Pseudo-Denys l’Aréopagite : l’incarnation

Le Corpus Dionysiacum représente un ensemble de très haut niveau, formant le cœur même de ce que va être le christianisme. Lorsque Martin Luther remettra en cause l’Église catholique romaine au XVIe siècle, il se verra ainsi dans l’obligation de rejeter Pseudo-Denys l’Aréopagite.

Mais pourquoi avoir repris le nom de Denys l’Aréopagite, mentionné par Paul ? En fait, ce choix est d’une importance capitale.

Ce qui est frappant, en effet, c’est qu’en reconnaissant Pseudo-Denys l’Aréopagite, le christianisme assume entièrement d’avoir comme l’un de ses principaux théoriciens quelqu’un ayant repris le néo-platonisme pour l’interpréter de manière chrétienne.

L’Église catholique romaine récidivera même, en saluant Thomas d’Aquin faisant une interprétation chrétienne d’Aristote, tout comme Pseudo-Denys l’Aréopagite a fait une interprétation chrétienne de Platon.

Le paradoxe qui en découle inévitablement est que cela signifie que le christianisme des origines ne suffisait pas en soi et qu’il fallait aller plus loin pour qu’il forme un tout cohérent.

Le christianisme apparaît, historiquement, comme le prolongement et le dépassement du néo-platonisme ; Pseudo-Denys l’Aréopagite est celui qui marque ce dépassement en synthétisant l’approche nouvelle.

La clef de tout cela est dans le thème qui, lorsque Paul rencontre le vrai Denys l’Aréopagite, choque les Athéniens connaisseurs de la philosophie : la résurrection des corps.

Le platonisme enseignait déjà l’éternité de l’âme : en soi, le christianisme ne devait pas les choquer sur ce point.

Par contre, la résurrection était un concept inacceptable. La raison est simple à comprendre : dans une société esclavagiste, l’individu est relatif par rapport au corps social. Son âme ne peut donc relever que d’une super-âme totale (chez Platon), sa sagesse que d’une supra-sagesse (chez Aristote).

Il n’y a, en aucun cas, d’incarnation. Il n’y a pas, dans la culture de la Grèce antique, ce principe de l’incarnation qu’on trouve en Orient avec le judaïsme (Moïse), le christianisme (Jésus), l’Islam (Mahomet).

Or, à l’opposé de la lecture grecque antique liée au mode de production esclavagiste, la résurrection des corps signifie un retour entièrement individuel, une reconnaissance personnelle.

On va donc ici au-delà des lois cosmiques absolues qui, pour les Grecs, formaient un horizon indépassable, et cela quel que soit leur soutien à tel à tel courant philosophique, même antagoniste.

Le christianisme apparaissait ici comme une affirmation de la dignité personnelle propre à une universalité anti-esclavagiste. C’était incompréhensible à quiconque restait prisonnier du cadre intellectuel et culturel de l’antiquité gréco-romaine.

Mais cette dernière était elle-même toujours plus obligée de reconnaître que la mise en esclavage d’une personne relevait du hasard, pas de la nature immuable de celle-ci, que le travail se faisait mieux par une personne motivée qu’une personne écrasée, que le système esclavagiste était intenable de toutes manières.

Voilà pourquoi le christianisme fut le prolongement naturel du dépassement de l’esclavage.

Voilà pourquoi on retrouve, dans la tradition idéaliste de l’antiquité gréco-romaine, des penseurs qui prolongent le platonisme et le néo-platonisme en le christianisme. C’est ici qu’on a, comme figures essentielles, Pseudo-Denys l’Aréopagite, Augustin et Boèce.

Pseudo-Denys l’Aréopagite est celui qui a mené le travail de fond pour éclaircir l’horizon magico-mystique du néo-platonisme, pour apporter l’incarnation, donc l’individualité qui permet de sortir idéologiquement du mode de pensée liée à l’esclavagisme.

Pseudo-Denys l’Aréopagite tel que montré dans le Ménologe de Basile II, X-XIe siècle

Mais pourquoi conserve-t-il alors le néo-platonisme, au lieu de se contenter de l’incarnation? 

Tout simplement, parce qu’il a bien fallu justifier l’existence du monde, cinq cent ans après l’incarnation. La fin des temps n’apparaissant pas comme l’horizon immédiat, il a fallu expliquer la réalité et pour cela le néo-platonisme était l’outil parfait. Restait, pour Pseudo-Denys l’Aréopagite, à combiner cela avec l’incarnation.

Pour cette raison, Pseudo-Denys l’Aréopagite a dû faire deux choses : expliquer la hiérarchie dans les cieux, les anges étant plus ou moins hauts dans la hiérarchie, c’est-à-dire plus ou moins proches de Dieu, mais également expliquer la hiérarchie sur Terre.

Voici comment il décrit l’organisation des formes intermédiaires entre le monde matériel et le un divin, formes que le christianisme appelle les anges :

« Les pures intelligences ne sont pas toutes de la même dignité ; mais elles sont distribuées en trois hiérarchies, dont chacune comprend trois ordres.

Chaque ordre a son nom particulier; et, parce que tout nom est l’expression d’une réalité, chaque ordre a véritablement ses propriétés et ses fonctions distinctes et spéciales.

Ainsi les Séraphins sont lumière et chaleur, les Chérubins science et sagesse, les Trônes constance et fixité : telle apparaît la première hiérarchie.

Les Dominations se nomment de la sorte à cause de leur sublime affranchissement de toute chose fausse et vile ; les Vertus doivent ce titre à la mâle et invincible vigueur qu’elles déploient dans leurs fonctions sacrées ; le nom des Puissances rappelle la force de leur autorité et le bon ordre dans lequel elles se présentent à l’influence divine : ainsi est caractérisée la deuxième hiérarchie.

Les Principautés savent se guider elles-mêmes et diriger invariablement les autres vers Dieu ; les Archanges tiennent aux Principautés en ce qu’ils gouvernent les Anges, et aux Anges, en ce qu’ils remplissent parfois, comme eux, la mission d’ambassadeurs : telle est la troisième hiérarchie. »

Cela peut sembler étrange, mais c’est inévitable et c’est là que le néo-platonisme est incontournable pour l’idéalisme. À partir du moment où on ne reconnaît pas la matière comme en mouvement et éternelle, alors il faut bien un début, ce qu’on appelle la Création, ou Dieu.

Ce début étant forcément totalement indépendant de la matière, il faut justifier qu’il donne naissance au monde lui étant totalement extérieur ou étranger, aussi c’est le principe de « flux » qui a été utilisé, pour expliquer que le un divin produisait une sorte d’irrigation énergétique, à différents niveaux, qui donne naissance au monde.

Pseudo-Denys l’Aréopagite introduit ici le principe de la hiérarchie. De la même manière que les anges sont plus ou moins irradiés, selon leur niveau d’existence, par la lumière divine, les membres de l’Église reçoivent plus ou moins de lumière divine.

C’est une christianisation du néo-platonisme.

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Pseudo-Denys l’Aréopagite : un auteur «suprapersonnel»

L’histoire des écrits du Pseudo-Denys l’Aréopagite et de qui il est réellement est particulièrement tourmentée. D’ailleurs, l’Église orthodoxe réfute encore l’idée que Denys l’Aréopagite et Pseudo-Denys l’Aréopagite seraient deux personnes différentes ; en France, on a même temporairement également assimilé Denys l’Aréopagite, le Pseudo-Denys l’Aréopagite et Saint-Denis.

Cet aspect problématique est d’autant plus frappant que, dans ses écrits, Pseudo-Denys l’Aréopagite souligne grandement la nécessité de maintenir secret les enseignements les plus importants, voire même le cœur de la doctrine chrétienne.

Il y a ici un grand flou qui contraste fortement avec l’immense importance de ces écrits pour le christianisme.

Ce qui est clair, en tout cas, c’est qu’à partir du VIe siècle commence la diffusion de documents d’un auteur censé être Denys l’Aréopagite. Ceux-ci consistent en quatre traités et dix lettres.

Les traités portent sur la Hiérarchie céleste et la Hiérarchie ecclésiastique qui en est le pendant terrestre, ainsi que sur les Noms divins et la Théologie mystique. A cela s’ajoutent des lettres à différentes personnes, soulignant différents aspects des traités.

À part le nom de l’auteur qui est une claire référence au Nouveau Testament, on ne trouve que rarement des références au fait que l’auteur serait le vrai Denys l’Aréopagite.

Ainsi, l’auteur raconte à un moment, comme en passant, avoir assisté à l’éclipse du Soleil ayant eu lieu à la mort de Jésus ; il aurait également été présent au moment de la mort de Marie, en présence de Jacques et de Hiérothée, son propre maître et lui-même disciple de Paul.

Il écrit également à Polycarpe (69-155), évêque de Smyrne, et il aurait connu Timothée évêque d’Éphèse, ainsi que Carpus mentionné par Paul ; c’est même à la demande de Timothée qu’il aurait écrit les traités sur la hiérarchie ecclésiastique et des noms divins.

Il a été clair pourtant dès le départ que ces écrits ne pouvaient pas avoir comme origine le vrai Denys l’Aréopagite ; l’évêque Hypatios d’Éphèse rejette d’ailleurs dès 531 une telle prétention, au nom du fait que les textes seraient inconnus de la tradition chrétienne.

De fait, les premières références aux documents n’émergent qu’en 528 chez Sévère d’Antioche, dans un contexte de débat intense sur la nature du Christ, le rapport entre sa part divine et sa part humaine, amenant à de multiples scissions religieuses.

Ce contexte va, semble-t-il, jouer un rôle important. Entre 536 et 553, l’ensemble des œuvres du Pseudo-Denys l’Aréopagite sont rassemblées dans un Corpus Dionysiacum par Jean de Scythopolis, qui rédige également des commentaires explicatifs.

Il s’agissait d’une grande figure du combat contre le « monophysisme », qui voyait la part humaine du Christ absorbé par la part divine. Or, justement, les œuvres du Pseudo-Denys l’Aréopagite correspondaient parfaitement au rejet du « monophysisme ».

À partir de là, l’œuvre se répand toujours plus, tant dans les Églises d’Orient et d’Occident, l’authenticité n’étant plus remise en doute.

Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’on put constater l’impossibilité de confondre l’identité de Denys l’Aréopagite et de celui alors appelé le Pseudo-Denys l’Aréopagite. Les recherches universitaires attribuent alors, sans certitude aucune, les écrits du Pseudo-Denys l’Aréopagite à Sévère d’Antioche, Denys d’Alexandrie, Pierre l’Ibérien ou encore Serge de Resaina.

Mais le problème ne se pose certainement pas à ce niveau. Les écrits du Pseudo-Denys l’Aréopagite sont une très haute synthèse idéologique. L’un des plus importants théologiens catholiques du XXe siècle, Benoît XVI, a présenté comme suit, alors qu’il était pape, la question de l’identité de cette figure historique.

Il s’agirait d’une sorte de signature collective :

« Je voudrais aujourd’hui [en 2008], au cours des catéchèses sur les Pères de l’Église, parler d’une figure très mystérieuse :  un théologien du sixième siècle, dont le nom est inconnu, qui a écrit sous le pseudonyme de Denys l’Aréopagite.

Avec ce pseudonyme, il fait allusion au passage de l’Ecriture que nous venons d’entendre, c’est-à-dire à l’histoire racontée par saint Luc dans le chapitre XVII des Actes des Apôtres, où il est rapporté que Paul prêcha à Athènes sur l’Aréopage, pour une élite du grand monde intellectuel grec, mais à la fin la plupart des auditeurs montrèrent leur désintérêt et s’éloignèrent en se moquant de lui ; pourtant certains, un petit nombre nous dit saint Luc, s’approchèrent de Paul en s’ouvrant à la foi. L’évangéliste nous donne deux noms :  Denys, membre de l’Aréopage, et une certaine femme, Damaris.

