Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • La quête de données de l’expérimentation animale et les animaux transgéniques

    Le mode de production capitaliste ne peut pas se passer de l’expérimentation animale, car la concurrence exige d’avoir un temps d’avance et, étant hostile à une lecture matérialiste (dialectique), tout est une bataille pour les données.

    Il faut faire ici un parallèle strict entre le big data, la quête du plus d’informations possibles par les entreprises, et les expériences les plus diffuses faites sur les animaux.

    Ces expériences touchent les secteurs suivants principalement :

    – la recherche « pure », c’est-à-dire clairement à l’aveugle ;

    – la recherche concernant les maladies humaines, où des analogies sont recherchées (ce qui pose la question de la valeur de l’analogie comme principe scientifique) ;

    – les tests de toxicité ;

    – la recherche pharmaceutique ;

    – la pratique chirurgicale ;

    – la recherche concernant les maladies des animaux d’élevage.

    Destruction d’une grange vide d’un centre de recherche agricole dans le Maryland aux Etats-Unis, 1987

    Les marchandises sont ici concernées en amont et en aval. Un produit mis sur le marché doit être conforme à des règlements sanitaires et chimiques ; inversement, les « découvertes » faites par les expériences permettent d’élargir le spectre productif.

    Il n’y a aucun choix démocratique : les expériences peuvent être faites, donc elles sont faites. C’est le prolongement de la démarche empiriste de la bourgeoisie lorsqu’elle est parvenue à développer la science contre la féodalité, mais un prolongement démultiplié, déformé, halluciné.

    Cette hallucination a amené la « production » d’animaux transgéniques, à partir des années 1970, au moyen de différentes méthodes visant à modifier une partie ciblée de l’ADN. Le terme de « transgénique » apparaît en 1981 alors que commence lentement le processus de systématisation de leur « production ».

    Un mémorandum de l’OMS de 1993 (« Élevage et expédition des souris transgéniques sensibles aux virus humains ») présente les animaux transgéniques de la manière suivante :

    « Généralement, le gène étranger ou transgène est introduit dans I’ADN chromosomique de l’animal transgénique.

    Des croisements sélectifs permettent ensuite d’obtenir des animaux homozygotes et hétérozygotes. Ainsi, si l’animal de laboratoire courant, comme la souris, n’est pas naturellement permissif à l’infection par un virus pathogène en raison de l’absence d’une protéine humaine essentielle (le récepteur cellulaire au virus, par exemple), les lignées animales transgéniques qui expriment le gène humain correspondant à cette protéine peuvent être sensibles à l’infection.

    Grace à cette technique on espère faire progresser le savoir concernant la prévention et le traitement de certaines maladies infectieuses. »

    Ces animaux sont nés pour souffrir, connaître l’expérimentation et mourir. La modification de leur ADN vise en effet à les rendre malades, afin d’intervenir sur eux. Ils sont de la « matière première » à une connaissance reposant sur la boucherie.

    Cette « production » elle-même implique également un massacre général dans la sélection faite des animaux, car seule une toute petite partie des tentatives de transmission de gènes étrangers à l’espèce réussit (entre 5 % et 25% au très grand maximum).

    Ce chiffre se retrouve pour la descendance, où pareillement on aura seulement un quart des animaux transgéniques, au maximum, portant la modification recherchée.

    À cela s’ajoute que ce sont des mères porteuses qui sont employées, étant fécondées artificiellement après la modification génétique du produit d’une reproduction d’animaux normaux. Ce processus est présenté ainsi de manière « neutralisée » dans « Les animaleries pour animaux transgéniques : législation et agrément en France » (Centre de Recherche Pierre Fabre, Service de Zootechnie) :

    « Pour l’obtention d’animaux transgéniques, il existe quatre étapes essentielles quel que soit la technique de transgénèse choisie : l’introduction d’une séquence d’ADN dans un embryon, puis l’implantation de cet embryon dans l’utérus d’une femelle pseudo-gestante, suite à quoi la première génération d’animaux est obtenue (il est alors nécessaire de détecter par diverses méthodes les animaux effectivement transgéniques) et finalement, une lignée transgénique qualifiée de «pure» est obtenue par croisements. »

    Chaque animal transgénique implique une série de meurtres pour arriver à sa « production », à chaque étape, et cela de bout en bout.

    Tout ce processus, outre une série de sélection et d’élimination, implique également des prélèvements tissulaires, cellulaires, etc.

    De plus, les « chercheurs » n’ont aucune idée de l’impact futur des modifications faites, aussi minimes qu’elles soient. Les conséquences indirectes potentielles sont innombrables, mais cela n’est bien entendu pas vu car l’animal est ici lui-même une expérience ciblée. Sa dignité comme réalité totale est niée.

    Le processus est d’ailleurs sans fin, car la « recherche » pour la « recherche » implique de jouer toujours plus les docteurs Frankenstein pour produire de nouveaux animaux transgéniques, l’un des buts étant notamment le développement d’organes artificiels. Les animaux seraient alors le support d’organes « équivalents » à ceux des humains sur lesquels l’expérimentation aura lieu.

    Libération de chats d’un laboratoire au Texas

    Il y a également la quête d’organismes vivants modifiés génétiquement qui pourraient intégrer la production pour l’alimentation humaine, ou encore la formation d’animaux transgéniques servant de « bioréacteurs » produisant des formes chimiques utiles : l’utilisation des animaux est totalement au service du mode de production capitaliste et de sa logique d’accumulation.

    On a pour cette raison la contradiction entre la compétition concurrentielle et la course au monopole, la contradiction entre la dispersion et la centralisation. Il y a en effet une tendance à la normalisation de la production des animaux transgéniques (principalement les souris et les mouches du vinaigre encore appelées drosophiles, mais également les vers nématodes, les poissons zèbres).

    Cette contradiction est explosive au sein de l’expérimentation animale qui, de plus, se fonde sur le principe du tout génétique et de l’invariabilité complète des données génétiques. Et comme le principe d’un monde « mathématisable », statique, composé d’éléments isolés et fixes, se heurte au réel et n’arrive à rien, cela amène une exigence d’encore plus de tests, avec un soutien monopolistique le cas échéant comme avec les animaux transgéniques.

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  • La systématisation industrielle de l’expérimentation animale

    Le procès des médecins nazis par un tribunal militaire américain à Nuremberg en 1947 avait dénoncé la « vivisection humaine », formulant les principes d’une expérimentation humaine présentée comme éclairée, mais justifiant de fait l’expérimentation animale à tous les niveaux.

    Cette expérimentation animale existait dès le 19e siècle, mais elle ne possédait pas une systématisation qui n’apparaîtra qu’avec le 24 heures sur 24 du capitalisme. En effet, chaque marchandise va alors être testée, l’animal devenant lui-même l’expérience.

    Tout est testé, depuis la barre chocolatée Mars jusqu’aux dentifrices, depuis l’encre de l’imprimante jusqu’aux ceintures de sécurité. Tout est testé non seulement une fois la marchandise réalisée, mais également souvent dans la genèse de la marchandise elle-même.

    Et comme il y a de plus en plus de marchandises, il y a de plus en plus d’animaux pour subir les tests.

    Beagles libérés par un raid

    Il faut bien saisir qu’il ne s’agit pas d’un « choix » ni même d’une logique scientifique ici à l’œuvre. On est dans une démarche tout à fait pragmatique. Les possibilités techniques toujours plus grandes permises par le développement des forces productives amène la tendance à ne plus raisonner, mais à essayer pour trouver.

    Plus on a de données, plus on « sait » et donc plus on « sait » mieux que les autres. C’est donc une porte ouverte à la fuite en avant dans l’expérimentation afin de « trouver »… quelque chose qu’on ne cherche pas initialement.

    Ce processus est de nature concrète ; il n’est pas une abstraction, mais connaît des étapes bien marquées. Il faut bien distinguer la période d’avant la systématisation du capitalisme de celle d’après.

    Le tournant se déroule lorsque le développement puissant du capitalisme dans ses pays bastions avait donné naissance à toute une petite industrie artisanale de l’élevage, très profitable, tournée notamment vers la mode, les scientifiques, etc. et portée par des couches populaires parmi les moins éduquées.

    Il y eut alors conjugaison de cette industrie artisanale et la systématisation des expériences. Une date marquante fut 1942, avec la fondation en Grande-Bretagne d’une Conference on the Supply of Experimental Animals (CESA) mise en place par vingt sociétés scientifiques (comme la Société Royale de Médecine, la Société Royale de Médecine tropicale, etc.), afin de « produire » de manière « standardisée » des cochons d’Inde à destination de l’expérimentation.

    Image de l’élevage de cochons d’Inde à destination de l’expérimentation animale à Newchurch en Grande-Bretagne. L’élevage a fermé en 2005 après une campagne de harcèlement de six années.

    Il faut noter que le directeur du comité de la CESA pour renforcer l’expérimentation animale fut le chimiste Alfred Louis Bacharach, devenu surtout nutritionniste. C’était un pianiste émérite et un fervent socialiste, membre de l’Independant Labour Party, travaillant avec le Workin Men’s College du nord de Londres. Il travailla pourtant 36 années pour Glaxo Laboratories et s’inséra totalement dans la vision « expérimentale ».

    De fait, les chiffres sont ici tout à fait édifiants. Il y a en Grande-Bretagne 70 367 expérimentations animales en 1920, 954 691 en 1939 et on dépasse le chiffre de 1,5 million dès 1947. La systématisation du mode de production capitaliste a été la systématisation de l’expérimentation animale.

    On doit considérer qu’à partir des années 1950 et du code de Nuremberg, l’expérimentation animale est une norme. Le discours de refus de l’expérimentation humaine par le tribunal militaire américain ne fut que la validation idéologique de la démarche triomphant dans les pays capitalistes les plus avancés, allant au 24 heures sur 24 du capitalisme.

    On dépasse ainsi en Grande-Bretagne largement les cinq millions d’animaux employés dans les années 1970.

    Le chiffre tombe à 3 millions au milieu des années 1980, notamment en raison de l’immense vague anti-vivisection portée par l’ALF et la BUAV, mais remonte alors que le nombre de marchandises disponibles s’agrandit encore et que les animaux transgéniques sont mis sur le marché à la fin des années 1990. Le chiffre est désormais d’un peu moins de 4 millions d’animaux utilisés chaque année.

    Le site hacké d’un laboratoire d’expérimentation animale en 2015

    On retrouve la même approche dans tous les pays, avec des tendances et des contre-tendances. Il y a davantage ou moins d’animaux selon les opportunités et il n’y a nulle régression du chiffre. Ainsi, le nombre d’animaux employés en France est passé de 1,77 à 1,92 million entre 2014 et 2016, le nombre de primates non-humains passant de 1103 à 3508.

    À l’échelle mondiale, le chiffre tourne autour de 200 millions d’animaux. Environ 11 % de ces animaux (mais 16,7 % en France en 2016) est concerné par les procédures les plus brutales.

    Cela n’empêche pas cette pratique relevant de la torture et du meurtre de chercher à se recouvrir d’un vernis pseudo humaniste littéralement fantasmagorique, tellement les « chercheurs » sont dans le rejet de la dignité du réel.

    Voici ce que peut raconter, très « sérieusement », un directeur de recherche de l’INRA, Louis-Marie Houdebine, spécialiste des animaux transgéniques (la trangenèse animale et ses risques, Courrier de l’INRA n°23) :

    « On oublie trop que avant d’être impliqué dans une expérience ou d’être consommé, l’animal à une vie relativement belle, dans beaucoup de cas, contrairement à une idée reçue. Captif, l’animal n’a en effet ni besoin de chercher sa nourriture, ni de se protéger contre les conditions climatiques et les prédateurs ; il est de plus souvent vacciné contre des maladies mortelles.

    Les animaux de laboratoire comme les animaux d’élevage sont souvent bien traités, ne serait-ce que pour qu’ils puissent remplir convenablement la fonction qu’on attend d’eux. Les animaux, transgéniques ou non, sont du matériel expérimental souvent très coûteux et d’un maniement relativement délicat. Pour ces raisons, les expérimentateurs et les industriels préféreraient la plupart du temps ne pas y avoir recours. »

    Plus loin dans l’article, on lit un argumentaire d’apprenti-sorcier particulièrement fascinant pour son affirmation du principe cartésien de « l’Homme comme maître et possesseur de la nature » :

    « Certains ne peuvent s’empêcher de voir dans les animaux transgéniques des monstres de science-fiction. Il serait bien surprenant qu’il en soit ainsi quand on considère qu’au plus quelques gènes sont ajoutés ou inactivés par la transgenèse.

    Ceci est évidemment bien peu en comparaison des 100 000 gènes que doit contenir le génome d’un mammifère. Il n’est pas inconcevable que la transgenèse conduise un jour à l’obtention d’une nouvelle espèce animale. Qu’est-ce en regard de ce que fait l’évolution depuis le début de la vie sur terre et souvent sans tendresse particulière pour les espèces préexistantes. »

    Cette prétention à contrôler l’évolution, de la rediriger, correspond à la prétention de « l’esprit » à contrôler la « matière ».

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  • L’expérimentation animale: le procès de Nuremberg comme base juridique

    L’expérimentation animale a été définie dans sa forme moderne dans le cadre du fameux procès de Nuremberg où des criminels nazis ont été jugés de 1946 à 1949. En 1946-1947, vingt médecins et trois scientifiques sont passés en procès pour leurs activités sur des êtres humains et à cette occasion, un « code » dit de Nuremberg a été mis en place.

    Cette partie du procès a relevé du seul gouvernement militaire américain.

    Ce code ne concerne pas les animaux directement ; il traite de l’expérimentation sur les êtres humains. Cependant, il valide les expériences sur les humains sur la base préalable d’expériences sur les animaux.

    Extrait d’une vidéo de 1984 montée par l’association PeTA sur la base des enregistrements des chercheurs eux-mêmes de l’université de Pennsylvanie, dérobés par un raid de l’ALF.

    Le piège historique fut le suivant : pour juger les médecins nazis, il faut s’appuyer sur des lois. Ces lois ne peuvent pas être mises en place au moment du procès, car cela ôterait toute validité juridique à la condamnation. On ne peut en effet pas condamner quelqu’un pour des lois non mises en place au moment des crimes. Et comme le droit bourgeois ne reconnaît pas des principes naturels universels, il a été obligé de procéder différemment.

    Il fallait employer des lois préexistantes, qui plus est valables internationalement. Il a donc été pris l’idéologie dominante dans le domaine des expériences et on a protégé les humains… en condamnant au passage les animaux.

    C’est un terrible paradoxe historique : la condamnation des crimes nazis a validé les crimes sur les animaux, par soumission à l’idéologie dominante, par absence d’analyse matérialiste dialectique de ce qu’est l’expérimentation animale.

    Couverture de la revue britannique Arkangel, proche de l’ALF, avec une photo d’un macaque libéré en 1984 par l’Animal Liberation League dans un raid mené contre l’Université Royale des chirurgiens de Grande-Bretagne. Sur son front avait été tatoué « crap » (« merde ») par les « chercheurs ».

    Voici les dix points du code de Nuremberg, points qu’on trouve dans le jugement pénal rendu les 19-20 août 1947 au procès.

    Le texte qui suit ces points s’appuie sur ceux-ci pour dénoncer les médecins nazis ayant mené des expérimentations dans les camps de concentration (« des personnes non qualifiées », des expériences « conduites au hasard » et « sans raison scientifique précise », « dans des conditions matérielles révoltantes », « avec des souffrances et des blessures inutiles », etc.).

