Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Créons le PC de France, Parti authentiquement marxiste-léniniste, Parti de l’époque de la pensée Mao Zedong (1968)

    [Rapport présenté au 1er congrès du PCMLF, publié dans l’Humanité Nouvelle du 8 et 15 février 1968.]

    Démasquons les faux marxistes-léninistes.

    C’est le 22 avril 1967 que notre Comité central a pris l’historique décision de convoquer ce IIe Congrès en fixant à son ordre du jour la naissance d’un Parti communiste marxiste-léniniste de l’époque de la pensée de Mao Tsé-toung.

    Il est bien évident que tous les camarades de notre organisme de direction nationale étaient conscients des difficultés que ne manquerait pas de soulever une telle perspective. Néanmoins ce fut à l’unanimité moins une voix que fut arrêtée cette décision.

    Le seul membre du Comité central qui refusa d’approuver l’intention de créer le nouveau Parti, lança par la suite une campagne fractionnelle active, en invoquant son droit à rejeter toute soumission servile pour se soustraire à toutes les obligations statutaires qu’il aurait dû respecter.

    Il mit en avant une quantité d’arguments de procédure pour dissimuler le fait qu’en réalité il avait mission de tout faire pour tenter d’empêcher la création du Parti marxiste-léniniste.

    En vérité, la décision de notre Comité central était tout simplement conforme à l’article 19 de nos Statuts, qui stipule expressément :

     » Le Congrès national est la plus haute instance du Mouvement. Il est convoqué par le Comité central… « 

    Mais revenons au fameux C. M. L- F- qui fit son apparition, comme par hasard, juste quinze jours après que nous ayons constitué la Fédération des cercles marxistes-léninistes.

    Nous avons déjà suffisamment expliqué qu’il s’agit d’un groupe de diversion et de confusion monté de toutes pièces par l’ennemi.

    Sa seule raison d’être est de tenter de désagréger les rangs des marxistes-léninistes français.

    Pour ce faire, il emploie les méthodes traditionnelles d’intoxication pratiquées par toutes les polices bourgeoises.

    Ainsi il appelle à voter de Gaulle en décembre 1965 et cette attitude qui n’engage personne puisqu’il n’a personne derrière lui, permet le lendemain aux dirigeants révisionnistes d’annoncer que les  » cercles prochinois (c’est-à-dire nos organisations) appellent à voter de Gaulle, alors même qu’une Conférence nationale tenue à Paris à notre initiative lance le mot d’ordre  » Ni de Gaulle, ni Mitterrand, il faut un candidat communiste !  » sous la signature de 100 militants communistes connus et estimés.

    De même aujourd’hui les dirigeants révisionnistes s’appuient activement sur toutes les proclamations et prétendues activités du C. M. L. F. pour affirmer sans scrupules que les groupes  » pro-chinois  » s’entre-déchirent et ne parviennent pas à réaliser leur unité, ce qui risque de tromper et décourager encore certains camarades sincères mal informés de la réalité des choses tout à fait contraire.

    Mais répétons-le nous ne parlerions pas de ce C. M. L. F., s’il n’avait bénéficié depuis quatre ans de l’actif soutien, sur tous les plans, d’un Parti étranger se prétendant « marxiste-léniniste », dirigé par un homme qui se démasque complètement à l’heure actuelle en lançant contre le Parti Communiste Chinois, contre la pensée du camarade Mao Tsé-toung et contre la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne tous les arguments calomniateurs et mensongers déjà utilisés par les impérialistes américains et les révisionnistes soviétiques.

    Vous comprendrez, camarades, qu’il ne nous appartient pas de désigner les premiers les tenants de cette entreprise provocatrice dont le but est de semer la confusion chez les marxistes-léninistes européens, de tenter, vainement d’ailleurs, de désagréger leurs rangs, mais vous voyez très bien de qui nous voulons parler, n’est-ce pas?

    Car vous savez aussi que depuis quatre ans, nous n’avons cessé de nous opposer aux tentatives grossières d’ingérence dans les
    affaires des marxistes-léninistes français développées par ce dirigeant qui se dissimulait dans les plis du drapeau rouge pour mieux pouvoir le déchirer.

    Nous devons à une juste vigilance de notre Bureau politique, il faut le dire, à sa prudence systématique, de n’être jamais tombé dans les provocations tendues par ce représentant de l’ennemi, qui était d’autant plus dangereux qu’il laissait croire frauduleusement qu’il était chargé de la mission spéciale de diriger la réorganisation des marxistes-léninistes européens par les Partis frères restés fidèles au marxisme-léninisme.

    Bien entendu, c’était là un énorme mensonge provocateur, car une telle attitude était totalement étrangère aux justes conceptions et pratiques de nos camarades chinois ou albanais qui refusent justement de façon absolue toute ingérence dans les affaires intérieures des marxistes-léninistes d’autres pays!

    Il n’est cependant pas douteux que le travail de ce prétendu dirigeant  » européen  » a causé certains dégâts à des organisations marxistes-léninistes.

    C’est pourquoi l’analyse sérieuse de son activité internationale nous paraît nécessaire pour en tirer les enseignements par la négative, qui prendront ensuite toute leur efficacité en empêchant que semblable aventure ne se reproduise.

    Pour ce qui nous concerne, qu’il nous suffise de mettre en garde l’ensemble de nos camarades et amis, sur le fait que le C. M. L. F., disposant d’un important fichier d’adresses établi avec l’appui des ennemis pour qui il travaille, s’emploie très activement à l’heure actuelle à envoyer dans toute la France des collections de l’hebdomadaire de ce dirigeant étranger anti-marxiste-léniniste qui contiennent de longs articles contre la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne contre la Pensée du Président Mao, et défend le dirigeant chinois qui bien que du Parti, s’était engagé dans la voix capitaliste, le Khrouchtchev chinois auteur du livre noir sur le perfectionnement individuel de soi.

    Aidons ceux qui aspirent à devenir des marxistes-léninistes conséquents.

    Nous faisons une différence complète entre cette officine de provocateurs et le groupe constitué à partir de démissions et d’exclusions de l’Union des Étudiants Communistes révisionnistes par un certain nombre de militants, avec lesquels nos contradictions ne sont pas, pour l’instant du moins, antagoniques, plus à l’aise pour regretter sincèrement qu’un nombre sinon important du moins appréciable de jeunes intellectuels d’avant-garde n’aient pu jusqu’ici trouver la voie lui permettant de sortir du bourbier intellectualiste où l’a fourvoyé à ses origines l’attitude fort préjudiciable des dirigeants révisionnistes du P. C. F. comme de l’Union des Étudiants Communistes.

    Au sujet de ces éléments, que nous ne tenons nullement pour des ennemis, nous rappellerons simplement ce que déclarait Lénine dans  » Un pas en avant, deux pas en arrière  » à propos des intellectuels bourgeois qui craignent la discipline et l’organisation prolétariennes :  » Nul n’osera nier que ce qui caractérise, d’une façon générale, lés intellectuels en tant que couche particulière dans les sociétés capitalistes contemporaines, c’est justement l’individualisme et l’inaptitude à la discipline et à l’organisation. « 

    Ajoutant un peu plus loin à l’adresse d’un de ses contradicteurs:
     » Dès l’instant que tu veux être membre du Parti, tu dois reconnaître aussi les rapports d’organisation, et pas seulement platoniquement… « 

    Vous comprenez qu’aujourd’hui nous parlons des jeunes et ardents militants de cette Union des jeunesses communistes qui aspire tant à être tenue pour marxiste-léniniste, bien que ses liens avec le prolétariat authentique de notre Pays nous paraissent encore bien minces, disons même pratiquement inexistants.

    Les constatations que nous avons faites au sujet de ces militants ne sont pas pour nous surprendre.

    Le Mouvement ouvrier révolutionnaire ne manque pas d’exemples précis où l’idéologie petite-bourgeoise prévalant parmi les étudiants est parvenue à les empêcher de se lier au prolétariat et les a condamnés à la stérilité la plus totale vis-à-vis de la Révolution, quand elle ne les a pas transformés en contre-révolutionnaires.

    Répétons-le, en 1904, au IIe Congrès du Parti social-démocrate de Russie, Lénine dut livrer une âpre lutte contre certains éléments opposés à sa ligne, publiée dans « l’Iskra « , pour l’unification organique, sur la base des principes marxistes.

    Ces contradicteurs anti-léninistes s’accrochaient aux conceptions groupuscu-laires des cercles, des clans, des fractions, des tendances.

    La plus grande confusion idéologique régnait parmi eux, l’opportunisme n’était pas leur moindre défaut. Lénine les fustigea à de nombreuses reprises en les désignant sous le vocable de  » professeurs et collégiens « , bien entendu ils s’opposaient au centralisme préconisé par lui.

    Nous n’affirmons pas que la comparaison entre eux et les étudiants français qui se veulent, en France, en 1967, marxistes-léninistes, mais restent groupés entre eux, est valable sur tous les points, mais en fournissant la référence léniniste à ces militants, nous espérons que les meilleurs d’entre eux pour le moins seront en mesure de réfléchir sérieusement aux problèmes que soulèvent leur comportement et leur isolement, s’ils aspirent sincèrement, ce que nous croyons, à devenir des marxistes-léninistes conséquents.

    En fait la critique fondamentale que nous faisons à l’U. J. C. m.-l., c’est de n’avoir pas rejeté de manière décisive toutes les erreurs révisionnistes de l’U. É. C., notamment dans le domaine des principes d’organisation.

    La création d’organisations non prolétariennes et non intégrées dans les couches prolétariennes autrement que par des rapports de sommet consacre une violation des principes de classe sur le plan de l’organisation.

    Une organisation exclusivement petite-bourgeoise, même si elle prétend se ranger sur des positions prolétariennes, reste une organisation petite-bourgeoise.

    Il n’est pas surprenant que l’U. É. C., création de ce genre décidée par les dirigeants révisionnistes du Parti Communiste Français, aie complètement dégénéré en tendances, groupes, fractions, coteries et se soit pratiquement désagrégée d’année en année. Il ne pouvait en être autrement.

    C’est la violation des principes de classe et d’organisation léninistes qui explique cette situation si préjudiciable aux authentiques éléments intellectuels et étudiants d’avant-garde qui avaient le sincère désir de se placer sur les Positions idéologiques, politiques et organisationnelles de la classe ouvrière.

    Mais pourquoi donc les militants de l’U. J. C. m.-l. ont-ils commis de nouveau la même erreur, lorsque tirant les conséquences de leur lutte interne au sein de cette U. E. C. révisionniste ils ont décidé d’en sortir ou s’en sont trouvés exclus par les procédés habituels des dirigeants révisionnistes?

    Nous avons eu des entretiens avec ces militants. Nous sommes convaincus que se trouvent dans leurs rangs d’excellents camarades, des hommes décidés et capables, dont la lutte conduite à la lumière du Marxisme-léninisme en France a un besoin certain.

    Mais nous n’avons pu les empêcher de rester repliés entre eux, sans qu’ils acceptent d’effectuer une sérieuse enquête à notre sujet comme nous les y convions en raison des ragots et stupidités qui circulaient dans leurs rangs.

    Il est certain qu’il y a eu beaucoup de pression de l’ennemi, sous des formes multiples, d’où ne doit pas être exclue une grande subtilité, pour empêcher que se réalise l’unification de cette jeunesse estudiantine et intellectuelle avec notre Mouvement.

    Nous n’avons pas poursuivi nos entretiens avec eux parce que nos positions respectives ne coïncidaient vraiment pas, en particulier sur la question capitale de l’opportunité, de la nécessité de créer le nouveau Parti maintenant.

    Mais nous ne désespérons nullement de rétablir des contacts corrects avec l’U. J. C. m.-l., encore que dans une lettre datée de ce trimestre leurs dirigeants nous aient une fois de plus opposés le refus de toute autocritique sur leur soutien à la candidature Mitterrand et quelques autres positions erronées dont ils continuent à se prévaloir.

    A leur base nous constatons une grande diversité d’opinions et d’éléments. Certains ont des pratiques qui relèvent directement des méthodes de la petite-bourgeoisie, comme ce qu’on appelle en milieu étudiant le  » maffiotage « , qui n’est autre qu’une vieille pratique sociale-démocrate dont les résultats sont toujours sans lendemain et tout à fait artificiels parce que superficiels.

    Une ligne de masse? Avec quel contenu de classe?

    Ils entendent développer une  » ligne de masse  » sur différentes questions, en particulier en ce qui concerne le soutien politique à apporter au peuple vietnamien, et, dans ce domaine ils ont remporté quelques succès.

    Mais, pour nous, quelle ligne de niasse peut donc exister si nous ne commençons d’abord par implanter une organisation, un Parti prolétarien, Parti de classe, seul capable de diriger des organisations de masse dans lesquelles les plus larges couches laborieuses viennent se regrouper autour et sous la direction de la classe ouvrière.

    En dehors d’une direction prolétarienne des masses, de quelle  » ligne de masse  » peut-il donc être question?

    Certes il est possible d’entraîner un certain nombre d’intellectuels sur la question du Vietnam, et cela n’est nullement négligeable.

    Mais si ces couches sont abandonnées entre elles, qu’adviendra-t-il sinon la prompte manifestation de leur instabilité et leur désorganisation au premier tournant, leur faiblesse à l’image de ce qu’ont obtenu les révisionnistes en transformant le Mouvement de la Paix en véritable coquille vide où résonnent seulement maintenant les doctes paroles des  » non-violents  » ou des sincères et pacifiques représentants de  » Pax christi « ?

    Attention au dogmatisme !

    Si nous nous arrêtons si sérieusement sur les positions de l’U.J.C. m.-l., c’est qu’elles nous offrent aussi l’occasion de préciser dialectiquement les nôtres.

    Ainsi en va-t-il encore de la conception du Parti, que ces militants voudraient  » de l’époque de la Révolution Culturelle  » alors que nous l’entendons quant à nous de l’époque de la Pensée de Mao Tsé-toung, ce qui ne comporte évidemment pas en France et en 1967 le même contenu immédiat.

    La grande Révolution Culturelle et Prolétarienne, qui comporte pour nous une quantité d’enseignements théoriques et pratiques, se développe, sous le contrôle de la dictature du prolétariat dans ce qu’elle représente de plus authentiquement populaire, c’est-à-dire sous le contrôle des masses, qui sont inspirées par la pensée du Président Mao.

    Ce fut le rôle essentiel des gardes rouges que d’aider, protéger et entraîner les masses dans leur révolte prolétarienne contre les bureaucrates infiltrés dans les rangs du Parti et de l’État, qui préparaient fiévreusement l’offensive du révisionnisme moderne sous la conduite de quelques hommes qui, bien que du Parti, jouaient effectivement le rôle de Khrouchtchev chinois.

    A travers cette gigantesque lutte contre le révisionnisme moderne, contre la ligne noire de l’idéologie bourgeoise, le Parti Communiste Chinois s’épure brillamment et devient le premier Parti communiste qui méritera authentiquement le qualificatif  » de l’époque de la Révolution Culturelle  » c’est-à-dire dont les militants, toujours placés sous le vigilant contrôle de la base et des masses prolétariennes, répondront à la juste conception d’un homme nouveau, d’un homme  » révolutionnarisé « , d’un homme véritablement communiste.

    Les conditions spécifiques nationales et historiques de la France sont totalement différentes de celles de la République Populaire de Chine à l’heure actuelle : peut-on sérieusement parler d’un  » Parti de l’époque de la Révolution Culturelle « , dans un Pays encore dominé par le système d’exploitation de l’homme par l’homme, par le capitalisme qui s’exerce à travers un gouvernement au service des monopoles, dans un Pays ou l’idéologie dominante reste, appuyée par tous les organes de l’État, l’idéologie bourgeoise ?

    Nous pensons que vouloir transposer sur le plan français la remarquable expérience en cours en Chine socialiste, c’est tout simplement faire preuve de dogmatisme ou d’intellectualisme.

    Cela ne-signifie nullement, faut-il encore préciser, que nous ne considérions comme indispensable pour nous de retenir, assimiler et appliquer dans nos propres rangs nombre d’enseignements fournis par la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne à commencer par exemple par la prise de conscience permanente qu’existé la lutte des classes non seulement dans les rangs de tout Parti communiste, mais aussi dans la tête de chaque homme, de chaque militant, et qu’il convient en conséquence de mener sans cesse l’indispensable lutte contre toutes les manifestations de l’idéologie bourgeoise.

    Mais nous mettons en garde tous nos camarades contre des interprétations dogmatiques de la Révolution Culturelle Prolétarienne, comme par exemple la prétention de quelques étudiants, qui ont quitté nos rangs, parce qu’on ne leur laissait pas la possibilité  » de se révolter contre le Comité central « , de développer, à notre étape actuelle, une activité fractionnelle intense, de lancer à tort et à travers des critiques sans fondement et souvent de caractère personnel.

    En vérité ces jeunes gens n’avaient rien compris à la Révolution Culturelle et n’avaient pas saisi qu’avant tout elle vise le révisionnisme moderne et n’institue nullement quelque principe nouveau qui établisse le droit, dans un Parti de type léniniste, de pratiquer la  » critique pour la critique « , un peu comme certains esthètes s’adonnent à l’art pour l’art, le droit de vider de son contenu de classe l’appel du président Mao à « oser parler, oser critiquer, oser se révolter et oser vaincre  » pour ne lui laisser que le vide d’une abstraction.

    Qu’est-ce que le centralisme démocratique ?

    Nous sommes pour le centralisme démocratique, fondement de tout Parti authentiquement communiste de type marxiste-léniniste. Nous sommes pour le centralisme démocratique tel qu’il fut et reste pratiqué de prestigieuse manière par le camarade Mao Tsé-toung.

    Le dirigeant du Parti Communiste et du peuple chinois nous enseigne à ce sujet :  » Au sein du peuple, la démocratie est corrélative au centralisme, la liberté à la discipline.

    Ce sont deux aspects contradictoires d’un tout unique; ils sont en contradiction, mais en même temps unis, et nous ne devons pas souligner unilatéralement l’un de ces aspects et nier l’autre.

    Au sein du peuple, on ne peut se passer de liberté, mais on ne peut se passer non plus de discipline ; on ne peut se passer de démocratie, mais on ne peut non plus se passer de centralisme.

    Cette unité de la démocratie et du centralisme, de la liberté, et de la discipline constitue notre centralisme démocratique. Sous un tel régime, le peuple jouit d’une démocratie et d’une liberté étendues, mais en même temps, il doit se tenir dans les limites de la discipline socialiste. « 

    Et le Président Mao dans différentes interventions a précisé ce qu’est la discipline :

     » II faut réaffirmer la discipline du Parti, à savoir : 1° soumission de l’individu à l’organisation ; 2° soumission de la minorité à la majorité; 3° soumission de l’échelon inférieur à l’échelon supérieur ; 4° soumission de l’ensemble du Parti au Comité central.

    Quiconque viole ces règles de discipline sape l’unité du Parti », expliquait-il dans  » Le rôle du Parti communiste chinois dans la guerre nationale « , en octobre 1938, après avoir souligné dès 1928 que :

     » L’une des règles de discipline du Parti, c’est la soumission de la minorité à la majorité. La minorité qui voit son point de vue repoussé, doit se rallier à la décision prise par la majorité.

    En cas de nécessité, la question peut être posée de nouveau à la réunion suivante, mais aucune action allant à l’encontre de la décision n’est permise.  » ( » L’élimination des conceptions erronées dans le Parti « , décembre 1929).

    Des manifestations d’incompréhension du centralisme démocratique se sont produites dans nos rangs, cela n’est pas pour nous surprendre puisque nous étions encore dans une étape transitoire entre l’autonomisme de notre ancienne  » Fédération des cercles  » et le Parti centralisé que nous créons aujourd’hui.

    Cela provenait d’une prédominance au départ, dans nos rangs, de l’idéologie petite-bourgeoise, d’un contenu social encore très insuffisamment prolétarien. Ies choses ont complètement changé depuis lors.

    Sans doute des éléments sincères ont-ils adopté sur cette question une position erronée dans la mesure où ils n’ont pas su distinguer la juste soumission dont le Président Mao parle en la conditionnant par son indispensable complément qui est la possibilité de s’exprimer et développer complètement son point de vue minoritaire, dans le cadre de l’organisme auquel on est rattaché, et la soumission seryile.

    Nous devons en effet bannir de nos rangs la soumission servile.

    Celui d’entre nous qui accepterait n’importe quelle position idéologique, politique ou sur tout autre plan sans l’examiner lui-même, sans la comprendre lui-même, sans lui avoir appliqué son droit de critique, qui ne signifie pas forcément la critique de ce qui n’est pas critiquable en définitive, et réagirait donc de façon servile ne saurait être un authentique communiste.

    Justement nous touchons là du doigt un des plus graves défauts des révisionnistes : depuis des années et des années ils ont substitué, dans leur Parti, la soumission servile à la soumission consciente, à la démocratie prolétarienne.

    C’est ainsi qu’ils ont ordonné que les thèses marxistes-léninistes ne soient jamais étudiées ni discutées dans leurs cellules autrement qu’à partir des mensonges et des calomnies qu’ils diffusent eux-mêmes.

    Ce qui constitue au passage la preuve irréfutable de leur faiblesse et de leur inquiétude mortelle devant les arguments des marxistes-léninistes, à commencer par ceux des camarades chinois et albanais.

    S’ils s’étaient sentis assez forts pour contrecarrer la juste influence de ces thèses, ils n’auraient pas eu recours à cette soumission servile qu’ils exigent de leurs adhérents de base, tout en les confinant dans des actions de souscription ou fêtes-kermesses au lieu de leur apporter une solide formation idéologique.

    Les rapports entre les chefs et les militants de base.

    Et cette question du centralisme démocratique nous conduit tout naturellement à examiner quelle doit être la nature des rapports entre nos dirigeants, nos cadres, et nos militants à quelque niveau se trouvent-ils, nos militants de base en particulier.

    Sans les militants de base, les cadres ne seraient rien.

    Sans les militants de base les dirigeants n’auraient aucun pouvoir.

    C’est dire que les membres de notre Comité central, de notre direction nationale, doivent être avant tout des hommes et des femmes qui bénéficient de la confiance de la base, de toute notre base, c’est dire que le plus modeste de nos camarades doit pouvoir s’adresser à eux d’égal à égal, entre communistes qui sont, ensemble, des serviteurs du peuple, des serviteurs de la lutte des classes, des serviteurs de la Révolution.

    Il convient d’en revenir en ce domaine à la Juste conception des  » chefs  » du Mouvement ouvrier et révolutionnaire déjà exposée par I^énine, et complètement déformée et reniée par les Révisionnistes au nom de leur fameuse mystification sur le  » culte de la personnalité « .

    Dès 1900, Lénine pouvait affirmer :

     » Aucune classe dans l’histoire n’est parvenue à la domination sans avoir trouvé dans son sein des chefs politiques, des représentants d’avant-garde capables d’organiser le mouvement et de le diriger « .

    Vingt ans plus tard, il précisait :  » Les dirigeants du Parti sont des révolutionnaires reunissant le maximum d’autorité et d’expérience, devançant toujours l’initiative révolutionnaire des masses et capables d’apporter une solution juste et prompte aux questions politiques complexes. « 

    Et voici ce que déclarait sur le même sujet le 13 septembre 1963 le texte publié par le Comité central
    Parti Communiste Chinois  » Sur la question de Staline » :

     » Les marxistes-léninistes soutiennent que pour devenir un véritable état-major de combat du prolétariat, le parti révolutionnaire du prolétariat doit résoudre correctement les rapports entre les chefs, le Parti, les classes et les masses et s’organiser selon le principe du centralisme démocratique.

    Un tel Parti doit avoir un noyau dirigeant relativement stable. Celui-ci doit être constitué par des chefs éprouvés, des chefs qui sachent unir la vérité universelle du Marxisme-Léninisme à la pratique concrète de la Révolution.

    C’est dans la lutte de classes et le mouvement révolutionnaire des masses que surgissent les chefs du parti prolétarien, ces chefs, qu’ils soient membres du Comité central ou d’un Comité local du Parti, sont d’une fidélité absolue envers les masses, ils sont la chair de la chair des masses, ils savent rassembler de façon correcte les idées des masses et en faire une application conséquente. De tels chefs sont les vrais représentants du prolétariat. Ils sont reconnus des masses. « 

    Solutionnons les contradictions au sein du peuple !

    Comment ayons-nous réglé les problèmes sans gravité extrême, il faut le souligner, auxquels nous avons été confrontés sur cette question du centralisme démocratique, sur celle, complémentaire, des rapports entre le Parti et les cadres?

    Le 12 février 1967, notre Bureau politique a mis au point une Résolution qui lui a permis de solutionner quelques contradictions au sein du peuple.

    En voici un extrait qui nous paraît d’une portée pratique efficace :

    « … Les membres du Comité central et de ses organismes exécutifs, Bureau politique et Secrétariat national, sont les élus du Congrès, c’est-à-dire de la totalité des adhérents du Mouvement.

    Ils ne sont donc ni les représentants d’une Cellule, ni ceux d’une Section, ni ceux d’une Région.

    Ils peuvent être membres des Comités de direction de ces organismes, mais partout où ils se trouvent, ils restent toujours investis de leur responsabilité nationale de membre du Comité central.

    Les membres du Comité central ne peuvent donc pas prendre des initiatives contraires aux décisions du Comité central.

    Ils peuvent participer aux discussions des autres organismes pour y faire entrer dans la vie les décisions du Comité central, mais si les décisions du Comité central sont mises en cause, ils ont seulement à en prendre acte pour transmettre les critiques de la base à l’organisme de direction nationale, mais ils ne doivent pas présenter un point de vue personnel sans que ce point de vue ait été discuté et approuvé par le Comité central lui-même.

    Les membres du Comité central ne peuvent pas sans violer le centralisme démocratique attaquer d’autres membres du Comité central en dehors des sessions régulières de la Direction nationale et devant des adhérents de base.

    Toutes attaques de même nature devant un groupe restreint de membres du Comité central constituent un travail fractionnel.

    Toutes ces dispositions relèvent directement du centralisme démocratique.

    Aussi elles impliquent la plus large démocratie à l’intérieur de l’organisme du Comité central lui-même.

    Elles ont pour objet d’empêcher la dégénérescence sociale-démocrate et révisionniste qui se traduirait aussitôt par l’apparition de tendances, de fractions et de clans.

    Mais elles n’excluent pas l’existence, sur certaines questions de minorités à l’intérieur du Comité central.

    Toutes ces dispositions applicables au Comité central le sont aussi respectivement à chaque échelon du Mouvement : Région, Section, Cellule… « 

    Ce texte avait été rendu nécessaire par l’affrontement qui s’était produit entre quelques camarades du Comité central, spontanément, devant des organismes de base, à Paris, sur une question que nous allons aborder dans un instant.

    Soulignons que sa portée vient d’être renforcée encore par un texte publié le 6 décembre dernier par notre Bureau politique sous le titre  » Corrigeons nos défauts « !

    L’objet essentiel de ce nouveau document, que vous connaissez tous pour l’avoir reçu récemment est de développer la lutte dans nos rangs contre deux défauts : l’espionnite et le ragôtage.

    Il fournit les moyens et méthodes concrètes pour corriger ces défauts, et souligne tout spécialement :

     » …II n’y a de vérité qu’à l’intérieur du Parti, dans le cadre du fonctionnement régulier de ses organismes collectifs.

    S’il y a des problèmes, des questions à poser, elles doivent l’être dans la Cellule, ou dans les Sections, Régions ou Comité central. Nulle part ailleurs. « 

    C’est là ce que le camarade Mao Tsé-toung appelle  » mettre la question sur le tapis « .
    Notre attitude à l’égard des travailleurs chrétiens.
    Mais abordons, puisque nous venons d’en parler, une question qui agita certaines de nos cellules ainsi que notre Comité Central, la question de notre attitude à l’égard des travailleurs chrétiens.

    Vous savez que nos adversaires et l’ennemi nous ont largement fait grief d’avoir exprimé à ce sujet des positions qui ne relèveraient pas de l’idéologie marxiste-léniniste. Le C. M. I,. F., et aussi le dirigeant prétendu marxiste-léniniste d’un parti étranger dont nous avons déjà parlé, en ont abondamment usé.

    Il convient donc de rendre publique la Résolution de notre Bureau politique en date du 12 février 1967, à ce sujet. La voici : elle a été entièrement rédigée par les camarades qui développaient des critiques, et elle a été ensuite adoptée à l’unanimité par notre Bureau politique et ratifiée par notre Comité Central :

    1° Dans notre pays, des fractions relativement importantes des masses laborieuses, ouvriers, paysans et petits employés, restent encore influencées, à divers degrés, par l’idéologie chrétienne.

    Sous ses diverses formes, la bourgeoisie française, qu’elle soit cléricale ou anticléricale, cherche à perpétuer dans son intérêt la division entre les travailleurs athées et chrétiens.
    Fidèle à la position léniniste, le Mouvement Communiste Français (marxiste-léniniste) refuse les manœuvres de la bourgeoisie dite  » de gauche  » qui, au nom d’un anticléricalisme sommaire, cherche à opposer les uns aux autres les travailleurs chrétiens.

    Les travailleurs et militants chrétiens ont un rôle important à jouer dans la lutte de classes et le combat anti-impérialiste. A l’unité d’action avec les travailleurs chrétiens, les révisionnistes préfèrent le compromis électoraliste avec la petite bourgeoisie laïque d’une part, et le  » dialogue au sommet  » de Garaudy avec les théologiens de l’Église d’autre part.

    En agissant ainsi, ils encouragent la division des travailleurs au grand bénéfice de la hiérarchie catholique, qu’ils enjolivent et déguisent en  » puissance pacifique « .

    Seule l’unité d’action dans la lutte peut permettre d’arracher les travailleurs encore influencés par l’idéologie réactionnaire du christianisme au contrôle de la hiérarchie catholique.

    Et la pratique de cette unité d’action est inséparable d’une dénonciation vigoureuse de la hiérarchie catholique, ainsi que de tous ceux qui, sous une figure gauchiste, cherchent en réalité à s’infiltrer dans les rangs progressistes, au seul profit de l’Église.

    Nous devons soigneusement distinguer entre les travailleurs et militants progressistes, et les agents déguisés de la hiérarchie catholique ou de la haute société protestante.

    Enfin l’adhésion de travailleurs et de militants progressistes qui rompent avec l’idéologie chrétienne, constitue une aide appréciable pour le Mouvement communiste, car ce sont des éléments neufs qui n’ont pas été marqués par la tradition du révisionnisme et du réformisme.

    Le Mouvement Communiste Français (marxiste-léniniste) tend une main fraternelle à tous les travailleurs, ouvriers, paysans et petits employés chrétiens.

    Quelle que soit leur conception du monde, ils ont leur place pleine et entière aux côtés des communistes sur le Front de la lutte de classes et du combat antiimpérialiste.

    2° Notre position sur cette question a déjà été clairement exprimée dans le Rapport politique présenté au Congrès de Lancry par le camarade Jurquet.

     » Ceci doit d’ailleurs nous permettre de préciser notre avis sur les alliances avec les travailleurs catholiques.

    Si nous condamnons résolument l’opportunisme d’un Garaudy qui l’a conduit jusqu’à la trahison idéologique, si nous condamnons résolument la visite de Gromyko au Pape, alors que celui-ci s’est publiquement affirmé comme un soutien actif de Johnson et de la politique impérialiste, que nous analysons avec sérieux le rôle réactionnaire de la hiérarchie catholique dans son ensemble, il n’en demeure pas moins que nous ne refusons nullement l’appui et l’union avec des travailleurs catholiques ; le tout est que nous ne nous placions pas sur des positions de collaboration de classes, mais toujours sur des positions de lutte de classes.

    Que nous importe la foi d’un travailleur s’il participe sans réserve au combat de la classe à laquelle il appartient ?

    Que nous importe la foi des- Frères Franciscains  » Frères du Monde  » à Bordeaux, dès l’instant où sur le plan mondial ils affirment sans ambiguïté leur préférence pour la voie d’émancipation humaine où Mao Tsé-toung a entraîné 650 millions de Chinois contre la voie de la perpétuation de la misère pour 400 millions d’Indiens qui restent opprimés par le joug capitaliste… « 

    Le camarade Gilbert Mury a, dans sa Conférence de Presse du n novembre, souligné à son tour l’importance que notre Mouvement attache à l’unité d’action ; à la base, avec les travailleurs et militants chrétiens.

    Le camarade Gilbert Mury a, en outre, dans ses textes et différents ouvrages, défendu, sur les problèmes théoriques de l’unité avec les travailleurs chrétiens, des positions personnelles qui ont déjà suscité dans nos rangs des discussions animées.

    Le Bureau politique souhaite que ces débats se poursuivent largement à tous les échelons de notre Mouvement afin d’approfondir, dans un cadre centraliste démocratique, nos positions sur ces questions.

    Les positions déjà exprimées par le camarade Gilbert Mury constituent dans ce débat un élément utile dans la discussion en cours.

    Nous pouvons ajouter aujourd’hui que depuis lors cette question n’a plus soulevé de débats passionnés témoignant de contradictions au sein du peuple qui ne seraient pas surmontables. Nos pourfendeurs en sont donc pour leurs frais, et ne sont pas parvenus à diviser nos rangs à partir d’un point particulier de tactique.

    Arracher tous les travailleurs à l’influence révisionniste.

    Mais il nous faut aborder maintenant la question capitale qui nous concerne, celle qui consiste à lier profondément, étroitement, notre Parti avec la classe ouvrière de notre pays.

    Sur le plan politique comme sur le plan syndical, que nous n’isolons jamais du premier car nous ne sombrons pas dans l’économisme, déjà dénoncé depuis si longtemps par les grands penseurs et praticiens du marxisme, économisme dans lequel les dirigeants révisionnistes tentent frénétiquement
    de rejeter chaque jour un peu plus le Mouvement ouvrier.

    Toute notre stratégie consiste à entraîner les masses derrière l’avant-garde de la classe ouvrière, dans la lutte de classes contre la bourgeoisie, contre le capitalisme, contre le pouvoir et l’État qui en sont aujourd’hui l’expression en France, c’est-à-dire contre le pouvoir et l’État des monopoles.

