Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • La tendance à la guerre sera-t-elle le terrain de la restructuration dans la seconde phase de la seconde crise générale du capitalisme?

    [Crise numéro 9, février 2021]

    La première étape de la crise générale est passée : les États sont intervenus dans l’économie et ont injecté des quantités colossales d’argent : 10 000 milliards de dollars. C’est une somme énorme, alors que l’endettement était déjà une tendance étatique : la même somme avait été injectée entre 2012 et 2019. La dette mondiale des États s’élève désormais à 77 800 milliards de dollars, soit 94 % du PIB mondial.

    Rappelons ici que les ménages ont également, dans les pays impérialistes, une année de PIB de dettes, et qu’il en va de même pour les entreprises.

    Or, cette injection d’argent va avoir un coût, qui va nécessairement être porté par les masses populaires, et d’une double manière.

    En effet, l’injection d’argent a servi à « combler » le manque d’activités. Donc, le capitalisme est censé avoir, sur le papier, continué comme avant, d’une part, et d’autre part prolonger le tir. Or, comme tout a changé, une reprise « normale » n’est pas possible et l’accumulation a été, qui plus est, artificielle.

    Les capitalistes vont chercher à forcer, naturellement, et ce seront les masses populaires qui devront porter ce fardeau.

    L’autre aspect est la question des sommes empruntées par les États pour injecter dans l’économie de quoi tenir. Il faudra rembourser ces sommes, avec intérêt, puisque les États étaient déjà endettés et ne disposaient pas de sommes propres. La dette publique française, c’est 870,6 milliards d’euros en 2000, 1608 dix ans plus tard, 2638 vingt ans plus tard ; la Belgique est elle à 500 milliards d’euros de dette, soit 115 % du PIB.

    Cela implique un poids fiscal toujours plus grand afin de renflouer les caisses étatiques.

    La restructuration : économique ou sociale, économique et sociale ?

    Il existe plusieurs secteurs de la bourgeoisie qui disent qu’il faut geler la dette, laisser l’économie repartir et digérer la dette avec la reprise, tablant sur une croissance sur le long terme. Cela signifierait que l’État maintient son haut niveau d’engagement social et que la restructuration serait surtout dans le cadre des entreprises.

    Pour d’autres secteurs, il faut casser les services sociaux afin de purger la dette de l’État. Il faut libéraliser en masse et laisser le capitalisme d’ailleurs se réorganiser de lui-même, sans forcer les choses.

    Ces deux points de vue sont cependant insuffisant du point de vue du matérialisme historique. Le capitalisme aujourd’hui, c’est en effet désormais le 24 heures sur 24 du capitalisme, avec une production et une consommation présente tout au long de la vie quotidienne.

    Quelqu’un qui publie du contenu personnel sur Facebook contribue à faire vivre cette entreprise sur le plan économique, au moyen des revenus, tout comme quelqu’un qui achète quelque chose sur Amazon fait vivre cette entreprise. Il en va de même bien sûr quand on achète quelque chose chez un commerçant, mais le système est désormais bien plus rôdé, plus rapide, tout circule plus vite. Si l’on regarde bien, un nombre très important d’actes du quotidien exige des achats de marchandises et l’intégration aussi aisée du smartphone dans la société tient beaucoup à cela.

    Il ne faudrait donc pas croire que la restructuration sera seulement économique ou sociale, économique et sociale. Elle concerne le mode de production en lui-même, dans son ensemble. De la même manière que la pandémie est le produit d’un capitalisme déséquilibrant le rapport villes-campagnes, la restructuration va toucher tous les domaines de la vie.

    Les outils pour délimiter le terrain de la restructuration

    Pour comprendre le terrain de la restructuration, il faut saisir le mouvement du capital dans son accumulation. En cernant les aspects de ce mouvement, on aura les outils adéquats pour saisir comment le capital va forcer son accumulation.

    Le mode de production capitaliste consiste en une production de marchandises, donc en du capital investi dans la production, avec un capital plus grand à la sortie de par l’exploitation des travailleurs et la vente des marchandises.

    Il faut donc que les capitalistes soient capables d’accumuler du capital, de l’investir, de disposer d’un appareil productif, de disposer de travailleurs, de disposer d’un circuit de distribution, de voir leurs marchandises vendues.

    Tous ces éléments peuvent connaître une restructuration. Par exemple, afin d’accumuler plus simplement du capital, les capitalistes peuvent faire tomber des barrières. S’ils voient par exemple que l’État interdit le cannabis, mais qu’il y a un moyen d’accumuler du capital pour investir en ce domaine, ils peuvent chercher à faire tomber l’interdiction. Ils peuvent également, dans un autre registre, faire tomber différentes lois empêchant tel et tel capital de s’allier, comme par exemple en permettant aux gens d’investir plus aisément dans des entreprises.

    Afin de disposer d’un appareil productif adéquat, ils peuvent faire en sorte d’avoir des aides de l’État, des commandes de l’État, ou bien pousser l’État à mettre en place le protectionnisme. C’est également une restructuration, car cela renforce la place des capitalistes.

    Il y a bien entendu le fait d’abaisser les salaires, que ce soit directement ou bien en passant par l’inflation, ce dernier aspect étant rendu difficile de par l’existence de l’euro, avec différentes économies imbriquées.

    Il y a le fait de renforcer le circuit de distributions, comme Amazon et les livreurs de plats des restaurants sont de bons exemples. Il y a le fait de multiplier les marchés, par exemple en renforçant la dimension communautaire afin de multiplier les types de consommation, de pousser à la consommation justement en raison d’une « mode » se définissant selon des critères identitaires.

    Bref, le capitalisme est plein de ressources, mais là n’est au sens strict pas la vraie question de la restructuration au sens strict.

    La question de la nature particulière de la restructuration dans le cadre de la seconde crise générale du capitalisme

    Pour comprendre ce qu’est la restructuration, il faut bien saisir que c’est une réorganisation des rapports entre bourgeoisie et prolétariat, dans le sens d’un renforcement de l’exploitation. Il va de soi que la restructuration, dans les faits, va se dérouler aux différents moments du processus de production et de consommation capitalistes. Cependant, tout ce qui a été défini jusque-là ne consiste en strictement rien d’original : les capitalistes ont toujours voulu faire en sorte que les salaires soient plus bas, que l’État fournisse des aides, que les marchés soient plus étendus, etc.

    Or, on parle de la seconde crise générale du capitalisme et il faut bien que la restructuration soit quelque chose qui soit en phase avec celle-ci. Cela ne saurait être une restructuration simplement plus poussée, quantitativement plus forte. Il faut que sur le plan qualitatif, on voit une différence.

    Il faut bien comprendre qu’on parle d’une question extrêmement difficile. Lors de la première crise générale du capitalisme, il y a eu d’énormes difficultés pour aboutir à une réponse correcte. Il y a ici un enseignement qu’il faut connaître, afin d’avoir une approche correcte. Ce qui est en jeu, c’est une lecture adéquate du profil même de la restructuration.

    Ce question du profil est absolument essentiel.

    La restructuration dans le cadre de la première crise générale du capitalisme

    Lorsque s’est produit la révolution russe d’Octobre 1917, alors que la guerre impérialiste avait épuisé la plupart des pays capitalistes, Lénine et les bolcheviks ont parlé de première crise générale du capitalisme. Ils considéraient que le capitalisme s’effondrerait à court terme et ils ont fondé l’Internationale Communiste afin d’organiser la vague révolutionnaire.

    Puis, voyant que le processus connaissait un tempo non linéaire, ils ont constaté qu’il y avait une stabilisation relative, accompagnée de soubresauts, puis d’une reprise de la vague révolutionnaire, puis d’une période de stabilisation relative, etc. Les analystes se cassaient la tête pour évaluer la situation et l’Internationale Communiste décidait ensuite des orientations à prendre dans chaque pays, selon les estimations de la situation générale et particulière.

    Très vite toutefois, c’est le thème de la guerre impérialiste qui a pris le dessus sur la question de la restructuration. La France, la Grande-Bretagne, mais surtout l’Italie et l’Allemagne ont procédé à une restructuration allant dans le sens de la guerre impérialiste. Il est bien connu que l’Allemagne nazie a réorganisé profondément le pays en appuyant un capitalisme monopoliste, permettant un assainissement relatif mais au moyen d’une tendance à la guerre. La restructuration a donc fonctionné, paralysant les masses, au prix d’une guerre que les masses ont vu arriver trop tard. Le drame allemand est qu’en plus les terribles réussites allemandes du début de la guerre ont encore plus galvanisé dans le sens du nazisme.

    La restructuration passe-t-elle par la guerre impérialiste ?

    La question se pose alors de la manière suivante : la restructuration dans le sens de la guerre impérialiste est-elle inévitable ? Ne doit-on pas même considérer que la restructuration implique, dans sa définition même, la tendance à la guerre impérialiste ?

    Il est très important de saisir cela, car l’axe principal n’est pas le même. Dans le premier cas, il y a avant tout une restructuration capitaliste et, à côté, un renforcement de la compétition capitaliste. Dans ce cadre, les États sont appelés à la rescousse puis directement utilisés. La guerre apparaît alors comme une possibilité à côté de la restructuration, comme réalisation de la restructuration si celle-ci ne parvient pas à atteindre un résultat suffisant.

    Dans le second cas, la restructuration n’est qu’un accompagnement d’une marche à la guerre qui est immanente au capitalisme. Il y a une restructuration, car c’est inévitable de par la crise. Mais il y a surtout une bataille pour le repartage du monde, parce que la situation ne peut nullement rester la même, qu’il faut trouver un moyen d’accumuler et que cela ne peut, de toutes façons, qu’être fait aux dépens des autres.

    L’aspect principal consiste-t-il en la restructuration ou en la bataille pour le repartage du monde ?

    Il n’est nullement question de séparer abstraitement la restructuration de la guerre impérialiste. Après 1918, les socialistes ont fait l’erreur de penser que la guerre était évitable et que la restructuration devait être à la fois combattue et travaillée de l’intérieur, comme si le capitalisme allait miraculeusement se transformer en socialisme. Une autre erreur a été celle des courants gauchistes réfutant de lutter contre la restructuration, en disant que de toutes façons la révolution était immédiatement à l’ordre du jour.

    La véritable approche ne peut être qu’en la compréhension dialectique entre la restructuration et la guerre impérialiste. Et la contradiction entre les deux pôles que sont restructuration et guerre impérialiste, c’est la politique. Or, pour la bourgeoisie, la politique, c’est l’État. Le véritable lieu de la restructuration, c’est l’État.

    L’État comme terrain véritable de la restructuration

    La bourgeoisie est la classe dominante ; dans les luttes de classes, le rapport de force est condensé sous la forme de l’État bourgeois. Cela signifie que le premier terrain de la restructuration, c’est l’État. La bourgeoisie va chercher à redéfinir ses rapports aux masses populaires, en restructurant tous ses rapports avec elle, depuis les impôts jusqu’à la police, en passant par les syndicats.

    La bourgeoisie va chercher à former, à tous les niveaux, un pacte corporatiste afin de soumettre les masses populaires au préalable divisées.

    Inversement, la classe ouvrière est la classe opprimée. De ce fait, c’est par la recomposition de la classe que se condense, de manière inversée à la bourgeoisie, le rapport de force devant aboutir à l’État socialiste. Cette recomposition a comme substance l’autonomie prolétarienne, le refus de tout ce qui sert le pacte corporatiste que la bourgeoisie veut mettre en place.

    Mais ce n’est pas tout : l’appareil d’État connaît également de profondes modifications.

    L’appareil d’État et sa modification dans la tendance à la guerre

    Ce qui se passe, dialectiquement, c’est que certains secteurs capitalistes profitent avant tout de la restructuration, tandis que d’autres profitent avant tout de la tendance à la guerre, parce qu’ils ont déjà atteint un niveau monopoliste tellement parasitaire que la restructuration devient secondaire pour eux. Or, ce sont les secteurs monopolistes qui tendent à l’emporter, et avec eux la tendance à la guerre.

    Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de restructuration en général. Mais les monopoles partent à la conquête de l’État, ils en prennent le contrôle, avec comme but un capitalisme monopoliste d’État comme force de frappe impérialiste, capable de mobiliser pour la guerre.

    Cela implique que l’appareil d’État va changer de forme et de personnel, afin de se plier toujours plus entièrement aux exigences des monopoles. C’est un aspect essentiel, car cela veut dire que la fascisation accompagne la restructuration de l’État en général.

    C’est là quelque chose de très compliqué, car comme on le sait les réformistes servent la restructuration, mais la restructuration est parallèle à la fascisation. Les réformistes sont pourtant opposés au fascisme, mais ils désarment l’antifascisme en participant à la restructuration.

    Il y a ici quelque chose de particulièrement difficile à appréhender dans les faits et l’Internationale Communiste a eu de grandes difficultés à cerner le double caractère des réformistes.

    Il faut ainsi distinguer entre la restructuration de l’État en général et son appropriation par les monopoles. Et cela implique de rejeter la thèse révisionniste qui, depuis les années 1960, prétend que l’État relèverait déjà d’un « capitalisme monopoliste d’État » post-impérialiste.

  • La fermeture des remontées mécaniques des stations des ski en France, un marqueur de la seconde crise générale du capitalisme

    [Crise numéro 9, février 2021]

    Le tourisme « hivernal » fondé sur les loisirs du ski s’est développé à partir des années 1920-1930. Les congés payés ainsi que le développement de multiples voies ferrées dans les zones montagneuses ont favorisé le développement de ce tourisme. Auparavant utilisé comme un moyen rudimentaire de déplacement par la paysannerie, le ski s’est généralisé comme sport grâce à l’essor des forces productives des années 1960.

    Le coup d’arrêt de mars 2020, ainsi que la perspective d’une « saison blanche » 2020-2021 viennent fermer tout un cycle social, économique, et culturel ouvert dans les montagnes françaises au sortir de la seconde guerre mondiale.

    La massification du ski dans les années 1970

    C’est au sortir de la seconde guerre mondiale que se pose la généralisation du secteur touristique. Il s’ensuit dès les années 1960 une vaste politique de développement de stations de ski, construites de manière ad hoc à moyenne et haute altitudes.

    C’est le « plan neige » lancé par le gaullisme, s’étalant de 1964 à 1977, visant à contre-carrer la prolétarisation des couches paysannes, et donc l’exode rural. L’affaiblissement de l’économie paysanne, principalement des alpages, a été le résultat direct de la concentration de l’agriculture dans les mains de quelques gros capitalistes dominés par la grande distribution.

    C’est la massification du tourisme hivernal liée à la bourgeoisie et aux couches supérieures de la petite-bourgeoisie. La démocratisation du ski est quant à elle plutôt liée au travail social-démocrate des municipalités dirigées par le P.C.F., avec l’organisation de séjours pour les foyers ouvriers dans le cadres de comités d’entreprises, notamment d’entreprises telles que la SNCF, EDF-GDF.

    Massification bourgeoise et relative « démocratisation » peuvent se lire à partir de deux choses culturelles. C’est d’un côté le film populaire « Les bronzés font du ski », de l’autre sa mise en avant pour moderniser l’ancien style bourgeois-conservateur. Cela fait qu’il y a 5,6 millions de français pratiquant le ski alpin, dont plus de 50 % proviennent des villes de plus de 100 000 habitants.

    Si le gaullisme a vu les stations de ski comme une manière d’acheter la paix sociale dans les territoires montagneux, l’aile libérale de la bourgeoisie en a fait une partie intégrante de son life style. Cet élan a commencé dans le cadre de la première crise générale, avec notamment la construction d’hôtels et de chalets de luxe à Megève par Noémie de Rothschild, avec la Société française des Hôtels de Montagne fondée en 1919.

    On a ainsi les images diffusées à la télévision au milieu des années 1970 du président Valéry Giscard d’Estaing dévalant les pentes de plusieurs stations savoyardes, sans bonnet, avec un simple pull-over et des lunettes de soleil classiques.

    Certaines parties des zones montagneuses françaises se sont donc en grande partie développeés sur la base du tourisme hivernal lié à la pratique du ski. Avec l’Autriche et les États-Unis, la France et ses 295 stations, dont 112 sont dans les deux Savoie, sont les trois principaux marchés touristiques du ski dans le monde, suivis ensuite par le Canada, la Suisse, l’Italie et la Slovénie.