    1. Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne concernée doit avoir la capacité légale de consentir ; qu’elle doit être placée en situation d’exercer un libre pouvoir de choix, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes sournoises de contrainte ou de coercition ; et qu’elle doit avoir une connaissance et une compréhension suffisantes de ce que cela implique, de façon à lui permettre de prendre une décision éclairée.

    Ce dernier point demande que, avant d’accepter une décision positive par le sujet d’expérience, il lui soit fait connaître : la nature, la durée, et le but de l’expérience ; les méthodes et moyens par lesquels elle sera conduite ; tous les désagréments et risques qui peuvent être raisonnablement envisagés ; et les conséquences pour sa santé ou sa personne, qui pourraient possiblement advenir du fait de sa participation à l’expérience. L’obligation et la responsabilité d’apprécier la qualité du consentement incombent à chaque personne qui prend l’initiative de, dirige ou travaille à l’expérience. Il s’agit d’une obligation et d’une responsabilité personnelles qui ne peuvent pas être déléguées impunément ;

    2. L’expérience doit être telle qu’elle produise des résultats avantageux pour le bien de la société, impossibles à obtenir par d’autres méthodes ou moyens d’étude, et pas aléatoires ou superflus par nature ;

    3. L’expérience doit être construite et fondée de façon telle sur les résultats de l’expérimentation animale et de la connaissance de l’histoire naturelle de la maladie ou autre problème à l’étude, que les résultats attendus justifient la réalisation de l’expérience ;

    4. L’expérience doit être conduite de façon telle que soient évitées toute souffrance et toute atteinte, physiques et mentales, non nécessaires ;

    5 .Aucune expérience ne doit être conduite lorsqu’il y a une raison a priori de croire que la mort ou des blessures invalidantes surviendront ; sauf, peut-être, dans ces expériences où les médecins expérimentateurs servent aussi de sujets ;

    6. Le niveau des risques devant être pris ne doit jamais excéder celui de l’importance humanitaire du problème que doit résoudre l’expérience ;

    7 .Les dispositions doivent être prises et les moyens fournis pour protéger le sujet d’expérience contre les éventualités, même ténues, de blessure, infirmité ou décès ;

    8. Les expériences ne doivent être pratiquées que par des personnes scientifiquement qualifiées. Le plus haut degré de compétence professionnelle doit être exigé tout au long de l’expérience, de tous ceux qui la dirigent ou y participent ;

    9. Dans le déroulement de l’expérience, le sujet humain doit être libre de mettre un terme à l’expérience s’il a atteint l’état physique ou mental où la continuation de l’expérience lui semble impossible ;

    10. Dans le déroulement de l’expérience, le scientifique qui en a la charge doit être prêt à l’interrompre à tout moment, s’il a été conduit à croire — dans l’exercice de la bonne foi, de la compétence du plus haut niveau et du jugement prudent qui sont requis de lui — qu’une continuation de l’expérience pourrait entraîner des blessures, l’invalidité ou la mort pour le sujet d’expérience.

    En cherchant à protéger les humains, en cherchant à leur éviter la souffrance, celle-ci a été déportée sur les animaux. En posant que « l’expérience doit être construite et fondée de façon telle sur les résultats de l’expérimentation animale », les animaux ont dû prendre eux l’ensemble du principe de « l’expérience ».

    Ce n’était pas seulement une faute morale, c’était également une erreur scientifique, car cela validait la vision empiriste du monde : il n’y aurait plus d’univers comme cadre avec des fondements, mais une quête scientifique de tendances générales au moyen de l’expérience.

    C’est l’empirio-criticisme, l’expérimentalisme critique.

    Beagles libérés par l’ALF en 1990 (82 beagles et 26 lapins lors d’un raid contre Interfauna en Grande-Bretagne)

    L’expérimentation comme vision du monde a ici profité d’un souci moral pour le dévier et se poser comme seule démarche scientifiquement correcte.

    Il faut d’ailleurs noter que le texte est attribué au responsable médical du procès, Leo Alexander, un Autrichien s‘étant réfugié aux États-Unis juste avant la guerre en raison de ses origines juives. Or, Leo Alexander était un psychiatre et un neurologue, fervent partisan de deux démarches criminelles censées résoudre les problèmes psychiatriques d’une personne : l’électroconvulsivothérapie c’est-à-dire les électro-chocs pour provoquer l’équivalent d’une crise d’épilepsie, et le coma insulinique.

    Dans les deux cas, l’idée est de débrancher le corps ou l’esprit pour procéder à une sorte de redémarrage, tout comme on rallumerait un ordinateur ayant vu son système planter.

    L’impérialisme américain portait à ce moment-là de manière violente cette idéologie « expérimentale », la CIA mettant alors même en place les projets de « contrôle mental » MK-Ultra et MKNAOMI, avec des expérimentations clandestines sur le LSD, testant sur des gens à leur insu.

    Il faut vraisemblablement attribuer à cette approche l’affaire dite du pain maudit, en août 1951 à Pont-Saint-Esprit dans le Gard, avec une crise de folie de 300 personnes, alors que l’armée américaine était particulièrement active en France.

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  • L’expérimentation animale : une vision du monde à part entière

    L’expérimentation sur les animaux n’est pas une démarche scientifique en soi ; cela répond à une vision du monde, qui est la même que celle pour les big data. L’idée est de collecter suffisamment de données pour décrire des tendances. Cela sous-tend qu’il n’est pas possible de parvenir à une vision d’ensemble et que la seule vérité atteignable consiste en l’arrachage de bribes de séquences revenant de manière régulière dans un cadre chaotique.

    Pour bien saisir cela, il est possible de comparer à l’opposition entre réalisme et naturalisme. Ce dernier mouvement est en effet contemporain de l’expérimentation animale et s’en revendique. Dans Le roman expérimental, le manifeste théorique du naturalisme, Émile Zola affirme que sa démarche est en littérature la même que celle de Claude Bernard en science.

    Il y a ici un paradoxe par ailleurs marquant car Émile Zola s’est toujours revendiqué favorable à l’amélioration de la condition animale, alors que Claude Bernard, le « prince des vivisecteurs », représente une démarche d’une cruauté sans nom. Il y a ici un aveuglement propre à la bourgeoisie, moraliste encore par certains aspects mais dont l’attrait pour le sensible bascule invariablement dans l’utilitarisme.

    Léon Augustin Lhermitte, La leçon de Claude Bernard

    Pour le naturalisme, pour l’expérimentation animale, il faut essayer : on place quelqu’un dans une condition donnée et on voit ce que cela donne. On en déduit des tendances générales et c’est ce qui serait la science. Les romans d’Émile Zola sont une grande fresque où l’on voit comment les expériences s’accumulent et permettent, hypothétiquement, de déchiffrer des tendances.

    La démarche du réalisme de Balzac est tout à fait différente. Balzac veut une vision d’ensemble ; il part de l’ensemble de la réalité comme un grand tout et il en montre les lois au moyen de caractères types. Les personnages ne relèvent pas d’une expérience, ils sont la simple expression de lois générales.

    Balzac, dans la préface de son roman Cousine Bette, use pareillement de la métaphore médicale, mais suivant une ligne tout à fait différente de celle de Zola ; voici comme il se présente : « je vais rester simple docteur en médecine sociale, le vétérinaire des maux incurables »

    Balzac était un romantique : il constatait le triomphe du capitalisme et de Paris et savait que rien ne pouvait s’y opposer. Il admettait le déterminisme mais dans le sens d’une transformation concrète en cours, il ne plaçait pas arbitrairement ses personnages dans des « situations » comme Zola.

    Le réalisme s’oppose fondamentalement au naturalisme ; le premier reconnaît la dignité du réel, n’isole rien et ne sépare rien du reste, le second isole, sépare, dénature, compartimente artificiellement.

    Britches, un jeune macaque, avait les paupières cousus et un sonar implanté sur son crâne, avant sa libération de l’université de Californie en 1985 par un raid de l’ALF.

    On retrouve là, au fond, l’opposition entre Aristote et Platon. Pour Aristote, le monde est physique et a des lois, des fondements qu’on doit retrouver. Pour Platon, le monde a une base spirituelle et il y a des tendances qui, par ailleurs, comptent peu ou pas pour lui. L’expérimentation animale reprend la démarche idéaliste de Platon d’un monde matériel reflet d’un monde spirituel, monde spirituel utilisant les nombres pour façonner la matière.

    Les expériences permettent de retrouver ces « nombres », en retrouvant les « codes » secrets de la nature. L’expérimentation animale est directement liée à l’idéologie des mathématiques, d’un monde de nombres, sans existence physique, matérielle.

    Il est donc impropre, pour les vivisecteurs, de parler d’un chien sur lequel on expérimente. En effet, le chien est l’expérience elle-même. Par le chien, placé dans une situation donnée, on retrouve des nombres, des données chiffrées, qui permettraient de s’orienter dans les tendances générales existant dans le monde matériel.

    Tout comme le religieux prie avec des textes codifiés censés avoir des propriétés magiques, en résonance avec le monde créé par Dieu, le vivisecteur espère par les expériences retrouver des formules chiffrées des tendances du monde.

    Tout comme le religieux obéit à un cadre façonné par une série de lois, l’expérimentateur veut établir cette série de lois non pas religieusement mais, pense-t-il, scientifiquement, par l’expérience.

    Au fond, la démarche des vivisecteurs doit être qualifiée d’empirio-criticisme, ce qu’on peut résumer par : autant de connaissances que l’expérience en a amenées, mais aucune de plus. Ce serait là un esprit critique et les vivisecteurs, tout comme les scientifiques ayant cette approche, revendiquent haut et fort leur scepticisme.

    Toute affirmation non expérimentale est pour eux « idéologie » et « mysticisme », et dès le début le marxisme a connu une offensive de la part des empirio-criticistes. Il suffit de lire les critiques faites à Friedrich Engels pour s’en apercevoir : la dialectique de la nature serait une lecture non scientifique du monde, il n’y aurait rien de prouvé, etc.

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  • 10 critères + 3 pour caractériser la crise générale du mode de production capitaliste

    Le principe des signes annonciateurs est connu ; la science est très peu avancée à ce niveau, mais on sait qu’il y en a pour les migraines, pour les séismes, pour les accouchements, etc. La raison qui fait que la science souffre en ce domaine est qu’elle s’appuie le principe cause-conséquence et qu’elle ne comprend pas qu’une « conséquence » peut se produire avant sa « cause ».

    Les interrelations dialectiques sont extrêmement nombreuses, leurs rapports sont si puissants qu’il n’est pas possible de saisir les choses de manière linéaire. Il ne s’agit pas d’une ligne droite et ce n’est pas parce que la crise générale du mode de production capitaliste éclate avec le covid-19 que ce qui va avec n’apparaît pas « avant » celle-ci, tout en étant celle-ci.

    Il faut raisonner ici en termes de cascade, de vague, de marée, en ayant en tête que le mouvement commence de manière interne et entraîne ensuite le reste, les différents autres aspects.

    Il est pour cette raison très important de procéder à la recherche des phénomènes relevant de la crise générale du mode de production capitaliste, mais qui se sont produits « avant » son irruption en tant que tel. Ce n’est qu’ainsi qu’on est en mesure de cerner la crise générale.

    Les dix critères dans le cadre de l’Internationale Communiste

    Pour procéder à cela, on peut essayer de distinguer les phénomènes généraux de la (première) crise générale. Eugen Varga, dans La période de déclin du capitalisme, publié en 1922 dans le cadre de l’Internationale Communiste, fournit dix critères, que voici :

    1.L’étalement géographique du mode de production capitaliste se réduit en raison de l’apparition de pays socialistes.

    2. Dans les pays capitalistes il y a des tendances à un retour aux formes économiques pré-capitalistes.

    3. La division internationale du travail se réduit, le caractère relativement unifié de la production au niveau international est ébranlé.

    4. La valeur de la monnaie vacille, la parité-or est remplacée par la planche à billets.

    5. L’accumulation du capital cède la place à une désaccumulation.

    6. La production se réduit.

    7. Le système de crédit s’effondre.

    8. Le niveau de vie des masses chute, en raison de l’inflation, du chômage, etc.

    9. Une lutte aiguë se produit dans les couches dominantes de la bourgeoisie, ce qui se caractérise par une instabilité politique, l’émergence de nouveaux partis, l’incapacité à disposer d’une majorité parlementaire pour le gouvernement, etc.

    10. Le consensus en faveur d’un capitalisme inébranlable commence à disparaître.

    Eugen Varga ne prétendait pas ici dresser une liste exhaustive ; de fait, les dimensions psychologique et culturelle, idéologique et militaire ne sont pas ici soulignés.

    On a cependant une bonne base de comparaison avec la seconde crise générale du mode de production capitaliste.

    Les dix critères dans le contexte de la seconde crise générale

    Regardons quelle est la situation aujourd’hui, en rapport avec ces dix critères.

    1.L’étalement géographique du mode de production capitaliste se réduit en raison de l’apparition de pays socialistes.

    Ce point n’est pas valable aujourd’hui. Cependant, dialectiquement, il montre que la formation de pays socialistes est à l’ordre du jour.

    2. Dans les pays capitalistes il y a des tendances à un retour aux formes économiques pré-capitalistes.

    Cela est tout à fait le cas. Il y a ici trois exemples tout à fait parlant. On a en effet le mouvement des « ZAD », qui est une utopie artisanale-réactionnaire visant à former des villages à la Astérix et Obélix. Ce « zadisme » a eu un écho très puissant en France, en profitant de l’idéologie de Proudhon et de la petite propriété. On doit mettre cela en parallèle avec la multiplication des initiatives de « circuits courts » dans l’agriculture, de l’apparition administrative du régime de micro-entrepreneurs pour les impôts, etc.

    On a également le mouvement des gilets jaunes, qui affirmait l’exigence de « geler » le mode de production capitaliste, tout en exigeant sans en avoir conscience de retourner en arrière. Et de manière encore plus marquée, on a eu le développement de l’État islamique comme utopie coloniale de formation d’une société conforme aux principes de l’époque du prophète musulman Mahomet reflète une tentative de faire tourner la roue de l’histoire en arrière.

    L’influence de l’État islamique a été mondial et accompagne le développement d’un esprit littéral, borné, incapable d’analyse, de complexité, à l’instar de toute musique à part d’un chant monophonique totalement tourné vers la religion. Mais en France il reflète toute une volonté d’aller vivre selon une manière « pré-capitaliste », avec même tout le discours romantique allant avec (à l’arrivée un mariage était organisé, une maison fournie pour le couple ainsi qu’un travail pour les hommes).

    3. La division internationale du travail se réduit, le caractère relativement unifié de la production au niveau international est ébranlé.

    Toute une série de pays semi-féodaux semi-coloniaux ont connu un développement immense de leurs forces productives malgré la nature bureaucratique de leur capitalisme. Des pays comme la Corée du Sud reflètent que le cadre impérialiste enserrant les pays dominés perd toujours plus ses fondements et amène un processus valable toujours plus mondialement. La Corée du Sud a ainsi été en mesure d’affronter la crise sanitaire de manière relativement efficace comparé à la France.

    Il y a ainsi un déclassement de la France et une rupture en cours dans la division internationale du travail.

    La réaction capitaliste française doit être comprise en ce sens. Lorsque les hommes politiques français exigent un retour de la production, une réindustrialisation, la question des masques et des médicaments n’est qu’un prétexte. Il s’agit d’un esprit de repli, en prévision des batailles à venir.

    On a la preuve de cela avec deux phénomènes relevant de la crise générale du mode de production capitaliste, tout en s’étant exprimé avant : le Brexit britannique et l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Le repli national est en cours, cassant l’élan capitaliste allant dans le sens de la mondialisation.

