Avec la guerre populaire, sous la bannière du MLM, face à la seconde crise générale du capitalisme !

Déclaration du premier mai 2020

PCF(mlm), CMLMB

Nous rentrons dans la nouvelle époque, celle où tout va changer de manière la plus profonde, à tous les niveaux, dans tous les domaines. L’offensive stratégique de la révolution mondiale dispose désormais de sa base matérielle pour se réaliser de la manière la plus pleine.

Cela confirme parfaitement l’affirmation de Mao Zedong, lors de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne lancée en 1966, comme quoi l’humanité connaîtra des bouleversements comme elle n’en a jamais connu dans les cinquante, cent années à venir. Cela confirme l’affirmation du glorieux Parti Communiste du Pérou, dirigé par Gonzalo, comme quoi la victoire du prolétariat « demandera, approximativement, 200 ans en comptant à partir de la Commune de Paris en 1871 ».

C’est ce qui a momentanément permis au mode de production capitaliste de relativement se sauver qui se retourne en son contraire et vient le poignarder.

Car cette crise générale apparaît avec le covid-19, une maladie dont le virus qui le produit est issu d’une mutation provenant directement de contradictions développées par le mode de production capitaliste : la contradiction entre les êtres humains et les animaux d’un côté, la contradiction entre les villes et les campagnes de l’autre.

Le covid-19 est le produit d’une mutation rendue possible par la destruction de la vie sauvage, son utilisation par le marché capitaliste, ainsi que la formation d’une industrie de l’élevage prenant des proportions toujours plus horribles à l’échelle mondiale.

Le mode de production capitaliste a installé un dispositif agro-industriel tellement contre-nature qu’il provoque des dérèglements à l’échelle de la vie elle-même, au niveau planétaire.

Que la crise soit partie de Chine ne doit rien au hasard : ce pays joue un rôle clef dans le mode de production capitaliste depuis son intégration totale dans celui-ci sous l’égide du révisionniste Deng Xiao Ping. La Chine sociale-fasciste a permis de relancer le mode de production capitaliste, mais son propre développement amène de nouvelles contradictions, qui se révèlent d’autant plus explosives.

Nous affirmons, en ce premier mai 2020, que le mode de production capitaliste est un obstacle complet au développement de l’humanité et à la valorisation de la vie elle-même. Tous les États qui sont au service du mode de production capitaliste doivent être renversés, afin que l’humanité soit en mesure d’établir des rapports socialistes, dialectiques et non destructeurs, avec tout ce qui forme la Biosphère planétaire !

Au sens strict, cette problématique est déjà apparue de manière parfaitement lisible avec le changement climatique. On la retrouve même auparavant avec la question animale parallèlement au développement des élevages industriels et de l’expérimentation animale généralisée. C’est également la base de l’agression contre la condition humaine elle-même, puisque les êtres humains sont aliénés et exploités, soumis à des pressions psychologiques et physiologiques les déformant dans le sens de l’utilité capitaliste.

Si le mode de production capitaliste a développé les forces productives, ce qui a été son rôle historiquement positif, il est passé désormais dans le camp de la destruction. Il démolit ce que l’évolution de la vie a mis un temps immense à développer, il déforme chaque chose afin de l’intégrer dans ses propres modalités.

Il démolit l’humanité, il démolit la vie animale, il démolit la vie végétale, il démolit la Biosphère. Il prône la fuite dans le virtuel, dans l’ego consommateur et futile, dans le cynisme et l’égoïsme, dans les abstractions sans plus aucun lien avec le réel. Il produit la décadence.

Le souci est en effet que, en même temps que son aspect négatif, c’est le mode de production capitaliste qui assure la reproduction de la vie de l’humanité et cette dernière est donc prisonnière de lui sur le plan des valeurs, des mentalités, de la vision du monde.

La bataille culturelle contre les valeurs portées par le mode de production capitaliste est pour cette raison essentielle.

Dans les métropoles impérialistes, là où triomphe le 24 heures sur 24 du capitalisme, il faut un esprit de rupture à la hauteur, une capacité à être conséquent jusqu’au bout dans l’affirmation du communisme. Nous soulignons le poids croissant de la subjectivité dans les métropoles impérialistes et rappelons que la conscience révolutionnaire n’émerge jamais mécaniquement, mais comme fracture avec les valeurs dominantes.

Cet aspect est également présent dans les pays semi-féodaux semi-coloniaux, même si de manière moindre, car l’instabilité prime par définition dans la majeure partie des pays du monde, qui connaît une situation de dépendance par rapport au noyau dur du mode de production capitaliste que sont les pays impérialistes.

Cependant, de par l’ampleur de la crise générale du capitalisme qui s’ouvre, le retour de l’instabilité dans ces derniers est inévitable et apparaît déjà. Le confinement mondial a puissamment ébranlé les esprits, il a cassé nombre de certitudes, il a remis en cause beaucoup de routines, il a dévalorisé toute une série de traditions.

Cela est d’ailleurs vrai à l’échelle mondiale. L’humanité oscille bien entendu entre l’espoir idéaliste d’un hypothétique retour à la normale et la compréhension matérialiste que le mode de production capitaliste est dans une impasse.

Plus le niveau de conscience est élevé, plus il y a la saisie que la situation actuelle est le fruit d’une fuite en avant du mode de production capitaliste, qui cherche à échapper à la chute tendancielle du taux de profit en trouvant toujours plus d’espaces pour se développer.

La crise du covid-19 apparaît alors comme un rempart naturel au développement halluciné d’un mode de production capitaliste mondial et destructeur.

Nous affirmons ici que seule une juste compréhension matérialiste dialectique de la crise peut amener une juste orientation politique et culturelle, sans parler de la dimension idéologique, scientifique.

Qui n’utilise pas les concepts de Biosphère, qui ne veut pas comprendre la dignité du réel de la question animale, qui n’a jamais saisi la portée du réchauffement climatique, qui n’utilise pas dans son approche la contradiction villes/campagnes… ne peut absolument pas saisir notre époque.

Nous tenons à souligner qu’il ne s’agit en aucun cas d’une modification, d’une révision ou d’un apport au marxisme-léninisme-maoïsme. Il s’agit d’une utilisation de concepts déjà existants, d’une compréhension plus approfondie de ceux-ci en raison de notre époque.

Nous notons avec tristesse d’ailleurs que tout cela échappe complètement aux organisations se revendiquant du marxisme-léninisme-maoïsme, alors qu’elles devraient aboutir à cela de par leur démarche même. Il est vrai que, malheureusement, ces dernières années, deux tendances ont dominé, menant tout droit dans le mur.

La première tendance, regroupant principalement l’ensemble des organisations d’Amérique (du Nord et du Sud), a voulu dans une approche abstraite-formelle faire de Gonzalo un classique du marxisme-léninisme-maoïsme, en niant au passage le principe de pensée-guide. Un style stéréotypé a amené cette tendance à nier la crise du covid-19, à y voir une sorte de complot bourgeois pour masquer la crise et renforcer l’emprise politique et policière. Une telle vision aboutit à une totale banqueroute.

La seconde tendance regroupe des organisations ayant une démarche syndicaliste-populiste issue de leur origine « marxiste-léniniste » des années 1970. Il est toujours étrange de voir le Parti Communiste Maoïste d’Italie parler de guerre populaire alors qu’il existait déjà lorsque la lutte armée était générale en Italie et qu’alors cela lui semblait un simple anarchisme. Quant à l’autre organisation relevant du noyau de cette approche, le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada, il assume ouvertement de considérer que la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne est un fait tout à fait secondaire, bien moins important par exemple que la révolution chinoise culminant en 1949.

Il n’est guère étonnant que cette tendance ait beaucoup de choses à dire, mais que cela relève d’une approche syndicaliste-populiste, sans aucune profondeur, sans aucune envergure. La vacuité de cette approche n’est que d’autant plus flagrante désormais.

Nous affirmons qu’il existe trois lignes dans les mouvements se revendiquant du marxisme-léninisme-maoïsme. Il y a celle opportuniste de gauche, qui propose une idéologie clef en main dont Gonzalo serait la clef universelle permettant de faire ce que l’on veut comme on veut, ce qui est du gauchisme. Il y a celle opportuniste de droite voulant unir tous les maoïstes sans aucun égard pour le contenu idéologique. Il y a, enfin, la ligne juste qui fait des enseignements de Gonzalo et du Parti Communiste du Pérou l’interprétation correcte du maoïsme et prône la formation des pensées guides pour aller à la guerre populaire.

Cela revient à une lutte de deux lignes, car la ligne opportuniste de droite et la ligne opportuniste de gauche ont la même démarche anti-matérialiste historique et anti-matérialiste dialectique, comme en témoigne les multiples groupes folkloriques et bruyants, souvent éphémères, oscillant entre les deux, telles ces structures déjà disparues comme Jugendwiderstand en Allemagne, ou encore aux États-Unis le Tampa Maoist Collective, les Red Guards Kansas City, les Red Guards Charlotte, les Red Guards Los Angeles, les Red Guards Austin, etc.

Nous avons de notre côté, avec différentes forces, cherché à développer une autre tendance, allant dans le sens d’un réel niveau quant au matérialisme historique, d’une véritable clarté idéologique, ce qui va de pair avec l’acceptation des enseignements de Gonzalo et du Parti Communiste du Pérou. Nous considérons que notre document commun de 2013 sur la Pensée-Guide est une source très riche d’enseignement. La réfutation du révisionnisme de Prachanda a été réalisé en premier par le PCF (mlm) et c’est également une contribution tout à fait juste.

Il est fort dommageable que la réfutation internationale de Prachanda ne se soit pas prolongée politiquement jusqu’à se réaliser en une unité internationale. Il faut ici souligner le rôle néfaste de l’UOC(MLM) de Colombie, qui hier dénonçait le Parti Communiste Maoïste d’Italie comme centriste pour devenir finalement un de ses vassaux.

Il faut bien voir que l’échec de l’UOC(MLM) est d’autant plus dommageable que cette organisation avait les qualités de ses défauts. Elle ne comprenait pas la notion de semi-féodalisme semi-colonialisme et considérait de manière erronée son pays, la Colombie, comme capitaliste. Cela reflétait toutefois une observation très fine du développement du capitalisme (bureaucratique) agro-industriel dans son propre pays. L’UOC(MLM) aurait dû joué un rôle primordial idéologiquement dans la crise actuelle, de par la nature de celle-ci. Mais comme elle a été hautaine avec la question animale et le changement climatique, elle n’a pas saisi la contradiction villes/campagnes de manière adéquate, elle a échoué à réaliser un saut qualitatif qui aurait été d’une grande valeur.

On peut se douter que le Parti Communiste d’Inde (maoïste) aurait également pu jouer ici un rôle très important, de par la situation de l’Inde dans le cadre de la contradiction villes/campagnes, de la culture historique existant dans ce pays par rapport à la condition animale. Ce Parti préserve cependant sa tradition de non-interférence dans le Mouvement Communiste International, tout comme le Parti Communiste des Philippines. Ces deux Partis ont d’ailleurs toujours réfuté les enseignements de Gonzalo, à l’instar du TKP/ML de Turquie.

De toutes manières, le problème de l’affirmation du marxisme-léninisme-maoïsme ne peut avoir qu’une base concrète, mais non pas syndicaliste, populiste, semi-anarchiste, etc. : cela doit être une base concrète historique.

Le problème de fond dans chaque pays est la question de l’assimilation des principes du matérialisme dialectique et de l’étude concrète de la réalité à partir de la subjectivité révolutionnaire reconnaissant la dignité du réel. Cela forme la base de la génération d’une pensée guide orientant l’engagement communiste dans les luttes de classes ayant, par définition, un cadre national.

Ce mouvement de génération des pensées guides va connaître un puissant développement avec la crise. La bourgeoisie n’a pas d’autre choix que de chercher à faire payer celle-ci aux pays opprimés, mais également au prolétariat des pays impérialistes. De la même manière, l’endettement massif des États consécutif à la pandémie de covid-19 ne consiste nullement en une abstraction comptable de la part des banques centrales réalisant une « création » d’argent, mais simplement en un crédit au détriment du prolétariat.

La pression va être gigantesque, dynamitant les rapports neutralisés entre les classes en raison de la grande vague d’accumulation capitaliste partie des années 1950 et renforcée par l’effondrement du social-impérialisme soviétique et le triomphe du révisionnisme en Chine.

La lutte de classe ne se bornera donc pas à un conflit pour une meilleure répartition des richesses, comme c’était principalement le cas pratiquement depuis cinquante ans dans les pays capitalistes les plus avancés en raison du caractère relatif seulement de la paupérisation du prolétariat, permettant la formation d’une puissante aristocratie ouvrière. Ce processus était relativement vrai dans les pays opprimés également.

La raison de ce changement est que la lutte de classes connaît désormais l’apport de la contradiction entre villes et campagnes, qui lui confère une dimension explosive. Elle reflète la dimension planétaire de la question révolutionnaire, elle plonge le mode de production capitaliste dans une contradiction avec la vie elle-même, elle révèle à la face du monde sa tendance à l’absolutisme destructeur.

Et, étant donné qu’il est triomphant, le mode de production capitaliste va partir à l’assaut des larges masses pour chercher à se sortir de cette crise générale.

Cela signifie la matérialisation de la lutte de classes la plus acharnée en raison d’une polarisation immense dans le cadre de la lutte des classes dont le cadre est planétaire tant dans la forme que dans le contenu de la crise. Le tissu prolétarien va se recomposer, l’affrontement entre les classes va reprendre son caractère authentique, sa substance étant la guerre, la bataille pour le pouvoir.

C’est là un aspect primordial pour saisir la nouvelle période qui s’annonce, et dont la compréhension distinguera plus que jamais les révolutionnaires authentiques des usurpateurs et ce tout au long du processus révolutionnaire. C’est le sens du mot d’ordre MLM : GUERRE POPULAIRE JUSQU’AU COMMUNISME !

La question est celle du pouvoir. Il faut un État qui soit celui des masses, sous la direction de la classe ouvrière. Cet État ne peut naître que dans la guerre, dans le renversement du vieil État et on voit avec la crise du covid-19 à quel point celui-ci est décadent, bureaucratique, toujours plus déconnecté de la réalité et des masses.

La contradiction État / société a été flagrante depuis le début de la crise sanitaire, et ce dans tous les pays du monde. C’est un aspect constitutif de la crise en tant que produit du mode de production capitaliste et son incarnation concrète. La décadence de la bourgeoisie, aux commandes des États, est tout autant le produit de cette crise que sa manifestation politique et culturelle, idéologique.

Les puissances impérialistes les plus fragiles comme la France, l’Italie ou la Belgique ont particulièrement marqué les esprits sur le plan international de par leur grande faiblesse, laissant ni plus ni moins que la crise sanitaire s’installer dans leur pays en ne prenant des mesures que très tardivement et de manière largement insuffisante. Il en va de même dans des nombreux pays du monde, que cela soit en Inde où le gouvernement a littéralement renoncé à confiner la population en raison de la désorganisation totale du pays ou encore dans la plupart des pays africains, terrorisés devant le constat de leur impuissance.

Cette décadence des appareils d’États concerne également largement les deux superpuissances actuelles que sont la Chine et les États-Unis. En Chine, d’où est partie la pandémie de covid-19, l’État a été particulièrement ébranlé dans son élan expansionniste, malgré une apparente capacité à gérer sur le plan sanitaire, qui fut en réalité de type militaro-policière. Les États-Unis se retrouvent quant à eux profondément bouleversés par un affrontement entre les autorités fédérales et des gouverneurs d’État, rappelant la situation du XIXe siècle, ramenant l’État à une instabilité dans ses fondements originaires mêmes.

Nous affirmons que la question étatique est centrale. Le peuple doit devenir le nouvel État et cela demande un très haut niveau d’organisation et de conscience. Qui ne travaille pas en ce sens a une démarche anarchiste, totalement étrangère aux principes du bolchevisme. Il ne faut pas mener une activité populiste, mais réaliser un travail de fond, à la fois organisationnel et programmatique, pour qu’une nouvel État se constitue, brisant violemment le vieil État, l’écrasant dans tous les domaines, donc également culturellement et idéologiquement.

Cela pose, encore une fois, la nécessité de la pensée guide, d’une juste compréhension de la culture nationale, des mentalités populaires, du parcours historique propre à un pays. Il ne s’agit pas en effet de stopper, freiner, d’encadrer, de faire régresser le mode de production capitaliste dans chaque pays, mais bien de le dépasser.

Nous insistons sur ce principe de dépassement. Le matérialisme historique, fournissant le concept de mode de production, souligne que l’Histoire a un sens et ce sens s’intègre, de fait, dans le mouvement universel de la matière vers plus de complexité, plus de liaisons, plus d’interpénétrations.

Un mode de production concerne la vie sociale de l’Humanité et cette vie sociale se déroule toujours dans une situation concrète. C’est pourquoi on ne peut pas comprendre la crise du covid-19 sans voir que c’est un aspect du développement destructeur du mode de production capitaliste… Tout comme on ne peut pas comprendre la crise du covid-19 sans considérer la vie sur Terre comme une Biosphère, un ensemble organisé, en mouvement, en évolution.

Cela ne se comprend pas sans la dynamique du mode de production capitaliste, qui cherche à échapper à la chute tendancielle du taux de profit par la pressurisation du travail salarié, par l’élargissement de ses domaines d’interventions, par la guerre impérialiste avec ici en toile de fond l’inéluctable conflit sino-américain. Cela ne se comprend pas sans saisir la nature de la surproduction de marchandises et la surproduction de capital, dont le rapport dialectique forme le noyau dur de la crise générale du capitalisme.

Et tout cela s’exprime concrètement, dans chaque pays, comme contradiction révolutionnaire avec des aspects bien spécifiques.

L’unité du mouvement communiste international authentique, marxiste-léniniste-maoïste, ne peut passer que par des échanges scientifiques au sujet du caractère concret de ces aspects. Nous affirmons la nécessité d’une plate-forme internationale permettant d’accéder aux mises en perspectives des uns et des autres quant à ces aspects concrets.

Ce processus est de toutes façons inévitable, car la subjectivité révolutionnaire rompt avec l’idéologie dominante, tend inéluctablement au marxisme-léninisme-maoïsme, saisissant l’universel pour revenir au particulier et développer la guerre populaire dans le pays ayant été le terreau de cette subjectivité.

Il ne peut pas y avoir de diffusion formelle du marxisme-léninisme-maoïsme, cela ne produit qu’un opportunisme d’autant plus folklorique pour masquer sa nature réelle.

Vive l’Internationalisme prolétarien !

Vive le marxisme-léninisme-maoïsme !

Guerre populaire jusqu’au communisme !

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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[PCF(mlm), CMLMB] Crise du covid-19, crise sanitaire, crise d’État

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La crise liée au covid-19 ne provient pas de l’extérieur de l’humanité, de son organisation sociale, de son environnement. Elle vient du capitalisme lui-même, car il s’agit d’un mode de production qui englobe tous les aspects de la vie humaine et de la reproduction de celle-ci, à l’échelle planétaire désormais.

La contradiction entre les villes et les campagnes, qui s’élargit avec l’approfondissement du mode de production capitaliste, aboutit à des situations où des ruptures qualitatives se font dans le domaine naturel, comme ici avec le covid-19, mutation d’un virus et non pas « irruption » d’un virus depuis des animaux auparavant à l’écart.

De la même manière, la crise sanitaire au sens strict ne se déroule pas parallèlement au mode de production capitaliste. Elle en est un aspect. En effet, la crise sanitaire dépend de l’État, qui lui-même est la condensation des rapports de forces entre les classes au sein d’une société donnée. Et cet État est plus ou moins faillite, selon l’ampleur de la crise du mode de production capitaliste du pays concerné.

Voilà pourquoi nous voulons souligner ici la faillite des États belge et français à faire face à la crise, un échec parallèle à celui de l’État américain, par opposition à la gestion des États allemand, chinois, sud-coréen. Non pas que ces derniers États soient d’une nature différente, car tel n’est pas le cas : il s’agit ici de souligner l’ampleur de la crise générale en Belgique et en France, ainsi que de bien voir que la crise obéit, à l’échelle mondiale, au développement inégal.

La question des moyens, de l’anticipation et de l’organisation

Il y a par rapport à une crise sanitaire trois aspects fondamentaux : celui des moyens matériels du secteur hospitalier, celui de l’anticipation à la crise par des plans de réponse à celle-ci, celui de l’organisation des secteurs prenant les décisions.

Nous ne voulons absolument pas ici tomber dans le piège d’une critique se réduisant à la question de l’organisation, même si elle est importante. Ce serait une approche mécanique-formelle qui n’aborderait pas le cœur de la question. Nous ne voulons pas dire par là que l’organisation socialiste ne serait pas supérieure à l’organisation capitaliste – nous voulons dire par là que l’organisation découle du contenu des orientations politiques, des choix idéologiques.

Se focaliser sur la question de l’organisation, c’est regarder la forme de la réponse à la crise sanitaire et non pas son contenu. Il en va de même pour l’anticipation, même si c’est évidemment un aspect essentiel également. Que le capitalisme ne soit pas prévoyant est une chose critiquable, mais il serait faux de considérer cela comme l’aspect principal.

L’aspect principal d’une crise sanitaire est toujours avant tout celle des moyens – si par moyens on entend bien non seulement les capacités matérielles des structures sanitaires, mais également les être humains et leurs choix, leurs décisions, leurs orientations.

C’est en cela que la crise sanitaire est, par définition, politique. Au-delà de savoir comment les choses sont faites, ou même prévues, il faut déterminer de manière précise ce qui est fait.

La crise sanitaire reflète une crise étatique

Étant donné que la bourgeoisie est la classe dominante dans les capitalismes belge et français, c’est elle qui dirige l’État, non pas de manière mécanique, mais en tant que celui-ci comme condensation de la lutte des classes. Nous sommes terriblement choqués de voir à quel point il y a eu, de part et d’autres dans le mouvement d’opposition au capitalisme, des réactions anarchistes faisant de l’État un simple monstre qui serait mécaniquement au service d’une bourgeoisie manipulatrice.

Le capitalisme n’est pas une tyrannie, à moins de se retrouver dans le cas du fascisme dans une situation ultra-agressive et ultra-monopoliste. La preuve que cela n’est nullement le cas, c’est que les États ont été obligés dans chaque pays de se mouvoir dans la protection de la santé en général, et non pas uniquement pour la bourgeoisie. Il s’agissait d’une réelle tentative de protection de la population et non pas d’une opération masquée de répression des masses.

Cette protection des masses, et c’est là précisément l’aspect critiquable, n’a pas été à la hauteur en Belgique et en France, alors qu’elle l’a bien plus été dans un pays impérialiste comme l’Allemagne. Ces trois pays connaissent pourtant des situations sociales et politiques relativement proches, au moins dans leurs traits généraux. C’est là que se lit une crise étatique et, dans son noyau, une crise du mode de production capitaliste dans son aspect national, ici belge d’un côté, français de l’autre.

La crise sanitaire en Belgique et en France est une crise étatique en Belgique et en France, et exprime, renforce la crise du mode de production capitaliste en Belgique et en France.

Tel est, selon nous, la véritable analyse révolutionnaire qui est nécessaire.

La crise sanitaire et l’échec de l’État français

Le 7 mars 2020, le média conservateur-populiste BFMTV pouvait encore donner à un de ses articles le titre « Emmanuel et Brigitte Macron au théâtre pour inciter les Français à sortir malgré le coronavirus ». L’État français est effectivement passé littéralement à travers dans sa réponse à la crise sanitaire et c’est d’autant plus marquant que la France est un pays très puissant dans le domaine de la santé, que ce soit avec les infrastructures ou bien avec les recherches, les monopoles pharmaceutiques ou encore le soutien ouvert et efficace de l’État.

Il est clairement apparu que le mode de production capitaliste en France a tellement pressurisé et fragmenté ce domaine de la santé qu’il a été incapable de réagir de manière déterminée et structurée au défi de la crise sanitaire. Malgré le nombre de savants, de chercheurs, d’ingénieurs, d’entités collectives tant universitaires que directement capitalistes, aucun avertissement ne s’est produit. Il faut bien utiliser le terme de produit car il s’agit ici d’un produit relevant des forces de production.

L’un des exemples les plus terribles est celui d’Agnès Buzyn, médecin, enseignante et chercheuse en médecine, ministre des Solidarités et de la Santé depuis mai 2017. Elle a démissionné de son poste afin d’être nommé le 16 février 2020 candidate à la mairie de Paris, le candidat initial du parti présidentiel ayant démissionné à la suite d’un scandale également révélateur, puisqu’il s’agit de l’envoi de vidéos à caractère sexuel dans une relation extra-conjugale.

Agnès Buzyn avait auparavant expliqué le 24 janvier 2020 que « le risque d’importation [du covid-19] depuis Wuhan est pratiquement nul », que « le risque de propagation est très faible » – tout cela pour expliquer après sa défaite électorale que les élections avaient été une « mascarade » et qu’elle aurait prévenu le gouvernement sur la crise sanitaire, le risque d’une épidémie « tsunami » dès le 11 janvier 2020.

C’est évidemment incohérent et, par conséquent, foncièrement mensonger. Cela reflète tout un état d’esprit inconséquent et parasitaire prédominant à la tête du domaine de la santé, ayant intégré de manière complète leur intégration dans le mode de production capitaliste et incapable de tout recul.

C’est de fait un échec du domaine de la santé, mais donc de l’État puisque c’est à lui que revient la responsabilité de celle-ci.

La crise sanitaire et l’échec de l’État belge

L’État belge s’est également retrouvé en porte-à-faux avec les besoins nécessaires pour faire face à la crise sanitaire. C’était inévitable au niveau structurel, puisqu’il y a en Belgique huit ministres s’occupant du domaine de la santé, se chevauchant à des niveaux fédéral, régional et communautaire. Les centres hospitaliers universitaires connaissent une séparation entre francophone et néerlandophone, ainsi qu’entre ceux relevant de l’État et ceux relevant de l’Église catholique.

On ne saurait donc s’étonner que Sciensano, l’Institut scientifique de santé publique, n’avait par conséquent aucun plan de réponse à une éventuelle pandémie. La différence d’avec la situation française, c’est que l’État français, centralisé et disposant de moyens immenses et coordonnés dans la santé, aurait pu disposer d’un tel plan, alors que du côté belge, la dispersion l’empêchait par définition même.

Cela aboutit au déni et Steven Van Gucht, président du Comité scientifique et chef du service Maladies virales de Sciensano, dit à la Chambre le 3 mars 2020 : « Nous sommes bien préparés, « Dans le pire des scénarios, et toutes proportions gardées, (…) dans neuf semaines (…) nous nous situons dans le même ordre de grandeur qu’une grosse épidémie de grippe » (en cinq semaines les chiffres étaient déjà le double de cette prévision).

C’est l’arrière-plan menant la ministre de la Santé publique Maggie De Block à dénoncer les alertes de médecins le 28 février 2020, définissant ceux-ci comme des « dramaqueens (tragédiennes) » devant cesser de « pleurnicher ». À la Chambre, elle expliqua le 5 mars qu’« il s’agit d’une grippe d’un type nouveau, mais doux (NdlR : milde griep), qui poursuivra son chemin sur notre planète avant de devenir une grippe saisonnière ». Le 9 mars elle annonçait un premier décès du au coronavirus, pour le démentir à peine quelques minutes plus tard.

Et c’est bien entendu l’arrière-plan du grand trouble le 23 mars quant aux parts dans la distribution de masques pour la Wallonie, la Flandre et Bruxelles… alors qu’on apprenait le même jour que plusieurs millions de masques de protection de type FFP2 avaient été détruits en 2017 car considérés comme périmés et cinq jours plus tard qu’une commande de trois millions de ces masques avaient été annulés pour des raisons de bureaucratie.

Deux échecs montrant que l’État est en décalage avec la société

La crise sanitaire reflète dans sa substance la contradiction société / État, due à la nature de l’État actuel comme condensation de la lutte des classes avec la domination de la bourgeoisie tant en Belgique qu’en France.

Nous voulons souligner l’importance qu’il y a à prendre en considération cette contradiction. Il y a eu en effet une réaction primaire anti-État d’ultra-gauche, tant de la part d’anarchistes que de « marxistes-léninistes », voire de gens se revendiquant du maoïsme. Ne maîtrisant pas les enseignements du marxisme-léninisme-maoïsme, ils n’ont pas compris la nature de l’État qui a un double caractère : comme organe de répression et comme instance sociale.

Ils ont cru que le confinement était une opération de contrôle à peu de frais, voire un complot. Ils ont considéré que toutes les positions de l’État belge et de l’État français étaient par définition réactionnaires, ce qui est anti-dialectique. C’est là l’expression d’une peur petite-bourgeoise du monstre étatique.

En réalité, l’État gère le système de santé tant pour maintenir le fonctionnement du mode de production capitaliste en soignant les gens pour qu’ils travaillent que parce qu’il n’a de légitimité que comme vecteur d’un certain progrès historique. Les travailleurs d’un pays capitaliste du 21e siècle ont une conscience aiguë des acquis dans le domaine de la médecine et aucun régime bourgeois ne pourrait tenir s’il n’était pas à la hauteur sur ce plan, ce qui fait que l’impérialisme américain a fait face à un défi politique majeur qui le fait vaciller dans ses fondements.