    Les années 1970-1980 ont été l’apogée de ce qui fut appelé, à raison, l’or blanc

    Cet essor social et culturel se base évidemment sur toute une infrastructure logistique, allant de l’hôtellerie-restauration en passant par les commerces de location de ski, jusqu’aux écoles de ski alpin. Mais il y a aussi, toutes la production matérielle qui sous-tend cette activité : industrie du ski, des accessoires vestimentaires, des pylônes de remontées mécaniques, etc.

    Les domaines skiables sont de plus en plus concentrés dans des monopoles, que ceux-ci soient de type familial ou de type économique classique.

    On a donc soit la grande famille bourgeoise qui gère un domaine tout en s’accaparant et gérant l’ensemble des ressources d’un village sur le mode du notable rural, avec parfois une délégation de gestion à un groupe spécialisé en la matière comme Labellemontagne (onze stations gérées en France).

    Soit un monopole tel que la gigantesque Compagnie des Alpes, qui a la Caisse des dépôts et consignations comme actionnaire principal.

    Ce monopole gère en partie les fonds de la Compagnie du Mont-Blanc. Elle détient une dizaine de stations françaises comme Val-d’Isère, les Deux Alpes, Serre Chevalier, Flaine, le Grand Massif, Méribel, mais aussi des stations italiennes comme Courmayeur. Elle a également des parts dans La Rosière, Valmorel, Megève, Avoriaz, mais aussi dans les stations suisses de Verbier et Saas Fee. A cela s’ajoute la détention de plusieurs espaces de loisirs et culturels, comme le Futuroscope, le Musée Grévin ou le parc Astérix, des restaurants, plus de 200 magasins de sports.

    Avec un bénéfice net de 47,7 millions d’euros (profits) enregistré en mai 2020, la Compagnie des Alpes a perdu un peu plus de 15 millions d’euros suite au premier confinement du printemps 2020 (62,2 Millions d’euros de bénéfices net en 2018-2019).

    À la suite des premières annonces de non-ouverture des stations de ski en décembre, des tensions sont d’ailleurs apparues entre le monopole CDA et les stations de ski à gestion familliale-notabilière. Ces dernières ont fustigé la CDA pour soutenir une fermeture en décembre car ayant la trésorerie pour encaisser le coup.

    L’hébergement est lui aussi tiré par trois principaux monopoles que sont le « Club Med » avec la possession de 11 villages, « Pierre & Vacances » et ses 6 200 appartements pour 32 500 lits, et « Odalys Vacances », gestionnaire de 128 000 lits et de 257 établissements en France (été/hiver).

    Du côté du matériel, on a également un processus de concentration avec principalement deux monopoles que sont Rossignol et Salomon. Ces deux entreprises sont largement élancées dans les années 1950-1960 dans le sillage des « Plan-neige », raflant aujourd’hui respectivement 25 % et 15 % du marché du ski.

    Du côté des infrastructures, le secteur est d’autant plus concentré qu’il demande des investissements colossaux en capital constant, pour un taux de rotation du capital assez lent.

    On a ainsi pour les remontées mécaniques des monopoles directement lié à leur base nationale : Bartholet pour la Suisse, CCM et Leitner pour l’Italie, Poma et dans une moindre mesure GGM pour la France, Doppelmayr-Garaventa pour l’Autriche et Sky trac pour les États-Unis.

    Au niveau des cabines des téléphériques, le secteur est encore plus concentré avec surtout trois entreprises, filiales des groupes précédents : CWA, filiale suisse de l’autrichien Doppelmayr, Gargloff, filiale de BMF, et Sigma Cabins, filiale de Poma.

    Ces mastodontes entretiennent toute une activité sous-traitante, comme par exemple la demande en câbles électriques et d’acier, des filiales comme l’usine de Doppelmayr à Modane en Savoie, qui emploie une cinquantaine de personnes fixes, les usines Poma en Isère et en Savoie, etc.

    Le tournant des années 1990

    Les années 1990 ont été un moment charnière dans les sports d’hiver et l’industrie touristique.

    Tout d’abord il y a eu l’essor du snowboard, et du ski freestyle, qui a du être absorbé-intégré par les secteurs capitalistes. L’essor du snowboard est en lien direct avec la critique du ski aseptisé par la bourgeoisie, avec son style « guindé ».

    Il fallait pouvoir surfer la neige : c’est ce que propose Jake Burton dès 1979 et qui se généralise progressivement dans les années 1990. Les « snowboarders » ont été très mal vus au départ, avec l’image de punks des neiges, cultivant un entre-soi marginal, alternatif, puisant dans le vie de « saisonniers », souvent vivant en camions aménagés, etc.

    Évidemment, les secteurs capitalistes sont parvenus, sans grande difficultés, à intégrer tout cela dans sa machinerie d’accumulation. Il a fallu investir dans de nouveaux moyens de production, former de nouveaux ingénieurs, etc.

    Ce qui va apparaître comme un obstacle objectif, lié ici directement à la seconde crise générale, c’est bien évidemment le réchauffement climatique.

    L’hiver 1963-1964 avait déjà rappelé la réalité à la bourgeoisie : l’économie du ski est conditionnée à un important aléa climatique. Mais ce sont les hivers « sans neige » de 1988-1989, 1992-1993 puis 2006-2007 qui vont faire basculer les mentalités.

    Tout cela a engendré une baisse progressive des volumes de production à partir de la fin des années 1990. À cela s’est ajouté un tassement des marchés asiatiques, principalement celui du Japon, dans le cadre des crises économiques régionales de 1997-1998.

    C’est le moment de la restructuration pour les équipementiers, exprimant en fait la baisse tendancielle du taux de profit dans le secteur. On est loin de l’artisan-menuisier, travaillant le bois pour fabriquer des skis, avec des nouvelles technologies, des nouvelles matières, plus d’automation, etc.

    Salomon a ainsi été racheté par le groupe finlandais Amer Sports en 1997 à la suite de sa vente par Adidas. En 2008, son dernier site de production de ski à Rumilly en Haute-Savoie est fermé.

    Rossignol a quant lui été racheté en 2005 par le groupe américain Quicksilver, avec une série de suppressions d’emplois, avant d’être revendu à fonds australien Macquarie & Jarden courant 2008. En 2013, c’est le fonds norvégien Altor qui rachète finalement le groupe Rossignol.

    Depuis les dernières années, ces équipementiers ont cherché à diversifier leur production dans le domaine des loisirs estivaux (trails, randonnées, vtt, etc.), mais cela ne va pas suffire à faire face à l’ampleur de la dégringolade liée à la crise sanitaire de 2020-2021.

    Du côté des stations de ski, il y a eu investissement massif dans les canons à neige. Auparavant limités à telle ou telle grand domaine, et à tel piste exposé à l’adret (plein soleil), les canons à neige ont envahi toutes les stations de ski pendant les années 2000.

    Cela modifie grandement le cycle d’écoulement des eaux, avec des conséquences négatives sur la faune et la flore. Des conflits ont également lieu quant à l’usage des cours d’eau pour les réserves de canons à neige, rendus explosifs avec les sécheresses de plus en plus régulière.

    A ce titre, notons que l’ajout de Pseudomonas syringae pour fabriquer de la neige artificielle malgré des températures positives élevées, porté notamment par la marque Snomax, est interdit dans deux régions autrichiennes ainsi qu’en France. Elle est par contre autorisée en Suisse et aux Etats-Unis.

    Le Pseudomonas syringae est une bactérie qui lorsque la neige artificielle fond, s’attaque et tue certains végétaux de l’intérieur. Les tensions produites par la seconde crise générale du capitalisme, sur fond de réchauffement climatique, pourrait rabattre les cartes de cette question.

    Il y a également une course à l’extension des domaines, pour proposer des vastes étendues, avec des pentes douces à destination d’une clientèle peu sportive. Cela implique des travaux estivaux de terrassement délétères au plan écologique.

    C’est le basculement des stations de ski dans la décadence complète, de plus en plus portée par une clientèle huppée cosmopolite, bien loin de l’effort sportif et très proche de l’esprit loisir-festif avec tout l’impact écologique occasionné.

    Si la critique écologique a émergé dans le milieu des années 1970, elle était réduite à l’aspect romantique anthropocentré des « paysages » et de la disparition des milieux paysans. Cette dimension va s’effacer dans les années 1990-2000, avec une insistance plus forte sur un réchauffement climatique qui se découvre à vue d’œil.

    Dans les Alpes, la température moyenne a augmenté de + 2°c, avec une baisse de l’enneigement en-dessous de 1600 mètres. Les stations de Pyrénées sont les plus directement touchées.

    Le coup d’arrêt brutal de 2020

    Les effets sociaux et culturels de la crise sanitaire

    On assiste depuis le mois de novembre 2020 à une sorte de fuite en avant des dirigeants du secteur, qui se sont félicités du semi-confinement d’octobre dans l’espoir d’une ouverture pour la fin décembre afin d’attirer la clientèle française.

    En décembre, des élus du Parti socialiste sont même allés jusqu’à signer une tribune corporatiste pour légitimer la ré-ouverture des remontées mécaniques. Cela témoigne du renforcement du fascisme, comme reflet du raidissement des monopoles.

    Dans une lettre ouverte au premier ministre Jean Castex, Henri Giscard d’Estaing, fils de l’ancien Président décédé du covid-19, et président du Club Med demandait la ré-ouverture pour février. Il constatait que qu’avec plus de « 50 % du PIB de la Savoie, et un peu moins en Haute-Savoie […] plus de 100 000 emplois saisonniers pourraient disparaître ».

    Guy Bloch, tout à la fois maire de la station des Plagnes en Savoie, président de l’Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM) et du « syndicat » France montagne, annonce la disparition de dizaines de milliers de commerces, tout en ajoutant dans un article du Figaro :

    « Si nous ne sommes pas ouverts pour le 6 février ça va être dramatique car les aides seront insuffisantes pour permettre la survie de l’écosystème.

    Ce qui est gagné en hiver est réinvesti le reste de l’année sur tout le territoire donc si le modèle économique disparaît ce sont des dizaines de milliers d’emplois qui seront supprimés et des dizaines de milliers de familles qui quitteront la montagne pour partir en milieu urbain »

    Il y a bien là tout un cycle entamé à partir des années 1950, et maintenu coûte que coûte en vie depuis les années 1990. La seconde crise générale du capitalisme marque ainsi une gigantesque rupture, avec bien évidemment un inégale répartition. Ce sont les stations dite de seconde et troisième générations qui sont le plus touchées.

    Alors que les premières stations sont celles de basse altitude développées autour d’un village pré-existant (Chamonix, Megève, Grand Bornand, etc.), les stations de seconde génération ont été créées au-delà du village d’origine. L’ensemble de l’espace foncier et commercial du village a été consommé pour les « besoins » du tourisme hivernal, comme Courchevel ou l’Alpe d’Huez.

    Quant à la station de troisième génération, elle correspond plus directement au « Plan-neige » des années 1960-1970 : construite à plus haute altitude, elle a comme particularité d’être « intégrée » avec parkings, buildings de plusieurs étages et routes permettant d’accéder aux pistes « ski en main ». C’est le cas de Flaine et d’Avoriaz en Haute-Savoie, Tignes et Isola 2000 en Savoie.

    Alors que les stations de moyenne altitude (première et seconde génération) enregistrent un recul de 35 % à 60 % de leur réservation, les grands domaines de type troisième génération ont connu un recul de près de 90 % de leur activité normale. Le village-station a pu limiter la casse en proposant d’autres activités.

    Par exemple, à Val Thorens, le mois de décembre n’a enregistré que 2 000 touristes contre 25 000 d’ordinaires. De manière générale, la perte moyenne des stations de ski toutes confondues était estimé mi-janvier à 70 %.

    L’apparition des variants britanniques, sud-africain et brésilien à la fin décembre 2020, notamment dans la station de ski suisse de Saint Moritz, a clôt toute perspective d’ouverture pour les vacances de février des stations françaises.

    A l’inverse, les stations de ski en Autriche et en Suisse sont restées ouvertes, alors que celles en Italie sont également fermées. Ces inégalités provoquent forcément un aiguisement de la concurrence.

    La saison blanche va donc être une véritable onde de choc, avec notamment le bouleversement en profondeur du mode de vie saisonnier. Un mode de vie qui, s’il cherche à s’échapper de manière justifiée de la monotonie prolétaire, est culturellement au service du capitalisme. A ce titre, il va bien leur falloir chercher une solution puisque la réforme de l’assurance-chômage prévue au printemps 2020 n’a fait qu’être repoussé du fait de la crise sanitaire.

    Cette impossibilité d’avoir une activité a entraîné toute une contestation portée par une alliance de notables bourgeois des stations, de petits commerçants et d’une partie des travailleurs saisonniers. A l’inverse, une partie de la population montagnarde a vu dans cet arrêt un moment de répit pour les animaux sauvages.

    C’est l’expression ici d’une opposition de classe, déjà présente mais que les effets de la crise sanitaire rendent de plus en plus antagoniste, ouvrant un nœud de contradictions révolutionnaires.

    Une fuite en avant sous la domination unilatérale des monopoles

    Forcées de fermer de manière prématurée en mars 2020, les stations de ski ont enregistré une perte d’environ 1,5 milliards d’euros. L’Agence Savoie Mont-Blanc annonce une perte de 5,8 milliards d’euros si la fermeture des stations est maintenue jusqu’à fin mars, et de plus de 4 milliards dans tous les cas.

    Or, plus d’un tiers, voire plus, du PIB de ces départements provient des recettes touristiques. C’est un gigantesque crash. Le directeur générale du Tourisme en Savoie parle d’« une situation de crise totalement inédite » ; celui des Hautes-Alpes affirme que c’est « tout le territoire montagnard qui est mis en péril, par effet domino ».

    Les prémices de la future secousse sont déjà là. Pour n’en citer que quelques exemples, l’autrichien Doppelmayr a annoncé le licenciement de 190 salariés.

    L’entreprise de ski Rossignol a supprimé 92 postes dès la rentrée 2020, soit avant la saison blanche 2020-2021 et alors que près de 45 % des ventes de ski en France sont pris par les magasins de location en station. Dans la station des Carroz, seulement 80 saisonniers travaillent sur 450 embauchés (800 en temps normal).

    Les secteurs les plus touchés vont être l’hôtellerie-restauration, les commerçants de location de matériel, puis les équipementiers de ski comme Rossignol et Salomon, entraînant une véritable effet en cascade sur les clients et fournisseurs qui leur sont liés. Avec 1,4 millions de lits à disposition, les pertes dans le secteur de l’hôtellerie vont être dantesques.

    Pour les gestionnaires des remontées mécaniques elles-mêmes, le coût est d’autant plus rude que les charges fixes (loyers, entretien mécanique, damage, sécurisation des couloirs, etc.) sont très élevées. Des charges qui ont continué à être payé comme si la saison allait repartir.

    Il y a eu une masse d’argent déboursée pour finalement zéro recettes, car le damage des pistes a continué, et les canons à neige ont continué de tourner. Rien que le damage d’un domaine d’une centaine de kilomètres de pistes coûte 15 à 20 000 euros par nuit.

    Le remboursement des aides va être explosif, en plus du gonflement d’une dette faramineuse. La Compagnie des Alpes a contracté par exemple deux PGE (prêt garanti par l’État) avoisinant les 500 millions d’euros, alors même que ses bénéfices net en mai 2020 étaient de 47,7 million d’euros. Il y a un décalage énorme.

    A noter d’ailleurs que Dominique Marcel, le Président-directeur général de la Compagnie des Alpes, a pris la présidence de l’Alliance France Tourisme, auparavant occupée par le directeur général du groupe hôtelier Accor.

    Enfin dans une moindre mesure les producteurs des infrastructures vont aussi être touchées. Ce dernier secteur est intéressant à analyser, tant il exprime le renforcement des monopoles dans l’appareil d’État.

    En effet, avec l’explosion des dettes publiques et privées, les monopoles des remontées mécaniques et des cabines vont également connaître un coup d’arrêt, avec des investissement en berne.

    Alors que les monopoles du secteur cherchaient à ré-orienter progressivement leur activité vers le transport par câbles urbain du fait du réchauffement climatique, le coup d’arrêt brutal de 2020 met fin à cette transition « pacifique ». Si l’on regarde seulement ces entreprises, on constate en effet une course à la conquête de marchés extérieures des transports par câbles urbain.