Si l’auteur de ces livres a choisi cinq siècles plus tard le pseudonyme de Denys l’Aréopagite, cela veut dire que son intention était de mettre la sagesse grecque au service de l’Évangile, d’aider la rencontre entre la culture et l’intelligence grecque et l’annonce du Christ; il voulait faire ce qu’entendait ce Denys, c’est-à-dire que la pensée grecque rencontre l’annonce de saint Paul ; en étant grec, devenir le disciple de saint Paul et ainsi le disciple du Christ.

Pourquoi a-t-il caché son nom et choisi ce pseudonyme ?

Une partie de la réponse a déjà été donnée :  il voulait précisément exprimer cette intention fondamentale de sa pensée.

Mais il existe deux hypothèses à propos de cet anonymat et de ce pseudonyme. Une première hypothèse dit :  c’était une falsification voulue, avec laquelle, en antidatant ses œuvres au premier siècle, au temps de saint Paul, il voulait donner à sa production littéraire une autorité presque apostolique.

Mais mieux que cette hypothèse – qui me semble peu crédible – il y a l’autre :  c’est-à-dire qu’il voulait précisément faire un acte d’humilité.

Ne pas rendre gloire à son propre nom, ne pas créer un monument pour lui-même avec ses œuvres, mais réellement servir l’Évangile, créer une théologie ecclésiale, non individuelle, basée sur lui-même.

En réalité, il réussit à construire une théologie que nous pouvons certainement dater du sixième siècle, mais pas attribuer à l’une des figures de cette époque : c’est une théologie un peu désindividualisée, c’est-à-dire une théologie qui exprime une pensée et un langage commun.

C’était une époque de dures polémiques après le Concile de Chalcédoine ; lui, en revanche, dans sa Septième Epître dit :   » Je ne voudrais pas faire de polémiques ; je parle simplement de la vérité, je cherche la vérité « .

Et la lumière de la vérité fait d’elle-même disparaître les erreurs et fait resplendir ce qui est bon. Et avec ce principe, il purifia la pensée grecque et la mit en rapport avec l’Evangile.

Ce principe, qu’il affirme dans sa septième lettre, est également l’expression d’un véritable esprit de dialogue :  ne pas chercher les choses qui séparent, chercher la vérité dans la Vérité elle-même, qu’ensuite celle-ci resplendisse et fasse disparaître les erreurs.

La théologie de cet auteur, tout en étant donc pour ainsi dire « suprapersonnelle », réellement ecclésiale, peut être située au sixième siècle.

Pourquoi ? Il rencontra dans les livres d’un certain Proclus, mort à Athènes en 485, l’esprit grec qu’il plaça au service de l’Evangile :  cet auteur appartenait au platonisme tardif, un courant de pensée qui avait transformé la philosophie de Platon en une sorte de religion, dont le but à la fin était de créer une grande apologie du polythéisme grec et de retourner, après le succès du christianisme, à l’antique religion grecque. »

La chose est entendue : il serait absurde de ne pas voir que, ce qui compte, c’est que des documents signés Pseudo-Denys l’Aréopagite représentent l’aboutissement théorique le plus haut formé par le christianisme pour former une doctrine complète.

C’est une œuvre de synthèse, peut-être collective, mais en tout cas clairement comprise comme un travail d’assemblage de la compréhension de la philosophie grecque et de son dépassement par le christianisme.

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Pseudo-Denys l’Aréopagite : Paul et l’Aréopage

Augustin, Pseudo-Denys l’Aréopagite et Boèce sont trois penseurs ayant joué un rôle historique capital, dans la mesure où ils ont été ceux qui, aux IVe – Ve – VIe siècles, ont réussi à faire du christianisme une idéologie cohérente et systématique.

Ils ont ici répondu à un besoin historique très particulier, permettant au christianisme de ne pas en rester au niveau d’une conception religieuse parmi d’autres, avec des sectes vivant à l’écart du monde de manière unilatérale.

C’est grâce à eux que les monastères vont devenir les bastions de la civilisation, maintenant le cap de la culture malgré un Moyen-Âge odieux sur le plan du développement des forces productives et des idées.

Ce sont ces monastères, ayant donné naissance aux universités, qui vont accueillir l’averroïsme et permettre à cette expression théorique matérialiste d’être reprise par les attentes pratiques de la bourgeoisie naissante, aboutissant à l’humanisme.

Si le profil de ces trois penseurs est très différent, leurs apports forment un ensemble permettant à la base du christianisme de posséder une dynamique interne capable d’exprimer les besoins de la société.

Augustin est né en 354 dans une province romaine en Algérie actuelle, où il meurt également en 430 ; son œuvre majeure est La Cité de Dieu. Il a donné au christianisme son style, son approche sur le plan de la sensibilité, dans le sens d’une quête de ferme bienveillance tournant au mysticisme complet, dans une optique résolument anti-matérialiste.

Pseudo-Denys l’Aréopagite a vécu au Ve siècle et a écrit toute une série d’œuvres expliquant les principes de la hiérarchie dans le ciel (les anges) et sur la terre (dans l’Église). C’est l’idéologue, qui fournit la dynamique sur le plan du rapport entre l’organisation et les idées.

Boèce est né à Rome vers 480 et est mort à Pavie en 524 ; son œuvre majeure est Consolation de philosophie. C’est un théoricien, qui fournit les principes généraux justifiant la théologie par un grand souci de cohérence et une grande exigence sur le plan intellectuel, portant la remise en cause de toute l’approche « philosophique » propre au stade supérieur de l’Antiquité gréco-romaine, avec notamment l’épicurisme et le stoïcisme.

L’ensemble de ces aspects va, par la suite, donner naissance à ce qui sera appelé historiquement la scolastique. La scolastique adopte la méthode de Boèce, pour traiter d’une vision du monde fourni par Pseudo-Denys l’Aréopagite, sur la base d’une démarche apportée par Augustin.

À ce titre, aucun de ces trois auteurs ne relèvent de la scolastique, qui naît uniquement de la rencontre fusionnelle de tous ces éléments.

Et le rôle du Pseudo-Denys l’Aréopagite est absolument essentiel, comme le révèle son nom, car on ne peut pas comprendre le christianisme sans en saisir la base néo-platonicienne.

Il s’agit d’un moine syrien, qu’on appelle Pseudo-Denys l’Aréopagite, car il s’est fait passer pour Denys l’Aréopagite, un athénien converti par Paul au Ier siècle, ce qui est raconté dans les Actes, 17:34.

Pseudo-Denys l’Aréopagite, XIe siècle,
Monastère d’Osios Loukas

Voici le passage concerné, d’une grande importance symbolique, car témoignant de la reconnaissance par un philosophe grec de la supériorité du christianisme. C’est cette « fusion » revendiquée par le christianisme qui a amené la confusion historique entre Denys l’Aréopagite et le Pseudo-Denys l’Aréopagite, qui a vécu plusieurs centaines d’années après. 

Dans ce passage, Paul, un apôtre (sans faire partie des douze apôtres), raconte un épisode de son passage en Grèce, sur l’Aréopage – terme désignant soit une colline, soit la réunion des magistrats se tenant auparavant sur cette colline.

Il s’y confronte aux philosophes, affirmant la supériorité du christianisme ; seule une poignée de philosophes le suit finalement, dont justement Denys, surnommé pour cette raison Denis de l’Aréopage, Denys l’Aréopagite.

1 Puis ayant traversé par Amphipolis et par Apollonie, ils vinrent à Thessalonique, où il y avait une Synagogue de Juifs.

2 Et Paul selon sa coutume s’y rendit, et durant trois Sabbats il disputait avec eux par les Écritures;

3 Expliquant et prouvant qu’il avait fallu que le Christ souffrît, et qu’il ressuscitât des morts, et que ce Jésus, lequel, [disait-il], je vous annonce, était le Christ.

4 Et quelques-uns d’entre eux crurent, et se joignirent à Paul et à Silas, et une grande multitude de Grecs qui servaient Dieu, et des femmes de qualité en assez grand nombre.

5 Mais les Juifs rebelles étant pleins d’envie, prirent quelques fainéants remplis de malice, qui ayant fait un amas de peuple, firent une émotion dans la ville, et qui ayant forcé la maison de Jason, cherchèrent [Paul et Silas] pour les amener au peuple.

6 Mais ne les ayant point trouvés, ils traînèrent Jason et quelques frères devant les Gouverneurs de la ville, en criant : ceux-ci qui ont remué tout le monde, sont aussi venus ici.

7 Et Jason les a retirés chez lui; et ils contreviennent tous aux ordonnances de César, en disant qu’il y a un autre Roi, [qu’ils nomment] Jésus.

8 Ils soulevèrent donc le peuple et les Gouverneurs de la ville, qui entendaient ces choses.

9 Mais après avoir reçu caution de Jason et des autres, ils les laissèrent aller.

10 Et d’abord les frères mirent de nuit hors [de la ville] Paul et Silas, pour aller à Bérée, où étant arrivés ils entrèrent dans la Synagogue des Juifs.

11 Or ceux-ci furent plus généreux que les Juifs de Thessalonique, car ils reçurent la parole avec toute promptitude, conférant tous les jours les Ecritures, [pour savoir] si les choses étaient telles qu’on leur disait.

12 Plusieurs donc d’entre eux crurent, et des femmes Grecques de distinction , et des hommes aussi, en assez grand nombre.

13 Mais quand les Juifs de Thessalonique surent que la parole de Dieu était aussi annoncée par Paul à Bérée, ils y vinrent, et émurent le peuple.

14 Mais alors les frères firent aussitôt sortir Paul hors de la ville, comme pour aller vers la mer; mais Silas et Timothée demeurèrent encore là.

15 Et ceux qui avaient pris la charge de mettre Paul en sûreté, le menèrent jusqu’à Athènes, et ils en partirent après avoir reçu ordre de [Paul de dire] à Silas et à Timothée qu’ils le vinssent bientôt rejoindre.

16 Et comme Paul les attendait à Athènes, son esprit s’aigrissait en lui-même, en considérant cette ville entièrement adonnée à l’idolâtrie.

17 Il disputait donc dans la Synagogue avec les Juifs et avec les dévots, et tous les jours dans la place publique avec ceux qui s’y rencontraient.

18 Et quelques-uns d’entre les Philosophes Epicuriens et d’entre les Stoïciens, se mirent à parler avec lui, et les uns disaient : que veut dire ce discoureur? et les autres disaient : il semble être annonciateur de dieux étrangers; parce qu’il leur annonçait Jésus et la résurrection.

19 Et l’ayant pris ils le menèrent dans l’Aréopage, [et lui] dirent : ne pourrons-nous point savoir quelle est cette nouvelle doctrine dont tu parles?

20 Car tu nous remplis les oreilles de certaines choses étranges; nous voulons donc savoir ce que veulent dire ces choses.

21 Or tous les Athéniens et les étrangers qui demeuraient à [Athènes], ne s’occupaient à autre chose qu’à dire ou à ouïr quelque nouvelle.

22 Paul étant donc au milieu de l’Aréopage, [leur] dit : hommes Athéniens! je vous vois comme trop dévots en toutes choses.

23 Car en passant et en contemplant vos dévotions, j’ai trouvé même un autel sur lequel était écrit : AU DIEU INCONNU; celui donc que vous honorez sans le connaître, c’est celui que je vous annonce.

