Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Les Brigades Rouges et la politique

    L’Italie des années 1970 et du début des années 1980 est une très grande référence pour les communistes, en raison du très haut niveau de « conflictualité » qui s’est développé, pour reprendre justement un concept italien.

    Les luttes de classes ont été particulièrement fortes, et une multitude de groupes armés est apparue ; l’organisation la plus connue consistait naturellement en les Brigades Rouges.

    La question du pouvoir était ouvertement posée, à la différence d’avec les extrêmes-gauches légalistes, syndicalistes, associatives, populistes, etc. existant alors dans toute l’Europe de l’Ouest, et particulièrement en France.

    Initialement, le processus ayant donné naissance aux Brigades Rouges ressemble fortement à celui ayant amené en France l’existence de l’UJCML puis de la Gauche Prolétarienne.

    On a une même démarche « thorézienne » de gauche, un refus de l’abandon de la ligne « dure ».

    Seulement, en Italie la ligne du Parti Communiste devenu révisionniste suivait celle de Palmiro Togliatti et était ouvertement droitière. Il y avait donc un espace formidable pour qu’une ligne thorézienne de gauche puisse s’imposer au sein même de la classe ouvrière.

    Les Brigades Rouges apparaissent donc comme une organisation réformiste armée, prolongeant la Résistance et dépassant la « trahison » du Parti Communiste en Italie, mais s’imaginant découvrir un terrain totalement nouveau (la lutte armée) et former une « rupture » avec les erreurs du passé.

    Aux luttes revendicatives succédèrent une montée en puissance face à qui s’oppose à ces luttes : l’État, l’OTAN, le tout étant considéré comme formant un « système » s’opposant aux luttes pour le communisme.

    Les Brigades Rouges étaient ainsi à la fois une organisation se revendiquant de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong, et de l’autre une structure totalement nouvelle, par l’union immédiate et systématique du politique et du militaire.

    Le point culminant fut bien sûr en 1978 l’enlèvement et l’exécution d’Aldo Moro, chef de file de la démocratie chrétienne devant réaliser un « compromis historique » avec le Parti Communiste italien.

    Les Brigades Rouges auraient pourtant dû profiter du fait que le Parti Communiste italien se démasque, pour se poser comme véritable ligne rouge.

    Au lieu de cela, les Brigades Rouges ont voulu l’empêcher d’aller jusqu’au bout de sa démarche d’ouverture et de liquidation.

    Cela rappelle bien sûr l’UJCML et sa position en mai 1968, avec la peur de son dirigeant que le PCF soit pris au piège d’une répression étatique par l’intermédiaire de la social-démocratie organisant une fausse révolte.

    En France, comme en Italie, , les « thoréziens » de gauche voulaient « sauver » le Parti, en posant la question du pouvoir. Ni l’UJCML ni les Brigades Rouge n’ont refondé le Parti, justement, à la différence d’en Inde, d’au Bangladesh, d’au Chili, d’au Pérou, d’en Turquie, etc.

    Ainsi, malgré les analyses de la situation dans leur propre pays, les Brigades Rouges ont contourné la question du dépassement du révisionnisme du Parti Communiste italien en plaçant la bataille sur le plan européen, sur le plan mondial, en raisonnant en termes d’affrontement, etc. ; il était ainsi parlé de « l’État impérialiste des multinationales ».

    Cela a amené un subjectivisme en mode guérilla, provoquant l’apparition de courants ouvertement réformistes armés (comme la colonne Walter Alasia), ouvertement subjectiviste (la tendance fondant le Parti Guérilla du Prolétariat Métropolitain), ou encore liquidateur en mode « marxiste-léniniste » (la tendance fondant l’Union des Communistes Combattants).

    A cela s’ajoute une vague très importante de liquidation, de dissociation et de repentir, démolissant rapidement et pratiquement intégralement l’organisation, dans un processus allant de 1977 au tout début des années 1980.

    Pour cette raison, et paradoxalement, la plus haute avancée idéologique et pratique consiste en les Brigades Rouges au lendemain de la défaite de 1978 avec l’enlèvement d’Aldo Moro, lorsqu’elles se sont libérées de tous les courants réformistes d’un côté, subjectivistes de l’autre.

    Le problème est que ces restes des Brigades Rouges, se définissant comme étant « pour la construction du Parti Communiste Combattant », ne l’ont pas compris ; elles n’ont pas saisi qu’elles portaient directement le « politique », s’imaginant avoir trouvé le « politico-militaire ».

    Les « Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant » ont en fait redécouvert la politique révolutionnaire – ce qui n’est guère étonnant puisque c’est en Italie qu’est née la science politique moderne, avec Machiavel comme expression de l’averroïsme politique, comme analyse matérialiste de la réalité, même si soumis aux princes afin de contrer l’Église.

    La politique révolutionnaire, ce n’est pas le syndicalisme et le suivisme des luttes économiques, mais le positionnement politique dans la société, la prise d’initiative dans la guerre de positions face à la bourgeoisie.

    C’était la prise de conscience de l’importance des choix politiques, reposant sur l’idéologie.

    Toutefois, les BR-PCC se trouvaient dans une situation où elles devaient synthétiser, en pratique, la pensée-guide, sans avoir les moyens de le faire, de par la désagrégation de l’organisation et de par une compréhension insuffisante du matérialisme dialectique (la dialectique de la nature n’a ainsi jamais été saisie en Italie, pareillement qu’en France donc).

    Aussi, les BR-PCC ont-elles théorisé la « retraite stratégique ».

    Cette « retraite stratégique » signifiait concrètement la construction de la matrice de la révolution, avec toute une série de considérations tactiques et stratégiques, comme on en a un exemple dans la déclaration de 1990 de Simonetta Giorgeri.

    Cependant, le concept de pensée-guide n’a pas été compris et cette matrice n’a pas été constituée de manière suffisante ; les BR-PCC ont alors tenté de combler ce manque en multipliant les attaques au cœur de l’État.

    Le principe était de désarticuler l’État bourgeois dans ses modes d’existence, à des moments précis selon les situations politiques, afin de laisser l’espace libre aux révolutionnaires pour se développer.

    Seulement, en pratique ce qui relevait de la politique révolutionnaire synthétisée s’est transformé en méthode pragmatique-machiavélique portée par une démarche subjectiviste, et les BR-PCC se sont transformées en leur contraire, basculant dans un idéalisme guérillera du même type que celui que cette organisation avait rejeté au début des années 1980.

    Au lieu de situations politiques auxquelles les révolutionnaires répondaient politiquement face à l’État, tout cela a été finalement interprété comme démarche « politico-militaire » sabotant un « plan » de la bourgeoisie.

    Au lieu de la pensée-guide, des initiatives comprises comme étant dans le cadre d’une guerre des positions face à un État réactionnaire et décadent, les BR-PCC se sont transformées en forces guévaristes imaginant que la bourgeoisie « pense », que l’unique aspect est qu’elles sont en affrontement direct avec l’État, dans une sorte de tourbillon politique où la balance peut pencher immédiatement soit d’un côté, soit de l’autre.

    Au lieu d’établir la pensée du côté révolutionnaire, comme compréhension synthétique et reflet de la réalité, les BR-PCC ont, tout comme la Fraction Armée Rouge en Allemagne, inversé la démarche et imaginé que l’ennemi pensait et que saboter ses plans amènerait son effondrement.

    C’était une soumission au subjectivisme, au social-impérialisme soviétique (considéré comme utile de manière passive, à l’opposé de la ligne historique des Brigades Rouges), aux conceptions « anti-impérialistes » stratégiques (le « Front Combattant Anti-impérialiste » comme processus unitaire dans la « zone géopolitique Méditerranée Moyen-Orient »).

    Cela amena la décadence des BR-PCC, puis leur effondrement au fur et à mesure.

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  • Lénine et la notion d’impérialisme : corruption politique et oligarchie

    Il s’agit donc d’être absolument clair : pour Lénine, on ne peut pas rétrograder et faire cesser l’impérialisme pour en revenir au stade du capitalisme concurrentiel.

    Ce qui se passe pourtant – et c’est dialectiquement relié à cela – est qu’une partie des responsables ouvriers pratiquent le social-impérialisme, prétextant pouvoir « réformer » l’impérialisme, mais en réalité le modernisant, l’aménageant, etc.

    Leur réalité tient à la corruption d’une partie de la classe ouvrière grâce à la puissance de l’impérialisme. Une aristocratie ouvrière se forme, alors que même une large partie de la classe ouvrière elle-même peut être paralysée longtemps, comme ce fut le cas en Angleterre.

    C’est ce qui fera que, par la suite, Mao Zedong parlera de la zone des tempêtes pour caractériser l’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie, zones victimes de l’impérialisme et se révoltant contre lui.

    Lénine nous enseigne que :

    « Ce qui distingue la situation actuelle, c’est l’existence de conditions économiques et politiques qui ne pouvaient manquer de rendre l’opportunisme encore plus incompatible avec les intérêts généraux et vitaux du mouvement ouvrier : d’embryon, l’impérialisme est devenu le système prédominant; les monopoles capitalistes ont pris la première place dans l’économie et la politique; le partage du monde a été mené à son terme; d’autre part, au lieu du monopole sans partage de l’Angleterre, nous assistons maintenant à la lutte d’un petit nombre de puissances impérialistes pour la participation au monopole, lutte qui caractérise tout le début du XXe siècle.

    L’opportunisme ne peut plus triompher aujourd’hui complètement au sein du mouvement ouvrier d’un seul pays pour des dizaines et des dizaines d’années, comme il l’a fait en Angleterre dans la seconde moitié du XIXe siècle.

    Mais, dans toute une série de pays, il a atteint sa pleine maturité, il l’a dépassée et s’est décomposé en fusionnant complètement, sous la forme du social-chauvinisme, avec la politique bourgeoise (…).

    L’idéologie impérialiste pénètre également dans la classe ouvrière, qui n’est pas séparée des autres classes par une muraille de Chine.

    Si les chefs de l’actuel parti dit « social-démocrate » d’Allemagne sont traités à juste titre de « social-impérialistes », c’est-à-dire de socialistes en paroles et d’impérialistes en fait, il convient de dire que, déjà en 1902, Hobson signalait l’existence en Angleterre des « impérialistes fabiens », appartenant à l’opportuniste « Société des fabiens ».

    Les savants et les publicistes bourgeois défendent généralement l’impérialisme sous une forme quelque peu voilée; ils en dissimulent l’entière domination et les racines profondes; ils s’efforcent de faire passer au premier plan des particularités, des détails secondaires, s’attachant à détourner l’attention de l’essentiel par de futiles projets de « réformes » tels que la surveillance policière des trusts et des banques, etc.

    Plus rares sont les impérialistes avérés, cyniques, qui ont le courage d’avouer combien il est absurde de vouloir réformer les traits essentiels de l’impérialisme. »

    Naturellement, avec le pourrissement de l’impérialisme, pourrissement totalement inévitable, la corruption s’effondre elle-même, faisant réémerger au premier plan les contradictions profondes du mode de production capitaliste lui-même.

    L’apparition du stade impérialiste du capitalisme est marquée par la domination des monopoles, la génération d’une oligarchie tendant à ressortir au sein de la bourgeoisie elle-même, avec les libertés s’effaçant au profit d’un autoritarisme reflétant les rapports de force au sein du mode de production capitaliste, et bien sûr une tendance militarisée à l’expansion.

    Le fascisme, en tant que système politique, est le fruit direct, l’accompagnateur de l’avènement complet du stade impérialiste et du succès politique de la nouvelle oligarchie, issue d’une partie de la bourgeoisie, au sein de l’État lui-même.

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  • Lénine, l’impérialisme et le parasitisme

    Ce qui est à la base de la compréhension léniniste de l’impérialisme, c’est que celui-ci a deux aspects. Le monopole est un progrès par rapport au capitalisme libéral concurrentiel ; en même temps, il porte en lui son propre dépassement.

    Une fois qu’il a, en effet, atteint son développement, le monopole issu du capitalisme devient simplement parasitaire. Il a été l’expression de l’accroissement des forces productives ; il en devient un frein, un obstacle, une frontière.

    Étant en effet en position de force, le monopole empêche tout ce qui risque de nuire au statu quo, à son existence. Vu depuis le début du XXIe siècle, c’est l’opposition entre les start-ups et les monopoles, où par ailleurs les premières se font toujours phagocyter par les seconds.

    Lénine explique en ce qui concerne cette question :

    « Nous l’avons vu, la principale base économique de l’impérialisme est le monopole. Ce monopole est capitaliste, c’est-à-dire né du capitalisme; et, dans les conditions générales du capitalisme, de la production marchande, de la concurrence, il est en contradiction permanente et sans issue avec ces conditions générales.

    Néanmoins, comme tout monopole, il engendre inéluctablement une tendance à la stagnation et à la putréfaction.

    Dans la mesure où l’on établit, fût-ce momentanément, des prix de monopole, cela fait disparaître jusqu’à un certain point les stimulants du progrès technique et, par suite, de tout autre progrès; et il devient alors possible, sur le plan économique, de freiner artificiellement le progrès technique.

    Un exemple : en Amérique, un certain Owens invente une machine qui doit révolutionner la fabrication des bouteilles. Le cartel allemand des fabricants de bouteilles rafle les brevets d’Owens et les garde dans ses tiroirs, retardant leur utilisation.

    Certes, un monopole, en régime capitaliste, ne peut jamais supprimer complètement et pour très longtemps la concurrence sur le marché mondial (c’est là, entre autres choses, une des raisons qui fait apparaître l’absurdité de la théorie de l’ultra-impérialisme).

    Il est évident que la possibilité de réduire les frais de production et d’augmenter les bénéfices en introduisant des améliorations techniques pousse aux transformations. Mais la tendance à la stagnation et à la putréfaction, propre au monopole, continue à agir de son côté et, dans certaines branches d’industrie, dans certains pays, il lui arrive de prendre pour un temps le dessus.

    Le monopole de la possession de colonies particulièrement vastes, riches ou avantageusement situées, agit dans le même sens. »

    Lénine et Staline

    Un autre aspect du parasitisme est la naissance d’une couche sociale vivant uniquement des exportations de capitaux. On a alors tendanciellement la formation de sortes d’États-rentiers, d’États-usuriers.

    Ce n’est, toutefois qu’une tendance. Lénine fait ici une précision d’une très grande importance à propos de cette question qu’il s’agit de comprendre de manière dialectique.

    Voici ce que dit Lénine en étudiant la position de l’anglais John Atkinson Hobson quant à l’impérialisme, lui-même ayant publié en 1903 L’impérialisme. Une étude :

    « La perspective du partage de la Chine provoque chez Hobson l’appréciation économique que voici : « Une grande partie de l’Europe occidentale pourrait alors prendre l’apparence et le caractère qu’ont maintenant certaines parties des pays qui la composent : le Sud de l’Angleterre, la Riviera, les régions d’Italie et de Suisse les plus fréquentées des touristes et peuplées de gens riches – à savoir : de petits groupes de riches aristocrates recevant des dividendes et des pensions du lointain Orient, avec un groupe un peu plus nombreux d’employés professionnels et de commerçants et un nombre plus important de domestiques et d’ouvriers occupés dans les transports et dans l’industrie travaillant à la finition des produits manufacturés.

    Quant aux principales branches d’industrie, elles disparaîtraient, et la grande masse des produits alimentaires et semi-ouvrés affluerait d’Asie et d’Afrique comme un tribut. »

    « Telles sont les possibilités que nous offre une plus large alliance des États d’Occident, une fédération européenne des grandes puissances : loin de faire avancer la civilisation universelle, elle pourrait signifier un immense danger de parasitisme occidental aboutissant à constituer un groupe à part de nations industrielles avancées, dont les classes supérieures recevraient un énorme tribut de l’Asie et de l’Afrique et entretiendraient, à l’aide de ce tribut, de grandes masses domestiquées d’employés et de serviteurs, non plus occupées à produire en grandes quantités des produits agricoles et industriels, mais rendant des services privés ou accomplissant, sous le contrôle de la nouvelle aristocratie financière, des travaux industriels de second ordre.

    Que ceux qui sont prêts à tourner le dos à cette théorie » (il aurait fallu dire : à cette perspective)« comme ne méritant pas d’être examinée, méditent sur les conditions économiques et sociales des régions de l’Angleterre méridionale actuelle, qui en sont déjà arrivées à cette situation.

    Qu’ils réfléchissent à l’extension considérable que pourrait prendre ce système si la Chine était soumise au contrôle économique de semblables groupes de financiers, de « placeurs de capitaux » (les rentiers), de leurs fonctionnaires politiques et de leurs employés de commerce et d’industrie, qui drainent les profits du plus grand réservoir potentiel que le monde ait jamais connu, afin de les consommer en Europe.

    Certes, la situation est trop complexe et le jeu des forces mondiales trop difficile à escompter pour que ladite ou quelque autre prévision de l’avenir dans une seule direction puisse être considérée comme la plus probable.

    Mais les influences qui régissent à l’heure actuelle l’impérialisme de l’Europe occidentale s’orientent dans cette direction, et si elles ne rencontrent pas de résistance, si elles ne sont pas détournées d’un autre côté, c’est dans ce sens qu’elles joueront. »

    L’auteur a parfaitement raison : si les forces de l’impérialisme ne rencontraient pas de résistance, elles aboutiraient précisément à ce résultat.

    La signification des « États-Unis d’Europe » dans la situation actuelle, impérialiste, a été ici très justement caractérisée. Il eût fallu seulement ajouter que, à l’intérieur du mouvement ouvrier également, les opportunistes momentanément vainqueurs dans la plupart des pays, « jouent » avec système et continuité, précisément dans ce sens.