    Cela accentue les rivalités inter-impérialistes, comme le montre par exemple le décrochage par Poma de la construction du téléphérique à Oulan-Bator en Mongolie. L’État français a accordé un prêt à la Mongolie, conditionné à l’obtention par Poma de la construction d’un téléphérique à Oulan-Bator. C’est là une preuve de prise de contrôle de l’État par la fraction monopolistique du capital français.

    Dans le même temps, au niveau des stations de ski elles-mêmes, il est déjà annoncé un partenariat entre la Banque des territoires (propriété de la Caisse des Dépôts) et le Crédit Agricole des Savoie pour développer, pour l’instant seulement à Aime-La Plagne et La Clusaz des projets, tels que des ascenseurs valléen (transport par câbles), de l’ « immobilier raisonnable », etc. Le prix de l’immobilier a dégringolé en quelques semaines, révélant la surproduction de marchandises.

    L’impact de la seconde crise générale du capitalisme sur les stations de ski forme une onde de choc historique pour ces régions. C’est toute la dynamique qui est grippée, avec également une baisse des recettes fiscales pour les communes, les départements, bloquant les investissements publics.

    À cela s’ajoutent des professions en dehors des aides de l’État, comme les cabinets de médecins, faisant courir le risque de déserts médicaux déjà prégnant dans ces zones.

    Il est évident que les habitantes et les habitants des zones montagneuses voient s’ouvrir une nouvelle période historique, avec en toile de fond la problématique écologique qui se heurte à la bourgeoisie cosmopolite, principale clientèle tirant les stations de ski.

    Il y a là une situation explosive pour les prochaines années, d’autant plus forte que ces départements ont été habitués à une richesse touristique débordante, impliquant la formation de subjectivités en rupture avec tout cela.

  • Les faux ‘‘maoïstes’’ : de la paraphrase et la peur de la guerre populaire

    Le problème quand on a des idées nouvelles dans un pays capitaliste développé, c’est qu’il y a forcément de nombreux petits-bourgeois qui tentent de se les approprier. Acquérir de nouvelles conceptions n’est pas une mauvaise chose en soi, mais les petits-bourgeois ne savent pas le faire sans procéder à d’importantes déformations. Parfois, c’est sincère ; dans d’autres cas cela aboutit à de véritables détournements, des falsifications.

    Il va de soi que notre affirmation du maoïsme n’a pas échappé à ce processus, avec de très nombreux individus et groupes tentant de récupérer notre travail, de se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas. Nous avons toujours observé cela avec attention, mais avec distance, pour deux raisons.

    La première, c’est que nous menons notre propre travail et que nous en sommes satisfaits. Que des faux maoïstes s’agitent sur Facebook, recrutent sur les forums, fréquentent les milieux anarchistes, disent du mal du nous en racontant que nous n’existerions pas, etc., ce n’est en soi nullement traumatisant. Quand on n’a pas d’ego, mais qu’on sert réellement le peuple, de tels phénomènes laissent de marbre.

    La seconde, c’est qu’il faut toujours voir s’il n’y a pas quelque chose de positif qui peut apparaître dans un tel processus. C’est très important, parce que le processus de rupture avec le capitalisme est quelque chose de difficile, parfois il y a des détours, pour ne pas dire tout le temps.

    Le problème, c’est que pour parvenir à quelque chose, il faut du temps, il faut de la patience. Or, la petite-bourgeoisie n’en a pas. Cela fait que même si quelque chose de positif pouvait ressortir de tout cela, il n’y en avait pas le temps.

    On a ainsi une Unité Communiste Lyon qui s’est formée en se revendiquant du maoïsme et en nous dénigrant, puis très vite le maoïsme a été mis de côté. Il y a une Organisation Communiste Futur Rouge qui a fait exactement de même. Il y a eu un Parti Communiste Maoïste qui s’est présenté comme un centre d’agitation, pour disparaître du jour au lendemain sans rien expliquer. La liste de choses similaires à cela est très longue.

    Et cela relève d’un fil ininterrompu. La « Cause du peuple » a par exemple publié un article en janvier 2021, où on lit une paraphrase complète de ce que nous-mêmes disons :

    « Les gouvernements bourgeois ne pourront pas combattre l’épidémie de covid-19, qui, par sa nature même, risque de devenir endémique.

    La catastrophe de la gestion du covid-19 risque de se répeter avec la multiplication des épidémies, causés par la crise que traverse la biosphère, qui est une partie de la crise générale de notre système économique. »

    Nous sommes les seuls à parler de Biosphère de manière développée et nous sommes les seuls à expliquer que la crise de la biosphère est une partie de la crise du système économique, encore que dit comme cela c’est inexact, puisque nous parlons de crise générale du mode de production, pas simplement d’un « système économique ».

    Mais nous l’avons déjà dit ailleurs (Le faux maoïsme, un exemple de diversionnisme ; Les faux « maoïstes », un opportunisme régressif). Le faux maoïsme n’existe que comme notre ombre, de manière déformée, de manière défigurée.

    Et nous voulons souligner ici un aspect essentiel à la base de ce phénomène : la peur de la guerre populaire, c’est-à-dire la peur de l’organisation, la peur de l’insurrection.

    La peur de la guerre populaire

    Il existe en Italie un « Parti Communiste Maoïste », qui affirme être pour la guerre populaire. Cependant, alors qu’il y a eu une intense lutte armée en Italie dans les décennies 1970-1990, il n’en dit pas un mot. Il existait même déjà durant cette période, sans évidemment ne rien faire.

    C’est un excellent contre-exemple. Quand on est révolutionnaire, on sait qu’il y a immédiatement deux tendances. Il y a ceux qui parlent beaucoup, mais qui finalement font du syndicalisme. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que les faux maoïstes ont toujours soutenu la CGT, alors que la base du maoïsme en France, c’est le rejet de la CGT. Et il y a ceux qui ne disent rien, mais font le travail de fond, en évitant les associations, les syndicats, le regard de l’État.

    Il est très facile, naturellement, pour les premiers de dire que les seconds n’existent pas. En même temps, les premiers sont constamment obligés de s’adapter afin de se donner une image « révolutionnaire », d’où leur fascination – répulsion pour les seconds.

    Nous avons toujours constaté ce phénomène et selon nous, il ne s’arrêtera pas pour toute une longue période. Il y a toujours eu des petits-bourgeois comprenant que nous avons raison, mais s’arrêtant au dernier moment parce qu’il y a un obstacle à franchir : l’acceptation de la guerre populaire.

    Dire qu’on est pour la révolution, c’est une chose. Assumer qu’il faille organiser un soulèvement à grande échelle, c’est bien souvent autre chose.

    C’est là la frontière très claire que les faux maoïstes, petits-bourgeois par définition, ne peuvent pas franchir. Même s’ils prétendent la franchir, ils sont stoppés malgré eux-mêmes dans leur élan, en raison de leur propre nature de classe.

    Ce n’est pas pour rien que les faux maoïstes ne s’intéressent d’ailleurs pas du tout à nos nombreuses analyses matérialistes historiques. Tout ce qui les intéresse, c’est l’apparence, les mots qui claquent, les concepts qui sonnent à la fois comme forts et nouveaux. Ce qui donne des choses grotesques, comme l’utilisation dans des pays impérialistes du symbole du Parti Communiste du Pérou pour lutter contre la « transphobie », alors que Gonzalo considérait que même l’homosexualité, anti-dialectique dans sa nature, disparaîtrait avec le socialisme.

    Le symbole du PCP, qui lui appartient à lui seul

    Cependant, quand on utilise des mots, ceux-ci entraînent. Il faut alors assumer ou non. Le Parti Communiste Maoïste annonce en 2016 qu’il veut la guerre populaire, puis cesse en juillet 2020 de publier quoi que ce soit sur son site et fait disparaître sa page Facebook. Quel est le sens de tout cela ?

    Placer l’idéologie au poste de commandement

    Il ne s’agit pas de critiquer une agitation contre le capitalisme, car cela c’est forcément bien. Mais sans continuité, sans élévation du niveau de conscience, une chose se retourne aisément en son contraire. Et alors qu’on croit faire avancer les choses, on a en fait contribué à la confusion, aux illusions, au spontanéisme.

    C’est pour cela que Mao Zedong enseigne qu’il faut placer l’idéologie au poste de commandement. Les faux maoïstes ont par contre une idéologie qui tient sur une carte postale, au nom d’une pratique qui n’est rien d’autre que du syndicalisme, voire de la charité. Il y a des gens qui s’imaginent maoïstes en France parce qu’ils proposent des paquets de pâtes gratuitement ! En France, pays impérialiste, où la majeure partie des gens possèdent leur logement, alors que la sécurité sociale est universelle !

    Ce genre de fiction n’a rien à voir avec la guerre populaire comme perspective de destruction de l’État par l’océan des masses en armes. Et cela rappelle comment, dans un pays impérialiste, la petite-bourgeoisie est aisément en mesure d’inventer des contes à dormir debout.

    D’où la primauté de l’idéologie, sa compréhension systématique, sa considération qu’elle est notre véritable forteresse.

    Sous le drapeau de Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong !

    Guerre populaire jusqu’au Communisme !

    Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

    Janvier 2021

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  • Programme du Bloc ouvrier et paysan

    1925

    Le Parti Communiste constate que la tuerie mondiale et les traités de violence qui l’ont suivie ont précipité le désordre, aggravé les maux de la société capitaliste et créé partout une situation intolérable aux travailleurs, exigeant sans délai une transformation complète du régime,

    Nous assistons aux convulsions suprêmes d’un ordre social frappé à mort.

    La monopolisation croissante des capitaux, de la production et dû l’échange par une oligarchie insatiable ; une crise économique et financière sans précédent; l’exploitation éhontée du travail des prolétaires !

    La journée de huit heures en danger, les salaires réels avilis ; une spéculation effrénée sur les denrées et les logements qui, s’ajoutant à la baisse du franc, inflige la misère aux petites gens, cependant que de louches trafiquants font des fortunes vertigineuses; le poids écrasant des impôts! L’impossibilité, de jour en jour plus évidente, de la « reconstitution européenne » dans le cadre du régime actuel; un nombreux renouveau du militarisme et des armements, de la diplomatie secrète et du jeu néfaste des alliances, annonçant de nouvelles catastrophes…

    Tout annonce l’écroulement du capitalisme et pose aux peuples, l’impérieux dilemme. :

    — La révolution ou l’esclavage !

    Depuis la fin de la guerre, la réaction française au pouvoir sous le nom de Bloc National n’a cessé de saboter la paix et d’exciter contre la France officielle la juste colère de tous les peuples du monde.

    Par la faute des Millerand, des Poincaré et d’une Chambre infâme de millionnaires et de mercantis, la France est entourée de l’hostilité générale. Elle n’a comme alliés que les gouvernants des petits États sans indépendance, achetés avec les millions des contribuables français, mais dont les peuples désavouent la vassalité.

    Sous le prétexte mensonger d’exiger de l’Allemagne le paiement des réparations, en réalité pour satisfaire aux appétits d’une clique d’industriels et de financiers qui fait la loi dans ce pays, le Bloc National a entrepris l’occupation de la Ruhr qui porte à son comble le désastre européen.

    Non seulement il a plongé ainsi le peuple allemand dans une misère atroce, crime inexpiable, non seulement il a augmenté le déficit du budget français au lieu de le réduire, mais il a irrémédiablement compromis toute chance de restauration économique de l’Europe.

    Les capitalistes français et allemands s’entendent aujourd’hui comme larrons en foire au détriment de la classe ouvrière de France et d’Allemagne qui devra payer les frais de l’opération criminelle.

    Et pour assurer sa toute-puissance établie sur la misère de multitudes exploitées et opprimées, le Bloc National, gendarme de l’Europe, entretient une armée gigantesque et parasitaire.

    Seule, la République ouvrière et paysanne des Soviets de Russie, malgré son isolement et les ruines causées par la guerre et la contre-révolution, travaille à maintenir la paix et à créer des œuvres de vie, tandis que le Bloc National poursuit son œuvre de mort.

    A la veille d’être chassé du pouvoir, le Bloc National lègue au pays un triste héritage ; augmentation de 20 % de tous les impôts, directs et indirects, livraison des monopoles d’État à la voracité du capital privé, abandon de la réforme des pensions, retrait du projet des assurances sociales. Par contre il ne parle nullement d’évacuer la Ruhr, de réduire les dépenses militaires et de cesser ses envois d’argent aux États vassaux de l’Europe centrale.

    Le Parti Communiste dénonce aux masses populaires l’irrémédiable banqueroute de la bourgeoisie, son impuissance à sauver la civilisation, son incapacité d’enrayer la crise économique qui épuisé lentement les peuples, de rétablir un minimum de paix, de sécurité et de bien-être pour les masses.

    Inquiète de la haine croissante que suscite dans le pays le Bloc National, la bourgeoisie prend la précaution de constituer un nouveau bloc de défense capitaliste qui, sons le nom dé Bloc des Gauches, continuera à duper les masses populaires.

    Le Bloc des Gauches n’est pas une nouveauté. Quinze années de domination radicale avant la guerre ont montré que les travailleurs auraient tort d’attendre que la bourgeoisie gouvernante, quelles que soient les étiquettes dont elle se pare, autre, chose qu’oppression, exploitation et parfois même répression sanglante.

    Les fusillades du Havre n’ont fait qu’éveiller l’écho des fusillades Draveil et de Narbonne. Sous le règne même du Bloc National, trois membres du Parti radical siègent aux côtés de Poincaré au Conseil des ministres. Les futurs chefs du Bloc des Gauches, Herriot et Franklin-Bouillon se sont associés à la politique impérialiste du Bloc National, dirigée contre la classe ouvrière : impôts écrasants, révocation de 25.000 cheminots, crédits pour l’opération criminelle de la Ruhr.

    A bas la bourgeoisie ! Place au prolétariat ! Contre le gouvernement capitaliste incapable et sanguinaire, contre le despotisme d’une oligarchie de métallurgistes, de banquiers et de mercantis, qui oppriment et dévalisent la France, le Parti Communiste lève le drapeau du gouvernement ouvrier et paysan.

    Seul un gouvernement ouvrier et paysan, soutenu par les organisations de travailleurs, sauvera le pays de la tyrannie de l’argent, de la barbarie de la guerre, des crimes du fascisme et de la réaction.

    Le gouvernement ouvrier et paysan, c’est le salut pour l’immense majorité du peuplé, pour tous ceux qui travaillent sans exploiter le travail d’autrui.

    Le gouvernement ouvrier et paysan ne sera pas une institution parlementaire, il sera appuyé sur les organes de classe au prolétariat, syndicats, conseils d’usines, etc. Son action favorable aux exploités lèvera contre lui l’opposition violenté de ta bourgeoisie menacée dans ses privilèges et qui ne reculera devant aucun moyen pour l’abattre.

    Le gouvernement ouvrier et paysan mobilisera toutes les forces ouvrières pour se défendre par tous les moyens et pour instaurer la dictature du prolétariat des villes et des campagnes seule, capable de vaincre définitivement la bourgeoisie.

    Pour que le gouvernement ouvrier et paysan devienne une réalité, que faut-il ?

    Il faut battre la bourgeoisie!

    Il faut constituer, aux élections comme en toutes circonstances favorables, le Bloc ouvrier et paysan, la coalition de toutes les forces des travailleurs, s’opposant aux Blocs bourgeois, au Bloc de gauche comme au Bloc National.

    Ni Bloc National, ni Bloc de gauche, tous deux instruments du capital! Bloc ouvrier et paysan, instrument de libération du travail !

    Le Bloc ouvrier et paysan, c’est l’union des travailleurs des villes et des campagnes, des ouvriers, paysans, employés, fonctionnaires, de tous ceux qui aspirent à un ordre social meilleur, de tous ceux qui souffrent de la dictature insolente des rois de l’argent.

    Le Parti Communiste appelle les organisations prolétariennes à former avec lui le Bloc ouvrier et paysan et met et avant des candidatures ouvrières et paysannes comme seules susceptibles de grouper la majorité des travailleurs.

