La ligne générale de la CGT-Force Ouvrière

La CGT-Force Ouvrière est ainsi née comme plate-forme syndicale anticommuniste, mais dans un sens également violemment anti-politique. Par conséquent, elle sait qu’elle est anticommuniste mais elle ne raisonne pas du tout par rapport à cela.

Le syndicalisme de la CGT-FO s’imagine au-delà de la politique et la base de sa conception, c’est un rejet viscéral de l’État et une volonté de négociation professionnelle directe avec le patronat. Comme l’a formulé Marc Blondel, secrétaire général de 1989 à 2004, en 1995 :

« Plus nous serons capables de discuter avec le patronat, et plus nous remettrons l’Etat à sa place.»

La CGT-FO représente ici toute une tradition syndicaliste dont le point culminant est la charte d’Amiens. Il ne fait pas de politique, il représente les intérêts directs des travailleurs dans leur contrat avec le patronat.

La CGT a la même démarche, mais considère qu’elle doit être une force allant dans le sens de la cogestion des affaires étatiques et des entreprises. La CGT-FO réfute catégoriquement cela, ce qui unit dans les faits, en son sein, les réformistes opposés par principe à une telle démarche et l’ultra-gauche qui prétend vouloir tout chambouler.

Ce chamboulement est censé, naturellement, avoir une dimension syndicaliste, dans la tradition de la CGT des origines et du socialisme français à la Proudhon. Pour les réformistes de la CGT-FO comme pour sa minorité « ultra », la syndicalisme est porté par des individus libres, rétifs à tout « totalitarisme » car opposée à toute décision de portée étatique.

Dans un article sur La force de l’indépendance syndicale, en 1996, Marc Blondel présente de la manière suivante cette perspective commune :

« Ce que la Charte d’Amiens a apporté, c’est la notion d’indépendance syndicale et celle de majorité du syndicalisme.

On ne sera donc pas surpris que, depuis 1906, des arguments dilatoires, des interprétations, soient périodiquement développés contre cette Charte d’Amiens, notamment « pour justifier la nécessité d’adapter le syndicalisme ».

Il est indéniable que le syndicalisme a toujours été à la fois courtisé et attaqué.

Courtisé, car à l’encontre des mauvais coups que l’on veut lui faire subir, c’est le syndicalisme qui, historiquement, détient la clé du comportement des forces sociales ouvrières.

Attaqué de toutes parts, et plus particulièrement quand la situation le conduit à être force de résistance, le syndicalisme devient alors gênant. La tentation alors pour les gouvernants, quels qu’ils soient, d’essayer d’intégrer le syndicalisme, d’abord dans l’entreprise puis dans les rouages de l’Etat, est elle aussi cyclique.

Ce qui est toujours en cause, c’est l’indépendance et le droit permanent à la liberté de comportement, qui ne peuvent qu’être le privilège d’un syndicalisme authentiquement libre. »

La CGT-Force Ouvrière n’est ainsi pas un syndicat de cogestion, pas plus qu’il n’est favorable au corporatisme. Ses activistes sont pour des revendications allant dans le sens de conquêtes sociales, avec une minorité espérant que cela aille « jusqu’au bout ».

Il y a donc des différences de sensibilité entre ceux qui acceptent le capitalisme et ceux qui pensent, dans un sens anarchiste ou trotskiste, qu’il y aura son dépassement. Les premiers forment une écrasante majorité, qui pétrie de ses certitudes n’a pas de soucis à l’existence d’une minorité, du moment qu’elle reste antipolitique dans leur démarche syndicale.

André Bergeron (1922-2014), qui fut le dirigeant de 1963 à 1989, reflète tout à fait cette conception majoritaire lorsqu’il dit au congrès de 1966 :

« La lutte de classes, elle existera longtemps encore, et, c’est là mon opinion personnelle, elle existera sans doute toujours. »

La clef, c’est le syndicat indépendant et porté par une base unie au point d’assécher toute question politique. André Bergeron, dans l’article Le sens d’une victoire en 1983 dans Force Ouvrière Hebdo du 26 octobre 1983, résume cela ainsi :

« Force Ouvrière n’est, par principe, ni pour ni contre les gouvernements, ni celui de maintenant, ni ceux d’avant Mai 1981. La Confédération n’est pas au même endroit.

Elle n’assume pas les mêmes responsabilités. Les gouvernements dirigent l’Etat. Le mouvement syndical défend les intérêts de ceux qu’il représente. »

Le syndicat se limite aux questions professionnelles et considère que cela a un sens échappant à la politique. Ce n’est évidemment pas le cas et en fait, la contradiction fondamentale de la CGT-FO repose en fait sur son incapacité à se décider si elle est davantage en conflit avec le patronat ou avec l’État.

En pratique, elle ne l’est ni avec l’un ni avec l’autre, car elle est historiquement un simple produit du dispositif anticommuniste, et sa démarche dégénère systématiquement dans le sens de la corruption sociale, c’est-à-dire dans la mise en place d’une aristocratie ouvrière.

Cela se veut justifié par l’idée qu’il s’agit d’arracher des droits coûte que coûte, dans un rapport conflictuel allant… jusqu’à l’entente cordiale, en sous-main, et même l’institutionnalisation.

Ainsi, la ville de Marseille est pratiquement cogérée depuis le début des années 1950 par la mairie et la CGT-FO, depuis une alliance avec le maire SFIO Gaston Defferre, au point que Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille au milieu des années 1990 jusqu’au moins en 2019, s’est vu remettre une carte de membre d’honneur du syndicat en 2014. Le secrétaire général Force ouvrière des territoriaux de la ville a comme surnom le « vice-roi de Marseille ».

Une affaire connue est aussi celle de la « caisse d’entraide » de l’Union des industries et métiers de la métallurgique, un syndicat patronal de la plus haute importance (la seule structure syndicale non dissoute par le régme de Vichy). 600 millions d’euros furent amassés depuis 1972 et distribués aux syndicats anticommunistes.

De plus, la CGT-FO reçoit des fonds publics, à hauteur de pratiquement le tiers de ses ressources ; le syndicat est une composante essentielle, à hauteur de 10-15 % des voix aux élections, de toutes les instances où les syndicats relèvent directement des institutions.

La CGT-Force Ouvrière relève ainsi du mythe bien français que présente la charte d’Amiens ; elle est l’expression culturelle la plus pure du rejet du marxisme et de la tradition social-démocrate qui en est issue en Allemagne et en Autriche à la fin du XIXe siècle.

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Le soutien trotskiste à la CGT-Force Ouvrière

Les trotskistes soutiennent dès le départ, de manière vigoureuse, la CGT-Force Ouvrière. La revue L’Unité mélangeait même trotskistes et anarchistes, qui de fait formeront les principaux minoritaires du syndicat pour toute la seconde moitié du 20e siècle.

Cette unité a existé également en-dehors de la CGT-Force Ouvrière, puisque trotskistes et anarchistes tenteront d’agir dans la CGT, formant un Comité de liaison et d’action pour la démocratie ouvrière en 1956, qui s’enlisera rapidement. Son principal activiste Joachim Salamero devint dirigeant de l’Union Départementale de la Gironde de la CGT-Force Ouvrière.

