Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • La révélation très progressive des thèses du «rapport secret» en URSS

    Le fameux rapport secret de Nikita Krouchtchev le resta entièrement. Il était considéré comme un document interne à l’élite du Parti, élite bien évidemment choisie par les révisionnistes depuis 1953 et même avant, vue la nature du XIXe congrès de 1952.

    Il fut ainsi imprimé et distribué le premier mars 1956 aux membres les plus anciens des fonctionnaires du Comité Central, le document passant le cinq mars de « top secret » à « pas à publier ». Il ne fut d’ailleurs publié en tant que tel qu’en 1989.

    L’onde de choc traversa cependant l’URSS. Elle provoqua une révolte de masse en Géorgie, dont la capitale Tbilissi fut paralysée le 9 mars, avant l’écrasement par les tanks. Un autre exemple héroïque fut la grande révolte des nombreux communistes émigrés de Grèce à la suite de la guerre civile, qui menèrent une immense bataille anti-révisionniste dans la ville de Tachkent, elle-aussi noyée dans le sang.

    La première référence de la Pravda à l’existence du « rapport secret » date de quatre mois après le congrès, mais seulement en référence des critiques faites à l’étranger par des communistes à ce sujet. Cela restait toutefois flou, car la norme était que les attaques faites à l’étranger contre Staline s’appuyant sur le XXe congrès, qui commencèrent en mars 1956 avec Walter Ulbricht en RDA, étaient censurées des compte-rendus.

    La rumeur d’un rapport secret s’était donc lentement répandue en URSS dans le mois suivant le XXe congrès, avec également un encadrement effectué par des meetings du Parti au sujet des résolutions prises par le congrès.

    Un des meetings suivant le XXe congrès

    Il est très difficile de savoir à quel point ces meetings – dans les entreprises, les bureaux, les usines, etc. – ont touché de larges masses, et dans quelle mesure ils ont été structurés en amont par les partisans de Nikita Khrouchtchev.

    Il y a en tout cas clairement le souci d’accompagner les masses de manière très lente dans un rejet de Staline. Ainsi, la radio soviétique ne diffusa plus l’hymne soviétique que sans les paroles, car celles-ci font référence à Staline.

    Un des meetings suivant le XXe congrès

    Le précis d’histoire du PCUS(b), le document communiste le plus édité de la première partie du XXe siècle, le manuel communiste par excellence, disparut des librairies. L’Institut Marx-Engels-Lénine-Staline devint l’Institut pour le marxisme-léninisme.

    Les représentations de Staline telles que les statues, bustes, photos, affiches… commencèrent rapidement à disparaître, et ce jusqu’au musée Lénine, la galerie Trétiakov et le musée militaire.

    Les usines automobiles Staline à Moscou abandonnèrent la référence nominative, pour prendre finalement celle de l’ancien manager I.A. Likhachev.

    Mieux encore, dans les écoles, l’enseignement de la Seconde Guerre mondiale fut abandonné pour l’année 1956 et les épreuves d’histoire annulées à la fin de l’année. La principale historienne, Anna Pankratova, annonça dans une interview à la radio qu’il y avait une relecture en train d’être faite de l’histoire soviétique et qu’il faudrait du temps pour sa mise en place.

    Le 28 mars, la Pravda publia un éditorial dénonçant le culte de la personnalité, qui a « pris des formes toujours plus monstrueuses et a provoqué des dégâts sérieux à notre cause », aboutissant à des « distorsions des principes du Parti et de la démocratie du Parti, la violation de la loi révolutionnaire et des répressions injustifiées ».

    Cela n’impliquait pas un rejet de Staline, qui avait rendu de nombreux « grands services » et qui était « l’un des plus forts marxistes ». Cette démarche fut accompagnée d’articles du même type, de plus en plus critiques mais à chaque fois dans un domaine spécifique seulement, dans l’organe de l’armée L’étoile rouge, ainsi que dans la Gazette littéraire et dans Questions d’histoire, avant d’être systématisée aussi à La vie du Parti, le Bulletin du Soviet suprême, la revue L’État soviétique et la loi, etc.).

    La revue L’État soviétique et la loi attaqua le procureur Andreï Vichinsky, la grande figure du droit de l’URSS socialiste ; la revue La Gazette littéraire dénonça les effets du culte de la personnalité dans la littérature et les arts, etc.

    Andreï Vichinsky,
    la grande figure du droit de l’URSS socialiste

    Le 5 avril, la Pravda publia également un éditorial attaquant des positions « anti-Parti » s’étant exprimées dans le PCUS et qui auraient le tort d’assimiler la critique du culte de la personnalité à celle de la ligne politique du Parti alors.

    Le 7 avril, la presse et la radio mentionnèrent très largement la parution par la Pravda de l’éditorial légèrement abrégé du Quotidien du peuple, l’organe de presse communiste chinois, au sujet de la question de Staline.

    Deux éléments contenus dans l’article n’avaient pas encore été officiellement employés par les médias soviétiques : l’accusation selon laquelle Staline aurait manqué de vigilance en 1941, et la considération comme quoi la ligne par rapport à la Yougoslavie titiste aurait été erronée.

    L’accusation chinoise concernant 1941 fut repris par la revue La gazette militaireà la fin avril, critiquée comme revenant à une critique du Parti le 9 mai par la revue de l’armée L’étoile rouge, soutenue finalement par Questions d’histoire et enfin par la revue théorique du Parti Kommunist elle-même.

    Tout cela servait la mise en place pas à pas de la liquidation de Staline. Pour cette raison de lenteur de progression, les critiques de Staline allant plus loin et qu’on trouvait en Pologne, en RDA, en Tchécoslovaquie, continuèrent à être censurées.

    Chaque porte devait être ouverte lentement et spécifiquement, et spécifiquement seulement, pour éviter les troubles. La revue théorique du Parti, Kommunist, devait d’ailleurs admettre dans son numéro d’avril que :

    « Les décisions du XXe Congrès sur l’abolition du culte de la personnalité n’ont pas été unanimement approuvées en Union soviétique. »

    Une autre technique indirecte fut la publication de documents annonciateurs d’une mise en valeur de figures auparavant réprouvées. En publiant le 22 avril une lettre de Lénine à Rykov, la Pravda officialisait sa réhabilitation. La revue Questions d’histoire fit même avec des figures purgées comme Stanislav Kossior, Nikolaï Voznesensky, Pavel Postyshev, Ian Roudzoutak, Vlas Chubar, etc.

    La même revue publia également des articles remettant en cause le rôle de Staline, par exemple comme dirigeant de la branche caucasienne de la social-démocratie de 1903 à 1905 ; la publication du 40e volume de la grande encyclopédie soviétique fut également repoussée, en raison de toute une série de modifications devant être réalisées.

    Enfin, la revue de la jeunesse communiste, la Komsomolskaya Pravda, publia en partie le « testament de Lénine » sans aucune précision, à la mi-mai 1956. Un mois plus tard il fut publié en entier dans Kommunist avec un éditorial expliquant que « Staline avait commis des erreurs sérieuses de direction dans l’agriculture, des affaires militaires et le domaine de la politique étrangère ».

    La publication fut accompagnée d’autres textes de Lénine, le tout fut rassemblé sous la forme d’un pamphlet publié à un million d’exemplaires, suivi d’un autre avec le texte du 30 juin 1956 du Comité Central du PCUS sur « Le dépassement du culte de la personnalité et ses conséquences ».

    Entre-temps, le 27 juin 1956, la Pravda republia un article du New York Daily Worker, écrit par Eugene Dennis. Celui-ci parlait du rapport secret, mais de manière mesurée et louant la direction du PCUS. Il fut donc utilisé pour apporter la première véritable reconnaissance officielle, indirecte, en URSS même, qu’il y avait bien eu un rapport secret.

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  • Le «rapport secret» du XXe congrès du PCUS et les affabulations sur le culte de la personnalité

    L’une des affirmations essentielles de Nikita Khrouchtchev au XXe congrès est que Staline aurait organisé autour de lui un « culte de la personnalité ». Or, il n’a jamais été parlé de la personnalité de Staline au sens strict, seulement de sa réalité dirigeante aux différents niveaux (idéologique, politique, économique, militaire, etc.).

    Nikita Khrouchtchev fait exprès de gommer toute la dimension éducative-propagandiste de la question de Staline. Il dresse donc un réquisitoire-catalogue, encore une fois censé être justifié par le XIXe congrès.

    Il faut bien voir que comme ce congrès a supprimé le poste de secrétaire général du Parti, alors il y a un espace pour le rejet de la mise en valeur des dirigeants. Nikita Khrouchtchev cadre habilement par rapport à cet aspect, comme ici :

    « Et est-ce à l’insu de Staline que de nombreuses villes et entreprises ont pris son nom?

    Est-ce à son insu que des monuments à Staline ont été élevés dans tout le pays – ces « monuments commémoratifs pour un vivant »?

    C’est un fait que Staline lui-même avait signé le 2 juillet 1951 une résolution du Conseil des ministres de l’URSS concernant l’érection, sur le canal Volga-Don, d’un impressionnant monument à Staline ; le 4 septembre de la même année, il avait publié un décret accordant trente-trois tonnes de cuivre pour la construction de ce monument massif.