    Mais il apparaît que tactiquement le premier adversaire que nous rencontrons sur la voie du rassemblement des forces ouvrières et populaires, c’est le révisionnisme moderne, ce qui peut expliquer dans une certaine mesure que nous ayons consacré jusqu’ici la majeure partie de nos efforts à lutter d’abord contre lui.

    Nous sommes en vérité l’avant-garde la plus consciente en France de l’armée de plusieurs millions d’ouvriers, français et immigrés, en lutte contre l’exploitation qui consiste à éterniser l’esclavage capitaliste.

    Nos militants ouvriers, syndicalistes expérimentés pour la plupart, sont aux côtés des syndicats de Chine, d’Albanie et d’autres syndicats et organisations révolutionnaires du Monde, pour défendre la ligne anti-impérialiste et mener jusqu’au bout la lutte contre l’exploitation de l’homme par l’homme.

    Les révisionnistes khrouchtchéviens auxquels obéit servilement la clique française de Saillant, encouragée par ses mandats Léon Mauvais, Benoît Frachon, Georges Séguy et compagnie, agissent pour maintenir la lutte ouvrière mondiale dans les limites du régime capitaliste, pour en conserver intact le système.

    Comment pourrait-il en être autrement alors que les Brejnev et consort détruisent le Socialisme et restaurent le Capitalisme dans le glorieux pays des Soviets, de Lénine et de Staline.

    Comment ces traîtres pourraient-ils en même temps vouloir transformer le Capitalisme en Socialisme, ailleurs dans le monde?

    Leur logique est d’œuvrer pour rétablir le Capitalisme dans les pays socialistes, et pour le maintenir là où il est encore au pouvoir.

    C’est pourquoi ce courant idéologique hostile représente la cause fondamentale de la division irréconciliable de l’unité au sein de la F. S. M. [federation syndicale mondiale], c’est pourquoi la F. S. M. sombre de plus en plus dans le bourbier du pacifisme, du réformisme et de l’opportunisme, c’est pourquoi enfin les dirigeants de la F. S. M. sont devenus les plus grands scissionnistes de la classe ouvrière, les instruments et les laquais de la bourgeoisie et de l’impérialisme, pour saper de l’intérieur, l’unité et la lutte de la classe ouvrière.

    Ils sont de connivence avec les agents invétérés de la bourgeoisie, et même de l’impérialisme américain, recherchant l’unité au sommet avec les chefs internationaux et nationaux des syndicats jaunes.

    Ils agissent pour s’infiltrer dans les organismes d’État nationaux tels que le Conseil Économique, ou internationaux tels que le Bureau International du Travail, proposant des réformes de structures, la participation à la programmation économique des monopoles, en échange d’un arrêt des luttes pendant l’application des plans d’État, ou accords patronaux, les nationalisations, prétendant transformer ainsi progressivement, le pouvoir des monopoles en démocratie véritable, et le capitalisme en socialisme.

    Nous sommes pour le maintien des buts internationalistes du Mouvement ouvrier et syndical.

    Le principe fondamental reste la solidarité combative internationale entre les ouvriers, en combinant la lutte de classes contre la bourgeoisie avec la lutte de Libération nationale des peuples contre l’impérialisme, le colonialisme et le néo-colonialisme.

    C’est pourquoi nous rendrons à la classe ouvrière française le sens international à ses luttes, pour qu’elle participe au vaste front mondial anti-impérialiste réunissant les peuples de tous les pays, conduits par la classe ouvrière et les forces révolutionnaires.

    Nous condamnons la F. S. M. qui a été transformée en un appendice de la politique étrangère soviétique, politique de collaboration ouverte avec l’impérialisme américain pour le partage entre eux du monde en deux zones d’influences, politique de chantage nucléaire contre les peuples pour les amener à renoncer à la révolution, et pour paralyser les peuples en lutte.

    Nous condamnons les dirigeants de la F. S. M. qui n’ont plus rien de commun avec la classe ouvrière et qui font tout pour se rapprocher des chefs réactionnaires des syndicats dits « libres « , et des renégats de la clique de Tito, en vue de saborder la F. S. M. et de fabriquer une nouvelle internationale syndicale englobant les syndicats gangsters américains financés par la C. I. A.

    Ceci est l’explication de la lutte acharnée de ces renégats contre les syndicats chinois et albanais qui persistent dans la voie révolutionnaire.

    C’est pourquoi ils les ont privés de leur représentation légitime à la dernière session du Conseil Général à Sofia pour qu’ils ne dénoncent pas une nouvelle fois leur sinistre complot.

    Mais toute la vérité, la grande trahison des révisionnistes finira par éclater au grand jour, aux yeux des travailleurs.

    Par ce moyen, à la lumière de nos luttes pour les revendications politiques et économiques, nous isolerons les traîtres révisionnistes de la classe ouvrière, et nous mènerons les travailleurs à la victoire, même si comme nous l’enseigne le Président Mao, nous savons qu’  » il y a encore beaucoup d’obstacles et de difficultés sur le chemin de la révolution « .

    La lutte qui se poursuit au sein de la F. S. M. entre les deux lignes, entre les révisionnistes khrouchtché-viens et tous leurs semblables d’une part, et d’autre part, principalement nos camarades chinois et albanais, a son reflet comme dans un miroir au sein de la C. G. T.

    Nous y retrouvons la même ligne définie à Moscou via Prague, avec les mêmes conséquences en ce qui concerne l’exclusion de nos camarades marxistes-léninistes et de tous ceux qui se battent sur la ligne de la lutte des classes.
    Il faut nous attendre à ce que cette lutte se durcisse. Elle grandira avec la croissance de notre Parti, elle nourrira le Parti et nos forces.

    Le ridicule communiqué du C. C. N. de la semaine dernière, à notre sujet, en témoigne.

    L’exclusion de nos militants du sein de la C. G. T. est la preuve qu’ils mènent une juste lutte, qu’ils sont sur les positions prolétariennes internationales.

    Ce prolongement au sein de la C. G. T. de la scission organisée par les révisionnistes au sein de la F. S. M., porte nos camarades marxistes-léninistes à la tête de la lutte et les désigne aux travailleurs comme les véritables défenseurs de leurs intérêts économiques et politiques.

    Nos camarades ne peuvent pas être isolés même si, au début, la prise de conscience des masses est douloureuse et brutale, même si les masses se laissent prendre parfois un court moment aux calomnies et à l’écœurement.

    Si nos militants s’arment de courage, ripostent coup sur coup, restent liés à l’intérêt des travailleurs, s’ils servent sans désemparer le peuple ; la large masse qui les entoure à chaque fois se solidarise de mille manières avec eux.

    Avec nos militants, les travailleurs trouvent eux-mêmes la riposte appropriée, à savoir au plus haut degré actuel :

    – soit l’organisation d’un Comité de base en regroupant les travailleurs déjà syndiqués ou non ;

    – soit la création d’un nouveau syndicat révolutionnaire qui rompt radicalement avec les syndicats révisionnistes et réformistes.

    Au degré le plus bas, de toute manière un fort courant de sympathie des masses entoure nos camarades, courant de sympathie qui se développera au cours des prochaines luttes.

    Ces attaques contre nos militants sont une bonne chose, elles aident à la prise de conscience des niasses, obligent les membres serviles et autres de l’appareil révisionniste à prendre position, à choisir et à jeter bas le masque.

    Ceci est la preuve dans la pratique, de l’affolement de la direction de Séguy et sa clique qui ont peur de voir triompher au sein de la C. G. T., par le seul jeu démocratique, nos justes positions.

    En dernière analyse ils démontrent qu’ils se sont emparés de la direction, qu’ils ont usurpé le pouvoir, qu’ils s’y maintiennent par tous les moyens.

    Ils défendent également leur place de bonze qu’ils sentent menacée de l’intérieur.

    Mais ces pratiques qui n’ont rien de commun avec toute la tradition du Mouvement syndical français, qui constituent un fait sans précédent dans l’histoire de notre classe ouvrière, rendent les bonzes révisionnistes et leurs laquais de service, de plus en plus méprisables aux yeux des travailleurs, et de plus en plus vulnérables.

    A chaque exclusion, qu’ils évitent en fait maintenant avec soin, car ils désireraient un départ de nos militants par l’écœurement, sur la pointe des pieds, sans tambour ni trompette, ils se démasquent de plus en plus, montrant leur vrai visage de traîtres, même lorsqu’ils se cachent derrière des manipulations et interprétations à leur guise des statuts de la C. G. T.

    Mais à chaque fois, ils donnent un nouveau coup de scie dans la branche pourrie qui les supporte.

    Leur chute se rapproche et sera brutale car en définitive, ce sont les travailleurs qui un jour prochain leur demanderont des comptes. Nous devons mettre un grand soin à étudier la combien précieuse expérience de nos camarades et particulièrement de ceux de la Paulstra à Châteaudun.

    Ils sont parvenus à une expérience de masse qu’il nous faut examiner, soumettre à la critique, enrichir et restituer aux masses.

    Il nous faut populariser ces expériences pour étude dans nos rangs et les populariser pour enseignement dans les masses, car nos camarades de la Paulstra n’ont fait que mettre en pratique, la solution, la riposte qui avait été envisagée théoriquement, et avant les faits, au sein de notre commission ouvrière.

    En effet, les manœuvres de scission des révisionnistes sont prévisibles, et c’est à nous à mettre au point dès maintenant, les instruments organiques de notre riposte qui deviendront les instruments de défense et d’attaque de la classe ouvrière.

    Il nous faut restituer aux masses cette glorieuse expérience à l’actif de nos camarades, de notre Mouvement, de notre Parti, car ce qui est nouveau et jeune, grandit et se développe dans la lutte.

    Au début, nous devons prévoir, en fonction de nos forces, c’est-à-dire de notre pénétration actuelle dans la classe ouvrière, de notre implantation, et de la liaison de nos militants avec les masses.

    Cela veut dire qu’il ne faut pas faire d’aventurisme, ni de dogmatisme dans l’application de tels mots d’ordre. Pour cela il ne faut pas laisser isolés nos camarades et les laisser se débattre seuls.

    Le Parti, la Cellule doivent jouer leur rôle auprès de nos camarades ouvriers et leur porter toute l’aide nécessaire.

    Aussi, la création de Comités de base ne pourra se faire que dans le combat antirévisionniste, en liaison étroite avec les luttes revendicatives et politiques, à travers la démystification des trahisons révisionnistes et réformistes.

    L’exemple en cours chez Rhodiaceta est fort intéressant à cet égard.

    Cela ne pourra donc se faire, et cela n’a rien de comparable avec la tactique des luttes révisionnistes, car c’est le processus inverse, que catégorie par catégorie, atelier par atelier, usine par usine, profession par profession, en regroupant progressivement les Comités de base, et en les coordonnant dans une action montante de plus en plus large, au fur et à mesure que l’action aura plus d’ampleur et de profondeur.

    En appliquant la méthode tactique préconisée par Mao Tsé-toung qui nous enseigne de savoir pratiquer  » bouchée par bouchée « .

    Lorsque cela sera possible, là où les syndicats révisionnistes et réformistes sont déjà démystifiés par les masses, là où il n’y a plus aucun syndicat, il sera nécessaire de créer directement un syndicat unique révolutionnaire, de défense des travailleurs et de lutte des classes, débarrassé des querelles de boutiques.

    Les Comités de base pourront ainsi se transformer en de tels syndicats.

    Ce sera le seul moyen de réaliser l’unité totale, si chère aux travailleurs, et de faire reculer jusqu’à la défaite finale, le patronat et l’État patron, en les engloutissant dans la même tempête révolutionnaire, avec leurs valets révisionnistes et sociaux-démocrates.

    Les révisionnistes doivent être démasqués sur toute la ligne

    Nous sommes en désaccord avec les grèves répétées et éparpillées, sans coordination, de vingt-quatre heures, avec les grèves catégorielles épuisantes. Nous sommes en désaccord avec les grèves tournantes par secteur public ou privé, corporation par corporation, usine par usine, atelier par atelier, catégorie par catégorie. Ceci serait yalable si cela consistait en une véritable mobilisation générale des travailleurs pour leurs revendications communes les plus urgentes.

    En fait il s’agit de démobilisation sur des revendications multiples, différentes, et d’actions sans lendemain, comme au 17 mai, dans des buts de jeux parlementaires ou électoraux.

    Une telle pratique, une multitude de programmes revendicatifs qui font la joie et la raison d’être des commissions d’arbitrages du statut Grégoire, Toutée ou « Tartempion », où les représentants syndicaux, souvent divisés entre eux au sommet, après une  » unité  » de façade, bataillent en fait pour la répartition de miettes qui sèment encore la division parce que souvent elles ne vont pas aux plus défavorisés.

    C’est pourquoi depuis vingt ans nous n’avons pas vu le règlement définitif de nos principales revendications :

    1° Les quarante heures, sans diminution de salaires.
    2° L’alignement des salaires de province sur la région parisienne par la suppression des abattements de zone.
    3° Un véritable salaire garanti.

    Alors que ces trois revendications essentielles concernant tous les travailleurs peuvent les mobiliser tous ensemble sur les mêmes mots d’ordre, nous allons tous à la bataille en ordre dispersé, en grèves épuisantes répétées de vingt-quatre heures. Depuis principalement 1958, les révisionnistes donnent comme perspective unique et solution miracle à leurs revendications, une victoire électorale de la classe ouvrière, basée sur l’alliance avec les pro-américains Mitterrand et Guy Mollet.

    Ceci laisse sous-entendre que ces gens ne sont plus les ennemis honnis de la classe ouvrière et que nous sommes en démocratie.

    C’est dire que de Gaulle, le pouvoir des monopoles, l’armée et la police à leur service, accepteraient de se laisser déposséder du pouvoir par les voies électorales, alors qu’ils l’ont pris par un coup d’État avec la complicité du même Guy Mollet.

    Cette fausse espérance démocratique, l’illusion du « programme commun » et de « la démocratie véritable » masquent la nature même du pouvoir et transforment en alliés, les pires ennemis de la classe ouvrière depuis 1947.

    Cela mène la classe ouvrière à de graves désillusions, à de graves échecs, car en définitive, comme en 1948 et en 1958, les Mitterrand, Guy Mollet et Jules Moch, se retrouvent toujours au moment décisif dans le camp de la réaction.

    C’est ce qui explique la démobilisation idéologique du prolétariat.

    Les grandes luttes sont trahies, bafouées, vouées à l’échec (grève des mineurs en mars 1963, en 1967 chez Dassault en prévision des élections législatives, à la Rhodiaceta, Saint-Nazaire, mines de fer de l’Est), d’une manière plus ou moins camouflée, au nom de l’union sans principe, sans tenir compte de l’avis des travailleurs en lutte, les obligeant à respecter le calme et la dignité dans les défilés, parfois sur le trottoir pour ne pas gêner la circulation selon les lois bourgeoises.

    Les accords se font avec les représentants capitalistes sans l’avis des travailleurs, comme F. O. sait si bien le faire, mieux: dans les mines de fer de l’Est, ce sont les responsables C.G.T. qui, au grand jour, ont trahi la grève, en ordonnant la reprise du travail en pleine lutte. Obéissant aux ordres capitalistes, ils allèrent se mettre à genoux auprès des autres organisations syndicales qui en furent surprises mais satisfaites.

    Toutes ces grandes luttes bannies par les dirigeants C. G. T. sont remplacées de temps en temps par les barouds d’honneur sans lendemain, annoncés à grand renfort de publicité, quinze à vingt jours avant le jour J, alors que le préavis est de cinq jours pour le secteur public et nationalisé. Ceci démontre l’inefficacité de telles actions et le désintéressement des travailleurs.

    Il suffit de les écouter pour en être convaincu, c’est la perte d’une journée de salaire sans aucun résultat positif, le 17 mai 1967 en est la preuve, n’a rien changé au vote des députés et aux intentions de la classe exploiteuse et de son gouvernement.

    Le programme d’action politico-syndicaliste des Frachon, Mauvais, Séguy, fut : 1° Soutien et appel à voter Mitterrand lors des élections présidentielles. 2° Soutien et appel à voter Fédération de la gauche et P. C. F.

    La journée du 17 mai fut faite uniquement pour soutenir les mêmes, et essayer d’influencer les élus grands bourgeois contre les futures décisions frappant la Sécurité sociale.

    Maintenant que les ordonnances sont établies, mises en application en octobre, ces messieurs se bornent à des constatations, démarches au C. N. P. F. et gouvernement, union sans principes comme d’habitude, avec C. F. D. T. et autres, mais sans rien de constructif en vue d’orienter la lutte du prolétariat, sauf des discussions secrètes avec le C. N. P. F. et le gouvernement, sur quoi !

    Au nom de qui! mandaté par qui! pas par les travailleurs surtout.

    Ainsi donc nous voyons que les plus persévérants de nos efforts doivent s’orienter vers ces questions capitales, que sont, d’une part, celle de l’unité véritable de la classe ouvrière et, d’autre part, celle de la tactique des luttes.
    C’est seulement si les réponses, que nous fournissons et fournirons aux problèmes que se posent eux-mêmes les travailleurs, leur apportent des perspectives claires et positives qu’ils reconnaîtront en nous leurs véritables représentants, l’expression de leur avant-garde la plus consciente et la plus sûre.

    Pro-chinois ou marxistes-léninistes.

    Sans doute aurions-nous encore d’importantes questions à traiter. Réfuter par exemple les stupidités de la bourgeoisie et des dirigeants révisionnistes qui lancent contre nous la vieille calomnie de  » parti au service de l’étranger « ,  » au service des Chinois  » cette fois-ci. On nous baptise volontiers  » pro-chinois « , ce qui certes ne nous gêne nullement.

    Mais il nous faudrait expliquer que nous sommes tout simplement des marxistes-léninistes, que nous entendons tout simplement appliquer aux conditions spécifiques de la France les enseignements universels du Marxisme-Léninisme enrichis par la pensée de Mao Tsé-toung.

    Parce que Marx et Engels étaient allemands, penserait-on à dire aujourd’hui, que le Marxisme était allemand, parce que Lénine et Staline étaient russes, penserait-on à dire aujourd’hui que le Léninisme était russe, alors parce que Mao Tsé-toung est chinois n’est-il pas plus stupide de nous qualifier de  » prochinois  » ?

    Des maquis en haut du Mont Ventoux ?

    Waldeck-Rochet, ce révisionniste encore plus falot que Kautsky ou Bernstein, se plaît à nous présenter comme désireux d’organiser  » des maquis en haut du Mont Ventoux « , l’expression est de lui!

    Quelle malhonnêteté pour un homme qui fait tout pour paraître sérieux aux yeux de la bourgeoisie.

    Il est vrai que pareil mensonge ne peut que le servir dans ce sens, puisqu’il sert la bourgeoisie.

    Nous savons, grâce aux enseignements de Marx, de Lénine, de Mao Tsé-toung que la lutte des classes est irréductible et ne parvient jamais à se solutionner que par la violence.

    Nous dénonçons la  » voie pacifique  » mise en avant par les révisionnistes comme une mystification destinée à tromper les travailleurs.

    Est-ce pour autant, tout en proclamant que le pouvoir est au bout du fusil, que nous sommes assez fous pour croire que la situation française est mûre, proche des grandes échéances révolutionnaires? Notre esquisse d’analyse de classes démontre justement que les méfaits du révisionnisme ont retardé le développement des conditions révolutionnaires dans notre pays.

    La France se situe au surplus dans la zone mondiale des  » villes » qui s’oppose à celle où se déchaînent aujourd’hui les tempêtes révolutionnaires mondiales.

    Nous savons très bien qu’il y a encore beaucoup à faire pour modifier les conditions spécifiques et historiques de la France avant de pouvoir effectivement opposer à la contre-violence révolutionnaire de la bourgeoisie celle du peuple, classe ouvrière en tête.

    Mais nous savons aussi que, dans cette direction, les révisionnistes font tout pour retarder cette échéance, tandis qu’il nous revient de créer un authentique Parti révolutionnaire prolétarien indispensable pour en accéder la venue.

    =>Retour au dossier PCMLF, PCR(ml), VLR, UCF-ML,
    Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe

  • La lutte des ML pour se lier aux masses (1967)

    [Rencontre ouvrière marxiste-léniniste, publié dans l’Humanité nouvelle, n° 51, 27 avril 1967. Extraits.]

    La déclaration de notre Comité Central, en date du 29 janvier 67, souligne que la crise économique actuelle, à l’échelle de l’Europe capitaliste à laquelle notre économie nationale est enchaînée, va connaître un approfondissement considérable qui fera surgir des contradictions et des luttes de classes acharnées.

    Cette crise européenne est cependant inséparable de la crise générale du capitalisme mondial et en particulier de celle de l’impérialisme américain, ce qui rend la lutte du prolétariat français de plus en plus efficace et de plus en plus solidaire dans l’action concrète, des luttes des autres travailleurs et des peuples opprimés dans le monde.

    I. Le but stratégique.

    a) Le but stratégique des révisionnistes modernes en France dont l’expression politique est le P. C. F. révisionniste, est essentiellement d’améliorer, d’augmenter leur représentativité parlementaire selon les règles électorales du moment fixées et imposées par la bourgeoisie, et de tenter d’obtenir au prix de n’importe quelle concession, leur participation au gouvernement bourgeois en présentant celui-ci comme l’émanation de la  » démocratie véritable « .

    Autrement dit, le P. C. F. a renoncé à la prise du pouvoir par les travailleurs et à l’instauration de la dictature du prolétariat.

    La constitution de ce parti d’avant-garde devient d’autant plus nécessaire, indispensable et urgente, que s’accélèrent d’une part la dégénérescence des révisionnistes modernes, sans aucun espoir de redressement interne, et d’autre part l’aggravation de la crise mondiale de l’impérialisme, la crise du capitalisme et la radicalisation de la lutte des classes traduite par le plan de stabilisation du pouvoir des monopoles, la ruine des couches industrielles et agricoles intermédiaires, la mise en réserve progressive d’une armée de 6op ooo chômeurs, la concentration industrielle et agricole, facteur de misère.

    b) La tactique politique des Marxistes-Léninistes est de constituer un front uni anti-monopoliste, anticapitaliste et anti-impérialiste autour de la classe ouvrière alliée à la paysannerie dirigée par le parti communiste marxiste-léniniste qui saura maintenir son indépendance politique, idéologique et d’organisation.

    La C.G.T. elle-même est en proie à une dure lutte des classes de l’intérieur entre ceux influencés par les marxistes-léninistes et ceux influencés par les révisionnistes.

    C’est en effet par la C.G.T. que le P.C.F. révisionniste fait le plus passer dans les niasses travailleuses la théorie du révisionnisme, et la C.G.T. est appelée à devenir le terrain le plus dur de la confrontation et de la lutte entre révisionnistes et marxistes-léninistes.

    c) La tactique syndicale du P. C. F. au sein de la C. G. T. : Le P. C. F. révisionniste cherche à transformer la C. G. T. en sa force d’appoint électorale.

    Les luttes que nous avons menées depuis deux ans ont été organisées et orchestrées uniquement en fonction du calendrier des élections politiques, de façon à ne pas effaroucher la bourgeoisie, surtout la partie sur laquelle le P.C.F. a basé son alliance.

    Les luttes ont été modérées également à l’égard du pouvoir des monopoles, en raison du rapprochement des gaullistes avec les révisionnistes de Moscou, pour ménager le  » parti père  » et aussi par une peur bleue de la répression gouvernementale.

    Toutes les luttes syndicales engagées depuis trois ans principalement ont été molles en dépit de l’aggravation de la situation des travailleurs, de manière à gagner la confiance de la petite bourgeoisie alliée électorale du moment, comme si on avait peur de la ruiner.

    C’est ainsi qu’il n’y a pas de syndicat C. G. T. dans beaucoup d’entreprises dont les patrons sont des S. F. I. O., pleins d’influence, conseillers municipaux, maires, conseillers généraux, en même temps que conseillers prud’hommes patronaux, animateurs des chambres économiques, etc. […]

    Dans cette recherche de l’Unité à tout prix, il faut aussi classer la constitution de syndicats cadres C. G. T., d’une manière entièrement indépendante sur le plan organique. Ceci paraît-il pour établir un parallèle valable avec les syndicats de cadres bourgeois.

    C’est ainsi que chez les cheminots, les camarades C. G. T. cadres sont complètement coupés de la base.

    La collaboration de classe ouverte : Les comités d’entreprise deviennent de plus en plus des instruments de collaboration de classe, parfois en opposition avec les délégués du personnel.

    Les délégués au comité d’entreprise bénéficient d’avantages divers qui parfois peuvent les corrompre : temps de délégation utilisé par exemple pour des besoins personnels. Grâce aux activités sociales ils passent pour de petites personnalités et font jouer parfois le favoritisme.

    Dans certains cas les rapports entre patrons et délégués au sein du Comité d’entreprise; peuvent atteindre la familiarité.

    Ceci est également valable dans les Conseils de Prud’homme où le point de vue de classe est de plus en plus abandonné.

    Il en est de même avec les commissions paritaires de toutes sortes qui échappent au contrôle des masses, car seuls les bonzes syndicaux, spécialistes de ces questions y siègent.

    Les bonzes tendent à discuter puis à participer de plus en plus à l’élaboration des plans de production capitalistes et à réaliser des accords d’entreprise de longue durée avec en contrepartie la suppression de la lutte syndicale pendant la durée de ces accords.

    C’est la théorie de la pause sociale, de la paix sociale, en fait la collaboration capital-travail.

    Il n’y a plus de contrôle des masses sur l’appareil, et les congrès syndicaux sont préfabriqués. […]

    Maintenant c’est un véritable building qui est construit pour la Vie Ouvrière à l’image du nouveau siège du P. C. F.
    Tout cela coûte cher et l’État a bien compris l’usage qu’il pourrait tirer en subventionnant progressivement la C. G. T. ; l’intégration des syndicats passe par leur achat.

    Il est bien évident que le patronat ne subventionnerait pas les écoles syndicales de la C. G. T. si l’on y apprenait encore la lutte des classes, si l’on y formait des cadres syndicaux ayant en vue la disparition du salariat.

    C’est pour la même raison que le patronat finance sous forme de publicité les journaux syndicaux. Les patrons se forgent ainsi un moyen de pression irremplaçable sous menace de suppression inopinée de ces subventions.

    A ce propos il faut retenir aussi que le syndicat C. G. T. a une activité surtout sur le plan vertical, c’est-à-dire corporatif, et là il reste encore quelque chose de vraiment organisé qui permet de mobiliser les travailleurs.

    Mais l’organisation horizontale, sur le plan des U. D. et U. L,. semble surtout administrative sans aucune possibilité réelle de mobiliser et d’entraîner les travailleurs à l’action.

    Il faut noter cependant que l’appareil syndical, surtout à la base, est composé de camarades très dévoués mais ils sont pris dans l’engrenage de la dégénérescence horizontale plus avancée dans les Unions départementales.

    Alors, ils travaillent consciencieusement en vase clos ne saisissant pas l’origine de leurs difficultés; développant leur mentalité corporatiste ce qui sert la tactique de division des luttes. I/esprit de camaraderie entre spécialistes, voire de copinerie, devient leur déformation.

    La tactique des luttes : II ne fait nul doute que la direction révisionniste craint qu’un mouvement de lutte parte du sein de la classe ouvrière, la déborde dans l’action et la balaye dans un courant irrésistible.

    C’est pourquoi elle s’acharne avec les autres directions syndicales, également menacées par l’unité à la base, à juguler la classe ouvrière. Et toute la tactique révisionniste tient à cela : la division des luttes.

    Ils recherchent simplement l’unité dans la catégorie et opposent les catégories entre elles, les corporations entre elles, le secteur public au secteur privé, la classe ouvrière à la paysannerie, une région à une autre : c’est la grève tournante géographique et dans le monde du travail.

    Elle est foncièrement impopulaire, car elle expose à la répression, et ne rapporte pas grand-chose, que des miettes.
    Cette division voulue trouve sa justification par la multiplication des revendications catégorielles.

    Ayant peur des épreuves de force, incapables de diriger de grandes masses dont ils ont tendance à sous-estimer la combativité, les révisionnistes ont capitulé devant les atteintes au droit de grève.

    Seuls les mineurs dépassant la volonté des bonzes ont mis en échec les ordres de réquisition.

    Chez les cheminots cela a été la capitulation pure et simple avec retrait du mot d’ordre de grève.

    Le préavis de 5 jours de grève a toujours été respecté alors qu’il suffisait de ne pas en tenir compte.

    Pourquoi? Il y a même pis, lors des derniers mouvements du 17 mai et du Ier février 67 la grève a été annoncée plusieurs semaines à l’avance.

    Ceci a permis au gouvernement et au patronat de pallier aux difficultés de la grève, la rendant nulle, s’organisant en conséquence, notamment par les lock-out. C’est pour cela que même ces mouvements généraux sont impopulaires parce qu’ils ne gênent en rien le patronat.

    Ces mouvements dits d’  » ampleur nationale  » ne .sont pas des grèves d’avertissement mais des fins en elles-mêmes, des soupapes de sûreté pour désarmer et défouler les masses.

    L’Unité : Ies Marxistes-Léninistes doivent définir leur position vis-à-vis de la C. G. T. dont en fait ils sont les héritiers des traditions de lutte et d’unité, comme ils sont les héritiers de la C. G. T. U.

    Dans le travail de démystification des autres syndicats nous devons associer les bonzes de la C. G. T. compte tenu que si ceux-ci ne vont pas plus loin dans la trahison c’est déjà à cause de la combativité des travailleurs et de leur vigilance parce que la lutte de classe est inévitable et aucun réformiste ou révisionniste ne peut l’empêcher.

    Mais à ces travailleurs il manque encore l’avant-garde réellement organisée et présente partout des Marxistes-léninistes qui leur fera réellement prendre conscience de cette trahison.

    La lutte interne au sein de la C. G. T. : Dans la lutte interne au sein de la C. G. T. nous devons en plus du travail de démystification demander la rotation des responsables syndicaux, réclamer le retour périodique des permanents au travail, la publication de leurs salaires et indemnités, le versement de leur part correspondante de salaires pendant les grèves, aux caisses de solidarité.

    Il faut dénoncer l’augmentation du nombre des permanents inversement proportionnelle à la baisse des effectifs et proportionnelle à l’augmentation des cotisations, demander la suppression des dépenses de prestige : siège luxueux de la V.O. [vie ouvrière] (véritable ministère avec pléthore de fonctionnaires), voitures de permanents à l’usage incontrôlable, etc., les tracts sur papier glacé, les brochures et plaquettes luxueuses.

    Il faut dénoncer aussi les réceptions mondaines d’où sont exclus les travailleurs, qui se multiplient à chaque prétexte et voient invités par la C. G. T. les sociaux-démocrates.

    Elles rapprochent la bourgeoisie avec les bonzes corrompus. Il faut lancer le mot d’ordre :  » plus de réceptions mondaines aux frais des travailleurs entre les bonzes et leurs invités sociaux-démocrates « .

    Faire en sorte que les permanents syndicaux soient de vieux travailleurs pleins d’expérience concrète des luttes, qui aient de la bouteille ouvrière et non nourris au biberon de l’appareil révisionniste qu’on retrouve permanents à 25 ans sans avoir connu véritablement eux-mêmes les conditions de l’exploitation dans une entreprise, ni jamais connu eux-mêmes les affres du licenciement et du chômage.

    Nous devons dénoncer les bonzes qui sont devenus en fait des dirigeants d’entreprise qui recherchent les flatteries des travailleurs et celles de la bourgeoisie.

    Ils sont prêts, en outre, au nom de la  » gestion démocratique des entreprises en régime capitaliste  » à nous vendre par contrat au patronat et au gouvernement bourgeois.

    Cette dénonciation de fausse unité et cette démystification interne des bonzes inamovibles doit s’accompagner parallèlement de la constitution progressive dans l’action, de comités d’unité à la base au cours de l’action, sur notre tactique des luttes et notre programme Marxiste-Léniniste qui exprime réellement les aspirations communes des plus larges couches de travailleurs sans distinction de corporations, de lieux géographiques, de catégories, de cadres ou d’exécution, d’hommes ou femmes, de jeunes ou de vieux.

    Il ne sera pas possible de faire aboutir des luttes générales dures sans avoir obtenu préalablement soit la régénérescence interne de la C. G. T. ce qui paraît bien improbable à court terme, soit la constitution générale de comités d’union à la base pour l’action.

    Chaque fois que cela sera possible, il faudra tenter de lier nos luttes à celles de la petite paysannerie et des petits producteurs : exemple, lorsque les paysans luttent contre les circuits économiques intermédiaires de distribution (choux-fleurs, pommes de terre, artichauts, primeurs, aviculture) ou le prix du poisson lorsqu’il est vendu par le pêcheur 0,30 F le kilo dans le port et 8 F aux Halles de Paris.

    Nous devons enfin lutter contre l’intégration des syndicats à l’État et contre la collaboration capital-travail dans les commissions paritaires, les comités d’entreprise, etc., le conseil économique.

    Il semble nécessaire de créer dès maintenant une commission syndicale permanente au sein du Mouvement Communiste Français Marxiste-Léniniste chargée de l’étude des questions syndicales.

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  • Dirigeants révisionnistes, vous voici engagés dans la même voie que Doriot ! (1967)

    [Éditorial de l’Humanité Nouvelle, 18 mai 1967, alors organe du Mouvement Communiste Français (Marxiste-Léniniste).]

    Dirigeants révisionnistes, vous voici engagés dans la même voie que Doriot !

    Ouvrez  » L’Etat et la Révolution « , relisez Lénine, apprenez comment on doit caractériser un Etat et si vous assimilez de manière juste la conception scientifique de l’Etat vous n’aurez plus aucune difficulté pour comprendre ce qui se passe actuellement dans le monde, dans les pays anciennement socialistes soumis à la baguette du révisionnisme moderne, dans les partis qui se prétendent encore  » communistes  » pour mieux tromper les peuples.

    C’est avant tout le contenu de classe, c’est la classe dont il sert les intérêts qui permet de caractériser un Etat.