24 Le Dieu qui a fait le monde et toutes les choses qui y sont, étant le Seigneur du Ciel et de la terre, n’habite point dans des temples faits de main;

25 Et il n’est point servi par les mains des hommes, [comme] s’il avait besoin de quelque chose, vu que c’est lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses; 26 Et il a fait d’un seul sang tout le genre humain, pour habiter sur toute l’étendue de la terre, ayant déterminé les saisons qu’il a établies, et les bornes de leur habitation :

27 Afin qu’ils cherchent le Seigneur, pour voir s’ils pourraient en quelque sorte le toucher en tâtonnant, et le trouver; quoiqu’il ne soit pas loin d’un chacun de nous.

28 Car par lui nous avons la vie, le mouvement et l’être; selon ce que quelques-uns même de vos poëtes ont dit; car aussi nous sommes sa race.

29 Etant donc la race de Dieu, nous ne devons point estimer que la divinité soit semblable à l’or, ou à l’argent, ou à la pierre taillée par l’art et l’industrie des hommes.

30 Mais Dieu passant par-dessus ces temps de l’ignorance, annonce maintenant à tous les hommes en tous lieux qu’ils se repentent.

31 Parce qu’il a arrêté un jour auquel il doit juger selon la justice le monde universel, par l’homme qu’il a destiné [pour cela] ; de quoi il a donné une preuve certaine à tous, en l’ayant ressuscité d’entre les morts.

32 Mais quand ils ouïrent ce mot de la résurrection des morts, les uns s’en moquaient, et les autres disaient : nous t’entendrons encore sur cela.

33 Et Paul sortit ainsi du milieu d’eux.

34 Quelques-uns pourtant se joignirent à lui, et crurent; entre lesquels même était Denis l’Aréopagite, et une femme nommée Damaris, et quelques autres avec eux.

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Apolitisme, populisme et conquête du pouvoir politique

Le capitalisme n’a pas besoin de la politique, seulement de gens réduits à leur emploi, leur environnement direct et leur consommation. Avec un capitalisme qui fournit désormais tellement de marchandises disponibles au grand nombre, cela neutralise les esprits et cela borne les horizons. La vie quotidienne se réduit à peu de choses sur le plan de la culture, de l’approfondissement des idées, d’une mise en perspective quant à l’avenir.

Pour la grande masse des gens, la vie consiste uniquement à sa propre vie, entre famille et emploi, consommation de divertissement et vacances, avec l’écran de télévision, d’ordinateur ou de smartphone comme nœud central permettant de disposer d’une liaison censée être objective avec la réalité. En réalité, on est là dans le solipsisme, dans la négation de l’existence réelle de ce qu’il y a autour de soi.

La passivité politique est la règle, et cela jusqu’à l’apolitisme. L’abstentionnisme n’est même plus un mépris, c’est simplement un dédain, et ceux qui se mobilisent consistent surtout en ceux qui justement affirment l’amertume de ne pouvoir satisfaire leur parfaite intégration dans la consommation et le style de vie capitaliste. Les gilets jaunes sont représentatifs de cette partie de la petite-bourgeoisie qui compte bien perpétuer son existence sociale.

La ligne des gilets jaunes, consistant à harceler l’État, reflète cette vision nihiliste de ce qui n’est pas une classe, seulement une couche sociale dont l’existence n’a été due qu’à un cycle particulièrement grand de croissance capitaliste. La fin de ce cycle marque leur inéluctable anéantissement social et leur démarche équivaut à celle des secteurs de masses ayant soutenu le fascisme en Italie et le national-socialisme en Allemagne.

Les élections européennes de 2019 sont un autre exemple de victoire du dédain et du populisme, avec la grande abstention, le succès de l’extrême-droite, l’apathie générale à ce sujet.

Il n’est pas besoin de chercher bien loin la nature de ce qui se déroule. Le capitalisme est ébranlé et en même temps se renforce comme jamais en profitant de ses gigantesques vagues successives d’accumulation de capital et de marchandises. Ce n’est pas un paradoxe, c’est une contradiction et cela est propre au développement non harmonieux du capitalisme lui-même.

Cela en est au point où la notion même de société se voit étouffée. Apolitisme et populisme sont, dans les faits, indissociablement liés. Ils sont le produit du 24 heures sur 24 de la vie sous le capitalisme, tout comme de l’effondrement du niveau culturel de la bourgeoisie, qui elle-même se confond toujours plus avec les possibilités de valoriser le capital. L’ouverture acceptée de manière générale à l’individualisme le plus complet, à la consommation de drogues dites douces, à la gestation par autrui… est une véritable modification de l’évaluation culturelle bourgeoise, qui auparavant se targuait de traditions.

La bourgeoisie est pourtant la classe dominante et on voit qu’elle ne domine plus rien, le mode de production capitaliste s’emballe et l’emporte elle-même dans la tombe, comme il va lui-même à la perdition. Les limites des possibilités d’accumulation, en raison de l’émergence de solides monopoles et des compétitions entre impérialismes, forment les conditions du renforcement du parti de la guerre, de la tendance à l’affrontement ouvert à l’extérieur, ainsi que du populisme et du fascisme à l’intérieur.

Il ne faut pas ici voir le fascisme comme la tyrannie d’une idéologie « totalitaire », comme le prétend la bourgeoisie libérale. Le fascisme est le corporatisme, qui consiste en la négation de la politique. L’idéologie « totalitaire » des régimes fascistes ne servait que de dénominateur commun à une société dépolitisée de manière totale et où les monopoles contrôlaient l’État. Le fascisme, ce n’est pas la politique au pouvoir, mais la négation de la politique.

C’est là un besoin de classe propre à la bourgeoisie la plus agressive, qui a besoin de tendances corporatistes et surtout pas de débats politiques, y compris dans un sens réactionnaire. Même les tendances politiques d’extrême-droite ont été mises au pas lorsqu’elles ont voulu politiser, appliquer un certain idéalisme. Le fascisme, c’est la terreur contre la politique.

Ce qui est inquiétant pour la France, c’est que depuis plusieurs décennies déjà le processus de dépolitisation est enclenché et va de victoire en victoire. Il n’y a désormais de place que pour la consommation et même ce qui reste de la politique devient du consommable. Il n’y a plus de partis politiques, seulement des mouvements participatifs, avec des primaires pour choisir les candidats, avec des élans qui s’appuient sur les réseaux sociaux, des engouements sur des individus.

Cette approche anti-politique existe déjà depuis longtemps aux États-Unis, elle est désormais présente en France, l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en étant une conséquence. C’est cela qui explique la faiblesse totale des mouvements politiques de gauche et même de droite, en comparaison avec le succès des populistes.

Cependant, si l’on regarde bien, cette dépolitisation était déjà là en France, avec le syndicalisme. Les activités syndicales ont toujours eu dans notre pays une démarche corporatiste, radicalement anti-politique. C’est la raison pour laquelle la CGT a toujours été d’esprit syndicaliste révolutionnaire, pour laquelle elle a été incapable d’être un puissant levier contre l’Occupation allemande, pour laquelle elle s’est opposée de manière frontale à mai 1968. Cela est évidemment d’autant plus vrai des autres courants syndicaux.

C’est que la France, de par la part significative de la petite propriété dans son économie, avait déjà préfiguré la division des larges masses en individus. La France a toujours connu une grande stabilité dans ses fondements, justement de par l’ampleur des petits propriétaires. La petite propriété implique la négation de la politique et encore plus de la question de la prise du pouvoir. L’anarchisme, si puissant dans notre pays, est l’expression directe de la petite-bourgeoisie qui entend nier la question du pouvoir, pour nier l’affrontement classe ouvrière – bourgeoisie.

Il ne s’agit même plus pour la petite-bourgeoisie de chercher une troisième voie entre socialisme et capitalisme, comme les idéologies fascistes ou bien nationales-catholiques ont prétendu le faire. L’objectif est simplement de geler les idées, ce qui convient tout à fait à un capitalisme qui a uniquement besoin de consommateurs, masquant particulièrement l’existence des producteurs.

C’est cela qui produit cette idée qu’il n’y aurait plus d’ouvriers dans notre pays. C’est bien évidemment faux. Toutefois, en l’absence d’affirmation politique de la classe ouvrière, celle-ci reste invisible. Et cela dure depuis plusieurs décennies. En fait, le modèle de dépolitisation en France existe pratiquement depuis 1848. Ni le coup d’État de Napoléon III en 1851, ni celui du maréchal Pétain en 1940, ni celui de De Gaulle en 1958 n’ont connu d’opposition populaire.

Le seul exemple contraire, et d’une haute signification, est le mouvement ouvrier répondant à la tentative de coup d’État du 6 février 1934. Cela a donné le Front populaire et c’est selon nous l’exemple à suivre. Nous ne disons pas qu’il est possible d’appliquer mécaniquement ses principes, ce qui ne serait pas possible rien que par l’absence de partis communiste et socialiste disposant d’une taille de masse et d’une influence massive sur la société, de par leur ancrage dans les masses ouvrières.

Ce que nous affirmons, c’est que le processus révolutionnaire en France ne peut reposer que sur la même substance politique : l’unité populaire contre la terreur de la dépolitisation, contre l’appel à un sauveur de type bonapartiste, contre l’acception de la gestion de la société par un État réactionnaire. Cela implique l’affirmation de la démocratie de masse, des assemblées populaires, de l’autonomie ouvrière.

Face à la dépolitisation, il faut la politique et celle-ci ne peut être portée que par les masses populaires. Les structures institutionnelles, auxquelles appartiennent les syndicats, tous les syndicats y compris la CGT, jouent un rôle néfaste, car privant d’espace l’expression démocratique populaire. Ceux qui soutiennent la CGT en espérant la reprise de la lutte des classes par son intermédiaire n’ont pas compris les enseignements de mai 1968, ni du maoïsme.

Il apparaît que l’apolitisme, la dépolitisation, le populisme… ne peuvent donc pas être compris sans saisir la nature du capitalisme avancé, sans voir comment il cerne la vie quotidienne, depuis l’alimentation jusqu’au divertissement ou l’enseignement. Nous vivons dans une métropole impérialiste et le prolétariat est désormais métropolitain : son style de vie a été façonné par le capitalisme et son antagonisme s’exprime de manière tortueuse, déformée.

C’est là qu’intervient l’Organisation révolutionnaire en comprenant le poids croissant de la subjectivité dans la prise de conscience de la réalité de la lutte des classes et ses implications. Il y a une nécessité de s’extirper à une vraie chape de plomb économique, sociale, idéologique, culturelle, politique, institutionnelle, sociale, etc. Il faut affronter l’exploitation et l’aliénation qui va avec et qui s’est renforcé sans commune mesure de par l’approfondissement du capitalisme.

L’apolitisme et le populisme relèvent de ce processus d’aliénation. Ils ne peuvent être que combattus par la recomposition du tissu prolétarien qui, en s’affirmant, pose les bases de l’autonomie du prolétariat et permet d’affirmer la nécessité stratégique d’aller à la conquête du pouvoir.

Telle est la seule voie révolutionnaire dans la métropole impérialiste.

Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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Les fondements du capital selon Marx : le corps prisonnier de la machine et le socialisme

Avec les machines, les capitalistes se lançaient dans une nouvelle vague de production, et c’est la vie entière qu’ils risquaient de ruiner, aussi la société elle-même mit un frein, comme l’explique Marx :

« La prolongation démesurée du travail quotidien produite par la machine entre des mais capitalistes finit par amener une réaction de la société qui, se sentant menacée jusque dans la racine de sa vie, décrète des limites légales à la journée : dès lors, l’intensification du travail, phénomène que nous avons déjà rencontré, devient prépondérante. »

Pour compenser, les capitalistes renforcèrent l’intensification du travail, en perfectionnant toujours davantage les machines. Cela signifiait toujours plus d’aliénation et d’exploitation pour le travailleur :

« Le moyen de travail converti en automate se dresse devant l’ouvrier, pendant le procès de travail même, sous forme de capital, de travail mort qui domine et pompe sa force vivante. »

Il y eut ainsi des sabotages de machines effectués dans le cadre de révolte ouvrière, les travailleurs ne distinguant pas encore le moyen matériel de production du mode social d’exploitation.