    Quiconque a visité la région de Stalingrad a certainement vu l’immense statue qui y est édifiée, et cela dans un lieu que ne fréquente presque personne. Des sommes considérables ont été dépensées pour l’édifier, alors que les gens de cette région vivaient depuis la guerre dans des huttes. »

    Les accusations de Nikita Khrouchtchev sont clairement de mauvaise foi et cherchent uniquement à dresser un tableau pittoresque jusqu’au grotesque. Il dit par exemple :

    « Il y a lieu de noter que Staline dressait ses plans [pour la Seconde Guerre mondiale] en utilisant un globe terrestre. (Remous dans la salle.) »

    Or, les capacités de dirigeant militaire de Staline sont extrêmement connues et l’invraisemblance du propos est de toute façon évidente.

    Voici un autre exemple du même type :

    « C’est à travers des films qu’il connaissait la campagne et l’agriculture. Et ces films avaient beaucoup embelli la réalité dans le domaine de l’agriculture.

    De nombreux films peignaient sous de telles couleurs la vie kolkhozienne, que l’on pouvait voir des tables crouler sous le poids des dindes et des oies. Évidemment, Staline croyait qu’il en était effectivement ainsi. »

    La critique de Nikita Khrouchtchev vise à faire de Staline un monstre, afin de dépolitiser la question. Cela provoquera beaucoup de troubles en URSS dans les mois qui suivirent : comment une personne censée être folle et criminelle a-t-elle pu être à la tête du Parti, comme l’a affirmé Nikita Khrouchtchev ?

    L’invraisemblance des propos de Nikita Khrouchtchev était ainsi très offensive, mais également source d’instabilité profonde quant à la légitimité de l’ensemble du régime. Cela sera un aspect déterminant pour sa mise de côté par la suite par la clique dirigeant l’URSS.

    Un autre exemple d’affabulation est l’accusation de Nikita Khrouchtchev à l’encontre de Staline d’avoir entièrement bloqué l’attribution du Prix Lénine instauré en 1925 ; en réalité le prix a bien été attribué, jusqu’en 1935.

    Mais il ne faut pas rater l’aspect principal : la remise en cause de l’appareil de sécurité d’État, au nom de la pacification bourgeoise. Beria est autant visé que Staline. Nikita Khrouchtchev dit ainsi dans son « rapport secret » :

    « Un rôle spécialement bas a été joué par un ennemi féroce de notre parti, Béria, agent d’un service d’espionnage étranger dans l’organisation de certaines affaires sales et honteuses. Béria avait gagné la confiance de Staline.

    De quelle manière ce provocateur parvint-il à atteindre une situation au sein du Parti et de l’État, de façon à devenir le premier vice-président du Conseil des ministres de l’Union soviétique et le membre du Bureau politique du Comité central?

    Il est maintenant prouvé que ce scélérat a gravi les différents échelons du pouvoir en passant sur un nombre incalculable de cadavres.

    Existait-il des indices indiquant que Béria était un ennemi du Parti? Il en existait, en effet. Déjà en 1937, lors d’un plénum du Comité central, l’ancien commissaire du Peuple à la Santé publique Kaminski, déclarait que Béria travaillait pour les services d’espionnage du Moussavat.

    Le plénum du Comité central avait à peine achevé ses travaux que Kaminski était arrêté et fusillé.

    Est-ce que Staline avait examiné la déclaration de Kaminski?

    Non, parce que Staline avait confiance en Béria et que cela lui suffisait. Et, lorsque Staline croyait en quelqu’un ou en quelque chose, personne ne pouvait avancer une opinion contraire. Quiconque aurait osé exprimer une opinion contraire aurait subi le sort de Kaminski. »

    Le noyau dur de la dynamique de Nikita Khrouchtchev, c’est l’appel général à la pacification bourgeoise :

    « Camarades! Le culte de l’individu a provoqué l’emploi de principes erronés dans le travail du Parti et dans l’activité économique; il a conduit à la violation des règles de la démocratie intérieure du Parti et des soviets, à une administration stérile, à des déviations de toutes sortes, dissimulant les lacunes et fardant la réalité. Notre Nation a donné naissance à de nombreux courtisans et spécialistes du faux optimisme et de la duperie. »

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  • Le «rapport secret» du XXe congrès du PCUS et la «légalité socialiste»

    Nikita Khrouchtchev ne pouvait pas que dénoncer une période particulière, même si elle relevait de la lutte des classes la plus haute. Il devait également faire en sorte que la caste bureaucratique prenant forme, se façonnant comme nouvelle bourgeoisie, puisse s’approprier de manière aisée, tranquille pour ainsi dire, les différents leviers de la société.

    Il dut donc faire une sorte de contrat, en disant en résumé : moi et ma clique on prend la direction, mais on s’occupe de vous permettre de vous installer, car de toutes façons on va faire en sorte que les moindres problèmes se résolvent de manière désormais bourgeoise-pacifique.

    En langage pseudo-communiste, cela donne : la direction collective s’impose comme seule forme apte à maintenir la « légalité socialiste », car sinon c’est le triomphe de l’arbitraire.

    Il va de soi que Nikita Khrouchtchev insiste particulièrement sur ce dernier aspect, car il doit à tout prix rassurer la caste bureaucratique s’installant, afin de maintenir sa position.

    Ce qui est par ailleurs marquant ici, c’est que la plupart des dénonciations de Staline dans les pays impérialistes s’appuient directement sur les pseudos-explications de Nikita Khrouchtchev.

    Voici donc la formulation, à mots voilés, du contrat bourgeois-pacifique de résolution des questions internes à la caste bureaucratique, à travers la dénonciation fantasmée de Staline.

    « Pour quelle raison les répressions de masse contre les activistes n’ont-elles cessé d’augmenter après le XVIIe Congrès?

    C’est parce que, à l’époque, Staline s’était élevé à un tel point au-dessus du Parti et au-dessus de la Nation qu’il avait cessé de prendre en considération le Comité central ou le Parti.

    Alors qu’il avait toujours tenu compte de l’opinion de la collectivité avant le XVIIe Congrès, après la totale liquidation politique des trotskistes, des zinoviévistes et des boukhariniens, au moment où cette lutte et les victoires socialistes avaient conduit à l’unité du Parti, Staline avait cessé, à un point toujours plus grand, de tenir compte des membres du Comité central du Parti et même des membres du Bureau politique.

    Staline pensait que, désormais, il pouvait décider seul de toutes choses et que les figurants étaient les seuls gens dont il ait encore besoin; il traitait tous les autres de telle sorte qu’ils ne pouvaient plus que lui obéir et l’encenser.

    Après l’assassinat criminel de S.M. Kirov, commencèrent les répressions de masse et les brutales violations de la légalité socialiste. Le soir du 1er décembre 1934, sur l’initiative de Staline (sans l’approbation du Bureau politique, qui fut acquise par hasard deux jours plus tard), le secrétaire du Présidium du Comité central exécutif, Enoukidzé, signait la directive suivante :

    « 1. Ordre est donné aux organismes d’instruction d’accélérer l’étude des procès de ceux qui sont accusés de préparation ou d’exécution d’actes terroristes.

    2. Ordre est donné aux organes judiciaires de ne pas suspendre l’exécution des sentences de mort relatives aux crimes de cette catégorie afin d’étudier les possibilités de grâce, du fait que le Présidium du Comité central exécutif de l’URSS ne considère pas possible de recevoir les pétitions de cette nature.

    3.Ordre est donné aux organismes du commissariat des Affaires intérieures d’exécuter les sentences de mort contre les criminels de la catégorie ci-dessus immédiatement après le prononcé de ces sentences. »

    Cette directive devint la base des actes massifs d’abus contre la légalité socialiste.

    Au cours de nombreux procès les accusés durent répondre de « la préparation » d’actes terroristes ; cela les privait de toute possibilité de réexamen de leurs procès, même lorsqu’ils déclaraient devant le tribunal que leurs « aveux » leur avaient été arrachés de force et que, d’une manière convaincante, ils apportaient la preuve de la fausseté des accusations portées contre eux. »

    Les accusations de Nikita Khrouchtchev sont pratiquement de nature apolitique ; c’est qu’il défend le point de vue bourgeois de rapports pacifiés – conformément aux besoins de la bourgeoisie naissante et se structurant en URSS.

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  • Le «rapport secret» du XXe congrès du PCUS et le rejet de l’appareil de sécurité d’Etat

    Nikita Khrouchtchev se situant sur le terrain du XIXe congrès, il appuie les points relatifs à celui-ci. Le XIXe congrès ayant instauré une « direction collective » et aboli le poste de secrétaire général du Parti, il passe par là pour condamner le passé – évidemment par rapport à un présent censé être impeccable par définition même.

    « Ainsi que l’ont prouvé les événements ultérieurs, l’inquiétude de Lénine était justifiée: dans la première période qui a suivi la mort de Lénine, Staline prêtait encore attention à ses conseils [à ceux de Lénine], mais plus tard il commença à ignorer les graves avertissements de Vladimir Ilitch.

    Quand on analyse la façon d’agir de Staline à l’égard de la direction du Parti et du pays, quand on s’arrête à considérer tout ce que Staline a commis, il faut bien se convaincre que les craintes de Lénine étaient justifiées.

    Le côté négatif de Staline, qui, du temps de Lénine, n’était encore que naissant, s’était transformé dans les dernières années en un grave abus de pouvoir par Staline, qui a causé un tort indicible à notre Parti.