    La dictature du prolétariat constitue l’instrument qu’emploie un Etat de contenu prolétarien au service de la classe ouvrière et des couches sociales exploitées avant la Révolution, notamment la paysannerie pauvre et le prolétariat agricole. Le Parti Communiste qui n’a pas dégénéré et prépare la révolution se caractérise de même par son contenu de classe prolétarien.

    Mais si le contenu de CLASSE tant d’un ETAT que d’un PARTI COMMUNISTE se modifie jusqu’à ne plus être celui du PROLETARIAT en redevenant celui de la BOURGEOISIE (grande, moyenne ou petite, peu importe), alors le caractère principal de cet Etat ou de ce Parti change complètement.

    La DICTATURE DU PROLÉTARIAT se transforme en DICTATURE DE LA BOURGEOISIE, le PARTI COMMUNISTE devient un PARTI DE LA BOURGEOISIE. Les titres anciens dont se parent encore longtemps cet Etat ou ce Parti ne servent plus qu’à tromper, à illusionner la classe ouvrière, le peuple, mais constituent des enseignes de faussaires.

    Le révisionnisme moderne a eu pour mission prioritaire d’assurer de tels changements.

    Le processus a été conforme aux principes de la dialectique en accentuant sans cesse une quantité d’actes assurant le retour au capitalisme, précipitant la collaboration avec la bourgeoisie, qui se sont soudain manifestés avec éclat par des faits historiques sur le plan qualitatif.

    Les 20ème et 22ème Congrès ont été le résultat de tels processus. L’incinération de Staline comme de ses oeuvres, les capitulations continues devant l’ennemi, les mesures de régression économique dans le domaine agricole, l’institution de l’intéressement matériel etc… ont constitué, les uns après les autres, autant d’éléments de cette accumulation.

    En Yougoslavie, en U.R.S.S., dans les Démocraties populaires, ce sont maintenant des dictatures violentes qui sont au service non plus du prolétariat mais de bourgeoisies bureaucratiques d’Etat.

    En ce qui concerne le P.C.F., le même phénomène est facile à observer.

    Quels sont les faits ? Les faits tendent tous à faire disparaître au profit des Partis de la bourgeoisie le Parti qui prétend encore défendre les intérêts de classe de la classe ouvrière.

    Aux élections présidentielles, le Parti  » communiste  » ne présente même pas un candidat au premier tour, il fait voter les travailleurs pour le vieux cheval de retour de la bourgeoisie, Mitterrand; aux élections législatives, la tactique est la même, appliquée au deuxième tour, annoncée dès le premier, le P.C.F .assure un important succès de ce qu’il intitule la  » gauche  » en faisant élire par la classe ouvrière ses pires ennemis, tels Guy Mollet, Georges Bonnet, Robert Lacoste, Maurice Faure etc… ; pour l’élection du président de l’Assemblée Nationale le P.C.F. démissionne encore, renonce à présenter son propre candidat et fait voter les élus de son groupe pour Gaston Defferre, maire de Marseille, associé depuis toujours avec la pire réaction ; et aujourd’hui c’est la motion de censure mise au point par la Fédération de la Gauche Démocrate et Socialiste et elle seule qui constitue le point d’appui du P.C.F. dans sa bataille parlementaire contre les  » pleins pouvoirs  » sollicités par l’autre clan de la bourgeoisie au pouvoir, tandis que les dirigeants de la C.G.T. rallient avec quelque retard l’initiative de grève générale de 24 heures prise par les hommes payés en dollars par la C.I.A., les dirigeants de F.O.

    Toute cette ligne politique répond on ne peut mieux aux décisions des congrès révisionnistes du Parti passé sous le contrôle du groupe de Waldeck-Rochet.

    Sa caractéristique essentielle est la recherche permanente et systématique de l’unité  » aux sommets « . Certes, si les militants de base, si les cellules qui n’ont plus de vie réelle, avaient été sérieusement consultés, on n’en serait pas là. C’est d’ailleurs bien pour cela qu’ils n’ont pas été consultés.

    Il y a plus grave: après avoir réalisé cette unité sans principe jadis condamnée sans équivoque par le mouvement communiste international, par Lénine, par Staline, par Dimitrov, par Maurice Thorez lui-même, ces messieurs parlent volontiers d’unité organique, ils cherchent les meilleurs artifices pour réunifier le Parti de Blum et celui de Cachin ! pour fondre en un seul Parti Social-Démocrate les deux Partis !

    Est-il étonnant dès lors, qu’ils fassent matraquer les militants restés fidèles aux enseignements et aux principes marxistes-léninistes ?

    Certes non – c’est là logique naturelle, dans la mesure où ils préfèrent serrer la main de Jules Moch et de ses complices spécialisés dans la répression anti-ouvrière et anticommuniste, mais les travailleurs n’ont pas la mémoire courte.

    Il leur suffit de se reporter quelques 36 à 38 ans en arrière pour découvrir ou se remémorer qu’un dirigeant. du Parti avait déjà voulu imposer cette ligne opportuniste et de trahison aux militants de la base, à la classe ouvrière française.

    La TRAHISON DE DORIOT commença en effet par la tentative d’imposer au Parti une ligne qui recherchait  » l’unité aux sommets  » avec les  » socialistes  » et qui envisageait l’unification organique avec eux. Il abandonnait de la sorte tout le contenu de classe prolétarien de la ligne communiste.

    A relire les documents de l’époque, même par delà les triturations et les maquillages dont ils ont pu être l’objet, depuis lors, on constate que la ligne doriotiste était exactement la même, au détail près, que la ligne actuelle. Une seule différence, de taille sans doute.

    A l’époque, la direction du Parti, énergiquement soutenue par l’Internationale et Staline, sut rapidement démasquer le traître infiltré dans ses rangs et prononça aussitôt son exclusion. Tandis qu’aujourd’hui c’est la direction elle-même qui a pris le relais de cette ligne doriotiste, la pousse à fond, l’applique à 100 p. 100 et fait ainsi sombrer le Parti  » communiste  » dans le bourbier de l’opportunisme au service de la bourgeoisie.

    Régis Bergeron, dans son dernier éditorial tout à fait remarquable, révélait qu’en 25 ans de vie militante il n’avait souvenir d’avoir vu déchaînement de violence fasciste comparable à celle des nervis qui ont attaqué notre meeting de la Mutualité qu’au moment de l’assaut contre le siège de notre Parti, en 1956, lors de la contre-révolution hongroise.

    C’est bien exact en effet et si je fus moi-même à l’époque sauvagement matraqué devant  » La Marseillaise « , à Marseille, par des voyous fascistes, venus à cinquante contre un, le premier jour de leur assaut, je dois aussi à la vérité de répéter que les hommes, entraînés au sifflet, venus l’autre soir à la mutualité, n’avait plus rien de différent avec les émeutiers de 1956.

    Car les dirigeants révisionnistes ont fait d’eux des DORIOTISTES !

    C’est-à-dire des hommes prêts à toutes les violences, sans aucune formation idéologique, ni la moindre connaissance politique, souvent recrutés dans ce que Marx appelait le lumpenprolétariat qui constitue une réserve toute prête pour le fascisme. Ainsi donc, dirigeants révisionnistes, vous voilà engagés dans la même voie que Doriot !

    Il est grand temps que les militants communistes honnêtes choisissent entre cette glissade vertigineuse vers un fascisme néo-Doriotiste et la juste ligne prolétarienne d’un authentique Parti Communiste fidèle aux traditions, aux enseignements, aux principes du passé.

    Pratiquer la  » lutte interne « , prétendre redresser la ligne de l’intérieur n’a plus aucune signification. La situation actuelle est la même qu’en 1912, lorsque Lénine organisa la rupture avec les traîtres Menchéviks, pour constituer un Parti distinct.

    A propos de cette époque, voici ce que dit Staline dans « L’Histoire du Parti Communiste Bolchevik de l’U.R.S.S.  » (page 154, édition de 1949) :  » …En restant dans un seul Parti avec les Mencheviks, les Bolcheviks assumaient d’une façon ou d’une autre la responsabilité morale de la conduite des Mencheviks. Or il était désormais impossible aux Bolcheviks de porter la responsabilité morale de la trahison déclarée des Mencheviks s’ils ne voulaient pas eux-mêmes être traîtres au Parti et à la classe ouvrière. L’unité avec les Mencheviks dans le cadre d’un seul Parti dégénérait de la sorte en trahison vis-à-vis de la classe ouvrière et de son Parti ! « 

    Aujourd’hui, il devient évident que ceux qui prétendent rester à l’intérieur du Parti Révisionniste ne peuvent, en définitive, que faire son triste jeu de trahison.

    Il faut donc tracer une ligne de démarcation nette et résolue entre révisionnisme moderne et marxisme-léninisme. Il faut rompre de façon décisive avec ceux dont les méthodes sont déjà celles des émules de Doriot, tout comme leur ligne reprend la sienne de 1929 jusqu’à son exclusion.

    Notre tâche est immense, de portée nationale et internationale, elle ne peut manquer d’influencer profondément l’histoire même de notre peuple. Mais elle est plus aisée, plus facile que ne le furent celles des grands révolutionnaires qui, les premiers, eurent à conduire leurs peuples jusqu’à la victoire.

    Parce que nous bénéficions de l’histoire du Mouvement Ouvrier, parce que nous avons connaissance de la Révolution d’octobre 1917 qui vengea l’échec de la Commune, parce que nous pouvons étudier la Révolution Chinoise ainsi que la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, parce que nous disposons de cette arme incomparable que constitue la pensée du camarade Mao Tsé-toung, le Lénine de notre époque.

    Alors, Camarades, révolutionnaires et anti-impérialistes, rejoignez par milliers nos rangs. Ensemble, nous allons créer, très bientôt, le parti de type nouveau, au service de la classe ouvrière et de tous les travailleurs de notre pays, étroitement solidaire avec les révolutionnaires du monde entier, le PARTI COMMUNISTE DE FRANCE MARXISTE- LÉNINISTE.

    A bas l’impérialisme sanglant !

    A bas le doriotisme auquel conduit le révisionnisme moderne !

    Vive le Socialisme !

    Jacques JURQUET, Secrétaire politique. 

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  • Arborer le drapeau rouge pour lutter contre le drapeau rouge – qu’est-ce que l’UJCML? (1967)

    [Document du Comité central du Mouvement communiste français (M.-L.) – 25 juin 1967, rédigé par Gilbert Mury.]

    Arborer le drapeau rouge pour lutter contre le drapeau rouge

    Qu’est-ce que l’Union des jeunesses Communistes ?

    Dans les dernières semaines de 1966 est apparue une nouvelle formation qui se réclame du marxisme-léninisme : l’Union des Jeunesses Communistes.

    Cette organisation, née d’une scission à l’intérieur de l’Union des Etudiants Communistes (révisionnistes), se présente comme ayant mené la lutte interne dans le cadre du Parti de Waldeck-Rochet avant de paraître au grand jour.

    Bien que ses adhérents les plus connus aient constamment voté en faveur de l’exclusion de nos propres militants étudiants, chaque fois que ceux-ci étaient attaqués pour leur action courageuse à l’intérieur de l’U.E.C., nous avons considéré comme de notre devoir de nouer avec l’U.J.C. des contacts fraternels. Ceux-ci se sont traduits par des discussions répétées entre certains dirigeants de l’U.J.C. et une délégation de notre Bureau politique.

    Alors que ces discussions se poursuivaient, et sans même nous aviser de leurs intentions, les dirigeants de l’U.J.C. ont choisi de lancer une violente attaque publique contre le Mouvement communiste français, coupable de prétendre reconstruire le Parti révolutionnaire, l’avant-garde de la classe ouvrière.

    Dans ces conditions, et en regrettant d’avoir à étaler au grand jour nos divergences sous le feu de l’ennemi, il n’est plus possible au Comité central du M:C.F. (ml) de transmettre confidentiellement ce document à la direction de l’U.J.C. en vue d’aider celle-ci à reconnaître ses erreurs. Le moment est venu de répondre à l’attaque publique par une critique politique et théorique de la plate-forme d’une telle organisation.

    Une agression significative

    De quoi s’agit-il donc ? Dans son numéro 6, le journal Garde rouge s’en prend avec violence à l’idée même de créer actuellement un Parti marxiste-léniniste.

    Déclarer que notre volonté avouée de constituer ce parti marxiste-léniniste  » rend un service considérable au révisionnisme dans ses campagnes de calomnies contre les marxistes-léninistes « , c’est là, bien évidemment, utiliser des méthodes qui ne relèvent pas des contradictions au sein du peuple. Affirmer que nous nous apprêtons à nous  » abaisser à jouer sur les mots pour tenter de leurrer les autres et éventuellement nous-mêmes sur l’état réel des forces que nous sommes parvenus à accumuler « .

    Ce n’est pas là non plus s’exprimer dans un style de discussion qui convient entre communistes. Parler de  » duper la classe ouvrière par des mots « .

    Nous accuser de freiner, en définitive, gravement le développement du mouvement et l’édification d’une véritable direction centralisée. Evoquer à ce propos les  » groupuscules trotskystes, gauchistes et droitiers « , qui ont inculqué à la classe ouvrière  » une méfiance profonde à l’égard des groupements qui prétendent lui imposer du dehors un programme général, une ligne d’action, des mots d’ordre « .

    En venir à s’écrier :  » nous devons nous garder de jouer les fanfarons, quitte à baptiser cette fanfaronnade audace, d’annoncer à grands cris des triomphes fictifs, de feindre de rassembler sous notre bannière de larges masses de travailleurs alors que nous n’en sommes qu’au début de l’implantation du mouvement marxiste-léniniste, de lancer à tort et à travers de grands appels creux à la classe ouvrière, d’appeler du dehors à des actions que nous ne sommes pas encore en état de mettre en œuvre et de diriger « , c’est là une série d’agressions difficilement concevables entre des organisations qui poursuivent des discussions fraternelles.

    Bien entendu, le Mouvement Communiste Français (marxiste-léniniste) n’est pas nommé. Mais, lors de nos discussions, c’est la délégation de l’U.J.C. qui a insisté à plusieurs reprises sur le caractère particulièrement spécieux de critiques où il manque seulement le nom de celui à qui s’adresse la critique. Il nous a été dit que c’est là une méthode particulièrement hypocrite et à laquelle ne doivent pas s’abaisser des marxistes-léninistes.

    Ou encore que de telles objections sont finalement plus venimeuses et plus intolérables que celles où l’adversaire est clairement désigné.

    Dans cette perspective, nous devons. très sérieusement demander aux dirigeants de l’U.J.C. ce qu’ils pensent de leur attaque publique contre nous, indépendamment même des erreurs théoriques dont elle est émaillée, et poser clairement la question : jusqu’où va l’assimilation, tentée par 1’U.J.C., entre les groupuscules trotskystes et le Mouvement Communiste Français (marxiste-léniniste) aujourd’hui, demain le Parti communiste de France (marxiste-léniniste) ?

    Les dirigeants de l’U.J.C. gagneraient certainement beaucoup à réfléchir à la critique dirigée par le camarade Mao Tsé-toung contre le culte du livre.

    Qu’ils relisent en particulier une note de l’étude capitale qui porte pour titre  » A propos de la pratique  » :  » il a existé dans notre Parti un groupe de camarades, tenants du dogmatisme, qui, pendant longtemps, ont rejeté l’expérience de la révolution chinoise, nié l’action et n’ont fait qu’effrayer les gens à l’aide de mots et de phrases isolés, extraits au petit bonheur des textes marxistes… Les dogmatiques, parés de la toge marxiste, ont induit en erreur nombre de nos camarades « .

    Le meilleur exemple de cette attitude dogmatique est offert par l’éditorial publié en première page de Garde rouge n° 6 lorsqu’il se réfère, pour trancher la question du moment convenable pour créer un Parti, à la critique du plus haut responsable chinois qui s’oriente vers la restauration du capitalisme, et notamment lorsqu’il rappelle ce texte excellent paru dans Pekin Information :  » la ligne organisationnelle du Parti doit être subordonnée à la ligne politique, elle doit être la garantie et l’instrument d’application de la réalisation de la ligne politique du Parti « .

    Ni ce texte, ni aucun des autres qui se trouvent cités dans le document Garde Rouge n’a effectivement trait à la création d’un Parti.

    Il est certes quelquefois question des tâches du Parti Communiste Chinois, mais quinze, vingt, trente ans après la date de sa naissance.

    Des lambeaux de phrases sont ainsi arrachés de leur contexte, manipulés, déformés de façon à justifier une position qui se présente comme doctrinale, alors qu’elle reflète tout simplement les états d’âme, les impulsions, les comportements irraisonnés d’un certain nombre de militants de l’U.J.C.

    En fait, il s’agit là d’une utilisation déformante des textes dans une activité défensive et justificatrice, c’est-à-dire du détournement idéologique du marxisme au profit de l’attitude petite-bourgeoise selon laquelle un détachement organisé d’une couche sociale particulière, étrangère à la classe ouvrière, veut préserver son autonomie et refuse de se situer à sa place dans l’ensemble des forces placées sous la direction du prolétariat.

    Une erreur fondamentale

    Il est impossible de faire comme si une telle agression n’avait pas eu lieu : mais il n’est pas non plus souhaitable de s’enfermer dans une réflexion sur cette contradiction, et sur elle seule. Pour essayer de répondre à cette double nécessité, nous aurons donc à nous placer sur deux plans dont l’un renvoie à l’autre.

    D’une part, nous examinerons l’erreur fondamentale qui vicie l’ensemble des thèses théoriques et bon nombre de thèses politiques de l’U.J.C., c’est-à-dire la méconnaissance du lien entre la théorie et la pratique, méconnaissance inséparable d’une interprétation très particulière et selon nous totalement erronée de la lutte des classes et de la nature de l’idéologie.

    D’autre part, nous verrons que cette déviation correspond, dans la pratique, à un comportement politique qui rappelle par trop de côtés celui des révisionnistes eux-mêmes.

    En effet, l’absence d’une théorie vraiment capable de pénétrer dans l’action et de la transformer conduit l’U.J.C. – tant dans les organisations de masse que dans ses propres rangs – à refléter la spontanéité des groupes auxquels elle s’adresse mais ne lui permet pas de déterminer avec précision le mouvement en avant nécessaire à partir de cette spontanéité. Comme toujours, le dogmatisme théorique est étroitement associé à l’empirisme politique.

    Ainsi, cette discussion portera sur un problème unique car, dans la mesure où la théorie est détachée de la pratique au point d’apparaître comme un procès autonome se développant selon sa propre logique interne, elle s’affranchit des contraintes de l’action politique, mais elle perd aussi tout moyen de l’organiser et de lui donner un contenu plus riche.

    Bref, il est purement artificiel d’imaginer que, sur de telles bases, puisse se réaliser la rencontre de la théorie marxiste et du mouvement socialiste, rencontre qui a marqué aussi bien les premiers pas du Parti Communiste (bolchévik) que ceux du Parti Communiste Chinois.

    Rien n’est plus étranger au marxisme que la volonté d’élaborer une théorie caractérisée par un  » statut théorique  » pur. Qu’est-ce, en effet, qu’un tel statut théorique pour le marxisme dont le caractère scientifique se situe dans l’action, pour qui la vérité est  » vérité pratique  » c’est-à-dire force réelle ?

    Il n’y a pas de statut théorique des concepts, mais un moment théorique dans l’élaboration de la connaissance à partir et en direction de la pratique. Rien n’est plus étranger au marxisme que de prétendre limiter le contrôle de la théorie par la pratique à la mise en œuvre de la  » pratique théorique « , c’est-à-dire, en clair, à la pratique des théoriciens, indépendamment de l’expérience effective des masses : c’est par là même faire tomber la vie quotidienne du peuple tout entier, et particulièrement de la classe ouvrière, en dehors du domaine de la théorie.

    C’est par conséquent renoncer, en fait, à l’explorer autrement que par des enquêtes sur la Lorraine publiée dans le n° 6 de Garde Rouge et les textes fondamentaux : Rapport sur l’enquête menée dans la province du Hounan à propos du mouvement paysan, Préface et postface aux matériaux d’enquête à la campagne, Réorganisons notre enseignement.

    La question des enquêtes

    Que nous dit Mao Tsé-toung ?

     » Au cours de mon récent voyage dans la province de Hounan (le Hounan était à cette époque le foyer principal du mouvement paysan en Chine), j’ai enquêté sur la situation locale dans cinq districts : Siangtsan, Siangsiang, Hongdhan, Lling et Tchangcha. Pendant 32 jours – du 4 janvier au 5 février inclus – dans les villages et les chefs-lieux de districts, j’ai convié à des entretiens les paysans qui avaient acquis une grande expérience tout au long de leur vie, ainsi que les militants du mouvement paysan, et j’ai écouté attentivement leurs récits : cela m’a permis de recueillir un ample matériel « .

    Bien des années plus tard, le camarade Mao Tsé-toung est revenu sur ce point :  » La méthode des entretiens est la plus simple et la plus aisément réalisable, et donne, de plus, les informations les plus vraies et les plus sûres. Elle m’a été extrêmement profitable. C’est une école avec laquelle aucune université ne saurait rivaliser. II est bon de convier à ces entretiens des militants expérimentés des organisations d’échelon moyen et inférieur, et de simples gens appartenant à la population locale « .

    Nulle part dans l’enquête sur la Lorraine n’apparaît cette dimension indispensable : la réunion, jour après jour, de vieux mineurs ayant une expérience vécue du monde du travail et de son évolution, et, aussi, de militants éprouvés.

    Il serait bien étrange qu’une rencontre occasionnelle entre étudiants et grévistes rencontre discrètement évoquée dans Garde Rouge comme un contact rapide, puisse jouer le même rôle qu’un entretien de longue durée, avec une réflexion collective sérieuse sur les problèmes de la pratique sociale et politique.

    En réalité, la méthode de Garde Rouge ressemble bien d’avantage à celle de sociologues venus de l’Université bourgeoise. Avec conscience et intelligence, les documents patronaux et les articles de la presse nationale – en particulier  » l’Humanité Nouvelle  » – ou locale sont exploités pour composer une étude intéressante.

    Quelques notations rapides sur les modalités de la reprise du travail dans deux entreprises apportent un élément supplémentaire de liaison avec les masses. Mais ce ne sont pas des faits aussi étroitement localises dans l’espace et dans le temps qui constituent l’objectif essentiel d’une enquête comme celle que le camarade Mao Tsé-toung consacrait à la province de Hounan.

    Ici, l’absence de larges perspectives traduit l’absence de militants expérimentés. Ainsi apparaissent deux réalités incontestables ; d’une part, le parti révisionniste a corrompu la pratique ouvrière, et il faut un Parti Marxiste-Léniniste pour retrouver cette pratique.

    L’enquête implique que le Parti existe déjà. Et ce n’est pas par hasard que le camarade Mao Tsé-toung a enquêté dans le Hounan plusieurs années après la création du Parti Communiste Chinois, choisissant en outre le foyer principal de l’action paysanne en Chine.

    D’autre part, les dirigeants de l’U.J.C. et de Garde Rouge confondent une enquête révolutionnaire menée pour porter une action préexistante à un niveau plus élevé de conscience, et l’étude descriptive dont les mérites sont réels mais dont l’orientation demeure purement empirique et dont ne se dégage aucun impératif de tactique et de stratégie ouvrières.

    En outre, il est pour le moins fâcheux de substituer un coup d’œil rétrospectif jeté sur une lutte terminée à une analyse vivante, fondée sur une information donnée au jour le jour par des travailleurs en lutte. La dénonciation de la capitulation révisionniste est plus convaincante après l’événement lorsque celui-ci a été prévu et annoncé publiquement.

    Les rédacteurs de l’enquête U.J.C. nous l’offrent en exemple. Ils exigent que des études comparables à celles de Mao Tsé-toung dans le Hounan couvrent le champ offert par toutes les classes, couches, strates, milieux de la société française. Alors seulement, nous serions dignes de créer le Parti.

    Il convient d’être plus modeste et de ne pas oublier que le grand Parti Communiste Chinois n’a pas lui-même dressé, avant de longues années, le tableau de la société de son pays.

    Devons-nous attendre, pour créer le Parti en France, d’avoir réalisé ce que nos camarades chinois n’avaient pas encore fait vingt ans après la naissance du P.C.C. ? En mai 1941 – 20 ans après la création du Parti – le camarade Mao Tsé-toung écrivait en effet :

     » D’une manière générale, en 20 ans, nous n’avons effectué aucun travail vraiment systématique et minutieux pour rassembler les matériaux relatifs à tous les domaines énumérés et pour les étudier ; le goût général de la recherche, de l’étude de la réalité objective, nous a manqué.

    Chez nombre de camarades du Parti, on retrouve encore cette manière insensée – qui contredit radicalement l’esprit même du marxisme-léninisme – de, comme on dit, pourchasser un moineau les yeux fermés ou de pécher à l’aveuglette, c’est-à-dire d’aborder les problèmes d’une manière superficielle et sans entrer dans les détails, de se livrer à des bavardages prétentieux, de se contenter de fragments de connaissances mal assimilées.

    Marx, Engels, Lénine et Staline nous convient à étudier consciencieusement la situation à partir de la réalité objective et non de nos vœux subjectifs ? Et pourtant, nombre de nos camarades prennent le contre-pied de ce principe « .

    En fin de compte, il est fâcheux de  » se livrer à des bavardages prétentieux « , alors que des liens réels établis avec un groupe social étranger à la classe ouvrière, même s’il peut utilement constituer une force d’appoint, ne saurait, à eux seuls, justifier a prétention de substituer au Parti prolétarien une avant-garde petite-bourgeoise.

    Comme il n’est pas de pratique révolutionnaire sans lien militant avec les masses ouvrières, ce n’est pas un hasard si les publications de l’U.J.C. de Garde Rouge aux Cahiers Marxistes-Léninistes, laissent soigneusement de côté une œuvre fondamentale de Mao Tsé-toung : A propos de la pratique. C’est qu’en effet, ce texte précise :  » La connaissance commence par la pratique tout en acquérant par la pratique des connaissances théoriques il faut retourner à la pratique « .

    Ou encore :  » Par la pratique, découvrir les vérités, et également par la pratique confirmer les vérités et les développer « ,. Cette thèse matérialiste fondamentale ne convient pas à l’U.J.C.

    Nous pensons que l’attitude de l’U.J.C. à l’égard de la question de la création du Parti comme à propos de bien d’autres problèmes, procède d’un empirisme politique qui n’est que l’envers d’un idéalisme philosophique. Et il est bien vrai qu’est idéaliste toute théorie dont les liens avec la pratique ne sont pas des liens effectifs.

    Une lutte interne sur des points secondaires

    L’Union des Jeunesses Communistes nous apparaît donc comme une orientation non pas déjà marxiste-léniniste, mais, subjectivement orientée vers l’acquisition de la théorie marxiste-léniniste, sans pouvoir, faute de liens sérieux avec le prolétariat, se libérer réellement du révisionnisme.

    Pour justifier cette appréciation, reportons-nous tout simplement au premier numéro des Cahiers Marxistes-Léninistes – numéro publié par le Cerclé d’ULM, c’est-à-dire par le noyau dirigeant de l’U.J.C. – au temps tout proche où il menait la lutte interne dans l’organisation étudiante révisionniste.

    Nous apprenons que, voyant certains militants évoquer  » l’incidence du conflit idéologique Moscou-Pékin  » sur les débats de l’U.E.C., le cercle d’ULM s’est appliqué à démontrer l’inanité de ces questions. Les problèmes essentiels pour les étudiants communistes concernent le domaine spécifique de leur action du point de vue étudiant « .

    Le cercle d’ULM a, bien sûr, des revendications à présenter au Parti de Waldeck-Rochet. Elles restent, cependant, mineures. Ce cercle se contente de réclamer une meilleure analyse du milieu étudiant, une lutte contre les idéologies d’origine universitaire, et un progrès dans la formation théorique.

    C’est-à-dire que l’incapacité de prendre parti avec résolution dans le conflit entre le révisionnisme soviétique et le véritable marxisme-léninisme, défendu par nos camarades chinois, apparaît déjà comme un élément inquiétant.

    La troisième voie

    Cette même attitude, nous la retrouvons encore dans le cinquième numéro des Cahiers Marxistes-Léninistes qui présente une longue analyse de la lutte entre l’impérialisme et les forces populaires d’Amérique Latine.

    Dès la page 3, le noyau dirigeant de l’U.J.C. n’hésite pas à condamner ce qu’il appelle  » les mêmes erreurs sectaires et la polémique stérile entre les deux ailes « , c’est-à-dire l’aile favorable aux thèses de Moscou et l’aile favorable aux thèses de Pékin, mettant ainsi sur le même plan, comme deux erreurs symétriques, la ligne révisionniste et la ligne marxiste-léniniste. Ce texte effarant invite aussi bien les marxistes-léninistes que les révisionnistes à  » surmonter de toute urgence  » ce conflit qui  » rend une stratégie révolutionnaire impossible « .

    C’est là évidemment chercher à définir une  » Troisième voie « , comme si une route intermédiaire existait entre les deux théories antagonistes. C’est là aussi chercher la conciliation entre révisionnisme et marxisme-léninisme, entre l’eau et le feu. Un peu plus loin d’ailleurs, nous retrouvons l’approbation sans nuance de l’ » indépendance de Cuba dans la scission sino-soviétique « . De même encore le modèle chinois du développement est rejeté exactement comme le modèle soviétique.

    Le légitime souci de l’originalité des particularités nationales en Amérique Latine justifie-t-il cette façon de mettre sur le même plan une économie socialiste et une économie engagée sur la voie du retour au capitalisme ?

    L’existence des véritables révolutionnaires en Amérique Latine n’est enregistrée qu’à propos d’un seul fait, il est fait mention du  » P.C. do Brasil  » comme  » pro-chinois « . Nous apprendrons d’ailleurs seulement qu’il a enlevé au P.C. brésilien pro-soviétique  » quelques cadres « ,  » ayant une certaine valeur, notamment dans le Sud « . C’est finalement une façon assez particulière de prendre une position nette ! Peut-être trouvera-t-on l’explication de pareilles défaillances dans une note qui manifeste de curieuses sympathies pour la pensée bourgeoise.

    A propos de Monbeig, Bastide, Friedman, Caillois, on nous dit que  » leurs travaux sont indispensables, souvent passionnants, mais a replacer dans une situation historique déterminée, et dans l’ensemble des contradictions continentales, faute de quoi ces travaux restent abstraits « .

    La conciliation idéologique

    Cette attitude conciliatrice montre combien – malgré certaines déclarations de principe – le groupe dirigeant de l’U.J.C. hésite à s’engager à fond dans la lutte des classes sur le plan des idées. Et ces hésitations ont-elles disparu ? Il faut bien avouer que nous n’en sommes pas sûrs.

    C’est ainsi que, dans le n° 12-13 (juillet-octobre 1966) des Cahiers Marxistes-Léninistes, Etienne Balibar impute, à tort d’ailleurs, à STALINE une conception tout à fait erronée sur la différence entre la science et l’idéologie.

    Voici le texte de Balibar :  » L’idéologie en dernière instance est au service d’une classe déterminée. En elle la fonction sociale l’emporte sur la fonction de connaissance. Dans la science au contraire, et c’est ce qui constitue l’autonomie relative de sa pratique, la fonction de connaissance l’emporte sur la fonction sociale « .

    Comme s’il était possible d’opposer, l’une à l’autre, la fonction sociale et la fonction de connaissance du socialisme scientifique, à la fois savoir rigoureux, accumulation d’expériences pratiques et bien précieux du prolétariat. La pensée de MAO Tsé-toung est-elle moins une science parce qu’elle anime les révolutionnaires du monde entier ?

    De même nos camarades de Tours ont eu l’occasion de montrer, dans d’âpres discussions, que l’un des idéologues les plus en vue de l’U.J.C. – Establet – se faisait de l’art une représentation aristocratique qui le menait, en fait, à nier l’existence d’un art populaire. Selon lui, en effet, un artiste doit assimiler toutes les formes artistiques antérieures.

    Non qu’il soit faux de souhaiter une assimilation critique du passé, ni de faire intervenir un critère artistique dans l’appréciation des œuvres littéraires, plastiques, etc., mais, d’une part, le critère politique du contenu de classe – contenu inséparable de la contradiction principale telle qu’elle s’établit au sein d’une société déterminée, celle de l’artiste – doit être placé au premier plan.

    D’autre part, les chants spontanément jaillis des masses profondes du peuple chinois à l’occasion des victoires de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ne sauraient être méprisés sous le prétexte que leurs auteurs n’ont pas suffisamment étudié l’histoire littéraire. Ici encore se retrouve le culte du livre.

    Cette volonté de placer l’art et la science en dehors de la lutte des classes telle qu’elle se définit à une époque déterminée, est très exactement à l’opposé des thèses établies par le camarade MAO Tsé-toung dans ses  » Interventions aux causeries de Yenan sur la littérature et l’art.  »

    Le camarade MAO Tsé-toung rappelle que nous sommes des  » utilitaristes prolétariens  » et que nous nous refusons à envisager les problèmes de l’art (on pourrait dire aussi bien de la science) en dehors des services qu’il rend, de l’utilité qu’il représente pour la classe ouvrière et pour le combat de cette classe.

    Le recul bourgeois devant la violence révolutionnaire

    Un certain nombre d’orientations des Cahiers Marxistes-Léninistes montrent d’ailleurs que l’U.J.C. hésite devant le combat classe contre classe. Prenons, par exemple, le n° 14 (de novembre-décembre 1966) consacré à la Révolution culturelle.

    Un article intitulé  » La pensée de MAO Tsé-toung  » met l’accent, d’une manière unilatérale et avec une insistance tout à fait troublante sur la nécessité de parcourir la révolution en plusieurs étapes dans les conditions spécifiques de l’expérience chinoise.

    C’est là ne retenir qu’un aspect trop particulier de l’œuvre de MAO Tsé-toung. Non pas que cette analyse de l’œuvre de MAO soit totalement erronée mais il n’est jamais prévenu qu’il s’agit là d’une dimension parmi d’autres, d’un moment de l’histoire chinoise parmi tous ceux qu’analyse MAO Tsé-toung.

