

L’examen rapide de la politique extérieure des dirigeants yougoslaves est par lui-même probant. Mais ce qu’il nous a révélé est amplement confirmé par l’analyse du régime intérieur et de la situation économique en Yougoslavie.

La « construction du socialisme » reposait sur le plan quinquennal qui a débuté en 1947. A mesure que les mois et les années passent, la faillite du plan devient de plus en plus difficile à dissimuler. Si on veut se donner la peine de, comparer les renseignements sur la planification fournis d’un côté par les démocraties populaires et de l’autre par le gouvernement yougoslave, il n’est pas difficile de voir que les démocraties, populaires fournissent des statistiques claires, cohérentes, honnêtes, faisant état aussi bien des succès obtenus que des difficultés rencontrées.

Du côté yougoslave, au contraire, les renseignements fournis ne permettent absolument pas de dresser un tableau d’ensemble de la situation. Les bulletins de victoire que diffuse généreusement l’agence Tanjug sont incohérents, fragmentaires, contradictoires et ne fournissent absolument aucune base sérieuse de documentation. Par exemple il n’a jamais été donné un renseignement précis sur la production agricole alors que l’on multiplie les chiffres sur les coopératives de production. Pour ce qui est des quantités récoltées, qui sont tout de même l’essentiel, il faut se contenter de la phrase prononcée par Tito dans son discours du 27 avril 1950 devant l’Assemblée nationale : « Dans certaines branches, la production agricole s’est rapprochée du niveau d’avant guerre, et même l’a dépassé dans certains domaines. »

C’est tout, mais c’est déjà assez révélateur. Ce qu’il est impossible de dissimuler, ce sont les difficultés alimentaires toujours insupportables dans un pays essentiellement agricole qui avait autrefois une production excédentaire. Il est reconnu aujourd’hui comme un fait indiscutable que la Yougoslavie est le pays de la sous-alimentation permanente pour la grande majorité des travailleurs.

Sur la production des objets industriels de consommation courante, même mystère, mais là aussi la pénurie est si évidente, si visible qu’elle a été reconnue par tous les journalistes, même les plus favorables à Tito.

Au fond il n’est pas un seul observateur étranger qui ne soit édifié sur cette question du plan quinquennal. Aucun n’a jamais parlé du succès du plan et beaucoup ont ouvertement avoué l’échec complet. Ainsi l’hebdomadaire américain Time, le 30 janvier 1950, dans un article intitulé : « Impression de Belgrade », écrivait : « La vérité concernant le plan, autant qu’on puisse la découvrir, est que les réalisations sont certainement bien en dessous des objectifs visés. » Et M. Alsop, dans le New York Times, écrivait, quelque temps après : « A l’heure actuelle, le gouvernement yougoslave a visiblement grand besoin d’une aide urgente en devises stables pour pallier l’échec du plan quinquennal et atténuer les cruels sacrifices des masses. » (Cité dans Pour une paix durable, 14 mars 1950.)

Il est cependant certains domaines où le plan quinquennal a dépassé les prévisions. Il s’agit précisément de la destruction des forêts. Ce qui est remarquable, c’est que la propagande de Tito n’hésite pas à présenter cela comme un succès économique.

Le bulletin Tanjug, du 3 juillet 1950, écrit :

« L’industrie du bois a exécuté son plan quinquennal en trois ans. M. Cameron, membre de la délégation internationale pour le ravitaillement et l’agriculture, qui séjourne actuellement en Yougoslavie, a dit : l’industrie du bois a exécuté son plan quinquennal en trois ans. Le plan supplémentaire, actuellement en voie d’exécution, est plus important que le plan quinquennal tout entier. »

Nous avons là un exemple typique de l’information titiste. La destruction des forêts, pour l’exportation, est appelée « industrie du bois ». Et ce contrôle des pillages des richesses naturelles de la Yougoslavie est exercé par M. Cameron dont on oublie d’indiquer la nationalité américaine.

En dehors du bois, la Yougoslavie exporte en quantité des matières premières stratégiques réclamées par les Américains. Un communiqué de Radio-Belgrade en date du 18 avril 1950 reconnaissait que : « le quart des exportations globales consiste en plomb, cuivre, antimoine, argent, bauxite, étain, chrome, pyrite, mercure, magnésite et autres minerais ». Ces produits vont d’abord vers les Etats-Unis — les exportations vers l’Amérique ont augmenté de plus de six fois de 1948 à 1950 — mais aussi vers l’Allemagne occidentale, l’Angleterre, l’Italie.

Réciproquement les Américains et aussi les Anglais et les Allemands envoient en Yougoslavie uniquement l’outillage nécessaire pour développer les productions qui leur sont utiles.

En somme quand on examine avec un peu de soin l’économie yougoslave, son caractère fondamental apparaît avec beaucoup de clarté : la Yougoslavie est un pays colonial, sous contrôle américain, et toute son évolution économique est commandée par les intérêts de l’impérialisme américain. Concrètement, qu’est-ce que cela représente ?

1° Du point de vue stratégique, la Yougoslavie doit entretenir une armée nombreuse (environ 30 divisions) toujours disponible pour une attaque contre les démocraties populaires et l’Union Soviétique. Ce petit pays de quinze millions d’habitants, a mobilisé environ un million d’hommes soit dans l’armée régulière, soit dans les forces de police. C’est la plus grande armée dont disposent les Etats-Unis dans le monde. L’économie yougoslave est donc d’abord une économie de guerre qui doit supporter cette charge intérieure extrêmement lourde.

2° Toujours du point de vue stratégique, la Yougoslavie doit augmenter la production de matériaux de guerre dont les Etats-Unis et les pays marshallisés ont besoin. Ceci détermine les secteurs industriels qui bénéficient de crédits et d’investissements étrangers, et dont le développement est assuré pour une certaine période.

3° L’économie yougoslave doit entretenir toute la clique gouvernementale qui tient le pays sous le joug. Tito, en tant que premier chambellan de l’impérialisme américain, a droit à des privilèges spéciaux. Ce sont ses 27 châteaux, ses immenses terrains de chasse et tout ce faste de satrape qui a été maintes fois décrit.

Mais les autres domestiques ont aussi de grands besoins et ils coûtent plus ou moins cher suivant la fonction qu’ils occupent. Les privilégiés du régime, au nombre de 150.000 environ, disposent de soldes élevées, de magasins spéciaux, d’avantages en nature, et surtout de facilités diverses pour monnayer leur influence et spéculer sur la pénurie générale. Tout cela représente aussi une charge écrasante pour le peuple yougoslave.

4° Enfin il ne faut pas oublier les profits capitalistes ordinaires. M. Alsop, dans l’article déjà cité, parle de cela en termes très clairs, qui peuvent toucher le cœur des hommes d’affaires américains : « La Yougoslavie, dit-il, constitue un excellent business qui donnera deux dollars pour chaque dollar investi. » Ceci suppose évidemment des méthodes d’exploitation féroces pour l’ensemble des travailleurs yougoslaves et permet de mieux comprendre et le travail forcé et l’extraordinaire misère d’un peuple tombé sous la domination de semblables aventuriers.

C’est tout cela qui s’appelle en Yougoslavie « la construction du socialisme ».

Les thèmes essentiels de la propagande de Tito à l’usage interne sont les suivants : nous sommes pauvres parce que l’Union Soviétique et les démocraties populaires refusent de nous aider, parce que nous sommes seuls pour construire le socialisme ; nous sommes pauvres parce que nous construisons le socialisme et que cela demande beaucoup de sacrifices, mais plus tard quand le socialisme sera construit, tout ira pour le mieux.

Le chauvinisme et la démagogie ont-ils réussi à tromper le peuple yougoslave ? Sans aucun doute, de même que le peuple allemand avait été aussi trompé par la démagogie de Hitler et de Goebbels. Mais depuis deux ans, les yeux s’ouvrent en Yougoslavie, beaucoup plus vite qu’ils ne s’étaient ouverts en Allemagne parce que les conditions historiques ne sont plus les mêmes. Tito n’a pas la même liberté de manœuvre que Hitler parce que ses maîtres américains sont plus exigeants, parce qu’il a été obligé, pour tromper le peuple yougoslave, de prendre le masque du communisme, de se proclamer disciple de Marx et de Lénine. Tout cela le contraint à une acrobatie de plus en plus difficile où il finira par se casser le cou.

La misère du peuple yougoslave est sans égale dans toute l’Europe et les persécutions policières de plus en plus sévères ne peuvent pas empêcher le mécontentement général de grandir. D’autre part, pour essayer de trouver une base sociale suffisante, Tito est contraint de rétablir le capitalisme privé sous toutes ses formes et ceci encore ne peut manquer de pousser à la révolte les travailleurs qui s’étaient laissé tromper. Ce rétablissement du capitalisme privé, qu’il serait trop long d’analyser ici en détail, s’est opéré en deux temps : d’abord à la campagne, actuellement dans les entreprises industrielles.

A la campagne, l’appui social du régime est maintenant partout la classe des koulaks. Déjà, le 5 août 1949, Tito déclarait : « On ne saurait qualifier de koulaks, les paysans gui ont quinze, vingt hectares ou même plus, s’ils approuvent notre société nouvelle. » En fait, il ne s’agit pas tant de la superficie des terres que du rôle dirigeant donné à la classe des koulaks à la campagne au moyen de ces coopératives de travail où ils sont les maîtres incontestés.

De même que la domination des capitalistes agraires a été organisée au nom de « la socialisation » du travail agricole, de même le retour à l’entreprise privée dans le domaine industriel s’accomplit en ce moment au nom de la démocratie, de « la lutte contre le bureaucratisme ». Le gouvernement de Belgrade appelle cela « la gestion des entreprises par les collectifs ouvriers ».

A ce propos on peut lire dans Tanjug du 29 juin 1950 : « Le maréchal Tito a déclaré hier que cela signifie que les moyens de production d’Etat, usines, mines, chemins de fer, passent graduellement à une forme plus élevée de biens socialistes et que c’est là le chemin qui mène vers le dépérissement des fonctions de l’Etat dans l’économie. » Quand on ajoute que la loi prévoit que « le directeur, (de chaque entreprise) sera nommé par le Conseil d’administration de l’entreprise économique supérieure » on peut comprendre sans être devin qu’il s’agit pour l’Etat d’abandonner aux privilégiés du régime la direction et les profits des entreprises.

La Yougoslavie de Tito est devenue en fait le pays de l’exploitation capitaliste la plus impitoyable, sous là direction d’un appareil policier plus puissant que ne l’était la Gestapo de Hitler.

Que tout cela conduise à brève échéance vers la catastrophe et les aventures guerrières est une certitude mathématique. Il dépend pour une grande part des peuples yougoslaves de conjurer ce terrible danger. Mais il dépend aussi des démocrates, des partisans de la paix du monde entier de faire le barrage, d’empêcher, par une campagne de vérité, Tito et sa clique de faire des dupes et d’accomplir dans une confusion propice le mauvais coup qu’il prépare.

Dire la vérité sur Tito et son régime est devenu un devoir aussi urgent que pouvait l’être à la veille de la deuxième guerre mondiale la dénonciation de Hitler et de ses complices.

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Programme d’action du nouveau gouvernement tchécoslovaque (1948)

10 mars 1948
Discours prononcé par le président du conseil Klement Gottwald
à l’Assemblée Nationale Constituante

Mesdames, Messieurs, Les membres du gouvernement pour les partis socialiste national, populiste et démocrate slovaque ont démissionné le 20 février 1948. Par ce fait fut ouverte la crise gouvernementale.

Le 25 février 1948 le président de la République a accepté la démission des dits membres du gouvernement et a approuvé nos propositions relatives au complètement et à la reconstruction du gouvernement. Par là la crise gouvernementale était dénouée.

Le gouvernement complété et reconstruit se présente aujourd’hui à l’Assemblée Nationale Constituante avec l’exposé de son programme. Par l’approbation de ce’ programme du gouvernement au sein de l’Assemblée Nationale Constituante la solution de la crise gouvernementale sera dénouée également selon la voie parlementaire.

Avant de parler du programme gouvernemental lui-même, je veux dire quelques paroles sur la nature essentielle de la crise que nous avons vécue ces derniers jours. Il faut connaître les racines de la crise ainsi que les buts que suivaient les initiateurs de la crise — il faut que nous les connaissions pour pouvoir éviter la prochaine fois de semblables événements ou pour les empêcher à temps.

Pour cette raison je ne vais pas m’occuper des phénomènes extérieurs de la crise et je vais essayer de pénétrer à la base-même de celle-ci.

Dans la République d’avant Munich une petite poignée de magnats de la grande finance, de la grande industrie et des grosses propriétés foncières gouverna et décida chez nous. Tout le monde le sait à présent, chaque Tchèque et chaque Slovaque.

Dans la Constitution il était inscrit, bien entendu, que le peuple était la source de tout pouvoir — mais dans la réalité le peuple éprouvait lui-même à chaque pas que la source de tout pouvoir était le sac d’argent. En d’autres termes: sous la mantille d’une démocratie parlementaire formelle il y avait dans la République d’avant Munich une hégémonie des grands magnats que étaient puissants grâce à leurs biens.

Cette couche de grands et puissants magnats justifiait son hégémonie entre autres également par la prétention qu’elle seule était capable de diriger notre économie nationale. Les résultats de leur régime économique — des crises économiques périodiques, le chômage constant, d’une part la misère et d’autre part l’accumulation de richesses —ont prouvé que les magnats du grand capital n’étaient pas capables de diriger l’économie en faveur de tous.

Les grands et puissants dirigeants de la République d’avant Munich ont affirmé encore que seuls ils étaient appelés à diriger et administrer d’une manière juste les affaires nationales des Tchèques et des Slovaques ainsi que les affaires d’État de la Tchécoslovaquie. Qu’uniquement sous leur direction nos nations pourraient garantir leur liberté nationale et leur indépendance. Cependant les résultats de l’hégémonie de la grande bourgeoisie étaient justement dans les affaires vitales de la nation et de l’État les plus tragiques, les plus affreux et les plus désastreux.

Pour maintenir son régime de classe et ses privilèges la bourgeoisie tchèque et slovaque s’associa d’abord aux ennemis intérieurs de la République, aux fascistes allemands et hongrois.

Pour les mêmes raisons de classe égoïstes la grande bourgeoisie tchèque et slovaque a capitulé à l’époque de Munich et a refusé l’aide militaire, offerte à la Tchécoslovaquie, par l’Union soviétique.

Et à nouveau dans l’intérêt du sac d’argent et des biens, les magnats tchèques et slovaques ont sacrifié la cause nationale, le 15 mars 1939, ont accepté le protectorat honteux et le détachement de la Slovaquie des pays tchèques et se sont mis complètement et ouvertement au service d’Hitler bien qu’ils aient su que, la victoire remportée, l’Allemagne hitlérienne était décidée à disperser les Tchèques et les Slovaques et à ruiner leur nation.

Ainsi la grande bourgeoisie tchèque et slovaque ne s’est pas montrée en bon administrateur, mais a misérablement trahi notre cause nationale. Ainsi à l’époque des épreuves historiques, les dirigeants tchèques et slovaques avaient été pesés — et s’étaient montrés trop légers.

La connaissance de cette réalité pénétra dans la conscience de la grande partie du peuple tchèque et slovaque déjà à l’époque de l’occupation allemande. Cela s’effectuait d’autant plus vite que tous voyaient : pendant que le peuple s’opposait d’une manière active et passive aux occupants, que les dirigeants collaboraient avec ceux-ci et tiraient leur profit de la guerre allemande et de la misère de la nation.

Pour cette raison il était de plus en plus évident qu’après avoir chassé les occupants allemands, il serait impossible de retourner aux conditions d’avant Munich.

Il devenait de plus en plus évident qu’après les Allemands leurs aides devaient être élimines également du pouvoir politique, et qu’il faudrait saisir aussi la hase de leur pouvoir, cela vent dire les grandes propriétés et les biens accumulés par la longue exploitation du peuple.

Il était donc évident que dans la République libérée le peuple devrait avoir le pouvoir décisif. Non pas sur le papier, mais dans la réalité. Ainsi après la libération de la Tchécoslovaquie par la glorieuse armée soviétique nous avons nationalisé les finances et la grande industrie lourde, nous avons transféré les Allemands et nous avons remis les terres, les banques et les usines, qui leur appartenaient auparavant, non pas aux mains des magnats tchèques et slovaques, mais dans celles des agriculteurs, des ouvriers et des artisans tchèques et slovaques, aux mains de la nation, nous avons éliminé le système policier et bureaucratique et par l’institution des comités nationaux nous avons rendu populaire l’administration publique, nous n’avons pas permis la rénovation des partis politiques réactionnaires d’avant Munich qui avaient été les instruments politiques directs de la grande bourgeoisie tchèque et slovaque, nous avons créé le gouvernement du Front National qui devait être l’organe exécutif de l’union des ouvriers, des agriculteurs, des artisans et des intellectuels.

Par ces faits la classe sociale. qui avait régné auparavant, était vraiment éliminée du pouvoir politique décisif et touchée à son point le plus vulnérable. dans le domaine de ses biens. Et dans la nouvelle République populaire et démocratique on commença réaliser le principe que le peuple était la source de tout le pouvoir.

Cependant le peuple fut généreux à l’égard de ses anciens tenants du pouvoir. Il ne nationalisa leurs biens que partiellement et il garantit une indemnité pour ces biens nationalisés. Il laissa en des mains privées beaucoup d’entreprises industrielles et autres et la nationalisation n’intervint point dans les domaines du commerce intérieur en gros ainsi que dans celui de l’exportation et de l’importation.

Il resta donc aux capitalistes la possibilité de gagner, de commercer et d’accumuler des profits. Et les capitalistes en profitèrent pleinement. Ils se jetèrent, en premier lieu, sur des branches qui étaient au point de vue du profit les plus lucratives et dans cette ruée vers le profit ils ne se souciaient guère de la loi, de la moralité et de la pureté de leurs mains.

Le peuple voit ces faits très clairement de la manière suivante : à l’époque de la réforme monétaire, à la fin de 1945, tout le monde commença formellement avec 500 couronnes. A présent beaucoup de capitalistes possèdent des millions et des millions au comptant. Il est évident qu’ils ne pouvaient pas prendre possession de cet argent par leur propre travail honnête, mais par l’exploitation malhonnête et par le marché noir.

Le résultat de cette « évolution » est donc que la base financière de la bourgeoisie, diminuée et affaiblie par la nationalisation, commença de nouveau à s’élargir et à se renforcer.

Mais ce n’était pas la seule conséquence. Nous avons laissé, après la libération, aux anciens magnats et dirigeants tous les droits civiques et politiques. Nous étions témoins que le jugement des traîtres et des collaborateurs tournait en farce ridicule et blessait le sentiment de la justice et de la morale de notre peuple. Nous étions aussi témoins que les traîtres et les collaborateurs étaient libérés tout d’un coup et que les enquêtes menées contre eux étaient arrêtés, que seulement un nombre insignifiant était puni et le plus souvent avec beaucoup d indulgence.

Il n’est pas étonnant que très vite ils aient repris de l’audace. Ils ont profité pleinement ou plutôt abusé de leurs droits politiques qui leur avaient été généreusement laissés, lls sont entrés eux-mêmes ou ont envoyé leurs agents dans les partis politiques légaux et dans les organisations et institutions légales.

Ils ont délégué aux postes dirigeants de ces partis et organisations leurs gens ou se sont imposés eux-mêmes, et ils dirigeaient leurs travaux en coulisse, de cercles secrets et illégaux. A voir la conduite de quelques partis de l’ancien Front National au sein du gouvernement, au parlement, dans les comités nationaux, dans les organisations syndicales et autres, dans la presse, aux assemblées et en général dans la vie publique — à observer cela, on pouvait suivre dans ces partis les progrès de l’infection réactionnaire et comment finalement ils devenaient complètement les instruments de la réaction.

De cette « évolution » ressort le fait qu’après la révolution de Mai 1945, la grande bourgeoisie, éliminée du pouvoir politique, s’est renforcée dans le domaine politique, que son influence a atteint le gouvernement et que cette influence ne pouvait être autre que réactionnaire.

En Mai 1945 nous avons obligé la réaction à passer la porte des délibérations gouvernementales, en février 1948 il était clair qu’elle était revenue par la fenêtre.

Voilà donc l’arrière-plan économique, de classe et des positions du pouvoir politique de la crise gouvernementale de février.

La réaction qui avait mésusé de ses positions économiques pour l’acquisition de nouvelles richesses et qui s’était acquis plusieurs partis de l’ancien Front National dans une mesure telle qu’elle pénétra grâce à leur aide directement dans le gouvernement — cette réaction décida à porter un coup général contre le régime populaire et démocratique.

Le but immédiat de la réaction était de changer dans le gouvernement et dans l’État entier la proportion des forces avant les élections parce qu’elle avait peur d’une défaite au cours des élections.

Le but de la réaction était de renverser complètement le régime populaire et démocratique, de prendre au peuple tout ce que la libération et la Révolution nationale lui avaient apporté, de rendre aux anciens propriétaires tout ce qui était nationalisé et d’imposer de nouveau l’hégémonie illimitée des grands et puissants magnats. Dans le domaine de la politique étrangère, la réaction s’efforça de nous éloigner de l’Union soviétique et des autres alliés et de rapprocher de nouveau la République de ceux qui avaient cause Munich.

En bref, sous une forme ou sous une autre devait se répéter l’année 1920 qui signifia la fin des conquêtes que notre peuple avait acquises après la liquidation de la Monarchie austro-hongroise après la première guerre mondiale.

Que personne ne se trompe si les initiateurs réactionnaires de la crise gouvernementale n’ont pas parle ouvertement de ces. buts finaux. Que personne ne se laisse tromper si ces gens de temps en temps ont même répété que, par exemple, ils n’avaient pas l’intention d’abolir la nationalisation, que l’alliance avec l’Union soviétique était en dehors de toute discussion et ainsi de suite. C’est le procédé de chaque contre-révolution.

La contre-révolution ne parle point de ses buts finaux et ne révèle ses cartes que progressivement.

La contre-révolution veut toujours, en premier lieu, le renversement des forces du pouvoir en sa faveur, il ne s’agit pour elle que du pouvoir. S’emparer — cela signifie une victoire totale.

Par là elle retrouve la liberté de mener jusqu’à leur terme tous ses plans contre-révolutionnaires. Il en était de même dans le cas tchécoslovaque. D’ailleurs le prétexte lui-même, lequel les réactionnaires avaient provoqué la crise gouvernementale, jette une lueur claire sur leurs buts visant au pouvoir et qui ont une grande envergure.

L’aspect extérieur faisait entrevoir le déplacement de huit officiers du Corps de la Sûreté Nationale. Ces messieurs faisaient leurs comptes de cette façon-ci: placer à nouveau le Corps de la Sûreté Nationale sous le contrôle des réactionnaires et sous le commandement réactionnaire, et par conséquent avoir la possibilité d’utiliser ce corps contre le peuple —comme il en était à l’époque d’avant Munich — cela signifie avoir en mains tous les atouts et avoir la possibilité de jouer avec le peuple d’une manière analogue à celle qu’avait employée en 1920 le bien connu Jan Cerny, l’ami intime de Heinold.