    Nous devons étudier sérieusement et analyser correctement cette question afin d’être à même de prévenir toute possibilité d’un retour, sous quelque forme que ce soit, de ce qui s’est produit du vivant de Staline, qui ne tolérait absolument pas la direction et le travail collectifs et qui pratiquait la violence brutale, non seulement contre tout ce qui s’opposait à lui, mais aussi contre tout ce qui paraissait, à son esprit, capricieux et despotique, contraire à ses conceptions. »

    Si la critique en restait là, on aurait pu comprendre qu’il s’agit d’une rectification, Nikita Khrouchtchev asseyant son pouvoir et avec lui toute une clique opportuniste. Cependant, l’URSS de Staline était socialiste et il existait par conséquent un appareil de sécurité d’État.

    La base socialiste était préservée par celui-ci, toute la société étant organisée en fonction de lui et inversement. Cela est évidemment inacceptable pour une clique désireuse d’agir comme bon lui semble.

    Elle avait donc décapité dès la mort de Staline l’appareil de sécurité d’État et instauré un KGB à son service. Mais il lui fallait également idéologiquement dénoncer la lutte de classes et cela était d’autant plus important de le faire que la lutte des classes avait abouti à frapper les éléments traîtres dans le Parti lui-même.

    Ces éléments traîtres étant opportunistes, ils convergeaient par définition avec la clique de Nikita Khrouchtchev. Il était d’autant plus important de se focaliser sur la période 1937-1938 où l’appareil de sécurité d’État avait été en première ligne pour assumer la lutte des classes, protéger l’État socialiste, frappant jusque dans le Parti.

    Voici comment Nikita Khrouchtchev expose cela.

    « Staline n’agissait pas par persuasion au moyen d’explications et de patiente collaboration avec des gens, mais en imposant ses conceptions et en exigeant une soumission absolue à son opinion. Quiconque s’opposait à sa conception ou essayait d’expliquer son point de vue et l’exactitude de sa position était destiné à être retranché de la collectivité dirigeante et voué par la suite à l’annihilation morale et physique.

    Cela fut particulièrement vrai pendant la période qui a suivi le XVIIe Congrès, au moment où d’éminents dirigeants du Parti et des militants honnêtes et dévoués à la cause du communisme sont tombés, victimes du despotisme de Staline.

    Nous devons affirmer que le Parti a mené un dur combat contre les trotskistes, les droitiers et les nationalistes bourgeois et qu’il a désarmé idéologiquement tous les ennemis du léninisme. Ce combat idéologique a été conduit avec succès, ce qui a eu pour résultat de renforcer et de tremper le Parti. Là, Staline a joué un rôle positif (…).

    Il est intéressant de noter le fait que, même pendant que se déroulait la furieuse lutte idéologique contre les trotskistes, les zinoviévistes, les boukhariniens et les autres, on n’a jamais pris contre eux des mesures de répression extrêmes. La lutte se situait sur le terrain idéologique.

    Mais quelques années plus tard, alors que le socialisme était fondamentalement édifié dans notre pays, alors que les classes exploitantes étaient généralement liquidées, alors que la structure sociale soviétique avait radicalement changé, alors que la base sociale pour les mouvements et les groupes politiques hostiles au Parti s’était extrêmement rétrécie, alors que les adversaires idéologiques du Parti étaient depuis longtemps vaincus politiquement, c’est alors que commença la répression contre eux.

    C’est exactement pendant cette période (1936-19371938) qu’est née la pratique de la répression massive au moyen de l’appareil gouvernemental, d’abord contre les ennemis du léninisme – trotskistes, zinoviévistes, boukhariniens – depuis longtemps vaincus politiquement par le Parti, et également ensuite contre de nombreux communistes honnêtes, contre les cadres du Parti qui avaient porté le lourd fardeau de la guerre civile et des premières et très difficiles années de l’industrialisation et de la collectivisation, qui avaient activement lutté contre les trotskistes et les droitiers pour le triomphe de la ligne du parti léniniste.

    Staline fut à l’origine de la conception d’« ennemi du peuple ».

    Ce terme rendit automatiquement inutile d’établir la preuve des erreurs idéologiques de l’homme ou des hommes engagés dans une controverse; ce terme rendit possible l’utilisation de la répression la plus cruelle, violant toutes les normes de la légalité révolutionnaire contre quiconque, de quelque manière que ce soit, n’était pas d’accord avec lui; contre ceux qui étaient seulement suspects d’intentions hostiles, contre ceux qui avaient mauvaise réputation.

    Ce concept d’« ennemi du peuple » éliminait en fait la possibilité d’une lutte idéologique quelconque, de faire connaître son point de vue sur telle ou telle question, même celle qui avait un caractère pratique.

    Pour l’essentiel et en fait la seule preuve de culpabilité dont il était fait usage, contre toutes les normes de la science juridique actuelle, était la « confession » de l’accusé lui-même; et comme l’ont prouvé les enquêtes faites ultérieurement, les « confessions » étaient obtenues au moyen de pressions physiques contre l’accusé.

    Cela a conduit à des violations manifestes de la légalité révolutionnaire et au fait que de nombreuses personnes, parfaitement innocentes, qui, dans le passé, avaient défendu la ligne du Parti, devinrent des victimes. »

    C’est là une dénonciation très claire de la lutte des classes en URSS. La lutte contre les éléments capitulant dans la construction de l’URSS – les trotskystes, zinoviévistes, boukhariniens, etc. – est fort logiquement acceptée puisque la clique de Nikita Khrouchtchev est à la tête de l’URSS.

    Mais elle ne peut pas accepter les luttes de classes en URSS même, parce qu’elle a désormais le pouvoir et qu’elle ne veut pas de celles-ci, mais également parce que cela impliquait la capacité de l’appareil de sécurité d’État à posséder une primauté technique sur le Parti, qui est désormais le sas de la bureaucratie formant une nouvelle bourgeoisie.

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  • Le sens du «rapport secret» du XXe congrès du PCUS

    La logique de Nikita Khrouchtchev est très simple. Le XIXe congrès avait posé une nouvelle étape : celle d’aller du socialisme au communisme. Il était donc ouvertement affirmé que tout un cycle était terminé.

    Nikita Khrouchtchev pouvait donc parler de la période d’avant 1952 comme quelque chose relevant irrémédiablement du passé, puisqu’on était censé être passé à totalement autre chose.

    La critique de Staline ne tient pas seulement à la mort de celui-ci en 1953, bien au contraire même : elle tient à la mise en place en 1952 d’une direction collective, le poste de secrétaire général du Parti disparaissant.

    Staline lui-même avait fait la promotion d’une direction collective. Or, c’est une erreur historique : en raison du développement inégal, il se cristallise toujours un dirigeant, en interaction avec la direction dans son ensemble.

    Nikita Khrouchtchev peut donc parler au nom de la direction collective d’autant plus facilement que celle-ci a été mise en place par les institutions dans leur ensemble.

    Et il peut critiquer le passé au nom d’une étape supérieure, nouvelle, ouverte par le XIXe congrès. À ce moment-là, l’œuvre de Staline fait déjà ouvertement office d’action passée, de contribution à la situation présente.

    Nikita Khrouchtchev

    Bien entendu, cela n’est qu’une forme. Le contenu est la volonté de former une caste bureaucratique profitant de la situation en trouvant un accord avec les États-Unis d’Amérique, ce qui aboutit à la formation d’une nouvelle bourgeoisie.

    Cependant, le XXe congrès ne joue que sur la forme. C’est d’ailleurs pour cela que Nikita Khrouchtchev se fera éjecter par la suite : à avoir trop appuyé sur la forme, les déséquilibres devenaient trop importants pour une véritable bourgeoisie instaurant son pouvoir et systématisant sa domination.

    Nikita Khrouchtchev est un bureaucrate opportuniste à l’initiative d’une nouvelle caste ; après lui on a carrément une bourgeoisie installée au cœur d’un pays organisé en un social-impérialisme. Il y a une différence de qualité.

    Nikita Khrouchtchev se situe entièrement sur le terrain du XIXe congrès, sur sa logique de « direction collective » et de simple appui au développement des forces productives pour instaurer à court terme le communisme. Il ne modifiera jamais cette approche tout au long de la période où il fut de facto le chef de l’URSS.

    Nikita Khrouchtchev, quand il affirmait que l’URSS instaurerait le communisme au début des années 1980, se situait entièrement sur le terrain du XIXe congrès.

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  • La présentation du «rapport secret» lors du XXe congrès du PCUS

    La réunion à huis-clos annoncé inopinément le matin du vendredi eut du retard. Elle devait commencer à 18h, elle eut en fait lieu peu après minuit.

    Nicolaï Boulganine prit le premier la parole, pour simplement annoncer que Nikita Khrouchtchev allait s’adresser aux délégués. Celui-ci fit immédiatement la précision suivante :

    « Nous devrions examiner très sérieusement la question du culte de la personnalité.

    Aucune nouvelle à ce sujet ne devra filtrer à l’extérieur; la presse spécialement ne doit pas en être informée. C’est donc pour cette raison que nous examinons cette question ici, en séance à huis clos du Congrès. Il y a des limites à tout.

    Nous ne devons pas fournir des munitions à l’ennemi; nous ne devons pas laver notre linge sale devant ses yeux. Je pense que les délégués au Congrès comprendront et évalueront à leur juste valeur toutes les propositions qui leur seront faites.

    (Applaudissements tumultueux.) »

    Voici le tout début de son propos. Il faut bien noter qu’il s’agit de la version « officielle » du texte. Il n’y a pas eu de retranscription ni d’enregistrement du discours lu par Nikita Khrouchtchev. Il fut également interdit de prendre des notes.

    « Camarades,

    Dans le rapport du Comité central du Parti au XXe Congrès, dans un certain nombre de discours prononcés par des délégués au Congrès, ainsi que lors de réunions plénières du Comité central du parti communiste de l’Union soviétique, pas mal de choses ont été dites au sujet du culte de la personnalité et de ses conséquences néfastes.