C’est que trotskistes et anarchistes sont unis par le même anticommunisme et le même espoir que l’existence d’une CGT-Force Ouvrière, même réformiste, impulse de manière « naturelle » des luttes aboutissant à leur propre renforcement. Inversement, les réformistes de la CGT-Force Ouvrière avaient clairement besoin d’activistes « ultras » mettant de l’huile sur le feu pour concurrencer la CGT.

Cela fut vrai au point qu’un accord fut réalisé entre la CGT-Force Ouvrière et les trotskistes organisés autour de Pierre Lambert (1920-2008). Ce dernier fut la figure phare d’une partie du Parti communiste internationaliste né en 1944, qui constitua ensuite en 1965 l’Organisation communiste internationaliste.

Cette dernière organisation, la plus importante numériquement chez les trotskistes, menaient une activité consistant principalement en l’entrisme. L’OCI mena une telle activité au sein de l’UNEF que celle-ci scissionna, l’UNEF Renouveau passant dans le camp du PCF, l’UNEF-indépendante et démocratique passant aux mains de l’OCI, avec le Parti socialiste à l’arrière-plan.

C’est que l’OCI se focalisait sur la formation des cadres et l’emploi de la violence, ce qui lui permettait de tenir face aux pressions d’un PCF toujours plus décadent dans son approche.

C’est cela qui fit qu’il y eut un syncrétisme entre la CGT-Force Ouvrière et l’OCI. Cette dernière apporta ses cadres, son service d’ordre pour que la CGT-Force Ouvrière puisse enfin faire acte de présence dans les cortèges et disposer d’une sécurité très bien organisée.

L’OCI abandonna même son entrisme dans la Fédération de l’Éducation nationale (FEN), en 1983-1984, pour contribuer à constituer en tant que tel la Fédération nationale de l’éducation et de la culture Force Ouvrière (FNEC-FO).

L’OCI généralisa également les campagnes en faveur des opposants dans les pays de l’Est, ce qui allait parfaitement avec la ligne de la CGT-Force Ouvrière.

Le dernier aspect fut la très importante culture franc-maçonne qu’on retrouve de part et d’autres, qui aboutit à une grande alliance portant Marc Blondel au poste de secrétaire général en 1989. Claude Jenet, clairement un pion de l’OCI, devint pas moins que le numéro 2, étant en charge de la presse et de l’organisation.

Dès 1981, avec L’appel aux laïques, on trouve déjà Pierre Lambert pour l’OCI, Marc Blondel pour la CGT-Force Ouvrière, et l’homme-clef Alexandre Hébert.

Alexandre Hébert fut secrétaire de l’union départementale CGT-Force ouvrière de la Loire-Atlantique de 1948 jusqu’en 1992, son fils (membre de l’OCI) lui succédant. Il impulsa l’Union des anarcho-syndicalistes, fondée en 1972, qui marcha de concert avec l’OCI, au point que finalement l’OCI devint le Parti des Travailleurs, puis le Parti Ouvrier Indépendant (POI) intégrant des tendances anarcho-syndicaliste, socialiste, etc.

L’idée d’obtenir 10 000 membres avait entre-temps échoué pour l’OCI, qui en tant que POI essayait en fait de concrétiser politiquement le fait d’être devenu une composante du squelette de la CGT-Force Ouvrière.

La présence des anarchistes et des trotskistes au sein de la CGT-Force Ouvrière a ainsi toujours été accepté, et même souhaité. Les réformistes acceptaient volontiers ces forces vives, voire même l’idée d’une utopie éventuelle, du moment qu’elle soit de nature anti-politique et syndicale. Les anarchistes et les trotskistes appréciaient l’anticommunisme forcené du syndicat, base pour former une hypothétique « troisième force » non plus réformiste, mais « révolutionnaire ».

André Bergeron, secrétaire de la CGT-Force Ouvrière de 1963 à 1989, est explicite à ce sujet dans son livre de 1975 Une lettre ouverte à un syndiqué. En voici des extraits significatifs et le passage sur les anarchistes et les trotskistes :

« Camarade,

Tu n’es pas pour moi un inconnu. C’est pourquoi je t’écris. Tu ne seras jamais un visage perdu dans la foule. Même si je ne t’ai jamais rencontré, je te connais bien. Je ne te demande pas quelle est ton appartenance syndicale. Pour moi, cela ne change rien. Que tu sois l’un des 900 000 cotisants de la C.G.T.-F.O. ou que tu adhères à une autre organisation, tu es pour moi un camarade (…).

Comme moi, il t’arrive sans doute de t’interroger sur le pourquoi des raisons de ceux qui se contentent d’observer le syndicalisme, de le juger, voire de le critiquer, sans pour autant prendre place dans les rangs des travailleurs organisés.

Tu n’es pas de ceux-là puisque tu es syndiqué. C’est pourquoi je te tutoie et je t’appelle camarade. D’une certaine manière, tu fais partie d’une famille, de ma famille, en ce sens que les liens qui nous unissent sont nés de la prise de conscience d’une communauté d’intérêts et de devoirs à l’égard des autres et de nous-mêmes (…).

En septembre 1945, j’ai été élu secrétaire du syndicat des typographes CGT de Belfort. Militant à l’Union Départementale, je ne pouvais que constater la montée de l’emprise communiste sur l’organisation. C’est pourquoi, en 1946, nous avions à quelques-uns, comme partout ailleurs, constitué un groupe des amis de Force Ouvrière pour lutter contre la politisation de la CGT. J’en devins le responsable. Nos efforts étant demeurés vains, nous avons dû, en décembre 1947, quitter la CGT. Pour assurer la survie du syndicalisme libre, nous avons créé Force Ouvrière (…).

J’ai beaucoup de camarades anarchistes ou trotskystes… Maurice Joyeux de la Fédération anarchiste… Pierre Lambert, responsable d’un important courant trotskyste, également mon ami… Arlette Laguiller… Jeune femme courageuse, honnête et très sincère. »

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Le soutien anarchiste, anarcho-syndicaliste et syndicaliste révolutionnaire à la CGT-Force Ouvrière

Le mouvement anarchiste, dans ses différentes tendances, a soutenu très rapidement la CGT-Force Ouvrière, soit à sa naissance, soit peu après. Cependant, il a également joué un rôle significatif dans la genèse de ce qui allait donner la CGT-Force Ouvrière, en servant d’interface pour regrouper les tenants du « syndicalisme libre ».

Lorsque la CGT-Force Ouvrière se met en place, les anarchistes ne sont pas de la partie.

Seuls les syndicalistes révolutionnaires traditionnels, dont Pierre Monatte, appellent à rejoindre le mouvement, tout comme grosso modo la mouvance de la revue La révolution prolétarienne.

Dans Où va la C.G.T. ?, en 1946, brochure publiée par La révolution prolétarienne, Pierre Monatte dénonce de manière particulièrement agressive les communistes et considère la CGT comme devenu leur outil :

« Vous êtes surpris que les « vieux confédérés », qui continuent à se dire partisans de l’indépendance du syndicalisme, ne l’aient pas mieux défendue à ce congrès. A vos yeux, c’en est fait de cette indépendance.