Bref, par leurs attaques mal conçues, dirigées contre le Corps de la Sûreté Nationale, ces messieurs avaient révélé déjà d’avance une partie de leurs plans réactionnaires. D’ailleurs c’était justement notre peuple qui ne se laissait pas tromper, par aucune manœuvre, détour ou prétexte de la réaction.

Le peuple devina ses intentions et buts cachés, non seulement au moment où la réaction mit tout sur une seule carte et provoqua la crise gouvernementale, mais bien avant. Le peuple avait déjà plus qu’assez de tout ce que la réaction tramait depuis de longs mois déjà.

La crise gouvernementale, provoquée par la réaction, n’était qu’une goutte qui faisait déborder la coupe déjà pleine de la patience du peuple. Et ce ne furent pas seulement nos travailleurs des villes, mais en même temps nos travailleurs des campagnes.

Le peuple se rendit compte, dans son immense majorité, qu’il ne s’agissait pas dans le gouvernement de quelques petits conflits de coalition dans le but de conquérir des postes de ministres et des avantages matériels, de conflits qui étaient si typiques dans les gouvernements de coalition d’avant Munich.

Le peuple voyait clairement, dans sa grande majorité, qu’il s’agissait ici d’un dangereux essai de renverser le régime populaire et démocratique et de ruiner tout ce que la libération avait apporté à notre peuple.

Pour cette raison se manifesta cette tempête élémentaire de la colère et de l’opposition populaires qui du 20 au 25 février 1948 traversa toutes la République de la Forêt de Bohême jusqu’aux Tatras et qui dispersa les sombres plans de la réaction comme un château de cartes.

Je n’exagère pas, si je dis, que nos masses laborieuse des villes et de la campagne ont passé dans ces jours cri-tiques un nouvel examen de maturité politique et qu’elles se sont avérées magnifiquement, même à merveille, dans cet examen.

J’estime de mon devoir d’exprimer également de cette tribune de l’Assemblée Nationale Constituante ma grande admiration et mes remerciements à nos travailleurs des villes et de la campagne et à leurs véritables représentants politiques, pour leur attitude décidée et vraiment digne d’hommes d’État au cours de cette crise. Vous, les millions et millions de simples citoyens dans les villes et dans les villages, vous avez sauvé notre pays d’une nouvelle défaite auprès de Lipany et par là également d’une nouvelle bataille de la Montagne Blanche.

L’unité actuelle des magnats fut brisée et ce sont maintenant les successeurs des partisans du maître Jean Hus, de Jean de Trocnov, de Procope le Chauve et de Rohac de Duba qui assumeront la parole décisive dans toutes les questions nationales et relatives à l’État.

C’est ainsi qu’à la suite de l’attitude trop voyante et impertinente de la contre-révolution, grâce à la promptitude et à la vigilance de notre peuple — et particulièrement grâce à la vigilance et à la clairvoyance de son plus grand parti, le parti Communiste de Tchécoslovaquie, — le putsch contre-révolutionnaire de la réaction fut étouffé dans son germe.

Au moment où l’on nous a communiqué la démission des membres du gouvernement, représentant les dits partis, nous avons déclaré clairement et sans équivoque à l’adresse die tous: premièrement le retour des membres du gouvernement, qui avaient démissionné, était impossible, deuxièmement il était impossible de négocier dans le but de compléter et de refaire le gouvernement avec les cliques, qui se représentaient comme les dirigeants légitimes des partis de la confiance desquels elles avaient si grossièrement abusé.

Nous avons dit troisièmement que nous allons négocier pour compléter et reconstituer le gouvernement avec les éléments des partis de l’ancien Front National qui sont restés fidèles à l’esprit et au programme originaux du Front National.

Et finalement nous avons demandé que le gouvernement comprenne également les représentants d’une organisation aussi importante que Mouvement Syndical Révolutionnaire.

Et c’est justement sur cette base que le gouvernement a été complété et reconstitué. Le gouvernement, complété et reconstitué, est le gouvernement du Front National renouvelé. Les représentants de tous les partis politiques renouvelés ainsi que ceux de notre plus grande organisation, du Mouvement Syndical Révolutionnaire, participent directement au gouvernement.

Dans ce sens le gouvernement du Front National renouvelé est l’organe exécutif de l’union des ouvriers, des agriculteurs, des artisans et des intellectuels. Et par là nous retournons au sens et à l’esprit originaux du Front National tels que ceux-ci s’étaient formés dans la Résistance, lors du Soulèvement slovaque et de la Révolution de Prague et dans les jours de la glorieuse libération.

Le gouvernement a été complété et reconstitué d’ manière strictement constitutionnelle, démocratique et parlementaire. Quiconque a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre doit reconnaître ces faits. La Constitution et l’usage exigent que le président de la République nomme sur la proposition du président du Conseil les nouveaux membres du gouvernement pour remplacer ceux qui ont démissionné. Ces conditions ont été remplies.

La Constitution exige encore que chaque gouvernement, par suite également le gouvernement actuel, jouisse de la confiance du parlement. Le gouvernement actuel du Front National renouvelé sollicite maintenant cette confiance de l’Assemblée Nationale Constituante. C’est à vous d’accorder ou de refuser cette confiance au gouvernement. Je pense que la plus grande partie des membres de ce corps illustre accordera sa confiance au gouvernement actuel.

Il l’accordera d’autant plus qu’il va juger d’une manière équitable son programme. Mais il paraît toutefois nécessaire d’adresser quelques paroles aux « défenseurs » actuels de la constitutionnalité tchécoslovaque dans notre pays et à l’étranger. Ces gens-là se lamentent à présent sous prétexte que la Constitution » tchécoslovaque a été violée. Mais où étaient tous ces gens-là, lorsqu’en 1939 se déroula la tragédie de Munich?

Qu’est-ce que signifia Munich du point de vue de la constitutionnalité tchécoslovaque? Munich signifia le mépris le plus brutal de la Constitution tchécoslovaque.

Et à l’époque de Munich les éléments étrangers ainsi que ceux du pays avaient foulé la Constitution tchécoslovaque sans aucun égard. La Constitution tchécoslovaque formule clairement que les changements territoriaux dans la République ne peuvent être effectués qu’avec l’accord expressif de l’Assemblée Nationale. Les hommes de Munich étrangers et tchécoslovaques le savaient bien.

Et qui donc demanda à l’Assemblée Nationale Constituante ce qu’elle pensait de la décision dictée à Munich? Personne! L’écartèlement, la mutilation et la paralysie de la République étaient effectués par les magnats étrangers et indigènes sans aucun égard envers la Constitution tchécoslovaque.

Nous voudrions conseiller à ces gens-là ou à leurs successeurs lorsqu’ils se plaignent aujourd’hui de la prétendue violation de la Constitution : dans la maison du pendu ne parle pas de la corde!

Je passe maintenant aux questions du programme gouvernemental du Front National renouvelé. Vu le fait que la période de l’Assemblée Nationale Constituante se rapproche de sa fin, le programme du gouvernement est lié également à cette limite.

Il est possible de répartir le programme gouvernemental en trois points : le gouvernement veut premièrement réaliser les parties les plus importantes du programme gouvernemental de juillet 1946 qui n’étaient pas encore remplies jusqu’à présent.

Le gouvernement veut deuxièmement réaliser les revendications qui étaient formulées par le Congrès national des Conseils d’entreprise et des organisations syndicales le 22 février 1948 ainsi que par le Congrès des Commissions Agricoles les 28 et 29 février 1948.

Le gouvernement doit réaliser troisièmement les revendications qui découlent de la liquidation du putsch réactionnaire dirigé contre le gouvernement en février 1948. Si nous jugeons objectivement l’évolution de notre économie depuis les élections en 1946, il faut se rendre compte de sa tendance progressive.

Lors de la mise au point du plan économique biennal nos adversaires prédisaient son effondrement. Il n’en était rien. Le plan économique fut accompli au cours de la première année du plan biennal à 100,9 %, en janvier 1948 le plan fut accompli à 103,6 % et les chiffres préalables pour le mois de février 1948 montrent qu’au cours de ce mois de la crise gouvernementale le plan ne fut pas seul: ruent accompli mais également dépassé.

Nous avons terminé, dans la plus grande partie, le repeuplement de nos régions frontières et nous avons assuré ainsi la possibilité d’une nouvelle existence à des centaines de milliers de Tchèques et de Slovaques, d’ouvriers, d’agriculteurs, d’artisans et d’intellectuels.

Nous avons abordé la révision de la première réforme agraire et nous présentons ainsi aux agriculteurs, qui travaillent eux-mêmes sur le sol, des centaines de milliers d’hectares de terres.

Nous avons maintenu, en général, l’équilibre entre les prix et les salaires, nous avons stabilisé notre monnaie et nous avons évité l’inflation. En 1947 notre commerce extérieur a augmenté dans une mesure considérable et son bilan était équilibré. Dans le domaine de la politique sociale nous avons, au cours des 18 derniers mois, réalisé en faveur du peuple plus qu’au cours des 20 années qui ont précédé la guerre.

En un mot, la production et le commerce intérieur et extérieur ont augmenté et par là — bien que lentement — a augmenté également le niveau de vie de notre peuple.

La sécheresse de l’été passé et la mauvaise récolte qui en découle, constituent une grave atteinte à notre économie. Nous étions obligés de diminuer, par suite de la mauvaise récolte, les rations de quelques denrées, nous sommes obligés d’importer une plus grande quantité de diverses denrées de l’étranger. Je considère comme mon devoir d’exprimer de nouveau notre reconnaissance à l’Union soviétique et, en particulier, au Généralissime Staline, pour l’aide qu’il nous a fournie par la livraison extraordinaire de 600 000 tonnes de blé et de fourrage.

Mais pour pouvoir assurer le ravitaillement, par un accroissement des importations, il nous faut augmenter nos exportations de produits industriels, entre autres de produits d’une large consommation, dont le marché intérieur se voit par conséquent diminué. Nous avons compensé, au moins partiellement, les dommages, causés aux agriculteurs par la sécheresse, ce qu’on n avait encore jamais fait. Nous avons donné aux agriculteurs des allocations extraordinaires pour leurs produits agricoles et aux agriculteurs les plus endommagés nous avons fourni une aide financière directe. Bref, même une catastrophe telle que la sécheresse de l’été passé, n’a pas su déséquilibrer notre économie nationale.

Néanmoins nous aurions pu être beaucoup plus avancés dans la consolidation et l’épanouissement de notre économie et dans l’augmentation progressive du niveau de vie du peuple. Nous aurions pu surmonter plus vite et avec: moins de difficultés la mauvaise récolte causée par la sécheresse.

L’activité freinante de la réaction au gouvernement et dans tout l’organisme économique et administratif plaçait des obstacles sur notre route et rendit plus difficile notre marche en avant. Je ne veux pas vous fatiguer avec un long compte rendu de tout ce que ces messieurs ont à cet égard sur la conscience.

Il suffit que j souligne qu’une partie considérable du programme gouvernemental, approuvé par cette Assemblée Nationale Constituante en juillet 1946, attend encore sa réalisation. Mais je suis pleinement convaincu que nous allons atteindre au moins dans les secteurs principaux les buts que nous avons manqués jusqu’à présent.

Quels points du programme devons-nous donc accomplir au cours de la période qui reste à l’Assemblée Nationale Constituante avant les élections, de ce programme qui avait été approuvé par ce corps illustre en 1946 et qui n’est pas encore réalisé? Je vais mentionner seulement les choses principales et les plus importantes.

Nous pensons qu’il est indispensable de donner à la République une Constitution nouvelle. Je souligne une Constitution nouvelle, dans l’esprit de la proclamation de programme gouvernemental du 8 juillet 1946. Une Constitution qui va fixer toutes les conquêtes du peuple après la libération et qui en même temps ne constituera pas un frein pour notr future marche en avant, sur la voie vers le socialisme.

Quant à l’expression constitutionnelle des relations de nos peuples fraternels, tchèque et slovaque, nous insistons sur le programme gouvernemental de Kosice, sur la Magna Charta slovaque, en tenant compte des expériences pratiques acquises depuis la libération.

Quant à la propriété privée de nos masses laborieuses dans les villes et à la campagne, nous insistons sur le fait que la Constitution doit garantir aux agriculteurs la propriété privée du sol jusqu’à la contenance de 50 ha, aux petits et moyens entrepreneurs dans les autres secteurs, la Constitution garantira la propriété privée des entreprises employant jusqu’à 50 travailleurs, excepté les branches dont la nationalisation complète avait déjà été ou sera encore réalisée par une loi spéciale de la nouvelle Constitution.

Outre la grande oeuvre de la nouvelle Constitution nous ferons entrer en vigueur, encore avant les élections, la loi sur l’assurance nationale, unique dans le monde entier. L’assurance nationale du revenu garantit toutes les couches travailleuses de la nation et leurs familles — ouvriers, agriculteurs, artisans et intellectuels — pour le cas d’invalidité et de vieillesse ainsi que pour le cas du décès du père nourricier de la famille. Les allocations de vieillesse seront augmentées.

Les agriculteurs et les artisans, faibles au point de vue social ou mutilés, recevront un revenu social. L’assurance nationale de maladie égalisera les différences actuelles entre les revendications des ouvriers et apportera d’autres améliorations considérables et sera élargie également aux travailleurs indépendants – aux agriculteurs, artisans et professions libres.

Dans le domaine des terres, nous avons l’intention de mettre sur pied le remaniement de la loi sur la révision de la première réforme agraire, notamment afin que les terres des propriétaires des domaines résiduels puissent être, en cas de nécessité, attribuées aux agriculteurs dans une plus grande mesure que jusqu’à présent.

Simultanément il est nécessaire de faire entrer en vigueur la loi sur l’aménagement durable de la propriété des terres. Cette loi doit rendre possible l’achat des terres comprenant plus de 50 ha, et qui se trouvent dans des mains privées, et la distribution de ces terres aux agriculteurs qui travaillent sur leurs terres.

Une autre aide à nos agriculteurs sera apportée par la nouvelle modification de l’impôt agricole qui libérera totalement des impôts une partie des petits agriculteurs et qui allégera pour l’autre partie des petits et moyens cultivateurs le fardeau des impôts.

Un autre acte important en faveur des cultivateurs sera la loi sur le crédit agricole, qui permettra de recevoir un crédit à bon marché sans conditions d’usure. Nous voulons introduire pour nos artisans un impôt artisanal unifié qui d’une part diminuera ce fardeau, d’autre part simplifiera toute la manipulation fiscale.

Et comme pour les agriculteurs, nous voulons réaliser pour nos artisans une loi sur le crédit artisanal qui une fois pour toutes libérerait les artisans des usuriers. Dans le domaine de l’éducation nationale nous voulons mettre sur pied, encore au cours de cette période, la loi scolaire, depuis longtemps attendue, qui posera les bases de l’école unifiée.

Je répète que je ne parle dans cette proclamation que des points principaux et les plus importants, à l’accomplissement desquels nous nous sommes engagés par le programme gouvernemental de juillet 1946 et dont la réalisation n’avait pas encore été effectuée. Outre les questions mentionnées, il y en a toute une série d’autres que nous allons nous efforcer de résoudre.

Quelle tâche découle pour le gouvernement et l’Assemblée Nationale Constituante des résolutions prises par les deux Congrès mémorables de février : le Congrès des Conseils d’entreprise et des organisations syndicales et le Congrès des Commissions Agricoles?

Quant aux questions agricoles, ces résolutions s’accordent en général avec le programme antérieur du gouvernement. Quant aux questions industrielles, du commerce intérieur en gros ainsi que de l’importation et de l’exportation, ce sont des questions nouvelles et le gouvernement ainsi que l’Assemblée Nationale Constituante doit formuler son point de vue.

Je pense que ce point de vue peut être seulement positif. Sans vouloir entrer dans les détails, je veux souligner que jusqu’aux élections doivent être encore réalisées:

– L’organisation nationale de tout le commerce intérieur en gros. Organisation nationale de l’importation et de l’exportation.

– La nationalisation des entreprises capitalistes dans tous les secteurs qui comprennent plus de 50 employés, certains secteurs auxquels le public porte un intérêt considérable e doivent être nationalisés complètement.

Cette mesure est justifiée notamment par des considérations concernant l’économie nationale. Par là des valeurs de dizaines de milliards qui jusqu’à présent ont été soustraites au revenu national et employés abusivement très souvent à des fins anti-nationales, doivent être conservées pour la nation, pour la collectivité.

Cette mesure est indispensable en même temps pour des raisons concernant la politique d’État. Les secteurs qui seront encore touchés par la nationalisation ou éventuellement par l’étatisation étaient et sont le foyer de conspiration dirigée contre l’Etat et ce sont eux qui sont à l’origine de la crise gouvernementale dénouée, de février.

Et il faut arracher ces racines de conspiration dirigées contre le peuple et contre l’État. Et elles seront arrachées!

Finalement il nous faut faire ressortir également les conséquences politiques de la crise de février.

J’ai déjà mentionné que quelques partis de l’ancien Front National se trouvaient entièrement sous l’influence de la réaction et sont devenus ses instruments. J’ai dit que le gouvernement complété et reconstitué, constitue l’expression du Front National renouvelé.

Il faut encore ajouter que seuls les partis politiques renouvelés et les organisations se trouvant en dehors des partis peuvent faire partie du Front National renouvelé.

Il est indispensable que les agents de la réaction soient éliminés de ces partis et de ces organisations.

Nous avons le devoir envers notre peuple dans les villes et dans la campagne d’effectuer ces tâches. Nous le devons également à la nation et à la République. Nous sommes obligés de le faire si nous voulons garantir l’évolution tranquille et libre ainsi que l’indépendance de notre République.

Cette épuration de notre vie publique s’effectue déjà. Les comités d’action du Front National, d’origine spontanée, la réalisent. Cette action ne doit pas avoir le caractère d’une vengeance politique et d’autant moins celui d’une action par laquelle se règlent des comptes personnels.

Le comité d’action central du Front National a émis des directives claires dans ce sens et le gouvernement l’appuiera dans ces efforts pour en surveiller l’application.

Au cours d’une telle action il est impossible d’éviter d’avance certains excès et malentendus. Je déclare formellement que dans la mesure où ils se sont manifestés, une réparation équitable sera offerte. Mais je déclare avec la même autorité: nous ne nous arrêterons pas au milieu de la route!

Les agents de la réaction qui avaient pénétré dans les postes dirigeants de notre vie publique doivent être éliminés et leur pénétration réitérée doit être empêchée. Notre peuple ne veut pas que le mois de février 1948 se répète encore une fois au bout de quelques mois.

La tempère de février a éclairci également l’horizon de notre politique étrangère. Nos réactionnaires, abusant de la liberté de parole et de manifestation, se sont permis dans ce sens des actes qui ont vraiment dépassé toutes les li-mites. Par les provocations systématiques, dirigé contre nos alliés, ils ont miné notre position dans le domaine de la politique étrangère et ils ont menacé ainsi la sécurité et même les bases de l’existence de la République. Ces menées ont pris fin maintenant.

Nous avons mis un terme à l’illusion que la République, au point de vue de la politique étrangère, est assise entre deux chaises. Nous disons à l’adresse de monde que la Tchécoslovaquie est et reste un membre fidèle et digne de cofiance de !a famille slave et qu’elle se considère comme alliée des autres pays de démocratie populaire.

Cette attitude n’exclue point le fait que nous voulons faire tout ce qui est en notre pouvoir, pour conserver de bonnes relations avec tous les autres Etats ce qui, bien entendu, doit se fonder sur la réciprocité. Nous ne désirons rien d’autre de leur part que des rapports commerciaux honnêtes et point d’immixtion dans nos affaires intérieures. Je pense que ce souhait est assez modeste!

Messieurs, Mesdames ! Le gouvernement complété et reconstitué du Front National renouvelé se présente à ce corps illustre pour lui soumettre son programme et sollicite votre confiance.

Quelle est la confiance du peuple envers ce gouvernement, on a pu en juger en ces jours mouvementés de février, notamment le 22 février au Congrès des Conseils d’entreprise et des organisations syndicales et les 28 et 29 février 1948 au Congrès des Agriculteurs.

Ce peuple a manifesté clairement qu’il voulait que finalement et une fois pour toutes entre dans la réalité ce principe que tout pouvoir dans cet État appartient à lui, au peuple. Vous êtes les représentants du peuple, vous connaissez à présent sa volonté. Faites donc tout pour que la volonté du peuple soit réalisée. Et le peuple vous en saura gré.  

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SED : Nous réussissons l’unité (1947)

Nous nous tenons mutuellement fermement les mains… Nous réussissons l’unité !

Camarades ! Une année de dure labeur s’est terminée. La nouvelle année commence avec des tâches encore plus grandes !

L’année 1946 rentrera dans l’histoire du mouvement ouvrier comme le début de l’unité organisationnelle. Dans la zone Est de l’Allemagne, le Parti Social-Démocrate et le Parti Communiste se sont unifiés en Parti Socialiste de l’Unité !

Les forces anti-ouvrières internationales n’ont pas réussi à empêcher l’unification complète à Berlin. Malgré tout, la base de l’édifice de l’unité a été posée.

L’unité du mouvement ouvrier a fait de grands progrès dans beaucoup de pays. Le mouvement continuera lors de cette nouvelle année, car les intérêts vitaux des masses travailleuses exige l’unité de manière impérative.

Depuis le 11 juin 1945 où ont été autorisés les partis politiques à Berlin, nous luttons sur la base d’un programme politique clair et pratique. Notre Parti a commencé dès le début sur la base des conceptions suivantes : le développement pacifique de l’Allemagne n’est pas assuré tant que les junkers et les messieurs monopolistes va-t-en-guerre ne se sont pas vus arracher leur pouvoir.

L’ordre démocratique ne peut pas être obtenu et assuré, tant qu’une poignée de capitalistes monopolistes contrôlent les postes de direction économiques et financier et peuvent déterminer ce qui est produit et en quelle quantité.

Nous avons exigé et réalisé, dans la zone contrôlée par l’Union Soviétique, l’expropriation des junkers et la répartition de leurs terres aux paysans et aux personnes réinstallées.

Avec le référendum en Saxe, dans toute la zone l’expropriation des monopoles, des criminels de guerre et nazis a été mis en branle dans toute la zone.

Les banques privées ont été fermées. Les postes de direction économiques et financiers sont allés aux administrations qui sont influencée de manière déterminante par l’unité ouvrière.

Par là a été réalisé pour la classe ouvrière le terrain de lutte le plus avantageux pour le socialisme.

Le SPD, à Berlin comme également dans la zone Ouest, explique maintenant qu’elle lutte pour une réforme démocratique des terres et qu’elle veut remettre dans les mains du peuple les entreprises des monopoles et les richesses du sol.

A Berlin, le SPD a fait au parlement une demande correspondante à cela, qui maintenant est travaillé par un comité avec notre propre demande. Le SPD s’afirme pour une République allemande démocratique, unie.

Dans les questions essentielles et vitales, il y a également une très large accord de vue.