    Comme programme du Bloc ouvrier et paysan et du futur gouvernement ouvrier et paysan, le Parti Communiste propose :

    1) Extinction de la dette publique par la saisie des grandes fortunes. Suppression de l’impôt survies salaires et des impôts indirects ;

    2) Socialisation des banques, des mines, des chemins de fer et transports maritimes, des usines et fabriques, des assurances, du commerce des pétroles, et, d’une façon générale, de toute industrie employant plus de cinquante ouvriers,

    Établissement, dans toutes les industries socialisées ou non, du contrôlé ouvrier (s’exerçant par les Comités d’usines), de la journée de huit heures {six heures dans les industries insalubres) et du minimum de salaire. Droit de coalition et de grève aux fonctionnaires et aux travailleurs étrangers.

    Assurances sociales, sans cotisation ouvrière, contre tous les risqués afférents à la vie et au travail des ouvriers, paysans, employés, fonctionnaires, Salaire minimum aux mutilés et retraités du travail et de la guerre, la maternité fonction sociale,

    3) Abolition de la Constitution, bourgeoise : substitution à la pseudo-démocratie bourgeoise d’une démocratie purement ouvrière et paysanne associant les syndicats ouvriers à la gestion des services publics. Égalité de tous les droits pour tous les citoyens saris distinction de sexe ;

    4) Réquisition des locaux d’habitation, taxation des loyers, construction par les municipalités d’immeubles à loyers bon marché ;

    5) Répression rigoureuse de la spéculation. Contrôle des prix par des commissions, syndicales et coopératives, développement des coopératives avec l’appui financier du gouvernement ouvrier et paysan ;

    6) Suppression de l’armée permanente et de l’industrie privée des armements. Désarmement de la bourgeoisie et répression des menées fascistes, Armement du prolétariat.

    Formation d’une milice ouvrière et paysanne pour la défense des conquêtes du Bloc ouvrier et paysan. Abolition des conseils de guerre et des bagnes miliaires. Octroi de tous les droits de citoyens aux mobilisés. Formation de conseils de soldats et de marins pour la défense de leurs droits et de leurs intérêts ;

    7) Droit des colonies à disposer librement d’elles-mêmes ;

    8) Instruction gratuite, laïque et obligatoire de tous les enfants de 6 à 16 ans. Enseignement supérieur à la portée de tous. Mise à la charge de l’Étal des frais d’entretien des jeunes gens qui, appartenant à la classe ouvrière, auront fait preuve d’aptitudes particulières. Réforme des programmes, en vue d’associer intimement, à tous les degrés d’enseignement, l’instruction professionnelle et technique à l’instruction générale ;

    9) Suppression de la magistrature, Généralisation du jury. Amnistie, générale aux victimes du capitalisme ;

    10) Expropriation des grands propriétaires fonciers. Remise des fermes et métairies expropriées soit à des coopératives agricoles, soit aux familles paysannes qui les cultivaient précédemment. Crédit agricole d’État pour le perfectionnement de l’outillage et de la technique. Électrification des campagnes.

    Admission des ouvriers agricoles, journaliers, domestiques de ferme au bénéfice des lois ouvrières et des assurances sociales, les petits propriétaires exploitant eux-mêmes conserveront la jouissance de leur propriété:

    11) Paiement immédiat de leurs dommages de guerre restés en souffrance aux petits et moyens sinistrés, Révision des Indemnités accordées aux sinistrés de la grande bourgeoisie. Répression du trafic des bons de cession !

    12) Constitution d’une haute-cour populaire qui aura à juger :

    les responsabilités de la tuerie mondiale et de sa prolongation ;

    les responsabilités encourues par les chefs militaires, grands et petits, dans la conduite de la guerre ;

    les profiteurs de la guerre ;

    13) Annulation du traité de Versailles, qui n’est qu’une déclaration de guerre permanente. Conclusion d’une paix véritable sans annexions ni contributions de guerre. Mise en commun des dettes de guerre et des réparations. Évacuation de toutes les régions occupées: rappel de toutes les missions militaires. Alliance avec l’Union des Républiques soviétiques:

    14) Subvention [=remplacement] des États-Unis d’Europe à la pseudo-Société des Nations.

    =>Retour au dossier sur la mise en place
    et la bolchevisation du Parti Communiste
    Section Française de l’Internationale Communiste


  • Appel du 3e Congrès du Parti Communiste (SFIC)

    Lyon, janvier 1924

    Aux TRAVAILLEURS FRANÇAIS !
    Aux TRAVAILLEURS DU MONDE !

    Le troisième congrès du Parti Communiste français, réuni à Lyon, s’adresse aux travailleurs de France et du monde entier.

    La France capitaliste vient de vivre une heure tragique de son existence : pour la première fois, elle a ressenti l’ébranlement annonciateur de sa fin. Ce que les communistes affirment depuis la guerre, et dont elle se riait, — elle l’a tout à coup entrevu.

    La chute rapide du franc lui a donné pour la première fois conscience du danger. Et c’est elle-même qui compare sa position économique d’aujourd’hui à sa situation militaire de Verdun, où son sort était à la merci d’un hasard de la guerre.

    La France capitaliste croyait échapper aux conséquences économiques de la guerre mondiale. Ayant bénéficié pour un temps de la victoire des alliés, grâce à l’oppression et à l’exploitation des peuples vaincus innocents, elle s’est grisée de sa prospérité apparente. Le moment est venu de déchanter. La catastrophe de 1914 a frappé à mort le régime lui-même et la France bourgeoise ne sera pas épargnée.

    Comme l’Internationale Communiste l’a prévu, la question qui détermine la vie politique et sociale de l’Europe et dont la réponse décidera du sort de l’humanité, c’est celle de savoir qui paiera les frais gigantesques du honteux massacre.

    La bourgeoisie française a proclamé que « l’Allemagne paiera » : elle a menti. Les ruines, les désastres et les dettes sont là. L’Allemagne capitaliste n’a pas payé et ne paiera pas. Ce sont les travailleurs français et allemands qui commencent à payer et qui paieront, à moins qu’ils ne se révoltent.

    Au lendemain du carnage mondial, le prolétariat des tranchées et des usines était résolu à ne pas supporter les frais d’une guerre qu’il n’avait pas voulue, et qui n’a été provoquée et conduite que dans l’intérêt de groupes capitalistes rivaux.

    La révolution partie victorieusement de Russie, gagnant les Balkans, la Hongrie, l’Autriche et l’Allemagne, s’annonçait même dans les États victorieux. Les travailleurs étaient animés d’une grande espérance de libération et d’une farouche volonté de vaincre.

    Mais ils n’avaient pas alors, sauf en Russie, de parti communiste pour les organiser et les guider. La deuxième Internationale socialiste les trahit et sauva Ha bourgeoisie. Le prolétariat européen fut vaincu et la Révolution russe resta seule, encerclée, bloquée, assiégée.

    La bourgeoisie fit payer cher à la classe ouvrière son inquiétude d’un jour. Elle réprima le mouvement prolétarien avec une férocité sans exemple dans l’histoire.


    En Hongrie d’abord/où la Révolution fut trahie par les social-démocrates et les syndicalistes-réformistes, de connivence avec les généraux alliés, la réaction se livra à des vengeances atroces. En Allemagne, les social-démocrates eux-mêmes se firent les bourreaux des ouvriers de Berlin, de Munich et de la Ruhr.

    Les pays limitrophes de la Russie, la Finlande, les États baltiques, et la Pologne furent plantés de potences et de poteaux d’exécution, leurs prisons bondées de prolétaires et de révolutionnaires. L’Italie, l’Espagne et la Bulgarie, conquises par des coups de force réactionnaires, sont devenues des bagnes pour les ouvriers. Une réaction implacable règne sur une grande partie de l’Europe.

    Mais si le prolétariat fut momentanément vaincu, il n’est pas écrasé. En dépit des exactions de la bourgeoisie et de la social-démocratie, il a repris conscience de sa force.

    Et, malgré des persécutions sans nombre, des partis communistes sont nés dans tous les pays, une nouvelle Internationale révolutionnaire s’est formée et grandit, appuyée sur la Révolution russe irréductible. Le mouvement communiste se développe et se fortifie, gagne des masses et tient tête aux gouvernements bourgeois.

    En même temps que l’idée et l’organisation communistes progressent, la faillite de la démocratie bourgeoise s’avère irrémédiable. La soi-disant Société des Nations est un objet de dérision universelle— dans son impuissance caricaturale.

    Les partis démocratiques, complices actifs ou passifs de la terreur blanche tombent dans le discrédit. Partout, la lutte des classes s’amplifie et le combat se livre entre la réaction et la révolution,

    La France impérialiste a précipité encore les événements qui aboutiront à son désastre, en donnant cours aux appétits insatiables de sa ploutocratie dominante.

    Elle a envahi les plus riches territoires allemands, occupé la Ruhr, sous le prétexte public d’imposer l’exécution du traité de Versailles, eu réalité pour assurer l’hégémonie du monde industriel. Maïs déjà, la rivalité des groupes capitalistes concurrents lui vaut l’hostilité de ses, alliés de guerre, bien résolus à contrecarrer sa monstrueuse expansion.

    La France impérialiste a, contre elle, non seulement tous les peuples qui haïssent l’oppression, mais tous les capitalismes qui jalousent son insolente fortune.

    Par son opération criminelle de la Ruhr, elle a définitivement consacré la faillite du chiffon de papier de Versailles, de ses signatures sans valeur arrachées par la violence et répudiées par les travailleurs des deux continents. Elle n’a réussi qu’à ruiner l’Allemagne laborieuse, à affamer cruellement un grand peuple, en attendant d’infliger la même ruine et la même famine au peuple français.

    Les premiers signes de la débâcle sont apparus. La monnaie française subit une dépréciation qui rappelle celle de l’argent allemand, trois ans plus tôt. Le prix de la vie s’élève sans arrêt.

    Les salaires ouvriers perdent chaque jour de leur valeur réelle. Les classes moyennes sont menacées dans leur niveau d’existence. Le gouvernement, après avoir masqué l’état précaire de ses finances avec le concours de la presse pourrie, avoue la gravité de la situation et recourt à des procédures d’exception.

    Un parlement domestiqué s’apprête à voter sept milliards, de nouveaux impôts qui retomberont sur la masse travailleuse.

    Les projets de loi d’intérêt social sont écartés, la loi de huit heures menacée d’abrogation.

    De quelque côté que se tourne la ploutocratie française, elle ne voit que des ennemis, car mieux vaut ne pas parler de ses vassaux, acquis au prix de milliards et qui l’abandonneront dès qu’il n’y aura plus d’argent à toucher. Et voici qu’elle doit compter avec une renaissance manifeste du mouvement prolétarien occidental.

    En Allemagne, le Parti Communiste est devenu la force dirigeante du prolétariat éveillé; près d’engager la lutte pour la révolution, il a dû ajourner son effort décisif devant la félonie renouvelée de la social-démocratie ; mais la situation reste profondément révolutionnaire et les masses ouvrières, réduites à une condition misérable, donneront l’assaut contre la bourgeoisie lorsqu’elles auront, éliminé leurs dirigeants indignes et seront convaincues de la nécessité d’engager une lutte sans merci.

    En Angleterre la conscience de classe du prolétariat s’est exprimée sous la traditionnelle forme parlementaire, en attendant des expressions plus efficaces. Mais en ouvrant au Labour Party le chemin du pouvoir, elle franchit une étape indispensable vers la lutte révolutionnaire et dresse contre l’impérialisme français un obstacle d’importance.

    Et en attendant l’inévitable déception que le gouvernement travailliste apportera aux ouvriers britanniques, par l’usage des moyens parlementaires et des procédures démocratiques, inventés pour consolider le régime bourgeois, le Labour Party ne pourra pas ne pas s’opposer aux menées impérialistes de la France.

    Le déclin de l’impérialisme occidental fait un saisissant contraste avec l’essor ininterrompu de la grande Union des Républiques soviétiques.

    Cette révolution russe, si décriée, si honnie, si bafouée, si calomniée, si accablée d’ennemis à l’intérieur et à l’extérieur, elle est debout, plus forte que jamais, après six ans de lutte, invaincue, invincible. Seule, la République soviétique, livrée au travail pacifique et constructeur, donne au monde l’exemple de la prospérité, de la création, de la vraie grandeur.

    Les États bourgeois, qui avaient juré la perte du premier État prolétarien, se résignent à lui reconnaître le droit à l’existence, s’avouent impuissants même à l’ignorer. La reconnaissance de la République des Soviets est partout à l’ordre du jour.

    L’Italie fasciste et l’Angleterre travailliste s’apprêtent à la proclamer, La France réactionnaire elle-même devra tôt ou tard s’y décider. C’est la victoire indiscutable de la Révolution prolétarienne sur un sixième du globe, la victoire du Parti Communiste de Russie.

    Les communistes de toute la terre sont fiers de leurs frères russes et n’aspirent qu’à les égaler.

    Le Parti Communiste français déclare qu’il mènera sans répit une guerre implacable au régime de sang de l’impérialisme et que, dans sa conscience du rôle particulièrement néfaste, de l’impérialisme français, il redoublera d’efforts pour le briser. Avec l’année 1924 commence une lutte opiniâtre pour la formation en France du Bloc des ouvriers et des paysans travailleurs, pour l’avènement au pouvoir d’un gouvernement ouvrier et paysan, étape vers la révolution.

    Les travailleurs français, les exploités, les opprimés, tous ceux qui aspirent à la justice sociale, se rallieront au seul parti dont l’intérêt s’identifie au leur, dont la raison d’être est de faire triompher leur cause.

    Les travailleurs du monde entier, pour aider à la victoire de leurs frères de France, grossiront les rangs de l’Internationale communiste.

    Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

    Unissez-vous sous le signe de la Troisième Internationale !

    Le IIIe congrès du Parti Communiste français

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  • Le jeune Parti Communiste SFIC et la question du centralisme démocratique

    La victoire sur le confusionnisme de la première partie des années 1920 fut une étape essentielle ; on peut considérer que c’est à partir de 1925 que l’Internationale Communiste commence à prendre véritablement au sérieux sa section française.

    Le souci, c’est que la bolchevisation ne s’appuyait pas sur un niveau idéologique suffisant dans le Parti Communiste Section Française de l’Internationale Communiste. Installer le centralisme démocratique est une chose, mais faire en sorte qu’il y ait une démocratie vivante et une interaction dialectique avec la direction en est une autre.

    En clair, les militants ne savaient pas comment aborder les questions sociales, politiques, économiques, pour ne pas parler de celles idéologiques et culturelles.

    Le Parti Communiste (SFIC) dispose depuis novembre 1924 d’un organe théorique, Les cahiers du bolchevisme, mais ceux-ci ne sont guère lus et encore moins compris ; en 1926, il tire à 5 000 exemplaires, alors qu’il y a autour de 55 000 membres.

    Les communistes savent militer, savent pratiquer l’activisme et en parler ; ils ne savent pas poser les choses. Ce qui en découle est, fatalement, une direction s’arrogeant tous les droits et produisant au minimum une impression d’arbitraire, sans parler des véritables arbitraires d’une gestion par en haut unilatérale et sans explication aucune.

    Les questions étaient réglées tendanciellement par circulaires d’ailleurs multipliées, les décisions d’en haut étaient exigées formellement et lorsqu’elles étaient appliquées, c’était mécaniquement, la direction ne répondait pas ou très tardivement aux questions ; les circulaires n’arrivent qu’au niveau sous la direction, celle des régions, ou bien en-dessous, dans les « rayons », mais ne parviennent pas forcément juste en-dessous aux cellules, etc.

    Le problème de fond c’est que le bolchevisme avait été compris comme une machinerie efficace pour l’activisme. Une fois « bolchevisés », les communistes conservent cette optique mécanique et ils sont de fait désorientés.

    Ne sachant pas poser les problèmes, ils s’étripent sur telle ou telle expérience, forment des fractions ou des coteries, bref se montent la tête sur telle ou telle question, formant une spirale de rancœur et de reproches.

    Concrètement, la direction se cantonne dans le Bureau Politique et met de côté le reste du Comité Central, au motif qu’il le représenterait, qu’il est sa forme centralisée. Il prend des décisions toujours plus décalées d’une base qu’il ne connaît pas par l’absence d’un appareil réellement opérationnel à tous les niveaux. Cet appareil ne peut pas être formé, car la base est passive et rétive à la direction.