    Il est donc permis de se demander s’il ne s’agit pas là, tout simplement, d’un moyen de suggérer au lecteur que c’est 1’ensemble de la pensée de MAO Tsé-toung qui a pour fonction d’atténuer ce qu’il peut y avoir de trop aigu ou de trop rigoureux dans la lutte des classes.

    C’est là un risque qui n’apparaît bien sûr, en aucun cas lorsqu’on laisse les textes de MAO à leur place et sans leur faire subir de déformations arbitraires. Mais le découpage qui en est proposé par les Cahiers Marxistes-Léninistes ne répond en rien à l’épigraphe :  » Comment unir la théorie marxiste-léniniste et la pratique de la Révolution chinoise ? « 

    Car on ne répondra pas à cette question en mettant uniquement l’accent sur la nature de la bourgeoisie nationale ou sur les phases au cours desquelles l’alliance avec elle a été possible. Ici, l’opportunisme réside dans le silence prudent observé à propos de textes qui projettent un éclairage différent sur la politique maoïste.

    Nous réprouvons, en outre, une attitude singulièrement ambiguë à l’égard de STALINE ; c’est ainsi que, page 54, il lui est reproché d’avoir annoncé l’offensive contre le koulak, d’avoir dit qu’il s’agissait de  » se préparer à l’action pour frapper le koulak, mais le frapper de façon qu’il ne puisse plus se remettre sur ses pieds.

     » Au prix de véritables contorsions idéologiques, les dirigeants de l’U.J.C. s’efforcent alors de montrer que la distinction justement établie par le camarade MAO Tsé-toung entre le mépris stratégique et la prise en considération tactique de la force de l’ennemi exclut l’offensive directe ou destinée à triompher à court terme d’un adversaire donné.

    La volonté opportuniste de prendre ses distances par rapport à la violence révolutionnaire stalinienne se traduit, par exemple, dans cette, phrase :  » la ligne soviétique apparaît sensiblement aventureuse, sa réalisation ne pouvait impliquer que des moyens violents aboutissant souvent à la suppression, non seulement de l’être de classe, mais de l’existence physique des paysans riches. « 

    ….. Et c’est là évidemment une accusation très voisine de celles que les révisionnistes dirigent contre STALINE.

    Or il n’existe aucune divergence sur ce point entre STALINE et MAO Tsé-toung. Que l’on relise, en effet, ce texte célèbre de MAO :  » La Révolution n’est ni un dîner de gala, ni une œuvre littéraire, ni un dessin, ni une broderie : elle ne peut s’accomplir avec autant d’élégance, de tranquillité et de délicatesse, de cérémonie et de minutie. La Révolution, c’est un acte de violence impitoyable d’une classe qui renverse le pouvoir d’une autre classe… Seule une puissante poussée révolutionnaire à la campagne sera susceptible de mettre en mouvement les millions de paysans et de susciter de leur part les plus grands efforts. « 

    Aux critiques qui s’en prennent aux  » excès  » paysans, comme l’U.J.C. aux  » excès  » du Parti bolchévik à la campagne, MAO Tsé-toung répond : ces excès  » dont on vient de parler ont été engendrés justement par ces efforts des paysans, provoqués par la puissante poussée révolutionnaire qui s’est développée à la campagne.

    Dans la seconde période du mouvement paysan (celle des actions révolutionnaires), ils sont tout à fait indispensables. Dans cette période, il faut asseoir l’autorité absolue des paysans, empêcher toute attaque perfide contre les unions paysannes, renverser complètement le pouvoir des Chen-chi, jeter ces derniers au sol et les écraser du pied. Au cours de cette seconde période tous les excès revêtent une importance révolutionnaire. En bref, il est nécessaire que s’établisse à la campagne une brève période de terreur.

    Sinon, il sera absolument impossible d’étouffer l’activité des éléments contre-révolutionnaires à la campagne, de renverser le pouvoir des Chen-chi. Pour redresser, il faut d’abord savoir plier à l’extrême. Si l’on ne plie pas à l’extrême, on ne pourra ensuite redresser.

     » Bien que l’opinion de ceux qui critiquent les  » excès  » se distingue apparemment de celle du premier groupe, elle procède au fond du même point de vue : c’est la théorie même des propriétaires fonciers, au service des seuls intérêts des classes privilégiées.

    Aussi nous devons livrer un combat résolu à cette théorie qui fait obstacle à l’effort du mouvement paysan et qui, en dernière analyse, porte préjudice à la Révolution « . (Tome 1, pages 30 et 31).

    D’autre part, les dirigeants de l’U.J.C. reprennent avec juste raison l’analyse chinoise des conceptions développées par STALINE à partir de 1936, sur l’harmonie des classes en régime socialiste. Ils en montrent clairement l’insuffisance.

    Mais, à partir d’une orientation juste, il est bien tentant pour des opportunistes d’introduire des concessions à la propagande anti-stalinienne. Aussi l’organe de l’U.J.C. précise-t-il :  » c’est pourquoi, au procès des opposants de Moscou, seront démesurément gonflés les contacts des accusés avec les ambassades étrangères.

    Si dans son Rapport au 18e Congrès du Parti en 1939, STALINE présente le groupe des trotskystes-boukhariniens comme une poignée d’espions et de saboteurs rampant devant l’étranger, servilement aplatis devant le moindre fonctionnaire étranger et prêts à lui servir d’espions, c’est qu’il vient précisément de réaffirmer : ce qu’il y a de particulier dans la société soviétique de notre époque, à la différence des autres sociétés capitalistes, c’est qu’elle n’a plus dans son sein de classes antagonistes  » (page 59).

    Voilà qui revient à accuser STALINE d’avoir, pour la plus grande part, imaginé les contacts entre les trotskystes-boukhariniens et les ambassades étrangères, c’est-à-dire à l’accuser d’avoir monté de toutes pièces ces fameux procès par lesquels il a écrasé les ennemis de la classe ouvrière.

    Ici encore, nous trouvons la reprise des accusations révisionnistes contre STALINE et, malgré de rares éloges, assez creux, adressés à ce grand bolchévik par les publications de l’U.J.C., nous ne pouvons admettre cette polémique antistalienne, destinée à flatter les penchants propres aux  » intellectuels de gauche « .

    Camarades, il faut choisir !

    Enfin, nous relevons (page 82) une référence extrêmement élogieuse à Louis Althusser. Althusser est un philosophe dont les mérites intellectuels sont incontestables, mais dont l’œuvre reflète malheureusement la recherche d’un compromis entre le marxisme et le structuralisme, dont on sait les attaches avec l’impérialisme. Les intentions subjectives de Louis Althusser, que certains d’entre nous connaissent et estiment personnellement, ne sont pas ici en cause.

    Mais enfin, il faut bien reconnaître que depuis la publication de ce numéro des Cahiers Marxistes-Léninistes, Althusser a appelé, notamment lors des dernières élections, à se ranger sur les positions du Parti révisionniste.

    Et il faut le dire franchement : l’U.J.C., après s’être allègrement réclamée de ses positions, en particulier au temps ou elle formulait ses thèses à l’abri du cercle d’ULM, n’a pas pris aujourd’hui les distances nécessaires.

    Or il n’est pas possible de maintenir l’unité d’action avec les membres du Parti révisionniste sous peine de glisser progressivement vers des positions conciliatrices, et d’appeler finalement à  » l’unité de toutes les forces anti-impérialistes « , comme le Parti communiste (révisionniste) japonais.

    Nous voudrions savoir quelle définition l’U.J.C. entend donner de ses rapports avec une école philosophique à l’intérieur de laquelle se trouvent aussi bien des membres disciplinés du parti révisionniste que des membres d’une organisation qui se réclame du marxisme-léninisme.

    Cette difficulté de quitter la troisième voie – malgré des aspirations subjectives à l’engagement dans la lutte marxiste-léniniste – s’est traduite avec éclat dans les récentes campagnes électorales.

    Au moment des élections présidentielles, les militants de la tendance U.J.C. ont accepté, de faire campagne pour le candidat de Guy Mollet et de Waldeck-Rochet, le politicien bourgeois Mitterrand.

    Au moment des élections législatives, alors que la scission avec l’U.E.C. révisionniste était déjà officielle, Garde Rouge s’est soigneusement abstenu de prendre position et n’a pas donné la moindre consigne.

    Le fait est, par lui-même, inacceptable. Mais il est aggravé par l’explication assez étrange que nous en a proposé l’U.J.C. lors de nos entretiens :  » Nous n’avions pas à prendre position parce que nous sommes une organisation étudiante.  » Comme si les étudiants n’avaient ni à voter, ni surtout à mener une action politique en vue de dénoncer l’électoralisme révisionniste, l’alliance avec Guy Mollet, etc. !

    Disons d’ailleurs que, en divers points de province, et en particulier à Strasbourg, des groupes U.J.C. se sont manifestés à nos camarades et ont affirmé avoir reçu de leur direction la consigne verbale de déposer dans l’urne un bulletin révisionniste.

    Certes, les actions décisives ne se développent pas sur le front électoral. Mais le recul devant la dénonciation du révisionnisme sur ce terrain est révélateur.

    II en va de même de la lutte menée par l’U.J.C. contre le juste mot d’ordre :  » Pas de nouveau Munich au Vietnam !  » Comme si la clique révisionniste, qui s’est emparée de la direction du P.C.U.S., ne s’efforçait pas d’amener l’héroïque peuple vietnamien à une négociation de style et de contenu anti-chinois.

    Théorie et pratique

    Il y a là autre chose qu’une déviation occasionnelle ou fortuite. La préoccupation majeure des dirigeants de ce qui fut le groupe d’ULM et qui s’est élargi en Union des Jeunesses Communistes, a toujours été de faire prévaloir la théorie, c’est-à-dire le théoricien, sur la pratique, c’est-à-dire sur les militants ouvriers.

    Cette préoccupation a été avouée dés les premiers moments de cette organisation. Les textes que je vais citer sont empruntés aux cours de l’Ecole Parisienne de Formation Théorique qui datent de la période durant laquelle l’U.J.C. n’était pas encore publiquement constituée en organisation extérieure au parti révisionniste.

    Cependant, ses dirigeants nous ont expliqué à plusieurs reprises qu’ils ne désavouaient aucun moment de cette lutte interne, qu’ils reprenaient à leur compte toutes les thèses alors formulées, que toute réserve faite par des étudiants du M.C.F. (ml) à l’égard de ce comportement, de cette analyse théorique, de cette orientation pratique devait faire de notre part l’objet d’une autocritique. II est par conséquent tout à fait logique que nous considérions de tels textes comme encore valables aujourd’hui.

    Disons le d’ailleurs, si c’était nécessaire, nous ferions la preuve que les mêmes conceptions, les mêmes erreurs se retrouvent aujourd’hui encore dans les études et les articles publiés par les organes de presse de l’U.J.C. Que trouvons-nous, dés les premières pages de ce document de l’Ecole Parisienne (1er fascicule) ? Deux thèses sur lesquelles nous aurons à revenir constamment.

     » On voit que déterminer la spécificité de la formation théorique, c’est aussitôt faire apparaître la nécessité.

    Il apparaît qu’elle n’est pas théorie pour la théorie, mais que, si nous sommes fondés à dire que cette tâche est principale, c’est qu’elle détermine la justesse et l’efficacité tout à la fois des deux premières, action politique et lutte idéologique. Elle est ce sans quoi l’action se dégrade en activisme, et ce par quoi le militant communiste affirme sa maîtrise, sa position prédominante par rapport à tout autre militant politique. « 

    Dès ce moment, il apparaît que le mouvement qui mène de la théorie marxiste-léniniste pratique, de la conception marxiste-léniniste du monde à l’action et à l’organisation de l’action est posé avec beaucoup de force. En revanche, on ne voit nullement apparaître, ni le mouvement par lequel la théorie se constitue à partir de la pratique, ni le mouvement par lequel la théorie se vérifie au niveau de la pratique.

    Dira-t-on que 1a formation théorique prend la théorie comme achevée ? Ce serait déjà un argument insuffisant dans la mesure où l’enseignement d’une discipline, lorsqu’il se coupe de son histoire, manque aux exigences les plus fondamentales du marxisme.

    Eliminer de la formation théorique l’explication du mode de formation de la théorie, ce n’est pas sérieux. Présenter la théorie comme le fondement de l’organisation et l’organisation comme le fondement de la pratique, c’est faire passer le mouvement créateur des masses à l’arrière plan de la bataille politique.

    Mais en outre, le lien entre la théorie et l’action est posé à sens unique ; la théorie est le guide de l’action. Il n’est dit nulle part et à aucun montent, que l’action, la pratique permet à son tour de vérifier, c’est-à-dire de remettre en question, de fonder, dans une nouvelle vérité, la théorie elle-même.

    L’affirmation de la priorité absolue, métaphysique de la théorie se retrouve d’ailleurs deux fois. D’une part, les auteurs de cette brochure condamnent les camarades  » qui, faisant preuve d’une attitude de démission, se prétendent rebutés par la difficulté des textes, tout impatients qu’ils sont de s’adonner à des tâches concrètes et tout inconscients que cette action mal éclairée dans ses principes ne saurait être qu’idéologiquement et Politiquement confuse. « 

    C’est dire que le rôle actif de l’expérience pratique, à la fois dans la constitution mais aussi dans la compréhension de la théorie est totalement négligée. Sans doute peut-il se faire que des camarades rebutés par l’étude des textes, s’orientent davantage vers des actions effectives au seul niveau de la spontanéité des masses. Mais il faudrait tout au moins reconnaître que ces actions effectives les aideront ultérieurement à pénétrer le sens des textes.

    C’est vraiment célébrer le culte du livre avec frénésie que d’établir ainsi une coupure totale entre l’apprentissage par la pratique et l’apprentissage par la théorie. Tournons d’ailleurs la page, nous allons rencontrer une bibliographie.

    Et, dans cette bibliographie, nous verrons bien paraître le texte de MAO  » à propos de la contradiction  » mais absolument pas  » A propos de la pratique « , tel est le deuxième signe auquel il est possible de reconnaître que le problème des rapports entre la théorie, et la pratique n’est pas posé correctement.

    Disons-le en passant, il n’y a pas là un hasard. Lorsque tel d’entre nous a eu l’occasion de rencontrer Louis Althusser et de discuter avec lui, Althusser n’a jamais caché que son accord avec A propos de la contradiction s’accompagnait d’un désaccord avec A propos de la pratique.

    Et, lorsque nous retrouvons à chaque pas dans les publications théoriques de l’U.J.C. des références à l’œuvre, d’ailleurs intellectuellement importante, mais contaminée par le structuralisme, d’Althusser, que nous ne trouvons jamais non plus les citations et les enseignements indispensables qu’il faudrait tirer d’un texte comme De la pratique.

    Il n’est pas soufflé mot non plus sur Matérialisme et empiriocriticisme de LÉNINE, ni sur matérialisme historique et matérialisme dialectique de STALINE. C’est que de tels textes classiques mettent l’accent sur la détermination de la théorie par la pratique. I1 faut donc les éliminer, non par hasard, mais par principe.

    Quel en est le résultat ? C’est qu’après avoir affirmé la maîtrise des militants communistes, grâce à la formation théorique, par rapport à tout autre militant politique, le cours de l’Ecole parisienne précise :  » pour aride qu’il puisse paraître, ce travail, parce qu’il est travail intellectuel, , est d’accès plus aisé à l’étudiant qu’à un autre militant « . Ou encore, pour  » guider son action, suivant les termes d’ENGELS, la connaissance des principes et des résultats acquis par une science  » est indispensable.

    Par conséquent la thèse de la future U.J.C. est extrêmement claire : de même que la théorie doit guider la pratique, de même qu’il incombe aux étudiants d’acquérir cette formation théorique de manière privilégiée par rapport aux autres militants, il résulte nécessairement que le rôle dirigeant dans la formation du nouveau Parti revient à un détachement organisé d’étudiants marxistes-léninistes.

    Ce n’est pas tout. Dès le premier numéro des Cahiers Marxistes-Léninistes nous trouvons cette phrase surprenante :  » pensée et réel deviennent ainsi deux champs spécifiques (page 9) « , et, un peu plus loin, dans la conclusion, il nous est redit que MARX a posé  » 1° la distinction de deux processus spécifiques, le processus réel et le processus de pensée ; 2° l’ordre qui règne en chacun d’eux est inverse : dans le processus réel, le point de départ est le concret, dans le processus de pensée le point de départ est l’abstrait (page 11) « .

    En réalité, si on se reporte au texte auquel les Cahiers Marxistes-Léninistes font ici allusion, c’est-à-dire à la Contribution à la critique de l’Economie politique, on s’aperçoit que ce n’est pas de cette façon que MARX a posé le problème. D’une part il n’a rien dit qui permette de présenter le champ de la pensée comme un champ autonome : après avoir, en effet, parlé d’une totalité pensée, ou d’un concret de pensée, il a précisé :  » aussi longtemps que l’esprit a une activité purement spéculative, purement théorique  » (page 169).

    C’est-à-dire qu’il existe bien un moment où 1’esprit se meut parmi les concepts et les combine entre eux, mais cette totalité de pensée ne peut être posée comme un champ spécifique, c’est-à-dire située à part en dehors de son point d’origine et de son point d’arrivée.

    Déjà le texte de l’U.J.C. ignore soigneusement une remarque de Marx : c’est seulement à partir d’un certain moment de son développement que l’économie politique arrive à dégager des notions simples et abstraites. Dans un premier temps elle est partie d’une représentation immédiate du réel, d’une perception naïve des choses.

    Et il a fallu un travail préalable pour dégager des notions simples. C’est seulement lorsque cette première démarche a été menée à bien que la seconde, au cours de laquelle la notion simple devient point de départ, a pu commencer. Autrement dit, il existe un moment de 1a connaissance où les notions sont élaborées à partir de la représentation immédiate, puis un moment où la totalité de pensée doit avoir à faire la preuve qu’elle a comme le dit :MARX dans La Contribution à l’étude de l’économie politique  » une vérité pratique « .

    C’est-à-dire que nous trouvons exactement chez MARX la même description du mouvement de connaissance que reprendra et développera, par la suite, MAO Tsé-toung dans son texte De la pratique. Mais l’interprétation abusive des extraits de MARX constitue exactement l’équivalent de la démarche par laquelle le texte du camarade MAO Tsé-toung est exclu des citations, pourtant innombrables que prodiguent les théoriciens de l’U.J.C.

    Le mépris de l’idéologie ouvrière

    L’importance de la coupure établie par ceux-ci lorsqu’ils mettent uniquement l’accent sur la reconstruction de la totalité pensée à partir de l’abstrait de pensée, niant le caractère pratique de la vérité, s’explique par la volonté de porter à l’absolu, de rendre métaphysique, la discontinuité entre la perception spontanée du réel et la connaissance scientifique.

    Le même premier numéro des Cahiers Marxistes-Léninistes explique très clairement que la façon dont chacun d’entre nous vit son existence sociale est l’objet d’une perception illusoire et d’un discours qui en est le reflet. En réalité, il faudrait donc un véritable  » renversement  » pour passer de l’idéologie à la science.

    Une première question se pose : toutes les idéologies, toutes les classes, tous les sujets actifs de connaissance sont mis sur le même plan. Et rien n’est dit du rôle historique particulier de la classe ouvrière qui a bien, sans doute, une conscience idéologique mais qui, en même temps présente les caractères objectifs qui la disposent déjà à être le sujet, le porteur du socialisme scientifique.

    D’autre part, là on les théoriciens de l’U.J.C. parlent de  » renversement « , MAO Tsé-toung, dans De la Pratique parle d’un  » bond « .

    Et il marque bien qu’il y a discontinuité mais aussi continuité dans l’éclaircissement par lequel les fragments épars de la connaissance sensible deviennent 1a totalité organique de la pensée du concret. Si, en effet, aucun élément de vérité ne peut se trouver dans la spontanéité, fut-elle ouvrière, on comprend alors pourquoi les théoriciens doivent se présenter devant le monde des exploités pour lui apporter une vérité, révélée complètement du dehors et avec laquelle elle n’a aucune affinité particulière.

    Si, au contraire, il s’agit d’un  » bond « , il faut construire la théorie sur la base de la spontanéité créatrice des masses – spontanéité que dépassera un bond qualitatif, mais sans jamais renoncer à elle comme fondement du mouvement théorique. Quand nous trouvons dans Garde rouge cette maxime hautaine (numéro 1, page 3, colonne 3) :  » l’idéologie du prolétariat a pour fondement théorique la théorie marxiste-léniniste « , il apparaît que la classe ouvrière n’est pas le sujet de l’histoire, mais un groupe social voué, comme un autre, à l’illusion.

    Donc son rôle dirigeant s’efface puisqu’il faut, non plus lui apporter la théorie la plus capable d’exprimer sa situation réelle, donc de se greffer sur sa pratique pour l’organiser, mais encore lui révéler à chaque pas le fondement théorique de la vérité dont elle n’aura – à tout jamais – qu’une connaissance illusoire.

    Et on comprend aussi pourquoi les étudiants sont présentés à tant de reprises comme étant les mieux placés pour accomplir un travail théorique recevable. pour l’U.J.C., comme le dit encore ce premier numéro, page 12,  » ce n’est pas la science qui reflète le réel, c’est l’idéologie qui reflète les apparences « .

    C’est là une thèse incompatible avec la conception léniniste du reflet, formulée dans Matérialisme et empiriocriticisme, reprise et approfondie par : MAO Tsé-toung dans De la pratique.

    C’est ainsi, qu’à propos de l’édification en France d’un Parti communiste  » de l’époque de la Révolution culturelle  » les rédacteurs de Garde range ont pu écrire :

     » Nous devons enfin toujours garder à l’esprit – mais c’est déjà une tradition de notre organisation – le rôle essentiel de cette étape d’implantation du mouvement marxiste-léniniste dans les masses, du travail de formation théorique et idéologique, de propagande par le communisme scientifique, de diffusion la plus large possible des principes fondamentaux du matérialisme historique et du matérialisme dialectique.

    Nous possédons en ce domaine une certaine expérience, mais elle reste encore insuffisante, principalement pour ce qui est des formes populaires de la formation marxiste-léniniste.

    Il importe que nous puissions perfectionner considérablement nos instruments idéologiques afin de pouvoir, à l’instar de nos glorieux frères de combat, les gardes rouges, porter, en différents points du peuple, les principes d’une pensée correcte, le marxisme-léninisme, la pensée de MAO Tsé-toung » (cf. Garde rouge n » 5, page 12, dernière colonne – les phrases soulignées le sont par nous).

    C’est là reprendre la thèse d’Althusser selon laquelle la théorie est réservée aux hommes de science et l’idéologie est réservée aux masses. Notons, en effet, qu’il est seulement question des formes populaires de la formation marxiste-léniniste lorsque nous passons des considérations sur  » la formation théorique  » à la nécessité de perfectionner considérablement nos  » instruments idéologiques « .

    A propos des revues et de la presse, à propos du rôle assigné par LÉNINE au travail théorique, réapparaît constamment, sans pourtant qu’il soit affirmé explicitement, le principe d’une distinction entre la théorie réservée aux intellectuels et l’idéologie assez bonne pour les masses. Au demeurant. il en résulte sur le plan de la théorie de la connaissance des erreurs singulières. C’est ainsi, rappelons-le, que dès le premier numéro des Cahiers Marxistes-léninistes nous trouvons, page 12, cette formule redoutable :

     » Ce n’est pas la science qui reflète le réel, c’est l’idéologie qui reflète les apparences « . Ce qui est faire bon marché des textes de LÉNINE et de MAO Tsé-toung, ce qui est aussi significatif dans la mesure où l’idéologie seule est admise à refléter, à traduire une pratique sociale, dans un langage d’images on de faux concepts, alors que la science elle-même, en vertu d’une  » coupure épistémologique  » avec l’histoire, est dispensée de remplir une fonction sociale.

    Dès lors, il n’est plus possible de montrer que le marxisme-léninisme se distingue des autres idéologies parce qu’il est celle de la classe ouvrière, parce que, en vertu de sa position spécifique dans la lutte des classes, le prolétariat est précisément le porteur de la science. Dès lors, il n’est plus possible de renoncer à la thèse perpétuellement sous-jacente selon laquelle il appartient aux intellectuels de diriger les masses.

    Le refus du Parti marxiste-léniniste

    Ce mépris du peuple ainsi enfermé dans le ghetto de l’idéologie et séparé de la science se retrouve de bien d’autres manières.

    C’est ainsi qu’expliquant l’importance et la force de l’organisation révisionniste en France à l’heure actuelle, Garde rouge n°6, pages 10-11, colonne 4, met l’accent sur une masse importante de membres de l’aristocratie ouvrière, de cadres et de techniciens supérieurs, de contremaîtres, de bourgeois intellectuels.

    Mais nulle part il ne rappelle clairement le nombre, le rôle et les tâches de ce noyau dur du prolétariat que constituent les ouvriers spécialisés et les manœuvres.

    Par conséquent il surestime stratégiquement la base de classe du révisionnisme et oublie tout simplement la force croissante, les réactions de plus en plus énergiques de ces strates prolétariennes contre la direction révisionniste. Ainsi se trouve artificiellement fondé le refus de créer un nouveau parti marxiste-léniniste.

    On comprend bien pourquoi : il faut absolument qu’il soit trop tôt pour créer le Parti, il faut absolument que dans sa phase actuelle la décentralisation soit nécessaire au niveau du mouvement global et l’emporte sur la nécessité de la centralisation. Sans la décentralisation écrit Garde rouge,  » le parti sera incapable de se mettre à la tête de la lutte de l’ensemble du peuple et de souder toutes les classes et couches progressistes en un front uni puissant dirigé par la classe ouvrière.

    Il sera incapable de saisir l’état des luttes de classes sous tous leurs aspects, il comprendrait les ouvriers, mais non les paysans, les ouvriers de telle branche, mais non les ouvriers de telle autre, les travailleurs manuels, mais non d’autres catégories de la petite bourgeoisie, etc. Il serait incapable de déterminer quelle forme de la lutte des classes est dans le moment actuel décisive…

    Il sera incapable d’organiser en son sein une juste division du travail  » et notamment les  » besoins théoriques urgents dans un domaine déterminé du matérialisme historique ou du matérialisme dialectique « . (Garde rouge, n°6, page 10, col. 1).

    On voit ainsi défendre la thèse selon laquelle il est impossible de comprendre le mouvement global de la société à partir d’une analyse théorique des classes fondamentales définies par Marx dans Le Capital (les ouvriers qui vivent de leur salaire, les propriétaires fonciers qui vivent de rente foncière, les capitalistes qui vivent du profit), ni à partir d’une ligne politique et d’une pratique politique juste, refusant ainsi de situer la compréhension marxiste du mouvement social sur des bases saines, les membres de l’U.J.C. prétendent renvoyer le processus de centralisation à un moment où l’ensemble des couches susceptibles d’une alliance avec la classe ouvrière seront effectivement représentées en nombre suffisant à l’intérieur des divers détachements marxistes-léninistes.

    C’est-à-dire qu’en pratique, ils renvoient la création du Parti à une date qu’il est absolument impossible de fixer et dont on peut seulement dire qu’elle est sensiblement éloignée.

    En attendant, dans quelle situation nous trouvons-nous ?  » Au montent où les militants marxistes-léninistes, écrit Garde rouge, ont pour tâche principale d’implanter la théorie marxiste-léniniste sous sa forme la plus générale dans les masses, ce qui est le cas quand une longue période de dégénérescence opportuniste a obscurci leurs connaissances et les a sevrées d’un mode de pensée correcte.

    Au moment où les militants marxistes-léninistes ont pour tâche principale de pénétrer les différentes couches du peuple et d’acquérir l’expérience du travail militant dans ces différentes couches et classes, au moment où les marxistes-léninistes doivent inventer les formes nouvelles de travail d’élaboration et d’organisation dans lesquelles se développera la lutte des classes, à ce moment là, qui correspond à l’étape de la naissance et de la première implantation du mouvement marxiste-léniniste, étape préalable à la naissance du Parti proprement dit, l’exigence de décentralisation et d’hétérogénéité l’emporte de loin sur l’exigence de centralisation  » (Garde rouge n° 6, page 10, colonne 1).

    Ici encore, nous trouvons la thèse selon laquelle il s’agit d’apporter, du dehors, la vérité théorique et simultanément d’acquérir l’expérience du travail militant sans qu’une corrélation, une interdépendance, un enrichissement réciproque de la théorie par la pratique et de la pratique par la théorie ne soient jamais posés nulle part.

    En outre, l’idée simple qu’un enrichissement de la théorie par la pratique au niveau d’une couche sociale, voire d’un groupe particulier de la classe ouvrière, peut trouver son champ d’application dans d’autres groupes ou dans d’autres strates environnantes échappe totalement aux auteurs de ce texte. Enfin, ils ne voient pas que plus l’action d’implantation des marxistes-léninistes doit conduire ceux-ci à diversifier leurs efforts concrets, à se multiplier dans les directions les plus diverses, et plus l’unité de pensée et d’action mérite d’être préservée par la centralisation.

    Ils établissent une contradiction métaphysique entre la centralisation et la décentralisation au lieu de voir qu’il s’agit d’un seul et même processus à l’intérieur duquel se développe un Parti marxiste-léniniste. Ici encore on comprend bien où le bât blesse : la théorie telle qu’ils la conçoivent est parfaitement incapable d’unifier, sans la mutiler, l’expérience riche et diverse de l’existence populaire.

    Il ne leur est pas donné de procéder à des analyses scientifiques suffisamment enracinées dans le réel pour que, au fur et à mesure de la progression, de la pénétration marxiste-léniniste dans un groupe social donné, cette pénétration se traduise, sur le plan de l’approche scientifique, par l’élaboration d’un savoir cohérent.

    Il existe d’ailleurs une singulière contradiction dans ce texte : s’il est vrai que ce sont les détenteurs de la théorie qui ont actuellement pour tâche  » d’inventer les formes nouvelles de travail, d’élaboration et d’organisation dans lesquelles se développera la lutte des classes « , on ne voit nullement pour quelle raison, l’organisation centralisée de ces théoriciens ne deviendrait pas du même coup l’organisation centralisée de la classe ouvrière et du mouvement révolutionnaire tout entier.

    A dire vrai, lorsque LENINE s’inscrivit en Russie dans le mouvement créé par le groupe Libération par le travail, telle était son ambition avouée. Effectivement la rencontre entre les intellectuels, d’abord groupés autour de PLEKHANOV, et le mouvement socialiste naissant à l’intérieur des entreprises, permettait d’assurer une telle centralisation.

    Mais c’est que LENINE, et aujourd’hui MAO Tsé-toung, voit clairement qu’il s’agit là d’une rencontre créatrice et non d’une application mécanique de la théorie posée comme un commencement absolu et une fin suprême, avec l’alibi d’articles d’information baptisés, à tort,  » enquêtes sur le modèle de MAO « . Dés lors, la volonté centralisatrice de LENINE pouvait s’affirmer d’emblée dans un même faisceau d’investigation et d’action. En revanche, on conçoit que des théoriciens prisonniers de la théorie ne puissent à aucun moment s’engager dans une telle direction.

    L’U.J.C. et le centralisme

    La conséquence inéluctable d’un pareil comportement politique, c’est que l’U.J.C. réclame pour chaque détachement particulier, c’est-à-dire pratiquement pour elle-même, le droit à la centralisation la plus rigoureuse et se déclare satisfaite d’aller au peuple pour lui transmettre la vérité.

    Quiconque pourrait penser qu’il y a là de notre part une exagération ou une déformation se reportera utilement au 6e numéro de Garde rouge déjà plusieurs fois cité :  » En premier lieu, le renforcement de l’U.J.C. (ml) et de son organisation propre constitue pour nous dés maintenant une contribution importante à l’édification du Parti, dont notre Union sera nécessairement un élément constitutif.

    Nous avons, au cours de notre lutte interne, conquis la majorité réelle des étudiants communistes de l’U.E.C, pourrissante, nous avons, dans la suite de notre travail, et en particulier dans l’action de masse contre l’impérialisme américain , démontré que nous dirigions effectivement les luttes des étudiants progressistes.

    Mais nous ne pouvons ignorer qu’il nous reste encore beaucoup à faire pour entraîner la masse des étudiants dans notre combat, renforcer notre organisation et nos formes d’action à l’Université, consolider le mouvement anti-impérialiste en développant son contenu populaire, enfin et surtout lier effectivement la lutte des étudiants à celle des travailleurs, entraîner de plus en plus d’étudiants dans le soutien aux grèves et aux mouvements revendicatifs… renforcer l’U.J.C.M.L., c’est également assurer son implantation parmi les jeunes travailleurs et jeter les bases de l’unité organique de la Jeunesse Communiste « …

    Il est ainsi supposé que la jeunesse constitue le fondement même d’une organisation indépendante et autonome, capable de trouver sa voie en tant que détachement isolé à l’intérieur du monde capitaliste.

    Et, par conséquent, priorité est ici donnée à la jeunesse en tant que classe d’âge sur le prolétariat en tant classe sociale porteuse de l’avenir du monde. Ajoutons que, dans la jeunesse elle-même ce sont les étudiants qui apparaissent, non seulement comme des initiateurs, mais aussi comme les maîtres à penser comme les dirigeants désignés.

    Nous en arrivons toujours à la même conclusion : il faut laisser les étudiants, les intellectuels se constituer en détachement théorique autonome. Lorsqu’ils détiendront la vérité – acquise hors de la pratique ouvrière et vérifiée par la seule  » pratique théorique  » – ils se présenteront devant les masses qui, elles, n’ont pas accès aux fondements théoriques mais à une traduction déformée de la théorie marxiste : l’idéologie ouvrière.

    Une conception fausse des classes sociales

    Cette prétention étudiante de l’U.J.C. à prendre la direction du mouvement, sans égard pour les responsabilités historiques du prolétariat, explique sa fausse conception des classes sociales en général et de la classe ouvrière en particulier.

    Ce n’est donc pas un hasard s’ils en viennent à baptiser  » prolétariat  » n’importe quelle fraction du peuple lorsqu’ils veulent lui conférer le rôle dirigeant. Comme si la tâche historique de la paysannerie chinoise ou albanaise avait jamais altéré la fermeté avec laquelle nos camarades chinois et albanais affirment une conception léniniste des classes sociales !