    4. La valeur de la monnaie vacille, la parité-or est remplacée par la planche à billets.

    Il n’existe plus de parité-or en économie, mais effectivement la planche à billets tourne à fond, par l’intermédiaire des banques centrales. Cela demande un aperçu approfondi.

    5. L’accumulation du capital cède la place à une désaccumulation.

    Cette thèse d’Eugen Varga est très mal définie et laisse la place à son révisionnisme, comme au prolongement par Paul Boccara, l’économiste historique du P« C »F. Il serait plus juste de parler de non-accumulation, car sinon on a des monopoles subsistant au moyen d’un capitalisme organisé par l’État et un capitalisme « normal » vivotant à ses côtés mais en perdition.

    De plus, il faut savoir de quel capital on parle. Si la planche à billets fonctionne à plein, on a en apparence un capital investi, mais c’est en réalité une bulle spéculative. Il faut parler plus concrètement d’incapacité du capital à réaliser son auto-expansion, ce qui s’exprime par une surproduction de capital : un vaste capital toujours plus grand, incapable de trouver où se placer.

    L’analyse de ce phénomène est à mener, mais on voit déjà que c’est le cas non seulement depuis mars 2020, mais même avant : les investissements démentiels dans le football sont à eux seuls un exemple de comment le capital cherche à forcer l’ouverture de voies, coûte que coûte. Le transfert du joueur Neymar pour 222 millions d’euros échappe à toute rationalité et ne s’explique que par du capital en surplus, incapable de trouver mieux.

    6. La production se réduit.

    On a ici la surproduction de marchandises. En raison de la crise sanitaire, on n’a pas encore un aperçu précis de cet aspect, mais sa réalité se fait déjà sentir. Il était déjà clair, même avant mars 2020, que le capitalisme se heurtait à une limite, qu’il avait fait le tour de ce qu’il pouvait faire, et que la formation de nouveaux marchés passait par de l’idéalisme largement diffusé (sans gluten et halal dans l’alimentation, produits Apple avec « style » pour les plus aisés, luxe toujours plus décadents, collaborations dans l’habillement pour provoquer une « hype » ainsi qu’au moyen des « drops », etc.).

    7. Le système de crédit s’effondre.

    Il faut être ici subtile : le système de crédit ne s’est pas effondré, en raison d’une intervention généralisée des États. Cela ne fait que repousser le problème, car soit les crédits ne sont pas solvables, soit ils le sont mais la garantie étatique provoque alors une désorganisation structurelle. C’est un sujet complexe à analyser, mais qui sera facile à saisir quand les choses se décanteront avec les bilans comptables, les factures à payer, les échéances retardées refaisant surface, etc.

    8. Le niveau de vie des masses chute, en raison de l’inflation, du chômage, etc.

    Ici encore il faut être subtile, puisque l’État est intervenu pour geler la situation. On a toutefois la même situation. Soit l’État a maintenu artificiellement des entreprises en vie et cela va être un double chaos avec les licenciements plus le coût du maintien artificiel réalisé pour rien, soit l’État a assuré une continuité mais au prix d’une désorganisation et d’une lourde facture.

    9. Une lutte aiguë se produit dans les couches dominantes de la bourgeoisie, ce qui se caractérise par une instabilité politique, l’émergence de nouveaux partis, l’incapacité à disposer d’une majorité parlementaire pour le gouvernement, etc.

    Il ne faut pas se leurrer : les révélations du Canard enchaîné sur les affaires de François Fillon en pleine campagne présidentielle relève de la manipulation, ce qui se lit très bien avec le parti politique d’Emmanuel Macron né du jour au lendemain grâce à d’importantes puissances financières à l’arrière-plan. On a assisté au coup de force de la bourgeoisie moderniste sur la bourgeoisie traditionnelle. Et pourtant, en raison de la crise, le parti d’Emmanuel Macron ne cesse de se fracturer, de se diviser, etc. On n’a pas encore une situation à la belge, pays où l’implosion politique est absolument exemplaire d’une instabilité chronique tout à fait caractéristique de la crise générale. On ne l’aura sans doute jamais non plus, car de par la force de l’impérialisme français, on aura plutôt un coup d’État militaire pour rétablir la centralisation, dans l’esprit néo-gaulliste. Néanmoins, centralisation et déstructuration relèvent d’un seul et même processus dialectique.

    On l’a d’ailleurs bien vu au Royaume-Uni, avec un Brexit sans cesse retardé, avec une incroyable instabilité au sein des partis eux-mêmes, une paralysie gouvernementale. Il en va de même aux États-Unis où les républicains ont vacillé sous l’effet de l’arrivée de Donald Trump et les démocrates avec le développement des forces autour de Bernie Sanders, etc.

    10. Le consensus en faveur d’un capitalisme inébranlable commence à disparaître.

    C’est le point le plus difficile à saisir et cela en raison de la nature du 24 heures sur 24 du capitalisme. D’un côté, l’apparition de moyens de communication de masse de niveau élevé tels que Facebook, Twitter, Tumblr, Instagram… a permis une accélération de l’unification mondiale des masses à l’échelle planétaire, bousculant très largement les conceptions étroitement nationales.

    Les masses s’unifient toujours plus par l’exigence de l’accès universel à une consommation de qualité et au niveau planétaire. Cela s’exprime grandement dans le domaine de l’habillement où la revendication d’avoir à sa disposition de quoi avoir du style est sous-jacent au mode de vie prolétarien, notamment de la jeunesse. On le retrouve également dans le large mouvement vers les meubles (comme avec Ikea), les objets du quotidien en général.

    En fait, l’expérience de l’accès direct à la culture, aux biens culturels, de manière gratuite parfois qui plus est comme au moyen du téléchargement illégal et du streaming, a puissamment fait s’exprimer le besoin du communisme mondial dans les masses, comme partage universel et convivial.

    D’un autre côté, le non-accès aux produits de qualité a imposé une incroyable aliénation aux masses avec une fascination servile pour l’argent facile et le grand luxe, déchirant littéralement les habitudes sociales et défigurant les mœurs. Il est difficile pour les masses de s’extirper de ce puissant rapport dialectique, car elles ne disposent pas de suffisamment d’orientation idéologique, sont corrompues à bien des niveaux et ne profitent pas de luttes de classe assez solides, assez franches.

    Trois autres critères à prendre en compte

    De par le passage de l’idéologie communiste du marxisme-léninisme au marxisme-léninisme-maoïsme, on peut et on doit ajouter cinq autres critères pour caractériser la crise générale. Encore une fois il ne s’agit pas d’être exhaustif, pas plus aujourd’hui qu’en 1922, mais de déterminer des orientations, des rapports internes propres à la crise générale.

    1. L’abandon de toute prétention universaliste caractérise un échec du projet civilisationnel.

    Le mode de production capitaliste n’a plus de projet, plus d’utopie autre qu’individuelle. Toute dimension collective est gommée ; même l’Europe unifiée se présente, comme projet, comme paradis du consommateur.

    Il est évident ici que, dans ce processus d’atomisation générale, l’idéologie « LGBT+ » correspond à un phénomène réactionnaire, expression anticipée de la crise générale du capitalisme. Cette négation de la différence naturelle entre hommes et femmes, au profit d’un « choix », accompagne un processus de définition à la fois totalement individualisée et entièrement identitaire, par l’intermédiaire d’un jeu sur le principe communautaire. L’idéologie LGBT+, appuyée par les grands monopoles d’importance transnationale, a été le fer de lance de cette idéologie de la citoyenneté de type « consommatrice », mais celle-ci ne se résume pas à cela : on a également les religions et tous les communautarismes identitaires particularistes (les bikers, les motards, les cyclistes, les ultras au football, les ethno-différentialistes, etc.).

    Le phénomène est par ailleurs général : en France, le baccalauréat universel a été rejeté au profit d’options « personnalisées » à choisir, l’art contemporain a anéanti tout principe universel de beauté et d’harmonie, de synthèse et de réalisme, etc.

    2. La contradiction villes-campagnes a atteint un stade destructeur.

    On doit faire un parallèle strict entre les gilets jaunes, qui a représenté la France des ronds-points, cette horreur absolue, et le covid-19 comme fruit du conflit villes-campagnes en Chine à Wuhan. Dans tous les pays, la contradiction villes-campagnes devient intenable, les déséquilibres se généralisent et le capitalisme ne parvient pas, au moyen des « écologistes » gestionnaires, à maîtriser quoi que ce soit, ne serait-ce qu’en apparence, à part dans une poignée de pays encore endormis de par le caractère encore peu exprimé de la crise (l’Autriche, la Suède, la Suisse, ces pays de neutralité hypocrite et de médiocrité authentique, de néant consensuel).

    La destruction des Sundarbans au Bangladesh et l’étalement urbain français relèvent d’un seul et même phénomène, relevant de la crise générale ; dans chaque pays, il faut en analyser en détail les modalités, sans quoi aucune intervention révolutionnaire n’est possible.

    3. La tendance à la guerre se généralise.

    Eugen Varga n’a pas placé cet aspect dans sa liste, mais c’était sous-entendu et tout le monde le savait dans l’Internationale Communiste. Il était cependant pensé, en 1922, que la vague révolutionnaire triompherait suffisamment rapidement pour empêcher la guerre impérialiste. À partir de la fin des années 1920, l’Internationale Communiste s’aperçoit que ce ne sera pas le cas et le thème ne devient plus tant la crise générale que son expression par la guerre impérialiste.

    Il faut ici s’appuyer sur la définition de Mao Zedong comme quoi « trois mondes se dessinent » et prendre en compte que les deux principales forces impérialistes, la superpuissance impérialiste américaine et la superpuissance impérialiste en devenir chinoise, forment une contradiction qui consiste en l’aspect principal pour la tendance à la guerre. Celle-ci se développe parallèlement à l’approfondissement de la crise générale et ici des pays comme la Belgique et la France apparaissent comme des maillons faibles de la chaîne impérialiste.

    Une liste qui se fonde sur le primat de la pratique à travers la crise

    Il ne s’agit, encore une fois, pas de considérer comme exhaustive cette liste. Il faut bien saisir que tout phénomène est caractérisé par un faisceau de contradictions, avec des tendances et des contre-tendances, qu’aucun phénomène n’est unilatéral. Décrire un phénomène, c’est malheureusement le poser comme fixe, unilatéral : là est le grand danger. Voilà pourquoi la dignité du réel prime dans l’analyse, qui doit se fonder sur le primat de la pratique, sur l’intervention révolutionnaire au plus haut niveau, celui de l’État, pour avoir un aperçu adéquat, une base réelle.

    Crise est ici le média essentiel comme source d’analyses et comme lieu d’échanges productifs. C’est un point d’appui à toute activité révolutionnaire.

  • Résolution sur le Parti Socialiste d’Égypte au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

    §1. Le rapport des délégués du Parti Socialiste d’Égypte, soumis à la commission, a prouvé que ce Parti représente un sérieux mouvement révolutionnaire, conforme au mouvement général de l’IC.

    §2. La commission considère cependant que l’affiliation du Parti Socialiste d’Égypte doit être ajournée jusqu’à ce qu’il ait:

    1) exclu certains éléments indésirables;

    2) convoqué un Congrès où une tentative sera faite pour unir au Parti Socialiste d’Égypte tous les éléments communistes existant dans ce pays en dehors de lui et où les 21 conditions de l’IC seront acceptées;

    3) changé son nom contre celui de Parti Communiste d’Égypte.

    §3. Le Parti Socialiste d’Égypte est donc invité à convoquer le Congrès dans les buts ci-dessus indiqués le plus tôt possible et au plus tard le 15 janvier 1923.

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur l’Irlande au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

    Le 4e Congrès de l’IC proteste énergiquement contre l’exécution de cinq révolutionnaires nationalistes, qui eut lieu les 17 et 25 novembre, sur l’ordre de l’État Libre d’Irlande.

    Il attire l’attention de tous les travailleurs du monde sur cet acte sauvage qui couronne la terreur féroce sévissant en Irlande.

    Plus de 6,000 personnes qui combattaient courageusement contre l’impérialisme britannique ont déjà été incarcérées; nombre de femmes ont été obligées de faire la grève de la faim en prison, et déjà 1,800 procès ont été intentés au cours des cinq mois de lutte contre cette terreur dont les atrocités dépassent celles des «Black and Tans», des fascistes italiens ou des «Trust Thugs» d’Amérique.

    L’État Libre qui, sans hésiter, a employé l’artillerie et les munitions fournies par les Anglais, les fusils et les bombes, et même des aéroplanes avec des mitrailleuses contre la foule, aussi bien que contre les révolutionnaires, a couronné tous ces forfaits par l’exécution brutale de cinq hommes, simplement parce qu’ils avaient des armes en leur possession.

    Cette exécution est au fond un acte de désespoir, la preuve directe de la faillite de l’État Libre qui fait une dernière tentative pour briser la résistance des masses irlandaises combattant contre l’esclavage que veut leur imposer l’Empire Britannique.

    Les républicains ne peuvent être battus que par un gouvernement terroriste impérialiste qui n’hésite pas à employer les moyens les plus brutaux contre le mouvement ouvrier irlandais, dès que ce dernier cherche à arriver au pouvoir ou à améliorer ses conditions d’existence.

    Il en est indubitablement ainsi en Irlande; en soutenant ces exécutions, la majorité du Labour Party, dirigée par Johnson, a commis la trahison la plus criminelle qu’elle pouvait perpétrer contre la classe ouvrière, et cela au moment où l’organe capitaliste le plus réactionnaire d’Irlande qui, en 1916, réclamait impérieusement le sang de Connolly, s’élève contre cet acte barbare du gouvernement.

    L’IC met en garde la classe ouvrière d’Irlande contre ces trahisons de l’idéal de Connolly et de Larkin, et indique aux travailleurs et paysans irlandais que la seule issue au terrorisme de l’État Libre et à l’oppression impérialiste est dans la lutte organisée et coordonnée, aussi bien dans le domaine politique et industriel que dans le domaine militaire.

    La lutte à main armée, si elle n’est pas renforcée et soutenue par l’action politique et économique aboutira inévitablement à la défaite.

    Pour être victorieuses, les masses doivent être mobilisées contre l’État Libre, ce qui n’est possible que sur la base du programme social du PC d’Irlande.

    L’IC envoie ses salutations fraternelles aux révolutionnaires irlandais luttant pour la libération de leur pays et est persuadée qu’ils s’engageront bientôt dans la seule voie menant à la véritable liberté, la voie du communisme.

    L’IC soutiendra tous les efforts ayant pour but d’organiser la lutte contre cette erreur et d’aider les ouvriers irlandais et les paysans à obtenir la victoire.

    Vive la lutte nationale de l’Irlande pour son indépendance!Vive la République Ouvrière d’Irlande! Vive l’IC!

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur le Parti danois au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

    §1. Le Congrès déclare que le PC actuel du Danemark qui a été formé par la fusion du «EnhatsParti» communiste et d’une fraction de l’ancien Parti, en accord avec les directives du CEIC,et qui a exécuté loyalement toutes les décisions de l’IC, est reconnu comme la seule Section de l’IC au Danemark.

    Seul, son organe central, Arbeiderbladet et les autres journaux reconnus par ce Parti sont à considérer comme journaux communistes du parti.

    §2. Le Congrès demande à toutes les organisations communistes restées en dehors de ce Parti Unifié d’adhérer à ce parti.

    Les organisations et les membres de l’ancien parti, qui au cours des trois mois à venir se déclareront prêts à adhérer au PC Unifié et à exécuter fidèlement toutes les décisions de ce Parti et de son CD, ainsi que celles de l’IC, doivent être admis à ce Parti sans difficulté.