    Un courant oppositionnel tenta de profiter du désarroi causé par la bolchevisation ; les lettres dénonçant la bolchevisation se multiplient, dont une lettre ouverte l’Internationale Communiste signée par 250 membres du Parti en octobre 1925.

    On y lit dans cette lettre ce qui forme l’approche commune à tous les opposants à la bolchevisation :

    « Afin de rompre complètement avec les méthodes d’organisation et d’action de la social-démocratie, le 5° Congrès mondial, voulant hâter la « bolchevisation » du Parti, a décidé sa reconstruction sur la base des cellules d’usine. Nos délégués ont accepté sans discussion le nouveau mot d’ordre.

    Ils sentaient là, en effet, l’occasion de masquer leur incapacité et d’asseoir, à la faveur du désarroi qui accompagne toujours les brusques changements, leur dictature personnelle.

    Dès leur retour en France, ils se mirent en devoir de « bolcheviser » le Parti. S’ils n’avaient pas méconnu les conditions politiques et sociales de ce pays, ils eussent procédé à la réorganisation par étapes.

    Or, ils opérèrent avec une aveugle brutalité. Toute la vieille armature fut pulvérisée en un tournemain, sans souci de la diversité des milieux ni des possibilités de réussite.

    Naturellement, nos « bolchevisateurs » proclamèrent que tout se passait pour le mieux du monde, que le seul fait de la création des cellules et des rayons avait attiré au Parti des éléments ouvriers jusqu’alors réfractaires, et que, seuls, les contempteurs intéressés du nouveau cours pouvaient nier les bienfaits de la nouvelle organisation (…).

    La vérité saute aux yeux. Les cellules ne peuvent pas constituer actuellement en France la base du Parti. Affirmer le contraire, c’est méconnaître l’économie générale du pays et l’organisation des grands États capitalistes modernes, c’est se leurrer sur le rapport des forces sociales en présence, c’est entraîner le Parti vers sa liquidation rapide et totale (…).

    Pour sauver le Parti, il faut renoncer délibérément aux méthodes employées depuis un an. Le Comité Central propose, outre le développement de l’appareil, la création de « cellules de rues » et de « sous-rayons ». Au diable toutes ces complications ! »

    Or, il était inadmissible pour l’Internationale Communiste de remettre en cause la bolchevisation et ses cellules d’entreprise ; revenir à une logique de regroupement territorial c’était pour elle revenir à la social-démocratie et empêcher une ligne de combat.

    Cela sous-entendait d’ailleurs le retour aux tendances comme dans la SFIO, avec une représentation proportionnelle. L’auteur de la lettre, Maurice Gauthier, expliquera au cinquième congrès du Parti Communiste SFIC, qui se tint à Lille en 1926, que :

    « Un parti qui n’a pas d’opinions, qui n’a pas de tendances, est un parti qui meurt. Cela s’impose donc dans un parti. »

    Il va de soi que c’était inacceptable ; Maurice Gauthier se fera exclure en 1929 et rejoindra en 1930 le Parti ouvrier paysan qui deviendra le Parti d’unité prolétarienne, puis avec la majorité de celui-ci le Parti socialiste SFIO en 1937.

    Il apparaissait en tout cas qu’Albert Treint et Suzanne Girault avaient été de bons vecteurs pour faire passer le Parti à la bolchevisation, mais qu’ils n’étaient pas à la hauteur pour la réaliser en tant que tel. Ils avaient été un marche-pied mais leur vision par en haut ne permettait pas de modifier la réalité du Parti.

    Ils furent écartés, la session du Comité Central élargi aux secrétaires de région de début décembre 1925 révélant les importants mécontentements quant à la gestion du Parti. Pierre Semard présent à la direction depuis 1924 servit alors de cheville ouvrière à partir du tout début de l’année 1926, alors qu’était nommé secrétaire à l’organisation, en février 1926, Maurice Thorez.

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  • L’activisme débridé du jeune Parti Communiste SFIC

    Avant la période de « bolchevisation », au milieu des années 1920, le Parti Communiste Section Française de l’Internationale Communiste a mené une activité débridée, marquée par de nombreuses répressions et des condamnations à la prison.

    C’est l’âge d’or du Parti Communiste gauchiste et volontariste formant une image d’Épinal utilisée par la suite pour prétendre que la « bolchevisation » a brisé le Parti qui était auparavant vraiment révolutionnaire, etc.

    En réalité, le Parti Communiste Section Française de l’Internationale Communiste submergeait ses militants.

    Ils ne devaient pas que distribuer des tracts, laisser traîner des « papillons », coller des affiches, discuter avec les gens ; il leur fallait également appartenir en même temps au syndicat, à une coopérative, au secours rouge, ainsi qu’à l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC).

    Cette dernière précision est importante, car le Parti, alors, n’a que 1 % de ses membres qui sont des femmes. On est dans une démarche typique du syndicalisme révolutionnaire, avec son côté vindicatif, rentre-dedans.

    C’est pas tout : à chaque niveau est créé une commission ceci, une commission cela, faisant que chaque militant se noie dans les pôles d’intervention, les meilleurs étant en plus engloutis dans les liaisons à réaliser entre les cellules et les « sous-rayons » les chapeautant, entre les « sous-rayons » et les « rayons », entre les rayons et les régions (au nombre de 24), entre les régions et la direction.

    Mais il y a surtout la répression. Le patronat licencie, les préfets convoquent, la police perquisitionne, la justice condamne à la prison ferme. La surveillance du Parti communiste français par la direction de la Sûreté nationale du ministère de l’Intérieur sous la IIIe République, ce sera 51 mètres d’archives.

    Il y a un isolement qui s’ajoute à cela : en Février 1922 la direction de la CGT provoque la scission et force les communistes à s’unir avec les syndicalistes révolutionnaires, au sein d’une CGT Unitaire.

    Un autre isolement est qu’en 1924, le Cartel des Gauches remporte les élections, le Parti socialiste SFIO soutenant un gouvernement composé des Radicaux indépendants, des radicaux-socialistes, des républicains-socialistes et des socialistes indépendants.

    Enfin, le nombre de grèves se tasse fortement, dérobant le sol sous les pieds des communistes.

    AnnéeNombre de grèvesNombre de grévistes
    19192 0262 151 000
    19201 8321 317 000
    1921475405 000
    1922665290 000
    19231 068331 000
    19241 034256 000
    1925895241 000
    1926723338 000
    1927436122 000

    Mais cette noyade dans la formation de structures et l’isolement social, politique et culturel fit justement du Parti Communiste Section Française de l’Internationale Communiste une sorte d’îlot ultra-radical, immédiatiste.

    S’il a quasi immédiatement perdu la moitié de ses adhérents en quelques années, c’est secondaire par rapport au fait suivant : l’écrasante majorité des membres du Parti restant étaient en fait des arrivants. Ils sont jeunes et volontaires… mais sans aucune formation.

    Leur cible privilégiée est l’armée, avec un énorme travail contre celle-ci, à destination des conscrits, avec notamment les revues La Caserne, Le Conscrit, Le Réserviste. Il y a un certain fond syndicaliste révolutionnaire qui s’exprime dans le style rentre-dedans et on n’est pas nécessairement loin des conceptions de George Sorel.

    Cela se voit très bien dans les slogans des pancartes utilisés lors du transfert au Panthéon des cendres de Jean Jaurès, le 23 novembre 1924. Au nombre de 300, ces pancartes accompagnaient 180 drapeaux rouges (sans inscription) dans un cortège communiste de 150 000 personnes.

    On y lisait : « Guerre à la guerre par la révolution prolétarienne », « Instituons la dictature du prolétariat », « Aux ligues fascistes, opposons les centuries prolétariennes ».

    Il n’y avait pas d’esprit politique, on était dans une affirmation immédiatiste, rentre-dedans et sans réflexion sur les modalités concrètes de réalisation des objectifs.

    De toute façon, en 1924 le Parti expliqua dans l’Humanité qu’il ne publiera pas le Capital de Karl Marx, car cela coûterait trop cher !

    Cela en dit long sur le grand n’importe quoi régnant ; aux yeux de Zinoviev, qui alors dirige l’Internationale Communiste, le Parti Communiste Section Française de l’Internationale Communiste c’est :

    « 20% de jauressisme, 10% de marxisme, 20% de léninisme, 20% de trotskysme, 30% de confusionnisme »

    Toutefois, ce n’importe quoi laisse libre-cours à des interventions d’autant plus rentre-dedans, conflictuelles, oscillant des choses sans lendemain et des marqueurs très forts.

    En 1923, lorsque la France et la Belgique occupent la Ruhr, une région allemande ouvrière, afin de forcer l’Allemagne à payer les indemnités de guerre qu’elle remettait en cause, il y a un grand activisme, avec notamment des manifestations illégales de 2 à 3 000 membres du Parti à Paris.

    Pareillement, lorsqu’au Maroc, Abd el-Krim proclame en 1921 la République du Rif en triomphant de l’Espagne, le gouvernement Poincaré intervient pour aider celle-ci, ce qui aboutit à une « pacification » française en 1924-1925 ; cela est marqué par une mobilisation générale du Parti Communiste (SFIC), avec une très grande agitation confrontée à une répression sévère.

    Voici le texte d’un télégramme de septembre 1924 à ce sujet :

    « Groupe parlementaire, Comité directeur du PC et Comité national des J.C. saluent la brillante victoire du peuple marocain sur les impérialistes espagnols. Ils félicitent son vaillant chef Abd-El-Krim.

    Espèrent qu’après la victoire définitive sur l’impérialisme espagnol il continuera, en liaison avec le prolétariat français et européen, la lutte contre tous les impérialistes, français compris, jusqu’à la libération complète du sol marocain.

    Vive l’indépendance du Maroc ! Vive la lutte internationale des peuples coloniaux et du prolétariat mondial. »

    Voici l’appel à une grève pour le 12 octobre 1925, qui fut un immense succès avec 900 000 grévistes, avec notamment pratiquement tout le bâtiment ainsi que souvent la majorité des mineurs :

    « Travailleurs et travailleuses L’Heure de la démonstration prolétarienne a sonné. Lundi 12 octobre, vous cesserez le travail pour 24 heures. Désertez en masse votre travail, manifestez avec le comité central d’action. A bas la guerre ! Vive la grève générale de 24 heures ! »

    La répression s’abattit au total sur 274 communistes (120 années de prison au total), alors qu’un ouvrier communiste, André Sabatier, fut tué dans son usine à Puteaux, en région parisienne, son enterrement rassemblant 100 000 personnes.

    C’est que la région parisienne est le terrain privilégié du Parti. Comme auparavant pour le Parti socialiste SFIO, celle-ci est le bastion, avec le Nord. Ces deux sections sont de loin les plus nombreuses, avec en 1925 16 674 membres en région parisienne et 9440 dans le Nord (suit la région de Lyon avec 4215 membres).

    Aux élections de 1924, sur 877 000 voix, 300 000 viennent de la région parisienne. C’est le terreau de l’activisme, du style. C’est l’endroit où les communistes ont une densité suffisante pour former un monde parallèle.

    Un événement significatif est l’opération contre une réunion électorale dans le 18e arrondissement parisien du conservateur Raoul Sabatier ayant les Jeunesses patriotes comme service d’ordre, en avril 1925. Le Parti Communiste (SFIC) mobilisa ses groupes de combat de la région de Boulogne pour la briser. Cela termina en bagarre et en tirs au pistolet rue Damrémont, quatre fascistes étant tués.

    Propagande anticommuniste à la suite des tirs de la rue Damrémont

    La pression sur le Parti fut alors immense, dans un contexte émaillé de violence. Lors de la grève très suivie nationalement des sardinières de Douarnenez de novembre 1924 – janvier 1925, le maire communiste de la ville se fit tirer dessus par les briseurs de grève, il est démis à un moment de ses fonctions.

    Les sardinières de Douarnenez

    En février 1925, dans le cadre d’une réunion publique du général catholique Édouard de Castelnau, deux membres de la Fédération nationale catholique sont tués lors de l’intervention communiste.

    En janvier 1924, un meeting communiste rue de la Grange-aux-Belles à Paris fut perturbé par les anarchistes et cela termina à coups de pistolet, faisant deux morts.

    Il ne faut cependant pas croire que le Parti opère comme en Allemagne. On est dans une sorte de spontanéisme teinté de volontarisme.

    Lors de la mise en place par l’ARAC des Groupes de défense antifasciste au début de 1926, avec un uniforme, un béret et une canne pour ses membres, l’écho est très restreint, tout comme pour les Jeunes gardes antifascistes formés par les Jeunesses Communistes. Un Front rouge est formé en 1927 avec ces structures et les services d’ordre, mais pareillement sans effet.

    Les membres du Parti Communiste (SFIC) ne supportent en effet pas le style paramilitaire, les uniformes ; le style est celui de l’ouvrier chahuteur parisien, aisément turbulent. On est très clairement ici encore dans le style syndicaliste révolutionnaire culturellement.

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  • Albert Treint et Suzanne Girault

    Deux figures sont en première ligne dans la période de reprise en main du Parti Communiste (SFIC) par l’Internationale Communiste. Il y a Suzanne Girault, qui était en Ukraine comme enseignant de français pendant quatorze ans, avant de revenir en France au début des années 1920.

    Il y a Albert Treint, né en 1889, qui à la suite du départ de Ludovic-Oscar Frossard en janvier 1923, devient secrétaire général par intérim pendant un an aux côtés de Louis Sellier, ce dernier étant remplacé par le syndicaliste Pierre Semard.

    Ces deux derniers étaient des centristes et Albert Treint représentait lui les partisans de la stricte application des exigences de l’Internationale Communiste.

    Voici ce qu’il écrit dans son article « Lutter sans cesse pour la bolchevisation », dans le numéro de la fin décembre 1924 dans les Cahiers du Bolchevisme :

    « La démocratie, y compris le socialisme, passent ouvertement dans le camp du fascisme.

    Répression des grèves à Douarnenez, campagne de calomnies et de faux contre le Parti communiste, expulsion d’ouvriers étrangers suspects d’être des révolutionnaires, expédition policière contre l’école léniniste de Bobigny, tout cela montre que la démocratie, loin de combattre le fascisme, s’allie avec lui contre le prolétariat et les masses travailleuses (…).

    Pour combattre le fascisme, nous devons, non pas traîner le prolétariat à la remorque des chefs du Bloc des Gauches, mais organiser sur des mots d’ordre politiques clairs les masses travailleuses trompées par le Bloc des Gauches autour du prolétariat et de son Parti communiste (…).

    Le fédéralisme et l’esprit anarchisant ne s’éliminent pas en quelques semaines par un coup de baguette magique dans un Parti où ils régnèrent souverainement pendant près de vingt années (…).

    L’esprit du bolchevisme commence à pénétrer les cerveaux et à produire des actes. Mais le tempérament demeure, chez trop de camarades, anarchisant et fédéraliste.

    Il faut un effort constant, une vigilance constante de tout le Parti et de chaque membre pour vaincre les vieilles survivances et pour éviter les rechutes. »

    Voici, de la même époque, une Lettre aux membres du Parti Communiste signée par Alfred Rosmer, Pierre Monatte, Victor Delagarde. Datant de fin novembre 1924, elle dénonce Albert Treint et la bolchevisation menée par l’Internationale Communiste :

    « Depuis un an, on agite le spectre d’une droite dans le Parti et dans l’Internationale. On accuse cette droite de nuire, de désagréger, de décomposer le Parti ; on l’accuse d’entraver son travail politique et de susciter des obstacles à sa réorganisation sur la base des cellules d’entreprise.

    Nous sommes bien sûrs de ne pas appartenir à la droite du Parti.

    Quand Treint publia sa première édition de la géographie des tendances, Monatte lui répliqua avec raison que s’il voulait à tout prix nous classer quelque part il devrait nous loger dans une toute autre tendance, qui s’appellerait, la gauche ouvrière. Dans sa deuxième édition, revue et corrigée, des tendances du Parti, Treint paraissait donner satisfaction à cette juste revendication ; il parlait récemment du « néogauchisme ouvriériste, teinté de syndicalisme pur », de Monatte.