Si l’ordre démocratique doit être assuré à Berlin, les entreprises des monopoles remises dans les mains du peuple, alors cela ne pourra se produire par le travail en commun dans l’administration municipale.

Ensemble, nous pouvons réaliser la réforme de l’école et nous n’aurons à ce sujet quasiment pas de contradictions essentielles.

Les grandes banques doivent être liquidées et les assurances privées mises dans les mains de l’administration. Le vraiment terrible manque de logements doit être résolu, en particulier pour les personnes travailleuses, il faut se procurer une meilleure alimentation, des habits et des articles de première nécessité : ce sont des tâches pour lesquelles il ne saurait y avoir entre nous et le SPD aucune contrariété fondamentale.

Si le SPD doit avoir une responsabilité pratique à Berlin, alors le succès électoral du 20 octobre qui a tourné la tête à certains devra être considéré plus sobrement.

Dans la politique pratique, il va très vite y avoir dans la très grande majorité des membres du SPD la conscience que le maintien de la scission n’a aucun sens.

Les carriéristes ne voudront, naturellement, rien savoir de l’unité. Ils n’ont rien à voir avec le mouvement ouvrier.

Mais la grande majorité des membres, qui est pour le travail en commun des deux partis, rentrera toujours plus en contradiction avec l’aile ennemie de leur parti ennemie de l’unité, parce que la tendance est au développement de l’unité, parce que les ouvriers ne veulent pas être de nouveau battus !

La vie a confirmé le caractère juste de la politique de notre Parti. Nous marchons avec un objectif clair et une solide détermination, celle de servir le peuple travailleur dans la nouvelle année !

Notre chemin est raide et difficile. La tâche décisive est la défense et la préservation de l’unité syndicale ! Si nous tenons ensemble de manière solide et sans vacillements, profondément convaincus du caractère juste de nos idéaux, alors notre Parti est la force qui dépasse toutes les résistances sur la voie d’une Allemagne nouvelle, démocratique, et une Allemagne socialiste.

Nous nous tenons mutuellement fermement les mains et allons avec une grande confiance dans l’année 1947. En ce sens, nous saluons tous et toutes les camarades pour la nouvelle année !

SED
Union Régionale de Berlin

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Loi du 13 janvier 1949 de la République Populaire de Roumanie

Loi du 13 janvier 1949 de la République Populaire de Roumanie.

Art. I : Les crimes suivants sont soumis à la peine de mort :

a) Trahison du pays, activité en faveur de l’ennemi, action préjudiciable au Pouvoir de l’État ;

b) Transmission. de secrets d’Etat à un pays ennemi ou étranger ;

c) Complot contre la sécurité intérieure ou extérieure de la République Populaire Roumaine.

Art. II : « Le sabotage contre le développement de l’économie de la République Populaire Roumaine est également passible de la peine de mort. Par sabotage, on entend :

a) La destruction ou la détérioration par tous les moyens d’immeubles, de machines, de toute sorte d’équipement des entreprises industrielles ou autres, d’installations d’énergie, d’installation de gaz ou autres installations similaires ;

b) Destruction de rails, d’installations, de matériaux ou moyens de communication par air ou par eau, ponts aqueducs, équipements téléphoniques ou télégraphiques ou destruction de stations radiophoniques ;

c) Destruction par incendie ou tous autres moyens d’outillage industriel ou agricole, biens industriels ou forestiers ;

d) Le non-accomplissement intentionnel de devoirs, ou l’accomplissement d’une façon négligente de devoirs dans les entreprises mentionnées dans le paragraphe a susceptible d’entraîner des calamités ou catastrophes publiques.

Art. III : La peine de mort s’applique également aux actions terroristes entreprises individuellement ou en groupes par tous les moyens, ainsi qu’à la propagation de microbes ou de substances venimeuses qui tuent ou nuisent.

La même peine s’applique aux organisateurs de bandes ayant des buts de terrorisme ou de sabotage.

Art. IV : L’instigation, la complicité à des actes accomplis ainsi qu’à des actions préliminaires, en connexion avec les crimes mentionnés dans la présente loi, sont punis de la même peine.

Ceux qui ne dénonceront pas la préparation ou l’accomplissement des crimes plus haut mentionnés, bien qu’ils en aient connaissance, sont passibles de la peine des travaux forcés de 5 à 10 ans.

Art. V : Les crimes mentionnés dans la présente loi seront jugés par un tribunal militaire.

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Hymne de la République Populaire de Roumanie

« Zdrobite cătușe » (« Brise les chaînes ») fut l’hymne de la République Populaire de Roumanie, de 1947 à 1953.

L’hymne roumain fut ensuite modifié en 1953, devenant la chanson « Te slăvim, Românie » (« Nous te glorifions, Roumanie »), au texte patriotique bourgeois, à part une seconde strophe faisant référence au léninisme et à la fraternité exprimée au peuple soviétique, qui ne fut plus chantée dès les années 1960. A partir de 1965, Ceausecu instaura un nouvel hymne, intitulé « Trei culori » (« Trois couleurs »).

On peut écouter la version instrumentale de Zdrobite cătușe ici.

Zdrobite cătușe în urmă rămân,
In frunte-i mereu muncitorul,
Prin lupte și jertfe o treaptă urcăm
Stăpân pe destin e poporul.
Trăiască, trăiască,
Republica noastră.
In marș de nâvalnic șuvoi re vărsat.
Muncitori și țărani, cărturari și ostași,
Zidim România Republicii noui.
In lături cu putredul vechiu stăvilar
E ceasul de sfântă încordare
Unirea și munca și lupta-i stegar
Republicii noi populare.
Spre țelul victoriei mari neîndreptămE ceas de izbânzi viitoare
Credință îm muncă și luptă jurăm
Republicii noi populare.
 
Fini les chaînes brisées,le travailleur est toujours aller de l’avant, une étape passée par la lutte et le sacrifice ;
le peuple est le maître de son destin.
Vive, vive
Notre République.
Dans la marche d’un bouillonnant débit se précipitant
Ouvriers et paysans, intellectuels et soldats
Nous construisons la nouvelle République de Roumanie.
Dégageons la pourriture de l’ancien barrage
C’est l’heure de l’effort saint.
L’unité, le travail et la lutte sont les porte-drapeaux de la nouvelle République Populaire.
Vers la grande victoire nous prenons direction.
C’est l’heure de la victoire qui vient.
Nous prêtons serment, dans la croyance au travail et à la lutte à notre nouvelle République Populaire.  

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Discours de Klement Gottwald le 10 mars 1948

Extrait du discours de Klement Gottwald, le 10 mars 1948, devant l’assemblée nationale.

Avant [les accords de Munich], dans la République [de Tchécoslovaquie], c’était une petite clique de messieurs de la haute finance, de la grande industrie et des grands propriétaires terriens, qui gouvernait et décidait.

Cela est maintenant su de chacun, de chaque tchèque et de chaque slovaque. Dans la constitution, il était bien sûr écrit que tout le pouvoir vient du peuple, mais en réalité le peuple sentait à chaque pas qu’il faisait que c’était du sac d’argent que venait tout le pouvoir.

En d’autres termes, sous le masque formel d’une démocratie parlementaire, les grands capitalistes dominaient dans la République avant Munich, puissants par leurs possessions.

La couche des grands et puissants capitalistes justifiaient leur domination en prétendant qu’ils étaient les seuls en mesure de guider notre économie nationale. Les succès de leur domination économique – crises économiques périodiques, chômage permanent, d’un côté la misère et de l’autre une accumulation de richesses – ont prouvé que les messieurs du grand capital n’étaient pas en mesure de guider l’économie dans l’intérêt de tous.

Les grands et puissants dirigeants de la République avant Munich avaient également prétendu que seulement eux avaient vocation à conduire et administrer de manière juste les intérêts nationaux des Tchèques et des Slovaques, tout comme les aspects de la vie de l’État de Tchécoslovaquie, étant donné que seulement avec eux, sous leur direction, que seraient assurés la liberté nationale de nos peuples et leur indépendance.

Depuis, les résultats de cette direction par la grande bourgeoisie ont été justement, dans ces questions vitales pour la nation et pour l’État, les plus tragiques, les plus terribles et les plus misérables.

Afin de préserver sa domination de classe et ses privilèges, la bourgeoisie tchèque et slovaque s’est unie tout d’abord avec les ennemis intérieurs de la République, avec les fascistes allemands et hongrois.

Sur la base des mêmes intérêts égoïstes de classe, le grand capital tchèque et slovaque a capitulé au moment de Munich et refusé l’aide militaire proposé par l’Union soviétique à la Tchécoslovaquie.

Et, de plus, les grands capitalistes tchèques et slovaques ont sacrifié les intérêts nationaux, le 15 mars 1939, au nom de leur sac d’argent, en acceptant le honteux Protectorat et la séparation de la Slovaquie d’avec le territoire tchèque, en se positionnant entièrement et ouvertement au service de Hitler, bien qu’ils aient su que l’Allemagne hitlérienne, en cas de victoire, avait pour projet d’écraser les Tchèques et les Slovaques et de faire disparaître leur nation.

Ainsi, la grande bourgeoisie tchèque et slovaque s’est révélée non pas comme un bon administrateur, mais comme un misérable traître de nos intérêts nationaux et républicains. Au moment des vérifications historiques ont été pesés les dirigeants tchèques et slovaques, et trouvés trop légers.

La reconnaissance de ce fait a pénétré dans la conscience d’une grande partie du peuple tchèque et slovaque depuis l’époque de l’occupation étrangère. Cela s’est produit d’autant plus rapidement que tout le monde a vu que pendant que le peuple se positionnait activement ou passivement contre les occupants, les hommes dirigeants le pays ont collaboré avec eux et ont tiré du profit de la guerre allemande et de la misère du peuple.

De là il apparut toujours plus clairement que, après avoir arraché leur position de pouvoir aux Allemands et à leurs collaborateurs tchèques et slovaques, il serait nécessaire d’attaquer la base de leur pouvoir, c’est-à-dire leurs grandes propriétés, qu’ils avaient obtenu par des années d’exploitation du peuple.

Il apparaissait ainsi comme clair dans la République libérée que le peuple devait avoir le pouvoir de décision, et cela non pas sur le papier, mais dans les faits.

Aussi avons-nous, après la libération de la Tchécoslovaquie par la glorieuse armée soviétique, étatisé les instituts bancaires, la grande industrie et l’industrie lourde ; nous avons expulsé les Allemands et donné les propriétés terriennes, les banques et les usines qu’ils possédaient, non pas aux grands capitalistes tchèques et slovaques, aux paysans, ouvriers et travailleurs salariés tchèques et slovaques, au peuple.

Nous avons mis de côté le système policier et bureaucratique et remis au peuple l’administration publique par la formation d’un comité national. Nous n’avons pas permis la reformation des partis politiques réactionnaires du temps d’avant Munich, étant donné qu’il s’agissait des instruments politiques directs de la grande bourgeoisie tchèque et slovaque.

Nous avons formé le gouvernement du Front National, en tant qu’organe d’application de l’unité des ouvriers, paysans, travailleurs salariés et intellectuels.

La couche sociale qui gouvernait auparavant a ainsi été réellement coupé de son pouvoir politique qui avait échoué et frappé à son point faible, ses propriétés. Et dans la nouvelle république démocratique populaire on a commencé à réaliser le fait que le pouvoir vient du peuple.

Et le peuple a été généreux avec les anciens possesseurs du pouvoir. Il n’a étatisé qu’en partie leurs possessions et a assuré une compensation pour les biens expropriés. Il a laissé beaucoup d’entreprises, notamment industrielles, dans des mains privées, et l’étatisation n’a pas concerné ni le grand commerce ni le commerce d’import-export.

Les capitalistes conservaient ainsi la possibilité de faire des bénéfices, de commercer, d’accumuler du profit. Et les capitalistes ont pleinement utilisé ces possibilités. Ils se sont avant tout lancé dans les secteurs qui du point de vue du profit se montraient les plus profitables et dans cette course éperdue au profit, ils ne se sont préoccupés ni de la loi, ni de la morale, ni de garder leurs mains propres.

Le peuple voit les faits clairement, de la manière suivante : au moment de la réforme monétaire, à la fin de 1945, chacun a formellement commencé avec 500 couronnes. Aujourd’hui, beaucoup de capitalistes possèdent plusieurs millions de couronnes.

Il est évident qu’ils n’ont pas pu se procurer cet argent par un travail correct, mais par l’exploitation sans scrupules, ainsi que par le marché noir. Le résultat de ce « développement » a été que la base financière de la bourgeoisie, qui avait été cintré et affaibli par l’étatisation, commençait de nouveau à s’élargir et à se renforcer.

Mais ce n’était pas la seule conséquence. Nous avons, après la libération, laissé tous les droits civils et politiques aux anciens grands capitalistes et aux dirigeants. Nous avons été témoins de comment les procès contre les traîtres et les collaborateurs ont été transformés en farce, blessant le sens de la justice et le sentiment moral de notre peuple.

Nous avons également été témoins de comment les traîtres et les collaborateurs ont été subitement libérés ou comment ont été stoppées les enquêtes judiciaires menées contre eux, et que seulement un petit nombre a été puni – et avec beaucoup de tiédeur pour la plus grande partie.

Il n’est donc nullement étonnant qu’ils aient en peu de temps retrouvé leur arrogance. Ils ont pleinement utilisé les droits politiques qui leur avaient été généreusement laissés. Ils sont rentrés dans les partis politiques légaux, dans les organisations légales et dans les institutions, ou bien y ont envoyé leurs agents.

Ils ont placé leurs hommes à la direction de ces partis et organisations, voire eux-mêmes, et on mené leur travail à l’arrière-plan, par des groupes clandestins et illégaux. Quand on voit comment se sont comportés certains partis du vieux « Front National » au gouvernement, au parlement, dans le comité national, dans les organisations syndicales et autres, dans la presse, dans les conférences et en général dans la vie publique, on peut constater comment ces partis sont de manière croissante contaminé par le poison réactionnaire et comment ils sont devenus en fin de compte totalement des instruments de la réaction.

Le résultat de ce « développement » est le fait qu’après la révolution de mai 1945 les grands capitalistes, qui ont été tout d’abord mis de côté du pouvoir politique, se sont rassemblés par la suite sur le terrain politique, leur influence allant jusqu’au gouvernement, cette influence ne pouvant être que réactionnaire.

En d’autres mots : en mai 1945, nous avons jeté la réaction dehors par la porte des conseils du gouvernement et en février 1948 il était clair qu’elle était revenue par la fenêtre.

C’est l’arrière-plan économique, politique et de classe de la crise gouvernementale de février. La réaction, qui a employé ses positions économiques pour l’obtention forcée de nouvelles richesses, à qui s’étaient soumis plusieurs partis de l’ancien « Front National » de manière approfondie, à tel point qu’avec leur aide elle a pu pénétrer dans le gouvernement – cette réaction a décidé de mener un coup direct contre le régime démocratique populaire.

Le but immédiat de la réaction était de modifier le rapport de forces dans le gouvernement et dans tout l’État, et ce avant les élections, car elle y craignait une défaite. Le but final de la réaction était de renverser entièrement le régime démocratique populaire, de tout prendre au peuple de ce qui lui avait été donné parla libération et la révolution nationale, de tout rendre aux anciens propriétaires de ce qui avait été étatisé, et d’assurer de nouveau la domination sans bornes des grands et puissants capitalistes.

Sur le terrain de la politique étrangère, la réaction s’évertuait à nous éloigner de l’Union soviétique et des autres alliés, et de rapprocher de nouveau la république de ceux qui ont Munich sur la conscience.

D’une manière ou d’une autre, l’année 1920 devait se répéter, qui a signifié la fin des conquêtes que notre peuple avait réalisées après la première guerre mondiale après la liquidation de la monarchie austro-hongroise.

Que personne ne se laisse tromper par le fait que les réactionnaires à l’origine de la crise gouvernementale ne parlent pas ouvertement de leur but final. Que personne ne se laisse tromper quand ces gens répètent même de temps en temps qu’ils n’auraient, par exemple, pas l’intention d’abolir l’étatisation, ou bien que l’alliance avec l’Union soviétique serait intouchable, etc.

C’est la méthode de toute contre-révolution, Chaque contre-révolution ne parle aucunement ouvertement de ses buts finaux et n’abat ses cartes qu’au fur et à mesure. La contre-révolution veut toujours avant tout le renversement politique en sa faveur, ce qui compte pour elle c’est tout simplement le pouvoir. Posséder le pouvoir, cela signifie pour elle la victoire complète.

C’est par là qu’elle gagne la possibilité de mener jusqu’au bout ses plans contre-révolutionnaires. Cela est vrai également pour le cas tchécoslovaque. D’ailleurs, le prétexte utilisé par les réactionnaires pour provoquer la crise gouvernementale apporte de la lumière sur leurs objectifs de prise de pouvoir.

En apparence, il s’agissait du renvoi de huit policiers du corps de la police d’État à Prague. En réalité, la réaction exerçait une pression contre toute la police d’État. Ces messieurs entendaient de mettre celle-ci dans la main des réactionnaires et de la placer sous une direction réactionnaire, et d’ainsi avoir la possibilité d’utiliser ce corps contre le peuple, tout comme avant Munich.

Cela signifie avoir tout le pouvoir dans ses mains et être en mesure de passer par-dessus le peuple. Bref, par leurs attaques mal organisées contre la police d’État, ces messieurs ont dès le départ révélé une partie de leur plan.

Ce fut d’ailleurs précisément notre peuple qui ne s’est pas laissé tromper par aucune manoeuvre, diversion ou prétexte de la réaction. Le peuple a deviné les objectifs et buts masqués, et cela pas seulement au moment où la réaction a tout misé sur une seule carte et a provoqué la crise gouvernementale. Le peuple en avait déjà assez de tout ce que la réaction faisait depuis des mois.

La crise gouvernementale provoquée par la réaction n’a été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la patience populaire. Et cela est vrai non seulement pour nos travailleurs dans les villes, mais aussi ceux dans les campagnes.

Le peuple avait dans sa très grande majorité conscience qu’il ne s’agissait pas d’un simple conflit de coalition passager au sein du gouvernement, qui avait comme but d’obtenir des postes de ministres ou des avantages matériels, comme ce fut le cas de manière caractéristique avant Munich.

Le peuple voyait également de manière claire dans sa grande majorité qu’il s’agissait ici d’une dangereuse tentative de renverser le régime démocratique populaire et de détruite tout ce que la libération lui avait amené.

De là cette expression spontanée de colère et de résistance populaire qui a saisi toute la république du 20 au 25 février 1948, depuis la forêt de Bohème jusqu’aux monts Tatras [c’est-à-dire les parties tchèque comme slovaque] et fit s’effondrer comme un château de cartes les plans de la réaction.

Je n’exagère pas en disant que nos masses travailleuses dans les villes et les villages ont passé un examen de maturité en ces jours critiques, et qu’elles l’ont brillamment réussi. Je considère comme étant de mon devoir, depuis la tribune du parlement, d’exprimer ma grande admiration et mes remerciements à nos travailleurs des villes et des campagnes et à leurs représentants véritables pour leur position déterminée et vraiment politique lors du déroulement de la crise.

Vous, les nombreux millions de simples citoyens dans les villes et les villages, vous avez protégé notre pays d’une nouvelle défaite de Lipany et par conséquent une nouvelle défaite de la Montagne Blanche [allusion à la défaite du mouvement révolutionnaire populaire hussite de Lipany en 1434, suivi en 1620 de l’écrasement de l’aristocratie anti-catholique et anti-allemande, liée au hussitisme].

L’unité des grands capitalistes a été brisée et les continuateurs des partisans de Jan Hus, de Jan Zizka de Trocnov, de Prokop Holy et de Rohac de Duba auront désormais le commandement dans toutes les questions nationales de l’État.

Ainsi, par la position lisible et arrogante de la contre-révolution, par la rapidité et la surveillance de notre peuple, et bien sûr, certainement pas en dernier lieu, par la surveillance et l’intelligence de son grand parti, le Parti Communiste de Tchécoslovaquie, le putsch contre-révolutionnaire de la réaction a été entièrement étouffé.

Au moment où l’on nous a fait part de la démission de membres du gouvernement qui représentaient les partis sus-nommés, nous avons expliqué de manière claire et nette, et pour tous, tout d’abord que le retour des membres du gouvernement ayant démissionné était impossible, et ensuite qu’il est impossible de les remplacer et de réorganiser les ministères en négociant avec les cliques qui s’affirment les grands dirigeants tout puissants de ces partis, qui ont négocié jusqu’à présent en leur nom, trahissant misérablement toute confiance.

Nous avons également expliqué, en troisième lieu, que nous négocierons quant au remplacement et à la nouvelle formation du gouvernement, avec ceux de l’ancien Front National qui sont restés fidèles à l’esprit et au programme de celui-ci.

Et nous avons enfin exigé que le gouvernement intègre désormais les représentants d’une si importante organisation comme le mouvement syndical révolutionnaire.

Sur cette base, le gouvernement a été effectivement rendu complet et nouvellement formé. Le gouvernement rendu complet et nouvellement formé est le gouvernement du Front National renouvelé.

Les représentants de tous les partis politiques renouvelés tout comme ceux de nos plus grandes organisations, du mouvement syndical révolutionnaire, participent directement au gouvernement. En ce sens, le gouvernement du Front National renouvelé est l’organe de la réalisation de l’unité des ouvriers, des paysans, des XXX et des intellectuels.

Et par là on en revient au sens et au contenu d’origine du Front National, de la façon dont il est issu dans le mouvement de résistance, dans le soulèvement slovaque, dans la révolution de Prague et dans les jours de la glorieuse libération.

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Hymnes de la RDA et du SED

Auferstanden aus Ruinen (« Ressuscité des ruines ») fut l’hymne national de la République démocratique allemande à sa fondation en 1949.

Le texte reflétant l’idéologie et la démarche du principe de Démocratie populaire, le régime interdisa son utilisation officielle, l’hymne devenant purement instrumental. On peut écouter l’hymne ici.

Auferstanden aus Ruinen
Und der Zukunft zugewandt,
Lass uns dir zum Guten dienen,
Deutschland, einig Vaterland.
Alte Not gilt es zu zwingen,
Und wir zwingen sie vereint,
Denn es muss uns doch gelingen,
Dass die Sonne schön wie nie
|: Über Deutschland scheint. 😐

Glück und Frieden sei beschieden
Deutschland, unserm Vaterland.
Alle Welt sehnt sich nach Frieden,
Reicht den Völkern eure Hand.
Wenn wir brüderlich uns einen,
Schlagen wir des Volkes Feind!
Lasst das Licht des Friedens scheinen,
Dass nie eine Mutter mehr
|: Ihren Sohn beweint. 😐

Lasst uns pflügen, lasst uns bauen,
Lernt und schafft wie nie zuvor.
Und der eignen Kraft vertrauend,
Steigt ein frei Geschlecht empor.
Deutsche Jugend, bestes Streben
Unsres Volks in dir vereint,
Wirst du Deutschlands neues Leben,
Und die Sonne schön wie nie
|: Über Deutschland scheint. 😐
Ressuscitée des ruines
et tournée vers l’avenir,
laisse-nous te servir pour atteindre le bien,
Allemagne, patrie unie.
Une misère ancienne est à vaincre
et nous la vainquons réunis.
Car il nous faut y arriver
que le soleil bellement comme jamais
brille sur l’Allemagne (bis)

Qu’avec bonheur et avec paix soit bénie
l’Allemagne, notre patrie.
Le monde entier aspire à la paix,
tendez la main aux peuples.
Si nous nous réunissons fraternellement,
nous battrons l’ennemi du peuple.
Faites briller la lumière de la paix,
pour que jamais plus une mère
ne pleure son fils (bis)

Labourons, bâtissons,
apprenez et travaillez comme jamais avant.
Et avec confiance en sa propre force
une génération libre ascendra.
Jeunesse allemande, les meilleures ambitions
de notre peuple en toi réunies,
tu seras la nouvelle vie de l’Allemagne
et le soleil bellement comme jamais
brillera sur l’Allemagne (bis)

Das Lied der Partei (« La chanson du Parti ») fut à partir de 1950 l’hymne du Parti Socialiste Unifié, fondé en 1946 et dirigeant la République Démocratique allemande. La référence à Staline fut remplacée par celle à Lénine à partir de 1956. On peut écouter la chanson ici.


