La Chine populaire et la ligne internationale par rapport au Vietnam

Le soutien de la Chine populaire au Vietnam dans sa lutte de libération fut immense ; il se conclut cependant par une guerre sino-vietnamienne, alors que le Vietnam était devenu un satellite soviétique et avait pris le contrôle du Cambodge.

Avant même 1949, l’Armée Populaire de Libération et le Vietminh avaient mené des opérations militaires coordonnées contre les forces coloniales françaises. Lorsque le Vietminh passa à la guerre ouverte avec la France en 1946, il y eut une unité de guérilla sino-vietnamienne opérant à la frontière commune des deux pays, avant que l’Armée Populaire de Libération allant à la victoire parvienne dans la zone et épaule le Vietminh directement.

Le Sud de la Chine devint de facto une base arrière pour le Vietminh, 20 000 soldats du Vietminh y étaient formés et équipés, alors que plus de trente ouvrages de stratégie communiste chinoise furent traduits en vietnamien. La Chine populaire devint le premier pays à reconnaître la République Démocratique du Vietnam, ce dernier reconnaissant la Chine populaire dans la foulée, avec échange immédiat d’ambassadeurs. Ho Chi Minh vint à Pékin au début de l’année 1950.

Les peuples des trois pays d’Indochine doivent triompher, l’impérialisme américain doit être défait!

La Chine populaire fournit au Vietminh environ 30 tonnes de matériel militaire en 1951, 250 tonnes en 1952, 750 en 1953, alors que pour la bataille de Diên Biên Phu en 1954 il y eut une grande vague de matériel soviétique et chinois fourni, avec également des ingénieurs chinois aidant à la réalisation des tranchées et des tunnels et des centaines de défenses anti-aériennes chinoises essentielles dans la bataille, accompagnées de conseillers chinois.

La Chine populaire fit ainsi partie des pays présents à la conférence de Genève de 1954 sur la Corée et le Vietnam, où le secrétaire d’État américain Dulles refusa de serrer la main au ministre des affaires étrangères chinois Zhou Enlai.

Comme après 1956, l’URSS se désengageait de son soutien au Nord-Vietnam en prônant le statu quo, la Chine populaire intensifia son engagement dans le domaine militaire, notamment à partir de l’intervention américaine toujours plus massive. La Chine populaire fournit des ingénieurs du rail pour la mise en place de voies ferrées pour le transport des troupes vietnamiennes vers le sud et l’arrivée de matériel depuis la Chine, ainsi que des unités anti-aériennes en masse avec du personnel conseiller.

Il y eut également la mise en place par la Chine populaire de lignes téléphoniques en masse au Nord-Vietnam, des millions des pièces d’armement de fournies, plusieurs centaines de milliers de soldats chinois étant actifs en rotation au Nord-Vietnam.

L’impérialisme américain doit être défait! Les peuples du monde doivent être victorieux! Soutenir résolument la lutte des trois nations indochinoises contre l’Amérique et pour sauver la nation!

Cependant, l’URSS cherchait à tout prix à obtenir la main-mise sur la direction vietnamienne, parvenant à imposer la fourniture de matériel lourd (missiles SAM-7, avions MIG-17, etc.), ce qui aboutit à une sorte de lutte de deux lignes aux contours largement indéfinis. C’est en raison de cette situation qu’Ernesto Che Guevara, qui était centriste comme Ho Chi Minh et se mettait de côté dans la polémique sino-soviétique, affirma que le Vietnam serait tragiquement seul.

Guevara recevait la critique chinoise de l’URSS, mais tout autant la désinformation soviétique sur la Chine populaire, et il ne voyait pas que les aides étaient en réalité massives mais foncièrement différentes dans leur nature, la Chine populaire poussant à la victoire totale par la mobilisation de masses et l’URSS par une sortie négociée avec une partition et l’établissement d’un régime par en haut.

Des militaires chinois de haut rang vinrent d’ailleurs au Nord-Vietnam entre octobre 1974 et mars 1975, alors que la victoire allait être complète, Saïgon tombant en avril. Cependant, l’URSS avait réussi son opération et il y eut immédiatement la mise en place d’une approche bureaucratique au Vietnam, se concrétisant par des visées expansionnistes sur le Laos, qui passa sous sa coupe en 1977, et le Cambodge.

Ce dernier pays bascula alors dans une fuite en avant racialiste anti-vietnamienne sous la conduite des khmers rouges, avec une situation de quasi guerre avec le Vietnam.

Le 3 novembre 1978, le Vietnam signa avec l’URSS un traité d’amitié et de coopération de 25 ans ; un mois après il envahit le Cambodge, où il établit un régime qui lui soit soumis. Dans la foulée se produit une courte guerre sino-vietnamienne au début de l’année 1979, dans un cadre de tensions extrêmes.

Lorsque l’URSS envahit l’Afghanistan en 1979, la Chine se voit ainsi littéralement encerclée, alors que l’URSS transforma la base maritime de la Baie de Cam Ranh en l’agrandissant jusqu’à atteindre 100 kilomètres carrés.

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contre l’hégémonie des superpuissances

La Chine populaire et la ligne internationale du front uni (yitiaoxian)

Le positionnement de la Chine populaire d’un rejet simultané de l’impérialisme américain et du révisionnisme soviétique ne dura pas ; le principe d’un aspect principal dans la contradiction exigeait une mise en perspective.

L’invasion de la Tchécoslovaquie en août 1968 fut alors le point culminant de la crise, alors que le même mois l’URSS viola 29 fois l’espace aérien chinois, soit 119 fois en l’espace d’une année. L’URSS était désormais définie comme un social-impérialisme, un capitalisme monopoliste ayant le contrôle de l’État et visant à étendre ses zones d’influence.

Mao Zedong résuma cela de la manière suivante :

« En URSS aujourd’hui, c’est la dictature de la bourgeoisie, la dictature de la grande bourgeoisie, c’est une dictature de type fasciste allemand, une dictature hitlérienne. »

Zhou Enlai employa le terme de « social-impérialisme » à l’ambassade de Roumanie, le 23 août 1968. Deux jours auparavant, le dirigeant roumain Nicolae Ceaușescu avait prononcé un discours spontané à Bucarest, devant une immense foule, pour condamner vigoureusement l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie.

Zhou Enlai appela à mots voilés à une guerre de guérilla contre l’occupant soviétique, parlant toutefois ouvertement de « la politique fasciste, du chauvinisme de grande puissance, de l’égoïsme national et du social-impérialisme » de l’URSS.

« L’Union soviétique a dégénéré en le social-impérialisme, et le social-fascisme qu’une grande nation doit avoir pour volontairement piétiner une petite nation sert de profondes leçons pour ceux ayant encore des illusions sur l’impérialisme US et le révisionnisme soviétique. »

Le 2 mars 1969, un violent accrochage chinois eut ensuite lieu avec un groupe de garde-frontières soviétiques sur l’île Zhenbao du fleuve Oussouri, occupée par l’URSS et dénommée Dammaski. Cela dégénéra en conflit armé local de plusieurs centaines d’hommes.

Nicolae Ceaușescu mit alors en échec, lors d’une réunion du pacte de Varsovie organisée en catastrophe par l’URSS, le 17 mars 1969 à Budapest, une dénonciation commune de la Chine populaire pour les affrontements sur l’île.

Si on ne nous attaque pas nous n’attaquons pas, si nous sommes attaqués alors bien entendu nous attaquerons en réponse

En mai 1969, l’URSS se rapprocha alors encore davantage de l’Inde pour mettre en place une alliance anti-chinoise, mais échoua dans sa tentative de faire en sorte que la Corée du Nord rompe avec la Chine populaire.

Un nouvel affrontement soviéto-chinois du même type eut alors lieu en août 1969 à la frontière dans le Xinjiang, une région où l’URSS, dans les années 1960, cherchait à provoquer des troubles dans la minorité chinoise des Ouïghours.

La tension devint extrême entre les deux pays, l’URSS envisageant toujours davantage l’usage de la force nucléaire. Andreï Gretchko était un fervent partisan de l’utilisation immédiate et massive de l’arme nucléaire ; responsable du pacte de Varsovie à partir de 1960, il devint ministre de la Défense de l’URSS en 1967 et organisa l’invasion de la Tchécoslovaquie.

Cette ligne offensive ne s’imposa toutefois pas, la direction soviétique craignant que cela ne suffise pas face à un pays immense et peuplé comme la Chine et que cela aboutisse à une guerre généralisée prolongée.

L’île Zhenbao ne seras pas approprié !

Le décès de Ho Chi Minh le 3 septembre 1969 amena le Vietnam à pousser pour un cessez-le-feu soviéto-chinois, qui fut finalement déclaré le 11 septembre 1969, à la suite d’un accord entre Zhou Enlai et le premier ministre soviétique Alexei Kosyguine à l’aéroport de Pékin.

Cependant, à partir de 1968 l’URSS était considérée comme social-impérialiste et la dénonciation des « nouveaux tsars » devint systématique. De par sa position de challenger par rapport à la superpuissance américaine, la superpuissance soviétique devenait même la menace numéro un pesant sur la paix mondiale.

L’exemple vietnamien devait le montrer de la manière la plus claire.