    Après la mort de Staline, le Comité central du Parti a commencé à appliquer une politique tendant à expliquer brièvement, mais d’une façon positive, qu’il était intolérable et étranger à l’esprit du marxisme-léninisme d’exalter une personne et d’en faire un surhomme doté de qualités surnaturelles à l’égal d’un dieu. Un tel homme est supposé tout savoir, penser pour tout le monde, tout faire et être infaillible.

    Ce sentiment à l’égard d’un homme, et singulièrement à l’égard de Staline, a été entretenu parmi nous pendant de nombreuses années.

    Le but du présent Rapport n’est pas de procéder à une critique approfondie de la vie de Staline et de ses activités. Sur les mérites de Staline suffisamment de livres, d’opuscules et d’études ont été écrits durant sa vie.

    Le rôle de Staline dans la préparation et l’exécution de la révolution socialiste, lors de la guerre civile, ainsi que dans la lutte pour l’édification du socialisme dans notre pays est universellement connu. Chacun connaît cela parfaitement.

    Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est une question qui a une importance pour le Parti actuellement et dans l’avenir.

    Ce qui nous intéresse, c’est de savoir comment le culte de la personne de Staline n’a cessé de croître, comment ce culte devint, à un moment précis, la source de toute une série de perversions graves et sans cesse plus sérieuses des principes du Parti, de la démocratie du Parti; de la légalité révolutionnaire.

    En raison du fait que tout le monde ne semble pas encore bien comprendre les conséquences pratiques, résultant du culte de l’individu, le grave préjudice causé par la violation du principe de la direction collective du Parti du fait de l’accumulation entre les mains d’une personne d’un pouvoir immense et illimité, le Comité central du Parti considère qu’il est absolument nécessaire de remettre au XXe Congrès du parti communiste de l’Union soviétique tout le dossier de cette question. »

    Nikita Khrouchtchev lut ensuite pendant plusieurs heures son discours intitulé « Sur le culte de la personnalité et ses conséquences ».

    Il n’y eut ni questions, ni débats. Le rapport secret se termina par un vote des délégués soutenant ce qui avait été dit. Pendant ce temps, les délégations étrangères avaient accès au document par écrit au Kremlin, mais sans le droit de prendre des notes.

    Il y avait, de toutes façons, une seule idée de fond. Car le discours de Nikita Khrouchtchev a une particularité précise : il aborde de très nombreux thèmes, mais ni la question du rôle dirigeant du Parti, ni l’industrialisation menée. Il se focalise sur le « culte de la personnalité », avec la personne de Staline présentée comme « brutale », amenant la « violation » des normes du Parti et les vastes opérations de répression, soulignant aussi le rôle « exagéré » attribué à Staline durant la Seconde Guerre mondiale.

    Pour renforcer cette atmosphère, le « testament de Lénine » fut également distribué dès le départ aux délégués.

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  • La fin du XXe congrès du PCUS

    Le matin du 24 février, la veille du dernier jour, une résolution fut adoptée quant au rapport fait par Nikita Khrouchtchev dix jours plus tôt. Elle encourage le Comité Central « à ne pas faiblir dans la lutte contre les vestiges du culte de la personnalité ».

    La résolution n’en dit pas plus sur la question de Staline, posée ici seulement en filigrane.

    Mais un fait marquant à cette occasion fut la proposition d’une base de travail de 19 pages pour la résolution, réalisée par un groupe de 45 hauts responsables du PCUS se présentant comme la « commission de préparation pour la résolution du XXe congrès sur le rapport du Comité Central du PCUS ».

    Formellement, cela n’a pas de sens, car le rapport est fait au congrès et pas avant. C’était là clairement un appui ouvert à Nikita Khrouchtchev.

    Le XXe congrès votant pour le rapport de Nikita Khrouchtchev

    Un autre aspect intéressant est que la résolution finale ne salue pas le rapport dans son ensemble (contrairement aux autres congrès), mais « approuve les propositions et conclusions du Comité Central contenues dans son rapport ». Cette formulation n’était pas contenue dans la base de travail ; l’ajout présente une mobilisation en faveur de Nikita Khrouchtchev.

    C’est là un aspect très important, car il faut bien saisir que le fameux « rapport secret » n’a pas été lu pendant le congrès, mais après le congrès, alors qu’il était officiellement terminé. Cela signifie que le PCUS était déjà « embarqué » avec Nikita Khrouchtchev et que son « rapport secret » ne pouvait politiquement qu’être accepté par les délégués.

    Le matin du vendredi 24 février 1956, Mikhail Pervukhine qui était président de séance annonça ainsi deux choses : une réunion des délégués à 17 heures, puis leur réunion à huis clos à 18 heures.

    Le congrès avait donc, avant la réunion à huis-clos, déjà voté les membres du Comité Central. Et c’est seulement après, alors que tout a été verrouillé, que le rapport secret a été lu par Nikita Khrouchtchev.

    Timbre annonçant
    le XXe congrès du PCUS

    Le nouveau Comité Central reflète justement cette prise du pouvoir par la clique de Nikita Khrouchtchev. il compte 133 titulaires contre 125 auparavant, avec 122 suppléants contre 111 auparavant.

    Des 125 membres du Comité Central élu en 1952 au XIX congrès, 44 avaient été écartés.

    33 % des membres du Comité Central issu du XXe congrès étaient nouveaux, avec le quart des nouveaux membres étant lié à l’activité de Nikita Khrouchtchev en Ukraine.

    Sur ces 255 titulaires et suppléants du Comité Central, pratiquement la moitié – 123 – sont des secrétaires des républiques, territoires autonomes et régions. Leur nombre était de 92 sur 236 au congrès précédent. Le Parti est ici asphyxié par l’appareil de direction.

    Cela est d’autant plus marquant que le nombre de membres du Comité Central relevant de l’administration étatique est le même (48 titulaires et 52 suppléants, 44 et 54 précédemment). On trouve, dans le même ordre d’idée, seulement 3 intellectuels membres titulaires du Comité Central, 8 militaires, 1 dirigeant syndical.

    On ne trouve pareillement que deux responsables de l’appareil de sécurité : le ministre de l’intérieur venant d’être nommé, et le responsable de la sécurité d’État. On a trois responsables militaires : les maréchaux Georges Joukov, ministre de la Défense, Radion Malinovski, commandant de la région militaire d’Extrême-Orient, et Cyrille Moskalenko, commandant de la région de Moscou.

    Radion Malinovski, très proche de Nikita Khrouchtchev, deviendra rapidement le principal responsable des forces armées et une figure majeure du social-impérialisme soviétique.

    A cela s’ajoute que le Comité Central, dès sa première réunion, nomma également quatre proches de Nikita Khrouchtchev comme candidats au Présidium, sur les six possibles, et alors que le Présidium disposait de 11 membres en tout. Trois de ces candidats étaient par ailleurs membres du Secrétariat du Comité Central, qui comptait au total huit membres (dont trois déjà membres du Présidium).

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  • La voie pacifique au socialisme selon le XXe congrès du PCUS

    Dans son long rapport, Nikita Khrouchtchev assume les thèses de la voie pacifique au socialisme. C’est là une thèse de la plus haute importance, qui va être la grande pierre d’achoppement au début des années 1960 dans le Mouvement Communiste International. Toute la jeune génération marxiste-léniniste refusant le révisionnisme va faire du rejet de cette thèse la pierre angulaire de son identité politique.

    La Chine populaire dirigée par Mao Zedong va être au centre de la critique de cette thèse et le principal point de référence alors pour la lutte armée comme stratégie révolutionnaire.

    Cette thèse semble tomber du ciel, mais elle découle en fait du principe de coexistence pacifique. La nouvelle bourgeoisie s’affirmant en URSS devait forcément aller dans le sens de la collusion avec les pays capitalistes pour parvenir à un accord.

    D’où la démarche relativiste de Nikita Khrouchtchev dans son rapport :

    « Nos ennemis aiment à nous représenter, nous, les léninistes, comme des partisans de la violence en toutes occasions.

    Il est vrai que nous reconnaissons la nécessité de la transformation révolutionnaire de la société capitaliste en société socialiste. C’est ce qui distingue les marxistes révolutionnaires des réformistes et des opportunistes.

    Il est, en effet, hors de doute que, pour maints pays capitalistes, le renversement par la violence de la dictature bourgeoise et l’aggravation brutale de la lutte de classe qui l’accompagne sont inévitables.

    Mais les formes de la révolution sociale sont diverses. Quant on prétend que nous voyons dans la violence et la guerre civile l’unique moyen de transformer la société, on émet un postulat qui ne correspond pas à la réalité. »

    En fait, le véritable moteur idéologique de cette thèse consiste en le principe d’un capitalisme désormais « organisé », comme l’affirme Eugen Varga. On a ici la base pour la transformation des Partis Communistes en outils pour la politique extérieure l’URSS, qui iront par la suite jusqu’à l’expansionnisme militaire.

    C’est en ce sens qu’il faut comprendre le propos de Nikita Khrouchtchev comme quoi :

    « La conquête d’une solide majorité parlementaire s’appuyant sur le mouvement révolutionnaire du prolétariat et des travailleurs créerait pour la classe ouvrière des divers pays capitalistes et anciennement coloniaux les conditions nécessaires pour des transformations sociales radicales. »

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  • Le rejet du caractère inéluctable de la guerre impérialiste au XXe congrès du PCUS

    Le leitmotiv de Nikita Khrouchtchev quant à la question internationale, dans son très long rapport (faisant cent pages), c’est l’affirmation que la guerre n’est pas inéluctable. Nikita Khrouchtchev se fait ici le porte-parole assumé de la tendance représentée par Eugen Varga, qui avait fait vaciller le Parti dans l’immédiate après-guerre.