Sie hat uns alles gegeben.
Sonne und Wind und sie geizte nie.
Wo sie war, war das Leben.
Was wir sind, sind wir durch sie.
Sie hat uns niemals verlassen.
Fror auch die Welt, uns war warm.
Uns schützt die Mutter der Massen.
Uns trägt ihr mächtiger Arm.Die Partei, die Partei, die hat immer Recht !
Und, Genossen, es bleibe dabei;
Denn wer kämpft für das Recht,
Der hat immer recht.
Gegen Lüge und Ausbeuterei.
Wer das Leben beleidigt,
Ist dumm oder schlecht.
Wer die Menschheit verteidigt,
Hat immer recht.
So, aus Leninschem Geist,
Wächst, von Stalin geschweißt,
Die Partei – die Partei – die Partei.

Sie hat uns niemals geschmeichelt.
Sank uns im Kampfe auch mal der Mut,
Hat sie uns leis nur gestreichelt,
zagt nicht und gleich war uns gut.
Zählt denn noch Schmerz und Beschwerde,
wenn uns das Gute gelingt.
Wenn man den Ärmsten der Erde,
Freiheit und Frieden erzwingt.Sie hat uns alles gegeben,
Ziegel zum Bau und den großen Plan.
Sie sprach: Meistert das Leben,
Vorwärts Genossen packt an.
Hetzen Hyänen zum Kriege,
Bricht euer Bau ihre Macht,
Zimmert das Haus und die Wiege,
Bauleute seid auf der Wacht. 
[En allemand le terme Parti est au féminin.]Elle nous a tout donné.
Le soleil et le vent et elle n’était jamais avare.
Là où elle se trouvait, se trouvait la vie.
Ce que nous sommes, nous le sommes grâce à elle.
Elle ne nous a jamais abandonnés.
Même quand le monde gelait, nous avions chaud.
La mère des masses nous protège.
Son bras puissant nous porte.Le parti, le parti a toujours raison !
Et, camarades, qu’il en reste ainsi.
Car celui qui se bat pour le droit
Celui-ci a toujours raison.
Contre le mensonge et l’exploitation.
Celui qui offense la vie
Est sot ou mauvais.
Celui qui défend l’humanité
A toujours raison.
Ainsi par l’esprit de Lénine
Soudé par Staline,
Grandit le parti, le parti, le parti.
Elle ne nous a jamais flattés.
Si dans le combat, notre courage a faibli,
Elle ne nous a que légèrement caressés,
« Ne vous découragez pas » et immédiatement nous allions bien.
La douleur et les plaintes comptent-elles encore
Quand le bien est vainqueur,
Quand, pour les plus pauvres de la terre,
On conquiert la liberté et la paix.Elle nous a tout donné
La brique pour construire et le grand plan.
Elle nous a dit ; maîtrisez la vie
En avant, camarades, retroussez vos manches.
Chassez les hyènes qui veulent la guerre,
Que votre édifice brise leur force.
Charpentez la maison et le berceau.
Bâtisseurs, soyez sur vos gardes.

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Kominform: Le devoir essentiel des Partis Communistes (1947)

COMMUNIQUE SUR LA CONFERENCE D’INFORMATION DES REPRESENTANTS DE QUELQUES PARTIS COMMUNISTES

LE DEVOIR ESSENTIEL DES PARTIS COMMUNISTES :
DEFENDRE, CONTRE LES PLANS IMPERIALISTES D’EXPANSION ET D’AGRESSION, L’HONNEUR ET LA SOUVERAINETE DE LEURS PAYS

     A la fin du mois de septembre s’est tenue en Pologne une Conférence d’information avec la participation des partis suivants : le Parti Communiste de Yougoslavie : camarades E. Kardelj et M. Djilas ; le Parti Ouvrier Bulgare (communiste) : camarades V. Tchervenkov et V. Poptomov ; le Parti Communiste de Roumanie : camarades G. Dej et A. Pauker ; le Parti Communiste Hongrois : camarades M. Farkache et I. Reval ; le Parti Ouvrier Polonais : camarades W. Gomulka et H. Minc ; le Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S. : camarades A. Jdanov et G. Malenkov ; le Parti Communiste Français : camarades J. Duclos et E. Fajon ; le Parti Communiste de Tchécoslovaquie : camarades R. Slanski et S. Bastovanski ; le Parti Communiste d’Italie : camarades L. Longo et E. Reale.

     Les participants à la conférence ont entendu des rapports d’information sur l’activité des Comités Centraux des Partis représentés à la Conférence : pour le Parti Communiste de Yougoslavie, des camarades E. Kardelj et M. Djilas ; pour le Parti Ouvrier Bulgare (communiste), du camarade V. Tchervenkov ; pour le Parti Communiste de Roumanie, du camarade G. Dej ; pour le Parti Communiste Hongrois, du camarade I. Reval ; pour le Parti Ouvrier Polonais, du camarade W. Gomulka ; pour le Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., du camarade G. Malenkov ; pour le Parti Communiste Français, du camarade J. Duclos ; pour le Parti Communiste de Tchécoslovaquie, du camarade R. Slanski ; et pour le Parti Communiste d’Italie, du camarade L. Longo.

     Ayant procédé à un échange de vues sur lesdits rapports, les participants à la conférence ont décidé d’examiner la situation internationale, ainsi que le problème de l’échange des expériences et de la coordination de l’activité des partis communistes représentés à la conférence.

     Le rapport sur la situation internationale a été présenté par le camarade A. Jdanov. Les participants à la conférence ont échangé leurs opinions sur ledit rapport et constaté leur accord complet dans l’appréciation de la situation internationale actuelle et des tâches qui en découlent, après quoi ils ont adopté à l’unanimité une déclaration sur les problèmes de la situation internationale.

     Le rapport sur l’échange des expériences et la coordination de l’activité des partis communistes a été présenté par le camarade W. Gomulka. En ce qui concerne ce problème, constatant les effets négatifs qui découlent de l’absence de contacts entre les partis représentés à la conférence, et tenant compte de la nécessité de l’échange mutuel de leurs expériences, la conférence a décidé la création d’un Bureau d’Information.

     Le Bureau d’Information sera constitué de représentants des Comités Centraux des partis nommés ci-dessus.

     Les tâches du Bureau d’Information consistent dans l’organisation de l’échange des expériences entre les partis intéressés et, en cas de nécessité, dans la coordination de leur activité sur la base d’un libre consentement.

     Il a été décidé qu’un organe sera édité par le Bureau d’Information.

     Le siège du Bureau d’Information et de la rédaction de son organe a été fixé à Belgrade.

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Kominform: sur l’échange des expériences et la coordination (1947)

RESOLUTION SUR L’ECHANGE DES EXPERIENCES ET LA COORDINATION DE L’ACTIVITE DES PARTIS REPRESENTES A LA CONFERENCE

     La Conférence constate que l’absence de contacts entre les Partis Communistes qui y sont représentés comporte dans la situation de sérieux inconvénients.

     L’expérience a prouvé qu’un tel manque de liaison entre les Partis Communistes est grandement dommageable et ne saurait se justifier. La nécessité de l’échange des expériences et d’une coordination librement consentie de l’action des partis intéressés, revêt en ce moment une acuité particulière dans les conditions compliquées de la situation d’après-guerre où l’absence d’une liaison entre Partis Communistes peut conduire à une situation préjudiciable à la classe ouvrière.

     En conséquence, les participants à la Conférence se sont mis d’accord sur ce qui suit :

     1. Il sera crée un Bureau d’Information des représentants du Parti Communiste de Yougoslavie, du Parti Ouvrier Bulgare (communiste), du Parti Communiste de Roumanie, du Parti Communiste Hongrois, du Parti Ouvrier Polonais, du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., du Parti Communiste Français, du Parti Communiste de Tchécoslovaquie, du Parti Communiste d’Italie.

     2. Le Bureau d’Information aura pour tâche d’organiser l’échange des expériences et, en cas de nécessité, la coordination de l’activité des Partis Communistes sur la base d’un libre consentement.

     3. Le Bureau d’Information sera composé de représentants des Comités Centraux à raison de deux pour chacun d’eux. Les délégués des Comités Centraux doivent être nommés et remplacés par les Comités Centraux intéressés.

     4. Le Bureau d’Information éditera un organe bimensuel, et plus tard, hebdomadaire. L’organe sera édité en français et en russe et, dans la mesure des possibilités, en d’autres langues.

     5. Le siège du Bureau d’Information est fixé à Belgrade.

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Kominform: Déclaration sur les problèmes de la situation internationale (1947)

DECLARATION SUR LES PROBLEMES DE LA SITUATION INTERNATIONALE

     Les représentants du Parti Communiste de Yougoslavie, du Parti Ouvrier Bulgare (communiste), du Parti Communiste de Roumanie, du Parti Communiste Hongrois, du Parti Ouvrier Polonais, du Pari Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., du Parti Communiste Français, du Parti Communiste de Tchécoslovaquie et du Parti Communiste d’Italie, après avoir échangé leurs vues sur les problèmes de la situation internationale, se sont mis d’accord sur la déclaration suivante :

     Dans la situation internationale résultant de la Deuxième Guerre mondiale et de la période d’après-guerre, des changement essentiels sont intervenus.

     Ces changements sont caractérisés par une nouvelle disposition des forces politiques fondamentales agissant sur l’arène internationale, par la modification des rapports entre les Etats vainqueurs dans la Seconde Guerre mondiale, par un nouveau regroupement de ces Etats.

     Pendant la guerre contre l’Allemagne et le Japon, les Etats alliés marchaient ensemble et constituaient un seul camp. Cependant, il existait déjà dans le camp des alliés une différence dans la détermination des buts de la guerre, ainsi que dans la détermination des tâches relatives à l’organisation du monde après la guerre.

Pour l’Union Soviétique et pour les autres pays démocratiques, les buts fondamentaux de la guerre comportaient le rétablissement, l’affermissement des régimes démocratiques en Europe, la liquidation du fascisme, les mesures propres à prévenir la possibilité d’une nouvelle guerre d’agression de la part de l’Allemagne, l’établissement d’une coopération dans tous les domaines et pour une longue période entre les peuples d’Europe.

Les Etats-Unis d’Amérique et en accord avec eux l’Angleterre se fixaient d’autres buts de guerre, notamment l’éviction de leur concurrents sur les marchés (l’Allemagne, le Japon) et l’instauration de leur propre hégémonie. Ce désaccord dans la détermination des buts de la guerre et des tâches relatives à l’organisation du monde après la guerre n’a cessé de s’approfondir depuis la fin des hostilités.

Deux lignes politiques opposées se sont manifestées : à l’un des pôles, la politique de l’U.R.S.S. et des autres pays démocratiques, qui vise à saper l’impérialisme et à renforcer la démocratie ; au pôle opposé, la politique des Etats-Unis et de l’Angleterre, qui vise à renforcer l’impérialisme et à étrangler la démocratie.

Et parce que l’U.R.S.S. et les démocraties nouvelles sont devenues un obstacle à la réalisation des plans impérialistes de lutte pour la domination mondiale et pour l’écrasement des mouvements démocratiques, une croisade est organisée contre elles. Cette croisade s’accompagne de menaces d’une nouvelle guerre de la part des hommes politiques impérialistes les plus acharnés des Etats-Unis et de l’Angleterre.

     Ainsi deux camps se sont formés dans le monde : d’une part, le camp impérialiste et antidémocratique, qui a pour but essentiel l’établissement de la domination mondiale de l’impérialisme américain et l’écrasement de la démocratie et, d’autre part, le camp anti-impérialiste et démocratique, dont le but essentiel consiste à saper l’impérialisme, à renforcer la démocratie, à liquider les restes du fascisme.

     La lutte entre ces deux camps, entre le camp impérialiste et le camp anti-impérialiste, se déroule dans les conditions de l’accentuation continue de la crise générale du capitalisme, de l’affaiblissement des forces du capitalisme et de l’affermissement des forces du socialisme et de la démocratie.

     C’est pour cela que le camp impérialiste et sa force dirigeante, les Etats-Unis, déploient une activité particulièrement agressive. Cette activité se développe à la fois sur tous les plans : sur le plan militaire et stratégique, sur le plan de l’expansion économique et sur le plan de la lutte idéologique. Le plan Truman-Marshall constitue seulement la partie européenne de la politique d’expansion que les Etats-Unis réalisent dans toutes les parties du monde.

Au plan d’asservissement économique et politique de l’Europe par l’impérialisme américain s’ajoutent des plans d’asservissement économique et politique de la Chine, de l’Indonésie, des pays de l’Amérique du Sud. Les Etats-Unis préparent les agresseurs d’hier — les magnats capitalistes de l’Allemagne et du Japon — à jouer un nouveau rôle, le rôle d’instrument de la politique impérialiste des Etats-Unis en Europe et en Asie.

     Le camp impérialiste a recours aux moyens tactiques les plus variés où se conjuguent la menace de l’emploi direct de la force, le chantage et les violences, toutes sortes de mesures de pression politique et économique, la corruption, l’utilisation des contradictions intérieures et des querelles pour renforcer les positions impérialistes. Tout cela est dissimulé sous le masque du libéralisme et du pacifisme en vue de tromper et de prendre au piège les gens sans expérience politique.

     Parmi les moyens tactiques des impérialistes, une place particulière revient à l’utilisation de la politique de trahison des socialistes de droite du type Blum en France, Attlee et Bevin en Angleterre, Schumacher en Allemagne, Renner et Sherf en Autriche, Saragat en Italie, etc. Ils s’efforcent de dissimuler le caractère de brigandage de la politique impérialiste sous le masque de la démocratie et d’une phraséologie socialiste alors qu’ils ne sont en fait que les auxiliaires fidèles des impérialistes en suscitant la désagrégation dans les rangs de la classe ouvrière et en empoisonnant la conscience de cette dernière. Ce n’est pas par hasard que la politique extérieure de l’impérialisme anglais a trouvé en la personne de Bevin, son serviteur le plus conséquent et le plus zélé.

     Dans ces conditions, le camp anti-impérialiste et démocratique se trouve devant la nécessité de s’unir, de se mettre librement d’accord sur un plan d’action commune, d’élaborer sa tactique contre les forces principales du camp impérialiste, contre l’impérialisme américain, contre ses alliés anglais et français, contre les socialistes de droite, avant tout en Angleterre et en France.

     Les efforts de l’ensemble des forces démocratiques anti-impérialistes de l’Europe sont nécessaires pour mettre en échec le plan d’agression impérialiste. Les socialistes de droite se comportent en traîtres.

A l’exception de ceux des pays de démocratie nouvelle, où le bloc des communistes et des socialistes avec les autres partis progressifs et démocratiques constitue la base de la résistance de ces pays aux plans impérialistes, les socialistes dans la plupart des autres pays et, avant tout, les socialistes français, et les labouristes anglais — Ramadier, Blum, Attlee et Bevin — facilitent par leur complaisance la tâche du capital américain, l’incitent aux actes de violence et conduisent leurs propres pays à l’état de vassaux dépendant des Etats-Unis. Dans ces conditions, les partis communistes ont pour devoir essentiel de prendre en main le drapeau de la défense de l’indépendance nationale et de la souveraineté de leur propre pays.

     Si les partis communistes restent fermes sur leurs positions, s’ils ne se laissent pas influencer par l’intimidation et le chantage, s’ils se comportent résolument en sentinelles de la démocratie, de la souveraineté, de la liberté et de l’indépendance de leurs pays, s’ils savent dans leur lutte contre les tentatives d’asservissement économique et politique se mettre à la tête de toutes les forces disposées à défendre la cause de l’honneur national et de l’indépendance nationale, aucun des plans d’asservissement de l’Europe et de l’Asie ne pourra être réalisé.

     Telle est, à l’heure actuelle, une des tâches principales des partis communistes.

     Il importe de considérer qu’il y a très loin entre le désir des impérialistes de déclencher une nouvelle guerre et la possibilité d’organiser une telle guerre. Les peuples du monde entier ne veulent pas la guerre. Les forces attachées à la paix sont si grandes et si puissantes qu’il suffirait qu’elles fassent preuve de ténacité et de fermeté dans la lutte pour la défense de la paix pour que les plans des agresseurs subissent un fiasco total. Il ne faut pas oublier que le bruit fait par les agents impérialistes autour des dangers de guerre tend à intimider les gens sans fermeté ou ceux à nerfs faibles, afin de pouvoir, au moyen du chantage, obtenir des concessions en faveur de l’agresseur.

     Le danger principal pour la classe ouvrière consiste actuellement dans la sous-estimation de ses propres forces et dans la surestimation des forces du camp impérialiste. De même que, dans le passé, la politique munichoise a encouragé l’agression hitlérienne, de même aujourd’hui, les concessions à la nouvelle politique des Etats-Unis, au camp impérialiste, peuvent inciter ses inspirateurs à devenir plus insolents et plus agressifs.

     C’est pourquoi les partis communistes doivent se mettre à la tête de la résistance dans tous les domaines — gouvernemental, politique, économique et idéologique — aux plans impérialistes d’expansion et d’agression. Ils doivent serrer leurs rangs, unir leurs efforts sur la base d’une plate-forme anti-impérialiste et démocratique commune et rallier autour d’eux, toutes les forces démocratiques et patriotiques du peuple.

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PC(b) de l’URSS: Rapport sur la situation internationale (1947)

RAPPORT SUR LA SITUATION INTERNATIONALE (1947)
PC(b) de l’URSS

Rapport présenté par Andreï Jdanov, membre du Bureau Politique du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., le 22 septembre 1947, devant la Conférence d’Information des Partis Communistes (réunion constitutive du Kominform), à Szklarska Poreba (Pologne)

Ce rapport a été publié le 1er novembre 1947 dans Pour une paix durable, pour une démocratie populaire, l’organe du Kominform.

Les deux passages entre parenthèses […] proviennent du texte original de Jdanov trouvé dans ses archives et publié en 1993 (édition bilingue anglo-russe) dans l’édition critique universitaire Cominform (cette volumineuse édition reprend l’ensemble des textes des trois Conférences qu’a connu le Kominform en 1947, 1948 et 1949) ; le passage entre parenthèses {…} se trouve dans le même manuscrit original de Jdanov, mais il a été barré par Jdanov.

 I

LA SITUATION INTERNATIONALE APRES LA GUERRE

      La fin de la Seconde Guerre mondiale a apporté des changements essentiels dans l’ensemble de la situation mondiale. La défaite militaire du bloc des Etats fascistes, le caractère antifasciste et de libération de la guerre, le rôle décisif joué par l’Union Soviétique dans la victoire sur les agresseurs fascistes tout cela a conduit à un changement radical dans le rapport des forces entre les deux systèmes — socialiste et capitaliste en faveur du socialisme.

     En quoi consistent ces changements ?

     Le résultat principal de la Seconde Guerre mondiale consiste dans la défaite militaire dc l’Allemagne et du Japon — les deux pays les plus militaristes et les plus agressifs du capitalisme.

Les éléments réactionnaires impérialistes du monde entier, et particulièrement en Angleterre, aux Etats-Unis d’Amérique et en France, avaient fondé des espoirs particuliers sur l’Allemagne et le Japon, et surtout sur l’Allemagne hitlérienne, premièrement, en tant que force la plus capable de porter un coup tel à l’Union Soviétique qu’il aurait pu l’affaiblir et miner son influence sinon l’écraser, et deuxièmement, en tant que force capable d’écraser le mouvement ouvrier révolutionnaire et démocratique en Allemagne même et dans tous les pays qui étaient l’objet de l’agression hitlérienne.

On visait, de cette façon, à consolider la situation générale du capitalisme.

C’est là qu’il faut chercher l’origine et l’une des principales causes de la politique munichoise d’avant-guerre, politique d’ » apaisement  » et d’encouragement à l’agression fasciste, politique menée méthodiquement par les milieux impérialistes dirigeants d’Angleterre, de France et des Etats-Unis d’Amérique.

     Cependant, les espoirs que les impérialistes anglo-franco-américains nourrissaient à l’égard des hitlériens ne se sont pas justifiés. Contrairement à ce que supposaient les munichois, les hitlériens ont prouvé qu’ils étaient plus faibles, tandis que l’Union Soviétique et les peuples épris de liberté ont prouvé qu’ils étaient plus forts.

Ainsi, la Seconde Guerre mondiale a eu pour résultat ceci : les forces principales de la réaction fasciste internationale militante ont été mises en déroute et se sont trouvées pour longtemps hors de combat.

     Par conséquent, le système capitaliste mondial, dans son ensemble, a subi de nouveau un coup sérieux.

Si le résultat le plus important de la Première Guerre mondiale fut la rupture du front uni de l’impérialisme et le détachement de la Russie du système capitaliste mondial ; si, par suite de la victoire du régime socialiste en U.R.S.S., le capitalisme a cessé d’être le système universel unique de l’économie mondiale, le résultat de la Seconde Guerre mondiale, avec la défaite du fascisme, avec l’affaiblissement des positions mondiales du capitalisme et le renforcement du mouvement antifasciste, a été le détachement de toute une série de pays de l’Europe centrale et sud-orientale du système impérialiste.

De nouveaux régimes populaires et démocratiques ont surgi dans ces pays.

Le grand exemple de la guerre patriotique de l’Union Soviétique, le rôle libérateur de l’Armée soviétique se confondaient avec l’élan de la lutte de masse de libération nationale des peuples épris de liberté contre les occupants fascistes et leurs complices.

Au cours de cette lutte ont été démasqués, comme traîtres aux intérêts nationaux, les éléments pro-fascistes qui avaient collaboré avec Hitler : gros capitalistes influents, grands propriétaires fonciers, hauts fonctionnaires, officiers monarchistes.

     Dans les pays danubiens, la libération de l’esclavage germano-fasciste s’est accompagnée, d’une part, de l’élimination du pouvoir de la couche supérieure de la bourgeoisie et des gros propriétaires terriens, compromise par sa collaboration avec le fascisme allemand, et, d’autre part, de l’arrivée au pouvoir de nouvelles forces du peuple qui avaient fait leurs preuves durant la lutte contre les oppresseurs hitlériens.