Mais ce n’est pas tout. Si le capitaliste produit, il doit également vendre, et bien évidemment la révolution industrielle a provoqué des goulots d’étranglements. Karl Marx constate ainsi :

« L’expansibilité immense et intermittente du système de fabrique jointe à sa dépendance du marché universel enfante nécessairement une production fiévreuse suivie d’un encombrement des marchés, dont la contraction amène la paralysie.

La vie de l’industrie se transforme ainsi en série de périodes d’activité moyenne, de prospérité, de surproduction, de crise et de stagnation. »

Cela signifiait que les capitalistes en pleine concurrence baissaient toujours davantage les salaires, condamnant à un dénuement le plus complet les travailleurs, sans parler des conditions de travail, totalement abjects.

Cet écrasement physique et mental de l’être humain fait face à la collectivisation du travail par la fabrique, ainsi donc dialectiquement l’être humain se réaffirmant dans sa nature, et non plus comme dépendance de l’automate, profite de ce passage historique par l’étape de la fabrique.

Ce qui fait dire à Marx que l’éducation de l’avenir

« unira pour tous les enfants d’un certain âge le travail productif avec l’instruction et la gymnastique, et cela non seulement comme méthode d’accroître la production sociale, mais comme la seule et unique méthode de produire des hommes complets. »

De la même manière, Marx constate que la technologie devra être comprise par les masses :

« Si la législation de la fabrique, première concession arrachée de haute lutte au capital, s’est vue contrainte de combiner l’instruction élémentaire, si misérable qu’elle soit, avec le travail industriel, la conquête inévitable du pouvoir politique par la classe ouvrière va introduire l’enseignement de la technologie, pratique et théorique, dans les écoles du peuple. »

Le socialisme est le mode de production exigée par les masses qui sont exploitées par le capitalisme, et aliéné par des méthodes qui lui sont insupportables.

La grande difficulté des révolutions russe et chinoise fut justement qu’il a fallu, inévitablement, assumer le capitalisme embryonnaire et le dépasser de manière la plus organisée possible, dans des pays arriérés économiquement.

Les succès titanesques dans la construction du socialisme sous la direction de Lénine et de Staline en URSS, de Mao Zedong en Chine, ont malheureusement été ébranlés par le révisionnisme, qui a su profiter des difficultés.

Cependant, on ne peut pas arrêter la roue de l’histoire ; le capitalisme obéit à des lois dont les conséquences sont inéluctables.

Pour cette raison, les quatre autres dossiers traitant de l’oeuvre magistrale de Karl Marx, Le capital,traiteront du rôle de l’argent, de l’accumulation du capital, de la circulation du capital, et enfin de la loi de la baisse tendancielle du taux de profit.

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Les fondements du capital selon Marx : des manufactures aux machines, la révolution industrielle

Le capital décompose au départ ainsi le travail de l’artisan ; chaque étape est individualisée et attribuée à un travailleur précis dans le cadre d’une grande entreprise, d’une manufacture.

« De produit individuel d’un ouvrier indépendant faisant une foule choses, la marchandise devient le produit social d’une réunion d’ouvriers dont chacun n’exécute constamment que la même opération de détail. »

« L’analyse du procès de production dans ses phases particulières se confond ici tout à fait avec la décomposition du métier de l’artisan dans ses diverses opérations manuelles. »

Les travaux sont différenciés et obéissent à une spécialisation. Toutefois, le capitalisme s’accommode parfaitement d’un nivellement par le bas, ce que Marx souligne fondamentalement.

Là où au moyen-âge les travailleurs étaient des artisans devant avoir une formation pour maîtriser les différentes étapes de production, le travailleur et cela avec les manufactures devient un simple rouage de la grande machine de production.

C’est un gain de temps pour le capitaliste, qui ne forme pas les travailleurs, mais les précipite dans le gouffre du salariat.

« En tant que membre de travailleur collectif, le travailleur parcellaire devient même d’autant plus parfait qu’il est plus borné et plus incomplet.

L’habitude d’une fonction unique le transforme en organe infaillible et spontané de cette fonction, tandis que l’ensemble du mécanisme le contraint d’agir avec la régularité d’une pièce de machine. »

De fait, après le travailleur lié à un outil précis pour une activité précise, le capitalisme a développé directement les machines. La machine-outil remplace l’outil utilisé par le travailleur, et pourtant ce dernier reste au cœur du processus.

De fait, avec la machine, le travailleur n’utilise plus un seul outil, mais plusieurs par l’intermédiaire de la machine. C’est le principe de la révolution industrielle : les travailleurs doivent suivre le rythme de la machine.

On est là dans des schémas très élaborés, par la chimie, la mécanique, etc., et donc la fabrication passe par de nombreuses étapes, machines après machines, et l’être humain doit suivre, comme cela est montré dans la terrible métaphore de Charlie Chaplin dans Les temps modernes, du travailleur tournant les aiguilles d’une horloge géante à un rythme effréné dans Metropolis, etc.

Comme l’explique Marx :

« Si le principe de la manufacture est l’isolement des procès particuliers par la division du travail, celui de la fabrique est, au contraire, la continuité non interrompue de ces mêmes procès. »

Bien entendu, il y a également les communications et les transports qui doivent suivre, tout comme par ailleurs la fabrication des machines, avec au départ la machine à vapeur.

Tout cela exige le progrès scientifique, que la bourgeoisie va donc pousser. L’objectif est d’améliorer tout ce qui va avec la production, mais également de profiter de la force de la nature, et non plus seulement des bras des travailleurs.

« Le moyen de travail acquiert dans le machinisme une existence matérielle qui exige le remplacement de la force de l’homme par les forces naturelles et celui de la routine par la science.

Dans la manufacture, la division du procès du travail est purement subjective : c’est une combinaison d’ouvriers parcellaires.

Dans le système de machines, la grande industrie crée un organisme de production complètement objectif ou impersonnel, que l’ouvrier trouve là, dans l’atelier, comme la condition matérielle toute prête de son travail.

Dans la coopération simple et même dans celle fondée sur la division du travail, la suppression du travailleur isolé par le travailleur collectif semble encore plus ou moins accidentelle.

Le machinisme, à quelques exceptions près que nous mentionnerons plus tard, ne fonctionne qu’au moyen d’un travail socialisé ou commun. Le caractère coopératif du travail y devient une nécessité technique dictée par la nature même de son moyen. »

Tout cela fait que Marx parle des « forces naturelles du travail social ». Avec les machines, le travail du travailleur est démultiplié, il s’appuie de plus sur l’énergie naturelle : l’eau, la vapeur, etc. Et tout cela ne coûte rien au capitaliste, qui a juste réussi à regrouper les forces auparavant éparpillées.

Les muscles deviennent ainsi secondaires grâce aux machines, c’est cela qui fît que la révolution industrielle happa des femmes et des enfants. Marx note toute une série de chiffres à ce sujet : ceux de la terrible mortalité qui frappait alors.

Et pourtant, malgré le peu d’exigence physique, la machine brûle les corps, car son rythme est effréné ; elle avale, elle engloutit les travailleurs entièrement :

« Le mouvement et l’activité du moyen de travail devenu machine se dressent indépendants devant le travailleur.

Le moyen de travail est dès lors un perpetuum mobile industriel qui produirait indéfiniment, s’il ne rencontrait une barrière naturelle dans ses auxiliaires humains, dans la faiblesse de leurs corps et la force de leur volonté.

L’automate, en sa qualité de capital, est fait homme dans la personne du capitaliste. Une passion l’anime : il veut tendre l’élasticité humaine et broyer toutes ses résistances.

La facilité apparente du travail à la machine et l’élément plus maniable et plus docile des femmes et des enfants l’aident dans cette œuvre d’asservissement. »

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Les fondements du capital selon Marx : le capitaliste donne naissance à la force collective

La conséquence directe de l’augmentation de la productivité est la baisse des prix : c’est l’argument invoqué par les capitalistes, qui affirme que le capitalisme permet une consommation de masse, des prix toujours plus bas, etc.

En réalité, tout cela est acquis aux dépens des masses elles-mêmes. D’ailleurs, cela n’amène pas de baisse de la journée de travail. Comme le constate Marx :

« Le développement de la force productive du travail, dans la production capitaliste, a pour but de diminuer la partie de la journée où l’ouvrier doit travailler pour lui-même, afin de prolonger ainsi l’autre partie de la journée où il peut travailler gratis pour le capitaliste (…).

Il s’agit non seulement d’augmenter les forces productives individuelles, mais de créer par le moyen de la coopération une force nouvelle ne fonctionnant que comme force collective. »

Les prix baissent, car la production capitaliste a une autre envergure ; les économies d’échelle, la hausse de productivité… abaissent les prix, ce qui fait que paradoxalement le capital enlève de la valeur au produit : plus une marchandise est produite, moins elle a de valeur.

C’est cela qui fait le drame des petits producteurs, des petits capitalistes, bref des capitalistes moins puissants que d’autres.

Cependant, il est un autre aspect très important. Les travailleurs eux-mêmes sont prisonniers du capital, en raison du renouveau systématique du cycle de production. Ils appartiennent au capital, ils en sont une composante.

C’est d’ailleurs revendiqué par l’idéologie de la « cogestion », l’un des grands argumentaires en faveur du capitalisme consistant en ce qu’il ferait s’élever le niveau de vie, et que donc les masses, finalement, en profiteraient.

Or, comme dit plus haut, cela se fait en réalité par le travail, et non pas par le capital, qui a juste façonné et modernisé le travail.

De plus, il est inévitable que l’intensification du travail organisé par le capital permette l’élévation du niveau de vie, sans changer pour autant le gouffre entre la classe du capital et celle du travail.

Marx constate ainsi :

« Avec accroissement continuel dans la productivité du travail, le prix de la force de travail pourrait ainsi tomber de plus en plus, en même temps que les subsistances à la disposition de l’ouvrier continueraient à augmenter.

Mais même dans ce cas, la baisse continuelle dans le prix de la force de travail, en amenant une hausse continuelle de la plus-value, élargirait l’abîme entre les conditions de vie du travailleur et du capitaliste. »

En effet, avec davantage de productivité, on a, non pas davantage de valeur, mais au moins davantage de produits. C’est cela qui fait illusion que le capitalisme permette une élévation du niveau de vie, alors que justement derrière le capitalisme est marqué par des contradictions terrible, dont une mortelle.

C’est pour cette raison que le socialisme a souligné l’importance centrale de la théorie révolutionnaire, pour avoir une vision d’ensemble ; tout Le capital de Marx est parsemé de remarques comme quoi la vision scientifique ne peut être acquise que par une vue d’ensemble du processus capitaliste.

Sans perspective d’ensemble, on ne voit que le travailleur et le capitaliste, pas les travailleurs et les capitalistes en tant que classe. C’est ce qui fait dire à Marx cette chose très importante :

« La vie du capital ne consiste que dans son mouvement comme valeur perpétuellement en voie de multiplication. »

« Le capitaliste paye donc à chacun des cent ouvriers sa force de travail indépendante, mais il ne paye pas la force combinée de la centaine.

Comme personnes indépendantes, les ouvriers sont des individus isolés qui entrent en rapport avec le même capital mais non entre eux.

Leur coopération ne commence que dans le procès de travail ; mais là ils ont déjà cessé de s’appartenir.

Dès qu’ils y entrent, ils sont incorporés au capital. En tant qu’ils coopèrent, qu’ils forment les membres d’un organisme actif, ils ne sont même qu’un mode particulier d’existence du capital. »

C’est doublement important.