Désormais la CGT n’est plus qu’une annexe du parti communiste ! Mort, le syndicalisme révolutionnaire !

Le jour où la CGT a six millions d’adhérents, est-il possible qu’elle renonce à toutes les espérances de sa jeunesse ? C’est-à-dire qu’elle ne veuille plus l’émancipation complète des travailleurs et qu’elle ne croie plus que cette émancipation ne pourra être l’œuvre que des travailleurs eux-mêmes.

Vous voilà, mes jeunes camarades, acculés au dilemme de Pierre Hervé : « Le communisme ou le désespoir. » Or, ce qu’on appelle le communisme, vous le connaissez mieux que Pierre Hervé ; vous le connaissez par un autre bout que messieurs les agrégés.

Vous savez que les partis communistes de 1946 ont tourné le dos au communisme depuis longtemps et qu’ils méritent, plus encore que les partis socialistes de 1919, le qualificatif de social-chauvins que Lénine appliquait à ceux-ci (…).

La Russie n’est pas plus le pays du socialisme que la France de Napoléon n’était encore le pays de la Révolution. ‘Tout en prétendant pourchasser le fascisme, la Russie a fini par en incarner une autre variété : le fascisme rouge. Qu’était le fascisme blanc ? Un composé de nationalisme exaspéré et d’étatisme. Ces deux éléments se retrouvent au même degré dans le fascisme rouge de Staline

La pire duperie, la plus grande escroquerie morale dont la classe ouvrière ait jamais pu être victime, c’est incontestablement d’avoir réussi à lui faire prendre le parti stalinien de 1946 pour un parti défendant le socialisme ou le communisme (…).

Au diable le désespoir et le soi-disant parti communiste qui foule aux pieds lutte de classes et internationalisme. »

Par contre, profitant d’une idéologie aux contours bien définis, les anarchistes avaient pu se regrouper dès 1945, notamment avec la Fédération Anarchiste. Profitant de syndicalistes espagnols ayant fui la dictature franquiste, ils vont dans le sens de monter un front syndical, avec à l’arrière-plan toute la tradition anarcho-syndicaliste française. Cela donna, dès 1946, la Confédération Nationale du Travail (CNT).

L’existence de la CNT impliquait qu’il n’y avait pas besoin d’un nouveau syndicat, puisque une nouvelle centrale avait déjà été constitué. L’objectif était de réaliser ni plus ni moins qu’une nouvelle CGT, marquée par l’anarcho-syndicalisme.

Seulement, les anarchistes n’avaient pas confiance en leurs propres forces et ils sont travaillés dès le départ en leur sein par toute une tendance à l’anticommunisme et au rejet de la politique. L’idée d’une centrale syndicale entièrement nouvelle, construite à partir des seuls efforts anarchistes, est pour cette raison pratiquement immédiatement abandonnée.

Dès son second congrès en septembre 1948, la CNT choisit donc de se tourner vers les syndicats autonomes pour constituer quelque chose de plus large. Les idéaux anarcho-syndicalistes s’effacent purement et simplement devant l’orientation syndicaliste révolutionnaire.

C’est que ces derniers, s’ils ont rejoint immédiatement la CGT-Force Ouvrière, n’en étaient pas moins structurés. Ils ont maintenu une grande permanence depuis leur âge d’or dans la CGT au début du 20e siècle. Ils avaient été isolés de manière complète avec l’affirmation du communisme. Les syndicalistes révolutionnaires s’étaient ainsi maintenus à l’écart depuis la fin des années 1930.

Profitant du renouveau d’après 1945, ils fondirent le journal L’Action syndicaliste et adhérèrent à la CGT, pour former un courant dénommé Fédération Syndicaliste Française. Bien que très minoritaires et eux-mêmes isolés, ces syndicalistes révolutionnaires disposaient d’une dynamique réelle pour deux raisons :

– de par la bataille pour la reconstruction du pays soutenu par le PCF, ils pouvaient se poser en « ultras » avec des revendications démesurées ;

– ils se posaient en opposants résolus de toute politique, et donc du PCF.

Cette dynamique anticommuniste s’est ensuite concrétisée avec la formation des Comités de Défense Syndicalistes, qui publiait La Bataille syndicaliste et reçut un temps l’appui des trotskystes. Tout ce petit milieu joue un rôle de ferment à la dynamique « syndicaliste libre » de Force Ouvrière, dont les tenants avaient été dispersés en raison de leur positionnement pendant la seconde guerre mondiale.

Finalement, la Fédération Syndicaliste Française et les Comités de Défense Syndicalistes sont sabordés, laissant la place à la CNT, qui rassembla donc les anarchistes et les syndicalistes révolutionnaires. Mais si les anarchistes visaient leur propre affirmation, telle n’était pas l’approche des syndicalistes révolutionnaires.

De par la dynamique posée, ces derniers l’emportèrent rapidement, les anarchistes cédant au nom de la priorité à l’anticommunisme. Ainsi, la Fédération Anarchiste, lors de son congrès de novembre 1948 à Lyon, décide d’appuyer non plus seulement la CNT, mais tous les syndicats « restés en dehors de la servitude des partis ».

Étant donné que les syndicats, à part la CGT-Force Ouvrière, sont la CGT proche du Parti Communiste Français et la CFTC liée à l’Église catholique, cela implique que l’anarchisme considère que son terrain naturel est tant la CNT que la CGT-Force Ouvrière.

Cette tendance est irrépressible, de par sa charge anticommuniste. La CNT croit ainsi posséder une réelle dynamique, mais sa substance est d’être une sous-CGT-Force Ouvrière, ce qui se prouva dans les faits très rapidement.

La CNT se rapprocha en effet de Force Ouvrière, de l’École Émancipée qui est une tendance de la Fédération de l’Éducation nationale, de la tendance trotskiste de l’Unité Syndicale avec Pierre Lambert, de syndicats autonomes… ce qui donna en novembre 1948 le Cartel d’unité d’action syndicaliste (CUAS).

Ce CUAS sera cependant un échec, car Force Ouvrière avait entre-temps quitté la CGT avec pertes et fracas. La CGT – Force Ouvrière siphonna immédiatement toutes ces forces ayant émergé ; son Comité général du 7 novembre 1948 appela ainsi les membres des syndicats autonomes et de la CNT à rejoindre la CGT-Force Ouvrière pour « une internationale ouvrière dégagée de toute emprise politique ».

La CNT, lors de son congrès extraordinaire de la CNT des 30 octobre et 1er novembre 1949, ne put que constater sa déroute complète. Même la commission syndicale de la Fédération anarchiste était entièrement passée à la CGT – Force Ouvrière. La CNT devint totalement marginale, la CGT-Force Ouvrière siphonnant entièrement son espace, alors qu’à l’arrière-plan une alliance anarchiste-trotskiste se formait dans le nouveau syndicat.

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Léon Jouhaux, prix Nobel de la Paix en 1951

Lors de la constitution de la CGT-Force Ouvrière à son premier congrès, Léon Jouhaux est nommé président, un poste à portée symbolique. C’est capital pour la CGT-FO, afin de se prétendre la seule vraie CGT.