     Dans ces pays, ce sont les représentants des ouvriers, des paysans, des intellectuels progressifs qui sont arrivés au pouvoir.

Partout, dans ces pays, ce fut la classe ouvrière qui a manifesté le plus grand héroïsme, le plus de conséquence et d’intransigeance dans la lutte antifasciste, et, partant, son autorité et son influence parmi le peuple se sont énormément accrues.

     Le nouveau pouvoir démocratique en Yougoslavie, en Bulgarie, en Roumanie, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie et en Albanie, s’appuyant sur les masses populaires, a réussi à réaliser, dans le délai le plus court, des transformations démocratiques progressives telles que la bourgeoisie n’est déjà plus capable d’en faire.

La réforme agraire a remis la terre aux paysans et a conduit à la liquidation de la classe des hobereaux.

La nationalisation de la grande industrie et des banques et la confiscation de la propriété des traîtres qui avaient collaboré avec les Allemands ont sapé d’une manière radicale des positions du capital monopoliste dans ces pays et ont affranchi les masses de la servitude impérialiste.

En même temps, ont été établis les fondements de la propriété de l’Etat.

Un nouveau type d’Etat a été créé : la République populaire, où le pouvoir appartient au peuple, où la grande industrie, le transport et les banques appartiennent à l’Etat et où la force dirigeante est constituée par le bloc des classes travailleuses de la population, ayant à sa tête la classe ouvrière.

Les peuples de ces pays se sont non seulement libérés de l’étau impérialiste, mais ils sont en train d’édifier les bases du passage vers le développement socialiste.

     L’importance et l’autorité internationale de l’U.R.S.S. se sont considérablement accrues à la suite de la guerre. L’U.R.S.S. a été la force dirigeante et l’âme de l’écrasement militaire de l’Allemagne et du Japon.

Les forces démocratiques progressives du monde entier se sont rassemblées autour de l’Union Soviétique. L’Etat socialiste, aux prises mortelles avec l’ennemi le plus puissant, est sorti victorieux des terribles épreuves de la guerre.

L’Union Soviétique est sortie de la guerre renforcée. La face du monde capitaliste a changé elle aussi bien sensiblement. Des six puissances appelées  » grandes  » (l’Allemagne, le Japon, l’Angleterre, les Etats-Unis d’Amérique, la France, l’Italie), trois ont été éliminées par suite de la défaite militaire : l’Allemagne, l’Italie, le Japon.

La France aussi a été affaiblie et a perdu son ancienne signification de grande puissance.

     Ainsi, il ne reste plus que deux  » grandes  » puissances impérialistes mondiales : les Etats-Unis et l’Angleterre.

Mais les positions de l’un de ces pays, l’Angleterre, se sont trouvées ébranlées.

Durant la guerre, l’impérialisme anglais s’est montré affaibli du point de vue militaire et politique.

En Europe, l’Angleterre s’est montrée impuissante devant l’agression allemande.

En Asie, l’Angleterre — la plus grande puissance impérialiste — n’a pas réussi par ses propres forces à sauvegarder ses propres possessions coloniales.

Ayant temporairement perdu ses liaisons avec les colonies, qui approvisionnaient la métropole en denrées alimentaires et en matières premières et qui absorbaient une partie considérable de sa production industrielle, l’Angleterre s’est trouvée, du point de vue de son économie de guerre et en ce qui concerne ses propres fournitures industrielles et alimentaires, dépendante de l’Amérique.

Depuis la fin de la guerre, la dépendance financière et économique de l’Angleterre à l’égard des Etats-Unis d’Amérique n’a fait que croître.

     Après la guerre, l’Angleterre a recouvré ses colonies : cependant, elle s’y est heurtée à une influence renforcée de l’impérialisme américain qui, pendant la guerre, avait déployé son activité dans toutes les zones considérées jusque-là comme des sphères d’influence du capitalisme monopoliste anglais : l’Orient arabe, l’Asie du Sud-Est.

     L’influence de l’Amérique s’est renforcée dans les dominions de l’Empire britannique et en Amérique du Sud, où le rôle joué par l’Angleterre lui échappe de plus en plus au bénéfice des Etats-Unis d’Amérique.

     La crise du système colonial, accentuée par l’issue de la Seconde Guerre mondiale, se manifeste par le puissant essor du mouvement de libération nationale dans les colonies et les pays dépendants.

Par là même, les arrières du système capitaliste se trouvent menacés.

     Les peuples des colonies ne veulent plus vivre comme par le passé.

Les classes dominantes des métropoles ne peuvent plus gouverner les colonies commue auparavant.

Les tentatives d’écrasement du mouvement de libération nationale par la force militaire se heurtent maintenant à la résistance armée croissante des peuples des colonies et conduisent à des guerres coloniales de longue durée : Hollande en Indonésie, France au Vietnam.

     La guerre, qui a à son origine le développement inégal du capitalisme dans les différents pays, a conduit à une nouvelle aggravation de cette inégalité.

De toutes les puissances capitalistes, une seule — les Etats-Unis d’Amérique — est sortie de la guerre sans être affaiblie, mais considérablement renforcée tant économiquement que militairement.

Les capitalistes américains ont grassement profité de la guerre.

Le peuple américain n’a pas souffert des privations accompagnant la guerre, ni du joug de l’occupation, ni des bombardements aériens, tandis que ses pertes humaines n’ont pas été comparativement nombreuses, puisque les Etats-Unis, en fait, n’ont pris part qu’à la dernière étape de la guerre, alors que le sort de celle-ci était déjà décidé.

Pour les Etats-Unis, la guerre a servi avant tout d’impulsion à un large développement de la production industrielle, au renforcement décisif de l’exportation, principalement vers l’Europe.

     La fin de la guerre a posé devant les Etats-Unis une série de nouveaux problèmes.

Les monopoles capitalistes se sont efforcés de maintenir le niveau élevé de leurs profits de guerre.

Dans ce dessein, ils ont recherché à ce que le volume des commandes du temps de guerre ne soit pas réduit.

Mais pour cela les Etats-Unis devaient conserver tous les marchés extérieurs qui absorbaient la production américaine durant la guerre, et conquérir de nouveaux marchés, puisque s’est produite à la fin de la guerre une forte réduction de la capacité d’achat de la majorité des pays.

     En même temps, la dépendance financière et économique de ces pays à l’égard des Etats-Unis d’Amérique s’est accrue.

Les Etats-Unis ont investi à l’étranger des crédits pour la somme de 19 milliards de dollars, non compris les investissements à la Banque internationale et au Fonds international des changes.

Les principaux concurrents des Etats-Unis — l’Allemagne et le Japon — ont disparu du marché mondial, et cela a ouvert de nouvelles et très grandes possibilités aux Etats-Unis d’Amérique.

     Si, avant la Seconde Guerre mondiale, les cercles réactionnaires les plus influents de l’impérialisme américain s’en tenaient à la politique isolationniste et s’abstenaient d’intervenir activement dans les affaires de l’Europe et de l’Asie, maintenant, dans les nouvelles conditions d’après-guerre, les maîtres de Wall Street font une autre politique.

Ils ont dressé un programme d’utilisation de toute la puissance militaire et économique américaine, non seulement pour conserver et consolider les positions conquises à l’étranger pendant la guerre, mais aussi pour les étendre au maximum en se substituant sur le marché mondial à l’Allemagne, au Japon et à l’Italie.

     L’affaiblissement considérable de la puissance économique des autres Etats capitalistes a fait surgir la possibilité d’utilisation spéculative des difficultés économiques d’après guerre, ce qui favorise la mise de ces Etats sous le contrôle des Etats-Unis.

Cet affaiblissement a permis en particulier l’utilisation des difficultés économiques d’après guerre de la Grande-Bretagne. Les Etats-Unis d’Amérique ont proclamé un nouveau cours ouvertement conquérant et expansionniste.

     Le but que se propose le nouveau cours expansionniste des Etats-Unis est l’établissement de la domination mondiale de l’impérialisme américain.

Ce nouveau cours vise à la consolidation de la situation de monopole des Etats-Unis sur les marchés, monopole qui s’est établi par suite de la disparition de leurs deux concurrents les plus grands — l’Allemagne et le Japon — et par l’affaiblissement des partenaires capitalistes des Etats-Unis : l’Angleterre et la France.

     Ce nouveau cours compte sur un large programme de mesures d’ordre militaire, économique et politique, dont l’application établirait dans tous les pays visés par l’expansionnisme des Etats-Unis la domination politique et économique de ces derniers, réduirait ces pays à l’état de satellites des Etats-Unis, y instaurerait des régimes intérieurs qui élimineraient tout obstacle de la part du mouvement ouvrier et démocratique à l’exploitation de ces pays par le capital américain.

Les Etats-Unis d’Amérique cherchent à étendre actuellement l’application de ce nouveau cours politique non seulement envers les ennemis de la guerre d’hier, ou envers les Etats neutres, mais aussi de façon toujours plus grande, envers les alliés de guerre des Etats-Unis d’Amérique.

     On attache une attention spéciale à l’utilisation des difficultés économiques de l’Angleterre — l’allié et en même temps le rival capitaliste et concurrent de longue date des Etats-Unis.

Le cours expansionniste américain a pour point de départ la considération que, non seulement il faudra ne pas détendre l’étau de la dépendance économique vis-à-vis des Etats-Unis, dans lequel l’Angleterre est tombée durant la guerre, mais, au contraire, renforcer la pression sur l’Angleterre, afin de lui ravir successivement son contrôle sur les colonies, l’évincer de ses sphères d’influence et la réduire à l’état de vassal.

     Ainsi, par leur nouvelle politique, les Etats-Unis tendent à raffermir leur situation de monopole et comptent assujettir et mettre sous leur dépendance leurs propres partenaires capitalistes.

     Mais, sur le chemin de leurs aspirations à la domination mondiale, les Etats-Unis se heurtent à l’U.R.S.S. avec son influence internationale croissante, comme au bastion de la politique anti-impérialiste et antifasciste, aux pays de la nouvelle démocratie qui ont échappé au contrôle de l’impérialisme anglo-américain, aux ouvriers de tous les pays, y compris les ouvriers de l’Amérique même, qui ne veulent pas de nouvelle guerre de domination au profit de leurs propres oppresseurs.

     C’est pourquoi le nouveau cours expansionniste et réactionnaire de la politique des Etats-Unis vise à la lutte contre l’U.R.S.S., contre les pays de la nouvelle démocratie, contre le mouvement ouvrier de tous les pays, contre le mouvement ouvrier aux Etats-Unis, contre les forces anti-impérialistes de libération dans tous les pays.

     Les réactionnaires américains, inquiets des succès du socialisme en U.R.S.S., des succès des pays de la nouvelle démocratie et de la croissance du mouvement ouvrier et démocratique dans tous les pays du monde entier, après la guerre, sont enclins à se fixer comme tâche celle de  » sauver  » le système capitaliste du communisme.

     De sorte que le programme franchement expansionniste des Etats-Unis rappelle extraordinairement le programme aventurier des agresseurs fascistes, qui a misérablement échoué, agresseurs qui, comme on le sait, se considéraient naguère aussi comme des prétendants à la domination mondiale.

     Comme les hitlériens, lorsqu’ils préparaient l’agression de brigandage afin de s’assurer la possibilité d’opprimer et d’asservir tous les peuples et avant tout leur propre peuple, se masquaient de l’anticommunisme, de la même manière, les cercles dirigeants d’aujourd’hui des Etats-Unis dissimulent leur politique d’expansion et même leur offensive contre les intérêts vitaux de leur concurrent impérialiste devenu plus faible — l’Angleterre — par des tâches de pseudo-défense anticommuniste.

     La course fiévreuse aux armements, la construction de nouvelles bases et la création de places d’armes pour les forces armées américaines dans toutes les parties du monde sont justifiées par les arguments pharisiens et faux de la soi-disant  » défense  » contre le danger militaire imaginaire de la part de l’U.R.S.S.

     La diplomatie américaine agissant par les méthodes de menaces, de corruption et de chantage arrache facilement des autres pays capitalistes, et avant tout de l’Angleterre, le consentement à l’affermissement légal des positions avantageuses américaines en Europe et en Asie, dans les zones occidentales de l’Allemagne, en Autriche, en Italie, en Grèce, en Turquie, en Egypte, en Iran, en Afghanistan, en Chine, au Japon, etc.

     Les impérialistes américains, se considérant comme la force principale opposée à l’U.R.S.S., aux pays de la nouvelle démocratie, au mouvement ouvrier et démocratique de tous les pays du monde, se considérant comme le bastion des forces réactionnaires, antidémocratiques du monde entier, ont entrepris littéralement, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de dresser contre l’U.R.S.S. et la démocratie mondiale un front hostile et d’encourager les forces réactionnaires, anti-populaires, les collaborationnistes et les anciennes créatures capitalistes dans les pays européens qui, libérés du joug hitlérien, ont commencé à organiser leur vie selon leur propre choix.

     Les politiciens impérialistes les plus enragés et déséquilibrés ont commencé, après Churchill, à dresser des plans en vue d’organiser le plus rapidement possible une guerre préventive contre l’U.R.S.S., faisant ouvertement appel à l’utilisation contre les hommes soviétiques du monopole américain temporaire de l’arme atomique.

     Les instigateurs de la nouvelle guerre tentant d’utiliser l’intimidation et le chantage non seulement envers l’U.R.S.S., mais aussi envers les autres pays, et en particulier, envers la Chine et l’Inde, présentent d’une façon calomnieuse l’U.R.S.S. comme agresseur possible, et se présentent eux-mêmes en qualité d’ » amis  » de la Chine et de l’Inde, comme  » sauveurs  » du danger communiste, appelés à  » aider  » les plus faibles. De cette façon, on accomplit la tâche de maintenir dans l’obéissance à l’impérialisme l’Inde et la Chine et de prolonger leur asservissement politique et économique.

II

NOUVELLE DISPOSITION DES FORCES POLITIQUES D’APRES-GUERRE ET FORMATION DES DEUX CAMPS

 Les changements profonds survenus dans la situation internationale et dans la situation des différents pays, à la suite de la guerre, ont modifié tout le tableau politique du monde.


Une nouvelle disposition des forces politiques s’est créée.

Plus nous nous éloignons de la fin de la guerre, et plus nettement apparaissent les deux principales directions de la politique internationale de l’après-guerre, correspondant à la disposition en deux camps principaux des forces politiques qui opèrent sur l’arène mondiale : le camp impérialiste et antidémocratique d’une part, et, d’autre part, le camp anti-impérialiste et démocratique.

Les Etats-Unis sont la principale force dirigeante du camp impérialiste. L’Angleterre et la France sont unies aux Etats-Unis.

L’existence du gouvernement travailliste Atllee-Bevin en Angleterre et celle du gouvernement socialiste Ramadier en France n’empêchent pas l’Angleterre et la France de marcher comme des satellites, en ce qui concerne les questions principales, dans l’ornière de la politique impérialiste des Etats-Unis.

Le camp impérialiste est soutenu aussi par des Etats possesseurs de colonies, tels que la Belgique et la Hollande, et par des pays au régime réactionnaire antidémocratique, tels que la Turquie et la Grèce, ainsi que par des pays dépendant politiquement et économiquement des Etats-Unis, tel que le Proche-Orient, l’Amérique du Sud, la Chine. 

     Le but principal du camp impérialiste consiste à renforcer l’impérialisme, à préparer une nouvelle guerre impérialiste, a lutter contre le socialisme et la démocratie et à soutenir partout les régimes et mouvements pro-fascistes réactionnaires et antidémocratiques.

     Pour réaliser ces tâches, le camp impérialiste est prêt à s’appuyer sur les forces réactionnaires et antidémocratiques dans tous les pays et à soutenir les ennemis de la guerre d’hier contre ses alliés de guerre.

     Les forces anti-impérialistes et antifascistes forment l’autre camp. L’U.R.S.S. et les pays de la nouvelle démocratie en sont le fondement.

Les pays qui ont rompu avec l’impérialisme et qui se sont résolument engagés dans la voie du développement démocratique, tels que la Roumanie, la Hongrie, la Finlande, en font partie. Au camp anti-impérialiste adhèrent l’Indonésie, le Vietnam, l’Inde ; l’Egypte et la Syrie y apportent leurs sympathies. Le camp anti-impérialiste s’appuie dans tous les pays sur le mouvement ouvrier et démocratique, sur les Partis Communistes frères, sur les combattants du mouvement de libération nationale dans les pays coloniaux et dépendants, sur toutes les forces progressives et démocratiques qui existent dans chaque pays.

Le but de ce camp consiste à lutter contre les menaces de nouvelles guerres. et d’expansion impérialiste, pour l’affermissement de la démocratie et pour l’extirpation des restes du fascisme. 

     La fin de la Deuxième Guerre mondiale a placé les peuples épris de liberté devant l’importante tâche d’assurer une paix démocratique durable, consolidant la victoire sur le fascisme.

C’est à l’Union Soviétique et à sa politique extérieure qu’appartient le rôle dirigeant dans la solution de cette tâche principale d’après-guerre.

Cela provient de la nature de l’Etat soviétique socialiste, profondément étranger à tous les mobiles agressifs et exploiteurs, et intéressé à créer les conditions les plus favorables pour réaliser l’édification de la société communiste.

L’une de ces conditions, c’est la paix.

En tant que nouveau système social supérieur, l’Union Soviétique reflète, dans sa politique extérieure, les espoirs de toute l’humanité progressive, qui aspire à une paix durable et ne peut être intéressée à une nouvelle guerre engendrée par le capitalisme.

L’Union Soviétique, fidèle combattant de la liberté et de l’indépendance pour tous les peuples, est l’ennemie de l’oppression nationale et raciale, de l’exploitation coloniale sous toutes ses formes.

Le changement survenu à la suite de la Deuxième Guerre mondiale dans le rapport des forces entre le monde capitaliste et le monde socialiste de l’Etat soviétique a élargi le rayon de son activité politique extérieure.

     C’est autour de la tâche consistant à assurer la paix démocratique juste que s’est opéré le ralliement de toutes les forces du camp anti-impérialiste et antifasciste.

C’est sur cette base qu’a pris naissance et que s’est renforcée la coopération amicale de l’U.R.S.S. avec les pays démocratiques à l’égard de tous les problèmes de politique extérieure.

Ces pays, et tout d’abord les pays de la nouvelle démocratie : la Yougoslavie, la Pologne, la Tchécoslovaquie, l’Albanie, qui ont joué un rôle important dans la guerre libératrice contre le fascisme, ainsi que la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, partiellement la Finlande, qui ont rejoint le front antifasciste — sont devenus dans l’après-guerre, de fermes combattants pour la paix, pour la démocratie, pour la liberté et l’indépendance contre toutes les tentatives faites par les Etats-Unis et l’Angleterre pour faire retourner leur développement en arrière et les placer de nouveau sous le joug impérialiste.

     Les succès et l’augmentation du prestige international du camp démocratique ne sont pas du goût des impérialistes. Déjà, pendant la Deuxième Guerre mondiale, en Angleterre et aux Etats-Unis, l’activité des forces réactionnaires s’est accrue infailliblement, s’efforçant de briser l’action coordonnée des puissances alliées, de faire traîner la guerre en longueur, de saigner à blanc l’U.R.S.S. et de sauver les agresseurs fascistes de la débâcle complète.

Le sabotage du deuxième front de la part des impérialistes anglo-saxons, Churchill en tête, reflétait nettement cette tendance, qui n’est, au fond, que la continuation de la politique de  » Munich  » dans la nouvelle situation changée.

Mais, tant que la guerre durait, les cercles réactionnaires d’Angleterre et des Etats-Unis n’osaient pas intervenir ouvertement contre l’Union Soviétique et les pays démocratiques, comprenant très bien que, dans tous les pays, la sympathie des masses populaires allait sans réserve à l’U.R.S.S. et aux pays démocratiques.

Mais, dès les derniers mois qui précédèrent la fin de la guerre, la situation commença à se modifier.

Déjà, au cours des pourparlers à la Conférence des Trois Puissances, à Berlin, en juillet 1945, les impérialistes anglo-américains ont montré leur désir de ne pas tenir compte des intérêts légitimes de l’U.R.S.S. et des pays démocratiques.

     Au cours des deux dernières années, la politique extérieure de l’Union Soviétique et des pays démocratiques a été une politique de lutte pour la réalisation conséquente des principes démocratiques d’après-guerre.

Les Etats du camp anti-impérialiste se sont montrés de fidèles et conséquents combattants pour la réalisation de ces principes, sans en dévier d’un seul point.

C’est pourquoi la tâche principale de la politique extérieure des Etats démocratiques d’après-guerre est de lutter pour une paix démocratique, de liquider les restes du fascisme et d’empêcher une nouvelle agression fasciste impérialiste, de lutter pour l’affermissement des principes d’égalité des droits et le respect de la souveraineté des peuples, pour la réduction générale des armements et l’interdiction de tout genre d’armes de grande destruction, destinées à l’extermination en masse de la population paisible.

Dans la mise en application de toutes ces tâches, la diplomatie soviétique et la diplomatie des Etats démocratiques se sont heurtées à la résistance de la diplomatie anglo-américaine qui, après guerre, suit infailliblement et conséquemment une ligne visant à renoncer à tous les principes communs proclamés pendant la guerre par les Alliés pour l’organisation de la paix d’après-guerre, une ligne tendant à remplacer cette politique de paix et d’affermissement de la démocratie par une nouvelle politique ayant pour but de rompre la paix générale, d’assurer la défense des éléments fascistes et de persécuter la démocratie dans tous les pays.

     L’activité commune de la diplomatie de l’U.R.S.S. et de la diplomatie des Etats démocratiques visant à résoudre le problème de la réduction des armements et l’interdiction de l’arme la plus destructrice — la bombe atomique — a une grande signification.

     Sur l’initiative de l’Union Soviétique, il a été fait une proposition à l’Organisation des Nations Unies pour la réduction générale des armements et pour la reconnaissance, comme tâche de premier plan, de l’interdiction de la production et de l’utilisation de l’énergie atomique pour des buts de guerre.

Cette proposition du Gouvernement soviétique se heurta à une résistance acharnée de la part des Etats-Unis et de l’Angleterre.

Tous les efforts des milieux impérialistes ont été dirigés en vue de saboter cette décision.

Cela s’est exprimé par toutes sortes de barrières et d’atermoiements sans fin et stériles dans l’intention d’empêcher toutes mesures pratiques effectives.

L’activité des délégués de l’U.R.S.S. et de ceux des pays démocratiques dans les organes de l’Organisation des Nations Unies porte un caractère de lutte quotidienne, systématique, opiniâtre en faveur des principes démocratiques de coopération internationale et pour dévoiler les intrigues des comploteurs impérialistes contre la paix et la sécurité des peuples.

     Cela se manifeste de façon particulièrement visible, par exemple, dans l’examen de la situation aux frontières septentrionales de la Grèce.

L’Union Soviétique et la Pologne sont intervenues ensemble, énergiquement, contre l’utilisation du Conseil de Sécurité un vue de discréditer la Yougoslavie, la Bulgarie, l’Albanie, faussement accusées par les impérialistes d’actes d’agression contre la Grèce.