Déjà, il y a la question de l’intégration des travailleurs dans le capital, ce qui a des conséquences politiques essentielles, puisqu’on voit que le syndicat de cogestion ne fait, par définition ici, qu’aider le capital.

Même un syndicat, en lui-même, est foncièrement insuffisant, puisque exprimant non pas l’identité des travailleurs libres – politiquement dans le Parti Communiste – mais une situation aliénée et exploitée.

Ensuite, il y a la question de la force sociale. En apparence, le capitaliste n’utilise que des individus, en pratique il utilise également la force de l’ensemble de ces individus. Ce qui fait que le capitalisme est puissant ; chaque capitaliste devient en quelque sorte un mini pharaon, le chef d’une foule d’individus qui collectivement peuvent construire des pyramides.

Le capitalisme a donc d’énormes capacités de transformation, et apparaît comme une immense force sociale. Et il en est une, et c’est son rôle historique : socialiser les individus, les collectiviser.

Karl Marx affirme ainsi :

« Le mode de production capitaliste se présent donc comme nécessité historique pour transformer le travail isolé en travail social ; mais entre les mains du capital, cette socialisation du travail n’en augmente les forces productives que pour l’exploiter avec plus de profit. »

« La vie sociale, dont la production matérielle et les rapports qu’elle implique forment la base, ne sera dégagée du nuage mystique qui en voile l’aspect, que le jour où s’y manifestera l’oeuvre d’hommes librement associés, agissant consciemment et maître de leur propre mouvement sociale.

Mais cela exige dans la société un ensemble de conditions d’existence matérielle qui ne peuvent être elles-mêmes le produit que d’un long et douloureux développement. »

Le capitalisme était nécessaire, pour socialiser le travail. Il était une étape nécessaire, pour dépasser les clivages individuels.

Le mode de production capitaliste n’est ainsi pas original dans l’utilisation du surtravail, il l’est dans son organisation.

« La division du travail dans sa forme capitaliste et sur les bases historiques données, elle ne pouvait revêtir aucune autre forme – n’est qu’une méthode particulière de produire de la plus-value relative, ou d’accroître aux dépens du travailleur le rendement du capital, ce qu’on appelle richesse nationale (Weath of Nations).

Aux dépens du travailleur, elle développe la force collective du travail pour le capitaliste. Elle crée des circonstances nouvelles qui assurent la domination du capital sur le travail.

Elle se présente donc et comme un progrès historique, une phase nécessaire dans la formation économique de la société, et comme un moyen civilisé et raffiné d’exploitation. »

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Les fondements du capital selon Marx : le capital fait changer le mode de production

Le capitaliste fait donc travailler le travailleur davantage qu’il ne le paie : c’est là le surtravail. Dans la perspective de Karl Marx, notre illustre maître, il est donc parfaitement erroné de réduire la critique du capitalisme à la simple question de la transformation des biens.

Le travailleur n’est pas seulement en face du capitaliste comme réel transformateur des biens, dont le capitaliste profite par la suite comme marchandises, il est également exploité. La critique idéaliste d’une partie du mouvement ouvrier, principalement syndicaliste, anarcho-syndicaliste, syndicaliste-révolutionnaire, etc. a consisté en une critique de type artisanale : puisque le travailleur travaille, le capitaliste n’est qu’un parasite de la transformation des biens, et cela s’arrête là.

Or, ce serait là ne pas voir ni le mode de production propre à une époque, ni l’exploitation et la plus-value.

Déjà, la plus-value dépend, naturellement, à la fois du nombre de travailleurs et du nombre d’heures de surtravail extorquées.

On comprend l’intérêt du capital à disposer d’un pays de grande population, à vouloir que la population travaillant soit la plus grande possible (d’où le travail des enfants à l’initial), à prolonger les heures de travail, etc.

Cependant, ce n’est pas tout. Le capital a également intérêt à intensifier le travail, pour que le surtravail soit plus important. Il ne s’agit pas de prolonger quantitativement, mais également qualitativement ; ce qui veut dire qu’il y a modifications techniques. C’est pour cette raison que le capital a produit le capitalisme.

Karl Marx nous enseigne que :

« Dès qu’il s’agit de gagner de la plus-value par la transformation du travail nécessaire en surtravail, il ne suffit plus que le capital, tout en laissant intacts les procédés traditionnels du travail, se contente d’en prolonger simplement la durée.

Alors, il lui faut, au contraire, transformer les conditions techniques et sociales, c’est-à-dire le mode de la production. Alors seulement, il pourra augmenter la productivité du travail, abaisser ainsi la valeur de la force de travail et abréger par cela même le temps exigé pour la reproduire. »

Cela signifie que le capitaliste est devenu le maître de sa production. Voici justement comment Marx nous montre la différence d’avec le système féodal.

Après avoir expliqué qu’un petit patron n’est qu’un être hybride, et que le vrai capitaliste ne veut pas simplement satisfaire ses besoins, mais acquérir des richesses, Marx nous dit :

« A un certain degré de développement, il faut que le capitaliste puisse employer à l’appropriation et à la surveillance du travail d’autrui et à la vente des produits de ce travail tout le temps pendant lequel il fonctionne comme capital personnifié.

L’industrie corporative du moyen-âge cherchait à empêcher le maître, le chef de corps de métier, de se transformer en capitaliste, en limitant à un maximum très restreint le nombre des ouvriers qu’il avait le droit d’employer.

Le possesseur d’argent ou de marchandises ne devient en réalité capitaliste que lorsque la somme minimum qu’il avance pour la production dépasse déjà de beaucoup le maximum du moyen-âge.

Ici, comme dans les sciences naturelles, se confirme la loi constatée par Hegel dans sa Logique, loi d’après laquelle de simples changements dans la quantité, parvenus à un certain degré, amènent des différences dans la qualité. »

Et :

« Le capitaliste n’est point capitaliste parce qu’il est directeur industriel ; il devient au contraire chef d’industrie parce qu’il est capitaliste. Le commandement dans l’industrie devient l’attribut du capital, de même qu’aux temps féodaux la direction de la guerre et l’administration de la justice étaient les attributs de la propriété foncière. »

Marx constate alors également :

« A l’origine même de la production capitaliste, quelques unes de ces industries exigeaient déjà un minimum de capital qui ne se trouvait pas encore dans les mains de particuliers.

C’est ce qui rendit nécessaire les subsides d’Etat accordés à des chefs d’industrie privée – comme en France du temps de Colbert, et comme de nos jours cela se pratique encore dans plusieurs principautés de l’Allemagne -, et la formation de sociétés avec monopole légal pour l’exploitation de certaines branches d’industrie et de commerce, autant d’avant-coureurs des sociétés modernes par actions. »

Le capital, parce qu’il arrache du surtravail, intensifie la production, et en cela il exige le triomphe des nouvelles techniques. Il amène un nouveau mode de production, au fur et à mesure, de par son efficacité, son mouvement général.

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Les fondements du capital selon Marx : le capitaliste façonne la nature du travailleur libre et lui extorque la plus-value

Le salariat, c’est la dépendance d’un travailleur libre par rapport à un salaire pour subsister, et tout ce qui va avec.

Marx est logique : si la production de biens se reproduit, et que le capital devient plus grand, c’est qu’il trouve de la richesse dans la production, la reproduction.Mais d »où vient cette richesse ? Car logiquement, quand on échange quelque chose, qu’on achète et qu’on vend, on le fait au « juste prix » et on ne gagne rien…

C’est là la question, que Marx formule ainsi :

« Notre possesseur d’argent, qui n’est encore capitaliste qu’à l’état de chrysalide, doit d’abord acheter des marchandises à leur juste valeur, puis les vendre ce qu’elles valent, et cependant, à la fin, retirer plus d’argent qu’il n’en avait avancé.

La métamorphose de l’homme aux écus en capitaliste doit se passer dans la sphère de la circulation et en même temps doit ne point s’y passer. »

C’est là le paradoxe : le capitaliste paie « au bon prix » le travailleur, il vend « au bon prix » la marchandise, et pourtant de la valeur apparaît.

La source de cette valeur tient au travailleur. Il n’y avait pas de capital là où existaient déjà les marchandises et la monnaie ; ce qu’il fallait, c’était un travailleur « libre » vendant sa force de travail.

Le capitaliste a besoin d’ailleurs ici de deux choses par rapport à la situation précédente : que ce travailleur libre soit disponible génération après génération, et que sa nature soit changée.

Il faut donc que le travailleur libre ait assez de subsistances pour qu’il puisse continuer à vivre, reprendre des forces, qu’il dispose des « moyens de subsistance physiologiquement indispensables. »

A cela s’ajoute bien sûr la nécessité qu’il y ait reproduction humaine, de nouvelles générations de travailleurs. La vie du travailleur doit devenir « éternelle » ; Marx souligne cette importante dimension.

 Et voici comment le capitaliste façonne la nature du travailleur libre :

« Pour modifier la nature humaine de manière à lui faire acquérir aptitude, précision et célérité dans un genre de travail déterminé, c’est-à-dire pour en faire une force de travail développée dans un sens très spécial, il faut une certaine éducation qui coûte elle-même une somme plus ou moins grande d’équivalents en marchandises.

Cette somme varie selon le caractère plus ou moins complexe de la force de travail. Les frais d’éducation, d’ailleurs très minimes pour la force de travail simple, rentrent dans le total des marchandises nécessaires à sa production. »

Le travailleur libre voit sa nature humaine modifiée : déjà, elle devient en quelque sorte « éternelle », car un enfant ayant grandi prendra par la suite sa place, ensuite, il est encadré, éduqué, formé, et ce pour une activité bien précise.

Sa vie naturelle est happée par la machinerie capitaliste. Et à ce titre, une partie de son travail lui est directement extorquée, elle rentre directement au service du capitaliste : c’est la plus-value.

C’est cela le cœur du capitalisme : le capitaliste arrache du temps au travailleur, après l’avoir façonné de telle manière qu’il serve dans la production.

Karl Marx dit ainsi :

« La production de plus-value n’est donc autre chose que la production de valeur prolongée au-delà d’un certain point.

Si le procès de travail ne dure que jusqu’au point où la valeur de la force de travail payée par le capital est remplacée par un équivalent nouveau, il y a simple production de valeur ; quand il dépasse cette limite, il y a production de plus-value. »

Lorsque le travailleur transforme des matières, il ajoute de la valeur à cette matière, par exemple en ayant transformé du bois en table. Mais il y a également une partie du temps employé à travailler qui n’est pas rémunérée : ce temps permet la production de plus-value pour le capitaliste. Il y a le travail et le surtravail.

Marx nous décrit par conséquent de manière suivante la journée de travail :

« La somme du travail nécessaire et du surtravail, des parties de temps dans lesquelles l’ouvrier produit l’équivalent de sa force de travail et la plus-value, cette somme forme la grandeur absolue de son temps de travail, c’est-à-dire la journée de travail. »

Et encore :

« Il est évident par soi-même que le travailleur n’est rien autre chose sa vie durant que force de travail, et qu’en conséquence tout son temps disponible est, de droit et naturellement, temps de travail appartenant au capital et à la capitalisation.

Du temps pour l’éducation, pour le développement intellectuel, pour l’accomplissement des fonctions sociales, pour les relations avec parents et amis, pour le libre jeu des forces du corps et de l’esprit, même pour la célébration du dimanche, et cela dans le pays des sanctificateurs du dimanche, pure niaiserie !

Mais dans sa passion aveugle et démesurée, dans sa gloutonnerie de travail extra, le capital dépasse non seulement les limites morales, mais encore la limite physiologique extrême de la journée de travail.