    Cette tendance reprit la main, dans les failles du XIXe congrès, dès la mort de Staline.

    Immédiatement, la presse soviétique abandonna toute dénonciation des États-Unis, y compris pour de récents incidents. La collaboration avec ce pays durant la Seconde Guerre mondiale fut mise en valeur. La presse américaine, ainsi que les radios, reçurent des visas le 25 mars 1953 pour une semaine de visite de Moscou.

    Cette approche se généralisa à tous les niveaux diplomatiques, avec une véritable offensive de charme envers les diplomates et des communiqués officiels particulièrement mesurés.

    À l’arrière-plan de la liquidation de l’appareil de sécurité d’État, on a toute une nouvelle mise en perspective, celle de l’URSS séparée du monde et acceptant un rapport pacifique-bourgeois avec les pays capitalistes, alors que les forces productives sont développées sans bataille idéologique.

    C’est la rencontre de la faction portée par l’analyse d’Eugen Varga et des erreurs du XIXe congrès de 1952.

    Les délégations étrangères au XXe congrès du PCUS

    Voici la thèse fondamentale de Nikita Khrouchtchev dans son rapport, reprenant directement les arguments d’Eugen Varga et reflétant la capitulation devant l’impérialisme pour une clique bureaucratique aspirant à devenir bourgeoisie :

    « Les marxistes doivent prendre en considération la possibilité de conjurer les guerres à notre époque, s’ils tiennent compte des changements de portée historique mondiale qui se sont produits au cours des dernières années (…).

    A l’heure actuelle la situation a foncièrement changé. Le camp mondial du socialisme est né, et il est devenu un atout puissant. Les forces de la paix y trouvent non seulement des moyens moraux, mais également les possibilités matérielles de prévenir l’agression.

    Au surplus, il existe actuellement un groupe d’États ayant une population s’élevant à des centaines de millions d’habitants qui luttent activement contre la guerre. Le mouvement ouvrier, dans les pays capitalistes, constitue de nos jours une force considérable. Le mouvement des partisans de la paix est né et est devenu un facteur puissant (…).

    Les guerres ne sont pas inévitables, elles ne sont pas fatales. Pour empêcher les impérialistes de déclencher la guerre et, au cas où ils oseraient le faire, pour infliger une riposte foudroyante aux agresseurs et déjouer leurs plans, il faut que toutes les forces engagées, contre la guerre soient en alerte et qu’elles fassent front, unies, sans relâcher pourtant leurs efforts dans la lutte pour le maintien de la paix. »

    On notera que, si l’on ne parvient pas à voir la thèse d’Eugen Varga au filigrane du propos de Nikita Khrouchtchev, alors cela peut très largement sonner comme les thèses du XIXe congrès, avec l’affirmation du camp de la paix (le XIX congrès considérant cependant que la guerre est inévitable car liée à la nature même du capitalisme).

    Nikita Khrouchtchev présente toutefois un élément nouveau : la dimension subjectiviste dans le rapport à la guerre, conforme aux intérêts de la clique qu’il représente pour une « coexistence pacifique » avec l’impérialisme :

    « D’ordinaire, souligne d’ailleurs M. Khrouchtchev, l’on n’envisage qu’un aspect de la question : l’infrastructure économique des guerres sous l’impérialisme. Mais cela est insuffisant.

    La guerre n’est pas seulement un phénomène économique. Le rapport des forces de classe, des forces politiques, le degré d’organisation et la volonté consciente des hommes ont une grande importance pour déterminer si la guerre aura lieu ou non.

    Bien plus, dans certaines conditions, la lutte des forces sociales et politiques d’avant-garde peut, à cet égard, jouer un rôle décisif. »

    Cette thèse sera très largement développée par la suite par l’URSS et l’un de ses principaux fronts idéologiques, notamment dans les pays capitalistes.

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  • Le rapport du Comité Central au XXe congrès du PCUS

    C’est Nikita Khrouchtchev qui lut le rapport du Comité Central du PCUS au XXe congrès, et ce dès le premier jour, soit le 14 février 1956.

    Le rapport se divise en trois parties :

    – la première concerne la « position internationale de l’Union Soviétique », avec une insistance sur la coexistence pacifique et le dépassement du camp capitaliste ;

    – la seconde concerne la « situation interne de l’URSS », avec une présentation résolument optimiste de la situation dans l’industrie et les transports tout d’abord, de l’agriculture ensuite, ainsi que de « l’accroissement des standards matériels et culturels du peuple soviétique » et de « la consolidation et le développement prolongés du système d’État et social soviétique ;

    – la troisième concerne le Parti.

    Le XXe congrès du PCUS

    Nikita Khrouchtchev explique dès les premières phrases que si la période depuis le XIXe congrès fut courte (trois ans et quatre mois), elle est l’une des plus importantes de l’histoire du Parti.

    Le travail mené permet en effet, selon lui une avancée fondamentale dépassant ce qui était retardé, et ce dans le cadre de l’existence de deux systèmes à l’échelle mondiale.

    Nikita Khrouchtchev mentionne la croissance économique en URSS, dans les démocraties populaires de l’Est européen, de la Chine, ainsi qu’en Yougoslavie ; le fait de mentionner ce dernier pays, considéré pourtant comme fasciste à la fin des années 1940, est déjà clairement l’expression d’un choix idéologique fait en amont. Il parle d’ailleurs de « la normalisation des relations avec la Yougoslavie fraternelle ».

    Reprenant les thèses du XIXe congrès, il expose un camp capitaliste se ratatinant économiquement et où les forces favorables à la guerre n’ont pas le dessus. Il en conclut que la voie au socialisme peut prendre dans ce contexte des formes multiples.

    S’ensuit, logiquement et dans le même esprit, un très long panorama de la situation économique de l’URSS, présentée en long et en large, tout comme ce fut le cas au XIXe congrès. L’accent est mis sur la prétendue réussite du 5e plan quinquennal, marqué par une augmentation des salaires ouvriers de 39 % et des paysans de 50 %.

    Les objectifs sont en conséquence audacieux : passer à une journée de sept heures de travail (de six heures pour les mineurs).

    Le XXe congrès du PCUS

    On est ici clairement dans la ligne du XIXe congrès. Celui-ci avait instauré une direction collective. Nikita Khrouchtchev cherche à la renforcer à tout prix en chargeant Beria de nombreux crimes censés avoir diviser le Parti – une manière d’ôter toute dimension idéologique aux troubles ayant agité le Parti.

    Nikita Khrouchtchev réhabilite ainsi la faction du Parti de Leningrad qui fut liquidé par le PCUS(b) dans l’après-guerre pour avoir tenté de faire sécession avec la ville afin de former une sorte de « royaume indépendant » au sein de l’URSS. Et il précise qu’il s’agit de revenir aux normes de Lénine concernant le Parti, qui « par le passé ont fréquemment été violées ».

    Nikita Khrouchtchev mentionne également le précis d’histoire du PCUS(b), qui a servi de « base pour la propagande » pendant 17 années. Étant donné que la « glorieuse histoire du Parti » doit servir pour l’éducation, il serait nécessaire de publier un nouvel ouvrage à ce sujet – Nikita Khrouchtchev ne fait aucune critique, présentant cela comme une tâche de mise à jour.

    Il profite ici encore de la ligne du XIXe congrès.

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  • La référence à Staline au XXe congrès du PCUS

    De la même manière que le nom de Staline disparut des principaux organes de presse soviétiques juste avant le congrès, pour l’ouverture du congrès les orateurs soviétiques du congrès ne mentionnèrent pratiquement jamais celui qui avait dirigé le Parti pendant plusieurs décennies.

    Il n’y eut que trois exceptions, si l’on met de côté les discours des délégués français et chinois.

    Nikita Khrouchtchev demanda aux délégués de se lever en mémoire des dirigeants communistes morts depuis le dernier congrès, mentionnant Staline parmi d’autres.

    Le XXe congrès du PCUS

    Nikita Khrouchtchev dit ensuite plus tard simplement que la mort de Staline n’avait pas provoqué dans les rangs communistes la confusion espérée par les ennemis du socialisme. La formule est sobre :

    « Peu après le XIXe congrès, la mort a enlevé de nos rangs Joseph Vissarianovitch Staline. Les ennemis du socialisme espérant que cela provoquerait de la confusion dans les rangs du Parti, de la discorde dans la direction, de l’hésitation dans l’application de sa politique intérieure et extérieure. »

    Anastas Mikoyan, quant à lui critiqua l’ouvrage de Staline Les problèmes économiques du socialisme, le 16 janvier. C’était là la première remise en cause ouverte. Il demanda une « révision critique » de principes de l’ouvrage, considéré comme dogmatique. Il dit notamment à ce sujet :

    « Quand on analyse la situation économique du capitalisme contemporain, il devient douteux que les théories exposées par Staline dans Les Problèmes économiques du socialisme en U. R. S. S. concernant les États-Unis, l’Angleterre et la France, et selon lesquelles, après la scission du marché mondial, le volume de la production de ces pays diminuera, puissent nous aider ou qu’elles soient correctes. »

    Anastas Mikoyan reprend ici les thèses d’Eugen Varga et effectivement la théorie de celui-ci des pays capitalistes comme étant devenus « organisés », comme « capitalistes monopolistes d’État », deviendra bientôt officiel en URSS.