     La politique extérieure soviétique a pour point de départ le fait de la coexistence, pour une longue période, des deux systèmes, le capitalisme etle socialisme.

De là découle la possibilité de coopération entre l’U.R.S.S. et les pays possédant un autre système, à condition de respecter le principe de réciprocité et d’exécuter les engagements pris.

On sait que l’U.R.S.S. a toujours été et reste fidèle à ses engagements.

L’Union Soviétique a montré sa volonté et son désir de coopération.

     Ã€ l’Organisation des Nations Unies, l’Angleterre et l’Amérique mènent une politique complètement opposée.

Elles font tout pour renoncer à leurs engagements, pris antérieurement, et pour se délier les mains, afin de mener une nouvelle politique, non pas dans l’esprit de coopération des peuples, mais pour les dresser les uns contre les autres, politique visant à violer les droits et les intérêts des peuples démocratiques et à isoler l’U.R.S.S.

     La politique soviétique suit la ligne d’entretien loyal des rapports de bon voisinage avec tous les Etats qui montrent leur désir de coopérer.

L’Union Soviétique a toujours été, est et sera toujours une amie fidèle et une alliée envers les pays qui sont ses véritables amis et alliés. La politique extérieure soviétique vise à une extension ultérieure de l’aide amicale de la part de l’Union Soviétique à ces pays.

     Défendant la cause de la paix, la politique extérieure de l’U.R.S.S. rejette le principe de vengeance envers les peuples vaincus.

     Comme on le sait, l’U.R.S.S. est pour la formation d’une Allemagne unie, éprise de liberté, démilitarisée, démocratique. Formulant la politique soviétique envers l’Allemagne, le camarade Staline a dit :

      » Bref, la politique de l’Union Soviétique dans le problème allemand se résume à la démilitarisation et à la démocratisation de l’Allemagne…

La démilitarisation et la démocratisation de l’Allemagne sont une des plus importantes conditions pour instaurer une paix durable et solide. « 

     Cependant, cette politique de l’Etat soviétique envers l’Allemagne se heurte à une résistance effrénée des milieux impérialistes des Etats-Unis et d’Angleterre.

     La session du Conseil des ministres des Affaires étrangères, qui s’est tenue à Moscou en mars-avril 1947, a montré que les Etats-Unis, l’Angleterre et la France sont prêts, non seulement à faire échec à la démocratisation et à la démilitarisation de l’Allemagne, mais aussi à liquider l’Allemagne en tant qu’Etat uni, à la démembrer et à résoudre séparément le problème de la paix.

     La réalisation de cette politique s’effectue actuellement dans de nouvelles conditions, alors que l’Amérique a rompu avec l’ancien cours de Roosevelt et passe à une nouvelle politique, à une politique de nouvelles aventures militaires.

 III

LE PLAN AMERICAIN D’ASSERVISSEMENT DE L’EUROPE

      Le passage de l’impérialisme américain au cours agressif et ouvertement expansionniste depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, a trouvé son expression tant dans la politique extérieure des Etats-Unis que dans leur politique intérieure.

Le soutien actif des forces réactionnaires et antidémocratiques dans le monde entier, la mise en échec des décisions de Potsdam visant à la démocratisation et à la démilitarisation de l’Allemagne, la protection des réactionnaires japonais, l’extension des préparatifs militaires, l’accumulation des réserves de bombes atomiques, tout cela s’accompagne d’une offensive contre les droits démocratiques élémentaires des travailleurs a l’intérieur des Etats-Unis.

     Bien que les Etats-Unis aient été relativement peu touchés par la guerre, la majorité écrasante des Américains ne veut pas d’une nouvelle guerre et des sacrifices et restrictions qui en découlent.

Cela incite le capital monopoliste et ses serviteurs parmi les cercles dirigeants des Etats-Unis à chercher des moyens extraordinaires pour briser l’opposition intérieure à ce cours expansionniste et agressif, et ainsi se laisser les mains libres pour continuer à mener cette politique dangereuse.

     Mais la campagne contre le communisme, proclamée par les milieux dirigeants américains, s’appuyant sur les monopoles capitalistes, aboutit, avec une inévitable logique, à la violation des droits et des intérêts vitaux des travailleurs américains, à la fascisation intérieure de la vie politique des Etats-Unis, à la diffusion des  » théories  » et notions misanthropes les plus sauvages.

Nourrissant des rêves de préparation d’une troisième guerre mondiale, les milieux expansionnistes américains sont profondément intéressés à étouffer à l’intérieur du pays toute résistance possible aux aventures extérieures, à empoisonner de chauvinisme et de militarisme les masses politiquement arriérées et peu cultivées des Américains moyens, à abrutir le petit bourgeois américain à l’aide des moyens les plus divers de propagande antisoviétique, anticommuniste, par exemple le cinéma, la radio, l’église, la presse.

     La politique extérieure expansionniste, inspirée et menée par la réaction américaine, prévoit une activité simultanée dans toutes les directions :

     1o Mesures militaires stratégiques ;

     2o Expansion économique ;

     3o Lutte idéologique.

     La réalisation des plans militaires stratégiques de futures agressions est liée aux efforts pour utiliser au maximum l’appareil de production militaire des Etats-Unis, qui s’est accru considérablement vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

L’impérialisme américain mène une politique conséquente de militarisation du pays.

Aux Etats-Unis, les dépenses pour l’armée et la flotte dépassent 11 milliards de dollars par an. En 1947-48, les Etats-Unis ont assigné pour l’entretien de leurs forces armées 35 % du budget, soit onze fois plus qu’en 1937-38.

     Si, au début de la Deuxième Guerre mondiale, l’armée des Etats-Unis occupait la 17e place de tous les pays capitalistes, actuellement elle occupe la première place.

Parallèlement à l’accumulation des bombes atomiques, les stratèges américains ne se gênent pas pour dire qu’aux Etats-Unis se font des préparatifs pour l’arme bactériologique.

     Le plan militaire stratégique des Etats-Unis prévoit la création, en temps de paix, de nombreuses bases et places d’armes, très éloignées du continent américain et destinées à être utilisées dans des buts d’agression contre l’U.R.S.S. et les pays de la nouvelle démocratie.

Les bases américaines militaires, aériennes et navales, existent ou sont de nouveau en voie de création en Alaska, au Japon, en Italie, au sud de la Corée, en Chine, en Egypte, en Iran, en Turquie, en Grèce, en Autriche et en Allemagne occidentale.

Une mission militaire américaine opère en Afghanistan et même au Népal. Des préparatifs se font fiévreusement pour utiliser l’Arctique en vue d’une agression militaire.

     Bien que la guerre soit déjà finie depuis longtemps, l’alliance militaire entre l’Angleterre et les Etats-Unis subsiste encore, de même que l’état-major anglo-américain unifié des forces armées.

Sous l’enseigne de la convention sur la standardisation des armements, les Etats-Unis ont étendu leur contrôle sur les forces armées et les plans militaires des autres pays, en premier lieu de l’Angleterre et du Canada.

Sous l’enseigne de la défense commune de l’hémisphère occidental, les pays de l’Amérique latine sont en voie d’entrer dans l’orbite des plans d’expansion militaire des Etats-Unis.

Le gouvernement des Etats-Unis a annoncé que sa tâche officielle était d’aider à la modernisation de l’armée turque.

L’armée du Kuomintang réactionnaire fait son instruction avec des officiers américains et reçoit du matériel américain.

La clique militaire devient une force politique active aux Etats-Unis, dont elle fournit, sur une grande échelle, les hommes d’Etat et les diplomates qui suivent une ligne militariste agressive dans toute la politique du pays.

     L’expansion économique des Etats-Unis complète d’une façon importante la réalisation du plan stratégique. L’impérialisme américain s’efforce, comme un usurier, d’exploiter les difficultés d’après-guerre des pays européens, surtout la pénurie de matières premières, de combustibles et de denrées alimentaires dans les pays alliés qui ont le plus souffert de la guerre, pour leur dicter ses conditions asservissantes de secours.

En prévision de la crise économique imminente, les Etats-Unis s’empressent de trouver de nouvelles sphères de monopole pour l’investissement des capitaux et pour l’écoulement des marchandises. Le  » secours  » économique des Etats-Unis a pour but d’asservir l’Europe au capital américain.

Plus la situation économique d’un pays est grave, plus les monopoles américains s’efforcent de lui dicter de dures conditions.

     Mais le contrôle économique entraîne aussi avec lui une dépendance politique de l’impérialisme américain.

Ainsi, l’extension des sphères d’écoulement des marchandises américaines se combine pour les Etats-Unis avec l’acquisition de nouvelles places d’armes propices à la lutte contre les nouvelles forces démocratiques de l’Europe.

En  » sauvant  » un pays de la famine et de la ruine, les monopoles américains ont le dessein de le priver de toute indépendance.

L’ » aide  » américaine entraîne presque automatiquement des modifications de la ligne politique du pays qui reçoit cette  » aide  » : viennent au pouvoir des partis et des personnalités qui, obéissant aux directives de Washington, sont prêts à réaliser, dans leur politique intérieure et extérieure, le programme désiré par les Etats-Unis (France, Italie, etc.)

     Enfin, les aspirations des Etats-Unis à la domination mondiale et leur ligne antidémocratique comportent aussi une lutte idéologique.

La tâche principale de la partie idéologique du plan stratégique américain consiste à user du chantage envers l’opinion publique, à répandre des calomnies sur la prétendue agressivité de l’Union Soviétique et des pays de la nouvelle démocratie, afin de pouvoir ainsi présenter le bloc anglo-saxon dans le rôle d’un bloc de prétendue défense et le décharger de la responsabilité dans la préparation de la nouvelle guerre.

La popularité de l’Union Soviétique à l’étranger s’est considérablement accrue pendant la Deuxième Guerre mondiale. Par sa lutte héroïque, pleine d’abnégation, contre l’impérialisme, l’Union Soviétique a gagné l’amour et le respect des travailleurs de tous les pays.

La puissance militaire et économique de l’Etat socialiste et la force indestructible de l’unité morale et politique de la société soviétique ont été démontrées clairement à la face du monde entier.

Les milieux réactionnaires des Etats-Unis et de l’Angleterre se demandent avec souci comment dissiper l’impression inoubliable que le régime socialiste produit sur les ouvriers et les travailleurs du monde entier.

Les instigateurs de guerre se rendent très bien compte que, pour envoyer les soldats combattre contre l’Union Soviétique, une longue préparation idéologique est nécessaire.

     Dans leur lutte idéologique contre l’U.R.S.S., les impérialistes américains, qui s’orientent mal dans les problèmes politiques et montrent leur ignorance, mettent en avant tout d’abord l’image représentant l’Union Soviétique comme une force soit-disant antidémocratique, totalitaire, tandis que les Etats-Unis, l’Angleterre et tout le monde capitaliste sont présentés comme des démocraties.

     Cette plate-forme de la lutte idéologique — défense de la pseudo-démocratie bourgeoise et attribution au communisme de traits totalitaires — unit tous les ennemis de la classe ouvrière sans exception, depuis les magnats capitalistes jusqu’aux leaders socialistes de droite qui, avec un grand empressement, s’emparent de n’importe quelle calomnie antisoviétique, dictée par leurs maîtres impérialistes.

Le pivot de cette propagande fourbe réside dans l’affirmation que l’existence de plusieurs partis et d’une minorité oppositionnelle organisée serait l’indice d’une démocratie véritable. Sur cette base, les  » travaillistes  » anglais, ne ménageant pas leurs forces pour lutter contre le communisme, auraient voulu déceler qu’il y a, en U.R.S.S., des classes antagonistes et une lutte de partis correspondante.

Ignorants en politique, ils ne peuvent pas arriver à comprendre que, depuis longtemps déjà, il n’y a plus en U.R.S.S. de capitalistes et de propriétaires fonciers, qu’il n’y a plus de classes antagonistes et, partant, qu’il ne pourrait y exister plusieurs partis.

Ils auraient voulu avoir en U.R.S.S. des partis chers à leurs cœurs, des partis bourgeois, y compris des partis pseudo-socialistes, en tant qu’agence impérialiste.

Mais, pour leur malheur, l’histoire a condamné ces partis bourgeois exploiteurs à disparaître.

     Ne ménageant pas les mots pour monter des calomnies contre le régime soviétique, les  » travaillistes  » et autres avocats de la démocratie bourgeoise trouvent en même temps tout à fait normale la dictature sanglante de la minorité fasciste sur le peuple en Grèce et en Turquie ; ils ferment les yeux sur les nombreuses infractions révoltantes aux normes mêmes de la démocratie formelle dans les pays bourgeois ; ils passent sous silence le joug national et racial, la corruption, l’usurpation sans cérémonie des droits démocratiques aux Etats-Unis.

     L’une des lignes de la  » campagne  » idéologique qui accompagne les plans d’asservissement de l’Europe est l’attaque contre les principes de souveraineté nationale, l’appel à renoncer aux droits souverains des peuples, auxquels on oppose l’idée d’un  » gouvernement mondial « .

Le sens de cette campagne consiste à embellir l’expansion effrénée de l’impérialisme américain qui, sans cérémonie, porte atteinte aux droits souverains des peuples, et à présenter les Etats-Unis dans le rôle de champion des lois humaines, tandis que ceux qui résistent à la pénétration américaine sont présentés en partisans d’un nationalisme  » égoïste  » périmé. L’idée d’un  » gouvernement mondial « , reprise par les intellectuels bourgeois rêveurs et pacifistes, est utilisée non seulement comme moyen de pression en vue de désarmer moralement les peuples qui défendent leur indépendance contre les attentats de l’impérialisme américain, mais aussi comme mot d’ordre spécialement opposé à l’Union Soviétique, qui défend infatigablement et conséquemment le principe d’une réelle égalité des droits et de la protection des droits souverains de tous les peuples grands et petits.

Dans les conditions actuelles, les pays impérialistes tels que les Etats-Unis, l’Angleterre et les Etats qui leur sont proches, deviennent des ennemis dangereux de l’indépendance nationale et de l’autodétermination des peuples, tandis que l’Union Soviétique et les pays à nouvelle démocratie constituent le rempart sûr dans la défense de l’égalité des droits et de l’autodétermination nationale des peuples.

     Il est tout à fait caractéristique que les éclaireurs militaires et politiques américains, du genre Bullitt, les leaders syndicaux jaunes du genre Green, les socialistes français avec Blum, l’apologiste fieffé du capitalisme en tête, le social-démocrate allemand Schumacher, et les leaders travaillistes du type Bevin, collaborent étroitement à la réalisation du plan idéologique établi par l’impérialisme américain.

     La  » doctrine Truman  » et le  » plan Marshall  » sont, dans les conditions actuelles aux Etats-Unis, l’expression concrète des efforts expansionnistes.

Au fond, ces deux documents sont l’expression d’une même politique, bien qu’ils se distinguent par la forme sous laquelle y est présentée une même et seule prétention américaine d’asservir l’Europe.

     En ce qui concerne l’Europe, les principales lignes de la  » doctrine Truman  » sont les suivantes :

     1o Création de bases américaines dans la partie orientale du bassin méditerranéen, afin d’affermir la domination américaine dans cette zone ;

     2o Soutien démonstratif des régimes réactionnaires en Grèce et en Turquie, en tant que bastions de l’impérialisme américain contre la nouvelle démocratie dans les Balkans (aide militaire et technique à la Grèce et à la Turquie, octroi d’emprunts) ;

     3o Pression ininterrompue sur les Etats à nouvelle démocratie, ce qui s’exprime par de fausses accusations de totalitarisme et d’aspirations expansionnistes, par les attaques contre les fondements du nouveau régime démocratique, par l’immixtion continuelle dans les affaires intérieures de ces Etats, par le soutien de tous les éléments antidémocratiques à l’intérieur de ces pays — éléments qui luttent contre l’Etat par la cessation démonstrative des rapports économiques avec ces pays en vue de créer à ces derniers des difficultés économiques, de freiner leur développement économique, de faire échec à leur industrialisation, etc.

     La  » doctrine Truman  » qui prévoit l’offre de l’aide américaine à tous les régimes réactionnaires, qui agissent de façon active contre les peuples démocratiques, porte un caractère ouvertement agressif.

Sa publication a provoqué une certaine gêne même dans les milieux des capitalistes américains habitués à n’importe quoi.

Aux Etats-Unis et dans d’autres pays, les éléments progressistes ont protesté énergiquement contre le caractère provoquant, ouvertement impérialiste, de l’intervention Truman.

     L’accueil défavorable qui a été fait à la  » doctrine Truman  » a rendu nécessaire le  » plan Marshall « , qui est une tentative plus voilée de mener cette même politique d’expansion.

     Le fond des formules voilées, embrouillées intentionnellement du  » plan Marshall  » consiste à former un bloc d’Etats liés aux Etats-Unis par des engagements et à offrir aux Etats européens des crédits américains, en paiement de la renonciation à leur indépendance économique et ensuite à leur indépendance politique. L’essentiel du  » plan Marshall  » est donc de reconstruire les régions industrielles de l’Allemagne occidentale, contrôlées par les monopoles américains.

     Il ressort des délibérations qui se sont succédé et des interventions des hommes d’Etat américains que l’objet du  » plan Marshall  » n’est pas une offre de secours, tout d’abord aux pays vainqueurs appauvris, alliés de l’Amérique dans la lutte contre l’Allemagne, mais une offre de secours aux capitalistes allemands, afin que ceux-ci, tenant en main les sources principales de charbon et de métal nécessaires à l’Europe et à l’Allemagne, les Etats qui ont besoin de charbon et de métal soient placés sous la dépendance de la puissance économique de l’Allemagne en voie de restauration.

     Malgré le fait que le  » plan Marshall  » prévoit l’abaissement de l’Angleterre, ainsi que celui de la France, à l’état de puissances de second ordre, le gouvernement travailliste d’Attlee en Angleterre et le gouvernement socialiste de Ramadier en France, se sont accrochés au  » plan Marshall  » comme à une planche de salut.

On sait que l’Angleterre a déjà presque dépensé l’emprunt américain de 3.750 millions de dollars qui lui fut octroyé en 1946.

On sait aussi que l’Angleterre a eu les pieds et les mains liés par les conditions asservissantes de cet emprunt. Le gouvernement travailliste de l’Angleterre, serré comme dans un nœud coulant par sa dépendance financière envers les Etats-Unis ne voit d’autre issue, pour en sortir, que l’obtention de nouveaux emprunts.

C’est pourquoi il a accueilli le  » plan Marshall  » comme une issue à l’impasse économique, comme une chance d’obtenir de nouveaux crédits.

En outre, les hommes politiques anglais avaient compté sur la création du bloc des pays de l’Europe occidentale — pays débiteurs des Etats-Unis — afin d’essayer de jouer à l’intérieur de ce bloc le rôle d’un gérant en chef américain qui pourrait, à la rigueur, un tirer profit au détriment des pays faibles.

La bourgeoisie anglaise avait caressé le rêve qu’en utilisant le  » plan Marshall « , en rendant des services aux monopoles américains et en se soumettant à leur contrôle, elle recouvrerait ses positions perdues dans certains pays et, en particulier, rétablirait ses positions dans les régions balkano-danubiennes.

     Afin de donner extérieurement une plus grande apparence  » d’objectivité  » aux propositions américaines, il avait été décidé d’inclure, au nombre des initiateurs devant préparer la réalisation du  » plan Marshall « , la France, qui avait déjà sacrifié à moitié sa souveraineté nationale en faveur des Etats-Unis, puisque l’octroi du crédit à la France, en mai 1947, de la part des Etats-Unis, avait été conditionné par l’éloignement des communistes du gouvernement. 

     Suite à la directive de Washington, les gouvernements d’Angleterre et de France avaient proposé à l’Union Soviétique de participer à l’examen des propositions Marshall. Une telle démarche devait masquer le caractère hostile à l’U.R.S.S. de ces propositions. Sachant bien d’avance que l’U.R.S.S. se refuserait à discuter les propositions d’aide américaine selon les conditions formulées par Marshall, on avait fait le calcul d’en profiter pour essayer de mettre à la charge de l’U.R.S.S. la responsabilité du  » refus de contribuer à la reconstruction économique de l’Europe « , et de cette façon dresser contre l’U.R.S.S. les pays européens qui ont besoin d’un secours réel.

Si, par contre, l’U.R.S.S. acceptait de participer aux pourparlers, il serait facile de faire tomber dans le piège de  » la reconstruction économique de l’Europe avec l’aide de l’Amérique  » les pays de l’Est et du Sud-Est de l’Europe. Pendant que le  » plan Truman  » misait sur l’intimidation terroriste de ces pays, le  » plan Marshall  » avait comme objectif de sonder la fermeté de leur situation économique, de tenter de les séduire et de les lier ensuite par le  » secours  » du dollar.

     Le  » plan Marshall  » était appelé, dans ce cas donné, à contribuer à la réalisation de l’une des tâches les plus importantes du programme américain général : restaurer le pouvoir de l’impérialisme dans les pays de la nouvelle démocratie, obliger ces pays à renoncer à leur coopération économique et politique étroite avec l’Union Soviétique.

     Les représentants de l’U.R.S.S., ayant consenti à examiner à Paris, avec les gouvernements de l’Angleterre et de la France, les propositions de Marshall, ont démasqué, à la Conférence de Paris, le manque de fondement de la tâche visant à l’élaboration d’un programme économique pour toute l’Europe.

Ils ont dévoilé, dans la tentative de créer une nouvelle organisation européenne sous l’égide de la France et de l’Angleterre, une menace d’immixtion dans les affaires intérieures des pays européens et de violation de leur souveraineté.

Ils ont démontré que le  » plan Marshall  » est en contradiction avec les principes normaux de coopération internationale, qu’il porte dans son sein la scission de l’Europe, la menace d’assujettissement d’un certain nombre de pays européens aux intérêts du capitalisme américain et qu’il est basé sur l’octroi préférentiel, par rapport aux Alliés, de secours aux consortiums et monopoles allemands à la reconstitution desquels le  » plan Marshall  » réserve avec évidence un rôle particulier en Europe.

     Cette position claire de l’Union Soviétique a enlevé le masque au plan des impérialistes américains et de leurs commis anglo-français.

     La Conférence européenne a subi un échec scandaleux.

Huit Etats européens ont refusé d’y participer.

Mais il y a eu aussi, parmi les Etats qui avaient accepté de participer à l’examen du  » plan Marshall  » et à l’élaboration de mesures concrètes pour sa réalisation, un certain nombre de pays qui n’ont pas fait un accueil particulièrement enthousiaste à ce  » plan « , d’autant plus qu’on s’est bientôt aperçu que les suppositions de l’U.R.S.S. étaient entièrement justes, c’est-à-dire que ce plan est loin de comporter une aide effective et réelle.

Il se trouve que le gouvernement des Etats-Unis ne se presse pas du tout de réaliser les promesses de Marshall.

Des personnalités politiques américaines du Congrès ont reconnu que ce dernier ne discuterait pas avant 1948 les nouvelles sommes allouées pour les crédits promis à quelques pays européens.