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La Chine populaire et la ligne internationale de combattre avec deux poings (liangge quantou daren)

Lorsque Khrouchtchev fut dégagé de la direction en octobre 1964, la Chine populaire attendit de voir s’il y avait une remise en cause, mais ce ne fut pas du tout le cas. Son successeur Brejnev se revendiqua directement du 20e congrès, ainsi que du 22e congrès (le 21e congrès, en janvier-février 1959, ayant été un congrès extraordinaire réalisé par Khrouchtchev pour asseoir sa position notamment après la crise interne de 1957).

Cela impliquait une convergence soviéto-américaine et c’était un danger immense pour la Chine populaire. Les États-Unis et l’URSS se posaient en figures tutélaires de l’ordre mondial et l’URSS sonda même les États-Unis au sujet d’une attaque nucléaire préventive sur les installations militaires nucléaires chinoises.

À partir de 1964 fut ainsi mis en place en Chine populaire le « mouvement du troisième front », consistant en une industrialisation des zones intérieures du pays, les plus éloignées de toute attaque étrangère possible (« proches des montagnes, dispersées et cachées ») ; environ 39 % des investissements furent orientés en ce sens jusqu’à la fin des années 1970.

Un chaleureux au revoir à la jeunesse éduquée qui part à la montagne et descend dans les villages pour mener la révolution

À partir de 1965, l’URSS était considérée comme convergente entièrement avec les États-Unis et comme n’étant plus fiable pour toute affirmation anti-impérialiste ; la ligne internationale fut ainsi « de combattre avec deux poings » (liangge quantou daren).

Cette affirmation se systématisa avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, qui accorda une place significative à l’internationalisme prolétarien, appelant à lutter contre l’impérialisme américain et à ne pas tomber dans le piège du révisionnisme soviétique convergeant avec lui.

Cela se situait qui plus est dans une période où la stratégie chinoise de soutien concret à une vague anti-coloniale qui irait dans un sens démocratique avait échoué. Cela a été la défaite comme au Cameroun, au Sénégal, au Niger, au Congo, en Ouganda, au Zanzibar, au Kenya…

L’inexorable cours de l’histoire – les pays visent l’indépendance – la nation vise la libération – le peuple vise la révolution – soutenir fermement la lutte des peuples africains contre le colonialisme et la discrimination raciale

Et même là où il y a eu un « tiers-mondisme » d’ailleurs incohérent et limité, des coups d’État ont eu lieu : Ahmed Ben Bella est renversé en Algérie en 1965, Modibo Keïta au Mali le sera en 1968 tout comme le congolais Alphonse Massamba-Débat, alors que le président ghanéen Kwame Nkrumah est renversé exactement au moment où il se rendait en Chine populaire en 1966 en provenant du Nord-Vietnam.

De toutes manières, la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne avait désorganisé toute la diplomatie chinoise. Un avertissement au personnel des ambassades fut fait le 9 septembre 1966, à la suite de scandales internes de corruption en Autriche et en Tanzanie, et finalement au début de l’année 1967, un tiers du personnel de tous les pays et tous les ambassadeurs sauf celui en Égypte furent rapatriés pour une formation idéologique avancée.

Ils furent dans les faits placés dans un bâtiment du ministère des affaires étrangères, chaque ambassade se voyant attribuer une pièce vide où il devait y avoir des sessions d’études et d’autocritiques dans ces conditions précaires.

La rédaction du rapport collectif pour l’université [sur les activités menées dans les campagnes]

En janvier 1967, Brejnev présenta la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne comme une « grande tragédie pour tous les communistes de Chine », alors que les divisions de l’armée soviétique aux frontières chinoises furent renforcées. Une intense dénonciation de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne se systématisa en URSS, amenant l’expulsion des journalistes soviétiques présents en Chine populaire.

Des accrochages furent nombreux, comme avec la répression brutale d’une manifestation d’étudiants étrangers contre les États-Unis à Moscou, le tabassage des étudiants chinois revenant d’Europe et profitant d’une escale pour se rendre au mausolée de Lénine, etc.

En réponse, en janvier, mai et août 1967, l’ambassade soviétique fut massivement encerclée par les Gardes rouges.

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La tension sino-soviétique de la première moitié des années 1960

La confrontation idéologique sino-soviétique avait été poussée jusqu’à une tentative soviétique d’éjecter Mao Zedong de la direction chinoise, en 1959. À la suite de cet échec, l’URSS décida de la rupture ouverte. Lors du 3e congrès du Parti Ouvrier Roumain, à Bucarest du 20 au 25 juin 1960, Nikita Khrouchtchev dénonça ouvertement la Chine populaire, l’accusant de bellicisme, de gauchisme, de nationalisme, de méthodes trotskystes.

Dans la foulée, l’URSS annonça le 16 juillet qu’elle rapatriait unilatéralement tous ses conseillers et techniciens présents en Chine populaire. Cette dernière avait connu de grandes catastrophes alors, tels des typhons et des inondations.

1390 spécialistes soviétiques actifs dans 250 entreprises quittèrent le pays du jour au lendemain, emportant les plans ; un nombre à peu près équivalent d’étudiants chinois revint au pays. Tous les accords scientifiques et techniques furent unilatéralement rompus par l’URSS (347 contrats et 257 projets) et il n’y eut plus aucun matériel soviétique d’envoyé, rendant impossible le remplacement ou la fin de constructions.

Ce coup de poignard dans le dos par l’URSS s’accompagnait d’un rapprochement toujours plus grand avec l’Inde. Le rapprochement avait été initié dès 1955, l’année d’un tournant, avec l’aide à l’ouverture d’une aciérie à Bhilai, la venue de Nehru à Moscou, la visite de l’Inde par Khrouchtchev et Boulganine.

L’Inde recevait en 1960 trois fois plus de prêts soviétiques que la Chine populaire ; lors de la crise de 958 en Irak, en Jordanie et au Liban, l’URSS fit une opération diplomatique avec l’Inde, puis même Taïwan, et pas avec la Chine populaire. Lors du conflit frontalier sino-indien de 1959, l’URSS resta « neutre » ce qui revenait ouvertement à soutenir l’Inde, cherchant pourtant à semer le trouble au Tibet avec l’appui de la CIA, avec des parachutages d’armes notamment.

Khrouchtchev fut même en Inde au moment des dix ans du Traité d’amitié sino-soviétique, ce qui fut considéré du côté chinois comme une terrible insulte. Par la suite, en août 1962 un accord sera même signé pour produire des avions de chasse soviétiques de type MIG en Inde. Et en octobre 1962, c’est avec des hélicoptères et des avions de transport soviétiques que l’Inde mobilisa ses troupes à la frontière chinoise, mais la Chine populaire mènera une offensive préventive, écrasant l’armée indienne et se repliant au-delà de sa propre frontière.

Ce rapprochement avec l’Inde était une opération ainsi strictement parallèle au retrait unilatéral des conseillers, techniciens et ingénieurs soviétiques de Chine populaire en 1960. C’était l’annonce d’une rupture ouverte, alors que de part et d’autres il y avait des tentatives d’empêcher celle-ci.

Peuples du Monde, triomphez des envahisseurs américains et de tous ses laquais! Les peuples du monde ont à avoir du courage, à être brave dans la bataille, n’ayez pas peur des difficultés et avancez vague par vague, alors le monde sera définitivement celui du peuple. Les démons seront tous anéantis. Mao Zedong

Une conférence de 81 Partis communistes et ouvriers eut lieu à Moscou du 11 au 23 novembre 1960 et un document de compromis relatif fut formulé alors. Ce fut la dernière fois que les uns et les autres acceptèrent de transiger et la scission était de plus en plus ouverte, les Soviétiques approfondissant le processus révisionniste ouvert en 1953 et les Chinois le réfutant toujours plus.

Ce fut le moment du rapprochement sino-albanais, avec en février 1961 un accord sur le commerce et la navigation, un prêt chinois, puis en avril 1961 l’envoi d’équipements et de techniciens chinois, l’achat de blé par la Chine populaire pour être envoyé en Albanie, etc.

L’URSS coupa alors toutes les assistances à l’Albanie en mai et, au 22e congrès en octobre 1961, Nikita Khrouchtchev dénonça nommément l’Albanie, dont les représentants n’avaient même pas été invités.

Cela amena Zhou Enlai, dès le deuxième jour, à prendre la parole pour défendre l’Albanie, à quitter le congrès sans serrer la main à Khrouchtchev, à amener des fleurs le lendemain sur la place rouge sur les tombes de Lénine et Staline, puis à partir pour Pékin le surlendemain, Mao Zedong l’accueillant à l’aéroport.

L’URSS enleva alors immédiatement la tombe de Staline de la place rouge. De son côté, la Chine populaire lança une large polémique anti-révisionniste du 15 décembre 1962 au 8 mars 1963, dans le prolongement du long document publié le 16 avril 1960 dans le Drapeau rouge, Vive le léninisme !, à l’occasion du 90e anniversaire de Lénine.

Il faut cependant bien prendre en compte les contre-tendances révisionnistes. Ainsi, Wang Jiaxiang, à la tête du département international du Parti Communiste de Chine et disposant du soutien de Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, lança en février 1962 une campagne pro-révisionniste pour en environnement international « pacifique » aidant à la construction socialiste.