    L’impérialisme, qui signifie le partage du monde et une exploitation ne s’étendant pas uniquement à la Chine, et qui procure des profits de monopole élevés à une poignée de pays très riches, crée la possibilité économique de corrompre les couches supérieures du prolétariat; par là même il alimente l’opportunisme, lui donne corps et le consolide.

    Mais ce qu’il ne faut pas oublier, ce sont les forces dressées contre l’impérialisme en général et l’opportunisme en particulier, forces que le social-libéral Hobson n’est évidemment pas en mesure de discerner. »

    L’impérialisme a une tendance à l’universel mais celle-ci ne saurait triompher de par les contradictions internes qui existent et qui sont propres au mode de production capitaliste que l’impérialisme ne fait que prolonger.

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  • Lénine et la notion d’impérialisme : une question de définition

    Le matérialisme dialectique étant la science du réel, Lénine a tenté de donner la définition la plus précise du phénomène impérialiste. Naturellement, cette définition constate le développement de ce phénomène par des contradictions.

    Voici ce que dit Lénine :

    « Il nous faut maintenant essayer de dresser un bilan, de faire la synthèse de ce qui a été dit plus haut de l’impérialisme.

    L’impérialisme a surgi comme le développement et la continuation directe des propriétés essentielles du capitalisme en général.

    Mais le capitalisme n’est devenu l’impérialisme capitaliste qu’à un degré défini, très élevé, de son développement, quand certaines des caractéristiques fondamentales du capitalisme ont commencé à se transformer en leurs contraires, quand se sont formés et pleinement révélés les traits d’une époque de transition du capitalisme à un régime économique et social supérieur.

    Ce qu’il y a d’essentiel au point de vue économique dans ce processus, c’est la substitution des monopoles capitalistes à la libre concurrence capitaliste.

    La libre concurrence est le trait essentiel du capitalisme et de la production marchande en général; le monopole est exactement le contraire de la libre concurrence; mais nous avons vu cette dernière se convertir sous nos yeux en monopole, en créant la grande production, en éliminant la petite, en remplaçant la grande par une plus grande encore, en poussant la concentration de la production et du capital à un point tel qu’elle a fait et qu’elle fait surgir le monopole : les cartels, les syndicats patronaux, les trusts et, fusionnant avec eux, les capitaux d’une dizaine de banques brassant des milliards.

    En même temps, les monopoles n’éliminent pas la libre concurrence dont ils sont issus; ils existent au-dessus et à côté d’elle, engendrant ainsi des contradictions, des frictions, des conflits particulièrement aigus et violents.

    Le monopole est le passage du capitalisme à un régime supérieur.

    Si l’on devait définir l’impérialisme aussi brièvement que possible, il faudrait dire qu’il est le stade monopoliste du capitalisme.

    Cette définition embrasserait l’essentiel, car, d’une part, le capital financier est le résultat de la fusion du capital de quelques grandes banques monopolistes avec le capital de groupements monopolistes d’industriels; et, d’autre part, le partage du monde est la transition de la politique coloniale, s’étendant sans obstacle aux régions que ne s’est encore appropriée aucune puissance capitaliste, à la politique coloniale de la possession monopolisée de territoires d’un globe entièrement partagé. »

    Lénine s’empresse d’ajouter, immédiatement après :

    « Mais les définitions trop courtes, bien que commodes parce que résumant l’essentiel, sont cependant insuffisantes, si l’on veut en dégager des traits fort importants de ce phénomène que nous voulons définir.

    Aussi, sans oublier ce qu’il y a de conventionnel et de relatif dans toutes les définitions en général, qui ne peuvent jamais embrasser les liens multiples d’un phénomène dans l’intégralité de son développement, devons-nous donner de l’impérialisme une définition englobant les cinq caractères fondamentaux suivants :

    1) concentration de la production et du capital parvenue à un degré de développement si élevé qu’elle a créé les monopoles, dont le rôle est décisif dans la vie économique;

    2) fusion du capital bancaire et du capital industriel, et création, sur la base de ce « capital financier », d’une oligarchie financière;

    3) l’exportation des capitaux, à la différence de l’exportation des marchandises, prend une importance toute particulière;

    4) formation d’unions internationales monopolistes de capitalistes se partageant le monde, et

    5) fin du partage territorial du globe entre les plus grandes puissances capitalistes.

    L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmée la domination des monopoles et du capital financier, où l’exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s’est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes. »

    Voilà la thèse élémentaire de Lénine sur l’impérialisme. Dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, on trouve toutefois encore des analyses présentant certains aspects, dont le parasitisme propre à la nature de l’impérialisme.

    >Sommaire du dossier

  • Lénine, l’impérialisme et la politique coloniale

    Ainsi, il y a d’un côté des regroupements capitalistes de type monopoliste menant une bataille à l’échelle planétaire, de l’autre les États eux-mêmes, en tant qu’outils toujours davantage dans les mains des monopoles, participant à la bataille pour le contrôle de territoires.

    Ce qui détermine notamment la première guerre mondiale impérialiste, c’est que la période la précédant avait été marquée par la fin du partage. L’Afrique et la Polynésie colonisées, il ne restait plus de territoires disponibles. Les contradictions inter-impérialistes ne pouvaient que s’amplifier.

    En fait, le colonialisme lui-même est un phénomène lié à l’impérialisme, au capitalisme monopoliste. Lénine constate cela de la manière suivante :

    « Pour l’Angleterre, la période d’accentuation prodigieuse des conquêtes coloniales se situe entre 1860 et 1890, et elle est très intense encore dans les vingt dernières années du XIXe siècle. Pour la France et l’Allemagne, c’est surtout ces vingt années qui comptent.

    On a vu plus haut que le capitalisme prémonopoliste, le capitalisme où prédomine la libre concurrence, atteint la limite de son développement entre 1860 et 1880; or, l’on voit maintenant que c’est précisément au lendemain de cette période que commence l’ »essor » prodigieux des conquêtes coloniales, que la lutte pour le partage territorial du monde devient infiniment âpre.

    Il est donc hors de doute que le passage du capitalisme à son stade monopoliste, au capital financier, est lié à l’aggravation de la lutte pour le partage du monde. »

    La France, par exemple, disposait en 1876 de colonies sur un territoire de 0,9 millions de kilomètres carrés, avec 6 millions de personnes, contre 10,6 millions de kilomètres carrés et 55,5 millions de personnes en 1914. Il y a toutefois un développement inégal ; les différents impérialismes n’avancent pas aussi vite, ce qui fait dire à Lénine :

    « Trois puissances n’avaient en 1876 aucune colonie, et une quatrième, la France, n’en possédait presque pas. Vers 1914, ces quatre puissances ont acquis 14,1 millions de kilomètres carrés de colonies, soit une superficie près d’une fois et demie plus grande que celle de l’Europe, avec une population d’environ 100 millions d’habitants.

    L’inégalité de l’expansion coloniale est très grande. Si l’on compare, par exemple, la France, l’Allemagne et le Japon, pays dont la superficie et la population ne diffèrent pas très sensiblement, on constate que le premier de ces pays a acquis presque trois fois plus de colonies (quant à la superficie) que les deux autres pris ensemble.

    Mais par son capital financier, la France était peut-être aussi, au début de la période envisagée, plusieurs fois plus riche que l’Allemagne et le Japon réunis. »

    Le léninisme présuppose par conséquent que les pays sont de différentes natures. L’existence de l’impérialisme fait que les indépendances formelles sont fictives : ce qui compte réellement, c’est la base sociale de chaque pays.

    Il y a, de manière dialectique, d’un côté les pays impérialistes, de l’autre les pays dépendants.

    Lénine

    Lénine donne ici une explication très utile :

    « Dès l’instant qu’il est question de politique coloniale à l’époque de l’impérialisme capitaliste, il faut noter que le capital financier et la politique internationale qui lui est conforme, et qui se réduit à la lutte des grandes puissances pour le partage économique et politique du monde, créent pour les Etats diverses formes transitoires de dépendance.

    Cette époque n’est pas seulement caractérisée par les deux groupes principaux de pays : possesseurs de colonies et pays coloniaux, mais encore par des formes variées de pays dépendants qui, nominalement, jouissent de l’indépendance politique, mais qui, en réalité, sont pris dans les filets d’une dépendance financière et diplomatique.

    Nous avons déjà indiqué une de ces formes : les semi-colonies. En voici une autre, dont l’Argentine, par exemple, nous offre le modèle.

    « L’Amérique du Sud et, notamment l’Argentine, écrit Schulze-Gaevernitz dans son ouvrage sur l’impérialisme britannique, est dans une telle dépendance financière vis-à-vis de Londres qu’on pourrait presque l’appeler une colonie commerciale de l’Angleterre. »

    Les capitaux placés par la Grande-Bretagne en Argentine étaient évalués par Schilder, d’après les informations du consul austro-hongrois à Buenos-Aires pour 1909, à 8 milliards 750 millions de francs. Ou se représente sans peine quelles solides relations cela assure au capital financier – et à sa fidèle « amie » la diplomatie – de l’Angleterre avec la bourgeoisie d’Argentine, avec les milieux dirigeants de toute la vie économique et politique de ces pays.

    Le Portugal nous offre l’exemple d’une forme quelque peu différente, associée à l’indépendance politique, de la dépendance financière et diplomatique. Le Portugal est un Etat souverain, indépendant, mais il est en fait, depuis plus de deux cents ans, depuis la guerre de la Succession d’Espagne (1701-1714), sous protectorat britannique.

    L’Angleterre a défendu le Portugal et ses possessions coloniales pour fortifier ses propres positions dans la lutte contre ses adversaires, l’Espagne et la France. Elle a reçu, en échange, des avantages commerciaux, des privilèges pour ses exportations de marchandises et surtout de capitaux vers le Portugal et ses colonies, le droit d’user des ports et des îles du Portugal, de ses câbles télégraphiques, etc., etc.

    De tels rapports ont toujours existé entre petits et grands États, mais à l’époque de l’impérialisme capitaliste, ils deviennent un système général, ils font partie intégrante de l’ensemble des rapports régissant le « partage du monde », ils forment les maillons de la chaîne des opérations du capital financier mondial. »

    Contradictions inter-impérialistes, développement inégal, différenciation dialectique des pays dépendants eux-mêmes en pays semi-colonisés et pays formellement indépendants… Lénine fournit le panorama complet de la situation amenée par la naissance de l’impérialisme.

    C’est la raison pour laquelle il rejette catégoriquement la notion d’ultra-impérialisme que Karl Kautsky considère comme possible, c’est-à-dire la fusion de tous les monopoles en un superimpérialisme.

    Concevoir cela comme possible, c’est nier la loi de la contradiction et nier le développement de l’impérialisme par l’intermédiaire du capital financier, qui réorganise la base capitaliste dans un sens monopoliste et par conséquent agressif tout azimut.

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  • Lénine, l’impérialisme et l’exportation des capitaux

    On a vu que dans l’impérialisme, le capital jouait un rôle encore plus grand, car il était centralisé, avec les banques. Or, s’il est centralisé, il est dialectiquement encore plus dispersé, les capitalistes investissant partout de par le monde.

    Lénine formule donc la définition scientifique suivante :

    « Ce qui caractérisait l’ancien capitalisme, où régnait la libre concurrence, c’était l’exportation des marchandises. Ce qui caractérise le capitalisme actuel, où règnent les monopoles, c’est l’exportation des capitaux. »

    Que signifie l’exportation des capitaux ? Cela signifie qu’en lieu et place d’investir dans leur propre pays, les capitalistes investissent dans d’autres pays, car tel est leur intérêt le plus pertinent de leur point de vue.

    Le thème de la « mondialisation », des « délocalisations », n’est pas du tout propre au début du XXIe siècle : chaque cycle impérialiste du capitalisme se caractérise par cette même logique. Voici comment Lénine décrit cela, à son époque :

    « Tant que le capitalisme reste le capitalisme, l’excédent de capitaux est consacré, non pas à élever le niveau de vie des masses dans un pays donné, car il en résulterait une diminution des profits pour les capitalistes, mais à augmenter ces profits par l’exportation de capitaux à l’étranger, dans les pays sous-développés.

    Les profits y sont habituellement élevés, car les capitaux y sont peu nombreux, le prix de la terre relativement bas, les salaires de même, les matières premières à bon marché. »

    Selon les situations, l’exportation des capitaux se produit de manière différente. Voici la différence entre l’Angleterre, la France et l’Allemagne :

    « Pour l’Angleterre, ce sont en premier lieu ses possessions coloniales, très grandes en Amérique également (le Canada, par exemple), sans parler de l’Asie, etc. Les immenses exportations de capitaux sont étroitement liées ici, avant tout, aux immenses colonies, dont nous dirons plus loin l’importance pour l’impérialisme.

    Il en va autrement pour la France. Ici les capitaux placés à l’étranger le sont surtout en Europe et notamment en Russie (10 milliards de francs au moins). Il s’agit principalement de capitaux de prêt, d’emprunts d’Etat, et non de capitaux investis dans les entreprises industrielles. A la différence de l’impérialisme anglais, colonialiste, l’impérialisme français peut être qualifié d’usuraire.

    L’Allemagne offre une troisième variante : ses colonies sont peu considérables, et ses capitaux placés à l’étranger sont ceux qui se répartissent le plus également entre l’Europe et l’Amérique. »

    Bien entendu, il existe de manière dialectique un double rapport entre ces processus d’exportation de capitaux : on a d’un côté la concurrence, de l’autre l’entente. C’est là qu’interviennent les contradictions inter-impérialistes opposant non plus simplement les entreprises monopolistiques, mais les États eux-mêmes.

    Voyons d’abord comment Lénine décrit ce processus de « partage » au sein de cette « mondialisation » :

    « Les pays exportateurs de capitaux se sont, au sens figuré du mot, partagé le monde. Mais le capital financier a conduit aussi au partage direct du globe.

    Les groupements de monopoles capitalistes – cartels, syndicats, trusts – se partagent tout d’abord le marché intérieur en s’assurant la possession, plus ou moins absolue, de toute la production de leur pays. Mais, en régime capitaliste, le marché intérieur est nécessairement lié au marché extérieur.

    Il y a longtemps que le capitalisme a créé le marché mondial.

    Et, au fur et à mesure que croissait l’exportation des capitaux et que s’étendaient, sous toutes les formes, les relations avec l’étranger et les colonies, ainsi que les « zones d’influence » des plus grands groupements monopolistes, les choses allaient « naturellement » vers une entente universelle de ces derniers, vers la formation de cartels internationaux. »

    Lénine documente longuement le développement des monopoles à l’échelle mondiale, leurs relations de concurrence, d’alliance, etc. Il souligne bien que la tendance qui l’emporte, c’est celle de la concurrence, et non de la collusion.

    Il dénonce par conséquent de la manière suivante ceux qui ont des illusions à ce sujet :

    « Certains auteurs bourgeois (auxquels vient de se joindre K. Kautsky, qui a complètement renié sa position marxiste, celle de 1909 par exemple) ont exprimé l’opinion que les cartels internationaux, une des expressions les plus accusées de l’internationalisation du capital, permettaient d’espérer que la paix régnerait entre les peuples en régime capitaliste.

    Du point de vue de la théorie, cette opinion est tout à fait absurde; et du point de vue pratique, c’est un sophisme et un mode de défense malhonnête du pire opportunisme.

    Les cartels internationaux montrent à quel point se sont développés aujourd’hui les monopoles capitalistes, et quel est l’objet de la lutte entre les groupements capitalistes.

    Ce dernier point est essentiel; lui seul nous révèle le sens historique et économique des événements, car les formes de la lutte peuvent changer et changent constamment pour des raisons diverses, relativement temporaires et particulières, alors que l’essence de la lutte, son contenu de classe, ne saurait vraiment changer tant que les classes existent (…).

    Il ne s’agit évidemment pas de la bourgeoisie allemande, mais de la bourgeoisie universelle.

    Si les capitalistes se partagent le monde, ce n’est pas en raison de leur scélératesse particulière, mais parce que le degré de concentration déjà atteint les oblige à s’engager dans cette voie afin de réaliser des bénéfices; et ils le partagent « proportionnellement aux capitaux », « selon les forces de chacun », car il ne saurait y avoir d’autre mode de partage en régime de production marchande et de capitalisme.

    Or, les forces changent avec le développement économique et politique; pour l’intelligence des événements, ils faut savoir quels problèmes sont résolus par le changement du rapport des forces; quant à savoir si ces changements sont « purement » économiques ou extra-économiques (par exemple, militaires), c’est là une question secondaire qui ne peut modifier en rien le point de vue fondamental sur l’époque moderne du capitalisme.

    Substituer à la question du contenu des luttes et des transactions entre les groupements capitalistes la question de la forme de ces luttes et de ces transactions (aujourd’hui pacifique, demain non pacifique, après-demain de nouveau non pacifique), c’est s’abaisser au rôle de sophiste. »

    La concurrence est l’aspect principal, elle est inévitable et est la tendance dominante, c’est cela qu’il faut voir ; cette concurrence a des formes économiques, des formes militaires, et les unes ne vont pas sans les autres, car leur existence a la même base, ce sont les deux faces de la même pièce.