Nombre de gens ont vu de par le monde la contradiction entre les moyens de la médecine et l’incapacité à disposer d’une mobilisation mondiale unifiée profitant pleinement de la science. Cela pose la question de l’orientation générale de la société, et donc de l’État, de l’humanité et donc d’un État mondial. Les États actuels ne sont pas en mesure d’assurer ce qui est une exigence universelle de santé – un besoin de communisme.

Les États belge et français en faillite devant un phénomène nouveau

Il y a lieu de souligner que la crise des États belge et français est d’un nouveau type, car aucun État n’a jamais eu à faire face à un phénomène comme le covid-19. C’est un phénomène nouveau répondant à des conditions nouvelles : celles résultat d’une contradiction devenue explosive entre l’humanité et la nature sauvage.

C’est une contradiction qui se déroule au sein du mode de production capitaliste, l’État étant lui-même en soi une contradiction au sein du mode de production capitaliste de par son rôle social d’un côté, anti-social de l’autre. Il est pour cette raison entièrement faux de dire, comme le fait le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada qu’« il n’y a rien de fondamentalement nouveau et de surprenant à ce que nous révèle la pandémie sur le capitalisme » (COVID-19 : La concurrence internationale au cœur de la crise actuelle).

On reconnaît ici que cette organisation, qui se prétend maoïste, rejette le matérialisme dialectique, Staline, la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. En effet, tout est au contraire fondamentalement nouveau. Il s’agit d’une crise mondiale, ayant des conséquences mondiales, de manière claire pour les masses mondiales. C’est un phénomène nouveau historiquement, annonçant la période des grands bouleversements à l’échelle mondiale.

C’est précisément cet aspect qui fait vaciller les États.

Les États face au défi d’une contradiction mondiale

La crise sanitaire est née comme fruit d’une activité de dimension planétaire et par conséquent elle pose une question dont la réponse ne peut être elle-même qu’une activité de dimension planétaire.

Les États ne peuvent, par définition, pas être en mesure de répondre à la crise sanitaire de manière adéquate, de par leur définition même. Même si l’on admet que la Chine a répondu sur son territoire de manière efficace – ce qui reste à prouver – on peut voir que ce pays a été incapable d’empêcher la propagation du covid-19. L’humanité apparaît ici comme relevant d’un seul et même processus mondial et aucun pays n’est indépendant de cette chaîne planétaire.

Il y a ici une contradiction explosive, car les États n’ont pu répondre à la crise qu’en fermant les frontières, ce qui est le contraire de leur démarche jusqu’à présent qui les ouvre pour permettre le renforcement dans tous les domaines du mode de production capitaliste.

Le covid-19, résultat du mode de production capitaliste régnant de manière planétaire de manière unifiée, provoque un retour en arrière de celui-ci. Et les divisions nationales au sein du mode de production capitaliste, dans le cadre de la tendance à la guerre, poussent chaque pays à retourner au plus vite à l’efficacité, à se replier sur soi-même, renforçant la crise.

Nous ne prétendons pas ici dresser la liste de toutes les contradictions qui ont émergées ou qui se sont renforcées avec la crise du covid-19. Nous disons cependant : comprendre la nature planétaire de cette crise est la clef pour en avoir une compréhension révolutionnaire.

Il n’y aura pas de « jour d’après » ni de retour à la normal. Nous avons ici affaire à un saut dialectique dans la crise – un saut qui correspond au besoin de communisme à l’échelle mondiale.

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

Avril 2020

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[PCF(mlm)] La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) : un produit du mode de production capitaliste

L’irruption d’une souche de coronavirus particulière, jamais encore identifiée chez l’être humain, ne doit rien au hasard. C’est un produit – entièrement nouveau, un saut qualitatif du virus – de la collision entre les villes et les campagnes provoquée par le mode de production capitaliste (MPC).

Ces villes et ces campagnes sont, qui plus est, elles-mêmes largement façonnées par le MPC, ce qui est vrai du mode de vie de l’humanité en général. Et tout cela se déroule de manière planétaire.

Il ne faut donc pas penser que la crise sanitaire vienne de l’extérieur de l’humanité, de l’extérieur du MPC, bien au contraire. Elle naît de l’intérieur même du MPC et du monde qu’il a formé à son image.

Un monde qui n’est nullement fini, ferme, stable, permanent… et qui s’effondre sous les coups de boutoir de ce qui est nouveau, exponentiel, en rupture.

Le capitalisme est un mode de production désormais planétaire

Le capitalisme n’est pas seulement une économie, c’est-à-dire une répartition particulière de la propriété et une distribution particulière des richesses. C’est, de manière plus concrète, la manière avec laquelle l’humanité trouve socialement les moyens matériels d’exister et de se développer.

C’est un mode de production.

Or, ayant atteint un immense développement des forces productives au début du 21e siècle, et étant par nature universel, le MPC assujettit toutes les activités planétaires. Ses conséquences concernent tous les aspects de la vie sur Terre, tout le temps.

C’est cette situation historique qui a amené l’irruption d’une souche nouvelle de coronavirus et lui a conféré une dimension mondiale.

C’est cette même situation historique qui a amené le réchauffement climatique et il en va de même pour la déforestation, l’anéantissement massif d’animaux sauvages, l’utilisation massive d’animaux dans l’industrie, le développement anarchique d’aires urbaines en expansion permanente, etc.

L’origine concrète de la maladie à coronavirus 2019

La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) est directement issue du développement du MPC en Chine, développement monopoliste et bureaucratique, avec des métropoles établies en peu de temps et engloutissant tout leur entourage.

La ville de Wuhan, d’où est partie la mutation du virus, illustre cela. Elle avait un peu moins de 1,5 million d’habitants en 1953, 2,2 millions au début des années 1970. Puis la restauration du capitalisme en Chine a provoqué un changement complet, la transformant en la mégalopole du centre de la Chine.

L’agglomération a plus de 4 millions d’habitants en 1982, plus de 8 millions en 2000, pratiquement 11 millions en 2015. Wuhan intègre huit villes d’importance significative dans cette agglomération (Huangshi, Erzhou, Huanggang, Xiaogan, Xianning, Xiantao, Tianmen, Qianjiang).

Cet ancien comptoir français se veut désormais même le modèle chinois en matière de développement urbain et connaît une opération massive de construction d’infrastructures routières (une ligne de métro par an, train de banlieue à grande vitesse sur 400 km, etc.).

Cette dimension urbaine n’est cependant qu’un aspect de la question. Le tiers de la population vit encore dans les campagnes, dans une agglomération où l’on trouve Carrefour, Auchan, Starbucks, Pizza Hut, KFC, etc.

On a ici un entremêlement des villes, des campagnes, dans le cadre d’une expansion capitaliste débridée.

L’origine du virus au sens strict, c’est ainsi l’urbanisation massive de l’aire de Wuhan, avec une utilisation, pour l’alimentation, d’animaux tant sauvages qu’issus de l’élevage, dans une sorte de confusion générale où l’on ne sait plus ce qui est villes, ce qui est campagnes.

Tel a été le terrain, contre-nature, favorable à la mutation du virus, qui est passé d’une espèce à une autre, puis finalement à l’espèce humaine.

Ce n’est pas une rencontre avec une maladie non découverte jusqu’à présent – c’est l’affrontement de l’humanité avec une maladie issue d’une mutation, provoquée par l’action de l’humanité elle-même.

La métropole comme base du MPC

Il y a à Wuhan une « ville durable » franco-chinoise de 39 km², un projet mis en place à l’époque de la présidence de François Hollande. L’année 2018 a même été « l’année franco-chinoise de l’environnement » et se rendant en Chine à cette occasion, Emmanuel Macron a déclaré la chose suivante :

« L’urbanisation est d’ores et déjà un défi de la Chine et le sera encore plus demain. La France souhaite renforcer ses partenariats en la matière en développant l’offre intégrée que nous avons construite pour la ville durable. »

Cela montre la convergence, à l’échelle mondiale, de toutes les forces capitalistes vers le renforcement de la métropole. Aujourd’hui, la majorité de l’humanité habite en effet dans des villes.

Il faudrait cependant davantage parler de milieux urbains, car depuis le passage de la bourgeoisie dans la réaction à la suite de sa victoire sur la féodalité, elle n’est plus en mesure de réaliser de villes au sens historique du terme, d’où le grand intérêt culturel pour les véritables villes au sens strict (Paris, Londres, New York, Venise, Bruges, Amsterdam, Prague…), elles-mêmes d’ailleurs profondément défigurées par le MPC.

La métropole aux innombrables ramifications, despotique dans son anonymat et entièrement dénaturée, devient la norme. C’est la forme la plus adaptée à la satisfaction de la production et de la consommation capitalistes, au 24 heures sur 24 du capitalisme.

Pour notre pays, la France, on peut dire que son symbole est le rond-point qui parsème les routes. On est là dans la dynamique du flux-tendu, du zéro stock impliquant massivement des zones industrielles dans les campagnes, afin d’avoir une circulation accélérée et une meilleure rotation du capital.

Cela entraîne la destruction de la nature et l’écrasement moral, culturel et psychologique des travailleurs. Karl Marx parle à juste titre d’une :

« corrélation fatale entre l’accumulation du capital et l’accumulation de la misère, de telle sorte qu’accumulation de richesse à un pôle, c’est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même. »

La ville historique, celle de la bourgeoisie, impliquait la culture, les échanges, les rencontres. Cela est incompatible avec le MPC, qui est tyrannique et exige que tout soit un rapport marchand toujours plus profond, plus ample, plus perfectionné, plus rapide.

La ville moderne, c’est désormais un endroit où habiter, de manière isolée, en cherchant à valoriser le plus possible son logement, si possible par l’accession à la propriété. Tout est loin, de plus en plus loin, qu’il s’agisse des loisirs, des possibilités de faire du sport, de ses achats, des gens qu’on peut rencontrer.

Tout est subordonné à un rapport marchand, tout doit passer par le MPC.

Le caractère borné du MPC face à la maladie à coronavirus 2019

Le MPC n’a qu’une seule logique : son propre développement. Il ne procède pas par choix, mais par nécessité, puisque son existence même dépend d’un développement ininterrompu et élargi du capital. Son seul horizon, c’est lui-même.

Le MPC est ainsi le premier à « regretter » la crise de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), mais en même temps si la même chose était à refaire, il le referait. Le MPC ne se permet en effet aucun recul, aucune analyse de fond ; il vit dans l’immédiateté de son auto-réalisation. Il n’a aucune considération sur lui-même, étant un système qui est sa propre fin en soi.

On voit clairement son caractère borné tout au long de la crise sanitaire due à la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), qui est nouvelle par son ampleur, et surtout qui choque de par sa dimension qualitative. Les chercheurs sont débordés, car les rapports naturels entre les êtres vivants sont bouleversés et cela provoque des crises sanitaires exprimant un saut qualitatif qui les dépasse.

Il y a déjà eu l’émergence du virus SRAS-CoV par l’intermédiaire de la civette palmiste masquée et du MERS-CoV par l’intermédiaire du dromadaire. Ces sauts entre espèces de virus, qu’on ne trouve pas en situation naturelle, deviennent récurrents en raison de la situation imposée par le MPC.

Tout le monde a pour cette raison entendu parler du VIH, d’Ebola, des grippes aviaires, des grippes porcines. La grippe dite espagnole, qui a tué entre 20 et 100 millions de personnes en 1918, est de ce type également ; provenant d’un élevage d’animaux aux États-Unis, elle reflète le début de la généralisation du rapport dénaturé à la vie.

Le MPC produit, par son action (et son inaction), des phénomènes destructeurs, naissant de la contradiction entre lui et la vie sur Terre.

Rien de tout cela n’est cependant saisissable par le MPC, qui ne cerne la réalité qu’au moyen de statistiques, du « big data », de l’évaluation quantitative de données. Le principe du développement qualitatif est étranger au MPC.

Le capitalisme étant non pas simplement une « économie », mais un mode de production unilatéral, il répond à sa propre logique d’accumulation et à rien d’autre. Il ne peut que constater, passivement, en restant lui-même.

Le MPC a ainsi intérêt à disposer de ce qu’il voit comme des ressources naturelles potentielles, donc à les préserver – mais de l’autre côté, il est obligé de les intégrer, de les valoriser rapidement, pour répondre aux besoins de la production et de la consommation fondés sur le capital.

Le MPC a de même tout intérêt à faire en sorte que le réchauffement climatique ne provoque pas de troubles massifs. Toutefois, en même temps, le MPC a ses priorités à lui et considère que son propre développement prime sur toute autre considération.

C’est la raison pour laquelle des partisans du MPC peuvent indifféremment dire soit que le réchauffement climatique ne compte pas, soit que le capitalisme doit développer de nouveaux marchés pour s’adapter. Ce sont les deux pièces d’une même médaille consistant en le caractère borné du MPC.

Le MPC se heurte à la réalité

Le MPC a bouleversé tout le rapport naturel entre la vie et son cadre. Le travail humain avait déjà lui-même provoqué des bouleversements, dès l’agriculture et l’élevage. Avec le développement des forces productives toutefois, la planète a entièrement changé de visage avec le MPC.

La vie concernée par le MPC était initialement restreinte, puisqu’il y avait seulement une poignée de pays capitalistes à l’origine, avec les Pays-Bas et l’Angleterre, avec des forces productives peu développées.

Suivirent ensuite toute une série de pays, comme la Belgique, la France, l’Allemagne… et principalement les États-Unis, avec une accumulation matérielle commençant à être significative, alors que la colonisation bouleversait les économies primitives partout dans le monde.

Il existe des économies qui ne sont pas encore parfaitement capitalistes au sens strict, mais le MPC les a foncièrement modifiées, afin de se les subordonner. Les situations de féodalité moderne qui existent dans la plupart des pays du monde rentrent elles-mêmes dans le cadre du MPC.

C’est cette féodalité moderne qui réalise la déforestation en Amazonie, l’utilisation massive d’énergies fossiles au Moyen-Orient, la monoculture de Cacao en Afrique de l’Ouest, celle de l’huile de palme en Indonésie et en Malaisie, etc.

Le mode de vie humain au sein du MPC n’a pourtant pas changé qualitativement à travers les décennies. C’est quantitativement qu’il s’est approfondi et généralisé.

Et le quantitatif se transforme, à un moment, en qualitatif.

La crise de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) reflète que le MPC commence à atteindre sa limite : il commence à porter atteinte à l’ensemble de la réalité, à tous les niveaux. Il n’est plus une force réalisatrice, mais une force de déstabilisation, de troubles, de destructions.

Le MPC touche à sa limite

Plus le MPC se développe, plus il se confronte à sa limite, son incapacité à amener la reproduction élargie de la vie sans rentrer en contradiction antagonique avec la vie elle-même.

Tant que le capital sera aux mains de personnes particulières, il cherchera de manière irrationnelle sa reproduction élargie et produira une systématisation forcée de la valorisation du capital – c’est-à-dire l’utilisation de ce qui existe, le plus possible, pour amener une production capitaliste, une consommation capitaliste.

La destruction de tout ce qui est naturel est inévitable pour un mode de production dont la fonction est l’accumulation dispersée, désordonnée, systématique et par cycles toujours plus puissants, par un capital toujours plus unifié et violent.

La crise de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) montre que la transformation de la réalité par le MPC a atteint une dimension planétaire et que le seuil de la rupture a été atteint.

Il y avait déjà de nombreux signes indicateurs. Le MPC cherche à forcer le cours des choses, à faire en sorte que tout s’insère parfaitement en lui, quitte à être violemment déformé, broyé, refaçonné.

Le MPC dynamite déjà littéralement le fonctionnement naturel des choses. Il déforme tout ce qui existe pour l’insérer dans le marché capitaliste. Cela est vrai pour les animaux employés dans l’industrie, qui sont modifiés génétiquement que ce soit pour l’alimentation ou pour le secteur des animaux de compagnie.

Cela est vrai pour la végétation et la vie sauvage en général, dont la richesse, la multiplicité, le foisonnement… sont considérés comme hostiles par le MPC, car porteurs de qualité, irréductibles à une simple lecture quantitative.

Cela est vrai pour le mode de vie humain ; il suffit de penser à la consommation de viande, l’utilisation massive du sucre et des produits stimulants (caféine, théine), la généralisation de produits transformés, la multiplication des marchés spécifiques (halal, cacher, sans gluten, produits simili-carnés, etc.).

Et même si les conditions de travail se sont améliorées, elles impliquent une tension humaine bien plus immense, ainsi qu’une déformation profonde de la personnalité. Rien que le travail de nuit s’est considérablement élargi, concernant plus de 15 % des travailleurs en France, avec des conséquences terribles sur la santé.

Le MPC tente concrètement de modifier sa propre base matérielle, afin d’éviter d’atteindre sa propre limite historique, et ce faisant il l’atteint.

Car le MPC rentre ainsi en contradiction avec sa propre base matérielle pour forcer son propre développement – la réalité devient antagonique au MPC.

Crise sanitaire mondiale et affirmation communiste

La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) est une crise mondiale qui ne vient pas de l’extérieur du MPC, mais de lui, et en même temps elle s’exprime en lui. L’accumulation capitaliste se déroule de manière concrète et c’est ce processus d’accumulation qui, lui-même, porte la crise, produit la crise, est la crise elle-même.

Le MPC voit ici la réalité se dérober sous ses pieds. Il est forcé de reculer.

Et le MPC qui recule, c’est l’humanité qui recule – se plaçant au cœur de la contradiction historique, comme source et résolution.

C’est en effet l’humanité qui porte le MPC. Ce que vit le MPC, l’humanité le vit aussi, tout comme ce que vit l’humanité, le MPC le vit.

L’humanité, prisonnière du MPC, de ses mécanismes, de l’idéologie qui en découle, se confronte alors à une prise de conscience brutale : la réalité se rebelle contre elle.

Le surgissement de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) est une crise ébranlant les fondements mêmes de la participation de l’humanité aux activités du MPC.

L’humanité, qui relève de la nature, est obligé de décrocher du MPC qui devient un obstacle à la vie elle-même.

C’est la fin de tout un mouvement. L’humanité est sortie de la nature pour s’affirmer comme espèce, mais elle doit y retourner en apportant les acquis de son propre parcours. Cela correspond au principe du développement inégal.

Ce qu’on appelle Histoire, c’est l’histoire humaine dans son parcours séparé de la Biosphère, c’est-à-dire de l’ensemble de la vie sur Terre en tant que système unifié.

La fin de l’Histoire, le passage au Communisme, c’est son retour dans l’Histoire de la Biosphère, en lui apportant ce qui a été acquis lors de son développement inégal.

La transformation communiste touche l’être humain dans ce qu’il a de plus profond. Elle le ramène à la nature, en tant qu’être social complexe.

C’est à la fois un déchirement, mais également une réinsertion dans le processus général de la Biosphère.

Les objectifs communistes

Produite par le MPC, la crise sanitaire va se répercuter en lui en provoquant des désorganisations, des ralentissements, d’inéluctables faillites. Cela dévoile toute cette fragilité de l’édifice du MPC, qui a fait son temps.

Le MPC cherchera évidemment désespérément à se sortir de là, aux dépens des masses, qui se feront encore davantage exploiter et aliéner. Cela passera également par l’accentuation de la marche à la guerre pour le repartage du monde, avec en son cœur l’affrontement entre la superpuissance impérialiste américaine hégémonique et la Chine désireuse d’un repartage du monde en sa faveur.

Cela ne suffira pourtant pas, la limite étant atteinte, le seuil de basculement étant atteint.

Ce qui joue substantiellement, c’est que la limite du MPC est le capital lui-même, toujours plus incapable de se valoriser dans la réalité, d’autant plus si elle se rebelle ouvertement.

Le MPC se retrouve dans la situation impossible de perpétuellement chercher à contourner la baisse tendancielle du taux de profit. Il tente d’échapper à une surproduction de marchandises de par l’absence de continuité dans le cycle de consommation, d’éviter la surproduction de capital, en cas d’absence de terrain où se développer.

La crise sanitaire le précipite d’autant plus dans l’échec de son auto-élargissement.

Le MPC s’efface concrètement devant le saut qualitatif historique : le passage à l’unification mondiale de l’humanité sous l’égide de la classe ouvrière, l’adoption de la position communiste par rapport à la nature.

Il découle clairement de cette lecture révolutionnaire de la crise de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) que les tâches suivantes sont à l’ordre du jour, relevant du programme communiste général pour toute notre époque :

1. Remplacement des appareils d’État par le pouvoir démocratique du peuple ;

2. Démantèlement des métropoles ;

3. Cessation autant que possible de tout rapport destructeur avec la vie sur Terre ;

4. Socialisation sans contrepartie de l’ensemble des monopoles ;

5. Établissement d’une République socialiste mondiale ;

6. Conquête de l’espace afin d’y répandre la vie depuis la Biosphère.

Nous entrons dans l’époque décisive, celle de la seconde vague de la révolution mondiale. Nous serons en première ligne pour faire de notre pays l’exemple à suivre pour répondre aux défis de notre époque !

Cette tâche est inévitable historiquement, la victoire communiste est assurée par définition même.

Vive Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong !
Vive le Marxisme-Léninisme-Maoïsme !

Guerre populaire pour le Communisme !

Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste)
Mars 2020

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[PCF(mlm)] Le mouvement contre la réforme des retraites de 2019/2020 a été une fiction

Pourquoi le mouvement contre la réforme des retraites a-t-il été une fiction ?

On doit parler de fiction, car c’est l’aristocratie ouvrière qui a calibré le mouvement contre la réforme des retraites. La forme des luttes, le contenu des revendications, les manière de s’engager intellectuellement et spirituellement dans le mouvement, l’esthétique des informations et des actions… Tout a été paramétré par l’aristocratie ouvrière.

La conséquence en a été une absence totale d’accroche dans la société. Malgré les profondes sympathies qui sont nées, le mouvement est toujours resté cantonné aux sympathisants des syndicats. Il n’a connu aucun développement culturel, il n’y a aucune élévation du niveau idéologique. Il n’a été qu’une péripétie, de manière totalement découplée de l’Histoire.

Cela, bien entendu, implique qu’on reconnaisse le principe d’Histoire, qu’on considère celle-ci comme l’histoire de la lutte des classes.

Une telle manière de voir les choses ne rentre-t-elle pas en conflit avec le fait que le mouvement contre la réforme des retraites a été porté par des centaines de milliers de gens, à travers tout le pays, pour des initiatives très variées ?

Bien au contraire, c’est justement parce qu’il s’agit d’un mouvement de masse qu’on peut et doit parler de fiction. Car le mouvement des retraites n’a été qu’un mouvement de masse de plus dans l’histoire française, dans le cadre d’un capitalisme puissant, très bien organisé, ayant intégré depuis les années 1960 les syndicats au sein même des institutions.

Il suffit de regarder les trente dernières années pour voir que le mouvement contre la réforme des retraites n’est qu’un ajout de plus à une liste déjà longue de mouvement de masse à caractère revendicatif.

C’est une tradition française, qui doit au fait que les rapports d’intégration des travailleurs au sein des institutions ne sont pas aussi bien structurés que, par exemple, en Allemagne, en Suède, en Belgique. Cela tient bien entendu au taux très faible de syndicalisation en France, le pire de tous les pays capitalistes d’ailleurs.

C’est cela la source du style français de négociations au moyen de coups de force symboliques, de rassemblements de masse sans lendemain, de discours contestataires enflammés. Vu de l’extérieur, cela peut impressionner. Quand on voit que cela se répète sans fin, c’est moins convainquant.

Il suffit de prendre l’exemple de la grève contre la réforme des retraites de 2010. La CGT et la CFDT affirment toutes deux que le 23 septembre 2010, trois millions de personnes se sont rendues aux manifestations, dans 239 villes. Qui s’en souvient ? Quel a été l’impact culturel, politique, idéologique ?

Il n’en reste tout simplement rien du tout. De la même manière, personne ne se souviendra qu’il y a eu d’après la CGT 1,8 millions de manifestants en France, le 17 décembre 2019. La raison en est que ce n’est pas de l’Histoire, mais une péripétie relevant de la petite histoire de la pacification des rapports sociaux dans le capitalisme français.

C’est là une critique du suivisme par rapport aux directions syndicales et du spontanéisme en général. Les actions menées par les bases syndicales ne sont-elles toutefois pas la preuve d’une dynamique conflictuelle, justement ?

Au-delà de la question importante de savoir si la lutte doit être portée par la base syndicale ou la base des travailleurs organisés en assemblée, il faut porter son regard sur le contenu des actions.

La CGT énergie 33 a par exemple, au cours du mouvement, pris de très nombreuses initiatives de coupures de courant. Au début, on a eu des coupures notamment du centre commercial Bordeaux-Lac, du centre commercial Mérignac Soleil, des sièges sociaux des banques de Bordeaux. Cela s’est déroulé en décembre. Puis, en janvier 2020, on a eu notamment des coupures contre la gare de Bordeaux-Saint-Jean et trois lycées bordelais.

C’est tout à fait exemplaire d’un esprit qui se veut contestataire, mais bascule dans une démarche réformiste de nuisance pour marquer le coup. Et pourquoi ? Parce que les syndicats ne sont pas une organisation politique. Or, quand on commence à lutter, il faut avoir des objectifs concrets, des exigences précises répondant à un agenda qui est par définition même politique.

Les syndicats sont hypocrites. D’un côté, ils récusent la politique au nom de la charte d’Amiens de 1906. De l’autre, ils se comportent de manière politique, dans un sens réformiste, cogestionnaire, et on ne devrait rien leur dire, simplement se soumettre.

Cela est acceptable si on veut profiter du mouvement avec comme but de faire du racolage, du populisme, de la démagogie sociale, pour se donner une image combative, activiste. C’est une grande tradition que de faire cela, pour « recruter » et se prétendre le fer de lance de la lutte, en accusant par la suite les directions de trahison, etc.

C’est inacceptable, par contre, pour qui veut faire avancer la lutte des classes.

Il y aurait donc une opposition irréductible entre, disons, un engagement immédiat et revendicatif, et un engagement se définissant comme politique ? Cela peut apparaître comme désengageant, échappatoire, comme une dérobade.

Il va de soi que la démagogie syndicaliste accuse ceux qui veulent faire de la politique d’esquiver le travail de fond. Et c’est même une point de vue très largement partagé, paralysant absolument tout depuis l’effondrement des organisations politiques révolutionnaires issus de mai 1968, qui assumaient, elles, leur propre agenda.

La France connaît, et c’est là notre malheur historique, une grande tradition syndicaliste révolutionnaire. Lorsque dans notre pays, quelqu’un se reconnaît dans l’idéologie révolutionnaire, il entend immédiatement « lutter ». Il ne considère pas qu’il doit se former, suivre une école de pensée, se soumettre à une discipline, répondre aux exigences intellectuelles. Il considère au contraire qu’il a fait le principal et qu’il peut tout de suite participer à la bataille.

L’esprit syndicaliste révolutionnaire justifie cette démarche, anti-marxiste par définition. Et il ne faut pas s’étonner qu’un tel spontanéisme se précipite parfois dans le nihilisme, voire pratiquement dans des formes fascistes, comme avec les gilets jaunes.

Notre problème historique, en France, qui explique concrètement tous nos problèmes depuis la fin du XIXe siècle dans la lutte des classes, c’est l’incapacité à assumer le principe de l’organisation politique d’avant-garde, reposant sur des fondements idéologiques, avec la considération que les syndicats ne peuvent être qu’une simple courroie de transmission, et rien d’autre.

Comme malheureusement les premiers socialistes français, à la fin du XIXe siècle, n’ont rien compris au marxisme, ont été influencés par Blanqui, Proudhon… et se sont de plus soumis aux syndicats, on en arrive à la catastrophe actuelle.

Les seuls moments où la dimension politique a pris le dessus, permettant de réelles avancées en termes de lutte de classe, c’est lorsque le syndicalisme n’avait plus d’espace. C’est en février 1934 avec l’unité antifasciste, en mai 1936 avec le Front populaire, durant l’Occupation avec la Résistance, puis au tout début des années 1950 avec la polarisation idéologique, et enfin en mai 1968.

Mais dès que le syndicalisme a pu reprendre le dessus, il a aboli la dimension politique. Et quand il ne pouvait pas le faire, il est allé au conflit. Il suffit de prendre l’exemple de la fondation de la CGT-Force Ouvrière, en 1947, en tant que scission de la CGT, avec l’appui des socialistes réformistes, des trotskistes, des anarchistes et même de la CIA.

La CGT-Force Ouvrière a travaillé justement main dans la main avec la CGT lors du mouvement contre la réforme des retraites. Comment interpréter cela ?

Non seulement les syndicats français sont extrêmement faibles, mais en plus ils sont puissamment divisés. Il y a la CFDT, qui vient du syndicalisme chrétien, est passée par le camp de la « seconde gauche » autogestionnaire pour devenir réformiste – moderniste. Il y a la CGT-Force Ouvrière qui est un syndicat réformiste anti-politique et anti-communiste.