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Les rapports sino-soviétiques se distendent après 1956

Le mois de novembre 1957 fut celui du 40e anniversaire de la révolution russe, célébré notamment par l’envoi du satellite Spoutnik dans l’espace et une conférence internationale des Partis Communistes et Ouvriers. Mao Zedong vint en personne à la tête de la délégation.

Cependant, il y formula deux thèses reflétant la démarche anti-révisionniste au sein du Parti Communiste de Chine depuis le 20e congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique de 1956, durant laquelle il y eut la dénonciation agressive de Staline par Khrouchtchev qui prenait la tête du Parti et du pays.

Mao Zedong expliqua en effet que l’arme nucléaire ne pourrait pas décider du sort du monde et que même si une guerre se produisait avec l’utilisation de ces armes, le monde deviendrait socialiste. Cela s’opposait à toute la perspective mise en place par Khrouchtchev d’une compétition pacifique de l’URSS avec les États-Unis.

Impérialisme américain hors d’Afrique !

Il affirma également que le « vent d’Est l’emporte sur le vent d’Ouest », c’est-à-dire que la tendance principale était à la révolution. C’était là poser qu’il fallait aller de l’avant, ce qui était le contraire de la démarche soviétique.

Cette démarche s’accompagnait d’une autre rupture en Chine populaire même.

Mao Zedong mit en place une stratégie de développement économique ne reposant plus sur une orientation venant de l’extérieur et consistant en une reproduction servile des formes soviétiques, dans un esprit passif. C’était la période des « trois drapeaux rouges » : le grand bond en avant, les communes populaires et la ligne générale pour la construction socialiste.

Ce moment allait devenir la clef de l’affrontement sino-soviétique, même si en apparence, rien ne sembla encore changer. En avril 1958 fut signé un accord commercial sino-soviétique d’importance, devant faciliter les échanges. C’était là un prolongement direct de l’étroit rapport entre l’URSS et la Chine populaire depuis la fondation de celle-ci.

Nikita Khrouchtchev se rendit toutefois de manière inattendue à Pékin du 31 juillet au 3 août 1958, avec le ministre de la Défense Malinovski. Il était venu en personne afin de proposer la mise en place d’une flotte militaire commune sino-soviétique.

C’était évidemment une tentative d’inféoder la Chine populaire tout en cherchant des relais pour chasser Mao Zedong de la direction du Parti chinois.

La lutte de tous les peuples du monde contre l’impérialisme américain sera victorieuse!

En apparence, le processus continua ainsi de manière ininterrompue. Il en ressortit une déclaration commune d’unité et le 8 août fut signé un accord pour une aide technique soviétique pour la construction de 47 entreprises industrielles et stations électriques.

Un nouvel accord commercial fut signé à la fin de l’année et Zhou Enlai se rendit en janvier 1959 au 21e congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique. Le 7 février 1959 fut signé un nouvel accord, pour 78 grands projets concernant l’acier, la chimie, le charbon, le pétrole, les matériaux de construction, etc.

Mais en août, il fut procédé à une tentative de renverser Mao Zedong, dans le cadre d’un coup d’État pro-soviétique.

En avril, au lieu de participer au Congrès populaire national, le ministre de la Défense Peng Dehuai avait été en avril à une réunion des ministres du Pacte de Varsovie, faisant dans ce cadre de multiples visites en URSS et dans les démocraties populaires est-européennes, rencontrant Nikita Khrouchtchev à Tirana en Albanie.

Pendant ce temps-là, Nikita Khrouchtchev avait envoyé au Bureau Politique du Parti chinois ce qui était une sorte d’ultimatum : une unité d’action et militaire sino-soviétique, avec des armes nucléaires en Chine sous supervision des conseillers soviétiques, ainsi que des économies liées, avec un premier plan sur quinze ans.

Le Bureau Politique refusa la proposition et l’URSS annula toute aide pour l’arme atomique. Le ministre de la Défense Peng Dehuai fit alors une vaste tournée de la Chine populaire pour faire circuler, à partir du 14 juillet, une lettre dénonçant le grand bond en avant et les communes populaires. Nikita Khrouchtchev fit exactement de même le 18 juillet, avec la même dénonciation de « l’aventurisme petit-bourgeois ».

Le 1er août, jour anniversaire de l’Armée Populaire de Libération chinoise, la presse soviétique fit l’éloge du ministre de la Défense chinoise. Le ministre de la Défense Peng Dehuai mena alors l’offensive durant le huitième plénum du huitième Comité Central, qui se déroula du 2 juillet au 16 août. Il y fut défait.

Khrouchtchev et le ministre des Affaires étrangères Gromyko vinrent ensuite à Pékin en septembre 1959 à l’occasion des dix ans de la victoire de la révolution chinoise. Le conflit d’opinions fut ouvert, Khrouchtchev prônant la coexistence pacifique et dénonçant l’aventurisme chinois, refusant de serrer la main du ministre des Affaires étrangères Chen Yi, qualifié de « militariste ».

Il n’y eut aucune déclaration commune et le Parti chinois critiqua que certains camarades aient perdu la tête et attaquent publiquement la construction socialiste chinoise et ses positions intérieures et extérieures.

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L’orientation de la Chine populaire vers les pays afro-asiatiques

Éloignée géographiquement des pays européens, des démocraties populaires et même du centre névralgique de l’URSS, profondément arriérée, non reconnue par l’ONU, la Chine populaire fit un effort approfondi en direction des pays afro-asiatiques, en faisant de la dénonciation du colonialisme la clef de voûte de ses relations.

À partir des années 1950, elle envisage la coexistence pacifique entre États à partir de cinq aspects : respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la souveraineté, non-agression mutuelle, non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, égalité et avantages réciproques, coexistence pacifique.

L’amitié révolutionnaire est aussi profonde que l’océan

Un épisode extrêmement célèbre est la première conférence afro-asiatique du 18 au 24 avril 1955, à Bandung, en Indonésie. Cette conférence est souvent présentée, de manière entièrement erronée, comme celle de « non-alignés » du tiers-monde. C’est là strictement inexact, puisqu’à l’arrière-plan on retrouve bien l’orientation vers les États-Unis ou l’URSS. On a par exemple la Turquie et le Japon qui sont présents.

C’était en réalité l’émergence de nouveaux pays sur la scène internationale, après une mainmise totale des pays occidentaux sur les rapports internationaux. C’était l’expression de l’affirmation de diplomaties nationales nouvelles et l’initiative de la conférence revient d’ailleurs à l’Inde, Ceylan, le Pakistan, la Birmanie et l’Indonésie.

La conférence de Bandung

Ces pays nouvellement indépendants (respectivement 1947, 1948, 1947, 1948, 1945) reconnaissaient d’ailleurs la Chine populaire, qui était pour eux un moyen de faire pencher la balance.

On lit dans le communiqué final commun :

« Une Conférence des Nations Afro-Asiatiques convoquée par les gouvernements de Birmanie, de Ceylan, de l’Inde, d’Indonésie et du Pakistan s’est réunie à Bandoeng du 18 au 24 avril 1955. Outre les pays promoteurs, les États suivants ont participé à la Conférence : Afghanistan, Cambodge, République populaire de Chine, Égypte, Éthiopie, Côte-de-l’Or, Iran, Irak, Japon, Jordanie, Laos, Liban, Liberia, Libye, Népal, Philippines, Arabie saoudite, Soudan, Syrie, Siam, Turquie, République populaire du Vietnam (Vietminh), État du Vietnam et Yémen.

La Conférence afro-asiatique a étudié le rôle de l’Asie et de l’Afrique et a examiné les moyens grâce auxquels les peuples des pays représentés peuvent réaliser la coopération économique, culturelle et politique la plus étroite (…).

Libérées de la méfiance, de la crainte, faisant preuve de bonne volonté mutuelle, les Nations devraient pratiquer la tolérance, vivre en paix dans un esprit de bon voisinage et développer une coopération amicale sur la base des principes suivants :

1) Respect des droits humains fondamentaux en conformité avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies ;

2) Respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de toutes les Nations ;

3) Reconnaissance de l’égalité de toutes les races et de l’égalité de toutes les Nations, petites et grandes ;

4) Non-intervention et non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays ;

5) Respect du droit de chaque Nation de se défendre individuellement ou collectivement conformément à la Charte des Nations Unies ;

6) a) Refus de recourir à des arrangements de défense collective destinés à servir les intérêts particuliers des grandes Puissances quelles qu’elles soient;

b) Refus par une Puissance quelle qu’elle soit d’exercer une pression sur d’autres ;

7) Abstention d’actes ou de menaces d’agression ou de l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un pays ;

8) Règlement de tous les conflits internationaux par des moyens pacifiques, tels que négociation ou conciliation, arbitrage ou règlement devant des tribunaux, ainsi que d’autres moyens pacifiques que pourront choisir les pays intéressés, conformément à la Charte des Nations Unies ;

9) Encouragement des intérêts mutuels et coopération ;

10) Respect de la justice et des obligations internationales. »

La Chine populaire multiplia les contacts et fut alors vue très favorablement ; à l’occasion de Bandung elle fut en mesure de réaliser une interaction avec l’Égypte, l’Éthiopie, le Liberia, la Libye, le Soudan (non encore indépendant alors) et le Ghana. Cela amena des échanges ainsi que des livraisons d’armes chinoises.