    Il remit également en cause, de manière brutale, le Précis d’histoire du PCUS(b). Anastas Mikoyan parla également d’historiens qui avaient compris qu’il y avait une explication non marxiste de certains « événements » de la guerre civile, de « dirigeants du Parti qualifiés de manière erronée d’ennemis du peuple plusieurs années après les événements ».

    Il mentionna à ce sujet, « fraternellement », Vladimir Antonov-Ovseïenko et Stanislav Kosior, purgés tous deux en 1938 ; il conclut son discours par une longue référence à Lénine et au souci de celui-ci de l’unité du Parti.

    Le XXe congrès du PCUS

    L’historienne Anna Pankratova, rédactrice en chef de Questions d’histoire prit également la parole et critiqua la lecture de l’histoire faite jusqu’à présent, notamment concernant les années 1930, reprenant le même argument que Mikoyan.

    Pour le reste, il n’y eut pas de références à Staline, que ce soit pour un éloge ou une critique, à part par Chu Teh et Maurice Thorez, délégués internationaux au congrès respectivement chinois et français.

    Maurice Thorez parla ainsi du PCUS comme « modèle de la ferme adhésion aux principes et d’une fidélité sans faille aux grandes idées de Marx, Engels, Lénine et Staline ». Ce passage fut applaudi par le congrès. Chu Teh souligna le fait que le PCUS avait été nourri du travail de Staline.

    Le XXe congrès du PCUS

    Le XXe congrès était en fait déjà étranger à la question idéologique de Staline. Ce qui était mis en avant, c’était la direction collective, les « normes léninistes de la vie du Parti », la démocratie dans les rangs du Parti, la « légalité socialiste », avec une critique du « culte de la personnalité » impersonnelle.

    C’était là dans la droite ligne du XIXe congrès, avec la dénonciation du « culte de la personnalité » ajoutée et développée par la clique de Nikita Khrouchtchev.

    Il est à noter que Lazare Kaganovitch, historiquement un proche de Staline avec Molotov, chercha à arrêter le processus en cours, en affirmant que les questions avaient été réglées :

    « Après le XIXe congrès du Parti, le Comité Central a hardiment (par hardiment j’ai en vue quelque chose en rapport avec les principes, la théorie) soulevé la question de la lutte contre le culte de la personnalité.

    Ce n’est pas une question facile. Mais le Comité Central lui a donné une réponse correcte, marxiste-léniniste, conforme à l’esprit de parti. »

    Lazare Kaganovitch parla également de la « bande fasciste-provocatrice » de Lavrenti Beria, ayant ainsi clairement en tête d’en faire le bouc-émissaire pour sauver ce qui pouvait l’être. C’était en total décalage avec les tendances dominantes dans le PCUS.

    Il faut noter également une allusion, celle de l’écrivain Mikhaïl Cholokhov. Lors de sa prise de parole, il dressa un parallèle entre l’Union des écrivains et le Parti :

    « Qu’avons-nous fait après la mort de Gorki ? Nous avons mis en place une direction collective dans l’Union des écrivains, avec Fadeev à sa tête (…). Fadeev s’est montré un secrétaire général aimant le pouvoir et ne voulant pas tenir compte du principe de collégialité dans son travail ».

    En fait, les propos sont un parallèle strict avec les thèses de Nikita Khrouchtchev. Voici ce que Mikhaïl Cholokhov disait déjà en 1954, au second congrès des écrivains soviétiques :

    « Beaucoup de défauts et d’erreurs dans le travail de l’Union des écrivains peuvent s’expliquer par le fait que ces vingt dernières années, le principe de direction collective a été loin d’être observé en son sein (…).

    Les écrivains veulent être assurés d’une direction collective réelle dans l’Union [des écrivains], ils veulent un Présidium relativement large possédant les pleins droits de décision concernant l’Union entre les sessions de la direction, et ils veulent aussi que le secrétariat de l’Union soit un organe subordonné à la direction et au Présidium. »

    Ainsi, à l’arrière-plan, dans l’élan du XIXe congrès et de sa « direction collective », avec la décapitation de l’appareil de sécurité d’État, on avait déjà la base pour une remise en cause idéologique générale.

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  • La nature du XXe congrès du PCUS

    Le XXe congrès du PCUS se tint du 14 au 25 février 1956. Il s’est tenu, comme le précédent, dans le Grand Palais du Kremlin. Étaient présents 1 355 délégués représentant chacun 5 000 membres, ainsi que 81 délégués avec uniquement une voix consultative.

    Ce qui était exposé était d’une ambition démesurée. Le nouveau plan quinquennal devait connaître une augmentation des investissements de 67 % par rapport au précédent. Les objectifs pour 1960 étaient bien sûr très précisément chiffrés et exigeaient une progression vertigineuse (étaient prévues une production de 593 millions de tonnes de charbon, 53 millions de tonnes de fonte, 330 000 tonnes de fibres artificielles, 1 840 000 tonnes de huiles végétales, etc.).

    La production de viande était censée pas moins que doubler. Il était prévu de fournir à l’agriculture du matériel en masse : 1 650 000 tracteurs, 560 000 moissonneuses-batteuses.

    Le XXe congrès du PCUS

    En rapport avec cette perspective grandiose plaçant le communisme finalement comme une affaire de génération – cela sera ouvertement dit tel quel dans les années qui suivirent – le PCUS se voyait donner une sorte de qualité suprême.

    Ainsi, la modification du programme du Parti devait être déjà être menée auparavant, mais la Seconde Guerre mondiale empêcha la réalisation de ce travail. Une commission fut finalement constituée à cet effet lors du XIXe congrès, en 1952.

    Elle était constituée de dix membres et présidée par Staline. Au XXe congrès, il n’en restait pratiquement rien. Staline était décédé. Viatechslav Molotov avait été blâmé, Georgi Malenkov mis de côté. Laurenti Beria avait été fusillé. Paul Youdine avait été nommé ambassadeur en Chine en décembre 1953. D.I. Tchesnikov, l’un des deux rédacteurs de l’organe théorique Kommunist, où en janvier il dénonçait « les capitulards qui insistent pour que l’on apaise les impérialistes », avait été purgé en mars 1953.

    Nikita Khrouchtchev annonça alors quelque chose n’ayant rien à voir : la future mise en place d’un programme valable pour tous les Partis Communistes dans le monde. Cela correspondait à la lecture du XIXe congrès de la situation de l’URSS, îlot censé aller au communisme à court terme et de ce fait modèle technique-pratique pour le reste du monde.

    Le XXe congrès du PCUS

    Tout cela était rendu possible par la modification de la base du Parti. Il avait déjà été remarqué qu’au XIXe congrès, le nombre de membres du Parti avait largement grossi par rapport au congrès précédent de 1938. Une nouvelle génération avait émergé, coupée de beaucoup des expériences faites.

    C’est encore plus vrai pour le XXe congrès. Le PCUS a désormais 6 795 896 membres et 419 609 candidats. C’est 330 000 membres de plus qu’au congrès précédent. Le nombre de membres du Parti a doublé depuis 1940.

    À cela s’ajoute un autre aspect, fondamental. Entre le 1951 et 1956, l’enseignement supérieur soviétique a formé autour de 1 120 000 personnes, soit 72 % de plus que les cinq années précédentes. Ces chiffres donnés par Nikita Khrouchtchev correspondent certainement à la vérité, puisque l’après-guerre avait été caractérisé par une difficulté extrême de par les dégâts causés par les nazis.

    Cela signifie qu’apparaît ici une nouvelle intelligentsia, issue de l’élan précédent mais coupée de celui-ci idéologiquement. Des jeunes intègrent les strates supérieures de l’URSS en étant simplement intégrés dans le discours instauré en 1952 selon laquelle les forces productives sont l’essentiel.

    C’est d’autant plus vrai que l’enseignement supérieur est centralisé dans quelques villes : Moscou, Leningrad, Kiev, Tbilissi, Kharkov, Bakou, Tachkent, Minsk.

    Le XXe congrès du PCUS

    Le paradoxe est que du côté des délégués, il y a une baisse du niveau d’études. 758 délégués ont un niveau universitaire (contre 793 en 1952), 276 celui du bac (223 en 1952), 292 un niveau inférieur au bac (176 en 1952). Il y aurait également une prolétarisation, avec deux fois plus de délégués étant travailleurs industriels et deux fois plus de kolkhoziens, pour autant qu’il soit possible de faire confiance à ces chiffres.

    Il y a ici un phénomène difficile à appréhender, mais témoignant dans tous les cas d’une modification des délégués par rapport au congrès précédent. C’est encore plus vrai sur le long terme : 30 % des délégués ont rejoint le Parti à partir de 1946. Cela souligne également la rapidité avec laquelle ils sont arrivés jusqu’au statut de délégués.

    Il y a également un vieillissement. Comme au congrès précédent, les quarantenaires représentent la majorité des présents, mais les plus de cinquante ans, auparavant 15,3 % des présents, en forment désormais 24 %.

    Le XXe congrès du PCUS

    Cette ambition démesurée et cette nouvelle « génération » s’associent avec un phénomène frappant : la stabilité de la direction. L’ensemble du Présidium et du secrétariat du Comité Central a été réélu au XXe congrès du PCUS, sans aucune modification.