Il y a la CGT qui, depuis son opposition totale à mai 1968, est le bastion du social-impérialisme, c’est-à-dire de la participation de l’aristocratie ouvrière au capitalisme, à l’élaboration de ses projets, à l’organisation de ses activités, etc.

La question de fond posée par la réforme des retraites, c’est la place de ces syndicats alors que le capitalisme va à la guerre impérialiste. Y a-t-il encore de la place pour une intervention de l’aristocratie ouvrière directement dans les institutions ? Ou bien cela va-t-il à l’encontre des exigences de centralisation et de soumission unilatérale à une partie toujours plus réduite de la bourgeoisie ?

L’alliance totale entre la CGT et la CGT-Force Ouvrière s’explique évidemment par le fait que le capitalisme considère qu’il n’a plus besoin de l’intervention de l’aristocratie ouvrière. D’où justement l’espace libre nouveau qui apparaît et qui est pris par la CFDT, qui a compris que désormais le syndicalisme ne pouvait faire qu’accompagner la modernisation capitaliste, et rien de plus.

C’en est fini de la très longue tradition de la CGT consistant à aller voir la bourgeoisie en proposant de meilleurs plans industriels, de meilleurs avions, de produire des centrales nucléaires, de meilleurs missiles pour l’exportation, de meilleurs tanks pour l’armée, de meilleures voitures pour de meilleures ventes, etc. Il n’y a plus de place pour la CGT relevant du social-impérialisme.

Le second aspect, c’est que l’État sort du jeu des négociations sociales, ce qui correspond à l’individualisation complète au sein du capitalisme. Les négociations sont censées désormais exister seulement entre la force de travail et l’acheteur de force de travail. Tout est individuel, ou au niveau de communautés d’individus. L’État n’a plus à s’en mêler, se résumant à un pôle stratégique – militariste pour l’aspect impérialiste du capitalisme.

Ainsi, il n’y a plus de place pour la CGT-Force Ouvrière non plus, qui n’existe que comme ombre de la CGT et de l’État. L’idéologie de la dénonciation de la main-mise de l’État sur les négociations et de l’influence de la CGT forme en effet le noyau dur de la démarche de la CGT-Force Ouvrière.

L’idéal, pour le capitalisme, ce sont des travailleurs se concevant comme « libres », s’unissant localement ou de manière corporatiste éventuellement pour des négociations avec les entreprises. La CFDT est parfaite pour cela. L’État, lui, se cantonne à être un stratège et un pourvoyeur de force militaire.

Si cela est juste, alors le capitalisme n’a plus du tout besoin du Parti Communiste Français révisionniste, il a simplement besoin de quelque chose de « moderne » comme, par exemple, Europe Écologie les Verts, le pendant politique de la CFDT.

Très précisément. Toute l’idéologie du PCF révisionniste repose sur la conception de Paul Boccara : il faudrait arracher l’État « neutre » au pouvoir de la finance et « démocratiser » les entreprises publiques. On ne peut comprendre strictement aucune décision du PCF révisionniste, des années 1960 à aujourd’hui, sans en cerner la substance « boccariste ».

Le boccarisme était le justificatif de l’intervention du PCF révisionniste et de la CGT en faveur du capitalisme, qui serait déjà mort-vivant et qu’il faudrait détourner dans le bon sens. Cela avait du sens : le capitalisme français était content d’une force d’appoint, l’URSS sociale-impérialiste était contente d’un satellite influençant l’État français, le PCF révisionniste disposait d’une pseudo-proposition révolutionnaire, la CGT pouvait se précipiter dans le bureaucratisme.

C’est désormais du passé. Le PCF révisionniste se retrouve dans un cul-de-sac. D’où justement la réactivation du social-impérialisme « dur », avec le Pôle de Renaissance Communiste en France, avec les éditions Delga… diffusant toute une nostalgie du PCF révisionniste des années 1960 et 1970.

C’est d’ailleurs un aspect important du mouvement contre la réforme des retraites, puisque d’importants secteurs de la CGT, sans l’assumer publiquement, relèvent de ce courant social-impérialiste « dur », notamment à la direction des cheminots et de l’énergie. Il y avait l’espoir de forcer le retour à une CGT sociale-impérialiste à l’ancienne.

Une telle démarche est vaine, ou réactionnaire. Elle n’a rien à voir avec la stratégie révolutionnaire de renversement du capitalisme et de destruction de l’appareil d’État, par la mise en place d’un nouvel État naissant de l’océan armé des masses et saisissant les principales forces de production, brisant les valeurs culturelles capitalistes.

Une structure politique moderniste comme Europe Écologie les Verts ne suffira pourtant pas au capitalisme pour détourner les mouvements de masse.

Tout à fait et cela implique le transvasement du courant social-impérialiste vers l’extrême-droite. On a déjà pu constater cette tendance avec Jean-Luc Mélenchon et La France Insoumise. Mais ce n’était qu’un début.

On va vers l’émergence d’un populisme social-national de masse, d’un idéalisme national-social minoritaire mais ultra-activiste.

C’est le modèle italien. L’échec des luttes populaires à s’inscrire dans la lutte des classes, dans une perspective communiste organisée et idéologique, aboutit au basculement dans l’affirmation nationaliste comme seule orientation « réaliste ». C’est ce qu’on appelle le fascisme.

Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste)
Mars 2020

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Les années 2010, dernière étape de la période-parenthèse ouverte en 1989

Nous voulons ici tirer un court bilan des années 2010, car même si les décennies n’ont pas de valeur en soi, elles permettent de contribuer à délimiter des tendances historiques, de se repérer plus aisément.

Nous tenons à rappeler ici une chose. Nous sommes issus d’une culture politique qui considère que, au milieu des années 1980, l’impérialisme n’est plus que réaction. Il représente à la fois la tendance inéluctable à la guerre et l’aliénation des plus larges masses dans la cadre d’une consommation capitaliste particulièrement développée.

Les syndicats sont alors une composante sociale-impérialiste du système capitaliste ayant développé l’intégration sociale sophistiquée des masses. Les masses sont plus qu’engourdies : elles voient leur esprit littéralement enterrée sous des mètres de corruptions, d’illusions consommatrices, de déformation massive de la personnalité.

À l’époque, pour qui n’était pas corrompu, les jeux étaient faits. On était une partie du système, ou on ne l’était pas. Soit on posait sa personnalité en liaison avec une culture à la fois alternative et antagoniste – soit on se faisait aspirer par la machine capitaliste.

La Fraction Armée Rouge disait avec justesse en 1982 :

« L’impérialisme ne dispose plus d’aucune perspective productive, positive ; il n’est plus que destruction. C’est là l’essentiel de l’expérience où s’enracine la nouvelle militance dans tous les domaines de la vie.

Cette expérience est vécue de façon matérielle dans la base économique de la vie, dans l’armement et la préparation de la guerre nucléaire, dans celle des conditions de vie naturelles et sociales, et à l’intérieur de l’individu lui-même, où l’aliénation et l’oppression s’expriment par une déformation massive et la destruction de toute la richesse individuelle de la pensée, de la sensibilité, de la structure de la personnalité.

La plupart en perdent tout espoir. L’impérialisme dans les centres a perfectionné et systématisé sa domination au point qu’ils ne trouvent plus la force de résister.

Taux de suicides en forte augmentation, fuite dans la maladie, l’alcool, les tranquillisants, les drogues, voilà la réaction à la réalité d’une longue histoire d’échecs, d’épreuves et de souffrances, de dépolitisation, alors que la violence extérieure n’est plus perçue comme la cause de tout cela.

Mais de cette dimension de la misère vient aussi la profondeur existentielle des luttes et la haine. Ce n’est plus l’explosion de colère, brève, spontanée.

Celle-ci s’est consumée au cours de ces années. Voilà le terrain sur lequel se développe maintenant le front révolutionnaire dans le centre. »

Il existe trois facteurs ayant rejeté cette situation dans le futur – précisément dans la période où nous sommes entraînés. Il s’agit de :

– l’effondrement du social-impérialisme soviétique ;

– le démantèlement de sa domination sur l’Europe de l’Est (et, relativement, en Asie), permettant une nouvelle vague d’accumulation capitaliste de la part des vainqueurs occidentaux ;

– l’intégration complète de la Chine social-fasciste dans le dispositif capitaliste mondial ;

– l’émergence de nouvelles capacités technologiques, avec l’informatisation et la robotisation.

Cela a permis une nouvelle immense vague d’accumulation capitaliste. Toutes les échéances étaient alors repoussées.

Cela a donné, dans les années 1990, l’illusion que le capitalisme était inébranlable et l’altermondialisme est alors apparu sur le devant de la scène comme seule alternative censée être possible, alors que l’Est européen se transformait en semi-colonies occidentales.

Puis, les années 2000 ont été marquées par d’immenses modifications technologiques généralisées – depuis les téléphones portables jusqu’à l’informatisation et internet – permettant au capitalisme d’affiner ses initiatives, de procéder à des modernisations, de relancer de nouvelles consommations, certains secteurs l’emportant sur d’autres.

Les années 2010 ont été le prolongement des années 2000, avec à la fois une consommation de masse encore plus élargie et, en même temps, un gouffre séparant une haute bourgeoisie aux mœurs toujours plus oligarchiques, décadentes, et les larges masses.

Pour nous, la période 1989-2019 n’a été qu’une parenthèse et c’est justement parce que telle a été sa nature qu’il y a eu un développement significatif des idéologies post-modernes, à l’initiative d’intellectuels identitaires produits par l’impérialisme (fondamentalisme islamiste, théorie du genre et LGBT, idéologie de la décroissance, etc.).

Les années 2010 ont comme aspect principal précisément d’aboutir à un retour aux années 1980, ou aux années 1930, ou aux années 1910, c’est-à-dire à une période où la bataille pour le repartage du monde est engagée, où le capitalisme s’enlise et n’est plus capable de satisfaire à ses propres exigences d’élargissement du profit.

Les années 2010 n’ont pas de valeur en soi, pas plus que la période allant de 1989 à 2019, au sens où, sur le plan de la définition révolutionnaire, c’est dans les années 1980 qu’ont été décidées les modalités de l’affrontement révolutionnaire. La période 1989-2019 n’a fait que repousser les échéances et approfondir les contradictions – les portant à un niveau plus haut, plus profond, plus aigu.

Quelles sont ces modalités ?

La première, c’est la compréhension du poids croissant de la subjectivité dans les métropoles impérialistes. Quelqu’un peut tout à fait comprendre les enjeux et la nature du système capitaliste, mais être tétanisé, écrasé par l’angoisse et capituler. La détermination révolutionnaire relève, non pas d’un choix, mais d’un engagement existentiel dans le processus de libération. Qui cède devant la corruption est emporté et voit sa personnalité déformée, jusqu’à la défaite.

L’idée de lever un drapeau rouge et de « militer » pour gagner des adhésions n’a strictement aucun sens. C’est une théâtralisation qui n’a rien à voir avec le travail monumental à réaliser : rétablir l’antagonisme, le préserver et trouver refuge dans son activité face à la corruption impérialiste. De la même manière, une révolte spontanée naissant comme réflexe objectif à l’exploitation, l’oppression, etc. ne peut aucunement former le terrain naturel des communistes. Il faut la médiatisation de l’esprit de rupture, d’antagonisme politique et culturel.

La seconde modalité, c’est la saisie que, grâce à l’ampleur du développement des forces productives, la contre-révolution dispose de davantage de moyens matériels de surveillance et d’études des contestations. Même si la bourgeoisie est une classe décadente, elle profite de davantage d’informations et d’analystes, ce avec quoi elle cherche à compenser sa propre décadence morale, psychologique, intellectuelle.

La troisième, c’est que le système impérialiste sait manier le principe des compromis, des solutions politiques et sociales, et ce en profitant d’une longue tradition remontant à 1945. Ici, le rôle particulièrement négatif des appareils révisionnistes – le PCF et la CGT, de nature sociale-impérialiste – est à souligner.

La quatrième, c’est l’importance du processus d’unité et de répulsion, de fédération et d’antagonisme des impérialismes. Le jeu des alliances se modifie, l’affrontement se convertit en rapprochements, et inversement, les impérialismes sont à la fois mutuellement liés et en conflit. La tendance à la guerre peut d’autant moins être spontanément saisie par les masses, elle exige une compréhension communiste et une détermination puissante pour oser faire face à la guerre impérialiste, par principe inéluctable dans le cadre d’un affrontement ayant pour but le repartage du monde.

La cinquième, c’est l’effondrement de la bourgeoisie comme classe dominante, avec une irruption systématique du relativisme et de la décadence. Cet effondrement contamine toutes les classes, et cela de manière extrêmement approfondie de par le développement des forces productives. Il suffit de voir la fascination morbide existant dans les couches populaires pour le luxe et l’esprit parasitaire.

La sixième modalité, c’est la perpétuelle recherche de chaque pays impérialiste d’effacer les déséquilibres au moyen de réformes gouvernementales, de modifications légères ou approfondies du régime, de propositions de changement « citoyen », de pseudo élargissement de la démocratie. Il ne s’agit là que de tentatives de relancer l’État en perte de vitesse dans sa nature de tampon entre les classes, au service des classes dominantes.

Il va de soi que les masses, endormies par la période 1989-2019, sont totalement en décalage avec les exigences historiques. On le voit avec la paralysie morale quant à la question animale pourtant désormais bien connue et l’incapacité à protester de manière réelle contre la destruction environnementale à l’échelle mondiale.

Il y a l’illusion que le système est finalement stable – on le voit avec la bataille contre la réforme des retraites lancée en décembre 2019 en France, comme si le monde n’aura pas entièrement changé d’ici 20, 30, 40 ans !

En vérité, les gens ne conçoivent pas que les choses puissent être différentes sur le plan qualitatif. Tout leur apparaît comme largement en continuité, avec plus ou moins d’acquis quantitatifs. Cela est vrai même des pseudos oppositions, soit de la gauche institutionnelle, soit des mouvements d’extrême-gauche : tous exigent un meilleur partage du gâteau. Aucun ne part du principe que le système va s’effondrer.

La seule mouvance qui a accepté de maintenir le principe d’effondrement inéluctable du capitalisme – celle, pour parler sommairement, autour de Julien Coupat – a vendu son âme, s’effaçant devant la CGT et les gilets jaunes… Comme on est loin de l’Autonomie ouvrière italienne de la fin des années 1970 qui servait de modèle stratégique pour l’affrontement généralisé !

C’est la preuve, surtout, que sans un haut niveau tant idéologique que culturel, la contamination par les mœurs impérialistes est inévitable, que l’opportunisme s’infiltre et devient le style dominant.

Le niveau d’exigence a augmenté sans commune mesure.

La différence est ici fondamentale avec les années 1980, période d’instabilité générale avec l’affrontement des superpuissances américaine et social-impérialiste soviétique en toile de fond. À l’époque, il existait des poches antagoniques, tels les squats, une mouvance contestataire restreinte mais engagée de manière commune, au-delà des différences, dans l’exigence de la rupture. La chose a été rendue impossible dans la période 1989-2019, tout ayant été asséché.

Il existe bien entendu encore des squats en France aujourd’hui, mais ils ne portent aucunement la démarche rupturiste des années 1980 et, à l’instar des ZAD, ils sont établis dans l’idée de vivre à côté du système. Il ne peut, de toutes façons, plus y avoir de poches isolées d’antagonisme, sorte de base arrière – il ne peut exister que des mouvements définis par l’autonomie prolétarienne portant un antagonisme et reconstituant le tissu prolétarien.

Par reconstitution du tissu prolétarien, nous n’entendons pas un réveil militant, une hausse des activités telles les grèves ou même un vote adéquat à telle ou telle élection. Nous entendons la prise en considération de sa nature prolétarienne par la classe elle-même.

Nous voulons dire par là : la fin de la passivité, la fin du regard passif, littéralement spectateur, des événements historiques, avec même le soutien au nationalisme et au populisme comme espoir de geler le cours du temps.

Il ne s’agit pas de défendre des « acquis » individuellement de manière collective – mais de partir de la nature de la classe ouvrière, de son rôle historique, de son aliénation et de son exploitation et donc de son antagonisme.

L’affrontement révolutionnaire jusqu’à l’insurrection est inscrite dans la classe ouvrière elle-même – le fait qu’elle ne l’assume pas rend son existence encore plus intenable alors qu’elle est broyée par le capitalisme.

Passive et abrutie, désorientée et culturellement à la traîne, idéologiquement inexistante et sans habitude de travail en direction de la prise du pouvoir, la classe ouvrière doit voir se rétablir chacun de ses secteurs, pas à pas, dans le processus de libération prolétarienne – par l’antagonisme.

C’est le sens de l’autonomie prolétarienne.

Lutter ensemble !

Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste)

Janvier 2020

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Le faux maoïsme, un exemple de diversionnisme

La contre-révolution, afin de bloquer la révolution autant qu’elle le peut, produit de multiples regroupements aux apparences révolutionnaires, ceci dans le but de provoquer des diversions et d’empêcher les luttes de classe de produire une synthèse historique de la situation et de former un processus révolutionnaire.

Par ces manœuvres de diversion, la contre-révolution forme des bases qui cherchent à attirer des secteurs des masses, pour les mener à la défaite, à l’inactivité, à l’aventurisme, à la capitulation.

Les exemples fameux de diversionnisme

Cette notion de diversion est l’un des grands apports effectués par Staline à la théorie de la révolution.

La diversion historique la plus célèbre est d’ailleurs celle du trotskysme, qui derrière une apparence ultra-révolutionnaire, prônait en réalité la capitulation de la jeune URSS. D’autres courants du même type se sont développés par la suite et c’est cet obstacle qui a été anéanti lors de la grande campagne révolutionnaire en 1937-1938 en URSS.

Un autre diversionnisme très connu est celui, en Chine populaire, de Lin Piao, qui cherchait à promouvoir de manière furieuse la pensée Mao Zedong durant la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, pour chercher en réalité à mener un coup d’État.

Il y a également le diversionnisme qui, durant la guerre d’Espagne, formait la cinquième colonne, c’est-à-dire une base arrière du fascisme au sein du camp démocratique. C’est au nom de revendications ultra-révolutionnaires que les agents objectifs du fascisme combattaient ardemment le Front populaire.

La nature historique du diversionnisme

Le diversionnisme est une opération de subversion de la révolution, et ce de l’intérieur.

Le diversionnisme est le fer de lance de la contre-révolution, par des éléments détachés dans le camp de la révolution elle-même, pour la saboter.

Le diversionnisme est un produit inhérent au mouvement dialectique de l’histoire ; il représente la dernière frontière, celle de la contre-révolution cherchant à détruire la révolution de l’intérieur. Le diversionnisme est porté par les saboteurs de l’intérieur de la cause révolutionnaire, qui prennent le masque de la révolution pour semer le trouble, la confusion, le désarroi.

Après la révolution, le diversionnisme est le sabotage du dernier recours tenté par la contre-révolution, son opération ultime. Avant la révolution, le diversionnisme est l’anticipation du diversionnisme d’après la révolution.

La méthode et la base du diversionnisme

Le diversionnisme n’est pas porté par des hommes d’idées, mais par des intellectuels cherchant à mimer les contenus révolutionnaires, que ceux-ci soient politiques, culturels ou idéologiques.

Pour ce faire, les diversionnistes agissent de manière pragmatique-machiavélique, ils ne reculent devant aucune manœuvre en sous-main, aucune bassesse sur le plan moral.

Ils copient, recopient, manient la paraphrase, cherchent à infiltrer les milieux révolutionnaires, à copier l’apparence du style révolutionnaire. Ils cherchent également à soudoyer les révolutionnaires en leur promettant un succès plus grand et rapide, en flattant leur vanité, en leur promettant des facilités concrètes, etc.

Il faut bien saisir que le diversionnisme n’est pas le fruit d’un révisionnisme idéologique, il n’est pas une ligne opportuniste de droite (ou de gauche) apparaissant dans le camp révolutionnaire, mais bien un produit entièrement extérieur, totalement nouveau à chaque fois, charrié par la contre-révolution.

Il s’appuie sur des petits-bourgeois ayant une prétention révolutionnaire, mais qui sont coupés des traditions et des normes communistes, hostiles à l’idée de soumettre à l’idéologie communiste et à sa formulation politique adéquate dans des conditions concrètes. Forts de leurs connaissances culturelles, ils débarquent littéralement sur la scène historique en se prétendant les seuls vrais porteurs de l’exigence révolutionnaire, en maquillant leurs faiblesses et leur confusion intellectuelle par un pseudo-activisme visant le bruit, le tapage, le scandale, l’outrance, etc.

Les composantes décomposées du diversionnisme

Le diversionnisme a une double nature : il est une composition d’éléments en décomposition. Cet aspect explique son caractère à la fois mutant et instable, toujours en quête d’adaptation et en même temps régulièrement formellement en crise.

Le diversionnisme repose ainsi toujours sur des éléments en décomposition politique, principalement :

– sur des éléments opportunistes cherchant à profiter intellectuellement de la révolution, pour se voir reconnaître un certain prestige ;

– sur des éléments inaboutis incapables de continuer à avancer et, par vanité, refusant de se soumettre aux exigences de l’avant-garde ;

– sur des éléments petits-bourgeois cherchant à se maintenir socialement en visant à former des petits royaumes indépendants parasitant la révolution ;

– sur des éléments fascinés par la révolution, mais viscéralement liés à la bourgeoisie et cherchant à « vaincre le mal par le mal » sans même souvent en avoir conscience ;

– sur des éléments corrompus par le 24 heures sur 24 du capitalisme et cherchant à former un espace révolutionnaire « acceptable » pour le système ;

– sur des intellectuels bourgeois comprenant le caractère inéluctable de la révolution et visant à se procurer des postes à l’avenir en se plaçant comme des représentants de la révolution.

Les différents degrés du diversionnisme

Les diversionnistes sont des produits pourris du capitalisme décadent ; leurs limites sont particulièrement marquées, leurs approches toujours bornées : un tel copie la révolution à 10 %, un autre à 50 %, d’autres copient la révolution à 40 %, etc. Les diversionnistes ne parviennent jamais à modifier leur propre définition interne, étant de simples sous-produits de la crise générale du capitalisme.

Cela est d’autant plus vrai dans une société capitaliste avancée, où il y a un niveau d’éducation relativement élevé et une petite-bourgeoisie importante ; cela est d’autant plus vrai avec un mode de production capitaliste en crise, amenant les très nombreuses et très différentes strates de la petite-bourgeoisie à s’agiter.

Le petit-bourgeois pris de rage, appui au diversionnisme

Le diversionnisme ne jouerait pas un rôle quelconque dans ses interventions s’il ne parvenait à se procurer une base active reposant sur des petits-bourgeois pris de rage, toujours oscillant et opportunistes, ne restant souvent qu’un temps dans les milieux révolutionnaires, mais suffisamment pour, de par leur alternance, fournir une sorte de contingent aux diversionnistes.

Le diversionnisme peut par là disposer de gens pour « jouer » aux révolutionnaires tout en niant toutes les normes communistes. Lénine constatait à ce sujet en 1920 dans La maladie infantile du communisme (le « gauchisme ») :

« On ne sait pas encore suffisamment à l’étranger que le bolchevisme a grandi, s’est constitué et s’est aguerri au cours d’une lutte de longues années contre l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois qui frise l’anarchisme ou lui fait quelque emprunt et qui, pour tout ce qui est essentiel, déroge aux conditions et aux nécessités d’une lutte de classe prolétarienne conséquente.

Il est un fait théoriquement bien établi pour les marxistes, et entièrement confirmé par l’expérience de toutes les révolutions et de tous les mouvements révolutionnaires d’Europe, – c’est que le petit propriétaire, le petit patron (type social très largement représenté, formant une masse importante dans bien des pays d’Europe) qui, en régime capitaliste, subit une oppression continuelle et, très souvent, une aggravation terriblement forte et rapide de ses conditions d’existence et la ruine, passe facilement à un révolutionnarisme extrême, mais est incapable de faire preuve de fermeté, d’esprit d’organisation, de discipline et de constance.

Le petit bourgeois, « pris de rage » devant les horreurs du capitalisme, est un phénomène social propre, comme l’anarchisme, à tous les pays capitalistes.

L’instabilité de ce révolutionnarisme, sa stérilité, la propriété qu’il a de se changer rapidement en soumission, en apathie, en vaine fantaisie, et même en engouement « enragé » pour telle ou telle tendance bourgeoise « à la mode », tout cela est de notoriété publique.

Mais la reconnaissance théorique, abstraite de ces vérités ne préserve aucunement les partis révolutionnaires des vieilles erreurs qui reparaissent toujours à l’improviste sous une forme un peu nouvelle, sous un aspect ou dans un décor qu’on ne leur connaissait pas encore, dans une ambiance singulière, plus ou moins originale.

L’anarchisme a été souvent une sorte de châtiment pour les déviations opportunistes du mouvement ouvrier. Ces deux aberrations se complétaient mutuellement.

Et si en Russie, bien que la population petite-bourgeoise y soit plus nombreuse que dans les pays d’Occident, l’anarchisme n’a exercé qu’une influence relativement insignifiante au cours des deux révolutions (1905 et 1917) et pendant leur préparation, le mérite doit en être sans nul doute attribué en partie au bolchevisme, qui avait toujours soutenu la lutte la plus implacable et la plus intransigeante contre l’opportunisme.

Je dis: « en partie », car ce qui a contribué encore davantage à affaiblir l’anarchisme en Russie, c’est qu’il avait eu dans le passé (1870-1880) la possibilité de s’épanouir pleinement et de révéler jusqu’au bout combien cette théorie était fausse et inapte à guider la classe révolutionnaire.

Le bolchevisme, dès son origine, en 1903, reprit cette tradition de lutte implacable contre l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois, mi-anarchiste (ou capable de flirter avec l’anarchisme), tradition qui fut toujours celle de la social-démocratie révolutionnaire, et qui s’était particulièrement ancrée chez nous aux années 1900-1903, au moment où étaient jetées les fondations d’un parti de masse du prolétariat révolutionnaire en Russie.

Le bolchevisme reprit et poursuivit la lutte contre le parti qui, plus que tout autre, traduisait les tendances de l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois, à savoir : le parti « socialiste-révolutionnaire », sur trois points principaux.

D’abord ce parti, niant le marxisme, s’obstinait à ne pas vouloir (peut-être serait-il plus exact de dire: qu’il ne pouvait pas) comprendre la nécessité de tenir compte, avec une objectivité rigoureuse, des forces de classes et du rapport de ces forces, avant d’engager une action politique quelconque.

En second lieu, ce parti voyait une manifestation particulière de son « esprit révolutionnaire » ou de son « gauchisme » dans la reconnaissance par lui du terrorisme individuel, des attentats, ce que nous, marxistes, répudions catégoriquement.

Naturellement, nous ne répudions le terrorisme individuel que pour des motifs d’opportunité. Tandis que les gens capables de condamner « en principe » la terreur de la grande révolution française ou, d’une façon générale, la terreur exercée par un parti révolutionnaire victorieux, assiégé par la bourgeoisie du monde entier, – ces gens-là, Plékhanov dès 1900-1903, alors qu’il était marxiste et révolutionnaire, les a tournés en dérision, les a bafoués.

En troisième lieu, pour les « socialistes-révolutionnaires », être « de gauche » revenait à ricaner sur les péchés opportunistes relativement bénins de la social-démocratie allemande, tout en imitant les opportunistes extrêmes de ce même parti, par exemple dans la question agraire ou dans la question de la dictature du prolétariat. »

Le faux maoïsme, diversionnisme le plus pervers

Il va de soi que de tous les types de diversionnisme, celui qui joue le plus grand rôle pour la contre-révolution a comme substance de chercher à imiter au mieux l’apparence de la révolution. A notre époque, il s’agit par conséquent du diversionnisme se prétendant maoïste.

Ce diversionnisme est très audacieux, car il prétend représenter de la meilleure manière la révolution, avoir davantage de contenu, de pratique, d’engagement, d’enthousiasme. Il prétend assumer réellement le maoïsme, l’assumer pleinement, entièrement, concrètement, etc.

Ce type de diversionnisme est bien sûr le plus pervers, car il consiste à lever le drapeau rouge contre le drapeau rouge.

Ce diversionnisme le plus perfectionné de tous vise à occuper le terrain qui devrait être celui du Parti de la révolution ; il cherche à siphonner les sympathisants de la cause révolutionnaire, il développe des formes d’actions étrangères à la révolution mais donnant l’illusion d’occuper un espace, de développer des activités concrètes, etc.

Ce diversionnisme profite de l’immense complexité du 24 heures sur 24 de la société capitaliste pour au moyen de la démagogie de la « facilité » et du spontanéisme, prôner des voies erronées censées être concrètes et non pas abstraites.

Pour qui a une solide formation idéologique et connaît la loyauté, la discipline prolétarienne, cela n’est que fausseté, un diversionnisme niant les difficultés, combattant les exigences idéologiques, culturelles, politiques et pratiques du marxisme-léninisme-maoïsme.