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  • Résolution sur la question yougoslave au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

    Le PC yougoslave a été constitué par les organisations de l’ex-Parti social-démocrate dans les provinces qui forment actuellement la Yougoslavie; sa création a été le résultat de l’exclusion des éléments de droite et du centre et de l’adhésion à l’IC au Congrès de Boukovar en 1920.

    L’essor du PC a été favorisé par l’effervescence révolutionnaire qui avait envahi alors l’Europe centrale (avance de l’armée rouge sur Varsovie, occupation des usines métallurgiques en Italie, grèves spontanées en Yougoslavie). En un temps très court, le Parti devint une grande organisation exerçant une influence considérable sur les masses ouvrières et paysannes.

    Les résultats des élections municipales où le Parti conquit de nombreuses municipalités (entre autres celle de Belgrade) de même que ceux des élections parlementaires, où le Parti conquit 59 sièges, en sont une preuve. Cet essor menaçant du PC provoqua une panique dans les rangs de l’oligarchie militaire et financière, qui engagea une lutte systématique pour anéantir le mouvement communiste.

    Après la répression de la grève générale des cheminots (avril 1920), les conseillers municipaux communistes furent chassés de la municipalité d’Agram par cette oligarchie; la municipalité communiste de Belgrade fut dissoute (août 1920), et le 29 septembre, un décret spécial prononça la dissolution de toutes les organisations communistes et syndicales, ferma tous les organes de la presse communiste et livra les clubs communistes aux social-patriotes.

    Au mois de juin fut promulguée la loi sur la défense de la sûreté de l’État, qui mettait le PC hors la loi et le chassait de ses derniers refuges, le parlement et les municipalités.

    Outre les causes objectives provenant de la situation générale du Parti, l’anéantissement du PC yougoslave doit être en grande partie attribué à sa faiblesse intérieure: son essor extérieur ne correspondait ni au développement, ni à l’homogénéité de l’organisation, ni au niveau de conscience communiste de ses membres.

    Le Parti n’avait pas encore eu le temps d’accomplir son évolution dans la direction du communisme. À l’heure actuelle, il est évident que l’organe directeur du Parti a commis une série de fautes graves dues à sa compréhension erronée des méthodes de lutte dictées par l’Internationale. Ces fautes ont facilité la tâche du gouvernement contre-révolutionnaire.

    Pendant que les masses ouvrières, par des grèves spontanées, montraient leur énergie et leur volonté révolutionnaire, le Parti ne fit preuve que d’une très faible initiative.

    Ainsi en 1920, la police ayant interdit la manifestation du 1emai à Belgrade, le CC n’essaya même pas de soulever les masses pour protester. Il en fut de même l’année suivante. De même, le Parti ne prit aucune mesure pour défendre les conseillers municipaux d’Agram et de Belgrade, chassés de leurs municipalités.

    Sa passivité encouragea le gouvernement et lui donna l’audace d’aller jusqu’au bout. Effectivement, à la fin de décembre, ce dernier profita de la grève des mineurs pour procéder à la dissolution du Parti et des syndicats. Et, même à ce moment critique, ce Parti, qui avait obtenu 59 sièges aux élections parlementaires, n’entreprit aucune action de masse!

    Si le Parti restait passif devant les coups terribles que lui portait la réaction, c’est qu’il manquait d’une base communiste solide. Les vieilles conceptions social-démocrates pesaient encore sur lui. Quoique le Parti eût adhéré à l’IC (ce qui montrait que les masses étaient disposées à la lutte), ses chefs ne se sentaient pas encore à leur aise dans la nouvelle voie.

    Ainsi, ils n’osèrent pas publier les 21 conditions adoptées par le 2e Congrès Mondial, non plus que les thèses sur le parlementarisme révolutionnaire. Et ainsi le Parti et les masses qui le suivaient ignoraient complètement les exigences que l’IC posait aux partis qui désiraient entrer dans son sein.

    Les chefs du Parti ne prirent également aucune mesure sérieuse pour préparer le Parti et les masses à la lutte dans tous les domaines contre la réaction menaçante. Ils concentrèrent toute leur attention sur les victoires électorales du Parti et se gardèrent d’effrayer les éléments petits-bourgeois en leur montrant ce qu’était un PC et quelles étaient ses méthodes de lutte.

    Pendant que l’oligarchie militaire et financière de Belgrade se préparait à une lutte décisive, impitoyable et furieuse contre le mouvement révolutionnaire ouvrier, le CC du PC yougoslave, consacrait toute son attention et toutes ses forces à des questions secondaires, telles que le parlementarisme, et laissait le Parti inorganisé et exposé à tous les coups. Ce fut là l’erreur fondamentale.

    Le Parti yougoslave s’est montré complètement impuissant et incapable de se défendre contre la terreur blanche. Il ne possédait pas d’organisations clandestines lui permettant d’agir dans les nouvelles conditions et de se maintenir en liaison avec les masses.

    Jusqu’à la dissolution du groupe parlementaire, les députés communistes avaient été le seul lien entre le centre et les provinces. Ce lien fut rompu par la dissolution du groupe parlementaire.

    L’arrestation des principaux chefs, au centre et dans la province, décapita le mouvement. Par suite, le Parti cessa presque d’exister. Le même sort atteignit les organisations locales qui se virent abandonnées des ouvriers livrés à eux-mêmes. Les social-démocrates, avec l’aide de la police, essayèrent de profiter de la situation, mais sans grand succès.

    Sous le régime de la terreur, l’organe central du Parti fixa petit à petit de nouvelles formes d’organisation et de nouvelles méthodes de lutte dictées par les nouvelles conditions.

    Il resta longtemps passif dans l’attente que la terreur cesserait d’elle-même, sans une intervention active des masses prolétariennes. Il comptait presque exclusivement sur les dissensions intestines éventuelles entre les classes et les partis dirigeants.

    Ce n’est que lorsque expira l’espoir de l’amnistie attendue pour les communistes condamnés, que le CC commença à se réorganiser, afin de rappeler le Parti à la vie. Ce n’est qu’en juillet 1922 que fut tenue la première séance plénière élargie du CC à Vienne.

    La Conférence de Vienne mérite d’être saluée comme le premier essai de restauration du Parti, malgré les défauts de sa composition et son attitude envers les statuts du Parti.

    Les conditions dans lesquelles se trouvait alors le pays, les changements survenus dans la composition du Parti à la suite des arrestations de ses membres, de la trahison de quelques autres et surtout de sa passivité d’un an et demi, ne permettaient pas d’escompter à cette Conférence une représentation véritable du Parti.

    C’est pourquoi le CEIC agit sagement en reconnaissant comme représentation suffisamment autorisée du Parti yougoslave le groupe des délégués de la Conférence de Vienne dont il confirma les résolutions, en y introduisant toutefois quelques changements parfaitement justifiés sur la composition du nouveau CC.

    C’est pourquoi la tentative de quelques camarades yougoslaves de faire échouer la Conférence en refusant d’y prendre part doit être, malgré la loyauté des intentions de ces camarades, considérée comme nuisible aux intérêts du Parti et, par suite, condamnable.

    Les résolutions de la Conférence de Vienne sur la situation générale en Yougoslavie et les tâches prochaines du PC, sur le mouvement professionnel, la réorganisation du Parti, et la résolution de la 3e Conférence de la Fédération Communiste des Balkans, confirmées sans réserve par le CEIC, ne provoquèrent aucun désaccord essentiel entre les représentants de la majorité et de la minorité de la Conférence.

    Cette unanimité dans les questions essentielles, au moment actuel, est une preuve convaincante qu’il n’y a aucune raison de diviser le Parti yougoslave en fractions sous le nom de majorité et de minorité, et que la scission survenue à la Conférence de Vienne entre les groupes dirigeants fut exclusivement provoqués par des raisons personnelles.

    Au moment de sa renaissance, le Parti yougoslave doit être considéré comme un tout ayant une unité intérieure parfaite. Cette unité doit être sauvegardée dans l’avenir.

    En face de la furieuse réaction capitaliste et social-démocrate, rien ne peut être plus nuisible au Parti et au mouvement révolutionnaire yougoslave que le fractionnement.

    C’est pourquoi il est du devoir du nouveau CC yougoslave de faire tout ce qui dépend de lui pour prendre les mesures nécessaires propres à apaiser les esprits à l’intérieur du Parti, à dissiper les méfiances personnelles, à restaurer la confiance mutuelle des membres du Parti et à rallier tous les militants restés à leur poste et exposés aux rigueurs de la contre-révolution.

    À cet effet il est nécessaire, d’une part, de réaliser les décisions de la Conférence de Vienne en ce qui concerne l’épuration du Parti de ses éléments indignes; d’autre part, de confier des travaux importants aux militants de la minorité de la Conférence de Vienne.

    Sous ce rapport, la Fédération Communiste des Balkans peut être d’une aide précieuse; mais pour cela, il est nécessaire d’entrer en liaison avec elle et, à l’exemple des autres PC des Balkans, d’envoyer immédiatement un représentant au Comité Exécutif de la Fédération des Balkans.

    L’IC doit aider effectivement au relèvement du Parti yougoslave. Le CEIC doit, plus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent, se tenir en liaison étroite avec le CC du Parti yougoslave.

    Mais l’avenir du Parti est surtout entre les mains des militants actifs, politiquement et moralement sains. C’est sur eux que compte l’IC et c’est à eux qu’elle s’adresse.

    Riches de la dure expérience d’un passé récent, bien organisés, unis dans le même idéal, animés d’une foi ardente dans le triomphe de la révolution mondiale, ces militants sauront réunir et grouper derrière eux les éléments prolétariens dispersés et restés sans chef, organiser et fortifier le secteur yougoslave de la Fédération Communiste des Balkans.

    Le Congrès charge le CEIC de prendre toutes les mesures d’organisation nécessitées par les circonstances.

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  • Résolution sur l’Espagne au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

    §1. Le PC d’Espagne qui, à la séance du CEIC élargi de février, vota avec la France et l’Italie contre la tactique du front unique, ne tarda pas à reconnaître son erreur et, dès le mois de mai, à l’occasion de la grande grève des aciéries, il expliqua, non par discipline formelle mais avec compréhension, conviction et intelligence, la tactique du front unique.

    Cette action prouva à la classe ouvrière espagnole que le Parti est prêt à la lutte pour ses revendications quotidiennes et capable d’y entraîner la classe ouvrière en se plaçant à l’avant-garde du combat.

    En persévérant dans cette voie, en saisissant toutes les possibilités d’action pour y convier l’ensemble des organisations ouvrières et pour y entraîner et y conduire le prolétariat, le PC d’Espagne gagnera la confiance des masses et remplira sa mission historique en unifiant leur effort révolutionnaire.

    §2. Le 4e Congrès Mondial est heureux de constater que la crise d’indiscipline qui avait miné le Parti au début de l’année s’est heureusement terminée par un renforcement de la discipline intérieure du Parti. Il engage le Parti à persévérer ainsi dans cette voie et il invite la Jeunesse, en particulier, à participer de toutes ses forces à ce renforcement de la discipline intérieure.

    §3. La caractéristique du mouvement ouvrier espagnol est actuellement une décomposition de l’idéologie et du mouvement syndicaliste-anarchiste.

    Ce mouvement qui, il y a quelques années, avait réussi à grouper et à entraîner de larges masses ouvrières, a déçu leurs espoirs et leur volonté révolutionnaire en employant non pas la tactique marxiste et communiste de l’action de masses et de l’organisation centralisée de la lutte, mais la tactique anarchiste de l’action individuelle, du terrorisme et du fédéralisme, c’est-à-dire de l’émiettement de l’action.

    Aujourd’hui, les masses ouvrières déçues s’en vont et les chefs qui les ont ainsi égarées glissent rapidement vers le réformisme.

    Une des tâches principales du PC est de gagner et d’éduquer les masses ouvrières déçues et d’attirer les éléments anarcho-syndicalistes qui se rendent compte de l’erreur de leur doctrine en dénonçant le néo-réformisme des chefs syndicalistes.

    Mais dans cet effort pour conquérir la confiance des éléments anarcho-syndicalistes, le PC doit éviter de faire à leur idéologie, condamnée par l’expérience même du prolétariat espagnol, des concessions de principe et de tactique. Il doit combattre et condamner dans ses rangs les tendances qui voudraient, sur ce point et dans le but de gagner les syndicalistes plus rapidement, entraîner le Parti dons la voie des concessions.

    Il est préférable que l’assimilation des éléments syndicalistes se fasse plus lentement, mais que ces éléments soient vraiment gagnés à la cause communiste, plutôt que gagnés rapidement au prix d’une déviation du Parti qui préparerait à ce dernier, pour un avenir prochain, des crises nouvelles et pénibles.

    Le Parti espagnol en particulier mettra en lumière et fera comprendre aux anarcho-syndicalistes la tactique révolutionnaire du parlementarisme, telle que le 2e Congrès Mondial l’a définie.

    Pour le PC, l’action électorale est un moyen de propagande et de lutte des masses ouvrières, non un refuge pour les carriéristes réformistes ou petits-bourgeois. Une application répétée de la tactique du front unique gagnera la confiance des masses encore sous l’influence de l’idéologie anarcho-syndicaliste et leur prouvera que le PC est une organisation politique de combat révolutionnaire du prolétariat.

    §4. Le mouvement syndical espagnol doit attirer plus particulièrement l’attention et l’effort de notre Parti. Le PC doit entreprendre une propagande intense et méthodique dans toutes les organisations syndicales, pour l’unité du mouvement syndical en Espagne.

    Pour mener à bien cette action, il doit s’appuyer sur un réseau de noyaux communistes dans tous les syndicats appartenant à la Confédération Nationale et à l’Union Générale et dans tous les syndicats autonomes.

    Il doit donc repousser et combattre toute idée ou tendance préconisant la sortie des syndicats réformistes. Si des syndicats ou des groupes communistes sont exclus des syndicats réformistes, les communistes doivent éviter de combler les vœux des scissionnistes d’Amsterdam en sortant par solidarité. Au contraire, ils doivent manifester leur solidarité avec les exclus en restant au sein de l’UGT et en y combattant énergiquement pour la réintégration des exclus.

    Si, malgré des efforts soutenus, des syndicats et des groupes restent exclus, le PC doit les engager à adhérer à la CNT Les communistes adhérant à la CNT doivent y constituer leurs noyaux liés à la Commission syndicale du Parti.

    Ils collaboreront sans doute en toute amitié avec les syndicalistes partisans de l’ISR et n’appartenant pas au Parti. Mais ils conserveront leur organisation propre, n’abdiqueront pas leur point de vue communiste, et discuteront fraternellement avec les syndicalistes les questions sur lesquelles peuvent exister des désaccords.

    Pour mener à bien la lutte pour l’unité syndicale, le PC créera un Comité mixte pour l’unité du mouvement syndicale espagnol qui sera à la fois un centre de propagande et un centre de ralliement pour les syndicats autonomes qui adhèrent au principe de l’unité.

    Le Parti s’attachera à faire comprendre aux masses ouvrières d’Espagne que seules les ambitions et les intérêts de clocher des chefs syndicaux réformistes ou anarcho-réformistes, s’opposent à l’unité syndicale qui est au plus haut point d’un intérêt vital et nécessaire à la classe ouvrière pour son émancipation complète du joug du capitalisme.

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur la question norvégienne au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

    Après avoir pris connaissance du rapport de la Commission, le Congrès décide:

    §1. Le CC du Parti frère de Norvège doit accorder toute son attention à la nécessité d’appliquer avec plus de précision toutes les décisions de l’Internationale, aussi bien celles de ses Congrès que celles de ses organes exécutifs.