Léon Jouhaux en 1951

Pour l’aider en ce sens, il va y avoir un véritable appui international. Léon Jouhaux fut ainsi nommé vice-président du Bureau international du travail des Nations-Unies dès 1946 et surtout, en 1949, vice-président de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), qui unit tous les syndicats violemment anticommunistes et opposés par conséquent à la Fédération syndicale mondiale.

Cela lui vaudra le prix Nobel de la paix en 1951. Voici un extrait de son discours pour la remise de son prix :

« La C.G.T.-F.O., à la fin de 1947, ressuscita les traditions et l’esprit de notre vieille C.G.T. et dans des discours, des articles, des rapports, nous avons repris et précisé les solutions qu’elle avait, avec la F.S.I., offertes au monde pour le sauver.

Nous avons approuvé le Plan Marshall parce qu’il était une manifestation de solidarité internationale, qu’il s’offrait à toutes les Nations éprouvées sans aucune discrimination et que nous ne pouvions voir en lui, puisqu’il remettait aux Etats bénéficiaires le pouvoir de décider eux-mêmes de l’utilisation des crédits, l’expression d’une politique d’armement et de prestige.

Nous avons approuvé la propagande en faveur de l’unité de l’Europe, en soulignant que nous considérions cette unité comme un premier pas fait sur le chemin de l’unité du Monde. Elu Président du Mouvement Européen en tant que syndicaliste au mois de février 1949, j’ouvris au printemps suivant la Conférence Economique de Westminster en précisant notre sentiment:

«Il est normal, il est logique, il est conforme à l’esprit même de l’histoire que la classe ouvrière organisée participe activement à la construction de l’Europe. Elle a toujours proclamé qu’elle ne séparait pas, qu’elle ne pouvait pas séparer parce que c’eut été établir des barrières que les événements internationaux eussent balayé comme des fétus de paille, qu’elle ne voulait pas séparer la lutte pour son émancipation du combat constant pour le maintien de la paix.»

Il s’agit pour l’Europe de se construire et non de s’enfermer. Cette masse humaine qui dispose d’immenses ressources naturelles, dont les possibilités intellectuelles sont les plus grandes du globe, cette masse humaine ne veut pas s’isoler du reste du monde. Elle est prête à tendre une main fraternelle à tous ceux qui voudront s’associer à ses efforts: «l’Europe que nous bâtirons aura plus de portes et de fenêtres que de murs.»

En juillet 1950, dans une introduction aux rapports établis sur la Conférence sociale du Mouvement Européen, j’insistai encore sur son objectif de paix internationale et de justice sociale.

«Nous voulons faire de l’Europe une petite presqu’ile du vaste continent Eurasiatique ou depuis des millénaires, la guerre a été le seul moyen de résoudre les oppositions des peuples, une communauté pacifique, unie malgré et dans sa diversité pour une lutte ardente et constante contre la misère et toutes les souffrances et menaces qu’elle engendre. Nous ne voulons pas faire de l’Europe un camp plus retranché, plus étendu et mieux armé.»

Nous avons approuvé le Plan Schuman pour une Communauté Européenne de l’acier et du charbon. Peu de jours après la déclaration du 9 mai 1950, le 31 mai très exactement, traitant dans un journal de la Conférence de la C.I.S.L. sur le Statut de la Ruhr, j’était conduit à écrire: «les promoteurs du Combinat ne peuvent avoir pour objectif … qu’une unification progressive de l’Europe. Or, cette unification ne peut pas être une fin en elle-même.

Le but final, le but essentiel à atteindre, le seul valable est d’accroître le bien-être des travailleurs, de les faire participer plus équitablement à la répartition des produits du travail collectif, de faire de l’Europe une démocratie sociale et d’assurer la paix que veulent tous les hommes de toutes les races et de toutes les langues en prouvant que les démocraties sont capables de réaliser la justice sociale dans l’organisation rationnelle de la production sans sacrifier la liberté et la dignité des individus. »

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Le congrès constitutif de la CGT-Force Ouvrière

Le 12 et 13 avril 1948, c’est le premier Congrès national de la CGT-Force Ouvrière, au Palais de la Mutualité. Le nom de Force ouvrière est massivement adoptée (14 260 mandats contre 1790), mais comme ajout au sigle CGT. Le congrès se veut d’ailleurs le 33e congrès corporatif.

La voie était d’autant plus ouverte que le régime lui-même appuyait l’initiative, reconnaissant début avril le caractère « représentatif » de cette « nouvelle » CGT. Dès le départ, la CGT-Force Ouvrière a ainsi profité d’appuis extérieurs massifs, permettant une inscription dans la réalité française.

Cela n’aurait cependant pas été possible, si la base même de la CGT-Force Ouvrière ne reflétait pas la permanence de tout un état d’esprit syndicaliste non seulement apolitique, mais même anti-politique. Les propos de Raoul Lenoir (1872-1963), un ancien militant, secrétaire de la fédération des métaux en 1909, sont sans ambiguïtés aucune :

« N’importe quel gouvernement quel qu’il soit, un gouvernement de droite, d’extrême-gauche, du parti socialiste, du parti républicain, si, en face de lui, surtout dans la situation où nous sommes, il n’y a pas une force syndicale puissante, indépendante, examinant elle-même ses problèmes, ses moyens d’action, vous pourrez dire ce que vous voudrez, ce sera quand même une dictature qui pèsera sur la classe ouvrière. »

De tels propos reflètent tant la vision des choses des tenants du « syndicalisme libre » que celle des syndicalistes révolutionnaires, d’où leur union pour plusieurs décennies au sein de la CGT-Force Ouvrière, qui ne changera jamais d’orientation.

La charte d’Amiens est d’ailleurs bien entendu très largement mise en avant et les syndicats de la CGT-Force Ouvrière affirment au congrès que :

« Instruits par une douloureuse expérience, ils proclament attentatoire à l’unité ouvrière la recherche systématique de postes de responsabilités syndicales par les militants des partis politiques en vue de faire du mouvement syndical un instrument des partis. »

Les personnes élus aux postes dirigeants lors du congrès sont immédiatement la garantie de l’ancrage dans ce positionnement. Robert Bothereau devient le chef incontesté, comme secrétaire général. Pierre Neumeyer est trésorier.

Comme témoins, jouant le rôle de garants également, on a Chester représentant les TUC anglais et Williams pour le CIO américain. Ce dernier lit au congrès un texte du président du CIO, Philip Murray, avec un appui ouvert au Plan Marshall :

« Le programme d’aide à l’Europe constitue un effort du peuple américain, dans son ensemble, en vue d’apporter sa part à la reconstruction de l’Europe dévastée par la guerre. »

A son congrès constitutif, la CGT-Force Ouvrière pose quatre axes syndicaux :

– une « réforme administrative tenant compte du reclassement de la fonction publique »,

– une « réforme fiscale établissant l’égalité devant l’impôt »,

– une « réduction des crédits militaires »,

– une « répartition plus équitable du revenu national ».