    Nous n’étions toujours pas plus orthodoxes qu’avant ; nous sentions toujours le roussi; mais enfin c’en était fini de l’imbécile qualification de droitiers ; nous étions reconnus et proclamés gauchistes, néogauchistes.

    Mais sous la plume et dans la bouche de Treint et de ses amis, les mots changent rapidement de sens. Dès le lendemain, nous redevenions la droite pestiférée. Il suffit sans doute de ne pas bailler d’admiration devant les cabrioles de Treint pour être rangé dans la droite (…).

    Qu’il y ait un malaise grave dans l’Internationale, depuis la mort de Lénine et depuis sa retraite forcée par la maladie, c’est un fait trop visible, mais il est bien indépendant de la crise que traverse le Parti français (…).

    La réorganisation sur la base des cellules est une œuvre capitale pour le Parti. S’il la réussit, c’est-à-dire s’il sait déterminer les tâches pratiques des cellules, éviter qu’elles tournent à vide et se découragent, il disposera réellement d’une base de granit.

    Mais le granit pourrait bien se changer en sable mouvant si les cellules, au bout de quelques semaines, n’apercevaient pas le travail qui leur incombe, si on leur refusait, en outre, le droit élémentaire de désigner leur secrétaire et leur délégué de rayon, sans crainte d’un veto d’en haut.

    Il est beaucoup question d’homogénéité, d’alignement, de discipline. Du haut en bas du Parti, on établit une cascade de mots d’ordre auxquels on doit obéir sans comprendre et surtout sans murmurer autre chose que le sacramentel : Capitaine, vous avez raison !

    Une mentalité de chambrée se crée et les mœurs de sous-offs s’installent. Il n’est question que d’appareil à faire fonctionner, de permanents à instituer. Bientôt la bureaucratie du Parti fera la pige à celle de l’État français.

    On dit que le Parti doit être une cohorte de fer. En réalité, quiconque fait preuve de caractère doit être brisé. »

    La Conférence nationale extraordinaire du Parti de début décembre 1924 vota à l’unanimité l’exclusion des auteurs de la lettre. Albert Treint et Suzanne Girault furent ainsi les vecteurs du succès de l’Internationale Communiste face aux anti-centralisateurs, qui convergeaient toujours plus vers Léon Trotsky qui menait une opération du même esprit en Russie.

    Cela permit une véritable orientation vers les usines, avec une prolétarisation générale du Parti par la constitution de cellules d’entreprise. Cela bouscula énormément le Parti socialiste SFIO, notamment avec les « comités d’unité prolétarienne » et le groupe « Clarté », qui visaient l’intégration des ouvriers socialistes.

    Il y eut d’ailleurs une série de congrès ouvriers durant l’été 1925, notamment à Paris, Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux, Strasbourg et Béziers ; y participèrent 7 230 délégués dont 200 socialistes, 320 syndiqués réformistes, 31 syndiqués autonomes, 1 173 sans-parti et plus de 200 sont des délégués de villages.

    En décembre 1923 le Parti Communiste (SFIC) proposa au Parti socialiste SFIO de former un Bloc ouvrier et paysan, ce qui fut refusé (au profit du soutien aux radicaux dans le « Cartel des gauches »).

    Et pour les municipales de 1925, le Parti Communiste (SFIC) annonça :

    « Nous proposerons des listes communes avec des candidats socialistes en posant comme condition de prendre un certain nombre d’engagements comme celui de défendre en toute occasion les revendications les plus immédiates des travailleurs, de mener au sein des municipalités une lutte énergique en organisant au besoin des milices municipales antifascistes. »

    On est toutefois là dans la perspective de se présenter comme le plus combatif, le plus activiste ; à l’arrière-plan, il reste un sectarisme terrible, fondé sur un style entre affirmation communiste et esprit syndicaliste révolutionnaire parisien.

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  • La reprise en main du jeune Parti Communiste SFIC par l’Internationale Communiste

    L’Internationale Communiste prit en mains l’appareil du Parti Communiste, car elle s’aperçut que si le cap de la fondation du Parti était passé, la réorganisation n’avançait pas, alors que la base s’effritait.

    Si l’on prend les bastions, la Fédération de la Seine (c’est-à-dire de la région parisienne), la plus importante, avait 21 200 membres en 1920, 15 167 en 1921, 10 000 en 1922. Entre 1921 et 1922, celle du Nord était passée de 11 000 à 8 000, celle du Pas-de-Calais de 6 000 à 3 500.

    L’Internationale Communiste fit le ménage au sein de sa section française, en envoyant des ordres, des conseils, du personnel. Lors du troisième congrès du Parti Communiste (SFIC), en janvier 1924 à Lyon, elle envoya un message commençant de la manière suivante, en disant long sur ce qu’il était pensé des années 1921 – 1922 – 1923 (le congrès de Tours ayant eu lieu en décembre 1920) :

    « Chers camarades,C’est la première fois que le P. C. F. réunit son congrès depuis que tous les éléments hostiles au communisme l’ont débarrassé de leur présence.

    Le malaise qui s’y est fait sentir pendant plusieurs années était causé — tous aujourd’hui s’en rendent compte — par cette présence d’éléments hétérogènes restés dans le Parti pour en freiner le développement et saboter son action.

    L’épuration survenue après le IVe congrès mondial, la cohésion morale et l’unité qui en résultent donnent au Parti Communiste français la possibilité de remplir sa mission historique.

    L’Internationale Communiste qui a suivi avec un intérêt particulier toutes les phases de la crise que vous avez traversée, veut attirer l’attention de votre congrès et de tout le Parti sur quelques questions, qui se posent devant l’Internationale Communiste en général et devant le Parti plus spécialement.

    [Suivent des points concernant la situation française surtout : I. — La Révolution sociale au centre de l’Europe, II. — La Situation générale en France, III. — Le Bloc des gauches et le réformisme, IV. — Le Bloc ouvrier et paysan, V. —Parlementarisme réformiste et parlementarisme révolutionnaire, VI. — La conquête des masses, VII. — Les prochaines élections, VIII. — La question de l’antimilitarisme, IX. — La question coloniale, X. — L’animation de la vie Intérieure du parti] »

    L’Internationale Communiste réalisa quatre mesures en particulier. Tout d’abord, elle fit en sorte que la discipline soit réelle.

    Ensuite, elle poussa à la formation d’une véritable direction. Elle ne cessa également de mentionner les décisions politiques n’allant pas, notamment en ce qui concerne le front unique.

    Enfin, elle procéda à la réorganisation du Parti sur la base des cellules d’entreprises, une chose ayant sérieusement commencée au tout début de 1925 et terminée en 1926.

    Cela coûta cher en termes numériques, car les exigences politiques sont bien plus élevées quand on travaille sur le terrain de l’entreprise par rapport aux réunions de section. La peur de perdre son emploi et la fuite devant les responsabilités fut de règle chez les éléments les plus timorés.

    De plus, toute cette pression en faveur de la discipline, de la direction centralisée, d’un appareil de qualité, fut un prétexte pour une double agitation anti « russo-allemande ».

    Il y avait des éléments finalement restés sociaux-démocrates dans le fond, qui sortirent pour fonder l’Union fédérative des travailleurs socialistes révolutionnaires en 1922, le Parti communiste unitaire en 1923.

    Ces deux structures fusionnèrent quasi immédiatement dans une Union socialiste-communiste qui devint en 1927 le Parti socialiste communiste. Lui-même fusionna en 1930 avec le Parti ouvrier et paysan pour fonder le Parti d’unité prolétarienne, qui rejoignit la SFIO en 1937.

    On aura compris qu’il s’agissait là d’éléments ayant cherché à semer la confusion, d’abord dans le Parti puis à l’extérieur, avant d’assumer d’être des sociaux-démocrates.

    Il y a ensuite un courant porté par Boris Souvarine, d’origine ukrainienne et liaison à Moscou du Parti avec l’Internationale Communiste. Ce courant dénonce le centralisme et développe les thèses de Léon Trotsky, qui n’avait rejoint les bolcheviks qu’en 1917 et critiquait désormais leur « bureaucratisation ». Boris Souvarine fut exclu en 1924 et tenta l’aventure jusqu’en 1934 à travers un « bulletin communiste », une revue dénommée « La Critique sociale », puis un « Cercle communiste démocratique », pour devenir un expert anti-communiste jusqu’à sa mort en 1984.

    Ce dernier courant, qui avait pris le dessus sur le premier dans les instances dirigeantes, fut immédiatement liquidé par l’intermédiaire d’Albert Treint et de Suzanne Girault.

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  • Le Parti Communiste SFIC à ses débuts : indiscipliné et éclaté

    Comme le syndicalisme révolutionnaire était considéré comme la démarche porteuse, il n’y avait aucune raison pour le Parti Communiste (SFIC) d’accepter ni même de comprendre les exigences de l’Internationale Communiste en ce qui concerne la tactique du « front unique », présentée comme suit dans la Correspondance Internationale, publiée par l’Internationale Communiste :

    « On ne peut pas, depuis 1919, compter sur un grand mouvement révolutionnaire en Europe à brève échéance, et la tâche immédiate de l’Internationale Communiste n’est pas l’organisation d’un nouvel assaut contre la société bourgeoise, mais la préparation et l’entraînement des forces qui donneront un jour cet assaut. »

    C’est que le Parti français se forme tardivement, on est dans la période de stabilisation relative de la crise générale du capitalisme, principalement en Europe occidentale. Mais les partisans français de la IIIe Internationale considèrent qu’ils n’ont pas signé pour ça, ils veulent être de la vague révolutionnaire considérée comme une sorte de grand soir à grande échelle.

    Adepte du concept de minorité substitutiste, le Parti Communiste (SFIC) n’entendait donc certainement pas chercher une unité dans quelque domaine que ce soit. Pour les activistes de la CGT unifiée, le front unique était réalisé justement par la CGT unifiée, tout comme le Parti était le seul front unique dans le domaine politique, puisqu’il avait différentes tendances.

    La conférence des secrétaires fédéraux réfuta ainsi l’Internationale Communiste quant à la question du front unique, en janvier 1922, avec le Comité Directeur du Parti expliquant à l’unanimité moins une voix l’impossibilité d’une telle orientation en France.

    En avril 1922, le Conseil national tenu à Aubervilliers prit ainsi une résolution par 3 337 mandats contre 627, avec 235 abstentions et 355 absents, affirmant que le Parti récuse la tactique de front unique, au nom de l’esprit dans lequel a été fondée l’Internationale Communiste. Or, c’était impossible puisque c’était le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste qui décidait, le Parti devant simplement adapter la réalisation de la décision aux conditions concrètes.

    Déjà, au congrès de Marseille de décembre 1921, les tenants de la soumission complète à l’Internationale Communiste avaient été mis de côté et avaient démissionné du Comité Directeur. Il s’agit de Fernand Loriot, Amédée Dunois, Albert Treint, Paul Vaillant-Couturier (le premier quittera le Parti, le second et le troisième rejoindront la SFIO en 1927 et 1934 respectivement).

    Toutes ces querelles reposaient de fait sur une incapacité à forger une direction, alors qu’il y avait une systématisation sur le plan de l’organisation.

    Dès 1921 un immeuble fut acheté par le Parti Communiste (SFIC), au 120 rue La Fayette à Paris, afin de servir comme siège du Parti. La cour intérieure était couverte d’une verrière en forme de cercle, d’où le nom de salle de la Rotonde ; elle pouvait accueillir 200 personnes.

    Il y avait une librairie au rez-de-chaussée, deux étages pour héberger des permanents, le Comité Central occupant le troisième étage. Il n’avait fallu que quinze jours pour obtenir la somme nécessaire par souscription.

    C’était un premier pas allant dans le sens de la mise en place d’une réelle capacité de centralisation. Le souci était que le socialisme français était entièrement fédéraliste. À cela s’ajoute qu’il insiste sur l’existence du droit de tendance et sur la représentation proportionnelle de ces tendances à tous les niveaux du Parti. Aller dans le sens d’une rupture était très difficile.

    On peut comprendre le problème en voyant la presse communiste en 1921. Elle est importante ; on a comme quotidien à Paris L’Humanité et L’Internationale (sortant le soir), ainsi que le Journal du Peuple. On a Le Populaire de Bourgogne basé à Dijon, La Dépêche de l’Aube basée à Troyes, La Volkstribune basée à Metz, La Neue Welt basée à Strasbourg, Habib el Oumma qui est publié en arabe à Tunis.

    On a une presse bi-hedomadaire avec Germinal basé à Belfort et Le Travailleur basé à Sens.

    Et on a une importante presse hebdomadaire : Le Bulletin Communiste (Paris), L’Éclaireur de l’Ain (Oyonnax), La Lutte Sociale (Alger), Le Travail (Montluçon), Le Travailleur des Alpes (Digne), L’Éclaireur (Decazeville), Le Populaire Normand (Caen), Le Travailleur Charentais (Ruelle), L’Émancipateur (Bourges), Le Prolétaire (Périgueux), Le Travailleur (Chartres), Germinal (Brest), L’Ordre Communiste (Toulouse), Le Réveil Socialiste (Nîmes), Travail (Bordeaux), La Voix Socialiste (Fougères), Le Réveil (Tours), Le Progrès (Vendôme), Le Peuple (Saint-Étienne), Le Travailleur (Agen), L’Anjou Communiste (Saumur), L’Égalité (Chaumont), Le Socialiste Nivernais (Nevers), Le Prolétaire (Lille), Le Réveil Social (Maubeuge), Le Franc-Parleur (Beauvais), Le Communiste du Pas-de-Calais (Boulogne), Le Cri du Peuple (Lyon), La Voix Paysanne (Paris), Le Travailleur Savoyard (Annecy), Le Communiste de Normandie (Rouen), L’Aube Sociale (de Seine-et-Oise) (Paris), Le Semeur (Chelles), L’Aube Sociale (Amiens), L’Avenir Social (Tunis), L’Avenir (Carpentras), Le Prolétaire (La-Roche-sur-Yon), Le Prolétaire (Châtellerault), L’Émancipation (Saint-Denis), L’Éveil Communiste (Montrouge), La Butte Rouge (Paris), Le Midi Communiste (Marseille).

    Il y a également le bi-mensuel L’Étincelle, à Épinal.

    En l’absence de centralisation, de formation des cadres, comment faire pour que toute cette presse aille dans le même sens, soit sur les mêmes bases, ne soit pas une source d’éparpillement et même de division ?

    Le Journal du Peuple, quotidien parisien fondé en 1916, était par exemple le bastion de l’aile droite du Parti Communiste (SFIC) et cette situation était un scandale aux yeux de l’Internationale Communiste.

    L’exclusion de son responsable était considérée comme fondamentalement nécessaire :

    « L’exclusion de [Henri] Fabre et de son journal est une étape de la lutte contre cet esprit de bohème intellectuelle anarcho-journalistique qui, particulièrement en France, prend successivement toutes les formes, toutes les couleurs de l’anarchisme et de l’opportunisme, et finit inévitablement par un coup de couteau dans le dos de la classe ouvrière. »

    Sont également exclus Pierre Brizon tenant le journal La Vague, le journaliste Paul-Louis, rédacteur de politique étrangère dans l’Humanité travaillant également au Progrès de Lyon et à La France de Bordeaux.

    Subissent le même sort Victor Méric lié à la Ligue des Droits de l’Homme, et en général ceux qui relèvent de la culture radicale républicaine liée à la franc-maçonnerie. Ceux qui en sont membres doivent la quitter avant le premier janvier 1923 et sont écartés des responsabilités pour deux ans, ou bien c’est l’exclusion.

    C’en était terminé de la logique la participation individuelle à une sorte d’aventure intellectuelle pour une république sociale. L’Internationale Communiste exigea d’ailleurs que cesse la parution d’articles signés, qui était un prétexte pour faire de la presse des moyens de faire carrière individuellement, d’aller dans le sens de monter des tendances, fractions, etc.

    Les intellectuels étaient mis au pas, la culture républicaine – franc-maçonne écrasée : il ne restait plus qu’à prolétariser le Parti Communiste SFIC, ce que l’Internationale Communiste réalisa en le restructurant entièrement.

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  • Le Parti Communiste SFIC et la capitulation initiale face au syndicalisme

    Le Parti Communiste (SFIC) a une conception socialiste de son travail, c’est-à-dire qu’étranger à la social-démocratie historique, il n’accorde pas de valeur à la théorie. Aussi met-il en place à sa fondation un « Conseil d’Études Communistes », qui doit être un « Laboratoire du Communisme ».