    Dans les organes du Parti, ainsi que dans les résolutions et décisions des instances dirigeantes du Parti, il ne doit y avoir aucun doute sur le droit de l’IC à intervenir dans les affaires intérieures des Sections nationales.

    §2. Le Congrès exige que le Parti soit, un an au plus tard après son prochain Congrès national, réorganisé sur la base de l’admission individuelle. Le CEIC devra être informé périodiquement, et au moins une fois tous les deux mois, des mesures pratiques dans ce sens et de leurs résultats.

    §3. Pour ce qui est du contenu de la presse, le Parti est obligé d’appliquer immédiatement les décisions des précédents Congrès mondiaux et les directives contenues dans la lettre du CEIC en date du 23 septembre dernier. Les noms social-démocrates des journaux du Parti doivent être changés dans les trois mois, à compter du jour de la clôture du Congrès de l’IC.

    §4. Le Congrès confirme la justesse du point de vue du CEIC qui a signalé les fautes parlementaires des représentants du Parti. Le Congrès est d’avis que les parlementaires communistes doivent naturellement être soumis au contrôle et à la critique de sa presse; mais cette critique doit toujours être basée sur des faits et porter un caractère amical.

    §5. Le Congrès considère qu’il est permis et nécessaire dans la lutte contre toute la bourgeoisie de profiter des antagonismes entre les différentes couches de la bourgeoisie norvégienne et plus particulièrement des antagonismes entre le grand capital et les agrariens d’un part, et la classe paysanne de l’autre. La lutte pour la conquête des masses paysannes doit constituer une des tâches essentielles du Parti prolétarien de Norvège.

    §6. Le Congrès confirme une fois de plus la nécessité pour la fraction parlementaire, ainsi que pour les organes de la presse du Parti, d’une subordination constante et sans réserve au CC du Parti.

    §7. Le groupe «Mot Dag», qui est une association fermée, est dissout. L’existence et le maintien d’un groupe d’étudiants communistes ouvert à tous les étudiants communistes est naturellement parfaitement admissible, sous le contrôle entier de la direction centrale.

    Le périodique Mot Dag devient organe du Parti, à la condition que la composition de sa rédaction soit déterminée par le CC du Parti Ouvrier Norvégien, d’accord avec le CEIC.

    §8. Le Congrès donne suite à l’appel interjeté par le camarade H. Olsen, et comme il s’agit là d’un vieux et fidèle camarade du Parti ouvrier et fonctionnaire toujours très actif de ceParti, le Congrès le réintègre dans tous ses droits de membre du Parti, mais constate en même temps, expressément, l’incorrection de son attitude au Congrès de l’Union des Métaux.

    §9. Le Congrès décide d’exclure Karl Johannsen des rangs de l’IC et du Parti Ouvrier Norvégien.

    §10. Dans le but d’établir une meilleure liaison entre le Parti norvégien et le CEIC et de résoudre avec le moins de frottements possibles les conflits, le Congrès charge le futur Exécutif d’envoyer des délégués au prochain Congrès du Parti.

    §11. Le Congrès charge le CEIC de rédiger une lettre éclaircissant la présente résolution.

    §12. Cette résolution ainsi que la lettre du CEIC devront être publiées dans tous les organes de la presse du Parti et portées à la connaissance de toutes les organisations du Parti avant les élections des représentants au prochain Congrès National.

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur la question tchécoslovaque au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

    §1. L’opposition. — L’exclusion des camarades Iilek, Bolen, etc., fut le résultat des violations répétées de la discipline dont ces camarades se sont rendus coupables dans le Parti.

    Après que leur représentant, le camarade Iilek, de même que celui de la direction du Parti, le camarade Sméral, eurent donné à Moscou leur assentiment à une résolution qui constatait qu’il n’y avait aucune divergence fondamentale dans le PC Tchécoslovaque et qui, en même temps, critiquait le manque de pratique dans un certain nombre de questions, il était du devoir de tous les camarades qui reconnaissaient ce manque de pratique de se mettre à l’œuvre afin de le combler.

    Au contraire, l’opposition exigea l’existence d’un organe de fraction, Kommunista, se mettant ainsi en contradiction avec la résolution du 3e Congrès interdisant la formation de fractions.

    Quelques jours avant la réunion de la Commission de la Conférence du Parti, l’opposition accomplit une franche violation de la discipline en lançant, malgré l’avertissement de la Direction, un appel qui soutenait les plus graves accusations contre le CD.

    Par le refus de retirer ces accusations, l’opposition a particulièrement irrité la Commission et la Conférence du Parti et provoqué par là son exclusion. Devant l’Internationale tout entière, l’opposition a lancé une accusation contre la majorité et contre Sméral, en disant qu’ils travaillaient pour une coalition gouvernementale avec les éléments de gauche de la bourgeoisie.

    Cette accusation est en contradiction avec l’action publique du Parti et doit être reconnue comme étant absolument injustifiée. Dans le programme de l’opposition, tel qu’il a été exprimé par Vajtauer, il y a des réclamations d’un caractère syndicaliste et anarchiste qui ne sont pas des conceptions marxistes.

    Le fait que l’opposition se solidarise avec ce programme prouve que dans les questions fondamentales elle ne représente qu’une déviation anarchiste-syndicaliste des principes de l’IC. Cependant, le 4e Congrès, estimant inopportune l’exclusion de l’opposition, réintègre cette dernière avec un blâme et une suspension de toutes fonctions jusqu’au prochain Congrès du PC tchécoslovaque.

    La décision du Congrès de ne pas confirmer, pour cause d’inopportunité, l’exclusion de l’opposition ne doit pas être interprétée comme une approbation de la ligne de conduite et du programme de l’opposition.

    Cette décision est dictée par les considérations suivantes : la Direction du Parti a négligé d’expliquer auparavant à l’opposition que la formation d’un organe de fraction est inadmissible, et c’est pourquoi l’opposition se croyait en droit de lutter pour l’existence d’un tel organe.

    La Direction du Parti a laissé s’accomplir toute une série d’actes d’indiscipline et a affaibli de la sorte le sentiment de la nécessité de la discipline et de la responsabilité chez l’opposition. Le 4e Congrès laisse les camarades exclus dans le Parti, si l’opposition reconnaît la nécessité de remplir strictement ses obligations, si elle se soumet sans récriminer à la discipline du Parti.

    Cette soumission à la discipline oblige l’opposition à renoncer aux affirmations et aux accusations qui sapent l’unité du Parti et qui ont été reconnues sans fondement et fausses par les recherches de la Commission.

    Elle l’oblige à obéir à tous les ordres du CD. Quand un camarade se considère comme lésé dans ses droits, il n’a qu’à s’adresser aux organismes compétents du Parti (CEIC, Conférence Nationale) et, en dernière instance, aux organes de contrôle de l’IC. Jusqu’à la décision de la plus haute instance, chacun doit se soumettre à la décision de l’organisation du Parti.

    §2. La presse. — La presse doit être uniquement dirigée par le CD du Parti. Il est inadmissible que l’organe central du Parti se permette, non seulement de mener une politique particulière, mais encore de considérer cela comme son droit.

    Même quand la rédaction pense que la Direction responsable a commis une faute dans un cas concret, il est de son devoir de se soumettre à la décision dont il s’agit. La fonction de rédacteur ne constitue pas une sur-instance, mais comme toutes les fonctions du Parti, elle est subordonnée au CD.

    Cela ne veut pas dire que les rédacteurs n’aient pas le droit d’exprimer les nuances de leur pensée dans les articles de polémique signés de leurs noms. Les discussions sur les affaires du Parti doivent être faites dans la presse commune du Parti.

    Elles ne doivent pas cependant être faites d’une façon qui pourrait mettre en danger la discipline. Le CD et toutes les organisations du Parti doivent préparer leurs actions par une discussion à l’intérieur des organisations.

    §3. —Les défauts du Parti. Le 4e Congrès confirme les thèses du CEIC élargi de juillet, qui avait indiqué les défauts du PC tchécoslovaque et qui déclarait qu’ils provenaient de la transition du Parti du social-démocratisme au communisme.

    Le fait que ces défauts ont été reconnus aussi bien par le CD que par l’opposition leur crée le devoir de travailler ardemment à les corriger.

    Le Congrès affirme que le Parti avance trop lentement dans la suppression de ces défauts; ainsi le Parti a insuffisamment songé à la propagation des idées communistes parmi les soldats tchèques, quoique sa légalité et le fait que les soldats tchèques ont le droit de voter le lui permettaient.

    Le 4e Congrès exige du PC tchécoslovaque de se consacrer plus qu’il ne l’a fait jusqu’ici à la question du chômage.

    Vu l’extension du chômage et la situation précaire des chômeurs, le PC tchécoslovaque a le devoir de ne pas se contenter de telle ou telle démonstration, mais de mener une agitation systématique et une action démonstrative méthodique parmi les chômeurs de tout le pays.

    Il a le devoir de lutter de la façon la plus énergique pour les intérêts des chômeurs, tant au Parlement que dans les conseils communaux, d’accorder l’action parlementaire avec l’action des syndicats dans la rue.

    L’action parlementaire doit avoir un caractère beaucoup plus démonstratif, elle doit présenter aux masses, sous une forme nette, l’attitude du PC devant la politique de la classe dominante et leur donner la volonté de conquérir le pouvoir dans l’État.

    Vu les grandes luttes économiques qui ont lieu en Tchécoslovaquie et qui peuvent chaque jour se transformer en une lutte politique, le CD doit être réorganisé de façon à pouvoir rapidement et résolument prendre position sur chaque question. Les organisations et les membres du Parti doivent, sans hésitation, maintenir la discipline.

    Les questions du front unique etdu gouvernement ouvrier ont été heureusement résolues par le Parti. La Direction du Parti a, avec raison, repoussé quelques erreurs, comme par exemple la conception du camarade Votava tendant, à propos du gouvernement ouvrier, à la création d’une combinaison purement parlementaire.

    Le Parti doit savoir qu’un gouvernement ouvrier n’est possible que si l’on réussit, par une large et énergique agitation des masses d’ouvriers social-nationalistes, social-démocrates et indifférents, à convaincre ces derniers de la nécessité d’une rupture avec la bourgeoisie, à séparer de celle-ci une partie des paysans et de la petite bourgeoisie des villes qui souffrent de la cherté de la vie, et à les enrôler dans les rangs du front anticapitaliste; dans ce but, le Parti doit s’immiscer dans chaque conflit par des démarches décisives pour l’élargissement des conflits, chaque fois que c’est possible, afin d’inculquer aux masses le sentiment que le PC tchécoslovaque est un centre d’attraction vers le front unique de tous les éléments anticapitalistes.

    Pour que le gouvernement ouvrier puisse se former et se maintenir, le Parti doit concentrer toutes ses forces et réunir en de puissants syndicats les ouvriers exclus des syndicats d’Amsterdam.

    Il doit, tout au moins, recruter une partie des ouvriers et des paysans pour la défense des intérêts de la classe ouvrière. De cette façon on évitera la naissance du fascisme qui prépare la vie à l’oppression de la classe ouvrière par la violence armée de la bourgeoisie.

    C’est pourquoi la propagande et la lutte pour le gouvernement ouvrier doivent toujours être liées avec la propagande et la lutte pour les organes de masses du prolétariat (comités de défense, comités de contrôle, conseils d’entreprises).

    Il est également nécessaire de dérouler devant les yeux des ouvriers le programme du gouvernement ouvrier (report des charges de l’État sur les propriétaires, contrôle de la production par les organes ouvriers, armement du prolétariat).

    Il est nécessaire de montrer aux ouvriers la différence entre la coalition social-démocrate bourgeoise et le gouvernement ouvrier basé sur les organes du prolétariat.

    Tous les membres du Parti ont à collaborer à cette œuvre. Ce n’est pas la propagation de fausses accusations et la méfiance contre les chefs du Parti, mais c’est une critique impartiale de leurs défauts, un travail quotidien et positif pour les corriger, qui feront du Parti un véritable PC apte à accomplir les tâches que les événements de Tchécoslovaquie poseront devant lui.

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur la question italienne au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

    Les 2e et 3e Congrès de l’IC se sont déjà occupés en détail de la question italienne. Le 4e Congrès est donc en mesure de tirer certaines conclusions. Vers la fin de la guerre impérialiste mondiale, la situation en Italie était objectivement révolutionnaire.

    La bourgeoisie avait lâché les rênes du pouvoir. L’appareil de l’État bourgeois était détraqué, l’inquiétude s’était emparée de la classe dominante. Les masses ouvrières étaient lasses de la guerre et dans diverses régions se trouvaient même en état d’insurrection.

    Des fractions considérables de la classe paysanne commençaient à se soulever contre les propriétaires fonciers et contre l’État et étaient disposées à soutenir la classe ouvrière dans sa lutte révolutionnaire. Les soldats étaient contre la guerre et prêts à fraterniser avec les ouvriers.

    Les conditions objectives d’une révolution victorieuse étaient réalisées. Il ne manquait plus que le facteur subjectif;il manquait un Parti ouvrier décidé, prêt au combat, conscient de sa force, révolutionnaire, en un mot: un véritable PC.

    D’une façon générale, à la fin de la guerre, une situation analogue existait dans presque tous les pays belligérants.

    Si la classe ouvrière n’a pas triomphé en 1919-20 dans les pays les plus importants, cela provient précisément de l’absence d’un Parti ouvrier révolutionnaire. C’est ce qui s’est manifesté plus particulièrement en Italie, pays qui était le plus rapproché de la révolution et qui traverse actuellement une période de contre-révolution. L’occupation des usines par les ouvriers italiens, en automne 1920, a constitué un moment décisif dans le développement de la lutte des classes en Italie.

    Instinctivement, les ouvriers italiens poussaient à la solution de la crise dans un sens révolutionnaire. Mais l’absence d’un Parti ouvrier révolutionnaire décida du sort de la classe ouvrière, consacra sa défaite et prépara le triomphe actuel du fascisme.

    La classe ouvrière n’a pas su trouver suffisamment de forces, au point culminant de son mouvement, pour s’emparer du pouvoir; voilà pourquoi la bourgeoisie, en la personne du fascisme, son aile la plus énergique, réussit bientôt à faire mordre la poussière à la classe ouvrière et à établir sa dictature.

    Nulle part, la preuve de la grandeur du rôle historique d’un PC pour la révolution mondiale n’a été fournie d’une façon plus nette que dans ce pays, où précisément, faute d’un tel parti, le cours des événements a pris une tournure favorable à la bourgeoisie.

    Non pas qu’il n’y ait pas eu en Italie, pendant ces années décisives, de Parti ouvrier: le vieux Parti Socialiste était considérable par le nombre de ses membres et jouissait, extérieurement du moins, d’une grande influence. Mais il abritait dans son sein des éléments réformistes qui le paralysaient à chaque pas.

    Malgré la première scission qui avait eu lieu en 1912 (exclusion de l’extrême-droite) et en 1914 (exclusion des Francs-Maçons), il restait encore dans le Parti Socialiste Italien, en 1919-20, un grand nombre de réformistes et de centristes.

    À tous les moments décisifs, les réformistes et les centristes étaient comme un boulet aux pieds du Parti. Nulle part ils n’étaient autre chose que des agents de la bourgeoisie dans le camp de la classe ouvrière. Aucun moyen ne fut négligé pour trahir la classe ouvrière au profit de la bourgeoisie.

    Des trahisons analogues à celles qui furent commises par les réformistes pendant l’occupation des usines en 1920 se rencontrent fréquemment dans l’histoire du réformisme, qui n’est qu’une chaîne ininterrompue de trahisons. Les souffrances effroyables de la classe ouvrière italienne sont dues en première ligne aux trahisons des réformistes.