    Pour mieux comprendre ces lacunes retenons ici un numéro des Cahiers Marxistes-Léninistes consacré à la Révolution culturelle (numéro 14, novembre-décembre 1966). Nous y trouvons page 12 un texte qui, bien évidemment, n’a pas d’effets trop négatifs à l’intérieur de ce numéro parce que l’utilisation des documents chinois constitue un véritable garde-fou. Mais les erreurs qui en découlent peuvent être décelées dans d’autres études de l’U.J.C.

     » Une classe sociale n’est pas définie uniquement par la position de ses membres dans les rapports de production, donc par les rapports de production, elle est définie aussi et en même temps par leurs positions dans les rapports politiques et les rapports idéologiques qui demeurent des rapports de classe longtemps après la transformation socialiste des rapports de production. « 

    Ce texte ambigu est complété par une remarque infiniment plus juste :  » Sans doute c’est l’économie, les rapports de production qui définit en dernière instance une classe sociale, mais la lutte des classes constitue un système, elle s’exerce à différents niveaux, économique, politique, idéologique. Et la transformation d’un niveau ne fait pas disparaître les formes de la lutte des classes des autres niveaux, c’est ainsi que la lutte des classes peut se poursuivre avec virulence au niveau politique et surtout au niveau idéologique longtemps après la suppression, pour l’essentiel, des bases économiques des classes possédantes dans un pays socialiste « .

    Mais s’il est absolument vrai que la lutte des classes se déroule à tous les niveaux de la réalité sociale, il n’en résulte pas qu’il faut rejeter par dessus bord la définition léniniste de la classe sociale par la place occupée clans les rapports de production : les autres luttes traduisent, reflètent, exaltent, renforcent ou préparent les luttes menées au niveau économique.

    En réalité, ,il y a dans le texte des Cahiers Marxistes-Léninistes de multiples confusions :

    – les classes sociales se définissent au niveau de l’économie et des rapports de production. Les textes de LENINE dans La grande initiative ne laissent aucun doute sur ce sujet. Et il est trop facile de se référer également à l’étude de :MAO Tsé-toung sur les classes sociales en Chine.

    Et il n’est pas moins vrai qu’il existe une lutte de classes au niveau idéologique ou politique et que des procès se situant à ces différents niveaux peuvent en effet conduire en régime socialiste, comme en U.R.S.S., à la constitution d’une nouvelle classe exploiteuse dans le cadre d’un retour à la voie capitaliste. Mais la constitution d’une véritable classe exploiteuse n’est un fait accompli qu’à partir du moment où, prenant naissance au niveau des procès politiques, idéologiques, etc., ce procès débouche sur l’appropriation de la plus-value par la nouvelle bourgeoisie bureaucratique.

    Car c’est bien d’appropriation de la plus-value qu’il s’agit, et non pas, comme l’indique ce même numéro des Cahiers Marxistes-Léninistes (n° 14, page 12), de simples  » différences notables de revenus « .

    Bref, ce qui apparaît dans ce texte, c’est la confusion entre une position juste – les classes s’affirment dans leurs luttes à tous les niveaux – et l’évasion subjective en dehors de toute définition rigoureuse des classes sociales et très particulièrement du prolétariat. Et nous retrouvons bien là la difficulté des théoriciens de l’U.J.C. à se saisir des mouvements proprement historiques – qui sont les créateurs de structures – par opposition avec le fonctionnement d’une structure déjà constituée.

    Les conséquences de pareils flottements, nous les rencontrons dans le Cahier Marxiste-Léniniste n°2, Impérialisme et lutte des classes, où se trouve une stupéfiante étude sur la lutte des classes en Algérie. Déjà d’entrée de Jeu, page 2, une question est récusée – et pourtant elle est d’importance – : l’Algérie est-elle socialiste ?

    Cette interrogation est déclarée absurde ! En effet,  » poser cette question et y répondre négativement, deux ans après l’indépendance, c’est faire preuve d’une ignorance totale du processus révolutionnaire : il n’y a pas un modèle de socialisme homologué qu’on applique après avoir pris le pouvoir, c’est pendant des années de lutte de classes, après la révolution, que les travailleurs acquièrent les moyens de contrôler collectivement la production et que se forge un nouvel appareil d’Etat qui sera, dans cette lutte, leur appareil et non celui des exploiteurs « .

    Si nous comprenons bien, poser la question de savoir si l’U.R.S.S. était socialiste en 1919 ou si la Chine l’était en 1950 serait absolument privé de sens. Nous pensons au contraire, quant à nous, qu’il existe des critères extrêmement précis qui permettent de déterminer si un pays est socialiste. Il s’agit de répondre à la question : qui détient 1e pouvoir politique ?

    L’U.J.C. néglige le critère décisif du pouvoir. C’est une autre question de savoir à quel moment la première révolution, c’est-à-dire la prise du pouvoir politique, se traduit par la deuxième, c’est-à-dire l’implantation de secteurs socialistes prépondérants dans l’économie.

    Or, quelle que soit la grandeur historique de la révolution algérienne, il n’est pas possible d’affirmer scientifiquement que le F.L.N., c’est le Parti de la classe ouvrière qui a pris le pouvoir.

    Il ne suffit pas évidemment pour éliminer les problèmes que pose une telle situation, d’écrire tranquillement  » le fait que la fonction de prolétariat conscient, assumée en Russie par les quelques trois millions d’ouvriers de l’industrie lourde, semble devoir être remplie en Algérie, dans un premier temps, par la fraction moderne de la paysannerie, les travailleurs de l’auto-gestion en nombre très variable « .

    Il est tout de même extraordinaire de se contenter de baptiser  » prolétariat  » une fraction de la paysannerie, fut-elle  » moderne « , et de se déclarer satisfait par ce tour de passe-passe. Ce subterfuge est d’autant plus caractéristique qu’on nous explique avec beaucoup de précision que ces travailleurs du secteur moderne doivent expulser systématiquement de l’exploitation agricole coopérative les chômeurs et bon nombre de paysans pauvres (page 26). La représentation d’un prolétariat de ce type est plus technocratique que marxiste.

    On admirera encore cette remarque (page 38) :  » nos camarades algériens se sont engagés d’une façon irréversible dans la voie de l’édification socialiste. En révolutionnaires conséquents, ils ne tentent pas de masquer les difficultés de leur tâche, mais s’efforcent au contraire de les évaluer correctement de façon à mettre en œuvre la stratégie la plus adéquate « .

    Cette volonté systématique de vouloir transformer l’Algérie en Russie de 1917 et, par voie de conséquence, Ben Bella en LENINE, a évidemment des conséquences très négatives. Elle est la conséquence directe des facilités qu’on se donne à partir du moment où, brouillant tout, mêlant tout, passant des classes à la lutte des classes, des reflets de survivances anciennes aux procès constitutifs de phénomènes nouveaux, on s’abandonne au vertige théorique sans s’attacher suffisamment à l’investigation des réalités.

    En tout cas, pour la situation française, les conséquences en sont lourdes, et par exemple lorsque se trouve posée la question de la constitution d’un nouveau Parti bolchévik en France, la méthode proposée est :

    d’agir  » par la poursuite de la lutte interne au sein d’une organisation révisionniste produisant des formes inégalement développées, pendant un temps, d’une organisation nouvelle « . (Cahiers Marxistes-Léninistes n°14, page 28 sur la pensé de MAO Tsé-toung).

    En d’autres termes,  » pour la conquête des forces intermédiaires, – il faut une politique de front uni. Ceci doit rendre compatible l’action de diverses forces qu’il faut unir par la limitation et l’ajustement des tâches révolutionnaires.

    Ce développement combiné des forces composant le front ne va pas non plus sans luttes, mais la lutte est idéologique forme de traitement des contradictions au sein du peuple  » (Cahiers Marxistes-Léninistes, n° 14, page 29).

    Derrière l’obscurité de ce passage, faut-il conclure qu’en novembre-décembre 1966, l’U.J.C. estimait toujours que la lutte interne était la seule forme réelle de lutte ayant un avenir ?

    Faut-il en conclure qu’elle n’a été amenée que par hasard à sortir des rangs de l’Union des Etudiants Communistes révisionnistes ?

    Faut-il en conclure que son opposition à la création d’un Parti Communiste de France (marxiste-léniniste) tient à ce qu’elle n’est pas disposée à passer à cette phase supérieure de la lutte externe, qui consiste à effacer systématiquement tout ce qui pourrait subsister de ressemblances aux yeux des masses entre nous et les révisionnistes ?

    C’est parce que la théorie est coupée de la pratique qu’elle est impuissante à montrer le rôle dirigeant du prolétariat donc à justifier la centralisation de l’action. C’est parce que la pratique est coupée de la théorie qu’elle est présentée comme la simple juxtaposition de spontanéités, différentes selon les classes, les milieux ou les strates, et que toute généralisation devient impossible, à défaut d’un contrôle réel exercé par l’organisation de la totalité des couches et des classes sociales progressistes.

    Mais, comme ces conditions préalables ne seront pas remplies dans un avenir prévisible, l’U.J.C. rejette en fait définitivement l’idée même d’un Parti communiste marxiste-léniniste en. France, et s’interdit par là même la rupture totale avec le révisionnisme.

    Plutôt que de citer des textes sans rapport avec les problèmes posés, les rédacteurs de Garde rouge auraient gagné à se reporter à la façon dont MAO Tsé-toung procède à l’analyse des classes de la société chinoise dans son article de mars 1936. I1 pose essentiellement la question :  » Quel sont nos ennemis, quels sont nos amis ?  » Et il ne dit pas que l’existence du Parti suppose au contraire que  » pour distinguer nos vrais amis de nos vrais ennemis, nous devrons analyser dans ses traits généraux la situation économique des classes qui constituent la société chinoise et leurs positions par rapport à la révolution. « 

    Son analyse procède d’un sens si aigu de la réalité, mais aussi d’une puissance théorique telle, qu’en fin de compte l’analyse qui nous est présentée est très largement utilisable à l’intérieur même de la société française, en dépit de toutes les différences qui peuvent exister entre la Chine de 1926 et la France de 1967.

    Lorsque par exemple MAO Tsé-toung propose de créer la catégorie du semi-prolétariat, et d’y inclure avec les paysans pauvres les petits artisans et les employés, il est clair que tout en se référant à des situations concrètes fort diverses, il n’en désigne pas moins par là une série de situations à l’intérieur desquelles la réceptivité à la propagande révolutionnaire existe, tout en marquant bien qu’il ne s’agit pas là pour autant du prolétariat proprement dit. Encore faut-il observer que l’analyse des classes et des luttes de classes pour les théoriciens de l’U.J.C. n’est pas satisfaisante. Sur ce point non plus, ils n’ont pas respecté les enseignements de MARX, ENGELS, LENINE, STALINE et MAO Tsé-toung.

    Rappelons en effet dans les Cahiers Marxistes-Léninistes consacrés à la révolution culturelle, le texte de la page 12 du n° 13-14. A vrai dire, la situation des dirigeants de l’U.J.C. n’est pas favorable dans la mesure où ils nous reprochent de créer le Parti Communiste de France (marxiste-léniniste) avec des forces infiniment plus considérables numériquement, que celles dont disposaient nos camarades chinois lorsqu’ils ont entrepris de créer leur propre Parti.

    Rappelons que 72 militants ont pris cette initiative historique et, si nous n’avons nullement la prétention de comparer la qualité de nos cadres à celle des hommes qui ont fondé le Parti communiste chinois, il n’en reste pas moins que notre implantation dans les masses, surtout compte tenu de l’immensité de la population chinoise, est infiniment plus étendue. Peut-être même pourrait-on légitimement nous accuser d’avoir trop tardé à prendre cette décision.

    Quoi qu’il en soit, les incertitudes des dirigeants de l’U.J.C. se reflètent de manière tout à fait intéressante dans le paragraphe où ils essaient de définir ce qu’ils appellent les lois générales de l’édification du Parti communiste ; lois auxquelles ils attribuent  » une valeur universelle dans leur contenu  » et, d’autre part, les exceptions qu’ils sont bien obligés de reconnaître à ces lois prétendument universelles.

    C’est là que se trouve cette appréciation extrêmement subjective :  » On trouve des cas importants dans lesquels la création du parti a précédé sa naissance effective : par exemple, la création du P.O.S.D.R. en 1898 « . C’est-à-dire à la différence de LENINE et de STALINE, que les membres de l’U.J.C. considèrent que le Parti ouvrier russe est né après la date officielle de sa proclamation ! Il serait d’ailleurs trop facile de transposer cette appréciation dans le cas du Parti Communiste chinois.

    Il est vrai que la seule différence derrière laquelle se retranchent les rédacteurs de Garde rouge, c’est que la classe ouvrière en France a l’expérience d’une organisation politique infiniment plus ancienne, qu’elle est en quelque sorte infiniment plus exigeante que les masses chinoises en la matière. A vrai dire, c’est là un de ces arguments de circonstance, dont on ne sait trop dans quel sens il faut les retourner.

    Il est certain que, dans le monde ouvrier, l’attraction d’un Parti Communiste est grande ; et que le mot fait partie intégrante de la subculture prolétarienne. Il est d’ailleurs amusant de prétendre à la fois définir les lois générales de l’édification d’un Parti d’un point de vue de principe, et, cependant, d’avouer aussitôt qu’il s’agit uniquement de la France. Faisant fi de toute l’expérience antérieure du mouvement international, à l’intérieur duquel les événements n’ont pas suivi les brillantes  » lois générales  » qu’ils dégagent, les dirigeants de l’U.J.C. écrivent :

     » La naissance du parti ne peut s’entendre rigoureusement que d’une seule façon : des organisations hétérogènes, locales ou spécifiques à des milieux donnés, des militants isolés, des cadres issus de détachements divers de la classe ouvrière et du peuple, ont accumulé des forces suffisantes en organisation, en expérience théorique pour organiser l’agitation et prendre la direction effective des luttes de classes dans les détachements respectifs de la classe ouvrière et du peuple auxquels ils sont liés.

    D’autre part, et c’est la seconde condition complémentaire de la première, ces différents détachements marxistes-léninistes sont parvenus par l’expérience pratique, le travail théorique, les enquêtes et la lutte idéologique, lutte contre les réactionnaires et persuasion réciproque dans les rapports avec nos amis, à une unité de pensée, de style, d’analyse et de méthode de travail telle qu’elle leur permette d’élaborer un programme unique du mouvement, de déterminer un plan de propagande et d’action unique pour le mouvement dans tout le pays, de produire enfin une presse diversifiée dans son style et sa ligne de travail. « 

    C’est-à-dire qu’il faut attendre pour créer le Parti Communiste de France marxiste-léniniste d’avoir reconstitué une organisation comparable quantitativement à celle du parti révisionniste. C’est là tout simplement marquer un manque de confiance envers les masses, un esprit de recul au moment du combat décisif, et c’est là bien sûr prendre une position elle-même semi-révisionniste.

    En réalité il y a là une conception fataliste de l’histoire qui est liée à une deuxième erreur théorique, sur laquelle il va falloir maintenant se pencher, erreur dont la portée et les conséquences méritent d’être soulignées au niveau de l’organisation même de la lutte.

    C’est l’effacement systématique de l’homme agissant, du militant ouvrier, de l’initiative créatrice des masses, réduites au rôle de simples illustrations d’un procès social soumis à une implacable nécessité.

    Si nous voulons comprendre la racine de nos divergences dans les analyses, il suffit de se reporter aux fascicules de l’Ecole parisienne de Formation théorique, dont nous avons parlé, lorsqu’elle consacre une fiche entière à la notion de procès.

    Le débat théorique fondamental est ici très clair : ou bien la racine de l’existence sociale est l’acte de travail – acte dissimulé derrière le fétichisme de la marchandise, derrière les procès de mystification qui obscurcissent la conscience des prolétaires et plus encore des semi-prolétaires ; ou bien les rapports sociaux sont des procès, des structures qui se répètent indéfiniment, toujours identiques à eux-mêmes.

    Et la Révolution devient soit impossible, soif irrationnelle. Ici, nous devons suivre de très prés 1’enchainentent des idées. Tout d’abord, le texte des dirigeants de l’U.J.C. part d’une note qui se trouve dans Le Capital :

     » Le mot procès qui exprime un développement considéré dans l’ensemble de ses conditions réelles appartient depuis longtemps à la langue scientifique de toute l’Europe… il finira par obtenir ses lettres de grande naturalisation.  » (Tonte I, page 181).

    On est tout d’abord frappé par une omission qui peut sembler singulière. L’auteur de cette analyse ne nous dit pas que le procès dont il est ici question se décompose, selon MARX, en trois éléments :

    1° l’activité personnelle de l’homme, ou travail proprement dit,

    2° objet sur lequel le travail agit

    3° moyens par lesquels il agit.

    Et plus complètement ce procès, c’est le procès du travail, c’est-à-dire :

     » le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle ; les forces de son corps, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement afin de s’assimiler les matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur le nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature et développe des facultés qui y sommeillent.

    Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n’a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ, c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme. Une araignée fait une opération qui ressemble à celle du tisserand et l’abeille confond par la structure de ses cellules de cire l’habileté de l’architecte.

    Mais ce qui distingue le labeur du plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur.

    Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles, il réalise du même coup son propre but, dont il a conscience, qui détermine son mode d’action auquel il va subordonner sa volonté.

    Mais cette subordination n’est pas momentanée : l’œuvre exige pendant toute sa durée, outre l’effort des organes. qui agissent, une attention soutenue qui ne peut elle-même résulter que d’une tension constante de la volonté. Elle l’exige d’autant plus que, par son objet et son mode d’exécution, le travail entraîne moins le travailleur, se fait moins sentir comme le libre jeu de ses forces corporelles ou intellectuelles, en un mot qu’il est moins attrayant. Voici les éléments simples dans lesquels le procès de travail se décompose… « 

    Il est tout à fait clair que, pour MARX, le concept de procès est un concept subordonné : il est subordonné à celui d’acte.

    Ou, plus exactement, il l’inclut comme une notion simple que nous ne devrons jamais perdre de vue. Chaque fois; par conséquent, que nous retrouverons le thème d’un  » procès de travail « , nous ne pourrons pas, contrairement à certaines tentations, admettre d’éliminer le concept d’acte de travail. A dire vrai, nous devrons toujours nous rappeler qu’il est l’un des trois éléments qui sont inclus dans le concept de procès de travail. Pourquoi est-ce si important ? Parce que la même fiche continue en ces termes :

     » Ce développement considéré dans l’ensemble de ses conditions réelles représente le concret réel que la science doit s’approprier dans le concret de la pensée « . (Cahiers Marxistes-Léninistes n° 1,  » Processus réel et processus pensé « ).

    C’est là une identification extrêmement rapide, si l’on songe que l’ensemble des conditions réelles ne ressemble guère à ce passage de l’abstrait au concret, du simple au complexe qui était évoqué dans le texte de l’Introduction. Mais passons sur cette première réserve. Quels sont les caractères du procès d’après l’Ecole parisienne de formation ?

     » 1° dans un procès les éléments ne sont pas déterminés par leur nature, mais par leur place, par la fonction qui est attachée à cette place. « 

    Il faut ici faire extrêmement attention parce que c’est à la fois vrai et faux. Le fait que le travail soit un acte qui se passe entre l’homme et la nature fait qu’un élément comme l’homme ne peut être remplacé par aucun autre. Sans doute se caractérise-t-il par sa place et par sa fonction dans la production, mais à la condition d’ajouter qu’il est d’une nature telle (celle qui le constitue précisément comme force de travail créatrice de valeur), qu’aucun autre élément ne pourrait remplir la même fonction ou le même rôle.

    Il en résulte par conséquent que, au niveau même de la conception du procès, va venir s’insérer un sujet agissant, un support des rapports de production, qui sera l’homme lui-même.

    Plus exactement, le fait que l’homme soit homme avec ses caractéristiques organiques, avec ses propriétés d’individu sera, comme le souligne MARX lui-même à plusieurs reprises, un élément capital dans l’étude de toute société. Voilà qui ne signifie nullement qu’il existe une soi-disant nature humaine immuable, et que l’homme lui-même ne se structure pas à l’intérieur du procès social de production mais voilà malgré tout qui nous invite à ne pas nous représenter le monde des structures comme trop éloigné de la sphère où l’activité pratique de l’individu peut introduire dans l’histoire des changements importants.

    Il faudrait affirmer face à certaines tentations structuralistes qu’il n’est pas de rapport sans support, et que ce rapport est 1’individu physique, naturel, doté par sa naissance biologique d’un certain nombre de possibilités. Le deuxième caractère du procès ne prête pas moins à discussion. Le texte incriminé est le suivant :

     » deuxièmement, le mouvement du procès tend à la reproduction constante de ses éléments. Indépendamment de sa forme sociale, tout procès de production produit les conditions de cette production, etc. Aussi, tout procès de production sociale est en même temps procès de reproduction  » (Le Capital, tome III, page 9).

    De plus, compte tenu de sa forme sociale, un procès de production – capitaliste par exemple – reproduit outre les éléments du procès de production , les rapports de production qui caractérisent le mode de production capitaliste. En se répétant, le procès rie production se perpétue comme procès de production et comme capitaliste.

     » Le procès de production capitaliste considéré dans sa continuité ou comme reproduction ne produit donc pas seulement marchandises, ni seulement plus-value ; il produit et éternise les rapports sociaux entre capitaliste et salarié.  » (Le Capital, tome III, page 20).

    Il est clair que c’est là une indication extrêmement utile contre tous ceux qui seraient portés à oublier qu’il existe un élément permanent, à travers l’ensemble du capitalisme – et c’est précisément cette forme sociale, qui se reproduit de cycle productif en cycle productif. Mais c’est là que certaines réserves vont apparaître. Nous retrouvons dans les Cahiers Marxistes-Léninistes cette représentation du processus comme reproduction pure et simple de ce qui avait été produit (Cahiers Marxistes-Léninistes, n° 5, page 10 et suiv.).

    Et c’est là bien évidemment, que les difficultés du structuralisme à saisir le mouvement même de l’histoire se feront les plus manifestes. Sans se demander si ce n’est pas le mode de pensée en question qui est en cause, l’auteur va jusqu’à écrire :  » Ces analyses du Capital (sur l’origine et la forme du mode de production capitaliste) prises à la lettre sont insuffisantes à résoudre notre problème.

    Ce qui ne signifie pas que l’analyse de MARX concernant son objet propre, la structure économique du mode de production capitaliste, soit lacunaire, mais précisément qu’elles lui sont strictement subordonnées.

    Mais, comme le problème du passage  » origine-dépassement  » ne peut éviter d’être posé au moins à l’horizon de toute analyse, et directement dans son application révolutionnaire, cette insuffisance entraîne une indétermination : les analyses que j’indique ne suffisent pas à éliminer une idéologie évolutionniste de la succession des modes de production, dont j’indiquerai la figure faute d’une alternative positive complémentaire.  » (Cahiers Marxistes-Léninistes n° 5, page 14).

    En réalité ces textes que l’auteur juge insuffisants sont ceux qui montrent l’histoire de la séparation du travailleur et de son lieu de travail originel, la terre, et l’histoire de la formation des trésors prêts à fonctionner comme capital argent entre les mains de quelques propriétaires. Mais évidemment ils ne les présentent pas connue la mise en œuvre d’une structure , bien davantage, comme la mise en œuvre d’une histoire, d’un schème dynamique s’organisant dans le devenir.

    Et c’est pourquoi la tentation de tout représenter dans le simultané, dans l’actuel, est immédiatement tenue en échec par cette conception marxiste. Cette histoire n’est pas à dire vrai limité aux seuls rapports, elle n’est pas le développement rigoureux et ininterrompu d’une série de phénomènes se reproduisant identiquement les uns après les autres.

    Elle est liée à toute une série d’initiatives historiques de caractère politique, voire idéologique, qui ont lancé les hommes à la recherche de nouveaux mondes, ou qui ont permis à d’autres de se préparer à constituer, non pas des trésors au sens traditionnel du mot, mais un capital actif et agissant sur un marché.

    Bref, ce qui frappe, c’est que les pages mêmes de MARX sur l’accumulation, résistant au mode d’approche des théoriciens de l’U.J.C., se trouvent tout simplement mises en accusation et déclarées insuffisantes.

    De même en ce qui concerne la fin du système capitaliste, il est tout à fait clair que, avec beaucoup d’intelligence, on met l’accent sur le rôle, à mon sens capital, de la modification de la composition organique du Capital et sur sa tendance à l’augmentation. Seulement, là où les choses ne vont plus, c’est que, pour se justifier de ne pas trouver chez MARX l’explication du passage au socialisme, ou de la naissance des conditions qui rendent ce passage possible, on nous expose la contradiction croissante entre forces productives et rapports de production, sans dire un mot de la lutte des Masses.

    Or il est tout à fait clair que le passage de la simple possibilité à la réalité effective du passage au socialisme tient à l’élévation de la lutte des classes. La lutte des classes est l’élément actif qui transforme le possible en réel.

    Mais la lutte des classes est en fin de compte la mise en mouvement de masses profondes d’hommes, qui participent à un combat collectif. En s’abstenant de mettre l’accent à la fois sur l’homme comme auteur d’actes, sur l’acte comme élément du procès, sur la constitution des structures par le biais de procès qui sont spécifiquement historiques, dynamiques, en opposant le synchronique au diachronique, l’actuel à l’historique, les théoriciens de l’Union des Jeunesses Communistes renoncent à saisir le marxisme dans son ensemble.

    Nous pensons, quant à nous, que, sous sa forme la plus moderne qui est celle manifestée dans la pensée de MAO Tsé-toung, il a suffisamment de vérité pratique effective pour s’imposer à l’ensemble de ceux qui cherchent honnêtement la voie révolutionnaire. Mais dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons considérer que tous les éléments qui se réclament du marxisme-léninisme soient par rapport à cette démarche théorique et politique sur un pied d’égalité.

    Et la raison en est claire ; à insister uniquement sur les procès circulaires, les cycles qui se répètent, les structures stables, les théoriciens de l’U.J.C., négligent ou nient le rôle fondamental de l’histoire des masses révolutionnaires. Ils se condamnent à l’esprit de recul, à l’absence de hardiesse, au mépris des masses et – en fin de compte – à l’oubli de la thèse de MARX :

     » Ce sont les hommes qui font leur histoire « 

     ou, comme le dit le camarade MAO Tsé-toung :

     » Il faut se révolter ! « 

    Le camarade MAO Tsé-toung a dit :  » Avant que les intellectuels se jettent corps et âme dans la lutte révolutionnaire des masses, qu’ils se décident à les servir et à faire corps avec elles, il arrive souvent qu’ils sont enclins au subjectivisme, et à l’individualisme, que leurs idées sont stériles et qu’ils se montrent hésitants dans l’action. Ainsi, bien que les nombreux intellectuels révolutionnaires chinois jouent un rôle d’avant-garde et servent de pont, tous ne sont pas révolutionnaires jusqu’au bout.

    Dans les moments critiques, une partie d’entre eux abandonne les rangs de la révolution et tombe dans la passivité ; certains deviennent même des ennemis de la révolution. Les intellectuels ne viendront à bout de ces défauts que dans la lutte prolongée menée par les masses  » (La Révolution chinoise et le Parti Communiste chinois – Œuvres choisies, tome II).

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    Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe

  • Pour la fidélité à l’idéal communiste (1965)

    [Publié dans L’Humanité-Nouvelle, décembre 1965, alors organe mensuel de le Fédération des Cercles Marxistes-Léninistes.]

    Pour la fidélité à l’idéal communiste
    Déclaration solennelle

    Les militants communistes soussignés,

    encore adhérents du Parti Communiste français, ou démissionnaires en signe de désaveu de la ligne politique de droite développée depuis plusieurs années, ou exclus sur ordre des dirigeants pour avoir combattu cette ligne,

    1) Réaffirment solennellement leur qualité de communistes et leur accord avec les principes révolutionnaires des Déclarations de 1957 et 1960 des 81 Partis communistes et ouvriers ;

    2) Déclarent qu’aucune calomnie, aucune injure, aucune falsification, aucune délation, aucune campagne de haine venant aujourd’hui des dirigeants révisionnistes comme depuis toujours de la bourgeoisie réactionnaire, aucune incompréhension provisoire des militants sincères mais trompés, ne parviendront à entacher leur honnêteté de communistes et leur intégrité d’hommes, ni à entamer leur fidélité aux principes éprouvés du marxisme-léninisme ; déclarent nécessaire l’existence d’un Parti communiste dont l’unité et la cohésion seraient fondées sur ces principes et proclament leur inébranlable confiance dans la classe ouvrière et les travailleurs de France, dignes héritiers des traditions de la Commune des grandes luttes d’avant 1939, de la glorieuse Résistance et du 28 Mai 1952, dernière journée historique de lutte populaire contre l’impérialisme américain ;

    3) Condamnent la décision du Comité central de faire du politicien bourgeois Mitterrand le candidat du Parti communiste aux élections présidentielles du 5 décembre.

    Cette décision viole la résolution politique du 17ème Congrès sur lequel ils ont d’ailleurs exprimé leurs critiques; en effet, cette résolution demandait  » d’opposer au candidat du pouvoir personnel un candidat désigné en commun et représentant effectivement le mouvement des masses  » et spécifiait que  » sans un accord précis sur un programme commun… le Parti communiste français ne saurait envisager de se prononcer dès le premier tour pour un candidat non communiste. « 

    Malgré ce texte impératif qui ne peut être modifié que par un autre congrès, le Comité central développe actuellement une grande campagne en faveur de ce politicien, collaborateur de la revue pétainiste  » France, revue de l’Etat nouveau  » en 1942, 11 fois ministre dans des gouvernements anti-ouvriers de la 4ème République et considéré depuis vingt ans comme l’un des agents les plus zélés de l’impérialisme américain en France ;

    4) Considèrent que cette décision accélèrera la dégénérescence politique, idéologique et organique du Parti communiste français, si la majorité de ses adhérents ne s’oppose pas résolument à cette ligne opportuniste et révisionniste d’unité à tout prix avec les dirigeants du Parti socialiste S. F. I. O. invoquée par le Comité central pour se justifier.

    Pour réussir cette coalition électorale, caricature grossière de l’indispensable unité des masses populaires, le Comité central a dû renoncer préalablement à l’idée même de la nécessité de la révolution socialiste et de la dictature du prolétariat sous la direction du Parti communiste; il a dû accepter comme seule alternative possible le  » passage pacifique et démocratique  » au socialisme!

    Il a dû violer les décisions de son propre Congrès et renoncer au programme commun; il a dû accepter les options pro-américaines de Mitterrand, c’est-à-dire l’Alliance Atlantique, le Marché commun des trusts, l’abandon de toute perspective de nationalisation des monopoles, le régime présidentiel de la Constitution de 1958.

    Et après le 5 décembre, s’il veut maintenir cette coalition électorale de circonstance, le Comité central devra donner de nouveaux gages aux dirigeants de la S.F.I.O., peut-être même solliciter l’adhésion du Parti à la  » Fédération démocrate et socialiste  » inventée par Guy Mollet pour assurer la continuité du pouvoir de la bourgeoisie ;

    5) Comprennent le désarroi dans lequel sont jetés des centaines de milliers d’électeurs communistes qui n’ont pas de candidat à eux, qui assistent à la collusion électorale des dirigeants du Parti communiste français avec les agents en France des monopoles germano-américains, qui constatent que l’absence d’un candidat communiste est de nature à favoriser la réélection de de Gaulle que les dirigeants soviétiques paraissent, eux, vivement souhaiter dans leurs déclarations.

    S’élèvent contre la néfaste politique gaulliste : politique sociale au service du patronat contre les travailleurs, régime présidentiel au service de la réaction fondé sur la Constitution de 1958, politique étrangère qui reste, quant au fond, une politique impérialiste et néo-colonialiste.

    6) Approuvent le programme communiste minimum adopté par la Conférence nationale communiste du 31 octobre 1965 dont la réalisation suppose que les travailleurs engageront une lutte sans merci contre le pouvoir des monopoles ;

    7). Appellent les millions d’électeurs communistes à ne pas se laisser impressionner par de faux dilemmes, à ne voter ni pour de Gaulle, ni pour Mitterrand, ni pour aucun autre candidat de la bourgeoisie capitaliste française, à voter pour la fidélité à l’idéal communiste en confectionnant et en utilisant un bulletin de vote portant l’inscription :  » Je vote communiste « 

    BRIAL Jean-Louis, 71 ans, ancien trésorier fédéral, ancien interné politique en Algérie, ancien combattant volontaire de la Résistance, retraité des vieux travailleurs salariés, à Saint-Etienne (Loire).

    ADRIAN Jean-Pierre, 20 ans, agriculteur, ancien secrétaire des J.C. de Bonnieux, quatre ans de parti, Lacoste (Vaucluse).

    AMADON Pierre, 55 ans, menuisier, ancien secrétaire de la cellule de Saint-Yvoine et « Wassmer Aviation », Issoire (Puy-de-Dôme) .

    ARQUER Joseph, 65 ans, retraité T.P.E., trente-sept ans de parti, Corbères-les-Cabanes (Pyr.-Or).

    BAL Remi; 58 ans, retraité E. D.F., ancien secrétaire de la cellule de la Chea de 1936 à 1939, ancien secrétaire administratif de la section sud de Clermont-Ferrand, vingt-neuf ans de parti, Ceyrat (Puy-de-Dôme).

    BARONNET André, 32 ans, ouvrier ajusteur, ancien secrétaire de cellule, trois ans de parti, Angoulême (Charente-Maritime).

    BARONNET Christiane, ménagère, trois ans de parti.

    BARBOT Louis, 38 ans, cheminot, seize ans de parti, ancien candidat aux élections municipales du Havre (Seine-Maritime).

    BERGERON Régis, 42 ans, journaliste communiste, vingt ans de parti, ancien membre du secrétariat fédéral de Seine-et-Marne, rédacteur en chef de  » l’Informations de Seine-et-Marne « , chef des services parisiens de  » Ce Soir « , secrétaire général des  » Lettres Françaises « , chef de la rubrique culturelle et critique littéraire de  » l’Humanité « , membre du comité de rédaction de  » La Nouvelle Critique « , rédacteur en chef-adjoint de  » France Nouvelle « .