Il usurpe le temps qu’exigent la croissance, le développement et l’entretien du corps en bonne santé. Il vole temps qui devrait être employé à respirer l’air libre et à jouir de la lumière du soleil.

Il lésine sur le temps des repas et l’incorpore, toutes les fois qu’il le peut, au procès même de la production, de sorte que le travailleur, rabaissé au rôle de simple instrument, se voit fournir sa nourriture comme on fournit du charbon à la chaudière, de l’huile et du suif à la machine.

Il réduit le temps du sommeil, destiné à renouveler et à rafraîchir la force vitale, au minimum d’heures de lourde torpeur sans lequel l’organisme épuisé ne pourrait plus fonctionner (…).

Le capital ne s’inquiète point de la durée de la force du travail. Ce qui l’intéresse uniquement, c’est le maximum qui peut en être dépensé dans une journée. Et il atteint son but en abrégeant la vie du travailleur, de même qu’un agriculteur avide obtient de son sol un plus fort rendement en épuisant sa fertilité.

La production capitaliste, qui est essentiellement production de plus-value, absorption de travail extra, ne produit donc pas seulement par la prolongation de la journée qu’elle impose la détérioration de la force de travail de l’homme, en la privant de ses conditions normales de fonctionnement et de développement, soit au physique, soit au moral – elle produit l’épuisement et la mort précoce de cette force.

Elle prolonge la période productive du travailleur pendant un certain laps de temps en abrégeant la durée de sa vie. »

Karl Marx parle donc de la « prolongation contre nature de la journée de travail » : le capital malmène l’être humain, exigeant de lui quelque chose ne correspondant pas à sa réalité naturelle.

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Les fondements du capital selon Marx : reproduction du capital et salariat

Les besoins existent de par la dimension naturelle des humains. Mais, à la différence des animaux, les humains sont organisés de manière technique et ne trouvent pas leurs besoins directement dans la nature ; ils transforment celle-ci pour produire leurs besoins.

C’est là que Marx est génial et qu’il s’aperçoit du rôle du capital dans la production et la reproduction des biens nécessaires.

Le capital se re-produit lui-aussi dans la re-production

Nécessairement, la production est refaite, il y a reproduction, et la manière de produire est re-produite.

Karl Marx voit alors que cela veut donc dire que dans les conditions du capitalisme, puisque le capital paie des gens (qui sont donc salariés) pour produire, alors par la suite ils sont re-payés pour re-produire.

Qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que de la même manière qu’il a fallu un capital pour permettre la production, il faudra un capital pour re-produire. A chaque cycle, il y a un capital.

Ainsi, le capital qui a servi à la production va lui-même se re-produire ; une étape capitaliste en succède nécessairement à une autre.

Pour qu’il y ait production (dans le capitalisme), il faut qu’il y ait travail, et pour qu’il y ait travail, il faut du capital. Par conséquent, pour qu’il y ait re-production, il faut de nouveau du travail, et donc de nouveau le capital.

Ce qui n’est pas visible du premier coup
quand on regarde la production

En apparence, donc, le capitalisme est composé de capitalistes payant des salariés pour produire, dans des unités apparemment séparées les unes des autres, puisqu’il y a différents capitalistes, c’est-à-dire différentes entreprises.

Cela se présente ainsi comme une série de productions individuelles, comme si tout était séparé, les gens se rejoignant et échangeant par hasard, de manière atomisée.

Il y aurait production et reproduction ici et là, de manière isolée. C’est d’ailleurs la conception libérale traditionnelle que de voir les choses ainsi.

Or, le génie de Marx est de ne pas s’être contenté de cette apparence. Il a vu quelque chose qui avait une nature nouvelle, une nature particulière, révélant les rapports sociaux au grand jour : la marchandise.

Il a, au-delà de la production et de la re-production, que tout le monde constate, noté la particularité de la chose produite.

Karl Marx nous demande de voir les choses sous un angle différent de celui purement individuel :

« L’illusion produite par la circulation des marchandises disparaît dès que l’on substitue au capitaliste individuel et à ses ouvriers, la classe capitaliste et la classe ouvrière.

La classe capitaliste donne régulièrement sous forme de monnaie à la classe ouvrière des mandats sur une partie des produits que celle-ci a confectionnés et que celle-là s’est appropriées. La classe ouvrière rend aussi constamment ces mandats à la classe capitaliste pour en retirer la quote-part qui lui revient de son propre produit.

Ce qui déguise cette transaction, c’est la forme marchandise du produit et la forme argent de la marchandise. »

Que veut dire Marx ?

Il veut dire qu’il y a production et re-production ; en apparence de l’argent est donné au travailleur qui travaille et par conséquent produit. Ce produit est une marchandise vendue contre de l’argent, argent re-donné par la suite au travailleur qui se re-met à produire, etc. etc.

Mais Marx dit qu’il y a quelque chose d’autre. Il y a un rapport caché entre le travail et le capital, un rapport masqué par la production et la re-production des moyens de vivre. C’est ce rapport que Marx va expliquer.

L’argent des travailleurs utilisé

Récapitulons : les travailleurs ont des besoins, et ces besoins sont produits par le capitalisme, et ce capitalisme a au cœur de son activité les travailleurs eux-mêmes. Les travailleurs produisent des marchandises qu’ils doivent par la suite acheter, en raison du caractère privé, éparpillé des productions.

Qui dit acheter, dit argent. Mais cet argent pour acheter des biens nécessaires pour vivre est-il le même que celui utilisé pour produire ?

Non, évidemment: Karl Marx accorde une grande attention à bien déterminer la double nature de l’argent. L’argent apparaît comme directement utile, pour le travailleur qui est payé, pour satisfaire ses besoins : acheter de la nourriture, payer son logement, se procurer des habits, se soigner, etc.

Néanmoins, l’argent en tant que capital est quelque chose de différent. Dans un sens, le travailleur produit des marchandises contre de l’argent, l’argent lui permettant d’acheter des marchandises. Dans l’autre sens, le capitaliste investit son argent pour que des marchandises soient produites, et il récupère de l’argent au bout.

Karl Marx nous dit :

« L’argent en tant qu’argent et l’argent en tant que capital ne se distinguent de prime abord que par leurs différentes formes de circulation.

La forme immédiate de la circulation des marchandises est M—A—M (marchandise – argent – marchandise), transformation de la marchandise en argent et retransformation de l’argent en marchandise, vendre pour acheter.

Mais, à côté de cette forme, nous en trouvons une autre, tout à fait distincte, la forme A—M—A (argent – marchandise – argent), transformation de l’argent en marchandise et retransformation de la marchandise en argent, acheter pour vendre.

Tout argent qui dans son mouvement décrit ce dernier cercle se transforme en capital, devient capital et est déjà par destination capital. »

C’est la base du salariat.

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Les fondements du capital selon Marx : la production sert la consommation

Nous avons vu que le mode de production permettait de produire des biens pour satisfaire les besoins, notamment vitaux. Nous avons constaté que ce mode de production produit et relance sa production, de manière ininterrompue.

Il ne saurait y avoir de temps mort dans la satisfaction des besoins, sinon la vie humaine s’arrête. Les humains ne sont pas tels des rochers, au mouvement très lent, ils sont de la matière en mouvement relativement rapide ; ils ont faim, soif, froid, etc.

Or, ce qu’a fait Marx, c’est qu’il a porté son attention sur les conditions de la re-production, et il y a vu quelque chose de particulier, lui fournissant une explication scientifique de ce qu’est le capital (d’où le titre de son œuvre).

La production sert la consommation

Nous avons vu que le capitalisme permettait la reproduction des biens nécessaires pour vivre. Marx y découvre une première particularité, à savoir la nature de la marchandise.

Pourquoi cela ? Déjà parce que Marx constate que les marchandises sont produites pour être vendues… aux producteurs de marchandises. Là est un premier paradoxe.

Karl Marx explique :

« La consommation du travailleur est double.

Dans l’acte de production, il consomme par son travail des moyens de production, afin de les convertir en produits d’une valeur supérieur à celle du capital avancé. Voilà sa consommation productive, qui est en même temps consommation de sa force par le capitaliste auquel elle appartient.

Mais l’argent donné pour l’achat de cette force est dépensé par le travailleur en moyens de subsistance, et c’est ce qui forme sa consommation individuelle.

La consommation productive et la consommation individuelle du travailleur sont donc parfaitement distinctes. Dans la première, il agit comme force motrice du capital et appartient au capitaliste ; dans la seconde, il s’appartient à lui-même et accomplit des fonctions vitales en dehors du procès de production.

Le résultat de l’une, c’est la vie du capital ; le résultat de l’autre, c’est la vie de l’ouvrier lui-même. »

Et Marx de conclure par la suite :

« En convertissant en force de travail une partie de son capital, le capitaliste pourvoit au maintien et à la mise en valeur de son capital entier. Mais ce n’est pas tout. Il fait d’une pierre deux coups. Il profite non seulement de ce qu’il reçoit de l’ouvrier, mais encore de ce qu’il lui donne. »

Le mode de production capitaliste produit des biens nécessaires pour vivre, or qui les utilise ? Les humains. Mais qui les produit ? Les humains, aussi. Seulement, il y a un intermédiaire : le capital.

Les humains travaillent, par l’intermédiaire du Capital, pour produire des biens satisfaisant leurs besoins.

Les biens nécessaires aux humains sont produits par le travail

Les humains trouvent donc leurs besoins produits sous la forme de biens qui sont vendus (et achetés). Ce sont des marchandises.

Ces choses sont utiles (valeur d’usage), mais elles sont également achetées et vendues (valeur d’échange). Elles possèdent ainsi un double caractère.

Ce double caractère, on ne le trouve pas dans la nature. La nature de marchandises existe parce qu’il existe une humanité qui produit des biens utiles, ce que ne font pas par exemple les rhinocéros ou les aigles, qui se procurent directement dans la nature ce dont ils ont besoin.

Il y a là un rapport particulier qu’a l’humanité avec la nature, car celle-ci est transformée. Marx dit à ce sujet :

« En tant qu’il produit des valeurs d’usage, qu’il est utile, le travail, indépendamment de toute forme de société, est la condition indispensable de l’existence de l’homme, une nécessité éternelle, le médiateur de la circulation matérielle, entre la nature et l’homme. »

Cela signifie qu’en définitive, c’est l’activité humaine qui est à la base de la production :

« En fin de compte, toute activité productive, abstraction faite de son caractère utile, est une dépense de force humaine.

La confection des vêtements et le tissage, malgré leur différence, sont tous deux une dépense productive du cerveau, des muscles, des nerfs, de la main de l’homme, et ce sens du travail humain au même titre.

La force humaine de travail, dont le mouvement ne fait que changer de forme dans les diverses activités productives, doit assurément être plus ou moins développée pour pouvoir être dépensée sous telle ou telle forme.

Mais la valeur des marchandises représente purement et simplement le travail de l’homme, une dépense de force humaine en général. »

Il y a donc les besoins d’un côté, les biens les satisfaisant de l’autre. Le travail permet la production des biens. Mais alors, qu’est-ce que le capital ?

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Les fondements du capital selon Marx : la satisfaction nécessaire des besoins

Le Capital de Karl Marx est connu pour être une œuvre longue et difficile. En réalité, c’est une œuvre très simple d’accès, à condition d’avoir les clefs pour la comprendre.

C’est ce que nous allons faire ici ; nous allons voir pas à pas que ce que dit Karl Marx est absolument limpide. Et pour cela, nous allons non pas regarder Le Capital de l’extérieur, mais avec les yeux de Karl Marx : ce n’est qu’ainsi qu’on peut comprendre ce qu’il a vu, compris et, enfin, expliqué.

Cela sera naturellement un peu long, de par le nombre de détails abordés, mais cela sera toujours limpide dans la mise en perspective. Rentrons dans le vif du sujet.

