Paul Boccara, une carrière à succès dans le PCF

Paul Boccara est l’Eugen Varga français. Tout comme Eugen Varga, il a publié une avalanche d’articles et d’analyses ; comme lui, il considère qu’il n’y plus de notion d’impérialisme, mais uniquement un « capitalisme monopoliste d’Etat ».

Le capitalisme est par conséquent désormais organisé ; il ne connaîtrait plus de vraie crise, mais seulement une longue crise, caractérisée par un chômage important permanent, tout en étant tout le temps à deux doigts de la rupture.

L’État serait neutre en soi, il faudrait une poussée du mouvement de masse pour l’attirer dans son camp, cela étant associé avec l’autogestion des entreprises du privé avec l’aide des aides publiques, ainsi que des nationalisations pour appuyer le processus de « démocratisation » de l’économie.

Si Paul Boccara peut proposer cela, c’est que le PCF avait besoin d’un théoricien économique prolongeant le thorézisme et amenant à se débarrasser de tout reste de marxisme-léninisme : en quelques années seulement, Paul Boccara devint le grand théoricien économique du PCF.

Né en 1932, il adhéra au PCF à vingt ans ; six ans après il écrivait déjà son premier article pour Économie et politique, la revue de la section économique du comité central du PCF. Le PCF ne manquait pourtant pas de cadres éprouvés, mais Paul Boccara correspondait à un style nouveau, véritablement coupé de toute référence au passé.

Paul Boccara n’est pas un révisionniste au sens strict : il est quelqu’un né dans le révisionnisme et c’est en cela qu’il était fondamentalement utile. Il s’est cru un intellectuel, il a été un simple outil.

Dès 1959, il écrivait donc des articles pour expliquer que Karl Marx n’avait pas fini son œuvre. Sa grande thèse est d’ailleurs reprise à Eugen Varga : Le capital de Karl Marx parle d’un capitalisme pur, d’un « capitalisme en général » ce serait une abstraction théorique tout à fait juste, mais il y aurait le besoin d’étudier la réalité concrète.

Comme il se doit, cette réalité était présentée comme n’ayant plus rien à voir avec celle de l’époque Lénine. Il ne s’agirait plus de conflit avec l’État, mais d’une bataille pour sa gestion.

Il est ainsi tout à fait parlant que Raymond Barre, qui avait été son professeur d’économie à l’université (et qui avait une réputation de tyran), appuya sa nomination au CNRS en 1963, comme attaché, puis chargé de recherche. Il devint ensuite maître assistant, il est docteur en sciences économiques en 1974 à Paris VIII et maître de conférences en sciences économiques jusqu’en 1992, où il part à la retraite.

De manière extrêmement rapide, Paul Boccara joua un rôle central dans la mise en place de la théorie du capitalisme monopoliste d’État, aux côtés de Henri Jourdain, dirigeant syndical métallurgiste devenu directeur de la revue Économie et politique.

En 1964, il participa à la conférence internationale à Prague, sous l’égide de l’URSS et contribua à l’affirmation de l’organisation du capitalisme monopoliste sous la supervision de l’État. Vint ensuite la conférence internationale de Choisy-le-Roi en 1966, faisant de lui la grande figure internationale de la question.

Paul Boccara participa alors un groupe d’études aboutissant à la publication de l’ouvrage en deux volumes intitulé Le capitalisme monopoliste d’État. Traité d’économie marxiste, en 1971. Le prestige était alors extrêmement important dans les milieux diplômés, pour toute la mouvance de la revue Économie et politique.

En 1972, cela eut comme effet de la nomination de Paul Boccara et de Philippe Herzog au comité central du PCF, ce qui fut un événement interne, car auparavant absolument jamais des membres de la section économique ne parvenaient à la direction, au nom de leur subordination à la direction politique.

Paul Boccara fut alors membre de toutes les équipes de discussion entre le PCF et les socialistes pour l’élaboration du programme commun, Roger Gauraudy étant le pendant de Paul Boccara dans le domaine politique-philosophique.

Une revue théorique, Issues, fut fondée en 1978, toujours dans l’élan intellectuel autour du capitalisme monopoliste d’État et de la perspective d’un gouvernement d’union de la gauche ; un plan d’action « Bâtissons ensemble la France des années 1980 » fut proposé à la direction du PCF.

Paul Boccara participa d’ailleurs en 1981 aux discussions sur les mesures gouvernementales ; grand partisan de la « régulation » du capitalisme, il développait toujours plus sa la ligne d’autogestion. Philippe Herzog fut, dans cette perspective d’appel aux mobilisations citoyennes pour s’impliquer dans la régulation et la gestion de l’économie, nommé tête de liste du PCF pour les élections européennes de 1989.

La vanité de l’entreprise aboutit à un double mouvement, avec d’un côté la liquidation ouverte du PCF avec des rénovateurs partant dans d’autres horizons, comme Philippe Herzog, Pierre Juquin, Anicet Le Pors, Charles Fiterman, et de l’autre la mutation, portée par Robert Hue prenant la tête du PCF, et disposant de l’appui de Paul Boccara.

Le PCF devint alors ouvertement boccariste dans son affirmation d’une économie « mixte ».

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