    >Sommaire du dossier

  • Lénine, l’impérialisme et la domination du capital financier

    « Concentration de la production avec, comme conséquence, les monopoles ; fusion ou interpénétration des banques et de l’industrie, voilà l’histoire de la formation du capital financier et le contenu de cette notion. »

    C’est ainsi que Lénine synthétise les deux premiers chapitres de L’impérialisme, stade suprême du capitalisme ; cependant, il considère comme nécessaire d’expliciter de manière scientifique deux notions étroitement liées : celles de capital financier et d’oligarchie financière.

    Lénine constate habilement qu’il n’est pas nécessaire de posséder entièrement une société pour avoir le contrôle de la direction ; le grand capital utilise d’autres sections du capital pour se renforcer lui-même. Lénine explique à ce sujet :

    « En fait, l’expérience montre qu’il suffit de posséder 40% des actions pour gérer les affaires d’une société anonyme, car un certain nombre de petits actionnaires disséminés n’ont pratiquement aucune possibilité de participer aux assemblées générales, etc.

    La « démocratisation » de la possession des actions, dont les sophistes bourgeois et les opportunistes pseudo-social démocrates attendent (ou assurent qu’ils attendent) la « démocratisation du capital », l’accentuation du rôle et de l’importance de la petite production, etc., n’est en réalité qu’un des moyens d’accroître la puissance de l’oligarchie financière. »

    Le grand capital construit tout un système opaque de relations hiérarchiques, de maisons-mères, de filiales, pour masquer son jeu, diluer ses responsabilités en cas de souci d’une branche particulière.

    Cela ne va pas sans contradictions et Lénine, lors de son étude de la situation, note bien qu’il existe une critique petite-bourgeoise de l’impérialisme.

    Elle n’a aucun sens, car elle ne remet pas en cause le mode de production capitaliste, simplement le rapport de force au sein du capitalisme. Lénine dresse le constat suivant :

    « Les faits monstrueux touchant la monstrueuse domination de l’oligarchie financière sont tellement patents que, dans tous les pays capitalistes, aussi bien en Amérique qu’en France et en Allemagne, est apparue une littérature qui, tout en professant le point de vue bourgeois, brosse néanmoins un tableau à peu près véridique, et apporte une critique – évidemment petite-bourgeoise – de l’oligarchie financière (…).

    Toutes les règles de contrôle et de surveillance, de publication des bilans, d’établissement de schémas précis pour ces derniers, etc., ce par quoi les professeurs et les fonctionnaires bien intentionnés – c’est-à-dire ayant la bonne intention de défendre et de farder le capitalisme – occupent l’attention du public, sont ici dépourvues de toute valeur.

    Car la propriété privée est sacrée, et l’on ne peut empêcher personne d’acheter, de vendre, d’échanger des actions, de les hypothéquer, etc. (…).

    Le monopole, quand il s’est formé et brasse des milliards, pénètre impérieusement dans tous les domaines de la vie sociale, indépendamment du régime politique et de toutes autres « contingences ». »

    L’ensemble de la société est façonnée par les besoins des monopoles, qui naissent sur le terrain de la propriété privée et par conséquent n’ont qu’à prolonger leur activité pour engloutir toujours plus la société fondée justement sur la propriété privée.

    Le capitalisme devenu monopoliste est tellement puissant qu’il assure un contrôle toujours plus grand sur la société, de par sa force toujours plus grande, la vigueur de sa croissance. Il donne naissance à une fine couche sociale parasitaire, de personnes vivant de leurs rentes, de leurs placements financiers.

    Cette couche n’entre même plus en rapport avec la production ; elle est entièrement séparée du travail. C’est déjà le cas dans le capitalisme – ce que ne voient pas les partisans du capitalisme libéral – et c’est cela qui fait que l’impérialisme est l’évolution logique du capitalisme, le stade suprême du capitalisme, son aboutissement ultime.

    Lénine nous enseigne :

    « Le propre du capitalisme est, en règle générale, de séparer la propriété du capital de son application à la production; de séparer le capital-argent du capital industriel ou productif; de séparer le rentier, qui ne vit que du revenu qu’il tire du capital-argent, de l’industriel, ainsi que de tous ceux qui participent directement à la gestion des capitaux.

    L’impérialisme, ou la domination du capital financier, est ce stade suprême du capitalisme où cette séparation atteint de vastes proportions.

    La suprématie du capital financier sur toutes les autres formes du capital signifie l’hégémonie du rentier et de l’oligarchie financière; elle signifie une situation privilégiée pour un petit nombre d’Etats financièrement « puissants », par rapport a tous les autres. »

    Cet aspect financier, Lénine l’aborde en traitant de la question de l’exportation des capitaux.

    >Sommaire du dossier

  • Lénine, la notion d’impérialisme, la socialisation de la production et le rôle des banques

    L’une des plus grandes erreurs qu’on puisse faire au sujet de la notion d’impérialisme serait de penser que Lénine « regretterait » son émergence. A ses yeux, c’est en effet inévitable, cela fait partie du parcours amenant du capitalisme au socialisme, c’est un élément du processus de socialisation de l’industrie.

    Lénine ne fait pas que s’opposer au kautskisme qui valorise l’impérialisme comme étant en soi le processus de socialisation, et dont le mitterrandisme des années 1980 a été un avatar en France, avec ses nationalisations. Il s’oppose aussi aux partisans du retour en arrière, qui voient en l’impérialisme une excroissance erronée du petit capitalisme.

    On peut remarquer d’ailleurs que tant le kautskisme que les partisans de la petite production considèrent que l’impérialisme n’est pas propre au capitalisme, mais un développement « à part », une sorte de déviation.

    Tel n’est pas le point de vue de Lénine. Voici ce qu’il dit dans le premier chapitre de L’impérialisme, stade suprême du capitalisme :

    « La concurrence se transforme en monopole. Il en résulte un progrès immense de la socialisation de la production. Et, notamment, dans le domaine des perfectionnements et des inventions techniques.

    Ce n’est plus du tout l’ancienne libre concurrence des patrons dispersés, qui s’ignoraient réciproquement et produisaient pour un marché inconnu.

    La concentration en arrive au point qu’il devient possible de faire un inventaire approximatif de toutes les sources de matières premières (tels les gisements de minerai de fer) d’un pays et même, ainsi que nous le verrons, de plusieurs pays, voire du monde entier.

    Non seulement on procède à cet inventaire, mais toutes ces sources sont accaparées par de puissants groupements monopolistes. On évalue approximativement la capacité d’absorption des marchés que ces groupements « se partagent » par contrat.

    Le monopole accapare la main-d’oeuvre spécialisée, les meilleurs ingénieurs; il met la main sur les voies et moyens de communication, les chemins de fer en Amérique, les sociétés de navigation en Europe et en Amérique.

    Le capitalisme arrivé à son stade impérialiste conduit aux portes de la socialisation intégrale de la production; il entraîne en quelque sorte les capitalistes, en dépit de leur volonté et sans qu’ils en aient conscience, vers un nouvel ordre social, intermédiaire entre l’entière liberté de la concurrence et la socialisation intégrale.

    La production devient sociale, mais l’appropriation reste privée. Les moyens de production sociaux restent la propriété privée d’un petit nombre d’individus.

    Le cadre général de la libre concurrence nominalement reconnue subsiste, et le joug exercé par une poignée de monopolistes sur le reste de la population devient cent fois plus lourd, plus tangible, plus intolérable. »

    Il y a deux aspects : d’un côté, il y a bien la polarisation de la société, mais de l’autre il y a également une unification de la production par les monopoles, unification jouant un rôle historiquement progressiste. C’est un aspect à absolument garder à l’esprit, sans quoi on ne peut pas saisir comment Lénine s’intéresse, dans le second chapitre de L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, à un aspect particulier : le nouveau rôle des banques.

    Auparavant, celles-ci ne servaient que d’intermédiaires pour les paiements, prenant une commission au passage. Toutefois, avec le progrès du capitalisme, elles possèdent l’ensemble du capital-argent et, connaissant elles-mêmes un processus de formation de monopoles, se transforment en outils autonomes du capitalisme.

    Lénine

    Au cours de ce processus, Lénine remarque que les banques prennent des participations, à différents degrés, dans d’autres banques, formant tout un système organisé. Ce n’est pas tout : les banques ont un aperçu très précis sur la réalité économique, connaissant les comptes des entreprises.

    Elles peuvent donc acquérir un nouveau rôle : celui de centralisateur des décisions, en jouant sur les crédits, construisant des mécanos industriels grâce à leur capacité financière. Lénine nous fait part de cela de la manière suivante :

    « Les capitalistes épars finissent par ne former qu’un seul capitaliste collectif.

    En tenant le compte courant de plusieurs capitalistes, la banque semble ne se livrer qu’à des opérations purement techniques, uniquement subsidiaires.

    Mais quand ces opérations prennent une extension formidable, il en résulte qu’une poignée de monopolistes se subordonne les opérations commerciales et industrielles de la société capitaliste tout entière; elle peut, grâce aux liaisons bancaires, grâce aux comptes courants et à d’autres opérations financières, connaître tout d’abord exactement la situation de tels ou tels capitalistes, puis les contrôler, agir sur eux en élargissant ou en restreignant, en facilitant ou en entravant le crédit, et enfin déterminer entièrement leur sort, déterminer les revenus de leurs entreprises, les priver de capitaux, ou leur permettre d’accroître rapidement les leurs dans d’énormes proportions, etc. (…).

    Quant à la liaison étroite qui existe entre les banques et l’industrie, c’est dans ce domaine que se manifeste peut-être avec le plus d’évidence le nouveau rôle des banques.

    Si une banque escompte les lettres de change d’un industriel, lui ouvre un compte courant, etc., ces opérations en tant que telles ne diminuent pas d’un iota l’indépendance de cet industriel, et la banque ne dépasse pas son rôle modeste d’intermédiaire.

    Mais si ces opérations se multiplient et s’instaurent régulièrement, si la banque « réunit » entre ses mains d’énormes capitaux, si la tenue des comptes courants d’une entreprise permet à la banque -et c’est ce qui arrive- de connaître avec toujours plus d’ampleur et de précision la situation économique du client, il en résulte une dépendance de plus en plus complète du capitaliste industriel à l’égard de la banque.

    En même temps se développe, pour ainsi dire, l’union personnelle des banques et des grosses entreprises industrielles et commerciales, la fusion des unes et des autres par l’acquisition d’actions, par l’entrée des directeurs de banque dans les conseils de surveillance (ou d’administration) des entreprises industrielles et commerciales, et inversement (…).

    Ainsi, le XXe siècle marque le tournant où l’ancien capitalisme fait place au nouveau, où la domination du capital financier se substitue à la domination du capital en général. »

    Lénine constate donc que l’impérialisme se caractérise par une une interpénétration du capital bancaire et du capital industriel, aboutissant à la formation d’un capital financier qui ne consiste pas qu’en les banques, mais en une fusion du grand capital bancaire et du grand capital industriel, avec une tendance toujours plus prononcée à l’oligarchie.

    La base de cela reste, néanmoins, le capitalisme, en tant que mode de production : l’impérialisme est une structure qui naît et grandit depuis cette base, profitant de chaque avancée du capitalisme en général pour se renforcer en tant que tel, à travers l’importance des banques. Lénine va, naturellement, aborder cette question.

    >Sommaire du dossier

  • Lénine, la notion d’impérialisme et les monopoles

    Dans le premier chapitre de L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine traite de la question des monopoles.

    C’est le point de départ de son analyse, toute son œuvre s’appuie sur cette base, directement issue de l’analyse de Karl Marx dans Le Capital.

    Que dit Lénine ? Qu’il existe une tendance au sein du mode de production capitaliste qui l’emporte, qui devient de plus en plus profonde et devient l’aspect principal, le moteur de l’évolution du capitalisme.

    Il dit ainsi :

    « Le développement intense de l’industrie et le processus de concentration extrêmement rapide de la production dans des entreprises toujours plus importantes constituent une des caractéristiques les plus marquées du capitalisme.

    Les statistiques industrielles contemporaines donnent sur ce processus les renseignements les plus complets et les plus précis. »

    Lénine fournit, de fait, toute une série de chiffres, tirés de ses recherches en Suisse, lors de son exil. Il a compilé des statistiques, des compte-rendus : il les présente comme preuves scientifiques de son constat.

    Toutefois, il ne fait pas que cela, il rend explicite les tendances, les nuances au sein de la naissance de monopoles remplaçant la concurrence. Voici ce qu’il constate au sujet des États-Unis d’Amérique :

    « Près de la moitié de la production totale du pays est fournie par un centième de l’ensemble des entreprises ! Et ces trois mille entreprises géantes embrassent 258 branches d’industrie.

    On voit par là que la concentration, arrivée à un certain degré de son développement, conduit d’elle-même, pour ainsi dire, droit au monopole.

    Car quelques dizaines d’entreprises géantes peuvent aisément s’entendre, et, d’autre part, la difficulté de la concurrence et la tendance au monopole naissent précisément de la grandeur des entreprises.

    Cette transformation de la concurrence en monopole est un des phénomènes les plus importants — sinon le plus important — de l’économie du capitalisme moderne. Aussi convient-il d’en donner une analyse détaillée. Mais écartons d’abord un malentendu possible.

    La statistique américaine porte : 3 000 entreprises géantes pour 250 branches industrielles. Cela ne ferait, semble-t-il, qu’une douzaine d’entreprises géantes par industrie. Mais ce n’est pas le cas.

    Toutes les industries ne possèdent pas de grandes entreprises ; d’autre part, une particularité extrêmement importante du capitalisme arrivé au stade suprême de son développement est ce qu’on appelle la combinaison, c’est-à-dire la réunion, dans une seule entreprise, de diverses branches d’industrie qui peuvent constituer les étapes successives du traitement de la matière première (par exemple, la production de la fonte à partir du minerai de fer et la transformation de la fonte en acier, et peut-être aussi la fabrication de divers produits finis en acier), ou bien jouer les unes par rapport aux autres le rôle d’auxiliaires (par exemple, l’utilisation des déchets ou des sous-produits, la fabrication du matériel d’emballage, etc.). »

    Le capitalisme ne donne pas naissance à des monopoles simplement dans certaines branches, mais de manière générale, c’est une tendance historique à la « combinaison » des branches.

    Ce que décrivait Le capital de Karl Marx était donc juste et reste juste, mais le capitalisme s’est développé, il s’est enraciné, et pour cette raison la contradiction interne à son développement s’est approfondie.

    Karl Marx

    Il y a donc lieu de mieux cerner l’aspect monopoliste, qui a désormais atteint une dimension bien plus importante qu’auparavant. Lénine explique :

    « Il y a un demi-siècle, quand Marx écrivait son Capital, la libre concurrence apparaissait à l’immense majorité des économistes comme une « loi de la nature ».

    La science officielle tenta de tuer par la conspiration du silence l’oeuvre de Marx, qui démontrait par une analyse théorique et historique du capitalisme que la libre concurrence engendre la concentration de la production, laquelle, arrivée à un certain degré de développement, conduit au monopole.

    Maintenant, le monopole est devenu un fait (…).

    Les étapes principales de l’histoire des monopoles peuvent se résumer comme suit :

    1) Années 1860-1880 : point culminant du développement de la libre concurrence. Les monopoles ne sont que des embryons à peine perceptibles.

    2) Après la crise de 1873, période de large développement des cartels; cependant ils ne sont encore que l’exception. Ils manquent encore de stabilité. Ils ont encore un caractère passager.

    3) Essor de la fin du XIXe siècle et crise de 1900-1903 : les cartels deviennent une des bases de la vie économique tout entière. Le capitalisme s’est transformé en impérialisme. »

    La concentration de la production, par la naissance de monopoles, est l’évolution que constate Lénine.

    >Sommaire du dossier

  • Lénine et la notion d’impérialisme

    Lénine, dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, ajoute un concept au marxisme. L’analyse de Karl Marx est juste, dit Lénine, cependant ce dernier considère qu’il faut préciser certains aspects, en particulier le caractère parasitaire du capitalisme devenu monopoliste.

    Le choix du terme « impérialisme » n’est pas de Lénine lui-même ; il reprend un terme utilisé par deux auteurs liés au marxisme, mais dont les analyses n’étaient pas assez développées ni conséquentes. Voici comment il présente cela lors du premier chapitre de L’impérialisme, stade suprême du capitalisme :

    « Dans ces 15 ou 20 dernières années, surtout depuis les guerres hispano-américaine (1898) et anglo-boer (1899-1902), la littérature économique, et aussi politique, de l’Ancien et du Nouveau Monde s’arrête de plus en plus fréquemment à la notion d’ »impérialisme » pour caractériser l’époque où nous vivons.

    En 1902, l’économiste anglais J.A. Hobson a publié, à Londres et à New York, un ouvrage intitulé L’impérialisme.

    Tout en professant un point de vue social-réformiste bourgeois et pacifiste, identique quant au fond à la position actuelle de l’ex-marxiste K. Kautsky, l’auteur y a donné une description excellente et détaillée des principaux caractères économiques et politiques de l’impérialisme.

    En 1910 parut à Vienne un ouvrage du marxiste autrichien Rudolf Hilferding : Le capital financier (traduction russe, Moscou, 1912).

    Malgré une erreur de l’auteur dans la théorie de l’argent et une certaine tendance à concilier le marxisme et l’opportunisme, cet ouvrage constitue une analyse théorique éminemment précieuse de « la phase la plus récente du développement du capitalisme« , comme l’indique le sous-titre du livre d’Hilferding.