    Si la classe ouvrière italienne est obligée en ce moment de reprendre, pour ainsi dire, par le commencement, un chemin terriblement dur à parcourir, c’est parce que les réformistes ont été trop longtemps tolérés dans le Parti Italien.

    Au début de 1921 se produisit la rupture de la majorité du Parti Socialiste avec l’IC à Livourne, le centre préféra se séparer de l’IC et de 58,000 communistes italiens, simplement pour ne pas rompre avec 16,000 réformistes.

    Deux partis se constituèrent: d’une part, le jeune PC qui, en dépit de tout son courage et de tout son dévouement, était trop faible pour mener la classe ouvrière à la victoire; d’autre part, le vieux Parti Socialiste dans lequel, après Livourne, l’influence corruptrice des réformistes alla grandissante. La classe ouvrière était divisée et sans ressources. Avec l’aide des réformistes, la bourgeoisie consolida ses positions.

    C’est alors seulement que commença l’offensive du capital dans le domaine tant économique que politique.

    Il fallut presque deux années entières de trahison ininterrompue de la part des réformistes pour que même les chefs du centre, sous la pression des masses, reconnaissent leurs erreurs et se proclament prêts à en tirer les conséquences.

    Ce n’est qu’au Congrès de Rome, en octobre 1922, que les réformistes furent exclus du Parti Socialiste. On en était arrivé au point que les chefs les plus en vue des réformistes pouvaient se vanter ouvertement d’avoir réussi à saboter la révolution en restant dans le Parti Socialiste Italien et en paralysant son action aux heures décisives.

    Les réformistes ont maintenant quitté les rangs du Parti Socialiste Italien et sont passés ouvertement dans le camp de la bourgeoisie.

    Ils ont cependant laissé dans les masses un sentiment de faiblesse, d’humiliation et de déception et affaibli considérablement, numériquement et politiquement, le Parti Socialiste.

    Cette triste, mais très édifiante leçon des événements d’Italie doit profiter à tous les ouvriers conscients du monde entier.

    1) Le réformiste: voilà l’ennemi.

    2) Les hésitations des centristes constituent un danger mortel pour un Parti ouvrier.

    3) La condition la plus importante de la victoire du prolétariat, c’est l’existence d’un PC conscient et homogène. Tels sont les enseignements de la tragédie italienne. En considération de la décision par laquelle le Congrès du Parti Socialiste Italien à Rome (octobre 1922) exclut les réformistes du Parti et se déclare prêt à adhérer sans réserves à l’IC, le 4e Congrès de l’IC décide:

    §1. La situation générale en Italie, surtout après la victoire de la réaction fasciste, exige impérieusement la fusion rapide de toutes les forces révolutionnaire du prolétariat. Les ouvriers italiens reprendront courage s’ils voient se produire, après les défaites et les scissions, une nouvelle concentration de toutes les forces révolutionnaires.

    §2. L’IC adresse au prolétariat italien, si lourdement éprouvé, ses salutations fraternelles. Elle est parfaitement convaincue de la sincérité des éléments prolétariens du Parti Socialiste Italien et décide de recevoir ce Parti dans l’IC

    §3. Le 4e Congrès Mondial considère l’application des 21 conditions comme une chose hors de toute discussion. Il charge donc le CEIC, en raison des précédents italiens, de veiller avec un soin particulier à l’application de ces conditions, avec toutes les conséquences qui en résultent.

    §4. Vu qu’au Congrès du Parti de Rome, le député Vella s’est déclaré contre l’acceptation des 21 conditions, le 4e Congrès estime impossible d’accepter Vella et ses partisans dans l’IC et invite le CD du Parti Socialiste Italien à exclure du Parti Vella et ses partisans.

    §5. Attendu qu’en vertu des statuts de l’IC, il ne saurait y avoir dans un pays plus d’une Section de l’IC, le 4e Congrès Mondial décide la fusion immédiate du PC et du Parti Socialiste italien. Le Parti unifié portera le nom de «PC Unifié d’Italie (Section de l’IC)».

    §6. Pour la réalisation pratique de cette fusion, le 4e Congrès désigne un Comité spécial d’organisation, composé de deux membres de chaque parti, comité qui fonctionnera sous la présidence d’un membre du CEIC. Sont élus à ce Comité d’organisation: pour le PC, les camarades Bordiga et Tasca;pour le Parti Socialiste, Serrati et Maffi; pour le CEIC, Zinoviev (avec le droit pour le CEIC de remplacer, en cas de besoin, Zinoviev par un autre membre du CEIC, de même que les quatre autres membres du Comité). Ce Comité devra élaborer dès à présent, à Moscou, les conditions détaillées de la fusion en Italie. Il est subordonné dans tout son travail au CEIC.

    §7. Dans les diverses régions et dans les grandes villes, des comités d’organisation analogues seront également constitués et seront composés de deux membres du PC (un de la majorité, un de la minorité), deux camarades du Parti Socialiste (un des maximalistes, un des terzinternazionalistes), le président étant nommé par le représentant du CEIC.

    §8. Ces comités d’organisation ont pour tâche, non seulement de préparer, au centre et dans la périphérie, la fusion organique, mais aussi de diriger désormais les actions politiques communes des deux partis.

    §9. En outre, un Comité Syndical sera immédiatement constitué et aura pour tâche de flétrir, à la Confederazione del Lavoro, la trahison des hommes d’Amsterdam et de gagner la majorité de l’organisation à l’ISR. Ce Comité sera également composé de deux représentants de chaque Parti (un de la majorité, un de la minorité du PC; un des maximalistes et un des terzinternazionalistes), sous la présidence d’un camarade désigné par le CEIC ou par son Présidium.

    §10. Dans les villes où existe un journal communiste et un journal socialiste, ils devront fusionner au plus tard le 1ejanvier 1923. Le 1ejanvier 1923 au plus tard, un organe central commun devra commencer à paraître. La rédaction de cet organe central sera désignée par le CEIC pour l’année prochaine.

    §11. Le Congrès de la fusion devra avoir lieu au plus tard le 15 février 1923. Si, avant ce Congrès commun, des Congrès spéciaux des deux partis sont nécessaires, c’est le CEIC qui décidera de la date, du lieu et des conditions de ces Congrès.

    §12. Le Congrès décide de lancer un manifeste sur la question de la fusion, manifeste qui devra être immédiatement publié avec la signature du Présidium et des délégués des deux Partis au 4e Congrès.

    §13. Le Congrès rappelle à tous les camarades italiens la nécessité de la plus stricte discipline. Tous les camarades, sans exception, sont tenus de faire tout leur possible pour que la fusion s’opère sans gêne et au plus tôt. Toute faute contre la discipline constituerait dans la situation actuelle un crime contre le prolétariat italien et l’IC.

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    de l’Internationale Communiste

  • Programme de travail et d’action du PC Français au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

    §1. La tâche la plus pressante du Parti est d’organiser la résistance du prolétariat à l’offensive du Capital, qui se déploie en France comme dans les autres grands État industriels.

    La défense de la journée de huit heures, la conservation et l’augmentation des salaires acquis, la lutte pour toutes les revendications économiques journalières constituent la meilleure plate-forme pour rassembler le prolétariat dispersé, lui rendre la confiance en sa force et en son avenir.

    Le Parti doit immédiatement prendre en mains l’initiative des mouvements d’ensemble susceptibles de faire échec à l’offensive du Capital et de rendre à la classe ouvrière la notion de son unité.

    §2. Le Parti doit mener campagne pour mettre en évidence devant les travailleurs l’interdépendance du maintien de la journée de huit heures et de la sauvegarde des salaires, la répercussion inévitable de l’une de ces revendications sur l’autre.

    Il doit saisir comme possibilités d’agitation, non seulement les menées du patronat, mais aussi les atteintes portées par l’État aux intérêts immédiats des ouvriers, comme par exemple l’impôt sur les salaires, et toutes les questions économiques intéressant la classe ouvrière, telle que l’augmentation des loyers, les impôts de consommation, les assurances sociales, etc.

    Le Parti entreprendra une active campagne de propagande dans la classe ouvrière pour la création de Conseils d’usines englobant l’ensemble des travailleurs de chaque entreprise, qu’ils soient ou ne soient pas déjà organisés économiquement ou politiquement, et destinés notamment à exercer un contrôle ouvrier sur les conditions du travail et de la production.

    §3. Les mots d’ordre de lutte pour les revendications matérielles pressantes du prolétariat doivent servir de moyens de réalisation du front unique contre la réaction économique et politique.

    La tactique du front unique ouvrier sera la règle générale des actions de masse. Le Parti doit créer des conditions favorables à la réussite de cette tactique en entreprenant une préparation sérieuse de sa propre organisation et des éléments sympathisants, par tous les moyens de propagande et d’agitation dont il dispose.

    La presse, les tracts, les brochures, les réunions de toute espèce, tout doit concourir à cette préparation que le Parti étendra à tous les groupements prolétariens comptant des communistes.

    Le Parti doit faire appel aux organisations ouvrières rivales importantes, politiques et économiques, avec éclat et sans jamais cesser de commenter publiquement ses propositions ou celles des réformistes, les acceptations et les refus des uns ou des autres.

    Il ne renoncera en aucun cas à son indépendance complète, à son droit de critique des participants à l’action. Il cherchera toujours à prendre et à conserver l’initiative et à influer sur toute autre initiative dans le sens de son programme.

    §4. Pour se mettre en condition de participer à l’action ouvrière sous toutes ses formes, de contribuer à l’orienter ou de remplir dans certaines circonstances un rôle déterminant, le Parti doit constituer, sans perdre un jour, son organisation de travail syndical.

    La formation de Commissions syndicales auprès des fédérations et Sections (décidée par le Congrès de Paris) et de groupes communistes dans les usines et grandes entreprises capitalistes ou étatiques, fera pénétrer dans les masses ouvrières les ramifications du Parti, grâce auxquelles celui-ci pourra diffuser ses mots d’ordre et accroître l’influence communiste sur le mouvement prolétarien.

    Les Commissions syndicales, à tous les degrés de la structure du Parti et des syndicats, se tiendront en liaison avec les communistes restés, en accord avec le Parti, dans la CGT réformiste et les guideront dans leur opposition à la politique des dirigeants officiels ; elles enregistreront les membres du Parti syndiqués, contrôleront leur activité et leur transmettront les directives du Parti.

    §5. Le travail communiste dans tous les syndicats sans exception consiste en premier lieu dans la lutte pour le rétablissement de l’unité syndicale indispensable à la victoire du prolétariat. Chaque occasion doit être utilisée par les communistes pour montrer les effets néfastes de la division actuelle et préconiser la fusion.

    Le Parti combattra toute tendance à la dispersion de l’action, au morcellement de l’organisation, au particularisme professionnel ou local, à l’idéologie anarchiste.

    Il soutiendra la nécessité de la centralisation du mouvement, la formation de vastes organisations par industries, la coordination des grèves pour substituer aux actions localisées et limitées, vouées d’avance à l’insuccès, les actions d’ensemble susceptibles d’entretenir la confiance des travailleurs dans leur force.

    Dans la CGT Unitaire, les communistes combattront toute tendance contraire au ralliement des syndicats français à l’ISR. Dans la CGT réformiste, ils dénonceront l’Internationale d’Amsterdam et les pratiques de collaboration de classe des dirigeants. Dans les deux CGT, ils préconiseront les démonstrations et actions communes, les grèves en commun, le front unique, l’unité organique, le programme intégral de l’ISR.

    §6. Le Parti doit tirer profit de chaque mouvement de masses spontané ou organisé, revêtant une certaine ampleur, pour mettre en lumière le caractère politique de toute lutte de classe, et utiliser les conditions favorables à la propagation de ses mots d’ordre de lutte politique, comme l’amnistie, l’annulation du traité de Versailles, l’évacuation de la rive gauche du Rhin par l’armée d’occupation, etc.

    §7. La lutte contre le traité de Versailles et ses conséquences doit passer au premier plan des préoccupations du Parti. Il s’agit de rendre active la solidarité des prolétariats de France et d’Allemagne contre la bourgeoisie des deux pays, profiteuse du traité.

    Pour cela, le devoir urgent du Parti français est de faire connaître aux ouvriers et aux soldats la situation tragique de leurs frères allemands, écrasés sous les difficultés matérielles de la vie, résultant essentiellement des conséquences du traité. L’État allemand ne satisfait aux exigences des Alliés qu’en chargeant davantage la classe ouvrière.

    La bourgeoisie française épargne la bourgeoisie allemande, traite avec elle au détriment des ouvriers, favorise son entreprise de mainmise sur les services publics et lui garantit aide et protection contre le mouvement révolutionnaire. Les deux bourgeoisies se préparent à conclure l’alliance du fer français et du charbon allemand, à s’entendre pour l’occupation de la Ruhr qui signifiera la mise en esclavage des mineurs du bassin.

    Le danger menace non seulement les exploités de la Ruhr, mais encore les travailleurs français, incapables de soutenir la concurrence de la main-d’œuvre allemande, réduite pour les capitalistes français à un bon marché exceptionnel grâce à la dépréciation du mark. Le Parti doit faire comprendre cette situation à la classe ouvrière française et la tenir en garde contre le péril imminent.

    La presse doit constamment décrire les souffrances du prolétariat allemand, victime du traité de Versailles, et démontrer l’impossibilité de réaliser le traité. Une propagande spéciale doit être faite dans les régions occupées militairement et dans les régions dévastées, pour dénoncer les deux bourgeoisies comme responsables des maux qui affligent ces contrées et développer l’esprit de solidarité des ouvriers des deux pays.

    Le mot d’ordre communiste doit être: fraternisation des soldats et des ouvriers français et allemands sur la rive gauche du Rhin. Le Parti se tiendra en liaison étroite avec le Parti frère d’Allemagne pour mener à bien cette lutte contre le traité de Versailles et ses conséquences.

    Le Parti combattra l’impérialisme français, non seulement dans sa politique à l’égard de l’Allemagne, mais dans ses manifestations sur toute la surface du globe, en particulier les traités de paix de Saint-Germain, Neuilly, Trianon et Sèvres.

    §8. Un travail systématique de pénétration communiste dans l’armée doit être entrepris par le Parti. La propagande antimilitariste doit se différencier nettement du pacifisme bourgeois hypocrite et s’inspirer du principe de l’armement du prolétariat et du désarmement de la bourgeoisie.

    Dans leur presse, au Parlement, en toute occasion favorable, les communistes soutiendront les revendications des soldats, préconiseront la reconnaissance des droits politiques de ceux-ci, etc. Lors des appels de nouvelles classes, des menaces de guerre, l’agitation antimilitariste révolutionnaire doit être intensifiée. Elle se fera sous la direction d’un organe spécial du Parti, avec participation des JC.

    §9. Le Parti doit prendre en mains la cause des populations coloniales exploitées et opprimées par l’impérialisme français, soutenir leurs revendications nationales constituant des étapes vers leur libération du joug capitaliste étranger, défendre sans réserve leur droit à l’autonomie ou à l’indépendance.

    Lutter pour leurs libertés politiques et syndicales sans restrictions, contre la conscription des indigènes, pour les revendications des soldats indigènes, telle est la tâche immédiate du Parti.

    Celui-ci doit combattre impitoyablement les tendances réactionnaires existant, même parmi certains éléments ouvriers, et consistants dans la limitation des droits des indigènes. Il créera auprès de son CD un organisme spécial consacré au travail communiste dans les colonies.