    BLASQUEZ Henri, 26 ans, ouvrier du bâtiment, six ans de parti, Marseille.

    BORGET .Marius, membre du parti de 1922 au 8 septembre 1965, soit quarante-trois ans de parti, ouvrier, puis petit cultivateur, ancien candidat aux élections législatives, camarade ayant démasqué le traître Gitton dès 1938, Déols (Indre).

    BORGIAS Jean, 35 ans, tailleur, ancien secrétaire de la cellule de Montferrand et ancien secrétaire de la section Clermont-Ferrand-Est, seize ans de parti. Ceyrat (Puy-de-Dôme).

    BOYER, Pierre ouvrier métallurgiste, vingt ans de parti, Issoire (Puy-de-Dôme) .

    CASTAN Claudette, étudiante, deux ans de parti, Marseille.

    CHAMBAUDIE René, 26 ans, fraiseur, ancien secrétaire de la cellule de Ceyrat, trois ans de parti, Ceyrat (Puy-de-Dôme).

    COMBRE Albert, 66 ans, retraité des Eaux et Forêts, ancien membre du Comité fédéral de saône-et-Loire, ancien président du Comité cantonal de Libération d’Autun, trente et un ans de parti, Ceyrat ( Puy-de-Dôme) .

    COSTE Marcel, 38 ans, instituteur, ancien combattant volontaire de la Résistance, 19 ans de parti, Saint-Savournin (B-du-R).

    COSTE Paul, 42 ans, mineur, ancien combattant volontaire de la Résistance, ancien premier adjoint au maire. de la cité minière de Saint-Savournin (Bassin de Provence), vingt et un ans de parti, Saint Savournin (Bouches-du-Rh.).

    COUTANT Roland, 25 ans, soudeur à l’arc, un an de parti, Le Mans (Sarthe).

    DANOS Germain, instituteur ancien président du Comité France-U.R.S.S., secrétaire du Comité antifasciste en 1958, démissionnaire du parti en 1963, Narbonne (Aude).

    DAUMAS Gérard, lycéen, 19 ans, ancien secrétaire J.C. lycéens de Grenoble (Isère).

    DESCHAMPS Henri, plombier, 34 ans, ancien membre du bureau de section, ancien trésorier de la section du Vieux-Marseille, ancien secrétaire de cellule, membre du parti depuis 1958, Marseille.

    DOROUTE Alain, ex-secrétaire bureau de secteur, ex-membre du cercle des J.C., ex-membre du bureau fédéral du Nord des J.C., ex-membre du bureau de section du parti, à Valenciennes (Nord).

    FORTIN André, professeur d’enseignement technique, ancien combattant volontaire de la Résistance, vingt-deux ans de parti, ancien membre du comité de section, Marseille.

    GAIGNAR.D Hélène, professeur de lycée, seize ans de parti, Le Mans (Sarthe).

    GATEAU Daniel. 32 ans, ouvrier mineur, huit ans de parti Perrecy-les-Forges (Saône-et-Loire).

    GAUTHIER Georges, 53 ans, cultivateur, ancien dirigeant de section et cellule, vingt-huit ans de parti, Puyricard, par Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) .

    GENESTOUX Jean, 48 ans, ouvrier usine Michelin, membre des J.C. à partir de 1931, ancien membre de la cellule d’entreprise Daniel-Ferry, section Michelin, trente-quatre ans de parti, Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

    GERARD Georges, 43 ans, ouvrier métallurgiste, ancien mineur, quatorze ans de parti, Marseille.

    GILLES Robert, commerçant, 50 ans, ancien secrétaire, puis trésorier de cellule, membre de bureau de section, membre du bureau de rayon des JC. avant 1939, candidat aux élections municipales à La Ciotat, vingt-neuf ans de parti, Marseille.

    GILQUIN Michel, 20 ans, étudiant ancien militant de l’U.E.C., un an de parti, Tours (Indre).

    GIT-LECLERQ Jean, ex-membre du bureau de secteur des J.C., ex-suppléant au bureau fédéral des J.C., ex-membre de la cellule Duquesne, à Valenciennes (Nord).

    GRONIER Roger, 42 ans, employé de la Sécurité Sociale minière. ex-responsable illégal des J.C. de Roubaix pendant la guerre, ancien officier F.T.P, 24 ans de parti, ancien secrétaire de la Section de Valenciennes (Nord).

    GRONIER Serge, 18 ans, étudiant, ancien membre du bureau fédéral des J.C. du Nord.

    GUISSET Isabelle, couturière, vingt-huit ans de parti, veuve du capitaine Georges Guisset, capitaine des Brigades Internationales en Espagne, Perpignan (P.-O.).

    HERMEL Jacques, apprenti, ex-membre des J,C., Valenciennes (Nord).

    IGONET Jean, douanier en retraite; trente-trois ans de parti membre de la cellule de Rigarda {Pyrénées-Orientales).

    JULIAN Othon, docteur en médecine homéopathe, 55 ans titulaire de1a carte n°1 du Centre d’Etudes et de Recherches Marxiste membre du parti depuis 1948, Paris.

    JULIOT Huguette, née CASAUX, employée Compagnie Transatlantique, fille d’un déporté mort à Buchenwald-Dora, ancienne conseillère municipale du Havre, douze ans de parti, Marseille.

    JULIOT Marcel, 41 ans, cheminot, ancien responsable des Forces Unies des Jeunesses Patriotiques dans la clandestinité au Havre, ancien combattant volontaire de la Résistance, dix-sept ans de parti, Marseille.

    JURQUET Jacques, 43 ans, inspecteur des impôts, vingt et un ans de parti, ancien secrétaire de l’Etat-major F.F.I. du Nord-Jura, ancien combattant de la Résistance, ancien membre du secrétariat fédéral de Seine-et-Marne et du comité fédéral des Bouches-du- Rhône, ancien candidat aux élections législatives à Marseille.

    JURQUET Michel, 22 ans, étudiant, diplômé des travailleurs de l’émulation socialiste de la R.D.A., six ans d’organisation des J.C. et de l’U.E.C., Marseille.

    LACABE Paulette, employée Sécurité Sociale, ancienne dirigeante régionale de la Jeunesse Communiste et de l’U.J.F.F. avant 1939, ancienne combattante volontaire de la Résistance, internée politique, ancienne membre du bureau de section de Bordeaux-Centre et du comité régional de l’Union des Femmes Françaises, vingt-huit ans de Parti, Bordeaux.

    LALANDE Jean, 38 ans, technicien industriel. Ancien membre du bureau fédéral de Paris-Nord-Est, ancien secrétaire de section de La Courneuve.

    LANGLADE Maximilien, 78 ans, directeur d’école honoraire, vihgt ans de parti, Perpignan (P.-O).

    LECKTEY Jacqueline, 41 ans, institutrice, ancienne secrétaire de cellule, quatorze ans de parti, Paris.

    LIMBOURG Paul, 27 ans, ouvrier de presse, ancien responsable, de cercle des J.C., membre d’un comité de section, sept ans de parti, Paris.

    LLUCIA Hervé, 59 ans, chirurgien, vingt et un ans de parti, ancien secrétaire de cellule, ancien membre de comité de section, ancien conseiller municipal, membre du bureau national de l’Association « France-Vietnam », titulaire du diplôme de travailleur d’élite du service de santé décerné par le gouvernement de la République démocratique du Viet-Nam, où il fut chef de la mission médicale française, Aubagne (B.-du-Rh).

    LOUPIA Joseph, 66 ans, inspecteur des P.T.T. en retraite, vétéran du parti, ancien colonel F.T,.P.F. (colonel Blucher), ayant assumé de nombreuses missions tant politiques que militaires au service du parti.. Carcassonne (Aude) .

    MAILLET Christian, 43 ans, artiste peintre, ancien C.D.H. (pendant huit ans consécutifs), ancien membre de comité de section. vingt-six ans de parti, Marseille.

    MALER Rémy, maire de Baillestavy (Pyrénées-Orientales) .

    MARCHETTI Vincent, 46 ans, marin de commerce, ancien combattant volontaire de la Résistance capitaine F.T.P., ancien chef du « groupe spécial » F.T.P., 28 ans de parti, Marseille.

    MARCHETTI Micheline, ménagère, ancienne C.D.H., trois ans de parti, Marseille.

    MARION Régine, cheminote, huit ans de parti, Le Havre (Seine-Maritime).

    MARTY François, 59 ans, instituteur honoraire, ancien commandant F.T.P., ancien membre du secrétariat fédéral des Pyrénées- Orientales, fondateur de l’hebdomadaire fédéral  » Le Travailleur Catalan « , trente-neuf ans de parti, Perpignan (Pyrénées-Orientales).

    MARTY Suzanne, professeur, vingt ans de parti, Perpignan (Pyrénées-Orientales).

    MARY Aimé, maire de Velmanya (Pyrénées-Orientales), village martyr .

    MISSIAEN Emile, retraité, adhérent au Çongrès de Tours, 29 ans de Parti, Lille.

    MOULIN Jean, 27 ans, ouvrier métallurgiste, cinq ans de parti, Valence (Drôme).

    NALLAIS Jacques, cheminot, cinq ans de parti, Le Havre (Seine-Maritime) .

    NOTIN Michel, employé de la Sécurité Sociale, ancien membre du bureau fédéral de la Gironde, ancien C.D.H. et dirigeant de section pendant plusieurs années, secrétaire de cellule, vingt ans de parti, Bordeaux.

    OLIVER Joseph, 50 ans, ouvrier du bâtiment, adjoint au maire de Velmanya, vingt ans de parti (Pyrénées-Orientales).

    ORSONI Georges, 24 ans, manutentionnaire du port, trois ans de parti, Marseille.

    PACULL Eloi, 65 ans, manœuvre du bâtiment, quarante-deux ans de parti, Velmanya (Pyrénées-Or).

    PACULL Léon, 60 ans, retraité mineur, ancien agent de liaison au maquis Henri-Barbusse de Velmanya, trente-sept ans de parti. Estoher (Pyrénées-Orientales) ,

    PALISSE Aimé, ancien militant du cercle marxiste de Hanoï, ancien compagnon de prison de Maître Tho, actuel président du Front de Libération du Sud-Vietnam, ex- responsable national de l’Association Nationale des Rapatriés d »Indochine, dissoute par le ministre de l’Intérieur Mitterrand, Argenteuil (Val d’Oise).

    PARIZE René, 30 ans, technicien; ancien secrétaire de cellule et membre de comité de section, neuf ans de parti. Paris.

    PERRIN Henri, 23 ans, écrivain, ancien secrétaire de l’Union de la Jeunesse Agricole de France à Bonnieux-Ménerbes (Vaucluse).

    POLVENT Robert, ancien membre du comité de section, 14 ans de parti, Raismes (Nord).

    PRATS Louis, 39 ans, berger, 20 ans de parti, Rigarda (Pyrénées- Orientales).

    POLY Jean, 78 ans, ouvrier maroquinier, adhérent au congrès de Tours, vétéran du Parti, 44 ans de Parti. Marseille.

    PRULIERE André, 52 ans, menuisier, ancien secrétaire de cellule de 1937 à 1962, ancien membre du bureau de section de Billom de 1935 à 1962, vingt-huit ans de parti. Ceyrat (Puy-de-Dôme).

    RICHARD René, 43 ans, ouvrier métallurgiste, Villeneuve–la-Garenne (Seine).

    ROBERT Michel, 18 ans, plombier, militant des J.C. depuis deux ans. Paris.

    SCIARRONE Barthélemy, 70 ans, vétéran du parti, ancien tourneur-ajusteur, quarante-quatre ans de parti. Marseille.

    TAMISIER Alex, 57 ans, professeur, ancien membre de la Direction fédérale du Vaucluse, trente-cinq ans de parti. Apt (Vaucluse).

    THIERVOZ Robert, professeur, seize ans de parti, condamné à trois mois de prison avec sursis pour avoir manifesté en 1952 avec les travailleurs de la Viscose, ancien professeur de l’Université Nouvelle, Grenoble (Isère).

    TIBERAT Yves-Marc, 43 ans, employé de la Sécurité Sociale, vingt-huit ans de parti, ancien responsable régional des J.C. avant !939, ancien combattant volontaire de la Résistance, ancien commandant F.T.P. dans la Loire, ancien dirigeant de section, Bordeaux.

    VAILLOT Camille, ancien mineur de fond, ancien déporté à l’île de Ré, cinq ans de prison, vingt-six ans de parti, Perrecy-les-Forges par Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) .

    VAILLOT Maurice, 25 ans, commerçant, ancien militant des J.C. et du parti, huit ans de parti. Perrecy-les-Forges (Saône-et-Loire)    

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  • Les Communistes et la Social-Démocratie (1964)

    [Publié dans dans le bulletin du Cercle d’étude et de documentation du Comité de Marseille de l’Association des Amitiés Franco-Chinoises, mars 1964.]

    Notre but primordial, il y a quelques mois, fut de participer à la DEFENSE DE L’INTERNATIONALISME PROLETARIEN parmi les militants qu’une campagne démoralisante et scissionniste tentait de dresser contre le P. C. chinois et la République populaire de Chine.

    Quand le Comité central du Parti Communiste français osait prétendre que :

     » les dirigeants chinois condamnent en pratique les négociations entre représentants d’états à systèmes sociaux différents…  » ( Résolution du 6 octobre 1963) , il commettait une faute grave: par la  » relance  » de ce slogan et d’autres mensonges  » antichinois  » (en fait : anticommunistes) empruntés aux impérialistes américains, en cautionnant la propagande de ces derniers, le C. C. semait des doutes parmi les communistes et sympathisants, quant à la valeur de l’internationalisme prolétarien.

    Cela mettait en cause la solidarité de classe avec le camp socialiste mondial composé de treize pays : l’ALBANIE, la RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE ALLEMANDE, la BULGARIE, la CHINE, la RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE COREE, CUBA, la HONGRIE, la MONGOLIE, la POLOGNE, la ROUMANIE, la TCHÉCOSLOVAQUIE, l’U.R.S.S. et la RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU VIETNAM.

    Nous avons refusé de confondre les frères de classe et les ennemis de classe. C’est pourquoi, face à cette  » relance  » des pires mensonges anticommunistes, notre Bulletin d’Information a été centré sur les problèmes internationaux, contre la politique agressive des Etats-Unis, pour la politique léniniste de coexistence pacifique des camarades chinois.

    La vie elle-même a montré que nos efforts allaient dans la bonne direction, que notre Bulletin répondait à un besoin et que nous devions poursuivre en améliorant, en abordant d’autres problèmes, ceux du mouvement de libération nationale et, dès aujourd’hui, les problèmes de la lutte dans notre propre pays.

    Actuellement, en France, l’unité de la classe ouvrière préoccupe particulièrement les militants.

    Ils constatent d’une part, en rapport avec la politique de  » stabilisation  » des capitalistes et de leur Etat, des possibilités grandissantes d’unité ; des perspectives semblables existent pour le rassemblement le plus large des masses populaires contre la dictature des monopoles et le pouvoir gaulliste qui cache de moins en moins bien cette dictature. Mais en même temps, le courant unitaire est menacé d’un  » détournement  » au profit des politiciens bourgeois à étiquette social-démocrate. LE PROBLÈME D’UNE ATTITUDE JUSTE ENVERS LES TRAVAILLEURS SOCIALISTES ET ENVERS LEUR PARTI PREND DONC LA PREMIÈRE PLACE.

    Aussi n’est-il pas surprenant que, dans les organisations du P. C. F., la préparation du XVIIe Congrès soit caractérisée par de vives discussions sur ce problème auquel le  » Projet de Résolution  » consacre de longs développements.

    Et voici ce que le militant découvre dans ce projet adopté par le Comité central au début de janvier: la DISPARITION COMPLÈTE DE TOUTE LIGNE DE DÉMARCATION ENTRE LA SOCIAL-DÉMOCRATIE ET LE PARTI COMMUNISTE, y compris sur la question fondamentale de la révolution prolétarienne. Comme si le Parti socialiste avait réellement pour objectif l’instauration du socialisme !…

    Le danger immédiat d’un tel abandon des principes marxistes-léninistes et des positions de classe réside dans le fait que, loin de faciliter le front unique à la base, cette attitude envers la social-démocratie renforce l’influence des chefs socialistes et les aide à manœuvrer au service de la bourgeoisie.

    Ceci éclairant cela, un lien très logique apparaît entre les positions prises par les dirigeants du P. C. F., D’UN COTE à l’égard des camarades chinois, DE L’AUTRE COTE envers les politiciens de la social-démocratie.

    D’ailleurs, au lendemain même de la session du C.C. d’octobre 1963 qui renia si violemment l’internationalisme prolétarien, les journaux  » Le POPULAIRE  » (Fuzier) et  » L’HUMANITÉ  » (Fajon) se congratulèrent ouvertement:  » la condamnation réaffirmée des thèses aberrantes des dirigeants chinois -disaient-ils -rendra plus facile  » la collaboration entre la S.F.I.O. et le P. C. français…  » (voir  » La Marseillaise  » du 12 octobre 1963 -Chronique  » Les idées et les faits « ).

    Aberrantes, les thèses marxistes-léninistes ? …Les militants de la classe ouvrière pourront en juger d’après les documents de nos pages 2 et 3, notamment cette thèse du P. C. chinois:  » Lénine a indiqué, il y a longtemps, que LE PARTI SOCIAL-DÉMOCRATE EST UN DÉTACHEMENT POLITIQUE DE LA BOURGEOISIE, qu’il est l’agent de cette classe dans le mouvement ouvrier et son principal pilier social. »

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  • Création de la Fédération des Cercles marxistes-léninistes (1964)

    Au cours d’une réunion, tenue en juillet 1964, les représentants des Cercles marxistes-léninistes de Marseille, Aix-en-Provence, Bordeaux, Grenoble, Perpignan et Saint-Savournin ont décidé unanimement :

    1° LA CREATION D’UNE FEDERATION DES CERCLES MARXISTES-LENINISTES

    2° La transformation du Bulletin édité par le Cercle de Marseille en BULLETIN DE LA FEDERATION, sous le titre :

     » POUR LA DEFENSE DU MARXISME-LENINISME « 

    Organe de la Fédération des Cercles marxistes-léninistes

    Cette décision est effective à partir du présent numéro.       

    Résolution politique adoptée à l’unanimité des délégués

    Les représentants des Cercles marxistes-léninistes de MARSEILLE, AIX-EN-PROVENCE, PERPIGNAN, BORDEAUX, GRENOBLE et SAINT-SAVOURNIN, réunis en juillet 1964, estiment que l’évolution des événements internationaux confirme la justesse de l’analyse et des principes contenus dans les deux Déclarations de 1957 et 1960 des PARTIS COMMUNISTES et OUVRIERS.

    Ils réaffirment leur attachement à ces principes et approuvent les propositions présentées en 25 points par le Comité central du PARTI COMMUNISTE CHINOIS.

    Sur le plan mondial la réalité démontre que l’impérialisme américain est l’ennemi principal des peuples.

    La Déclaration de 1960 précise que cet impérialisme est  » le plus grand exploiteur international, le bastion principal du colonialisme actuel, la principale force d’agression et de guerre, le rempart principal de la réaction mondiale, le gendarme international, l’ennemi des peuples du monde entier « . C’est l’impérialisme américain qui est l’agresseur des peuples de CUBA, de PANAMA, du CONGO, du LAOS, du VIETNAM, etc… C’est lui qui fait peser de lourdes menaces sur la paix mondiale.

    Par ailleurs, le développement du révisionnisme dans le camp socialiste a abouti à la rupture du front uni contre l’agresseur: le Traité de Moscou n’a été signé que par 8 Etats socialistes sur 13.

    La publication du Rapport Souslov a développé l’offensive et la campagne antichinoise à un moment où, dans le Sud-Est asiatique, l’agression américaine se révèle de plus en plus menaçante. Les tentatives qui sont faites pour réunir une conférence internationale des partis communistes, conférence qui aurait pour but de condamner le PARTI COMMUNISTE CHINOIS et les autres PARTIS MARXISTES-LÉNINISTES, sont des tentatives de scission, préjudiciables aux intérêts du camp socialiste et à ceux des peuples du monde entier.

    Les délégués considèrent comme étant d’une particulière gravité la déclaration de Valérian Zorine, Vice-Ministre des Affaires étrangères de l’U.R.S.S., selon laquelle la RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE ne pourrait plus compter sur la protection antiatomique soviétique. Cette position, contraire aux principes d’unité et de solidarité des pays socialistes exprimée dans le Déclaration des 81 PARTIS COMMUNISTES ET OUVRIERS, ne peut être qu’un encouragement pour l’agression américaine.

    Le développement du révisionnisme se fait également sentir en France au moment où la situation des travailleurs devient particulièrement difficile du fait de la dégradation du pouvoir d’achat, des atteintes multiples aux libertés et droits syndicaux. 

    En prônant une évolution pacifique du capitalisme au socialisme, les dirigeants révisionnistes du PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS démobilisent la classe ouvrière et de ce fait renforcent les positions du pouvoir gaulliste, représentant des monopoles. 

    Leur politique aboutit à une tactique opportuniste d’unité sans principe, contraire aux propositions formulées dans la Déclaration des 81. Ils ne tiennent pas compte de la réalité: les dirigeants sociaux-démocrates tels Guy MOLLET et Gaston DEFFERRE ne sont rien d’autres que les porteurs de l’idéologie bourgeoise dans les rangs de la classe ouvrière.

    Nos dirigeants révisionnistes préconisent une  » démocratie véritable  » qui ne serait rien d’autre que le retour à une démocratie bourgeoise incapable de satisfaire les justes aspirations de la classe ouvrière et du peuple français. L’unité véritable de la classe ouvrière ne pourra se réaliser que dans l’action de tous les travailleurs unis à la base, sur des objectifs précis, correspondant à leurs intérêts de classe; et c’est derrière la classe ouvrière que les autres couches sociales de la nation se rassembleront dans la lutte nécessaire et décisive contre le pouvoir capitaliste.

    Aussi les délégués se fixent-ils pour tâche de développer de grands efforts dans les mois qui viennent pour élaborer une plate-forme marxiste-léniniste, conforme aux principes révolutionnaires des DÉCLARATIONS DU MOUVEMENT COMMUNISTE ET OUVRIER INTERNATIONAL, et ADAPTÉE A LA SITUATION FRANÇAISE.

    Devant la gravité de la situation tant intérieure qu’extérieure les délégués, qui n’ont rien à voir avec les les groupuscules trotskystes et autres et condamnent catégoriquement leurs agissements anti-parti, APPELLENT TOUS LEURS, CAMARADES A LUTTER CONTRE LA DEGENERESCENCE RÉVISIONNISTE.

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  • Histoire du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France

    Le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France (PCMLF) n’est pas née d’une rupture idéologique majeure au sein du Parti Communiste français avec le révisionnisme ayant triomphé en URSS en 1956, mais d’individus ayant été sensibles à la démarche de critique chinoise du révisionnisme.

    Le rôle des « amitiés franco-chinoises »

    Pour cette raison, c’est au sein de « l’Association des Amitiés franco-chinoises », fondée comme organe proche par le Parti Communiste français en 1954 suite au triomphe de la révolution chinoise en 1949, qu’on va retrouver les éléments fondateurs du PCMLF.

    On a ainsi le journaliste communiste Régis Bergeron, qui écrivit dans L’Humanité et Les Lettres françaises, et qui fut enseignant de littérature française à l’Université de Pékin et conseiller pour les publications en français des éditions de Pékin, de juillet 1959 à 1961.

    On a ensuite Paul et Marcel Coste, Christian Maillet et Jacques Jurquet, membres du Comité de Marseille de l’Association des Amitiés franco-chinoises.

    La publication de leur Bulletin du Cercle d’étude et de documentation, qui aura sept numéros, leur vaudra en avril 1964 l’exclusion par le Parti Communiste français, par ailleurs décidé à supprimer tout lien avec la Chine populaire.

    La critique du Parti Communiste français qui est faite ici est tardive ; en fait, ce sont les forces n’ayant pas accepté la « déstalinisation » qui parviennent à s’unir, alors qu’auparavant elles étaient éparpillées.

    Elles ne représentent d’ailleurs strictement rien culturellement dans le Parti Communiste français, qui avec Thorez avait déjà une ligne ambiguë, pré-révisionniste, mais en apparence « dure. »

    La véritable dynamique, en arrière-plan, est la question algérienne. Ainsi, Jacques Jurquet, qui va se profiler comme le dirigeant du mouvement, a directement soutenu le FLN.

    Début d’unification des marxistes-léninistes issus du PCF

    La critique chinoise permet la cristallisation de ce qui était ressenti ; l’initiative partie de Marseille permet quant à elle la cristallisation organique.

    Après l’exclusion est en effet fondée, en septembre 1964, la Fédération des cercles marxistes-léninistes de France, à partir des sympathisants de l’équipe marseillaise, avec des groupes à Marseille, Aix-en-Provence, Bordeaux, Grenoble, Perpignan et Saint-Savournin.

    Si on est ici que dans le Sud de la France, à la fin de l’année 1964 un groupe parisien, la cellule Drapeau Rouge, issue de l’Union des Étudiants Communistes, s’ajoutera à la liste.

    Les responsables de cette nouvelle Fédération voyagent alors en Chine populaire en août 1964 et le même mois est lancé le bulletin Pour la défense du marxisme-léninisme, qui cède la place au mensuel L’Humanité nouvelle en février 1965, qui devient lui-même hebdomadaire à partir d’octobre 1966.

    C’est dans cet organe, en décembre 1965, qu’est publié l’appel Pour la fidélité à l’idéal communiste, reflétant le fait que la critique du révisionnisme consiste non pas tant en une critique idéologique, qu’en le rejet de la direction du Parti Communiste français pour son soutien à François Mitterrand et pour son absence de combativité face à l’impérialisme américain et au gaullisme.

    C’est, en fin de compte, le refus de la remise en cause du « vieux » PCF et la simple considération que le nouveau PCF a simplement abandonné sa propre identité. Ainsi, lors du 23 mars 1966, les marxistes-léninistes de la Fédération tentent de prolonger une manifestation pour le Nord-Vietnam, affrontant alors le service d’ordre du PCF.

    Nouvelle organisation

    Dans le prolongement de la cristallisation de la critique, est fondée une nouvelle organisation, faisant faire un saut à la Fédération, grâce à l’appui idéologique de la Chine populaire et de l’Albanie, qui la reconnaissent et la soutiennent financièrement.

    Elle laisse la place, lors de son second congrès à Paris, rue de Lancry, les 25-26 juin 1966, au Mouvement communiste français marxiste-léniniste.

    Quelques mois plus tôt, il avait été appelé en septembre à refuser tant de Gaulle que Mitterrand aux élections présidentielles, et à mettre un bulletin avec l’inscription « Je vote communiste. »

    En fait, de par la prise de position face à la direction du PCF, les marxistes-léninistes qui en sont issus acceptent alors la critique chinoise du révisionnisme et considèrent que le PCF a adopté la ligne du révisionnisme moderne qui a triomphé avec Khrouchtchev en URSS.

    Cependant, cela ne va pas plus loin ; les marxistes-léninistes sont « pro-chinois », comme d’ailleurs en fin de compte pro-albanais, car ces pays sont dirigés par des organisations ayant réfuté la direction du PCF.

    En août 1966, une délégation va ainsi de nouveau en Chine populaire, et en novembre il y a un représentant officiel au Ve Congrès du Parti du Travail en Albanie.

    C’est cependant simplement une reconnaissance de principe dans le refus de la ligne du PCF, pas une affirmation idéologique au sens strict. Il n’y a pas d’affirmation du matérialisme dialectique ou de critique développée de Thorez, du social-chauvinisme, etc.

    Il n’y a pas de contenu méthodique dans la critique du PCF, pas plus qu’il n’y a un quelconque suivi des positions chinoises ou albanaises au sens strict. Il s’agit de soutenir les régimes chinois et albanais parallèlement à la revendication du « retour » du PCF à avant le tournant ouvertement institutionnel du milieu des années 1950.

    Premières affirmations

    Le prestige de la Chine populaire et la propagande menée font que le mouvement commence à grandir. En octobre des activistes de l’Union des Étudiants Communistes appellent à rejoindre le Mouvement communiste français marxiste-léniniste, en novembre c’est le bulletin L’Opposition artistique qui saut le pas, alors qu’il y également l’arrivée d’un très haut responsable du PCF, Gilbert Mury.

    Ancien résistant, secrétaire général du Centre d’étude et de recherche marxiste (CERM), professeur de l’école centrale du PCF, membre des comités de rédaction de Economie et politique et des Cahiers du communisme, Gilbert Mury a participé au meeting d’octobre 1966 pour fêter le 17e anniversaire de la révolution chinoise, alors qu’en arrière-plan se développe la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

    Il est alors exclu et devient la principale figure intellectuelle des marxistes-léninistes, en étant cependant un électron libre. Le 5 janvier 1967 il accorda ainsi une interview au Figaro littéraire sur les Gardes rouges et la Révolution culturelle, qui sera condamnée, car effectuée sans l’accord du Bureau politique de sa propre organisation.

    Par la suite, Gilbert Mury soutiendra la cause palestinienne, puis une scission du PCMLF, tout en entamant des discussions avec des catholiques ; il va surtout devenir un des principaux porte-paroles de l’Albanie, dont il salue le processus de « révolutionnarisation » qu’il assimile à la révolution culturelle chinoise.

    Mury, au défi de toute cohérence, maintiendra par la suite le soutien tant à l’Albanie qu’à la Chine populaire. Cependant, ce qui compte ici est Gilbert Mury comme figure dirigeante du PCF et la reconnaissance à la fois chinoise et albanaise.

    Aussi le comité central du Mouvement communiste français marxiste-léniniste annonce-t-il, en avril 1967, la convocation du congrès constitutif du nouveau Parti.

    Secondes affirmations

    Le PCF n’apprécie pas du tout, bien évidemment, le fait que l’on veuille prendre sa place, car c’est au sens strict la ligne des marxistes-léninistes du Mouvement, qui considère en fait surtout la direction du PCF comme usurpatrice.

    Le PCF organisa alors l’attaque ultra-violente, par des centaines de ses membres « outillés », du congrès de solidarité avec le Vietnam, le 5 mai 1967 à la salle de la Mutualité à Paris, récoltant par la suite même une protestation officielle du FNL du Vietnam.

    C’est le point culminant d’une politique d’agressions systématiques par des commandos du PCF, de toutes les activités ouvertes du PCMLF (diffusion de propagande, meetings, etc.).

    Ce n’est pas tout : du côté étudiant s’est formée une organisation, qui quant à elle, fait explicitement référence à l’expérience chinoise, puis à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Pour l’Union de la Jeunesse Communiste Marxiste-Léniniste (UJCML), les marxistes-léninistes issus du PCF ne font que vouloir aller dans le passé, ils n’assument pas les nouveaux enseignements de Mao Zedong.

    C’est Gilbert Mury qui se charge de répondre à l’UJCML, dans un rapport le 26 juin 1967, intitulé « Arborer le drapeau rouge pour lutter contre le drapeau rouge – Qu’est-ce que l’Union des Jeunesses communistes ? », et à la mi-juillet, le Comité Central met un terme à tout rapport avec le Bureau Politique de l’UJCML.

    Il faut alors faire vite, tant par rapport au PCF qu’à l’UJCML. En août 1967, ce sont alors 50 personnes qui partent en Chine populaire sous l’égide de l’Association des amitiés franco-chinoises (AAFC), puis une délégation officielle des plus hauts responsables du Mouvement avec Jacques Jurquet, Raymond Casas, Régis Bergeron et Alain Casta. Un peu plus tôt, Jacques Jurquet, Raymond Casas, Gilbert Mury et Claude Combe s’étaient rendus en Albanie.

    La fondation du PCMLF

    La position des marxistes-léninistes du mouvement est simple : il faut refonder le PCF et éjecter l’ancien. La bataille n’est pas comprise en termes idéologiques, comme une lutte de deux lignes ou contre la culture largement social-démocrate en fin de compte du PCF.

    Tout apparaît seulement comme une question de légitimité, qui aurait été perdue par la direction du PCF, qu’il faut par conséquent éjecter. L’UJCML apparaît comme un simple trouble-fête étudiant, et il y ainsi une méconnaissance formidable de la force du PCF, de son appareil et de son organisation, et une attention portée seulement sur la direction.

    Les 30 et 31 décembre 1967, à Puyricard dans les Bouches-du-Rhône qui sont le lieu fort du Mouvement, a alors lieu le Congrès constitutif du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France, avec 104 délégués du Mouvement communiste français marxiste-léniniste, pour plusieurs centaines de membres de représentés.

    Le PCF envoie quelques hommes armés, et à peu de choses près l’affrontement armé tournait au drame. Cela ne fit que renforcer le prestige de la nouvelle organisation.

    Arrive alors mai 1968, qui va bouleverser le jeune PCMLF.

    Désorienté à travers mai 1968

    Le PCMLF est un PCF bis : il a une vision légaliste de son travail et de son organisation, son activité consiste surtout à diffuser sa presse, à se faire connaître comme « Parti de la classe ouvrière ».

    Lorsque mai 1968 arrive, il n’a pas de moteur idéologique à faire valoir et il passe relativement inaperçu, tout en développant sa propagande. Mais le choc arrive avec l’interdiction générale des organisations d’extrême-gauche le 12 juin 1968.

    Pour le PCMLF qui entendait faire sa propagande pour ainsi dire tranquillement et « manger » le PCF, c’est une catastrophe. Rien n’a, de plus, été prévu pour cette situation. La police connaît les noms et adresses de la trentaine de membres du comité central. Le PCMLF est alors à un tournant.

    Après l’interdiction, en effet, la plupart des organisations d’extrême-gauche sont restées légales devant la répression en fait seulement apparente : il leur a fallu simplement changer de nom. La simple petite modification – changement d’un mot dans l’énoncé – a été accepté par l’Etat, qui n’a procédé à aucune poursuite.