    Au fond, ce qu’on a dit de l’impérialisme pendant ces dernières années – notamment dans d’innombrables articles de journaux et de revues, ainsi que dans des résolutions, par exemple, des congrès de Chemnitz et de Bâle, en automne 1912, n’est guère sorti du cercle des idées exposées ou, plus exactement, résumées par les deux auteurs précités… »

    Lénine entend avoir une analyse conséquente de l’impérialisme et pour cette raison il cherche résolument à se démarquer de ceux qui convergent avec lui : les faux marxistes, les ex-marxistes, qui prétendent voir un aspect positif à l’impérialisme.

    Ce qui distingue ainsi Lénine de l’autre grand théoricien de l’époque, Karl Kautsky, est que ce dernier considérait que l’impérialisme n’était qu’une politique, qu’une défaillance militariste du capitalisme, alors que Lénine considère que c’est dans la substance même du capitalisme devenant parasitaire, cherchant une voie militaire pour faire face à la chute tendancielle du taux de profit.

    La couverture de l’édition originale

    Dans son article de 1916 qui résume cette question, L’impérialisme et la scission du socialisme, Lénine expose de la manière suivante le concept d’impérialisme qu’il ajoute au marxisme :

    « Il nous faut commencer par donner la définition la plus précise et la plus complète possible de l’impérialisme. L’impérialisme est un stade historique particulier du capitalisme. Cette particularité est de trois ordres :

    l’impérialisme est :

    1. le capitalisme monopoliste ;

    2. le capitalisme parasitaire ou pourrissant ;

    3. le capitalisme agonisant.

    La substitution du monopole à la libre concurrence est le trait économique capital, l’essence de l’impérialisme. Le monopolisme se manifeste sous cinq formes principales :

    1. les cartels, les syndicats patronaux, et les trusts ; la concentration de la production a atteint un degré tel qu’elle a engendré ces groupements monopolistes de capitalistes ;

    2. la situation de monopole des grosses banques : trois à cinq banques gigantesques régentent toute la vie économique de l’Amérique, de la France, de l’Allemagne ;

    3. l’accaparement des sources de matières premières par les trusts et l’oligarchie financière (le capital financier est le capital industriel monopolisé, fusionné avec le capital bancaire) ;

    4. le partage (économique) du monde par les cartels internationaux a commencé. Ces cartels internationaux, détenteurs du marché mondial tout entier qu’ils se partagent « à l’amiable » — tant que la guerre ne l’a pas repartagé — on en compte déjà plus de cent ! L’exportation des capitaux, phénomène particulièrement caractéristique, à la différence de l’exportation des marchandises à l’époque du capitalisme non monopoliste, est en relation étroite avec le partage économique et politico-territorial du monde ;

    5. le partage territorial du monde (colonies) est terminé. »

    Dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, on a une démonstration scientifique de la valeur de ce concept. Les chapitres de l’œuvre sont les suivants :

    La concentration de la production et les monopoles
    Les banques et leur nouveau rôle
    Le capital financier et l’oligarchie financière
    L’exportation des capitaux
    Le partage du monde entre les groupements capitalistes
    Le partage du monde entre les grandes puissances
    L’impérialisme, stade particulier du capitalisme
    Le parasitisme et la putréfaction du capitalisme
    La critique de l’impérialisme
    La place de l’impérialisme dans l’Histoire

    Si l’on regarde bien, on voit que ce découpage suit une logique précise. Lénine expose d’abord comment apparaissent les monopoles, comment ensuite les banques jouent un rôle d’autant plus grand, ce qui aboutit à la formation d’une oligarchie financière.

    De là se forme une exportation de capitaux aboutissant au partage du monde entre les capitalistes, puis entre les nations capitalistes, ce qui produit les contradictions inter-impérialistes d’un côté, un parasitisme des pays opprimés de l’autre, le tout annonçant l’inéluctable révolution socialiste balayant le capitalisme pourrissant.

    >Sommaire du dossier

  • Lénine et la notion d’impérialisme : la genèse de l’analyse

    Nous avons la chance de disposer historiquement des cahiers utilisés par Lénine pour prendre des notes au sujet de l’impérialisme, notes qu’il assemblera et synthétisera pour donner naissance à ce qui est peut-être son ouvrage le plus fameux : L’impérialisme, stade suprême du capitalisme.

    Ces cahiers furent écrits principalement en deux fois. Lénine commença à les écrire dans la seconde partie de 1915, alors qu’il était en exil en Suisse, en pleine guerre impérialiste, avant de poursuivre en 1916 à Zurich, que Lénine avait privilégié en raison de la présence là-bas d’une grande bibliothèque.

    Pour cette raison, les références dans lesquelles puisent Lénine sont souvent germanophones. Dans les cahiers de notes, on trouve 148 œuvres dont il prit des notes, dont 106 en allemand, 23 en français, 17 en anglais, 2 traduites en russe. En ce qui concerne les périodiques, il prit des extraits de 232 articles, provenant de 34 périodiques allemands, 8 anglais, 7 français.

    Ce choix de Zurich ne doit toutefois pas donner l’image d’un Lénine vivant autrement que chichement ; les conditions de l’exil étaient ceux de la précarité. Néanmoins, Lénine était un penseur infatigable au service de la cause révolutionnaire et de ses besoins.

    En juin 1916, Lénine avait déjà rempli 15 cahiers de notes, numérotés au moyen de lettres grecques ; l’œuvre elle-même fut prête le 2 juillet 1916, mais elle ne fut publiée qu’en avril 1917, après la révolution de février 1917.

    C’est un aspect important, car Lénine destinait l’ouvrage à une publication légale, nécessitant donc de présenter les choses principalement de manière « neutre », comme de simples constats économiques, en contournant la censure au moyen de termes choisis précisément dans ce but, etc.

    L’ouvrage devait, pour cette raison, s’intituler « Les particularités fondamentales du capitalisme (le plus) moderne (à son nouveau stade) ».

    Dans la Préface aux éditions française et allemande, Lénine précise à ce sujet : 

    « Ce livre a été écrit, comme il est indiqué dans la préface à l’édition russe, en 1916, compte tenu de la censure tsariste. Il ne m’est pas possible actuellement de reprendre tout le texte, ce qui serait d’ailleurs sans utilité, car la tâche fondamentale de ce livre a été et reste encore de montrer, d’après les données d’ensemble des statistiques bourgeoises indiscutables et les aveux des savants bourgeois de tous les pays, quel était le tableau d’ensemble de l’économie capitaliste mondiale, dans ses rapports internationaux, au début du XXe siècle, à la veille de la première guerre impérialiste mondiale.

    A certain égard, il ne sera du reste pas inutile, pour beaucoup de communistes des pays capitalistes avancés, de se rendre compte à travers l’exemple de ce livre, légal du point de vue de la censure tsariste, de la possibilité – et de la nécessité – d’utiliser même les faibles vestiges de légalité dont ils peuvent encore profiter, disons, dans l’Amérique contemporaine ou en France, après les récentes arrestations de la presque totalité d’entre eux, pour expliquer toute la fausseté des vues des social-pacifistes et de leurs espoirs en une « démocratie mondiale ».  »

    Lénine

    A cela s’ajoute que la publication nécessitait une taille restreinte, forçant Lénine à s’en tenir à l’essentiel. Les cahiers de notes, à quoi s’ajoutent quelques cahiers comme celui nommé « Sur le marxisme et l’impérialisme », formant plus de 700 pages, témoignent d’un travail de fond gigantesque.

    Dans le cahier α, par exemple, Lénine note des points importants sur l’évolution récente de l’économie, avec la formation des cartels et des trusts, c’est-à-dire des monopoles brisant le jeu libéral de la concurrence capitaliste. Il remarque comment les critiques bourgeoises ne saisissent pas la question de fond et tentent simplement de « réformer » cette tendance.

    Dans le cahier β, on retrouve la même chose – par exemple des extraits des œuvres intitulées L’expansion des banques allemandes à l’étranger ou encore Les banques françaises – avec une attention particulière à ce que dit Karl Kautsky à ce sujet. Rappelons qu’il s’agit là de celui qui a succédé à Karl Marx et Friedrich Engels à la direction de la social-démocratie allemande, qui en est le plus éminent théoricien et qui, justement, a échoué à saisir cette question de l’impérialisme.

    Lénine critique Karl Kautsky sur le fait qu’il ne prend en compte qu’un aspect de l’impérialisme comme négatif – les affaires des grands monopoles avec l’État, les monopoles dans les banques, l’oppression coloniale – ce qui amène Karl Kautsky à justifier le développement d’un grand capitalisme qui pourrait être « sain » avec quelques corrections.

    C’est, pour Lénine, du « proudhonisme » renouvelé et Lénine, avec sa verve habituelle, se moque de ceux qui croient en les « honnêtes commerçants », les « bons banquiers », etc.

    Dans la Préface aux éditions française et allemande, voici comment Lénine présente cela :

    « Une attention particulière est réservée dans ce livre à la critique du « kautskisme », courant idéologique international représenté dans tous les pays du monde par d’ »éminents théoriciens », chefs de la IIe Internationale (en Autriche, Otto Bauer et Cie; en Angleterre, Ramsay MacDonald et d’autres; en France, Albert Thomas, etc.), et par une foule de socialistes, de réformistes, de pacifistes, de démocrates bourgeois et de curés.

    Ce courant idéologique est, d’une part, le produit de la décomposition, de la putréfaction de la IIe Internationale et, d’autre part, le fruit inévitable de l’idéologie des petits bourgeois, que toute l’ambiance rend prisonniers des préjugés bourgeois et démocratiques.

    Chez Kautsky et ses semblables, pareilles conceptions sont le reniement total des fondements révolutionnaires du marxisme, de ceux que cet auteur a défendus des dizaines d’années, plus spécialement dans la lutte contre l’opportunisme socialiste (de Bernstein, de Millerand, de Hyndman, de Gompers, etc.). Aussi n’est-ce pas par hasard que, dans le monde entier, les « kautskistes » se sont unis aujourd’hui, dans le domaine de la politique, aux ultra-opportunistes (par l’entremise de la IIe Internationale ou l’Internationale jaune) et aux gouvernements bourgeois (par le biais des gouvernements bourgeois de coalition, à participation socialiste).

    Le mouvement prolétarien révolutionnaire en général, et le mouvement communiste en particulier, qui grandissent dans le monde entier, ne peuvent se dispenser d’analyser et de dénoncer les erreurs théoriques du « kautskisme ». Et cela d’autant plus que le pacifisme et le « démocratisme » – en général – qui ne prétendent pas le moins du monde au marxisme, mais qui, tout comme Kautsky et Cie, estompent la profondeur des contradictions de l’impérialisme et le caractère inévitable de la crise révolutionnaire qu’il engendre, – sont encore extrêmement répandus dans le monde entier. Et la lutte contre ces courants est une nécessité pour le parti du prolétariat, qui doit arracher à la bourgeoisie les petits patrons qu’elle a dupés, de même que des millions de travailleurs placés dans des conditions de vie plus ou moins petites-bourgeoises.  »

    Lénine constate d’un côté l’exportation du capital et le rôle accru des banques, et de l’autre il dénonce ceux qu’il appelle les « sociaux-patriotes ». Ce sont les deux aspects de qu’on appelle la compréhension léniniste de l’impérialisme, concept ajouté au marxisme.

    De par sa position dans la lutte des classes, Lénine a parfaitement compris cela et par conséquent, dès le cahier γ – le troisième –, Lénine a déjà un panorama de la situation du capital bancaire dans les pays capitalistes, une juste compréhension du kautskisme, étant par là en mesure de former le premier plan extrêmement détaillé de son ouvrage, qu’il améliorera au fur et à mesure, jusqu’à former ce classique du matérialisme historique.

    >Sommaire du dossier

  • BR-PCC / RAF, document unitaire

    Le saut à la politique du front est possible et nécessaire pour les forces révolutionnaires, afin d’amener la confrontation à l’acuité adéquate.

    Pour cela toutes les positions idéologiques-dogmatiques existantes encore à l’intérieur des forces combattantes et du mouvement révolutionnaire doivent être combattues et dépassées, parce qu’elles divisent les combattants, et parce que ces positions ne peuvent pas atteindre le niveau dont on a besoin pour amener les luttes et les attaques à leur acuité politique nécessaire.

    Les différences historiques dans le développement et te définition politique de chaque organisation, les différences (secondaires) dans l’analyse, etc., ne peuvent et ne doivent pas être un obstacle à l’unification nécessaire des multiples luttes et activités anti-impérialistes dans une attaque consciente et ciblée contre la puissance de l’impérialisme.

    il ne s’agit pas d’une fusion de chaque organisation en une seule; le front se développe en Europe de l’Ouest dans un processus de reconnaissance direct et organisé, sur la base de l’offensive pratique, dans la mesure où les prochains moments rendent mûrs l’unité entre tes forces combattantes.

    L’organisation du front révolutionnaire combattant signifie l’organisation de l’offensive.

    Il ne s’agit ni d’une catégorie idéologique ni d’un modèle de révolution.

    Il s’agit au contraire du développement de la force politique et pratique qui combat la puissance de l’impérialisme de manière adéquate, qui approfondit la rupture dans la métropole impérialiste et en arrive au saut qualitatif de la lutte prolétarienne.

    Notre expérience commune montre comment, sur la base de la décision subjective de chaque organisation, malgré [existence de différences et de contradictions, il est possible de développer le front; nous n’avons jamais perdu des yeux dans la discussion commune l’élément unitaire de l’offensive contre l’impériasme.

    L’Europe de l’Ouest est le pivot du conflit entre le prolétariat international et la bourgeoisie impérialiste.

    L’Europe de l’Ouest est par son caractère historique, politique et géographique la coupure où se dessinent les trois lignes de démarcations: Etat/Société; Nord/Sud: Est/Ouest.

    L’aggravation de ta crise du système impérialiste et le déclin de la puissance économique des USA sont les fondements principaux qui amènent, ensemble avec d’autres facteurs politiques, à une perte relative du poids politique des USA, et qui mettent en avant le développement des processus d’intégration économique, politique et militaire.

    Dans ce rapport la fonction de l’Europe de l’Ouest dans le management impérialiste de la crise croît: au niveau économique:

    l’Europe de l’Ouest développe un plan synchronisé des politiques économiques à l’intérieur des managements impérialistes de la crise comme soutien et tampon des contradictions économiques.

    au niveau militaire: l’obligation de l’intégration politico-militaire à l’intérieur de l’OTAN avec les projets politico-économiques de réarmement dans la nouvelle stratégie militaire impérialiste pour la confrontation avec l’Est, et avec l’intervention militaro-politique intégrée contre les conflits s’envenimant au tiers-monde, en premier lieu les régions de crise au Proche-Orient.

    au niveau contre-révolutionnaire: le réarmement et l’intégration des appareils de police et de renseignements contre le développement du front révolutionnaire, contre les luttes révolutionnaires en général et contre l’élargissement et l’aggravation des antagonismes de masses.

    La réorganisation et l’intégration pour une intervention politique ciblée contre la guérite, comme par exemple les projets de  » solution politique  » dans différents pays ouest-européens.

    au niveau politico-diplomatique: les projets de  » dialogue politique  » pour désamorcer les conflits et consolider les positions de force impérialistes.

    Ces initiatives ont aussi comme fonction de renforcer les processus de formation de l’Europe de l’Ouest à l’intérieur du système global.

    Ces différents niveaux sont mutuellement liés et poussent en avant te formation politique de l’Europe de l’Ouest, un mouvement dont aucun pays n’est exdu.

    Aucune force révolutionnaire combattante ne peut, dans son activité révolutionnaire, mettre cela de côté.

    Ces éléments politiques forment te cadre où te front est, en Europe de l’Ouest, possible et nécessaire.

    Le niveau historiquement atteint par la contre-révolution impérialiste a fondamentalement modifié te conflit entre FimpériaSsme et les forces révolutionnaires.

    Cela signifie devenir conscient du poids croissant de la subjectivité dans la confrontation des classes et du fait que le terrain révolutionnaire ne peut pas être un simple réflexe aux conditions objectives.

    L’attaque du front ouest-européen contre les projets stratégiques actuels de formation politique, économique, et militaire de l’Europe de l’Ouest, vise l’affaiblissement du système impérialiste, afin d’entraîner la crise politique globale.

    Notre offensive commune se dirige:

    contre:

    la formation des politiques économiques et monétaires ouest-européennes, qui sont conçues dans le système impérialiste global comme soutien et tampon vis-à-vis des érosions économiques accentuées, et qui, en coordination avec les politiques des USA et du Japon, veulent imposer les intérêts (en terme de profits et de puissance) des banques et des multinationales, sur le dos du tiers-monde et empêcher l’écroulement du système financier international.

    contre:

    les politiques de formation ouest-européenne, qui visent au renforcement des positions impérialistes; actuellement elles interviennent au Proche-Orient sur le dos des peuples palestinien et libanais, afin de stabiliser la région.

    – L’attaque unitaire des lignes stratégiques de la formation de l’Europe de l’Ouest ébranle le pouvoir impérialiste

    – Organiser la lutte armée en Europe de l’Ouest

    – Construire dans l’attaque l’unité des forces révolutionnaires combattantes: organiser le front

    Lutter ensemble

    rote armee fraktion (RAF)

    brigate rosse (per la costruzione del partito comunista combattente) (BR-PCC)

    [1988.]

    =>Sommaire du dossier La bataille anti-révisionniste en Italie (1960-1980)

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  • BR-PCC: Action contre Hunt (1984)

    Transformer la guerre impérialiste en révolution prolétarienne

    Le 15 février 1984, un noyau armé de notre organisation a justicié Ray Leamon Hunt, directeur général de la « Force Multinationale d’Observation » dans le Sinaï, constituée afin de garantir les Accords de Camp David, stipulés entre l’Egypte et Israël sous le contrôle direct des USA.