    Le Présidium est composé de Nikita Khrouchtchev, Nicolas Boulganine, Lazare Kaganovitch, Kliment Vorochilov, Anastas Mikoyan, Maksim Sabourov, Pierre Pervoukhine, Georges Malenkov, Viatcheslav Molotov, Michel Souslov et Alexeï Kirichenko.

    Le Secrétariat est composé de Nikita Khrouchtchev (comme premier secrétaire), Nicolas Belaev, Pierre Pospelov, Michel Souslov, Dimitri Chepilov, Leonid Brejnev et Ekaterina Fourtseva. Les trois derniers nommés sont également suppléants du Présidium. Leonid Brejnev succédera par la suite à Nikita Khrouchtchev à la tête du pays.

    Cette situation était là un triomphe pour la direction, qui s’était néanmoins débarrassé de nombreux éléments.

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  • Le contexte du XXe congrès du PCUS

    On a comme aspects essentiels du contexte du XXe congrès :

    – la sécurité d’État a été décapitée ;

    – le gouvernement a été mis au pas ;

    – le PCUS est centralisé autour du Présidium ;

    – une nouvelle génération arrive sur la scène des postes à responsabilité ;

    – le XIXe congrès a ouvert un immense espace à la thèse des forces productives ;

    – le PCUS a été contaminé par les thèses d’Eugen Varga lancées après 1945 et visant à une gestion bourgeoise – « neutre » de la réalité soviétique.

    La liquidation de Lavrenti Beria et la décapitation de l’appareil de sécurité d’État ont permis à la clique ayant pris le contrôle du Parti et du gouvernement d’avoir les coudées franches.

    La mise de côté de Georgi Malenkov marqua le triomphe de la clique contrôlant le Parti. De ce fait, le thème de la « direction collective » devint le grand mot d’ordre servant à structurer une nouvelle bourgeoisie.

    Une publication tirée à 160 000 exemplaires – Les statuts du Parti Communiste d’Union Soviétique – la loi fondamentale de la vie du Parti – fut diffusée par la Société pansoviétique de diffusion de la connaissance politique et scientifique. Elle saluait les décisions prises par la direction à la suite de « l’affaire Beria », affirmant que :

    « Les décrets de la session de juillet [1953] du Comité Central du Parti ont une grande signification pour le développement de la démocratie interne du Parti, la critique et l’auto-critique, et dans l’élévation du niveau de collectivité à la direction du Parti.

    La session a résolument condamné la « théorie » idéaliste du culte de la personnalité qui est étranger au marxisme-léninisme et qui a connu une certaine dissémination dans notre presse et notre propagande orale.

    Au moyen de cette « théorie » anti-marxiste, certains travailleurs du Parti ont cherché à justifier une pratique vicieuse dans leur activité, faisant que les principes léninistes de démocratie interne ont été remplacés par le commandement bureaucratique d’une seule personne. »

    Il s’agit d’une critique très nette de l’appareil de sécurité d’État et de Staline, c’est-à-dire du fait de prendre des décisions en raison de l’idéologie – ce qui apparaît comme « unilatéral » pour la nouvelle bourgeoisie dont la clique de Nikita Khrouchtchev est à ce moment-là le seul représentant, celle représentée par Georgi Malenkov, la bureaucratie incrustée dans le gouvernement, ayant perdu la bataille factionnelle.

    Il n’y eut d’ailleurs aucune réunion du Comité Central entre juillet 1955 et le XXe congrès : c’est le Présidium qui avait les clefs du Parti.

    La seule tâche à l’horizon fut la parution par la Pravda, le 13 février 1956, la veille du congrès, d’un article de Bolesław Bierut, le dirigeant communiste polonais, expliquant qu’était appliqué en Pologne le principe de Lénine et de Staline de priorité à l’industrie lourde. Bolesław Bierut décédera peu après la tenue du XXe congrès, encore à Moscou ; il est à peu près clair qu’il a été empoisonné.

    Les organes des Comités Centraux des partis des différentes républiques se positionnèrent également de manière très différente pour l’ouverture du XXe congrès. Staline fut mentionné positivement avec également une image dans les publications d’Ukraine, de Biélorussie, d’Ouzbékistan, de Lettonie et de Géorgie, mais il n’y eut rien sur lui dans celles d’Arménie, de Moldavie, ni de la république karélo-finlandaise. Celles du Kazakhstan, du Turkménistan, d’Estonie et de Kirghizie mentionnèrent son nom, celle du Tadjikistan publia une photographie.

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  • Le rapport du PCUS à Staline entre 1953 et 1956

    Il n’était évidemment pas possible pour les révisionnistes de rejeter Staline d’un coup. Les masses avaient compris la valeur de Staline. Il n’était plus possible de renverser la tendance en ce sens. Il fallait donc l’étouffer.

    Cet aspect est très important. Vu de l’extérieur de l’URSS, le PCUS a procédé à une « déstalinisation », à un rejet massif. Mais vu de l’intérieur, cela était présenté comme une « rectification », les points fondamentaux étant résolument masqués aux masses.

    Cela a amené d’ailleurs certains à sous-estimer le rejet de Staline par la clique dirigeante de l’URSS, alors qu’il a été total. Seulement, il n’a pas été public, l’URSS devenant un pays social-impérialiste où la bourgeoisie était littéralement une caste à part.

    On peut ainsi voir qu’entre le XIXe et le XXe congrès, soit entre 1952 et 1956, il n’y a pas de modification franchement apparente quant à la référence à Staline par le Parti dirigeant l’URSS.

    L’immense Staline

    Il y avait quelques gommages déjà fait, cependant. Les slogans du premier mai mis en avant à partir du 21 avril 1953 appelaient eux-mêmes à la « coexistence pacifique » internationale, à la légalité socialiste, le nom de Staline étant pratiquement omis.

    La constitution fut désormais qualifiée de « soviétique » et non plus de relevant de Staline, la jeunesse communiste, auparavant Komsomol de Lénine et Staline, devint l’Union Communiste pansoviétique de la jeunesse.

    En fait, dans les quinze jours suivant la mort de Staline, il y eut un processus d’abandon de la référence à Staline, de manière insidieuse : ses citations ne lui furent plus attribuées, il ne fut plus fait référence à ses œuvres majeures lorsqu’on parlait de lui. Les mesures suivant sa mort, telles que les vastes amnisties et la réduction de prix, furent annoncées sans faire référence à lui.

    On a un bon exemple de l’approche générale avec l’article d’avril 1953 dans la Pravda, écrit par le rédacteur Slepov au sujet de la vie du Parti, qui souligne la supériorité de la direction collective sur la « domination des mesures administratives », tout en se revendiquant de Staline.

    L’éditorial du 27 mai 1953 de la revue Kommunist dénonce également le culte de la personnalité, mais en s’appuyant sur des affirmations en ce sens de Lénine et de Staline. On lit à ce sujet :

    « Notre parti lutte résolument contre le culte de la personnalité, contre l’attribution à l’individu de traits surnaturels, contre l’adoration du chef, contre l’ignorance du rôle des masses, des classes et du parti. Loin de stimuler l’initiative et l’activité des masses, de tels cultes les incitent à la passivité.

    Les fondateurs du communisme, Marx, Engels, Lénine, Staline, étaient hostiles au culte de la personnalité. »

    Le Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique publia également un document le mois suivant sa mort, le 27 juillet 1953, avec comme prétexte le 50e anniversaire du second congrès du Parti. Ce document traitait de l’histoire du Parti, sous la forme de thèses, et plaçait tout sous l’égide de Lénine, Staline ne devenant plus qu’une simple référence en rapport avec le Parti.

    C’était une réécriture de l’histoire en faveur de la thèse selon laquelle depuis la mort de Lénine, il y aurait eu une direction collective à l’œuvre, dont Staline n’aurait été qu’un rouage – la grande thèse du XXe congrès est d’affirmer qu’il avait finir par mal agir à ce niveau.

    Le XXe congrès n’est pas une remise en cause de Staline – il est une dénonciation de Staline comme prétendu élément de la direction collective.

    La période entre les XIXe et XXe congrès est celle de la mise en place de la direction collective, conformément aux exigences du XIXe congrès, mais avec en pratique la liquidation assumée de la forme précédente d’organisation du Parti et de son contenu.

    Malenkov avait mis l’accent, en mai 1953, sur les biens courants ; c’est indirectement au nom de Staline que cela fut réfuté par Nikita Khrouchtchev qui rappela le juste combat contre la « déviation droitière » de la fin des années 1920, qu’avait justement combattu Staline.

    Nikita Khrouchtchev nomma Boulganine premier ministre à la place de Georgi Malenkov et le présenta comme :

    « l’un des frères d’arme les plus proches du continuateur de la cause de Lénine, Joseph Vissarianovitch Staline »

    Dans son discours d’intronisation, Boulganine expliqua que son gouvernement

    « suivrait les instruction du grand Lénine et du continuateur de sa cause, J. V. Staline »

    Tant lors des mois de décembre 1954 que 1955, l’anniversaire de la naissance de Staline fut largement célébrée.

    Le 7 janvier 1955, lors d’un meeting du Komsomol, Nikita Khrouchtchev expliqua qu’il avait influencé Staline au sujet d’une importante question politique, celle sur la mise en place d’un impôt sur les gens non mariés et sans enfants. Georgi Malenkov, qui allait être démis un mois après et était le seul autre membre du Présidium présent alors, monta à la tribune pour confirmer ces propos.