    §10. La propagande dans la classe paysanne, tendant à gagner à la Révolution la majorité des ouvriers agricoles, métayers et fermiers, et à acquérir les sympathies des petits propriétaires, doit être accompagnée d’une action pour l’obtention de meilleures conditions de vie et de travail des paysans salariés ou dépendant de gros propriétaires.

    Une telle action exige que les organisations régionales du Parti établissent et propagent des programmes de revendications immédiates appropriées aux conditions spéciales de chaque région.

    Le Parti doit favoriser les associations agricoles, coopératives et syndicales qui vont à l’encontre de l’individualisme paysan. Il doit particulièrement s’attacher à la création et au développement des syndicats professionnels parmi les ouvriers agricoles.

    §11. Le travail communiste parmi les ouvrières est d’un intérêt primordial et exige une organisation spéciale. Une commission centrale auprès du CD avec un secrétariat permanent, des commissions locales de plus en plus nombreuses, un organe consacré à la propagande féminine sont nécessaires.

    Le Parti doit soutenir l’unification des revendications économiques des ouvrières et des ouvriers, l’égalisation des salaires pour un même travail sans distinction de sexe, la participation des femmes exploitées aux campagnes et aux luttes des ouvriers.

    §12. Il faut consacrer au développement des JC des efforts plus méthodiques et plus soutenus que le Parti ne l’a fait dans le passé. Des rapports réciproques doivent être établis entre le Parti et les JC à tous les échelons de l’organisation.

    En principe, la Jeunesse doit être représentée dans toutes les commissions formées auprès du CD. Les fédérations, Sections, propagandistes du Parti ont l’obligation de donner leur aide aux groupes de Jeunesses existants, d’en créer de nouveaux.

    Le CD est tenu de veiller au développement de la presse des Jeunesses et d’assurer à celles-ci une tribune dans les organes centraux. Le Parti doit faire siennes dans les syndicats les revendications de la jeunesse ouvrière conformes à son programme.

    §13. Dans les coopératives, les communistes défendront le principe de l’organisation nationale unique et créeront des groupes communistes reliés à la Section coopérative de l’IC par l’intermédiaire d’une commission rattachée au CD.

    Dans chaque fédération, une commission spéciale doit se consacrer au travail communiste dans les coopératives. Les communistes s’efforceront d’utiliser la coopération comme auxiliaire du mouvement ouvrier.

    §14. Les élus au Parlement, aux municipalités, etc., doivent mener la lutte la plus énergique liée étroitement aux luttes ouvrières et aux campagnes conduites par le Parti et les organisations syndicales hors du Parlement.

    Les députés communistes, sous le contrôle et la direction du CC du Parti, les conseillers communistes municipaux, généraux et d’arrondissement, sous le contrôle et la direction des Sections et des fédérations, doivent être employés par le Parti comme agents d’agitation et de propagande, conformément aux thèses du 2e Congrès de l’IC.

    §15. Le Parti, pour s’élever à la hauteur des tâches tracées par son programme et par les Congrès nationaux et internationaux et pour se rendre apte à les réaliser, doit perfectionner et renforcer son organisation, selon l’exemple des grands PC des autres pays et les règles de l’IC.

    Il lui faut une centralisation sévère, une discipline inflexible, une subordination étroite de chaque membre du Parti, de chaque organisme à l’organisme placé au-dessus.

    Il est indispensable aussi de développer l’éducation marxiste des militants en multipliant systématiquement les cours doctrinaux dans les Sections, en ouvrant des écoles du Parti, ces cours et ces écoles étant mis sous la direction d’une Commission Centrale du CD.

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur la question française au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

    §1. La crise du Parti et le rôle des fractions. — Le 4e Congrès de l’IC constate que l’évolution de notre Parti français depuis le socialisme parlementaire jusqu’au communisme révolutionnaire s’opère avec une extrême lenteur qui est loin de s’expliquer par les conditions uniquement objectives, par les traditions, par la psychologie nationale de la classe ouvrière, etc., mais qui est due, avant tout, à une résistance directe et parfois exceptionnellement opiniâtre des éléments non communistes qui sont encore très forts dans les sommets du Parti et particulièrement dans la fraction du centre qui, depuis Tours, a eu, pour la plus grande part, la direction du Parti.

    La cause fondamentale de la crise aiguë que traverse actuellement le Parti se trouve dans la politique d’attente, indécise et hésitante, des éléments dirigeants du centre qui, devant les exigences urgentes de l’organisation du Parti, essaient de gagner du temps, couvrant ainsi une politique de sabotage direct dans les questions syndicale, du front unique, de l’organisation du Parti et autres.

    Le temps ainsi gagné par les éléments dirigeants du centre a été perdu pour le progrès révolutionnaire du prolétariat français.

    Le Congrès fait au CEIC une obligation de suivre de toute son attention la vie intérieure du PC français afin de pouvoir, en s’appuyant sur la majorité incontestablement prolétarienne et révolutionnaire, le libérer de l’influence des éléments qui ont engendré la crise et qui ne cessent de l’aggraver.

    Le Congrès rejette l’idée même d’une scission, qui n’est en rien suggérée par la situation du Parti. L’écrasante majorité de ses membres est sincèrement et profondément dévouée à la cause communiste.

    Seul, un manque de clarté subsistant dans la doctrine et la conscience du Parti a permis à ses éléments conservateurs, centristes et semi-centristes, d’apporter un trouble aussi aigu et d’engendrer des fractions.

    Un effort ferme et constant pour éclaircir l’essence des questions litigieuses devant le Parti groupera, sur le terrain des décisions du présent Congrès, l’écrasante majorité des membres du Parti et, avant tout, sa base prolétarienne.

    Quant aux éléments qui adhèrent au Parti, mais en même temps sont liés par toute la nature de leur pensée et de leur vie aux mœurs et coutumes de la société bourgeoise et sont incapables de comprendre la véritable politique prolétarienne ou de se soumettre à la discipline révolutionnaire, leur rejet progressif du Parti est la condition indispensable de son assainissement, de sa cohésion et de sa faculté d’action.

    L’avant-garde communiste de la classe ouvrière a besoin naturellement d’intellectuels qui apportent à son organisation leurs connaissances théoriques, leurs dons d’agitateurs ou d’écrivains, mais à condition que ces éléments rompent absolument et sans retour avec les mœurs et coutumes du milieu bourgeois, brûlent derrière eux tous les ponts les rattachant au camp dont ils sont sortis, ne demandent pour eux ni exception, ni privilèges et se soumettent à la discipline, à l’égal de simples militants.

    Les intellectuels, si nombreux en France, qui entrent dans le Parti en amateurs ou en carriéristes, lui causent seulement un immense dommage ; ils le compromettent devant les masses prolétariennes et l’empêchent de conquérir la confiance de la classe ouvrière.

    Il faut à tout prix épurer impitoyablement le Parti de pareils éléments et fermer les portes devant eux. Le meilleur moyen pour cela serait d’effectuer une révision générale des effectifs du Parti au moyen d’une commission spéciale composée d’ouvriers irréprochables sous le rapport de la morale communiste.

    Le Congrès constate que la tentative faite par le CEIC pour atténuer les manifestations de la crise dans le domaine de l’organisation en constituant les organes dirigeants sur la base paritaire entre les deux principales fractions du centre et de la gauche a été rendue vaine par le centre sous l’influence indubitable de ses éléments les plus conservateurs, qui prennent dans cette fraction une prépondérance inévitable toutes les fois qu’elle s’oppose à la gauche.

    Le Congrès estime nécessaire d’expliquer à tous les membres du PC français que les efforts du CEIC tendant à obtenir un accord préalable entre les principales fractions avaient pour but de faciliter les travaux du Congrès de Paris et ne constituaient, en aucun cas, une atteinte aux droits du Congrès comme organe souverain du Paris Communiste français.

    Le Congrès estime nécessaire d’établir que, quelles qu’aient pu être les erreurs particulières de la gauche, elle s’est efforcée essentiellement, pendant comme avant le Congrès de Paris, de réaliser la politique de l’IC, et que dans les principaux problèmes du mouvement révolutionnaire, dans la question du front unique et dans la question syndicale, elle a occupé, en face du centre et du groupe Renoult, la position juste.

    Le Congrès invite instamment tous les éléments véritablement révolutionnaires et prolétariens, qui sont indubitablement en majorité dans le centre, à mettre fin à l’opposition des éléments conservateurs et à s’unir avec la gauche dans un travail commun.

    La même remarque se rapporte à la fraction qui par ses effectifs, arrive la troisième et qui mène la campagne la plus vive, et manifestement erronée, contre la politique du front unique.

    §2. L’extrême-gauche. — En liquidant le caractère fédéraliste de son organisation, la Fédération de la Seine a repoussé par là même la position manifestement erronée de l’aile soi-disant d’extrême-gauche.

    Cependant cette dernière, en la personne des camarades Heine et Lavergne, a cru pouvoir donner au citoyen Delplanque un mandat impératif en vertu duquel le citoyen Delplanque s’engageait à s’abstenir de voter sur toutes les questions et à ne prendre aucun engagement. Cette façon d’agir des représentants déjà nommés de l’extrême-gauche témoigne de leur parfaite incompréhension du sens et de l’essence de l’IC.

    Les principes du centralisme démocratique qui sont à la base de nos organisations excluent radicalement la possibilité de mandats impératifs, qu’il s’agisse de Congrès fédéraux, nationaux ou internationaux. Les Congrès n’ont de sens que dans la mesure où les décisions collectives des organisations –locales, nationales ou internationales –sont élaborées par le libre examen et la décision de tous les délégués.

    Il est tout à fait évident que les discussions, l’échange des expériences et des arguments de chacun dans un Congrès seraient dépourvus de sens, si les délégués étaient liés d’avance par des mandats impératifs.

    La violation des principes fondamentaux de l’organisation de l’Internationale est aggravée dans le cas actuel par le refus de ce groupe de ne prendre aucun engagement à l’égard de l’Internationale, comme si le seul fait d’appartenir à l’Internationale n’imposait pas à tous ses membres des engagements absolus de discipline et de mise en pratique de toutes les décisions adoptées.

    Le Congrès invite le CD de notre Section française à étudier, sur place, tous les éléments de cet incident et à en tirer toutes les conclusions politiques et d’organisation qui en découlent.

    §3. La question syndicale. —Les décisions prises par le Congrès dans la question syndicale comportent certaines concessions de forme et d’organisation destinées à faciliter le rapprochement du Parti et des organisations syndicales ou masses syndiquées n’adoptant pas encore le point de vue communiste.

    Mais ce serait dénaturer complètement le sens de ces décisions que de vouloir les interpréter comme une approbation de la politique d’abstention syndicale qui a été dominante dans le Parti et que prêchent encore aujourd’hui beaucoup de ses membres.

    Les tendances représentées dans cette question par Ernest Lafont sont en contradiction complète et inconciliables avec les missions révolutionnaires de la classe ouvrière et avec toute la conception du communisme.

    Le Parti ne peut ni ne veut attenter à l’autonomie des syndicats, mais il doit démasquer et châtier impitoyablement ceux de ses membres qui réclament l’autonomie en vue de leur action désorganisatrice et anarchiste au sein des syndicats.

    Dans cette question essentielle, l’Internationale souffrira moins que dans n’importe quel autre domaine toute déviation ultérieure de la voie communiste, la seule juste du point de vue de la pratique internationale, comme de celui de la théorie.

    §4. Les leçons de la grève du Havre. — La grève du Havre, malgré son caractère local, est un témoignage indubitable de la combativité croissante du prolétariat français.

    Le gouvernement capitaliste a répondu à la grève par l’assassinat de quatre ouvriers, comme s’il se hâtait de rappeler aux ouvriers français qu’ils ne pourront conquérir le pouvoir et détruire l’esclavage capitaliste qu’au prix de la plus grande lutte, du maximum de dévouement et d’abnégation et de nombreux sacrifices.

    Si la réponse du prolétariat français aux assassinats du Havre a été complètement insuffisante, la responsabilité en incombe non seulement à la trahison, devenue depuis longtemps de règle parmi les dissidents et les syndicalistes réformistes, mais aussi à la manière d’agir complètement erronée des organes dirigeants de la CGTU et du PC.

    Le Congrès estime nécessaire de s’arrêter sur cette question parce qu’elle nous offre un exemple éclatant de la manière radicalement fausse d’aborder les problèmes d’action révolutionnaire.

    En divisant d’une façon incorrecte en principe la lutte de classe du prolétariat en deux domaines soi-disant indépendants, l’économique et le politique, le Parti, cette fois encore, ne fit preuve d’aucune initiative indépendante, se bornant à appuyer la CGTU, comme si en réalité l’assassinat de quatre prolétaires par le gouvernement du capital était un acte économique et non un événement politique de première importance.

    Quant à la CGTU, sous la pression du Syndicat parisien du Bâtiment, elle proclama le lendemain des assassinats du Havre, un dimanche, une grève générale de protestation pour le mardi. Les ouvriers de France n’eurent pas le temps, dans beaucoup d’endroits, d’apprendre non seulement l’appel à la grève générale, mais même le fait de l’assassinat. Dans ces conditions, la grève générale était d’avance vouée à l’échec.

    Il n’y a pas de doute que, cette fois encore, la CGTU n’ait adapté sa politique aux éléments anarchistes, organiquement étrangers à la compréhension de l’action révolutionnaire et à sa préparation, et qui suppléent à la lutte révolutionnaire par des appels révolutionnaires de leurs coteries, sans se soucier de la réalisation de ces appels.

    Le Parti, de son côté, capitula en silence devant la démarche évidemment erronée de la CGTU au lieu d’essayer, sous une forme amicale mais instante, d’obtenir de cette dernière l’ajournement de la manifestation gréviste dans le but de développer une vaste agitation de masse.

    La première obligation, tant du Parti que de la CGTU devant le crime ignoble de la bourgeoisie française, était de mobiliser immédiatement un millier des meilleurs agitateurs du Parti et des syndicats à Paris et en province, pour expliquer aux éléments les plus arriérés de la classe ouvrière le sens des événements du Havre, et pour préparer les masses ouvrières à la protestation et à la défense.

    Le Parti était tenu, en pareil cas, de lancer à plusieurs millions d’exemplaires un appel à la classe ouvrière et aux paysans, à l’occasion du crime du Havre.

    L’organe central du Parti devait quotidiennement poser aux réformistes — socialistes et syndicalistes — la question : quelle est la forme de lutte que vous proposez en réponse aux assassinats du Havre ?

    De son côté le Parti devait, de concert avec la CGTU, lancer l’idée d’une grève générale, sans en fixer d’avance la date et la durée, en se laissant guider par le développement de l’agitation et du mouvement dans le pays.

    Il était indispensable de tenter de constituer dans chaque usine, ou dans chaque quartier, ville et région, des Comités provisoires de protestation dans la composition desquels les communistes et syndicalistes révolutionnaires comme initiateurs auraient fait entrer des membres ou des représentants des organisations réformistes.

    Seule, une campagne de ce genre, systématique, concentrée, universelle par ses moyens, tendue et infatigable, pouvait, menée pendant toute une semaine et plus, être couronnée par un mouvement puissant et imposant, sous la forme d’une grande grève de protestation, de manifestation dans la rue, etc.

    Le résultat sûr d’une telle campagne aurait été d’augmenter dans les masses les liaisons, l’autorité et l’influence du Parti et de la CGTU, de les rapprocher mutuellement dans le travail révolutionnaire et de rapprocher d’eux la partie de la classe ouvrière qui suit encore les réformistes.

    La prétendue grève générale du 1emai 1921, que les éléments révolutionnaires ne surent pas préparer et que les réformistes firent criminellement échouer, constitua un tournant dans la vie intérieure de la France, en affaiblissant le prolétariat et en renforçant la bourgeoisie.