    Ce porc pouvait se vanter d’une longue « expérience » dans le sale travail que les impérialistes yankees effectuent quotidiennement dans chaque partie du monde. Son « curriculum vitae » en témoigne de manière éloquente ; de Jérusalem à la Turquie, de Ceylan à l’Ethiopie, de Costa Rica au Liban, il parvient à occuper la charge de vice-assistant de Kissinger en 1974.

    En 1976, il est à Beyrouth, et il s’occupe alors de manière particulière des problèmes moyenorientaux, en occupant enfin la charge de directeur général d’une force militaire occidentale, directement organisée et financée par les USA.

    Ce sont précisément ces « diligents. fonctionnaires », lâchés à travers le monde, qui organisent les nombreuses saloperies que l’impérialisme US commet aux dépens des neunlec en lutte pour une autodétermination et une indépendance réelle.

    Ce sont ces gens qui sont derrière les pires massacres perpétrés par l’impérialisme, de Tall el-Zaatar à Sabra et Chatila, jusqu’aux canonnades de la New Jersey. Avoir mis un terme à la misérable existence de ce sale esclave de l’impérialisme constitue un honneur pour notre organisation et, dans le même temps, un devoir à l’égard du mouvement révolutionnaire international.

    Pourquoi avons-nous frappé Ray Leamon Hunt ? Qu-elle est la fonction et la signification de la Force Multinationale d’Observation (FMO) ?

    La fonction de cette force militaire – à laquelle ce n’est pas un hasard que participe un contingent italien – est de garantir la sauvegarde des intérêts américains au Moyen-Orient à travers un accord entre I’Egypte et Israël, soutenu par des milliards de dollars, aux dépens du peuple palestinien.

    La signification politique est d’une importance considérable dans l’évolution des relations internationales, vers le déchaînement de la guerre entre les deux « blocs », en ce que d’un côté il ratifie formellement, avec des structures de caractère international apparemment légales, les intérêts et les influences régionales occidentaux, et que de l’autre il introduit une pratique particulière, qui a déjà trouvé une suite dans la formation d’une seconde force multinationale, au Liban cette fois, en dehors de l’ONU, et qui laisse clairement entendre une poursuite en ce sens dans des régions comme l’Amérique centrale.

    Camarades, prolétaires,

    L’évolution récente des relations internationales démontré sans aucun équivoque que les principales puissances impérialistes sont en train d’aller vers l’affrontement militaire. Les peuples du monde entier assistent à une menaçante course au réarmement, nucléaire et conventionnel, que le cynisme effronté des gouvernements bourgeois voudrait justifier par des motifs de défense et de sécurité.

    Les dépenses militaires augmentent de manière évidente dans chaque nation, en pesant ainsi sur les conditions de vie des masses. Comme si cela ne suffisait pas, c’est le condamné lui-même qui paie le prix de son supplice !

    La tension internationale croissante se manifeste de plus en plus fréquemment dans les soi-disants « conflits régionaux » où, à chaque fois, se concentrent et explosent violemment les contradictions qui, propres à un contexte régional donné ; s’insèrent toutefois dans un cadre général caractérisé par l’opposition profonde des deux principaux blocs impérialistes.

    Dans ce scénario, qui précède traditionnellement l’éclatement de la guerre directe entre les impérialismes, l’hypocrisie de la bourgeoisie et des ses gouvernements est sans fond : chaque administration se plaint de l’agressivité de l’autre, chaque « bloc » fait profession de pacifisme et de bonne volonté autour du problème du désarmement et, en général, par rapport à l’orientation de sa politique extérieure. Dans les faits, les choses sont bien différentes.

    La profonde crise économique qui investit l’ensemble du monde capitaliste accroît démesurément la compétition entre les grands groupes monopolistes et financiers et, par contrecoup, celle entre les Etats. L’exigence se fait pressante d’un élargissement des marchés et d’un strict contrôle des matières premières qui visent à une relance générale de la production capitaliste.

    L’affrontement militaire entre impérialismes s’impose comme la solution obligée, le débouché objectif, de la crise actuelle qui, durant dans sa substance depuis le début des années soixante-dix, a mis en cause les formes mêmes d’accumulation recouvertes par le capital à l’échelle internationale depuis la fin de la seconde guerre jusqu’à aujourd’hui.

    En substance, la bourgeoisie ne peut éviter la guerre, puisque son système social en produit les causes de fond.

    Que les choses soient ainsi, on le voit en prêtant attention à l’impuissance progressive de l’ONU face aux nombreux foyers de guerre et à la croissance de la tension internationale dans l’ensemble du monde. Cette organisation, qui devrait représenter la volonté générale des gouvernements des pays membres de s’abstenir de l’usage de la guerre comme moyen de résolution des conflits internationaux, a assisté impuissante, quand ce n’est pas en acquiesçant, à la guerre des Iles Malouines, à l’agression israélienne au Liban, à l’occupation yankee de Grenade, …

    Cette organisation assiste encore – en s’amusant, au maximum avec des « résolutions de condamnation » savamment négociées par de diplomatiques effrontés – aux continuelles provocations de l’administration Reagan à l’égard du Nicaragua, au sale et révoltant travail des racistes sud africains contre l’Angola et le Mozambique, aux ingérences du « socialiste » Mitterrand au Tchad, à l’occupation soviétique prolongée de l’Afghanistan.

    L’impuissance absolue et grotesque des Nations Unies est l’indice on ne peut plus éloquent de la détérioration des relations internationales, et nous renvois en mémoire au cadavre de la « Société des Nations », piétiné par Nünich, par la « conciliation » anglo-française, et finalement écrasé par le talon nazi-fasciste.

    On dirait que revient d’actualité le fameux adage qui veut que l’histoire se répète toujours deux fois, la première en tragédie, la seconde en farce.

    Les raisons qui sont à la base de la constitution de la Force Multinationale d’Observation pour le Sinai sont l’exemple concret de comment se manifeste la tendance générale exposée juste au dessus.

    Ici, on voit de manière très significative, et qui concerne de près aussi le prolétariat italien, comment les puissances impérialistes passent superbement par dessus l’ONU lorsque leurs intérêts sont en jeu et lorsqu’il s’agit d’asséner un coup décisif aux mouvements de libération nationaux et aux peuples qui se battent contre l’oppression et contre l’exploitation.

    La F.M.O. pour le Sinaï est en effet une force militaire constituée en dehors de l’ONU pour garantir l’application des Accords de Camp David de 1978 qui, comme on le sait, représentent un dur coup à la cause palestinienne et, plus généralement, à l’opposition à l’impérialisme sioniste.

    L’écaillement du front arabe avec la trahison de Sadate, le renforcement du prestige de l’entité sioniste, légitimée à poursuivre la bestiale politique d’annexion des territoires occupés en Cisjordanie et à Gaza, la réduction générale de l’influence soviétique au Moyen Orient, ne sont que quelques-uns des résultats atteints par les USA et les sionistes à la suite de Camp David : ceux ci sont autant de pièces d’une plus ample mosaïque qui prévoit une redisposition générale de l’aire moyen-orientale qui soit en mesure d’assurer aux USA le contrôle complet de cette région vitale, déjà dangereusement remis en cause par la pénétration soviétique en Afghanistan, par l’Iran shiite et par les caractéristiques démocratiques-populaires de la révolution palestinienne.

    En ce sens, il y a une continuité évidente et criminelle entre Camp David et l’opération « Paix en Galilée » de juin 1982, il existe un lien patent entre la F.M.O. pour le Sinaï et l’actuelle, plus fameuse, « Force Multinationale de Paix » au Liban. Elles sont toutes deux des représentants armés de l’impérialisme occidental, garants et agents d’un équilibre fonctionnel aux intérêts stratégiques des USA et de l’OTAN au Moyen-Orient.

    Malgré l’impressionnante masse de propagande nauséabonde, la position des gouvernements européens sur cette question est claire : ils sont en première ligne dans la course à une solution de la question du Moyen-Orient qui, une fois sauvées les relations avec les pays arabes modérés, permette la meilleure exploitation des ressources économiques, en premier lieu énergétiques, dans le cadre politique stratégique garanti manu militari par le sionisme.

    Comment expliquer l’abstention de la France, de la Grande Bretagne, de la RFA et de l’Italie à l’ONU sur le problème de la convocation de la « Conférence internationale sur la question de la Palestine », sinon comme un assentiment tacite au votre contraire éhonté des USA et d’Israël ? 

    Cela n’est il pas un soutien criminel et philistin aux saloperies sionistes ? Et encore, comment interpréter le soutien français à l’Irak de Saddam Hussëin et les colossaux contrats militaires allemands avec l’Arabie Saoudite ?

    Enfin, la France, l’Italie et la Grande-Bretagne sont-elles ou non engagées dans des missions militaires clairement impérialistes ? Les puissances impérialistes européennes ne sont en effet pas « neutres » au Moyen Orient.

    Elles font au contraire preuve de beaucoup, d’activisme, engagées comme elles le sont aux côtés de l’impérialisme américain et sioniste dans une action générale visant à contenir l’influence soviétique et à la dénaturation globale dés caractéristiques démocratiques populaires du sentiment national palestinien.

    Et n’est pas neutre le gouvernement italien, n’est pas neutre notre bourgeoisie ; qui, au cours d’une seule année, 1982, participe à bien deux actions militaires au Moven-Orient, la F.M.O, dans le Sinaï et la Force de « Paix » à Beyrouth, en se préoccupant d’héberger à Rome le quartier général de la première.

    On a bonne mine à se déclarer amis des Palestiniens lorsque l’on contribue à garantir l’application des Accords de Camp David, qui permettent aux sionistes l’annexion forcée des terres des Palestiniens.

    Le gouvernement italien peut remplir un avion entier d’enfants palestiniens et les ramener en visite gratuite dans notre pays, le prolétariat international et les peuples qui luttent contre l’impérialisme savent bien que les troupes italiennes piétinent le sol libanais en complices des USA et des fascistes locaux, que les dragueurs battant notre drapeau font respecter un accord fondé sur la trahison d’un « pharaon » qui a payé ses ambitions de sa vie.

    Comme ils savent que sur notre territoire sont installés des missiles à têtes nucléaires dont le premier objectif n’est pas l’Est européen, mais surtout les jeunes nations qui s’opposent aux menées impérialistes occidentales.

    Le gouvernement italien veut faire de notre pays’ lé gendarme de la Méditerranée, il veut accroître son sale prestige international en étouffant les aspirations légitimes et progressistes des peuples affranchis de la domination coloniale et de ceux qui se battent pour la libération nationale, mais la lutte conjointe du prolétariat italien avec le prolétariat international et avec les peuples progressiste du monde entier fera faillir ce dessein en faisant ravaler à Craxi et à ses pareils leurs intentions.

    Le mûrissement accéléré de la crise capitaliste impose aux gouvernements bourgeois des choix de fond et de substance en ce qui concerne leur politique globale. La bourgeoisie italienne, en particulier, se trouve face à une alternative très nette ; une redéfinition de la société dans un sens autoritaire et belliciste en mesure de la maintenir au nombre des grandes puissances, ou bien une progressive régression dans le cercle des pays soi disants « de série B. ».

    Les grands groupes monopolistes et financiers n’ont aucun doute : seule une politique intérieure de type autoritaire conviennent à la restructuration et au saut technologique dans lesquels l’économie italienne est engagée et dont le coût social est représenté par les milliers de licenciements, par le chômage et par l’accroissement de l’exploitation dans lés usines.

    Et les classes dirigeantes ont déjà fait leurs choix : le « nouveau rôle de l’Italie » dans l’OTAN et dans l’échiquier méditerranéen, de l’installation des missiles à Comiso jusqu’à l’engagement militaire au Moyen-Orient, est la brutale réponse à cette interrogation.

    Spadolini, chef du gouvernement au moment de l’envoi des troupes dans le Sinaï et à Beyrouth et fervent soutien de l’installation des missiles, siège triomphant au ministère de la Défense du gouvernement Craxi, comme pour symboliser la continuité belliciste qui anime les cabinets des dernières coalitions gouvernementales.

    Elle est de ces derniers jours la nouvelle de l’approbation par le Sénat de crédits militaires pour presque mille milliards de lires, crédits alloués en dehors du budget de la Défense, tout comme ceux attribués pour le contingent italien au Liban. Même les fascistes du MSI ont voté pour la proposition gouvernementale.

    Camarades, prolétaires,

    Un vaste mouvement de masse s’est développé dans notre pays en opposition aux choix bellicistes du gouvernement Craxi. II est animé par la conscience précise de l’absolue nécessité de bloquer la course au réarmement et de retirer des mains d ’une poignée de crapules le destin de nombreux millions d’hommes et de femmes.

    De ce point de vue, il s’agit d’un mouvement qui s ’oppose à l’impérialisme et qui lutte pour battre le projet gangster et belliciste de la bourgeoisie impérialiste.

    Autant il est juste et important d’appuyer de toutes nos forces et de participer à ce mouvement, autant il est nécessaire de clarifier que seul le prolétariat peut gagner la lutte contre la guerre impérialiste, parce que seule cette classe sociale peut modifier radicalement les mécanismes qui provoquent la compétition entre les nations jusqu’à les entraîner dans la guerre.

    La lutte contre la guerre impérialiste doit alors se souder à la lutte de là classe ouvrière contre l’exploitation, les licenciements et la politique économique du gouvernement en un front prolétarien unique et compact, conscient de la tâche historique qu’il est appelé à accomplir dans cette conjoncture critique.

    Nous devons en finir avec la vague optique inter-classiste pour conquérir la direction prolétarienne de ce mouvement, l’unique direction qui soit en mesure d’assurer une perspective réelle aux aspirations de paix qui existent dans l’immense majorité du peuple italien.

    Les Brigades rouges pour la construction du Parti communiste combattant son engagées à fond dans ce travail. Notre organisation est en première ligne dans la lutte contre l’impérialisme et contre le gouvernement Craxi, son représentant.

    Par cette initiative combattante, les Brigades rouges s’insèrent au centre de l’affrontement social en cours dans le pays, en interprétant de manière claire et sans équivoques les intérêts généraux de la classe prolétaire.

    Dans le même temps, cette initiative politique est une parole claire, notre parole et celle du prolétariat révolutionnaire, à l’égard de tous ceux qui voudraient enterrer la politique révolutionnaire dans le musée des antiquités, en mendiant ainsi plus facilement pitié aux pieds de la bourgeoisie.

    Face aux mouvements de masse en lutte contre l’impérialisme, face à la mobilisation ouvrière contre le décret-escroquerie du gouvernement, enfant bâtard de l’accord du 22 janvier, que sont finalement les pleurnicheries coquines de quelques révolutionnaires d’opérette ? Tous ceux là sont déjà en train d’entrer dans les poubelles de l’Histoire.

    Il est nécessaire d’intensifier la lutte contre le gouvernement pour le retrait immédiat de toutes les troupes italiennes du Moyen-Orient,-pour le refus des missiles nucléaires à Comiso, pour faire sortir notre pays de l’OTAN. Il est nécessaire d’étendre la mobilisation de masse et d’avant-garde sur ce programme politique, en unité avec la classe ouvrière et ses luttes et sous la direction du prolétariat révolutionnaire.

    Le scénario que le prolétariat international a en face de lui est très précis : le capital s’apprête à lui faire payer l’addition la plus salée que ce système social est contraint à présenter périodiquement aux masses qu’il exploite et opprime : la guerre.

    Mais un grand mot d’ordre unit tous les exploités : transformer la guerre impérialiste en révolution prolétarienne pour le Communisme !

    Dans le mûrissement accéléré de la crise capitaliste vers la guerre, une occasion exceptionnelle s’offre au prolétariat international : celle de marquer un puissant pas en avant dans le procès global de la révolution prolétarienne mondiale, en conquérant le pouvoir politique dans un ou plusieurs pays capitalistes.

    En particulier, la possibilité de vaincre la bourgeoisie dans les pays capitalistes avancés et d’asséner ainsi un coup de portée décisive à tout l’impérialisme est aujourd’hui complètement mûre.

    Mais pour y parvenir, pour ne pas se trouver impréparés devant la précipitation des événements, il faut développer l’unité objective des luttes du prolétariat du monde entier dans l’unité consciente de son avant-garde communiste.

    Il faut que les communistes de tous les pays se situent résolument sur la voie de la construction de la nouvelle Internationale Communiste, fondée rigoureusement sur les principes du marxisme-léninisme.

    De cela, notre organisation est profondément convaincue et considère qu’il s’agit là d’un objectif historique fondamental et irrévocable à atteindre pour le mouvement communiste international.

    Les Brigades rouges souhaitent et favorisent par tous les moyens à leur disposition la confrontation militante entre communistes de tous pays et se posent, avec la modestie qu’il se doit, mais aussi avec une ferme volonté, comme point de référence de ce processus politique essentiel.

    Unité du prolétariat avec les peuples progressistes dans la lutte contre l’impérialisme !

    Intensifions et organisons la lutte contre la politique belliciste et antiprolétaire du gouvernement Craxi !

    Etendons la mobilisation de masse et d’avant-garde sur ces mots d’ordre : • Retrait immédiat des troupes italiennes du Moyen-Orient ! • Non aux missiles à Comiso et au réarmement ! • L’Italie hors de l’OTAN !

    Février 1984

    Pour le Communisme

    Brigades rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant

    >Sommaire du dossier

  • Noyaux Armés Prolétaires: Premier Communiqué

    [1er octobre 1974.]