     Ainsi, il est devenu évident que l’Angleterre, la France et d’autres Etats de l’Europe occidentale, qui ont accepté le  » schéma parisien de réalisation  » du  » plan Marshall « , sont tombés eux-mêmes victimes du chantage américain.

     Cependant, les tentatives de former un bloc occidental sous l’égide de l’Amérique continuent.

     Il faut noter que la variante américaine du bloc occidental ne peut pas ne pas rencontrer de sérieuses oppositions, même dans les pays qui dépendent déjà des Etats-Unis, tels que l’Angleterre et la France.

La perspective de restaurer l’impérialisme allemand en tant que force réelle capable de s’opposer à la démocratie et au communisme en Europe ne peut séduire ni l’Angleterre ni la France.

Nous nous trouvons là en présence d’une des principales contradictions intérieures du bloc Angleterre-Etats-Unis-France. Visiblement, les monopoles américains, comme toute la réaction internationale, n’estiment pas que Franco ou encore les fascistes grecs soient un rempart un tant soit peu sûr des Etats-Unis contre l’U.R.S.S. et les nouvelles démocraties en Europe.

C’est pourquoi ils nourrissent des espoirs particuliers sur la restauration de l’Allemagne capitaliste, considérant qu’elle constituerait la plus importante garantie pour le succès de la lutte contre les forces démocratiques en Europe. Ils n’ont confiance ni dans les  » travaillistes  » en Angleterre, ni dans les socialistes en France, estimant que, malgré toute leur complaisance, ils sont des  » semi-communistes  » n’ayant pas suffisamment mérité la confiance.

     C’est pourquoi la question allemande, et en particulier celle du bassin de la Ruhr, base du potentiel militaire et industriel du bloc hostile à l’U.R.S.S., est la plus importante de la politique internationale et fournit un sujet de litige entre les Etats-Unis, l’Angleterre et la France.

     Les appétits des impérialistes américains ne peuvent pas ne pas provoquer de sérieuses inquiétudes en Angleterre et en France.

Les Etats-Unis ont fait comprendre d’une manière non équivoque qu’ils veulent prendre la Ruhr aux Anglais.

Les impérialistes américains exigent aussi la fusion des trois zones d’occupation et veulent établir ouvertement l’isolement politique de l’Allemagne occidentale sous le contrôle américain.

Les Etats-Unis insistent pour que le niveau de production de l’acier soit élevé dans le bassin de la Ruhr sur la base du maintien des entreprises capitalistes sous l’égide des Etats-Unis.

Les crédits promis par Marshall pour la reconstruction de l’Europe sont compris à Washington de préférence comme aide aux impérialistes allemands.

     Ainsi apparaît le  » bloc occidental  » qu’est en train de forger l’Amérique, non d’après le modèle du plan Churchill des Etats-Unis d’Europe, qui fut conçu comme instrument de la politique anglaise, mais comme protectorat américain dans lequel les Etats souverains d’Europe, y compris l’Angleterre elle-même, auront à jouer un rôle qui n’est pas si éloigné du rôle du fameux  » 49e Etat d’Amérique « .

L’impérialisme américain traite l’Angleterre et la France de plus en plus insolemment et cyniquement. Les délibérations à deux et à trois sur les problèmes concernant la fixation du niveau de production industrielle de l’Allemagne occidentale (Angleterre-Etats-Unis, Etats-Unis-France), qui enfreignent arbitrairement les décisions de Potsdam, prouvent en même temps que les Etats-Unis ne tiennent nullement compte des intérêts vitaux de leurs partenaires en pourparlers. L’Angleterre, et surtout la France sont obligées d’entendre le diktat américain et de l’accepter avec résignation.

La conduite de la diplomatie américaine à Londres et à Paris, sous maints aspects, rappelle celle que l’on observe en Grèce, où les représentants américains n’estiment plus du tout nécessaire de respecter les convenances, nomment et déplacent comme bon leur semble les ministres grecs et se conduisent en conquérants.

Ainsi, le nouveau plan de  » dawisation  » de l’Europe est, au fond, dirigé contre les intérêts fondamentaux des peuples d’Europe ; c’est un plan d’asservissement et d’assujettissement de l’Europe aux Etats-Unis.

     Le  » plan Marshall  » est dirigé contre l’industrialisation des pays démocratiques de l’Europe et, par conséquent, contre les fondements de leur indépendance.

En son temps, le plan de  » dawisation  » de l’Europe fut mis en échec, alors que les forces de la résistance au plan Dawes étaient bien inférieures à celles d’aujourd’hui. Maintenant, dans l’Europe d’après-guerre, il existe un nombre parfaitement suffisant de forces, sans parler de l’Union Soviétique, qui, si elles manifestent leur volonté et leur décision, peuvent faire échec à ce plan d’asservissement.

Il n’est question pour les peuples d’Europe que de faire preuve de volonté de résistance, d’être prêts à la résistance.

En ce qui concerne l’U.R.S.S., elle mettra toutes ses forces à empêcher la réalisation de ce plan.

     L’appréciation que les pays du camp anti-impérialiste ont donnée du  » plan Marshall  » a été entièrement confirmée par la marche des événements.

Le camp des pays démocratiques s’est montré vis-à-vis du  » plan Marshall  » comme une force puissante qui veille à la sauvegarde de l’indépendance et de la souveraineté de tous les peuples européens, une force qui ne se laisse pas influencer par le chantage et l’intimidation, et qui, de même, ne se laisse pas tromper par les fausses manœuvres de la diplomatie du dollar.

     Le gouvernement soviétique n’a jamais fait d’objection à l’utilisation de crédits étrangers, en particulier américains, en tant que moyen capable d’accélérer le processus de la reconstruction économique. Cependant, l’Union Soviétique s’en tient toujours à ce principe que les conditions de crédit ne portent pas un caractère d’asservissement, ne conduisent pas à l’asservissement économique et politique de l’Etat débiteur par l’Etat créditeur.

Ayant comme point de départ cette orientation politique, l’Union Soviétique a toujours défendu la position suivant laquelle les crédits étrangers ne doivent pas être l’instrument principal de la reconstitution de l’économie du pays.

La condition fondamentale et décisive de la reconstruction économique doit consister dans l’utilisation des ressources intérieures de chaque pays et dans la création de sa propre industrie.

Sur une telle base seulement peut être assurée l’indépendance du pays contre les atteintes de la part du capital étranger qui manifeste constamment sa tendance à utiliser le crédit comme instrument d’asservissement politique et économique.

Tel est précisément le  » plan Marshall « , dirigé contre l’industrialisation des pays européens et visant, par conséquent, à saper leur indépendance.

 IV

LES TÂCHES DES PARTIS COMMUNISTES POUR LE RASSEMBLEMENT DE TOUS LES ÉLÉMENTS DÉMOCRATIQUES, ANTIFASCISTES ET AMIS DE LA PAIX, DANS LA LUTTE CONTRE LES NOUVEAUX PLANS DE GUERRE ET D’AGRESSION

 L’Union Soviétique défend inlassablement la thèse que les rapports politiques et économiques réciproques entre les différents Etats doivent s’édifier exclusivement sur les principes d’égalité des droits de chaque Etat et le respect réciproque de leur souveraineté.


La politique extérieure soviétique, et en particulier les rapports économiques soviétiques avec les Etats étrangers sont basés sur le principe d’égalité des droits, assurant dans les accords conclus des avantages bilatéraux. Les traités avec l’U.R.S.S. constituent des accords réciproquement avantageux pour les parties contractantes.

Ils ne contiennent jamais rien qui pourrait porter atteinte à l’indépendance de l’Etat, à la souveraineté nationale des parties contractantes. Cette distinction fondamentale des accords de l’U.R.S.S. avec les autres Etats saute nettement aux yeux, surtout maintenant à la lumière des accords injustes, basés sur l’inégalité des droits, que les Etats-Unis concluent et préparent.

     La politique commerciale extérieure de l’Union Soviétique ne connaît pas d’accords fondés sur l’inégalité des droits.

Bien plus, le développement des rapports économiques de l’U.R.S.S. avec tous les Etats intéressés montre sur quelle base doivent s’établir des rapports normaux entre les Etats.

Il suffit de rappeler les traités que l’U.R.S.S. a conduis récemment avec la Pologne, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Bulgarie et la Finlande.

     L’U.R.S.S. montre ainsi clairement les voies dans lesquelles l’Europe peut trouver une issue à sa situation économique difficile. L’Angleterre pourrait bénéficier d’un tel traité si le gouvernement travailliste, subissant la pression du dehors, n’avait pas laissé tomber l’accord en préparation avec l’U.R.S.S.

     C’est un mérite indiscutable de la politique extérieure de l’U.R.S.S. et des pays de la nouvelle démocratie d’avoir démasqué le plan américain d’asservissement économique des pays européens.

     Il faut, en outre, tenir compte de la circonstance suivante : l’Amérique elle-même se trouve devant la menace d’une crise économique.

La générosité officielle de Marshall a ses propres causes sérieuses. Si les pays européens ne reçoivent pas de crédits américains, la demande de marchandises américaines de la part de ces pays va diminuer, ce qui contribuera de son côté à accélérer et à renforcer la crise économique qui s’approche aux Etats-Unis.

     C’est pourquoi, si les pays européens font preuve de la maîtrise nécessaire et de la volonté de résister aux conditions asservissantes de crédit, l’Amérique pourra se voir obligée de reculer.

     La dissolution du Komintern, répondant aux exigences du développement du mouvement ouvrier dans les conditions de la nouvelle situation historique, a joué son rôle positif.

Par la dissolution du Komintern, il a été mis fin pour toujours à la calomnie répandue par les adversaires du communisme et du mouvement ouvrier, à savoir que Moscou s’immisce dans la vie intérieure des autres Etats et que, soi-disant, les Partis Communistes des différents pays n’agissent pas dans l’intérêt de leur peuple, mais d’après les ordres du dehors.

     Le Komintern avait été créé après la Première Guerre mondiale, quand les Partis Communistes étaient encore faibles, quand la liaison entre la classe ouvrière des différents pays était presque inexistante et quand les Partis Communistes n’avaient pas encore de dirigeants du mouvement ouvrier généralement reconnus.

Le Komintern eut le mérite de rétablir et de raffermir les relations entre les travailleurs des différents pays, d’élaborer les positions théoriques du mouvement ouvrier dans les nouvelles conditions du développement d’après-guerre, d’établir les règles communes d’agitation et de propagande des idées du communisme et de faciliter la formation des dirigeants du mouvement ouvrier.

Ainsi ont été créées les conditions de la transformation des jeunes Partis Communistes en partis ouvriers de masse.

     Cependant, à partir du moment où les partis communistes se transformèrent en partis ouvriers de masse, leur direction provenant d’un centre devenait impossible et non conforme au but.

On est arrivé à ceci que le Komintern, de facteur aidant au développement des Partis Communistes, avait commencé à se transformer en facteur freinant ce développement.

La nouvelle phase de développement des Partis Communistes exigeait de nouvelles formes de liaison entre les Partis. Ce sont ces circonstances qui ont déterminé la nécessité de la dissolution du Komintern et de l’organisation de nouvelles formes de liaison entre les Partis.

     Pendant les quatre années qui se sont écoulées depuis la dissolution du Komintern, on enregistre un renforcement considérable des Partis Communistes, une extension de leur influence dans presque tous les pays de l’Europe et de l’Asie. L’influence des Partis Communistes s’est accrue non seulement dans les pays de l’Europe orientale, mais également dans presque tous les pays de l’Europe qui avaient connu la domination fasciste, ainsi que dans les pays comme la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège, le Danemark, la Finlande, etc., qui avaient connu l’occupation fasciste allemande. L’influence des communistes s’est renforcée tout particulièrement dans les pays de la nouvelle démocratie, où les Partis Communistes sont devenus les partis les plus influents de ces Etats.

     Pourtant, dans la situation actuelle des Partis Communistes, il y a aussi des faiblesses propres.

Certains camarades avaient considéré la dissolution du Komintern comme signifiant la liquidation de toutes les liaisons, de tout contact entre les Partis Communistes frères.

Or, comme l’expérience l’a démontré, une pareille séparation des Partis Communistes n’est pas juste, mais nuisible et foncièrement contre nature.

Le mouvement communiste se développe dans les cadres nationaux, mais, en même temps, il est placé devant des tâches et des intérêts communs aux Partis Communistes des différents pays.

     En fait, on se trouve devant un tableau bien étrange : les socialistes, qui se démènent farouchement pour prouver que le Komintern avait soi-disant dicté des directives de Moscou aux communistes de tous les pays, ont reconstitué leur Internationale, tandis que les communistes s’abstiennent de se rencontrer, et encore plus, de se consulter sur les questions qui les intéressent mutuellement, et tout cela par crainte de la calomnie des ennemis au sujet de la  » main de Moscou « .

     Les représentants des différentes branches d’activité — les savants, les coopérateurs, les militants syndicaux, les jeunes, les étudiants — estiment qu’il est possible d’entretenir entre eux un contact international, de faire des échanges de leurs expériences et de se consulter sur les questions concernant leurs travaux, d’organiser des conférences et des délibérations internationales, tandis que les communistes, même ceux des pays qui ont des relations d’alliés, se sentent gênés d’établir entre eux des relations d’amitié.

Il n’y a pas de doute que pareille situation, si elle se prolonge, ne soit grosse de conséquences très nuisibles au développement du travail des Partis frères.

Ce besoin de consultation et de coordination libre des activités des différents Partis est devenu particulièrement pressant, surtout maintenant, alors que la continuation de l’éparpillement pourrait conduire à l’affaiblissement de la compréhension réciproque et parfois même à des erreurs sérieuses. 

     [L’absence de liens entre nous, qui résulte dans un isolement mutuel, affaiblit indubitablement nos forces. En particulier, si on parle d’erreurs, il nous faut faire référence aux erreurs commises par les dirigeants des Partis Communistes de France et d’Italie envers la nouvelle campagne de l’impérialisme américain contre la classe ouvrière.

La direction du Parti Communiste français n’a pas démasqué et ne démasque pas de façon adéquate pour le peuple de son pays le plan Truman-Marshall, le plan américain d’esclavage de l’Europe, et de la France en particulier.

Le départ des communistes du Gouvernement Ramadier a été traité par le Parti Communiste comme un événement domestique, alors que la véritable raison de l’expulsion des communistes du Gouvernement était que celle-ci avait été exigée par l’Amérique.

Il est à présent devenu assez évident que l’expulsion des communistes du Gouvernement était la condition préalable pour que la France reçoive des crédits américains.

Un crédit américain de 250 millions de dollars était le prix modeste payé par la France pour renoncer à sa souveraineté nationale.

Comment le Parti Communiste français a-t-il réagi face à cet acte honteux des cercles dirigeants de France qui ont vendu la souveraineté nationale du pays ?

Au lieu de dénoncer comme honteuse, comme une trahison de la défense de l’honneur et de l’indépendance de la patrie, la conduite des autres partis, socialistes inclus, le Parti Communiste français a réduit la question à un problème de violation des pratiques démocratiques, qui s’exprimait par un empiétement sur les droits du parti le plus nombreux au Parlement français, alors que la violation de la tradition parlementaire était, dans ce cas, simplement le prétexte et non la cause.

Cet étouffement des raisons réelles pour lesquelles les communistes ont été exclus du Gouvernement constitue sans aucun doute une erreur sérieuse de la part de la direction du Parti Communiste français, et soit était dû à une mauvaise compréhension de la situation, et il est difficile de supposer que ça ait été le cas, soit les communistes français se sont laissés intimider par des arguments sur les intérêts  » nationaux  » de la France. Apparemment, les communistes craignaient qu’ils puissent être accusés de constituer un obstacle à l’octroi par l’Amérique d’un crédit à la France, et ainsi, de soi-disant nuire aux intérêts de leur pays.

De cette manière, les communistes ont cédé à un chantage qui leur reprochait de ne pas être suffisamment patriotique alors que la seule force patriotique en France aurait été le Parti Communiste, s’il avait démasqué la signification réelle du crédit américain, qui avait été conditionné à une modification de la composition du Gouvernement par l’exclusion des communistes, ce qui, partant, affaiblissait la souveraineté même de la France.

A€ cette occasion, le Parti Communiste français a cédé à la pression de la réaction, même s’il savait que cette pression était dictée par des forces impérialistes hostiles au peuple français.

Les communistes français auraient dû se présenter fièrement devant le peuple, dévoilant le rôle de l’impérialisme américain qui avait ordonné à la France d’expulser les communistes du Gouvernement national et expliquer au peuple qu’il ne s’agissait pas simplement d’une autre  » crise gouvernementale « , pas d’une simple violation des traditions parlementaires (bien que cela soit aussi significatif en tant que caractéristique de la crise de la démocratie bourgeoise), mais d’un cas d’ingérence étrangère dans les affaires françaises, une abrogation de l’indépendance politique de la France, une vente de la souveraineté de la nation par les socialistes français.

Il est déplorable que les dirigeants responsables des communistes français aient échoué jusqu’ici à expliquer au peuple français et à l’opinion publique mondiale dans son ensemble la cause sous-jacente de ces événements qui ont eu lieu en France, et le rôle honteux joué dans cette question par les socialistes français.

Les communistes français ont accusé les socialistes de  » glissement vers la droite « . Mais quel glissement vers la droite peut-il y avoir eu ? Blum a-t-il jamais été de gauche ? Nous savons que Blum n’a jamais été de droite ni de gauche mais a toujours été, est et restera un serviteur loyal de la bourgeoisie, une courroie de transmission de l’influence de celle-ci dans le mouvement ouvrier.

En conséquence, il ne saurait glisser nulle part, et les camarades français ont évidemment échoué à discerner suffisamment clairement les manœuvres des dirigeants socialistes.

La triste expérience de la France a servi de signal pour une  » crise gouvernementale  » en Italie.

Exactement comme en France, la source principale de cette  » crise gouvernementale « , créée artificiellement, était la question d’un crédit américain et la présentation par les cercles impérialistes américains, comme un préliminaire à celui-ci, d’une exigence d’expulsion des communistes du Gouvernement.

 La presse italienne de droite a dévoilé ce secret sans vraiment de honte.  » Si nous voulons vivre, écrivait le journal de droite italien Buon Senso, nous devons obtenir un prêt des U.S.A.  » De cela, le journal tirait la conclusion :  » La crise doit être résolue de façon à nous permettre de recevoir le crédit dont nous avons besoin.

Les arguments contraires sont sans fondement. Nous devons comprendre ce qui s’est passé en France, où les socialistes ont rompu avec les communistes et où ces derniers se sont laissés expulser des postes ministériels sans faire de scandale. « 

     L’annonce de la décision de De Gasperi d’expulser les représentants du Parti Communiste italien du Gouvernement a provoqué les masses et a causé de multiples protestations. Mais malheureusement, on n’a pas soutenu ni dirigé suffisamment cette initiative des masses.

     La conclusion qu’il faut tirer est que, en Italie comme en France, en surestimant les forces de la réaction, les communistes ont été les victimes de l’intimidation et du chantage impérialiste.

Ils ont sous-estimé leurs propres forces, les forces de la démocratie, la volonté des masses de défendre les droits nationaux et intérêts fondamentaux de leurs pays.

C’est d’autant plus décevant que tant les Partis Communistes français qu’italien ont démontré, dans des conditions difficiles, leur capacité à rallier autour de la bannière communiste les larges masses de la classe ouvrière, les paysans pauvres et l’intelligentsia.]

Puisque la plus grande partie des dirigeants des partis socialistes (surtout les travaillistes anglais et les socialistes français) se comporte comme agents de cercles impérialistes des Etats-Unis d’Amérique, c’est aux Partis Communistes qu’incombe le rôle historique particulier de se mettre à la tête de la résistance au plan américain d’asservissement de l’Europe et de démasquer résolument tous les auxiliaires intérieurs de l’impérialisme américain.

En même temps, les communistes doivent soutenir tous les éléments vraiment patriotiques qui n’acceptent pas de laisser porter atteinte à leur patrie, qui veulent lutter contre l’asservissement de leur patrie au capital étranger et pour la sauvegarde de la souveraineté nationale de leur pays.

Les communistes doivent être la force dirigeante qui entraîne tous les éléments antifascistes épris de liberté à la lutte contre les nouveaux plans expansionnistes américains d’asservissement de l’Europe.

Il importe de considérer qu’il y a très loin du désir des impérialistes de déclencher une nouvelle guerre à la possibilité d’organiser une telle guerre.

Les peuples du monde entier ne veulent pas la guerre.

Les forces attachées à la paix sont si grandes et si puissantes qu’il suffirait qu’elles fassent preuve de ténacité et de fermeté dans la lutte pour le défense de la paix pour que les plans des agresseurs subissent un fiasco total.

Il ne faut pas oublier que le bruit fait par les agents impérialistes autour des dangers de guerre tend à intimider les gens sans fermeté ou ceux à nerfs faibles, afin de pouvoir, au moyen du chantage, obtenir des concessions en faveur de l’agresseur.

Actuellement, le danger principal pour la classe ouvrière consiste en la sous-estimation de ses propres forces et en la surestimation des forces de l’adversaire.

De même que, dans le passé, la politique munichoise a encouragé l’agression hitlérienne, de même aujourd’hui, les concessions à la nouvelle orientation des Etats-Unis d’Amérique et du camp impérialiste, peuvent inciter ses inspirateurs à devenir plus insolents et plus agressifs.

C’est pourquoi les Partis Communistes doivent se mettre à la tête de la résistance dans tous les domaines — gouvernemental, économique et idéologique — aux plans impérialistes d’expansion et d’agression.

Ils doivent serrer leurs rangs, unir leurs efforts sur la base d’une plate-forme anti-impérialiste et démocratique commune, et rallier autour d’eux toutes les forces démocratiques et patriotiques du peuple.

 Une tâche particulière incombe aux Partis Communistes frères de France, d’Italie, d’Angleterre et des autres pays. Ils doivent prendre en main le drapeau de la défense de l’indépendance nationale et de la souveraineté de leurs propres pays. Si les Partis Communistes frères restent fermes sur leurs positions, s’ils ne se laissent pas influencer par l’intimidation et le chantage, s’ils se comportent résolument en sentinelles de la paix durable et de la démocratie populaire, de la souveraineté nationale, de la liberté et de l’indépendance de leur pays, s’ils savent, dans leur lutte contre les tentatives d’asservissement économique et politique de leur pays, se mettre à la tête de toutes les forces disposées à défendre la cause de l’honneur et de l’indépendance nationale, aucun des plans d’asservissement de l’Europe ne pourra être réalisé.

[Parce que l’Union Soviétique se tient à la tête de la résistance aux nouvelles tentatives d’expansion impérialiste, les Partis Communistes frères doivent partir de la considération suivante : tout en renforçant leur situation politique dans leurs propres pays, c’est en même temps dans leur intérêt de renforcer la puissance de l’Union Soviétique, comme bastion principal de la démocratie et du socialisme.

Cette politique de soutien à l’Union Soviétique, en tant que force dirigeante dans la lutte pour une paix ferme et durable, dans la lutte pour la démocratie, doit être poursuivie par les Partis Communistes de façon honnête et franche.