C’est là ni plus ni moins que l’orientation des socialistes de la SFIO. Il s’agit de prôner le « social » et de s’ancrer dans les masses, en sachant pertinemment qu’on sera minoritaire, et qu’on pourra jouer de démagogie alors que s’affrontent la Droite et les communistes.

D’ailleurs, immédiatement, la CGT met en place des « comités contre la vie chère » et la CGT-Force Ouvrière cherche à se placer comme arbitre lors du grand conflit des mineurs porté par la CGT et le gouvernement qui n’hésite pas à envoyer les CRS avec l’emploi d’armes à feu. L’Union Syndicale de la région parisienne expliqua alors qu’elle :

« dénonce l’exploitation qui est faite de la misère ouvrière à des fins nettement politiques, ouvrant la voie à la dictature qui précipiterait la classe ouvrière dans les chaos d’une nouvelle guerre mondiale. »

Cette ligne est systématique et se décline à tous les niveaux. Ainsi, au niveau international, la CGT-Force Ouvrière tient le même discours. Bothereau, son dirigeant, explique en 1959 lors du 6e congrès, à Paris :

« Faisons de l’Europe un exemple pour les peuples qui accèdent à leur liberté. Car la liberté à elle seule n’est pas le bonheur. Entre le libéralisme des U.S.A. [sic] et le totalitarisme communiste, réalisons une forme originale d’économie collective. »

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La mise en place de la CGT-Force Ouvrière

Dès la conférence nationale des 18-19 décembre 1947, la CGT-Force Ouvrière reçut des soutiens massifs.

La fondation de la CGT-Force Ouvrière

Il y eut déjà celui de la SFIO, évidemment, par la voix de Léon Blum dans son organe Le Populaire :

« Le devoir du Parti socialiste est d’appuyer de toutes ses forces le mouvement Force Ouvrière. Il faut détacher les travailleurs de la tyrannie absurde et intolérable du communisme. »

Une du Populaire et éditorial de Léon Blum en faveur de la scission dans la CGT
au nom d’un syndicalisme libre et autonome (sic)

Le 19 décembre, Léon Jouhaux, Robert Bothereau, Albert Bouzanquet, Georges Delamarre, Pierre Neumeyer, membres du Bureau confédéral de la CGT, donnèrent de fait leur démission. Pierre Le Brun et Louis Saillant, initialement sur la même ligne, refusèrent de faire de même.

Le 22 décembre, une circulaire fut envoyée aux responsables départementaux de la CGT pour annoncer que le Groupe central a tenu une seconde Conférence nationale les 18 et 19 décembre afin de prendre la direction du mouvement, sous le nom de CGT-Force Ouvrière.

Le 24 décembre, Albert Bouzanquet au nom de la CGT-Force Ouvrière envoie une autre circulaire aux responsables syndicaux pour « reconstituer une CGT débarrassée de toute influence ». Parmi les signataires de la circulaire, on a Robert Bothereau, Pierre Neumeyer et Georges Delamarre.

Le syndicat américain AFL fit immédiatement de nombreux et importants prêts à la CGT-FO, qui ne furent évidemment jamais remboursés. A cela s’ajoute une aide matérielle, comme des voitures, des machines à écrire, etc. Il est connu qu’il s’agissait là d’un intermédiaire de la CIA pour appuyer les forces anticommunistes.

Le ministre du travail Daniel Mayer fournit à la nouvelle entité une grande subvention en deux fois, à hauteur de 50 millions de francs de l’époque.

Des pans entiers de la CGT quittèrent celle-ci. A la Fédération des travaux publics par exemple, 38 des 44 syndicats votèrent pour la CGT-FO, 3 seulement refusèrent d’obtempérer.

Du côté des autonomes, la CGT-FO eut une résonnance évidente. A la RATP se forma par exemple un Syndicat général autonome du métro, qui une fois ayant rassemblé les différentes structures rejoignit la CGT-FO.

La CGT-FO ne parvient pas à s’établir de manière autre que minoritaire chez les ouvriers ; chez les fonctionnaires par contre, elle avait le dessus.

Concrètement, la CGT-FO fut non seulement capable de se structurer, mais même d’organiser autour de 500 000 personnes, avec comme base le rejet de la CGT, désormais dénommé CGTK, le « K » désignant le Kominform, le Bureau d’information des partis communistes et ouvriers regroupant les principaux Partis Communistes d’Europe.

La CGT ayant quant à elle 3,2 millions de membres en 1948, contre plus de 5 millions avant la scission. Plus d’un million de travailleurs quittèrent les syndicats au cours de ce processus.

Il faudra cependant plusieurs mois d’attente avant que la rupture ne donne naissance au nouveau syndicat de manière formelle, donnant à la convergence la forme d’un saut structurel syndical dans les institutions elles-mêmes, par la formation d’un syndicat de masse anticommuniste et non pas, comme avec la CFTC liée à l’Église catholique, simplement non communiste.

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La constitution de la CGT-Force Ouvrière

L’acceptation du plan Marshall, dans le contexte de la grande grève de la fin de l’année 1947, va être considéré comme le moment idéal pour former un nouveau syndicat. Par qui ? C’est un vaste débat encore, car tellement d’intérêts convergent qu’on ne sait pas à qui attribuer l’initiative directe de la rupture.

Il est clair que le moteur n’a été ni la direction socialiste – qui espéraient encore amenuiser la direction communiste de la CGT – ni les trotskistes se prétendant au-dessus des réformistes et des « staliniens », ni même des anarchistes espérant encore une dynamique syndicaliste révolutionnaire indépendante.

Toute la question est de savoir si les tenants du syndicalisme ont pris l’initiative d’eux-mêmes, faisant face selon eux à un mur, ou bien si la CIA a servi de déclic en proposant une aide matérielle massive en cas de constitution d’un nouveau syndicat. Dans tous les cas, il y avait une réelle convergence de nombreux éléments, avec un véritable activisme anticommuniste à la base.

De fait, la position de la minorité syndicaliste libre dans la CGT était de toutes façons intenable. A la commission administrative, elle avait 15 délégués contre 20, mais l’actualité revenait au PCF et donc à la majorité de la CGT, qui domine en fait dans un rapport de 3/4 – 1/4.

Léon Jouhaux, le dirigeant historique de la CGT d’avant-guerre, était déjà très âgé et proposait un programme, Nos tâches d’avenir, où « un très grand secteur privé » est mis en valeur, ce qui ne pouvait satisfaire les exigences d’une CGT pro-communiste, ni même les besoins d’une confrontation avec le PCF.

Tout dépendait en fait de Force Ouvrière. Des groupes « Les amis de F.O. » avaient été fondés ; ils profitèrent du contexte pour tenir un congrès avec 250 personnes, les 8 et 9 novembre 1947 à Paris, soit quelques ajours avant la réunion du comité confédéral national de la CGT à ce sujet.

Le plan Marshall y fut approuvé. C’était là donner un gage énorme aux forces pro-américaines et au gouvernement. Robert Bothereau y était nommé dirigeant, ce qui montrait également qu’il y a avait une figure reconnue sur le plan interne.

Robert Bothereau

Cela provoqua un effet de convergence. Les groupes Force Ouvrière se multiplièrent de fait dans tout le pays, alors qu’ils n’étaient présents que dans 35 départements encore en avril de la même année.