    Attention ! Restez à l’écart, cet équipement et cet endroit sont minés et exploseront à la moindre tentative d’interrompre cette communication.

    Camarades prisonnières et prisonniers en taule, cette communication vous est destinée par les Noyaux Armés Prolétaires, qui se sont formés clandestinement en-dehors des prisons, afin de continuer la lutte des prisonniers contre le camp de l’Etat bourgeois et de sa justice.

    C’est un appel à la reprise des luttes dans les prisons, qui nous ont uni avec le prolétariat de 1969 à aujourd’hui.

    Contre le capitalisme violent des entrepreneurs, contre l’Etat des entrepreneurs et son gouvernement.

    La réponse de l’Etat bourgeois à 5 ans de dures luttes a été la répression grandissante et une série de mesures fascistes comme le doublement des détentions préventives, et le creusement définitif de la réforme des prisons, qui est tellement prisée la propagande du gouvernement.

    Le doublement de la durée est supportée par la peau de notre couche prolétarienne, avec l’active participation des révisionnistes.

    Maintenant et venu le moment de montrer que nous ne laisserons aucun répit à l’application de cela ; que notre volonté et notre capacité de lutter n’a malgré tout pas disparu, et qu’en-dehors des prisons les noyaux armés prolétaires sont nés pour cela : soutenir et être au côté des luttes des prisonniers, répondre aux meurtres et aux bains de sang et à la répression de l’Etat.

    Camarades prisonniers prolétaires, pour nos droits, contre la violence de l’Etat dans les prisons, les usines, les quartiers, les écoles et les casernes, contre le renforcement de la répression, révolte générale dans les taules !

    Nous refusons la manière de vivre à laquelle nous force la bourgeoisie au moyen de l’exploitation, de la misère et de l’oppression.

    Nous refusons d’être plus longtemps l’alibi pour les structures policières anti-prolétariennes de l’Etat.

    Camarades, la répression contre nous apporte de l’aide et perfectionne le fascisme des lois de l’Etat, confirme que le pouvoir écrase de ses pieds les droits des prolétaires les plus faibles et se prépare à ainsi à écraser et pulvériser la liberté de tout le prolétariat.

    Nous n’avons pas le choix : ou alors se rebeller, et lutter, ou mourir lentement dans les camps, les ghettos, dans les asiles, auxquelles nous force la société bourgeoise, de la manière violente.

    Contre l’Etat bourgeois, pour son renversement, pour notre contribution au processus révolutionnaire du prolétariat, pour le communisme.

    Révolte générale dans les prisons et lutte armée des noyaux à l’extérieur !

    Révolte et lutte armée comme refus de tolérer la répression, qui devient un génocide social permanent de notre couche prolétarienne.

    Révolte et lutte armée contre l’existence des prisons, et comme réponse à des dizaines d’années de torture, à des centaines de meurtres, qui sont faits sans peur de punition par les bourreaux du système dans les prisons, les asiles, les maisons de redressement.

    Les Noyaux Armés Prolétaires ont comme centre des camarades qui ont supporté la taule, avec une expérience combattante et politique.

    Ils l’ont supporté comme nous, camarades, couchés de force dans les quartiers d’isolement, ils ont supporté les mauvais traitements des geôliers et les tortures des prisons psychiatriques, et ils n’ont pas oublié !

    Camarades prisonniers, les crimes des larbins de l’Etat qui torturent ne seront plus impunis : aux bourreaux fascistes, aux exécuteurs de la répression des taules et des asiles, nous ferons le procès, ils seront condamnés selon la justice prolétarienne.

    Contre toutes les violences qu’endurent les prolétaires emprisonnés, nous devons répondre avec le seul slogan de classe dans toutes les situations d’oppression et d’exploitation du prolétariat : la reprise de notre lutte de masse !

    Hors des taules ceux qui luttent pour le communisme, pour les riches les cloaques.

    Contre le fascise de l’Etat, la violence organisée du prolétariat emprisonné !

    Camarades, n’oubliez pas que les fascistes sont les mêmes porcs qui réclament avec acharnement le rétablissement de la peine de mort, la revalorisation générale des peines de leur infâme code pénal, des traitements durs dans les taules, et ils font toujours les premières propositions les plus réactionnaires et liberticides.

    Camarades, n’oubliez pas cela chez ceux qui sont proches de vous, isolé, et tapez les fascistes, et souvenez-vous que nos bourreaux sont aussi les matons, la police, les vigiles et les capitalistes.

    Camarades prisonniers, dans cette phase de la lutte de tout le prolétariat contre le pouvoir bourgeois, qui tente de réaliser sa plus haute tentative réactionnaire et anti-prolétaire, dans la mesure où il entreprend une attaque à la base des conditions de vie et des libertés prolétaires dans les usines et les quartiers d’habitation, dans le cadre d’une crise économique et politique de l’impérialisme mondial, dans la mesure où le chômage s’accroît, où la répression et la police se renforcent, et en conséquence le nombre de prolétaires emprisonnés s’agrandit.

    Cela, notre cadre de lutte, signifie l’unité avec la lutte de tout le prolétariat, et propose de chercher une relation avec un pouvoir victorieux et une stratégie qui voit la classe ouvrière à la tête de la confrontation de toutes les couches du prolétariat.

    Notre plate-forme vise la poursuite de ces buts :

    Lutter contre les lois fascistes comme moment d’unité politique du prolétariat contre un instrument de pouvoir à la base comme conditionnement oppresseur ;

    Lutter pour la démocratisation interne des prisons et pour l’application de réformes radicales qui considèrent le système en entier, la possibilité réelle et effective d’user de ses droits politiques et humains inaliènables que la plate-forme a cité.

    Autogestion, démocratisation, comme aboutissement capable de développement de notre lutte pour les masses emprisonnées, qui ne peuvent passer que dans une pratique de lutte de masses amorphes et instrumentalisables à des masses conscientes de leur droits et devoirs de classe par rapport au processus révolutionnaire général.

    Nos buts immédiats sont :

    Abolition des prisons psychiatriques, qui sont de véritables camps nazis et une vengeance terroriste sur les prolétaires emprisonnés ;

    Abolition des camps de redressement, lieux d’origine de la violence contre la jeunesse prolétaire, qui par leur programme assure au pouvoir bourgeois la continuité de cette délinquance dont elle a à tout prix besoin pour justifier l’appareil policier et la justice d’Etat ;

    Amnistie générale et sans conditions sauf pour la mafia et les bourreaux nazis, comme petit adoucissement des dommages subis avec les lois fascistes ;

    Abolition immédiate de la notion de  » récidiviste  » ;

    Mise en place d’une commission non-parlementaire par des camarades meneurs de luttes d’usine et de quartier, afin d’enquêter sur les tortures, les mauvais traitements et les meurtres qui ont été commis dans les taules et qui continuent à être commis ;

    La vérité sur les camarades exécutés à Florence, et sur le bain de sang que le pouvoir a ordonné à ses bourreaux à Alessandria.

    Camarades, pour la poursuite de ces buts, les Noyaux Armés Prolétaires contribuent dehors par des actions, qui sont toujours plus nécessaires.

    Ces actions de propagande pour les luttes ont été mené par un noyau externe du mouvement des prisonniers.

    Vive le communisme !

    Vive la lutte des prisonniers !

    >Sommaire du dossier

  • Brigades Rouges : la seconde position (1984)

    [Le document suivant consiste en de longs extraits de différents documents italiens d’octobre-novembre 1984, notamment de celui intitulé « Une bataille politique importante au sein de l’avant-garde révolutionnaire italienne ».

    Tous appartiennent au courant de la « seconde position », regroupant une partie significative des Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant (br-pcc) : environ un tiers des militants, la majorité de la direction.

    Les « militants de la seconde position » à l’origine de ces textes expriment leur opposition à la majorité (la « première » position) au sujet de l’interprétation de la nature des Brigades Rouges.

    Une première tentative de « dépassement » avait déjà eu lieu dans un sens de la « guerre sociale totale », prônée par le Parti Guérilla du Prolétariat Métropolitain, théorisée notamment dans Gouttes de soleil dans la cité des spectres, de Renato Curcio et Alberto Franceschini. L’effondrement de ce courant fut extrêmement rapide.

    La seconde position tente pareillement un « dépassement », mais dans un sens pragmatique-machiavélique, le parti clandestin fonctionnant selon des normes, des principes, des méthodes qui forment son identité, et étant résolument séparé des masses en raison de la différence du niveau de conscience.

    C’est une réduction du Parti à une technique et la révolution à une méthode, et inversement.

    Pour cette raison, la seconde position considère comme erronée l’interprétation d’un Parti comme expression synthétique de l’antagonisme vivant dans le prolétariat, interprétation qu’elle lit comme une dégradation utilitariste du Parti.

    Elle rejette par conséquent l’insistance mise sur le Parti comme fruit de la rupture subjective dans le cadre d’un système capitaliste asséchant autant que possible l’antagonisme.

    Elle n’admet pas que cette subjectivité soit en mesure de s’élever jusqu’à un positionnement antagonique au cœur de de ce qui serait alors un système formant le processus révolutionnaire, comme mouvement anti-système.

    La seconde position donnera naissance à l’UdCC, ainsi qu’à une petite structure dénommée Noyau pour la fondation du Parti Communiste Combattant rejetant l’UdCC comme aventuriste.

    L’UdCC s’effondrera dans la seconde partie des années 1980, le Noyau cédant la place à la Cellule pour la constitution du Parti Communiste Combattant, qui aboutira à la formation d’un Parti Communiste Politico-Militaire au début des années 2000.]

    Dans cette phase du rapport révolution / contre-révolution, le processus révolutionnaire ininterrompu en étapes signifie que le processus révolutionnaire s’ouvre avec les forces révolutionnaires ayant obtenu leur maturité dans les luttes, qui sont prêtes, à se confronter immédiatement avec l’État.

    La lutte armée n’est plus la dernière forme de lutte, qui serait propre à la phase finale de la confrontation, mais une stratégie politico-militaire, qui conduit, dans cette époque historique, la révolution prolétarienne du début à la fin.

    La forme de l’attaque « finale » contre l’État n’est en fait plus un problème actuel, à moins qu’on ne veuille l’inventer (…).

    L’erreur principale de l’Organisation et son abandon du marxisme-léninisme peuvent être résumés dans la perte de substance des trois moments centraux qui distinguent les BR du « combattisme » des années 1970 :

    1. La question de l’État, 2. la question du Parti et 3. la centralité de la classe ouvrière.

    La conception du Parti en particulier, de se construire parallèlement et en même temps aux organismes révolutionnaires de masse, nie l’essence du principe léniniste du Parti comme unité de l’avant-garde et de la conscience, qui se situe à l’extérieur du prolétariat (…).

    Il appartient au Parti de trouver et d’indiquer les objectifs vers lesquelles tendent la lutte et la lutte armée, et les étapes qui doivent être atteintes.

    Plus précisément, il s’agit d’indiquer les points focaux politiques principaux où se concentrent momentanément le caractère antagonique entre la classe et l’État.

    Le programme doit prévoir la modification des rapports de force, la désarticulation des projets dominants de la bourgeoisie, l’Organisation de l’avant-garde révolutionnaire pour la stratégie du Parti, la conquête de l’antagonisme pour le programme révolutionnaire, et par la pratique, qui s’évalue par rapport aux succès concrets, dans la mesure où il s’agit de la pratique de la direction de l’avant-garde et de la classe que d’utiliser politiquement et militairement les contradictions et les failles de l’ennemi.

    En ce qui concerne la bourgeoisie, il est facile de comprendre que c’est son projet central que de faire avancer, avec le meilleur résultat possible d’une paix sociale atteignable, son projet (redéfinition pour le renforcement du pouvoir du gouvernement, redéfinition politique, économique et militaire du caractère du rapport classe / État, des relations avec les syndicats jusqu’aux réformes institutionnelles, afin de mettre en œuvre la « rénovation » et l’intégration réorganisée dans le champ impérialiste (…).

    L’Italie est un pays impérialiste et les principales classes en quoi notre société se partage sont la bourgeoisie et le prolétariat ; la dictature de la classe bourgeoise sur le prolétariat a la forme d’une démocratie parlementaire, qui s’appuie sur des élections générales.

    La nature de l’étape de notre révolution est par conséquent la révolution prolétarienne et la seule classe sociale intéressée à cela est exclusivement le prolétariat ; pour cette raison, le prolétariat et son parti révolutionnaire ne peut pas faire d’union avec d’autres classes ou d’autres fractions de classe, car ils doivent profiter de chaque occasion afin de former une hégémonie de la classe prolétarienne sur les fractions de classe ou groupes sociaux hésitants ou instables (…).

    Les principaux points de référence pour la révolution prolétarienne restent comme auparavant la Commune de Paris et avant tout la révolution prolétarienne d’Octobre 1917 en Russie.

    Les reculs momentanés de la révolution en URSS ne portent atteinte en rien la valeur des leçons provenant de cette expérience.

    Une attention particulière doit de plus être porté sur l’expérience de l’Internationale Communiste dans les pays impérialistes et en particulier en Allemagne de 1919 à 1933.

    Dans les pays impérialistes et dans la situation historique présente, le vide en théorie politique qui existe essentiellement dans le mouvement communiste depuis la dissolution de l’Internationale Communiste, ne peut être dépassé que par un approfondissement théorique et pratique des leçons de la pensée révolutionnaire spécifiquement léniniste (…).

    S’il est nécessaire de soumettre à la critique l’aspect négative de la théorie du soulèvement de l’Internationale Communiste, est également expressément à rejeter la théorie de la « guerre de classe de longue durée », qui avec différentes variantes est celle de toutes les expériences de la guérilla urbaine communiste.

    Dans les pays impérialistes, pour une longue période, c’est la dimension des luttes de classe qui l’emportent et la tâche principale du Parti marxiste révolutionnaire est et reste d’amener à un niveau plus élevé la conscience et l’organisation révolutionnaire des masses (…).

    Il doit être affirmé très clairement que la lutte armée n’est pas une stratégie, ce n’est qu’une méthode décisive de lutte dans les mains du Parti Communiste Combattant, depuis le début du processus révolutionnaire.

    La raison pour laquelle le Parti promeut les initiatives combattantes est l’éducation des masses à l’idée de la nécessité de la confrontation violente avec la bourgeoisie, et en même temps de préparer les conditions militaires pour la victoire de la révolution.

    Autrement dit, le Parti utilise parmi ses méthodes de lutte la lutte armée, afin de remanier au profit du prolétariat les lois de la politique suivant les lois de la guerre, dès que la situation révolutionnaire commence (…).

    La lutte armée doit, pour cette raison, se rapporter aux grandes questions politiques et sociales au centre de la vie de notre pays et ne peut pas anticiper les périodes objectives de la révolution, même s’il en est un élément subjectif important de ces périodes.

    La seule vraie stratégie dans les mains du prolétariat, c’est, une fois pour toutes, le marxisme-léninisme.

    Il est pour cette raison nécessaire de repenser la vision que les Brigades Rouges avaient de la politique révolutionnaire (…).

    Deux ans et demi après la défaite de 1982, un bilan autocritique de notre expérience n’est pas que nécessaire, mais aussi possible, afin de réaliser une théorie et une pratique révolutionnaires qui ont connu leur maturité au milieu de la confrontation, y compris avec les erreurs commises (…).

    Les Brigades Rouges sont apparues en Italie après vingt années de paix sociale relative, caractérisée par le cycle de diffusion du capital après la seconde guerre mondiale et par l’administration révisionniste de l’antagonisme prolétarien, qui vise à continuer une situation de réconciliation entre les intérêts de classe, qui lui permet une légitimation de sa position comme force politique « démocratique », qui puisse progressivement se placer dans les rangs des forces gouvernementales (…).

    La diffusion, la maturité, la durée et le caractère prolétarien fortement marqué, qui se sont exprimés dans notre pays dans ce cycle de lutte, forment la condition pour la formation d’un mouvement révolutionnaire large (…).

    Dans cette situation, les Brigades Rouges ont réalisé la rupture historique concrète tant avec le pacifisme qu’avec le vélléitarisme de groupes et les postures ML impotentes, et ont placé en pratique sur un plan marxiste-léniniste la substance de l’alternative prolétarienne révolutionnaire contre le système bourgeois des partis – malgré des limites évidentes d’une expérience venant de se former.

    Et elles firent cela avec la proposition stratégique de lutte armée pour le communisme, comme condition imprescriptible dans cette époque historique, pour mener la politique révolutionnaire, pour fournir aux luttes de masses une perspective et une percée qui ait du succès (…).

    L’état de pacification que la bourgeoisie a assuré dans les pays les plus forts de la chaîne [impérialiste] est la preuve la plus claire de comment la résolution des vagues et des cycles de lutte antagoniques, y compris violentes, est possible sur une base économique à l’intérieur d’un cadre d’union avec les besoins capitalistes et les besoins bourgeois.

    Et cela, malgré que les faits concrets prouvent bien quel futur l’impérialisme a à proposer au prolétariat international : une nouvelle guerre mondiale.

    Dans ce cadre, la lutte armée pour le communisme n’est pas un moyen de propagande, afin de pouvoir être mené ensuite, ce n’est pas la dernière forme de lutte, qui est propre à la phase finale de la confrontation, mais c’est la stratégie qui du début à la fin conduit la confrontation nécessairement prolongée avec l’appareil d’État bourgeois (…).

    Une grande clarté est nécessaire : ce n’est pas la lutte armée pour le communisme qui a été vaincu en Italie, mais ses concepts idéalistes et ses conceptions « immédiatistes », qui l’ont emporté dans le mouvement révolutionnaire et même à l’intérieur des Brigades Rouges (…).