    Reste à savoir si le PCMLF faisait de même, ou non.

    Le PCMLF « illégal » et le putsch de Jurquet

    Le problème du PCMLF est qu’il avait été fondé, non pas sur une base idéologique, mais comme pendant « authentique » du PCF.

    Cela signifie qu’un changement de nom ramènerait le PCMLF au rang d’organisation gauchiste comme les autres, ce qui n’était pas concevable, puisque la perspective était non pas la construction ou l’affirmation idéologique, mais la « capture » du PCF.

    La conséquence fut alors un bricolage élaboré par Jurquet. Déjà, Jurquet fit sauter toute légalité dans le PCMLF en brisant le comité central, niant sa réalité au profit d’une « direction centrale clandestine (DCC) fondamentalement illégale, car décidée par en haut sans accord du Parti, et ce au nom de la situation « exceptionnelle. »

    Cette DCC était composée de trois personnes : un secrétaire national, un secrétaire à l’agitation et la propagande et un secrétaire à l’organisation ; c’était un putsch permettant à Jurquet d’asseoir sa position et de maintenir la fiction d’un PCMLF « maintenu » comme véritable PCF.

    De fait, l’organisation en « triangle » – cellules de trois membres reliés par un seul membre à un autre triangle – du PCMLF illégal était une fiction, car le PCMLF ne menait strictement rien d’illégal.

    C’était une simple fiction idéologique, afin de préserver le titre de PCMLF et sa fonction soi-disant historique de remplacer le PCF. Car, de toutes manières, le PCMLF réapparut de manière « légale », mais prétendument masqué.

    L’Humanité rouge

    Le PCMLF mit du temps à pouvoir réaliser son plan, alors qu’après mai 1968, l’extrême-gauche était hyperactive. Déjà apparut dans le sud-est de la France le titre La Provence rouge, publiant 32 numéros de septembre 1968 à avril 1969.

    D’autres journaux plus épisodiques apparurent parallèlement régionalement : Le Front uni dans le Rhône-Alpes, La Touraine rougeCombat ouvrier (pour le Nord-Pas-de-Calais), Le Maine rougeLa Jeune garde (Versailles).

    Puis, enfin, le 20 février 1969 fut publié le premier numéro de L’Humanité rouge, faisant du même coup disparaître les publications régionales.

    Le journal ne faisait pas mention du PCMLF, mais il en défendait les positions ; théoriquement il était publié par des comités de défense du journal, cependant bien entendu en pratique il était porté par le PCMLF.

    Le PCMLF était ainsi illégal, mais maintenait une position abstraitement illégale; l’Etat d’ailleurs ne fit que quelques poursuites, pour la forme.

    En pratique, son organisation était clandestine, comme Cahier rouge, son organe théorique, ainsi que L’Humanité nouvelle, maintenue comme organe et qui publiera clandestinement 67 numéros jusqu’en 1977, mais le PCMLF ne menait aucune action illégale, sa clandestinité était « imposée » par en haut et n’avait aucun fonction politique ou pratique.

    De fait, par la façade légale portée par le PCMLF censé être illégal, il est plus juste de parler de démarche semi-légale. 

    Activités de L’Humanité rouge

    La diffusion de cette nouvelle presse allait de pair avec une propagande tout à fait classique à l’extrême-gauche, passant notamment par les meetings à la salle de la Mutualité, à Paris.

    Il y eut ainsi en septembre 1969 un meeting en l’honneur du dirigeant vietnamien Ho Chi Minh (par ailleurs semi-révisionniste) venant de mourir, en novembre un meeting à l’occasion du 25e anniversaire de la révolution albanaise, ou encore, toujours en novembre et à Paris, 2 500 personnes manifestant de manière éclair en soutien à la victoire du FNL au Vietnam, 1500 personnes manifestant en soutien aux militants paysans réprimés dans l’ouest de la France.

    Cependant, la contradiction était intenable, et amena l’implosion de la direction du PCMLF.

    La lettre au président de la République

    Dès le 14 mai 1969, c’est Jurquet lui-même, en tant que secrétaire général du PCMLF, en tant que dirigeant historique de l’organisation, qui envoya une lettre au président de la République, alors Alain Poher en raison de l’intérim à la suite de la démission de de Gaulle, pour demander la légalisation du PCMLF.

    On peut y lire, dans une prose édifiante de légalisme et d’opportunisme :

    « À ce sujet je suis en mesure de mettre le gouvernement au défi de révéler que mon Parti ou quelque militant issu de ses rangs ont pu justifier l’intervention de la justice tant en ce qui concerne la sécurité intérieure que la sécurité extérieure de la France.

    L’organe central du PCMLF n’a subi aucune saisie. Les nombreuses interpellations et perquisitions opérées à l’encontre des locaux et des militants du PCMLF le lendemain de son interdiction n’ont pas permis une seule inculpation de nature à être maintenue par décision du pouvoir judiciaire. »

    Cette demande est très parlant de l’esprit du PCMLF, tout à fait dans le prolongement de l’idéologie légaliste et institutionnelle du PCF, et elle est d’autant plus parlant que de nombreuses autres organisations d’extrême-gauche, au même moment, menaient des actions de manière ininterrompue.

    Fractions critiques à l’intérieur et à l’extérieur

    A l’intérieur du PCMLF, l’opposition à la DCC grandisait aussi. Le Travailleur apparut comme fraction opposée à la position illégale, amenant en février 1970 un contre-putsch anti-Jurquet au nom du « Bureau Politique (majoritaire). »

    La fraction Le Travailleur, se considérant comme le PCMLF authentique, comprenait des militants historiques : l’ancien résistant et membre du PCF Raymond Casas (qui fut notamment agressé par des membres du PCF, à coups de tranchet), mais également Gilbert Mury.

    L’Etat français en profita pour mener des perquisitions dans une trentaine de villes ; la désorganisation était très grande.

    A l’extérieur du PCMLF, il y avait également une autre fraction, faisant une critique idéologique régulière. Il s’agit de membres du MCF (ml) ayant refusé la fondation du PCMLF, qui s’unirent également avec des activistes de l’UJCML dans « Ligne rouge », avec la critique du PCMLF comme base de leur identité.

    « Ligne rouge » devint « Prolétaire – Ligne Rouge » et disparut en 1975. « Ligne Rouge » reprochait au PCMLF sa ligne de « Front uni antimonopoliste » et de « démocratie populaire fondée sur la dictature du prolétariat », considérée comme révisionniste.

    Jurquet se vit obliger de réagir.

    Nouveau putsch au sein du PCMLF

    Afin de contrer le putsch mené par le « Bureau Politique (majoritaire) » contre son propre putsch au nom de la « DCC », Jurquet élargit celle-ci et organisa en son sein, en juin 1970, un Comité exécutif central.

    Cette sorte de nouvelle direction était un nouveau putsch en soi ; Jurquet composa ce comité de jeunes issus de l’UJCML qui avaient rejoint le PCMLF après mai 1968 et l’effondrement de leur organisation.

    Jurquet entendait s’appuyer sur les « jeunes » contre les « historiques. » L’affaire se retourna contre lui, car les jeunes assumèrent la démarche jusqu’au bout, et entendirent se débarrasser des « historiques » et de la ligne opportuniste menée jusque-là, celle du « Front uni anti-monopoliste » et de la « démocratie populaire. »

    Les « jeunes » organisèrent des commissions jeunesse et nationale ouvrière, ainsi qu’un service d’ordre véritable ; en novembre 1970 ils organisèrent à Paris une « conférence nationale de rectification », se présentant comme la véritable direction du PCMLF.

    Ils publièrent un « organe central du PCMLF » clandestin appelé de nouveau « L’Humanité nouvelle » afin de souligner la continuité, et surtout en 1971 un nouveau périodique devenant rapidement un hebdomadaire, Front Rouge, appelant la base à abandonner L’Humanité rouge et à ne pas lui payer les dettes.

    En 1974, Front Rouge devint le Parti Communiste Révolutionnaire (marxiste-léniniste).

    La fuite en avant

    Avec Front Rouge, le PCMLF a perdu des pans entiers de son organisation, notamment en région parisienne, à Grenoble, à Limoges, dans le Nord, en Bretagne, en Normandie, en Mayenne, etc. A cela s’ajoute la scission plus tôt du « Travailleur », se revendiquant également comme PCMLF.

    Qui plus est, en mai 1971, mourra dans un accident de voiture François Marty, le numéro 2 du PCMLF, ancien responsable d’un bataillon de Francs-Tireurs Partisans lors de la Résistance.

    Le PCMLF de Jurquet n’a alors plus qu’une centaine de membres, et tenta alors de maintenir son cap, profitant de la reconnaissance chinoise, envoyant en Chine populaire une délégation officielle, en 1970, pour les 50 ans du Parti Communiste.

    Il commença une offensive idéologique contre le « gauchisme moderne », c’est-à-dire les activités révolutionnaires issues de mai 1968, et notamment la Gauche Prolétarienne, ; à partir d’avril 1973 publie le trimestriel Prolétariat, « Revue théorique et politique marxiste, léniniste et de la pensée-Maotsétoung ».

    Mais surtout, pour justifier sa propre situation totalement bloquée, il lance le thème de la « fascisation. »

    L’Humanité rouge appela ainsi, dès le numéro 1, à la constitution d’un « Front uni contre les monopoles de l’impérialisme, qui pourra se reconvertir, si les événements l’imposent, en Front antifasciste. »

    Tentant alors de s’imposer sur la scène de l’extrême-gauche, le PCMLF pratique alors la fuite en avant, en organisant avec les trotskystes de la Ligue Communiste l’attaque du meeting parisien des fascistes d’Ordre nouveau, le 21 juin 1973.

    La Ligue Communiste est dissoute par l’Etat, et s’approprie tout le prestige de l’opération, jusqu’à aujourd’hui ; même le PCF envoie un représentant dans un meeting pour protester contre la dissolution, qui ne dure pas puisqu’est fondée dans la foulée la Ligue Communiste Révolutionnaire.

    Le PCMLF a essayé de faire de la politique, et a échoué.

    La seconde fuite en avant et le basculement patriotique

    Le PCMLF se retrouve dans une situation instable, il n’a plus de ligne réelle. En 1973, il soutient ainsi la naissance du Parti des travailleurs de Guadeloupe (PTG), mais perd son comité de Nancy, qui va publier (clandestinement) Sentinelle rouge et légalement, en 1974, Etoile rouge.

    Le PCMLF tente alors une seconde fuite en avant. Il avait fondé en janvier 1973 le Mouvement national de soutien aux peuples d’Indochine (MNSPI), puis en avril le Centre d’information sur les luttes anti-impérialistes (CILA).

    Mais il est totalement lié aux positions de Deng Xiaoping en Chine, et il soutient son interprétation de la théorie des trois mondes. Le PCMLF se met alors à soutenir l’armée française et la politique étrangère de la France, tout comme les pays du troisième monde, considérés comme des Etats nationaux (et non comme semi-coloniaux semi-féodaux, notion maoïste élémentaire mais n’apparaissant jamais en France).

    Le PCMLF explique ainsi que « Les accords entre l’Iran et la France en témoignent : l’Iran s’oppose aux deux supergrands », ou encore que « l’anti-militarisme est au service du révisionnisme ».

    La ligne se prolonge jusqu’à publier à partir d’avril 1975 « Combat pour l’indépendance », alors que le MNSPI se transforme en « Mouvement pour l’indépendance et la liberté ».

    Le point culminant est l’organisation d’un meeting à Paris avec des gaullistes, des royalistes et le fasciste Patrice Gélinet (qui en fut l’organisateur), sur le thème « France – tiers-monde : solidarité ». Le PCMLF organise même le service d’ordre à l’extérieur ; plus tard, un meeting devait même être organisé avec des membres de la majorité présidentielle.

    Jurquet avait, bien entendu, fait avaliser cette ligne lors d’un second congrès fantôme du PCMLF, en mars 1975 ; il fallait alors soi-disant soutenir la France et l’Union européenne contre les superpuissances.

    Un succès apparent seulement

    Le PCMLF, au moyen de sa ligne patriotique et du soutien chinois – de la fraction dengiste – a réussi à devenir un petit pôle de référence. Il y a ainsi 10 000 personnes lors du meeting du 25e anniversaire de la révolution chinoise.

    Durant l’année 1973, les sections du PCMLF – Le Travailleur réintègrent une à une le PCMLF.

    En février 1974, l’ex-tendance « Gauche révolutionnaire » du Parti Socialiste Unifié tient son premier congrès et la majorité décide de rejoindre le PCMLF ; un partie de la minorité fera de même par la suite.

    En avril 1975, Prolétaire – Ligne Rouge se dissout et la minorité rejoint le PCMLF ; des groupes locaux rejoignent également le PCMLF : à Bayonne, à Lille, à Lyon avec le Regroupement communiste révolutionnaire marxiste-léniniste, de Servir le Peuple de la vallée de la Fensch, des Jeunesses progressistes de Bretagne.

    En mai sort La Jeune Garde Rouge, organe des Jeunesses communistes marxistes-léninistes de France (JCMLF) qui ont leur premier congrès en juin 1975 ; en avril de l’année précédente avait commencé la publication du mensuel puis bimensuel La Faucille, « journal paysan des communistes marxistes-léninistes de France ».

    Le PCMLF multiplie sa presse : Riposte, de la section du pays basque, La Torche, du site pétrochimique de Lavéra, Le Rail Rouge, bulletin de liaison des cheminots de Marseille-Avignon, Vivre et Lutter à Vitrolles, bulletin local de la région marseillaise, Classe contre classe, bulletin du comité d’Aveyron, Le Dossier, Sécurité sociale, cellule Eugène Pottier de Limoges, PCML-Limoges, L’Etincelle, bulletin CEN-Saclay, L’onde nouvelle, cellule André Marty de Thomson-Bagneux, Communisme EDF, service centraux Messine-Murat; La Dépêche rouge, PTT Paris, Répondre, Comité de Paris, CamaradeBulletin de NancyServir le peuple, vallée de la Fensch (Est), ainsi que Unité et SolidaritéChronique viticoleLes élus et le peupleLe travailleur gardois, différents bulletins du Languedoc-Roussillon, La lettre du PCML du NordPCML-Allones, etc.

    Enfin, le 1er mai 1975, L’Humanité rouge devient un quotidien. Un mois plus tard, lors d’une manifestation de soutien aux employés du Parisien libéré en grève, le PCMLF force l’entrée du cortège et engage l’affrontement violent avec la CGT.

    En apparence, le PCMLF est structuré et sa ligne est solide ; en réalité, elle ne représente qu’un appendice de la ligne de Deng Xiao Ping.

    La fracture

    Déjà, la ligne social-patriotique de soutien à la France, car elle appartiendrait au « second monde » qui devrait s’allier au « troisième monde » contre les superpuissances, ne passe plus.

    Mais il y a pire. Au lieu que cela soit une critique maoïste de la position de Deng Xiao Ping sur la théorie des trois mondes qui se développe, c’est la critique albanaise qui se développe, assimilant Mao et Deng, ce que fait d’ailleurs le PCMLF, mais en trouvant cela bien.

    En août 1975, le comité du PCMLF à Strasbourg commence la rébellion, sur une ligne albanaise ; en juin 1976, il appelle ouvertement au renversement de la direction, puis forme en septembre de la même année l’Organisation pour la reconstruction du parti communiste de France (ORPCF).

    Il formera en mars 1979 le Parti communiste des ouvriers de France (PCOF), directement lié et financé par l’Albanie d’Enver Hoxha.

    En juillet 1977, le PCMLF est alors obligé de reculer et d’abandonner le social-patriotisme « internationaliste ». Et en août 1978, il redevient même légal, sous le nom de PCML, en abandonnant le « F », c’est-à-dire en faisant ce que toute l’extrême-gauche interdite avait fait au lendemain de l’interdiction de juin 1968 : simplement changer de nom.

    Que faire ?

    Devenu légal, le PCML n’a plus d’orientation. En fait, il n’en a jamais eu. Issu de militants en désaccord avec le tournant révisionniste ouvert de la direction du PCF, le PCMLF s’est tourné vers la Chine populaire qui prônait la ligne rouge.

    Mais le PCMLF n’avait que faire de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et de ses apports ; au sens strict, le PCMLF a toujours été dengiste.

    Preuve de cela, la position de Jacques Jurquet qu’on retrouve dans un document intitulé Printemps révolutionnaire de 1968, réédité par la suite avec d’autres textes en 1976, sous le titre de Arracher la classe ouvrière au révisionnisme.

    De manière parlante, les passages faisant référence de manière positive à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) ou à la pensée de Mao Zedong ont été censurés.

    Voici une liste d’exemples, avec a) représentant la version de 1968, et b) celle de 1976.

    a) « La Chine bénéficie d’un régime socialiste protégé par la dictature du prolétariat et par la pensée invincible de son guide et libérateur, le président Mao Tsé-toung »

    b) « La Chine bénéficie d’un régime socialiste protégé par la dictature du prolétariat »

    a) « Pour ceux qui connaissent, soit par la lecture d’articles et de reportages, soit par l’expérience vécue lors de voyages en Chine, le déroulement et les péripéties de la grande révolution culturelle prolétarienne, apparaît sans hésitation un lien entre la grande tempête révolutionnaire estudiantine en France et l’exemple chinois »

    b) « Pour ceux qui connaissent, soit par la lecture d’articles et de reportages, soit par l’expérience vécue lors de voyages en Chine, le déroulement et les péripéties de la grande révolution culturelle prolétarienne, apparaît une similitude certaine entre la grande tempête révolutionnaire estudiantine en France et l’exemple chinois » ;

    a) « Un fait est assuré cependant: la volonté révolutionnaire des masses étudiantes françaises trouve sa source dans l’exemple chinois »

    b) « Un fait est assuré cependant: la volonté révolutionnaire des masses étudiantes françaises s’est apparenté à l’exemple chinois » ;

    a) « Cet homme, c’est le militant communiste de l’époque de la pensée de Mao Tsé-toung !  »

    b) « Cet homme, c’est le militant communiste !  »

    a) « Ainsi notre peuple, notre pays sont-ils entrés dans « l’ère de la pensée triomphante de Mao Tsé-toung. » Un homme nouveau est en train de naître, un homme véritablement communiste, parce que l’influence de la grande révolution culturelle prolétarienne chinoise a débordé les frontières géographiques de la Chine et se répand de façon bénéfique dans le monde entier.

    La révolutionnarisation de l’homme substituera l’altruisme, le dévouement au bien public, à l’égoïsme, le sens de l’intérêt collectif à l’individualisme, elle préparera cette société supérieure qui n’a rien à voir avec les stimulants matériels, mais tout ce qu’il y a de meilleur dans chaque individu, le Communisme.

    Mais pour aider concrètement à la marche en avant du peuple français vers ces sommets révolutionnaires, où flottent les drapeaux rouges de la révolution politique, de la révolution économique et de la révolution culturelle, il est indispensable qu’il dispose d’un Parti communiste authentique, qui fonde son action révolutionnaire et prolétarienne sur les principes du marxisme-léninisme et la pensée de Mao Tsé-toung. »

    b) [Passage entièrement enlevé par Jurquet.]

    Vers la disparition

    Il ne reste plus au PCML qu’à fusionner avec le PCR (ml), issu de Front Rouge en 1974.

    En juillet 1979, tout un protocole est établi pour l’unification des deux organisations, qui ont auparavant fait une liste commune aux législatives de 1978, sous le sigle incompréhensible de « Union ouvrière et paysanne pour la démocratie prolétarienne » (UOPDP).

    Présente dans 115 circonscriptions, la liste obtient 28 000 voix, soit entre 0,8 et 2 % localement.

    Prolétariat et Front Rouge doivent fusionner, et Le quotidien du peuple devenir le quotidien commun, alors que L’Humanité rouge, soutenue par la Chine, n’avait de toute façon plus qu’un tirage à 1500 exemplaires.

    Mais c’est l’échec, le nouveau quotidien ne tient que pour 69 numéros, et le PCML ne sait plus quoi faire ; il n’a aucune dynamique, à part la dimension simplement pro-chinoise… A ceci près que les dengistes désormais au pouvoir en Chine n’ont plus besoin du PCML, ni de qui que ce soit ayant eu à faire avec l’époque de Mao Zedong.

    En avril 1980, L’Humanité rouge réapparaît alors comme hebdomadaire ; il est arrêté en juin 1982 et remplacé à partir d’août et septembre par le mensuel Travailleurs et par une feuille d’intervention, PCML-Flash.

    Du PCML au PAC

    En 1981, le PCML tente de présenter un candidat à la présidentielle, sans réussite ; il appelle alors à voter Mitterrand au second tour. Le PCML se voit même proposer de devenir une tendance du Parti Socialiste et il participe officiellement au congrès socialiste de Valence.

    Le PCML tente de se maintenir, coûte que coûte, en se « réformant » : au quatrième congrès, qui se tient la même année, Jacques Jurquet cède la place à un secrétariat collectif. Mais il n’a aucune dynamique, et en 1982 une partie rejoint le PCF, alors que Jurquet est débarqué au 5e congrès en 1983, le PCMLF devenant le « Parti pour une alternative communiste » en 1985.

    De manière très intéressante, voici comment Jurquet résume le PCMLF et tente de le défendre face à la ligne amenant la naissance du PAC :

    « Le Parti communiste marxiste-léniniste de France est né des contradictions internes au sein du Parti communiste français sur deux points essentiels :

    — les luttes anticolonialistes, notamment pendant la guerre d’ALGERIE;
    — l’unité sans principe dans la pratique de l’unité avec le Parti socialiste.

    Le PCMLF est né également des contradictions intervenues au niveau international entre le Parti communiste d’Union soviétique suivi par le Parti communiste français, et d’autres Partis communistes comme le Parti communiste chinois et le Parti du Travail d’Albanie.

    Depuis maintenant des années, ces contradictions n’ont plus le caractère principal qu’elles avaient à cette époque, et ce ne sont plus 100 militants communistes issus du Parti communiste français qui constituent la base activiste et idéologique du Parti communiste marxiste-léniniste. Ce Parti s’est transformé dans son contenu global comme dans son recrutement. Ses références idéologiques et politiques se sont modifiées au fil des années. »

    C’est tout à fait juste : le PCMLF n’est pas né d’une rupture idéologique, mais simplement du refus du tournant opportuniste ouvert du PCF, exprimé par la course derrière Mitterrand, et de la question anti-coloniale, où le PCF était considéré comme timoré.

    C’est à partir de là qu’il s’est tourné vers Mao Zedong, et que finalement il a seulement trouvé Deng Xiaoping.

    Cela n’ayant aucun sens, le PCMLF a été un appendice dengiste en France, avant de redevenir réformiste ; en 1988, le PAC a ainsi soutenu la liste du candidat « communiste » dissident Juquin, pour disparaître à la fin de la même année.

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    Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe

  • La peinture des ambulants russes: après 1917

    Lorsque la révolution bolchevik eut lieu, les « modernistes » menèrent une vigoureuse offensive : leurs cadres prirent le contrôle des institutions artistiques. Bogdanov théorisa la séparation des champs d’action : le Parti Communiste devait s’occuper de la politique, les syndicats de l’économie, et l’art relevait d’une sorte d’avant-garde intellectuelle, s’occupant du proletkult, la « culture prolétarienne ».

    Le concept fut entièrement rejeté par les bolcheviks, ainsi que ses variantes futuristes russes que furent le constructivisme de Alexandre Rodtchenko et le suprématisme de Kasimir Malevitch.

    Vladimir Makovsky, Un adieu sous la couronne, 1894

    Sous l’impulsion de Maxime Gorki et Staline, le réalisme socialiste fut formulé comme conception de l’art du point de vue du matérialisme dialectique. Bien évidemment, les ambulants représentaient un patrimoine inestimable.

    Vladimir Makovsky, N’y va pas ! [à la taverne], 1892

    Vladimir Bontch-Brouïevitch (1873-1955), qui fut notamment le secrétaire de Lénine, le directeur du musée moscovite dédié à la littérature, puis du musée de l’histoire de la religion et de l’athéisme, raconte ce que pouvaient représenter les itinérants avant la révolution, pour les activistes révolutionnaires :

    « Personne n’a encore décrit les émotions vécues et les serments prononcés là-bas, dans la Galerie Trétiakov, alors que nous contemplions des tableaux comme Ivan le Terrible et son fils Ivan ou le Matin de l’exécution des Streltsis, ou bien cette toile où l’on voit un révolutionnaire, membre de la société La Volonté du Peuple qui refuse fièrement la bénédiction du prêtre avant d’être exécuté.

    Nous contemplions la Mésalliance et y voyions humiliation et l’asservissement séculaire de la femme.

    Nous nous arrêtions longuement devant le Krach de la banque et devant la Procession… Puis nous regardions les prisonniers politiques, ceux dont le sort était le nôtre : Sur le chemin du bagne.

    Nous pouvions parfaitement comprendre des toiles comme les Haleurs de la Volga et mille autres tableaux et dessins représentant la vie des ouvriers, des paysans, des soldats, de la bourgeoisie et du clergé. »

    En 1936 eut lieu ainsi une grande rétrospective Ilya Répine, avec 1000 œuvres de lui, à Moscou, puis Léningrad et Kiev. En 1937, pour les cent ans de la naissance de Ivan Kramskoy et les cinquante ans de sa mort, ce peintre fut mis en avant, notamment pour ses réflexions théoriques, et bien entendu une exposition.

    Vladimir Makovsky, Non coupable, 1882

    La même année eut lieu une rétrospective des œuvres de Vassili Sourikov, se déroulant par ailleurs peu avant une exposition commémorant les 125 ans de la victoire russe sur Napoléon. Au sujet de Vassili Sourikov, le président de l’URSS Mikhaïl Kalinine explique qu’il s’agissait là d’un « héritage culturel de la plus grande importance qui pourrait être le plus utile en ces jours effrayants de menace fasciste ».

    En 1938 eut lieu une rétrospective des œuvres d’Isaac Levitan, montrant que les itinérants savaient également peindre les campagnes russes. Du côté de Vladimir Stassov, ses écrits furent édités progressivement, notamment en 1952 avec des œuvres choisies en trois volumes, de respectivement 736, 775 et 888 pages, ainsi que des ouvrages contenant ses articles de presse et sa correspondance.

    Voici comment Andreï Jdanov, parlant de la musique, fait référence à la peinture :

    « Autre exemple : il n’y a pas si longtemps, a été organisée une Académie des Beaux-Arts. La peinture, c’est votre sœur, une des muses.

    En peinture, comme vous le savez, les influences bourgeoises furent fortes à un moment donné; elles se manifestaient sans discontinuer sous le drapeau le plus « à gauche », se collaient les étiquettes de futurisme, de cubisme, de modernisme ; « on renversait » « l’académisme pourri », on préconisait l’innovation.

    Cette innovation s’exprimait dans des histoires de fous : on dessinait par exemple une femme à une tête sur quarante jambes, un œil regardant par ici et l’autre au diable.

    Comment tout cela s’est-il terminé ? Par un krach complet de « la nouvelle tendance ».

    Le Parti a pleinement rendu son importance à l’héritage classique de Repine, de Briullov, de Verechtchaguine, de Vasnetsov, de Sourikov.

    Avons-nous bien fait de maintenir les trésors de la peinture classique et de mettre en déroute les liquidateurs de la peinture ?

    Est-ce que la survivance de telles « écoles » n’aurait pas signifié la liquidation de la peinture ? Hé quoi, en défendant la tradition classique en peinture, le Comité central s’est-il conduit en «conservateur», s’est-il trouvé sous l’influence du « traditionalisme », de l’ « épigonisme », etc., etc… ? Tout cela ne tient pas debout. »

    Le réalisme socialiste, à l’opposé du modernisme qui affirme qu’il faut régulièrement faire table rase, a fort logiquement assumé la peinture des ambulants, en tant qu’expression de la culture démocratique du peuple. Les ambulants ne sont pas simplement des artistes qui se seraient tournés vers le peuple : ils sont issus du peuple, ils sont liés à lui, ils expriment sa culture, sa manière de voir et de sentir les choses.

    La culture est comme un cours d’eau qui se développe. La valorisation des itinérants par le réalisme socialiste est un excellent exemple de continuité de la culture à travers des sauts qualitatifs, à travers toujours la même substance : le noyau populaire et démocratique.

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  • La peinture des ambulants russes et le rapport tourmenté aux institutions

    Le triomphe de Ilya Répine au sein même des institutions d’une autocratie qu’il rejetait – confiant même son atelier pour des réunions secrètes de ses proches qui étaient bolcheviks – témoigne des contradictions de la monarchie, avec ici l’affrontement entre les forces féodales traditionnelles et la monarchie absolue.

    Constantin Savitsky, Moine, 1897

    De fait, le tsar Alexandre III, qui avait commencé son règne en 1881, ne pouvait que constater l’essor de la bourgeoisie et il décida qu’il fallait à tout prix en cesser avec le conflit avec les peintres ambulants. Aussi choisit-il de les reconnaître en tant que tel, s’ils intègrent l’académie, en quelque sorte comme courant artistique.

    A cet effet, le directeur de l’académie Petr Iseev fut démissionné en 1889 pour malversations et remplacé par le comte Ivan Tolstoï (1858-1916), qui intégra dans la commission gouvernementale les peintres Ilya Répine, Vassili Polenov, Arkhip Kuindzhi, Constantin Savitsky et Grigori Miassoïédov, afin de faire de nouveaux statuts.

    Vladimir Makovski, Dimanche rouge, 1905

    Furent nommés professeurs à l’académie, dans la foulée, Ilya Répine, V. Makovsky, Ivan Chichkine et Arkhip Kuindzhi, et 12 autres ambulants rejoignirent l’assemblée de l’académie, composée de 80 personnes.

    On retrouve alors des ambulants comme enseignants à l’académire, c’est-à-dire l’Ecole de Peinture, Sculpture et Architecture de Moscou, notamment Victor Vasnétsov, Ivan Kramskoy, Alexeï Savrassov, Ilya Répine, Vassili Polénov, Vladimir Makovski, Arkhip Kuindzhi, Nikolaï Kisséliov, Ivan Chichkine, Constantin Savitsky, Abram Arkhipov, Sergueï Malioutine, Vassili Bakchéïev.

    C’était là un moyen pour la monarchie de renforcer sa tentative d’aller à la monarchie absolue, en saluant l’apparition d’un « art russe ». C’était aussi un moyen de contrer l’accumulation d’œuvres d’art, à la fin du XIXe siècle, par l’entrepreneur Pavel Tretiakov.

    Celui-ci dépensa des sommes faramineuses pour se procurer des œuvres d’art, notamment les peintures des ambulants ; le nombre de ses acquisitions équivalait ce qu’on trouvait dans les musées russes et sa galerie était visitée par des dizaines de milliers de personnes.

    En 1892, il la confia à la ville de Moscou, on y trouvait alors, du côté russe, 1287 tableaux, 518 œuvres graphiques, 15 sculptures et des collections d’icônes, ainsi que 75 tableaux d’Europe de l’ouest.

    Vladimir Makovski, La famille du peintre, 1893

    On notera également le rôle de Savva Morozov (1862-1905), industriel ayant un grand succès économique et figure éminente de la bourgeoisie, qui fut proche de l’actrice Maria Andreïeva et de l’écrivain Maxime Gorki, mécène dans le domaine de l’art, mais également fournissant des fonds au parti bolchévik.

    On a ici un tournant historique, un moment clef dans le rapport conflictuel entre féodalisme, monarchie absolue et démocratie.

    Au moyen de l’académie, le tsar remettait en avant la force de la monarchie absolue face à la vigueur de la bourgeoisie, dont Tretiakov était un éminent représentant ; les ambulants n’étaient plus dénoncés, mais salués comme les meilleurs représentants de l’art russe.

    Cela se déroula bien entendu au grand dam de Vladimir Stassov qui y voyait bien sûr une trahison complète des valeurs de démocratie et d’affirmation du folklore. A ses yeux, les ambulants ayant accepté de participer à l’académie devenaient d’« humbles académiciens » et des « courtiers ». C’était une trahison des principes mêmes au coeur des ambulants, leur tradition.

    Le peintre ambulant Nikolaï Yarochenko rejeta pareillement la position de ceux qui participèrent à l’académie et il devint le porte-parole de l’association des ambulants, qui se maintint.

    Voici quelques unes de ses œuvres qui témoignent de son engagement, avec L’étudiante, L’étudiant, chacun de ces deux tableaux présentant la figure révolutionnaire typique de l’époque, et enfin Le prisonnier.

    L’étudiante
    L’étudiant
    Le prisonnier.

    La balance repassa de l’autre côté, après la révolution de 1905 et la vague de répression qui s’ensuivit. Vladimir Makovsky, après avoir vu le massacre du 9 janvier, peignit Dispersion de la manifestation dans son atelier au-dessus de son appartement de dix pièces, à l’académie. La contradiction était patente et il ne montra d’ailleurs la peinture qu’à ses intimes.

    Dispersion de la manifestation

    De fait, lorsque la grande duchesse Maria Pavlovna prit la tête de l’académie, en 1909, elle adopta une démarche autocratique, au service de la fraction féodale. Le passage de la Russie à la monarchie absolue apparaissait comme impossible, et ce fut la triomphe de la révolution bolchevik.

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  • La peinture des ambulants russes : Ilya Répine, le maître

    C’est Vladimir Stassov qui a découvert Ilya Répine, et ce peintre est considéré comme la grande figure des peintres ambulants. Né en 1844 dans la province de Kharkov dans la famille d’un militaire, il devint étudiant de l’académie de 1864 à 1871, rejoignant les expositions itinérantes à partir de 1874, pour rejoindre en 1878 la Société des Expositions itinérantes. Il devint ensuite professeur à l’académie, de 1894 à 1907.

    Voici son autoportrait, et le portrait qu’il a réalisé de sa femme, Vera, ainsi qu’un autre portrait où on la voit se reposer.

    Ilya Répine a peint des œuvres qui ont profondément marqué la Russie, faisant de lui une figure incontournable, dès son vivant. Celle la plus célèbre est sans doute l’une de ses premières, Les haleurs de la Volga (1870-1873). Les haleurs tiraient alors les bateaux, les faisant remonter les cours d’eaux, à contre-courant.