Il n’y eut toutefois pas de seconde conférence afro-asiatique, celle devant se tenir en 1965 à Alger étant torpillé par l’Algérie et l’URSS.

Peuples opprimés du monde unissez-vous, opposez-vous résolument contre l’impérialisme américain

La Chine populaire invita également, à l’occasion de la première Conférence panafricaine des peuples en décembre 1958 à Accra au Ghana, des délégations d’Angola, du Ghana, du Nigeria, du Sénégal, de Somalie et d’Ouganda. Elle-même eut une délégation observatrice et entra en rapport avec Patrice Lumumba dirigeant alors le Mouvement National Congolais, Holden Roberto de l’Union du Peuple Angolais, Félix-Roland Moumié de l’Union des Populations du Cameroun.

Ce dernier avait déjà visité la Chine populaire en 1953, la même année que Walter Sisulu, secrétaire général de l’ANC sud-africaine. Les visites étaient de fait intenses et nombreuses ; en 1959 vint une délégation de l’Union nationale des forces populaires du Maroc (où Mehdi Ben Barka était actif), en 1960 vint une délégation du MPLA angolais.

Entre 1958 et 1964, la Chine populaire envoya 144 missions dans des pays africains et reçut de ceux-ci 405 délégations.

La Chine populaire avait bien sûr aussi de bons rapports concrets avec les organisations révolutionnaires des pays ayant des régimes racistes (Rhodésie, Namibie, Afrique du Sud), ainsi que celles sous colonisation portugaise (Cap Vert, Guinée-Bissau, Sao Tomé, Angola, Mozambique) ; elles étaient soutenues matériellement, avec également, pour celles sous domination portugaise, des formations militaires réalisées en Tanzanie, au Ghana et au Congo-Brazzaville.

Amitié révolutionnaire (Des amis d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine visitent le musée de l’armée révolutionnaire chinoise)

Des combattants du Frente de Libertação de Moçambique (FRELIMO) furent également formés en Chine populaire même, tout comme de nombreuses autres organisations sans que cela ait été rendu public : Gonzalo était venu du Pérou et avait été formé militairement également.

En 1958, elle avait reconnu le Gouvernement Provisoire de la République algérienne et par ailleurs entraîné des cadres militaires du FLN en Chine même, tout en lui livrant des armes. Un peu plus tôt, en 1957, elle avait eu une délégation à la première conférence de l’Organisation de solidarité des peuples afro-asiatiques au Caire en 1957. Elle fut également présente à la seconde conférence à Conakry en Guinée, où elle appela à un front uni international contre l’impérialisme.

Cependant, l’URSS s’invita dans cette organisation et la Chine populaire s’y opposa, ce qui provoqua d’autant plus de troubles que l’URSS avait soutenu l’Inde en 1962 pour la dispute frontalière, ce qui rendit intenable la troisième conférence à Moshi, au pied du Kilimandjaro en Tanzanie. La quatrième conférence, à Winneba au Ghana, fut la dernière alors que la polémique sino-soviétique emportait tout avec elle.

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Les rapports sino-soviétiques unitaires juste après 1949

Initialement, les rapports sino-soviétiques furent excellents, un traité d’amitié, d’alliance d’assistance mutuelle étant conclu en février 1950, une unité concrète se réalisant à tous les niveaux comme au moment de la guerre de Corée. De l’indépendance en 1949 à 1952, 3 000 ouvrages soviétiques furent traduits et imprimés à douze millions d’exemplaires.

Lors de l’enterrement de Staline le 9 mars 1953, c’est Zhou Enlai, président du Comité Central et premier ministre, qui vint représenter la Chine populaire. Il fut le seul délégué étranger aligné sur la même ligne que les principaux dirigeants soviétiques et, lors de la marche avec le cercueil, il était en première ligne avec Béria, Malenkov et Khrouchtchev.

Le 10 mars, la Pravda publia une photo de Mao Zedong aux côtés de Staline et une autre aux côtés de Malenkov.

Avec le grand soutien de l’Union Soviétique et notre propre grande force, nous réaliserons l’industrialisation de notre nation pas à pas !

Deux semaines et demi après la mort de Staline, il y eut de nouveaux accords d’aides pour la construction de stations électriques en Chine populaire, suivis deux mois après de la mise en place d’une assistance pour la construction ou la reconstruction de 91 sites industriels chinois de plus par rapport à ce qui avait été décidé en février 1950, soit 141 en tout.

À la fin de l’année, l’URSS avait déjà 20 % de son commerce extérieur avec la Chine, la Chine 55,6 % du sien avec l’URSS.

Etudier l’expérience avancée de production de l’Union Soviétuque, lutter pour l’industrialisation de notre pays

Le 29 septembre 1954, une importante délégation soviétique, avec notamment Khrouchtchev et Boulganine dont c’était la première visite officielle à l’étranger, vint à Pékin à l’occasion des cinq ans de la révolution chinoise.

L’URSS annonça la remise du port de Lüshunkou (Port-Arthur) et de ses parts dans les sociétés chinoises, un grand prêt, une aide pour quinze grands projets, une coopération scientifique et technique avec notamment une importante donation de documents.

Il fut également affirmé que pour toute affaire concernant de près ou de loin la Chine populaire, l’URSS consultera celle-ci avant toute décision.

L’Union Soviétique est notre exemple

Le premier congrès établissant la constitution chinoise en septembre 1954 y inscrivit l’amitié avec l’URSS, alors qu’il y avait dans le pays 169 grands projets en construction sous supervision et aide soviétique. 51,8 % des exportations chinoises allaient alors à l’URSS.

Le 17 janvier 1955, l’URSS annonça aux démocraties populaires d’Europe de l’Est et à la Chine populaire qu’elle fournirait une assistance scientifique et technique et une large fourniture de matériel, pour l’utilisation de l’énergie atomique dans un cadre pacifique.

Lors de la réunion du Soviet Suprême le 8 février 1955, marqué par la démission de Malenkov, on a Molotov, en tant que ministre des Affaires étrangères, qui expliqua que :

« Le résultat le plus important de la seconde guerre mondiale a été la formation, à côté du camp capitaliste mondial, d’un camp mondial du socialisme et de la démocratie dirigée par l’Union Soviétique, ou bien il serait plus adéquat de dire, dirigé par l’Union Soviétique et la République Populaire de Chine. »

Le nouveau premier ministre Boulganine dit quant à lui peu après sa nomination que :

« La Chine peut compter sur l’aide de l’URSS en toutes circonstances. »

En avril 1956, l’URSS annonça la mise en place de 55 grands projets industriels en Chine, qui seraient remboursés sous la forme de biens produits ; en juillet il fut annoncé que l’URSS fournirait des biens développés (machines-outils, compresseurs, grues, pompes, moteurs diesels, générateurs, véhicules, tracteurs…) en échange pareillement de biens.

À la fin de l’année, la Chine populaire approuva l’écrasement soviétique de l’insurrection contre-révolutionnaire de Budapest en 1956 ; les deux pays firent également des accords avec la République Démocratique du Vietnam et la République Populaire Démocratique de Corée (les deux parties « nord » de ces pays).

Etudier l’économie avancée de l’Union Soviétique pour construire notre nation

Zhou Enlai alla à Moscou en janvier 1957 et Vorochilov, dirigeant du Soviet Suprême, vint à Pékin en avril-mai 1957.

En juillet 1957, il fut posé que les rapports seraient directs entre les différents départements, ministères et centres de recherche dans les domaines de l’industrie et de l’agriculture ; cela se généralisa à l’éducation par la suite alors qu’en janvier 1958, il y eut un accord sino-soviétique pour une coopération scientifique dans 122 domaines.

De manière plus directement politique, une délégation du Soviet Suprême vint en Chine en septembre et en octobre 1957 à l’occasion du huitième anniversaire de la naissance de la république populaire ; à son retour fut fondée à Moscou une Association des amitiés franco-chinoises.

Le même mois l’URSS décida de faire passer les informations et modèles technologiques pour l’arme atomique et d’un code unifié sino-soviétique pour la navigation fluviale.

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La Chine populaire et la ligne internationale de pencher d’un côté (yibiandao)

Un aspect essentiel pour comprendre la ligne internationale de la Chine est de voir que, jusqu’en 1971, elle n’existe officiellement pas sur le plan international. Le régime de Tchang Kaï-chek, avec sa « république de Chine », disposait de la reconnaissance internationale initiale et fut même l’un des pays fondateurs des Nations-Unies.

Comme Tchang Kaï-chek et son gouvernement se réfugient sur l’île de Taiwan avec l’appui américain, la « république de Chine » continue formellement d’exister alors. La Chine populaire va à partir de là mener une bataille ininterrompue pour sa reconnaissance.

La proclamation de la République populaire de Chine par Mao Zedong en 1949

Bien entendu, dès le départ, il y a la reconnaissance de la part du camp socialiste. La Chine populaire a des rapports diplomatiques dès 1949 avec l’URSS, la Bulgarie, la Corée (du Nord), la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne, la Mongolie, la RDA, l’Albanie, la Roumanie. Le Vietnam (du Nord) s’y ajoute l’année suivante.