Cependant, le diversionnisme vise justement les éléments encore peu développés, ou bien ayant mal saisi tel ou tel aspect de la cause révolutionnaire. Il cherche à trouver des voies spectaculaires pour se donner une bonne image et cherche autant qu’il le peut des appuis chez les opportunistes, afin de profiter les uns des autres aux dépens de la révolution.

Et le diversionnisme voue une haine farouche à ceux qui le démasquent, il cherche à tout prix à dévaloriser les cadres communistes, à passer sous silence les avancées ou bien à les ridiculiser.

Cela a une valeur historique. Le diversionnisme est une réalité inévitable du capitalisme dans sa crise générale. Savoir l’évaluer adéquatement pour l’isoler, le méprise, le maîtriser, l’écraser, relève du processus d’avancée de la lutte des classes.

Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste)
Octobre 2019

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Les faux « maoïstes », un opportunisme régressif

« Mao, dans son Analyse des classes de la société chinoise (1926), oppose la lutte de la révolution à celle de la contre-révolution, avec la « bannière rouge de la révolution, levée par la IIIe Internationale, afin de rallier autour d’elle toutes les classes opprimées du monde; l’autre bannière est le drapeau blanc de la contre-révolution, et c’est la Société des Nations qui l’a levé afin de rallier autour d’elle toutes les forces contre-révolutionnaires du monde ».

Mao distingue les classes de la société chinoise en fonction de comment elles se décideraient, pour l’avancée de la révolution, entre la bannière rouge et la bannière blanche. Cela ne lui suffisait pas d’analyser la situation économique des différentes classes de la société chinoise. Faisait partie de son analyse également la prise de position des différentes classes par rapport à la révolution.

Il n’y aura pas de rôle dirigeant des marxistes-léninistes dans les futurs luttes de classes si l’avant-garde ne tient pas elle-même la bannière rouge de l’internationalisme prolétarien et si l’avant-garde ne répond pas elle-même à la question de savoir comment sera érigée la dictature du prolétariat, comment le pouvoir politique du prolétariat doit être exigé, comment le pouvoir de la bourgeoisie doit être brisé, si elle n’est pas prête avec une pratique à y répondre.

L’analyse de classe dont nous avons besoin n’est pas à faire sans pratique révolutionnaire, sans initiative révolutionnaire.

Les « revendications révolutionnaires de transition » que les organisations prolétaires ont posé ici et là, comme la lutte contre l’intensification de l’exploitation, la réduction du temps de travail, contre le gaspillage de la richesse sociale, pour le même salaire entre hommes, femmes et travailleurs immigrés, contre les cadences infernales, etc. – ces revendications de transition ne sont rien que de l’économisme syndicaliste, tant que n’est pas répondu en même temps à la question de savoir comment briser la pression politique, militaire et propagandiste qui se mettront de manière agressive au travers de la route de ces revendications si elles soulèvent des luttes de classe massives.

Mais après – si on en reste à elles – ce n’est plus que de la merde économiste, parce que pour elles cela ne vaut pas le coup de prendre en charge le combat révolutionnaire et de mener à la victoire, parce que « vaincre suppose que l’on accepte le principe selon lequel la vie n’est pas le bien suprême pour les révolutionnaires » (Debray).

On peut intervenir de manière syndicaliste avec ces revendications – mais « la politique trade-unioniste de la classe ouvrière est la politique bourgeoise de la classe ouvrière » (Lénine). Ce n’est pas une méthode d’intervention révolutionnaire. »

Fraction Armée Rouge: Sur la conception de la guérilla urbaine, 1972

Le maoïsme est apparu dans les années 1960 avec deux exigences ayant la même substance. Il fallait faire avancer la révolution en mobilisant les masses, cependant pour que cela puisse être fait, il fallait que celles-ci décrochent des institutions, tant de l’État que de l’économie capitaliste.

Sans cela, rien n’était possible. On pouvait bien sûr s’abstenir de vouloir la révolution et éventuellement revendiquer, gagner quelques acquis – mais aucunement, donc, changer les choses en profondeur. Le Parti Communiste Français s’est accommodé de cela, ainsi que les partis soutenant l’Union Soviétique en général. Mais pas les maoïstes.

Les exigences des maoïstes : l’initiative révolutionnaire

Les maoïstes ont exigé l’initiative révolutionnaire, et ce dans tous les domaines. La première organisation maoïste française, l’Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes), souligne l’importance de cette question en affirmant :

« Il faut constamment avoir à l’esprit les tâches générales que doit être capable de remplir un véritable Parti marxiste-léniniste ; le parti marxiste-léniniste doit :

1° être présent dans toutes les classes et couches du peuple, en prenant la direction de toutes les forces populaires qui luttent contre la réaction ;

2° organiser toutes les formes de lutte des classes (politique, économique, théorique, idéologique, armée…) »

UJC (ml) : Édifions en France un Parti Communiste de l’époque de la révolution culturelle (1967)

Il y a eu un style maoïste propre à chaque pays, sous la forme d’une manière d’exister au quotidien, avec des valeurs à part, une démarche de rupture. Ce sont les « naxalites » en Inde, les « brigadistes » en Italie, les « maos spontex » en France, les « Weathermen » aux États-Unis, les « prolétariens » au Bangladesh, etc.

En France, le film La Chinoise de Jean-Luc Godard retranscrit de manière très efficace le style maoïste français. On y voit aussi ses limites : l’origine étudiante de beaucoup de ses membres, avec également un certain volontarisme, une approche formelle des choses, etc.

C’est la raison pour laquelle les « maos spontex » français ont attiré l’attention du monde entier après mai 1968, pour toutefois s’effondrer dès le début des années 1970 alors que la vague maoïste s’élançait justement alors dans toute une série de pays.

L’économisme syndicaliste des faux maoïstes

Au milieu des années 1990, la revue trimestrielle Front Social était publiée de manière relativement confidentielle, avec quelques centaines d’exemplaires. Cependant, elle a joué un rôle significatif en reconstruisant le maoïsme français et en en corrigeant les défauts.

La revue avait été fondée par un petit cercle de gens issus de la Gauche Prolétarienne, du mouvement autonome de la fin des années 1970, ainsi que de jeunes prônant la rupture et valorisant l’expérience révolutionnaire des années 1980 tels que les autonomes allemands.

Cela a changé la donne, car les vieux restes du maoïsme français entrés en totale décadence se cantonnaient dans une ligne de « CGT lutte de classes » absolument incompatible pourtant avec ce qu’a été le maoïsme.

Avoir changé la donne ne signifie pas qu’il y ait victoire complète. Ainsi, le développement de Front Social, son saut qualitatif aboutit au PCF (MLM), mais de manière entièrement séparée des restes décadents du maoïsme français.

Pour cette raison, la ligne « CGT lutte de classe » se retrouve encore aujourd’hui dans toute une série de groupes et structures se revendiquant en France de Mao Zedong ou bien du maoïsme.

C’est absurde. Comment peut-on se dire maoïste et soutenir la CGT, alors que celle-ci été le principal obstacle à mai 1968 ? Elle a été l’outil du PCF considéré par les maoïstes comme réactionnaire ! Elle fait partie, de manière complète, des institutions économiques capitalistes et étatiques !

Le suivisme et les prétentions des faux maoïstes

Les faux maoïstes ne vivent que de l’actualité de la CGT, des manifestations et des « mouvements sociaux », quand ils ne cherchent pas à parasiter tel ou tel phénomène à la mode, que ce soit en France ou à l’étranger.

C’est la raison pour laquelle on a l’absurdité de leur célébration d’un phénomène comme les gilets jaunes, alors que s’il y a une chose éloignée des gardes rouges, c’est bien eux.

Tout cela sert la prétention par les « faux maoïstes » de former une ligne de masses ayant du succès. Or, c’est vain. Les faux maoïstes ne touchent que superficiellement les choses et les gens. Et si en de rares occasions, ils parviennent à faire se bouger des gens, cela ne donne pas du mao spontex, mais du spontex toujours moins mao.

C’est qu’on n’affronte pas à coups de volontarisme le 24 heures sur 24 du capitalisme aliénant et exploitant le prolétariat métropolitain.

Le pillage intellectuel superficiel

Une autre caractéristique des faux maoïstes est le parasitage du PCF (MLM). Profitant du fait que nous refusons de céder aux sirènes du légalisme et des réseaux sociaux, du syndicalisme et du suivisme aveugle de tout ce qui bouge, les groupes et structures faux maoïstes se prétendent la faction la plus efficace sur le terrain, tout en jouant d’ambiguïtés dans leurs expressions idéologiques.

En clair, les faux maoïstes font semblant d’assumer ce que nous assumons, tout en disant que nous ne faisons rien, voire que nous n’existons pas. C’est absurde, mais une telle démarche permet de toucher les petits-bourgeois radicalisés cherchant à jouer avec le feu. Cela ne va pas sans incohérences, bien entendu.

Tel groupe se revendique de la guerre populaire. Cela implique une compréhension de la violence autre que symbolique. Mais il ne connaît ni la RAF, ni les Brigades Rouges, ni le PCE(r), ni les CCC. C’est totalement incohérent.

D’ailleurs, pour donner un exemple significatif, nous avions eu une discussion avec le Parti Communiste Maoïste d’Italie, qui existe depuis les années 1970 à travers différents noms. Nous leur avons dit : bon, c’est bien beau, mais, et les Brigades Rouges ? La réponse fut la stupeur de leur part et depuis une haine farouche à notre égard.

Tel autre groupe dénonce le PCF (MLM) comme une petite secte uniquement composée de personnes juives. Cela ne l’empêche pas de pratiquer, lui aussi, la démarche de la copie conforme dans l’apparence. Citons un de ses documents, datant du 1er septembre 2019. On y trouve des concepts empruntés au PCF (MLM) : écocide, biosphère, démocratie populaire, ainsi que le principe de la vie comme richesse la plus précieuse de la nature.

« Les régimes socialistes n’ont pas toujours su poser avec discernement la question de l’écologie, prisonniers qu’ils étaient entre des clés de compréhension primitives des écosystèmes et d’un impératif de tenir le rythme imposé par les agresseurs capitalistes.

Cela n’enlève en rien le fait qu’ils ont été les premiers à poser la question de la biosphère et d’un développement harmonieux de l’économie par rapport à la nature. Celle-ci n’était plus considérée comme une marchandise, mais comme une source de richesses, dont la vie était la plus précieuse.

En dépit des failles qu’on put connaître ces régimes pionniers ils forment la « voie étroite vers la survie ». Une véritable économie de guerre contre l’écocide et la dévastation de l’environnement.

Soyons unitaires sur cette question en dépit de nos divergences :

Il existe une quantité de questions sur la production industrielle, alimentaire, sur les perspectives pour l’ensemble de l’espèce humaine et de la planète. Les perceptions diffèrent en fonction des individus, des groupes politiques et sociaux, des idéologies. Nous ne pensons pas que notre organisation doit, de manière autoritaire, imposer un point de vue sur cette question, qui relève de la démocratie populaire. »

On ne peut qu’être estomaqué d’un tel pillage. Mais telle est la démarche arrogante de vagues régulières de gens voyant la lumière, mais n’assumant pas tel ou tel aspect. Cela produit des démarches prétentieuses s’imaginant pouvoir contourner le problème et vaincre, en mettant sous le tapis ce qui « dérange ».

L’incapacité à assumer Staline et le matérialisme dialectique

Le fond du problème des faux maoïstes est qu’ils utilisent Mao Zedong comme prétexte à un syndicalisme révolutionnaire de type économiste ou bien à un spontanéisme de type anarchiste.

Les faux maoïstes, c’est un Mao Zedong imaginaire, sans Staline, sans Lénine, sans Engels, sans Marx. C’est un fantasme emprunté au folklore des années 1960. C’est le vide culturel et idéologique, le comble quand on pense que le maoïsme, c’est la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

Citons ici une critique faite à notre encontre en janvier 2012, témoignant de l’incompréhension complète de l’idéologie de l’URSS de Staline et de la Chine populaire de Mao Zedong :

« Le p « c » « mlm » prétend détenir la vérité dans tous les domaines, être le parti de la science.

Il avance la thèse de l’inéluctable marche vers le communisme de l’Univers et d’autres déclarations délirantes du même acabit. »

Comment peut-on dire qu’on est maoïste et balayer d’un revers hautain, pétri par l’arrogance, le noyau même du matérialisme dialectique, du maoïsme ?

Un opportunisme régressif

Les faux maoïstes sont un phénomène consistant en un opportunisme régressif. C’est soit un néo-anarchisme, soit un néo-syndicalisme révolutionnaire. C’est soit de l’aventurisme sans lendemain, soit de l’économisme ennuyeux et sans valeur.

Car on n’avance pas en faisant du suivisme à tout ce qui bouge et en cherchant, comme les trotskistes, à se présenter comme la faction la plus radicale. On n’avance pas non plus en cherchant à tout prix une reconnaissance par les réseaux sociaux, les médias ou bien par des regroupements révolutionnaires étrangers plus ou moins importants.

Tel groupe a, par exemple, changé maintes fois de nom, pour chercher successivement une reconnaissance par le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste regroupant différentes structures maoïstes, puis les maoïstes du Pérou, ensuite du Népal, enfin de Turquie et d’Italie. Cela fait beaucoup.

Tels autres groupes cherchent une reconnaissance par le MLPD, un équivalent « marxiste-léniniste » de Lutte Ouvrière en Allemagne. C’est là chercher à contourner les questions de fond.

Les caractéristiques du maoïsme authentique

Le maoïsme authentique produit des analyses matérialistes historiques de la société française. Il a une fidélité intellectuelle et culturelle aux classiques du communisme : MARX, ENGELS, LÉNINE, STALINE, MAO ZEDONG. Il assume l’intervention révolutionnaire en la calibrant en fonction de ces analyses.

Le maoïsme authentique est porté par des personnes assumant la rupture avec les valeurs du vieux monde et brûlant d’envie de transformer la réalité, par besoin existentiel d’affirmer le Communisme.

Le maoïsme authentique soutient que la matière éternelle va au Communisme, de par la nature dialectique de son mouvement.

Le maoïsme authentique affirme par conséquent l’optimisme révolutionnaire le plus résolu, forgé dans la certitude de la victoire !

Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste)
Septembre 2019

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La cause animale, un besoin de Communisme, une aire de l’antagonisme

Nous voulons ici parler de la cause animale, en tant que question relevant, selon nous, du Communisme. C’est là une démarche sous-jacente à notre identité politique depuis plus d’une décennie déjà, car nous sommes un courant politique portant une grande attention à la question de la vie quotidienne.

Tout au long des années 1980-1990, le véganisme est apparu dans une partie de la scène punk anglaise et américaine, ainsi que dans le mouvement autonome et les squats en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, en Suède, etc.

Il s’agit là de révoltes sociales authentiques au cœur des métropoles impérialistes. Il ne s’agit pas de phénomènes marginaux, se déroulant de manière séparée de la société. Il s’agit là de mouvements nés au cœur de l’antagonisme tel qu’il est possible dans les métropoles impérialistes.

Le poids croissant de la subjectivité dans les métropoles impérialistes implique l’affirmation consciente d’une rupture et celle-ci est totale dans sa définition même. Sinon, elle n’existe pas. Il ne peut pas en être autrement.

La RAF a bien formulé en 1982 la mentalité de ceux et celles choisissant, et ce forcément en pleine conscience, la rupture, déterminant leur identité dans la confrontation, nécessairement entière :

« L’opposition fondamentale en a plus que jamais terminé avec ce système. Elle est froide, sans illusions, inatteignable par l’État (…). Ce n’est qu’au-delà de la fin du système qu’une perspective de vie est concevable.

L’impérialisme ne dispose plus d’aucune perspective positive, productive ; il n’est plus que destruction. C’est le noyau de l’expérience à la racine de la nouvelle militance dans tous les domaines de la vie.

Une expérience matérielle avec les fondements de la vie économique, dans la course aux armements et les plans de guerre atomique, dans les conditions de vie naturelle et sociale…

Et dans la personne elle-même, sous la forme concrète de l’aliénation et de l’écrasement par la déformation massive et la mise à mort de la richesse individuelle de la pensée, du ressenti, de la structure de la personnalité. »

Le ressenti par rapport aux animaux s’appuie sur l’affirmation de la dignité du réel. Pour cette raison, il y a convergence dans les identités et les démarches de ceux et celles entendant vivre en rompant avec les valeurs dominantes. C’est le principe de lutter ensemble.

Il a toujours été clair pour nous que les affirmations de la cause animale, telles que posées par l’Animal Liberation Front, l’Animal Rights Militia et toutes les structures clandestines et offensives du même type, relèvent de la bataille pour la libération. Il s’agit d’une composante de la révolte générale contre le système dominant et ses valeurs.

Le véganisme : une contradiction au sein du peuple

Nous n’avons jamais fait du véganisme un critère d’appartenance à notre organisation. Nous avons considéré que ce serait là une erreur. Nous avons abordé le thème de manière culturelle, pourtant nous n’en avons jamais fait un critère discriminant.

Dans nos rangs, le véganisme apparaît toutefois depuis bien longtemps comme une sorte de norme, qui ne saurait être imposée, mais à laquelle on a vite fait d’appartenir. Nous avons ici appliqué la même approche que dans le mouvement autonome allemand des années 1990 : le véganisme ne peut pas être exigé, mais il est interdit de le critiquer.

Nous avons considéré que c’était là la meilleure option, car le véganisme est ce qu’on appelle une « contradiction au sein du peuple ». La notion est de Mao Zedong et désigne ce dont le peuple doit débattre, car en son sein il y a des opinions divergentes, exigeant rencontres, échanges, apprentissages, choix.

C’est le peuple lui-même qui doit faire l’expérience du véganisme, en débattre, se l’assimiler, se l’approprier concrètement, l’appliquer. Si le véganisme est une démarche historiquement correcte, alors le peuple l’assumera. C’est le peuple qui fait l’histoire. Tout est une question de déclics et ceux-ci ne peuvent pas s’imposer.

Cela ne veut nullement dire que le peuple peut lui-même formuler le véganisme. Cela serait croire en la spontanéité. Cela amène d’ailleurs des gens à se décourager et à penser que puisque le peuple ne peut pas, de lui-même, affirmer de manière formelle le véganisme comme démarche systématique, alors cela lui est extérieur, pour toujours. C’est là incorrect, car les idées ne peuvent être synthétisées que par le Parti. C’est la base du Socialisme : les idées viennent de l’extérieur de la classe, elles sont synthétisées par l’avant-garde.

Toute la difficulté est ici de combiner une affirmation avec ce qui doit être aussi seulement une proposition, à éventuellement accepter. Il faut à la fois être démocratique – car le peuple décide – et présenter les choses de manière suffisamment avancée pour présenter l’alternative.

C’est une contradiction et en ce sens c’est un moteur pour avancer. En tant qu’avant-garde, nous avons donc saisi la question du véganisme depuis bien longtemps, bien avant que cela n’émerge dans la société comme phénomène de masse. Nous avons été à la hauteur de nos ambitions et de nos exigences politiques. Personne ne peut ici nier notre caractère avant-gardiste.

Le Communisme pour tout le monde

Nous avons ainsi laissé l’option ouverte concernant le véganisme, même si nous considérons que tendanciellement, il y a deux raisons pour laquelle c’est une démarche ayant une pertinence substantielle. La première, c’est que comme l’a formulé Mao Zedong :

« Ou bien il y aura le Communisme pour tout le monde, ou bien pour personne. »

Partant de là, nous voyons mal pourquoi les animaux échapperaient au mouvement général de la matière éternelle allant au Communisme. Tout va au Communisme, c’est la base du matérialisme dialectique.

La matière évolue et étant inépuisable, elle s’appuie sur elle-même pour devenir plus complexe. Procédant par sauts, par synthèses, elle développe des formes plus approfondies, plus développées.

L’histoire de la matière vivante le montre bien. Rien n’est statique, la vie devient davantage complexe, avec plus de sensibilité, plus d’intelligence, plus d’actions et d’interactions, développant des liens plus avancés avec son environnement. Cela est vrai en général, avec la matière vivante comme force matérielle générale, comme en particulier, pour chaque être vivant.

Le processus ne s’arrête jamais.

L’exploitation de l’Homme par l’Homme a été une nécessité historique pour développer les forces productives. Cela a été un moyen temporaire. Cela s’efface devant la société communiste.

Lorsque le grand savant soviétique Vladimir Vernadsky parle dans les années 1920-1940 de la planète comme Biosphère, ainsi que de l’autotrophie de l’humanité – c’est-à-dire d’une existence humaine sans exploitation de la matière vivante – il parle clairement du Communisme comme tendance planétaire.

En ce sens, la matière vivante n’aura logiquement plus, à terme, le besoin de s’utiliser elle-même. À un certain degré de développement, la suppression d’êtres vivants par d’autres êtres vivants, afin de pouvoir exister, sera dépassé. C’est d’ailleurs le seul justificatif qui puisse y avoir au véganisme comme manière universelle d’exister à l’avenir.

La seconde raison, c’est que s’opposant aux guerres de conquête, l’affirmation du Socialisme s’allie forcément au refus de faire du mal à des êtres vivants. Le pacifisme et le végétarisme étaient des courants de pensées présents, dès le départ, dans le mouvement ouvrier.

Pour formuler la chose concrètement, nous voyons mal comment une révolution pourrait amener la socialisation des abattoirs. Il le faudra bien, mais pour s’en débarrasser, parce que personne ne voudra à terme y travailler. Il n’y a rien d’épanouissant à assassiner en série, c’est tout simplement indigne, psychologiquement insoutenable.

Nous ne voulons toutefois pas cantonner la cause animale dans un refus du meurtre. Cela serait unilatéral. Nous nous opposons à ce que dit l’Union Communiste (trotskyste), connue sous le nom de Lutte Ouvrière, dans son exposé « Cause animale, véganisme et antispécisme », publié dans son organe théorique Lutte de Classe de juillet-août 2019.

Il y est dit :

« Si la cause animale est de plus en plus prise en considération, cela tient d’abord à l’écœurement et à la révolte devant les conditions ignobles d’élevage, de transport et d’abattage des animaux destinés à l’alimentation humaine, et nous ne pouvons que partager cette indignation. »

Notre considération est tout à fait différente : nous pensons que la cause animale exprime un besoin de Communisme.

La réaffirmation du caractère sensible de l’humanité

Pour le matérialisme dialectique, l’être humain est un animal, qui a développé des facultés particulières, mais qui reste de la matière vivante parmi l’ensemble de la matière vivante. Comme le grand matérialiste Spinoza l’a parfaitement formulé, l’humanité n’est pas « un empire dans un empire ».

L’humanité, en émergeant historiquement et en éveillant sa prise de conscience d’elle-même, a fait un fétiche de sa propre apparition matérielle. Cela a produit l’anthropocentrisme. Celui-ci s’est systématisé notamment avec les religions.

Le mode de production capitaliste approfondit cette démarche, en séparant radicalement les villes et les campagnes. Cela a encore davantage éloigné l’humanité de la nature et donc l’humanité d’elle-même, puisque l’être humain est un animal et relève donc de la nature.

Le mode de production capitaliste a ainsi déformé l’humanité pour s’affirmer. Il l’a radicalement séparé des autres animaux, de la végétation, de l’océan, des montagnes, des collines, etc. L’être humain vivant dans le mode de production capitaliste est pétrifié dans l’urbanisation.

Le Socialisme est le renversement de cette pétrification, par le dépassement du mode de production capitaliste. Ce n’est pas un retour en arrière, mais un saut consistant en la réaffirmation du caractère sensible de l’humanité, de sa nature matérielle, en tant que matière vivante. Karl Marx, dans ses Manuscrits de 1844, explique ainsi que :

« Le communisme, comme abolition positive de la propriété privée – celle-ci étant aliénation de soi humaine – et, par conséquent, comme appropriation réelle de l’essence humaine par et pour l’être humain, donc comme retour complet, conscient et à l’intérieur de toute la richesse du développement antérieur, de l’être humain pour soi en tant qu’être humain social, c’est-à-dire comme être humain qui est humain.

Ce communisme est comme naturalisme achevé = humanisme, et en tant qu’humanisme achevé = naturalisme.

Il est la véritable dissolution du conflit de l’être humain avec la nature et avec l’être humain, la véritable dissolution de la dispute entre l’existence et l’essence, entre l’objectivation et l’auto-affirmation, entre la liberté et la nécessité, entre l’individu et le genre.

C’est l’énigme résolue de l’histoire et elle sait qu’elle en est sa solution. »

Nous pensons que reconnaître les animaux, c’est pour l’humanité se reconnaître elle-même, admettre sa propre sensibilité, son propre caractère entièrement matériel. C’est la grande récupération de ce qui a été déformé par le mode de production capitaliste, mais avec comme perspective l’avenir collectivisé.

L’animalité, un besoin de communisme

L’être humain est lui-même un animal. Son parcours historique sur la planète l’a amené à connaître un développement social avancé. La cause animale n’a donc de sens que si on la considère de manière juste, c’est-à-dire en considérant cette question en posant l’être humain lui-même comme un animal.

Pour nous, poser la question de l’animalité ce n’est pas seulement poser la question du rapport de l’être humain à l’animal, mais aussi celle de l’être humain à lui-même, comme animal.

Pour nous, disciples de l’enseignement de Karl Marx, il y a un besoin toujours plus universel de se rapprocher des animaux, de la nature.

Cela est sous-jacent à la séparation qu’a réalisé le mode de production capitaliste entre les villes et les campagnes. Le Socialisme vient dépasser cette situation historique. La cause animale et l’écologie sont des phénomènes parallèles correspondant à l’exigence de ce dépassement. Il s’agit d’une expression du besoin de Communisme.

L’humanité cherche dialectiquement à revenir à elle-même, mais en s’étant développée et donc, en même temps, dialectiquement, transformée. Elle porte en elle le besoin de revenir à sa propre nature, qui en même temps est nouvelle, sociale, et se pose comme réalité communiste.

Les deux obstacles au Communisme

L’affirmation de l’animalité humaine a toujours dû faire face à la religion. Cette dernière a cependant un double caractère particulièrement marqué, puisqu’elle est à la fois le rejet de l’animalité et en même temps son affirmation totalement déformée. De par son appel à aller au Paradis, la religion s’appuie sur des dynamiques du communisme primitif. Elle est un opium du peuple.

Il en va différemment de deux obstacles actuels au Communisme.

Tous les courants philosophiques idéalistes – fascistes, ainsi que bourgeois – modernistes contemporains, s’acharnent à nier la nature humaine comme animale-socialeet encore plus le fait qu’elle s’affirme justement dans la bataille pour la libération prolétarienne.

C’est un point très important. Le fascisme affirme que l’être humain est avant tout une brute, répondant à un besoin vitaliste de dominer ; l’idéologie libérale prétend que l’émancipation individuelle est par définition la négation de l’animalité humaine et de la nature.

1. Nous pensons ici que le fascisme italien et que le national-socialisme allemand ont justement triomphé en raison de cette sous-estimation fondamentale de cet aspect de la révolution socialiste qu’est l’appropriation de l’humanité par elle-même.

La démagogie des idéologies fascistes s’est appuyée sur le rejet de la « grande ville ». L’idéalisme fasciste prétend régénérer l’être humain, organiser une révolte contre la machine, contre le monde moderne. Sa démagogie vise à enlever le sol revenant au Communisme et faisant sa force historique.

2. L’idéologie libérale du capitalisme avancé prône des solutions ultra-individualistes comme émancipation censée être authentique, au nom du rejet complet de l’universel, de l’affirmation unilatérale du particulier. Le mode de production capitaliste a besoin de consommateurs ayant chacun leur « identité » propre.

Ces deux obstacles sont des ennemis de l’affirmation de l’être humain comme animal social.

La cause animale et son affirmation positive

Il va de soi que la condition animale au 21e siècle, totalement ignoble, révulse une partie significative des masses. Ce n’est pas pour rien que le mode de production capitaliste cache les abattoirs et les laboratoires pratiquant l’expérimentation sur les animaux.

Mais c’est la petite-bourgeoisie seulement qui réduit la cause animale à cet aspect, car elle espère freiner le capitalisme et c’est là pour elle un vecteur pour essayer de le faire.

L’aspect principal de la cause animale, sa substance même, est en réalité un rapport positif aux animaux.

Les démarches associatives comme celle de l’association L214 ne sont que des expressions petites-bourgeoises de panique devant le triomphe général du mode de production capitaliste, devant ses immenses capacités d’accumulation.

Cela se lit de manière nette dans les postures morbides, les discours culpabilisateurs résolument sinistres, l’absence de toute perspective utopique, le rejet de toute lecture de classe, l’acceptation de la domination totale et pour toujours du capitalisme, etc.

Nous ne parlons pas ici de la base des sympathisants de mouvements comme la ZAD ou l’association L214, car leur moteur est souvent une volonté de vivre différemment, dans le sens d’un besoin de Communisme. Mais cela est détourné par la petite-bourgeoisie.

Le moteur de la cause animale, c’est la sensibilité et l’universalité de cette sensibilité. C’est une affirmation matérielle, qui par conséquent doit assumer une démarche matérialiste. La cause animale, c’est celle de la matière vivante en générale et de son besoin de Communisme.