    La «grève générale» de protestation du mois d’octobre 1922 fut, au fond, une trahison réitérée de la droite et une nouvelle erreur de la gauche.

    L’Internationale invite, de la manière la plus énergique, les camarades français, dans quelque branche du mouvement prolétarien qu’ils travaillent, à accorder une attention extrême aux problèmes de l’action des masses, à en étudier minutieusement les conditions et les méthodes, à soumettre les erreurs de leurs organisations dans chaque cas concret à une analyse critique attentive, à préparer non moins minutieusement les éventualités mêmes d’action des masses au moyen d’une agitation vaste et tendue, à proportionner les mots d’ordre à la disposition et à l’aptitude des masses à l’action.

    Les chefs réformistes s’appuient dans leurs actes de trahison sur les conseils, suggestions et indications de toute l’opinion publique bourgeoise, à laquelle ils sont indissolublement liés.

    Les syndicalistes révolutionnaires, qui ne peuvent pas ne pas être en minorité dans les organisations syndicales commettront d’autant moins d’erreurs que le Parti comme tel, consacrera plus d’attention à toutes les questions du mouvement ouvrier, étudiant minutieusement les conditions et le milieu et présentant aux syndicats, par l’intermédiaire de ses membres, telles ou telles propositions en conformité avec toute la situation.

    §5. La franc-maçonnerie, la Ligue des Droits de l’Homme et la presse bourgeoise. —L’incompatibilité de la franc-maçonnerie et du socialisme était considérée comme évidente dans la plupart des partis de la 2e Internationale.

    Le Parti Socialiste italien a exclu les Francs-Maçons en 1914, et cette mesure a été, sans aucun doute, une des raisons qui ont permis à ce Parti de suivre, pendant la guerre, une politique d’opposition, puisque les Francs-Maçons, en qualité d’instruments de l’Entente, agissaient en faveur de l’intervention.

    Si le 2e Congrès de l’IC n’a pas formulé, dans les conditions d’adhésion à l’Internationale, de point spécial sur l’incompatibilité du communisme et de la franc-maçonnerie, c’est parce que ce principe a trouvé sa place dans une résolution séparée votée à l’unanimité du Congrès.

    Le fait, qui s’est révélé d’une façon inattendue au 4e Congrès de l’IC, de l’appartenance d’un nombre considérable de communistes français aux loges maçonniques est, aux yeux de l’IC, le témoignage le plus manifeste et en même temps le plus pitoyable que notre Parti français a conservé, non seulement l’héritage psychologique de l’époque du réformisme, du parlementarisme et du patriotisme, mais aussi des liaisons tout à fait concrètes, extrêmement compromettantes pour la tête du Parti, avec les institutions secrètes, politiques et carriéristes de la bourgeoisie radicale.

    Tandis que l’avant-garde communiste du prolétariat recueille toutes ses forces pour une lutte sans merci contre tous les groupements et organisations de la société bourgeoise au nom de la dictature prolétarienne, de nombreux militants responsables du Parti, députés, journalistes, et jusqu’à des membres du CD, conservent une liaison étroite avec les organisations secrètes de l’ennemi.

    Un fait particulièrement déplorable est celui que tout le Parti, dans toutes ses tendances, n’a pas soulevé cette question après Tours, malgré sa clarté évidente pour toute l’Internationale et qu’il ait fallu la lutte des fractions à l’intérieur du Parti pour la faire surgir devant l’Internationale dans toute son importance menaçante.

    L’Internationale considère comme indispensable de mettre fin, une fois pour toutes, à ces liaisons compromettantes et démoralisatrices de la tête du PC avec les organisations politiques de la bourgeoisie.

    L’honneur du prolétariat de France exige qu’il épure toutes ses organisations de classe des éléments qui veulent appartenir à la fois aux deux camps en lutte.

    Le Congrès charge le CD du PC français de liquider avant le 1er janvier 1923 toutes les liaisons du Parti, en la personne de certains de ses membres et de ses groupes, avec la franc-maçonnerie.

    Celui qui, avant le 1er janvier, n’aura pas déclaré ouvertement à son organisation et rendu publique par la presse du Parti sa rupture complète avec la franc-maçonnerie est, par là même, automatiquement exclu du PC sans droit d’y jamais adhérer à nouveau, à quelque moment que ce soit. La dissimulation par quiconque de son appartenance à la franc-maçonnerie sera considérée comme pénétration dans le Parti d’un agent de l’ennemi et flétrira l’individu en cause d’une tâche d’ignominie devant tout le prolétariat.

    Considérant que le seul fait d’appartenir à la franc-maçonnerie, qu’on ait poursuivi ou non, ce faisant, un but matériel, carriériste ou tout autre but flétrissant, témoigne d’un développement extrêmement insuffisant de la conscience communiste et de la dignité de classe, le 4e Congrès reconnaît indispensable que les camarades qui ont appartenu jusqu’à présent à la franc-maçonnerie et qui rompront maintenait avec elle soient privés durant deux ans du droit d’occuper des postes importants dans le Parti.

    Ce n’est que par un travail intense pour la cause de la révolution en qualité de simples militants, que ces camarades peuvent reconquérir la confiance complète et le droit d’occuper dans le Parti des postes importants.

    Considérant que la Ligue pour la défense des Droits de l’Homme et du Citoyen est, dans son essence, une organisation du radicalisme bourgeois, qu’elle utilise ses actes isolés contre telle ou telle injustice pour semer les illusions et les préjugés de la démocratie bourgeoise et surtout que, dans les cas les plus décisifs et les plus graves, comme par exemple pendant la guerre, elle prête tout son appui au capital organisé sous forme d’État, le 4e Congrès de l’IC estime absolument incompatible avec le titre de communiste et contraire aux conceptions élémentaires du communisme le fait d’appartenir à la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen et invite tous les membres du Parti adhérant à cette Ligue à en sortir avant le 1ejanvier 1923, en le portant à la connaissance de leur organisation et en le publiant dans la presse.

    Le Congrès invite le CD du PC français:

    1) À publier immédiatement son appel à tout le Parti, éclaircissant le sens et la portée de la présente résolution.

    2) À prendre toutes les mesures découlant de la résolution pour que l’épuration du Parti de la franc-maçonnerie et la rupture de toute relation avec la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen soit effectuée sans faiblesse et sans omission avant le 1erjanvier 1923. Le Congrès exprime son assurance que, dans son travail d’épuration et d’assainissement, le CD sera soutenu par l’immense majorité des membres du Parti, à quelque fraction qu’ils appartiennent.

    Le CD doit dresser les listes de tous les camarades qui, à Paris et en province, tout en faisant partie du PC et en assumant des postes divers, même de confiance, collaborent en même temps à la presse bourgeoise et inviter ces éléments à faire, avant le 1ejanvier 1923, un choix complet et définitif entre les organes bourgeois de corruption des masses populaires et le Parti révolutionnaire de la dictature du prolétariat.

    Les fonctionnaires du Parti qui ont violé la prescription établie et réitérée maintes fois dans des décisions visant le Parti français doivent être privés du droit d’occuper des postes de confiance pendant un an.

    §6. Les candidats du Parti. — Afin de donner au Parti un caractère vraiment prolétarien et dans le but d’écarter de ses rangs les éléments qui n’y voient qu’une antichambre du Parlement, des conseils municipaux, des conseils généraux, etc., il est indispensable d’établir comme règle inviolable que les listes des candidats présentées par le Parti aux élections comprendront au moins neuf dixièmes d’ouvriers communistes travaillant encore à l’atelier, à l’usine ou aux champs, et de paysans ;

    les représentants des professions libérales ne peuvent être admis que dans la limite strictement déterminée d’un dixième au plus du nombre total des sièges éligibles que le Parti occupe ou espère occuper par l’intermédiaire de ses membres ;

    En outre, on fera preuve d’une rigueur particulière dans le choix des candidats appartenant aux professions libérales (vérification minutieuse de leurs antécédents politiques, de leurs relations sociales, de leur fidélité et de leur dévouement à la cause de la classe ouvrière), par des commissions essentiellement prolétariennes.

    Sous ce régime seulement, les parlementaires, conseillers municipaux et généraux, et maires communistes, cesseront d’être une caste professionnelle n’ayant dans la plupart des cas que peu de rapports avec la classe ouvrière et deviendront l’un des instruments de la lutte révolutionnaire des masses.

    §7. L’action communiste dans les colonies. — Le 4e Congrès attire encore une fois l’attention sur l’importance exceptionnelle d’une activité juste et systématique du PC dans les colonies.

    Le Parti condamne catégoriquement la position de la Section communiste de Sidi Bel-Abbès, qui couvre d’une phraséologie pseudo-marxiste un point de vue purement esclavagiste, soutenant, au fond, la domination impérialiste du capitalisme français sur ses esclaves coloniaux. Le Congrès estime que notre activité dans les colonies doit s’appuyer, non pas sur des éléments aussi pénétrés de préjugés capitalistes et nationalistes, mais sur les meilleurs éléments des indigènes eux-mêmes et, en premier lieu, sur la jeunesse prolétarienne indigène.

    Seules, une lutte intransigeante du PC dans la métropole contre l’esclavage colonial et une lutte systématique dans les colonies elles-mêmes peuvent affaiblir l’influence des éléments ultra-nationalistes des peuples coloniaux opprimés sur les masses travailleuses, attirer la sympathie de ces dernières à la cause du prolétariat français et ne point donner ainsi au capital français, à l’époque du soulèvement révolutionnaire du prolétariat, la possibilité d’employer les indigènes coloniaux comme la dernière réserve de la contre-révolution.

    Le Congrès Mondial invite le Parti français et son CD à prêter infiniment plus d’attention, de force et de moyens que jusqu’à ce jour, à la question coloniale et à la propagande dans les colonies et, entre autres, à créer auprès du CD un bureau permanent d’action coloniale, en y faisant entrer des représentants des organisations communistes indigènes.

    §8. Décisions. —

    a) Comité Directeur. — Exceptionnellement, étant donné la crise aiguë provoquée par le Congrès de Paris, le CD sera constitué sur la base proportionnelle, d’après le vote du Congrès, relative aux organismes centraux.

    Les propositions des diverses fractions seront les suivantes:

    Centre: 10 titulaires et 3 suppléants;

    Gauche: 9 titulaires et 2 suppléants;

    Tendance Renoult: 4 titulaires et 1 suppléant;

    Minorité Renaud Jean: 1 titulaire;

    Jeunesses: 2 représentants avec voix délibérative.

    Le bureau politique sera composé sur la même base, les fractions obtenant respectivement: Centre, 3 postes;

    Gauche, 3;

    tendance Renoult, 1.

    Les membres du CD, comme ceux du bureau politique et des organismes centraux importants, seront désignés par les fractions à Moscou, pour éviter toute contestation d’ordre personnel qui risquerait d’aggraver la crise.

    La liste ainsi élaborée est soumise au 4e Congrès Mondial par la délégation qui s’engage à la défendre devant le parti. Le 4e Congrès prend acte de cette déclaration en exprimant sa conviction que cette liste est la seule possibilité de résoudre la crise du Parti.

    La liste du nouveau CD élaborée par les fractions est la suivante:

    CENTRE Titulaires: Marcel Cachin, Frossard, Garchery, Gourdeaux, Jacob, Laguesse, Lucie Leiciague, Marrane, Paquereaux, Louis Sellier. Suppléants: Dupillet, Pierpont, Plais.

    GAUCHE Titulaires: Bouchez, Cordier, Demusois, Amédée Dunois, Rosmer, Souvarine, Tommasi, Treint, Vaillant-Couturier. Suppléants: Marthe Bigot, Salles.

    FRACTION RENOULT Titulaires: Bartieret, Dubus, Fromont, Werth. Suppléants: Lespagnol.

    Un Conseil National avec pouvoir de Congrès ratifiera cette liste, au plus tard dans la deuxième quinzaine de janvier. Jusqu’à ce moment, le CD provisoire nommé par le Congrès de Paris reste en fonction.

    b) La Presse. — Le Congrès confirme le régime de la presse déjà décidé:

    1) Direction des journaux remise au bureau politique;

    2) Editorial non signé apportant chaque jour aux lecteurs l’opinion du Parti;

    3) Interdiction pour les journalistes du Parti de collaborer à la presse bourgeoise.

    Directeur de l’Humanité: Marcel Cachin,

    Secrétaire général: Amédée Dunois, tous deux ayant des pouvoirs égaux, c’est-à-dire que tout conflit surgissant entre eux sera porté devant le bureau politique et tranché par lui.

    Secrétariat de rédaction: un au Centre et un à la Gauche.

    La rédaction du Bulletin Communiste sera remise à un camarade de la Gauche.

    Les rédacteurs démissionnaires rentreront à la rédaction. Pour préparer le Conseil National, la page du Parti sera rétablie avec liberté d’écrire pour chaque tendance.

    c) Secrétariat général. — Il sera assuré sur la base paritaire par un camarade du Centre et un de la Gauche, tout conflit étant tranché par le bureau politique. Titulaires: Frossard et Treint. Suppléant de Frossard : Louis Sellier.

    d) Délégués à le CEIC. —Le Congrès considère comme absolument nécessaire pour établir des liens tout à fait normaux et cordiaux entre le CEIC et le Parti Français que les deux tendances les plus importantes soient représentées à Moscou par 6 camarades, les plus qualifiés et autorisés de leurs tendances, c’est-à-dire par les camarades Frossard et Souvarine, au moins pour trois mois, jusqu’à la fin de la crise que traverse actuellement le Parti français.

    La représentation du Parti français à Moscou par Frossard et Souvarine donnera la pleine certitude que chaque suggestion du CEIC, faite en accord avec ces deux camarades, aura l’adhésion du Parti tout entier.

    e) Appointements des fonctionnaires du Parti.—En ce qui concerne les appointements des fonctionnaires du Parti, rédacteurs, etc., le Parti créera une commission spéciale composée de camarades ayant toute la confiance morale du Parti pour régler cette question à deux points de vue:

    1) Éliminer toute possibilité de cumul des appointements qui provoque une légitime indignation dans la masse ouvrière du Parti;

    2) Pour les camarades dont le travail est absolument nécessaire au Parti, créer une situation qui leur permette de consacrer toutes leurs forces au service du Parti.

    f) Commissions.—

    1) Conseil d’administration de l’Humanité: 6 Centre, 5 Gauche, 2 tendance Renoult.

    La Commission accepte que la RP fonctionne aussi exceptionnellement pour les commissions importantes;

    2) Secrétariat syndical: un secrétaire du Centre et un secrétaire de la Gauche – tout conflit entre eux étant examiné par le Bureau Politique.

    g) Cas litigieux.— Les cas litigieux qui émaneraient des décisions d’organisation prises à Moscou, dans leur application, devront être réglés par une commission spéciale composée d’un représentant du Centre, un représentant de la Gauche et du délégué du CEIC comme Président.

    h) Postes prohibés pour les anciens Francs-Maçons. —Par postes prohibés pour les anciens Francs-Maçons, on entend les postes dont les titulaires ont le mandat de représenter plus ou moins indépendamment, sous leur propre responsabilité, les idées du Parti, devant la masse ouvrière, par la parole et par la plume.

    S’il y avait entre les deux fractions, une divergence dans la détermination de ces postes, elle serait soumise à la Commission indiquée plus haut. En cas de difficultés techniques pour la réintégration des rédacteurs démissionnaires, la commission envisagée précédemment réglera ces difficultés. Toutes les résolutions ne concernant pas la constitution du CD sont applicables immédiatement.

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    de l’Internationale Communiste