À cela s’ajoute une vague de pays se définissant au moins relativement comme neutres ou non-alignés en 1950 : l’Inde, l’Indonésie, la Birmanie, la Suède, le Danemark, la Suisse, le Liechtenstein, la Finlande.

Cette absence de reconnaissance – qui va de pair avec la reconnaissance du régime de Taïwan – est un véritable obstacle à l’affirmation chinoise sur le plan international. La Chine populaire se voyait de facto exclue de l’Organisation Mondiale de la Santé, du Fond Monétaire International, du Comité international de la Croix-Rouge, de l’Union internationale des télécommunications, de l’Union postale universelle, etc.

Les choses ne vont bouger que de manière très marginale pendant toute une décennie.

Lors de la proclamation en 1949

Le Pakistan voisin reconnaît la Chine en 1951, la Norvège neutre en 1954. On a le même schéma de pays neutres ou voisins en 1955 avec l’Afghanistan, le Népal et la Yougoslavie.

Les choses commencent légèrement à bouger pour le reste de la décennie, avec le début des effets d’une poussée vers les pays afro-asiatiques. On a une reconnaissance de la Chine populaire en 1956 par l’Égypte, la Syrie et le Yémen, en 1957 par Ceylan, en 1958 par le Cambodge, l’Irak, le Maroc et le gouvernement provisoire de la république d’Algérie, en 1959 par le Soudan et la Guinée, en 1960 par Cuba, le Ghana, le Mali et la Somalie.

Ce processus de reconnaissance de la Chine fut largement soutenu par l’URSS dirigée par Staline, qui boycotta même le Conseil de Sécurité des Nations-Unies en protestation de la reconnaissance du régime de Taïwan.

Cela servit de prétexte à l’impérialisme américain pour faire passer en 1950 une intervention militaire de l’ONU en Corée alors que le pays basculant dans le camp socialiste. Les forces révolutionnaires, en passe initialement de l’emporter intervinrent alors contre cette nouvelle présence militaire de 340 000 hommes, mais furent défaites.

La contre-offensive, dirigée par le général américain MacArthur, visait pas moins qu’à provoquer un bouleversement dans la région, à déstabiliser la Chine populaire elle-même, aussi celle-ci réagit par la mobilisation de « Volontaires du peuple ». Ceux-ci furent un peu moins de deux millions et en deux mois ils aidèrent les Coréens à défaire la contre-offensive et à très largement repousser les forces de l’ONU dirigées par les Américains, Séoul étant même reprise.

Des troupes chinoises lors de la guerre de Corée

Les Américains intervinrent alors de manière massive et on en revint au statu quo. Cependant, la Chine avait fait preuve d’une capacité d’action énorme, à un prix économique immense, mais également humain, puisque plusieurs centaines de milliers de ses volontaires avaient été tués dans ce qui fut appelé la Guerre anti-américaine de soutien à la Corée (Kang Mei yuan Chao zhanzheng).

La Chine populaire avait jeté toute son énergie dans la bataille, suivant le principe de « pencher d’un côté ».

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La ligne internationale de la Chine populaire

La ligne internationale de la Chine populaire a connu trois mouvements principaux. Le premier consista en l’alignement avec l’URSS, premier pays socialiste. Formulée sous le mot d’ordre de yibiandao (pencher d’un côté), elle commence dès 1945 et se prolonge jusqu’à la fin des années 1950.

On retrouve une bonne synthèse de cette approche dans ces propos de Mao Zedong dans son écrit de 1949 intitulé De la dictature démocratique populaire :

« ‘‘Vous penchez d’un côté’’. C’est exactement cela. Pencher d’un côté, voilà ce que nous enseignent les quarante années d’expérience de Sun Yat-sen et les vingt-huit années d’expérience du Parti communiste chinois ; et nous sommes profondément convaincus que, pour remporter la victoire et la consolider, nous devons pencher d’un côté.

L’expérience accumulée au cours de ces quarante années et de ces vingt-huit années montre que les Chinois se rangent ou du côté de l’impérialisme ou du côté du socialisme ; là, il n’y a pas d’exception.

Impossible de rester à cheval sur les deux, la troisième voie n’existe pas. Nous sommes contre la clique réactionnaire de Tchiang Kai-chek qui se range du côté de l’impérialisme et nous sommes aussi contre les illusions au sujet d’une troisième voie. »

Ensuite vient la rupture avec le révisionnisme soviétique. Au-delà de la polémique idéologique sino-soviétique initiale, la Chine populaire définit l’URSS comme social-impérialiste : social en paroles, impérialiste dans les faits. Cela va profondément modifier la mise en perspective.

Il y a initialement une séquence commencée au début des années 1960, connaissant un pic avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et cessant en 1969-1970. Le mot d’ordre employé était liangge quantou daren (combattre avec deux poings) et visait à empêcher le monde de passer sous la coupe de la collusion entre l’impérialisme américain et le révisionnisme soviétique.

L’invasion de la Tchécoslovaquie par les forces du Pacte de Varsovie fut toutefois un tournant et la Chine populaire dénonça alors le social-impérialisme soviétique. Conformément au principe selon lequel il y a un aspect principal, il fut considéré qu’il y avait un fauteur de guerre majeur parmi les superpuissances qu’étaient l’impérialisme américain et le révisionnisme soviétique. Ce dernier étant le challenger, il fut défini comme l’ennemi principal des peuples du monde.

Le mot d’ordre fut alors celui de yitiaoxian (un front uni) et c’est dans ce cadre que fut formulée la conception de Mao Zedong selon lequel « trois mondes se dessinent ».

Soutenir vigoureusement les luttes anti-impérialistes des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine

Ces trois périodes sont connues de manière très diverse. Le soutien majeur de la Chine populaire à la Corée et au Vietnam juste après la seconde guerre mondiale est pratiquement inconnu à part pour quelques traits majeurs comme l’envoi de volontaires chinois en Corée. En réalité, l’économie chinoise fut mobilisée de manière massive dans cette perspective.

La seconde période est par contre extrêmement connue. C’est l’image d’une Chine populaire revendiquant d’être du « tiers-monde » et affirmant son soutien aux luttes révolutionnaires d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Cette conception est d’autant plus connue dans la forme que son contenu est gommé, au profit d’un anti-impérialisme, d’un anti-colonialisme aux contours indéfinis.

La troisième période est pratiquement inconnue à part de ceux connaissant les polémiques à l’intérieur du Mouvement Communiste International ou bien vivant dans un pays marqué par un mouvement puissant se revendiquant de Mao Zedong. La définition de l’URSS comme social-impérialisme fut en effet un principe cardinal de la Chine populaire de Mao Zedong et des forces communistes s’en revendiquant dans les années 1970. C’est ainsi le cas pour le Parti Communiste d’Inde (Marxiste-Léniniste), le Parti Communiste de Turquie / Marxiste-Léniniste, les Brigades Rouges en Italie, etc.

À bas l’impérialisme américain!
À bas le révisionnisme soviétique!

En France, cette question n’a jamais été réellement abordée en tant que telle dans les années 1970, les forces s’alignant là-dessus passant soit dans le camp pro-américain, soit dans le camp pro-soviétique.

Le seul épisode marquant fut le soutien à l’armée française, temporaire, du PCMLF. Ce dernier forma en 1973 un Mouvement national de soutien aux peuples d’Indochine, en 1974 un Centre d’information sur les luttes anti-impérialiste, le premier devenant en 1975 le Mouvement pour l’Indépendance et la Liberté et le second fusionnant avec le premier en 1976. Le MIL rompt en 1977 avec le PCMLF sur une base anticommuniste. Entre-temps, le PCMLF avait réalisé un meeting parisien avec des gaullistes, des royalistes et le fasciste Patrice Gélinet (qui en fut l’organisateur), sur le thème « France – tiers-monde : solidarité ». Le PCMLF organisa le service d’ordre à l’extérieur et un autre meeting devait être organisé avec des membres de la majorité présidentielle.

Cela illustre parfaitement une méconnaissance fondamentale de l’économie politique communiste alors en France, personne ne comprenant rien à la ligne internationale chinoise, s’imaginant soit qu’il fallait devenir pro-américain, soit abandonner le maoïsme pour devenir pro-soviétique.

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Hô Chi Minh : Testament historique (1969)

10 mai 1969

Dans la lutte patriotique contre l’agression américaine, nous aurons certes à endurer de plus grandes difficultés, à consentir de nouveaux sacrifices, mais la victoire totale est inéluctable.

C’est une chose absolument certaine.

Je me propose, ce jour venu, d’effectuer une tournée, au Nord comme au Sud, pour congratuler nos compatriotes, nos cadres et nos combattants héroïques, pour rendre visite à nos vieux, à nos jeunes, à nos enfants bien-aimés.

Ensuite, au nom de notre peuple, je me rendrai dans les pays frères du camp socialiste, les pays amis du monde entier pour les remercier d’avoir aidé et soutenu de tout cœur notre peuple dans sa lutte patriotique contre l’agression américaine.