La cause animale et la dignité du réel

Nous avons cité le document de l’Union Communiste (trotskyste), connue sous le nom de Lutte Ouvrière,sur la cause animale, car c’est selon nous un signe que la question est désormais posée ouvertement, qu’une certaine maturité a été atteinte par la société. C’est pourquoi nous l’abordons désormais de manière si ouverte. Nous considérons qu’il fallait qu’un cap soit passé.

Peut-être cela a-t-il été une erreur, car nous connaissons la question de manière concrète depuis plus d’une décennie, cependant le matérialisme historique explique qu’il y a un temps pour tout.

Et justement, de manière dialectique, le futur a aussi ses exigences aujourd’hui. Si l’on admet que demain il faudra aborder de manière différente la question animale, alors il faut le faire tout de suite, sinon c’est nier l’avenir.

On ne peut pas aborder la question animale et nier la dignité du réel. On ne peut pas dire : la souffrance s’arrêtera demain, tout en acceptant la souffrance d’aujourd’hui. On ne peut pas dire : demain les gens ne mangeront plus de viande et continuer soi-même à le faire.

L’identité révolutionnaire s’affirme précisément dans la contradiction entre aujourd’hui et demain. La dignité du réel, c’est l’affirmation du besoin de Communisme !

L’Union Communiste (trotskyste), connue sous le nom de Lutte Ouvrière, a donc tort d’affirmer dans son document qu’on ne sait pas à quoi ressemblera le rapport aux animaux demain :

« Comment les hommes d’une société communiste organiseront-ils la production de nourriture ? Continueront-ils à produire et à manger de la viande ? Se contenteront-ils de produits végétaux, abandonneront-ils même complètement l’agriculture et l’élevage et choisiront-ils de se nourrir de produits synthétiques ?

Nous ne savons pas comment évolueront les rapports entre humains et animaux sous le communisme. La seule chose que nous pouvons affirmer avec certitude est que ce sera complètement différent d’aujourd’hui, et que nous sommes totalement incapables d’imaginer ce que ça pourra être ! »

Dire que tout va changer, mais refuser de changer soi-même dès aujourd’hui, ne tient pas une seule seconde. L’Union Communiste (trotskyste), connue sous le nom de Lutte Ouvrière, expose ici son incapacité à porter le Communisme humainement, tant subjectivement que matériellement.

Le Communisme n’est pas une société idéale se réalisant mécaniquement dans un horizon messianique. Il se formule dès à présent comme exigence historique devant se réaliser.

Le matérialisme dialectique permet justement la compréhension de la réalité et de ses exigences.

En l’occurrence, la contradiction villes-campagnes – comprise dans le sens de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong – permet bien de voir que la guerre à la nature cessera inéluctablement.

L’être humain reprendra sa place dans le mouvement général de la matière vivante, dépassant la situation de développement inégal qui l’a caractérisé. D’ailleurs, à l’échelle planétaire, l’humanité n’aura eu une évolution particulière que pendant une période extrêmement courte.

La classe ouvrière est en ce sens bien la classe la plus révolutionnaire de l’Histoire : elle va amener l’humanité à un nouveau rapport avec l’ensemble de la planète elle-même. L’ennemi à vaincre est, pour cette raison même, d’une ampleur inégalée.

Consommation aliénée et production aliénante

La question du véganisme se relie à celle de la vie quotidienne dans une société particulièrement développée, particulièrement organisée, particulièrement encadrante. La société, caractérisée par le 24 heures sur 24 de la domination du capitalisme, forme un obstacle énorme à la prise de la conscience de la réalité, mais également au fait d’en arriver à une action concrète.

Le poids croissant de la subjectivité dans la métropole impérialiste s’explique par le fait qu’il ne suffit pas de comprendre le capitalisme pour arriver à la rupture : il faut la choisir, la porter humainement.

Beaucoup de gens voient et fuient. Beaucoup de gens choisissent de ne pas voir.

C’est pratiquement une contre-révolution préventive, au moyen du temps brûlé pour des choses secondaires voire inutiles, de l’esprit accaparé par autre chose, de l’énergie psychique investie sur des fétiches ou bien au contraire totalement éparpillée, etc.

Avec la consommation capitaliste, il y a toujours quelque chose à faire, y compris pour perdre son temps.

À cela s’ajoute le noyau dur de l’exploitation capitaliste, qui brise les esprits et les corps, qui épuise mentalement, qui aliène. Karl Marx nous dit dans Le capital :

« L’analyse de la plus-value relative nous a conduit à ce résultat : dans le système capitaliste toutes les méthodes pour multiplier les puissances du travail collectif s’exécutent aux dépens du travailleur individuel ; tous les moyens pour développer la production se transforment en moyens de dominer et d’exploiter le producteur : ils font de lui un homme tronqué, fragmentaire, ou l’appendice d’une machine ; ils lui opposent comme autant de pouvoirs hostiles les puissances scientifiques de la production-, ils substituent au travail attrayant le travail forcé ; ils rendent les conditions dans lesquelles le travail se fait de plus en plus anormales et soumettent l’ouvrier durant son service à un despotisme aussi illimité que mesquin (…).

Il en résulte que, quel que soit le taux des salaires, haut ou bas, la condition du travailleur doit empirer à mesure que le capital s’accumule.

Enfin la loi, qui toujours équilibre le progrès de l’accumulation et celui de la surpopulation relative, rive le travailleur au capital plus solidement que les coins de Vulcain ne rivaient Prométhée à son rocher.

C’est cette loi qui établit une corrélation fatale entre l’accumulation du capital et l’accumulation de la misère, de telle sorte qu’accumulation de richesse à un pôle, c’est égale accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même. »

On est ainsi pris entre Charybde et Scylla. Plus le capitalisme se développe, plus sa consommation enferre les gens dans de véritables prisons mentales, les dispersant comme individus consommateurs. Et pour cela, il y a davantage d’engagement des travailleurs dans la production, ce qui les amène à être encore plus aliénés, brisés.

Il est d’autant plus marquant que le véganisme s’exprime avec cette situation à l’arrière-plan. La cause animale parle des animaux, de manière universelle. Ce n’est pas un mouvement identitaire proposant une fuite individualiste (religions, communautarismes ethniques, LGBT, etc.) comme le capitalisme en propose tant.

La cause animale implique une transformation de toute la vie quotidienne, elle se définit par une critique des conditions existantes et a comme exigence un avenir censé être radieux. Son irruption historique comme thème dans l’ensemble de la population est ainsi bien plus qu’une anomalie : c’est un signal d’une déchirure dans tout le mode de production capitaliste. Cela se lit dans sa dimension culturelle.

La contestation et sa dimension culturelle

La France, une puissance impérialiste majeure, peut tout à fait se permettre d’avoir une pseudo-opposition contestataire, même à prétention révolutionnaire. L’Union Communiste (trotskyste), connue sous le nom de Lutte Ouvrière, dans le texte cité, prend cela comme argument pour rejeter la « mode vegan » :

« Le capitalisme est en train de « digérer » le véganisme, comme il a digéré bien des modes précédentes qui pouvaient apparaître comme contestataires. Car il est capable de tout digérer sauf la révolution prolétarienne ! Avec tout ce qui ne le remet pas en cause, il y a toujours moyen de faire des affaires. »

On peut utiliser comme contre-argument que lors de l’élection présidentielle de 2002, Arlette Laguiller de l’Union Communiste (trotskyste), connue sous le nom de Lutte Ouvrière, recevait plus de 1,6 million de voix et Olivier Besancenot, de la Ligue communiste révolutionnaire, plus de 1,2 million. Cela n’a rien apporté, ni rien changé. Et cela n’a évidemment même pas duré.

Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait pas de dimension culturelle. Or, le véganisme est justement une culture. Le véganisme pose une question concrète. On ne peut pas se dire vegan et ne pas l’être, sans que cela ne se voit. Il y a une dimension jouant dans toute la vie quotidienne, dans le rapport aux animaux, morts comme vivants. Il y a des principes stricts s’appuyant sur une morale, ce qui se heurte aux traditions, aux réactionnaires, aux normes dominantes.

Un tel caractère strict peut en partie être utilisé par le capitalisme sur le plan de la consommation, mais s’il porte l’universel, alors c’est la confrontation, inévitable. Les vegans assumant leur démarche de manière authentique savent d’ailleurs très bien que leur dynamique, portée dans son entièreté, signifie la guerre aux valeurs dominantes, au système en tant que tel.

En ce sens, cela converge avec l’affirmation de la rupture dans les métropoles impérialistes !

Le capitalisme ne se laisse pas ébranler par des « mouvements sociaux », des revendications économiques, des manifestations ni même par des protestations, voire des grèves. Sans dimension culturelle et sans aspect politique, toute contestation s’enlise inéluctablement. C’est un simple constat que l’on peut faire depuis les années 1950 et l’émergence du capitalisme dans sa forme moderne, tout à fait développée.

Il a fallu le mouvement hippie pour que les États-Unis connaissent une véritable opposition interne d’ampleur significative et il en va de même en Allemagne de l’Ouest où c’est pareillement un mouvement de critique de la vie quotidienne qui a porté la nouvelle contestation dans les années 1960.

En Angleterre, le seul mouvement de rupture avec l’idéologie dominante a été justement porté par les défenseurs des animaux, qui ont réussi à développer un mouvement de masse.

Le processus révolutionnaire dans les métropoles impérialistes

En Italie, les ouvriers qui sont passés dans la confrontation se fondaient également sur un rejet de l’institutionnalisation, du corporatisme et du capitalisme tentaculaire sur la vie quotidienne. Le Collectif Politique Métropolitain, dans Lutte sociale et organisation dans la métropole en 1970, constate :

« Processus révolutionnaire métropolitain. Il n’a pas été encore suffisamment compris ce que cela signifie pour développer un processus révolutionnaire dans une aire métropolitaine de développement capitaliste tardif.

Les modèles révolutionnaires du passé ou les zones périphériques sont inapplicables. Notre problème est aujourd’hui de prendre acte de la réalité dans laquelle nous nous trouvons à opérer ; la difficulté de cette recherche ne doit pas nous conduire à faire semblant d’être en Russie en 1917 ou en Chine en 1927 (…).

Dans les aires métropolitaines nord-américaines et européennes, il existe déjà les conditions objectives pour la transition vers le communisme : la lutte est essentiellement la révolte pour créer les conditions subjectives (…).

Le rapport muté (par rapport au capitalisme classique) entre la structure et la superstructure, qui tend de plus en plus à coïncider, fait que le processus révolutionnaire se présente aujourd’hui comme à la fois global, politique et « culturel ».

Ce qui signifie que mutent substantiellement les rapports entre le mouvement de masse et l’organisation révolutionnaire, et par conséquent viennent également à muter radicalement les principes d’organisation (…).

À la violence globale d’un système qui tend à contrôler les citadins dans chacun de leurs actes publics et privés, il est nécessaire d’opposer l’engagement global du révolutionnaire, capable de transformer chacun de ses geste, chaque lieu de travail ou de résidence en un centre de lutte.

La révolution culturelle d’aujourd’hui fait corps avec la révolution politique : à cette opposition globale qui est capable de transformer en force son immense supériorité politique, culturelle et morale, le système ne peut seulement opposer que le poids de son oppression, de son chantage, de sa corruption.

Avec ces armes, aucun système n’a jamais réussi à survivre. »

Le fait est pour nous entendu :

Le processus révolutionnaire se présente aujourd’hui comme à la fois global, politique et « culturel ».

Le véganisme et la question de la supériorité morale de la révolution

Le véganisme a ceci d’exigeant qu’il porte une dimension morale. Or, il n’y pas de mouvement révolutionnaire sans un haut niveau permettant de poser une supériorité politique, culturelle et morale sur l’ancien système. Cela est même vrai en général pour tout remplacement d’un gouvernement, d’un régime par un autre, au moins en apparence.

Si François Mitterrand a été élu président en 1981, au lieu qu’il y ait un mouvement révolutionnaire issu de mai 1968, c’est que ce sont les socialistes qui ont, avec le programme commun, posé une démarche supérieure qualitativement aux yeux de masses. L’un des vecteurs du succès de François Mitterrand, c’est ainsi son obstination à réfuter la peine de mort. Cela lui a donné une grande aura morale, cela a parlé aux masses soucieuses de l’exigence de civilisation.

Pareillement, le retour de De Gaulle en 1958 s’est présenté comme une exigence d’ordre et de civilisation et il en va de même pour les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en 1940 ou le coup d’État de Napoléon III.

Or, on peut voir que le véganisme, comme exigence morale, se heurte directement aux formulations politiques réactionnaires proposant un retour en arrière comme solution à tous les maux. Le véganisme n’a pas existé dans le passé, il est donc irrécupérable par les réactionnaires et les nostalgiques de temps censés avoir été glorieux.

Le véganisme contient une charge idéologique violente : celle de la négation de tout romantisme passéiste, celle de l’affirmation de comportements moraux quitte à rompre avec les traditions.

Il est impossible de ne pas en voir la dimension révolutionnaire.

La vacuité des fausses alternatives

Il est aisé de voir que l’absence de dimension culturelle chez les révolutionnaires n’a jamais empêché l’existence en France d’un courant qu’on peut appeler le communisme « crème glacée ». C’est même le prix à payer pour la faiblesse du niveau culturel, idéologique, politique du camp révolutionnaire. Des formes pseudos révolutionnaires viennent emplir les espaces laissés libres, proposant un « communisme » censé être rebelle, contestataire, véritablement d’opposition, etc.

Telle la crème glacée ou la gelée, facile à avaler mais sans aucune consistance, cette forme de « communisme » émerge à chaque élection, à chaque « mouvement social », en fait à chaque occasion, pour proposer une rébellion en réalité superficielle et stérile, absolument sans lendemain.

On prétend qu’il suffirait de faire ceci ou cela pour que les choses changent radicalement, il y aurait un « tournant » et il faudrait s’engouffrer dans telle démarche. Ce qui compterait, ce serait l’action immédiate, se précipiter dans telle ou telle activité, car les choses vont vite changer, etc.

Il n’y a pas d’analyses historiques de la société, il n’y a aucune valeur concrète sur le plan de la vie quotidienne, le niveau culturel est affligeant, alors que le populisme est prépondérant. L’urgentisme anesthésie toute intellectualité. La nature petite-bourgeoisie de cette démarche aboutit à des initiatives théâtrales, jusqu’au grotesque.

Concrètement, ce « communisme » sert de tremplin pour les opportunistes électoralistes, le syndicalisme, ainsi que pour les regroupements sectaires cherchant à faire du bruit pour faire leur auto-promotion. Ces dernières années, Jean-Luc Mélenchon (notamment lors des élections présidentielles de 2017) et la CGT ont sciemment agi ainsi, cherchant à forcer le cours des choses de manière particulièrement marquée.

Or, on peut voir justement que le coup de Jean-Luc Mélenchon mangeant du quinoa pour draguer les personnes intéressées par le véganisme a été un moment fort de sa campagne de 2017. C’est très significatif et il est d’autant plus parlant que cela a été un échec dans la durée.

On ne peut pas tricher avec le véganisme, avec la cause animale. Le véganisme est incompatible avec un communisme « crème glacée ». Cela montre sa pertinence comme question historique et cela implique un rapport dialectique à construire avec cela, concrètement, dans la pratique révolutionnaire.

La cause animale, une aire d’expression des contradictions historiques

Encore une fois, tout doit se lire par rapport au poids croissant de la subjectivité dans les métropoles impérialistes. Il n’est pas d’identité révolutionnaire sans rupture concrète avec les valeurs dominantes, sans établissement d’un état d’esprit tourné vers le Communisme et saisissant qu’un haut niveau de conflictualité est nécessaire. Il ne s’agit pas d’aller à l’autonomie ouvrière, mais bien de partir de l’autonomie ouvrière pour ouvrir les espaces d’affirmation du Communisme.

La cause animale exprime un besoin de Communisme, formant naturellement une aire relevant de la bataille pour la révolution.

Recomposer le tissu prolétarien en développant l’antagonisme sur la base de la confrontation avec les exigences de l’idéologie dominante !
Construire, protéger et développer les aires de l’autonomie prolétarienne !
Lutter, c’est vivre ! Pour le Communisme !

Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste)
Août 2019

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La révolution par étapes et la démocratie populaire

Nous voulons ici expliquer une caractéristique essentielle du processus révolutionnaire, si importante que ne pas la comprendre aboutit même à sortir de son champ. Nous voulons parler de son évolution non linéaire, de son mouvement historique en termes d’étapes. Il s’agit là d’une question essentielle pour toute organisation d’un dispositif révolutionnaire, ainsi que de sa maturation. Qui nie l’existence d’étapes ou bien se trompe sur la nature de ces étapes est condamné à l’échec.

C’est une problématique à laquelle n’échappe personne sympathisant ou soutenant l’idée de révolution. C’est même elle qui va déterminer les cheminements personnels, les choix de vie.

Lorsqu’on a en effet acquis un certain niveau de conscience révolutionnaire, on décide toujours de s’impliquer pour la Cause. On oscille alors entre faire directement la promotion de la révolution ou bien chercher un terrain concret permettant une lutte avec immédiatement un certain nombre de gens. Cela aboutit au bout d’un certain à une situation intenable, avec au bout soit la capitulation par rapport au principe même de révolution, soit au repli total avec une activité théorique à l’écart des masses.

Les exemples de ce processus aboutissant au réformisme ou à l’isolement sont très nombreux, mais se généralisent en deux types. Le premier type est le raisonnement s’appuyant sur la thèse de la révolution permanente. La démarche à laquelle cela aboutit est ce qu’on appelle gauchisme, qui a une apparence hyper-révolutionnaire, mais tourne en réalité totalement à vide, dans une bulle s’appuyant sur la petite-bourgeoise radicalisée.

Il faudrait appeler à la révolution, tout le temps et n’importe comment, car celle-ci serait la seule actualité. Ce n’est même pas ici que les autres aspects soient secondaires : il n’y aurait qu’une seule chose à faire, « enclencher » la révolution. Cela conduit à nier la vie politique, faire de la société une sorte de vaste abstraction, rejeter en bloc tant la culture que l’héritage culturel national historique.

Le second type est la démarche visant à ajouter des étapes aux étapes, afin de finalement justifier la convergence ou même la collusion avec les vieilles valeurs, les institutions, la bourgeoisie, le capitalisme. Cela mène au raisonnement comme quoi le système pourrait être modifié depuis son intérieur, la révolution devant se dérouler dans le cadre des institutions, ce qui est une absurdité cédant vite la place au réformisme.

Il est paradoxalement très difficile de se positionner correctement par rapport à ces deux dangers ; c’est un véritable défi. On a vite fait de tomber de Charybde en Scylla. Se distinguer des gauchistes et des réformistes du passé ou du moment présent n’empêche pas que, sans travail efficace, on ne devienne comme eux dans le futur.

Le nombre d’énergies gâchées dans un sens ou dans un autre est pour cette raison immense et, au sens strict, seuls les communistes russes et chinois on trouvé le moyen de s’en sortir, ainsi que les communistes dans les pays d’Europe de l’est après 1945.

Le piège de la révolution permanente

Il existe deux moments importants dans la réfutation du gauchisme. Le premier, c’est lorsque Lénine écrit La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), le second c’est lorsque le trotskisme est écrasé en Union Soviétique sous la direction de Staline. Ce sont des moments-clefs, dans la mesure où ils établissent les bases d’une compréhension correcte de cette question.

Le gauchisme, dont le trotskisme est une des expressions, affirme que l’espace-temps politique est occupé par une seule contradiction, celle entre la classe ouvrière (ou bien le peuple, la multitude, etc.) et le capitalisme (ou bien le système, l’État, etc.), avec une seule issue possible : la révolution. Par conséquent, dans toutes les situations et ce sans exception, il n’y a qu’un objectif : hâter la venue de ce « grand soir ».

Il faut bien voir que cela prend l’apparence d’une ligne se voulant authentiquement combative, avec un engagement sincère et sans compromission, avec un sens de l’urgence et des nécessités historiques. Il est très facile, si l’on manque de connaissances idéologiques, de faire confiance à ceux qui ont l’air de « vouloir aller jusqu’au bout ».

C’est en réalité un piège, qui trouve sa source dans l’incompréhension de la nature du Parti Communiste. Le gauchisme pense que les révolutionnaires ne sont qu’une avant-garde quantitative, pas qualitative ; à court ou moyen terme, tout le monde arriverait sur ces mêmes bases. Les révolutionnaires ne seraient simplement qu’en avance.

De là vient l’apparence hyper-révolutionnaire, puisqu’il y a un discours volontariste se proposant d’amener tout le monde à la cause révolutionnaire. Cependant, c’est en réalité totalement décalé des réalités historiques et par conséquent cela ne pénètre pas les masses, qui reste imperméable aux « ultras », ceux-ci apparaissant simplement comme « déconnectés ».

En réalité, la révolution est objectivement l’actualité de notre époque, mais ce n’est pas une actualité subjective « permanente » pour autant. De plus, même le processus objectif de la révolution consiste en plusieurs étapes bien distinctes, en des moments sensiblement différents. Il faut tout un travail de compréhension de ces dimensions subjective et objective.

Croire qu’une situation révolutionnaire peut se produire à tout moment, par un quelconque événement « déclencheur », est une négation du rôle de l’idéologie et du principe du Parti Communiste comme lieu d’études et de synthèse pour exprimer une direction. C’est du spontanéisme.

Le rôle dirigeant du Parti Communiste

Le Parti Communiste est d’une nature qualitative différente de la classe ouvrière au sens strict, car il en est la synthèse politique et idéologique. Il est organiquement lié à la classe ouvrière, mais il en est une expression historique nécessaire et par conséquent il possède sa propre dignité.

Lénine a présenté ainsi cette nécessité historique, dans Que faire ? :

« Tout culte de la spontanéité du mouvement ouvrier, toute diminution du rôle de « l’élément conscient », du rôle de la social-démocratie signifie par-là même – qu’on le veuille ou non, cela n’y fait absolument rien – un renforcement de l’idéologie bourgeoise sur les ouvriers.

Tous ceux qui parlent de « surestimation de l’idéologie », d’exagération du rôle de l’élément conscient, etc., se figurent que le mouvement purement ouvrier est par lui-même capable d’élaborer et qu’il élaborera pour soi une idéologie indépendante, à la condition seulement que les ouvriers « arrachent leur sort des mains de leurs dirigeants ».

Mais c’est une erreur profonde (…). Du moment qu’il ne saurait être question d’une idéologie indépendante, élaborée par les masses ouvrières elles-mêmes au cours de leur mouvement, le problème se pose uniquement ainsi : idéologie bourgeoise ou idéologie socialiste. Il n’y a pas de milieu (car l’humanité n’a pas élaboré une « troisième » idéologie ; et puis d’ailleurs, dans une société déchirée par les antagonismes de classes, il ne saurait jamais exister d’idéologie en dehors ou au-dessus des classes).

C’est pourquoi tout rapetissement de l’idéologie socialiste, tout éloignement vis-à-vis de cette dernière implique un renforcement de l’idéologie bourgeoise.

On parle de spontanéité.

Mais le développement spontané du mouvement ouvrier aboutit justement à le subordonner à l’idéologie bourgeoise, il s’effectue justement selon le programme du Credo, car mouvement ouvrier spontané, c’est le trade-unionisme, la Nur-Gewerkschaftlerei [que le syndicalisme, en allemand] ; or le trade-unionisme, c’est justement l’asservissement idéologique des ouvriers par la bourgeoisie.

C’est pourquoi notre tâche, celle de la social-démocratie, est de combattre la spontanéité, de détourner le mouvement ouvrier de cette tendance spontanée qu’a le trade-unionisme à se réfugier sous l’aile de la bourgeoisie, et de l’attirer sous l’aile de la social-démocratie révolutionnaire (…).

La conscience politique de classe ne peut être apportée à l’ouvrier que de l’extérieur, c’est-à-dire de l’extérieur de la lutte économique, de l’extérieur de la sphère des rapports entre ouvriers et patrons. Le seul domaine où l’on pourrait puiser cette connaissance est celui des rapports de toutes les classes et couches de la population avec l’État et le gouvernement, le domaine des rapports de toutes les classes entre elles.

C’est pourquoi, à la question : que faire pour apporter aux ouvriers les connaissances politiques ? – on ne saurait donner simplement la réponse dont se contentent, la plupart du temps, les praticiens, sans parler de ceux qui penchent vers l’économisme, à savoir « aller aux ouvriers ». Pour apporter aux ouvriers les connaissances politiques, les social-démocrates doivent aller dans toutes les classes de la population, ils doivent envoyer dans toutes les directions des détachements de leur armée. »

Le Parti se fonde sur une théorie, c’est là la base de son identité politique. Et c’est en même temps une fonction idéologique dans la classe ouvrière et les larges masses. Cela implique des choix tactiques.

La tactique et la stratégie

La question de la tactique employée par les communistes a été au centre des différentes réunions de l’Internationale Communiste. Chaque Parti Communiste était alors en effet une composante de l’Internationale, qui décidait de manière centralisée des tactiques à adopter.

Avec une vue d’ensemble et dans le cadre de la crise générale du capitalisme, il s’agissait pour l’Internationale d’agir tel un Parti Communiste mondial et d’impulser les luttes de telle manière à ce qu’elles relancent la vague révolutionnaire commencée avec Octobre 1917.

Par tactique, il faut comprendre ici la capacité politique pour un parti à s’orienter, comprendre qu’il faut faire des choix et effectuer les bons. Lénine nous en donne la définition suivante :

« Sans un programme, le parti ne peut exister en tant qu’organisme politique plus ou moins intégral, capable en toutes occasions de maintenir fermement sa ligne à chaque tournant des événements.

Sans une ligne tactique, basée sur une estimation de la situation politique en cours et fournissant des réponses précises aux « questions fâcheuses » du moment, il est possible d’avoir un petit groupe de théoriciens, mais non une unité politique opérante.

Sans une évaluation des courants idéologico-politiques « actifs », actuels et « à la mode », un programme et des tactiques peuvent dégénérer en « points » morts et il serait alors impossible de s’en servir pour résoudre les milliers de problèmes pratiques détaillés et infiniment concrets avec la compréhension de l’essence de ces problèmes, la compréhension de « ce dont il retourne ». »

Lénine, De la campagne électorale et de la plate-forme électorale, 1911

Les congrès de l’Internationale Communiste étaient marqués par des débats sur la situation du capitalisme à l’échelle mondiale, avec des décisions prises concernant les tactiques à appliquer en conséquence. Chaque Parti devait réaliser ces tactiques et le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste procédait aux rectifications nécessaires si tel n’était pas suffisamment le cas.

Au bout d’une certaine période, il fut considéré toutefois que cela demandait un travail de compréhension de chaque pays qui revenait à chaque Parti Communiste particulier, en raison de la très haute complexité de la question.

Sans le comprendre alors, avec la dissolution de l’Internationale Communiste durant la seconde guerre mondiale, on passait de l’exigence d’une tactique adéquate à celle de la Pensée-guide.

C’est Gonzalo qui, au Pérou, a formulé le principe théorique de ce concept ; il existe un document précieux à ce sujet, réalisé de notre part avec les camarades d’Afghanistan, du Bangladesh et de Belgique. La Pensée-guide est la voie de la révolution dans un pays particulier, synthétisée par un communiste ayant pleinement compris ses aspects économiques, sociaux, culturels, militaires, idéologiques, etc. C’est donc une stratégie.

Ce concept est tardif, il émerge dans les années 1980 ; Gonzalo a compris cela en étudiant la révolution chinoise dirigée par Mao Zedong. De manière logique, nous avons à sa suite formulé, avec les camarades de Belgique, le principe que la révolution russe s’était appuyée sur la Pensée-guide de Lénine.

L’Internationale Communiste n’avait pas cette compréhension encore. Elle formulait la chose ainsi seulement alors : chaque Parti Communiste devait employer la tactique adéquate correspondant à la situation de son propre pays. Il n’y avait pas de lecture stratégique d’exigée, puisque l’existence de l’URSS impliquait que la stratégie était simplement de rejoindre son camp.

Les forces révisionnistes, comme on le sait, ont justement dévoyé cette question des conditions particulières pour, à chaque fois, justifier la « voie pacifique » au nom de tel ou tel aspect national particulier. Ils ont en fait proposé ni plus ni moins qu’une « stratégie », mais réformiste. En France, c’est Maurice Thorez qui a joué ce rôle de destruction de l’orientation révolutionnaire, de choix du pacifisme, du parlementarisme censé être « révolutionnaire ».

Maurice Thorez représente, pour ainsi dire, l’anti-Pensée-guide. Il a proposé une stratégie, mais pas la bonne. Il a rejeté la révolution permanente, ce qui est juste, mais son analyse de la société française s’est empêtrée dans le réformisme, la soumission aux institutions, la participation à l’État, etc. Il a formulé une stratégie erronée.

La révolution par étapes

L’Internationale Communiste, dans sa recherche des tactiques adéquates, a formulé deux approches qui, une fois synthétisées, s’avèrent en réalité être des stratégies. Nous tenons à insister sur cette nuance. L’Internationale Communiste n’a pas directement formulé cela comme étant une stratégie, même si cela en découle inévitablement.