    L’adéquation d’une structure stratégique et de la construction de cadres du parti ne peut pas être évaluée selon sa pureté théorique abstraite, mais vérifiée par l’ancrage des principes marxistes-léninistes vérifiés et vérifiables dans la pratique concrète du processus révolutionnaire, dans la compréhension et dans la capacité d’utilisation du critère prolétarien et révolutionnaire de critique – autocritique – transformation (…).

    La formation d’un mouvement révolutionnaire ne va pas de paire avec la conquête de l’ensemble du prolétariat pour les objectifs de la guerre de classe.

    Si c’est le cas, c’est le but de la phase de la dictature du prolétariat et du renforcement de l’État prolétarien, lorsque les masses, l’ensemble du prolétariat, sont impliqués dans la continuation de la lutte de classe.

    Cela, parce que le mouvement prolétarien ne se conçoit pas comme unité, mais comme résultat de différents niveaux de conscience, qui ne se recoupent pas et ne doivent ainsi pas être aplanis et être remplaçables les uns par les autres.

    Le critère général est qu’un Parti doit avoir une influence profonde sur les dynamiques de la lutte des classes, à l’intérieur de l’ensemble du prolétariat par conséquent, mais comme il représente son élément conscient et organisé, il ne peut pas aplanir ses propositions au niveau moyen atteint par les « masses combattantes », mais fixe le niveau le plus mature comme base réelle, sur laquelle le développement du processus révolutionnaire de la classe est possible et nécessaire (…).

    Les étapes avec lesquelles se divisent la guerre révolutionnaire dans la métropole dépendent par conséquent de l’ensemble des nécessités politiques, qui sont conditionnées par l’activité dynamique de l’avant-garde / la lutte des masses / l’État contre-révolutionnaire, et pas par la « capacité de feu » que les avant-gardes sont en mesure d’exercer, ni par la violence exercée par les masses.

    Justement comme la lutte armée n’est pas un instrument, il est nécessaire d’en arriver aux buts généraux pour l’ensemble de la classe qui permettent de « calibrer » et de régler l’activité de la lutte.

    Et cela est encore plus vrai dans les pays impérialistes, en raison des propriétés structurelles dans lesquelles se manifestent la confrontation de classe (…).

    Une autre propriété fixée de la guerre de classe dans les pays impérialistes est qu’elle se déroule au cœur de la domination bourgeoise, c’est-à-dire qu’elle vit et se développe dans les métropoles.

    Elle ne se sert pour cette raison pas de processus comme l’encerclement du pouvoir ennemi, comme l’attaque depuis une « base arrière » où elle se replie jusqu’à l’offensive finale.

    C’est-à-dire que ne sont pas possibles, dans les métropoles, les « bases rouges », les zones libérées, où les forces révolutionnaires peuvent exercer un contre-pouvoir réel dans les conditions de rapports de force favorables.

    La lutte armée dans les métropoles, qui vit toujours en « contact étroit » avec la contre-révolution, ne peut pas compter sur « ses territoires », car de par les forces ennemies de plus grand poids, elle serait anéanti en un éclair » (…).

    « Avec sa re-proposition persévérante du Marxisme-Léninisme, les Brigades Rouges ont, par la mise en pratique de la conception de l’attaque au cœur de l’État, gagné une bataille importante contre le spontanéisme armé et accéléré le fait de démasquer le révisionnisme (…).

    De la proposition « conquérir les masses pour la lutte armée » découle le principe idéaliste selon lequel « il n’y a pas de Parti sans organisation révolutionnaire de masse, il n’y a pas d’organisation révolutionnaire de masse sans le Parti ».

    Avec ce principe, la formation du Parti se déforme dans la nécessité d’organiser les masses en même temps sur les terrains politiques, militaires et organisationnels, quelque chose qui est propre aux avant-gardes.

    Ce principe amène à confondre l’organisation révolutionnaire des masses avec le noyau des avant-gardes qui étaient étroitement liées aux Brigades Rouges, se mobilisaient sur les mots d’ordre des Brigades Rouges et apparaissaient dans les domaines ouvriers et prolétariens comme représentation tragique des tâches des avant-gardes révolutionnaires et des masses organisées (…).

    C’est sur les théories nébuleuses et « fascinantes » sur l’époque post-industrielle, sur la fin de la validité de la valeur-travail, sur les travailleurs sociaux, que se fonde l’idéologie entièrement subjectiviste du rejet de la fonction historique du prolétariat métropolitain, du fait de guider le processus révolutionnaire de destruction de l’État et du mode de production capitaliste, où les changements possibles ultra-révolutionnaires sont rêvés comme se produisant dans les rapports de production dominant, et leur validité s’appuyant sur les transgressions violentes de différentes composantes ou subjectivités.

    Avec cette logique, le mode de production capitaliste disparaît tout simplement, et avec lui toute l’ordure des rapports sociaux qu’il a produit. Le rapport entre base et superstructure se renverse et avec cela, c’est la gradualité temporelle nécessaire du processus révolutionnaire qui disparaît (…).

    La tendance à la guerre apparaît comme une nécessité objective, comme contre-tendance principale à la crise de superproduction ; ce n’est en effet que dans la destruction de capital, de force de travail, de marchandises et de forces productives en excès que les vainqueurs peuvent rendre possible un « nouveau développement en grand style », garantir des parts de marché, l’accès aux matières premières, finalement un repartage des marchés et du travail sur la base d’un nouvel ordre économique mondiale, plus favorable au capital le plus fort (…).

    Pour son activité, le Parti révolutionnaire doit entreprendre le renversement du rapport de forces, la désarticulation des principaux projets de la bourgeoisie, l’organisation des avant-gardes révolutionnaires pour mener la stratégie du Parti, la conquête de l’antagonisme pour le programme révolutionnaire ; et cela avec une pratique, qui est évaluée par les succès concrets et qui vise à former des rapports de force favorables momentanés, permettant d’être victorieux et d’avancer sur des positions plus évolué (…).

    Le concept de « social-impérialisme » employé par Mao Zedong pour montrer que l’attitude soviétique était « du socialisme dans les mots et l’impérialisme dans les faits », est inapproprié au sujet au moins de deux aspects :

    1. Cette définition donne à comprendre que l’impérialisme serait une politique, une attitude. Ce n’est pas un hasard que la critique du modèle soviétique se transforme en une critique de la politique extérieure de l’URSS et de son agressivité.

    2. De plus, la définition de Mao Zedong donne comme contradiction principale de la formation soviétique celle entre la structure économique capitaliste et la superstructure idéologique socialiste, ce qui donne une avance à la propagande révisionniste, selon laquelle le passage au communisme serait possible par une révolution technico-scientifique finale et un développement plus grand des forces productives.

    En réalité, les choses sont plus complexes. Le développement capitaliste en URSS devait tenir compte des structures économico-productives héritées de la période révolutionnaire qui, étant donné qu’elles reposaient sur l’étatisation des moyens de production et l’économie planifiée, empêchaient que – tout comme dans les autres pays capitalistes et par conséquent du point de vue capitaliste – que soit atteint le niveau productif et technologique des pays occidentaux (…).

    Nous ne pouvons ici nous confronter avec le problème théorique complexe et la spéculation marxiste-léniniste quant au passage échoué au communisme en URSS et comme en Chine (…).

    Le monde est divisé en deux grands systèmes de rapports impérialistes, qui sont poussés à la confrontation directe par la crise. La tendance à la guerre inter-impérialiste est aujourd’hui la contradiction principale.

    Et précisément l’existence de ces facteurs amène la possibilité de placer la révolution à l’ordre du jour, tout comme la convergence des raisons d’alliance entre le prolétariat international et les peuples en lutte contre la mise impérialiste en esclavage (…).

    En ce sens, il doit être dit qu’en raison de l’acuité de ses contradictions et en raison de la crise de surproduction de la chaîne occidentale sous domination des Etats-Unis, cette chaîne est l’ennemi principal du prolétariat international et des peuples du tiers-monde, parce que les raisons pour sa course à l’armement et une politique agressive sont davantage « vitaux ».

    Cela ne doit pas nous amener à sous-estimer la nature du concurrent et à penser de manière « maligne », quelle qu’elle soit, qu’on pourrait « l’utiliser » pour les objectifs de la révolution prolétarienne (…).

    Nous proposons une conception pour le travail et la discussion, qui reposent sur :

    I. Une mise en participation authentiquement internationaliste des organisations, qui se construit dans l’alliance et la solidarité militante avec tous les peuples et forces progressistes du monde qui luttent contre l’impérialisme.

    II. Travailler à la construction de l’Internationale Communiste, sur le base de définitions précises :

    a) sur la base idéologique et théorique du marxisme-léninisme,

    b) par la reconnaissance du caractère stratégique de la lutte armée pour le communisme, dans l’acceptation de la différenciation de son utilisation selon les conditions sociales-politiques-idéologiques différentes,

    c) avec une redéfinition – en raison des changements révolutionnaires – du champ des Partis Communistes révolutionnaires, qu’ils soient au pouvoir ou pas (…).

    Au début des années 1980, en particulier en 1982, il y a une sévère césure dans la continuité du processus de construction qui s’était déroulé de manière essentiellement sans interruption pendant les dix premières années d’activité de notre organisation.

    De ce difficile test, l’organisation s’en est sortie avec un nombre fortement réduit de membres, puissament affaiblie dans le domaine des moyens politiques et organisationnels à sa disposition, affaiblie en influence et en prestige dans les masses.

    Il s’est avérée de plusieurs parts que la campagne de répression lancée tous azimuts par l’État contre le mouvement révolutionnaire n’a fait que révéler et développer des enchevêtrements et des symptômes d’une crise politique profonde, qui existait déjà avant les tortures, avant la trahison et avant les arrestations de masse.

    Rien qu’un regard superficiel sur ce qui se passe dans les prisons et les tribunaux parmi les prisonniers politiques de notre pays le confirme : à part les véritables traîtres, la large majorité de ceux et celles qui ont été ces dernières années une partie du mouvement révolutionnaire rejettent ses propres choix et souhaitent le début de négociations avec l’État, afin d’être libérés dans un proche avenir.

    Il est désormais vraiment impossible de fermer les yeux sur cette pénitence à Canossa monumentale et en même temps ridicule – tragique d’anciens combattants, qui se courbent devant les pires valeurs de la société bourgeoise, livrent aux masses prolétariennes de notre pays un spectacle déshonorant, dont nous allons payer le prix encore longtemps (…).

    Immédiatement après la libération du général américain Dozier, notre Organisation a considéré comme nécessaire de dresser un bilan profond de tout l’arc de notre expérience et a proposé pour cette raison à l’ensemble du mouvement révolutionnaire la « retraite stratégique », c’est-à-dire la nécessité d’un laps de temps pour, après les coups encaissés, en arriver à une redéfinition générale des avant-gardes révolutionnaires.

    Une fois de plus, l’histoire a pris sur elle de confirmer la validité du principe léniniste, selon lequel on doit évaluer le sérieux d’un parti politique avec sa capacité de se confronter à ses erreurs : nos critiques d’alors de « gauche », en particulier ce pouilleux « Parti-Guérilla du prolétariat métropolitain », qui a prôné et mené des actions militaires éhontées dans toute l’Italie, qui nous accusait de trahir la lutte des classes, a désormais disparu comme force organisée et a découvert dans les prisons, avec retard, l’individualisme, la beauté de la vie sociale et même, comme perle des perles, la religion (…).

    Cette période de réflexion critique générale qui dure depuis 1982 et qui n’a également pas empêche aux Brigades Rouges de lutter à un niveau qui est politiquement et militairement le plus haut de son histoire, en est désormais arrivée à son point décisif.

    Deux positions, qui concernent les problèmes théoriques et politiques importants de l’ordre du jour de nos discussions internes, se confrontent ; on se sépare au sujet des questions de stratégie et de tactique, sur l’évaluation du passé, tout comme sur l’art et la manière de l’activité future.

    Mais pourquoi, pourrait-on se demander, est-ce qu’une organisation décimée par les arrestations et restées pratiquement toute seule dans la lutte avec les armes contre l’État, voudrait encore plus s’affaiblir par une scission interne ?

    De quoi s’agit-il avec ces différences de points de vue ?

    Avec la plus grande ouverture il faut reconnaître qu’avec notre confrontation, il en va de deux conceptions totalement différentes aujourd’hui à l’intérieur des Brigades Rouges, quant au processus révolutionnaire et la tâche de l’avant-garde.

    Une conception se fonde sur l’idée qu’elle croit possible – à partir de l’activité du parti révolutionnaire – de mener une « guerre de classe de longue durée » dans un pays impérialiste comme l’Italie, et c’est une thèse qui, grosso modo, était celle de notre organisation depuis sa fondation et qu’on peut également appeler « stratégie de la lutte armée ».

    L’autre conception, partant d’une évaluation concrète des effets que cette thèse employée a produite dans la réalité italienne (bien entendu les effets positifs comme négatifs) et dans la prise en considération de certaines leçons fondamentales du marxisme et du léninisme, est d’avis que la forme que prend la guerre révolutionnaire dans notre pays est tendanciellement celle de l’insurrection, et que les tâches du Parti consistent à guider les masses, par son activité révolutionnaire, à cette réunion historique.

    Que chaque politique révolutionnaire est essentiellement, mais pas exclusivement, alignée sur la lutte armée.

    On pourrait poser le problème ainsi : considérée de manière essentielle, est-ce que les leçons de la révolution d’octobre dans un pays impérialiste sont encore valables, ou bien les choses se sont-elles développées jusqu’au point où ce serait un effort vain et même contre-productif que de se rapporter à cet événément fondamental ?

    Bref, il en va de la chose suivante : est-ce que la conception que Lénine avait de la révolution doit être approfondie, ou bien au contraire faut-il la dépasser ? (…)

    La thèse affirmée dans le travail suivant est qu’il faut approfondir le léninisme et non pas le dépasser.

    De notre point de vue, la définition connue que Staline donne dans son œuvre « Sur les fondements du léninisme », comme quoi le léninisme est le marxisme de l’époque impérialiste et de la révolution prolétarienne, est totalement valable, également soixante ans après sa formulation.

    L’idée d’une « guerre prolongée », qui est un point cardinal de base pour la révolution de nouvelle démocratie et pour la libération nationale des pays opprimés par l’impérialisme, doit être rejetée par conséquent dans les pays impérialistes, parce qu’elle alimente le subjectivisme et l’aventurisme petit-bourgeois (…).

    En ce qui concerne, aucune activité révolutionnaire se comprenant comme marxiste-léniniste n’est pensable en dehors des Brigades Rouges, car il n’y a que notre Organisation qui est mesure de tirer le bilan scientifique et militant (c’est-à-dire capable de le transformer en pratique révolutionnaire) des contributions et des limites de l’expérience révolutionnaire qui a été faite au cours des années 1970.

    Et qui est capable, avec précision, de savoir quels sont les éléments positifs qui ont été conquises ou sont encore à conquérir dans le patrimoine historique du mouvement communiste international, et de définir clairement les concepts d’une véritable stratégie et tactique révolutionnaires.

    Ici, la leçon principale tirée de l’expérience des années 1970 est celle qui est la source de notre Organisation : que la lutte armée est la partie décisive dans la question de la politique révolutionnaire d’un parti marxiste, également dans une situation non révolutionnaire.

    En second lieu doit être expliqué ce que nous comprenons par approfondissement de la conception léniniste de la révolution et pourquoi nous l’opposons à la ligne théorique et pratique de son dépassement.

    L’application de la théorie de Mao Zedong d’une « guerre populaire prolongée » à la réalité sociale et historique dans les pays impérialistes amène selon nous inévitablement à une distorsion profonde du léninisme, jusqu’à atteindre son noyau dur.

    Cela est de fait facile à montrer et notre historique l’a montré en toute clarté : même si l’on essaie le plus possible d’être de sincères marxistes-léninistes, autant qu’on veuille éviter les schématisations, si l’on veut appliquer cette théorie dans les pays du capitalisme moderne, on en arrive de manière forcée à une optique non-léniniste concernant le rapport conscience – spontanéité et la mise en pratique de la lutte politico-économique.

    On en arrive à sous-estimer le rôle éducateur et politique du parti révolutionnaire et on le transforme, d’un sujet conscient de la lutte pour le pouvoir, en un simple organisateur d’une disponibilité révolutionnaire des masses considérée comme certaine.

    Et finalement, comme on se place à l’extrême du contre-pôle, on renverse l’idée marxiste-léniniste de « l’exception » de la réunion des conditions objectives et subjectives pour les révolutions socialistes prolétariennes, et on assume une sorte de philosophie moderne de la pratique, finalement un héritage raffiné du marxisme « critique » (…).

    En ce sens, la collision politique qui existe aujourd’hui dans notre Organisation se manifeste également comme collision de points de vue théoriques et finalement comme collision de deux méthodologies différentes (…).

    La rupture avec le révisionnisme – et avec le révisionnisme le plus fort en Europe – a pris des caractéristiques de radicalité révolutionnaire et d’enracinement dans la société, qui sont inconnues dans les autres pays : l’Italie a fait l’expérience d’une lutte de classe aiguisée, qui ont modifié de manière profonde certains traits de notre société et ont mis dans les mains du prolétariat une accumulation d’un énorme patrimoine d’expériences, au sujet desquelles il en va de réfléchir et dont il est possible de tirer des leçons utiles (…).