Tou Fou, le poète chinois bien connu de l’époque T’Ang, a écrit :  » De tout temps, rares étaient ceux qui atteignaient soixante-dix ans. « 

Cette année, avec mes 79 ans, je fais partie de ces gens si « rares « .

Cependant j’ai l’esprit toujours lucide, bien que ma santé ait quelque peu faibli en comparaison des années précédentes.

Quand on a dépassé soixante-dix printemps, plus l’âge avance, plus la santé recule.

Il n’y a guère à s’en étonner.

Mais qui peut prédire pour combien de temps je pourrai encore servir la révolution, servir la Patrie, servir le peuple ?

C’est pourquoi je laisse ces quelques lignes, en prévision du jour où j’irai rejoindre les vénérables Karl Marx, Lénine et nos aînés révolutionnaires.

De cette façon, nos compatriotes dans le pays entier, les camarades du Parti et nos amis dans le monde n’en seront pas surpris. Je parlerai tout d’abord du Parti.

Grâce à l’union étroite qu’il a réalisée dans son sein, grâce au dévouement total à la classe ouvrière, au peuple, à la Patrie, notre Parti depuis sa fondation, a pu unir, organiser, diriger notre peuple, l’amener à lutter avec ardeur et le conduire de victoire en victoire.

L’union est une tradition extrêmement précieuse de notre Parti et de notre peuple.

Que tous les camarades, depuis les membres du Comité Central jusqu’aux camarades des cellules de base, préservent l’union, l’unité du Parti comme la prunelle de leurs yeux.

Au sein du Parti, pratiquer une large démocratie, pratiquer régulièrement et de façon sérieuse l’autocritique et la critique constituent le meilleur moyen pour consolider et développer l’union et l’unité dans le Parti.

Il importe qu’une véritable affection lie tous les camarades entre eux.

Nous sommes un Parti au pouvoir.

Chaque membre du Parti, chaque cadre doit s’imprégner profondément de la moralité révolutionnaire, véritablement faire preuve d’application, d’économie, d’intégrité, de droiture, d’un dévouement total à la cause publique, d’un désintéressement exemplaire.

Il faut garder au Parti son entière pureté, se rendre parfaitement digne de son rôle de dirigeant, de serviteur vraiment fidèle du peuple.

Les membres de la jeunesse travailleuse et nos jeunes dans l’ensemble sont d’excellente nature, ardents à s’engager pour les tâches d’avant-garde, ne craignant guère les difficultés, aspirant sans cesse au progrès.

Notre Parti doit se soucier de leur inculquer une moralité révolutionnaire élevée, les former pour en faire les continuateurs de l’édification du socialisme, à la fois « rouges » et  » experts « .

Former et éduquer la génération révolutionnaire à venir est une tâche extrêmement importante et nécessaire.
Notre peuple travailleur, dans les plaines comme dans les régions montagneuses, a enduré depuis des siècles mille privations et difficultés.

Il a subi l’exploitation et l’oppression féodales et coloniales.

Il a en outre souffert de nombreuses années de guerre.

Néanmoins, notre peuple fait preuve d’un grand héroïsme, d’un grand courage, d’un ardent enthousiasme et d’une grande application au travail.

Il a toujours suivi le Parti depuis sa fondation, et lui est toujours resté fidèle.

Le Parti doit mettre sur pied un bon plan pour développer l’économie et la culture, en vue d’élever sans cesse le niveau de vie du peuple.

La guerre de résistance contre l’agression américaine peut encore se prolonger.

Nos compatriotes pourraient avoir à consentir de nouveaux sacrifices en biens, en vies humaines.

Quoi qu’il en soit, nous devons être résolus à combattre l’agresseur américain jusqu’à la victoire totale.

Nos fleuves, nos monts, nos hommes resteront toujours.

Le yankee battu, nous bâtirons le pays dix fois plus beau.

Quelles que soient les difficultés et privations, notre peuple vaincra certainement.

Les impérialistes américains doivent certainement déguerpir.

Notre Patrie sera certainement réunifiée. Nos compatriotes du Nord et du Sud seront certainement réunis sous le même toit.

Notre pays aura l’insigne honneur d’être une petite nation qui aura, par un combat héroïque, vaincu deux grands impérialismes – – le français et l’américain et apporté une digne contribution au mouvement de libération nationale.

A propos du mouvement communiste mondial.

Ayant consacré toute ma vie au service de la révolution, plus j’éprouve de fierté à voir grandir le mouvement communiste et ouvrier international, plus je souffre des dissensions qui divisent actuellement les Partis frères.

Je souhaite que notre Parti œuvre de son mieux et contribue efficacement au rétablissement de l’union entre les Partis frères, sur la base du Marxisme-Léninisme et de l’internationalisme prolétarien, d’une façon conforme aux exigences du cœur et de la raison.

Je crois fermement que les Partis et les pays frères s’uniront à nouveau. A propos des affaires personnelles.

Durant toute ma vie j’ai servi de tout cœur, de toutes mes forces, la Patrie, la révolution et le peuple. Maintenant si je devais quitter ce monde, je n’ai rien à me reprocher. Je regrette seulement de ne pouvoir servir plus longtemps et davantage.

Après ma mort, il faut éviter d’organiser de grandes funérailles afin de ne pas gaspiller le temps et l’argent du peuple.

En dernier lieu, à notre peuple tout entier, à tout notre Parti, à toutes nos forces armées, à mes neveux et nièces, jeunes et enfants, je lègue mon affection sans bornes.

J’adresse également mon salut fraternel aux camarades, aux amis, aux jeunes et enfants du monde.

Mon ultime souhait est que tout notre Parti, tout notre peuple, étroitement unis dans le combat, édifient un Viêt-nam pacifique, unifié, indépendant, démocratique et prospère, et apportent une digne contribution à la révolution mondiale.

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Hô Chi Minh : Appel à la Nation (1968)

3 novembre 1968

Compatriotes et combattants dans tout le pays, 

Devant les grandes victoires de nos forces armées et de notre peuple dans les deux zones, en premier lieu celles remportées au Sud depuis le début du printemps de cette année, le gouvernement des Etats-Unis s’est vu obligé, le Ier novembre 1968, de cesser sans conditions les bombardements et tirs d’artillerie sur tout le territoire de la République démocratique du Viet Nam. 

Ainsi, au bout de quatre ans de lutte extrêmement héroïque, nos forces armées et notre peuple ont remporté une victoire glorieuse, ayant abattu plus de 3.200 avions, incendié plus de cent navires de guerre grands et petits, et vaincu la guerre de destruction des impérialistes américains contre le Nord de notre pays. 

C’est là une victoire d’une très grande signification dans la lutte grandiose de notre peuple contre l’agression américaine pour le salut national. 

Les impérialistes américains croyaient pouvoir, avec la puissance dévastatrice de leurs bombes, affaiblir le Nord, empêcher le grand arrière de venir en aide au grand front, et diminuer ainsi la puissance de combat du Sud. 

En fait, plus le Nord lutte contre les agresseurs U.S., plus il se renforce sur tous les plans et soutient de tout son coeur et de toutes ses forces la lutte de libération de nos compatriotes du Sud héroïque. Plus ils luttent contre les agresseurs américains, plus nos compatriotes du Sud resserrent leur union, plus leurs forces s’accroissent, et plus grandes sont leurs victoires. 

C’est là la victoire de la juste ligne révolutionnaire de notre Parti, de l’ardent patriotisme et de la force d’union de notre peuple déterminé à combattre et à vaincre, de l’excellence du régime socialiste. C’est la victoire commune de nos forces armées et de notre peuple dans les deux zones. C’est la victoire des peuples des pays frères et de nos amis des cinq continents. 

A cette occasion, au nom du Parti et du gouvernement, je félicite chaleureusement nos compatriotes et nos combattants dans tout le pays, et remercie sincèrement les pays socialistes frères, les pays amis proches et lointains et les peuples du monde entier, y compris le peuple progressiste des Etats Unis, pour leur aide considérable, leur sympathie et leur soutien. 

Chers compatriotes et combattants, 

Nous avons vaincu la guerre de destruction des impérialistes américains contre le Nord. Mais ce n’est là qu’un début. Les impérialistes américains sont très obstinés et perfides. Ils parlent de « paix » , de « négociations », mais ils ne renoncent pas à leur visée d’agression. Plus d’un million de soldats américains, fantoches et des pays satellites continuent à perpétrer jour après jour d’innombrables crimes barbares contre nos compatriotes du Sud. 

C’est pourquoi la tâche sacrée qui incombe à notre peuple tout entier à l’heure actuelle est d’élever notre détermination à combattre et à vaincre, à libérer le Sud, à défendre le Nord et à progresser vers la réunification pacifique de la Patrie. 

Tant qu’il reste un agresseur sur notre sol, nous devons continuer à combattre jusqu’à ce qu’il soit chassé hors de notre pays. 

Nos compatriotes et combattants du Sud héroïque, sous le glorieux drapeau du Front national de Libération, attaquent et se soulèvent sans répit, vont résolument de l’avant vers la victoire totale. 

Les forces armées et la population du Nord redoublent d’efforts dans l’émulation patriotique pour édifier le socialisme et remplir leur devoir envers nos frères du Sud, élèvent sans cesse leur vigilance et leur volonté de compter essentiellement sur leurs propres forces, renforcent leur potentiel militaire et se tiennent prêts à combattre, à mettre en échec toute nouvelle manœuvre de l’ennemi. 