Le 28 novembre 1947, les « amis de Combat syndical », une structure syndicale pro-SFIO chez les postiers, appela à la formation d’une nouvelle entité syndicale, au motif qu’entre les gaullistes et les communistes, on risquait un coup de force dans un sens ou dans l’autre.

La base socialiste organisée dans les entreprises encouragea alors massivement cette tendance, appuyant systématiquement Force Ouvrière. Même les sections locales de la SFIO s’y mirent.

Force Ouvrière organisa des réunions directes avec le ministre du travail Daniel Mayer, l’ancien dirigeant de la SFIO, en contournant la direction de la CGT. Cette dernière comptait à l’inverse élargir la lutte par un Manifeste aux travailleurs de France et l’organisation de vastes assemblées générales ouvertes à tous les travailleurs.

La contradiction historique est alors explosive et jamais la base mobilisée dans une dynamique anticommuniste ne pouvait suivre la CGT dans son positionnement de conflit avec l’Etat. Georges Lefranc, un historien du syndicalisme historiquement lié au planisme farouchement anticommuniste et aux « espoirs » sociaux en le régime de Vichy, résume de manière assez nette ce panorama au sein des anticommunistes :

« La scission fut imposée à des leaders qui ne la voulaient pas ou qui ne la voulaient pas encore, par des militants du rang qui ne concevaient même pas qu’on pût encore en reculer l’heure. »

La direction de Force Ouvrière n’eut pas le choix. Le « Groupe central » tint alors une seconde Conférence nationale les 18 et 19 décembre pour fonder la CGT-Force Ouvrière.

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Les socialistes face au PCF en 1945 et la question de la CGT

Les socialistes avaient immédiatement compris que le PCF disposait d’une hégémonie politique, idéologique et culturelle à gauche. Ils n’étaient pas marginaux pour autant : la SFIO avait désormais 400 000 membres, soit 300 000 de plus qu’avant la seconde guerre mondiale. Cela ne durera cependant pas : le nombre passe à 350 000 en 1946, 322 000 en 1947, 222 000 en 1948.

C’est que les socialistes n’avaient pas d’identité politique en propre. Les socialistes français étaient traversés en courant, le Front populaire les avait dépassé, ils n’avaient aucune ossature idéologique. Allaient-ils pencher à gauche vers le PCF ou bien vers le centre avec le Mouvement républicain populaire ?

Au 38e congrès, en 1946, Léon Blum résume ce dilemme en ses termes, exprimant en même temps un anticommunisme farouche, qui va caractériser les socialistes pour les 30 prochaines années :

« Nous l’avons connue pendant les vingt ans de l’entre-deux guerres. Ce n’était pas entre MRP [alliance du centre et des gaullistes] et communistes que le Parti avait à tenir sa voie droite, mais entre le parti radical et les communistes ; cependant, le problème était le même et les difficultés étaient les mêmes. 

Mais alors, s’il en est ainsi – et je suis convaincu qu’il en est ainsi – où faut-il chercher la cause ? Laissez-moi vous le dire avec gravité, presque avec sévérité, mais avec une affection fraternelle, je dirai même paternelle, et comme un homme qui, depuis bien des années, a consacré à notre parti tout ce qu’il a pu donner d’efforts et d’intelligence (…).

Le trouble du Parti, ce malaise dont l’analyse ne découvre pas les causes, ou qui est hors de toutes proportions raisonnables avec ses causes, je crains qu’il ne soit d’essence panique, qu’il ne traduise les formes complexes – excusez le mot – de la peur.

Je crois que, dans son ensemble, le Parti a peur. Il a peur des communistes. Il a peur du qu’en-dira-t-on communiste.

C’est avec anxiété que vous vous demandez à tout instant : “ Mais que feront les communistes ? Et si les communistes ne votaient pas comme nous ?… ”

La polémique communiste, le dénigrement communiste, agissent sur vous, vous gagnent à votre insu et vous désagrègent. »

S’il parle ainsi, ce n’est pas tant que Léon Blum a peur que les socialistes se tournent vers les communistes, mais qu’il craint que la SFIO ne cherche à concurrencer le PCF de manière frontale. Et c’est effectivement ce qui va se passer.

Refusant de se tourner vers les communistes à l’opposé de ce qui se passe dans de nombreux pays, principalement ceux de l’Est européen, les socialistes formèrent dès 1945 des Groupes Socialistes d’Entreprise, afin de disposer d’un certain ancrage populaire.

Ces GSE doivent également étudier l’opinion publique, faire remonter les informations sur les entreprises, les professions, la vie économique du pays. Il y a également l’obligation d’adhérer au syndicat, donc la CGT puisque l’autre syndicat est lié à l’Église catholique.

La conséquence de cette orientation est que tant Léon Blum que la direction de la SFIO, structurée autour de Daniel Mayer qui l’a conduit durant l’Occupation et l’a fait s’engager dans la Résistance, sont balayés au 38e congrès. La résolution sur le rapport moral et la politique générale du Parti en vue du congrès national d’août 1946 annonçait déjà la couleur :

« Les causes profondes du malaise actuel du Parti Socialiste sont en premier lieu d’ordre doctrinal :

Certes nous ne considérons pas le marxisme comme un dogme. Il est une méthode de prospection des faits économiques et sociaux, une doctrine d’action qui permet de progresser dans la lutte pour l’émancipation des travailleurs à la condition d’être constamment confrontée avec le réel et enrichie par les leçons de l’expérience.

Mais nous estimons que doivent être condamnées les tentatives révisionnistes, notamment celles qui, se fondant sur une conception erronée de l’humanisme, ont pu laisser croire à nos adversaires que le Parti oubliait cette réalité fondamentale qu’est la lutte des classes.

C’est cet affaiblissement de la pensée marxiste dans le parti qui l’a conduit à négliger les tâches essentielles d’organisation, de propagande et de pénétration dans les masses populaires pour se cantonner dans l’action parlementaire et ministérielle et a engendré, sur ce plan même, les erreurs politiques et tactiques commises depuis la libération. »

En clair, la direction est rejetée, car les socialistes ont accepté d’être coincé entre le MRP et le PCF, et que la situation est intenable à moyen terme. Il faut un tournant à gauche, afin de faire revenir les socialistes dans l’action politique et de tenir au PCF. L’un des signataires de la résolution est Guy Mollet, qui va alors devenir au congrès le dirigeant des socialistes.

Lors de son deuxième discours tenu au congrès, où il s’oppose à Léon Blum, il est très clair :

« Nous faisons nôtre la phrase de Léon Blum : « La fin du socialisme est la libération intégrale de la personne humaine. » Nous sommes d’accord et nous pensons même que l’humanisme n’est pas seulement un but, mais un moyen qui, d’ailleurs, a eu sa nécessité historique, particulièrement au sortir de la Libération, et qui peut enrichir la doctrine marxiste qui est et qui reste l’axe immuable du socialisme.

En effet, on vient au Parti par sens de l’humain, mais on ne peut réaliser cette libération de l’homme que par la réalisation d’un programme marxiste.