    Nous rejetons la position qui considère qu’il est possible de séparer notre histoire de l’histoire générale du mouvement communiste international, en raison d’une prétendue « originalité » (…).

    S’il est juste que la lutte armée modifie le rapport de forces entre les classes, elle ne réalise cela que dans le sens communiste, parce qu’elle contribue à élever la conscience et l’organisation révolutionnaire.

    Autrement considéré, le problème n’aurait que deux autres solutions et les deux ne sont pas marxistes :

    1. la lutte armée modifie le rapport de force, parce qu’il améliore les conditions de vie des masses : « interprétation réformiste » ;

    2. la lutte armée modifie le rapport de force, parce qu’il renforce le pouvoir des masses : cette interprétation, dans un pays comme l’Italie, où avant la conquête du pouvoir politique le vrai seul pouvoir aux mains des masses consiste en leur conscience et leur organisation révolutionnaire, sous-tend de manière inévitable à la pensée d’un « pouvoir croissant, un contre-pouvoir », un « système de pouvoir », qui n’a ici aucune base concrète à part dans le paradis hospitalier des idéologies dont nous cherchons – péniblement – à nous sortir (…).

    Si l’on se base là-dessus, alors on doit reconnaître, que ces enseignements [de Lénine], appliqués à la réalité italienne de notre époque, une réalité donc qui a évolué par rapport à la Russie de 1917, amènent à ce que la forme que prend la guerre révolutionnaire dans notre pays est tendanciellement celle d’une insurrection.

    Une insurrection il est vrai, qui est celui correspondant à la présente situation, qui se confronte à un Etat qui est autrement et d’une manière supérieure politiquement et militairement que l’État tsariste d’avant 1917, mais c’est toujours une insurrection.

    Et si la polémique entre les représentants de l’insurrection et ceux de la guerre prolongée dérange, alors il faut expliquer que derrière les mots se cache entièrement l’art et la manière avec lesquels est conçu l’activité politique du Parti Communiste Combattant à fonder.

    Bref, cela cache deux manière antagoniques d’interpréter le rapport marxiste entre théorie et pratique (…).

    Que l’on apprécie ou non, la théorie de la guerre prolongée, de la stratégie de la lutte armée, etc., n’est pas une application marxiste-léniniste à la réalité italienne, mais précisément le contraire : c’est la conséquence idéologique d’une pratique considérée comme juste tel un présupposé.

    C’est le triomphe de l’éclectisme sur tout effort visant à aborder le problème de la révolution prolétarienne dans notre pays de manière sérieuse (…).

    En ce sens, la signification historique de l’expérience des Brigades Rouges est d’avoir montré que la question de la lutte armée est une partie du problème de la politique révolutionnaire d’un parti marxiste moderne.

    Que la lutte armée est la méthode de lutte fondamentale et décisive d parti révolutionnaire, qu’elle est également dans une situation non révolutionnaire un excellent moyen pour élever la conscience et l’organisation révolutionnaire des masses exploitées.

    En ce sens et en ce sens seulement, on peut dire que notre expérience est une critique militante aux manques de la théorie de l’insurrection de l’Internationale Communiste : l’Internationale Communiste concevait le soulèvement comme le couronnement militant d’une longue phase d’activités politiques légales qui s’appuyait sur l’action parlementaire ; et du moment où le centre de gravité de l’activité politique s’est déplacée au parlement, le problème du soulèvement a été pratiquement perdu des yeux.

    Autrement dit, les frontières qui séparent la phase politique de la confrontation sociale de la phase militaire, la frontière qui sépare la situation révolutionnaire de la situation non-révolutionnaire, a été considérée comme une séparation, alors que pour la dialectique une frontière n’existe qu’en ce qu’elle met en relation les deux réalités, qui laisse couler l’une dans l’autre et qui forme dans des situations historiques particulières une unité des contraires (…).

    Cependant, le prix payé en tribut au révisionnisme, en ce qui concerne la solidarité théorique avec ce choix [ la lutte armée avec comme objectif la construction parti révolutionnaire moderne], a été haut.

    Dans la tentative de se différencier des pratiques bureaucratiques ou conciliatrices du parti communiste révisionniste, de ce représentant officiel de « l’orthodoxie », beaucoup des arguments théoriques de notre Organisation se sont développés en-dehors du marxisme-léninisme ; même la référence au socialisme scientifique était ambiguë, discontinue, indécise ; les dérapages théoriques étaient la conséquence inévitable de ces contradictions.

    Il s’agit sans conteste de problèmes qu’ont en commun toutes les avant-gardes qui se sont formés dans les pays européens au cours des années 1970 (…).

    La lutte contre l’éclectisme théorique, dont les implications s’étendent sur toute la durée de l’activité révolutionnaire [des Brigades Rouges] est la condition fondamentale pour pouvoir fonder le Parti Communiste Combattant (…).

    La crise économique actuelle est une crise générale du mode de production capitaliste, qui accélère le développement des contradictions dans le monde entier et pressent les puissances impérialistes à l’intensification de la course à l’armement et aux préparatifs de guerre.

    Ainsi se rapproche indubitablement le temps où se mettent violemment en branle les mouvements sociaux et qui est définie comme la grande occasion pour la révolution dans chaque pays.

    Eu égard à cette situation, qui est difficile et compliquée, comme également plein de développement positif potentiel, le mouvement révolutionnaire et progressiste du monde marche séparément et sans aucune direction.

    En particulier, le rôle des véritables communistes, des marxistes-léninistes cohérents, apparaît parfois comme faible et secondaire, et parfois il n’y a même pas une trace d’eux et la lutte des classes et du peuple repose principalement dans les mains des partis révisionnistes, nationalistes et même réactionnaires (…).

    L’interruption du développement en URSS et sa transformation de pays socialiste en pays capitaliste amènent encore aujourd’hui de grands problèmes pour tout révolutionnaire conséquent, en ce qui concerne la compréhension théorique, tout comme de nombreuses difficultés sur le plan pratique (…).

    Ce qui doit être avant tout clair, c’est que l’URSS est une puissance impérialiste. Une puissance impérialiste qui a il est vrai encore des traits de l’époque socialiste en soi, et qui justifie ses actions par une phraséologie marxiste, mais reste pourtant une puissance impérialiste (…).

    La bataille révolutionnaire contre l’impérialisme soviétique et contre les « voies pacifiques nationales au socialisme » des Tito, Togliatti, Thorez, etc. a commencé de manière ouverte et cohérente par Mao Zedong dans les années 1960.

    Au cours de cette bataille, Mao Zedong a fourni une première interprétation valable sur les événements en URSS et est entre autre parvenu à la définition de la théorie de la continuation de la révolution dans le cadre de la dictature du prolétariat, et à une analyse profonde et scientifique du rôle de la contradiction dans la période séparant le capitalisme du communisme.

    La vision des problèmes du socialisme, en plus d’être un critère irremplaçable pour la formation d’un jugement dans l’évaluation de l’expérience soviétique, a été mis en pratique et vérifiée par Mao Zedong et les éléments révolutionnaires à l’intérieur du Parti Communiste de Chine durant la grande révolution culturelle (…).

    Ce qui est clair dans notre esprit et doit être explicite, est que la contribution effectuée par Mao Zedong quant à la question révolutionnaire et la guerre populaire prolongée dans les pays opprimés par l’impérialisme, celle des écrits sur le matérialisme dialectique et celui déjà cité sur la continuation de la lutte des classes dans le socialisme, restent un approfondissement fondamental du marxisme-léninisme et sont à ce titre à défendre et à utiliser dans la continuation du développement critique pour le mouvement communiste international (…).

    De notre point de vue, il doit être expliqué que sont en dehors de ce processus [révolutionnaire], de manière catégorique et sans appel, tous les groupements « marxistes-léninistes » dont le dogmatisme est le meilleur alibi pour ne rien faire.

    Tout comme une bataille politique intense doit être menée contre les forces – comme Action Directe et la RAF, etc. – qui, bien qu’elles combattent leur propre bourgeoisie de manière armée, ne reconnaissent pas la direction du marxisme-léninisme pour leur propre activité (…).

    Etant donné qu’il est fixé que la révolution ne peut qu’être violente, il s’en conclut que la situation révolutionnaire tend à définir la guerre civile.

    La guerre civile peut se caractériser comme guerre révolutionnaire, lorsque les idées ou thèses révolutionnaires existent et sont prises par les masses opprimées.

    Par guerre révolutionnaire, nous entendons la situation sociale où l’élément militaire prédomine sur les autres dans la confrontation de classe ; naturellement, les événements restent également, dans la situation de la guerre révolutionnaire, défini par la situation existante entre la bourgeoisie et le prolétariat : notre société est divisée en classes, donc chaque phénomène a un caractère de classe précis.

    Nous rejetons catégoriquement toute autre interprétation du concept de guerre révolutionnaire : la guerre révolutionnaire, pour être elle-même, doit se baser sur les masses, doit comprendre les masses sur le terrain de l’affrontement militaire (…).

    Le but direct du parti marxiste révolutionnaire qui repose sur la théorie du socialisme scientifique est la conquête du pouvoir politique et la destruction violente de l’État bourgeois par les masses prolétariennes.

    C’est pourquoi le but direct du parti marxiste révolutionnaire est concrètement l’insurrection armée des masses prolétariennes contre l’État bourgeois.

    Les masses prolétariennes ne sont pas en mesure d’en arriver par leur mouvement spontané à la conscience du caractère inconciliable de l’antagonisme entre leurs intérêts et ceux de l’Établissement social et politique d’aujourd’hui : cette conscience ne peut provenir que de l’extérieur et seul le parti marxiste révolutionnaire peut remplir ce rôle.

    Il doit être expliqué qu’à l’intérieur de la société capitaliste, il n’existe pas de réel pouvoir du prolétariat, et que le seul véritable pouvoir dont dispose le prolétariat, c’est sa conscience révolutionnaire (…).

    L’expérience pratique de ces quinze dernières années dans notre pays nous enseigne que la méthode décisive de la lutte politique communiste du Parti du prolétariat est la lutte armée (…). Le Parti Communiste qui fait utilisation des armes ne peut être que combattant et par conséquent un parti clandestin.

    Chaque militant doit, comme cadre du Parti Communiste Combattant, être prêt à la lutte et vérifié dans le cadre des besoins du Parti sur ce terrain (…).

    L’initiative du combat (dans une situation non-révolutionnaire) n’est pas une « action de guerre », mais une action fondamentalement politique qui, dans la mesure où elle s’exprime par l’utilisation des armes, amène naturellement des conséquences particulières, que le Parti doit prendre en compte avec le plus grand sens des responsabilités, mais également avec une détermination absolue.

    Bien que soit considéré le concept de « stratégie » dans d’une « perspective générale que le Parti a du processus révolutionnaire et de comment la conquête du pouvoir politique est à obtenir », la lutte armée n’est pas une stratégie : c’est une méthode de lutte décisive de la politique révolutionnaire du parti marxiste, également dans la situation non-révolutionnaire (…).

    Les camarades de la « première » position disent essentiellement : le soulèvement armé ne se pose pas, pour trois raisons : entre autres, parce que le système démocratique bourgeois est en mesure d’absorber les initiatives antagonistes de la lutte de classe, des « institutionnaliser ».

    Ensuite, parce qu’il y a la contre-révolution préventive. Troisièmement, parce qu’il y a une énorme dépendance mutuelle entre les bourgeoisie des différents pays, dont les forces militaires sont prêtes à se coaliser contre d’éventuelles poussées révolutionnaires.

    C’est pourquoi, continuent les camarades, il est « possible et nécessaire » de commencer le processus de la guerre prolongée et d’ainsi engager la phase révolutionnaire et, par l’activité politico-militaire des avant-gardes, de viser à ce que soit atteint l’étape du « développement de la guerre de classe » dans une dynamique marquée par des « sauts et ruptures » continus (…).

    Si, cependant, la « contre-révolution préventive » (qui n’est rien d’autre que l’expression concrète de la conscience relative, que la bourgeoisie et sa force politique organisée, l’État, ont de la lutte des classes et de ses possibles développements) est conçue comme « constante structurelle fixe » de l’action de l’État, et même comme capacité de destruction « la légitimité même de la révolution prolétarienne », et si l »action communiste en soi ouvre la « phase révolutionnaire » et commence une « guerre », qui même s’il se veut particulier a en tout cas la « particularité » de n’exister que dans la volonté subjective des combattants, alors il faut reconnaître que les camarades de la « première » position interprètent le matérialisme d’une manière – comment dire – légère, et se présentent la lutte de classe comme lutte entre des sujets entièrement conscients et l’activité communiste comme étant en mesure de « décider » comme elle l’entend du déroulement de la révolution.

    Un peu comme dans les « war games » !

    Bref, la vision que nous propose la « première » position sur le processus révolutionnaire est volontariste dans ses motivations, aventurière dans ses conclusions politiques et idéaliste-subjectiviste sur le plan théorique.

    C’est justement la critique du subjectivisme qui est le socle pour la vision d’ensemble que la « seconde position » propose quant à notre révolution (…).

    En fin de compte, la signification sur le plan du contenu de la polémique « guerre prolongée – insurrection armée » est celle d’un choc entre idéalisme et matérialisme (…).

    Il ne devrait pas être difficile de remarquer qu’entre les deux positions il y a constamment une polémique quant à la question absolument importante : la fonction des avant-gardes communistes aujourd’hui est-elle « d’éduquer » les masses, d’élever leur conscience et leur organisation, ou bien est-elle autre ?

    Les camarades de la « première » position se débarrassent de la question dans la mesure où ils prétendent que « il n’en va pas du problème de la transmission de la conscience des communistes aux masses dans leur ensemble, mais de la nécessité et la possibilité de l’existence d’une politique révolutionnaire en soi ».

    Et pendant qu’ils présentent leurs réflexions, ils résument souvent nos positions comme ridicules, les définissant comme « dépassées », « dogmatiques », « étrangères aux expériences des Brigades Rouges », etc. (…).

    Nous avons déjà eu l’occasion de constater qu’avec cette manière de considérer les choses [propres à la première position], les communistes ne guident pas la révolution, mais la font, ou mieux : les communistes sont la révolution (…).

    Selon nous, et nous prenons le risque d’apparaître impopulaires, l’un des grands mérites des Brigades Rouges est précisément de s’être « coupées » des masses, de s’être élevé plus haut que le niveau de conscience et d’organisation des masses, en tant que force marxiste révolutionnaire.

    Ce n’est qu’en se « coupant » des masses que les Brigades Rouges ont pu apparaître en 1970 et ce n’est qu’en restant coupées des masses qu’elles ont pu imposer la lutte armée dans notre pays, qu’elles ont pu prendre Aldo Moro en otage et le juger, qu’elles ont pu concrètement conquérir la grosseur d’un Parti révolutionnaire (…).

    [Les partisans de la première position disent:] « Le système démocratique bourgeois (…) a posé et pose de nouveaux problèmes en rapport avec la signification accrue que l’élément subjectif prend dans la dialectique / l’objectivité. »

    C’est là « l’utilisation » la plus claire, la plus démasquée et finale qu’il est possible d’avoir du subjectivisme (…).

    Ainsi apparaissent deux visions totalement différentes de l’histoire : la « première » position considère la lutte armée comme stratégie, la « seconde » position définit la lutte armée comme méthode décisive de la lutte politique du Parti Communiste (…).

    Après la campagne du début de l’année 1978, les Brigades Rouges ont été ainsi obligées de réaliser ce saut qualitatif : passer du niveau de l’Organisation de la propagande armée à celui de Parti révolutionnaire qui fait de la politique par la lutte armée.

    Il est connu que l’orientation prise par l’Organisation alors a été totalement autre : comme elle pensait se situer dans la phase de transition de la propagande armée à la guerre civile se développant, elle a vu dans la mise en participation progressive des masses dans le choc militaire les conditions pour parvenir à la prochaine phase.

    En raison de cette considération s’est développée un débat intéressant et compliqué, qui s’est conclu par la formulation en septembre 1980 d’une ligne politique particulièrement « compacte », dont l’expression la plus complète est aujourd’hui encore dans le livre « L’abeille et le communiste » (…).

    Ce que nous voulons souligner, c’est qu’alors que les Brigades Rouges croyaient en 1980 que le moment était venu d’organiser les masses sur le terrain de la lutte « en partant de leurs besoins », elles se sont tournées vers le principe directeur de la « stratégie » de la lutte armée : étendre autant que possible le choc militaire jusqu’à l’écrasement et la destruction de l’État bourgeois, ériger par étapes un pouvoir alternatif jusqu’au rassemblement des forces nécessaires pour tout écraser.

    C’est exactement de cette décision que les Brigades Rouges ont perdu toujours plus leur caractérisation politique et ont oscillé de manière permanente entre spontanéisme et militarisme (…).

    Et si quelqu’un grimace encore devant le mot « méthode de lutte », il ne fait que donner la meilleure preuve pour sa pauvreté politique et avant tout la substance subjective qu’il trimballe.

    Il n’y a pas de « manière » d’« être » communiste, il n’y a pas à « montrer » le problème, comment on est vraiment révolutionnaire.

    Il y a un Parti Communiste qui utilise des méthodes, des moyens, des formes de lutte et de travail définis, afin de mener sa politique révolutionnaire (…).

    Pour quoi engageons-nous nos énergies ? Cela est rapidement dit avec trois mots d’ordre :

    Réévaluer l’expérience des Brigades Rouges !
    Continuer de manière décidée à mener la lutte armée !
    Fonder le Parti Communiste Combattant !

    Les militants de la « seconde » position
    Novembre 1984

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