De quoi parle Karl Marx ? De la vie des êtres humains et leurs besoins

Il est bien connu que Karl Marx utilise le terme de « mode de production » ; en effet, tout ce que dit Karl Marx dans cette œuvre est un exposé du capitalisme comme mode de production.

C’est le point de départ de sa vision. Mais de quoi parle-t-il précisément ?

Karl Marx parle de la vie quotidienne. Quand on vit, on a besoin de se nourrir, de s’habiller, de dormir, etc., c’est-à-dire de satisfaire des besoins. Karl Marx regarde comment ces besoins sont satisfaits.

La manière avec laquelle ces besoins sont satisfaits s’appelle un « mode de production » – c’est une « manière » de produire.

La première chose qu’il faut ainsi voir, c’est qu’un mode de production est un moyen de produire des choses qui permettent à l’humanité de vivre, en satisfaisant des besoins, au moins les principaux, c’est-à-dire ceux qui sont vitaux.

Une société produit sa nourriture, ses logements, les moyens de s’habiller, de prendre soin de la santé des gens, etc. Un mode de production permet cela, de manière ou plus moins bonne.

Il y a plusieurs manières de satisfaire ses besoins

Évidemment, si les gens doivent réaliser eux-mêmes, individuellement, tout ce dont ils ont besoin, c’est compliqué.

C’est pour cela que la division du travail s’est instaurée, de manière toujours plus grande.

Historiquement, les villes sont ainsi nées comme lieu du marché, les artisans proposant leurs biens dans un endroit unique, les personnes des environs venant y chercher ce dont elles avaient besoin.

Il y a une modification de la manière dont les besoins sont réalisés. On est ainsi passé des êtres humains chassant et cueillant à ceux domestiquant et pratiquant l’élevage. On est passé du paysan isolé dans son champ à l’agriculteur s’appuyant sur des machines, comme les moissonneuses-batteuses, etc.

Il y a donc plusieurs modes de production, qui sont déterminés par l’élévation plus ou moins grande de leurs capacités à produire. Karl Marx considère qu’on passe justement d’un mode de production à un autre, parce qu’il y a un blocage des forces productives, mais que ce blocage n’est que temporaire, parce que les forces nouvelles permettant une production meilleure finissent par triompher.

Cependant, avant d’aborder cette question, il faut d’abord comprendre ce qu’est un mode de production, et en l’occurrence le mode de production capitaliste.

En effet, un mode de production n’est pas statique, il ne fait pas que « produire » des biens satisfaisant les besoins : il doit également refaire cette production, sans s’arrêter. Un mode de production est également un mode qui re-produit la production déjà faite.

C’est là un aspect très important.

Les besoins doivent être satisfaits de manière répétée

Une fois qu’on a un jour satisfait ses besoins, on est obligé de le recommencer le lendemain. Une fois achetée de la nourriture, par exemple, il faut en racheter encore par la suite ; de la même manière, si le marteau que l’on a acheté s’est cassé, il faut en acheter un autre, etc.

C’est ainsi à travers le mode de production que les moyens de vivre sont produits, et c’est également à travers le mode de production que ces moyens de vivre sont re-produits.

Le mode de production connaît donc des cycles. Il produit, puis recommence, puis recommence, etc.

Il n’y a donc pas simplement un mode de production d’un côté et des besoins de l’autre. La satisfaction des besoins est au cœur même de l’existence du mode de production. On ne produit pas pour « produire » abstraitement, mais pour satisfaire des besoins.

Il n’y a pas de mode de production sans besoins, et inversement.

La manière de produire est elle-même reproduite

Par conséquent, et logiquement donc, puisqu’il y a de nouveau aujourd’hui les mêmes besoins qu’hier pour vivre, alors la production va être re-produite, et donc la manière de produire va l’être aussi.

Chaque cycle reprend la méthode précédente. A quoi est-ce que cela ressemble dans le capitalisme ?

Karl Marx explique qu’il y a les moments suivants : déjà l’utilisation initiale d’une force de travail au moyen d’une somme d’argent (le salaire payant donc ici les ouvriers), puis la production réalisée (par les ouvriers), et enfin la vente de la production sur le marché.

Avec les bénéfices réalisés au final, on recommence le cycle, puisque le mode de production exige que soit de nouveau produit des biens.

Dans Le Capital, Karl Marx nous dit à ce sujet :

« Quelle que soit la forme sociale que le procès de production revête, il doit être continu, ou, ce qui revient au même, repasser périodiquement par les mêmes phases. Une société ne peut cesser de produire non plus que de consommer.

Considéré, non sous son aspect isolé, mais dans le cours de sa rénovation incessante, tout procès social de production est donc en même temps procès de reproduction. »

Tout procès social de production est donc en même temps procès de reproduction, car le mode de production permet la satisfaction des besoins vitaux, impérativement nécessaire. C’est la première grande leçon permettant de comprendre la vision de Karl Marx.

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« Le Capital » parle de la nature humaine

« Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle.

Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie.

En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. »

Karl Marx, pour écrire Le Capital, s’appuie sur le matérialisme qui considère que la vie humaine appartient à la nature. Pour les matérialistes, la planète Terre est une biosphère, composé d’organismes vivants s’appuyant sur des éléments chimiques, dans un rapport bien déterminé.

Comprendre cette réalité matérielle, c’est saisir comment la vie se reproduit, dans quelles conditions elle existe. C’est cette réalité dont parle Karl Marx dans Le Capital.

Toute l’oeuvre est parsemée de remarques sur la vie humaine réellement vécue, sur la vie du travailleur qui souffre de se voir malmené par le capital, sur le rapport entre son travail en tant qu’être vivant et le capital, marqué par l’aliénation et l’exploitation physique.

« En même temps que le travail mécanique surexcite au dernier point le système nerveux, il empêche le jeu varié des muscles et comprime toute activité libre du corps et de l’esprit.

La facilité même du travail devient une torture en ce sens que la machine ne délivre pas l’ouvrier du travail, mais dépouille le travail de son intérêt. »

(…)

« Un certain rabougrissement de corps et d’esprit est inséparable de la division du travail dans la société. Mais comme la période manufacturière pousse beaucoup plus loin cette division sociale, en même temps que par la division qui lui est propre elle attaque l’individu à la racine même de sa vie, c’est elle qui la première fournit l’idée et la matière d’une pathologie industrielle. »

(…)

« La confection des vêtements et le tissage, malgré leur différence, sont tous deux une dépense productive du cerveau, des muscles, des nerfs, de la main de l’homme, et en ce sens du travail humain au même titre. »

(…)

« L’heure plus dense de la journée de dix heures contient autant ou plus de travail, plus de dépense en force vitale, que l’heure plus poreuse de la journée de douze heures. »

(…)

« L’économie des moyens collectifs de travail, activée et mûrie comme en serre chaude par le système de fabrique, devient entre les mains du capital un système de vols commis sur les conditions vitales de l’ouvrier pendant son travail, sur l’espace, l’air, la lumière et les mesures de protection personnelle contre les circonstances dangereuses et insalubres du procès de production, pour ne pas mentionner les arrangements que le confort et la commodité de l’ouvrier réclameraient. »

(…)

« En agissant conjointement avec d’autres dans un but commun et d’après un plan concerté, le travailleur efface les bornes de son individualité et développe sa puissance comme espèce. »

(…)

« Elle [la manufacture] estropie le travailleur, elle fait de lui quelque chose de monstrueux en activant le développement factice de sa dextérité de détail, en sacrifiant tout un monde de dispositions et d’instincts producteurs, de même que, dans les Etats de la Plata, on immole un taureau pour sa peau et son suif.

Ce n’est pas seulement le travail qui est divisé, subdivisé et réparti entre divers individus, c’est l’individu lui-même qui est morcelé et métamorphosé en ressort automatique d’une opération exclusive, de sorte que l’on trouve réalisée la fable absurde de Menenius Agrippa représentant un homme comme un fragment de son propre corps. »

(…)

« Dans l’histoire, comme dans la nature, la pourriture est le laboratoire de la vie. »

[les passages en gras sont soulignés par nous]

Rappelons cependant ici que le capital joue un rôle historique, celui de donner naissance à une humanité socialisée et naturelle, combinant une nature socialisée et une société naturalisée :

« Les faculté de l’homme primitif, encore en germes, et comme ensevelies sous sa croûte animale, ne se forment au contraire que lentement sous la pression de ses besoins physiques. »

Et soulignons que cette transformation n’est pas vraie que pour le travailleur, cela est vrai pour toute la nature, comme l’explique Karl Marx dans une phrase qui montre la conception matérialiste dialectique de la planète comme biosphère :

« La production capitaliste ne développe donc la technique et le combinaison du procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute la richesse : la terre et le travailleur. »

Karl Marx est un disciple de Ludwig Feuerbach et considère que seule la nature existe ; il regarde comment l’être humain a en partie – et en partie seulement – abandonné la nature, et comment il va revenir à elle, dans le communisme.

En ce sens, ce qu’on appelle d’ailleurs mode de production – esclavagiste, féodal, capitaliste, socialiste, communiste – désigne comment est effectué la reproduction de la vie humaine.

Comment la société produit-elle ce qu’elle consomme ? Là est la question essentielle, avec le problème que les humains n’ont pas spontanément une vue d’ensemble.

Comme le dit Karl Marx:

« l’apparence seule des rapports de production se reflète dans le cerveau du capitaliste. »

Le problème du capitalisme est qu’il façonne les consciences de manière telle à ce que spontanément, elles aient des illusions à ce sujet.

Ce n’est que par l’étude scientifique que le capitalisme peut être compris. Ce principe sera d’ailleurs la base de la social-démocratie comme mouvement ouvrier politique, avec les thèses de Karl Kautsky et de Lénine sur la nécessité de l’avant-garde scientifique et la réfutation du spontanéisme.

Voici comment Karl Marx nous parle des illusions dans le capitalisme, qui nous fait voir l’argent, le salaire, mais pas la force de travail qui est la clef du capitalisme, parce qu’elle est exploitée par le capital.

Karl Marx nous dit :

« Il en est d’ailleurs de la forme « valeur et prix du travail » ou « salaire » vis-à-vis du rapport essentiel qu’elle renferme, savoir : la valeur et le prix de la force de travail, comme de toutes les formes phénoménales vis-à-vis de leur substratum [leur substrat].

Les premières se réfléchissent spontanément, immédiatement dans l’entendement, le second doit être découvert par la science.

L’économie classique touche de près le véritable état des choses sans jamais le formuler consciemment. Et cela lui sera impossible tant qu’elle n’aura pas dépouillé sa vieille peau bourgeoise. »

Le Capital n’est donc pas une simple œuvre qui parle d’économie au sens étroit du terme ; c’est une œuvre qui parle de la vie humaine, de son travail, de comment le capital organise le travail et des conséquences pour la vie humaine.

Comme toute chose est contradictoire en son noyau, le mode de production capitaliste porte en lui son abolition, c’est-à-dire le communisme comme retour à la nature après le passage de l’humanité à une période permettant le développement des forces productives.

Le Capital de Karl Marx raconte toute la genèse du capital, son développement, son affirmation, et il explique son inévitable effondrement, principalement en raison de la chute tendancielle du taux de profit.

En faisant cela, Karl Marx nous parle de l’humanité dans son rapport avec la nature, en tant que composante d’elle au statut particulier.

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Mao Zedong sur la contradiction : l’identité des contraires

Mao Zedong constate également une chose qui peut surprendre. En parlant des aspects de la contradiction, il en souligne l’unité. On pourrait se dire qu’il vaudrait mieux noter leur affrontement. Seulement, ce serait là aboutir au caractère indépendant, isolé d’un aspect de la contradiction – ce qui est impossible.