L’humanisme, certes, a toute sa valeur à la hauteur de l’individu, mais, quand il s’agit d’interpréter les phénomènes sociaux portant sur les masses, l’analyse marxiste garde toute sa force et sa vérité. C’est cette synthèse harmonieuse nécessaire qu’il nous faut ensemble préserver.

La différence que j’ai cru sentir avec Léon Blum sur un autre point est plus sensible. C’est lorsque nous parlant de la participation au pouvoir en régime capitaliste, il nous a dit que nos hommes au gouvernement devaient être les gérants honnêtes et loyaux des affaires du capitalisme.

Reprenant et développant cette idée, notre camarade Philip, ce matin, évoquait l’immense œuvre des philosophes du 18e siècle et montrait comment cette oeuvre nous avait valu la Déclaration des droits et la nuit du 4 août.

D’accord camarades, mais nous n’oublions pas que pour permettre la nuit du 4 août, pour permettre la Déclaration des Droits, il a fallu aussi un certain 14 juillet.

C’est parce que nous avons conscience que l’avènement définitif du socialisme, c’est-à-dire la libération totale de l’homme, peut trouver un jour dressée contre lui la force même brutale du capitalisme qu’il nous faut élargir notre base ouvrière et préparer à la fois la prise du pouvoir politique, sa défense éventuelle et son exercice. C’est cette synthèse qui fut un jour réalisée dans le Parti (…)

La période de stabilité apparente du capitalisme est dépassée. Actuellement, nous avons une société de transition en plein mouvement où se combattent le capitalisme et le socialisme. La participation au pouvoir se trouve ne plus être qu’une forme de la lutte de classe.

Au pouvoir, nous restons les représentants de la classe ouvrière. Au pouvoir, nous n’avons pas à corriger le système capitaliste, mais à fournir à la classe ouvrière les tremplins de son action de demain (…).

Il convient de sauvegarder l’indépendance et l’originalité du Parti. En conséquence, il ne faut pas aller à cette unité d’action en chien battu, il nous faut au contraire prendre le maximum d’initiatives et de garanties afin de ne pas donner l’impression d’être à la remorque d’un parti qui, en fait, n’est pas révolutionnaire comme nous le sommes.

Voilà camarades, notre véritable position sur ce point. On est jamais mieux servi que par soi-même. Elle n’est ni communisante, ni non plus anticommuniste, elle est tout bonnement socialiste. »

En conséquence, les socialistes étaient prêts à n’importe quelle initiative plaçant le PCF dans les cordes. La formation de la CGT-Force Ouvrière va être un véritable cadeau, une occasion qui ne sera pas manquée.

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Résistance Ouvrière, noyau dur de la future CGT-FO

Quelques mois à peine après la réunification de la CGT dans la clandestinité, les tenants du « syndicalisme libre » organisèrent, en août 1943, le journal Résistance Ouvrière. On y trouve trois types de gens :

– les tenants du syndicalisme libre à la Léon Jouhaux, comme Robert Bothereau et Neumeyer ;

– d’importantes figures socialistes, comme Albert Gazier, Oreste Capocci et Gérard Ouradou ;

des syndicalistes révolutionnaires, comme André Lucot.

Le sous-titre de Résistance Ouvrière était Hebdomadaire du Comité d’Étude et de Documentation Économique et Syndicale. Le journal devient, le 20 décembre 1945, Force Ouvrière, avec comme sous-titre Hier Résistance Ouvrière – Aujourd’hui Force.

L’éditorial précise bien :

« Force Ouvrière n’est pas un journal nouveau. Il est la continuation de « Résistance Ouvrière ». »

Le changement de ce sous-titre marque toute l’évolution aboutissant à la naissance de la CGT – Force Ouvrière.

En octobre 1947, le sous-titre change en effet de nouveau et devient : FO défend la CGT contre toute emprise politique.

Il y aura au total 119 numéros de Force Ouvrière jusqu’à la scission, le numéro 120 devenant l’organe du nouveau syndicat, avec comme sous-titre :

« Pour la liberté et l’indépendance syndicale »

C’est-à-dire qu’on a au départ un groupe ne faisant que se regrouper, pour ensuite chercher à s’opposer à la politique dans la CGT, pour finalement revendiquer à la fois le « syndicalisme libre » et l’anticommunisme.

La rhétorique anti-communiste de la CGT-FO va en effet être systématique et une composante centrale de son identité.

Quelles ont été les étapes du processus ? Initialement, les partisans du « syndicalisme libre » sont paralysés en 1945. Ils sont éparpillés, certains ont collaboré, dans tous les cas ils sont en échec total.

C’est que la charte d’Amiens a beau être la référence partagée, la tendance à converger avec la ligne du Parti Communiste Français l’emporte. La CGT est le grand syndicat des travailleurs, avec cinq millions de membres, une unité déterminée : Benoît Frachon, du PCF et faisant office de dirigeant, lors de la remise de son rapport au 26e congrès de la CGT les 8-12 avril 1946, obtient un appui par 84,4 % des voix.

Et elle a des succès concrets, tangibles. Aux élections à la Sécurité Sociale, la CGT a 59 % des voix, contre 26 % des voix pour la CFTC liée à l’Église catholique. La grève du mardi 25 mars 1947, pour la baisse des prix et la paix au Vietnam, rassemble un million de personnes en France, dont 500 000 à Paris et 180 000 à Lyon.

Les masses passent du côté du PCF et comme seuls les syndicats de plus de 5000 membres ont droit de cité, la CGT a une orientation très nette. Au congrès de la CGT d’avril 1946, cette tendance pro-communiste représente 80 % des délégués, alors qu’électoralement le PCF représente même 29 % des voix aux élections nationales, étant le principal parti.

Pour les tenants du syndicalisme libre, structurés dans Résistance Ouvrière devenue Force Ouvrière, il s’agit de faire le dos rond et d’attendre le moment opportun.

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La CGT réunifiée de 1943-1945, parallèle à celle de 1936

Les tenants du syndicalisme libre, s’ils avaient le « manifeste des douze » de 1940, n’avaient toutefois plus l’initiative. Le PCF menait la résistance et il prônait l’unité à la base pour une nouvelle CGT. Il était impossible de faire face à un tel succès populaire et les tenants du syndicalisme libre durent donc composer. Différentes réunions clandestines eurent lieu à partir de 1943, car la CGT ne pouvait que se réunifier face à l’occupant allemand, la pression des masses étant aussi forte qu’en 1936.

La CGT intégra ainsi les Comités départementaux de la Libération, appelant à la grève générale le 18 août 1944. Dès le lendemain commence l’insurrection parisienne, alors que l’Appel de la CGT clandestine aux travailleurs de France, publiée auparavant, prônait la mise en place de milices patriotiques.

A la fin août 1944, il y avait à la direction de la CGT 6 personnes liées à la CGT de tradition réformiste, 3 de la tradition CGT Unitaire liée au PCF.

Finalement, début septembre 1945, la CGT a comme dirigeants à la fois Léon Jouhaux, l’ex anarchiste toujours anticommuniste forcené mais désormais réformiste, et Benoît Frachon lié au PCF.