Nous sommes persuadés que la lutte de notre peuple contre l’agression américaine pour le salut national bénéficie chaque jour davantage de la sympathie, du soutien et de l’aide importante des pays frères et des peuples du monde, y compris le peuple progressiste des Etats-Unis. 

Ayant subi près d’un siècle de domination colonialiste et supporté le poids de plus de vingt ans de guerre contre l’agression impérialiste, plus que nul autre notre peuple aspire profondément à la paix afin de pouvoir édifier sa patrie. Mais il faut que ce soit une paix véritable dans l’indépendance et la liberté. C’est pourquoi, nous exigeons fermement: 

– Que le gouvernement américain mette fin à la guerre d’agression contre le Viet Nam. Qu’il renonce définitivement à tout acte portant atteinte à la souveraineté et à la sécurité de la R.D.V.N. 

– Que toutes les troupes américaines et celles des pays satellites soient retirées du Sud Viet Nam. 

– Que les propres affaires du Sud Viet Nam soient réglées par sa population selon le Programme politique du Front national de Libération, sans ingérence étrangère. 

– Que la réunification du Viet Nam soit réglée par la population des deux zones Nord et Sud, sans ingérence étrangère. 

Chers compatriotes et combattants, 

Bien des difficultés et sacrifices nous attendent, mais la grande lutte de notre peuple contre l’agression américaine pour le salut national marche grands pas vers la victoire. La Patrie nous appelle à aller résolument de l’avant, à vaincre totalement l’agression américaine ! 

Les impérialistes américains seront battus ! 

Notre peuple vaincra ! 

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Hô Chi Minh : Appel à l’insurrection (1945)

12 septembre 1945

Tous les hommes naissent égaux.

Le créateur nous a donné des droits inviolables, le droit de vivre, le droit d’être libres et le droit de réaliser notre bonheur. « 

Ces paroles immortelles sont tirées de la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique en 1776.

Prise dans un sens plus large, cette phrase signifie : tous les peuples sur la terre sont nés égaux, tous les peuples ont le droit de vivre, d’être heureux, d’être libres.

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de la Révolution française de 1791 proclame également :  » Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. « 
Ce sont là des vérités indéniables.

Et pourtant, pendant plus de quatre-vingts années, les colonialistes français, abusant du drapeau de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, ont violé notre terre et opprimé nos compatriotes.

Leurs actes vont directement à l’encontre des idéaux d’humanité et de justice.

Dans le domaine politique, ils nous ont privés de toutes les libertés. Ils nous ont imposé des lois inhumaines.

Ils ont constitué trois régimes politiques différents dans le Nord, le Centre et le Sud du Viêt-nam pour détruire notre unité nationale et empêcher l’union de notre peuple.

Ils ont construit plus de prisons que d’écoles.

Ils ont sévi sans merci contre nos compatriotes.

Ils ont noyé nos révolutions dans des fleuves de sang.

Ils ont jugulé l’opinion publique et pratiqué une politique d’obscurantisme.

Ils nous ont imposé l’usage de l’opium et de l’alcool pour affaiblir notre race.

Dans le domaine économique, ils nous ont exploités jusqu’à la moelle, ils ont réduit notre peuple à la plus noire misère et saccagé impitoyablement notre pays.

Ils ont spolié nos rizières, nos mines, nos forêts, nos matières premières.

Ils ont détenu le privilège d’émission des billets de banque et le monopole du commerce extérieur.

Ils ont inventé des centaines d’impôts injustifiables, acculé nos compatriotes, surtout les paysans et les commerçants, à l’extrême pauvreté.

Ils ont empêché notre bourgeoisie nationale de prospérer.

Ils ont exploité nos ouvriers de la manière la plus barbare.

En automne 1940, quand les fascistes japonais, en vue de combattre les Alliés, ont envahi l’Indochine pour organiser de nouvelles bases de guerre, les colonialistes français se sont rendus à genoux pour leur livrer notre pays.

Depuis, notre peuple, sous le double joug japonais et français, a été saigné littéralement.

Le résultat a été terrifiant.

les derniers mois de l’année passée et le début de cette année, du Quang Tri au Nord Viêt-nam, plus de deux millions de nos compatriotes sont morts de faim.

Le 9 mars dernier, les Japonais désarmèrent les troupes françaises.

Les colonialistes français se sont enfuis ou se sont rendus.

Ainsi, bien loin de nous  » protéger « , en l’espace de cinq ans,’ ils ont par deux fois vendu notre pays aux Japonais.

Avant le 9 mars, à plusieurs reprises, la Ligue Viêt-minh a invité les Français à se joindre à elle pour lutter contre les Japonais.

Les colonialistes français, au lieu de répondre à cet appel, ont sévi de plus belle contre les partisans du Viêt-minh.

Lors de leur débandade, ils sont allés jusqu’à assassiner un grand nombre de prisonniers politiques incarcérés à Yen Bay et à Cao Bang.

Malgré tout cela, nos compatriotes ont continué à garder à l’égard des Français une attitude clémente et humaine.

Après les événements du 9 mars, la Ligue Viêt-minh

a aidé de nombreux Français à passer la frontière, en a sauvé d’autres des prisons nippones et a protégé la vie et les biens de tous les Français.

En fait, depuis l’automne de 1940, notre pays a cessé d’être une colonie française pour devenir une possession nippone.

Après la reddition des Japonais, notre peuple tout entier s’est dressé pour reconquérir sa souveraineté nationale et a fondé la République du Viêt-nam.

La vérité est que notre peuple a repris son indépendance des mains des Japonais et non de celles des Français.

Les Français s’enfuient, les Japonais se rendent, l’empereur Bao Dai abdique.

Notre peuple a brisé toutes les chaînes qui ont pesé sur nous durant près d’un siècle, pour faire de notre Viêt-nam un pays indépendant.

Notre peuple a, du même coup, renversé le régime monarchique établi depuis des dizaines de siècles, pour fonder la République démocratique.

Pour ces raisons, nous, membres du gouvernement provisoire, déclarons, au nom du peuple du Viêt-nam tout entier, nous affranchir complètement de tout rapport colonial avec la France impérialiste, annuler tous les traités que la France a signés au sujet du Viêt-nam, abolir tous les privilèges que les Français se sont arrogés sur notre territoire.

Tout le peuple du Viêt-nam, animé d’une même volonté, est déterminé à lutter jusqu’au bout contre toute tentative d’agression de la part des colonialistes français.

Nous sommes convaincus que les Alliés, qui ont reconnu les principes de l’égalité des peuples aux conférences de Téhéran et de San Francisco, ne peuvent pas ne pas reconnaître l’indépendance du Viêt-nam.

Un peuple qui s’est obstinément opposé à la domination française pendant plus de quatre-vingts ans, un peuple qui, durant ces dernières années, s’est résolument rangé du côté des Alliés pour lutter contre le fascisme, ce peuple a le droit d’être libre, ce peuple a le droit d’être indépendant.

Pour ces raisons, nous, membres du gouvernement provisoire de la République démocratique du Viêt-nam, proclamons solennellement au monde entier : Le Viêt-nam a le droit d’être libre et indépendant et, en fait, est devenu un pays libre et indépendant.

Tout le peuple du Viêt-Nam est décidé à mobiliser toutes ses forces spirituelles et matérielles, à sacrifier sa vie et ses biens pour garder son droit à la liberté et à l’indépendance.

Hanoï, le 2 septembre 1945

signé : Hô Chi minh, Président

Vo Nguyen Giap

Pham Van Dong

Nguyen Van To

Cu Huy Can

Nguyen Van Xuan

Dao Trong Kim

Le Van Hien

Tran Huy Lieu

Chu Van Tan

Duen Duc Hien

Nguyen Manh Ha

Pham Ngoc Thach

Vu Trong Khanh

Vu Dinh Hoe

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Hô Chi Minh : Déclaration d’indépendance de la République démocratique du Vietnam (1945)

2 septembre 1945

Chers compatriotes !

Il y a quatre ans, je vous ai appelés à l’union, car l’union fait la force, et la force, c’est la clef de la conquête de l’indépendance et de la liberté.

Actuellement les troupes japonaises se sont désagrégées.

Le mouvement pour le salut national gagne tout le pays.

La Ligue pour l’indépendance du Viêt-nam (Viêt-minh) compte des millions d’adhérents de toutes les couches sociales, intellectuels, ouvriers, commerçants, soldats, et de toutes nationalités, Tho, Nung, Muong, Man.

Dans ses rangs, nos compatriotes, jeunes et vieux, hommes et femmes vont coude à coude, sans distinction de confession religieuse ou de fortune.

La Ligue a convoqué récemment le Congrès national du peuple et celui-ci a élu le Comité de libération nationale pour diriger tout le pays dans sa lutte acharnée pour l’indépendance.

C’est là un grand pas en avant dans l’histoire de la lutte menée par notre peuple depuis près d’un siècle pour sa libération.

C’est pour nos compatriotes un puissant stimulant et pour moi, une joie immense.

Mais nous ne pouvons pas nous en tenir là. Notre lutte sera encore dure et longue.