Mao Zedong explique cela dans un passage important :

« L’identité, l’unité, la coïncidence, l’interpénétration, l’imprégnation réciproque, l’interdépendance (ou bien le conditionnement mutuel), la liaison réciproque ou la coopération mutuelle – tous ces termes ont la même signification et se rapportent aux deux points suivants : premièrement, chacun des deux aspects d’une contradiction dans le processus de développement d’une chose ou d’un phénomène présuppose l’existence de l’autre aspect qui est son contraire, tous deux coexistant dans l’unité ; deuxièmement, chacun des deux aspects contradictoires tend à se transformer en son contraire dans des conditions déterminées.

C’est ce qu’on appelle l’identité (…).

Les aspects contradictoires dans tous processus s’excluent l’un l’autre, sont en lutte l’un contre l’autre et s’opposent l’un à l’autre.

Dans le processus de développement de toute chose comme dans la pensée humaine, il y a de ces aspects contradictoires, et cela sans exception. Un processus simple ne renferme qu’une seule paire de contraires, alors qu’un processus complexe en contient davantage.

Et ces paires de contraires, à leur tour, entrent en contradiction entre elles. C’est ainsi que sont constituées toutes les choses du monde objectif et toutes les pensées humaines, c’est ainsi qu’elles sont mises en mouvement.

Puisqu’il en est ainsi, les contraires sont loin d’être à l’état d’identité et d’unité ; pourquoi parlons-nous alors de leur identité et de leur unité ?

C’est que les aspects contradictoires ne peuvent exister isolément, l’un sans l’autre. Si l’un des deux aspects opposés, contradictoires, fait défaut, la condition d’existence de l’autre aspect disparaît aussi. »

Mao Zedong, De la contradiction

Sans un aspect, il n’y a pas l’autre, sans ces deux aspects il n’y a plus de mouvement, et sans mouvement plus de phénomène, plus de matière en mouvement. Ce qui existe relève donc de l’unité, et cette unité est relative.

Toutefois, ce n’est pas tout : dans le mouvement dialectique, où le nouveau triomphe de l’ancien, il y a conversion d’un aspect en l’autre.

Mao Zedong formule cela ainsi :

« La question ne se limite pas au fait que les deux aspects de la contradiction se conditionnent mutuellement ; ce qui est encore plus important, c’est qu’ils se convertissent l’un en l’autre. Autrement dit, chacun des deux aspects contradictoires d’un phénomène tend à se transformer, dans des conditions déterminées, en son opposé, à prendre la position qu’occupé son contraire (…).

Tous les contraires sont liés entre eux ; non seulement ils coexistent dans l’unité dans des conditions déterminées, mais ils se convertissent l’un en l’autre dans d’autres conditions déterminées, tel est le plein sens de l’identité des contraires (…).

L’unité ou l’identité des aspects contradictoires d’une chose ou d’un phénomène qui existe objectivement n’est jamais morte, pétrifiée, mais vivante, conditionnée, mobile, passagère, relative ; tout aspect contradictoire se convertit, dans des conditions déterminées, en son contraire.

Et le reflet de cela dans la pensée humaine, c’est la conception marxiste, matérialiste-dialectique, du monde.

Seules les classes dominantes réactionnaires d’hier et d’aujourd’hui, ainsi que les métaphysiciens qui sont à leur service, considèrent les contraires non comme vivants, conditionnés, mobiles, se convertissant l’un en l’autre, mais comme morts, pétrifiés, et ils propagent partout cette fausse conception pour égarer les masses populaires afin de pouvoir perpétuer leur domination. »

Mao Zedong, De la contradiction

Contrairement à ce que pensent ceux qui ne saisissent pas la substance de cela, il n’y a pas « destruction » mais dépassement au sein de la contradiction. Le mode de production capitaliste est dépassé ; le socialisme profite de cette étape historique relative. Il y a conversion de la matière du mode de production capitaliste en base pour le socialisme.

La bourgeoisie devient une classe dominée, alors qu’elle était dominante, et la classe ouvrière passe dominée à dominante.

Cela amène à comprendre le sens du concept d’antagonisme. En l’occurrence, entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, il y a antagonisme à l’époque du mode de production capitaliste.

Toutefois, pour d’autres phénomènes, le mouvement dialectique peut se développer différement.

Ainsi, Mao Zedong affirme-t-il :

« Nous devons étudier d’une manière concrète les différentes situations dans lesquelles se trouve la lutte des contraires et éviter d’appliquer hors de propos à tous les phénomènes le terme mentionné ci-dessus.

Les contradictions et la lutte sont universelles, absolues, mais les méthodes pour résoudre les contradictions, c’est-à-dire les formes de lutte, varient selon le caractère de ces contradictions : certaines contradictions revêtent le caractère d’un antagonisme déclaré, d’autres non.

Suivant le développement concret des choses et des phénomènes, certaines contradictions primitivement non antagonistes se développent en contradictions antagonistes, alors que d’autres, primitivement antagonistes, se développent en contradictions non antagonistes. »

Mao Zedong, De la contradiction

Cela demande une capacité très importante d’analyse du phénomène ; il faut en suivre le processus, à chaque étape, pour en cerner non seulement les deux aspects, mais aussi la dimension antagonique.

De la contradiction est, à ce titre, un manuel incontournable, aux enseignements fondamentaux pour comprendre le matérialisme dialectique.

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Mao Zedong sur la contradiction : discerner les aspects

Il est une chose qu’il ne faut jamais perdre de vue : le matérialisme dialectique considère que tout mouvement est une contradiction ; or, qui dit contradiction dit deux aspects.

Cela signifie que pour comprendre la contradiction, il faut parfaitement connaître les deux aspects, et non simplement un, ni même la « contradiction » comme forme abstraite.

Sans ces aspects, on rate la dimension concrète du mouvement, qui repose justement sur la dialectique propre aux deux aspects pris spécifiquement. D’où cet appel à porter toute son attention sur le caractère propre aux deux aspects d’une contradiction en particulier :

« Pour faire apparaître le caractère spécifique des contradictions considérées dans leur ensemble ou dans leur liaison mutuelle au cours du processus de développement d’une chose ou d’un phénomène, c’est-à-dire pour faire apparaître l’essence du processus, il faut faire apparaître le caractère spécifique des deux aspects de chacune des contradictions dans ce processus ; sinon, il sera impossible de faire apparaître l’essence du processus ; cela aussi exige la plus grande attention dans notre étude. »

Mao Zedong, De la contradiction

Si on ne fait pas cela, quelles sont les conséquences ? On rate la réalité, on pratique une analyse abstraite, car coupée des faits, du mouvement réel. C’est là un idéalisme qui se masque derrière un discours pseudo-scientifique, pour cacher qu’il évite les faits, qu’il n’affronte pas l’essence réel du phénomène.

C’est un discours vain, qui tourne en rond, qui s’auto-nourrit et se répète, sans aucune consistance. Sa nature stérile, desséchée, ne peut bien entendu plus échapper à personne, alors que la réalité se modifie.

Mao Zedong parle également d’une attitude fondamentalement erronée, consistant à être unilatéral, parce qu’on oublie ou nie certaines parties de la réalité. On est là dans le subjectivisme, qui nie justement les interrelations entre les phénomènes, prétendant passer au-dessus d’elles, pouvoir agir sur la réalité sans les prendre en compte.

Encore une fois, ici on a la perspective de la totalité. Tout est relié à tout, et même si on ne peut pas connaître toutes les médiations et inter-relations des phénomènes, on peut cerner les principaux aspects, comprendre la tendance, et même le mouvement général.

Cela demande un travail de fond, une connaissance de la nature dialectique de la matière elle-même. Il ne s’agit pas d’une « méthode » dialectique, mais de la saisie de la réalité telle qu’elle est. Mao Zedong affirme de manière parfaitement juste :

« Dans leur être objectif, les choses sont en fait liées les unes aux autres et possèdent des lois internes ; or, il est des gens qui, au lieu de refléter les choses telles qu’elles sont, les considèrent d’une manière unilatérale ou superficielle, sans connaître leur liaison mutuelle ni leurs lois internes ; une telle méthode est donc subjective. »

Mao Zedong, De la contradiction

C’est d’autant plus faux que d’être unilatéral que, dans le processus de résolution de la contradiction principale, les contradictions secondaires changent : certaines se résolvent, d’autres s’accentuent, certaines apparaissent, d’autres semblent avoir disparues mais en fait c’est seulement de manière temporaire, etc.

Ne pas saisir la multiplicité des contradictions dans un phénomène peut avoir de graves conséquences, et faire perdre de vue la contradiction principale.

Mao Zedong donne l’exemple de la révolution chinoise, avec justement une présentation des interrelations historiques comprises par le Parti Communiste de Chine, dans le cadre de la situation concrète. Il présente également la juste analyse de Staline dans les Principes du léninisme.

Il en revient cependant toujours à la dimension générale, à la conception générale du matérialisme dialectique, n’hésitant pas à constater que :

« Comme les choses et les phénomènes sont d’une prodigieuse diversité et qu’il n’y a aucune limite à leur développement, ce qui est universel dans tel contexte peut devenir particulier dans un autre. Inversement, ce qui est particulier dans tel contexte peut devenir universel dans un autre. »

Mao Zedong, De la contradiction

Cela rend bien entendu difficile l’approche des phénomènes ; il faut se rappeler cependant qu’il ne s’agit jamais d’une vue « neutre », concept bourgeois par excellence : une analyse concrète se fonde toujours, et ne peut que se fonder que sur le nouveau, sur ce qui naît.

Le communisme ne peut être compris que d’un point de vue prolétarien ; le matérialisme dialectique ne saurait être employé sans être à l’avant-garde du processus révolutionnaire.

Il ne s’agit pas d’une question de choix subjectif, mais de se situer au bon endroit, afin que sa pensée reflète la réalité de manière adéquate.

C’est pour cela que Mao Zedong enseigne qu’il est nécessaire, en quelque sorte, de bien discerner les aspects et de savoir faire le tri. Mao Zedong prend l’exemple de l’histoire chinoise ; l’analyse matérialiste dialectique de l’histoire chinoise ne pouvait réussir qu’en se fondant sur le point suivant :

« Dans un processus de développement complexe d’une chose ou d’un phénomène, il existe toute une série de contradictions ; l’une d’elles est nécessairement la contradiction principale, dont l’existence et le développement déterminent l’existence et le développement des autres contradictions ou agissent sur eux (…).

Dans toute contradiction, les aspects contradictoires se développent d’une manière inégale. Il semble qu’il y ait parfois équilibre entre eux, mais ce n’est là qu’un état passager et relatif ; la situation fondamentale, c’est le développement inégal. Des deux aspects contradictoires, l’un est nécessairement principal, l’autre secondaire. Le principal, c’est celui qui joue le rôle dominant dans la contradiction.

Le caractère des choses et des phénomènes est surtout déterminé par cet aspect principal de la contradiction, lequel occupe la position dominante.

Mais cette situation n’est pas statique ; l’aspect principal et l’aspect secondaire de la contradiction se convertissent l’un en l’autre et le caractère des phénomènes change en conséquence.

Si, dans un processus déterminé ou à une étape déterminée du développement de la contradiction, l’aspect principal est A et l’aspect secondaire B, à une autre étape ou dans un autre processus du développement, les rôles sont renversés ; ce changement est fonction du degré de croissance ou de décroissance atteint par la force de chaque aspect dans sa lutte contre l’autre au cours du développement du phénomène (…).

Rien au monde ne se développe d’une manière absolument égale, et nous devons combattre la théorie du développement égal ou la théorie de l’équilibre. »

Mao Zedong, De la contradiction

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