Il faut souligner aussi fermement que possible que les efforts des Partis Communistes frères pour renforcer l’U.R.S.S. coïncident avec les intérêts vitaux de leurs propres pays.

Il est impossible d’accepter comme correcte l’insistance constante de certaines figures dirigeantes des Partis Communistes frères sur leur indépendance vis-à-vis de Moscou.

Il ne s’agit pas d’une question d’indépendance, car Moscou n’a mis et ne souhaite mettre personne dans une situation de dépendance.

L’insistance délibérée sur cette  » indépendance  » de Moscou, ce  » renoncement  » de Moscou, revient essentiellement à de la servilité, à de l’opportunisme envers ceux pour qui Moscou est l’ennemi.

Les Partis Communistes ne doivent pas avoir peur de proclamer bruyamment qu’ils soutiennent la politique pacifiste et démocratique de Moscou, ils ne doivent pas avoir peur de déclarer que la politique de l’Union Soviétique coïncide avec les intérêts des autres peuples épris de paix.]

[Il faut aussi faire mention des erreurs  » de gauche « , si on peut utiliser ce terme, liées à la critique de l’aide soi-disant insuffisante offerte par l’Union Soviétique aux pays amis, et à l’affirmation d’exigences non fondées concernant l’étendue de cette aide.

Des erreurs de ce type ont été commises, en particulier dans les pays de nouvelle démocratie comme la Yougoslavie, et se manifestent par des déclarations selon lesquelles l’U.R.S.S., soi-disant sur base de considérations de haute politique, non désireuse d’endommager ses relations avec les grandes puissances, ne lutte pas avec suffisamment d’énergie pour soutenir les demandes des petits pays, en particulier la Yougoslavie.

Une critique comme celle-là naît de la sous-estimation de la grande importance et du grand rôle de l’Union Soviétique, qui ne peut pas et ne doit pas disperser des forces qui sont nécessaires pour des conflits plus importants.

Les exigences envers l’Union Soviétique selon lesquelles elle devrait, partout et dans tous les cas, soutenir n’importe quelle demande, même au prix d’amoindrir ses propres positions, sont sans fondement.]

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Parti Communiste d’Allemagne : La tâche actuelle en Allemagne (1946)

Extrait du rapport lu par Walter Ulbricht, à Berlin le 19 avril 1946, lors du XVe congrès du Parti Communiste d’Allemagne.

La question essentielle qui se pose présentement en Allemagne est de se débarrasser des bases matérielles de l’impérialisme et du militarisme allemands, et la lutte contre les idéologies impérialistes et militaristes.

Il ne doit pas être de nouveau permis aux forces impérialistes réactionnaires, aux messieurs des monopoles et de la banque et aux grands propriétaires terriens d’utiliser la démocratie dans leur combat contre l’ordre démocratique et pour la reconstruction de leurs organisations réactionnaires.

Le malheur national de notre peuple a tenu justement en cela que les forces réactionnaires aient réussi, à tous les tournants décisifs dans l’histoire allemande, à avoir le dessus sur les forces progressistes.

La tâche nationale fondamentale est pour cette raison présentement d’arracher le pouvoir aux porteurs de cette politique réactionnaire, pillarde, ennemi du peuple. (Tout à fait juste) Ce sont les messieurs des monopoles et de la banque et les autres intéressés à la guerre, les grands propriétaires terriens et la bureaucratie fasciste.

Le peuple allemand doit savoir que si l’influence des forces réactionnaires se maintient dans l’État et l’économie, alors cela signifie des crises périodiques et des conflits permanents avec les autres peuples. Si doit, à l’inverse, être assuré en Allemagne le travail pacifique et la reconstruction de l’Allemagne, alors le peuple doit prendre dans ses propres mains la destinée du pays.

En connaissance de la grande tâche historique, de participer à aider notre patrie à sortir de la catastrophe précipitée par le fascisme, le premier pas de notre Comité Central à être réalisé après la chute de Hitler fut de proposer à toutes les forces antifascistes/démocratiques le Front de l’unité contre le fascisme et la réaction, pour assurer la paix, pour réussir la reconstruction démocratique de l’Allemagne.

La précondition pour assurer réellement la paix est la reconnaissance des causes profondes de la guerre et des racines de l’idéologie nazie.

Certaines personnes se rendent ici la vie très facile, dans la mesure où ils présentent les accusés de Nuremberg comme les seuls responsables.

Ils veulent faire oublier que sans l’appareil d’État allemand, sans l’armée allemande et sans les organes économiques allemands tout comme sans l’appareil fasciste terroriste, Hitler n’aurait pas pu mener la guerre jusque fin avril.

Dans le programme d’action du Parti Communiste du 11 juin 1945, il est pour cette raison affirmé qu’à côté des Hitler et Goering, Keitel et Jodl, sont les responsables et portent la responsabilité pour la guerre les donneurs d’ordre du parti nazi, les messieurs des grandes banques et des monopoles, les Krupp et Roechling, Poensgen et Siemens.

L’idéologie nazie n’est pareillement pas que le produit de la folie guerrière de Hitler, mais la continuation conséquente de l’idéologie des junkers prussiens et des messieurs des monopoles allemands, tout comme des regroupements pour la guerre et les colonies. (Approbation)

Le vieux « principe du guide » du Führer du syndicat du charbon, Kirdorf, de Krupp, d’Oldenburg-Januschau, de Donnersmarck et consorts a été fait principe d’État par le fascisme. (Très vrai)

Cette responsabilité des fonctionnaires de l’appareil économique et d’État et des officiers de l’Armée exige pour cette raison l’écrasement du vieil appareil d’État et économique hitlérien. De là le fait que dans la zone soviétique on ne s’est pas posé la question de qui devait être licencié de l’appareil, il a été au contraire tiré un trait sur le passé et décidé qui des anciens fonctionnaires pouvait être engagé dans le nouvel appareil administratif démocratique. (Tout à fait juste)

Par décision de l’administration militaire soviétique sur la fermeture des banques, la trait a également été tiré sur la banqueroute financière de Hitler, et l’ordre numéro 124 du maréchal Joukov sur la confiscation des entreprises des intéressés par la guerre et nazis actifs a donné la possibilité de confisquer les entreprises de ceux-ci et, si elles n’avaient pas été exigé par les forces d’occupation, de les placer sous la direction des organes démocratiques de gestion.

Ce qu’il y a de fondamentalement nouveau là-dedans est que dans la zone d’occupation soviétique, sur la base des accords de Potsdam des alliés, les forces antifascistes/démocratiques ont eu la possibilité complète de purger l’appareil économique et administratif, et les forces réactionnaires n’ont pas eu la possibilité légale de s’organiser de nouveau.

Après 12 ans et demi d’esclavage fasciste, après la grave dépression qui a dominé dans de larges secteurs des masses après 1945, il y a tout de même eu les moyens de progressivement réussir à amener les forces du peuple à prendre l’initiative en propre.

Ont été appelés à des fonctions dirigeantes dans les organes de gestion du pays les femmes et les hommes qui se sont particulièrement révélés capables dans la reformation du trafic [routier et ferroviaire], dans l’organisation de l’approvisionnement alimentaire, dans l’organisation de la réparation des habitations, dans la relance des entreprises.

Si présentement, une année après la fin de la guerre hitlérienne, le trafic a déjà tellement repris et une grande partie de l’industrie travaille, nous le devons aux ouvriers, aux ingénieurs, aux employés, qui se sont lancés dans cela de par leur propre initiative. (Applaudissements)

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Le renversement révisionniste des démocraties populaires

En URSS, la nouvelle situation d’après-1945 avait produit des courants opportunistes, avec notamment l’économiste Eugen Varga. L’URSS devrait selon ces conceptions s’insérer dans des rapports « constructifs » avec les pays capitalistes désormais « organisés ». Cela affaiblit de manière immense les forces communistes soviétiques.

Dans les démocraties populaires, il y eut une même tendance consécutive à la fusion des socialistes et des communistes se réalisant dans chaque pays, l’un après l’autre. L’idée était que le parti ouvrier unifié suffirait en soi à gérer le développement des forces productives, qu’il n’était besoin de rien d’autre et d’autant moins de la primauté de l’idéologie.

Aussi, la victoire du révisionnisme en Union Soviétique, avec Nikita Khrouchtchev comme dirigeant, impliquait nécessairement un renversement dans les démocraties populaires, à moins d’un soulèvement anti-révisionniste.

Il se produisit de fait uniquement à l’initiative des communistes grecs exilés en URSS, à Tachkent en Ouzbékistan, qui furent écrasés dans le sang. Pour le reste, le processus fut par étapes mais réussit finalement sans coup férir.

L’une de ces étapes fut la dissolution du Kominform, le 17 avril 1956. Un tel acte était une grande offensive contre l’essence même des démocraties populaires, qui se définirent d’ailleurs par la suite la plupart comme « socialistes » (la Tchécoslovaquie en 1960, la Roumanie en 1965, la République Démocratique Allemande en 1968) ou en tout cas changèrent d’emblème.

Drapeau de la République populaire de Roumanie (1948–1952)
Drapeau de la République populaire de Roumanie (1952–1965)
Drapeau de la République socialiste de Roumanie (1965-1989)

Le personnel fut évidemment modifié. En Bulgarie, Valko Tchervenkov fut éjecté du poste de secrétaire général la veille du premier anniversaire de la mort de Staline.

En Roumanie, Gheorghe Gheorghiu-Dej devint un renégat et assuma une ligne très forte de nationalisme bourgeois, marqué par l’ouverture importante aux pays impérialistes, une ligne ardemment poursuivie par Nicolae Ceaușescu à partir de 1965.

Le même processus se déroula en République Démocratique Allemande, Walter Ulbricht devenant un renégat, alors qu’un soulèvement réactionnaire avait eu lieu en juin 1953 à Berlin-Est, dans la foulée de la mort de Staline.

Drapeau de la République Démocratique Allemande de 1949 à 1959, aux couleurs nationales allemandes
Drapeau de la République Démocratique Allemande de 1959 à la chute du mur de Berlin, alors que l’Etat se veut séparer nationalement de l’Allemagne de l’Ouest

En Tchécoslovaquie, le dirigeant communiste historique, Klement Gottwald, était mort en 1953, en revenant de l’enterrement de Staline, avec des rumeurs d’empoisonnement. Mais il faudra attendre l’initiative d’ Antonín Novotný de réaliser un exposé intitulé « Le XXe congrès du PCUS et les conséquences qui en découlent pour le travail de notre Parti  » dans le cadre les 29 et 30 mars 1956 d’une réunion extraordinaire du Comité Central.

Antonín Novotný attaqua, dans le prolongement de Nikita Khrouchtchev, le « culte de la personnalité » et son représentant en Tchécoslovaquie, Klement Gottwald. Son point de vue fut même publié dans le journal du Parti, le Rudé Pravo.

Il réitéra avec une nouvelle réunion extraordinaire, les 19 et 20 avril 1956, puis commença à diffuser sa propagande à la base même du Parti ; chaque cellule fut ainsi confronté à un « résumé des accusations » contre Staline. Les représentants révisionnistes du Comité Central furent envoyés avec des brochures numérotées, avec comme tâche de les lire puis de les rapporter, sans jamais débattre.

La vague révisionniste eut un grand effet dans les universités, où les activités anti-communistes se développèrent fortement ; en 1952 fut détruit au moyen de 800 kilos d’explosifs le monument à Staline à Prague, construit de 1949 à 1955.

Il avait été le fruit d’une collaboration incluant le sculpteur Otakar Svec (1892-1955), le peintre Adolf Zabransky (1909-1981), les architectes Jiri Stursa (1910-1995) et Vlasta Stursa ; le monument, dédié par « le peuple tchèque à ses libérateurs », faisait 22 mètres de long, pour 15,5 de hauteur et 12 de largeur, en étant placé sur une structure de béton armé afin de supporter ses 17 000 tonnes.

Le monument en l’honneur de Staline sur la colline de Letna, surplombant le centre de la ville de Prague ; à droite de Staline, à l’ouest, on trouve une allégorie du peuple tchécoslovaque, tandis qu’à gauche de Staline, à l’est, on trouve une allégorie du peuple soviétique.

En Pologne, le dirigeant Bolesław Bierut était mort en 1956 le jour du discours « secret » de Nikita Khrouchtchev au XXe congrès du Parti soviétique, sans doute empoisonné.

Le haut responsable communiste (et juif) Jakub Berman fut éliminé de toute fonction, avec l’appui de « Radio Free Europe », la radio américaine anti-communiste diffusant en Europe de l’est et menant une propagande contre lui en s’appuyant en l’occurrence sur un renégat ayant rejoint l’ouest.

Communiste depuis 1928, Jakub Berman était devenu par la suite membre du bureau politique du Parti Ouvrier Unifié Polonais, et responsable des services de sécurité, à partir de 1944. Il est purgé par la nouvelle direction en 1956, et même exclu du Parti en 1957 en raison de ses « erreurs » lors de « l’époque stalinienne ».

Hilary Minc, responsable de la planification, fut également purgé. Le nouveau dirigeant du Parti, Edward Ochab, fut naturellement sur la ligne de Khrouchtchev. Une amnistie prononcée le 25 avril 1956 libéra 30 000 personnes, alors qu’inversement furent purgés les ministres de la Sécurité et de la Justice, ainsi que des hauts fonctionnaires de la Sécurité.

C’est dans cette perspective que le Parti Communiste de Pologne, dissous en 1938, fut officiellement réhabilité le 9 février 1956.

Toutes les années 1955-1956 furent marquées par une intense propagande anti-communiste depuis les instances culturelles, notamment avec le périodique Nowa kultura.

L’Église catholique, bien sûr, joua un grand rôle politique. Ce n’est qu’en 1952 que la laïcité avait été instaurée en tant que tel. Lors de l’annonce du contrôle gouvernementale des nominations des religieux – ce qui revenait à appliquer une mesure prise dans les pays protestants 400 années auparavant – l’Église catholique put organiser en février 1953 une grande procession à Cracovie, culminant dans l’affrontement avec la police.

En 1955, un million de personnes manifestèrent en présence du cardinal Wyszynski, à Czestochowa ; le processus continuera par la suite. Il y avait 7250 églises en Pologne en 1937, il y en aura 14 000 dans les années 1980, avec 18 000 prêtres, des financements venant du monde entier. L’hebdomadaire catholique Tygodnik Powszchny tirera à 150 000 exemplaires, tout comme le journal jésuite « Le messager du cœur de Jésus », le journal franciscain « Le chevalier de l’Immaculée » tirant à 75 000 exemplaires.

Et enfin en juin 1956, les émeutes dans la ville de Poznań amènent le retour de Władysław Gomułka. Ce dernier avait en fait déjà été libéré en décembre 1954 – mais l’information n’avait été rendue publique qu’en avril 1956. De la même manière, dès octobre 1954, 2 000 titres critiquant le titisme furent retirés des bibliothèques et des librairies.

Drapeau de la République populaire de Hongrie du 20 août 1949 au 23 octobre 1956
Drapeau de la République populaire de Hongrie à partir du 1er octobre 1957, acceptant de fait le symbole de l’insurrection de Budapest (le drapeau national avec le symbole socialiste découpé en son centre)

En Hongrie, la base révisionniste était pareillement si forte qu’en fait, dès juillet 1953, ce fut Imre Nagy qui fut nommé premier ministre, organisant immédiatement l’arrêt de la collectivisation, la fermeture des camps de prisonniers, le rétablissement d’un large artisanat privé et la fin de l’orientation vers l’industrie lourde.

Le secrétaire général était toujours Mátyás Rákosi, qui se fit cependant débarquer en 1956, après avoir tenté en 1955 de briser la fraction d’Imre Nagy. Il fut déporté en URSS, au Kirghizstan, et refusa en 1970 l’autorisation de retourner en Hongrie s’il acceptait de ne plus faire de politique.

László Rajk fut réhabilité en mars 1956, 10 jours après la réunion du « Cercle Petöfi », rassemblant des forces révisionnistes célébrant le XXe congrès, exigeant la « liberté de la presse », au grand dam de Mátyás Rakosi considérant que c’était un « mini-Poznan ».

Si l’auteur du discours, Tibor Déry, fut exclu du Parti, Imre Nagy fut quant à lui réintégré officiellement, alors que Mátyás Rakosi fut donc éliminé, et que László Rajk eut des funérailles nationales.

Cela culmina dans l’insurrection anti-communiste de Budapest, du 23 octobre au 10 novembre 1956, avec des pendaisons par la foule de communistes et de policiers.

Et en dehors des démocraties populaires, en France et en Italie, Maurice Thorez et Palmiro Togliatti s’alignèrent d’autant plus qu’ils étaient déjà lancés dans le révisionnisme.

Le basculement était ainsi complet, tout comme en URSS révisionniste devenant social-impérialiste et dont les pays de l’Est européen devinrent des satellites, à part la Yougoslavie inféodée aux États-Unis et à la Grande-Bretagne et l’Albanie cherchant à maintenir son indépendance et se tournant vers la Chine.

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Démocraties populaires : la trahison yougoslave

En Yougoslavie, le Parti Communiste s’est dissous, littéralement, dans le Front ; le Parti Communiste de Yougoslavie devient une sorte de société secrète, il n’existe plus du tout de manière publique.

Dans la foulée, des bons rapports furent établis avec les pays impérialistes, avec un soutien américain matériel qui fut très significatif, alors que la perspective de la collectivisation des terres fut rejetée. La socialisation de l’industrie céda également la place aux conceptions « autogestionnaires ».

La répression s’abattit sur les opposants à ce déviationnisme, 250 000 personnes étant visées. Un camp fut mis en place pour 13 000 prisonniers sur deux îles désertes, Goli Otok et Sveti Grgur. Une figure de l’opposition communiste fut Vlado Dapčević, emprisonné, s’enfuyant en Albanie puis en URSS, fuyant l’URSS révisionniste pour aller en Europe occidentale et y affrontant la répression, finalement enlevé par les services secrets roumains et yougoslaves, faisant 13 ans de prison, continuant à chaque fois la lutte.

Le régime titiste mit en avant le thème des « non alignés », du troisième camp, rejetant le camp socialiste et aussi, prétendument, le camp impérialiste.

Comme le constate un article de Pour une paix durable, pour une démocratie populaire, en octobre 1949 :

« Le but principal de ces affirmations – c’est-à-dire des thèses titistes – est de « prouver » qu’il est possible de faire la révolution dans les différents pays et de libérer les peuples coloniaux du joug impérialiste, non pas sur la base du rassemblement des forces de la classe ouvrière internationale, de toutes les masses exploitées et des peuples coloniaux, mais dans une lutte isolée des peuples des différents pays et des colonies sans aucune liaison avec la lutte générale du prolétariat mondial contre l’impérialisme. »

Enfin, le régime titiste trahissait ce faisant également le Parti Communiste de Grèce, en pleine guerre de libération contre le régime anglo-américain ; la Yougoslavie ferma ses frontières aux forces partisanes, mais pas aux troupes réactionnaires qui purent ainsi les prendre à revers.

Le processus de critique puis de dénonciation de la ligne yougoslave passa, en mars et en mai 1948, par deux lettres envoyées au nom du Comité Central du Parti Communiste (bolchévik) de l’URSS au Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie.

Enfin, face à la position yougoslave toujours plus agressive, le Kominform réalisa en juin 1948 une résolution qui affirme que

« la direction du Parti Communiste de Yougoslavie suit, ces derniers temps, dans les questions principales de la politique extérieure et intérieure, une ligne fausse représentant l’abandon de la doctrine marxiste-léniniste. »

Selon le Kominform,

« les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie glissent de la voie marxiste-léniniste dans la voie du parti des koulaks [paysans riches] et des populistes sur la question du rôle dirigeant de la classe ouvrière, en affirmant que les paysans constituaient ‘la base la plus solide de l’État yougoslave’ ».

Le régime titiste affirmait en effet déjà être sur la voie du socialisme, et avoir donc dépassé les antagonismes de classe, alors qu’en fait la lutte des classes s’intensifiait dans les campagnes où régnait de fait la propriété privée, la petite production engendrant systématiquement le capitalisme.

Par conséquent,

« le Bureau d’Information est unanime à conclure que les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie, par leurs vues anti-soviétiques et anti-Parti, incompatibles avec le marxisme-léninisme, par toute leur conduite et leur refus de participer à la session du Bureau d’Information, se sont mis dans l’opposition envers les Partis Communistes affiliés au Bureau d’Information, qu’ils se sont engagés dans la voie de la division du front unique socialiste contre l’impérialisme, dans la voie de la trahison de la cause de la solidarité internationale des travailleurs et du passage aux positions du nationalisme. »

Le régime titiste accentua toujours davantage son positionnement anti-communiste, aussi le Kominform formula une résolution totalement nette, en novembre 1949. Intitulée « Le Parti Communiste de Yougoslavie aux mains des assassins et des espions », on y lit entre autres :

« Si, dans sa conférence de juin 1948, le Bureau d’Information des Partis Communistes a constaté le passage de la clique Tito-Rankovitch de la démocratie et du socialisme au nationalisme bourgeois, la période écoulée depuis cette conférence du Bureau d’Information a vu s’achever le passage de cette clique du nationalisme bourgeois au fascisme et à la trahison directe des intérêts nationaux de la Yougoslavie.

Les événements des derniers temps ont montré que le gouvernement yougoslave se trouve dans l’entière dépendance des cercles impérialistes étrangers et s’est transformé en un instrument de leur politique agressive, ce qui a abouti à la liquidation de l’indépendance et de la souveraineté de la République yougoslave.

Les Comité Central du Parti Communiste et le gouvernement de Yougoslavie se sont liés complètement aux cercles impérialistes contre l’ensemble du camp du socialisme et de la démocratie, contre les Partis Communistes du monde entier, contre les pays de démocratie populaire et l’URSS.

La clique des espions et des assassins à gages de Belgrade s’est ouvertement acoquinée avec la réaction impérialiste et s’est mise à son service, ainsi que l’a révélé en toute clarté le procès de Rajk et de Brankov à Budapest. Ce procès a montré que les gouvernants yougoslaves actuels sont passés du camp de la démocratie et du socialisme à celui du capitalisme et de la réaction, sont devenus les complices directs des fauteurs d’une nouvelle guerre et s’efforcent, par leurs actes de trahison, de mériter les louanges et de gagner les faveurs des impérialistes.

Le passage de la clique Tito au fascisme n’est pas l’effet du hasard ; il s’est effectué sur l’ordre des maîtres de cette clique, les impérialistes anglo-américains, à la solde desquels elle est depuis longtemps, ainsi que cela vient d’être révélé.

C’est pour exécuter la volonté des impérialistes que les traîtres yougoslaves se sont assigné le but de créer, dans les pays de démocratie populaire, des bandes politiques composées d’éléments réactionnaires, nationalistes, cléricaux et fascistes, afin de faire, avec leur appui, des coups d’Etat contre-révolutionnaires dans ces pays, de détacher ces pays de l’Union soviétique et de tout le camp socialiste et de les soumettre aux forces de l’impérialisme.

La clique Tito a fait de Belgrade un centre américain d’espionnage et de propagande anti-communiste. »

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