    Il s’agirait de trouver les moyens de faire « passer » dans la vie les principes de la doctrine communiste, en étudiant les ressorts psychologiques et économiques. Une fois cela fait, on saurait comment réorganiser la société de manière adéquate.

    C’est là non seulement du socialisme utopique, mais c’est qui plus est ouvertement à l’écart du marxisme, avec une méconnaissance complète de ce qu’est le matérialisme historique. Cela implique de ce fait nécessairement une soumission au syndicalisme révolutionnaire, puisque celui-ci a justement la prétention de former une minorité capable de « réorganiser » l’économie de la même manière, en forçant le cours des choses.

    C’est là d’ailleurs une conception mécanique tout à fait en phase avec une lecture française de la réalité comme « mathématique », ordonnée, etc. L’Internationale Communiste va sous-estimer ce vaste problème, typiquement français, où une minorité substitutiste prétend tracer une ligne droite – la grève générale – pour mener des transformations prévues en laboratoire.

    Son souci était que sa section française aille aux masses, qu’elle ne forme pas un bloc séparé et autoréférentiel. Si on avait un Parti Communiste en restant à une posture gauchiste, ce serait l’isolement et l’effondrement. Ce fut par exemple le sort du Parti Communiste d’Autriche, le premier Parti Communiste fondé après Octobre 1917 pourtant, qui ne sortit jamais d’un sectarisme et d’un isolement social pratiquement complet.

    Et le souci était donc que le Parti Communiste (SFIC) se maintenait sur la ligne du Parti socialiste SFIO en ce domaine. Le Parti devait promouvoir la révolution politiquement, mettre en place les perspectives, les syndicats se chargeraient du travail concret. Le Parti Communiste (SFIC) ne comptait donc pas du tout partir en guerre avec les syndicalistes révolutionnaires, qui évidemment provoquèrent un scandale lorsque fut fondée l’Internationale Syndicale Rouge qui exigeait la primauté du politique.

    Le Parti Communiste (SFIC) recula ouvertement dans sa décision du 22 juillet 1921 :

    « Le Comité Directeur, considérant les appréciations contradictoires que suscite dans les milieux syndicalistes la résolution votée à Moscou par l’Internationale des syndicats rouges, rappelle que la position du Parti communiste en France a été définie par la motion de Tours, disant textuellement, en ce qui concerne les rapports du Parti avec les syndicats :

    « le Parti groupe les militants de toutes les organisations prolétariennes qui acceptent ses vues théoriques et ses conclusions pratiques. Tous, obéissant à sa discipline, soumis à son contrôle, propagent ses idées dans les milieux où s’exercent leur activité et leur influence.

    Et lorsque la majorité, dans ces organisations, est conquise au communisme, il y a entre elles et le Parti coordination d’action et NON ASSUJETTISSEMENT d’une organisation à une autre. »

    En réponse aux allégations des dirigeants actuels de la CGT, le Comité directeur fait observer que la motion votée à Moscou, loin d’impliquer une « subordination » quelconque des organisations syndicales à l’organisation politique, se borne à préconiser « un contact étroit et une liaison organique » entre les exécutifs de l’Internationale communiste et de l’Internationale syndicale.

    Il fait observer, d’autre part, que les social-dissidents, après avoir réclamé pour leur compte une entente permanente et une liaison organique entre syndicats et entre CGT et Parti, sont mal qualifiés pour se poser aujourd’hui en champions de l’Indépendance syndicale dont le Parti communiste n’a pas cessé de proclamer la nécessité en France.

    Le Comité directeur affirme une fois de plus sa volonté de ne rien négliger pour réaliser en France, dans le respect de l’autonomie traditionnelle du syndicalisme, l’unité révolutionnaire du front prolétarien. »

    De par la force du syndicalisme révolutionnaire en France, ce positionnement était suicidaire pour le Parti Communiste (SFIC). Il fallait assumer le conflit, mais il n’y avait personne pour cela dans ses rangs et encore moins à la direction, de par le regard favorable sur le « tempérament » syndicaliste révolutionnaire.

    Ce déficit idéologique très grave apparut pleinement lors de la grande grève des dockers du Havre en août 1922, avec des affrontements très violents et plusieurs morts. Le Parti Communiste (SFIC) resta à l’écart et même ses militants participant aux luttes considérèrent que c’était normal, que c’était une question purement syndicale.

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  • Parti Communiste SFIC : de grandes difficultés à se mettre en place

    Un an après la transformation du Parti socialiste SFIO en Parti Communiste Section Française de l’Internationale Communiste au congrès de Tours, il y eut un congrès qui se tint à Marseille, du 25 au 29 décembre 1921. Il fut bien moins triomphaliste et constatait un immense travail à mener.

    Entre-temps, il y avait eu une modification de son règlement lors d’une assemblée nationale en avril 1921, puis une seconde assemblée nationale en octobre pour le compte-rendu des délégués français au troisième congrès de l’Internationale Communiste.

    À ce troisième congrès, la section française ne formait nullement une actualité et il n’en fut parlé qu’en passant. Il était souligné que les Français étaient très en retard, à tous les niveaux, d’où la mansuétude de l’Internationale Communiste à leur égard. Cela provoquait la colère des Italiens d’ailleurs, pour qui il y avait deux poids, deux mesures.

    Mais c’est que l’Internationale Communiste a compris que le Parti français avait de gros problèmes de constitution.

    Contrairement à ce qui était imaginé lors du congrès de Tours en décembre 1920, les scissionnistes restaient une force de nuisance très puissante. Ils étaient partis avec cinq quotidiens de province sur six, la plupart des élus, des propagandistes, des administrateurs, des archives des fédérations…. Et bien évidemment des caisses des fédérations, tout comme la caisse du Parti (ne laissant que 1 500 francs sur les 60 000).

    D’où l’appel au soutien financier publié dans l’Humanité :

    « Socialistes ! Travailleurs ! Nous faisons appel à vous pour nous aider dans ces circonstances et nous assurer immédiatement, par un don généreux des masses ouvrières, les ressources dont nous aurons besoin pour développer toute notre action.

    Que les gros sous des prolétaires remplacent les cotisations des élus traîtres au Parti !

    Que la souscription publique, ouverte aujourd’hui par nous, permette à l’enthousiasme des travailleurs pour la IIIe Internationale et la Révolution russe de se manifester avec éclat !

    Aux misérables listes sur lesquelles les dissidents épinglent péniblement les noms de quelques individus déserteurs du devoir, il faut que répondent des milliers et des milliers d’hommes sincères qui veulent se serrer autour de notre vieux drapeau rouge, où brillent, depuis notre glorieux Congrès de Tours, les armes de la République des Soviets !

    Nous voulons que la souscription qui commence nous apporte une force morale en même temps que l’aide matérielle nécessaire ; nous souhaitons qu’elle nous permette de faire immédiatement le dénombrement des dévouements les plus actifs sur lesquels nous pouvons compter. »

    Il s’en fallut même de peu que justement l’Humanité ne passe aux mains des scissionnistes. C’est dire l’ampleur des problèmes, largement sous-estimés au congrès de Tours, alors que les scissionnistes s’étaient préparés largement en amont déjà.

    Il est vrai que les dirigeants du Parti Communiste (SFIC) avaient de toute façon une démarche absurde. Au lieu de revendiquer l’ensemble des fonds du Parti socialiste SFIO au nom de la continuité, ils prônaient le compromis, en proposant la répartition des fonds selon le nombre des mandats des motions au congrès de Tours ! On était au degré zéro de la combativité.

    Ce n’est pas tout : malgré la forte progression des opposants au sein de la CGT, la direction de celle-ci avait réussi à profiter de sa faible majorité en termes de mandats et à provoquer une scission/expulsion, avec en décembre 1921 la formation de la Confédération générale du Travail Unitaire, liée à la SFIC. C’est une défaite en termes de bataille pour la légitimité, puisque le Parti socialiste SFIO « maintenu » peut utiliser cela comme argument en sa faveur.

    Et à cela s’ajoute le fait que la CGT-U est également voire surtout impulsée par les syndicalistes révolutionnaires, dont une partie se confond avec le Parti Communiste (SFIC) dans un insupportable mélange des genres.

    Ce problème serait à la limite secondaire s’il y avait une réelle direction qui s’était formée à partir de la bataille du congrès de Tours. Ce n’est pas le cas, car la lutte de deux lignes n’a pas été menée en tant que telle, les partisans de l’Internationale Communiste n’ayant cessé de louvoyer, de vouloir convaincre les sociaux-patriotes.

    Quel fut le résultat ? La direction du Parti était, en 1921 constituée des éléments suivants.

    Ludovic-Oscar Frossard est le secrétaire général, Fernand Loriot est secrétaire international, Antonio Coen est secrétaire adjoint, Marcel Cachin est Directeur de l’Humanité. Il y a comme délégués permanents Raoul Verfeuil, Flavien Veyren, Lucie Colliard, Charles-André Julien.

    Or, Ludovic-Oscar Frossard démissionne en janvier 1923, pour fonder une Union socialiste communiste et finalement revenir à la SFIO dès 1925. Fernand Loriot cesse toute activité dès 1922 et quitte le Parti en 1926.

    Antonio Coen est exclu en 1926 pour appartenance à la franc-maçonnerie et il rejoint la SFIO. Raoul Verfeuil est exclu en 1922, il rejoint l’Union socialiste communiste, puis dès 1924 la SFIO.

    Flavien Veyren quitte le Parti en 1923, pour rejoindre l’Union socialiste communiste et finalement la SFIO après 1945. Lucie Colliard est exclue en 1929, elle rejoint le Parti socialiste ouvrier et paysan en 1938, puis la SFIO en 1945. Charles-André Julien quitte le Parti en 1926 et rejoint la SFIO en 1936.

    Cela signifie que sur les huit premières figures majeures du Parti Communiste (SFIC), six finissent par rejoindre la SFIO ! Fernand Loriot fréquente de son côté l’ultra-gauche, seul Marcel Cachin restant inébranlable.

    Mais Marcel Cachin n’est pas un dirigeant et d’ailleurs il a une tendance au centrisme très marqué, lui qui vient de la droite initialement. En fait, le Parti Communiste (SFIC) n’apparaît pas comme ayant été porté par des cadres ; sa naissance reflète un élan, mais tout l’appareil du Parti a été siphonné par les scissionnistes et il n’y a pas une nouvelle génération prête à en former un nouveau.

    Le Parti Communiste (SFIC) apparaît ainsi, en 1921 au congrès de Marseille, comme construit sur des sables mouvants. Il n’a pas de dynamique, alors qu’on aurait pu considérer que sa fondation en aurait formé une.

    Son nombre de membres a d’ailleurs reculé, passant de 178 787 à 131 476. C’est moins qu’au congrès de Strasbourg de début 1920 (133 227) et c’est en fait une baisse exprimant une véritable tendance, s’étalant sur toute la décennie.

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  • Le matérialisme dialectique et la réponse à 1 + 1

    Du point de vue bourgeois, 1 + 1 = 2. Cela repose sur la tradition partant de Pythagore, passant par Platon puis Descartes, débouchant sur l’idéologie mathématique. Le monde serait constitué à partir de nombres ; comprendre quelque chose consisterait à étudier sa composition numérique.

    On évalue chaque chose au moyen des nombres, car tout est dénombrable, les nombres étant fixés, stables, éternellement de même nature. Comprendre une chose, ce serait la mesurer.

    Descartes résume cette conception en disant que :

    « J’ai découvert que toutes les sciences qui ont pour but la recherche de l’ordre et de la mesure se rapportent aux mathématiques ; qu’il importe peu que ce soit dans les nombres, les figures, les astres, les sons, ou tout autre objet, qu’on cherche cette mesure ; qu’ainsi il doit y avoir une science générale qui explique tout ce qu’on peut trouver sur l’ordre et la mesure prise indépendamment de toute application à une matière spéciale. »

    L’idéologie mathématique repose de ce fait forcément sur l’existence d’un « 1 » primordial, « Dieu », qui donnerait naissance au multiple tout en lui conférant une certaine unité pour ne pas qu’il s’éparpille.

    Le matérialisme dialectique rejette cette conception qui donne une « source » unique à la réalité et qui la voit comme « composée » au moyen de nombres. Concrètement, le matérialisme dialectique rejette le « dénombrement » du monde et de ses éléments, au nom de l’infini.

    Comme tout est divisible à l’infini, on ne saurait trouver des éléments stables, fixés pour l’éternité et donnant une « composition » certaine, éternelle, du point de vue mathématique.

    Il n’existe pas d’éléments fixes, statiques, éternels, comme le seraient les nombres. Autrement dit, les choses ne sont pas dénombrables, car elles ne sont pas séparables les unes des autres, déjà, mais en plus dans leur aspect relatif par rapport aux autres choses, elles sont également en mouvement, donc insaisissables au moyen d’éléments statiques, fixes comme les nombres.

    Pour le matérialisme dialectique, les mathématiques sont un moyen de « photographier » la réalité, c’est-à-dire de quantifier un processus à un moment donné, pour un certain état donné. Mais cela s’arrête là : il n’y a pas de « décodage » du « langage » de l’univers au moyen des mathématiques.

    Pour cette raison, il n’existe pas dans les faits de formule mathématique abstraite comme « 1 + 1 = 2 », mais toujours une réalité physique concrète, à un moment donné, ce qui fait qu’on a : 1 crayon + 1 crayon = 2 crayons, ou bien 1 homme + 1 femme = 1 homme + 1 femme + 1 bébé.

    Comment le matérialisme dialectique cerne-t-il cependant la question « 1+ 1 = ? » en tant que telle ?

    Il existe trois réponses possibles :

    a) la question 1 + 1 n’est, au sens strict, pas possible car l’univers forme une seule unité globale ; il n’est donc pas possible de séparer les éléments le composant ;

    b) la question 1 + 1 a comme réponse 1, car chaque chose a deux aspects, comme l’exprime la loi de la contradiction ou conception des deux points ; on a ainsi 1 +1 = 1, ce qui est parfaitement juste puisque cela signifie également que 1 +1 = (1 +1) + (1 +1) = 1, et ce à l’infini ;

    c) la question 1 + 1 a comme réponse 3, car toute contradiction porte un saut qualitatif et amène à davantage que les quantités initiales.

    Il existe alors deux possibilités : choisir une réponse parmi les trois, ou bien considérer qu’il manque une réponse pour avoir deux contradictions se faisant face, composant elle-même une seule contradiction.

    Au sens strict, la réponse de type a) et celle de type b) se répondent ; dans l’une, on a un monde réduit au « 1 » et, dans l’autre, on a l’infini. On a ainsi la contradiction entre le fini et l’infini. C’est, de ce fait, en soi la preuve que 1 +1 = 1.

    Il faut alors chercher la réponse correspondant de manière dialectique à la réponse de type c), qui dit que 1 + 1 = 3 en raison de l’existence d’un saut qualitatif.

    L’opposé du qualitatif, c’est le quantitatif. On devrait alors logiquement penser qu’il suffit de supprimer le saut et de laisser les choses se cumuler quantitativement. On aurait alors 1 + 1 = 2.

    1 + 1 = 2 et 1 + 1 = 3 seraient deux opposés, comme expressions de l’opposition entre quantité et qualité.

    Un tel choix n’est cependant pas possible. En effet, quand on dit 1 + 1 = 3, on n’a pas que la qualité, on a aussi la quantité. 1 + 1 = 3 c’est en effet 1 + 1 = 2 + le saut qualitatif. On ne peut pas séparer la quantité de la qualité.

    Pourtant, on ne peut pas séparer la qualité de la quantité non plus. Quelle est alors la réponse à donner à 1 + 1 dans un telle approche où l’on cherche l’opposé de la qualité ?

    C’est simplement 1 + 1 = 0. Le contraire du saut qualitatif – qui passe par la quantité – n’est pas une quantité statique, mais le statique lui-même. 1 + 1 = 0 signifie : rien ne change.

    La contradiction entre 1 + 1 = 0 et 1 + 1 = 3 est celle entre l’absolu et le relatif (et inversement).

    Les deux aspects d’une chose permettent l’existence d’un processus, son existence relative en tant que processus – et ce processus est absolu car il existe en tant que tel.