La défaite des Japonais ne nous rend pas d’un seul coup libres et indépendants. Nous devons redoubler d’efforts.

Ce n’est qu’au prix de notre union et de notre lutte que notre pays pourra recouvrer son indépendance.

Le Viêt-minh sert actuellement de base à l’union et à la lutte de notre peuple.

Affiliez-vous au Viêt-minh, apportez-lui votre soutien et faites qu’il se renforce encore davantage.

Le Comité nagional de libération du Viêt-nam équivaut en ce moment à un gouvernement provisoire.

Unissez-vous autour de lui, veillez à ce que sa politique et ses ordres soient exécutés dans tout le pays.

Alors, infailliblement, notre patrie recouvrera rapidement son indépendance, et notre peuple, sa liberté.

Chers compatriotes !

L’heure décisive pour les destinées de notre peuple a sonné.
Debout ! compatriotes.

Libérons-nous par nos propres forces !
De nombreux peuples opprimés dans le monde entier rivalisent d’ardeur dans la lutte pour leur indépendance.

Nous ne saurions rester en retard.

Marchons ! En avant ! Compatriotes !

Allons vaillamment de l’avant sous le drapeau du Viêt-minh ! 

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Hô Chi Minh : Appel à l’occasion de la formation du parti communiste Indochinois (1930)

18 février 1930

Ouvriers, paysans, soldats, jeunes gens, élèves des écoles, compatriotes opprimés et exploités, Amis, camarades,
Les contradictions de l’impérialisme ont provoqué la guerre mondiale de 1914-1918.

Après cet horrible carnage le monde s’est divisé en deux fronts : d’un côté, le front révolutionnaire englobant les peuples coloniaux opprimés et le prolétariat mondial exploité et dont l’Union soviétique est l’avant-garde.

De l’autre, le front contre-révolutionnaire du capitalisme international et de l’impérialisme dont l’état-major général est la Société des Nations.

Cette guerre a causé aux peuples des pertes incalculables en hommes et en biens.

C’est l’impérialisme français qui en a le plus souffert.

C’est pourquoi, afin de restaurer les forces du capitalisme en France, les impérialistes français ont eu recours aux moyens les plus perfides pour intensifier l’exploitation capitaliste en Indochine.

Ils créent de nouvelles usines pour exploiter les ouvriers en leur payant un salaire de famine.

Ils volent les terres de nos paysans pour créer des plantations, acculant ainsi la paysannerie à une misère affreuse.

Ils nous écrasent sous une fiscalité exorbitante, et nous obligent à acheter des bons d’emprunt.

Bref, ils acculent notre peuple à la misère.

Ils accroissent leurs forces militaires. D’abord pour étouffer la révolution vietnamienne.

Ensuite pour préparer une nouvelle guerre impérialiste dans le Pacifique en vue de conquérir de nouvelles colonies, troisièmement, en vue de réprimer la révolution chinoise.

Enfin, quatrièmement, pour attaquer l’Union soviétique, parce qu’elle aide les peuples opprimés et le prolétariat exploité à faire la révolution.

La deuxième guerre mondiale éclatera.

Il est certain que les impérialistes français conduiront alors notre peuple à une tuerie sans précédent.

Si nous leur laissons les mains libres pour préparer cette guerre, si nous les laissons combattre la révolution chinoise, et attaquer l’Union soviétique, juguler la révolution vietnamienne, ne serait-ce pas les laisser balayer notre race de la surface de la terre et noyer notre nation dans l’océan Pacifique ?

Toutefois, l’oppression barbare et l’exploitation féroce des colonialistes français ont réveillé la conscience de nos compatriotes.

Tous ont réalisé que seule la révolution nous permettra de vivre et que sans la révolution, nous sommes condamnés à une mort lente et misérable.

C’est précisément pour cette raison que le mouvement révolutionnaire grandit et se renforce chaque jour : les ouvriers font grève, les paysans réclament la terre, les élèves font la grève des cours, les commerçants la grève du marché.

Partout, les masses se dressent contre les impérialistes français qui tremblent devant la révolution montante.

De leur côté, ils utilisent, d’une part, les féodaux et les bourgeois compradores pour opprimer et exploiter nos compatriotes, d’autre part, ils terrorisent, jettent en prison et massacrent en masse les révolutionnaires vietnamiens.

Mais s’ils croient pouvoir juguler la révolution vietnamienne par la terreur, ils commettent une erreur grossière.

Premièrement, la révolution vietnamienne n’est pas isolée, elle bénéficie du soutien du prolétariat international et tout particulièrement de la classe ouvrière française.

En second lieu, c’est précisément au moment où les colonialistes redoublent leurs menées terroristes que les communistes vietnamiens, auparavant divisés, s’unissent tous dans un seul parti, le Parti communiste indochinois, pour diriger la lutte révolutionnaire de notre peuple tout entier.

Ouvriers, paysans, soldats, jeunes gens, écoliers !

Compatriotes opprimés et exploités !

Le Parti communiste indochinois est fondé.

C’est le parti de la classe ouvrière.

Sous sa conduite, le prolétariat dirigera la révolution dans l’intérêt de tous les opprimés et exploités.

Dès maintenant, notre devoir est d’adhérer au Parti, de l’aider et de le suivre pour réaliser les mots d’ordre suivants :

1. Renverser l’impérialisme français, la féodalité et la bourgeoisie réactionnaire du Viêt-nam.

2. Conquérir l’indépendance complète de l’Indochine.

3. Former le gouvernement des ouvriers, des paysans et des soldats.

4. Confisquer les banques et autres entre prises impérialistes et les placer sous le contrôle du gouvernement des ouvriers, des paysans, et des soldats.

5. Confisquer toutes les plantations et autres propriétés des impérialistes et des bourgeois réactionnaires vietnamiens pour les distribuer aux paysans pauvres.

6. Appliquer la journée de travail de huit heures.

7. Abolir les emprunts forcés, la capitation et les taxes iniques qui frappent les pauvres.

8. Réaliser les libertés démocratiques pour les masses.

9. Dispenser l’instruction à tous.

10. Réaliser l’égalité entre l’homme et la femme.

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Hô Chi Minh : Lénine et les peuples coloniaux (1924)

Pravda du 27 janvier 1924.

Lénine est mort.

La nouvelle a frappé chacun, tel un coup de foudre.

Elle s’est répandue à travers les riches plaines d’Afrique et les rizières verdoyantes d’Asie.

Les Noirs et les Jaunes, il est vrai, ne savent pas encore très exactement qui est Lénine, ni où se trouve la Russie.

Les impérialistes colonialistes ont tout fait pour empêcher de le savoir, l’ignorance étant l’un des principaux piliers de leur régime.

Néanmoins, des deltas du Viêt-nam aux forêts du Dahomey, on s’est répété de bouche à oreille que, dans un coin lointain du monde, il est un peuple qui a su renverser ses exploiteurs et qui gère maintenant lui-même ses propres affaires, sans avoir besoin de patrons, ni de gouverneurs généraux.

On a entendu dire que ce pays est la Russie, qu’il s’y trouve des hommes courageux et que le plus courageux de tous est Lénine.

Et cela a suffi pour gagner à ce peuple et à celui qui le dirige la sympathie et l’admiration de tous les hommes de couleur.

Mais ce n’est pas tout.

Ces hommes ont encore appris que ce grand leader, après avoir rendu la liberté à son pays, a voulu libérer également les autres peuples, qu’il a appelé les Blancs à aider les Jaunes et les Noirs dans leur lutte pour s’affranchir du joug des roumis, des roumis de tout poil : gouverneurs, résidents, etc., et qu’il a tracé un programme d’action concret pour atteindre ce but.

Au début, ces opprimés n’osaient croire qu’il existât un tel homme et un tel programme.

Mais par la suite, si vagues qu’elles fussent, des nouvelles leur sont parvenues sur le Parti communiste et l’Internationale communiste, cette organisation qui lutte pour les exploités, pour tous les exploités sans exception dont eux-mêmes font partie. Et ils ont su que c’était précisément Lénine qui la dirigeait.
Et cela a suffi pour que ces hommes, presque sans culture, mais reconnaissants et pleins de bonne volonté, témoignent à Lénine le plus profond respect et le considèrent comme leur libérateur.

Lénine est mort, qu’allons-nous faire?

Comment trouver quelqu’un qui consacre avec autant de courage et de générosité que lui tout son temps et toutes ses forces à notre libération?

Telle est la question que se posent avec angoisse les grandes masses opprimées des colonies.

Quant à nous, douloureusement touchés par cette perte irréparable, nous partageons avec tous les peuples du monde ce deuil qui frappe nos frères et nos sœurs soviétiques.

Nous sommes persuadés que l’Internationale communiste et ses cellules, dont celles des colonies, sauront traduire en actes les enseignements et les leçons de notre grand leader.

Suivre ses conseils, n’est-ce pas le meilleur moyen de montrer tout l’amour que nous lui portons ?

De son vivant, Lénine fut pour nous un père, un maître, un camarade, un conseiller.

Le voici devenu aujourd’hui la brillante étoile qui nous éclaire sur la route de la révolution socialiste.

Et c’est dans notre œuvre que Lénine, immortel, revivra à jamais.

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