On retrouve ici les deux tendances s’étant affirmées dans la CGT à la suite d’Octobre 1917 en Russie. Léon Jouhaux est secrétaire de la CGT depuis… 1909, et l’adjonction d’un autre secrétaire, communiste, témoigne de la base pro-PCF dans la CGT, puisque le vote de 1945 créant cette fonction a été victorieux avec 23 fédérations contre 15, 66 unions départementales contre 27.

La une du journal Le Peuple, organe officiel de la Confédération générale du travail (CGT), datée du 28 septembre 1945.

En fait, la CGT n’avait plus connu de réelle unité depuis la révolution russe, à part au moment de 1936. En fait, si la majorité des socialistes avait rejoint l’Internationale Communiste lors du congrès du Parti socialiste SFIO en 1920 à Tours, mais la CGT restait quant à elle à la traîne.

Possédant une véritable identité, entre réformisme et anarchisme, elle s’opposa au communisme. Cela n’empêche pas une opposition de naître, mais celle-ci était surtout portée par les Comités syndicalistes révolutionnaires.

D’ailleurs, si l’on regarde bien, bon nombre de communistes avaient également, en réalité, une lecture syndicaliste révolutionnaire. Concrètement, on peut s’apercevoir que l’interprétation de ce qu’était le bolchevisme pour bon nombre d’adhérents au Parti Communiste était largement erronée. Il s’ensuivit un parcours chaotique pour la Section Française de l’Internationale Communiste.

La CGT fut en mesure de mettre à l’écart ces velléités syndicalistes révolutionnaires entremêlées de revendications communistes. Dès 1921, la tendance révolutionnaire est donc mise à l’écart, fondant une CGT dite unitaire, avec des communistes et des syndicalistes révolutionnaires, ce qui était intenable également.

Un épisode marquant fut d’ailleurs la « fusillade de la Grange-aux-Belles », en janvier 1924, où un meeting communiste fut faire face aux provocations des syndicalistes révolutionnaires. Cela se termina au pistolet, avec deux morts.

L’intense activité de l’Internationale Communiste força toujours plus le cours des choses et les syndicalistes révolutionnaires fondirent alors en 1926 la Confédération générale du travail – Syndicaliste révolutionnaire.

Les choses en restèrent là jusqu’à la crise des années 1930. La CGT, s’unifiant sous l’impulsion des masses antifascistes face au 6 février 1934, était passé d’un million à cinq millions de membres dans le cadre du Front populaire. Les communistes revenaient sur le devant de la scène.

Cependant, avec l’enlisement du Front populaire, les forces anticommunistes finirent par l’emporter et profitèrent du pacte germano-soviétique pour écraser les communistes par ailleurs désormais pourchassés par l’État lui-même. La Résistance et la Libération renversaient la situation et ramenaient les communistes sur le devant de la scène, dans le même schéma qu’en 1936.

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La CGT et le «manifeste des douze» de 1940

La CGT, en tant que syndicat, rejette la politique et cela d’autant plus que les communistes en ont été exclus au début de la seconde guerre mondiale. La chasse aux communistes est telle qu’entre septembre 1939 et mars 1940, 620 syndicats et 675 associations sont même dissous, afin d’assécher littéralement tout le terrain.

L’émergence du régime de Vichy et de l’Occupation allemande l’amène par conséquent à se plier aux nouvelles règles, afin de chercher à accompagner au mieux les travailleurs.

C’est une logique de collaboration, conclusion logique de la formulation antipolitique. Ainsi, lors de la réunion de son Comité confédéral le 24 juin 1940, la CGT décide de proposer une « Communauté française du travail ».

Puis, à Toulouse, le 20 juillet 1940, le Comité confédéral de la CGT fait abandonner dans les statuts l’objectif de l’abolition du salariat et du patronat. L’objectif est présenté comme suit :

« La CGT se donne pour but de défendre les droits sacrés du travail, d’accroître le niveau de vie des travailleurs, de protéger la famille de ces derniers, et de collaborer à la prospérité nationale. »

Par la suite, le régime de Vichy dissous les syndicats des travailleurs mais aussi ceux des patrons, afin de mettre en place des comités d’organisation par branche professionnelle. René Belin, adoubé par le dirigeant de la CGT Léon Jouhaux, un anticommuniste forcené issu de l’anarchisme, rejoint alors le régime.

René Belin devient ainsi ministre de la production industrielle et du travail en novembre 1940 et gère la disparition de la CGT. Cela est inacceptable pour les syndicalistes qui, même s’ils sont anticommunistes, ne résignent pas au corporatisme. Ils veulent une unité sociale dans la lutte entre deux camps.

Aussi, immédiatement, un Manifeste des douze est publié, prônant le syndicalisme libre, le rejet du communisme tout en prenant en même temps position contre le racisme. On y lit :

« Le syndicalisme français doit s’inspirer de six principes essentiels :

A. Il doit être anticapitaliste et, d’une manière générale, opposé à toutes les formes de l’oppression des travailleurs.

B. Il doit accepter la subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général.

C. Il doit prendre dans l’État toute sa place et seulement sa place.

D. Il doit affirmer le respect de la personne humaine, en dehors de toute considération de race, de religion ou d’opinion.

E. Il doit être libre, tant dans l’exercice de son activité collective que dans l’exercice de la liberté individuelle de chacun de ses membres.

F. Il doit rechercher la collaboration internationale des travailleurs et des peuples (…).

Au régime capitaliste doit succéder un régime d’économie dirigée au service de la collectivité. La notion du profit doit se substituer à celle du profit individuel. Les entreprises devront désormais être gérées suivant les directives générales d’un plan de production, sous le contrôle de l’Etat avec le concours des syndicats de techniciens et d’ouvriers. La gestion ou la direction d’une entreprise entraînera, de plein droit, la responsabilité pleine et entière pour toutes les fautes ou abus commis (…).

Le syndicalisme ne peut pas prétendre absorber l’État. Il ne doit pas non plus être absorbé par lui. Le syndicalisme, mouvement professionnel et non politique, doit jouer exclusivement son rôle économique et social de défense des intérêts de la production.

L’État doit jouer son rôle d’arbitre souverain entre tous les intérêts en présence. Ces deux rôles ne doivent pas se confondre (…).

En aucun cas, sous aucun prétexte et sous aucune forme, le syndicalisme français ne peut admettre, entre les personnes, des distinctions fondées sur la race, la religion, la naissance, les opinions ou l’argent. Chaque personne humaine est également respectable. Elle a droit à son libre et complet épanouissement dans toute la mesure où celui-ci ne s’oppose pas à l’intérêt de la collectivité.

Le syndicalisme ne peut admettre en particulier :

— L’antisémitisme.

— Les persécutions religieuses.

— Les délits d’opinion.

— Les privilèges de l’argent.

Il réprouve en outre tout régime qui fait de l’homme une machine inconsciente, incapable de pensée et d’action personnelles. »

On a ici le point de départ de la démarche du « syndicalisme libre », qui va aboutir à la CGT-Force Ouvrière. Isolés, ses activistes s’organisent autour de la revue d’un « comité d’études économiques et syndicales », en attendant la suite.

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