    Mais les deux aspects portent en soi la rupture et confère donc à l’existence d’une chose, de manière absolue, un caractère seulement relatif à son existence, qui est ainsi dépassable.

    On a ainsi :

    • 1 +1, c’est-à-dire seulement le 1, c’est-à-dire le fini
    • 1 + 1 = 1, c’est-à-dire 1 +1 = (1 +1) + (1 +1) = 1, c’est-à-dire l’infini
    • 1 + 1 = 3, c’est-à-dire la qualité passant par la quantité, c’est-à-dire l’absolu relatif
    • 1 + 1 = 0, c’est-à-dire la chose en elle-même, le relatif absolu

    Ce qui donne :

    d’abord
    la
    première
    contradiction :
    l’espace
    ensuite
    la
    seconde
    contradiction :
    le temps

    1 + 1 = 1, c’est-à-dire 1 +1 = (1 +1) + (1 +1) = 1, c’est-à-dire l’infini
    1 +1, c’est-à-dire seulement le 1, c’est-à-dire le fini
    1 + 1 = 3, c’est-à-dire la qualité passant par la quantité, c’est-à-dire l’absolu relatif
    1 + 1 = 0, c’est-à-dire la chose en elle-même, le relatif absolu

    La question 1 + 1 ne saurait ainsi se répondre de manière mécanique, statique, au moyen de nombres fixés éternellement et ayant une valeur en soi ; elle pose, au fond, la question du rapport du temps à l’espace, c’est-à-dire du mouvement à la matière elle-même, matière qui porte le mouvement et produit ainsi le temps.

  • Le matérialisme dialectique et le caractère inégal des artistes et des scientifiques

    A travers les orages le soleil de la liberté a brillé pour nous
    Et le génial Lénine a éclairé notre chemin
    Staline nous a élevés – pour la loyauté au peuple
    Pour le travail et les exploits

    Tout développement se caractérise par le développement inégal ; rien n’est linéaire et un processus qui s’affirme se distingue nécessairement des autres processus de par ses nuances, sa différence, finalement sa contradiction avec eux.

    Tout développement se pose ainsi comme un déséquilibre, un saut qualitatif, une émergence, une modification, avec un aspect particulier qui prime, qui bouscule l’équilibre ainsi que les autres aspects.

    Cela est vrai non seulement pour ce qu’observent l’artiste et le scientifique, en tant que phénomène matériel observé, mais cela est vrai également de l’observation de l’artiste et du scientifique elle-même. Toute pensée est un phénomène matériel, se déroulant par un être humain concret, et elle obéit de ce fait elle-même à la loi de la contradiction.

    Il n’y a pas de pensée « pure » ; toute pensée est une activité de la matière grise propre à un être humain dans une situation concrète.

    Cette pensée est dans les faits une réflexion, le reflet de la réalité. Et ce processus de réflexion est lui-même contradictoire dans son développement, il est lui-même de nature inégale, rien qu’au sens où cette réflexion n’est pas celle des autres êtres humains, de par ses nuances, sa différence et finalement la contradiction qu’elle pose avec les autres réflexions.

    C’est la raison pour laquelle les artistes et les scientifiques troublent de par leurs réflexions, qui se posent comme des affirmations qui sont en décalage avec les réflexions des autres êtres humains, qui n’ont eux pas encore connu le même processus de pensée, en raison du développement inégal.

    L’humanité est en retard sur le développement de la matière, mais elle est également en retard sur l’artiste et le scientifique qui sont en première ligne pour saisir un aspect de ce développement.

    C’est la raison pour laquelle les artistes et les scientifiques, lorsqu’ils réalisent des œuvres artistiques ou scientifiques, surprennent, étonnent ou choquent, de par le caractère avant-gardiste de leur démarche, les autres êtres humains prenant conscience a posteriori par rapport à eux.

    C’est la raison pour laquelle les artistes et les scientifiques se sentent en décalage par rapport aux êtres humains, éprouvant une certaine méfiance ou réticence à la socialisation, ayant peur d’être incompris, rejetés, ostracisés pour leurs efforts de synthèse.

    Spinoza, qui raisonnait au 17e siècle sur l’univers comme formant un ensemble organisé et systématique, avait ainsi pris comme devise « Caute », soit « prudence », « méfiance » ; il savait que sa cosmologie était si avancée et l’humanité si en retard que sa vie serait en danger s’il ne prenait garde à ce qu’il disait publiquement. Averroès avait au 12e siècle la même position face au fanatisme musulman, alors que lui-même diffusait la philosophie matérialiste d’Aristote.

    Inversement, des artistes et des scientifiques ont fait un fétiche de cette position en décalage, étant épaulés en cela par le capitalisme qui a mis en avant cette forme pour jouer les faussaires quant au contenu.

    L’esthétique noire de Baudelaire, la figure des « poètes maudits », le symbolisme de Rimbaud, le surréalisme… sont des exemples bien connus en France d’un charlatanisme se prétendant visionnaire au nom d’un décalage en réalité théâtralisé et nullement produit par une situation d’avant-garde.

    L’art moderne puis l’art contemporain fonctionnent précisément par décalage, surprise, étonnement… afin de prétendre représenter quelque chose d’avant-garde. C’est une caricature de la réalité dialectique – au caractère forcément inégal – de l’artiste.

    Il y a pareillement une théâtralisation menée par certains scientifiques – de manière fétichisée sur une base initialement scientifique ou bien de manière entièrement manipulatoire – afin d’apparaître comme des génies ouvrant la voie à quelque chose de radicalement nouveau, de formidable (comme Wilhelm Reich avec sa révolution sexuelle et « l’orgone » comme forme d’énergie vitale, en France Didier Raoult et le covid-19 comme gripette dont il aurait la solution, etc.).

    En somme, pour apparaître visionnaire, des figures cherchent à apparaître comme tourmentés, en décalage, à part, « maudits », en opposition au « système », etc.

    Cela existe bien entendu dans le domaine de l’idéologie où il y a toujours des ultras cherchant à se donner une image hyper-révolutionnaire au moyen de coups d’éclat plus ou moins superficiels, afin de se donner l’image d’une avant-garde, de prétendre représenter un développement inégal.

    En réalité, tout se démasque aisément si l’on voit que le caractère inégal des artistes et des scientifiques repose sur une activité de synthèse de la réalité.

    La réalité se transforme, les artistes et les scientifiques voient cette transformation et la reflètent, dans un processus en décalage avec les autres êtres humains. Mais ce reflet est un processus de synthèse ; les artistes et les scientifiques ne s’éloignent pas de la réalité, ils cherchent à la représenter de manière synthétique, complète.

    Ils visent à poser un monument de clarté ; ils n’ont rien à voir avec une théâtralisation cherchant à imiter la complexité et la découverte.

    Ils portent une dimension démocratique, car ils cherchent à montrer quelque chose de manière synthétisée ; ils ont une exigence de complétude, une logique d’encyclopédie, car ils portent la systématisation dans le rapport au réel. Ils savent que tout le monde atteindra un jour cette dimension synthétique, d’où leur souci de l’accessibilité, de la diffusion des conceptions à l’ensemble du peuple.

    Les artistes et les scientifiques sont ainsi, lorsqu’ils sont authentiques, forcément du côté de la démocratie et du peuple ; le développement inégal de leur démarche les rend cependant méfiants et en décalage, exigeant un rapport dialectique de la société avec eux, une bienveillance complète marquée par la fermeté sur les principes, comme l’URSS le fit avec l’écrivain Maxime Gorki et le scientifique Vladimir Vernadsky.

    Le nouveau chasse l’ancien et cela passe par la synthèse ; les porteurs de synthèse correspondent à un développement inégal, tant de par leur activité que dans le développement inégal observé, synthétisé. Une société saisissant cette dimension de l’activité des scientifiques et des artistes est capable de les reconnaître pleinement, de les soutenir, de les orienter, de développer réellement la science et les arts.

  • L’industrie de la reproduction humaine illustre une énième facette de la seconde crise générale du capitalisme

    Plus le capitalisme avance, plus il doit trouver de nouveaux marchés pour se reproduire, et pour cela il doit de plus en plus se tourner vers du superflu et faire tomber les barrières morales. Cette dynamique va en s’intensifiant en temps de crise, puisqu’il existe alors une masse de capital cherchant à s’investir.

    C’est le cas du marché de la reproduction humaine, qui profite de la stérilité causée par d’autres secteurs détruisant la nature et les capacités de reproduction des espèces, mais aussi de l’égocentrisme inhérent à une société individualiste.

    Au lieu d’orienter les incroyables forces productives et technologiques vers le développement d’un mode de vie harmonieux, il y a un désordre caractéristique, où l’on ne raisonne qu’en court terme et en parades des développements anarchiques antérieurs.

    En somme, on soigne les maux d’une industrie mortifère par une autre, encore plus aliénante avec de nouveaux intérêts en jeux.

    Le grand « avantage » du marché de la reproduction est qu’il place son créneau dans le fondement même de la vie : perpétuer l’espèce. Et celle-ci passe par la capacité à se reproduire. C’est donc quelque chose qui peut passer facilement pour incontournable, dans lequel on ne va pas hésiter à investir.

    Cette industrie a tout intérêt à transformer la procréation, déplaçant une production naturelle par une artificielle grâce à la technologie. C’est en cela que peuvent se créer de nouveaux secteurs dans lesquels les capitaux disponibles peuvent venir s’injecter.

    Prenons par exemple les dispositifs de congélation des gamètes, l’imagerie médicale de pointe, le matériel obstétrique et bien sûr, le développement des outils génétiques, permettant d’isoler des gènes, de raccrocher des morceaux d’ADN tels que les ciseaux génétiques CRISPR-Cas9.

    C’est que pour être réellement un marché viable, la reproduction va devoir toucher les couples hétérosexuels non-stériles, le plus gros marché potentiel. Le moyen d’y arriver est la génétique.

    Pour ce marché en pleine expansion, la libéralisation de la PMA n’est pas un droit pour les homosexuels, c’est l’outil principal du processus permettant de faire passer un saut qualitatif au marché en allant à la rencontre des couples fertiles et des femmes seules.

    Et pour toucher des couples stériles et des femmes seules, il faut proposer quelque chose d’attractif à banaliser, avec le pragmatisme génétique, « pour le bien de sa descendance ».

    On a ainsi un développement extrêmement sophistiqué de la génétique pour pouvoir d’abord proposer l’implantation d’embryons « sains », puis pour pouvoir de plus en plus proposer des « options ».

    Le bond de la pratique de la PMA depuis 2015 correspond d’ailleurs à l’amélioration des congélations d’ovocytes, mais aussi à la multiplication des possibilités de diagnostiques préimplantatoires (DPI), avec notamment des techniques permettant, outre d’éliminer un large spectre de maladies génétiques, de choisir le sexe depuis l’analyse génétique de l’embryon.

    On a donc des parents non-stériles qui optent pour la PMA pour éviter des « problème génétiques », ceux-ci allant de la trisomie 21 à la dyslexie en passant par le strabisme comme cela peut être proposé au Royaume-Uni. Et d’autres encore, parce qu’ils ne veulent pas de fille, du fait d’une société encore fortement patriarcale comme c’est souvent le cas des couples chinois, par exemple.

    Depuis ces améliorations, le marché de la procréation et ses multiples entreprises éparpillées commencent à connaître une activité intense de fusions – acquisitions, montrant une tendance au monopole.

    Au début des années 2010, les entreprises étaient éparpillées, avec d’un côté des cliniques « indépendantes », de l’autre quelques banques de sperme et une industrie de niche.

    En Europe, c’est l’Espagne qui a constitué le premier pôle à faire de la reproduction un secteur avec un ensemble de cliniques privées (IVI) essaimant à l’étranger, profitant des lois libérales. Dans ce pays, le marché de la procréation était estimé à un chiffre d’affaire de 500 millions d’euros environ en 2018.

    À titre comparatif, le marché des jus de fruit dans ce même pays (premier vendeur européen) est de 730,63 millions d’euros. La procréation est un secteur du médical dans lequel l’Espagne est spécialisé, au même titre que les jus de fruits dans l’agro-alimentaire.

    Mais pour gagner du terrain il faut pouvoir baisser les prix et bénéficier de lois favorables, cela ne peut se faire qu’en « pesant » toujours davantage.

    C’est le sens de la fusion en 2017 d’IVI les cliniques espagnoles et RMANJ les américaines, faisant de IVI-RMA Global le leader mondial du marché de la procréation.

    Aux USA, le marché de la reproduction est estimé à 3,6 milliards de dollars en 2017. Toujours à titre comparatif, 1,65 milliard c’est le chiffre d’affaire de Burger King en 2018.

    En Asie aussi, le marché de la reproduction est en plein essor, avec une industrie des biotechnologies très développée. La discrimination sexuelle à la naissance au bénéfice des garçons, encore très présente, y promet la popularité du CGP (criblage génétique préimplantatoire, sorte de DPI permettant le choix du sexe).

    Progressivement, les leaders du marché de la procréation vont inéluctablement arriver au stade de monopoles, avec 2 grands secteurs :

    1) Les services, des cliniques liées aux banques de gamètes et aux agences de mères porteuses, qui sont en lien avec les clients.

    2) Les bio-technologies et labos pharmaceutiques (avec les tests ADN, l’imagerie médicale, les outils génétiques, les traitements hormonaux, les instruments obstétriques…) représentant tout de suite des masses de capitaux énormes dont la procréation n’est qu’une nouvelle branche.

    La tendance est également à racheter quelques acteurs des services pour disposer d’un contrôle complet de la chaîne de production de fœtus. Plus il y a de cliniques, plus leur industrie a des débouchés.

    Viennent ensuite des secteurs adjacents comme l’assurance, le transport, le « tourisme de la santé »…

    Évidemment tout cela se fait de manière absolument opaque et anti-démocratique, il est par exemple très difficile de trouver des chiffres, des données et de savoir où tout cela peut bien mener la société.

    La pression du secteur est déjà énorme sur les pays n’ayant pas encore libéralisé la PMA, mobilisant toute une couche intermédiaire intellectuelle libérale sous couvert d’égalité des droits.

    Il en va de même pour la Gestation Pour Autrui (GPA). Le sandale des nouveaux nés coincés dans le pays de leur « gestatrice » pendant les confinements amène les pro-réglementation à arguer en faveur d’une législation pour faciliter les filiations à l’internationale.

    Avec la GPA on normalise le fait de louer le corps d’une femme pour accéder au « désir » d’enfant de tierces personnes. On connaît bien le cas des couples gays, deux hommes ne peuvent pas avoir d’enfants. On connaît aussi le cas des couples hétérosexuels dont l’utérus de la femme ne fonctionne pas. À cela s’ajoute une multitude de raisons tordues de recourir à une mère porteuse : Avoir un enfant après la ménopause, ne pas vouloir abîmer son corps de femme « objectifié » ou encore être un homme et vouloir un enfant tout seul.

    À aucun moment il n’est question de morale, tout est une question de pseudo-égalité à posséder des enfants, de possibilités et de choix, et le rôle du libéralisme est de promouvoir une société où la pire des choses n’est pas la traite des êtres humains mais l’entrave à la liberté de choix.

    Cependant pour la GPA, l’argument de l’égalité des droits à beaucoup plus de mal à faire son chemin puisque cette pratique relève purement et simplement de la traite des êtres humains.

    D’autant plus que l’exploitation reproductive nécessite un réservoir de femmes précaires pour baisser ses prix et pouvoir prétendre à vendre une grossesse à des couples de classe moyenne.

    C’est le sens des multiples tentatives d’ouverture de la GPA en Amérique Latine, ou de son développement dans les pays de l’Est de l’Europe. À l’inverse on a pu voir de scandaleuses usines à bébés en Inde, mais la pression populaire a mené à procéder à une législation restrictive en 2015.

    La crise du mode de production va entraîner une accélération de ce phénomène avec des injections massives de capitaux et une bourgeoisie moderniste poussant à une élimination complète des barrières morales en contournant le débat démocratique, avec par exemple des résolutions internationales.

    La bioéthique va donc être une question cruciale au niveau mondial, c’est un aspect supplémentaire de la friction entre le capitalisme et l’ensemble de la vie, de la biosphère, toujours plus méprisée et bafouée.