    Le réalisme est impeccable, notamment dans sa présentation de la dimension typique, du caractère des personnages. La dénonciation allégorique du régime est évidente, et si on fait attention on voit que c’est le plus jeune, à l’habit plus clair, qui semble protester, annonçant la révolte. On a surtout une image du peuple travailleurs en pleine lumière, avec une force physique présentée comme inébranlable.

    Les haleurs de la Volga

    Vladimir Stassov dira de Ilya Répine et de cette peinture :

    « Avec une audance sans précédent parmi nous, Ilya Répine a abandonné toutes les précédentes conceptions de l’idéal dans l’art, et a plongé sa tête dans le coeur même de la vie populaire, des intérêts populaires, et de la réalité oppressive pour le peuple… Personne en Russie n’avait jusqu’ici osé prendre un tel thème. »

    Une autre œuvre extrêmement célèbre est La procession dans la province de Koursk (1880-1883). Ici encore, on a une œuvre magistrale, avec un sens du détail qui ne nuit pas au typique, et qui présente clairement la situation des masses soumises au tsar. C’est d’autant plus frappant qu’on est pourtant après l’abolition du servage.

    Dans une atmosphère poussiéreuse, les masses semblent pieuses et unies, alors que les individus qui se dégagent frappent, harcèlent la foule, afin de l’empêcher d’approcher les icônes. Le peuple veut les prier pour demander de l’aide, mais elles sont fermement dans les mains des paysans riches.

    La procession dans la province de Koursk

    Bien entendu, Ilya Répine a également réalisé des portraits de genre plus classiques également. Voici A sa patrie. Le héros de la dernière guerre (1878), L’envoi d’une recrue (1879), Une fête en soirée (1889), Un juif priant (1875), Le vendeur des œuvres des étudiants à l’académie (1875).

    A sa patrie. Le héros de la dernière guerre
    L’envoi d’une recrue
    Une fête en soirée
     Un juif priant
    Le vendeur des œuvres des étudiants à l’académie

    Ilya Répine aborda également des thèmes historiques et l’oeuvre la plus célèbre en ce domaine est certainement Les zaporogues écrivent une lettre au sultan de Turquie (1880-1891). Les Zaporogues étaient des cosaques d’Ukraine qui au XVIIe siècle avaient battu les forces turques ; ils répondirent par une lettre d’insulte au sultan exigeant tout de même qu’ils se soumettent.

    Gogol retrace le mode de vie des cosaques zaporogues dans Taras Boulba, qui présente la situation ukrainienne alors. Dans une lettre à Vladimir Stassov, Ilya Répine écrivit en parlant des Zaporogues :

    « Tout ce que Gogol a écrit sur eux est vrai ! Un sacré peuple ! Personne dans le monde entier n’a ressenti aussi profondément la liberté, l’égalité et la fraternité. »

    Au-delà de l’aspect historique, il y a donc bien sûr l’allusion à la rébellion contre l’État central.

     Les zaporogues écrivent une lettre au sultan de Turquie

    On notera que le cosaque riant en habit rouge a également comme modèle le journaliste Vladimir GuIlyarovski, qui descendait des cosaques zaporogues, avait lui-même travaillé comme haleur sur la Volga ou encore dans usine de plomb toxique, afin de faire carrière dans la presse en portant une attention particulière à côté sur la vie des quartiers pauvres de Moscou.

    Il aida à ce titre Maxime Gorki à se documenter pour sa fameuse œuvre Les bas-fonds ; après 1917, il participa à la vie intellectuelle socialiste concernant notamment l’histoire de la vie des moscovites.

    Une œuvre extrêmement forte, encore une fois historique, est Ivan le terrible et son fils Ivan, le 16 novembre 1581 (1885). Cela montre Ivan le terrible suite à une crise de rage où il a tué son propre fils. Encore une fois, l’allusion politique sur la toute puissance meurtrière est évidente.

    Ivan le terrible et son fils Ivan, le 16 novembre 1581

    Dans un même esprit, voici le Portrait de la régente Sophie (1879), Sofia Alexeïena, qui avait tenté de comploter contre Pierre Ier, au moyen des unités streltsy. Pierre Ier en avait fait pendre aux fenêtres du couvent de Novodievitchi où elle avait été recluse, à la toute fin du XVIIe siècle et on peut donc voir un cadavre à la fenêtre. Encore une fois la brutalité du régime est ici exposée.

    Portrait de la régente Sophie

    Ce qui est d’autant plus troublant, quand on y regarde de près, est que Ilya Répine ait pu également faire de nombreux portraits du tsar et se voir entièrement reconnu. Les haleurs de la Volga fut acheté 3 000 roubles par le fils du tsar, le grand-duc Vladimir Alexandrovitch et exposé plusieurs fois en Europe, permettant à Ilya Répine de vivre de son art. Le tableau Les zaporogues écrivent une lettre au sultan de Turquie a même été acheté par le tsar Alexandre III pour 35 000 roubles, la somme la plus importante jamais déboursée alors pour une œuvre d’un peintre russe.

    En fait, après que Vladimir Stassov ait souligné sa valeur, Ilya Répine a tout de suite été compris comme un grand peintre et l’académie a tout fait pour qu’il s’intègre parfaitement, qu’il puisse voyager à l’étranger, afin de tenter de l’insérer dans leur démarche. Ce fut à lui qu’on confia en 1892 la réorganisation de l’académie ; figure tout à fait reconnue, il fut même titulaire de la légion d’honneur française en 1901.

    Peintre considéré comme le plus grand en Russie alors, il réalisa par exemple de manière on ne peut plus officielle en 1903 un tableau de 4 mètres sur 8,7 mètres intitulé la Session protocolaire du Conseil d’État pour marquer son centenaire le 7 mai 1901.

    Session protocolaire du Conseil d’État pour marquer son centenaire le 7 mai 1901

    Ilya Répine, toutefois, resta fidèle aux itinérants et à leur approche ; voici un exemple avec une peinture sur La manifestation du 17 octobre 1905, qui suivit la capitulation du tsar et sa déclaration d’un manifeste annonçant une constitution.

    La manifestation du 17 octobre 1905

    La contradiction est évidente : d’un côté Ilya Répine est une figure reconnue parfaitement insérée dans les institutions, de l’autre il est partie prenant de la transformation progressiste de la société. Il s’agit en fait d’un révolutionnaire démocrate, pouvant être associé au régime dans la mesure où celui-ci tend à une monarchie absolue s’opposant au féodalisme, mais s’opposant à lui quand il s’oppose à la bourgeoisie et aux réformes démocratiques.

    Ilya Répine a d’ailleurs peint des tableaux tout à fait clair dans leur expression, dans l’esprit des ambulants. Voici un tableau fameux, On ne l’attendait pas (1884-1888), montrant quelqu’un revenant de déportation, affaibli.

    Quel sera l’accueil qui lui sera fait, après tant d’années? Les portraits des grands démocrates Taras Chevtchenko et Nikolaï Nekrassov, qu’on voit sur le mur, annonce la tendance : il sera la bienvenue !

    On ne l’attendait pas

    Dans un même esprit, voici La réunion clandestine (1883), Le refus de la confession avant l’exécution (1879-1885), dont la fin du titre est souvent oublié et pourtant change tout, ainsi que deux versions de L’arrestation du propagandiste (1880-1892).

    La réunion clandestine
    Le refus de la confession avant l’exécution
    L’arrestation du propagandiste
    L’arrestation du propagandiste

    Voici également un tableau de 1883, qui présente La réunion de commémoration annuelle près du mur des fédérés au cimetière du Père Lachaise à Paris. On a là un tableau dont la dimension révolutionnaire est évidente, mais on peut déjà noter que dans la structure de l’oeuvre, il y a une très forte influence de l’impressionnisme.

    Cette influence, que Ilya Répine assumera grandement pour une partie de ses œuvres, était évidemment la hantise de quelqu’un comme Vladimir Stassov. A la place du réalisme, il y a une tentative d’élaboration subjectiviste avec des jeux sur les lumières et les couleurs.

    La réunion de commémoration annuelle près du mur des fédérés au cimetière du Père Lachaise

    L’enterrement rouge, peinture de 1916, est ainsi engagée politiquement, mais sa forme a tout à fait basculé dans l’impressionnisme.

    L’enterrement rouge

    La dimension impressionniste est également tout à fait frappante pour Léon Tolstoï labourant un champ, tableau de 1887, ou pour le portrait du savant Dmitri Mendeleïev, en 1885.

    Léon Tolstoï labourant un champ
    Dmitri Mendeleïev

    Paradoxalement voici deux œuvres à prétention religieuse mais dont l’approche réaliste transcende clairement la religion, pour arriver à la compassion. Il s’agit de Saint Nicolas sauvant trois innocents de la mort (1888) et de Nicolas de Myre empêchant la mort de trois innocents (1890).

    Saint Nicolas sauvant trois innocents de la mort
    Nicolas de Myre empêchant la mort de trois innocents

    Ilya Répine a découvert l’impressionnisme à Paris. Cela ne se ressent pratiquement pas pour le magistral Un café parisien (1875) et ses détails typiques, ses caractères exemplaires, en faisant une oeuvre terriblement sous-estimée de par sa dimension réaliste d’une immense force (notamment au niveau des lumières de l’époque), mais c’est déjà relativement apparent pour Un vendeur de nouveautés à Paris (1873).

    n café parisien 
    Un vendeur de nouveautés à Paris

    De manière plus pertinente, on a une inspiration dans les contes et légendes russes, comme ici de manière très réussie avec le majestueux Sadko (1876).

    Sadko

    Ilya Répine vivait dans ses « pénates », à une quarantaine de kilomètres de Saint-Pétersbourg, dans une maison sans aucun serviteur où il invitait de nombreuses personnes, qui découvrait cependant à leur arrivée une pancarte avec inscrite dessus « Débrouillez-vous ! ».

    Chaque mercredi était prétexte à un rendez-vous de discussions. Voici une esquisse datant de 1905 montrant l’illustre Maxime Gorki lisant, dans les pénates, des extraits de sa pièce Les enfants du soleil. Suit une photographie à l’extérieur des pénates avec Maxime Gorki, Vladimir Stassov et Ilya Répine.

    Ilya Répine avait peint Alexandre Kerensky, chef de file de la révolution de février 1917. Il remit le portrait, clairement impressionniste, non réaliste, avec des esquisses sur la révolution de 1905, au Musée Central de la Révolution, en 1926, année d’une visite d’une délégation soviétique. Sa maison se trouvait alors en zone finlandaise. L’année précédente, une exposition de ses œuvres avait eu lieu à Léningrad.

    Alexandre Kerensky

    L’œuvre d’Ilya Répine, malgré une ouverture à l’impressionnisme qui nuisit à la continuité de son élan – alors que lui-même rejetait l’impressionnisme -, reste magistrale. On a ici un réalisme ancré dans la dignité du réel, écrasant tant le conservatisme académique que les modernistes dédacents. Au grand dam d’un peintre idéaliste comme Mikhaïl Vroubel (1856-1910), qui dénonça ainsi l’époque et Ilya Répine :

     « Au style grossier des années soixante succéda un mouvement nationaliste intellectuel qui estimait un tableau pour la simplicité de son idée, sa valeur d’affiche et l’anonymat de sa technique. Même le grand talent de Ilya Répine s’éteignit dans cette atmosphère inanimée ; son manque d’intensité artistique imprima à son œuvre un caractère informe. »

    L’idéalisme rejette par définition le matérialisme, et la perspective de Ilya Répine est matérialiste, un matérialisme vécu au plus profond de son existence :

    « De toutes mes misérables forces je tâche d’incarner mes idées dans la vérité; la vie qui m’entoure m’émeut trop, me travaille sans répit, m’appelle à mon chevalet ; la réalité est trop cruelle pour y broder la conscience tranquille des motifs insolites. »

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  • La peinture des ambulants russes et l’importance de Vladimir Stassov

    A la suite des ambulants développant leur réalisme, il exista un autre courant rejetant l’académisme, qu’on peut qualifier de « moderniste ». Porté par Serge de Diaghilev (1872-1929), célèbre pour ses « ballets russes » parisiens, et Alexandre Benois (1870-1960), le modernisme avait comme organe de presse Mir iskousstva (Le monde de l’art) et défendait l’ouverture culturelle aux pays où le capitalisme s’était élancé et l’acceptation des nouvelles formes.

    La menace que cela faisait peser sur les ambulants fut parfaitement compris par Vladimir Stassov (1824-1906). Critique d’art ayant joué un rôle très important pour les ambulants, devenant en quelque sorte leur porte-parole en théorisant leur démarche, il mena une fervente bataille contre les modernistes, contre leur démarche consistant, pour reprendre ses formules, en du « trash décadent » et « une orgie de débauche ».

    Vladimir Stassov par Ilya Répine

    Vladimir Stassov voulait à la fois sortir du conservatisme féodal, de l’arriération et de l’isolement culturel, mais en même temps cela ne devait pas, selon lui, passer par l’acquisition des principes développés ailleurs qu’en Russie. On a ici une démarche de rejet tant du conservatisme que du cosmopolitisme, qu’on retrouvera précisément dans le réalisme socialiste.

    A la bourgeoisie « moderniste » reprenant les concepts directement depuis les pays capitalistes, Vladimir Stassov opposait les principes de démocratie, d’art comme production du peuple. Vladimir Stassov défendait la conception nationale bourgeoise démocratique, contre le conservatisme féodal et le décadentisme bourgeois. Il était un partisan de ce qu’on appelle le « folklore », dans toute sa richesse en tant que production du peuple.

    Vladimir Stassov par Ilya Répine

    Cette position n’est évidemment compréhensible que par le matérialisme dialectique ; les commentateurs bourgeois n’ont jamais compris Vladimir Stassov, qui serait passé d’une position libérale à un chauvinisme conservateur. Il y a en réalité une profonde continuité, consistant en la défense d’un art national, présentant la réalité du peuple, puisant dans sa tradition.

    Vladimir Stassov par Ilya Répine

    Il est d’ailleurs significatif qu’il écrivait dans les pages dédiés à l’art de la Gazette des nouvelles et du marché boursier, journal des entrepreneurs russes, publié depuis Saint-Pétersbourg. Vladimir Stassov représentait bien la bourgeoisie, mais dans sa dimension réellement démocratique face au féodalisme.

    Vladimir Stassov n’a d’ailleurs pas que défendu les ambulants, faisant connaître de très nombreux d’entre eux, comme fit connaître,  comme Perov, Chichkine, Vasnetsov  ; il a été le conseiller du groupe des cinq, cercle de compositeurs partisans de se fonder sur les traditions populaires, et auquel ont appartenu Mili Balakirev (1837-1910), Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908), Alexandre Borodine (1833-1887), Modeste Moussorgski (1839-1881) et César Cui (1835-1918).

    Vladimir Stassov par Ilya Répine

    Vladimir Stassov les mit en valeur et les accompagna, les poussant à se professionnaliser, eux qui étaient bien plus jeunes : en 1862, il avait 38 ans, alors que Balakirev avait 25 ans, Cui 27 ans, Moussorgski 23 ans, Rimsky-Korsakov 18 ans, Borodine 28 ans.

    A l’inverse, Piotr Tchaïkovski, qui était la grande figure musicale alors, n’était considéré par Vladimir Stassov que comme un « compositeur hautement talentueux », à qui il manquait cependant la « sincérité de la créativité » ; il lui reprochait de ne pas être lié aux éléments nationaux et de tendre à ne pas coller à la production historique : « De la tête aux pieds il fut cosmopolite et éclectique ».

    Lui-même avait fondé de son côté une École libre de musique, qui en 1863 avait déjà inscrit 700 étudiants. On a ici une dimension culturelle absolument profonde ; on a ici l’esprit matérialiste qui défend la conception de l’art comme étant issu du peuple et forcément d’expression réaliste. Aux yeux de Vladimir Stassov :

    « L’essence de l’art n’est pas le talent seul. Il y a quelque chose qu’on ne peut pas oublier, qui ne peuvent remplacer ni le talent, ni la maîtrise, pas non plus la virtuosité. Il y a quelque chose sans quoi tout est mort et sans valeur. C’est le sentiment sain et direct, l’idée, une appréciation de la vie. »

    Vladimir Stassov a été une machine intellectuelle et culturelle au service de cette perspective ; il n’a cessé de batailler, avec de multiples écrits, des articles comme des monographies sur des artistes, mais fournissant également aux artistes des thèmes, de la documentation historique.

    De la même manière, en l’honneur des artistes disparus, Vladimir Stassov organisa des concerts, de expositions, la construction de monuments. C’est lui qui fit en sorte qu’Ilya Répine puisse peindre le compositeur Modeste Moussorgski (1839-1881), juste avant sa mort.

    Vladimir Stassov se considérait comme ayant compris la portée historique des artistes et il notait que, même s’il pouvait faire des erreurs, le fait est qu’apparemment personne à part lui ne racontait la vie des artistes, leurs œuvres, leurs significations historiques. Il constate ainsi :

    « Je me rappelle que dans ma vie il y a eu cent tentatives faites par l’un ou l’autre pour me faire cesser d’écrire sur un tel ou un tel qui était important pour moi. On me disait : c’est trop prématuré, tu devrais attendre, alors que d’autres argumentaient : ce n’est pas à toi mais à quelqu’un d’autre d’écrire.

    Mais je n’ai jamais accepté cela et je pense que j’avais raison quand j’écrivais. Je me souviens comment [le grand critique d’art et mécène historique] Tretiakov m’a réprimandé pour avoir écrit une biographie de Kramskoï après sa mort… Mais depuis 1887 douze années complètes ont passé… et personne, vraiment personne n’a écrit une seule ligne sur Kramskoï, pas une mot ou une lettre !! »

    Vladimir Stassov considérait que l’art allait de pair avec la civilisation, avec la démocratie, avec la réalité ; les artistes, s’ils étaient authentiques, étaient forcément liés à cela, sans quoi ce n’était plus des artistes. Vladimir Stassov fit notamment cet appel :

    « Laissons les artistes seuls depuis le départ. Ne les altérons pas dans leurs sentiments ou leurs pensées, et chacun d’entre eux sera inévitablement national. C’est le plus naturel et le plus simple. Chacun est né avec cela. Ne dérangeons pas une fleur ou un arbre, ne les faisons pas pencher dans une quelconque direction particulière et ils se tourneront d’eux-mêmes vers le soleil – d’où vient leur vie. »

    Il est intéressant de voir le point de vue de Vladimir Stassov lorsqu’il critiqua le sculpteur Mark Antokolski (1843-1902), issu d’une famille juive pauvre. Vladimir Stassov avait célébré ses premières œuvres, mais dénonça son opportunisme :

    « Je regrette de voir qu’il ne peut plus, jamais plus, y avoir d’accord entre nous !!! Selon moi, tu as changé de voie et la raison pour cela, ce sont les pays étrangers… Tu as cessé d’être le porte-parole des masses plongées dans l’ignorance, des plèbes, de la démocratie… et des individus de la « vie quotidienne ». Maintenant tu es derrière les « aristocrates » de l’humanité  (le Christ, Socrate, Spinoza, Moïse, etc.).

    Maintenant, tu n’as plus besoin que de grands noms « historiques » ! Comme si toute l’histoire s’incarnait en eux ! Complètement faux ! Le tailleur juif, L’Inquisition [intervenant contre des Juifs célébrant clandestinement la Pâques] et Controverse sur le Talmud ne sont pas moins historiques, mais, probablement, pour moi, en tout cas, même davantage. »

    Cela n’empêche pas Vladimir Stassov de continuer à écrire sur ce sculpteur, d’insister pour qu’après sa mort il soit enterré à Saint-Pétersbourg, d’organiser ses funérailles, d’écrire sa nécrologie, d’organiser une conférence commémorative, de publier sa correspondance et ses articles.

    Vladimir Stassov par Ilya Répine

    Par la suite chef du département d’Art de la Bibliothèque de Saint-Pétersbourg, Vladimir Stassov sera également particulièrement proche du peintre ambulant Ilya Répine, qu’il contribua grandement à faire connaître et qui réalisa plusieurs portraits de lui.

    Ilya Répine respecta Vladimir Stassov de la manière la plus absolue, la plus complète, faisant toujours référence à son rôle. Pourtant, Vladimir Stassov fit également des critiques à Ilya Répine, pour sa tendance à s’institutionnaliser et à perdre le lien avec la dignité du réel.

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  • La peinture des ambulants russes et le rôle de Vassili Perov

    Il serait erroné de penser que l’académie et l’association formaient deux blocs absolument distincts, en confrontation unilatérale. En effet, le régime russe était autocratique, mais la monarchie absolue tentait de trouver un chemin. Cela fait qu’au sein de l’académie, il existait une contradiction entre les forces rigoureusement féodales et conservatrices, et celles partisanes de la monarchie absolue et donc de la modernisation.

    L’une des figures clefs qui témoigne de ce conflit est le peintre Vassili Perov (1834-1882). Rentré à l’académie en 1853, il va avoir une carrière pratiquement exemplaire au sein de celle-ci, tout en étant indubitablement un titan du réalisme.

    Il obtient ainsi une médaille d’argent dès 1856, pour l’esquisse d’une tête de garçon ; il obtient la même récompense en 1858 pour le tableau L’Arrivée du chef de la stanitza pour l’enquête, dont le réalisme et l’engagement en faveur du peuple est indubitable.

    Par la suite, il obtient deux médailles d’or en 1860, pour La Scène sur la tombe, Le Fils du sacristain promu au premier grade de la Table des rangs, et une nouvelle en 1861 pour le tableau Le Sermon dans le village. Voici les œuvres, qui sont caractéristiques du réalisme russe. Le premier tableau décrit la misère du peuple et comment la religion n’est véritablement qu’une vaine tentative de consolation.

    Le second montre la vanité, en l’occurrence d’avancer au premier rang d’un vaste système pratiquement de castes. Le troisième montre les différences de classe dans l’église, avec les pauvres qui sont pieux, alors que le riche s’endort et que sa femme écoute ce que lui raconte celui qu’on devine être son amant.

    La Scène sur la tombe
    Le Fils du sacristain promu au premier grade de la Table des rang
    Le Sermon dans le village

    Ces œuvres sont évidemment agressives pour le régime, et pourtant Vassili Perov a pu faire carrière à l’académie. Ses autres œuvres sont dans la même perspective ; voici Repas au monastère, de 1876 ; qui présente de manière particulièrement offensive l’honteuse démarche des prêtres orthodoxes et des classes dominantes.

    Les humbles, les pauvres, sont ici présentés comme l’aspect principal d’une société injuste, de type aristocratique-féodale.

    Repas au monastère

    La procession de Pâques (1861) est également un tableau fameux de Perov, avec une présentation exemplaire et typique du peuple. Encore une fois, la religion est présentée comme un refuge, avec une incapacité de celle-ci d’être à la hauteur, montrant son caractère vain.

    La procession de Pâques

    Deux autres œuvres témoignent directement de l’incroyable maîtrise réaliste de Vassili Perov. Le réalisme, ce n’est pas qu’un portrait : c’est un portrait typique.

    Dans le tableau suivant, Troïka (1866), il est vrai que Vassili Perov force le trait de l’expression, mais c’est justement pour souligner la dimension typique. L’opposition entre les enfants, accompagné du chien fidèle, avec les adultes à l’arrière-plan souffrant, disparaissant pratiquement dans le brouillard, est d’un contraste saisissant.

    Troïka

    On retrouve le chien fidèle et agressif car protecteur dans Le dernier adieu, terrible tableau de 1865, où le cheval ploie sous la difficulté, autant que l’adulte – une femme – alors qu’un enfant s’agrippe à un cercueil – celui du mari-, le second enfant apparaissant comme malade.

    C’est là un portrait qui dépasse ce qu’on voit, le particulier, pour atteindre le général. C’est toute une société qu’on lit dans ce tableau.

     Le dernier adieu

    Vassili Perov a une capacité certaine à présenter les situations typiques, dans toute leur densité, leur profondeur, tout en ajoutant un élément de noire ironie, un petit détachement qui permet de contribuer à l’esprit de dénonciation d’un certain type de situation. C’est particulièrement frappant avec La nouvelle gouvernante, tableau de 1866.

    La nouvelle gouvernante

    Vassili Perov n’a pas hésite à présenter des situations typiques de la vie du peuple. Il prend des situations précises, qu’il présente dans toute leur dignité, la dignité du réel. Voici La queue au réservoir et La dernière taverne à la porte de la ville.

     La queue au réservoir
    La dernière taverne à la porte de la ville.

    Dans certains cas, Vassili Perov souligne davantage le caractère jovial du peuple, plutôt que son activité lui-même. On présente ici le peuple plus pour ce qu’il est que pour ce qu’il fait. Voici Sur la voie ferréeLes chasseurs se reposent, ainsi que L’oiseleur. On y retrouve une forme de bonhomie, une certaine vision des rapports intimes, tout un style populaire.

    Sur la voie ferrée
     Les chasseurs se reposent
    L’oiseleur

    Il est d’autant plus frappant que Vassili Perov ait pu faire un parcours dans l’académie, alors qu’il se situait aux premières loges du réalisme. Voici son portrait du dramaturge réaliste russe Alexandre Ostrovski, qui est pas moins que le fondateur du théâtre national dans son pays.

    Suivent le portrait du très célèbre écrivain Fiodor Dostoïevski, et celui de Vladimir Dahl, qui a compilé 30 000 proverbes et dictons russes dans son Dictionnaire raisonné du russe vivant.

    Alexandre Ostrovski
    Fiodor Dostoïevski
    Vladimir Dahl

    L’État finança même en 1862 un voyage à Vassili Perov, dans différentes villes allemandes et à Paris.

    Voici des tableaux présentant un aspect de Paris. Il est à noter ici que c’est Vassili Perov lui-même qui demande à rentrer plus tôt en Russie :

    « Le manque de connaissance du caractère et de la vie morale du peuple me rend impossible le fait de terminer une quelconque de mes œuvres. »

    Malgré son positionnement, Vassili Perov enseigna même à l’académie de 1871 à à sa mort 1882, alors que dans la seconde moitié des années 1860 il avait rejoint l’association des itinérants. Il servit donc d’agent catalyseur au sein même de l’académie, pavant la voie au triomphe général des peintes itinérants (ou ambulantes). Le réalisme, en tant que vecteur du progrès, avançait culturellement et idéologiquement, s’affrontant avec le féodalisme.

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  • La peinture des ambulants russes, représentations typiques et collectives

    La bataille pour le réalisme n’existe pas qu’entre les courants ; les peintres eux-mêmes oscillent entre deux choix. Victor Vasnétsov (1848-1926), par exemple, fit de la peinture de genre, comme Le Départ de la maison, en 1876, ou encore La préférence, en 1879, avant de basculer ouvertement dans une peinture épique se fondant sur les contes et légendes.

    Toute autre fut la démarche de Nikolaï Kassatkine (1859-1930), qui fut fidèle à l’esprit des ambulants et rejoignit ensuite la cause soviétique, étant par ailleurs nommé Artiste du peuple. Lors de ses études à l’académie, il fut un disciple de Vassili Perov, rejoignant en 1890 les expositions itinérantes. Par la suite il enseigna à l’académie et fut profondément marqué par la révolution de 1905.

    Voici Les orphelins, Ramassage du charbon par les pauvres à la décharge de la mine, de 1894, Qui ? de 1897, Dans une famille ouvrière de 1890 et Dans le couloir du jugement du district, 1897.

    Voici également L’ouvrier combattant, de 1905.

    Certaines œuvres de Vassili Sourikov (1848-1916) sont très connus, ce peintre ayant réussi le premier à représenter le peuple dans une fresque historique, en lui accordant le premier rôle.

    Vassili Sourikov appartint aux ambulants à partir de 1881, après avoir étudié à l’académie de 1869 à 1875 ; réussit à placer une grande intensité dans ses œuvres, la dimension conflictuelle ressort de manière saisissante. Ses tableaux arrivent à représenter de manière typique le mouvement collectif, à travers un grand esprit de synthèse. Il faut absolument voir ces œuvres en grande taille pour saisir la force de leur détail, pour avoir une vue d’ensemble correct.

    Voici La Prise de la forteresse de neige, de 1891. La scène présente une bataille de neige lors de l’équivalent orthodoxe du mardi-gras : une forteresse de neige est bâtie, une équipe la défend et une autre doit la prendre.

    Voici deux tableaux où la critique de l’autocratie est patente. 

    La Boyarine Morozova (1887) représente Feodosia Morozova, adepte du mouvement des vieux-croyants refusant les changements dans la religion orthodoxe effectué par l’État central au XVIIe siècle, alors qu’elle est arrêtée.

    On la voit lever la main en faisant l’ancien signe, avec les deux doigts et non trois comme nouvellement instaurés ; on remarquera que, dans l’abattement général, seul l’ascète, à droite, répond par le même signe, alors qu’à ses côtés une jeune femme baisse la tête et une vieille mendiante donne tout son respect.

    C’est là la conscience du peuple, qui respecte et ose s’exprimer, face à la terreur.

    Le Matin de l’exécution des Streltsy présente la situation de ces troupes à la suite de l’échec de leur révolte de 1698 contre l’État central. On voit ces soldats, avec leur famille éplorée, avant l’exécution. Leur fierté est ostensible, tout autant que la dimension terriblement pathétique et collective, en plein centre de Moscou.

    Le tableau suivant est intitulé La Conquête de la Sibérie par Ermak et date de 1895. Il présente l’affrontement avec les tatares pour l’élargissement historique de la Russie à l’est.

    Voici également un tableau de 1899, intitulé La Marche de Souvorov à travers les Alpes et dont la dimension épique se combine avec l’humour. On y voit, de manière stylisée, la traversée des Alpes par l’armée russe en 1799, dans le cadre des batailles napoléoniennes.

    Vassili Sourikov est un excellent exemple de peintre ambulant reconnaissant toute son importance à la question historique et voici un dernier exemple très pertinent, puisque datant de 1906, l’année suivant la révolution de 1905. Stepan Razine présente ce dirigeant cosaque qui organisa une grande révolte contre l’autocratie, au XVIIe siècle, manquant de faire s’effondrer le régime et devenant un personnage de folklore.

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  • La peinture des ambulants russes: reconnaissance sociale, contraste social

    Grigori Miassoïédov (1834-1911) étudia de 1853 à 1862 à l’académie, puis joua un rôle éminent au sein des ambulants, en tant qu’animateur et organisateur. Ses peintures concernant la paysannerie font de lui un véritable maître du genre.

    Voici un tableau de 1872 intitulé Le Zemstvo déjeune.

    Il s’agit de membres d’un organe administratif  paysan, où l’autogestion sert bien sûr de relais aux classes dominantes. Celles-ci sont symbolisées sur ce tableau par l’intermédiaire d’une personne faisant la vaisselle, que l’on voit par la fenêtre, alors que les paysans n’ont pas d’endroit pour manger, à part la rue elle-même. Le contraste de classe est ici présenté non pas de manière abstraite, mais dans un portrait allant au typique.

    Le Zemstvo déjeune

    La Lecture du manifeste du 19 février 1861, tableau de 1873, montre des paysans – souvent illettrés – en train de lire le document d’abolition du servage, promu par Alexandre II.

    Ce dernier avait compris que la Russie féodale – 60 millions d’habitants alors dont 50 millions de paysans – courait à la défaite, comme en témoignait la défaite en Crimée de son père Nicolas Ier. L’abolition du servage fut une tentative de modernisation, dans le cadre d’une élaboration d’une monarchie absolue.

     Lecture du manifeste du 19 février 1861

    Les Faucheurs, tableau de 1887, s’inscrivent dans ce cadre de la reconnaissance démocratique de la paysannerie, contre les classes dominantes. Le travail en lui-même se voit reconnu une valeur, dans l’esprit de la bourgeoisie, mais là ce sont les masses elles-mêmes qui sont valorisées.

    Faucheurs

    Le Sentier dans un champ de seigle, de 1881, témoigne qu’au travail s’ajoute toujours chez les ambulants la reconnaissance de la nature, non pas simplement comme paysage (comme en France), mais bien comme cadre de la vie nationale, comme pays.

    Le Sentier dans un champ de seigle

    Voici une œuvre très intéressante également, où Grigori Miassoïédov montre le rapport des paysans aux propriétaires, avec Les jeunes mariés chez le propriétaire terrien, de 1861.

    Les jeunes mariés chez le propriétaire terrien

    En fait, avec les ambulants, tous les aspects de la vie pouvaient être représenter, du moment qu’ils étaient ancrés dans le réel, avec une dimension typique et dans le respect de la dignité de ce qui est représenté. Nikolaï Bogdanov-Belski (1868-1945), qui passa par l’académie puis participa aux expositions itinérantes, avant de rejoindre la Société des ambulants en 1895, s’intéressa notamment particulièrement à l’école.

    Voici Calcul mental à l’école populaire de S. A. Ratchinski et Dimanche de lecture dans une école rurale, deux tableaux de 1895, suivis de Au seuil de la classe de 1897.

    Calcul mental à l’école populaire de S. A. Ratchinski
     Dimanche de lecture dans une école rurale
    Au seuil de la classe

    Venant d’une famille de paysans, Abram Arkhipov (1862-1930) étudia à l’académie de 1877 à 1883, puis en 1886-1887, étudiant aux Beaux-Arts entretemps. Il participe à partir de 1889 aux expositions itinérantes et rejoignit les ambulants en 1891, devenant en 1894 enseignant à l’académie.

    Son niveau fut indubitablement très grand et il fut l’un des tout premiers peintres à recevoir de la Russie socialiste le titre d’Artiste du peuple ; lui-même continua d’enseigner dans les structures soviétiques moscovites, l’Ateliers supérieurs d’art et de techniques de Moscou (Vkhoutemas), puis l’Association des artistes de la Russie révolutionnaire (AkhRR).

    Voici Sur l’Oka, de 1889, Après le dégel en attendant le bateau et Radonitsa avant la liturgie, de 1892.

    Sur l’Oka
    Après le dégel en attendant le bateau
    Radonitsa avant la liturgie

    Voici également de lui, Les blanchisseuses, de 1890.

    Les blanchisseuses

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