La première approche concerne les pays de nature coloniale ou semi-coloniale. Il est éventuellement possible d’impliquer la bourgeoisie nationale dans la révolution et les paysans doivent l’être de toutes façons. La révolution socialiste passe par une étape anti-féodale anti-impérialiste, c’est-à-dire une révolution démocratique.

La seconde approche concerne les pays capitalistes. À leur stade impérialiste, les monopoles prennent toujours plus de place, jusqu’à prendre le contrôle entier de l’État afin d’aller à la guerre, en s’appuyant sur un régime fasciste. La révolution socialiste passe par une étape démocratique – populaire.

L’exemple réussi de la première approche est la révolution chinoise. L’Internationale Communiste avait toutefois mal paramétré la révolution démocratique, ce qui provoqua des tensions momentanées entre l’Internationale Communiste et les communistes chinois. C’est Mao Zedong qui en exposera les fondements corrects, ce que Staline reconnaîtra.

Les exemples réussis de la seconde approche sont les démocraties populaires d’Europe de l’Est, établies sur la destruction du fascisme, il est vrai dans les conditions particulières de la victoire de l’armée rouge sur l’Allemagne nazie. À cela, il faut ajouter trois expériences essentielles :

– le Front populaire en France, se formant à partir de 1934 et se réalisant en 1936 ;

– la guerre antifasciste en Espagne, née du Front populaire et se réalisant comme front antifasciste ;

– la guerre antifasciste en Grèce, contre l’occupant nazi puis après 1945 contre les forces britanniques aidées par les États-Unis.

Ce que nous pouvons voir historiquement, c’est que le concept de révolution démocratique a été théorisé de manière définitive en Chine et repris par Gonzalo. Le Parti Communiste de Chine, à l’époque de Mao Zedong, met en avant la révolution démocratique comme stratégie dans les pays semi-féodaux semi-coloniaux.

C’est une question réglée. La révolution démocratique est l’étape inévitable pour les pays caractérisés par une pénétration impérialiste ayant formé un féodalisme par en haut et une bourgeoisie bureaucratique. L’aspect féodal est principal par rapport à l’aspect colonial, parce qu’il n’y a pas de dimension anti-impérialiste sans affirmation démocratique, donc anti-féodale.

Il faut particulièrement insister sur ce point, car il existe une large tendance opportuniste faisant de la question coloniale l’aspect principal, pour promouvoir un « anti-impérialisme » qui correspond en réalité aux intérêts de la bourgeoisie nationale, de la petite-bourgeoisie la plus radicale. De nombreuses organisations « maoïstes » de pays opprimés ne sont que des vecteurs de la bourgeoisie nationale.

Cependant, le Parti Communiste de Chine n’a pas parlé en profondeur des pays capitalistes, dont il ne connaissait pas suffisamment la situation ; Gonzalo demande de son côté que le Front populaire soit analysé par les communistes des pays capitalistes, ainsi que la lutte armée des années 1970-1980. Il est possible désormais de répondre à cette exigence théorique.

Nous affirmons par conséquent que, de la même manière que la révolution démocratique, de type anti-féodale anti-impérialiste, est une étape nécessaire dans les pays opprimés, la révolution démocratique – populaire, de type anti-monopoliste antifasciste, est une étape nécessaire dans les pays capitalistes.

La nature de l’étape

L’étape consiste en un moment particulier propre au processus révolutionnaire en général. Sa substance est de dépasser des contradictions qui ne sont pas, au sens strict, directement liées à la contradiction classe ouvrière – bourgeoisie, même si cela en forme l’arrière-plan fondamental. En termes politiques, il s’agit pour la classe ouvrière d’élargir son alliance jusqu’à ce qu’on arrive à un point de basculement historique en sa faveur.

Il est possible de formuler une loi générale concernant cette question. Plus la classe ouvrière est forte, moins l’étape prend un aspect important. Il y a en effet moins le besoin d’une alliance élargie. Inversement, s’il y a une large paysannerie ou bien une petite-bourgeoisie solidement implantée, plus l’étape démocratique, démocratique – populaire est significative.

Il va de soi que cela dépend des situations propres à chaque pays. Certains pays sont très marqués par le féodalisme, d’autres beaucoup moins ; l’emprise semi-coloniale est bien plus forte dans certains pays que d’autres. Dans certains pays, le développement s’est fait en maintenant simplement des restes idéologiques de féodalisme, dans d’autres l’arriération structurelle est quasi complète.

Dans les pays capitalistes, les couches sociales intermédiaires sont plus ou moins fortes, les techniciens et cadres jouent un rôle plus ou moins grand dans l’économie. L’hégémonie idéologique – culturelle connaît différents types, notamment en fonction de la capacité des notables à prédominer. Le pays lui-même peut être dans une situation de développement inégal : en Italie, les Brigades rouges étaient portées par la classe ouvrière, mais celle-ci était trop faible dans tout le sud du pays, ce qui imposait une étape qui n’a pas été vue.

À l’arrière-plan, pour l’étape démocratique (anti-féodale, anti-impérialiste) comme pour l’étape démocratique – populaire (anti-monopoliste, antifasciste), tout est une question d’alliance – sous sa direction – de la classe ouvrière avec les couches sociales intermédiaires. Il est nécessaire de souligner l’importance centrale de cette question de la direction.

Seule la classe ouvrière, de par son affrontement avec la bourgeoisie, est capable de porter le nouveau et de combattre sans compromis l’ancien. Cela est valable dans n’importe quelle situation historique. Même si c’est seulement une partie de la bourgeoisie qui est devenue l’ennemi principal, cela n’empêche pas qu’il n’y ait de lutte réellement conséquente que si la classe ouvrière la dirige.

Seule la classe ouvrière est capable de lire les nécessités historiques, sous la direction de son Parti Communiste. Le Front réalisé à chaque étape vise à la résolution de tâches allant dans le sens général de l’Histoire et il faut donc que la classe ouvrière en soit le moteur. Il s’agit de dépasser une situation historique bloquée pour lancer le processus de transformation générale, allant au socialisme, au communisme.

La détermination de la nature du Front à construire prend par conséquent une forme différente selon les contextes, les particularités nationales, le processus de la lutte de classes, etc. Dans les années 1930, la forme d’alliance du Front populaire français n’était pas exactement la même qu’en Espagne, où par exemple la bourgeoisie catalane jouait un rôle progressiste. Après 1945, le Front antifasciste en Allemagne de l’Est avait des particularités par rapport à celui en Tchécoslovaquie, en raison de l’importance de la base de masse du nazisme.

La question du calibrage du Front, de ses luttes, représente donc une dialectique tactique – stratégie devant s’appuyer sur une compréhension historique de la situation nationale, au moyen d’une maîtrise approfondie du matérialisme dialectique.

L’étape, moment dialectique de la révolution

Il faut bien saisir que, au sens strict, la révolution démocratique et la révolution démocratique – populaire ne sont que des étapes. La révolution démocratique formulée par l’Internationale Communiste et Mao Zedong a toujours été considéré comme imbriquée dans le processus révolutionnaire socialiste. Elle n’existe pas de manière indépendante. Il s’agit d’une étape, d’un moment dialectique.

Pour cette raison, les communistes ont toujours parlé de révolution par étapes, de révolution ininterrompue. Il n’y a ainsi pas véritablement de révolution démocratique comme réalité séparée, seulement une révolution socialiste dans un pays semi-féodal semi-colonial avec une étape révolutionnaire-démocratique. Il en va de même pour la révolution démocratique – populaire, étape de la révolution socialiste dans les pays capitalistes.

En fait, qui ne comprend pas les principes du matérialisme dialectique et ne voit pas que, dans l’ensemble des processus matériels, tout est relié de manière dialectique à la base, ne peut pas comprendre le principe d’étape. L’étape est un moment propre à la nature générale du processus révolutionnaire porté par la classe ouvrière dans son affirmation du socialisme, du communisme.

Les tâches se définissent par rapport à cette perspective, car la tendance au communisme est irrépressible. Il ne s’agit pas d’une orientation morale, d’un choix « politique » ou quoi que ce soit de ce genre. Il s’agit de questions à régler dans le cheminement historique, de tâches à mener pour pouvoir aller plus loin.

Cela part du principe matérialiste dialectique comme quoi la matière va au communisme. À partir du moment où la matière connaît des sauts qualitatifs dans ses processus, alors inévitablement elle va vers davantage de complexité, un appui renforcé, amélioré à sa propre existence, une organisation collective toujours plus grande, une expression plus approfondie. Le communisme est propre au mouvement même de la matière.

Il ne faut d’ailleurs jamais perdre de vue que la période historique de révolution socialiste, avec son étape démocratique – populaire, consiste en la socialisation des forces productives, en l’effacement des conceptions intellectuelles, culturelles, pratiques, allant dans le sens d’une interprétation du monde fondée sur la considération comme quoi il existerait des éléments séparés, des « briques » dans la constitution du monde.

Cette socialisation des forces productives est le dépassement des contradictions historiques, et par là l’affirmation d’une nouvelle étape dans l’histoire de l’humanité, et dans une moindre mesure dans l’histoire éternelle de l’univers. Tant les gauchistes que les réformistes négligent ou nient cet aspect : le mouvement de la matière elle-même.

L’étape est un moment dialectique de la révolution ; c’est la réalisation de tâches allant dans le sens de l’affirmation du mouvement de la matière. Calibrer son activité en fonction de cela est nécessaire pour accomplir les différentes tâches de l’étape.

Les tâches dans l’étape et la question du calibrage

Le calibrage est une approche fondamentale du matérialisme dialectique. Toute décision, revendication, affirmation… doit reposer sur une évaluation adéquate de la situation, son rapport avec le processus d’ensemble, son intérêt dans la lutte de classes, ses conséquences économiques, politiques, culturelles, idéologiques, militaires.

Les implications d’une étape intermédiaire au socialisme sont donc nombreuses. La première est la détermination des alliés, des formes d’alliances possibles, souhaitables, nécessaires. Cela implique une analyse de l’ensemble des couches sociales et de la possibilité de former un rapport politique, social, culturel avec elles. Il va de soi que cela ne peut pas avoir une mise en place effective sans le maintien de l’autonomie prolétarienne comme noyau dur du processus révolutionnaire.

La seconde est le calibrage politique en fonction des rapports entre les différentes couches sociales. Il ne s’agit pas simplement de faire des revendications de type démocratique et populaire, qui iraient d’elles-mêmes, spontanément, dans le sens du socialisme. Ce serait là revenir à la démarche du Parti Communiste Français de Maurice Thorez, amenant à l’abandon de tout principe.

Il s’agit de calibrer les positionnements politiques en fonction des nécessités historiques. Nous pensons être en mesure de poser une orientation générale pour cela, au moyen d’une grille de lecture s’appuyant :

– sur la contradiction travail manuel / travail intellectuel ;

– sur la contradiction villes / campagnes.

L’insistance sur la seconde contradiction est notre apport historique ; nous considérons qu’il y a ici la clef pour comprendre l’évolution de la société capitaliste en termes géographiques, l’émergence de l’anticapitalisme romantique comme nostalgie du passé, mais également la crise écologique et le rapport aux animaux, questions essentielles du 21e siècle.

En fait, il est possible maintenant de dire que nous avons les deux grands repères pour ne pas se perdre dans les tâches relevant de l’étape de la démocratie populaire et même du socialisme. Il suffit pour cela d’avoir en ligne de mire le communisme comme résolutions de la contradiction ville – campagne et de la contradiction travail manuel – travail intellectuel.

Ces résolutions ne sont pas des événements se déroulant uniquement dans le futur ; leurs processus sont inhérents au dépassement du capitalisme, ils sont déjà en cours. On ne peut d’ailleurs comprendre aucun phénomène historique sans l’étudier en rapport à ces deux contradictions. Le mode de production capitaliste fait suffoquer toutes les activités humaines, l’existence humaine, mais pas seulement : les conséquences écologiques à l’échelle planétaire sont en rapport direct avec cela.

Cela impose une compréhension, une sensibilité particulière. Il n’est pas possible d’être communiste au 21e siècle et de ne pas être révolté par la destruction de l’environnement, par la condition animale ; c’est là une insulte à la dignité de l’évolution de la matière, à la matière elle-même. L’idéologie communiste ne peut pas aller sans valorisation de la dignité de la matière vivante.

Cette exigence historique s’associe avec les tâches de l’étape intermédiaire : il est évident que la révolution démocratique – populaire porte en elle l’affrontement ouvert avec les grands monopoles détruisant la planète. Il ne s’agit pas de développer une critique comme celle faite contre le néo-libéralisme, contre les « excès » du capitalisme. Il s’agit d’aller dans le sens du démantèlement à la fois concret et culturel de monstres comme McDonald’s, l’urbanisation débridée, l’industrie du nucléaire, les usines de l’exploitation animale ou les monopoles de l’armement.

Le démantèlement n’est pas la socialisation. La grande distribution, les banques, la grande industrie… doivent être socialisées, et non pas démantelées. Les deux tâches sont bien distinctes. En fait, le démantèlement apparaît comme une tâche davantage démocratique que socialiste, d’où son appartenance à l’étape nécessaire historiquement.

Calibrer l’activité communiste
par rapport à l’étape et aux moments politiques !

La compréhension de la nature de l’étape permet de bien distinguer les moments d’affirmation des positions communistes, ainsi que leur cadrage. Cela permet d’éviter les postures propres à la « révolution permanente ». Avec la juste compréhension des contradictions ville – campagne et travail manuel – travail intellectuel, on évite également l’écueil du basculement dans le réformisme.

Il appartient à chaque communiste de se saisir d’une des deux contradictions comme principale et de s’intégrer dans le processus de la lutte de classes en fonction des nécessités historiques. Cela n’est qu’ainsi que des résultats réels, prolongés, peuvent être obtenus. Nous affirmons que le reste n’est que pragmatisme, démarche velléitaire, pouvant avoir parfois l’air spectaculaire, mais sans qu’il n’en ressorte rien pour autant.

Nous affirmons qu’aucune activité communiste ne peut être « spontanée », ne peut s’exprimer « directement » ; elle doit passer par le matérialisme dialectique et historique pour trouver le vecteur adéquat, pour trouver le moyen d’une médiation appropriée, adaptée à la société.

Ne pas agir ainsi, c’est s’imaginer qu’il suffit de se placer au service de la révolution de manière subjective pour parvenir à quelque chose. Nous ne nions pas l’importance de la rupture subjective, bien au contraire. Mais pour que celle-ci soit complète, il faut un haut niveau de synthèse, d’analyse historique, de participation à la vie réelle des masses.

La combinaison de la rupture subjective et d’une interprétation matérialiste dialectique, historique de la réalité, est la clef pour être communiste, à l’opposé de tout subjectivisme.

Il ne s’agit pas de se plier au niveau « moyen » de conscience des larges masses en pratiquant un réformisme lisse ou de courir derrière la petite-bourgeoisie en adoptant une démarche semi-anarchiste. Il s’agit de calibrer sa propre activité en se tenant à un terrain bien déterminé, en ayant une démarche conforme aux exigences économiques, sociales, culturelles, écologiques, etc. afin de profiter de la force de la tendance historique au communisme.

Dans le cadre d’un pays capitaliste hautement développé, avec de nombreuses couches sociales intermédiaires, avec de puissants monopoles, avec un haut niveau d’aliénation, avec des structures économiques et culturelles à démanteler, cela impose une perspective démocratique – populaire.

La démocratie populaire et la guerre populaire prolongée

Il va de quoi qu’aucune perspective révolutionnaire sérieuse ne peut faire l’économie de la question de la démocratie populaire, rien que de par la question du poids de la classe ouvrière et de son rapport aux couches sociales intermédiaires, principalement la petite-bourgeoisie.

La révolution présuppose l’engagement de l’ensemble des masses sur le terrain de la lutte armée, ce qui exige une situation révolutionnaire bien déterminée, mobilisant bien plus que simplement la classe ouvrière. Toutes les tentatives de type insurrectionnelles, pratiquées notamment dans les années 1920, ont échoué précisément parce qu’elles étaient incapables d’englober l’ensemble des masses.

La défaite face au fascisme correspond d’ailleurs à la chute de nombreux secteurs populaires dans les mains de la réaction. Si le Parti Communiste est incapable d’organiser un vaste Front de masses, alors c’est le fascisme qui organisera son propre front réactionnaire ! Telle est une terrible leçon historique, payée très chèrement.

Avec l’approfondissement de la crise générale du capitalisme, toute cette problématique réapparaîtconséquemment. La révolution avait été littéralement paralysée, pendant plusieurs décennies, par la formation d’un capitalisme avancé, exploitant les pays du tiers-monde et neutralisant un maximum de contradictions. Il y a là un important changement de situation.

Être marxiste-léniniste-maoïste, c’est considérer que la seconde moitié du 20e siècle se caractérise par le déplacement de la crise révolutionnaire dans la zone des tempêtes, l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie. Cela implique qu’il faille considérer la situation actuelle comme un renouveau en France de la problématique révolutionnaire, qui s’extirpe d’une paralysie liée au développement d’une société aux forces productives développées.

Cela implique une vaste petite-bourgeoisie s’excitant toujours davantage et cherchant vainement à s’approprier la direction de la société, une aristocratie ouvrière cherchant à maintenir ses positions, mais aussi d’un prolétariat métropolitain, vivant dans le 24 heures sur 24 de la vie capitaliste.

Cela renforce d’autant plus le sens de la démocratie populaire comme sas au socialisme.

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

Février 2019

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Apolitisme, populisme et conquête du pouvoir politique

Le capitalisme n’a pas besoin de la politique, seulement de gens réduits à leur emploi, leur environnement direct et leur consommation. Avec un capitalisme qui fournit désormais tellement de marchandises disponibles au grand nombre, cela neutralise les esprits et cela borne les horizons. La vie quotidienne se réduit à peu de choses sur le plan de la culture, de l’approfondissement des idées, d’une mise en perspective quant à l’avenir.

Pour la grande masse des gens, la vie consiste uniquement à sa propre vie, entre famille et emploi, consommation de divertissement et vacances, avec l’écran de télévision, d’ordinateur ou de smartphone comme nœud central permettant de disposer d’une liaison censée être objective avec la réalité. En réalité, on est là dans le solipsisme, dans la négation de l’existence réelle de ce qu’il y a autour de soi.

La passivité politique est la règle, et cela jusqu’à l’apolitisme. L’abstentionnisme n’est même plus un mépris, c’est simplement un dédain, et ceux qui se mobilisent consistent surtout en ceux qui justement affirment l’amertume de ne pouvoir satisfaire leur parfaite intégration dans la consommation et le style de vie capitaliste. Les gilets jaunes sont représentatifs de cette partie de la petite-bourgeoisie qui compte bien perpétuer son existence sociale.

La ligne des gilets jaunes, consistant à harceler l’État, reflète cette vision nihiliste de ce qui n’est pas une classe, seulement une couche sociale dont l’existence n’a été due qu’à un cycle particulièrement grand de croissance capitaliste. La fin de ce cycle marque leur inéluctable anéantissement social et leur démarche équivaut à celle des secteurs de masses ayant soutenu le fascisme en Italie et le national-socialisme en Allemagne.

Les élections européennes de 2019 sont un autre exemple de victoire du dédain et du populisme, avec la grande abstention, le succès de l’extrême-droite, l’apathie générale à ce sujet.

Il n’est pas besoin de chercher bien loin la nature de ce qui se déroule. Le capitalisme est ébranlé et en même temps se renforce comme jamais en profitant de ses gigantesques vagues successives d’accumulation de capital et de marchandises. Ce n’est pas un paradoxe, c’est une contradiction et cela est propre au développement non harmonieux du capitalisme lui-même.

Cela en est au point où la notion même de société se voit étouffée. Apolitisme et populisme sont, dans les faits, indissociablement liés. Ils sont le produit du 24 heures sur 24 de la vie sous le capitalisme, tout comme de l’effondrement du niveau culturel de la bourgeoisie, qui elle-même se confond toujours plus avec les possibilités de valoriser le capital. L’ouverture acceptée de manière générale à l’individualisme le plus complet, à la consommation de drogues dites douces, à la gestation par autrui… est une véritable modification de l’évaluation culturelle bourgeoise, qui auparavant se targuait de traditions.

La bourgeoisie est pourtant la classe dominante et on voit qu’elle ne domine plus rien, le mode de production capitaliste s’emballe et l’emporte elle-même dans la tombe, comme il va lui-même à la perdition. Les limites des possibilités d’accumulation, en raison de l’émergence de solides monopoles et des compétitions entre impérialismes, forment les conditions du renforcement du parti de la guerre, de la tendance à l’affrontement ouvert à l’extérieur, ainsi que du populisme et du fascisme à l’intérieur.

Il ne faut pas ici voir le fascisme comme la tyrannie d’une idéologie « totalitaire », comme le prétend la bourgeoisie libérale. Le fascisme est le corporatisme, qui consiste en la négation de la politique. L’idéologie « totalitaire » des régimes fascistes ne servait que de dénominateur commun à une société dépolitisée de manière totale et où les monopoles contrôlaient l’État. Le fascisme, ce n’est pas la politique au pouvoir, mais la négation de la politique.

C’est là un besoin de classe propre à la bourgeoisie la plus agressive, qui a besoin de tendances corporatistes et surtout pas de débats politiques, y compris dans un sens réactionnaire. Même les tendances politiques d’extrême-droite ont été mises au pas lorsqu’elles ont voulu politiser, appliquer un certain idéalisme. Le fascisme, c’est la terreur contre la politique.

Ce qui est inquiétant pour la France, c’est que depuis plusieurs décennies déjà le processus de dépolitisation est enclenché et va de victoire en victoire. Il n’y a désormais de place que pour la consommation et même ce qui reste de la politique devient du consommable. Il n’y a plus de partis politiques, seulement des mouvements participatifs, avec des primaires pour choisir les candidats, avec des élans qui s’appuient sur les réseaux sociaux, des engouements sur des individus.

Cette approche anti-politique existe déjà depuis longtemps aux États-Unis, elle est désormais présente en France, l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en étant une conséquence. C’est cela qui explique la faiblesse totale des mouvements politiques de gauche et même de droite, en comparaison avec le succès des populistes.

Cependant, si l’on regarde bien, cette dépolitisation était déjà là en France, avec le syndicalisme. Les activités syndicales ont toujours eu dans notre pays une démarche corporatiste, radicalement anti-politique. C’est la raison pour laquelle la CGT a toujours été d’esprit syndicaliste révolutionnaire, pour laquelle elle a été incapable d’être un puissant levier contre l’Occupation allemande, pour laquelle elle s’est opposée de manière frontale à mai 1968. Cela est évidemment d’autant plus vrai des autres courants syndicaux.

C’est que la France, de par la part significative de la petite propriété dans son économie, avait déjà préfiguré la division des larges masses en individus. La France a toujours connu une grande stabilité dans ses fondements, justement de par l’ampleur des petits propriétaires. La petite propriété implique la négation de la politique et encore plus de la question de la prise du pouvoir. L’anarchisme, si puissant dans notre pays, est l’expression directe de la petite-bourgeoisie qui entend nier la question du pouvoir, pour nier l’affrontement classe ouvrière – bourgeoisie.

Il ne s’agit même plus pour la petite-bourgeoisie de chercher une troisième voie entre socialisme et capitalisme, comme les idéologies fascistes ou bien nationales-catholiques ont prétendu le faire. L’objectif est simplement de geler les idées, ce qui convient tout à fait à un capitalisme qui a uniquement besoin de consommateurs, masquant particulièrement l’existence des producteurs.

C’est cela qui produit cette idée qu’il n’y aurait plus d’ouvriers dans notre pays. C’est bien évidemment faux. Toutefois, en l’absence d’affirmation politique de la classe ouvrière, celle-ci reste invisible. Et cela dure depuis plusieurs décennies. En fait, le modèle de dépolitisation en France existe pratiquement depuis 1848. Ni le coup d’État de Napoléon III en 1851, ni celui du maréchal Pétain en 1940, ni celui de De Gaulle en 1958 n’ont connu d’opposition populaire.

Le seul exemple contraire, et d’une haute signification, est le mouvement ouvrier répondant à la tentative de coup d’État du 6 février 1934. Cela a donné le Front populaire et c’est selon nous l’exemple à suivre. Nous ne disons pas qu’il est possible d’appliquer mécaniquement ses principes, ce qui ne serait pas possible rien que par l’absence de partis communiste et socialiste disposant d’une taille de masse et d’une influence massive sur la société, de par leur ancrage dans les masses ouvrières.

Ce que nous affirmons, c’est que le processus révolutionnaire en France ne peut reposer que sur la même substance politique : l’unité populaire contre la terreur de la dépolitisation, contre l’appel à un sauveur de type bonapartiste, contre l’acception de la gestion de la société par un État réactionnaire. Cela implique l’affirmation de la démocratie de masse, des assemblées populaires, de l’autonomie ouvrière.

Face à la dépolitisation, il faut la politique et celle-ci ne peut être portée que par les masses populaires. Les structures institutionnelles, auxquelles appartiennent les syndicats, tous les syndicats y compris la CGT, jouent un rôle néfaste, car privant d’espace l’expression démocratique populaire. Ceux qui soutiennent la CGT en espérant la reprise de la lutte des classes par son intermédiaire n’ont pas compris les enseignements de mai 1968, ni du maoïsme.

Il apparaît que l’apolitisme, la dépolitisation, le populisme… ne peuvent donc pas être compris sans saisir la nature du capitalisme avancé, sans voir comment il cerne la vie quotidienne, depuis l’alimentation jusqu’au divertissement ou l’enseignement. Nous vivons dans une métropole impérialiste et le prolétariat est désormais métropolitain : son style de vie a été façonné par le capitalisme et son antagonisme s’exprime de manière tortueuse, déformée.

C’est là qu’intervient l’Organisation révolutionnaire en comprenant le poids croissant de la subjectivité dans la prise de conscience de la réalité de la lutte des classes et ses implications. Il y a une nécessité de s’extirper à une vraie chape de plomb économique, sociale, idéologique, culturelle, politique, institutionnelle, sociale, etc. Il faut affronter l’exploitation et l’aliénation qui va avec et qui s’est renforcé sans commune mesure de par l’approfondissement du capitalisme.

L’apolitisme et le populisme relèvent de ce processus d’aliénation. Ils ne peuvent être que combattus par la recomposition du tissu prolétarien qui, en s’affirmant, pose les bases de l’autonomie du prolétariat et permet d’affirmer la nécessité stratégique d’aller à la conquête du pouvoir.

Telle est la seule voie révolutionnaire dans la métropole impérialiste.

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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Déclaration maoïste du premier mai 2019

À l’occasion de ce nouveau premier mai, le Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique et le Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste) expriment leur assurance et leur enthousiasme quant à l’affirmation grandissante de la seconde vague de la révolution mondiale.

La première avait donné naissance, il y a cent ans, en mars 1919, à l’Internationale Communiste ; la seconde réalisera l’objectif de celle-ci : l’unification mondiale et la réalisation du socialisme sur toute la planète.

La formation d’une République Socialiste Mondiale est inéluctable au 21e siècle. La réalisation de l’unification complète de l’Humanité, sur la base des rapports socialistes dans l’économie et dans toute la société, est certaine. Il ne peut y avoir strictement aucun doute à ce sujet.

La résolution des problèmes environnementaux, par l’établissement de rapports dialectiques de l’Humanité avec la planète considérée comme une biosphère, est inévitable. La compréhension de la nature de la matière vivante et son respect va de pair avec la compréhension matérialiste dialectique de l’évolution générale de l’univers éternel et infini.

Nous affirmons que la maîtrise du matérialisme dialectique et de ses thèses fondamentales sur l’univers sont la base même pour comprendre la réalité et la transformer.

Il est indéniable que cela exige encore des initiatives formidables. Mao Zedong avait parlé, dans les années 1960, des cinquante à cent années à venir où l’humanité connaîtrait des bouleversements comme elle n’en a jamais connu. Nous sommes précisément dans cette période et il s’agit d’être en première ligne. Nous le sommes en tant qu’avant-garde de la classe ouvrière en Belgique et en France.

Nous disons : il n’y aura ni capitulation, ni retour en arrière, ni modification des fondamentaux idéologiques, ni révision des grands principes. Nous avons pleinement conscience de la complexité des tâches qui nous incombent, mais nous saurons les assumer avec vigueur et le plus grand sens des responsabilités. Nous sommes pleins d’optimisme quant à l’avenir : le triomphe du Communisme correspond au mouvement de l’univers lui-même. Le prolétariat est la classe la plus révolutionnaire de l’Histoire.

Il est vrai que, dans les métropoles impérialistes, la recomposition du tissu prolétarien est encore un processus en cours, qui ne suit pas un parcours linéaire et qui exige encore un travail de fond extrêmement important. Il existe sur ce plan encore un travail titanesque à mener. Nous pensons cependant avoir saisi les orientations générales nécessaires. Nos deux organisations sont en ce sens pleinement engagées dans cette lutte visant à faire en sorte que le prolétariat se ressaisisse et parte à la reconquête de son identité, celle-ci ayant connu de profonds changements dus à l’accroissement des forces productives, au-delà des profondes déformations, des errements significatifs.