    Et à la fin de l’année 1955, le dictionnaire encyclopédique présente Nikita Khrouchtchev comme :

    « l’un des plus proches compagnons d’arme de J.V. Staline »

    Un article pour le 76e anniversaire de la naissance de Staline, paru dans Kommunist, ne mentionne également que trois noms : Lénine, Staline, Nikita Khrouchtchev.

    L’agence TASS annonça le 12 janvier 1956 la parution prochaine du 14e volume des œuvres de Staline, couvrant la période 1934-1941. Les treize premiers avaient été publiés de 1946 à 1951 et même s’il y a l’annonce, on voit que la période d’après 1934 a posé un réel problème après 1953. Il ne fut d’ailleurs jamais publié.

    Le premier numéro de 1956 de Kommunist, en janvier, contient également un article de l’idéologue Mikhail Kammari, rédacteur en chef depuis 1954 (et jusque 1959) de la revue Questions de philosophie. Dans son article sur Le rôle des masses populaires dans le développement de la vie spirituelle de la société, il fait référence de manière positive à Staline.

    L’arrivée du XXe congrès bouleversa la donne, comme le reflètent les prises de positions.

    Ainsi, à partir du 23 janvier 1956, la Pravda ne mentionne plus Staline.

    L’immense Staline

    La biographie de Lénine publiée par l’Institut Marx – Engels – Lénine – Staline mentionne de manière moins importante Staline comme successeur de Lénine et ce dernier est pris comme argument pour justifier la « direction collective », avec une critique sous-jacente de Staline. Nikita Khrouchtchev apparaît à la fin comme le représentant du PCUS, avec un extrait de lui soulignant l’importance de l’industrie lourde et rejetant la ligne de Georgi Malenkov comme « anti-léniniste ».

    Au meeting du Komsomol, le 21 janvier 1955, Nikita Khrouchtchev ne mentionna pas Staline, contrairement à l’année d’avant où il racontait en être proche.

    Avant la conférence du Parti du 4 février 1956, le Comité Central du Parti et le Conseil des ministres salua le 75e anniversaire de Vorochilov, mais sans référence à Staline, seulement à Lénine.

    Le numéro de Kommunist, l’organe théorique, publié le 9 février, ne contient pas une seule fois le nom de Staline. Une réunion des lecteurs de Problèmes d’histoire se réunit les 25, 27 et 28 janvier 1956, traitant notamment de la question de l’histoire du Parti et remettant en cause le Précis d’histoire du PCUS(b), sans toutfois oser s’en prendre encore à Staline qui est pourtant le maître d’oeuvre de cet ouvrage.

    Pour l’ouverture du XXe congrès, la Pravda ne salua que Lénine.

    Ce n’est que dans les bas échelons du Parti que Staline était encore une référence, ainsi qu’en Géorgie, et pour les formes dans les grandes réunions à la veille du XXe congrès : Ekaterina Fourtseva, lors de la préparation de celui-ci par le Présidium le 17 janvier, parle encore des grands enseignements de Marx, Engels, Lénine, Staline. Elle modifia par la suite radicalement son point de vue.

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  • L’affrontement entre Georgi Malenkov et Nikita Khrouchtchev

    À la mort de Staline, il y a deux principales figures : Georgi Malenkov, président du conseil des ministres de l’URSS et Nikita Khrouchtchev, secrétaire du Comité Central du PCUS. La liquidation de Lavrenti Beria et la décapitation de l’appareil de sécurité d’État de l’URSS se fondent sur leur alliance, comme la résolution du Comité Central du PCUS l’expose parfaitement.

    Leurs lignes différaient cependant de manière assez prononcée.

    Nikita Khrouchtchev et Georgi Malenkov

    Nikita Khrouchtchev fit ainsi la promotion de l’agriculture dans les « terres vierges », se situant en Asie centrale dans la région de la Volga. Le projet fut un échec, mais lui accorda du prestige, de par son accentuation sur la question de l’agriculture, un vrai problème en URSS.

    Nikita Khrouchtchev fit ici office de stabilisateur, de celui qui veut continuer l’élan de la grande industrie tout en corrigeant le tir pour l’agriculture.

    Georgi Malenkov, quant à lui, mit l’accent sur la consommation de biens courants. Il apparaissait ici comme un modificateur, cherchant à changer d’axe l’économie et à l’accentuer sur une perspective non pas de construction, mais de consommation élargie.

    Ici, Georgi Malenkov agissait en fait conformément au XIXe congrès, qui affirmait qu’on était passé à l’étape de l’édification du communisme et qu’il fallait élever le niveau des biens de consommation.

    La base idéologique du XIXe congrès était cependant erronée. Cela fait qu’il se situait en décalage historique avec l’émergence d’une vaste bureaucratie incrustée dans le Parti et œuvrant à déformer, non pas à transformer la situation. Naturellement cette transformation impliquait un saut qualitatif (en le social-impérialisme soviétique), toutefois la nouvelle bourgeoisie n’en avait pas conscience ; elle émergeait comme tendance historique accompagnée d’une considération subjective conforme à la lecture de ses propres exigences, à travers le révisionnisme.

    Cela est d’autant plus vrai que Georgi Malenkov était porté par la bureaucratie incrustée dans le gouvernement, pas dans le PCUS.

    Timbre vietnamien de 1954 avec Georgi Malenkov, Ho Chi Minh, Mao Zedong

    Lorsqu’il annonce les mesures gouvernementales au Soviet suprême, le 8 août 1953, il les présente même comme relevant « du gouvernement et du Comité Central », ce qui était une entorse fondamentale au protocole soviétique dans l’ordre des termes employés, puisque le Parti a la primauté sur le gouvernement. L’usage voulait donc qu’on dise : « du Comité Central et du gouvernement ».

    Georgi Malenkov répéta la formule même cinq fois dans son discours. En voici un extrait :

    « À présent, nous disposons de toutes les données nécessaires pour accroître la production de biens de consommation. Le volume atteint jusqu’ici ne saurait nous satisfaire.

    Pour assurer le relèvement constant du niveau de vie de la population, il nous faut développer davantage notre industrie légère. Le gouvernement et le parti estiment qu’il est indispensable d’augmenter également les investissements dans les industries alimentaires et dans l’agriculture afin que la production d’articles de consommation courante soit substantiellement accrue (…).

    Nous devons amener l’industrie de construction de machines et autres entreprises de l’industrie lourde à produire des articles de consommation courante.

    Notre tâche urgente est maintenant à augmenter considérablement, au cours des deux ou trois années à venir, l’approvisionnement de la population en produits des industries légère et alimentaire. »

    Ainsi, comme la ligne de Georgi Malenkov impliquait une restructuration partielle de l’économie sous la supervision de la clique bureaucratique gouvernementale qui elle-seule allait être préservée, au profit d’une modification en profondeur de l’appareil aux dépens du Parti, il fut mis de côté par la clique dirigeante du PCUS.

    Il démissionna en février 1955 à la suite d’une violente attaque de Dimitri Shepilov. Celui-ci écrit dans la Pravda (dont il était rédacteur en chef) du 24 janvier 1955 :

    « Si la théorie de ceux qui préconisent un développement de l’industrie légère au détriment de celui de l’industrie lourde était appliquée, elle aboutirait à désarmer le peuple soviétique (…).

    Ce n’est pas parce que l’U.R.S.S. atteint les sommets de l’industrialisation, ni sous prétexte qu’en U.R.S.S. la production a pour seul but de satisfaire aux besoins de la consommation, que l’économie soviétique doit se séparer du communisme en en déplaçant le centre de gravité sur l’industrie légère. »

    Georgi Malenkov fut remplacé par un proche de Nikita Khrouchtchev, Nicolaï Boulganine.

    Ce succès de Nikita Khrouchtchev poussa Vyatislav Molotov à rentrer dans la bataille : il tint alors au Soviet Suprême un discours particulièrement critique sur la politique étrangère menée. Le conflit fut inévitable, surtout alors que Nikita Khrouchtchev et Nicolaï Boulganine partirent à Belgrad en mai et en juin 1955, afin de rétablir les relations avec la Yougoslavie titiste.

    Vyatislav Molotov resta sur ce point fidèle à la ligne de l’époque de Staline, suivant lequel la Yougoslavie était un État fasciste : cela lui valut un blâme de la part du Comité Central lors de sa session de juillet 1955.

    Vyatislav Molotov avait également affirmé dans un discours, le 8 février 1955, que :

    « À côté de l’Union Soviétique, où les fondations d’une société socialiste ont déjà été construites, il y a également les démocraties populaires, qui n’ont fait que le premier pas, même si hautement important, en direction du socialisme. »

    Cela impliquait que le socialisme n’avait pas été construit en URSS, seulement ses fondations. Il dut se résoudre à écrire une lettre d’autocritique à ce sujet dans la revue Kommunist, à la fin de l’été 1955, ce qui montre l’approfondissement de sa mise à l’écart entre les deux dates.

    Sa position était alors carbonisée et en juin 1956, alors que Tito allait en visite à Moscou, il fut au préalable remplacé par Dimitri Shepilov à la tête du ministère des affaires étrangères, afin de bien souligner le nouveau rapport à la Yougoslavie.

    Parallèlement, Lazare Kaganovitch était également rentré dans la bataille. Il fut nommé président d’un nouveau Comité d’État sur le travail et les salaires en mai 1955, mais les discours qu’il tint, notamment celui du 7 novembre 1955, soulignaient l’importance de la théorie marxiste-léniniste.

    Cela lui valut d’être éjecté de son poste en juin 1956 et nommé en septembre ministre de l’industrie des matériaux de construction. Entre-temps avait eu lieu le XXe congrès.

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