Ce processus de recomposition du tissu prolétarien correspond à l’émergence de la seconde vague de la Révolution Mondiale. Et le mode de production capitaliste, tant en Belgique qu’en France, connaît de tels problèmes internes, de par ses limites historiques, qu’il est de moins en moins en mesure de geler les rapports sociaux au moyen de l’appareil d’État et de la corruption d’une partie importante du prolétariat. Cela avait amené, depuis les années 1950, le déplacement de la contradiction principale dans la zone des tempêtes : l’Afrique, l’Amérique latine, l’Asie. Nous sommes désormais dans une nouvelle période.

Il y a également la réaffirmation de l’idéologie communiste qui se pose historiquement, à travers la maturation des conflits de classe et surtout le rôle moteur de diffusion joué par nos organisations. Nous affirmons ici de manière très claire que les explications que nous fournissons du matérialisme dialectique sont les armes décisives pour disposer des outils nécessaires, dans les domaines théorique et pratique, intellectuel et matériel, pour faire avancer la Cause. Il ne s’agit pas d’un à-côté ou d’une philosophie accompagnant de simples revendications, mais du noyau dur de l’affirmation communiste.

Il va de soi qu’il serait toutefois faux de considérer de manière unilatérale que la contradiction prolétariat-bourgeois a déjà repris son cours naturel. C’est très loin d’être le cas. Les restes idéologiques, culturels, sociaux, politiques… des années 1950-1980 sont encore largement présents. Les années 1990-2010 ont également été marquées par un renforcement de nombreux aspects du mode de production capitaliste, en raison des progrès technologiques, de l’effondrement du bloc dominé par le social-impérialisme soviétique et de l’intégration dans l’économie capitaliste mondiale de la Chine devenue social-fasciste.

En ce sens, il est incorrect de considérer un mouvement comme les « gilets jaunes » en France autrement que comme une expression de la crise capitaliste en général et de la petite-bourgeoisie en particulier. Il existe un phénomène de ciseaux où tout ce qui est entre le prolétariat et la bourgeoisie est broyé. Ce phénomène est d’ailleurs parallèle à de nombreux autres qui, pareillement, expriment la peur de voir le capitalisme ne plus être en mesure d’assurer la paix sociale, de donner libre cours aux petits capitalistes, de neutraliser la classe ouvrière.

Les interprétations petites-bourgeoises de la crise écologique de grande ampleur et l’écocide terrifiant qu’il provoque, de l’aggravation catastrophique du réchauffement climatique, de la dramatique condition animale, sont également l’expression terrorisée des couches intermédiaires du capitalisme prises entre le marteau des exigences prolétariennes et l’enclume du capitalisme. Il s’agit en réalité de phénomènes correspondant à la limite historique du capitalisme. L’heure de son dépassement mondial est arrivé.

Les discours sur un « monde fini », sur la nécessité de passer à un développement économique « durable », d’adopter un mode de vie plus « sobre », ne sont rien d’autres qu’une tentative de freiner la roue de l’Histoire. Le fascisme réapparaît également de manière plus forte comme exigence d’un retour en arrière. Les appels à être davantage « raisonnable » sont toujours plus nombreux au sein des couches intellectuelles parasitaires. Tout ce catastrophisme est fondamentalement étranger à qui a compris l’ampleur des changements en cours, leur envergure.

En réalité, la matière est inépuisable et nous connaissons une époque de transformation générale, tant de la vie sociale que du rapport de l’humanité au reste de la matière. Il s’agit, pour être à la hauteur de ce processus, de libérer les forces productives, en adoptant les principes du socialisme dans tous les domaines. C’est cela qui va établir des dynamiques productives pour l’ensemble de la vie dans la Biosphère qu’est la planète, annonçant à moyen terme le processus de colonisation spatiale et de la diffusion toujours plus grande de la vie.

Cela exige une grande capacité d’autocritique, par rapport au mode de vie ancien. Seul le collectivisme est en mesure de briser l’individualisme et l’égoïsme caractérisant les initiatives et les valeurs dominantes dans le mode de production capitaliste. Seule une perspective se fondant sur la notion de totalité, d’ensemble, d’universalisme, peut permettre que la société ne sombre pas sous les coups de l’ultra-individualisme, de sa consommation capricieuse, de son mépris pour toute morale et toute exigence sociale.

Le mode de production capitaliste, en perdition, ne produit également plus que des horreurs culturelles et des poisons idéologiques. L’art contemporain, le relativisme moral, le cynisme le plus outrancier, le culte des egos démesurés et de l’apparence futile, la littérature subjectiviste, la musique dissonante comme valeur en soi ou bien répétitive et simpliste avec des harmonies simples… Le capitalisme profite de la surproduction de capital pour infester toujours plus d’aspects de la vie quotidienne.

Cela est cependant vain. Les masses se sentent fondamentalement étrangères à toute cette décadence, même si des secteurs plus ou moins importants peuvent se sentir fascinés ou momentanément désorientés. Les masses sont du côté de la transformation et de la culture, de l’ouverture et du développement. Les fixations identitaires, les fétichismes matériels, la superficialité leur sont par essence étrangères. Ici, l’avenir s’oppose à la célébration d’un passé idéalisé, le Socialisme à la décadence de la « culture » dans le capitalisme, à ce romantisme anticapitaliste qu’est le fascisme.

En Belgique et en France, la bataille est par conséquent celle pour libérer les initiatives des masses, pour élever leur conscience et leurs capacités d’organisation. L’avant-garde ouvre ici des espaces et, partant de la centralité ouvrière, forme le mouvement amenant l’émergence de la Démocratie populaire comme proposition stratégique. Il s’agit de faire vaciller le système dominant, de l’ébranler, de partir à son assaut pour l’établissement d’un nouvel État. Il faut être ici certain de la victoire.

Vive la classe ouvrière, classe la plus révolutionnaire de l’Histoire !

Vive son idéologie : le matérialisme dialectique, aujourd’hui le Marxisme-Léninisme-Maoïsme !

Guerre populaire jusqu’au Communisme !

Vive la seconde vague de la révolution mondiale !

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique
Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

Mai 2019

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La petite-bourgeoisie et la crise générale du capitalisme

Le mode de production capitaliste est toujours plus ébranlé ; si certains secteurs se développent particulièrement, d’autres stagnent voire reculent. Aussi, l’angoisse d’une précarisation sociale violemment forcée prend à la gorge des parties toujours plus importantes de la population. Il y a cependant lieu d’avoir un aperçu juste de ce processus.

En effet, la petite-bourgeoisie cherche toujours à gommer son existence pour prétendre à une certaine « objectivité », alors que dans les faits elle est une couche sociale tampon entre prolétariat et bourgeoisie.

Elle déforme les luttes ou se les approprie, selon ses propres intérêts. Elle refuse d’être subordonnée tant à la bourgeoisie qu’au prolétariat. Aussi n’est-il pas possible de s’orienter du point de vue du prolétariat sans comprendre les modalités de la crise générale du capitalisme frappant la petite-bourgeoisie.

L’enjeu de la question :
la protection des forces démocratiques

Il existe de nombreuses conceptions du changement social, notamment l’alternative réforme ou révolution. Cependant, au-delà des divergences possibles et des différences d’analyses ou d’interprétations, il est évident que le capitalisme, malgré ses prétentions à la stabilité, connaît des soubresauts, des moments de profondes perturbations, des périodes de crise.

Même si l’on admet pas le principe, qui nous semble juste, que le capitalisme ne peut qu’aboutir à une crise générale et qu’il ne peut chercher à s’en sortir que par la guerre, on est bien obligé d’admettre qu’il existe des phases où le capitalisme est tellement tourmenté qu’il y a des explosions sociales.

Or, si elles sont incomprises ou si elles sont orientées dans une direction réactionnaire, alors il ne reste plus de place pour rien. Si la petite-bourgeoisie passe en masse dans le camp de la réaction, celle-ci se voit terriblement renforcée.

Les socialistes et les communistes, comme l’ensemble des forces démocratiques, ont été balayés par le fascisme italien et le national-socialisme allemand, ainsi que par le franquisme espagnol, le fascisme clérical autrichien, etc., qui tous ont su mobiliser la petite-bourgeoisie.

Celle-ci était prise à la gorge par la crise, elle a cherché une porte de sortie. Elle a pensé en trouver une dans le fascisme. C’est cela qu’il s’agit de comprendre, en ayant en tête que ce n’est jamais une question purement « théorique », de par la répression, la militarisation.

C’est toujours une question vitale pour le mouvement ouvrier et par ailleurs l’ensemble des forces démocratiques. Échouer à saisir la complexité de la société à des moments clefs, c’est ne pas être en mesure de faire face à la pression réactionnaire et à l’écrasement fasciste de tout ce qui s’oppose au capitalisme.

La petite-bourgeoisie, couche sociale et non pas classe

Les enseignements de Karl Marx et Friedrich Engels présentent le mode de production capitaliste comme se fondant sur deux classes, le prolétariat et la bourgeoisie. Cette dernière possède les moyens de production et exploite la classe antagonique, qui n’a rien à perdre à part ses chaînes.

Il est évident que cette thèse, tout à fait juste dans ses fondements, exige d’être contextualisée. En l’occurrence, avec l’apparition de l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme, on peut s’apercevoir que les pays capitalistes les plus puissants tirent tellement de ressources de leur hégémonie qu’ils sont capables de disposer de périodes de grande stabilité.

En raison du développement ample de la productivité capitaliste et de la domination des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, les pays capitalistes les plus puissants ont pu arracher une paix sociale en corrompant une partie du prolétariat, mais aussi en donnant naissance à de larges couches sociales intermédiaires entre la bourgeoisie et le prolétariat, ayant des fonctions subalternes dans le capitalisme mais se distinguant de la fonction directe de l’exploitation.

C’est ce qu’on appelle la petite-bourgeoisie. C’est une couche sociale et non pas une classe, elle oscille entre prolétariat et bourgeoisie. De par son statut social et son mode de vie, elle exerce une grande influence sur le prolétariat.

Son mode de vie plus élevé aboutit à une certaine fascination dans le prolétariat, notamment par rapport à la question de l’accès à la propriété. A la complication nouvelle historiquement par rapport à Karl Marx que pose le fait que le prolétariat soit devenu un prolétariat métropolitain, vivant dans le 24 heures sur 24 de l’idéologie capitaliste, s’ajoute la corruption petite-bourgeoise des valeurs prolétariennes.

Cette corruption n’est pas que culturelle ou sociale, elle est aussi directement économique et politique, ce qui revient d’ailleurs au même. Car la petite-bourgeoisie a besoin de la classe ouvrière comme levier afin de s’opposer à la bourgeoisie pour exister de manière moins « comprimée » au sein du capitalisme, pour gagner de l’espace entre prolétariat et bourgeoisie.

Les exemples sont innombrables de phénomènes sociaux commençant dans le camp prolétarien et happés par la petite-bourgeoisie, qui en arrache la direction, en en profitant tout en en vidant la substance. On peut penser, pour prendre des exemples qui parlent, au hip hop, au metal ou aux musiques électroniques, où des éléments petits-bourgeois, plus éduqués et plus opportunistes, se sont appropriés les scènes culturelles et le genre musical.

Le principe des ciseaux dans le cadre
de la crise générale du capitalisme

De par sa nature, le mode de production capitaliste est obligé de faire en sorte que l’accumulation du capital soit toujours plus croissante et cela dans une situation marquée par la chute tendancielle du taux de profit, dans un contexte de concurrence internationale toujours plus acharnée, alors qu’à l’arrière-plan des monopoles se mettent en place. Cela aboutit à une agressivité vers l’extérieur et vers l’intérieur, c’est-à-dire des interventions militaires sur le plan international et une pressurisation de la classe ouvrière à l’intérieur du pays.

Cela a des conséquences très lourdes lors des moments de crise apparaissant comme de vraies césures. En effet, tant qu’il n’est pas ébranlé dans ses fondements, le capitalisme est capable d’une telle accumulation qu’il est en mesure de maintenir l’existence de couches sociales artificielles telles que la petite-bourgeoisie, l’aristocratie ouvrière, de larges couches de fonctionnaires, comme produit indirect de l’élan productif.

Par contre, dès que la base capitaliste va vers son déclin, ces couches sociales protégées en apparence sont les premières à tomber, révélant et exprimant l’antagonisme essentiel entre les deux classes fondamentales formant la contradiction du mode de production capitaliste.

La crise générale du capitalisme agit comme des ciseaux, comprimant, écrasant tout ce qui existe entre prolétariat et bourgeoisie. Ce processus est évidemment complexe, visant certaines couches sociales plus que d’autres, de manière non symétrique et sans proportions entre les couches sociales. Tout cela dépend des rapports de force politique et économique, du contexte, de la nature de l’État, de la nature des crises économiques, etc.

Ainsi, l’armée est par définition une couche artificielle portée par le capitalisme, mais jamais la bourgeoisie n’amènera sa suppression, puisqu’il en va de sa survie. Il n’en va pas de même pour la recherche scientifique, par exemple, aussi absurde que cela apparaisse, car le capitalisme est porté par une classe décadente qui est incapable d’organisation. La bourgeoisie peut couper le fonds des subventions à l’art contemporain, qui lui est pourtant utile ; elle ne peut pas pour autant trop pressuriser la police.

La compression de la petite-bourgeoisie est ainsi un processus mécanique, produit de manière automatique de par la recherche de profits par la bourgeoisie. La petite-bourgeoisie est simplement sur sa route : elle dispose de capital et, à ce titre, aussi faible soit ce capital, il est une cible pour la bourgeoisie en quête d’accumulation.

La panique de la petite-bourgeoisie devant la prolétarisation

La petite-bourgeoisie a une véritable hantise de la prolétarisation. Elle entend rester à l’écart du prolétariat. Et, en même temps, elle sait très bien que la bourgeoisie est son ennemi, que les monopoles visent son expropriation. La petite-bourgeoisie est ainsi placée dans une situation intenable, l’amenant à avoir des revendications incohérentes.

D’un côté, elle veut avoir davantage de propriété, de l’autre elle ne peut pas avoir confiance ni en la bourgeoisie qui ne compte rien lui céder, ni s’appuyer sur la classe ouvrière, qui porte en elle l’abolition de la propriété.

D’un côté, elle rejette toute critique collectiviste du capitalisme, de l’autre elle ne veut pas se retrouver comme simple valet de la bourgeoisie, tout en ayant en plus besoin de la classe ouvrière dans son opposition aux monopoles.

La petite-bourgeoisie n’est donc pas seulement une classe fantôme, n’existant que temporairement dans le mode de production capitaliste : elle est également hantée. La hantise du déclassement social la traverse de part en part.

Cela la pousse à réagir de manière d’autant plus hystérique qu’elle ne parvient pas à trouver la source de son trouble, et à être d’autant plus perturbée si jamais elle perçoit que sa propre nature est la source de sa condamnation sociale historique.

Elle invente par conséquent tout un nombre d’idéologies et de démarches sociales, toutes plus éclectiques les unes que les autres, car n’étant pas une classe, elle n’a pas le sens des réalités et doit puiser à la fois dans le camp bourgeois et le camp prolétarien.

Il y a donc toujours un dénominateur commun dans les expressions petites-bourgeoises : rejetant à la fois la classe ouvrière et les monopoles – ce qui n’est pas possible sur le plan historique – la petite-bourgeoisie est amenée à prôner une hypothétique troisième voie entre capitalisme et communisme.

Les caractéristiques de la « troisième voie » petite-bourgeoise

La quête d’une « troisième voie » entre capitalisme et communisme, c’est-à-dire entre les monopoles et la classe ouvrière, s’est exprimée par un nombre sans fin de démarches et d’idées utopiques censées résoudre les problèmes du monde.

Leurs caractéristiques obéissent à la loi comme elles reflètent le caractère incohérent de la petite-bourgeoisie. On retrouve donc systématiquement :

– la croyance en un complot d’une élite secrète ;

– le refus d’utiliser le terme bourgeoisie ;

– le refus de reconnaître l’existence de la classe ouvrière ;

– le refus d’aborder la question de la propriété ;

– la focalisation sur la finance ;

– l’exigence de la sobriété, d’un retour en arrière sur le mode productif ;

– le refus de la politique ;

– le refus de l’organisation démocratique prolongée et structurée de manière bien déterminée.

La petite-bourgeoisie se fait le vecteur d’une démarche qui ne doit servir qu’elle-même, qui ne doit correspondre qu’à ses propres intérêts. En même temps, elle a besoin de mobiliser dans le prolétariat pour se renforcer et doit donc utiliser une certaine démagogie sociale. Pour autant, rien ne doit aller dans le sens d’une éventuelle remise en cause de la bourgeoisie ; certains thèmes sont donc absolument proscrits.

La petite-bourgeoisie, lorsqu’elle formule un mouvement, met donc toujours en place un simulacre de lutte de classe.

Les nombreux exemples français

La France est traditionnellement un pays où la petite propriété a eu une grande place. Elle est restée majoritairement agricole jusque l’entre-deux guerres, et même après 1945 le poids de cette réalité sociale est resté très important, notamment dans la question du logement.

Sa dynamique impérialiste a permis de former de larges couches sociales intermédiaires, avec un puissant encadrement social et culturel, notamment au moyen des syndicats.

Il n’est donc pas surprenant que, avec la progression de la crise générale du capitalisme, il y ait une quasi avalanche de mouvements petit-bourgeois contestataires. L’un des plus fameux aura été « Nuit debout », qui prétendait réactiver le principe de la révolution française. C’est également pour beaucoup la dynamique de La France Insoumise, avec le même état d’esprit de non-remise en cause de la propriété, de l’utilisation du concept de « peuple » dans un sens très large et opportuniste.

Un autre mouvement très marquant a été le tandem Égalité & réconciliation / Dieudonné. La mode de la « quenelle » relève directement de l’esprit révolté petit-bourgeois ; elle a d’ailleurs puissamment contaminé le prolétariat lui-même. Alain Soral, leader de Égalité & réconciliation, a obtenu un grand succès comme polémiste agressif, au style violemment plébéien.

Il faut ici rappeler le très grand succès de la vague délirante voyant en les phénomènes sociaux un complot des « illuminatis ». Il y a eu bien d’autres variantes, comme les discours sur le « complot » qu’aurait été le 11 septembre, l’explication que la traînée des avions est un empoisonnement (les « chemtrails »), à quoi il faut ajouter le mouvement « zeitgeist », etc.

Ce « blocage » psychologique sur une élite est également celui d’ATTAC, qui vise uniquement la finance, ou bien dans l’arrière-pays, des « nationalistes autonomes ». Il y a eu la vague des bonnets rouges avec leur jacquerie fiscale, et il y a les antispécistes qui voient un complet « spéciste » dirigé le monde.

Il faut bien sûr mentionner l’immense vague formée par les décroissants, Alternatiba, les colibris de Pierre Rabhi et les zadistes. On est ici dans une vague de « retour à la terre » pour retrouver les valeurs censées être authentiques de la petite production.

Il y a également eu l’ultra-gauche, avec « l’insurrection qui vient » de Julien Coupat jusqu’au mouvement contre la loi travail, qui a d’ailleurs reçu le soutien ouvert de la CGT, c’est-à-dire de l’aristocratie ouvrière.

Et il y a les gilets jaunes, jacquerie fiscale portée par la petite-bourgeoisie entrepreneuriale.

La révolte petite-bourgeoise :
une base juste, une orientation déraillée

La petite-bourgeoisie n’est pas une classe et par conséquent sa crise n’est pas sa propre crise à elle. Elle n’a pas de densité historique suffisante pour cela. Sa crise est donc en même temps la crise du prolétariat et la crise de la bourgeoisie.

Elle est en même temps la crise du mode de production capitaliste, dans son existence concrète en tant que contradiction travail manuel / travail intellectuel, contradiction villes / campagnes.

Cela signifie que ce que porte la petite-bourgeoisie dans sa réalité même, c’est la transformation de la base du mode de production capitaliste, dans le sens de son effondrement. Cependant, tout le problème est que la petite-bourgeoisie est incapable de comprendre cela.

La question de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est historiquement celle de l’écologie, celle des gilets jaunes est celle du rapport entre les villes et les campagnes dans le cadre de la vie quotidienne. Les zadistes auraient dû se positionner en défense de la nature sauvage et les gilets jaunes comme les partisans du droit à la ville combiné au droit à la campagne.

Au lieu de cela, ils ont choisi de défendre la petite production locale pour les uns, la jacquerie fiscale pour les autres : cela reflète leur base sociale.

De la même manière, les antispécistes ne sont que le fruit d’une exigence d’un autre rapport avec les animaux (et non de l’absence de rapport destructeur). Les nationalistes autonomes sont l’expression de l’arriération de certains secteurs populaires et une tentative totalement déformée par le racisme de s’y opposer ; le triomphe de Dieudonné est une déviation de l’esprit universaliste anti-particulariste en haine fanatique d’une minorité.

La décroissance est une réaction au gaspillage absurde du capitalisme, ATTAC un refus de la passivité face à la prédominance du capital financier, Nuit debout un effort de convergence sociale, etc.

Il y a toujours une base réelle, la réalité sociale sur laquelle s’exprime la colère de la petite-bourgeoisie existe vraiment. Cependant, pour être à même de saisir le sens de cela, il faut une compréhension matérialiste dialectique que la petite-bourgeoisie ne peut pas saisir, pour deux raisons :

– cela lui est étranger, car elle s’oppose à la classe ouvrière dans sa vision du monde ;

– cela lui est impossible, car elle récuse tout rationalisme, tout matérialisme, toute conscience socialiste.

Une fois que la petite-bourgeoisie est lancée sur sa propre base, elle n’est pas rattrapable, de par son irrationalité.

La question du rapport
entre petite-bourgeoisie et classe ouvrière

La petite-bourgeoisie n’étant pas une classe, sa révolte n’est en soi qu’une conséquence historique du mode de production capitaliste. Par conséquent, la lutte de classe du prolétariat ne peut pas être celle de la petite-bourgeoisie. Il ne peut jamais s’agir d’unifier les exigences du prolétariat et de la petite-bourgeoisie, de les mettre sur le même niveau.

Tout comme la paysannerie, la petite-bourgeoisie n’est qu’une couche sociale transitoire historiquement ; elle n’a pas d’autonomie, elle ne peut qu’osciller, vaciller, être entraînée par l’un ou l’autre des deux pôles du capitalisme que sont le prolétariat et la bourgeoisie.

L’opportunisme consiste toujours à aligner le prolétariat sur la petite-bourgeoisie au nom de l’unité populaire nécessaire, alors qu’il s’agit justement inversement d’aligner la petite-bourgeoisie sur les nécessités historiques portées par le prolétariat.

L’une des démarches classiques de l’opportunisme vise forcément à ne pas aborder la question de ce qui relève de la petite-bourgeoisie, de ce qui relève du prolétariat. Une autre démarche vise à faire passer ce qui relève de la petite-bourgeoisie pour ce qui relève du prolétariat.

L’opportunisme a ainsi comme méthode soit de prétendre défendre le peuple « en général », soit de tenir un discours maximaliste dont le contenu est en réalité vain, petit-bourgeois, sans lien avec le processus historique du point de vue du prolétariat.

Bien cerner cet opportunisme et le récuser est une tâche incontournable.

La tentation romantique fasciste de la petite-bourgeoisie

La complexité du rapport entre prolétariat et petite-bourgeoisie s’accentue avec l’appel d’air effectué par le fascisme auprès de la petite-bourgeoisie.

Même si le fascisme signifie appauvrissement social, nihilisme culturel et volonté de guerre comme solution aux problèmes, avec une domination concrète des monopoles, il apparaît de par sa démagogie comme une utopie satisfaisant les fantasmagories de la petite-bourgeoisie.

En effet, le fascisme vise une conquête de la petite-bourgeoisie et même d’une partie réelle des masses populaires, du prolétariat, au moyen de la rhétorique nationaliste et de prétentions sociales communautaires.

Le fascisme s’expose toujours auprès de la petite-bourgeoisie comme un romantisme. C’est une démarche anti-rationnelle correspondant tout à fait au style petit-bourgeois, car la petite-bourgeoisie est en quête perpétuelle d’un moyen d’exister historiquement, alors que c’est impossible.

En présentant une utopie pacifiée virtuelle, le fascisme sait qu’il va parler à la petite-bourgeoisie, qui a l’impression d’avoir enfin trouvée une manière d’avoir sa place.

L’idéal communautaire du fascisme vise directement les attentes petites-bourgeoisies d’un monde statique, rassurant pour elle, sans compression de la part du prolétariat ni de la bourgeoisie.

Le fascisme comme « annulation » de la lutte des classes

Un aspect essentiel du fascisme qui parle à la petite-bourgeoisie, même si c’est en fait l’outil des intérêts de la bourgeoisie, est le refus de la lutte des classes. C’est là un grand thème du fascisme. La « réconciliation », la remise à sa « place » de chaque groupe social, le rétablissement d’un « équilibre », tout cela correspond aux espoirs de la petite-bourgeoisie.

Et cela sert directement la démarche du fascisme. L’objectif du fascisme est toujours de dévier les initiatives vers des choses secondaires ou carrément fausses, irrationnelles, afin d’empêcher la lutte des classes de tracer la route nécessaire pour renverser le mode de production capitaliste.

Le fascisme dévie les exigences de la lutte de classes pour proposer des solutions qui n’en sont pas, mais qui grâce aux préjugés, au manque de conscience sociale, culturelle, politique, à l’absence de connaissance du matérialisme dialectique, donnent l’impression de se diriger vers la sortie de la crise capitaliste.

Le fascisme n’est pas une simple réaction niant la lutte de classes. Il est une opération de mystification, visant à dévier l’énergie de la lutte des classes, afin de l’annuler. Cela n’étant possible que pendant un temps, le fascisme doit pour cette raison rapidement faire des réformes pour mener le pays à la guerre, seule voie possible pour la bourgeoisie et principalement les monopoles d’élargir leur accumulation capitaliste.

La démocratie populaire comme front populaire antifasciste

En tant que communistes disciples de Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong, nous savons que le Mouvement Communiste International a développé la forme de la démocratie populaire comme période intermédiaire entre la phase de pourrissement du capitalisme avancé et le socialisme.

Nous refusons le révisionnisme et défendons ce patrimoine.

La démocratie populaire, en brisant le pouvoir des monopoles et des grands propriétaires terriens, frappe le mode de production capitaliste en son cœur. Cela satisfait à la fois les intérêts de la classe ouvrière, mais également de la petite-bourgeoisie qui n’est plus alors sous le joug des monopoles.

Naturellement, la petite-bourgeoisie veut de son côté développer le capitalisme, cependant elle ne peut plus le faire de manière suffisamment ample pour devenir une bourgeoisie, avec des monopoles qui se reforment. De plus, la part principale de la production se fait par l’intermédiaire des monopoles anciens qui n’ont en effet pas été démantelés, mais socialisés. Cela présuppose bien entendu un État au service des larges masses, avec la classe ouvrière organisée comme force décisive historiquement.

La démocratie populaire se présente donc comme l’étape adéquate pour rassembler suffisamment les larges masses pour briser les monopoles et ouvrir la voie au socialisme.

Le Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste) affirme que l’objectif actuel n’est pas la révolution socialiste, mais la démocratie populaire comme étape historique obligatoire dans le cadre du capitalisme avancé.

Les concepts des « deux moments »
et du « courant transversal »

Si l’on regarde le parcours des mouvements portés par la petite-bourgeoisie, on peut voir qu’il y a toujours deux moments :

a) le premier est celui d’une véritable dynamique, avec une vraie portée critique, avec de larges sas avec le prolétariat, avec qui après tout la petite-bourgeoisie partage de très nombreux aspects de la vie quotidienne ;

b) le second moment est par contre celui d’un retournement complet, avec subitement l’affirmation de tendances fascistes plus ou moins fortes.

Nous affirmons que c’est là une loi historique. Cela se justifie par le fait que, n’étant pas une classe, la petite-bourgeoisie peut commencer à affirmer quelque chose, mais vacille immanquablement et finalement intègre son initiative dans une redynamisation du capitalisme, à moins que le prolétariat ne l’encadre adéquatement.

Dans le cas où il n’y a pas cet encadrement, le passage d’un moment à un autre peut se faire à un rythme plus ou moins rapide.

Le mouvement zadiste a mis du temps avant de prendre un tournant du type pétainiste, avec le culte du retour à la terre et de la mise en valeur de la petite production autosuffisante, etc. Le potentiel d‘une tournure tout à fait différente a existé pendant toute une période.

Le mouvement des Gilets Jaunes a quant à lui connu un retournement très rapide, passant quasi instantanément sous la coupe des éléments petits-bourgeois les plus liés au capitalisme, comme les commerçants, les petits entrepreneurs, les artisans, etc.

Il est un autre aspect important : l’émergence d’un courant transversal.

La dynamique de l’articulation de ces deux moments produit également un phénomène que les intellectuels bourgeois résument en disant que « les extrêmes se rejoignent » : il s’agit en réalité de la convergence de l’ultra-gauche avec l’extrême-droite. La nature petite-bourgeoise de l’ultra-gauche ramène celle-ci à échouer dans sa volonté d’affrontement total et la conduit à former un courant transversal de protestation avec l’extrême-droite.

Il s’agit là aussi d’une loi historique, dont un exemple connu est le soutien du trotskisme à l’occupation nazie, par le fait de nier la nécessité de la lutte armée au nom de « l’internationalisme ». Un autre exemple connu est le refus du front populaire antifasciste en Espagne par les courants d’ultra-gauche, au nom de la « révolution ».

Un dernier exemple est une tradition intellectuelle faisant de ce moment un fétiche et revendiquant une idéologie « nationale-révolutionnaire », « nationale-bolchevique ».

L’étape de la démocratie populaire comme orientation

Nous affirmons, eu égard à cette analyse, que la tâche actuelle des communistes est de contribuer à l’unification des masses contre les monopoles, sous la direction idéologique de la classe ouvrière.

Cela signifie que l’autonomie ouvrière est l’aspect principal et prime sur une unification avec la petite-bourgeoisie qui, sinon, aboutirait à une subordination à celle-ci. La priorité absolue est toujours de réfuter l’opportunisme qui idéalise tel ou tel phénomène qui transcenderait la différence entre prolétariat et petite-bourgeoisie.

Cela ne veut pas dire que le prolétariat ne doit pas soutenir le cas échéant la petite-bourgeoisie, bien au contraire. D’ailleurs, ce n’est qu’en la soutenant qu’il sera possible d’en faire une alliée, que la petite-bourgeoisie aura de vrais résultats, et donc ne répondra pas positivement au fascisme.

Cependant, fusionner conceptuellement la classe ouvrière et la petite-bourgeoisie est de l’opportunisme. Nous affirmons que c’est cela qui a amené le Parti Communiste Français à devenir révisionniste, la cause en étant l’interprétation opportuniste de Maurice Thorez des principes de Front populaire et de Démocratie populaire.

Nous rétablissons l’interprétation correcte : c’est notre identité politique, idéologique.

Pour synthétiser :

a) la révolte de la petite-bourgeoisie n’a de valeur historique que si elle se place en décalage par rapport au mode de production capitaliste, et donc qu’elle se place dans l’orientation portée par la classe ouvrière :

b) sans cela, elle va dans le sens d’un vecteur du fascisme comme mouvement romantique de masse cherchant à la neutralisation des contradictions :

c) le Front populaire contre les monopoles, contre le fascisme, contre la guerre, est l’orientation politique des communistes ;

d) l’établissement de la Démocratie populaire est le programme politique des communistes.

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

Décembre 2018

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Le prolétariat métropolitain

Dans un pays capitaliste développé, il existe de nombreux moyens de fuir la réalité, de se replier sur sa vie privée. Les forces productives sont suffisamment développées pour qu’on puisse vivre de manière à peu près correcte au quotidien, dans un environnement relativement stable, en se préoccupant de s’élever socialement, d’avoir différentes activités sportives ou culturelles, voire même d’accumuler du capital.

Les revendications sociales elles-mêmes servent directement les syndicats, qui eux-mêmes participent aux institutions, aux entreprises, contribuant à la modernisation des rapports sociaux, à leur adaptation aux nouvelles situations. Les exigences révolutionnaires ne font que alors vivoter à la marge de la société, de manière coupée de la classe ouvrière, ne s’exprimant au mieux que de manière bornée ou folklorique.

Ce panorama n’a rien de nouveau ; il est de fait vrai depuis 1968, voire le début des années 1960. Il reflète la situation mise en place par le capitalisme une fois qu’il s’est élancé : si auparavant, jusque dans les années 1950, il y avait encore beaucoup de goulots d’étranglements empêtrant les masses dans la misère la première crise venue, désormais il y a en France une base matérielle suffisante pour fournir un minimum de satisfaction matérielle et une intégration qui va avec.

Pour cette raison, il existe un poids croissant de l’importance de la subjectivité. Il ne suffit pas de prendre conscience de la réalité sociale, il faut également faire le choix de ne pas céder à la corruption, faire le choix de participer à la transformation du monde, se positionner de manière adéquate dans le rapport entre révolution et contre-révolution.

Cette thèse a été formulée comme suit, en 1972 déjà, par la Fraction Armée Rouge :

« La situation d’exploitation des masses dans les métropoles n’est plus couvert par seulement le concept de Marx de travailleur salarié, dont on tire la plus-value dans la production.

Le fait est que l’exploitation dans le domaine de la production a pris une forme jamais atteinte de charge physique, un degré jamais atteint de charge psychique, avec l’éparpillement plus avancé du travail s’est produite et développée une terrifiante augmentation de l’intensité du travail.

Le fait est qu’à partir de cela, la mise en place des huit heures de travail quotidiennes – le présupposé pour l’augmentation de l’intensité du travail – le système s’est rendu maître de l’ensemble du temps libre des gens.

À leur exploitation physique dans l’entreprise s’est ajoutée l’exploitation de leurs sentiments et de leurs pensées, de leurs souhaits et de leurs utopies – au despotisme des capitalistes dans l’entreprise s’est ajouté le despotisme des capitalistes dans tous les domaines de la vie, par la consommation de masse et les médias de masse.

Avec la mise en place de la journée de huit heures, les 24 heures journalières de la domination du système sur les travailleurs a commencé sa marche victorieuse – avec l’établissement d’une capacité d’achats de masse et la « pointe des revenus », le système a commencé sa marche victorieuse sur les plans, les besoins, les alternatives, la fantaisie, la spontanéité, bref : de tout l’être humain !

Le système a réussi à faire en sorte que dans les métropoles, les masses sont tellement plongées dans leur propre saleté, qu’elles semblent avoir dans une large mesure perdu le sentiment de leur situation comme exploitées et opprimées.

Cela, de telle manière qu’elles prennent en compte, acceptant cela tacitement, tout crime du système, pour la voiture, quelques fringues, une assurance-vie et un crédit immobilier, qu’elles ne peuvent pratiquement rien se représenter et souhaiter d’autre qu’une voiture, un voyage de vacances, une baignoire carrelée.

Il se conclut de cela cependant que le sujet révolutionnaire est quiconque se libère de ces encadrements et qui refuse de participer aux crimes du système.

Que quiconque trouve son identité dans la lutte de libération des peuples du tiers-monde, quiconque refuse de participer, quiconque ne participe plus, est un sujet révolutionnaire – un camarade. »

Aux côtés du Collectif Politique Métropolitain italien, la RAF allemande a souligné cette importance de la modernité capitaliste pour la question du niveau de conscience. Il ne s’agit pas de considérer de manière unilatérale le caractère corrompu des masses dans les pays capitalistes développés. Ce serait là du tiers-mondisme, un travers dans lequel la RAF elle-même est tombée en partie.

Cependant, il y a ici une dimension métropolitaine – pour désigner ce qui relève de la métropole impérialiste – qui doit impérativement être pris en compte. Aussi affirmons-nous qu’il est nécessaire de parler de prolétariat métropolitain lorsqu’il est parlé du prolétariat tel qu’il existe, dans une métropole impérialiste, depuis les années 1960.

Ne pas faire cela serait ne pas faire de distinction entre le prolétariat métropolitain et le prolétariat qui, jusqu’aux années 1950, ne disposait pas de moyens matériels l’intégrant dans un 24h sur 24 du capitalisme. Il n’y avait pas de toilettes individuelles, ni de télévision ; il n’y avait pas de consommation massive de viande, ni de matériels électroniques aisément accessibles. Les vacances n’étaient pas encore un bien de consommation de masse, pas plus que les voitures, les assurances-vie, l’art contemporain.

L’intensité de l’exploitation n’avait pas atteint le degré extrême d’usure psychique d’aujourd’hui ; si physiquement, le travail était davantage éreintant, il vidait psychologiquement et nerveusement moins qu’aujourd’hui, il emprisonnait moins les esprits et les démarches.

C’est ce qui explique que le prolétariat métropolitain ne se rebelle pas comme le faisait le prolétariat, que les conflits n’ont ni la dimension, ni la profondeur, ni la violence, ni le degré de conscience qu’ils avaient de par le passé.

Cela ne veut nullement dire que le mode de production capitaliste ait changé de forme, ni que cela remette en cause la chute tendancielle du taux de profit impliquant l’effondrement du capitalisme, la fuite en avant dans la guerre impérialiste.

Ce que nous disons, c’est que nous avons découvert que l’échec de la proposition communiste des années 1950 provient de l’incompréhension de la paupérisation, considérée comme générale alors, bien qu’en réalité elle n’était que relative, le capitalisme connaissant un nouveau cycle. En proportion, la bourgeoisie devenait plus riche, mais la modernisation permettait tout de même d’amener les larges masses à participer au nouveau cycle, dont elles tiraient des avantages matériels.

C’est cela qui fait que, si auparavant la participation aux syndicats était nécessaire comme Lénine l’a souligné avec raison, à partir des années 1960, l‘exigence de l’autonomie prolétarienne implique le rejet formel de ceux-ci.

Naturellement, il y a ici le besoin de bien saisir les changements historiques et de parer à toute relecture gauchiste ou droitière du passé. Le phénomène d’étudiants et de petits-bourgeois prétendant réinterpréter le communisme à la suite de mai 1968 est bien connu et perdure jusqu’à aujourd’hui. Nous tenons à rappeler ici qu’il y a deux maoïsmes : le vrai, celui du matérialisme dialectique, qui prolonge Marx et Lénine mais aussi Engels et Staline, et le faux qui consiste en un spontanéisme aux contours flous et aux pratiques pragmatiques-machiavéliques.

Cependant, nous pensons qu’en saisissant de manière juste la contradiction villes-campagnes, nous avons réussi à trouver un moyen de distinguer le juste de l’erroné, et ce pour tous les cas. La destruction de la planète, c’est-à-dire de la Biosphère, va de paire avec une vie quotidienne aux mœurs dépassés, impliquant destruction écologiques et anéantissement des animaux. Comprendre cet arrière-plan et le combattre est inévitable ; il est facile de voir que des gens prétendant vouloir changer les choses, tout en restant étrangers à cette problématique, relèvent du problème et non de la solution.

C’est évidemment un problème également avec les masses elles-mêmes, qui vivent de manière réactionnaire, leur vécu soutenant objectivement et subjectivement le mode de production capitaliste. Cependant, les masses sont souvent prêtes à développer leur conscience une fois placées face à la contradiction villes-campagnes, si la démarche communiste est bien calibrée. L’isolement idéologique réussi dans la contradiction travail manuel – travail intellectuel est bien moins de mise.

Nous affirmons que c’est là une stratégie historique convenant au prolétariat métropolitain, c’est-à-dire le prolétariat du mode de production capitaliste développé. Le prolétaire métropolitain, aliéné en plus d’être exploité, reste un être naturel confronté à la remise en cause générale de tous les cadres de vie par un mode de production capitaliste exigeant que tout lui soit subordonné. Les besoins existentiels du prolétaire métropolitain restent en contradiction complète avec un mode de production capitaliste qui entend façonner sa production, sa consommation, son corps, sa famille, son habitation, ses déplacements, selon ses propres besoins.

Développer la rupture avec la vie quotidienne aliénée et exploitée dans la métropole impérialiste !

Porter la rupture subjective au cœur de masses à travers l’autonomie prolétarienne contre les institutions de la métropole impérialiste !

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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1968 – 2018 : Déclaration maoïste du premier mai 2018

Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [Belgique]

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

Le premier mai de cette année a une signification particulière : il y a 50 ans eut lieu la révolte estudiantine de mai 1968 en France, qui a produit un mouvement populaire dans tout le pays, amenant plus de dix millions de travailleurs à faire grève. Elle a également produit de nombreuses organisations révolutionnaires – qui sont historiquement résumées sous l’étiquette de « gauchisme » – essayant de relancer le processus révolutionnaire brisé par le triomphe du révisionnisme, suite au coup d’État en Union soviétique en 1953.

Elle était en peine convergence, en tant que révolte de la jeunesse, qu’appel de la Révolution, avec la Grande Révolution Prolétarienne Culturelle en Chine.

La valeur de mai 1968 en France – et aussi dans d’autres pays, avec des formes différentes -, la valeur des expériences révolutionnaires des années 1970 en général, l’aspect négatif des influences idéologiques des petits-bourgeois et des universités (avec les étudiants, mais aussi les enseignants), doivent être compris correctement. En ce premier mai 2018, nous appelons à apprendre la leçon du passé.

La valeur historique de mai 1968 fait partie du patrimoine révolutionnaire mondial, car cela montre que, aussi forte que la société moderne bourgeoise puisse être à organiser ses institutions et ses contrôles idéologiques et culturels, elle est condamnée à l’échec. Il y a toujours un moyen de briser le système maintenant les masses dans une attitude passive ; il y a toujours un moyen d’ouvrir des espaces pour la conscience révolutionnaire.

En ce sens, la leçon principale de mai 1968 est l’autonomie des travailleurs, c’est-à-dire l’autonomie de la classe ouvrière, la nondépendance vis-à-vis des institutions et en particulier des syndicats. Le principal syndicat, la CGT, dominé par le Parti « Communiste » révisionniste, joua un rôle majeur pour empêcher l’alliance entre les étudiants et les ouvriers, pour réduire la lutte à une question économique. Il était une composante des institutions en tant que tel.

C’est la grande leçon de mai 1968, qui correspond au changement de forme de la société bourgeoise depuis que les forces productives se sont développées après 1945. Cela souligne bien sûr l’aspect subjectif. La capacité de rompre avec les formes de pensée et d’action diffusées par la bourgeoisie exige un haut niveau idéologique-culturelle.

C’était une nouvelle situation pour les communistes dans les pays impérialistes. Si mai 1968 a eu un tel écho, c’est aussi parce que la révolution russe d’octobre 1917 et la révolution démocratique chinoise de 1949 relevaient de sociétés peu développées, tant dans le plus grand pays du monde que dans le pays le plus peuplé du monde.

Mai 1968 en France apparaît donc comme une rupture majeure dans une société moderne bourgeoise, quelque chose d’un genre nouveau. Nous ne devons jamais oublier que la jeunesse rebelle a alors compris que la question était celle de la vie quotidienne.

La lutte des classes ne se réduisait pas à une question économique, mais était comprise comme telle : une lutte concernant chaque aspect de la vie, parce que la révolution touche au mode de production, à l’organisation de la société, au fait de permettre que se développent les facultés de chaque personne.

C’est pourquoi nous disons que la clef de mai 1968 est que le Parti révolutionnaire interagisse avec les larges masses à travers l’autonomie ouvrière : cela a été compris dans les vraies expériences maoïstes après mai 1968, en France, en Allemagne, en Italie, en Belgique.

C’est le moyen de construire le nouvel État, d’organiser la rupture à l’échelle de la société avec l’idéologie dominante. C’est le véritable sens du maoïsme.

Et ce sens réel était porté par la ligne rouge, à l’inverse de la ligne noire, qui prétendait être antirévisionniste dans la mesure où elle proposait le modèle révolutionnaire des années 1920, alors qu’en réalité c’était une tendance syndicaliste, légaliste, formaliste.

En ce premier mai 2018, nous appelons à comprendre ce fait : en raison de l’échec temporaire de la ligne rouge dans les années 1980-1990, les derniers restes de la ligne noire qui existent encore aujourd’hui prétendent avoir formé, dans les années 1960-1970, la bonne ligne, être le vrai mouvement maoïste.

Ce n’est pas vrai et il y a encore le besoin d’un mouvement prolétarien « de retour aux sources », récupérant l’héritage du passé et la Pensée-Guide qui a émergé alors.

Nous disons: il n’y aura pas de processus révolutionnaire dans aucun pays, si on ne comprend pas la lutte des deux lignes des années 1960-1970.

Même si souvent la ligne rouge avait tendance à passer au subjectivisme, elle était sur la bonne voie ; la ligne noire n’a rien à proposer, sinon une stratégie néo-syndicaliste, formelle, pleine de clichés, sans aucune valeur culturelle et idéologique. L’exemple français de mai 1968 est ici très clair, car il y avait :

– un Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France – PCMLF, qui était légaliste, néosyndicaliste, allant de plus en plus à travers de nombreuses scissions vers le réformisme, l’hoxhaisme, une ligne pro-Deng Xiaoping ;

– une Union des Jeunesses Communistes (marxistes-léninistes) – UJC (ml), devenue la Gauche Prolétarienne – GP, étant l’organisation la plus célèbre des années 1960-1970 en raison de son activité, de sa quête de l’autonomie ouvrière.

Cette lutte de deux lignes existait en fait partout dans le monde, par exemple à travers la contradiction entre le Parti communiste d’Inde (marxiste) et le Parti communiste d’Inde (marxiste-léniniste), le Türkiye İhtilalci İşçi Köylü Partisi et le Parti communiste de Turquie / Marxiste-Léniniste, le Revolutionary Youth Movement II et le Revolutionary Youth Movement I, etc.

C’est au cours de ces luttes des deux lignes que Siraj Sikder, Akram Yari, Ibrahim Kaypakkaya, Gonzalo, Charu Mazumdar… sont apparus comme Pensées-Guides dans leur propre pays.

Comme on le sait, la ligne rouge n’a pas réussi à mener à bien son initiative, même si elle a marqué l’histoire de son pays, contrairement à la ligne noire.

Il est évident, par exemple, que même s’ils ont échoué, le Black Panther Party et les Weathermen ont marqué l’Histoire américaine, alors que le Parti Communiste Révolutionnaire des États-Unis, ne l’a pas fait. La raison de l’échec peut maintenant être correctement comprise, cinquante ans après.

La ligne rouge, alors, surestimait la question de l’aspect subjectif, croyant que le processus révolutionnaire ne serait qu’une question de quelques années; ce n’est pas avant le début des années 1980 qu’apparut la compréhension que le processus révolutionnaire serait en soi de nature prolongée.

La ligne rouge, également, n’a pas été capable de récupérer correctement le matérialisme dialectique.

La continuité du marxisme-léninisme, défini par Staline, à travers la Grande Révolution Prolétarienne Culturelle, à travers le Maoïsme, n’a pas été appréhendée de manière appropriée, permettant l’émergence de la gauche-subjectiviste et de la droite-liquidationniste. L’histoire de la ligne rouge est donc souvent marquée par l’instabilité et le triomphe brutal du liquidationnisme. Nous devons comprendre que c’était le prix à payer pour découvrir la nouvelle situation.

Pour cette raison, il n’y a pas de fétichisme à faire, ni de mai 1968, ni des expériences faites alors et ensuite. Cela remettrait entre les mains du subjectivisme, même si le risque principal, encore aujourd’hui et à cause du développement des forces productives, est encore la perte de l’aspect subjectif.

Il faut rappeler ici que de nombreux acteurs de mai 1968 sont devenus membres des institutions, notamment dans les domaines intellectuel et culturel. Et la partie moderniste de la bourgeoisie a aussi utilisé l’ébranlement de mai 1968 pour promouvoir le libéralisme, l’individualisme, le refus de toute valeur « conservatrice » qui signifie n’importe quelle valeur, etc.

Chaque séquence de lutte de classe doit être correctement comprise en rapport avec les séquences avant et après celle-ci, et bien sûr avec le but principal : la conquête du pouvoir. Nous disons pour cette raison: apprenons, ce 1er mai 2018, de mai 1968 !  ■

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Subjectivité, collectivité, auto-détermination

Avril 2018

Parti Communiste de France (Marxiste-Léniniste-Maoïste)

Prolétaires de tous les pays, unissez vous !

Nous voulons ici souligner des points essentiels sur l’importance de l’esprit révolutionnaire, sur ce que cela implique dans l’engagement révolutionnaire, dans le regroupement des personnes ayant acquis un certain niveau de conscience les amenant à assumer le conflit avec le mode de production capitaliste.

Ce que nous voulons dire par là, c’est qu’il n’existe pas de vie possible dans une société capitaliste sans un esprit de rupture et de confrontation avec les valeurs qui sont imposées dans la vie quotidienne. Il ne s’agit pas simplement d’un partage inégalitaire des richesses, d’une hiérarchie sociale injuste qui posent problème, mais bien de toutes les facettes de la vie qui sont déformées, appauvries, niées, empêchant chaque personne de déployer ses facultés réelles.

La laideur des grandes villes, l’impossibilité de développer des activités artistiques, l’arriération des mentalités prisonnières d’un travail répétitif, l’isolement des campagnes, la destruction de la nature… tout cela se confronte à la compréhension que tout pourrait être autrement.

Et cela est d’autant plus flagrant que, grâce à la culture historique dont on peut disposer, on s’aperçoit que la société a progressé, évolué, que les forces productives et les richesses matérielles ont grandi sans commune mesure. Il y a un formidable héritage culturel populaire qui est nié, gâché, abîmé, converti en prétexte pour une consommation passive qui renforce inversement le mode de production capitaliste.

Cette question de l’héritage ne doit pas être sous-estimée : elle va de paire avec deux choses fondamentales. La première, c’est le fait que l’héritage relève d’un concept s’appuyant sur l’existence de la classe ouvrière comme classe devant prendre les commandes de la société, tout comme la bourgeoisie et l’aristocratie l’ont fait dans le passé pour façonner la société selon leurs propres valeurs.

Il ne s’agit pas d’aller vers le passé, de pratiquer un romantisme anticapitaliste idéalisant le petit capitalisme ou le moyen-âge, voire l’antiquité.

La seconde chose fondamentale, c’est que l’humanité actuelle est le fruit d’une accumulation de valeurs, d’expériences, de principes, qui se sont synthétisés et permettent justement ce qu’on appelle le progrès.

Il ne s’agit pas de nier les apports du passé, qui ont contribué à la civilisation. Il s’agit de faire le tri entre ce qui relève du progrès et ce qui relève des formes du passé, de l’exploitation, de l’oppression.

A cela s’ajoutent les éléments à la fois nouveaux et façonnés par les mentalités arriérées : il est évident par exemple que la chasse à courre appartient au passé et doit être supprimée. Il faut également saisir en quoi la fuite dans l’alcool ou les drogues appartient à un mode de vie isolé, aliéné, propre à la vie quotidienne épuisante et épuisée que propose le capitalisme.

Par conséquent, la subjectivité révolutionnaire se doit d’aller avec le refus systématique du subjectivisme. Depuis 1848 et l’établissement de son pouvoir, depuis l’impressionnisme en peinture, depuis des philosophes comme Auguste Comte avec le positivisme ou encore Henri Bergson avec son vitalisme, la bourgeoisie ne cesse de valoriser le choix individuel comme porteur de sens et de valeurs.

La défense intransigeante du réalisme – du réalisme socialiste dans le sens de l’Union Soviétique de Joseph Staline – est une réponse incontournable aux lubies subjectivistes liées, d’une manière ou d’une autre et cela de manière obligée, à la bourgeoisie.

Il ne s’agit jamais de faire un fétiche de sa propre situation, malgré les souffrances et ce qu’on peut endurer dans cette société. Au-delà de sa situation personnelle, particulière, il y a la question de l’ensemble, de l’avenir.

Chercher à détruire ce qui nous détruit ne peut être que le point de départ, aboutissant à l’organisation collective dans le but de donner une réalité au renversement d’un système d’exploitation et d’oppression.

Cette subjectivité révolutionnaire reste la base pour trouver une voie pour exister de manière authentique malgré le capitalisme ; c’est une exigence qui part du plus profond de la conscience et de la sensibilité de toute personne voyant les choses en face.

Mais c’est une base qui, de manière dialectique, forme également une étape seulement, pour se rassembler, s’organiser, donner la vitalité à ce qui doit être appelé l’avant-garde, le Parti.

Précisons ici une chose capitale. Ce qu’on appelle révolution n’est pas, ici, un vain espoir ou l’attente d’un changement supprimant tous les problèmes d’un coup, mais c’est également un moment, une étape essentielle, cruciale, pour pouvoir avoir les moyens de briser les obstacles.

Il faut savoir raisonner en termes d’étapes et de moyens. L’Histoire procède par sauts, la lutte de classes reflète désormais la contradiction du mode de production capitaliste. Saisir cela, comprendre ce que signifie la subjectivité révolutionnaire comme antagonisme théorique et pratique, c’est se lancer dans le processus historique révolutionnaire, et cela veut dire aussi : être à la hauteur de l’idéologie, du matérialisme dialectique.

Pour cette raison, la nature même de l’organisation révolutionnaire, en conflit avec l’État – et non pas la société -, avec comme objectif de dépasser le mode de production capitaliste – et non de le faire reculer, de le repousser, de le refouler – repose sur les trois principes suivants : subjectivité, collectivité, auto-détermination.

Par subjectivité, il faut comprendre la capacité de décision personnelle, l’engagement existentiel qui amène l’identité à se façonner de manière dialectique pour une expression normale, naturelle de la vie, et contre ce qui exploite et opprime.

Sans cette rupture subjective, qui est d’une importance capitale dans une métropole impérialiste, rien n’est possible à part l’esprit de capitulation, la soumission à une vie quotidienne anéantissant les facultés, la sensibilité, façonnant toute la personnalité au service du capitalisme.

L’unité des personnes ayant fait le choix de cette rupture est la collectivité.

Il ne s’agit pas ici de nier l’idéologie ou de sous-estimer son rôle, sa nature ; toute notre activité cette dernière décennie en témoigne d’ailleurs, puisque nous avons de manière ininterrompue rétabli les fondamentaux du matérialisme dialectique, des principes du communisme.

Vive notre Parti, qui a rétabli l’idéologie révolutionnaire, se plaçant sous le drapeau de Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong, qui a le premier affirmé dans un pays impérialiste l’universalité de la guerre populaire comme théorie militaire du prolétariat !

On aurait tort de s’imaginer, pour autant, que cela aboutit au dogmatisme comme ossification théorique, bien au contraire. Le mépris que nous pouvons avoir – que nous avons – contre des vantards pseudo-révolutionnaires ne repose pas tant sur le fait qu’ils sont d’une faiblesse idéologique criante, que sur leur nature méprisante à l’égard de tout ce qui est rupture sur le plan de la vie quotidienne.

Qu’en 2018, l’existence du véganisme ne soit toujours pas pris en compte par des gens prétendant changer le monde nous suffit largement pour n’avoir rien envie de faire avec de telles personnes. Que des gens qui prétendent vouloir la révolution, le grand soir, le soulèvement ou bien la « guerre populaire » – peu importe les différences fictives de terminologie – nient les expériences des années 1970 et 1980 nous suffit amplement à les cataloguer, à les disqualifier.

Il ne faut pas se leurrer : le principe même de Parti, de collectivité, ne repose jamais sur l’idéologie seule, mais toujours sur les gens qui la portent, sur leur capacité à la porter. Lorsqu’il n’y a plus ces gens, le parti révolutionnaire devient révisionniste, l’idéologie étant modifiée, inlassablement et imperceptiblement, jusqu’à sa négation complète.

Pour cette raison, il ne faut pas avoir de fétichisme du Parti, mais bien de ceux et celles qui portent la subjectivité révolutionnaire capable de porter l’idéologie du Parti. C’est en ce sens que le P«C»F ne vaut plus rien depuis 1953 et qu’il n’y a pas à chercher à quel moment le révisionnisme aurait fini de tout liquider.

Ce qui fait justement la force de la collectivité révolutionnaire, du Parti, c’est cette capacité humaine à échanger, à apprendre, à enseigner, à diriger, à organiser. Il n’existe aucune différence entre camarades au sein d’une telle collectivité, car chacun sait l’importance de la rupture qui a dû être portée pour en arriver là.

Assumer la conflictualité révolutionnaire n’est jamais aisée et même une fois qu’on y arrive, cela n’est pas gagné pour toujours. Il faut savoir se lier aux tendances nouvelles de l’époque, qui renforcent la subjectivité, permettent le développement du Parti. Une collectivité révolutionnaire ne vit pas séparé du mouvement de la réalité.

Cela signifie ici connaître également la patience, car le principe : « Les masses font l’histoire, le Parti les dirige », ne doit pas être remplacé par un volontarisme subjectiviste s’imaginant que « Le Parti fait l’histoire, les masses le dirige ».

L’inévitable inégalité de développement selon les situations souligne, par là même, le principe de l’auto-détermination.

Le Parti ne peut exister que par le centralisme démocratique, car sans Direction, il n’y a pas de ligne. Cependant, chaque révolutionnaire doit savoir s’insérer et porter le projet révolutionnaire conformément aux principes de la subjectivité révolutionnaire, de la collectivité organisée pour la porter.

Seul le Parti peut diriger, porter le matérialisme dialectique, mais chaque révolutionnaire est capable d’auto-détermination à partir du moment où il a été façonné par la collectivité, par le Parti. C’est le principe du Parti d’avant-garde : il ouvre la voie à une capacité individuelle de rupture, d’acquisition des grands principes du communisme, d’une vie tournée vers le nouveau, portant par conséquent l’initiative révolutionnaire dans une réalité donnée.

Que la situation de cette réalité soit différente selon les endroits, selon les moments, ne change rien et ne modifie nullement l’esprit de collectivité. C’est cet esprit, pétri dans le matérialisme dialectique, façonné par la lutte des classes, qui permet au Parti d’exister comme force historique, comme catalyseur de l’Histoire.

Pour le Communisme ! ■

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